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Sur le chemin de l'Autonomie - Question

d'éthique
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La question de l'autonomie m'a interpellé dans le sens où, sur chacun de mes lieux
de stage (en crèches et haltes garderies), l'autonomie était prépondérante dans le projet
pédagogique.

Introduction

Dans la crèche collective où j’ai effectué mon stage long, l’équipe, récemment constituée,
était en plein travail d’élaboration du projet pédagogique.
Le thème principal de ce projet était l’autonomie et plus précisément l’autonomie par le biais
de la motricité libre, de la liberté de choix et de l’activité autonome en référence notamment à
Emmi Pikler.
Cette question de l’autonomie m’a interpellé dans le sens où, sur chacun de mes lieux de stage
(en crèches et haltes garderies), l’autonomie était prépondérante dans le projet pédagogique.
Pour autant, les pratiques n’étaient pas les mêmes dans chaque structure.

J’ai ainsi pu dégager trois grandes visions

 La position spontanéiste qui reprend l’idéal rousseauiste d’un épanouissement


spontané de l’enfant dans la liberté c'est-à-dire dans un contexte éducatif sans
contrainte. L’autonomie est pensée comme un donné, un état initial. L’éducateur a
pour tâche de laisser s’exprimer ou de « libérer » l’autonomie « naturelle » des
enfants.
  La position dirigiste qui consiste à transmettre des connaissances, attitude
nécessaires pour devenir autonome plus tard. L’autonomie est renvoyée à plus tard et
l’éducateur peut être amené à refuser l’autonomie de l’enfant ici et maintenant. 
 La position collaborationniste qui se réfère à Bruner et Vygotsky. L’adulte a un rôle
de guidance et d’étayage dans le développement des compétences autonomes chez
l’enfant. Il s’agit d’une pédagogie de l’autonomie qui est avant tout une pédagogie de
la coopération adulte/enfant : l’adulte y est le partenaire de connaissance privilégié des
enfants.

Ma conception du rôle de l’EJE dans un accompagnement de l’enfant sur le


chemin de l’autonomie :

Quel accompagnement ?

Je me rattache plutôt à la vision collaborationniste, car, d'après moi elle correspond à une
certaine « éthique », « morale » ou « déontologie » de l’éducateur de jeunes enfants.
La profession d’EJE ne dispose d’un code de déontologie mais, lorsque l’EJE pose des actes il
se réfère à des valeurs et principes dépendant de son éthique personnelle, d’une morale
collective ou d’une déontologie implicite.

Pour moi cette éthique de l’éducateur consiste à respecter l’enfant en tant que sujet avec son
vécu, sa singularité et à l’accompagner dans son cheminement par la parole, le regard, la
reconnaissance de son ressenti, l’attitude…

« Tel est le rôle des adultes que l'enfant privilégie: celui d'une présence soutenante. »[1]
D’ailleurs, dans le guide de l’éducateur de jeunes enfants, Bruno Le Capitaine[2] place au
premier rang les principes suivants : le respect de la personne, de son intégrité, de ses choix,
de ses droits… ; les respect du sujet dans sa singularité et son irréductible humanité.
Francis Imbert[3], lui, met en avant deux principes qui selon lui constitue le seul repère qui
puisse porter le projet d’une pratique éducative: l’affirmation de la liberté et de la singularité
du sujet.

Comment alors préparer l'enfant à l'exercice de l'autonomie psychique?

L’éducateur peut permettre à l’autonomie d’exister.


Par sa seule présence empathique, il la rend pour l’enfant réellement possible. (Serge
Lebovici[4] définit l’empathie comme suit : « L’empathie veut désigner des situations
relationnelles comportant un certain degré d’affectivité mais sans pitié. »)

Il faut que l’adulte ne soit pas très loin pour que l’autonomie de l’enfant soit possible. Il faut
que l’enfant puisse vérifier qu’il peut encore compter sur l’autre.
Il faut éveiller des dispositions latentes, en favoriser l’éclosion et la croissance.

D’une part en l'amenant régulièrement à éprouver des différences de point de vue; il


apprendra ainsi que l'opinion de l'autre vaut quelque chose.
Le fait d'être confronté à des milieux sociaux différents lui fera prendre conscience des
différents usages et façons de faire.
En structure collective, il me parait primordial de favoriser une démarche pédagogique autour
du fait d'être acteur de ses découvertes. (Pour qu'il s'exerce à se questionner)
L’enfant a également besoin d'être accompagné dans l'idée que grandir ce n'est pas prendre la
place de ses parents.

Il me semble nécessaire de travailler sur soi-même afin de ne pas projeter sur l’enfant nos
propres représentations ou attentes ; il est important de le considérer tel qu’il se présente à
nous avec son vécu, son histoire, ses besoins, ses forces et ses limites, et non pas tel que nous
voudrions qu’il soit. Cette disponibilité et cette présence à l’enfant ne sont possibles que si
l’on effectue un profond et constant travail sur nous-mêmes.

Il faut conserver toute sa vigilance afin de fournir à l'enfant la présence structurante


suffisante, adaptée à son âge et lui permettre d'acquérir la sécurité nécessaire à l'acquisition de
sa progressive autonomie

Sur le chemin de l'Autonomie - Les outils


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La sécurité de base d'un enfant dépend des conditions affectives, relationnelles et
matérielles que nous lui offrons, pour favoriser la fiabilité, la stabilité et la continuité de l'expérience
vécue

Ces conditions sont mises en place d’abord par la famille puis par nous, professionnels,
accueillant l’enfant dans une structure.
Ces conditions doivent être les meilleures possibles pour favoriser la fiabilité, la stabilité et la
continuité de l’expérience vécue et ouvrir à l’enfant le chemin de l’autonomie.
Dans cette démarche en faveur de l’autonomie, l’observation joue un rôle primordial.

1) L’observation :

Au cours de mes différents stages, l’observation a été un outil essentiel me permettant de


réajuster ma pratique professionnelle.
Lors du stage long, mes observations ont été un moteur pour la mise en place de projets dont
un concernant l’objet transitionnel :
Après quelques semaines passées dans la crèche, j’ai pu constater que le plus souvent, c’était
l’adulte qui donnait son doudou à l’enfant s’il sentait que celui-ci en éprouvait le besoin.
La réalisation du sac à doudous a permis aux enfants d’avoir un repère, un endroit précis ou
laisser leur doudou. Nous avons expliqué aux enfants qu’ils pourraient désormais poser leur
doudou dans ce sac et revenir le prendre dès qu’ils le souhaiteraient ; qu’ils pouvaient ranger
leur doudou dans ce sac et qu’ils le retrouvaient quand ils en auraient besoin. Au fur et à
mesure, ils ont compris qu’ils retrouveraient leur doudou à cet endroit quand ils en auraient
besoin.
Nous avons réalisé, à partir recherches que j’avais faites sur l’objet transitionnel, un écrit sur
le thème de l’objet transitionnel dans le projet pédagogique de la crèche.
Sans observation détaillée, il n’aurait sans doute pas été possible pour l’équipe d’évaluer sa
pratique et de la réajuster de la sorte. L’observation rend possible l’ajustement de
l’environnement pour permettre aux enfants de mettre en scène des situations et leur donner la
possibilité de progresser sans les diriger.

2) Le travail d’équipe :

Travailler en équipe auprès du jeune enfant est nécessaire.


Cela permet notamment de réévaluer régulièrement sa pratique professionnelle, rend possible
des allers retours entre les idées de chacun, permettant d’affiner un projet, de pousser la
réflexion. Le travail d’équipe amène une complémentarité.
Les débats permettent de dynamiser l’élaboration collective de nouveaux projets et
réajustements. Le travail d’équipe est indispensable afin d’agir en cohérence auprès du jeune
enfant et de sa famille et d’assurer une continuité dans leur prise en charge.

3) Le projet pédagogique :

Ce type de projet fait partie des exigences du décret d’Août 2000[1] relatif aux établissements
d’accueil d’enfants de moins de 6 ans.
Le travail autour du projet peut avoir des effets très positifs pour l’équipe et ses perspectives
d’organisation et d’accueil.
La qualité de ce projet tient dans la démarche collective des réflexions et questionnements
qu’il permet de susciter.
Le projet pédagogique s’appuie sur une conception progressive des acquisitions et va
supposer des expériences adaptées, en rapport avec les aptitudes et les intérêts de l’enfant qui
vont lui permettre de réaliser, de réussir et donc de renforcer la confiance en soi.

4) Les gestes et les mots adressés à l’enfant :

Comme nous l’avons vu en abordant la définition de ce concept, l’autonomie implique la


conscience de soi.
Or, la prise de conscience par l’enfant de lui-même et de son environnement découle du
regard respectueux porté sur lui par l’adulte qui le considère comme un partenaire et un
interlocuteur ; met des mots sur ce qu’il fait et ressent ; sollicite sa participation active mais
aussi l’avertit de ce qui va lui arriver.
Les gestes et les mots adressés à l’enfant vont l’aider à comprendre et s’approprier le monde
qui l’entoure et à exister en tant que sujet.
Les mots qui précèdent les gestes vont permettre à l’enfant d’anticiper. Il faut associer le plus
possible l’enfant à ce qui lui arrive.

5) L’écoute
Je distingue ici deux types d’écoute :

 L’écoute active : il s’agit avant tout de chercher à comprendre ce que l’enfant veut nous
communiquer en l’écoutant attentivement puis en reformulant son message afin d’en
vérifier la compréhension.
 L’écoute passive et attentive : il s’agit de se montrer attentif à l’expression des sentiments
de l’enfant, maintenir un contact visuel et une proximité physique avec lui tout en
demeurant silencieux.

Ce type d’écoute peut être approprié dans les situations de petits conflits entre enfants où on
leur laisse d’abord, la possibilité de régler eux mêmes leur problème.
D’ailleurs, selon Lilian G. Katz, présidente de la National Association for the Education of
Young Children, « il vaut mieux commencer par laisser les enfants régler eux-mêmes leurs
différends ; ce qui développe leur autonomie et leur permet d’acquérir les outils et habiletés
nécessaires pour résoudre les situations conflictuelles. »[2]
Dans différents projets pédagogiques, j’ai pu constater que l’autonomie était souvent abordée
par rapport à certains moments de la journée notamment autour du repas et du sommeil.

[1]Décret du 1er Août 2000 relatif aux établissements d’accueil d’enfants de moins de 6 ans.

[2]Lilian G.Katz in le style d’intervention démocratique publié par le regroupement des centres de la
petite enfance de l’île de Montréal le 27/08/01998

Sur le chemin de l'Autonomie - Une action


continue
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Toutefois, il me semble important de souligner que notre action pour accompagner


l'enfant sur le chemin de l'autonomie ne doit pas être ponctuelle mais continue.

Une action continue en faveur de l’autonomie du jeune enfant :

1. L’importance du jeu :

Le jeu va favoriser la créativité, les initiatives nouvelles, la maîtrise de son espace de liberté.
Dans le jeu, l’enfant peut dépendre de lui-même sans risque.
L’enfant va pouvoir mettre en scène ses fantasmes, ses désirs ; ce qui va lui donner un
sentiment de liberté.
Le jeu constitue le moteur des apprentissages.
L’enfant a besoin d’un espace de liberté, d’un temps autonome qui va l’autoriser à profiter
pleinement du monde sensoriel qui s’offre à lui.

2. L’objet transitionnel:

D’après Winnicott, qui est le premier à avoir décrit et conceptualisé cette première possession
de l’enfant sous le nom d’objet transitionnel, cet objet représente la transition du bébé d’un
état de fusion avec la mère à un état de relation avec elle en tant que personne extérieure et
séparée.
En réalité, cet attachement pour une peluche, un mouchoir… est une manifestation extérieure
d’un processus psychique sous jacent : le renoncement à une mère totalement présente et
comblante ; et la confrontation à la séparation et à la frustration.
Le doudou est la propriété exclusive de l’enfant qui sait de lui-même à quel moment ce
support ne lui sera plus nécessaire pour aller à la découverte du monde.
En collectivité, des règles sont souvent instituées, limitant le recours au doudou.
Cependant, ces règles peuvent mettre en difficulté certains enfants qui ont vraiment besoin
d’aménager les séparations et dont la sécurité intérieure n’est pas encore suffisante pour
aborder les changements sans angoisse.
Ces enfants peuvent alors se sentir très démunis.
L’objet transitionnel, si l’enfant en possède un, va le rassurer, l’aider à passer diverses
épreuves telles que la séparation ou la frustration et va donc l’accompagner sur le chemin de
l’autonomie ; il va aider l’enfant à apaiser ses angoisses y compris celles générées par la prise
d’autonomie.
C’est pourquoi vers deux ans et demi, période d’importants progrès dans l’autonomie
notamment par l’acquisition de la propreté, le développement du langage…et activant des
angoisses notamment celle de perdre de la proximité avec les parents ; on remarque
l’importance accrue des objets transitionnels.
Il est donc important de réfléchir à la place qui est faite à l’objet transitionnel au sein de la
structure.
3. L’aménagement de l’espace :

« Le jeune enfant peut faire des choses par lui même. Cependant, ce qui est encore plus
important, c’est ce qu’il veut faire. Ce qui parait structurant pour sa personnalité, c’est de
pouvoir vouloir : des conditions lui permettant d’agir lui donnent la sécurité et la confiance en
ses propres vouloirs »[1].
La façon dont est aménagé l’espace a une influence sur le développement des potentialités du
jeune enfant. Cet espace doit lui paraître, sécurisant, accueillant et attractif afin qu’il
l’investisse et l’explore librement.

Conclusion

Le thème de l’autonomie du jeune enfant mérite donc d’être réfléchi au sein de l’équipe et
rediscuté de façon régulière afin d’aborder les différentes interrogations suscitées tel que :
Comment favoriser cette autonomie sans pour autant tout laisser faire, tout permettre ou avoir
peur de frustrer l’enfant ?
Comment l’accompagner dans le processus d’autonomisation sans aller trop vite au risque de
l’abandonner s’il se sent obligé de faire seul ?
Quelle place est on réellement prêt à faire à l’autonomie de l’enfant ? Doit-on donner des
limites à son autonomie ?

Durant les deux dernières décennies, les structures d’accueil de la petite enfance se sont
profondément transformées, évoluant du mode de garde au lieu d’éveil.
Le plus difficile reste l’évolution des savoirs être, modification profonde de l’adulte à l’égard
de l’enfant, du regard porté sur lui pour le comprendre, le rencontrer et agir avec lui en tant
que personne et partenaire.

[1]A. Szanto (1999) Réflexions autour du travail à l’institut Pikler. Revue petite enfance n°72, avril
1999.

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