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BULLINGER
1) L’approche instrumentale
La notion de handicap est elle aussi renouvelée. Le handicap est envisagé comme l’écart qui
existe entre les attentes, les représentations du milieu et la réalité du fonctionnement de la
personne en difficulté.
L’observation des capacités de la personne se fait plus en terme de processus que de présence
ou d’absence de moyens. On cherche à repérer les difficultés dans un plan d’évolution plutôt
que de les comparer avec une normalité.
Finalement, habiter son organisme, en faire son corps pour faire un certain nombre de tâches
qui sont imposées par la vie suppose qu’on maîtrise les sensations qui arrivent sur l’organisme
et savoir cela, c’est à travers les sensations, délimiter ce qu’on peut appeler une zone habitable
qui est dotée de moyens instrumentaux.
Les stimulations sensorielles se font sous forme de flux. Le flux sensoriel c’est un
ensemble de signaux qui sont CONTINUS qui sont ORIENTES et qui stimulent les systèmes
sensoriels qu’on appelle archaïques.
D’une manière générale, ce qu’on l’on constate c’est que les variations d’orientation du
capteur sensoriel vont transformer le signal. Par exemple, je mets ma main face à la source de
chaleur, quand je retourne ma main la chaleur que je perçois sur la main varie en même temps
que des sensations profondes de mon bras.
C’est la coordination entre cette capacité de mouvement du capteur (la main) et un flux
sensoriel stable qui arrive sur ma main qui va me permettre de construire ce qu’on appelle la
FONCTION PROPRIOCEPTIVE.
La fonction proprioceptive c’est l’idée d’un lien entre la sensibilité profonde qui me dit dans
quelle position, quel est le mouvement d’une partie de mon corps et puis des systèmes
sensoriels qui reçoivent un flux et qui sont sensibles aux variations de ce flux.
Ces SYSTEMES SENSORIELS ARCHAIQUES comme on le voit, on les appelle archaïques
car ils fonctionnent très tôt dans le développement, ont un pouvoir séparateur faible, ce n’est
pas un système qui permet d’analyser des images. C’est un système qui perçoit globalement
un flux et qui est sensible aux variations temporelles, il permet de DETECTER DES
CHANGEMENTS et détecte aussi LES REGULARITES. C’est ce qui permet de former des
HABITUATIONS, on s’habitue à une même configuration sensori-motrice.
Cette habituation, c’est une première activité psychique on la rencontre dans toutes les
espèces animales.
La perception d’un flux entraîne chez l’individu une suite de réactions caractéristiques :
Si par exemple, il y a un flux auditif comme un ronronnement et que vous étiez en train de
vous endormir dans la pénombre et que d’un coup je fais un bruit sec, comme taper sur la
table. Vous aurez une première réaction dite d’ALERTE. C'est-à-dire que vous allez d’un seul
coup modifier votre état tonique que vous recrutez, c’est la première chose qui est perçue,
c’est le premier effet d’un flux sur un organisme, c’est d’entraîner une réaction d’alerte, donc
une mise en tension, une augmentation du tonus.
Le deuxième effet d’un flux c’est d’entraîner une réaction d’ORIENTATION, c'est-à-dire il y
a du bruit « ah, c’est où !? »… et vous avez une réaction d’orientation. Ce qui suppose que
vous avez une mise en forme du corps une posture qui va vous orienter en direction de la
source sonore ou bien vous éloigner de cette source sonore.
La troisième réaction, vous vous dites, est-ce que c’est près ou est-ce que c’est loin ? Vous
3 IFP – Université Victor Ségalen Bordeaux 2
Cours 1ère année – Hélène ROYER
2022/2023 LE DEVELOPPEMENT SENSORI-MOTEUR ET L’APPROCHE D’ANDRE
BULLINGER
D’abord :
LE FLUX GRAVITAIRE : les forces de la pesanteur. Notre organisme est soumis à ces
forces. Ce flux gravitaire influence notre architecture. Notre organisme est construit (nos os,
nos muscles sont construits) pour lutter contre cette force de gravité. Ce flux gravitaire est
perçu spécifiquement par le système vestibulaire (de l’oreille interne) et ce système est
sensible aux accélérations qui sont produites par les mouvements.
Ce dont il faut se rendre compte, c’est que notre corps (la masse corporelle) sent les forces, il
est étiré, il est écrasé par ces forces et c’est une autre façon de sentir le flux gravitaire ce
qu’on appelle « le sac », la masse corporelle.
Ce flux permet de nous orienter. Si le tonus et la musculature ne sont pas suffisants, nous
sommes écrasés par la force de la pesanteur. L’enveloppe vestibulaire donne un axe au bébé.
Dans le cas de calcification de l’oreille interne, il y a surdité et perte du flux gravitaire. Quand
on met une personne avec ces troubles dans l’eau, elle perd tous ces repères car elle n’a plus
d’informations provenant de sa masse corporelle.
LES FLUX TACTILES : ils concernent toute la surface du corps. L’enveloppe corporelle est
pourvue de capteurs de densité différentes (densité des capteurs de l’épaule est différente de
celle de la pulpe des doigts) et de propriétés différentes (muqueuses, peau glabre…)
Ce flux est créé non seulement par des contacts avec une surface solide, mais aussi par des
fluides, ou bien des gaz en mouvement, un courant d’air, l’eau de la piscine, stimulent sur le
plan tactile l’enveloppe corporelle. Cette stimulation permet de situer le corps dans l’espace,
d’en connaître ses limites. Ce que l’on constate c’est que chez le petit ou chez la personne qui
a des difficultés de représentation, la réaction à un flux tactile entraîne une mobilisation
tonique globale qui a une forte, très forte composante émotionnelle. C’est un système
archaïque extrêmement important.
Il existe de type de traitement des signaux tactiles :
- un traitement archaïque : il traite les aspects qualitatifs des stimulations : température
et texture (agréable / désagréable – chaud / froid…). C’est le système spino-
thalamique qui est en jeu. La transmission est lente, par des fibres de petits diamètres
dont la projection au niveau cérébral est sous-corticale et bilatérale.
- Un traitement plus récent : il traite les aspects quantitatifs et spatiaux. Là c’est le
système lemniscal qui est en jeu. La transmission est plus rapide. La projection est
controlatérale et organisée de manière somatotopique. Ce traitement est peu présent au
début du développement mais prend de plus en plus de place.
Le système archaïque entraîne des réactions au niveau du tonus. Le système récent, lui, sur le
fond tonique créé par le système archaïque, permet d’ajuster les mouvements.
La défense tactile est une réaction qui privilégie le système archaïque au détriment du système
récent. Il n’y a pas de réaction qui sont spatialement orientées mais seulement des réactions de
retrait ou de rire. On parle alors de trouble de l’intégration sensorielle dans le système tactile.
LES FLUX OLFACTIFS : ils sont étudiés depuis peu chez le nouveau-né. On sait qu’ils
organisent la recherche de nourriture. Ils sont liés aussi à la satisfaction orale et associés à ces
aspects gustatifs. Le flux va prendre une dimension hédonique, une dimension de plaisir en
lien étroit avec une mobilisation de tout le corps. On sait que le petit peut discriminer les
odeurs du sein, de l’aisselle, du cou de sa mère. L’espace olfactif est lié à l’alimentaire mais il
a aussi un rôle contenant. Il pourrait être un élément régulateur du stress chez le bébé.
Des études montrent que 40 % des personnes qui ont perdu l’odorat sont dépressives.
LES FLUX AUDITIFS : on est déjà dans ce que l’on appelle des télérécepteurs, des
récepteurs plutôt à distance, qui sont centrés essentiellement sur la tête. Le flux auditif est
constitué par l’ensemble des sons ambiants y compris le bruit de la ventilation, du
microphone, de votre voisinage, de votre cœur, de votre sang qui circule que vous entendez.
Lorsqu’une source sonore est présente dans ce milieu, elle constitue un point de référence.
« Je suis maintenant moi qui parle, un point de référence dans votre espace sonore, dans cet
espace sonore seulement. »
Ce qui est important c’est que ce flux est perçu quelle que soit l’orientation des capteurs. Que
vous tourniez le dos, ou que vous me regardiez, vous entendez ce que je dis. De ce fait ce
système auditif a une fonction d’alerte qui est extrêmement importante. Les fonctions
d’orientation sont déjà présentes à la naissance. A quelques heures de vie le bébé est capable
de s’orienter et à 5 mois d’évaluer les distances.
Quand on veut mettre une prothèse à un enfant sourd, il faut s’assurer de la présence des pré-
requis à l’analyse du signal sonore (c’est à dire des réactions d’alerte, d’orientation et
d’évaluation de la distance) car ceux-ci sont indispensables à l’établissement de la
communication verbale. Dans un premier temps, il est important d’utiliser ses prothèses pour
ces pré-requis puis ultérieurement pour stimuler l’aspect communicatif.
LES FLUX VISUELS ils sont constitués par l’ensemble des signaux qui émanent de
l’environnement éclairé. Les déplacements des yeux sur l’environnement créent un flux de
même que les mobiles dans l’espace créent un flux. Donc ce flux est dépendant non seulement
de l’environnement mais aussi du fait qu’on ouvre et bouge les yeux.
Les flux visuels sont perçus principalement par le système visuel périphérique (la rétine
périphérique), qui est un système qui n’est pas très fin dans sa discrimination, mais perçoit
très bien les changements. Ces flux périphériques vont jouer un rôle essentiel dans la
régulation de la posture, la régulation tonico-posturale, les mises en forme et l’orientation du
corps. Ces flux visuels nous permettent de comprendre notre corps comme un mobile dans
l’espace, comme un véhicule.
La fonction périphérique, qui influence la régulation tonique et la mise en forme du corps, est
particulièrement investie lors de l’acquisition de nouvelles postures ou de nouvelles habiletés
motrices, et ce à tous les âges de la vie.
La vision focale est assurée par la fovéa. La fovéa est une partie de la rétine qui constitue le
centre de la vision nette où l’acuité visuelle est maximale. Son pouvoir séparateur est élevé et
lui confère la fonction d’analyser les images, de discriminer la brillance, les contours, les
formes et les couleurs. Son utilisation suppose la capacité d’accomodation qui règle la netteté
La covariation entre les signaux permet de construire l’espace. (exemple : covariation entre
les signaux tactiles, vestibulaires et la sensibilité profonde permet de construire la verticale).
C’est à partir de 6 mois que l’enfant utilise les informations sensorielles pour affiner la
réponse motrice la plus adaptée (degré de contraction des muscles posturaux, leur timing…).
2) L’axe de développement :
3) L’équilibre sensori-tonique :
La répétition d’un geste suscite une émotion tant que les structures représentatives qui
suscitent ce geste dans une action ne sont pas en place. CES REPRESENTATIONS
AUTORISENT entre autre UNE ANTICIPATION QUI EST UN PUISSANT MOYEN DE
REGULATION EMOTIONNELLE.
Ce qui est essentiel, c’est d’élargir l’équilibre sensori-tonique, car c’est lui qui va permettre la
variété des conduites de l’enfant.