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MURATORI-PHILIP
Jean-Claude SEVEN
12 voitures
qui ont changé
l’Histoire
Muratori-Philip Anne; Seven Jean-Claude
Flammarion
1- Voir chronologie.
Benz « Model III »
Un tricycle triomphal pour Bertha
Écroulés de rire, les dockers du Havre n’en croient pas leurs yeux, en cet
après-midi de septembre 1913 ! On leur avait annoncé une voiture américaine
exceptionnelle, inédite, incroyable : la Ford T. Une auto qui allait mettre à
genoux tous les visiteurs du 14e Salon de l’Auto de Paris, dans quelques
semaines. Mais quand les caisses du cargo de New York se sont ouvertes, ils ont
découvert une machine ridicule : une araignée géante, toute noire, avec un pare-
brise immense, une petite calandre en cuivre et des petits phares ridicules. Un
engin difforme, perché sur des pattes en bois – ou peut-être des roues –
filiformes.
Ils n’ont pas pu s’empêcher d’éclater de rire. Et le transitaire les a imités
lorsqu’il est arrivé au volant de sa grosse Darracq pour dédouaner le colis. Il a
même ajouté que les constructeurs français pouvaient dormir sur leurs deux
oreilles avec une concurrente pareille ! Il est reparti convaincu qu’elle ne
révolutionnerait pas le Salon de l’Auto 1913. Les suivants non plus, d’ailleurs…
De la Grande-Bretagne au Japon
Après les campagnes, les villes se sont laissé envahir par les Ford. De
nouvelles versions ont été développées : camionnettes, porte-citernes, plateaux,
petits camions-bennes… Et le modèle de base continue de s’enrichir
d’innovations techniques : phares électriques, carrosseries fermées, cabriolets
deux places, etc.
Le continent américain roule désormais au rythme de Ford. En 1915, un
automobiliste américain sur deux se déplace dans une Ford T qu’ils ont affectée
de deux surnoms : « Flivver » et « Tin Lizzie ». Le premier peut se traduire par
« bagnole ». Le second est plus subtil car « Lizzie », diminutif d’Elizabeth et de
Lisbeth, est le surnom que les fermiers donnaient tendrement à leur vieille
jument ou à leur mule préférée. En revanche, « tin » (le fer) est plus mesquin car
il évoque davantage le fer-blanc des gamelles que le bon acier utilisé chez
Ford…
Mais il manque toujours une victoire au roi de l’automobile : l’Europe est
très peu sensible à ses propositions, en dépit de tarifs qui continuent de baisser. Il
a pourtant fait construire une usine à Manchester, en Grande-Bretagne ; mais elle
végète.
Paradoxalement, c’est l’entrée des États-Unis dans la Première Guerre
mondiale, en 1917, qui va l’aider à conquérir le vieux continent. La quasi-totalité
des ambulances et des camionnettes qui débarquent des cargos sont des Ford T.
Et, comme dans le Middle West quelques années plus tôt, elles vont
impressionner par leur agilité dans les zones de combats et par leur activité à
l’arrière. Toutes les armées alliées sont sous le charme de ces araignées qui ne
s’arrêtent jamais. Résultat : en 1919, Ford installe une usine d’assemblage pour
la France à Bordeaux ; et une autre dès 1920 à Cadix pour l’Espagne.
Les années vingt marquent l’apogée de la Ford T. En 1922, la production
annuelle franchit le cap du million de voitures. En juin 1924, Detroit fête la dix
millionième T. Parallèlement, la firme inaugure de nouvelles usines au Mexique,
au Japon et, l’année suivante, en Australie. De nouvelles carrosseries fermées
voient le jour, intitulées avec un humour d’origine britannique « Tudor » pour la
version deux portes et « Fordor » pour la quatre portes.
Incroyablement silencieuse
Sur la route, la 40/50 HP se révèle extraordinairement agréable. Pour les
riches Anglais sportifs qui aiment relayer leur chauffeur, la conduite est un régal.
Au volant, tout leur paraît simple, contrairement au pilotage de la plupart des
concurrentes. À droite, un grand levier pour régler l’allumage ; au milieu, un
plus petit pour faire varier l’arrivée d’essence en fonction de la route ou du
temps ; à gauche, une commande d’accélérateur à main qui duplique la pédale.
Frein à pied sur la transmission, frein à levier sur les roues arrière. Et la voiture
fait mieux que ralentir quand vous utilisez les deux, contrairement à ses
concurrentes françaises par exemple…
La boîte à quatre vitesses, dont une surmultipliée, se révèle très douce et peu
bruyante, d’autant que l’on peut rouler pendant des heures sur le troisième
rapport, sans faiblir ni fatiguer la mécanique. La direction est très précise,
particulièrement légère à tous les régimes. La suspension est assez ferme pour
assurer une bonne tenue de cap, tout en offrant un excellent confort à ses
passagers.
N’importe qui peut démarrer le gros moteur à la manivelle, quand le
chauffeur n’est pas là pour assumer cette tâche. Il se lance sans effort grâce à un
système de compensation. Mais il faut tendre l’oreille pour s’assurer qu’il est
bien parti. Car sur ce plan, la 40/50 HP ridiculise toutes ses rivales : la voiture en
marche est pratiquement inaudible de ses passagers. À bord, les seuls bruits
viennent du gravier des routes ou des rares grincements des montants en bois de
la caisse, quand le conducteur se laisse aller à dépasser les 100 km/h.
Reste à payer cette merveille. La comparaison directe avec les voitures
continentales est difficile car la Grande-Bretagne bénéficie, au début du
XXe siècle, d’un régime fiscal très particulier, avec de très faibles impôts. Les
loyers sont également modestes. En contrepartie, les salaires sont très bas. On
évalue à moins de 10 livres le salaire hebdomadaire moyen d’un ouvrier. Dans le
même temps, le prix d’un châssis-moteur de 40/50 HP s’élève à environ
1 000 livres. Pour la carrosserie, comptez 1 000 à 1 500 livres. Soit 2 000 à
2 500 livres pour une 40/50 HP complète.
Tout compte fait, la nouvelle égérie des Britanniques est très coûteuse, mais
beaucoup moins que certaines de ses rivales continentales !
1- Au XXIe siècle, le hall d’exposition de Conduit Street demeure le pôle historique de Rolls-Royce. Nombre de fidèles de la
marque le choisissent encore pour signer leur bon de commande.
2- Claude Goodman-Johnson est mort sept ans plus tôt, en 1926, à l’âge de soixante-deux ans.
Taxis de la Marne
L’automobile découvre la guerre
Samedi 1 août 1914. À 16 heures, toutes les églises de France ont sonné
er
Increvable et confortable AG
Rognat exige aussitôt des essais comparatifs. C’est l’aubaine dont rêvait
Louis Renault. Ni Panhard, ni Peugeot ou même De Dion-Bouton ne pourront
rivaliser, car il dispose déjà de la base idéale pour concevoir la bête de somme
que souhaite le baron : son modèle AX de 1904. Cette petite voiture fait déjà le
bonheur de nombreux médecins de campagne. Ils en rêvent tous pour remplacer
leur calèche. Endurante, confortable avec sa suspension (presque) moelleuse, ses
grands sièges et son immense capote, elle se conduit sans difficulté, s’entretient
facilement, et tombe si rarement en panne !
En allongeant le châssis de l’AX, Louis Renault va concevoir le modèle AG,
coiffé d’une carrosserie « landaulet », à la manière des fiacres hippomobiles.
Contrairement à la majorité des modèles de l’époque, livrés en châssis aux
clients qui choisissent ensuite leurs carrossiers pour un habillage à l’unité, les
AG seront finalisés à l’usine, avec un seul type de carrosserie.
Le landaulet Renault AG de 1905 mesure environ 3,70 m de long, 1,60 m de
large, et 2,20 m de haut. Il est beaucoup plus court et moins encombrant qu’un
attelage hippomobile. Son petit moteur à deux cylindres de 1 060 cm3 développe
8 chevaux. Des chevaux de trait, un peu lambins, mais inépuisables et qui
suffisent pour propulser les 1 100 kg de l’ensemble ; d’autant que la vitesse des
engins motorisés est limitée à 40 km/h dans Paris, pour éviter tout problème avec
les véhicules hippomobiles.
Les passagers sont confortablement installés à l’arrière, dans une carrosserie
soignée, capitonnée, avec des portières vitrées. Elle est complétée par une petite
capote en toile vernie, isolante l’hiver, mais qui peut s’effacer aux beaux jours.
Ils disposent d’une grande banquette en cuir, de deux strapontins, avec de
l’espace pour les robes. Et ils surveillent la rue par deux vitres frontales,
grillagées pour les protéger d’éventuelles projections.
Le chauffeur est moins choyé, mais correctement abrité sous un auvent. Plus
tard, il aura droit à un pare-brise sur certains modèles. Il domine la route sur un
coffre garni de deux coussins de cuir noir. Le gros radiateur du moteur, placé
devant ses pieds, saura le réchauffer à la mauvaise saison. Pour l’éclairage, il se
contente de deux modestes lanternes à l’acétylène à l’avant, et d’une toute petite
à l’arrière.
Les essais consacrent la Renault. La Compagnie Française des Automobiles
de Place commande aussitôt 250 véhicules. En 1906, nouvel achat de 1 000
exemplaires.
De l’art à la mécanique
En 1930, Ettore Bugatti a quarante-neuf ans. Né en Italie, installé en Alsace
depuis vingt-huit ans, il en a fait sa nouvelle patrie. Mais qu’il est loin le fringant
jeune premier de 1902 embauché par De Dietrich, à Niederbronn ; ce gamin de
vingt ans, grand, mince et brillant, débarquant du train de Milan avec l’assurance
d’un jeune prodige prêt à dévorer le monde ! Son père, Carlo Bugatti, peintre,
sculpteur, architecte, ciseleur, et surtout ébéniste renommé en Italie, le destinait
initialement à une carrière artistique, grâce à une éducation axée sur la peinture
et la sculpture.
Mais, dès l’adolescence, Ettore a compris que son père fait fausse route, car
il cultive une autre passion : la mécanique. À douze ans, un brin provocateur, il a
même informé ses parents qu’il préférait abandonner la voie artistique à son
jeune frère Rembrandt, pour éviter toute mésentente familiale… À peine déçu,
Carlo s’est vite accommodé de cette conversion inattendue, d’autant que son fils
aîné a déjà dévoilé de réels talents dans cet univers hypermoderniste… auquel le
brillant ébéniste ne comprend rien !
À la conquête du monde
Très vite, le succès est au rendez-vous. Dès 1949, les Allemands peuvent
enfin s’acheter une Volkswagen. Mais on commence aussi à s’arracher la
coccinelle partout en Europe. Pourquoi ce succès, alors que d’autres petites
voitures plus modernes arrivent sur le marché ? D’abord parce qu’elle est très
facile à conduire et à entretenir ; enfin, et surtout, parce qu’elle est plus solide
que toutes ses rivales européennes. En 1949, au sortir de la guerre, l’acier
allemand serait-il déjà meilleur que le français ? Pas sûr, mais la Volkswagen
rouille peu et se délabre moins vite, car Porsche l’a conçue pour durer… Fin
stratège, Nordhoff a vite compris son atout et fait de cette endurance l’un de ses
chevaux de bataille publicitaires.
Fin 1949, la coccinelle part à la conquête des États-Unis. Les Américains
sont conquis par cette petite auto sans prétention qui peut se cacher derrière leurs
énormes voitures. Pendant ce temps, à Wolfsburg, plusieurs décapotables voient
le jour, grâce aux carrossiers Hebmüller et, surtout, Karmann. Une gamme de
petits utilitaires est même développée sur la base de la coccinelle.
Le 5 août 1955 à 14 h 10, le premier million d’exemplaires est atteint ! Dix
ans auparavant, Wolfsburg était en ruine et les espoirs de renouveau anéantis.
Désormais, la VW est un triomphe à l’échelle mondiale.
Suspension révolutionnaire
Les créations de Morgan sont des engins à deux roues directrices à l’avant et
une roue motrice à l’arrière. Le moteur est placé sur le train avant ; la boîte de
vitesses est positionnée au milieu de la voiture ; et la transmission à la roue
arrière se fait par une chaîne. Mi-motos mi-autos, ces engins se pilotent comme
des autos et se révèlent particulièrement plaisants grâce à leur légèreté. Ils sont
faciles à garer dans un recoin de remise et, surtout, nettement moins coûteux
qu’une véritable automobile. De plus, Morgan a conçu une suspension avant à
« fourreaux coulissants » pour ses machines. C’est un système de roues
indépendantes révolutionnaire mais simple, original et efficace, où la suspension
travaille verticalement, en coulissant. Avec ce train avant, les Morgan sont
devenus imbattables en course.
Depuis le début des années vingt, ses modèles de sport et de compétition
sont appréciés dans toute l’Europe et se vendent très bien. Ils sont même
construits sous licence en France, par la société Darmont. Mais H.F.S. sent bien
la nécessité d’évoluer. Sur les circuits, ses trois-roues sont désormais dominés
par les voitures et les bicylindres venus de la moto n’ont plus la cote d’avant-
guerre. Les « sportsmen » des années trente veulent des machines plus stables,
moins délicates à piloter. Et comme H.F.S., ses supporters des années vingt ont
vieilli. Ils rêvent maintenant de véhicules plus confortables. Lui aussi préfère
s’asseoir dans une vraie voiture, plus conforme à ses cinquante-cinq automnes
que ses bêtes de course pour acrobates automobiles. D’ailleurs, son principal
moyen de déplacement est toujours la Rolls-Royce Silver Ghost qu’il s’est
offerte en 1921 et qu’il a fait habiller à son goût par ses propres carrossiers, dans
son atelier.
Un squelette de frêne
L’usine est divisée en plusieurs ateliers. Dans le premier, on assemble les
châssis sur lesquels on monte le maximum d’éléments. Auparavant, toutes ces
pièces sont passées dans l’atelier de peinture. Ici, on ne travaille pas encore à la
chaîne mais par « lots ». Quand un lot de châssis est assemblé, on le met sur
roues et on le place en attente.
Un peu plus loin, les menuisiers opèrent sur ce qui deviendra le squelette de
la voiture. Ils façonnent les arches, les arceaux et les multiples entretoises en
bois qui vont constituer le support de la future carrosserie. Le plus spectaculaire
se situe dans un coin de l’atelier, là où l’on forme les arches en bois qui
couvriront les roues et supporteront les ailes. Ces pièces sont véritablement
moulées dans de monumentaux gabarits de cintrage.
On est bien loin des carrosseries « tout acier » produites en France par
Monsieur Citroën dans les années vingt… À Malvern Link, comme dans la
plupart des usines britanniques, on travaille toujours selon les traditions, avec
une carrosserie composée de tôles formées à la main et clouées sur une
architecture en bois. Uniquement du frêne de qualité !
Le travail des menuisiers est souvent fastidieux car il faut découper les
pièces à la bonne dimension, en suivant scrupuleusement les plans. Dans le cas
de la nouvelle 4/4, la procédure est soigneusement appliquée, car les ouvriers ne
la connaissent pas encore. Mais pour les trois-roues, il y a bien longtemps qu’ils
travaillent « à l’œil », car ils connaissent chaque détail des gabarits. Et s’il arrive
que l’outil dérape, après une pause déjeuner un peu trop arrosée de bière par
exemple, on rattrape la petite erreur plus tard à l’atelier.
Quand tout est prêt, on assemble le tout à la manière d’un puzzle sur les
châssis qui patientaient. Vis et colle sont les principaux ingrédients utilisés par
les menuisiers. Les vis pour fixer le squelette sur le métal ; la colle pour réunir la
plupart des pièces de bois entre elles.
Au début des années trente, tous les militaires de la planète rêvent d’un
véhicule léger, capable d’affronter tous les terrains, facile à conduire, facile à
transporter et facile à réparer. Les vétérans de la Première Guerre mondiale
engagés sur le front français n’ont pas oublié ce petit char Renault qui se faufilait
partout et filait comme un bolide. Face aux gros « tanks » britanniques, il ne
faisait pas le poids mais il excellait dans toutes les missions un peu acrobatiques.
Hélas, transposer ses qualités dans une voiture semble quasiment impossible
avec les moyens techniques dont disposent les industriels de l’automobile.
Dommage ! Mais pour l’heure, pas question de rivaliser avec le cheval qui
demeure imbattable dans les zones difficiles !
Quelques ingénieurs ont bien tenté de concevoir des véhicules tout-terrain.
Mais la plupart de leurs initiatives ont échoué. En Europe, les Britanniques se
sont ridiculisés avec leurs étranges petits engins ; et les Français produisent des
utilitaires lourdauds, plus proches des camions que des autos. C’est le cas de
Laffly et Latil, par exemple. Toutefois, on dit qu’en Allemagne Ferdinand
Porsche, ce professeur Nimbus qui œuvre pour le chancelier Hitler sur le concept
d’une voiture populaire, consacre aussi beaucoup de temps à l’élaboration d’une
version militaire de l’auto du Führer. Si l’on en croit quelques journalistes, il
travaillerait assidûment sur un engin en forme de boîte ou de cube. On le
surnomme déjà « Kübelwagen », c’est tout dire…
Outre-Atlantique, rares sont les ingénieurs qui s’intéressent aux automobiles
tout-terrain. Chez Ford, on n’a pas oublié le modèle T, la familière « Tin Lizzie »
qui frétillait dans les champs avec l’agilité d’une sauterelle. Ses fines roues et
son impressionnante garde au sol, digne d’une diligence du Far West, faisaient
merveille jusque dans les pires terrains boueux. Mais la vieille T a pris sa retraite
au terme d’une très longue carrière ; et la nouvelle Ford A, qui la remplace, s’est
urbanisée en bannissant ces atouts, pourtant si chers aux agriculteurs du Middle
West.
De la locomotive à l’ambulance
On en trouve aussi qui jouent les locomotives. Dans certains pays, comme la
Birmanie et les Philippines où les principales communications se font par voie
ferrée, elles relaient les machines détruites par les Japonais. Il suffit d’échanger
les jantes à pneus de la Jeep contre des modèles dérivés des roues de wagons,
puis d’atteler plusieurs Jeep pour les transformer en un véritable petit autorail
capable de transporter des hommes, des munitions et du ravitaillement. Cette
technique sera également utilisée en Europe, dans toutes les zones ravagées où
les transports ne fonctionnent plus, le plus souvent pour venir en aide aux
populations civiles.
Pour les GI, c’est une bonne à tout faire, du front jusqu’à l’arrière.
Nombreux sont les soldats qui lui doivent la vie. Car c’est à elle que revient
généralement la mission de rapatrier les blessés sur des civières fixées sur la
caisse ou sur le capot. Dans les pires conditions, elle peut en véhiculer quatre.
Elle transporte aussi le ravitaillement, les médicaments, le matériel
d’urgence… S’il faut tendre une ligne électrique provisoire, c’est un dévidoir
fixé sur une Jeep qu’on utilise ! S’il faut déblayer un chemin, c’est encore une
Jeep, équipée d’une lame, qui fait le travail. On la mobilise même les jours de
grande lessive : on la met sur cales, on démonte une roue avant et on emprunte
une grosse machine de cantine ou d’hôtel qu’on relie par une courroie
improvisée au moyeu libéré. Et on lance le moteur ! Avec la Jeep, une machine à
laver tourne plus vite que jamais !
Un partenaire inattendu
Début 1949, il explose de joie en apprenant la renaissance des 24 Heures du
Mans. Sa course préférée, celle qu’il a disputée sans interruption entre 1932
et 1939 et dont il était privé depuis dix ans. Ferrari s’emballe moins car il ne
considère pas Le Mans comme une épreuve majeure. Chinetti, lui, sait que les
24 heures enthousiasment le Nouveau Monde. Il l’a constaté depuis qu’il habite
les États-Unis. Le vendeur d’autos est convaincu du tremplin que représenterait
la victoire d’une Ferrari au Mans… si, toutefois, Ferrari lui concède son futur
marché américain !
Pour Luigi Chinetti, c’est décidé : quoi qu’il arrive, il participera aux
24 Heures du Mans 1949. Et uniquement au volant d’une Ferrari 166 MM, car il
est convaincu que la petite italienne peut gagner aisément face aux grosses
Delahaye, Delage et Talbot. Sachant aussi qu’Enzo Ferrari n’avancera pas la
moindre lire pour financer l’équipe, Chinetti monte son opération avec l’aide de
plusieurs partenaires, dont un certain Peter Mitchell-Thomson, deuxième baron
Selsdon, qui acquiert la voiture.
22 heures au volant !
Anglais fortuné, pilote amateur de trente-six ans, Lord Selsdon n’a ni le
talent ni l’expérience de Chinetti, mais il est passionné, intelligent et très
coopératif. Avant le départ, les deux hommes se sont entendus sur une tactique
de course. Chinetti prendra le volant le plus clair du temps ; Selsdon conduira
quelques heures seulement et uniquement de jour. Il est convenu qu’il ne prendra
aucun risque : « Si une Delage ou une Delahaye te titille dans les Hunaudières,
lui a dit Chinetti, arrête-toi et laisse-la filer. »
Le plan se déroule comme prévu. Soutenues par une foule en délire, les
voitures françaises partent comme des fusées. Mais la petite voiture rouge
s’accroche et finit par les doubler, une par une. « Je connaissais bien toutes ces
voitures, expliquera Chinetti après la course. Je savais que les Delahaye étaient
dangereuses avec leur excellent moteur. Mais je savais aussi que, sur le mien, je
pouvais prendre 500 tours/minute de plus que le régime autorisé. Et petit à petit,
je les ai lâchées. » En parfait complice, Lord Selsdon ne prend le volant que pour
deux petites heures de course, laissant le lièvre Chinetti filer à son rythme.
Toujours mesquine, la gazette des coulisses transformera le jeune baron en vieil
alcoolique exhalant le whisky et totalement incapable de tenir le volant. « C’était
idiot, corrigera plus tard Luigi Chinetti. Selsdon était au contraire un excellent
équipier qui avait compris l’importance de cette victoire. » Les deux larrons se
retrouveront d’ailleurs pour d’autres courses.
1- Dans son autobiographie Le mie gioie terribili (1963) Enzo Ferrari pleure longuement ce fils « unique », disparu en 1956… Il
omet toutefois de rappeler qu’un second fils, Piero, est né en 1943, d’une liaison extra-conjugale. Longtemps caché au public, Piero
n’a pris le nom de Ferrari qu’après la disparition de Laura, en 1978.
2- Quatorze ans après, en 1964, Agnelli s’offrira toute l’usine Ferrari qu’il intégrera au groupe Fiat.
DS 19
Une révolution sur la route
Mercredi 22 août 1962. Vers 19 h 30, les portes de l’Élysée s’ouvrent pour
laisser passer deux DS 19. Banalisées mais noires toutes les deux et précédées de
deux motards bien visibles. La seconde, conduite par le gendarme Francis
Marroux, a trois passagers : le général de Gaulle, son épouse et leur gendre, le
général de Boissieu. Le groupe prend la direction de Villacoublay où un
hélicoptère attend le couple présidentiel pour l’emmener dans sa maison de
Colombey-les-Deux-Églises. Le chauffeur est prudent car une méchante averse
d’été a détrempé la route.
Trois cents mètres avant d’atteindre le rond-point du Petit-Clamart, la
voiture présidentielle est prise sous un déluge de feu. La DS 19 du chef de l’État
est mitraillée de toutes parts. Une vitre explose, des balles se logent dans la
carrosserie et dans les sièges. Le pneu avant gauche est détruit, l’arrière droit ne
vaut guère mieux.
De Boissieu fait allonger son beau-père et protège sa belle-mère. Marroux
fait preuve d’un grand sang-froid. C’est un excellent conducteur et il a déjà vécu
le précédent attentat contre de Gaulle, en 1961, à Pont-sur-Seine. Il accélère à
fond malgré la chaussée mouillée et des pneus en lambeaux. Il évite une
camionnette qui tentait de l’éperonner, parvient à garder la voiture sur la route,
s’échappe de la zone de tir et sauve ses passagers. La DS vient d’entrer dans
l’Histoire.
Un grand merci au général de Gaulle…
Le lendemain matin, la DS est en première page de tous les quotidiens de la
planète. En France, elle ne surprend plus car on la connaît depuis ses premiers
tours de roues, en 1955. Tous les ministres l’ont annexée, de même que la
plupart des capitaines d’industrie. De préférence en noir intégral… Les
professions libérales et la bourgeoisie française roulent aussi en DS. Et dans tous
les bistrots de France, ce 23 août 1962 à l’heure du p’tit noir, il y a unanimité
pour vanter l’extraordinaire suspension hydropneumatique qui confère à la
Citroën son exceptionnelle tenue de route. Celle qui a sauvé le Général !
Le même jour, le monde entier découvre la voiture du président de la
République française criblée d’impacts. Les Américains s’extasient devant ce
modèle inconnu où un homme de 1 m 92 peut s’allonger ; les Allemands
regrettent que de Gaulle n’ait pas préféré une Mercedes ; et les Anglais se
rassurent en s’abritant derrière les Rolls-Royce « indestructibles » de la reine.
Mais tout le monde connaît maintenant la dernière-née de chez Citroën. Il est
temps, car sa renommée tardait à sauter les frontières.
À la lecture des journaux, Pierre Bercot, le P-DG de Citroën, n’est pas
mécontent. Il aurait préféré une opération publicitaire plus traditionnelle, mais ce
plébiscite inattendu le réjouit. Le 23 août 1962, les anti-Citroën n’ont pas la
parole ! Tout juste entend-on quelques voix se lamenter sur « sa tôlerie de fer-
blanc qui laisse passer les balles »…
En août 1959, l’Angleterre s’ennuie. Il pleut sur les plages, Mary Quant n’a
pas encore raccourci ses jupes et les quatre gamins de Liverpool apprennent la
musique. En automobile aussi, le ciel est gris : à l’exception de Rolls-Royce qui
vient de rajeunir sa Silver Cloud, les nouveautés sont rares. Jaguar, MG,
Triumph, Alvis, Sunbeam, AC et quelques autres font bien des efforts, mais leurs
sportives portent toutes les stigmates des années trente. Dommage, car les
amateurs de belles et rapides anglaises sont toujours aussi nombreux. On les a
vus en juin aux 24 Heures du Mans fêter la victoire d’Aston-Martin ; puis à
Aintree en juillet applaudir Cooper, futur champion du monde de Formule 1.
Hélas, ils y sont allés en Morris Minor, la petite voiture qui véhicule la moitié du
Royaume-Uni…
Ça ne marchera jamais !
La Grande-Bretagne découvre la protégée de Leonard Lord en août 1959. Le
ciel gris de ce triste été anglais s’éclaire aussitôt car la surprise est énorme. La
voiture qu’ils découvrent est ahurissante. Elle n’a rien d’aussi fou qu’une 2 CV
ou une DS, par exemple. Mais elle ne s’aligne sur aucun critère existant. Elle ne
mesure que 3,05 m de long ; toutefois, on ne peut pas la comparer à une Fiat
500, à peine plus courte. Visuellement, la surprise est essentiellement liée à ses
roues minuscules : des jantes de dix pouces de diamètre, alors que ses
concurrentes directes se chaussent en quinze ou seize pouces. Ces roulettes sont
rejetées aux extrémités de la caisse et l’avant de la voiture se limite à un
minuscule capot. Le reste n’est qu’un parallélépipède entièrement dégagé où
s’installent confortablement quatre personnes ! Pas deux adultes et deux enfants,
mais quatre grands et vrais adultes ! À l’arrière, en se serrant, ils peuvent même
accueillir un enfant ou le chien de la famille…
Pour les espions des marques du continent, le soulagement arrive lorsqu’ils
soulèvent le capot : le petit quatre cylindres de 850 cm3 est monté en travers !
Incroyable ! Au lieu de le placer dans le sens de la marche, les Anglais l’ont calé
entre les deux roues. Les observateurs sourient : ça ne fonctionnera jamais,
d’autant qu’il n’y a pas de boîte de vitesses… Erreur, la boîte est bien présente,
mais peu visible car elle est placée sous le moteur et directement reliée aux roues
avant. Quant à la suspension, elle se passe de ressorts ou de barres de torsion.
Issigonis lui a préféré un montage inédit, comme pour le reste de la mécanique.
Chaque roue est reliée à des cônes de caoutchouc séparés par une sorte de
coussin. Le tout s’écrase et se déforme au gré de la route.
Cette fois, les « agents ennemis » en sont certains : le piège à roulettes de
BMC ne fonctionnera jamais ! Tout va casser à la moindre sollicitation. Et quand
on leur annonce la vitesse de pointe de la petite auto, les incrédules s’esclaffent :
125 km/h ? La pauvre auto va s’effondrer à cette vitesse, sur ses roulettes
ridicules…
1770
– Le Meusien Nicolas Joseph Cugnot teste son fardier à vapeur, un énorme
chariot à trois roues, équipé d’une chaudière et d’un moteur à deux pistons qu’il
a entrepris de construire depuis 1769. L’engin peut fonctionner environ quinze
minutes, roule à la vitesse d’un homme à pied et peut théoriquement tracter de
lourdes charges. Il a été conçu pour un usage militaire. Les essais sont plutôt
encourageants. Certes, faute de freins, Cugnot a détruit un muret et endommagé
le fardier, mais d’autres essais sont prévus en 1771 avec une machine améliorée.
Hélas, ils n’auront pas lieu car, entre-temps, Cugnot a perdu ses deux soutiens :
Gribeauval, inspecteur de l’artillerie, et le duc de Choiseul, ex-ministre de la
Guerre. Les travaux de Cugnot ont été minimisés dans l’Histoire de France revue
par la Troisième République. En réalité, ils sont importants et avant-gardistes
dans l’univers de la locomotion. Son fardier est incontestablement le premier
vrai « véhicule sans chevaux » du monde. Le modèle de 1771 est conservé au
Musée des Arts et Métiers, à Paris.
1807
– Le Suisse François Isaac de Rivaz dépose un brevet de moteur à explosion.
1844
– L’Américain Charles Goodyear met au point un procédé de vulcanisation
du caoutchouc qui permettra, plus tard, de créer des pneus.
1859
– L’ingénieur belge Jean-Joseph Étienne Lenoir dépose en France un brevet
de « moteur à gaz et à air dilaté ». Dès 1860, il fabrique ce moteur à deux temps
et le produit à 400 exemplaires.
1862
– Le Français Alphonse Beau de Rochas fait breveter son moteur à quatre
temps : admission, compression, détente, échappement.
1870
– L’Autrichien Siegfried Marcus fait rouler un véhicule équipé d’un moteur
à explosion. Les deux sont de sa conception. Le châssis en bois est rudimentaire,
mais la mécanique présente trois innovations dues au génie de Marcus : de
l’essence comme carburant, un allumage magnétique à basse tension et un
carburateur rotatif. L’engin est aussi doté d’un embrayage, d’une boîte de
vitesses et d’une suspension. La voiture a été conservée jusqu’en 1938 dans un
musée de Vienne. Lors de l’Anschluss, Hitler a fait détruire ou effacer toutes les
références à Markus, juif et rival malvenu des inventeurs allemands. Gommé de
nombreuses encyclopédies modernes, le créatif Siegfried Marcus est pourtant le
probable premier constructeur d’une véritable automobile à moteur à explosion.
1873
– Amédée Bollée père fait rouler au Mans une énorme « voiture sans
chevaux » de 12 places, dénommée L'Obéissante. Elle est propulsée par un
moteur à vapeur et peut atteindre 40 km/h.
1875
– Deux ingénieurs parisiens, René Panhard et Émile Levassor, se lancent
dans la production de moteurs à gaz.
1876
– L’ingénieur allemand Nikolaus Otto dévoile son moteur à explosion à
quatre temps, breveté en 1872. Il fonctionne au gaz.
1881
– Présentation de La Rapide, voiture à vapeur conçue et commercialisée par
Amédée Bollée père. Elle doit atteindre 60 km/h.
1882
– Georges Bouton, fabricant de jouets scientifiques, Armand Trépardoux et
le marquis Jules-Albert De Dion s’associent. Ils présentent un premier tricycle à
vapeur en 1883, suivi, en 1884, d’un énorme tracteur routier pour remorque.
Toujours à vapeur.
1883
– Étienne Lenoir équipe une voiture d’un moteur à quatre temps de sa
conception, fonctionnant au gaz. L’équipage relie Paris à Joinville-le-Pont, soit 9
kilomètres, en moins de 3 heures.
1884
– Le Français Édouard Delamare-Deboutteville et son partenaire Léon
Malandin construisent une automobile mue par un moteur à explosion à quatre
temps, alimenté au pétrole. Ils font breveter ce véhicule qui sera souvent
présenté, à la fin du XXe siècle, comme la première automobile à essence du
monde. En réalité, la création de l’ingénieur normand a roulé quelques centaines
de mètres seulement. Devant les difficultés, son inventeur s’en est rapidement
désintéressé.
1886
– L’Allemand Carl Benz dépose son brevet de moteur à quatre temps à
essence. La même année, il crée un tricycle à moteur destiné à être
commercialisé.
– Léon Serpollet crée sa société de moteurs à vapeur à Paris. Dès 1888, il
produit un tricycle à vapeur, vendu à plusieurs dizaines d’exemplaires, et utilisé
dans l’industrie pour tracter des chariots.
1887
– L’Allemand Gottlieb Daimler dépose à son tour un brevet de moteur à
combustion interne à quatre temps et grande vitesse. Auparavant, avec son
partenaire Wilhelm Maybach, il a conçu, en 1885, un engin à deux roues en bois,
considéré comme la première moto du monde et, dès 1886, une voiture à trois
roues. En 1889, ils mettront au point leur première voiture à quatre roues.
1888
– Bertha, l’épouse de Carl Benz, et ses deux fils réalisent le premier long
voyage en automobile : plus de 100 kilomètres d’une traite, en une journée. Et
plus de 180 kilomètres aller et retour. Bertha Benz est considérée comme la
première femme au volant… bien qu’elle n’ait probablement pas conduit !
– John Boyd Dunlop, vétérinaire écossais, cercle les roues du tricycle de son
fils d’un tuyau de caoutchouc pour améliorer son confort. Il vient d’inventer le
pneu, dont il dépose le brevet.
1889
– Pour l’Exposition universelle de Paris, Armand Peugeot fait équiper de
moteur à vapeur Serpollet quatre tricycles de la marque familiale de cycles. À la
fin de l’Exposition, Émile Levassor incite Peugeot à construire un quadricycle
équipé du moteur Daimler que Panhard-Levassor fabrique en France. Ce sont les
vrais débuts de l’aventure automobile Peugeot.
– Édouard et André Michelin reprennent la société de vulcanisation de leur
grand-père, à Clermont-Ferrand. En 1891, ils inventeront le premier pneu
démontable pour bicyclette, puis s’attaqueront aux pneus d’automobiles.
1890
– Panhard et Levassor installent un moteur à quatre temps à l’avant d’une
voiture à quatre places qu’ils mettent en production. Plusieurs acheteurs se
manifestent dès 1891.
1893
– Charles et Frank Duryea, deux frères, ingénieurs à Springfield, dans le
Massachusetts, font rouler la première vraie voiture américaine à quatre roues,
équipée d’un moteur à explosion. Ils deviendront constructeurs dès 1895. À
noter qu’une Duryea est à l’origine du premier accident corporel de la circulation
aux États-Unis : une collision dans une rue de New York avec un cycliste, en
1896. Le malheureux a eu la jambe cassée.
– L’Allemand Rudolf Diesel dépose un brevet de moteur à combustion
interne fonctionnant à l’huile végétale.
– Carl Benz réalise et commercialise sa première voiture à quatre roues.
1894
– Paris-Rouen, première grande épreuve automobile, est remporté par De
Dion grâce à un tracteur à vapeur de sa marque tirant une calèche.
1895
– La firme De Dion-Bouton, convertie au moteur à explosion, lance la
fabrication en série de son premier tricycle.
– Les frères Michelin présentent L’Éclair, première voiture conçue pour
rouler sur pneus gonflables.
– Naissance de l’Automobile Club de France, poussé (et financé) par le
marquis De Dion.
– Le Français Émile Delahaye crée sa marque.
1898
– Louis Renault réalise sa première voiture, dérivée d’un tricycle De Dion-
Bouton dans un appentis de la maison familiale. Dès 1899, la société Renault
Frères est fondée.
– Premier Salon de l’Automobile à Paris, dans les jardins des Tuileries.
– Le constructeur allemand de machines à coudre Adam Opel lance sa
première voiture.
1899
– Le Belge Camille Jenatzy atteint 100 km/h en ligne droite aux commandes
de la Jamais Contente, voiture électrique équipée d’une carrosserie tubulaire
fuselée.
– Instauration d’un Certificat de capacité à la conduite des automobiles. Il est
délivré par les préfectures sans véritable examen puisqu’elles n’ont aucun moyen
de contrôle et que les conducteurs demeurent peu nombreux.
– En Italie, création de FIAT, initiales de Fabbrica Italiana Automobili
Torino. Le premier modèle, une voiturette de 3 chevaux et demi, est aussitôt
lancé.
1900
– Ferdinand Porsche, jeune ingénieur autrichien de vingt-cinq ans, équipe un
véhicule de Jakob Löhner, carrossier attitré de l’empereur, de quatre moteurs
électriques : un dans chaque roue. Sa création doit être considérée comme le
premier véhicule à quatre roues motrices. Le premier 4×4 !
– Record mondial pour l’usine De Dion-Bouton de Puteaux, près de Paris,
qui a produit 400 autos et plus de 3 000 moteurs en un an.
1901
– Commercialisation de la première automobile américaine construite en
(petite) série : l’Oldsmobile Curved Dash.
1903
– Une voiture à vapeur construite par le Français Léon Serpollet atteint
120 km/h.
– Henry Ford présente sa première création : une voiturette, logiquement
référencée Model A.
1904
– Le 23 décembre, Charles Rolls et Henry Royce signent un premier accord
de collaboration, avant de créer une société qui prend le nom de Rolls-Royce.
– Création de la marque Delaunay-Belleville à Saint-Denis, en banlieue
parisienne. Elle se spécialisera dans les voitures de grand luxe. Le tsar Nicolas II
fut son client le plus célèbre.
– Naissance de la firme française Hotchkiss.
– Hispano-Suiza est créée à Barcelone. La firme développera une antenne
française en 1923.
1905
– Le Français Louis Delage présente sa première voiture.
– Sortie du landaulet Renault AG qui deviendra le taxi le plus célèbre de
France.
1906
– L’Anglais Herbert Austin lance sa marque. Elle deviendra la plus
importante de Grande-Bretagne dès les années trente.
1908
– Création de la General Motors, qui regroupera au fil des ans les marques
américaines Chevrolet, Buick, Cadillac, Pontiac, etc. Sans oublier Opel et
Vauxhall en Europe.
1909
– Présentation de la première Ford T.
– Ettore Bugatti installe son usine à Molsheim, dans le Bas-Rhin.
– Ouverture, à Berlin, de la première route à voies séparées et à péage sur 10
kilomètres.
1910
– William Morris commercialise sa première voiture. La marque anglaise
fusionnera à la fin des années 1950 avec Austin pour devenir la British Motor
Corporation.
– Le pilote américain Barney Oldfield atteint 211 km/h à Daytona Beach au
volant de sa grosse Benz, surnommée « Blitzen Benz ». Cette performance non
autorisée lui vaudra d’être suspendu de compétitions officielles par l’American
Automobile Association.
– Création à Milan d’Alfa, Anonima lombarda fabbrica automobili. En 1915,
elle est placée sous l’autorité de Nicola Romeo et devient Alfa-Romeo.
1919
– Le Français André Citroën a fait des prodiges pendant la guerre en
imposant la construction en série dans l’industrie d’armement. Il convertit son
usine parisienne du Quai de Javel à l’automobile et commercialise le modèle A,
une voiture à vocation populaire. Elle est construite en série, à la manière des
Ford américaines.
– Walter Owen Bentley, motoriste anglais de talent, crée sa propre marque.
En 1931, au bord de la faillite, elle sera reprise par Rolls-Royce.
1922
– L’Anglais William Lyons crée la Swallow Sidecar Company. Ses voitures
sportives, marquées SS, vont conquérir une grande notoriété dans les années
trente. En 1945, pour se démarquer de toute référence nazie, il rebaptisera sa
firme Jaguar.
– La France met en place un « Permis de conduire » qui remplace le vieux
Certificat de capacité. Il est officiellement délivré à l’issue d’un examen pratique
et théorique succinct.
1923
– La marque britannique de cycles puis de motos Triumph, créée en 1890 à
Coventry, commercialise sa première voiture.
1924
– La Bugatti 35 fait ses premiers tours de roue. Avec ses multiples variantes,
elle permettra à la firme alsacienne de triompher sur tous les circuits d’Europe
jusqu’au début des années trente.
– Inauguration de la première autoroute italienne entre Milan et Varese : 77
kilomètres.
– Naissance de la marque anglaise de voitures de sport et de compétition MG
(alias Morris Garage). Elle tire son nom des Morris qu’améliorait Cecil Kimber
dans son garage…
– Création de la firme Chrysler, aux États-Unis.
– En octobre, Citroën lance la « Croisière Noire » : une colonne
d’autochenilles va traverser toute l’Afrique, de Colomb-Béchar en Algérie
jusqu’au Cap en Afrique du Sud, pendant qu’une partie de l’équipe ralliera
Madagascar. L’expédition est un succès. Elle prend fin en juin 1925, avec plus de
28 000 kilomètres parcourus.
1926
– Création de la marque allemande Mercedes-Benz, née du regroupement
entre les sociétés de Carl Benz et du fils de Gottlieb Daimler.
– À Bologne, les trois frères Maserati, associés depuis 1914, présentent la
première voiture de sport qui porte leur nom. En 1937, les deux survivants
vendront leur société au comte Orsi et réaliseront des voitures de compétition
sous la marque Osca.
– Ettore Bugatti présente la Royale, « la voiture de sa vie », dit-il…
1929
– BMW (Bayerische Motoren Werke), fabricant munichois de moteurs de
motos et d’avions depuis 1916 mais contraint de se reconvertir après 1918,
rachète la firme Dixi. Il lance en Allemagne son premier modèle, appelé 3/15
PS, copie sous licence de l’Austin Seven britannique.
1931
– André Citroën veut rééditer l’exploit technique de la « Croisière Noire » de
1924, mais en Asie. C’est la « Croisière jaune ». L’expédition partie de Beyrouth
en avril doit traverser l’Himalaya et rejoindre un autre groupe, parti de Chine,
pour rallier Pékin ensemble. En dépit d’énormes difficultés techniques et
politiques, Citroën gagne son pari. Les autochenilles entrent triomphalement
dans Pékin en février 1932.
1932
– Création d’Auto-Union, société allemande regroupant les marques Audi,
DKW, Wanderer et Horch.
1934
– Citroën lance sa révolutionnaire 7A, plus connue sous le terme de
« Traction Avant », rapidement suivie de ses déclinaisons : coupé, cabriolet, 11,
etc.
– Création de Simca (Société industrielle de mécanique et carrosserie
automobile) qui produit, dès 1935, des Fiat italiennes sous licence.
1935
– Ferdinand Porsche présente la première version de la Volkswagen à Hitler.
1936
– Mercedes commercialise la 260 D, première voiture de série équipée d’un
moteur diesel fonctionnant au gazole.
– Le Britannique H.F.S. Morgan présente sa première voiture à quatre roues
et quatre cylindres, la 4/4. À peine retouchée dans les années cinquante et
toujours équipée de moteurs à quatre cylindres (mais plus modernes), elle a fêté
ses 75 ans de production en 2011.
1938
– Le record du monde de vitesse sur route est pulvérisé par une Mercedes
pilotée par Caracciola sur une autoroute allemande à 432,7 km/h.
1939
– La Citroën TPV, future 2 CV, entre en production le jour de la déclaration
de guerre. Arrêt immédiat !
1940
– En Italie, sortie de la première Auto Avio Costruzioni typo 815. Sa carrière
sera ultra-courte en raison de l’entrée en guerre des Italiens. Il s’agit, en fait, de
la première Ferrari. Mais elle ne peut porter cette marque en raison d’accords
passés avec Alfa-Roméo.
– La firme américaine Bantam présente le premier projet de ce qui deviendra
la Jeep et qui entrera en production chez Willys et chez Ford à la fin de 1941.
1942
– Dans la France occupée, on procède aux premiers essais hors-la-loi de la
future 4 CV Renault. Elle sera officiellement dévoilée en 1945 et produite à
partir de 1947.
1946
– L’usine Volkswagen de Wolfsburg fête ses dix mille premières Coccinelles.
1948
– La 2 CV Citroën définitive est dévoilée au Salon de l’Auto de Paris, avant
d’entrer en production.
– Peugeot lance sa première voiture d’après-guerre : la 203.
– Aux États-Unis, Preston Tucker présente son Torpédo, berline déroutante à
moteur six cylindres placé à l’arrière et à multiples innovations. Le concept
séduit les Américains, mais se heurte aux autres constructeurs. Une cinquantaine
de voitures verront le jour avant que l’entreprise ne sombre, victime des rivalités
et de l’idéalisme de Tucker.
1949
– La première Porsche sportive, le type 356, est présentée au Salon de
Genève par son créateur Ferry Porsche, fils de Ferdinand, à Genève.
– Renaissance des 24 Heures du Mans, remportées par une Ferrari 166 MM.
1950
– Premier championnat du monde de Formule 1, remporté par l’Italien Nino
Farina, sur une Alfa-Romeo 158.
– En novembre, présentation de la Frégate Renault.
1951
– Simca lance la version initiale de la très populaire Aronde.
– Les 24 heures du Mans sont remportées par une Jaguar type C équipée
d’une innovation : des freins à disque d’une efficacité sans précédent.
1952
– Création de la firme anglaise Lotus, qui se distinguera pendant une
trentaine d’années en compétition automobile.
1953
– Apparition de la Chevrolet Corvette, considérée comme la première vraie
voiture de sport américaine de l’après-guerre.
1954
Mercedes-Benz dévoile le prestigieux coupé 300 SL avec ses portières
relevables, dites « papillon ».
1955
– Naissance de la marque française Alpine, créée par Jean Rédelé. En 1973,
elle conquiert le premier titre de champion du monde des rallyes. Longtemps
partenaire de Renault, elle est absorbée par la régie à la fin de 1973.
– Citroën révolutionne l’automobile avec sa nouvelle DS 19.
– Peugeot séduit aussi avec sa 403, berline plus classique, bientôt suivie d’un
cabriolet.
– Les 24 Heures du Mans sont endeuillées par un accident qui fait 84 morts.
1956
– Première grave crise pétrolière. À la suite de la fermeture du Canal de Suez
par l’Égypte, les prix des carburants s’envolent. Le second choc pétrolier aura
lieu 17 ans plus tard, en 1973.
– Sortie de la Dauphine Renault.
1957
– La Nuova Fiat 500 embrase toute l’Italie. Cette micro-voiture populaire à
prix modique va mettre toute la botte sur roues ! Parfaite en ville, à l’aise sur
route et (presque) familiale en dépit de ses 2,97 m, elle s’envole pour une
carrière européenne de dix-huit ans et plus de quatre millions d’exemplaires.
– En Allemagne de l’Est, sortie de la première Trabant à moteur deux-temps.
1958
– La firme française Facel-Vega présente son coupé HK 500, équipé d’un
moteur Chrysler de 360 chevaux. Produite à 490 exemplaires jusqu’en 1961,
c’est la voiture française la plus prestigieuse et la plus coûteuse de l’époque.
1959
– Nouvelle révolution avec la présentation de la BMC Mini britannique.
– Jaguar lance sa belle et très distinguée MK 2.
1960
Peugeot commercialise sa nouvelle berline bourgeoise, la 404, suivie d’un
cabriolet en 1961.
1961
– Renault présente la 4 l, extraordinaire petite voiture « multitâches » et
rivale tardive de la 2 CV. Construite jusqu’en 1992, elle est devenue Renault 4 et
détient toujours le record absolu des ventes de voitures françaises avec huit
millions d’exemplaires.
– Jaguar lance son coupé et cabriolet Type E. Énorme succès publicitaire
pour cette voiture qui devient un mythe.
1962
– Mise en production de la Renault 8 suivie, deux ans plus tard, d’une
version très sportive, la R 8 Gordini.
1963
– Ferruccio Lamborghini, fabricant italien de tracteurs et de brûleurs à
mazout, inaugure son usine de voitures à Sant’Agata, près de Bologne. Dès
1964, il commercialise la 350 GT, rivale directe des Ferrari. Son chef-d’œuvre
est la Miura, lancée en 1966.
– Porsche présente sa 901, qui deviendra 911 quelques semaines plus tard.
1964
– Naissance de la Ford Mustang. Imaginée comme une voiture moyenne
pour un public moyen, elle devient en quelques mois la coqueluche des
Américains. Dans la foulée, elle conquiert l’Europe et réconcilie les conducteurs
du vieux continent avec les « grosses » américaines. Elle sera déclinée en de
nombreuses variantes. Avec la Chevrolet Camaro, sa rivale de la Général
Motors, apparue en 1967, elle marque la fin de l’âge d’or de l’automobile.
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