Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
NOUVELLE-ESPAGNE
23232. — PARIS, IMPRIMERIE A. I.AlIUIiE
il,. Une de Fleures, 0
HISTOIRE GÉNÉRALE
DES CHOSES
DE LA
ET TRADUCTEUR
DE LA CHRONIQUE DE DERNAL D1AZ DEL CASTILLO
E T P A I!
R KMl KJMEOIS
EUITEOU, AVEC COMMENTAIRES,1* 13 I.A GttAMMAlRENAHUATL,
nU R. P. FRAVANDRÈS DE OLMOS
PARIS
G, MASSON,.ED] '.r E U Yi
LIBRAIRIE DE L'ACADÉMIB DE MÉDECINE
1880
AVERTISSEMENT
i.L'archéologue distingué Fernando Ramirez a fait précéder l'écrit do fray Toribio Motolinia
d'uneélude fort intéressante sur la vie et les travaux de ce moine illustre. A la page LVII de cette
étude il entreprend l'examen des désaccords de Las Casas avec lui et quelques autres coreligion-
naires. .T'ai le regret do no pouvoir donner à mes lecteurs une idée quelconque de l'intérêt de cette
appréciation, parce qu'elle absorberait un espace qui ne saurait lui être sacrifié dans ce livre. Mais
je signale cet écrit important à la curiosité do mes lecteurs.
INTRODUCTION. VII
sentiments que furent dues les premières études, les seules qui pussent
plus tard inspirer une confiance absolue aux historiens, sur les moeurs,
encore existantes des anciens Indiens; car, ainsi que le pratiqua l'auteur
dont nous donnons aujourd'hui la traduction, les premiers arrivants parmi
les moines inspirés d'une saine philosophie firent parler les indigènes eux-
mêmes et formulèrent sous leur propre dictée ce qu'ils savaient des habi-
tudes intimes dont ils n'étaient encore nullement détachés. C'est la con-
viction où nous sommes du mérite de ces premiers efforts et des écrits qui
en ont été la conséquence qui nous a fait choisir le travail du P. Sahagun
pour transmettre à des lecteurs français non familiarisés avec la langue
espagnole le récit des choses intimes des Indiens de la Nouvelle-Espagne.
Ainsi qu'il le dit lui-même en effet, Sahagun 1, qui arriva au Mexique en
1529, huit ans après la prise de Mexico, s'empressa d'apprendre la langue
mexicaine et d'enseigner aux Indigènes l'espagnol et même le latin. Deve-
nant l'élève de ceux qu'il initiait à des connaissances européennes, il
s'instruisait en leurs façons d'agir du temps présent et en tout ce qu'ils
avaient appris du passé de leur pays. Il se mettait ainsi en mesure de
présenter à ses successeurs des écrits où l'on verrait figurer en réalité les
Indiens peints par eux-mêmes. Et cette dernière manière de qualifier les
travaux du P. Sahagun est la seule véritable. Il a voulu, sans nul doute,
qu'on ne les jugeât pas autrement et il a cru arriver à ses fins d'autant
mieux que, pour s'écarter le moins possible de la pensée de ceux dont il
dépeignait les moeurs et les coutumes, il s'est décidé à écrire sous leur
dictée et dans la langue même qui avait toujours été la leur. Nous touchons là,
d'ailleurs, à une circonstancede la vie des premiers moines du Mexique qui
est des plus dignes d'intérêt : il s'agit des efforts qu'ils firent tout d'abord
pour initier des Indiens dont ils connaissaient les aptitudes à l'art de repré-
senter le langage par l'écriture européenne. Jusque-là les Mexicains avaient
eu recours pour traduire leurs pensées à des peintures d'où résultaient de
véritables rébus qu'un petit nombre d'initiés pouvaient seuls parvenir à
déchiffrer. Les moines furent les premiers qui tentèrent de représenter par
nos caractères ordinaires les sons articulés qui résultaient de la pronon-
ciation des langues mexicaines. L'artifice une fois compris, les lettrés
indigènes s'y trouvèrent à l'aise pour confier à l'écriture ce qu'ils savaient
des annales de leur pays et pour s'assimiler plus aisément les règles qui
devaient les conduire à connaître nos usages, notre morale et nos moyens
1. Nous ignorons le véritable nom patronymique de notre auteur, qui, à l'exemple de ses coreli-
gionnaires, a signé du nom du bourg où il était hié, dans l'ancien royaume de Léon, à 50 kilomètres
environ de sa capitale.
VIII INTRODUCTION,
habituels d'acquérir n'importe quel genre de connaissances. Ce fut là le
premier service rendu par les corporations religieuses et surtout par les
Franciscains au travail de fusion qui s'effectua entre les connaissances appar-
tenant au pays lui-même et celles plus importantes que les Indiens devaient
acquérir. Dans ce travail mutuel, il serait injuste de ne pas reconnaître que
les indigènes ne furent pas inutiles. Sahagun ne manque pas au devoir de
leul* rendre justice, car il dit : « Ils (les Mexicains) ont donné leur concours
à la fondation et au maintien de notre sainte foi catholique, car, s'il existe
des sermons, des critiques et des exposés de doctrine en langue indienne
pouvant paraître et étant en effet libres de toute hérésie, ce sont ceux-là
mêmes qui ont été faits par eux. Comme ils sont déjà instruits dans la
langue latine, ils nous font comprendre le véritable sens des mots et les
tournures de leur langue, ainsi que les choses incongrues que nous disons
parfois dans nos sermons ou que nous mettons dans nos écrits. Ils nous cor-
rigent tout cela, et rien de ce qui doit être traduit en leur langue ne peut
être privé de fautes si cela n'a passé sous leurs yeux. » (Livre X, page 141.)
i. Bustamante expliqua l'origine do la copie qu'il possédait dans les termes suivants : « Cet
ouvrage a été copié à Madrid chez le cosniographoD. Juan liiiulisla Munoz, aux frais du brigadier
D. Diego Garcia Panes, Veracruzainauquel cela fui. gracieusement oITcrl. Il apporta d'Espagne cette
copie qui fut, plus tard, vendue avec ses livres pour cent piaHres à 1). Migmd José lîellido, qui me
la céda pour la infime somme avec un rabais do vingt piastres (lovant servir à son impression. » '
(Edition de Mexico, 1.1, page VII.)
X INTRODUCTION.
S'il s'agit en effet de pénétrer dans l'esprit du P. Sahagun et d'y voir
ses idées intimes, fruit de son éducation et de ses croyances, sur l'impor-
tance et la gravité des fautes et des habitudes vicieuses chez les indigènes,
on est amené à la réalité par ces quelquesparoles de son prologue : « Il im-
porte que les ministres qui s'occupent à convertir ne se limitent pas à dire
que, parmi les Indiens, il n'y a pas d'autres péchés que l'ivrognerie, le vol
!et les plaisirs charnels ; car il existe entre eux d'autres fautes plus graves
et qui demandent grandement leur remède. Les péchés d'idolâtrie, les rites
du paganisme, les augures et les superstitions qui s'y rattachentn'ont pas
disparu totalement. » Ainsi, pour notre vénérable auteur, les signes les plus
insignifiants et les plus inoffensifs (humainement parlant) des pratiques du
paganisme étaient des crimes de premier ordre, plus condamnables que les
habitudes qui enfreignent de la manière la plus odieuse les lois de la saine
morale. Cette tournure d'esprit et ces inspirations de la conscience appar-
tiennent bien à l'époque où l'hérésie paraissait plus digne du bûcher que
les actions les plus criminelles. Fort heureusement pour l'auteur de cet
écrit, ces aberrations étaient corrigées chez lui par les inspirations les plus
charitables et les appréciations les plus justes au sujet des qualités réelles
de ce peuple conquis, dont les infortunes lui paraissaient comme étant im-
méritées. On peut en tirer la conclusion que ce respectable franciscain
était d'un esprit droit, naturellement bienveillant et tout à fait accessible
aux pensées les plus humanitaires. On en a une preuve bien frappante à la
page 10 de son prologue où notre auteur s'exprime ainsi : « Ce qui est cer-
tain, c'est que les indigènes sont nos frères, issus de la souche d'Adam
comme nousr-mêmes ; ils sont notre prochain quenous devons aimer comme
nos personnes, quidquid sit. » Son bon sens n'apparaît'pas avec moinsd'é-
vidence dans le prologue du IX0 livre de cet écrit, où il énumère les sujets
variés dont il est traité dans son ouvrage entier. On Ht à ce propos les pa-
roles suivantes de l'auteur : « Dans le douzième livre, il est question des
guerres qui accompagnent la conquête de ce pays comme d'une chose hor-
rible et contraire à la nature humaine. »
Ajoutez à cette philosophie si pure l'amour du devoir et l'habi-
tude de l'accomplir avec l'exactitude la plus rigoureuse; vous aurez
ainsi une juste idée de la haute moralité de ce vénérable franciscain
trop oublié. Pour mieux faire ressortir sa valeur et la présenter au
lecteur avec toutes les garanties de la vérité, nous traduirons ici le ju-
gement d'un de ses coreligionnaires, son contemporain, fray Geronimo
de Mendieta.
« Fray Bernardino, natif du bourg de Sahagun, étant étudiant à Sala-
INTRODUCTION. :XÏ
1. Fray Gnronimo de Jlendicta, llisloria eclesiastica indiaha, p. 055 Édition de Mexico, 1800.
INTRODUCTION. Xtfl
d'une transformation rapide du peuple qu'on se proposait de gagner aux
idées européennes. Il prit en religion le nom de fray Arnaldo de Bassacio.
Ce fut lui qui établit, le premier, la méthode à suivre pour enseigner la'
orammaire latine aux Indiens. A côté de ce compatriotejustement renommé,
fray Bernardino de Sahagun mérite de figurer à la première place par ses
aptitudes et par son zèle infatigable. Ce fut au milieu des occupations
destinées ainsi à instruire les indigènes qu'il recueillit lui-même les élé-
ments d'instruction qui lut permirent de rédiger, en langue mexicaine et,
comme il le dit dans sa préface, sous la dictée des lettrés et des vieillards
du pays conquis, les douze livres formant un corps d'ouvrage composé dans
le but d'éclairer ses coreligionnaires sur la religion, les coutumes et le-,
passé des Indiens de la Nouvelle-Espagne. Sa résolution de l'écrire primiti-
vement en langue nahuatl et son respect pour ce premier texte lorsqu'il le
traduisit en langue espagnole, ont eu pour résultat une composition défec-
tueuse, si on veut la juger dans la méthode confuse de son exposition et
dans un certain embarras de style qui dénote un canevas sur lequel la plume
n'a couru qu'avec hésitation 1. Peut-être faut-il voir aussi dans ce calque
absolu d'une langue européenne sur le parler d'un peuple moins civilisé,'
certaine absence de réserve délicate qu'un moraliste sévère ne se fût pas
permise dans un style de son cru. Mais le lecteur, choqué par le réalisme
des passages auxquels nous faisons allusion, aurait tort d'attribuer l'irrévé-
rence des mots et la nudité outrée de certaines descriptions à la légèreté ou
à l'indifférence de moeurs du P. Sahagun. Ce qu'on vient de lire sur sa
vertueuse vie prouve bien qu'un pareil jugementserait absolument contraire
à la réalité en confondant sa sincérité naïve avec des habitudes blâmables
de langage. D'ailleurs, ces contrastes entre la pureté de l'âme et les libertés
dans l'expression de la pensée n'étaient pas rares chez les moines les plus
vertueux d'un autre temps. L'habitude d'entendre en confession des énor-
milés de toutes sortes et d'en discuter les détails révoltants finissait par
émousser en eux les délicatessesdu langage, et c'étaient précisément ceux-
là mêmes que leur innocence rendait plus naïfs qui éprouvaient en cela le
moins de scrupules. Or, ai-je besoin de dire dans quelles immondes ordures
les premiers confesseurs des indigènes étaient obligés d'étendre leurs
longues conversationsde tous les jours pour leur faire comprendre l'immo-
1. Los réflexions dont nous avons fait précéder, à litre d'avis au lecteur, l'impression du
X" livre de cet ouvrage, nous dispensent ici de toute observation se rattachant aux trois derniers
livres. x
XVI INTRODUCTION.
dont ils furent animés pour recueillir les vérités concernant le passé de
l'histoire de ce pays, et pour en donner le récit en employant les caractères
de l'écriture européenne. C'est là qu'on voit surgir les Ixtlilxochill, les
Tezozomoc, les Chimalpahin, que nous avons déjà nommés, et dont les
publications diverses ont puissamment contribué à éclairer l'histoire an-
cienne du Mexique.
Le quart suivant du siècle trouva les travaux d'investigation ébauchés
par les prédécesseurs. On y voit encore cependant des écrits originaux tels
que celui de Fray Geronimo de Mendieta ; mais plus lard, jusqu'à la fin du
siècle, l'investigation personnellefait défaut le plus souvent et Torquemada
1lui-même, dont les travaux ont une importance hors ligne, s'éclaire à la
1. M. Garcia Icazbalccta endonne une traduction espagnole avec le texte italien imprimé AU bas
des pages, dans la Coleccion de documentes para la hùloria de Mexico, tome I".
.
INTRODUCTION. XIX •
conduire à la découverte de la vérité. Son rang d?historiographe de la,
couronne le mettait en mesure de réunir tout les manuscrits et les infor-
mations verbales du temps. Aussi son livre jôuit-il à juste titre d'une
réputation considérable. On peut regretter son peu de méthode et lai
confusion qui résulte du plan chronologique que l'historien a suivi pour
embrasser le vaste sujet de l'histoire des conquêtes et de la colonisation,
de toute l'Amérique. Heureusement une table très bien faite et très
détaillée met toujours en mesure de trouver sans retard ce qu'on a désirer
connaître.
Je dois m'excuser auprès de mes lecteurs d'avoir interverti l'ordre natu-
rel indiqué par les dates des productions historiques sur la Nouvelle-Espa-:
gne et porté au dernier rang de ce court aperçu celui qui a si bien
mérité d'être inscrit à la première place comme conquérant et comme nar-
rateur des faits héroïques que son génie et sa bravoure avaient su conduire.
Comparable à César, Fernand Cortès écrivit aussi ses Commentaires ; mais,r
différent en cela de son devancier, il décrivit les événements sur le terrain
même qui en était le théâtre et à mesure qu'ils se déroulaient sous l'im-
pulsion de sa puissante volonté. II en est résulté que sa plume est à la fois
restée plus eolprée et plus vivante à cause de la fraîcheur des impressions
sous l'empire desquelles elle était conduite. Les lettres de conquistador
adressées au gouvernement espagnol sont écrites d'un style sobre, clair,
d'une simplicité élégante qui respire la franchise et la conviction d'avoir
bien agi. Pétri de la trempe du vrai héros, le surprenant auteur de ces let-
tres ne paraît pas se complaire un seul instant dans la contemplation de
son oeuvre en présence des triomphes sans exemple qui se sont succédé
sous son commandement ; il les rapporte simplement, comme des faits natu-
rels qui n'auraient rien à voir avec le mérite de celui qui les a faits se dé-
rouler sous les inspirations de son génie militaire, s'aidant de la brillante
énergie qu'il a su inspirer à ses compagnons d'armes aussi bien qu'à ses
alliés.
Doué de dons instinctifs pour sentir vivement tout ce qui frappait ses
regards, il se pénétra des scènes nouvelles et originales que la nature dérou-
lait successivement sous ses yeux et il s'en inspira à ce point qu'il les re-
produisit sous sa plume avec les couleurs de la plus vivante ré'alité. L'im-
pression qu'il dut produire en Espagne fut sans doute bien extraordinaire
lorsqu'il décrivit l'originalité du peuple qu'il venait de conquérir et la va-'
leur surprenante avec laquelle les vaincus combattirent pour conserver leur
indépendance. Cela explique l'enthousiasme avec lequel il fut accueilli dans
sa patrie, quelques années plus tard, lorsqu'il vint rendre compte à son roi
XX INTRODUCTION.
des hauts faits qui ajoutaient un immense royaume aux possessions dé la
couronne de Castille.
Ce sont donc les lettres de Cortès qui doivent s'inscrire en tête des mo-
numents historiques qui reproduisent les événements de la conquête du
Mexique. Le conquistador en fut le chroniqueur modèle ;après en avoir été -
l'inspirateur unique et le héros sans rival.
Tels furent les premiers historiens qui s'occupent des faits et des choses
concernant l'ancien Mexique ' ; portons maintenant nos considérations sur
les peuples qui l'habitèrent et sur le pays lui-même.
II
1. Cet aperçu succinct a ou pour but de présenterà l'attentiondu lecteur les premiers inspirateurs
des travaux historiques sur les moeurs elles habitudes du peuple mexicain avant et pendant la con-
quête. Ils appartiennentsurtout au second quart du xvi° siècle. J'ai donné à celle étude incomplète
un surcroît de développement qui étend mes considérations jusqu'à la lin du siècle. Je n'ai pas eu
l'intention de les rendre complètes et je n'ai surtout pas voulu leur faire embrasser les siècles qui
ont suivi, jusqu'à notre époque. L'impulsion première dont je viens d'entretenir le lecteur a été
poursuivie par des historiens et par des archéologues du plus haut mérite, qui ont soumis à des
méthodes scientifiques rigoureuses l'examen des faits et des découvertes qui ont été la consé-
quence de la conquête. Des collectionneurs étnérites et des érudils estimables oui fait subir les
épreuves d'un examen scrupuleux à des manuscrits échappés au vandalisme de quelques fana-
tiques, et à des restes archéologiques qui dévoilentla civilisation avancée du peuple conquis. Nous
donnerons ici pour mémoire la liste des principaux savants qui résument dans leurs écrits ce que
l'on peut considérer comme le moins sujet à contestation sur ce qui regarde le passé du peuple .
mexicain et les premières années de l'organisation du pays conquis. Il existait un très grand
nombre de peintures qui furent détruites par le zèle fanatique des premiers missionnaires. Beau-
coup furent sauvées et d'autres furent reproduites sous l'empire des souvenirs et au moyen de
l'écriture nouvelle par des lettrés mexicains, tezeucans et tlascallèqucs. Il se forma aussi des ;
collections considérables, entre autres celle de Mendoza, dont l'explication a été publiée en Angle-
terre; celle du Vatican qui existait au temps de Clavigcrodans la grande bibliothèque ; celle de
Vienne qu'un cardinal donna en cadeau à l'empereur Léopold d'Autriche; celle de Siguënzay.
Gongora;celle de flotiuïiii qui se conseralongtemps dans les archives delà vicc-rbyaulé. Ajoutons
à cola l'immense publication faite, en 1830, à Londres, par lord Kingshorough, laquelle, pour la
INTRODUCTION. XXI
richesse, le nombre et l'exactitude dé ses dessins, mérite d'être considérée comme une collection
véritable.
Quant aux historiens indigènes qui suivirent la conquête, nous pouvons inscrire ici ceux que
nous avons déjà nommés et les faire suivre d'autres noms non moins honorables.
Don Fernando Ixtlilxochitl, fds du dernier roi de Tetzcuco — Don Antonio de Tovar Cnno
Moeleuhçoma Txtlilxochitl, descendant à la l'ois des rois de Tetzcuco et de Mexico — Don Fernando
de Alha Ixtlilxochitl — Tadeo do Niza — Gabriel de Ayala — Pedro Ponce — Cristobal dcl Cas-
tillo —Diego Muiioz Camargo— Juan Uaulista Pomar — Domingo Munoz Cliimalpain — Fernando
de Alvarado Tezozomoc — Antonio de Saavedra Guzman.
Avanteux avaient paru, ou parurent aux mêmes époques, les lettres de Cortès—Lopcz de Gomara —
la chronique de Bernai Diaz — Alfonso de Mata — Alfonso do Ojeda
— le Conquérant anonyme —
Oviedo — le jésuite Acosta, ainsi que les manuscrits des franciscains Motolinia, Olmos, Sahagun.
Vinrent ensuite Mendieta, Torquemada et Betancourt. Inscrivons ici le nom du célèbre historien
Herrcra et mentionnons lïobcrtson.
Vcytia et Clavigero méritent une mention spéciale à cause de l'importance de leurs écrits histo-
riques portant surtout sur les époques anciennes et les coutumes des Mexicains. Le dernier, qui
étaitjésuite, étanl expulsé de son pays et résidant en Italie, écrivit son histoire en langue italienne.
Elle est très complète et très véridiqué. Ajoutons encore : Antonio fiama, dont les écrits appar-
tiennent à la seconde moitié du xvm° sièele.
— Le manuscrit d'Estrella — Pierre Martyr —
l'historien Solis.
De notre temps : la belle histoire de l'américain Prescott
— les écrits de l'abbé Brasseur de?
Bourbourg et les recherches importantes des Mexicains contemporains sur les langues indigènes,
l'histoire et l'archéologie du Mexique : Carlos Maria de Huslamante Don Francisco de Pimenlcl
—
— Don Manuel Orozco y Berra — Don Jonquin Garcia Icazhalccla— Don Fernando Ramirez, etc..
Mentionnons enfin avec un éloge mérité l'écrit récent de M. Girard de Hialle
sur les religions
anciennes de l'Amérique, et un autre tout à fait d'actualité sur l'ethnologie de ce pays, par le même
auteur.
XXII INTRODUCTION.
.
Mexico, ceux de Puebla et de Yera-Cruz à l'est-, la plus grande partie du
territoire intermédiaire entre la rivière de Zacatula et l'océan Pacifique à
l'ouest ; au sud, il avait pour limite le fleuve Goatzacoalco. Laissant
Tabasco jouir de son indépendance, il s'étendait sur une partie de l'État
de Chiapas et se terminait à la province de XoconochcOi II est à remarquer
que dans cette extension considérable le royaume de Tehuantepec ne fut
que momentanément subjugué. Les seigneuries dé Huexotzinco et de
Chollollan y furent presque toujours indépendantes. Le même auteur fait
observer avec raison que la langue mexicaine avait envahi non seulement
les royaumes alliés, mais aussi la république de Tlascala et, ce qui est
plus étonnant encore, certaines étendues comprises dans les États actuels
de Colimà, de Jalisco et de Sinaloa, où n'avaient jamais pénétré les armes
mexicaines.
Il serait intéressant de pouvoir dire avec quelque fondement de vérité
si le Mexique était habité, avant la conquête, plus qu'il ne l'a été depuis
lors sous l'administration des Européens. Il est probable que la population
y était arrivée à un chiffre qui n'a jamais été atteint depuis, en aucun
temps; mais il n'existe point de données suffisantes dans les écrits des
historiens pour se livrer, à cet égard, à un calcul précis. Il est un autre
point qui se rattache à ce sujet et qui est loin d'être dénué d'intérêt:
c'est de savoir si les habitants de ce pays s'étaient portés autrefois, avant
l'invasion des Espagnols, plus volontiers sur les régions chaudes que sur
les régions froides, ou réciproquement. La répulsion que les maladies ac-
tuelles inspirent aux Européens pour la terre chaude tend à faire croire que
ces régions ont été de tout temps plus ou moins désolées, et craintes par
les habitants. Cela n'a jamais été ma pensée. J'ai cru même que la santé
des natifs est au moins aussi bonne sur les terres basses que sur les plus
élevées des plateaux de ce pays. Si les prédilections des populations actuel-
les ne paraissent pas, à première vue, en donner partout la preuve, cea
tient en grande partie au genre de ressourcesqui excitent de nos joursl'am-
bition de la race civilisée et plus ou moins européenne qui a succédé aux
anciens Indiens et a fait diminuerleur nombre. Mais bien des souvenirs
écrits du passé concordent pour témoigner que ce qui se passe actuelle-
ment n'est pas la reproduction exacte de ce qui exista en d'autres temps.
Je trouve, en effet, dans le très curieuxmémoire de Juan Suarez de Peralta S
écrit dans la seconde moitié du xvi° siècle et publié pour la première fois à
1. Il y a des raisonsde croire que c'était un neveu de la première femme de Cortès dont le nom
était Catalina Suarez ou Juarcz. Son frère Juan la rejoignit à Mexico. C'est lui qui serait le père de
Suarez Peralta dont il est ici question.
INTRODUCTION. XXIII
1. Il est extrêmement difficile, toutes les fois qu'il s'agit de piastres dans les écrits du xvr3 siècle,
de déterminer la somme réelle à laquelle cola correspond. La piastre mexicaine d'aujourd'hui, qui
est le dura des Espagnols, vaudrait l'r. 5,40. Avec colle dernière supposition, la grande monnaie
d'or du Mexique valant seize piastres devrait équivaloir à seize fois la somme que nous venons de
dire. Les valeurs comparatives entre les deux métaux d'or et d'argent ont beaucoup changé de nos
jours ; mais l'embarras que cela peut, entraîner dans les transactions n'est rien en comparaison de ce
qui arrive relativement aux temps anciens. Fernand Cortès, dans les relations de sa campagne,
parle souvent Aapesos de oro et l'on ne sait réellement à quoi s'en tenir, pas plus que nous no le'
savons dans le cas présent. M. Orozco y Berra, dans son Dictionario universal, tome 5, page 911,
cl José Fernando Ilamirez dans ses notes {7°) de Prescolt, prétendent que le peso de oro valait :
piastres 2,93. Mais M. Orozco ajoute que le peso de oro de minas et le peso de oro ensayado
valent 2,64 ; tandis que le peso de oro commun ne vaut que 1,75 et le JÎCSO de lepuzqtte 1,00. Je
ne suis pas en mesure de mettre en discussion la réalité de cette appréciation et je ne puisque
constater ici la compétence incontestable des estimables Mexicains que je viens de nommer.
2. Kolicias kistoricas de la Ncuva-Espaîia, par don Justo Zaragoza, chapitre xvn,
—
page 128.
XXIV INTRODUCTION."
quelques curieux lecteurs qui me demandent pour quelle raison, nous, lés
vrais conquérants de la Nouvelle-Espagne et de la puissante ville de Mexico;
nous marchions sur d'autres provinces, au lieu de rester dans la capitale
pour la coloniser. Je trouve la question raisonnable et voici comment j'y
réponds. Nous découvrîmes dans les livres de Montezuma quels étaient les
lieux d'où l'or lui venait, et dans quelles parties du pays il y avait des
mines, du cacao et des étoffes. Or nous avions précisémentl'ambitiond'al-
ler dans tous les endroits signalés sur ces registres comme ayant été le
point de départ des tributs en or pour le grand Montezuma. Ce qui nous pi-
quait surtout, c'était de voir partir, de Mexico, un de nos principaux chefs,
ami de Cortès, le capitaine Sandoval ; et d'autant plus qu'il était à notre
connaissance que les environs de Mexico n'avaient ni mines d'or, ni coton,
ni cacao, mais simplementdu maïs et des magueys qui servent à fabriquer
îe vin du pays, circonstances qui nous faisaient regarder comme pauvre le
lieu où nous étions et nous poussaient à partir vers des provinces éloignées,
dans le but de les coloniser. Nous commîmes en cela une grave erreur. Je
me rappelle, à ce propos, que je fus parlera Cortès pour lui demander l'au-
torisation de partir avec Sandoval ; il me répondit : « Sur ma conscience,
Bernai Diaz del Castillo, mon frère, je crois que vous avez tort ; je voudrais
vous voir rester ici avec moi ; mais si vous avez décidé d'aller avec votre
ami Gonzalo de Sandoval, partez et bonne chance ; je prendrai toujours soin
qu'il ne vous manque rien, mais je suis sûr que vous vous repentirez de
vous être séparé de moil. »
Il résulte de ces curieux passages et de bien d'autres analogues que l'on
pourrait citer que, à l'exception de la vallée de Mexico à laquelle la proxi-
mité du pouvoir et les séductions du site donnaient alors comme aujour-
d'hui une valeur factice, les régions basses du pays fournissaient plus
d'éléments de prospérité et réunissaient un plus grand nombre d'ha-
bitants.
Il est bien naturel de se demander aussi s'il est resté quelque chose de
la prétendue grandeur de la ville de Mexico telle qu'elle existait avant la
conquête. Et d'abord, qu'élait-ellc avant cette époque mémorable ? Les
historiens sont loin d'être d'accord sur le nombre d'habitants qui formaient
sa population entière. Prescott, au chapitre icr du livre IV de son ouvrage,
nous parle du résultat de ses investigations à ce sujet et nous affirme
qu'aucun contemporain n'a fait monter cette population à moins dé
1. Bcriial Diaz del Castillo, traduction D. Jourdanct, chapitre CLVU, page 547.
INTRODUCTION. XXV
iieii près tout ce qu'il fallait de ses eaux pour qu'on ne les vît point sé-
journer à ut surface du sol sur lequel est bâtie la ville. Mais, en 1866, l'é-
coulement devint tout à fait impossible et les Ilots mômes du dehors firent
irruption dans la capitale. Ce ne fut pas seulement la saison des pluies qui
présenta ce désolant spectacle, li continua à attrister nos regards durant
nos mois de sécheresse, et
je vis, pour ma pari, un grand nombre de quar-
tiers où les cours des maisons, inono^es d'une eau virdàlre, ne cessèrent
jamais de rendre nécessaire l'emploi de planches et de solives, pour qu'il
lui possible do les traverser à sec.
Les rues elles-mêmes, tour à tour humides et desséchées, présentaient
aux ardeurs solaires les détritus organiques venus du dehors, mélangés
avec les produits de provenance urbaine. Beaucoup de rez-de-chaussée
t
ccouverts d'un parquet de planches ou de solives mal jointes, laissaient
voir itu travers de leurs fente.-, à deux ou trois centimètres de la surface,
une eau croupissante et souvent fétide, au-dessus de laquelle des familles
entières passaient leur triste vie. Je n'exagère pas ; le tableau est fidèle.
On peut donc assurer que le retrait des eaux de la lagune de Tezcoco ne
s'est pas effectué sans esprit de retour; mais il est difficile de pouvoir dire
quelles sont les causes qui ont déterminé dans le passé et déterminent au-
jourd'hui ces llucluations. Los membres de la commission ù laquelle est
dû le travail important résumé par M. Orozco et qui nous sert actuellement
de guide se déclarent incompétents pour juger celle partie mystérieuse du
sujet qui nous occupe. Sahagun nous parle souvent du trou absorbant de
la lagune qui était le siège de manifestations répétées de l'idolâtrie dos an-
ciens Mexicains. « Ceux qui croyaient à celle fuite, dit M. Orozco, en don-
naient pour preuve les sacrifices qui avaient lieu dans un endroit déterminé
du lac, des peintures hiéroglyphiques représentant le resumidero, le lé-
nioignage unanime des bateliers qui assuraient avoir vu le remous à la sur-
face et s'être sentis entraînés par le courant, les dires de vieux Indiens dé-
clarant qu'au temps de la genlilité on connaissait bien cet endroit cl qu'on
le désignait sous le nom de Paiilùlan. Mais, eu dépit de tant de preuves
qui semblent concluantes, lorsque les autorités voulurent s'assurer du fait,
les plus actives recherches, faites avec la perspective d'une récompense de
100 000 piastres, demeurèrent
sans résultat. Vraie ou non, la chose passe
maintenant pour un conte propre tout au plus à amuser les enfants. Quant
aux couches absorbantes, si jamais elles ont existé, les dépôts qui se sont
accumulés-au fond du lac doivent les avoir recouvertes depuis longtemps
et rendues désormais impropres à fonctionner. »
Malgré ces paroles raisonnables de l'ingénieur mexicain, il est de fait
que
c
XXXIV INTRODUCTION.
les eaux de la lagune se sont retirées dans les temps passés avec une rapi-
dité qui n'est nullement expliquée par le phénomène de l'évaporation natu-
relle. Elle l'est moins encore si l'on s'arrête à cette pensée : que les limons
se sont entassés progressivement dans le fond de la lagune dont ils ont di-
minué la profondeur. La conséquence naturelle de ce tassement aurait dû
être de chasser les eaux en dehors de leur lit primitif en les obligeant à
couvrirune plus grande étendue de terrain, attendu que la capacité en pro-
fondeur serait devenue, par le fait du temps, progressivement moins con-
sidérable. Si un fait contraire s'est produit, et s'il faut reconnaître que les
conduits absorbants sont imaginaires, le phénomène reste absolument inex-
pliqué. Il est cependantirrécusable.
En effet, d'après M. Orozco, « le nivellementexécuté par Enrico Marlinez,
au commencement du dix-septième siècle, donna lm,10 de différence de
niveau entre la grande place de la ville et le lac de Tezcoco. La même opé-
ration faite par MM. Velasquez et Castera et considérée par M. de Humbolt
comme le relevé le plus exact, indique l'n,24 à l'extrémité méridionale
du palais. Dans les deux siècles qui s'écoulent entre ces deux observations,
quelle que soit dans le fond du bassin l'épaisseur de la couche produite
par les éboulements qui n'ont pu avoir d'autre résultat que l'élévation du
sol, le niveau des eaux baisse cependant de 1"',14. Si la masse liquide
eût été constamment la même, le niveau des eaux se serait élevé pro-
portionnellement au mouvement du fond, ou les eaux se seraient répan-
dues loin des bords sur les terrains bas, en raison aussi du volume qui en
aurait été déplacé. Il résulté de la comparaison de ce chiffre avec celui
qui précède que, dans une soixantaine d'années, le niveau du lac est des-
cendu de 0"',657 au-dessous du plan de la ville. Quoique les variations du
niveau des eaux ne permettent pas de déterminer ce rapport avec une
exactitude rigoureuse, il n'en est pas moins hors de doute que, si les ensa-
blements et le limon exhaussent le fond du bassin, on ne peut pas dire de
même qu'ils fassent monter la surface du liquide, qui baisse au contraire
notablement et plus rapidement aujourd'huiqu'autrefois. »
Ces dernières paroles, qui étaient vraies en 1862 et 1865, ne sont plus
aussi exactes aujourd'hui. Le niveau du lac de Tezcoco s'est, en effet, élevé
plus tard et a produit dans les environs de la ville cl dans la ville elle-même
descalamités que nous avons détaillées.plus haut. Avouons donc qu'il y a dans
cessation
ces sortes de phénomènes une cause encore mystérieuse et que la
absolue des inconvénients qui en résultent ne pourrait avoir lieu que par le
déversement des eaux au dehors de la vallée, entreprise gigantesque qui a
été tentée dans les temps antérieurs et qui se réalisera sans doute dans les
INTRODUCTION. XXXV
III
Le peuple mexicain, au début du seizième siècle, était un composé com-
plexe, sans unité anthropologique, si l'on veut du moins le considérer dans:
toute l'étendue du pays qui s'appela d'abord la Nouvelle-Espagne et qui
porte aujourd'hui le nom de Mexique. On peut néanmoins assurer que,
XXXVÎ IN 'PRODUCTION.
dans les moeurs et les coutumes les plus essentielles, il existait partout des
analogies provenant de l'influence que les dernières races conquérantes,
fondatrices du principal empire, avaient fait rayonner des centres d'admi-
nistration vers les provinces conquises et même jusqu'à d'autres qui vi-
vaient encore indépendantes. Etudier le peuple mexicain dans le centre de
son organisation et dans les pratiques qui caractérisaient le mieux ses pro-
grès sociaux, ainsi que ses croyances philosophiques et religieuses avec le
degré de civilisation auquel il était parvenu, c'est travailler en même temps
à connaître d'une manière générale les vérités de même ordre concernant
le pays tout entier. Quelques exceptions ou quelques particularités locales
ne sauraient être considérées comme un obstacle sérieux à l'établissement
de convictions uniformes, en ce qui regarde l'essence même des vérités
ressortant „d,e l'ensemble. Nous ne disons là rien qui diffère de ce que l'on
a pu observer dans tous les pays du monde et dans tous les temps.
Aujourd'hui même, s'il s'agissait de faire une étude dans le but d'établir
le degré d'exquise civilisation auquel la France est parvenue, on n'irait
pas en chercher les éléments dans les villages arriérés des montagnes des
Cévennes ou des landes de la Bretagne, et l'on ne croirait pas que le peu de
cullure, malheureusement incontestable, de certains districts encore arriérés
pùl. obscurcir en quoi que ce soit les éloges que les progrès de l'esprit
humain ont mérités dans les centres principaux de ce pays. On ne trouvera
cloue pas surprenant que, pour juger le degré de culture auquel les Mexi-
cains du temps de la conquête étaient parvenus, nous prenions les éléments
de nos appréciations dans les moeurs et les habitudes des familles aux-
quelles n'avaient manqué ni les exemples de moralité, ni les meilleurs
éléments d'éducation privée et publique. Or, le peuple mexicain ainsi
envisagé, sans égard aux préjugés his'oriques, va nous fournir un surpre-
nant exemple de l'unité de vues et d'aspirations auxquelles l'esprit humain
abandonné à lui-même a obéi, à toutes les époques et sur toute la surface de
noire globe. Pour nous en convaincre, nous envisagerons ce peuple dans les
trois phases les plus essentielles de la vie humaine : la naissance, le
mariage et la mort; parce que les pratiques et les croyances qui s'y ratta-
chent sont les plus propres à mettre en évidence les idées que l'homme
se fait de ses devoirs et de sa destinée. Nous nous livrerons à ce triple
aperçu en entrant dans quelques détails minutieux relatifs aux habitudes
auxquelles le peuple mexicainavaitétéentraîné par des instincts de race, les
exemples de famille et l'éducation publique. Mais disons d'abord le
genre
d'iiiiluenoe que les climats de sou pays auraient
pu exercer pour adoucir
oit exciter ses inclinations naturelles. Un des plus curieux passages de l'uni-
INTRODUCTION. xxxvil
de Sahagun est celui qui rappelle les aspirations des immigrants azlè-
\rc
lorsqu'ils arrivèrent au pays où ils devaient asseoir leur empire. Ils
oues
allaient à la recherche de régions enchantées et ils étaient poussés vers
les hauteurs des montagnes par l'espoir d'y trouver le séjour de délices qui
excitait leur envie '. Leur goût pour la riante beauté des sites, dont lémoi-
onèrent bientôt les cultures élégantes de leurs jardins, arrêta leur marche
fertile vallée dominée par le Popocatepell, aux bords de ces
au milieu de la
belles lagunes qui leur parurent favoriser à la fois la satisfaction de leurs sens
et les besoins de défense. On peut assurer que dans ce lieu choisi par les
Aztèques pour y fixer.leur demeure, l'uniformité de sa douce température
eût été des plus propres à amollir la férocité d'instincts chez un peuple
qui en aurait été fatalement entaché. L'aspect de celle nature à la fois
grandiose el souriante devait, d'ailleurs, entraîner le calme de l'âme plutôt-
que le bouillonnement de cruelles passions. On peut donc assurer que
l'historien, au moment d'entreprendre l'élude morale du peuple qui a fixé
là le point de départ de ses destinées, se trouvera en présence d'actes et
d'inspirations qui n'auront eu pour mobiles que les sentiments naturels et
les fruits do l'éducation, indépendamment des influences physiques des
milieux qui, ailleurs, ont été bien souvent la source inspiratrice des
événements les plus décisifs dans l'histoire d'un peuple.
On vient de voir que la vallée de Mexico n'était pas, avant sa conquêle
parles Espagnols, ce qu'elle est devenue sous l'influence de leur adminis-
tration. La répugnance que la grande végétation inspirait à ces nouveaux
maîtres du sol en lit bannir les arbres magnifiques dont il ne reste plus
aujourd'hui que quelques rares vestiges. L'étendue des eaux y a, d'ailleurs,
diminué dans des proportions considérables. C'est donc au milieu d'une
nature plus riante el plus salubre que nous aurons à transporter nos consi-
dérations sur les moeurs et les coutumes des anciens Mexicains. L'enfant
dont la naissance va nous fournir les premiers éléments de nos réflexions
était appelé à grandir sous un ciel toujours bleu, resplendissant de lu-
1. Sahagun dit, en effet, dans sa préface et dans le prologue du VII1° livre, que les premiers
colonisateurs des hauts plateaux du Mexique venaient des régions septentrionales el croyaient
savoir par tradition qu'ils Irouver.iient le bonheur en gagnant vers le sud les points élevés des
montagnes. Quoi qu'il en soit, les pérégrinations de ces premiers colons paraissent avoir obéi à
la pensée de s'élever vers les hauteurs, et il nous esl permis de voir là les traces d'une double
tradition qui témoignerait, d'abord de la croyance, établie parmi les peuples américains, (pic
l'Iionmie avait habité primitivement des climats d'une constante douceur et, de plus, que le
séjour des montagnes élevées avait pu seul lui en assurer la jouissance. Les restes de nom-
breuses habitations fitu.'es à des hauteurs considérables, dans l'Amérique méridionale, parais-
sent être d'accord avec ces traditions pour témoigner des goùls d'un autre âge pour la résidence
des lieux élevés.
XXXVIJI INTRODUCTION.
mière. Ses yeux s'ouvraient au milieu des soulèvements les plus gran-
dioses du sol, qui lui faisaient un paysage sans horizon, animé par une
variété magique d'aspects et par l'éclat de neiges qui n'ont jamais fondu,
Pourrions-nous dire qu'en présence de cet accueil que lui ménageait la
nature, les parents et les hommes près desquels il était appelé à vivre
restassent indifférents à l'annonce de son apparition sur la terre? Non, cciv
tainement ; et nous devons, au contraire, nous hâter d'avouer que le peuple
mexicain profitait de cette circonstance, comme de tout autre événement
marquant de la vie, pour témoigner de son respect pour les convenances
sociales et faire les plus louables efforts pour en régler les lois. La
femme qui s'était unie légitimement par les liens du mariage devenait
l'objet des prévenances de tous ceux qui l'avaient connue. Une attention
bienveillante était portée sur elle, et, aussitôt qu'elle avait fait l'aveu des
premiers signes d'un état intéressant de grossesse, la parenté entière,
à laquelle venaient se joindre les vieillards les plus respectables do
la localité, s'empressait autour de la jeune épousée pour la féliciter par
des discours que la tradition perpétuait dans le souvenir des familles, Dès
lors, les conseils les plus prévoyants l'entouraient sans cesse jusqu'au
moment de sa délivrance.
L'heureuse issue de cet acte, le plus intéressant de la vie féminine, était
proclamée sans déiai cl célébrée par des réjouissances. L'importance de
cet événement, qui devait assurer à la patrie un nouveau soutien, était
entourée d'un tel respect que, dans les cas malheureux où la mère en deve-
nait victime, elle devait être honorée presque à l'égal d'une divinité. On
comparait sa lutte contrôla souffrance au combat d'un guerrier valeureux,
et, de même que celui-ci, elle recevait la récompense des braves dans
une nouvelle vie de délices, au palais du soleil. Au moment où elle rendait
le dernier soupir,, l'accoucheuse élevait la voix et s'écriait en s'adressant
à la défunte : « Réveillez-vous et debout, ma fille ! le jour a paru et l'on
voit déjà les lueurs de l'aube matinale. Les hirondelles et tous les autres
oiseaux font entendre leurs chants. Levez-vous, rna fille, et parez-vous de
vos ornements ; partez pour ces lieux enchanteurs où s'étale la demeure
du soleil votre père. Là, tous les êtres vivent dans la joie, le contente^
ment et les délices. Allez avec le soleil, emportée par les femmes célestes,
ses soeurs, qui sont toujours réjouies et rassasiées de plaisir en sa eompa^
gnic, car il est le père universel ! » Sublime sentiment! Cette pensée
d'honorer d'une apothéose celle qui a donné sa vie pour assurer au monde
une existence nouvelle n'apparaît chez aucun autre peuple avec un pareil
enthousiasme d'expression. Ne passons pas avec indifférence devant ces
INTRODUCTION. XXXIX
admirables paroles, car elle3 sont pour nous la révélation d'une autre
chez las anciens Mexicains. « Réveillez--
croyance o-énéralement admise
vous Partez pour les lieux enchanteurs, » disait-on à celle qui ve-
nait de fermer ses yeux à la lumière de la vie terrestre. D'autres pas-
sades du livre de
Sahagun reproduisent cette même pensée, de manière à
nous montrer chez ce peuple vraiment remarquable la conviction que
l'existence de ce bas monde n'est qu'une illusion et un rêve, dont on se
réveille, en mourant, pour revivre de la vie réelle.
Mais revenons à l'enfant qui vient de naître. Ce n'était point avec indiffé-
rence que le premier soin de l'accoucheuse s'occupait à trancher les
attaches qui l'avaient uni, pendant neuf mois, à la vie de sa mère. La
section du nombril était entourée des signes d'un respect presque religieux,
et ce lien devenu inutile vivait encore dans l'esprit des parents par le
souvenir des fonctions dont il avait été l'intermédiaire. L'imagination des
Mexicains voyait en lui comme un point de transition entre une existence
jusque-là parasitaire et la vie désormais indépendante, et, de même qu'il
avait servi à attacher l'enfant avant sa naissance à celle qui venait de lui
fournir les premiers mois de la vie, de même on s'évertuait à rendre
sensibles par dos cérémonies touchantes les devoirs qui vont l'attacher
désormais à sa nouvelle destinée. Quand c'était une fille, son nombril était
enterré près du foyer, comme pour dire à la femme qui allait croître que
ses devoirs la liaient au domicile et aux soins intimes de la famille. Si
c'était un garçon, le nombril était confié à des guerriers valeureux qui
avaient mission de l'enterrer dans les lieux où s'engageaient les combats,
et bientôt les enfants du voisinage, venant saluer leur nouveau camarade,
rendaient sensible l'allégorie de cet acte en s'écriant : « 0 yaotl! o yaollï
pars vers le champ de bataille; ton métier est de réjouir le soleil et la
terre en leur donnant du sang à boire'et de la chair à manger. Ton sort est
celui des guerriers, aigles et tigres, qui sont morts à la guerre et qui se
réjouissent aujourd'hui en chantant devant le soleil
. . »
(page 457).
De toutes parts, au surplus, on venait féliciter le nouveau-né en lui
donnant la bienvenue. Dans les discours qui étaient prononcés à son sujet,
les voeux se formulaient toujours avec des rcslriclions où dominaient les
doutes sur sa future destinée. On
en peut juger par les paroles que l'accou-
cheuse prononçait à ce sujet en adressant une allocution à l'eau du
baptême : « Notre-Dame miséricordieuse, disait-elle, votre serviteur ici
présent est venu dans ce monde où l'ont envoyé nos père el mère, les
dieux qui résident
au neuvième ciel. Nous ignorons quels suit les dons
XL INTRODUCTION.
qu'il apporte; nous ne savon? pas ce qui lui a été attribué avant le com-
mencement du mondet ni quel est le sort dont il vient enveloppé »
(page 441). Deux mots do ce discours prouvent à quel point les Mexicains
étaient fatalistes ; car ils paraissent faire remonter leurs destinées à la
raison idéale de la création et à l'éternité des desseins d'où découla l'uni-
vers. On le voit plus clairement encore dans un autre passage du livre :
« Personne, parmi ceux qui naissent dans ce monde, ne reçoit son sort sur
cette terre; nous l'apportons, en réalité, avec nous-mêmes en naissant, car
il nous fut assigné avant le commencement du monde » (page 227). Leurs
bonnes ou mauvaises fortunes étaient donc éternelles comme la volonté
suprême de laquelle tout est sorti. Cette conviction générale se traduisait,
chez eux, en détails nombreux qui se peuvent lire dans les parties de ce
livre qui traitent des rapports de la naissance avec certains phénomènes de
la nature. Personne n'ignore, du reste, que des nations hautement civilisées
de l'Ancien Monde obéirent aux mêmes croyances ; mais ce peuple amé-
ricain eut sur elles l'avantage d'être conséquent avec ses convictions. Il sut
comprendre, en effet, que s'il n'était pas l'auteur volontaire de ses fautes
ou de ses méritespendant la vie, la raison s'opposait à la pensée qu'il en fût
puni ou récompensé après sa mort. Plusieurs passages de cet ouvrage nous
démontrent les idées qui le dominaientà cet égard; car il y est dit expres-
sément que les joies ou les satisfactions qui étaient le partage de chacun
dans la vie immortelle dépendaient uniquementdu genre de mort, sans
grand égard au plus ou moins de mérite qui l'avait précédée ; mais n'an-
ticipons pas sur les développements que celte croyance comporte et que
nous aurons à étudier bientôt avec plus de détails.
C'étaient les augures qui se chargeaient du soin de révéler, par la con-
naissance de certains signes, quelle serait la destinée de l'enfant dont on
venait leur annoncer la naissance. Mais, veuillez voir à quel point ce
peuple s'était évertué à ne rien étouffer dans l'homme de ce que pou-
vaient produire les élans de sa volonté dégagée de toute entrave. Il n'avait
point voulu qu'il pût jamais succomber au découragement sous la pensée
d'une destinée fatale qui aurait pesé sur son initiative en toute chose pour
la rendre inféconde. Aussi les augures s'empressaient-ils, en entrevoyant un
mauvais sort, de détailler les moyens qui pouvaient servir à le conjurer.
Ainsi donc, ce rapide coup d'oeil jeté sur l'avènement d'un nouvel être
nous fait voir à quel point les Mexicains avaient su honorer de leurs
respects ce premier pas que l'homme fait dans la vie, aussi bien que les
circonstances qui l'y avaient immédiatement précédé. Les allocutions dont
la tradition avait l'ail parmi eux. une habitude et qui étaient prononcées à
INTRODUCTION. XLl
nroiiosdc cet événement nous dévoilent aussi que les indigènes de l'ancien
Mexique pratiquaient le culte du souvenir à l'égard des aïeux. L'amour
de la famille, qui est la base solide des sentiments du devoir envers la
société et la patrie, existait très vivace dans leur coeur: « Oui, disait-on, en
félicitant les parents du nouveau-né, voilà que germent et fleurissent la
renommée et la gloire appelées à faire revivre la mémoire des aïeux dont
les dieux nous transmettent ici l'image et l'empreinte! » C'étaient
le plus souvent les vieillards qui se chargeaient du soin de témoigner à la
famille les sentiments de joie et de sympathie dont le nouveau-né était
l'occasion. Rien n'est touchant, dans les coutumes favorites des Aztèques,
comme ce sentiment qui réunit les âges extrêmes et qui porte les plus
anciens à venir faire montre de leur passé et de leurs vertus civiques pour
honorer la naissance d'un concitoyen et pour lui servir plus tard d'exemple
et de guide. Dans tous les rangs de la société, du reste, tout le inonde
était pénétré de respect pour les personnes d'un âge avancé. Partout, dans
les cérémonies religieuses, dans les banquets, dans les conseils de toute
sorte, dans les réunions de corporations quelconques, les vieillards occu-
paient les places de distinction et c'était à eux qu'étaient rendus tous les
honneurs. La loi elle-même semblaient l'aire trêve à ses sévérités et couvrait
en leur faveur du voile de l'indulgence les fautes qui s'expiaient, à un
autre âge, par les peines les plus rigoureuses. Ainsi, leur droit de boire
le pulque, même jusqu'à l'ivresse, était passé dans les habitudes, tandis
que les jeunes hommes expiaient l'ivrognerie par la bastonnade appliquée
jusqu'à la mort.
Mais ne nous laissons pas égarer par des considérations qui nous éloi-
gnent de la partie de notre sujet qui en ce moment nous intéresse. Peu de
jours après sa naissance, l'enfant recevait l'eau du baptême des mains de
l'accoucheuse qui venait de donner ses soins à la mère à l'heure de la
délivrance. Cette cérémonie avait pour but de laver le nouveau-né des
souillures originelles qui n'étaient nullement le résultat de ses fautes,
puisque le petit être n'avait pas encore vécu. Ce n'est certainement pas
sans surprise que nous voyons chez ce peuple, qu'aucun contact avec
l'Ancien Monde n'était venu éclairer, l'idée d'une décadence de l'humanité
entière, par suite de démérites se perdant dans la nuit des temps et dont les
Aztèques connaissaient probablement la nature, mais que les documents
historiques en notre pouvoir ne nous ont point expliqués. Les paroles
prononcées par l'accoucheuse à l'occasion de ce baptême sont pleines d'élo-
quence et démontrent la conviction sincère dont ce peuple était animé :
« Voilà l'eau céleste », disait-elle en mouillant les seins de l'enfant ; « voilà
XLH INTRODUCTION.
l'eau très pure qui lave et nettoie notre coeur et qui enlève toute souillure
je supplie qu'elle détruise et écarte de loi tout le mal qui t'est contraire
et qui te fut donné avaut le commencement du monde. » Cela fait, elle
lavait avec de l'eau tout le corps de l'enfant en parlant ainsi : « Quoi que
tu sois, toi qui es chose nuisible, laisse-le ; toi qui es chose nuisible à
l'enfant, abandonne-le et va t-en ; éloigne-loi de lui, parce qu'en ce
moment il prend une nouvelle vie; il renaît ; il se purifie encore une fois
et se blanchit, l'eau notre mère le forme et l'entendre à nouveau. » Et ce
n'était pas là une vaine formule couvrant une habitude oiseuse sous les
apparences d'une croyance respectée. La foi dans l'influence de cette céré-
monie était telle que l'on y rattachait l'espérance d'en modifier le mauvais
sort qu'un enfant avait apporté en venant au monde sous des auspices
contraires. C'est pour mieux obtenir ce résultat que l'on avait pris l'habi-
tude de transmettre la cérémonie à un jour plus propice, lorsque la nais-
sance avait eu lieu sous un signe de malheur. En agissant ainsi on était
guidé pour la pensée que « l'eau notre mère le formait réellement et l'en-
gendrait à nouveau», et que sa vie véritable commençait en cet instant
plus fortuné.
Quoi qu'il en soit, le récit succinct qui précède démontre à quel point
les Mexicains se préoccupaient du soin de donner à la naissance d'un en-
fant toute la publicité désirable, afin de soumettre aux yeux de tous les
divers éléments qui constituaient la famille. Les précautions n'étaient pas
moins scrupuleuses quand il s'agissait d'en consolider la base par le ma-
riage. Il est très certain que cet acte, l'un des plus importants de la vie
civile, était en honneur chez les Mexicains. N'y eût-il, pour le prou-
ver, que les lois rigoureuses qui châtiaient l'adultère, il ne serait pas
permis de conserver à cet égard le moindre doute. J'éprouve, néanmoins,
quelque embarras pour faire à ce sujet l'éloge absolu des moeurs mexicaines.
Il n'est pas douteux, en effet, que la polygamie était d'un usage ordinaire
et que les ménages se compliquaientd'un nombre indéfini de concubines
pour les gens auxquels la fortune permettait ce luxe immoral. Cela nous
amène forcément à définir l'adultère : « l'infidélité de la femme légitime. »
La coopération nécessaire de l'homme en ces circonstances ne consti-
tuait un crime qu'à titre de complicité ; car la tolérance protégeait indu-
bitablement l'infidélité du mari, qui l'exerçait en toute liberté et
dans des proportions limitées seulement par son caprice ou par ses res-
sources économiques l. Quelque désireux que l'on soit de ne voir dans la
1. Bcrn.il «il (cliap. XCI) à propos du porlrnil de ilolcuhçomn : «Il avail ungnmd
Diiiz nous
nombre de concubines, filles de grands seigneurs, cl deux dames «le dislinclion pour femmes légi-
INTRODUCTION. XLUI
tunes, avec lesquelles il n'avait de communicationsintimes que par des voies très secrètes, au point
que quelques serviteurs seulement le pouvaient savoir. » 1.0 même chroniqueur ajoute, au cha-
pitre XCVII :-«Nous sûmes alors que le monarque avait un grand nombre de concubines il en
;
«tonnait on mariage à
ses capitaines ol aux personnes do distinction parmi ses favoi'is. Il on offrit
même à nos soldais; celle dont il
me fil présent était du nombre.... »
XLlV INTRODUCTION.
accouplements vulgaires inspirés simplement par le caprice ou les passions
sensuelles. On aura beau dire que ces cérémonies et cet. apparat perdaient
tout caractère sérieux par le surcroît d'un concubinage qui venait bientôt
les rendre illusoires. Il est plus raisonnable de 7-econnaîtrc que le mariage
ainsi pratiqué représentait réellement la saine morale dans les convictions
des Mexicains et que tout le reste n'était qu'un abus dont les passions
à satisfaire avait établi l'habitude et la tolérance. Malgré tout, la vérité
est, nous l'avons déjà dit, que l'adultère était puni de mort et. cela suffit
à démontrer que les liens entre époux n'étaient pas dédaignés par les lois.
« Le respect pour cette institution, dit Prescolt, allait même si loin,
qu'on avait établi un tribunal uniquement chargé de discuter les questions
qui s'y rattachaient. Le divorce ne pouvait être obtenu que par une sen-
tence de cette cour, après une patiente audition des parties » (tome l1'1',
page 28).
El d'ailleurs, quels que fussent les débordements de l'époux, il n'en
est pas moins prouvé que la mère de famille avait l'habitude d'élever sa
fille dans les idées les plus morales concernant les vci tus domestiques.
« Ma fille chérie, lui disait-elle, si Dieu te donne vie sur la terre pour
quelques années, prends soin de ne donner ton corps à aucun homme;
surveille-toi avec la plus grande-circonspection, pour empêcher que per-
sonne s'empare de toi. Situ perdais la virginité et si lu te mariais ensuite,
ton mari ne se trouveraitjamais à son aise avec toi et il ne te porterait pas
un amour véritable; il se rappellerait toujours qu'il ne t'a pas trouvée
vierge, et cela serait l'occasion continuelle de peines et d'afflictions 0
ma fille, ma petite tourterelle bien-aimée ! si tu vis sur la terre, que tu
ne sois jamais connue que par un seul homme Lorsqu'il plaira à Dieu
que tu prennes un mari et que lu seras en son pouvoir, ne sois pas hau-
taine, ne le dédaigne jamais ; ne permets point à ton coeur de s'incliner
d'un autre côté, cl que jamais, eu aucun lieu tu n'aies l'audace de le trahir
en devenant adultère—Remarque bien, ma fille, que tu aurais beau n'être
surprise par personne ; malgré que ton mari n'en sût rien, Dieu qui est
partout t'aurait vue ; il se tacherait contre toi, il réveillerait l'indignation
du peuple sur ta personne et il se vengerait à son gré ; tu deviendraisalors
aveugle ou percluse par son ordre; ton corps tomberait en pourriture
cl tu en arriverais à la dernière misère, parce que lu aurais eu l'audace de
te lancer dans une mauvaise action contre ion mari 0 ma fil'c chérie
que j'aime tendrement, fais en sorte de vivra dans ce monde en paix, repos
et joie pendant tout le temps que durera ton existence. Ne fais pns
d'inl'uuie ; ne tache pas ton honneur el ne souille point le lustre et la
INTRODUCTION, XLV
"îouniée des seigneurs nos aïeux dont lu descends ; honore ton père et
augmente notre renommée par ta bonne vie. »
C'était bien autour de cette fille adorée, devenue mère ensuite par des
liens légitimes, que venaient se grouper tous les éléments respectables qui
constituaient la famille, indépendamment des écarts d'un mari trop éman-
cipé par des moeurs publiques devenues tolérantes. C'était elle qui accom-
plissait le devoir d'honorer les dieux pénates par la propreté exquise de
leurs oratoires et en assurant aux idoles domestiques la pratique régulière
des adorations de tous les siens. C'était à elle qu'appartenaient le soin et la
surveillance de tous les travaux intérieurs du domicile; mais empressons-
nous d'ajouter que les égards
dus à la faiblesse de son sexe ne lui man-
quaient en aucune circonstance. Les occupations lourdes et pénibles lui
étaient épargnées ; et d'ailleurs, comme conséquence de ces égards, elle ne
vivait point dans une réclusion systématique, puisqu'il était licite qu'elle
prît part aux joies intérieures et extérieures dans les limites d'honorables
convenances *. On peut donc dire que la femme mexicaine résumait en
elle cl conservait dans toute leur pureté et leur abnégation les pré-
ceptes légaux, les sentiments de moralité et les pratiques résignées résul-
tant de la véritable union matrimoniale sanctionnée par les coutumes
du pays.
Du reste malgré la légèreté de conduite dont le mari prenait l'habitude
de se laisser posséder sur le fait de la fidélité conjugale, on ne doit pas
conclure qu'il oubliait tous ses devoirs et qu'il n'était pour ses enfants
qu'un objet de.mauvais exemple. Il n'en est rien. Les grands seigneurs
eux-mêmes prenaient soin d'élever leurs enfants dans les idées d'une
morale sévère. Ils leur recommandaientsurtout de fuir les pensées d'orgueil
et d'être envers leur prochain humbles et serviables. « Ne t'enorgueillis
pas, disait un père à son fils, si le hasard veut que tu sois choisi pour un
haut emploi. Je te recommande de ne point présumer de toi-même....
Sois humble, marche incliné, la tète basse et les bras relevés sur la
poitrine; adonne-toi aux pleurs, à la dévotion cl à la trislcsssc; sois
respectueux de la volonté d'aulrui.... Garde-toi de feindre l'humilité,
parce qu'alors on t'appellerait hypocrite. Pense que Notrc-Seigneur Dieu
voit les coeurs et toutes les choses secrètes.... Fais attention à ce que ton
humilité soit pure sans aucun mélange d'orgueil, pure devant Dieu comme
une pierre précieuse très fine, et que tu ne sois jamais un homme à deux
visages » (page 398).
Le père distingué par sa noblesse avait encore la coutume de dire à ses
enfants en leur recommandant de fuir l'oisiveté: « Portez vos soins surtout
vers ce qui concerne l'agriculture, attendu que la terre produit toutes
choses, sans demander à boire ni à manger, se suffisant à elle-même pour
les faire naître.... Yos prédécesseurs, quoiqu'ils fussent hidalgos et nobles,
ne négligèrent pas de faire cultiver et labourer leurs héritages.... Si vous
vous attachiez seulement à soigner votre hidalguia et votre noblesse, salis
souci de l'agriculture, avec quoi alimentericz-vousles gens de votre maison,
et avec quoi vous entretiendriez-vous vous-mêmes? Je n'ai vu nulle part
que quelqu'un se nourrisse de sa noblesse et de son rang élevé.*.. »
Ajoutons encore, les judicieux préceptes concernant la charité et les égards
envers tout le. monde : « Ne présumez jamais de vous-mêmes; soyez au
contraire humble de coeur et mettez votre espérance en Dieu. Yivez en
paix avec tout le monde ; ne soyez insolent ni irrévérencieux envers
personne. Ayez du respect et de la déférence pour tous.... Quoi qu'on dise
de vous, ne.vous écartez pas d'une humble contenance.... N'imitez pas le
serpent: ne provoquez personne... Soyez modeste avec tout le monde et
vous obtiendrez ainsi que Dieu répande sa grâce sur vous et vous fasse
honneur.... Vous devez prendre soin de ne pas gaspiller le temps dont
Dieu vous permet de disposer en ce inonde; ne perdez ni un jour ni une
nuit, car le temps nous est aussi nécessaire que la nourriture.... Occupez-
Vous sans cesse de choses utiles ; ne vous esquivez pas du temps qui
passe. »
Tous ces préceptes apparaîtront plus loin au lecteur dans tous leurs
détails. Je n'en présente ici que l'essence principale, afin de baser en peu
de mots les conclusions où je désire arriver au sujet du degré de
civilisation auquel les Aztèques étaient parvenus avant la conquête du
Mexique par les Européens. On vient de voir quelle était l'idée que ce peu-
ple s'était faite des devoirs et de la moralité du mariage. Ce serait mainte-
nant qu'il faudrait se hâter de dire quel était le genre d'éducation que
la famille et l'État réservaient aux enfants qui en étaient la conséquence ;
mais le lecteur n'aura pas oublié que je me suis proposé dès le début de
cette élude de mettre avant tout en évidence les pratiques se rattachant à
la naissance, au mariage et à la mort, bien convaincu que l'on y trouve les
éléments les plus essentiels des idées que les hommes se font de leur
devoirs et de leur destinée. Nous dirons donc ce que c'était que la mort
pour les Mexicains*
INTRODUCTION. XLVII
personnage défunt, «
qu'il est allé dans ce séjour en compagnie de tous ceux
nui l'ont précédé dans le gouvernement du royaume », et l'auteur fait
suivre ces paroles de la nomenclature de tous les rois de Mexico. Comment
croire que ces personnages couronnés fussent tous réservés à des supplices
infernaux après la mort? On le peut supposer d'autant moins que l'auteur
nous donne, quelques
lignes après, les paroles suivantes : « Ceux que nous
venons de nommer
laissèrent la lourde charge du gouvernement qu'ils
curent sur leurs épaules. Ils la transmirent à leur successeur N.... qui, pen-
dant quelques jours, a soutenu sa seigneurie et son commandement et s'en
est ensuite allé rejoindre ses prédécesseurs dans l'autre monde, parce que
vous, ô grand Dieu, vous l'avez ordonné ainsi en l'appelant. Et, certes, il
vous doit des remerciements pour lui avoir enlevé un poids si lourd
accompagné de tant de peines et lui avoir assuré la paix et le repos »
(page 554). Or, s'il est vrai que Dieu lui ait assuré la paix et le repos,
comment comprendre qu'il soit allé partager les tourments de ce Dieu « qui
tomba la tète eu bas dans le feu où il a soif et faim de nous emporter
tous » ? La vérité est que les Mexicains ne croyaient nullement qu'ils fus-
sent réservés à une vie éternelle aussi épouvantable. S'il en eût été ainsi,
leurs croyances ne seraient qu'une monstrueuse absurdité ; car, ainsi que
nous avons eu occasion de le dire, l'un quelconque des trois séjours de la
vie éternelle n'était nullement la conséquence du mérite ou du démérite
personnel de chacun des défunts, mais le résultat fortuit du genre de mort
auquel il avait succombé.
« Les âmes des défunts qui allaient en enfer, d'après les paroles mêmes
de Sahagun, étaient celles des personnes qui mouraient de maladies ordi-
naires, seigneurs, grands personnages ou petites gens. Le jour où quelqu'un
mourait de la sorte, homme, femme ou enfant, on adressait ces paroles
au dcTunl étendu sur son lit, avant de l'enterrer : « Notre fils, vous en
« avez fini avec les souffrances et les fatigues de celte vie. Il a plu à
« Notre Seigneur de vous emporter, parce que nous n'avons pas la vie
« éternelle en ce monde. Notre existence est comme un rayon de soleil....
« actuellement le dieu MUlantecuLli cl la déesse Miclecaciuall vous ont
« fait partager leur séjour. Nous vous y suivrons tous, car c'est là notre
« destinée et l'endroit est assez grand pour recevoir tout le monde. On
« n'entendra donc plus parler de vous. Yoilà que vous clos allé au parage
« des ténèbres qui n'a ni lumière ni fenêtre.... » (page 221).
« L autre endroit où l'on disait que les âmes des défunts devaient se
rendre, c'était le paradis terrestre appelé Tlalocun, dans lequel
on avait
en abondance des réjouissances et des rafraîchissements, sans tourments
<i
L INTRODUCTION.
d'aucune espèce Ceux qui se rendent en ce paradis, ce sont les gens
tués par la foudre ou noyés, les lépreux, les vénériens, les galeux, les
goutteux et les hydropiques.
« L'autre endroit où se rendaient les âmes des défunts, c'est le ciel où
vit le soleil. Ceux qui allaient dans ce ciel-là, c'étaient les femmes mortes
en couches, les guerriers qui mouraient dans les combats et les captifs
qui périssaient au pouvoir de leurs ennemis. »
11 résulte de cette énumération que, s'il fallait croire à l'existence de
tourments dans le séjour éternel que Sahagun appelle l'enfer, il faudrait
admettre que ce serait là ia destinée de l'immense majorité des défunts,
puisque le plus grand nombre mourait victime des maladies ordinaires. Il
est plus raisonnable de croire que, dans l'esprit des Mexicains, aucun des
séjours dont nous venons de parler n'était l'occasion de souffrances physi-
ques véritables. L'imagination des Aztèques n'avait nullement inventé
les trois lieux où devait se passer leur vie future, sans les faire corres-
pondre à la satisfaction réelle de quelques-uns de leurs goûts de prédi-
lection. L'enfer lui-même, ce vaste séjour de l'ombre et de la nuit, sombre,
sans lumière ni fenêtre, c'est l'idée d'un repos semblable à celui que le
sommeil procure aux heures où le soleil ne vient plus éclairer le monde. Si
l'on ne peut pas considérer, en effet, le repos et la tranquillité que la nuit
apporte comme un bonheur véritable, les Aztèques y voyaient du moins la
cessation momentanée de leurs maux et c'en était assez pour leur faire
ambitionner une destinée qui, sans délices d'aucune sorte, aurait assuré
pour toujours la cessation de toute souffrance. Telle nous paraît avoir
été la raison inspiratrice du séjour de renier en compagnie du dieu
Millanteculli.
Mais il est permis de croire qu'une pareille satisfaction négative ne
répondait pas absolument à l'idée que les Aztèques se faisaient d'un bon-
heur sans lin. Leur goût pour la belle nature et les jardins fleuris dut pré-
senter naturellement à leurs rêves la pensée de lieux plus fortunés où la
fraîche verdure, le parfum des fleurs et le doux murmure de ruisseaux
limpides assureraient à leurs sons des satisfactions plus réelles. Aussi
avaient-ils inventé le paradis terrestre, « où, d'après les paroles de Saha-
gun, ne manquaient jamais les épis de maïs vert, les calebasses, les bou^
quets de blettes, le piment vert, les tomates, les haricots dans leurs gousses
et les plus belles fleurs. »
Mais ce n'était pas assez pour répondre h l'ambition entière des Aztè-
ques. Il fallait aux guerriers l'espérance de lieux plus animés, plus ardents ;
une vie éclatante dG lumière et toujours agitée par le mouvement;
INTRODUCTION. LI
éternelle dans laquelle ils escorte-
Aussi avaient-ils rêvé d'une existence .
de leurs cris et en le réjouissant par
raient sans cesse le soleil en l'excitant
Ce bruyant séjour dans les espaces célestes
les danses les plus variées.
Alternait avec des métamorphoses qui transformaient leurs âmes en
coli-
bris et ils venaient ainsi sucer sur la terre le parfum des
fleurs en volti-
geant sans cesse.
Quelles que soient les pensées que ces croyances des Aztèques suggèrent
à notre esprit, on ne peut se refuser à reconnaître que ce peuple
américain
entourait la mort d'idées philosophiques qui témoignent de son respect et
de ses espérances. Sa foi dans l'immortalité des âmes n'est pas douteuse
et, si nous voulons bien porter notre altention sur ce que nous avons dit
déjà d'une destinée qui précédait pour tout être humain la pensée même
de la création du monde, nous ne pouvons nous empêcher d'admettre que,
pour les Aztèques-, l'universalité des existences se confondaient, de toute
éternité, avec l'essence même de la Volonté Suprême dont elles émanaient.
Il ne faut pas, d'ailleurs, que l'histoire de leurs nombreuses divinités nous
aveugle au sujet de leurs croyances en ce qui regarde l'Être Suprême. Les
Mexicains, en effet, dans leurs ferventes prières, ne s'adressaient presque
jamais à des dieux subalternes ; c'était le plus souvent à YÊtre unique,
invisible, impalpable qui est en lotis lieux, voit toutes choses et lit dans
la-pensée. On ne saurait douter, en présence de ces expressions favorites,
qu'ils ne fussent réellement monothéistes ou à la veille de le devenir1.
1. Nous pourrions surtout parler à ce propos de la. façon tout à fail humaine dont les esclaves
étaient traités par leurs maîtres. 11 y a, en effet, dans celle question des
aperçus remarquables qui
donnent à la moralité du peuple mexicain une avance considérable
sur tous les peuples, mémo les
plus civilisés, qui ont pratique, chez eux, l'esclavage. Ainsi le fils d'un esclave naissait libre. Une
iamillo pauvre qui avait beaucoup d'enfants avait la liberté,
en vendant l'un de ses membres, do
repartir les charges de l'esclavage sur toute la famille, en remplaçant celui qui avait d'abord perdu
sa liberté par un de ses parents, qui prenait sa place, et ainsi de suite indéfiniment. Un maître,
quelle que fût la distinction de
sa naissance, ne croyait poinl déchoir en s'alliant à une do ses
esclaves dont la conduite avait élé irréprochable
; ce qui signifie que l'esclavage n'entraînait sou-
vent par lui-même aucune idée de dégradation, etc. Mais
nous avons déjà parlé de ces choses dans
une longue élude qui accompagne notre traduction de Bernai Diaz del Caslillo.
-LVI INTRODUCTION.
malades, les veuves et les vieillards. Il dépensait une grande partie de ses
revenus pour donner à manger aux indigents et leur assurer des vêtements,
surtout dans les années de stérilité. On assure même que pendant des
époques calamiteuses il avait l'habitude de ne prendre son repas que lors-
que les pauvres avaient achevé le leur.
.
Cet homme vertueux, qui n'obéissait à aucune passion et ne se laissait
guider que par la saine justice, châtiait avec une extrême rigueur le traître,
en donnant l'ordre de mettre sou corps en morceaux par la désarticulation
de toutes ses jointures.
S'il se rencontrait quelqu'un qui prît à tâche de semer la discorde entre
différents pays, le roi donnait ordre de s'en saisir et de rattacher le long
d'une barre en chêne que l'on faisait tourner ensuite devant un immense
brasier, à la manière d'une broche, jusqu'à ce qu'il mourût au milieu
d'atroces tortures.
A propos de l'immonde péché de sodomie, il faisait attacher le succube
à un gros madrier, donnait ordre qu'on lui arrachât les intestins par le
fondement et l'abandonnait ensuite aux gamins de la ville qui le couvraient
de cendres et d'un faisceau de bûches auquel ils mettaient le feu. Son
complice était également enterré sous un monceau de cendres, et y mou-
rait étouffé.
On plaçait sur une pierre plate la tête de l'adultère : on l'écrasaitensuite
avec une autre lourde pierre qu'on laissait tomber par dessus.
L'assassin était égorgé.
On pendait le voleur après l'avoir traîné par les rues.
L'ivrognerie était châtiée de deux manières. S'il s'agissait d'un grand
seigneur ou d'un homme de distinction, on le pendait dès sa première
faute et son corps traîné ensuite par la voie publique était jeté dans une
rivière qu'on réservait à celte fin. Si l'ivrogne était de basse classe, on le
vendait pour son premier délit ; mais à la seconde fois, on le pendait. A
propos-do cette différence dans le châtiment, le roi disait que celui qui était
le plus élevé en dignité méritait un traitementplus rigoureux.
Telles étaient les fautes qu'il châtiait avec cette sévérité. Quant à
d'autres, il était généralement plus enclin à la clémence. (Voyez Juan
de Torquemada : Monarquia Indiana, tome 1, livre II, chap. I.H.)
Si je rapporte ici ces exemplesde pénalité donnes par un roi de Tezcuco,
à propos d'une élude qui prend surtout pour sujet l'empire mexicain, le
lecteur ne devra pas en être surpris, attendu que les doux royaumes
voisins et alliés suivaient des coutumes législatives et pénales d'une très
grande analogie entre elles.
INTRODUCTION. LVI1
1. Voyez, à ce sujet, les réflexions curieuses de Sabagun aux pages 780 et suivantes.
INTRODUCTION. LIX
Chaque mois était consacré à une divinité, mais durant deux mois on
•
célébrait des fêtes en l'honneur de quatre dieux, ce qui portait à vingt le
nombre de ces grandes fêtes (cempoalilhuill). Il y avait aussi des fêtes
mobiles ; dans l'énumération de ces dernières figurent les noms de deux
déesses dont Sahagun n'a point encore parlé, Chicome xochill « les
sept fleurs » et Xochiquelzal « la Heur brillante, éclatante ».
J'ai YOUIU entrer dans ces détails pour prouver ce que j'ai avancé plus
haut à savoir que l'ordre et la méthode manquent un peu dans le travail
de Sahagun. Le même reproche peut lui être adressé en ce qui concerne
le calendrier, dont il a disséminé les diverses parties en laissant totale-
ment de côté certains points fort importants.
On sait que cette question du calendrier est encore fort obscure malgré
On remarquera :
lu Que chaque terme reparaît constamment dans le même ordre, de
manière à former quatre séries très faciles à retenir : 1, 5,9, 15; —
4,8, 12; — 5,7, 11;
2° Que l'ordre des séries,
- 2, 6,par10.rapport aux 4 groupes de la période,
commence au même rang que les termes occupent entre eux. Ainsi lecpatl
étant le 5e terme ouvre ses séries au 5° groupe et continu par le 4e, le 1er
et le 2° groupe.
5° Que les chiffres du premier groupe indiquent précisément les 15 pre-
mières années de la période et que les chiffres des 2°, 5e et 4° groupes
désignent les années de 14 à 26, de 27 à 59 et de 40 à 52. 11 suffira donc,
pour connaître en quelle année de la période tombe une date quelconque,
d'ajouter au chiffre de celte date 15, 26 ou 59 suivant que cette date
appartient au 2e, au 5° ou au 4e groupe. Je prends 9 acall; cette date
étant de la lr0 série du terme acall doit se trouver dans le 2" groupe, on
INTRODUCTION. LXIX
ANNEE MEXICAINE.
égard. Peut-être aussi le pieux franciscain avait-il considéré ces faits comme
étant en dehors du cadre qu'il s'était tracé.
Le cycle mexicain était figuré par un cercle ayant au centre l'image du
soleil et autour duquel étaient représentés, de droite à gauche, les quatre
caractères des années se reproduisant treize fois, dans le même ordre
jusqu'à la fin de la période. Le cercle était divisé
par quarts, et chacun
LXU1 INTRODUCTION.
d'eux contenait une treizainc ou groupe de 15 années, appelé llalpilli. Un
serpent, entourant ce cercle, semblait embrasser l'horizon entier et figurait
à l'aide do quatre anneaux les points cardinaux.
L'année était également représentée par un cercle dont le centre por-
tait l'image de la lune et qui était divisé en 18 parties. C'était les cases
des figures des 18 mois nommes : Atlacaualco, llacaxipeualizlli, loçoz-
MOIS MEXICAIN.
1. On trouverait hien d'autres termes tirés des îles, tels que cacique, jeneqnen ou jeniqiten,
maïs, etc. ; mais nous renvoyons pour cela le lecteur au Diccionario provincialcasi-razonadode
voies cubanas por cl audilor lion" de Marin», ]). Eslcban Pichardo, Jlabana, 1802. On y
lira en particulier pour le mot areylo : « Scgun l'cilro Jlm-lir y Oviedo, cran las rimas 6
romances que cantahan los nalurales de esta isla ; sogun Lus Casas, sus fieslas y danzas. »
INTRODUCTION. LXXIX
Ouant aux notes, je les ai restreintes autant que possible à tout ce qui
i etie à la
linguistique. J'ai eu soin d'expliquer les mois nahuail, en
'ndiciuant leur signification, leur composition et leurs racines. A la suite
d' ce travail que je me suis imposé avant toutes choses, j'ai donné quel-
quefois des notions historiques ou géographiques en évitant de produire
des explications incertaines ou peu intéressantes. Souvent j'ai mentionné
les mots tirés de la langue nahuail et que les Mexicains ont adoptés aujour-
d'hui en leur donnant une contexture espagnole. J'ai indiqué ces emprunts
par la simple expression en espagnol, comme dans cet exemple : ayacolli ou
ayecolli, haricot, en espagnol ayacote.
Enfin, j'ai dressé une table alphabétique des mots nahuail employés
dans le livre de Sahagun ; j'ai pensé qu'elle pourrait être d'un grand secours
pour les personnes qui voudraient faire une étude spéciale de la langue*
des anciens Mexicains. Cette table ne porte que le mot nahuail suivi de la
pagination où le lecteur doit trouver les explications nécessaires, soit dans
le texte, soit dans les notes. Si la pagination est quelquefois multiple,
c'est pour les cas où le sens du mot est différait en plusieurs endroits. II
y a lieu de remarquer que les lettres c et ç, et i et y ne forment que deux
groupes, au lieu de quatre, et sont mises au rang qu'occupent dans l'al-
phabet les lettres c et i.
Il résulte de cette étude générale que Sahagun a composé une oeuvre
instructive, originale, mais que ses interprètes auront l'insigne privi-
lège de s'être donné beaucoup de peine sans que le lecteur puisse leur
en tenir exactement compte. Ils n'auront guère sans doute d'autre
récompense que-la satisfaction d'avoir consciencieusement rempli leur
tâche.
l-'juinlSSO.
11. SlMÉON.
NOTA
La signature de Fray Bcruardino de Sahagun, que nous donnons ici, de même que celles do Fray
Toribio de Motolinia et de llcrnal Diaz dol Castillo, reproduites précédemment, a élé prise sur la
collection espagnole publiée par les soins du Minislerio de Fomenlo, de Madrid, sous le litre de
Carias de Indias (1877).
Le choix de ces trois signatures, parmi tant d'autres que cet estimable ouvrage renferme, n'a pas
été dicté par le hasard. Celle de notre auteur d'abord nous était bien naturellement inspirée par
l'ouvragemême dont nous donnons ici la version.
Celle do Fray Toribio Motolinia a été destinée par nous à prouver que le moine do Cenavenle
avait indubitablementfait usage comme signature du nom de Motolinia, dont l'origine a clé précé-
demment expliquée dans noire introduction.
Quant à la'signature de Bernai Diaz del Caslillo, il était naturel que l'un de nous, qui ne l'avait
pas eue à sa disposition quand il publia sa traduction de la Chronique de cet auteur, fût pris du
désir de la faire figurer dans le présent livre. Il avait pour cela non seulement ses bien naturelles
sympathies pour le vieux chroniqueur, mais une autre raison encore : celle de dissiper la croyance
de ceux qui pensent avec un autour anglais que cet historiende la conquêtes'appelait Diez et non
pas Dure. La double signature que nous avons donnée dit bien clairementBernai Diaz del Caslillo.
Elle est prise sur deux lettres écrites, do Guatemala, au roi d'Espagne en 1552 et 1558.
Les signatures de Fray Toribiodo Motoliniaet de Fray licrnardino de Sahagun sont de l'année 1552.
Nous avons eu sous les yeux un manuscrit de Sahagun écrit vingt années plus tard. Sa signature
était parfaitement en rapport avec ce qu'il dit dans la préface du présent ouvrage, car elle indique
qu'à cette époquece vénérable auteur souffrait d'un tremblement notable de la main droite, indis-
position qui n'existaitévidemment pas en 1552, année de la présentesignature.
/PREFACE DE L'AUTEUR
1. Sahagun fait figurer en tête du deuxième livre de son manuscrit, en qualité de prologue,
ce que nous plaçons ici-mémo avec le titre de préface do l'ouvrage entier. Les explica-
tions qu'on y lit justifient pleinement cette conduite. En l'adoptant, du reste, nous ne
faisons qu'imiter l'éditeur Bustamante qui en a eu la pensée et l'a exécutée avant nous.
2. Lieusitué au N.-E. de ï'etzcuco, sur les hauteurs qui dominentla vallée de l'Anahuac;
de là son nom « sur la grosse montagne », de l'augmentatif lepepol, mont élevé, uni à la.
postposilion co, qui sert do suffixe à. heauooup'de noms de lieu. Plus loin, Sahagun
indique une élévation dans le lac de Tetzcuco, appelée aussi Tepepulco. Voy. ci-après,
livre II, chap. XX.
3. Plusieurs localités ont porté le nom do Collmacan ou Culhuaean qui, littéralement,
signifie:» pays oh il y a des aïeux, ou des choses courbes »; Acolhuacan, formé de ail,
do Collmacan, désignerait ici le Collmacan du bord de l'eau; Uei Collmacan, c'est-à-dire
eau, et
grand Collmacan, que l'on place en Californie, est le lieu d'où seraient
venues les tribus
aztèques.
2 HISTOIRE DES CHOSES
cique qui s'appelait Diego de Mendoza, vieillard considérable, très
habile et rempli d'expérience dans les choses qui touchaient à l'admi-
nistration, à la guerre, à la politique et même au culte des idoles.
J'exposai devant eux ce que je me proposais de faire et je les priai de
me fournir quelques personnes intelligentes et d'expérience avec les-
quelles je pusse entrer en communication, et qui fussent aptes à me
satisfaire en tout ce que je pourrais leur demander. Il me fut répondu
qu'ils parleraient entre eux de ma demande, et que la réponse me se-
rait donnée le jour suivant. Cela dit, ces personnages prirent congé
de moi. Ils revinrent le lendemain et, après une conférence à la-
quelle ils donnèrent tout l'apparat qui est dans leurs habitudes, ils
me nommèrent dix ou douze vieillards recommandablcs, ajoutant que
je pouvais entrer en communication avec eux, et que très certaine-
ment ils m'instruiraient sur tout ce qui leur serait demandé. Là se
trouvaient aussi quatre hommes instruits dans les lettres latines, aux-
quels moi-même, quelques années auparavant, j'avais donné des le-
çons de grammaire, à Tlatelolco 1, dans le collège de Santa Cruz.
Pendant deux ans je m'abouchai souvent avec ces personnages et ces
grammairiens, en suivant l'ordre que j'avais marqué dans mes notes.
Ils me dessinèrent en couleurs ce qui faisait le sujet de nos jexplica-
tions (car c'est ainsi qu'ils en usaient autrefois), et les grammairiens
s'expliquèrent en leur langue, en écrivant au-dessous de la peinture.
Je possède encore tous ces manuscrits originaux. Ce fut en ce môme
temps que je dictai les apostilles et les cantiques; les lettrés les écri-
virent dans le village même de Tepepulco.
Lorsque je me présentai au Chapitre où le père Francisco Toral, aux
ordres duquelj'obéissais, accomplissait son hebdomade, on mit fin à ma
résidence de Tepepulco, d'où j'emportai tous mes écrits. Je fus vivre à
Santiago de Tlatelolco. Là, réunissant de nouveau les personnages
principaux, je leur parlai de mes travaux et je les priai de me si-
gnaler les plus habiles du lieu pour que je pusse parler avec eux et
leur soumettre ce que j'avais déjà rédigé à Tepepulco. Le gouver-
neur et les alcades me nommèrent huit ou dix Indiens fort instruits
dans leur langue et en tout ce qui concernait les choses anciennes
I. Colle ville, aujourd'hui Tula, siluée au X. do Mexico, sur le versant extérieur du pla-
teau de 1 Anal.uac, paraît tirer son nom do lollin ou lullin, jonc, uni a la poslposilion Uan
<-' i'sl-a-dire « près des joncs...
8 HISTOIRE DES CHOSES
grand nombre de villes, comme Tullanlzinco 1, auxquelles ils avaient
fait succéder plusieurs établissements remarquables, et l'on peut dire
qu'avec le temps qu'ils y passèrent et celui qu'ils employèrent à
édifier la ville de Tullan, en ajoutant encore la durée de la prospé-
rité de cette cité avant qu'elle fût détruite, il s'écoula probablement
plus de mille ans, et il en résulte que ce pays était déjà peuplé au
moins cinq cents ans avant l'incarnation de Notre Rédempteur. Cette
célèbre et grande ville de Tullan, très riche et civilisée,pleine de sages
et de braves, eut enfin le sort malheureux de Troie. Les Chololtèques 2
qui s'en échappèrent ont eu quelque chose du caractère des Ro-
mains, car, ainsi que ceux-ci édifièrent le Capitole pour s'y fortifier,
les Chololtèques élevèrent, de leurs propres mains, ce mamelon qui
se trouve près de Gholollcm, que l'on prendrait pour une sierra ou
une montagne, et qui est miné en dedans et tout plein de cavernes.
Un grand nombre d'années plus tard, les Mexicains édifièrent la
ville de Mexico qui est comme une autre Venise, et ils sont eux-mêmes
comparables aux Vénitiens en urbanité et en savoir. Les Tlaxcaltè-
quess semblent mériter d'être comparés aux Carthaginois. On voit en-
core des restes qui témoignent de la grande antiquité des Indiens,
comme à Tullan, à Tullanlzinco et dans les ruines de Xochicalco 4,
qui se trouvent aux confins de Quauhnauac 5. Presque partout, dans
ce pays, se rencontrent des traces et des ruines de grands édifices et
d'objets précieux très anciens. C'est, à coup sûr, chose bien admirable
que Notre Seigneur Dieu ait caché pendant tant de temps cette sève
abondante d'idolâtries si généralement répandues, dont les fruits d'é-
lection sont devenus la proie exclusive du démon, qui les a thésau-
rises dans les feux de l'enfer. Je ne puis croire que l'Eglise de Dieu
ne puisse réussir là même où la synagogue de Satan a acquis un
si haut degré de prospérité; car saint Paul a dit: « On verra abon-
der la grâce où l'on vil abonder le péché. »
La renommée proclame que la science des indigènes fut considérable.
On en verra la preuve au livre dixième, chapitre xxix, où il est ques-
tion des premiers hommes qui peuplèrent ce pays. On affirme qu'il y
eut parmi eux de grands philosophes et des astrologues, et qu'ils
CHAPITRE PREMIER
OUI PARLE DO PRINCIPAL DIEU, APPELÉ UUzilopOchtH, QUE LES MEXICAINS ADORAIENT
Et AUQUEL ILS FAISAIENT DES SAClUFiCES.
CHAPITRE II
DU DIEU APPELÉ Paynal, QUI, ÉTANT HOMME, ÉTAIT ADORÉ COMME DIEU.
CHAPITRE III
mieux Camaxlli. C'était assurément le même dieu sous un autre nom, qui était
1. Ou
également vénéré à Ucxolzinco.
2. De payna, courir vite, légèrement; d'où les substantifspaynalislli,célérité, course ra-
pide, et paynani, coureur agile. Paynal est sans doute une apocope de l'adjectif verbal
paynalli, prompt, à la course; paynallia, faire courir, rappellerait l'exercice violent que
commandait la fête; mais le dérivé serait alors paynaUiani ou mieux Icpaynalliani; ce
qui nous éloignerait davantage do Paynal appelé quelquefois Paynallon, petit coureur.
3. Sahagun nomme ainsi très souvent les ministres des dieux.
h. « Miroir qui fume » ou « brillant » ; de tescall, miroir, et poea, fumer. Ce dieu universel
portait divers noms, à cause do la toute-puissance qu'on lui attribuait. Il était représenté
sous la forme d'un jeune homme, lelpoehlU, mot par lequel il était souventdésigné. Son
idole appelée Icolcll, pierre divine, élait couverte d'or et avait à la main gauche un
éventail garni de plumessi éclatantes et si artistement disposées qu'on eût dit un miroir.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 15
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
IL TRAITE nu DIEU QUI S'APPELLE Quelzalcoall ET QUI EST
LE DIEU DES VENTS.
CHAPITRE VI
Plume verte très longue et brillante do la queue de l'oiseau (lololl) nomme quelzal-
1.
lololl. Elle est si précieuse que les Mexicains disaient métaphoriquement on parlant à
un enfant chéri : noquctzale, ô ma belle plume; ils désignaient aussi, par ce terme, un
chef, un supérieur, un père, une* mère, en un mot toute personne puissante.
2. Ciuacoall est composé de civall, femme, et coati, serpent; Tonanlzin est la forme
révérentiollc de lemrm, notre mère [nanlli). Cette déesse portait encore le nom do Qui-
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 17
ressemblance avec notre mère Eve qui fut dupée par le serpent, et
une
cela ferait croire que les Indiens avaient eu connaissance de l'événe-,
ment qui se passa entre Eve et la couleuvre 1. Elle apparaissait vêtue
de blanc avec les cheveux arrangés de telle sorte
qu'ils venaient se
croiser en tresses sur le front. On dit aussi qu'elle portait un berceau
soigné son enfant. Elle se pla-
sur ses épaules comme si elle y eût
cail ainsi dans le tianquizlli, au milieu des autres femmes et y laissait
son berceau lorsqu'elle
disparaissait. En apercevant ce berceau ou-
blié les autres femmes venaient regarder ce qu'il contenait et, y trou-
vant un morceau d'obsidienne taillé en forme de lance comme celui qui
servait à leurs sacrifices, elles étaient convaincues que c'était Giua-
coail qui l'avait laissé là.
CHAPITRE VII
laslli, et passait pour enfanter toujours deux jumeaux; c'était la mère du genre humain,
à laquelle llzooall fit élever un grand temple à Mexico.
1. Le rapprochement peut paraître curieux; mais rien, que je sache,ne saurait autoriser
la réllexion donl Sahagun a cru devoir l'accompagner. En ne consultant même quo les
termes seuls de Tonanlzin et de Ciaacoatl, on voit qae l'auteur a tout sacrifié au passage
si connu de la Genèse. En effet, quoi de plus naturel que l'appellation do Tonanlzin, notre
mère, quand il s'agit de la naissance do l'espèce humaine 5 La ressemblance ne saurait donc
être là. C'est évidemment dans l'expression Ciuacoall que l'on a voulu la retrouver, et
tout roule sur le mol coall qui signifie à la fois serpent, convive, ver intestinal et jumeaux.
Aujourd'hui encore on dit au Mexique coatis pour désigner des enfants jumeaux. D'où il
iant conclure que coall éveille simplement ici l'idée do fécondité et nullement celle de
tromperie, qui est. particulière à la théogonie hébraïque.
2. « Sept serpents ou convives »; ainsi, l'on dit avec ce dernier sens : nile-coallalia, je
place, je fais asseoir les invités.
3. Cueill est la jupe qui s'attache à la ceinture et pend jusqu'à mi-jambe ; en composition
avec les adjectifs possessifs no, mo. i, etc., ce mot lait : nocuc ma jupe; mocuc, ta jupe;
zeue, sa jupe; etc. Le uipilli est une sorte do casaque ou chemise qui a la forme d'une
chasuble incomplètement fermée sur les côtés et qui recouvre la partie supérieure du
corps, jusqu'à la hauteur des hanches. Nous le traduisons par le mol péplum.
18 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
CHAPITRE XI
CE CHAPITRE TRAITE DE LA
DÉESSE DE L'EAU QU'ILS APPELAIENT
Clialchiulillicue; C'EST UNE AUTRE JUNON.
CHAPITRE XII
Cette déesse portait trois noms l'un deux était Tlaçolleotli qui
:
veut dire déesse des choses [charnelles ; l'autre est Ixcuina *. On
Yappelait ainsi, parce que l'on prétendait que cette divinité repré-
sentait quatre soeurs : la première, qui était l'aînée, portait le nom
1
fléchés dont il
il est naturel d'arriver à la con-
., a]jS0Us. De tout ce qui précède, Nouvelle-Espagne se croyaient
clusion que les Indiens de cette
billes de se confesserune fois dans la vie, et cela, in lumine nalurali,
sans°avoir
aucune notion des choses delà foi (a).
CHAPITRE XIII
(a) Tous ces détails ont une importance dont le lecteur se fera une plus juste
idée, s'il veut bien porter l'attention sur ce que l'auteur a dit, dans son prologue,
de sa manière de procéder pour arriver à la découverte de la vérité. Il a appelé
auprès de lui des vieillards intelligents, instruits, gardant un souvenir précis des
moeurs, des habitudes et du culte des idoles dont leurs sympathies n'étaient pas
encore absolument détachées. C'est sons leur dictée qu'il a écrit son livre dans la
langue mômede ceux qui lui fournissaient de si vôridiques informations. Il n'obéit
donc pas le moins du monde à son imagination, lorsqu'il nous retrace ici la,
pratique des Aztèques dans l'acte étrange dé leur confession. Les paroles qu'il
fait prononcer au pénitent et au prêtre ne sont nullement combinées par le P. Sa-
hagun au gré de son inspiration. Ce sont bien les paroles mômes, que nous pou-
vons dire sacramentelles, qui étaient textuellement prononcées dans ces circon-
stances. C'est bien ainsi que les Aztèques agissaient et parlaient. Les vieillards qui
ont instruit l'auteur do ce livre ne lui ont transmis que co qui était le fruit do
l'éducation de leur enfance, comme pourrait le faire et le ferait certainement un
pratiquant de la religion catholique, habitué à la formule usitée dans l'accomplis-
sement du sacrement de la pénitence. Cette réflexion devra s'appliquer par le lec-
teur aux nombreuses parties de ce livre dans lesquelles le P. Sahagun fait par-
ler les gens dont il fait l'étude. Leurs prières et leurs homélies avaient été trans-
mises do bouche en bouche, et les Aztèques les répétaient en respectant scrupu-
leusement tous les mots, absolument comme nous le faisons pour nos Pater, nos
Ave et nos Confiteor, etc. (Note du traducteur.)
C'était dans ce même jour de fête que les pères et mères allaient
prendre, à la chasse, soit des serpents, soit des grenouilles, des petits
poissons appelés joviles 1, de petits lézards aquatiques
appelés axolotl*,
des oiseaux, ou n'importe
quel autre animal, et on les jetait sur les
braises du foyer. Lorsqu'ils étaient cuits, les enfants les mangeaient
en disant : «
Notre père le Feu mange des grillades. » La nuit étant
venue les vieillards
buvaient ensemble de l'uctli', sorte de vin du
pays et, avant de le porter à leurs
lèvres, ils en répandaient sur
quatre parties distinctes du foyer. Ils prétendaient, par cet acte, en
donner au feu les prémices, l'honorant ainsi comme dieu en lui en
faisant l'offrande. Tous les quatre ans, cette fête devenait solennelle.
Le roi accompagné des plus grands seigneurs, venait lui-même faire
de l'huile devant le temple de cette divinité. Dans celte grande solen-
nité, ce n'étaient pas seulement les vieillards qui buvaient du pituite;
les jeunes hommes, les jeunes filles et les enfants le buvaient égale-
ment. Aussi appelait-on cette fête Pillauano'', ce qui signifie : solen-
nité dans laquelle les enfants des deux sexes boivent du vin ou
pulque.
Les pères et mères cherchaient des parrains et des marraines pour
leurs enfants, auxquels il était fait quelques petits cadeaux. Les par-
rains et marraines prenaient les filleuls sur leurs épaules et les
portaient au temple de ce dieu du feu, que l'on appelait aussi
Ixcoçauliqui. C'était en sa présence qu'on perçait les oreilles des
garçons et des fillettes, avec l'assisLance de leurs parrains et mar-
raines qu'ils appelaient imauiuan, inllauan 5. Après cette opération,
ils faisaient un repas tous ensemble, pères, mères, parrains, mar-
raines, garçons, fillettes. L'image de ce dieu représentait un homme
nu, avec le bas de la figure barbouillé de résine ulli, qui est noire,
et une pierre rouge au trou de la lèvre inférieure. Il avait sur la tète
une couronne de papier peinte en différentes couleurs figurant des
dessins variés. Celle couronne était surmontée de panaches de plumes
vertes, en formes de flamme, et il s'en échappait des boules en plumes
qui pendaient aux côtés de la tète vers les oreilles. Les trous des
oreilles portaient des anneaux avec des turquoises incrustées en
mosaïque. Le dieu avait sur le dos une tunique en plumes jaunes repré-
1. Joël ou joil, poisson du genre de l'alhérinc, qui appartient à la famille des mugi-
loïdcs.
ï. Do ail, eau, ol xololl, serviteur, familier. Batracien très commun dans les lacs de
letzeuco et de Chalco, dont les Espagnols ont fait ajolote. Les Mexicains le mangent encore
aujourd'hui.
3. Ou oclli. C'est le pulquo ou liqueur formentée du maguoy.
4. « Tous les enfants boivent» ; de pilli, enfant, et tlauana, boire,s'enivrer modérément.
5. « Leurs taules, leurs oncles. » De auiU, tante, el de Uatli, oncle, précédés l'un et
l'autre mol de l'adjectif possessif in.
30 HISTOIRE DES CHOSES
sentant une tète de dragon accompagnée de petits coquillages de mer.
Des grelots étaient attachés sur ses cous-de-pied. Il tenait à la main
gauche une rondache surmontée de cinq grosses pierres vertes appe-
lées clialchiiiitl 1, placées en forme de croix sur une plaque en or, qui
couvrait presque toute sa surface. Sa main droite portait une sorte de
sceptre, avec plaque ronde en or percée d'un trou au centre, et sur-
montée de deux globes de différentes grandeurs, dont le plus petit
supportait un objet pointu. On appelait ce sceptre tlachieloni%, ce qui
signifie lorgnette, parce qu'au moyen de cet objet on cachait sa figure
en regardant par le centre de la plaque en or.
CHAPITRE XIV
CHAPITRE XV
CHAPITRE XVI
1. Diminutif de ixllilli, face noire; de ixlli, visage, et llilli, couleur noire. Ixlliltoii
était le dieu do la médecine.
2. Ou plus régulièrement Tlallelccuini, «celui qui frappe ou creuse la terre»; de llalli
terre, et Mecmnia, frapper, ébréchor, etc.
3. De llilli, couleurnoire, ci ail, eau.
4. Substantif verbal tiré do maccua, danser. Les danses religieuses variaient suivant
les circonstances. Ainsi, dans le maeeualizlli, que décritici Sahagun, les exécutantsréunis
en petits groupes se tenaient par les mains (maill). Le nelolilizlli s'exécutait en choeur, et
le nenaualizlli consistait à se tenir étroitement les uns les autres en entrelaçant les bras
[nauac, auprès). Le mot areylo a été sans doute emprunté au langage des habitants Ses
Antilles par les conquérants espagnols qui, comme on sait, s'approprièrent un grand
nombre do termes indiens.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE- 35
CHAPITRE XVII
croix comme celle des prêtres qui vont dire la messe. Il était
d'un papier vert qui descendait jusqu'aux genoux et il portait
v I
blanches. Il avait à la main gauche une ron-
taras ou sandales
peinte en rouge, dont le champ présentait au centre une fleur
i. 1 P
quatre pétales placées en croix, entre lesquelles sor-
!! clic avec
appendices qui étaient aussi des feuillets de la même
i ' nt quatre
II tenait à la main droite un sceptre qui avait presque la forme
fleur
d'un calice, au-dessus
duquel s'élevait comme un fer de flèche.
CHAPITRE XVIII
Ce dieu était adoré par les gens qui vivaient au bord de la mer. Il
lui originaire de Zapollan, village de la province de Xalisco. On lui
attribuait les maladies suivantes : d'abord, la variole, les abcès qui
se forment sur le corps et la gale ; et, ensuite, les
maladies des yeux,
comme, par exemple, celle qui provient de l'excès de boisson, et en
général de toutes celles qui attaquent cet organe. Ceux qui souf-
fraient de quelqu'une des infirmités susdites faisaient à ce dieu le
voeu de se revêtir de sa peau quand on célébrerait sa fête qu'on
appelait llacaxipeualitzlli* ou ôcorchement d'homme. On y organisait
une espèce de tournoi dans lequel se rangeaient, d'un côté, les parti-
sans de ce dieu Tolec. Ils étaient tous revêtus de peaux d'hommes
qu'on avait sacrifiés et écorchés pendant la fête; ces peaux étaient
fraîches et dégouttaient de sang. Le parti contraire se composait de
guerriers vaillants et hardis, de personnes belliqueuses et intrépides,,
méprisant la mort, gens audacieux qui se présentaient volontairement
pour comballrc. Là, ils s'exerçaient les uns et les autres aux pratiques
de la guerre. Ils se poursuivaient et s'enfuyaient alternativement
d'un poste à l'autre. Cet exercice étant fini, les hommes qui étaient
revêtus des peaux des victimes et qui avaient soutenu le parti du dieu
Tolec, s'en allaient par toute la ville, entrant dans les maisons et
demandant qu'on leur fit l'aumône pour l'amour de ce dieu. Une
fois entrés dans les maisons, on les faisait asseoir sur des petits tas
CHAPITRE XIX
(Traient du copal et, ayant allumé du feu, ils brûlaient cet encens
devant les bâtons qu'ils regardaient comme l'image du
dieu, hono-
nt eux Yacalecutli lui-même. C'est ainsi qu'ils lui faisaient la
en
•
îrièrc de les protéger contre tous
dangers. Ces marchands parcou-
•aient tout le pays en trafiquant,
vendant ici ce qu'ils avaient acheté
ailleurs. Ils traversent les lieux
habités sur les bords de la mer aussi
bien que ceux de l'intérieur des terres.
Ils ne laissent aucun objet
l'examiner et ils vont partout, faisant leurs achats en un point
sans
cl leurs ventes d'un autre côté. Pas un
recoin n'est par eux négligé
sans voir ce qui s'y peut acheter ou
vendre. Que le pays soit très
chaud qu'il soit très froid ou très abrupt, ils ne renoncent pas à y
passer, à tout bousculer, à chercher enfin ce qu'il peut y avoir de
bon et d'avantageux pour l'achat ou la vente, Les marchands sont
une espèce de gens très patients devant les fatigues, hardis pour
s'aventurer partout, même en pays ennemi, et très rusés dans leurs
affaires avec les étrangers, se prêtant à apprendre leur langue et à
leur parler doucereusement pour se les attirer par leur familiarité.
Us découvrent où il y a de belles plumes, des pierres précieuses et de
l'or; ils achètent ces objets et les vont vendre partout où ils savent
qu'ils ont une grande valeur. Ils trafiquent aussi en beaux vases de
différentes formes, ornés de peintures diverses selon le lieu de leur
provenance; les uns ont des couvercles Jitits d'écaillé de tortue accom-
pagnés des cuillères de même matière pour remuer le cacao ; d'autres
ont aussi des couvercles, peints de différentes nuances en dessins très
variés, qui affectent la forme de la feuille d'un arbre. Ils achètent
encore d'autres instruments en bois très bien travaillés pour agiter le
cacao.
S'ils doivent entrer dans un pays qui a pris les armes, ils com-
mencent par apprendre la langue de ses habitants; ils s'habillent
comme eux, pour ne plus avoir l'air d'étrangers et afin qu'on les con-
fonde avec les natifs. 11 arrivait néanmoins fort souvent que l'ennemi
parvenait à les connaître ; ou s'en emparait et on les mettait à mort.
Mais si un, ou plusieurs d'entre eux réussissaient à s'échapper, ils
accouraient en donner avis à celui qui gouvernait, comme à
Moleuhçoma ou à d'autres de ses prédécesseurs, lis apportaient
des richesses des pays d'où ils venaient; ils les étalaient devant le
grand seigneur pour y puiser, en récompense de leurs fatigues,
l'occasion d'être honorés et tenus pour valeureux par leurs compa-
triotes du lieu où ils vivaient. On leur niellait une mentonnière d'am-
bre; c'est une pierre précieuse longue, jaune et transparente, qui pend
d'un trou de la lèvre inférieure. Ce signe térhoignait de leur valeur
et devenait un titre de noblesse, chose qui élait en grande estime.
40 HISTOIRE DES CHOSES
En se séparant de leurs parents pour aller trafiquer en terre étran-
gère , ces marchands célébraient des fêtes selon leurs rites anciens.
Ils restaient absents plusieurs années et ils revenaient ensuite dans
leur pays, chargés de grandes richesses. Alors, pour se glorifier de ce
qu'ils apportaient, et pour donner le détail des pays qu'ils avaient
visités et des choses qu'ils y avaient vues, ils réunissaient dans un
grand banquet tous les marchands (les principaux surtout) et les
grands seigneurs du lieu. On appelait ce banquet le lavement des
pieds. Les invités faisaient mille démonstrations révérencieuses au
bâton qui avait servi à l'aller et au retour du voyage. Il passait pour
l'image de ce dieu, et on disait que c'était à lui que le marchand
devait son retour et la faveur d'avoir pu parcourir les chemins par où
il était passé. Pour mieux l'honorer, ils se rendaient clans l'une des
maisons de prières qu'on avait dans chaque quartier, appelées par eux
calpulli 1 ; c'était, comme l'église ou-la paroisse du quartier. On pla-
çait donc le bâton dans un lieu vénéré de la partie de la ville habitée
par le trafiquant. Lorsque celui-ci donnait un banquet à des invités,
l'on présentait d'abord au bâton des mets, des fleurs, des acayiell-.
Lorsque, en dehors de tout banquet, le marchand faisait sesrepas ordi-
naires, il offrait d'abord ses mets et tout le reste au bâton qu'il con-
servait dans l'oratoire de sa maison.
Quand ils revenaient riches des pays où ils avaient-voyagé, ces
marchands prélevaient sur leur fortune de quoi acheter des esclaves,
hommes et femmes, pour les sacrifier à leur dieu, le plus souvent
Yacaleculli, au jqur de sa fêle. Ce dieu avait cinq frères et une soeur
qui tous étaient honorés comme divinités. Selon que leur dévotion
leur en donnait l'inspiration, les marchands sacrifiaient des esclaves
à chacun d'eux en particulier, ou à tous ensemble, ou seulement à la
soeur. L'un des frères s'appelait Chiconquiauill, et les autres, Xomo-
cuill, Nacxill, Cochimcll, Yacapilzauac; on nommait la soeur Chal-
mccaciuall*. Comme j'ai dit, à tous ensemble ou à quelqu'un d'entre
eux, on sacrifiait un ou plusieurs esclaves, revêtus des ornements du
dieu, comme s'ils étaient son image.
II existait une foire ordinaire pour acheter des esclaves, hommes
et femmes, dans un village appelé Azcapulzalco, qui est situé à deux
lieues de Mexico. On choisissait au milieu d'un grand nombre et les
CHAPITRE XX
.Napatecutli^ élait le dieu des gens qui font des nattes de feuilles
aquatiques et il est du nombre de ceux qu'on appelle Tlaloque. On dit
1. C'était aussi le nom du quinzième mois do l'année, durant lequel avait lieu la troi-
sième lète en l'honneur du dieu Uilzilopochlli, que l'on appelait aussi Panquelz'alntli;
de pamill, drapeau, cl quelzalizlli, déploiement.
2. Ou NappatecuUi, quatre fois soigneur
« », de nappa, quatre fois, et leculli, soigneur;
ainsi nommé probablement comme étant l'inventeur des trois objets indiqués et le produc-
teur do la pluie. Ce dieu réputé bienveillant avait doux temples à Mexico.
42 HISTOIRE DES CHOSES
qu'il fut l'inventeur de l'art des nattiers, et c'est pourcela qu'il est
adoré par ceux qui fabriquent des petlatl, des chaises basses, appelées
icpalli, et des claies de roseaux qu'on nomme tolcuexlli*. On préten-
dait que c'était par la puissance de ce dieu que croissaient les sou-
chets, les joncs et les roseaux, au moyen desquels on pratique ce métier.
Comme on croyait, au surplus, que ce dieu produisait les averses,
on luifaisait des fêtes pour l'adorer et lui demander les objets qui pro-
viennent des pluies, comme l'eau, les roseaux* etc. Quand on le
fêtait, on achetait un esclave destiné à être sacrifié devant lui. On
le revêtait des attributs de ce dieu comme si c'eût été son image.
Le jour qu'il devait mourir, et qu'il était vêtu comme je viens de
dire, on lui mettait sur la main un vase vert plein d'eau, et il en as-
pergeait tout le monde, à l'aide d'une branche de saule, comme si c'eût
été de l'eau bénite. Lorsque, dans le cours de l'année, quelqu'un de ce
métier voulait fêter cette divinité, il en donnait connaissance à ses
prêtres, qui choisissaient un satrape, le revêtaient des attributs de ce
dieu comme son image, et le conduisaientpendant qu'il aspergeait en
route avec son rameau de saule. A son arrivée, on le plaçait à l'en-
droit qui lui était destiné et on faisait des cérémonies en sa présence,
le priant de répandre ses faveurs sur cette maison. Celui qui célé-
brait la fêle donnait à manger et à boire au dieu, à ceux qui l'accom-
pagnaient et à tous les conviés.
Tout cela se faisait en signe de reconnaissance pour la prospérité
et les richesses acquises, dans la conviction que ce dieu les avait
données, et c'était pour cela qu'on célébrait ce banquet. On y dansait
et chantait en l'honneur de ce dieu, afin que celui qui le donnait fût
tenu pour homme reconnaissant. Il y dépensait, du reste, tout ce
qu'il possédait, en disant : « Je ne fais aucun cas de rester sans res-
source, pourvu que mon dieu soit satisfait de cette fêle; soit qu'il me
donne encore, soit qu'il me laisse dans la misère, que sa volonté
s'accomplisse ».- Cela étant dit, il couvrait d'une mania blanche le
représentant du dieu, qui s'en retournait ainsi avec tous ceux qui
étaient venus avec lui. Après son départ, l'auteur de la fête ou du ban-
quet faisait un repas avec ses parents. Ceux qui se livraient au métier
de nattier et faisaient d'autres ouvrages en feuilles de roseaux, pre-
naient soin d'orner, d'arranger, de balayer le temple de ce dieu et d'y
étendre de leurs plantes. Ils ne manquaient pas, non plus, d'y mettre
des nattes et des sièges de jonc appelés icpalli, faisant observer la
propreté de façon qu'il n'y eût ni paille, ni autres choses quelconques
éparpillées sur le sol du temple. L'image de ce dieu représentait un
CHAPITRE XXI
CHAPITRE XXII
APPENDICE
DU LIYRE PREMIER
PROLOGUE
AU SINCÈRE LECTEUR.
— 20 c 21 c — — 20 a 2 a —
2. Tlacaxipeualiitli. d 22 d
1
— 4. Uci locratli. 1 b 3 b —
— 2 e 23 c — — 2 c 4 c —
— 3 f 24 f — — 3 d 5 d —
— 4 g 25 g — 4 e 6 e
— —
— 5 a 26 a — 5 f 7 f
—
—
6 b
7 c 28 e
27 b
—
—
—
—
—
6
7 a
g 8 g
9 a
-
—
—
— 8 d 1 d Mars (31 jours).
— 8 b 10 b —
— 9 c 2 o
— — 9c lie —
— 10 f 3 f 10 d 12 d
— — —
— H K * B ~ — 11 c 13 e
—
— 12 a 5 a — — 12 f 14 f
—
—
13
14 c
b 6 b
7 c
—
—
—
—
13 g
14 a
15 g
16 a
-
—
—
— 15 d 8 d 15 b 17 b
— — —
— 16 c 9 c 16 c 18 c
— — —
— 17 f 10 f 17 d 19 d
— — —
18 g 11 g _ — 18 e 20 e
—
— 19 a 12 a — — 19 f 21 f —
— 20 b 13 b 20 g 22 g
— — —
., HISTOIRE DES CHOSES
5. Toscall. 1 a 23 a Avril.
.
Tecuilhuitonlli. If 2 1* Juin.
2 g 3 g —
2 1) 24 b — —
— 4 a
3 a —
— 3 c 25 c — —
4 b 5 b —
4 d 26 d — —
— 6 c
27 e —
5 c —
— 5 e —
f 6 d 7 d —
f 28 —
-
6 —
—
— 7 g 29 g _ 7 e
f
8 e
9 f
—
8 —
— 8 a 30 a — —
— 9 b lb Mai (31 jours). — 9 g 10 g —
10 a 11 a —
— 10 c 2 c — —
d 3 d 11 b 12 b —
— 11 — —
12 c 13 c —
12 e 4 e — —
— 14 d
f 5 f 13 d —
— 13 —
6 g 14 e 15 e —
— 14 g — —
15 f 16 f
—
—
15 a
16 b
7
8
a
b
—
—
—
— 16
17 a
g 17
18 a
g -
—
— 17 c 9 c — —
10 d 18 b 19 b —
18 d — —
—
19 c 20 c —
— 19 o 11 e — —
f 20 d 21 d —
— 20 f 12 —
-
8. l!(i Icctiilinill. 1 o 22 c —
6. Etaliuialiiui. 1 g 13 g —
14 a 2 f 23 I" —
— 2 a — —
15 b 3 g 24 g —
3 b — —
—
4 a 25 a —
— 4 c 16 c — —
5 d 17 d 5 b 26 b —
— — —
18 e — 6 c 27 c —
— 6 e —
7 f 19 f — 7 d 28 d
—
—
— 8
9 a
g 20 g
21 a
- —
—
8 e 29 e
9 f 30 f
—
—
— —
22 b 10 g 1 g Juillet (U jours).
— 10 b — —
23 c — 11 a 2 a —
— 11 c —
12 d 24 cl 12 b 3 b —
— — —
—. 13 e 25 e — _ 13 c 4 c
5 d
—
14 f 26 f — — 14 d —
—
— 15
16 a
g 27 g
28 a
-
—
—
—
15 e
16 f
6 e
7 1'
—
—
—
— 17 b 29 b — — "g 8 g
30 c 18 a 9 a —
— 18 c — —
19 d 31 d 19 b 10 b —
— — —
— 20 e le Juin (30 jours] — 20 C 11 C —:
T»R r,A NO[ivr<;r,LR-BSPArtMR. s'a
TtaocMmaeo. l cl 12 d Juillet. 11. Oclipanizlli. 1 b 21 b Aoùi.
9.
13 e —"
_ 2 e
f H f
— 2 G 22 o
3 d
_ 3 — 23 d —
4 g 15 g — 4 e 24 e
—
_ 5 a 16 a — — 5 f 25 f —
6 b 17 b 6
__ g 26 g —
18 c
_ 7 c — — 7 a 27 il —
8 d 19 il
_ — — 8 b 28 b —
9 e 20 o — 9 c 29 c
— —
_ 10 f 21 f 10 d 30 d —
_ 11 g 22 g — — 11 e 31 e —
_ 12 a 23 a
— 12 I' lf Septembre(30jours).
13 b 24 b
_ — — 13 g 2 a- —
— 14 c 25 'c — 14 a 3 a
15 d
_ 26 d — .
— 15 b 4 b —
— 16 e 27 e — 16 c 5 c
— —
— 17 I' 28 f — — n ,.) 6 d —
18 g 29 g' 18 e 7 o
— —
— 19 a 30 a — 19 f 8 C —
— 20 b 31 b
— 20 g 9 g -
l.o. Xwliuolïi. le la Aoiii (81 jours). 12. Teolltco. 1 a 10 a —
— 2 d 2 d
— _ 2 b 11 b —-
— 3 e 3 u 3 c 12 c
— — —
— 4 f 4 r — — 4 d 13 d
—
— 5 g 5 g — 5 o 14 c
— —
— 6 a 6 a
— 6 f 15 f —
— 7 b 7 b 16 g
— — 7 g _=
— 8 c 8.0 — 8 a 17 a
—
— 9 d 9 d 9 b 18 b
— — —
— 10 e 10 o 10 c 19 c
— — —
— ii r ii r
— — 11 d 20 cl
—
— 12 g 1-2 g 12 e
— — 21 c
—
— 13 a 13 si — — 13 f 22 I'
—
— 14
15 i;
b 14 b
15 c
—
—
—
—
14
15
g
a
23 g
24 a
-
—
16 d 16 d
— 16 1) 25 b —
— 17 c 17 u
— — 17 c 26 u
—
~ 18 !" 18 I'
.
— • 18 d 27 d
—
— 19 g 19 g — — U e 28 o
—
20 il
— 20 a
— — 20 f. 29. f -~.
5^ HISTOIRE DES CHOSES
13. Tepeltatll. 1 g 30 g Septembre. 1 ». Pânqiicfzalizlli. 1
e 9 e Novembre
—
— 19 d 18 d — 19 b 27 b
— —
— 20 e 19 e —, 20 c 28 c
— —
14. Qudiolli. 1 f 20 f —
16. AtMMtli; ld 29d —
2 g 21 g — 2 e 30 e —
—
— 3 a 22 a
—
— —. 3 1' lf Décembre (31 jours).
4 b 23 b — 4 g 2 g —
— —
— 5 c 24 c — — 5 a 3 a —
6 d 25 d 6 b 4 b —
— — —
7 e 26 c 7 c 5 c —
— — —
— 8 f 27 f — — 8 d 6 d —
— 9g 28 g — — 9 o 7 c —
— 10 a 29 a
11 b 30 b
— — 10 f 8 f -
— — 11 g
g 9
— 12 c 31 c — — 12 a 10 a —
— 13 d îd Novembre(30 jours),
— 13 b 11 b —
14 e 2 c — — 14 c 12 c —
— 15 f 3 f — — 15 d 13 d —
— 16g 4g — — 16 e 14 e —
17 a 5 a — 17 f 15 f —
— —
— 18 b 6 b — — 18 g 16 g —
— 19 c 7 c — — 19 a 17 a —
20 d 8 d — 20 b 18 b —
—
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 55
_ j d 20 d — — 2 e 9 c —
3 e 21 o — — 3 d 10 ci
—
___
4 f 22 I'
— — 4 e 11 e —
__
_ 5 g 23 g - — 5
6
f 12 f
13 g
—
6 a 24 a - — — g —
__
_ jb 25 1)
— — 7 a 14 à
26 c 8 b 15 b
_ 8 c
27 d
— —- .
9 c 16 c
9 d
_ — —
10 d 17 d
—
—
10 c 28 c — - —
_ 11 f 29 f — — 11 o 18 o —
30 g 12 f 19 f
_ 12 g — — —
— 13 a
14 b
31
1
a
b
—,
Janvier (31 jours).
— 13 g
14 a
20
21
g
a
-•-' .
— — —
15 c 2 c — 15 b 22 b —
— —
16 d 3 d — 16 o 23 c —
— —
17 e 4 c — — 17 d 24 d —
—
— 18 1' 5 f — — 18 e 25 o —
19 g 6 g — 19 S' 26 f —
— —
— 20 a 7 a — — 20 g 27 g —
Ncmonlcmi. l a 28 a Janvier.
2 b 29 b
— 3 c 30 c —
— 4 d 31 d —
5 e 1 e Février.
—
LIVRE SECOND
CHAPITRE PREMIER
I. Ou cwahuaico, lin do la pluie ; do ail, eau, et caua, cesser. Saliagun donne aussi ail
citualo, les eaux ont cessé.
1. « l/urlne bourgeonne. »> On dit aussi dans le même
sens quamll cua.
58 HISTOIRE DES CHOSES
chant le coeur, pour honorer les dieux de l'eau, afin d'en obtenir des
pluies abondantes.
Ceux qu'on devait tuer étaient couverts de riches vêlements pour
être conduits au sacrifice. On les portait sur les épaules, dans des
litières enrichies de plumes et de fleurs, tandis qu'au-devant d'eux
d'autres marchaient en chantant, dansant et jouant des instruments.
Si, pendant le trajet, les enfants pleuraient et versaient des larmes
abondantes, ceux qui les emportaient s'en réjouissaient, parce qu'ils
y puisaient la conviction qu'il y aurait de grandes pluies celle
année-là.
On tuait aussi dans ce même mois un grand nombre de captifs en
l'honneur des mêmes dieux. On les criblait d'abord de coups d'ôpée,
en combattant contre eux tandis qu'ils étaient attachés sur une grande
pierre comparable à une pierre de meule, et, après les avoir terras-
sés, on les apportait au temple appelé Yopico ', pour qu'on leur arra-
chât le coeur.
Lorsqu'on tuait ces captifs, leurs maîtres se couvraient de riches
habits ornés de belles plumes et faisaient parade de leur valeur en
dansant devant les victimes. Il était fait de même dans tous les jours
de ce mois. D'autres cérémonies, en grand nombre, qui se faisaient
. dans cette fêle, se trouveront longuement décrites au passage qui traite
de leur histoire.
CHAPITRE II
TLACAX1P13UALIZÏLI.
1. C'est-à-dire dans le lieu où l'on arrache les coeurs; de yollotl, coeur, et pi,arracher.,
uni à la poslposition co, dans. Bélancourt, clans sonTealro Mexicanoj désigne sous ce non)
un quartier do Mexico; c'est probablement là qu'était ce temple.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 59
billot sur lequel ils devaient recevoir la mort. C'était
arrivassent au
pierre d'environ trois empans de haut et -deux de large. On les
une individus les prenaient, deux par les
couchait sur le dos et, là, cinq
v
deux par les bras et un à la tête. Le prêtre qui devait les
jambes,
sacrifier se présentait alors; il les frappait sur
la poitrine, des deux
mains avec une pierre d'obsidienne et,
introduisant une main par
l'of-
l'ouverture qu'il venait de faire, il leur arrachait le coeur pour
grand cu-
frir immédiatement au soleil et le jeter ensuite clans un
vier. 11 prenait aussitôt du sang et le mettait dans une
petite tasse
qu'il donnait au maître de la victime, et celle-ci était alors jetée en
bas par les degrés du temple. Là, le corps était reçu par des
vieil-
lards, appelés quaquacuiltiii% qui l'emportaient dans leur chapelle,
où il était mis en morceaux et distribué pour être donné en nourri-
ture.
Mais, avant de dépecer les captifs, on les écorch&it, et certains
individus se vêtaient de leurs peaux pour aller ensuite, dans ce cos-
tume, s'escarmoucher avec d'autres jeunes gens en simulant la petite
guerre et en se capturant alternativement les uns les autres.
Après la scèue que nous venons de décrire, on tuait encore d'autres
captifs que l'on combattait auparavant, tandis qu'ils étaient attachés
par le milieu du corps à une corde qui sortait du trou central d'une
pierre de meule. Sa longueur était calculée de façon à permettre que
le malheureux pût arriver seulement à la circonférence de la pierre.
On lui donnait des armes pour le combat, et quatre guerriers armés
d'épées et de rondaches venaient alternativement l'attaquer jusqu'à
parvenir à l'abattre.
CHAPITRE III
ÏOÇOZïONTl.l.
1. l'iuriel de quacuilli, qui prend les têtes; formé de quaitl. teto, cl cui. prendre
L était sans doute par les cheveux que les prêtres saisissaient les victimes.
-. « l'etuo veille », diminutif do tor.ozlli, dérivé do loroa, veiller.
60 HISTOIRE DES CHOSES
xochimanque », célébraient une fête à leur déesse nommée Coallicue
autrement dite Coallcm tonan 2.
C'est encore dans ce mois-là que les gens revêtus des peaux mortes
depuis le mois précédent, s'en dépouillaient en allant les jeter dans
un envier du temple appelé Yopico. Cela se pratiquait eii procession
et en grande cérémonie. Us puaient comme des chiens pourris, et
quand ils s'étaient débarrassés, ils faisaient dévotement de grandes
ablutions.
Quelques malades faisaient voeu d'assister à cette procession dans
l'espoir d'y guérir de leurs infirmités, et l'on assure que quelques-uns
guérissaient.
Les maîtres des captifs et les gens de leur maison faisaient péni-
tence pendant vingt jours, ne se baignant ni ne se lavant jamais jus-
qu'à ce que les peaux de leurs victimes fussent apportées au cuvier
du temple dont il est parlé plus haut, prétendant que cette péni-
tence était faite en l'honneur de leurs captifs.
Le temps de la pénitence étant achevé, ils se baignaient, se lavaient,
invitaient à des repas tous leurs parents et amis et faisaient de
grandes cérémonies avec les os de leurs esclaves morts. Tous ces
vingt jours jusqu'au mois suivant, ils les passaient à chanter dans
les établissements qu'on appelait cidcacalli 3, toujours assis et sans
danser, chantant sans cesse les louanges de leurs dieux. On faisail
encore, dans cette fête, beaucoup d'autres cérémonies qui seront dé-
crites en détail au chapitre où se trouve leur histoire.
CHAPITRE IV
b"El TÛÇOZTLI.
1. <>
Qui donnent en offrande des Heurs do xoukill, Heurs, et mana, donner, offrir.
>>;
2. «la jupe do serpent », ou «
A notre mère de Coallaii ».
3. De cuicall, chant, clcalli. maison.
i. « Grande veille. » Yoy. la note 2 de la page ni).
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 61
CHAPITRE V
TOZCATl..
CHAPITRE VI
IÎTZALQUAUZTU.
CHAPITRE VII
TECUaiIUlTONTLI.
CHAPITRE VIII
UEI TECUILIUUTL
!. «Grande fête dos nobles » ; do «et, grand, Iccutli, seigneur, et ilhuill, jour de fête.
2. Peut-être apocope de tmloticmll; de xiloll, épis do maïs encore tendres, et nenell,
vulve, poupée. C'est l'un des noms donnés à la déesse des moissons, Cenleoll.
3. Ou cliiampinolli, bouillie dans laquelle domine la graine mucilagineuso et rafraîchis-
sante appelée chien ou chian. Le pinolli est la farine elle-même de maïs torréfié, avant
qu'elle soit délayée avec du cacao ou du chian. Elle sort à faire une boisson dite pinolatl
ou
eau de pinolli.
4. Pluriel de eiuaUamaaazqui, prêtresse ; de chiatl, femme, et llamacazqu^ prêtre.
66 HISTOIRE DES CHOSES
tiques de cette déesse. Parmi elles se tenait la femme vouée à la
mort, richement vêtue des ornements de la déesse. C'est ainsi qu'on
passait à danser et à chanter toute la nuit qui précédait le jour du
sacrifice. Le jour étant venu, tous les nobles et gens de guerre
formaient un areyto dans la même cour et avec eux dansait la
malheureuse destinée à la mort, accompagnée de beaucoup d'autres
femmes habillées comme elle. Les hommes dansaient au rang de de-
vant et les femmes venaient derrière eux. Ils arrivaient ainsi tous au
temple en dansant. On en faisait monter les degrés à la victime, et,
quand on était parvenu au sommet, un des assistants la prenait sur
lui dos à dos, et c'est dans cette position qu'on venait lui trancher la
tête et lui arracher le coeur qu'on offrait au soleil. On faisait encore
dans cette fête beaucoup d'autres cérémonies.
CHAPITRE IX
TLAXOCIUMACO.
CHAPITRE X
XOC011UETZI.
1. Outre sa forme ronde, cet autel, construit en terre aux entrecroisements des chemins,
avait quelques degrés qui se terminaient par une petite plate-forme.
2. De xocoll, fruit, et uclzi, tomber ; c'est l'époque où les fruits sont mûrs. Les habitants
de Tlaxcala donnaient à ce mois le nom de net micailhuill,grande fête des morts, c'est-à-
dire en l'honneur des guerriers ou princes illustres défunts
que l'on glorifiait et mettait au
rang des dieux, On écrit aussi sans composition xocoll uclzi ou huclzi.
68 HISTOIRE DES CHOSES
rer le feu. Ils amenaient les captifs avec eux, et ils passaient toute
la journée, jusqu'à la nuit, à faire leur areyto.
Ayant veillé toute la nuit dans le temple avec leurs captifs et après
s'être livrés avec eux à beaucoup de cérémonies, on répandait sur
leur figure une poudre appelée yauhlli, afin d'amortir leur sensibilité
et pour qu'ils n'eussent pas autant de regret de mourir. On leur liait
les pieds et les mains, et, quand ils étaient ainsi attachés, quelques
personnes les chargeaient sur leurs épaules et se livraient sous ce
poids à des danses variées autour d'un grand brasier. Tout d'un coup
on lançait la victime sur la partie la plus ardente du foyer; on la lais-
sait se griller un instant, et, vivante encore et pleine d'angoisse, on la
saisissait avec un crochet, et, la traînant violemment sur le sol, on la
venait placer sur la pierre du sacrifice, où l'on s'empressait de lui ar-
racher le coeur. C'est ainsi qu'on augmentait le supplice de ces infor-
tunés. Un grand nombre de cordes tenaient l'arbre attaché par le
haut, à la manière des cordages d'un navire descendant de la hune.
Au haut de ce mât élait placée l'image en pied de ce dieu, faite de la
masse appelée tzoalli. Le sacrifice étant terminé, des jeunes gens si-
mulaient une action de guerre. On faisait encore d'autres cérémonies
qui seront détaillées longuementau chapitre qui traite do cette fête.
CHAPITRE XI
OCHPAMZTU.
CHAPITRE XII
TIÏOTLECO.
CHAPITRE XIII
TEPE1LIIU1TL.
.
CHAPITRE XIV
QUECHOLU.
CHAPITRE XV
PANQUETZAUZTLI.
alrh'n™ diVn,01!,sacl'6 "' parcc qu'U avait licu dans le tempte même; de Icoll, dieu,
uaciuii, jeu de balle de ballon. L'emplacement et
ou du jeu s'appelait Icollaolico.
74 HISTOIRE DES CHOSES
avait achevé le sacrifice de ces pauvres gens, on recommençait à
chanter, à danser et à boire, et ainsi finissait la fête.
CHAPITRE XVI
ATEMOZTLI.
TIÎITL.
CHAPITRE XVIII
IZGALLI.
1. « Voici la maison »,
et, suivant quelques auteurs, « résurrection, croissance» ou « re-
tour de la chaleur »; Clavigero fait commencer ce mois le 1" février.
2. De uauhquilill, blette, sarictte,et lamalli, pain de maïs.
11
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.
les personnes distinguées et l'empereur lui-même,
•gneurs,
Tueusement
vêtus et couverts de riches parures, commençaient
S°mVc!to solennel appelé netecuilolilizUi\ ce qui veut dire
et
Tei toles grave seigneurs. Cela se faisait seulement tous les quatre
grands
celte fête. Le même jour, de grand matin, avantqu'il fît clair,
insdans
s'occupait de trouer les oreilles des enfants, garçons et fillettes,
on bonnet fait de plumes de perroquets
el on leur mettait sur la tète un
Vocolzotl, qui est la résine du pin.
prises ensemble au moyen de
CHAPITRE XIX
Les cinq jours restant de l'année, qui étaient les quatre derniers
de janvier et le premier de février, portaient le nom de nemontemi 2,
qui signifie inoccupés. Ils passaient pour des jours de mauvais augure
et de sort malheureux- Il y a des raisons de croire que lorsqu'on
trouait les oreilles des enfants tous les quatre ans, on comptait six
jours de nemonlemi; c'était alors comme notre bissextile, qui revient
tous les quatre ans. On disait que tous ceux qui naissaientpendant ces
cinq jours réputés malheureuxet funestes réussissaientmal dans toutes
les affaires et vivaient infortunés et pauvres. On leur donnait le nom
de nen (nul); s'ils étaient hommes, ils s'appelaient nemoquichili; les
femmes portaient le nom de nenciuall3. Personne n'osait rien faire
durant ces cinq jours, parce qu'on les tenait pour malheureux. On s'y
abstenait surtout de toute dispute, attendu qu'on était dans la
croyance que ceux qui s'y battaient 'n'en perdaient jamais plus
l'habitude; trébucher, ces jours-là, était un accident de mauvais
augure.
Les fêtes dont nous venons déparier étaient fixes; elles se célé-
braient toujours dans leur mois, sinon un jour ou deux auparavant.
Ils faisaient aussi d'autres fêtes mobiles dans le cours des vingt signes
1. Do tceulli, seigneur, et itolià danser ; ne est le pronom réfléchi qui accompagne ces
sortes de substantifs verbaux. Le souverain et les grands étaient seulsadmis dans ce ballet.
2. L'explication do ce mot donnée ici par Sahagun a été généralement admise, lille
avait cours parmi le vulgaire qui s'en contentait; mais les prêtres et les savants inter-
prétaient sans doute le mot différemment. Quoi qu'il en soit, je crois pouvoir le présenter
avec un sens scientilique, à mon avis, très acceptable. Composé des mots nm, en vain, ot de
lemi, remplir, unis à l'aide do la particule on qui marque la distance, nemonlemi signifie
positivement que les cinq jours complémentaires sont insuffisants pour achever exactement
la période solaire. Aussi les Mexicains ajoutaient tous les quatre ans un sixième jour
comme il arrive dans nos années bissextiles. '
3. De mn, vain, inutile, ot oquichtli ou ciuatl, homme ou femme.
78 HISTOIRE DES CHOSES
qui se complétaient en deux cent soixante jours 1. Il en résultait que
ces fêtes mobiles tombaient une année dans un mois et une autre
année dans un mois différent, et si deux tombaient ensemble, on les
changeait de jour.
1. Une pluie ». C'est le 7° signe en astrologie judiciaire. Voy. livre IV, chap. xi.
et
2. De ciuall, femme, et leocalli ou leopan, temple.
3. De amatl papier, talcu, dieux. Peut-être devrait-on lire amaleteulli, le papier étant
ordinairementenduit d'iMi ou gomme.
4. « Quatre vents » ; de naui, en composition nauh, quatre, et ccall, vent. On dit aussi
sans composition naui ccall ou eccall.
5. De malina, tordre ; nom d'une plante rampante. C'est le 8° signe en astrologie judi-
ciaire, représenté par une feuille de palmier, ployée à son extrémité et posée sur un
maxillaire qui paraît être une mâchoire d'homme (Fabrégat). Voy. livre IV, chap. xv.
6. « Un silex ». C'est le 10' signe en astrologie judiciaire. Voy. livre IV, chap. xxi.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 81
L Un singe
• .. C'est le 11» signe on astrologie judiciaire.
Voy. livre IV, chap. xxn,
-• ' Un chien ». C'est le 14e signe en astrologie judiciaire. Voy. livre IV, chap.
xxv.
Une eau ». C'est le 17* signe
" en astrologie judiciaire. Voy. livre IV, chap. xxx.
82 HISTOIRE DES CHOSES
plus grande attention sur le signe, le jour et l'heure dans lesquels i|5
naissaient. Ils allaient immédiatement en informer les astrologues ju.
diciaires et s'enquérir de la bonne ou mauvaise fortune de celui qui
venait de naître. Si le signe du moment de la naissance était réputé
prospère, on baptisait l'enfant sans retard. Si au contraire le signe
passait pour adverse, ou choisissait la plus favorable des journées de
ce signe pour y baptiser le nouveau-né. On conviait les parents et les
amis à honorer celte cérémonie de leur présence. On donnait à boire
et à manger à tous les assistants, ainsi qu'aux enfants de tout le
quartier. On baptisait assez généralementl'enfant chez son père, au
lever du soleil. C'était l'accoucheuse qui faisait cette opération en réci-
tant un grand nombre de prières et faisant beaucoup de cérémonies
sur le corps du nouveau-né. Encore aujourd'hui, ils imitent cette
même fête pour les baptêmes de leurs enfants, en ce qui regarde les
invitations aussi bien que les repas et libations qui les accompagnent.
16° Lorsque les pères voyaient que leur fils était en âge de se ma-
rier, ils avaient coutume de lui dire qu'on voulait lui chercher femme
et il répondait en leur rendant grâces pour le soin qu'ils voulaient
prendre. Aussitôt on parlait au principal de l'établissement où se fai-
sait l'éducation des jeunes hommes (on lui donnait le nom de lelpoch-
tlalo*), et ils lui disaient l'intention qu'ils avaient de marier leur
fils, le priant de l'avoir pour agréable. On l'invitait à un banquet, à ce
propos, en compagnie de tous les jeunes gens dont il était chargé et ils
lui adressaientune allocution, après que lui et tous ses élèves avaient
fini de manger. En commençant leur discours ils plaçaient devant lui
une hache à couper du bois, qui avait, pour but d'indiquer que le
jeune homme prenait congé de ses camarades, parce qu'on le voulail
marier. Après quoi le lelpochllalo s'en allait satisfait. Tout cela élaul
fini, les parents choisissaient la femme qu'ils lui devaient donner et
ils faisaient appeler les honorables vieilles qui avaient mission d'a-
gencer les mariages, pour qu'elles pussent en parler aux parents de
la jeune femme. Celles-ci renouvelaient deux ou trois fois la démar-
che, faisant leurs ouvertures et venant transmettre les réponses. Pen-
dant ce temps, les parents de la jeune personne entraient en conseil
et, après avoir consenti, ils donnaient le oui aux courtières du ma-
riage. Ces pourparlers étant terminés, on se mettait à la recherche
d'un jour convenablementplacé dans un signe des mieux condition-
nés, comme acatl, oçomalli, cipaclli et quauhlli. Le choix de quelqu'un
de ces signes étant fait par les parents du jeune homme, ils annon-
1.Pluriel do licill, médecin, nécromancien. Ici ce sont les matrones qui présidaient
cérémonies du mariage. Voy. liv. VI, chap. xxm. aux
84 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE XX
DE LA FÊTE ET DES SACRIFICES QUI ÉTAIENT FAITS DANS LES CALENDES DU PREMIER
MOIS APPELÉ atlcaualo ou quauill eloa.
Il n'est pas nécessaire que, dans ce second livre, je m'évertue à
démontrer l'indignité des cérémonies idolâtriques qui s'y trouvent
décrites, parce qu'elles apparaissent par elles-mêmes si cruelles et
si inhumaines, qu'il suffit de les entendre pour en éprouver de l'hor-
reur et de l'épouvante. Je ne ferai par conséquent pas autre chose
que rapporter simplement et à la lettre ce qui se passait.
Dans les premières calendes du premier mois de l'année, nommé
quauill eloa et que les Mexicains appelaient atlcaualo, dont le commen-
cement avait lieu le 2 février, les Indiens faisaient une grande fête en
l'honneur des dieux de l'eau ou de la pluie appelés Tlaloque. Pour
cette fête, ils cherchaient beaucoup d'enfants à la mamelle qu'ils
achetaient à leurs mères. Ils choisissaient de préférence ceux qui por-
taient deux remous de cheveux sur la tête et qui étaient nés sous un
bon signe. Ils prétendaient qu'ils formaient un plus agréable sacrifice
pour ces dieux, afin d'en obtenir de la pluie en temps opportun. On
les allait tuer sur des montagnes élevées que par voeu on avait choi-
sies pour l'offrande. A quelques-uns d'entre eux on arrachait le coeur
sur ces montagnes; à d'autres c'était en certains points de la lagune
de Mexico. Un de ces points s'appelait Tepelzinco, monticule bien
connu dans ce lac; pour d'autres on faisait choix d'une élévation dif-
férente de la lagune appelée Tepepulco1. Quelques-uns étaient sacrifiés
sur le trou absorbant de Panlillan. On tuait un bien grand nombre
d'enfants chaque année sur les lieux que je viens de dire, et après
leur avoir donné la mort, on les faisait cuire et on les mangeait.
En celte même fête, dans toutes les maisons et dans tous les pa-
lais, on élevait de grands mâts à l'extrémité desquels on plaçait des
papiers peints de ulli, qu'ils appelaient amaleteiiiil. Cela se faisait en
l'honneur des dieux de l'eau. Les endroits où l'on tuait les enfants
sont les suivants : le premier s'appelle Quauhlepell*, c'est une sierra
élevée non loin de Tlalelolco. On donnait aux enfants qui y étaient
sacrifiés le nom même de la montagne. On les revêtait de papiers
teints en rouge. On appelait Yoallecatl 1 la seconde montagne sur la-
EXCLAMATION DE L'AUTEUR.
le ne crois pas
qu'il puisse y avoir un coeur assez dur pour ne pas
-sentir de l'horreur et de l'épouvante et ne pas verser des pleurs en
•
>ntendant une cruauté si inhumaine, plus que féroce et d'inspiration
vraiment diabolique, telle qu'on vient de la lire plus haut. C'est cer-
lainement chose lamentable et horrible de voir que notre nature
humaine en soit arrivée à tomber si bas dans la dégradation et l'op-
probre que des pères, obéissant aux inspirations du démon, tuassent et
man"cassent leurs propres enfants, sans penser qu'ils se rendissent
coupables d'aucune offense, mais croyant au contraire qu'ils deve-
naient agréables à leurs dieux. La cause de ce cruel aveuglement, dont
ces pauvres enfants étaient victimes, ne doit pas précisément être
imputée aux inspirations naturelles de leurs pères, qui versaient des
pleurs abondants et se livraientà cette pratique la douleur dans l'âme ;
on doit plutôt y voir la main haineuse et barbare de Satan, notre
sempiternel ennemi, lequel employait toute sa maligne ruse pour les
pousser à cet acte infernal. 0 Seigneur Dieu ! vengez-nous de ce cruel
ennemi qui nous fait, tant de mal et nous en désire encore davantage.
Enlevez-lui, Seigneur tout pouvoir de nuire!
,
CHAPITRE XXI
fuite. Quand ils les avaient atteints, une lutte commençait ; les
nbattanls se capturaient alternativement et ceux qui avaient été
recouvraient leur liberté qu'au moyen d'un petit sacrifice. Ce
-s ne
ïiulacre d'escarmouche étant fini, on commençait le combat contre
mourir sabrés sur la pierre de meule. On se réunis-
i\ oui devaient
•ùt cru aire contre chacun
de ces malheureux. Deux étaient vêtus de
icau de tigre
et les deux autres portaient des habits faits de peau
l'aMc. Avant d'en venir aux mains avec les captifs, ils élevaient leurs
rondaches et leurs épées vers le soleil, et, aussitôt après, l'un d'eux
commençait le combat. Si le captif montrait de la valeur et se défen-
dait bien, ils se réunissaient deux, bientôt trois pour l'attaquer, el
s'il résistait encore, tous les quatre tombaient sur lui, en entremê-
lant leurs coups de danses et de poses nombreuses.
Gomme préambule à ce combat, du reste, on faisait une proces-
sion solennelle de la manière suivante : plusieurs prêtres, couverts
d'ornements qui représentaient un à un tous les dieux, parlaient du
haut du temple appelé Yopico. Ils étaient très nombreux et ils mar-
chaient en procession. Après eux venaient les quatre individus dé-
guisés en tigres et en aigles, hommes forts et courageux, qui s'avan-
çaient en faisant semblant de combattre avec épées el rondaches,
comme on fait de l'escrime. Quand on arrivait en bas, on se dirigeait
vers la pierre de meule sur laquelle on attaque les captifs. Tous l'en-
...
touraient et s'asseyaient en ordre, un peu gênés, sur leurs beaux
>
sièges qu'ils appellent quecholicpalli 1. Le ministre principal de la fêle,
qui portail le nom de Youallauan*, prenait la place d'honneur, parce
que c'était, lui qui était chargé d'arracher les coeurs de ceux qui
.
mouraient. Après qu'on s'était assis, on commençait à entendre un
concert do flûtes, de trompettes et de conques marines, mêlées de sif-
.
flements cl de chants. Ceux qui chantaient et jouaient des instruments
portaient sur leurs épaules des enseignes de plumes blanches montées
•siir de longues hampes et ils s'asseyaient
en rond autour de la pierre,
l|n peu plus loin que les prêtres. L'un de ceux qui avaient des cap-
s il sacrifier se présentait alors en tenant le sien par les cheveux cl
c menait à la pierre
sur laquelle il devait combattre. Là, on lui don-
nait du pulque à boire. Le captif recevait le
vase qui le contenait el
devait successivement
vers l'orient, vers le nord, vers l'occident et
Vf!1's le midi,
comme s'il en eût fait l'offrande aux quatre points
•'luhnaux. Il le buvait ensuite,
non pas en portant le vase à ses 16-
s) mais en aspirant le contenu
au moyen d'un roseau vide. Aussi-
OiilvCt/'"i'fa' °'-SeaU '°n beal''
'1. el îc'}alli> s[b8° a dossier.
°ui do nuit » ; de youalli, nuit, et llauana, boire,s'enivrer modérément.
90 HISTOIRE DES CHOSES
tôt se présentait un prêtre qui arrachait la tête d'une caille devant l«
captif qui devait mourir; il prenait ensuite la rondache des mains de
ce malheureux, relevait au-dessus de sa tête et il jetait derrière lui la
caille qu'il venait de décapiter.
En ce moment on faisait monter le captif sur la pierre; un minis. !
tre du temple, couvert d'une peau d'ours, et qui était comme le par- !
captif. Il lui donnait ensuite une épée de bois qui, au lieu d'un 01 !
solide, portait des plumes d'oiseaux collées sur la partie qui aurait dû \
être le tranchant, et il le munissait de quatre gourdins de pin pour sa :
défense, pour qu'il pût en atteindre ses adversaires. Son maître, le '
voyant en cet état sur la pierre, s'en écartait pour gagner la place qui
lui était destinée, et regardait en dansant ce qui allait arriver à son
captif. Alors, ceux qui s'étaient préparés au combat commençaientà
en venir aux mains avec lui. Quelques-uns de ces malheureux étaient
assez vaillants pour fatiguer leurs quatre adversaires et ne pas s'en
laisser abattre. En ce moment arrivait un cinquième qui avait l'ha-
bitude de faire usage de la main gauche au lieu de la droite. Celui-ci
en avait raison, lui enlevait ses armes et le jetait à terre. Alors se
présentait le Youallauan; il lui ouvrait la poitrine, et lui arrachait le
coeur.
Quelques-uns des captifs perdaient leurs forces et tout courage au
moment où ils se voyaient attachés sur la pierre; c'était, en tombant
presque en défaillance qu'ils prenaient les armes. Ils ne tardaient pas
à se laisser vaincre, et on leur arrachait aussitôt le coeur sur la pierre.
D'autres se sentaient défaillir dès lors qu'ils se voyaient sur la meule:
ils tombaient sans vouloir s'armer, désirant^ qu'on les mît à morl
sans retard. On s'en emparait, en effet; on les couchait sur le dos au
bord de la pierre, et le Youallauan, leur ouvrant la poitrine, en arra-
chait le coeur et le jetait dans un baquet de bois, après l'avoir oilerlaii
soleil. En ce même instant un autre prêtre prenait un tube de ro-
seau vide, l'enfonçait par le trou qui avait servi à arracher le coeur,
et, après l'avoir rempli de sang, le retirait pour l'offrir au soleil. U
maître du captif se présentait alors et recevait son sang dans une
écuelle dont les bords étaient ornés de plumes. Dans celle mêntf
écuelle se trouvait un tube recouvert également de plumes. Le maître
s'en allait ensuite faire ses stations en visitant toutes les statues des
dieux dans les temples et les chapelles. A chaque statue il présentai'
le tube ensanglanté, comme l'invitant à le goûter. Pour celte dévo-
tion, il s'était revêtu de ses plus beaux plumages, et de tous se»
joyaux. Après avoir fait sa visite à toutes les statues du lieu en le»11
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 91
2
:,;
n. 2f^.
Z '"^T avoc des lûtes coupées»; do Izontecomall, tôle tranchée, et
,0»P ™sicain, et ùcuc, vieux.
" ',ml=C
itotia, danser.
011' cl 'cpalli, siège. Cotte
'!«« i-e °unc««l>àLé décomposition du mol permet de suppose 1'
» renfermait du pigeon.
92 HISTOIRE DES CHOSES
mangeaient dans l'endroit où se faisait la fête. Le.lendemain tout le.
monde se préparait à assister à un areylo solennel qui devait coin.
mencer dans les maisons royales. On se parait de tous les ornements
devises et riches plumages qu'il y avait dans ces maisons, et, au lien
de fleurs, on portait sur sa main toutes sortes de lamalli et de tortillas'
du maïs grillé, appelé momochlli, leur tenait lieu de colliers etdeguh-.
landes. Ils portaient aussi des blettes rouges, imitées en plumes, et des
cannes de maïs surmontées de leurs épis. Midi étant passé, les prêtres
cessaient leur areylo. Alors venaient tous les personnages, nobles cl
seigneurs, et ils se plaçaient en bon ordre, de trois en trois, devant
les maisons royales. Moteuhçoma lui-même prenait place en avant
de tout le monde, ayant à sa droite le roi de Tetzcuco et à sa gauche
le seigneur de Tacuba. On faisait ainsi un areylo solennel qui du-
rail jusqu'au coucher du soleil. Après quoi, on commençait une autre
danse pour laquelle tout le monde se tenait par la main et dansait
en serpentant. Les soldats vieux, jeunes et recrues, venaient prendre
part à ce bal, dont faisaient partie également les matrones qui le dé-
siraient et même les femmes publiques. Cela durait ainsi, sur les lieux
mêmes où étaient morts les captifs, jusqu'à près de minuit, et l'on
continuait à célébrer ces fêles pendant l'espace de vingt jours, jusqu'à
ce qu'on arrivât aux calendes du mois qui s'appelle ioçoztonlli.
CHAPITRE XXII
liou
1. Impersonnel : « on agite les grelots » ; de ayacachlli, sorte do grelot altaclié au
d'un bâton, oipixoa, agiter.
2. Peut-être pour Izatzapatamalli, do Izalzaplli, épine ou herbe piquante, et atainal i-,
sorte de tamal.
3. De coall, serpent, et la postposition lion, dans, auprès.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 93
CHAPITRE XXIII
étalait des mets devant elle : c'étaient cinq paniers! avec des tor-
on
lillas au-dessus desquelles on plaçait, pour chaque panier, une gre-
nouille cuite, assaisonnée d'une certaine façon. On plaçait aussi de-
vant l'image un panier plein de farine de chian, connue sous le nom
écpinolK, et enfin un panier de maïs grillé mêlé de haricots. On cou-
pait un cylindre de tige verte de maïs, et l'ayant farci de petits mor-
ceaux de chacun de ces mets, on
le plaçait sur les reins de la gre-
nouille comme si elle en eût été le porteur. Voilà ce que chacun fai-
sait dans sa maison, et c'est pour cela qu'on appelait cette fête calco
iimiac". Vers le soir, on emportait ensuite tous ces fricots au temple
de Chicome coati, déesse des subsistances, fort en désordre et en s'ar-
rachanl mutuellement les morceaux, et on mangeait tout.
C'est dans celle fête qu'on apportait les épis de maïs, destinés aux
semailles, au temple de Mecoatl et de Cinleoll, pour qu'ils y fussent
bénis. Ils étaient portes, enveloppés dans des mantas, par de jeunes
tilles vierges dont chacune ne se chargeait que deseplépis. On mettait
sur ces épis quelques gouttes d'huile d'ulli et on les enveloppait dans
du papier. Ces jeunes filles avaient leurs bras et leurs jambes couverts
de plumes rouges. On leur étendait sur la figure de la poix ramollie,
appelée chapopotli, mêlée de marcassite.
Tandis qu'elles accomplissaient leur trajet, une grande foule les ac-
compagnait; tout, le monde les regardait sans en écarter les yeux ,•
mais personne n'osait leur parler. Si par hasard quelque jeune
étourdi leur adressait des flatteries, l'une des vieilles qui marchaient
avec elles, répondait : « C'est toi, lâche vaurien, qui ouvres la
«bouche? c'était bien à toi de parler! Pense bien plutôt à faire quel-
« que action d'éclat pour qu'on te coupe la mèche que tu portes sur la
no mcll,
; inaguey. el coati, serpent.
:":' ]\S 'Kmiors ou corbeilles étaient appelés chiquiuill en langue nahuall.
a"s '!lmaison; de calli, maison, avec les suffixes co, dans, et nauac, auprès.
96 HISTOIRE DES CHOSES
« je vous sais gré de vos paroles; je ferai ce que vous commandez-
« je m'en irai où je puisse agir de manière à passer ensuite pour un
« homme; j'y mettrai tous mes soins. Quant à vous, j'aimerais mieux
« deux graines de cacao que toute votre personne y compris la famille
« entière. Frottez-vousle ventre avec de la saleté et
grattez pardessus'
« croisez les jambes et allez-vous-en faire la culbute sur le chemin
« poudreux. Voilà une pierre raboteuse ; frappez-vous-en la figure cl
« arrachez-vous-en le sang de votre nez, et si ce n'est pas assez, pre_
« nez un tison allumé et enfoncez-vous-le dans la gorge pour y faire
« un trou, et crachez par là. Je vous prie en grâce de vous taire et de
« rester en paix. » Malgré le ton de cette réponse aux reproches qui leur
étaient adressés, les jeunes gens avaient à coeur de se montrer valeu-
reux. Ils restaient fort mortifiés des paroles dont ils avaient été le su-
jet, et ils se disaient entre eux : « Je l'envoie à tous les diables, k
« drôlesse ! Comme elle nous a vivement secoués et touchés au coeur
« avec ses remontrances! Amis, il nous faut décidémentfaire quelque
« chose, pour qu'on nous tienne en estime.»
Après avoir apporté au temple les épis de maïs, les jeunes filles les
remportaient à leurs maisons; on les mettait au fond du grenier en
disant que c'était le coeur de la réserve. A la saisondes semailles on les
reprenait et c'est avec ce maïs que la semaille était faite. Celle fêle
était célébrée en l'honneur de la déesse Chicome coati qu'on se re-
présentait comme une femme. On était dans la croyance que d'elle ve-
naient les soutiens du corps, nécessaires à la conservation de la vie
humaine, parce que quiconque est privé des subsistances chancelle et
meurt. On disait encore que c'était elle qui faisait toutes les variétés
de maïs et de haricots et toutes autres espèces de légumes et de chkm
propres à manger. C'est pour cela qu'on lui dédiait des fêtes en lui pré-
sentant des comestibles en offrande, avec des chants, des danses et du
sang de cailles sacrifiées. Tous les vêtements dont on la couvrait
étaient de couleur vermeille et très curieusementouvragés. C'est ainsi
que se terminait la fête de celte déesse, et on commençait par des
danses la célébration de la fête suivante.
CHAPITRE XXIV
il' 'i"-5 avons déjà vu ces divers noms qui étaient donnés a Tczcallipoca et que Sahagun
«•
' l> w a répéter en toute occuronce.
° viont sm' l'arbre nommé izquixochiquauill, morclosia huanita, de la fa-
Millr. i
™s slyracinées.
-
.',.- /".""
98 HISTOIRE DES CHOSES
et une double chaîne faite des mêmes fleurs passant sur les dei
épaules et tournant des deux côtés sous les aisselles. De
oreilles pendaient des boucles en or, et un collier de pierres nrf
cieuses entourait son cou. Une pierre riche, blanchâtre, s'élalait
pendantdevant sa poitrine. Il portait une mentonnière allongée faji«
avec des coquillages de mer. Sur son dos se voyait un ornement d'c-
toffe blanche, de la forme d'une bourse carrée d'un empan, avec imc
bordure et des glands. On lui mettait aux bras, au-dessus du coude
de grands bracelets en or. On entourait ses poignets d'une enfilade de
pierres précieuses appeléesmacuextli ', qui lui arrivait jusque près du
coude. On le couvrait d'une mania riche, tissue en filet et portant
une très belle frange sur ses bords. Il était ceint d'une riche pièce
d'étoffe appelée maxtla-ll*, dont on faisait usage pour couvrir les par-
ties basses du tronc. Ses extrémités, larges d'un empan, comme loulle
reste, étaient très finement ouvragées. Elles pendaient par devanl
presque jusqu'aux genoux. On lui mettait aux jambes des grelots en
or, ce qui produisait un tintement partout où il passait. Il portail
des coteras très curieusementpeintes, qu'on nommait ocelonacaa*.
C'est ainsi qu'on habillait et ornait le pauvre jeune homme qui devait
être immolé dans celte fête. Mais ce n'était là que les ornementsdu com-
mencement de l'année. Vingt jours avant la fête, on lui changeait tous
ses habillements, et on lui enlevait la teinture dont il avait été recou-
vert. On lui donnait en mariage quatre jeunes filles, avec lesquelles
il avait des rapports pendant ces vingtjours qui lui restaient à vivre.
On lui façonnait dès lors les cheveux à la mode des capitaines, et on
les lui attachait au haut de la tête avec un ruban orné d'une belle
frange. A la place des mèches qu'on avait recoupées, se plaçaient dcirc
autres rubans avec leurs glands élégamment travaillés en plumes,
en or et en tochomill, qu'on appelait aztaxelli \
Les quatre jeûnes filles qu'on lui donnait pour femmes étaient
aussi très délicatement élevées dans ce but. On leur donnait les noms
de quatre déesses : Xochiquelzall, Xilonen, Atlatonan et Uixlociim-
Cinq jours avant la fêle où la victime devait être sacrifiée, on w'
rendait les honneurs d'un dieu. Le roi restait dans son palais, tandis
que toute sa cour suivait le jeune homme. On faisait partout &&
banquets solennels, des areylos et des bals. Le premier jour, la '^
avaîtiieu dans le quartier de Tecaninan; le second, dans le quai a
où l'on gardait l'image de Tezcallipoca; le troisième, la fête se
1. Arbre qui produit une gomme employée en teinture [inga circinalis, de la lam'1 c""
légumineuses).
2. Impersonnel signifiant: on mange,.tous mangent.
3. De (coll. dieu, ou de tell, pierre, et omill, flèche, dard.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 101
e
penchât d'aucun côté. Quant à ceux qui portaient le carton,
V nrchaient devant; les premiers arrivés au sommet commençaient
les autres arrivaient, on l'enroulait da-
r irouler et, à mesure que
l-ioe avec
grand soin, de façon à empêcher qu'il se brisât. On
lpvait les flèches et on les confiait à quelqu'un qui les gardait for-
'psen faisceau.
Quand la statue était parvenue au sommet, on la
r-nosait à l'endroit où elle devait rester; on attachait le carton pour
u:il ne pût. pas se
dérouler et on le plaçait devant l'estrade sur Ia-
«'. ..uei]e
on avait déposé la statue. Lorsqu'on avait terminé cette opéra-
lion tous ceux
qui étaient montés au temple en descendaient, et il ne
ï
reslail plus que les satrapes des idoles qui devaient en être lesgardiens.
Au coucher du soleil, heure à laquelle on venait de monter celle
imago on lui faisait l'offrande de tamalli et d'autres choses à man-
t "cr. Le
lendemain, au point du jour, chacun offrait des mets à la
statue de Uilzilopochili qu'il avait chez lui, et tout le monde allait'
ollïir du sang de cailles devant celle qu'on avait installée dans le
!'/ temple. C'était d'abord le roi lui-même, qui arrachait la tète à quatre
rk tailles dont il faisait l'offrande à l'idole nouvellement placée. Les sa-
trapes offraient après lui, ensuite venait tout le peuple, et, en arra-
v ohanl la lêle de la caille, chacun la jetait aux pieds de l'idole. Le
! pclil animal se trémoussait jusqu'à mourir. Venaient bientôt les
5^ iicuyers et soldats du roi, qui s'emparaient des cailles mortes, les fai-
:;
satrapes et, enfin, les écuyers. Tout le monde portait des cassolettes.
On faisait du feu dans le temple,
pour en avoir de la braise. On em-
portail, aussi du copalli et des encensoirs de terre cuite, pareils à des
•
; pois troués et très ouvragés, qu'on appelait tlemaill 1. On avait encore
j-; île loules sortes de copal, et on se mettait en mesure de procéder
• aux cérémonies habituelles au service de ce dieu. Les satrapes, quand
: »s arrivaient à un certain moment de ce service, mettaient de la braise
•ans leurs encensoirs, y jetaient du copal ou encens et encensaient
limage do UUzilopochtli
•; que l'on venait d'installer dans le temple
,
peu -do temps auparavant. Cette cérémonie
ne se faisait pas seule-
ncnleu ce lieu; elle
se répétait dans toutes les maisons par leurs
l"°pi'iclaires, qui encensaient les statues des dieux qu'ils avaient chez
x- Quand
on finissait d'encenser, on allait déposer les braises dans
"°Ycr rond, appelé Uexklli 2, qui était placé milieu de la cour où
- au
b élevait de deux
;: empans sur le sol.
l d'autres
instruments dont ils font usage clans leurs areylos. Les
s dij
palais et même les hommes de guerre, vieux et jeunes, dan-
i ^ienl clans une autre partie de la cour en se tenant par la main et
serpentant, à la manière des danses dont les hommes et les femmes
v du peuple
font usage dans la Vieille-Castille. Les jeunes filles se mê-
laient à ces danses, bien fardées et avec leurs bras et leurs jambes
i. cn[ièrement recouverts de plumes rouges. Elles portaient une coiffure
; qui au lieu de fleurs, était faite de maïs éclaté au feu, appelé mo-
mocMli, dont chaque grain représente une fleur remarquable par sa
ï- blancheur. Ces coiffures ressemblaient aux parures de fleurs dont font
? usaçe au mois de mai les jeunes filles des campagnes de Castille. Elles
i-v portaient aussi des enfilades du même maïs partant des deux épaules
CHAPITRE XXV
Pluriel de llacaanalli, celui qui saisit une personne; do llacall, personne, et «'|">
1.
prendre, tenir.
2. Ouapillin, de ouall, tige de maïs vert, et pilli, principal, grand ; on lit aussi «" "
pillin, jonc blanc; — lolmimilli vient de lollin, jonc, ùlmilli, champ cultivé.
3. Tonilco, dans le champ (milli) de pierres (Ictl);— Tepcxic, dans le gouffre, lcp' 01
pice (lepexill) ; — Ozloc, dans la caverne (osloll).
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 105
caijaque, ministres qui sont allés (au combat), de yauh, aller ; — llamacazquccuicaiumh
pluriel, de cuicani, chanteur, musicien; — llamacazlcicaliuan, ministre inférieur,
llamacazqui, ministre, et teicauh, jeune frère; pluriel Icicahuan.
1. Pluriel de Uamacaztontli, diminutif de llamacazqui.
2. De aslapillic, très-blanc, et pcllaU, natte.
3. De iicnlli, offrande, et lalololli, boule.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 107
peine pour cela. Tout le monde prenait grand soin d'éviter toute
isede châtiment pendant ces quatre jours et quatre nuits de jeune.
l'offrande, venaient quelques vieillards, appelés
f' Incrue jour, après
uiauacuiUin, qui avaient le visage teint en noir et les cheveux rasés,
l'exception du haut de la tête où on les laissait pousser très longs,
l'inverse de la tonsure de nos prêtres. Ils s'emparaient des offrandes
cl les
partageaient entre eux pendant les quatre jours.
C'était une coutume établie entre les satrapes de tous les temples
nue pendant
les quatre jours de jeûne, ils se levaient à une heure
après minuit, sonnaient du cor et faisaient entendre d'autres instru-
ments comme pour appeler à matines. A cet appel, tous se levaient
cl ils allaient, entièrement nus, sans aucun vêtement, chercher les
épines de maguey qu'ils avaient coupées la veille et apportées clans
la pulpe de la même plante. Ils se faisaient alors des incisions aux
oreilles avec de petits couteaux de pierre, et ils trempaient la pointe
des épines de maguey dans le sang qui s'en écoulait. Ils s'ensanglan-
[.aient en même temps le visage. Chacun trempait dans le sang le
.
nombre de pointes de maguey que le degré de sa dévotion lui com-
mandait; les uns cinq, les autres moins et d'autres davantage.
Après cela, tous les satrapes et ministres des idoles allaient se plon-
ger dans l'eau, n'importe le froid qu'il fit, en soufflant dans des
conques marines et dans des sifflets en terre cuile. Tous portaient sur
leur dos de petites sacoches attachées avec des corde!elles d'izlli et
terminées par des glands. De quelques-unes de ces sacoches pen-
daient des bandes de papier peint appelé yiequachUi. Elles conte-
naient une espèce de farine grossière semblable à de petits crottins
(le souris, portant le nom de yyaquallil. On la faisait, en trempant
dans de l'encre la poudre d'une herbe appelée yiell, qui ressemble à
de ht jusquiame de Castille. Au-devant de tout le monde marchait un
satrape, avec son encensoir rempli de braise et sa sacoche pleine de
copal. Tous portaient
un morceau de feuille de maguey dans lequel
étaient enfoncées les épines dont chacun devait faire usage. Celui
<|ui marchait devant était un de ceux qu'on appelle quaquacuillin. 11
portail sur l'épaule une planchette de deuxuaras de long et d'environ
nu empan de large, munie de grelots qu'on faisait
sonner en mar-
chant. Cette planchette s'appelait ayacachicaaalizlli*
ou nacail quauiti.
lous les satrapes assistaient à celte procession, à l'exception de
quatre qui restaient
au monastère, dont ils avaient la garde pendant
'lue les autres accomplissaient leurs dévolions. Ces quatre ministres
1.«Qui prend les tôles belles » ; do chalchiuiU, pierre précieuse, quaill, tète, eleuh
prendre.
2. Pluriel de pipUzlli, oiseau qui vil sur les bords des lacs et des rivières.
]")E LA NOUVELLE-ESPAGNE. 109
•
°st aussi un vase servant à faire dos ragoûts, espèce de coquemar.
110 HISTOIRE DES CHOSES
Au lever du soleil, les satrapes se couvraient de leurs ornements
habituels : une jaquette en dessous et, par dessus, une mania légère
et transparente appelée ayauhquemitl', parsemée de plumes de perro-
quet posées en croix. On plaçait à l'un d'eux, sur le dos, une grande
fleur ronde en papier, en manière de rondache, et on lui attachai!
derrière la tête d'autres fleurs aussi en papier plissé, qui dépassait
de chaque côté, en demi-cercle, de façon à figurer des oreilles. On
lui teignait la tête avec un vernis bleu, sur lequel on répandait de la
marcassite. Ce satrape portait, pendant de la main droite, une
sacoche en peau de tigre, avec des bordures en petits escargots blancs
tombant en clochettes, qui sonnaient en se touchant les uns les
autres. D'un angle de la sacoche pendait la queue d'un tigre et on
voyait aux autres angles les quatre pattes de l'animal. Ce petit sac
était rempli d!encens destiné aux offrandes et composé au moyen
d'une herbe appelée yiauhlli, séchée et moulue. Devant ce satrape,
marchait un autre ministre nommé quacuilli2, portant sur ses épaules
une planche de deux brasses de long, sur un empan de largeur, à
laquelle étaient attachés des grelots, de distance en dislance, et des
morceaux de bois cylindres destinés à produire un bruit, par le mou-
vement. On appelait cette planche ayacachicaualizlli5. D'autres mi-
nistres encore précédaient ce satrape, portant dans leurs bras des sta-
tuettes de divinités, fabriquées avec cette gomme sautillante et noire
qui s'appelle ulli. On connaissait ces staluettes sous le nom &\illeteo\
ce qui veut dire dieux d'ulli. D'autres ministres avaient dans leurs
bras des morceaux de copal de forme pyramidale, à la manière des
pains de sucre. Le sommet de chacun d'eux se terminait par une
plume riche de quelzalli. S'élant rangés dans cet ordre, ils prenaient
leurs cornets et leurs conques marines, et ils se mettaient en marche,
formant procession, pour conduire ceux qui avaient commis quelque
faute au lieu où ils devaient être châtiés. On s'assurait de leurs per-
sonnes, en les tenant par les cheveux de la nuque. Quelques-uns
étaient conduits saisis par les bouts de leur ceinturon. Les petits
enfants de choeur, qui étaient délinquants aussi, étaient portés sur les
épaules, assis sur un siège fait de soucliets verts, et quand ils étaient
plus grands, on se contentait de les tenir par la main.
Lorsqu'on approchait du lieu du châtiment, sur le bord de l'eau,
en n'importe quelle partie du chemin où l'on trouvait une lagune, on
..• nit au
bord de l'eau, dans laquelle on devait les plonger,à l'en-
1
., appelé toleco.
Quand on y était parvenu, le satrape et les autres
' îistres
brûlaient du papier en offrande et livraient aux flammes le
ooal et les statuettes d'ulli qu'ils
avaient apportés, en répandant aussi
le l'encens sur
le feu ainsi que sur les nattes de joncs dont on avait
orné le sol tout autour. En même temps, ceux
qui étaient chargés
de surveiller les
coupables les lançaient à la lagune. Leur chute fai-
sait grand bruit et projetait bien haut les éclaboussures de l'eau. Si
quelqu'un surnageait, on lui faisait faire de nouveau le plongeon.
Quelques-uns, qui savaient nager, filaient sous l'eau, à la manière
des oiseaux plongeurs, reparaissaient fort loin et trouvaient ainsi le
moyen de s'échapper. Quant aux pauvres malheureux qui ne savaient
pas nager, on les
malmenait de telle sorte qu'on les laissait pour
morts sur le bord de l'étang, où leurs parents venaient les prendre
et les pendaient par les pieds pour leur faire rendre l'eau qu'ils
avaient avalée par la bouche et par les narines. Tout cela étant
achevé, on s'en retournait en procession par le même chemin qu'on
était venu, au son des conques marines, vers le temple dont on
était parti. Quant aux suppliciés, leurs parents les portaient chez
eux, blessés et tremblants de froid, afin d'assurer leur convalescence.
De retour à leur monastère, les satrapes tendaient de nouveau
leurs nattes bariolées el commençaient leur jeûne de quatre jours,
qu'on appelait netlaca'çaualizlli.Pendant cette pénitence, ils ne se dé-
nonçaient plus les uns les autres et ne faisaient pas leur repas à midi.
Durant ces quatre jours, les enfants de choeur apprêtaient tous les
ornements de papier nécessairesaux ministres et ceux dont ils avaient
eux-mêmes besoin. L'un de ces ornements s'appelait llaquechpanioll1,
qui veut dire: ornement qui va sur le cou. Un autre encore, connu
sous le nom d'amacuexpalli*, se plaçait sur la nuque et ressemblait
a une fleur en papier. Un autre, encore, appelé yalazlli, était une
sacoche destinée à contenir de l'encens elle était
; en papier et s'ache-
ta au lianquizUi*. On y achetait aussi des enfiladesde morceaux de bois
lettre à Charles-Quint, en a donné une description détaillée qui montre combien, à côté de
ce grand bazar, tous les autres marchésde Mexico étaient peu considérables.Aussi Saliagun
ne le désigne le plus souvent que par le mol lianquizlli, le marche, dérivé de liami<]"<i
trafiquer, négocier; d'où viennent encore liamiquizUi, commerce, achat; liamictli, mai-
ebandise; etc.
1. Petit carré d'étoffe on fil do maguey, en espagnol ayato, pouvant servir de petit niati-
teau ou d'enveloppepour différents objets qu'on y renferme en ramenant les quatre coi"^
2. Il faut comprendre cette insertion despetits morceaux de bois de la manière suivante.
la planche était percée, de distance en distance, de petits rectangles qui avaient une Ug'
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 113
1. * Dans le trou, la caverne (oztotl) de l'eau (atl). » Les deux éditions portentMM»'-
ou aiohloc que nous croyons défectueux.
2. Le texte espagnol dit : A.manera de caco. On pourrait traduire mot à mot : à In ma'
nière d'un timide (ou d'un poltron) ; mais on ne comprend pas bien lo pourquoi.
3. De ietl. pierre, et tamaçolin, crapaud, avec eo, suffise de noms de lieu.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 115
CHAPITRE XXVI
1. C'est aussi le nom d'un peuple, comme on peut voir livre X, chap. xxix; il 5 '' "
peut-être lieu do faire remarquer que les prisonniersdestinésà la mort en celle circo""«
avaient appartenu à ce peuple.
2. Sorte de crochet ouholte servant à porter des fardeaux.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 117
CHAPITRE XXVII
pileac, noir aussi (yapalli) et relevé; — eaeallo, qui a dos corbeaux représentés [cacalU),
— enfin, mimickclio, qui a des poissons {michin) sans doute représentés.
1. Mis sans doute pour nochpalcucchlziiitli, diminutif de cucchtli, coquillage, con<I"c'
2. Pluriel de quachlli ou cuachlli, sorle de coquillage ; au figuré: homme vaillant, brave,
courageux.
3. Do tcoll, dieu ou divin, et chipoli, coquillage.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 121
Jillaii 1,;.,!,.. ' lo> cl aquià, entrer.-Expression figurée pour iudicruer que la victime
luoiiioi succomber.
(
dci'(>ms'(ie i™ 0 P°lU' Ate'lxic^lean, de alanlli, rivage, et xicalli, vase, avec can, suffixe
i voisin de Mexico et situé
sur un cours d'eau du même nom.
124 HISTOIRE DES CHOSES
nom de tolopanitl1. Les femmes dansaient, de leur côté, avec celle n
devait être sacrifiée. Elles avaient les jambes et les bras couverts d
plumes rouges, le visage teint enjaune, du bas du menton jusqu'à,
nez, et les joues teintes en rouge ainsi que le front. Elles portaient
des guirlandes et des enfilades de la fleur jaune appelée cempoaho-
chill. Celles qui tenaient la tête et guidaient la danse se nommaient
ciuallamacazque; elle faisaient le service des temples el vivaient dans
leurs couvents. Les hommes continuaient à danser, mais ils ne sc
tenaient pas avec les femmes, parce que celles-ci se groupaient en-
semble autour de la victime, en se livrant au chant el à la danse. On
jouait pour elles d'un leponazlli qui n'avait qu'une langue en haut, et
une autre en bas. Celle-ci était liée à une écuelle, qui était pendante.
et, de celle manière, l'instrument sonnait bien mieux que lorsqu'il a
deux langues à la partie supérieureet aucune vers le bas. Ce leponazlli
s'appelait lecomapiloa'1. Celui qui en jouait le portait sous l'aisselle, car
il était façonné pour occuper celle place. Les gentilshommes qui dan-
saient se tenaient devant les autres. Us ne faisaient pas les figures en
usage dans les areylos, mais quelque chose ressemblant aux danses
de la Vieille-Castille, dans lesquelles les danseurs, pris ensemble,
dansent en serpentant. Les ministres des idoles dansaient aussi, au
son du même leponazlli el en jouant eux-mêmes de leurs cornets et
do leurs conques marines. Lorsque les satrapes, en faisant leur tour,
venaient à passer devant la déesse Xilonen, ils répandaient de l'en-
cens sur leurs pas. Celui qui devait donner à la femme le coup mor-
lel était déjà couvert de tous ses ornements. Il portait sur le dos un
beau plumage qui sortait des serres d'un aigle, au bout d'une jambe
factice de ce rapace. Un autre ministre se tenait devant, avec la plan-
che aux grelots dont nous avons déjà parlé. Quand on était arrivé au
temple du dieu Cinleoll, où la femme devait mourir, le satrape qui
portait celle planche, appelée chicawazllP, s'arrêtait, l'élevait droite de-
vant elle et commençait à faire grand bruit, en la niellant en mou-
vement dans tous les sens; il semait en môme temps de l'encens sur
le sol. C'était au milieu décos manoeuvres qu'on faisait monter la
femme jusqu'au haut du temple. Là, l'un des satrapes la prenait sur
lui dos à dos; un autre survenait qui lui coupait la tête. Immédiate-
ment après, il lui ouvrait la poitrine et lui arrachait le coeur qu 1'
jetait dans une écuelle.
Ce sacrifice étant consommé en l'honneur de la déesse Xilonen, tout
le monde avait la permission de manger des épis verts de maïs, du
CHAPITRE XXVIII
1. Quelques-unesde ces plantes ou Heurs sont décrites ou indiquées dans le livre XI,
chap. vu et vin. 11 n'est parlé ici que de celles qui y ont été omises : acocoxochill, de ai*
haut, et ocoxocliill; — uilzitzilocoxochill, de uilzitzilin, oiseau-mouche, et ocoxochitl;
Kingshorough cl Hernandez donnent uilgilzilxochiU que le dernier traduit oviganina;-
IcpccempoalxochiU, de lepall, montagne, et cempoalxochiU. oeillet d'Inde; — nexiamei-
xocldll, de ncxlamaUi, tamal cendre; — oceloxoclûll, de ocdotl, tigre ; Hernandtf
l'appelle encore tcyolchipauac, herba Imlijicans; — ayacoxochill, de ayacolli, fascolCj
fève, et xochill fleur; les deux textes portent ayocoxochitl;— tlaccacaloxoohitl, de llacu':
torse, corps de l'homme, et cacaloxoçhill;—allacueçonan, nénuphar; — ilapalaUa°uC'
çonarijàetlapaUi,noir, et allacueçonan;— atzalsamulxocKitl, deaUatzamulli et a»"'"'
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 127
CHAPITRE XXIX
•
en place, ils descendaientdu temple et ils s'en allaient
maisons.
pies celle cérémonie, on voyait se réunir les jeunes hommes, les
' cscenls et les grands garçons, tous ceux enfin qui avaient de
| g:
Sues mèches de cheveux tombant
sur la nuque etquel'on appelait
'"'
':
uir
--:
Serait
^•iiomsVu!/
°'.aiipllei'' oto'; avoc °a>h suflixe de noms de lieu. *
SUr la naUo ou liaPl)G d'Gau "? de ath cau> et pcllatl, natte, avec
"...
;.^\ °"!un 0UV1'C, l'on égorge les gens »; de llacall, homme, et«oa, prêt, couh, ou-
c, suffise'
132 HISTOIRE DES CHOSES
cuexpaleque1'; toute espèce de gens, du reste, accouraient on f0„i
affluaient ensemble vers la cour de Xiuhleculli, en l'honneur dm
se faisait la fête. A midi, on commençait à danser et à chanter et
femmes se mêlaient aux hommes dans un ordre convenu. La...
regorgeait demonde et l'on y élail tellement serré, qu'onnepouvailni
trouver une issue. Quand ils étaient fatigués de chants et de danse*'
une grande clameur se faisait tout à coup entendre et tous, à reav.-'
s'empressaient de sortir de la cour pour se rendre à l'endroit où l'on
avait érigé le grand mât. Les routes étaient pleines de gens qui mar-
chaient les uns sur les autres. Les préposés aux jeunes hommes se
tenaient autour du mât, pour empêcher que personne y montât avant
que l'heure fût venue. Ils en défendaient l'accès à grands coups de tri-
que ; mais les gamins qui s'étaient proposé d'y monter s'elTorcaieiil
de repousser leurs chefs à force de bourrades et, réussissant enfin à
s'emparer des cordes, ils commençaient à monter avec tant d'entrain.
que chaque câble en avait un grand nombre à supporter. On aurait
dit des grappes de jeunes hommes, tant ils mettaient d'obstination»
se servir de chaque corde. Mais bien peu arrivaient au sonnncl.
Celui qui y parvenait le premier s'emparait de la slatue de l'idole,
faite de pâle de blettes, qui se trouvait en haut du mât. 11 lui prenait
la rondache, les flèches et les dards dont clic était armée, ainsi que
l'instrument nommé alla-Il2, avec lequel les dards sont lancés. Il se sai-
sissait aussi des tamales et il en faisait tomber les miellés sur les
gens qui étaient en bas. Tout le monde avait les yeux levés, atten-
dant les petits morceaux pour s'en emparer,.et quelques-uns se dispu-
taient et se malmenaient pour se les arracher mutuellement. Il y avait
grand remue-ménage pour s'emparer de ce qui tombait. Quelques-
uns en voulaient surtout au panache qui avait été sur la lêlcdcla
statuette et que le jeune homme vainqueur lançait du haut du mal-
Bientôt celui-ci descendait chargé des armes dont il s'était emparé. H
était accueilli en bas par de grands applaudissements et conduit pai
la foule à la plate-forme du iemple, appelé Tlacaçouhcan, où «es
vieillards lui faisaient présent de joyaux et de devises, pour la lui'
diesse dont il avait fait preuve. Cela fait, tout le monde allait Lircr sur
les cordes et jeter par terre le mât qui se brisait en loi11'
ban t. La foule s'en allait ensuite, chacun à son domicile, cl Pc,_"
sonne ne restait en ce lieu. On conduisait chez lui celui qui i'v
gagné le prix en arrivant le premier au haut du mât, après bu au
1 Pluriel do cuexpate, qui a'dés mèches de cheveux sur ia inique; c'" sl" '
eucxpalli, qui désigne ces sortes de mèches.
'2. Sorte d'âmenlum on courroie, engin servant à lancer,
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 133
,
l'épaule une manta brune qui se rattachait au-dessous de
,
ï;'•'•<;
lie opposée, à
la manière des étoles des diacres. Cette manta
| "i
ornée sur ses bords d'une frange de lochomill et de belles plumes.
ï '','
ciiii obtenaient ce
triomphe avaient seuls le droit de porter un
S '.', '..«ni de cette forme. Ils pouvaient le garder dans leur domicile ou
fe clldre môme s'ils en avaient la fantaisie; mais l'acheteur n'était pas
:v loiiséà en faire usage. Le vainqueur du grand mât était conduit
5'.,. les vieux satrapes, appelés cjuaquacuillin, qui lui donnaient le
| iira< tandis qu'un grand nombre de ministres des idoles venaient
| |cn.jcrC! en soufflant
dans leurs cornets et leurs conques marines. Il
| uail sur son dos la rondache dont il s'était emparé sur le mât. Quand
I on l'avait laissé dans son domicile, on s'en revenait au temple dont
% «notait sorti.
Tel est le récit de la fête appelée xocohuetzi.
| CHAPITRE XXX
*ûmu''
signifiant :
î„
:-'iiiK:k,»]>ns[maUl). on lève, tous lèvent les bras; de mallaca, jeter, remuer les
<;: ' '
.
134 HISTOIRE DES CHOSES
car on regardait comme de fort mauvais augure sa tristesse co-
pieurs. On prétendait y voir le signe qu'un grand nombre de sold-i
mourraient dans la guerre ou que plusieurs femmes succombcraien'i
à la suite de couches. Dans ce combat simulé celte pauvre lennue
qu'on disait être l'image de la mère des dieux (à laquelle on dédiaii
cette fête), faisait la première attaque contre le groupe opposé. I*,
était accompagnéede trois vieilles qui se disaient ses mères, qui ne s'éloi.
gnaientjamais d'elle et qui s'appelaientAua, Tlauilecqui el Xoqnaulinn
Le combat consistait à se lancer des boules faites de ces filaments qui
poussent sur les arbres, ou bien de feuilles de roseaux, de raquettes
de cactus ou de Heurs jaunes appelées cempoalxocliilL Elles avaient
toutes une ceinture d'où pendaient de petites calebasses pleines do la
poudre d'une herbe appelée yietl. L'un des groupes courait sur l'autre
en l'attaquant^ celui-ci courait à son tour sur le premier et, après un
certain nombre de retraites et d'attaques faites de la sorte, l'escar-
mouche finissait, et l'on conduisait au lieu où elle était gardée lu
femme destinée à mourir.
On nommait cette malheureuse Toci, c'est-à-dire notre aïeule, nom
qu'on donnait à la mère des dieux, en l'honneur de laquelle elledevail
être sacrifiée. Ce simulacre de combat se faisait pendant quatre jours,
après lesquels on conduisait cette pauvre femme promenersur la place
du marché, en compagnie de toutes les guérisseuses, et l'on disailqtie
c'était pour qu'elle prît congé de cette place, puisqu'elle ne devait
jamais y revenir. A son retour du marché, elle était reçue par lf>
satrapes de la déesse Chicome coall, qui l'entouraient, tandis qu'elle
répandait de la farine de maïs partout où elle passait, comme pour
prendre congé du marché. Les ministres laconduisaient ainsià 1'étalnV
sèment où elle était attendue, qui était près du temple où elle (levait
recevoir la mort. Elle y était consolée par les guérisseuses cl les accou-
cheuses qui lui disaient : « Ne vous chagrinez pas, belle amie; vou>
passerez cette nuit avec le roi; réjouissez-vous donc. » On ne lui I'*'
sait point comprendre qu'on devait la tuer, parce que sa morlueV'11
être, pour elle, soudaine et inattendue. On la couvrait des ornement
de la déesse l'octet, à minuit, on la conduisait au temple où clicd^*
mourir. Pendant le trajet, personne ne parlait ni ne toussai i-
quoique tout le peuple lut là, on gardait un profond silence. Q«an(
était arrivé au lieu où on devait lui donner la mort, un des assis >
la -prenait sur son dos, on lui tranchait lestement la tête et,
de encore, on
l'écorchait. Un des satrapes se revêtait de sa
' ' t'appelait leccisquacuilli 1. On choisissait pour cela le sa-
011
l'.'ie'lc pl«s nau^ en taille et le plus renommé pour sa vigueur. Le
micr point du corps qu'on écorchait était la cuisse de la victime. Ce
'
oi'ceau de peau
était apporté à son fils CinleoU, qui était dans un
temple et on l'en habillait.
au Ire
Lorsque ce satrape s'était revêtu de la peau de la victime, il allait
;o
joindre à son fils CinleoU; -mais bientôt il se levait, aux chants du
lemple, et il descendait précipitamment, suivi de quatre personnes
dui avaient fait voeu d'être à son service. Ils se plaçaient, deux à sa
droite et deux à sa gauche, tandis que quelques-uns des satrapes les
suivaient par derrière. Des personnages de rang élevé et des guerriers
qui l'attendaient, après s'être présentés devantlui comme pour l'inviter
à les poursuivre, commençaient aussitôt à fuir avec la plus grande préci-
pitation. Ils tournaient de temps en temps la tête en frappant sur leurs
boucliers, comme pour le provoquer au combat, et ils recommençaient
aussi tel leur fuite précipitée. Tous ceux qui voyaient ce spectacle étaient
saisis de crainte et tremblaient à la vue de ce jeu qu'on appelait ç-aca-
ridli 2, parce que tous ceux qui simulaient la fuite portaient à la main
^ balais de chiendent ensanglantés. Celui qui était revêtu de la
peau de la femme morte, ainsi que ceux qui l'accompagnaient, se met-
lait à la poursuite des fuyards qui s'efforçaient de leur échapper,
parce qu'ils en avaient grand'peur. En arrivant au pied du temple
de UilzilopoclUli, le porteur de la
peau de la victime levait les bras en
croix devant l'idole de ce dieu et répétaitquatre fois celle manoeuvre.
Après cela, il revenait à l'endroit où
se trouvait la statue de Cinteotl,
lilsdc la déesse Toci dont il était le représentant. Ce CinleoU était
un
adolescent qui s'était fait
un masque avec la peau de la cuisse de la
lemme sacrifiée. Il se joignait à sa mère*. Ses insignes consistaient
en ce morceau de peau embrassant la tête, et
en un chaperon, tissu
1 c plumes, adhérent à
un vêtement qui avait ses manches et son cor-
Si|gc cl qui était également tissu de plumes. Le sommet de
ce cha-
lie'on: s'allongean t
en arrière, se terminait parune couronne au milieu
0 laquelle s'élevait
comme une crête de coq. Celte coiffure portait le
m do %1-zilacqliuhqui1',
ce qui veut dire dieu de la gelée. Sa mère et
Se» allaient ensemble très lentement
au temple de Toci où la
'mine avait été sacrifiée. Le représentant de cette déesse, celui-là
1Cc|ui était revêtu de la
peau morte, s'introduisait dans le temple.
eoe'î"1'' Sr<ind coquillage (locution figurée), et quacuilli, qui prend la tête.
'•'
C'iit'r"'.1' 01110' P:ii"G' °l IMlli> case' Pinoelle-
lin
'' lie";; ,''.110au ('G la morte qui établit cette parenté entre ceux qui s'en sont revêtus.
'>
*1K, 'raid, et coliulufui,courbé, tordu, resserré.
136 HISTOIRE DES CHOSES
Tout ce que nous venons de décrire se passait pendant la nuit iy„
que le jour paraissait, celui qui représentait la déesse Toci allait
placer à l'un des angles les plus élevés du temple. Les personnage-
qui étaient en bas et qui attendaient celte apparition, commencaicm
à monter en toute hâte les degrés du temple, porteurs des objets dont
ils venaient lui faire l'offrande. Les uns lui emplumaient les pieds et u
lêle de plumes d'aigle, ayant choisi pour cela le duvet blanc qui couvre
immédiatementla peau ; d'autres lui fardaient la figure avec de la
couleur rouge; d'autres encore lui mettaient un péplum court qui
portait sur la poitrine un aigle brodé ou tissu dans l'étoffe; d'autres
enfin le couvraient de jupons peints. Quelques-uns tranchaient les
lêles à des cailles en sa présence, quelques autres lui offraient du
copal. Tout cela se faisait précipitamment, et tout le monde s'en allait
ensuite, sans qu'il restât personne. On revêtait, en outre, le repré-
sentant de la déesse de tous ses ornements les plus riches cl on lui
mettait une magnifique couronne, appelée amacalli 1, surmontée de
cinq banderillas dont celle du milieu était plus élevée. Celle couronne
s'élargissanl vers le haut se terminait en forme carrée. Quatre des ban-
derillas étaient aux angles. La plus grande occupait le milieu. On
appelait aussi cette couronne miolli.
Aussitôt, les captifs qui devaient mourir étaient placés en rang. Le
représentant de la déesse en prenait un, le couchait sur le billot, lui
ouvrait la poitrine et lui arrachait le coeur. Il en prenait ensuite un
autre, puis encore un de plus, jusqu'à quatre, et, après avoir l'ail ces
sacrifices, il laissait aux satrapes le soin de tueries autres et il s'en allait
avec son fils au temple où il restait d'habitude, qu'on appelaiICinlcoll
ilztlacoliuhqui, précédé de ses dévots appelés icuaxoa-n, qu'il suivait a
quelque distance! Ceux-ciétaient ornés de leurs papiers, ayant un cein-
turon de papier tordu et portant à la partie supérieure du dos un pa-
pier froncé et rond en forme de rondache. Ils avaient encore sur le
dos un ornement en plumes et colon, duquel pendaient des filaments
non tordus. Les guérisseuses et les femmes qui vendent de la chau*
au marché chantaient et formaient escorte des deux côtés à la déesse
le i? son fils. Les satrapes qui s'appelaient quaquacuitlin guidaient le
chant des femmes en chantant aussi et en jouant du leponazl-lii quiil
une langue supportant une écuellc 2. Quant on arrivait à l'endroit du
temple de CinleoU, où l'on attendait les lêles des victimes, celui (p"
était revêtu de la peau de la morte et qui était le représentant de l<»
déesse Toci donnait un coup de pied à un alabal qui se trouvait en ce
Hit',. ' C'''t"a"<'u'c face, enveloppe (xayaoall), de la morte (miequi). Les deux éditions portent
-"l'le bord de l'eau ; de alenlli, rive, uni à. la poslposition pan.
»
138 HISTOIRE DES CHOSES
la main. Tous les danseurs avaient l'air de fleurs vivantes et faisait,
l'admiration des spectateurs. Les femmes qui y assistaient versai.,
des pleurs en disant: « Nos fils, que voilà si brillamment
n;,,.^
« seront à l'avenir obligés à marcher, si l'on proclame la guerre
« Pensez-vous qu'ils en reviennent? Peut-être ne les reverrons-n0m
« jamais plus. » Et c'est ainsi qu'elles s'alarmaient les unes les autres
et vivaientdans l'angoisse à propos de leurs enfants. Le représentant
de la déesse Toc?, ses dévots et les guérisseuses dansaient à pa,|
derrière ceux qui faisaient Vareylo, dans lequel on chantait sur un [0B
très aigu, et qui commençait au milieu du jour. On faisait, le lende-
main, le même divertissement auquel tout le monde assistait, car
beaucoup de gens n'étaient pas allés à celui de la veille. A propos de
la revue que l'on faisait ce jour-là, tous les grands personnages elles
nobles se vêlaient richement et le roi se mettait à leur tête, couvert
d'ornements précieux. L'or était sur eux si abondant qu'il éblouissait
dans la cour sous les rayons du soleil.
Sur le tard, lorsque Vareylo était fini, les satrapes de la déesse Clii-
come coall sortaient revêtus des peaux des captifs qu'ils avaient,tués
la veille; on les appelait lotoleclin. Ils montaient au haut d'un petit
temple nommé le plateau de Uilzilopochlli, et de là ils lançaient du mais
de toutes couleurs, blanc, jaune, rouge et brun, et des graines de
calebasse sur les gens qui étaient en bas. Tous se pressaientpour s'en
saisir et, à ce propos, on voyait se malmener à coups de poing les
jeunes filles qui étaient au service de la déesse Chicome coati et qu'on
appelait ciuaUamacazque. Chacune d'elles portait sur son dos sept
épis de maïs rayés d'ulli fondu, enveloppés de papier blanc et enfer-
més dans une belle mania. Elles portaient aux jambes et aux liras
des plumes appliquées au moyen d'une matière adhôsive, et elle?
étaient fardées avec de la marcassilç. Elles chantaient avec les satra-
pes de la déesse Chicome coall, qui guidaient le chant. Après cela les
satrapes s'en retournaient à leur sacristie. Bientôt, un d'eux descen-
dait du haut du temple de Uilzilopocldli, portant à la main «m lw"
nier en bois plein de craie blanche moulue et de plumes blanches
ressemblant, à du coton. Il le déposait en bas en un endroil appe'»'
Coaxatyian1, espace situé vers le bas de l'escalier, auquel on arriva'
par cinq ou six marches à partir de la cour. Aussitôt qu'on le vojai
déposer là son panier, un grand nombre de soldats qui attendaient u-
moment prenaient aussitôt la course, à qui arriverait le prenne'>
pour prendre ce qu'il contenait. C'est là qu'on voyait, quels eiaieu
les meilleurs coureurs et les plus alertes. Ils lombaient sur le pnmcl
i était le
représentant de la. déesse Toci assistait à ce pillage de
nés et de craie. Quand les pillards en avaient fini, il se mettait à
' les poursuivre, tandis que tout le monde
• anrès eux comme pour
,.
,compao-nait avec des cris, et lorsqu'il passait comme enfuyant
• iravers les assistants, ceux-ci lui crachaient dessus et lui lançaient
inul ce qu'ils avaient à
la main. Le roi lui-même se mêlait à celte dé-
bâcle un petit instant et il
entrait dans son palais en courant. Tout le
monde en faisait autant et, de cette manière, tous abandonnaient le
représentant de la déesse Toci, à l'exception de quelques-uns qui se
réunissaient à des satrapes pour le conduire à l'endroit appelé Tociti-
ihm' où il devait se dépouiller de la peau et la laisser pendue à un
donjon qui s'y trouvait. On la tendait 1res bien, les bras ouverts et la
tète relevée, bien en vue du chemin. C'est ainsi que s'achevaient, la
l'été et les cérémonies (Yochpa-nizUi.Tel est le récit de celle fête.
CHAPITRE XXXI
ni; LA riVi'F, IÎT DUS SACMFICES QUE L'ON FAISAIT AUX CALENDES
DU DOUZIÈME MOIS APPELÉ tCOtlcCO.
.
dansait un jeune homme porteur d'une chevelure très-
,c)
""' ' c.vmniitée d'une et avec des ornements en plumes
lon<r"C 1*-
couronne,
|C
II avait ia figure teinle en noir et rayée de blanc. Une raie
"i• l'oreille au haut du front et une aulre partait de l'angle
-i rin
.
,i„ i'oeii et, faisant un demi-cercle, venait se terminer au haut
îoinnicLles. II avait sur son dos une hotte ornée de plumes, appc-
r, mcalli
dans laquelle il portait un lapin desséché. Il avait mission
«filer en mettant un doigt dans sa bouche, selon la coulume,cha-
fois qu'on lançait un captif dans le feu. Un autre jeune homme se
induisait en chauve-souris avec ses ailes et tout le resle. Il portait
iux mains
des grelots gros comme des tôles de pavots, ce qui lui ser-
vait à faire du bruit. Quand on avait jeté
quelques esclaves dans le
l'eu les satrapes
formaient une procession, munis d'éloles de papier
qui allaient des deux épaules au-dessous des deux aisselles. Us mon-
taient à l'endroitoù était le loyer en se tenant parla main, en faisaient
le lotir à pas lents et prenaient ensuite la course pour descendre.
Après cela, ils se lâchaient les uns les autres en dégageantleurs mains
comme par violence et quelques-uns tombaient dans cet effort, soit de
coté, soit sur la face. On appelait ce jeu mamalla-uicoa 1. Le lende-
main, on se réunissait dans les rues, par tous les quartiers, et on
dansait en se tenant fortement par les mains. Ou se couvrait les
bras cl le Ironc avec des plumes de différentes couleurs collées à la
peau avec de la résine, Cela se pratiquait ainsi à lotit Age, même pour
les enfants au berceau, mais seulement pour les garçons. Ce genre de
danse commençait à midi, au milieu de chants divers, et durait jus-
qu'à la tin du jour ; ceux qui en avaient le désir pouvaient continuer
jusqu'à une heure avancée de la nuit. Ces deux derniers jours appar-
tenaient au mois suivant.
Tel csl le récit de la Tête appelée leolleco.
CHAPITRE XXXII
SI"I C|Uft'saccoml)''ssai1-le sacrifice portait sans doute le même nom leccalco, qui
li:"'Mi
'^•"L- l",tl6si?"CI'lc l"bu"«l civil (Voy. livre Vit], cliap.
mieux "C 1CÎ xv cl xxv). 11 vaudrait peut-
"cca'co> 'a maison [calli) du feu {Ucll), avec la posposition co, sur.
1 linve' '
l'cisennel signifiant
: on lève (uica) les mains (maitl).
142 HISTOIRE DES CHOSES
on avait donné une forme de serpent. On figurait aussi, en pùtc ,i,
blettes, des montagnes reposant sur des morceaux de bois appel;,
eccalontin, qui avaient la forme de fillettes. On étendait, par devanl"
de peliles masses de bielles rondelettes et allongées, comme fonijan'i
bordure, qu'on appelait yomio '. Ces images étaient élevées en l'ii0ll.
neur des hautes montagnes au sommet desquelles se forment les
nuages, et en mémoire de ceux qui étaient morts noyés ou frappés
de la foudre, ainsi que des personnes dont les corps avaient élé enter-
rés au lieu d'être brûlés. Ces simulacres de montagne reposaient
sur des rouleaux de foin attachés avec des cordes de chiendent et
repliés sur eux-mêmes en spirales, qu'on gardait d'une année à l'au-
tre. La veille de la fêle, on apportait ces rouleaux à la rivière ou à la
fontaine pour les y laver et, pendant le trajet, on les accompagnait
au son des conques marines ou des sifflets aigus sortis d'instruments
en terre cuite. Ces lavages se pratiquaient au moyen de feuillages do
cannes vertes dans des oratoires situés au bord de l'eau, en des points
appelés a-yaùhcalli. Quelques personnes se livraient à cette pratique
dans de l'eau qui coulait près, de leurs maisons. Celle opération élanl
terminée, on apportait les rouleaux aux maisons, avec la même musi-
que, et l'on s'occupait à bâtir sur eux les images des montagnes,
ainsi que c'est dit plus haut. Cela se faisait quelquefois de nuit, avant
le lever du jour. La lêle qui terminait cet emblème élait à deux faces,
représentant, d'une part, la ligure humaine et, d'autre part, un ser-
pent. Celle-là était couverte d'ulli- fondu et portait sur les deux joues
des petites tortillas faites de pâte de bielles jaunes, avec du papier
appelé leleuitl mis par-dessus. Une couronne, surmontée de panaches,
s'élevait sur celle tête. On dressait également les emblèmes des
morts sur ces rouleaux de foin. Les uns et les autres étaient appor-
tés, au point du jour, à leurs oratoires et placés sur des lits faits avec
des joncs ou des'souchels. Aussitôt qu'ils y étaient déposés, on leur
faisait l'offrande des choses à manger : tamales, mazamorra, friture
faite avec de la poule ou du chien, et ensuite, on les encensait avec
de l'encens mis dans une main en terre cuile, formant cuiller, l-outc
pleine de braise. On appelait cette cérémonie calonoac 1. Les gc"5
riches chantaient et buvaient du pulque en l'honneur de ces dieux, et
en mémoire de leurs défunts. Les pauvres se limitaient à l'offrande de»
choses à manger que nous venons de dire.
On tuait quelques femmes dans celte fête en l'honneur des die"*
- C'est-à-dire son os; de omioll. en composition : nomio (pour no*omio), mon os, un "
1.
demapersonne;etc.
2. Impersonnelsignifianti on reste dans les maisons ; de calli, maison, cionoe-, demeuu •
Voy. la note 3 de la page 95;
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 143
CHAPITRE XXXIII
,.,.. on les
donnait à ceux qui avaient la charge d'y fixer les
d1"', 1' opération qu'ils pratiquaient parfaitement
:
avec des fils de
'°
'c
très bien tordus. Pour que les tiges ne se fendissent pas, on
( " ' il soin de mettre de la colle d'amidon dans les trous et l'on y
?
i
ensuite les pointes. Quand celles-ci étaient en place, on frottait
•
-'oinls avec de la résine, et la même matière était également mise
i
S
le bout qui devait porter sur la corde de l'arc. Tout ce travail étant
-
;' -^ on partageaitles flèches en faisceaux de vingt, on formait une
(.
v f cession et on venait les placer en offrande devant l'idole de Uilzilopo-
; ,-/)/!;' On y
laissait toute la provision et l'on s'en retournait chez soi.
^ On appelait le
quatrième jour calpan nemililo *, ce qui veut dire :
;, im-où l'on faisait des flèches appartenant à des particuliers, pour s'exer-
?" A cet effet, on prenait pour but une feuille de maguey et
ccr au tir-
- on lirait
dessus. Alors étaient mis en évidence les plus adroits à ce
jeu. Dans la cinquième journée, on préparait, en l'honneur des défunts,
de petites flèches, longues d'un geme* ou d'un empan, dont le bout
el la pointe étaient enduits de résine. La pointe se faisait en bois. On
%y niellait sur les lombes quatre de ces llèches attachées à quatre petites
torches avec un fil léger de colon. On y plaçait aussi deux tamales
non salés. Cela y restait ainsi déposé tout le jour, et, la nuit étant ve-
:- nue, on allumait les torches qui brûlaient avec les petites flèches.Le
charbon cl, la cendre qui en provenaient étaient enterrés sur la sépulture
du défunt, dans le but d'honorer ceux qui étaient morts à la guerre.
Un avait l'habitude de choisir une tige de maïs à neuf noeuds. On
plaçait, en forme de petits drapeaux, un papier à son bout supérieur
cl un autre plus long qui tombait en banderolle jusqu'au pied de la
lii-'e. A côté, on déposail la rondache du défunt avec une flèche et l'on
-..„
attachait à la lige de maïs sa manta et sa ceinture. Sur chaque face
du pet il drapeau
on figurait en 01 rouge comme une image de la croix
de Sainl-André. La banderolle de papier élait brodée
en fils blanc et
rouge tordus ensemble, et du bout du lil blanc pendait un oiseau-
mouche 5 mort. On formait aussi des faisceaux de plumes blanches de
''-'l'on ou azlall accolés.de deux
en deux avec des fils qu'on réunis-
^'d ensuite en un seul
pour rattacher à la tige de maïs après l'avoir
«'couvert de plumes de poule adhérentes
au moyen de résine. Le tout
1 ''d ensuite porté et brûlé dans
un mortier en pierre appelé quauh-
./ ('..':ms lus maisons se fabriquent, des Mèches » : de inilia, faire des dards (mill).
I:K~!VI !* Un lc,™° csPab'nol dont
on se sert pour désigner une mesure de longueurqui se
•M ' ]),n- la distance du
bout du pouce au bout de l'index écartés le plus possible.
;; Jj» ""'xicainuilûlzithi.
'.'"«»<'/, bois, et oeicalli. mortier avait une
,;„, c:'i5« en bois de pin. Voy.
vase, avec le suffixe eo, dans. Ce
ci-après, 159.
p.
10
146 HISTOIRE DES CHOSES
Le sixième jour était appelé ça-capanquixoa ', parce qu'on avait pi
bitude d'étendre dans la cour du temple du dieu Mixcoa-tl une erani-
quantilé de foin apporté des montagnes, sur lequel s'asseyaieni ]-.-
vieilles femmes qui servaient dans le temple et qui s'appelaient cl,,,,'
llamacazque. On tendait une natte devant elles.Alors arrivaient louu
les femmes qui avaient des enfants, fils ou filles. Chacune apuorlaii
cinq tamales sucrés qu'on posait sur les nattes en présence d^
vieilles qui prenaient les enfants, les faisaient sauter dans leurs l)ras
et les réjouissaient ensuite en leur montrant les tamales qu'elles «ar-
daient pour elles. Ceci commençait le matin et finissait à l'heure du
dîner, chacun s'en allant chez soi.
Le onzième jour de ce mois, on allait faire une partie de chasse sur
la sierra au-delà de Allacuioayan. C'était là une fête à part, de sorte.
qu'il y en avait en réalité deux dans ce mois : celle que nous venons
de décrire et celle qui commence actuellement. Ce versant de mon-
tagne sur lequel se faisait cette partie s'appelait Çacalepec, ou bien
Ixill-anlonan*. Quand on y arrivait, on commençait par y passer lantiil
en repos dans des cabanes en chaume et l'on entretenait des feux pour
dormir. C'était le dixième jour du mois que l'on employait ainsi à
organiser la fête du dieu des OLomis 5, appelé Mixcoa-U. Le lendemain
malin, ils déjeunaient tous ensemble et ils s'organisaient pour com-
mencer la chasse. Us ceignaient leurs reins de leurs manias cl ils
partaient. Ce n'était pas seulement les Mexicains qui prenaient parla
celle fêle, mais encore les gens dc1QuauhliUan,daQuauhncma-c,dùCoijou-
ca-n" et d'autres villages des environs. Us étaient tous armés d'arcs cl
de flèches. Après s'être écartés en formant un circuit, ils se rappro-
chaient peu à peu pour parquer le gibier qui se composait de cerfs,
lapins, lièvres et chacals. Lorsque toutes les hôtes se trouvaient
réunies, les chasseurs couraient à l'attaque et chacun prenait ce qu'il
pouvait. Un bien petit nombre d'animaux réussissait à s'échapper.
Lorsqu'on s'élait emparé du gibier, on le tuait et chaque chasseur
s'en retournait à son village emportant les lêles des bêles qu'il avait
t. Impersonnel : On va pour la paille: de ça-call, paille, pan, sur, pour, et qun;n, »"ul-
'>. « Notremère de Jxillan. »
3. Cette nation considérable fut longtemps barbare, babitant les cavernes et. vivaiil <l«
produit do la citasse, au nord-ouest, de l'Analiuae. Ce fut au XVe siècle seulement que "'
tribus sauvages reconnurentl'autorité des souverains iï'Acolhuacan, sans abandonne!-lou
à-fait leur grossièreté primitive. Elles continuèrent surtout à se distinguer )>''"' 'c,n''''"
gage dont la rudesse et l'aspiration des sons ont toujours été d'une extrême diflicultc ]>" _
les autres peuplades. Los Otomis occupèrent plusieurs localités dans l'Analniiic; "i."»
n'y eurent que des industries fort ordinaires cl basses. Aujourd'hui encore ils sonl a l-
et ceux qui vivent à Jlexico n'ont guère d'autre condition que colle de charbonnier».
h. « Lieu où il y a des chacals »;. de coijoll uni h can, suffixe de noms de lieu,
située au nord de Jlexico.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 147
CHAPITRE XXX1Y
(pour iio-i.c), mon visage; teix, le visage, la tète de quelqu'un, et amùjui. de»
avoir soif,
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 149
célébrée,faisaient quatre-vingtsjours cle pénitence.
i y était
u 'nt orner de rameaux tous les oratoires et tous les reposoirs
des montagnes. Us commençaient ces cérémonies un jour
S "i '
i-i fin du mois d'oclipanizili. Ils allaient le corps nu, toutes les
• lit 1*1-*
'itll'CS
fiualre
~
heures, placer leurs rameaux, à minuit, même en des
tri
^ °
Moi^nés, jusqu'à ce qu'on arrivât au présent mois de pa-nquelza-
!.. choisissaient pour ces ornements des roseaux verts et des
,]s
lies de maguey. Us marchaient en sonnant du cor et des conques
c
•rincset en soufflant dans leurs sifflets, variant leur musique en
Wintde l'un à l'autre de ces instruments. Aussitôt que le mois de
necholli précédent était fini, tout le monde commençait à danser et à
chauler. Le chant en
l'honneur de Uilzilopochlli s'appelle tlaxole-
cwioll '. On l'entonnait au commencement de la nuit, pour ne cesser
dii'au moment où l'on appelait à matines. A cette occasion, les femmes
chaulaient et, dansaient en se mêlant aux hommes. Neuf jours avant
qu'on sacrifiât ceux qui devaient mourir, on les baignait dans l'eau
d'une fontaine appelée UilzilatP, qui se trouve près du village de Uilzi-
lopochco*. C'étaient les vieillards des quartiers qui allaient la chercher
dans des cruchons neufs bouchés avec des feuilles de l'arbre qu'on
nomme cmeuell*. En arrivant à l'endroit où étaient les esclaves qui se
tenaient devant le temple de Uilzilopochlli, on jetait à chacun d'eux,
hommes cl femmes, un seau d'eau sur la tête, par-dessus les vête-
ments qu'ils portaient. On leur enlevait ensuite leur habillement
trempé d'eau, on les parait avec les papiers qui devaient les accom-
pagner à la mort et on leur teignait en bleu clair les bras et les jam-
bes. On y faisait ensuite des rayures avec de la brique et. on leur pei-
gnait le visage en bandes transversales alternativement bleues et
jaunes. On leur traversait en même temps le nez avec une petite
IH'chc à laquelle
on ajoutait un demi-cercle qui pendait jusqu'en bas.
On leur plaçait
sur la tête une sorte de coiffure ou couronne faite avec
l]e petits
roseaux attachés ensemble, au-dessus de laquelle s'élevait
"n faisceau de plumes blanches, qui étaient de couleur jaune pour
les fc,nmcs. Quand ils
étaient ainsiparés au pied du templede Uilzilo-
poclilh, on les faisait
passer devant le calpulli et chaque maître d'es-
<uo emmenait le sien dans
sa maison. Lorsqu'ils y arrivaient, on
'"i enlevait les papiers dont ils étaient couverts
.pour les enfermer
j- -01! 0' csl- lancée;»do llaxo, passif de llaca, poser, établir, lancer, etc., et le-
•'"•inll
' l)c7j/"'--d.0S
2-
grands> ron°mm6c, illustration. "
i'iait ooïK. "'." >
oiseau-mouche, et ail, eau; pour rappeler sans doute que cette source
,;'"!*• au dieu Uilzilopochlli.
:1
k.
Cup!-c^^"U' aV°C C°! Suffîxe de "oms dc !ie"'-
])c,
l'ûnsuc Clio )
',ca> cyprès chauve, grand arbre qui croît on abondance dans les envi-
' l'"lle,pcc ; c'est le vieillard des eaux ; de ail, eau, et unue, vieux.
150 HISTOIRE DES CHOSES
dans des petits porte-manteaux. C'estalors qu'ils s'unissaient hoim
et femmes pour commencer à chanter et à danser.
Cinq jours avant qu'on les livrât à la mort, les maîtres des csclav-
commençaient leurs cinq jours de jeûne, qu'observaient égalenieit
les vieillards des quartiers. On mangeait seulement au milieu duioi
et l'on se baignait par pénitence, à minuit, dans des oratoires siu^
au bord de la rivière et appelés ayauhcalco. Les femmes et les uni
tresses des esclaves prenaient leurs bains dans l'eau qui passaitdcvani
leurs maisons. Les baigneurs emportaient chacun quatre épines de
maguey et, comme avant de se baigner, ils s'incisaient les oreilles
ils ensanglantaient les pointes de ces épines, en jetaient une dans
l'eau et en plantaient une autre sur la rive, tandis que les deux der-
nières étaient offertes par eux à l'idole de l'oratoire d'ayaithcah.
Les femmes qui se baignaient près de leurs domiciles se contentaient
d'ensanglanter une seule pointe de maguey et l'enfonçaient au bord
de l'eau. Lorsqu'on avait fait quatre jours de pénitence, on voyait se
réunir les esclaves hommes et femmes, leurs maîtres et maîtresses,
ceux qui devaient accompagner les victimes au temple, ceux qui (le-
vaient les en descendre après leur mort, ceux encore qui seraient
chargés de leur laver le visage et ceux enfin qui auraient à marcher
devant en portant les petits drapeaux. Tous ensemble se prenaient par
les mains et se niellaient à danser, chanter et valser. Ils avaient l'ail
d'avance, avec des souchels, des sortes de guirlandes ou grosses
cordes qui leur servaient à se tenir ensemble, au lieu de se prendre
par les mains. Les malheureux destinés à la mort se mêlaient aux
autres pour danser aussi. Us sautaient avec grand entrain, cournienl,
dansaient et, galopaient à en perdre haleine, tandis que les vieillards
des quartiers chantaient et leur faisaient de la musique cl, qu'un
grand nombre de spectateurs étaient là pour les voir. Ceux qui ac-
complissaient leur pénitence, s'élant privés de passer la nuit avec
leurs femmes pendant ces quelques jours de mortification et ayant I"1'
abandon de toute jouissance par respect pour le jeûne, mettaient lin
à minuit à leurs chants et à leurs danses.
lis s'en allaient Ions chez eux, pour commencer la fêle, le l«iu'c'
main, dernier jour du mois, aux premières lueurs de l'aurore Aioi>,
les esclaves qui devaient mourir se rendaient chez leurs maîtres pd
prendre congé d'eux, précédés par un homme qui portait une ecuc
pleine d'encre noire, ou d'ocre rouge, ou d'une teinture bleue
chaulaient à luc-lêle, à s'en briser la poitrine, cl, en arrivant ' -
maisons de leurs patrons, ils trempaient leurs mains dans l'eci'0
et venaient ensuite les appliquer aux seuils des portes cl sui -^
piliers, où restait leur empreinte. Us allaient faire la même o|
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 151
/ 1. Ou llachco divin ; ]o llac/illi esl, un jeu do. bulle, et llachco désigne plus pnrliciil'''""
ment l'enceinte où ce jeu avait lieu.
2. Bc amall papier, avec le suïïixe pan.
. ,
3. 13e quauill, bois, b;Uon, et icac, qui est debout; pris au figuré pour dire. ;oi)'"';
dieu principal.
>i. De chapulin, langouste, sauterelle,'et Icpcll, montagne, avec c, suffixe do llora>
lieu. Ville à l'occident de Mexico.
5. De izquitl, torréfié, grillé, uni au suffixe llan.
6. Pluriel de isquilecall. Voy. la note de la page 47.
7. De Icpelonlli, diminutif de Icpcll. montagne, et «m, suffixe de noms c lien.
8. De macall. cerf, uni au suffixe ilan, auprès. ,.,
9. « A la maison blanche ou do sel >•; de izlall, sel, calli, maison, avec co, „.
noms de lieu. .., (>,,.
10. « Dans l'enceinte de roseaux»; de acall, roseau, chinamill, clôture, et en,s"
t"
noms de lieu. Localité voisine de 'Mexico, où Oorlès. après la prise de Mexico, eut,• une
trevue avec Quauhle.mntziv.
y DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 153
livraient aune escarmouche en se divisant en deux partis. L'un
élail pour Uitznanall 1 et l'autre faisait bande à part. Les soldats
11
te* laissât
1-1
étendus par terre en fort mauvais état. On chantait,
Mil»011
instruments et on agitait des grelots dans les maisons
*
mit des
°
-' ni 1res des esclaves; mais on ne dansait pas, on restait assis. On
"
"
-;i (les manias à ceux qui faisaient le service de la fête et qui
donna"
, ui-°
.
| ciiargés de distribuer le manger, la boisson, les roseaux à
r mer les
fleurs, etc. On donnait aussi des jupons et des péplums
i . ux femmes qui avaient la mission de faire les tortillas, les plats et
certaines boissons. En général, toutes les gens du quartier recevaient
V des manias.
Au troisième jour, qui était appelé oJionchayocacaliua^, c'est-à-dire '
i escarmouche de matassins, on habillait un individu en matassin,
au moyen
de balandrans et de masques épouvantables. La foule se
-
partageait en deux partis. D'un côté se plaçaient les ministres des
idoles, à côté du matassin, et, d'autre part, les servants du lelpoch-
calli. A midi, les uns et les autres commençaient le combat. On se
battait avec des branches de oyamell* ou sapin, de simples roseaux
ou de petits faisceaux de cette plante, composés de trois ou quatre
pieds réunis. On faisait grand bruit en se frappant et l'on se blessait
môme quelque peu. Ceux qu'on réussissait à prendre comme captifs
étaient condamnés à avoir le dos frotté avec des feuilles de maguey
râpées, ce qui produit toujours une cuisson très forte. Les ministres
du lemple qui faisaient personnellement des captifs leur piquaient,
avec des épines de maguey, les oreilles, le gras des bras, de la poi-
trine et des cuisses, et leur arrachaient des cris de douleur. Si les ser-
vants du calmecac l'emportaient sur leurs adversaires, ils les enfer-
maient dans le palais royal, tandis
que leurs compagnons pillaient
•eut ce qu'ils trouvaient,
comme pellall, icpalli, leponaztli, par-
imns, etc.... Si les servants du calpulco arrivaient à vaincre ceux du
wtmemcj ils les v enfermaient et volaient tout ce qu'ils rencontraient.
n se séparait au coucher du soleil et l'escarmouche prenait fin.
'e quatrième jour était appelé naxpixolo"ù. Les vieillards disaient
'li'eles esclaves qu'on venait de tuer étaient
encore de ce monde; ils
«itiicni, point ailés dans les enfers, attendu qu'ils n'y entraient
que
quatrième jour. Ce même jour, chacun roulait dans son pétale les
Papiers avec lesquels les esclaves
et les captifs étaient morts. Celait
L°ie ce jour-là
que les maîtres des esclaves et des captifs, ainsi
°'"nc- dc deux on deux, chayolli, espèce de fruit, et icacali, combattre. Ces sortes
<!(• in11,
.'"CC dcs fluils ou âcs Plantes étaient fréquentes:
le .v tzrGc]cpaciitiL
,„i nous avons déjà vu, page 69,
? ("c, "l ou extrait une buile qui porto le même, nom.
:i.
« 'qiand les cendres de nr.vlli, rendre, et pixoa, répandre.
»;
156 HISTOIRE DES CHOSES
que tous les autres, se baignaient, se savonnaient, se lavaienl 1
et s'en allaient ensuite chez eux, attendu que la fête était finie f
CHAPITRE XXXV
i-enUes ministres des idoles à venir chez eux préparer les papiers
'"U '
devait les parer. On fabriquait d'ailleurs ces statuettes dans
/- crac et
quand elles étaient prêtes, on les portait aux maisons
x nui en avaient l'ait le voeu. Ils se munissaient pour cela de
a .
[enoitazlli et de leurs grelots et ils n'oubliaient pas la carapace
- leur musique. Aussitôt qu'ils
u tortue pour en accompagner
. arrivés,
ils s'occupaient à parer ces images faites, de pâte.
chines personnes en avaient cinq, d'autres dix, et quelques autres
Jiu'à quinze. Elles étaient la représentation des montagnes au haut
, 1C1)CS Se forment les nuages: comme sont
le volcan, la sierra
\euula la sierra de Tlaxcala et autres semblables. On plaçait ces
vlalucs en rang
dans l'oratoire de la maison; on faisait à chacune
1offrande de
comestibles et l'on s'asseyait devant elles. Les tamales
nu on
leur offrait étaient très-petils, en rapport du reste avec les
initiées qui étaient
elles-mêmes d'une taille exiguë. Ils étaient servis
dans des assiettes minuscules et dans de petites écuelles, avec un peu
de mazumorm; on servait aussi de petits pots [lecomall] de forme
liis-rédiiilc qui contenaient une minime quantité de boisson de cacao.
Celle ollnmde de comestibles était faite quatre fois dans la nuit. On
leur présentait aussi deux lecomall de courges vertes qui s'appellent
iitimyolli, pleins de pulque. On chantait toute la nuit devant ces
images et l'on jouait de la flûte ; mais cet instrument n'était pas tenu
|i.u ceux qui en faisaient métier: c'étaient de jeunes adolescents qui
limaient à leur place et on leur donnait à manger.
Au point du jour les ministres des idoles demandaient
aux maîtres
v
è la maison l'instrument dont on se sert pour tisser, qui s'appelle
' "l:»puzlli, et ils l'enfonçaient dans les poitrines des images des mon-
layncs comme
pour leur donner la mort. Après leur avoir tranché la
Me, ils leur arrachaient le
coeur qui était donné aux maîtres de la
'liaison dans une ôcuelle verte. Quand
on avait tué toutes ces images de
lit manière qu'on
vient de voir, on leur enlevait les papiers dont elles
étaient parées et qu'on brûlait dans la
cour même de la maison avec
u«s les comestibles. Quant
aux nattes de souchets verts misçs à leur
'; v,cc, ainsi que les ccuelles et tous les ustensiles qui avaient servi
' CU1| °"ru' des mets et de la boisson,
<«I»l»elês uyaulicalco,
on les portait aux oratoires
qui s'élèvent au bord de l'eau. Quand cela élail
J es invités se réunissaient pour manger et boire en l'honneur des
,.' ICS ni°i'tes qui s'appelaient lepeme*. On offrait des mets à chacun
' séparément et on leur présentait ensuite du pulque à boire. Les
's qui étaient admises à
ce banquet apportaient du maïs égrené
! lel":lh montagne. Los deux éditions portent lepicme.
158 HISTOIRE DES CHOSES
ou en épis aux armoires de la maison. Aucune d'elles n'y arrivai i..
mains vides et quelques-unes avaient jusqu'à quinze ou vingi iw''
Après être entrées, elles restaient à part. Chacune d'elles ôlail seir
séparément et on lui donnait du pulque à boire. Celle boisson eu-
contenue dans de grands vases noirs en terre cuite (canjiloncs) où
la puisait avec des tasses de couleur noirâtre. Quand le banquel était
fini, on prenait les papiers appelés leleuill placés sur les perches qUj
étaient enfoncées dans la cour et on les portail en certains lieux de la
lagune signalés par des poteaux plantés au fond, ou bien sur les liau-
teurs des montagnes.
Telle est la fin du récit de cette fête.
CHAPITRE XXXVI
d'où dérive l'adjectif ^IJJHÇUÎ, qui a un toupet ou une mèche de cheveux sur les tenir""
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 159
nue sut ,. Jt °
iiamcUcculli. Quand on était parvenu au sommet, on la tuait
,sr
retard et on lui arrachait le coeur. La tête, qu'on lui coupait
'
s- était donnée à
celui qui était revêtu des attributs de la déesse
i
il
précédait tous les autres. Il la prenait de la main droite par les
, IX c( se
mêlait ainsi à la danse, levant et abaissant tour à tour
h lùle de la morte, selon
les besoins de la danse dans laquelle le sui-
vaient Ions les autres personnages représentant des divinités. C'est
mc\ qu'il allait en dansant tout autour de la plateforme élevée du
lemple. Après quelque temps de cet exercice, tous obéissaient à son
ordre en descendant en procession. Quand ils étaient arrivés en bas,
ils s'empressaient de gagner leurs demeures, c'est-à-dire les calpulli
où ces ornements étaient déposés. Lorsque celui qui était couvert des
ailiibuls de la déesse Ilamaleculli se livrait à la danse, il avait des
temps d'arrêt et revenait sur ses pas, comme pour faire des reprises,
en portant ses pieds en
arrière. Il avait à la main en manière de bour-
don une canne massive sur laquelle il s'appuyait ; sa souche avec trois
tatines était tournée en haut tandis que la pointe portait sur le bas.
On donnait à celle danse le nom de baculo*. La déesse Ilamaleculli
poilail aussi un masque à deux faces avec de grandes bouches, les
umx saillants, et surmonté d'une couronne de papier dentelé. Les
(lieux s'en étant allés dans les calpulli, un satrape descendait du tem-
ple habillé
en jeune élégant, avec une manta tissue en filet, qu'on
; appelait (puchiniH. Il portait
sur sa lêle des panaches blancs et à ses
pieds, au lieu de grelots, des
cornes de pieds de cerf; il avait à la
l niîiïii une feuille de
maguey surmontéed'un petit drapeau en papier.
Arrive en bas, il allait directement
Y au mortier appelé quaulixicalco où
N' trouvait une petite
case en tonne de cage laite en barreaux de pin,
' 'J'i- le haut élait recouvert
en papier; cela s'appelait le grenier de la
' icsse HumaleciUli. Ce satrape déposait la feuille de
maguey près de
i
'" 't-fc a laquelle il mettait le feu. Ce que voyant, d'autres satrapes qui
-- louuicnl là prenaient leur course précipitée vers le sommet du
Pc. On appelait celle cérémonie xochijiayna* elle avait
; pour but
l!,|r appelée leoxodiilP qui se trouvait en haut. Le premier qui
Ci-s.mt'V""5' lMtcs I'01' 1" 111 l'un vacilla (Bustamanle) et l'autre rclula. (Kingsborougli)i
.;"'" deux erreurs.-
:;' u'.",'"t'"-' flci"'s> et.
"'"" paijna. courir.
'lien, cl .-.jochill. (leur.
160 HISTOIRE DES CHOSES
y arrivait s'en emparait et la lançait sur le quauhxicalco où \lx
brûlait en ce moment. Tout le monde s'en allait immédiate»'"
après.
Le lendemain, on se livrait au divertissement appelé «ee/,;,./-
quauilo 1. Ace propos, tous les hommes et enfants qui voulaient,
mêler à ce jeu se fabriquaient de petites sacoches ou filets qu'ils rt> ,'
plissaient de fleurs de souchets ou de morceaux de vieux papier n
les attachaient à un cordon ou ruban d'une demi-brasse de lon<>'ucllr
de manière à pouvoir s'en servir facilement pour frapper. D'aulrl
personnes donnaient à ces sacoches la forme d'un gant et les rem.
plissaient comme ci-dessus, ou avec des feuilles verles de maïs. IlY
avait une pénalité attachée à toute manoeuvre ayant pour but (rv
introduire des pierres ou des objets qui fussent susceptibles de bles-
ser. Les enfants commençaient ce jeu en escarmouchanl entre eux.Il;
se donnaient des coups de sacoche sur la tête ou sur n'inmoric
quelle partie du corps qu'ils réussissaient à atteindre. Leur nombre
augmentait peu à peu. Les plus hardis frappaient sur les jeune;
filles qui passaient dans la rue. Les cris cru'elles poussaient faisaient
que trois ou quatre agresseurs se réunissaient contre une seule el
qu'ils la fatiguaient jusqu'à lui arracher des larmes. Quelques jeune;
filles qui étaient plus avisées prenaient soin de se munir d'un bâton
ou de tout autre objet pour se défendre, afin de pouvoir suivre leur
chemin. 11 y avait des jeunes hommes plus espiègles qui cachaient
la sacoche, appeléechichiqualli,et, lorsque venait à passer une femme
sans méfiance, ils la frappaient en s'écrianl aussitôt: ChichiijmM:-k
lonanlza'1, ce qui veut dire : « Mère, cette sacoche est du bon jeu ». cl
ils prenaient aussitôt la fuite. Pendant tout le temps que durait ce
divertissement, les femmes se tenaient bien sur leurs gardes toutes
les fois qu'elles avaient à se rendre quelque part.
Tel est le récit de la fête de lilill.
CHAPITRE XXXVII
apocope lonanlze.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 161
,1. •[
mollaxquian Iota 1, ce qui veut dire : noire-père le feu, fais
l\sil'1'' '
ur n0l.re manger. On fabriquait la statue du dieu du feu
"'' i^ i.elits cerceaux et des bâtons attachés ensemble. On donne à
îlUt| caloliotli^, ce qui signifie carcasse ou patron de statue.
nom de
It' mc(tait un masque travaillé en mosaïque avec des turquoises
.
-i.'i
10 une
couronne appelée quetzalcomilV', faite de plumes riches,
'ni' clait très bien ajustée à la tôle à sa partie inférieure, mais elle
..••,1.,,.,,-jssail vers le haut. Les plumes supérieures se tenaient très
i-oiles comme il arrive pour
les oeillets protégés par des tuteurs et
l,i,l les fleurs sont
ainsi redressées au-dessus des bois qui les sou-
tiennent. Celle couronne avait également deux ornements en plumes,
ruii à droite et l'autre à
gauche, s'élevant sur les tempes, en forme
ï ,|i' petites cornes tournées en avant et terminées par un bouquet de
plume» de quelzalli, qui paraissait sortir de petits vases en forme
il'énicHes minuscules. Ces plumes ou cornes s'appelaient quammacilli''.
Celle couronne portait, au bas de sa partie postérieure, une chevelure
blonde qui tombait sur le dos. Les cheveux étaient taillés en bas de
'•' manière à avoir partout la même longueur. On aurait dit, du reste,
qu'ils sortaient de dessous la couronne et qu'ils étaient naturels.
On parait celle statue d'un ornement en plumes très riches qui, se
rattachant au cou et se développant sur la largeur de toute la poi-
.
liine, descendait jusqu'aux pieds, et, quoiqu'il les dépassât de plus
de deux empans en se repliant en avant, le tissu était fait de telle
façon que la plus légère brise l'agitait et le soulevait en donnant
aux plumes des couleurs variées du plus vif éclat. Cette image repo-
>iul assise sur un trône fait d'une peau de tigre qui conservait les
pieds, les pâlies et la tète à l'état naturel, bien que complètementdes-
Sl,|lii's. Celte statue, ainsi parée, se trouvait non loin d'un certain
''"droit placé devant clic, où l'on faisait, à minuit, du feu nouveau
'Miné à brûler en ce lieu. On se servait, pour cela, de deux
mor-
rwiux de bois; l'un d'eux étant placé sur le sol, on le frottait avec
ni'li'e comme si
on avait voulu le'percer en imprimant à celui-ci
""e rota lion violente entre les mains. Le feu s'allumait
sous l'impres-
""-"i de ce mouvement et de la chaleur qui
en résultait. On l'y prenait
,IM'e de l'amadou et
on le transportait au foyer.
ll0trc Pure l'ail griller les choses »; du verho i.cc-x, l'aire cuire, qui
".,'.'p"".K111!' oil
".!'"'.' '"li^-lil"
tu,
llii.uquill, chose cuite, frite, etc.
-• "'HMiorou-jh donne coculli, qui signilic oesophage, gosier, tourtei'elio.
''' j^ '/'«'!;«//;, plume verte, et comill, marmite,
vase en terre.
<• qnitimnaitl.
rameau, branche d'arbre, ci. cilli, lièvre, aïeule.
Il
162 HISTOIRE DES CHOSES
Le lendemain, au point du jour, les enfants et les jeunes a.doi
cents apportaient le gibier qu'ils avaient pris la veille. Ils Se ,'
çaient en rang et ils passaient devant des A'ieillards qui se terni
au seuil du calpulli où se trouvait la statue. Ils offraient les oisci
de toute espèce qu'ils avaient pris, ainsi que des poissons, des
co
leuvres et autres reptiles aquatiques. Les vieillards, recevant 1
offrandes, les jetaient au feu qui avait grandi et brûlait devant kui
tue. Les femmes et tous les autres habitants s'occupaient à faire
un
sorte de tamales appelés chalchiuhlamalli 1, qu'ils venaient aus*"
offrir, au point du jour, aux pieds de la statue, ce qui faisait qu'il «v
en trouvait une grande quantité. Lorsque les adolescents venaient
offrir leur gibier, ils entraient en rang, faisaient un tour complet
du foyer et, quand ils s'en approchaient, d'autres vieillards, qui
se trouvaient là donnaient à chacun'd'eux un tamal. Ils sortaient
ensuite dans le même ordre. Ces tamales portaient aussi le nom de
chalchiulitamalli. On préparait ce manger dans toutes les maisons:on
s'invitait mutuellement et on se portait le défi à qui confectionnerait
le plus vite ces tamales. Celui qui avait l'avance allait aussitôt invi-
ter les voisins à prendre leur part, afin de se montrer à la fois supé-
rieur en adresse et en prévenance. Le mets que l'on mangeait avec
ces tamales consistait en une sorte de crevettes appelées acocillin1,
arrangées dans une sauce qui portait le nom de chalmulmulli.Tout le
monde mangeait chez soi ce plat très chaud, sortant du feu. Les enve-
loppes de feuilles de maïs, qui entouraient les tamales, n'étaient pas
jetées au feu quand on les enlevait; on les réunissait toutes ensemble
pour aller les jeter à l'eau. Lorsqu'on avait fait ce repas, les vieil-
lards du quartier allaient boire du pulque dans le calpulco où était la
statue; cette boisson s'appelait texcalceuia*. Us chantaient et buvaient
jusqu'à la nuit devant l'image de Xmhlecutli. Tel est le récit de la fêle
qu'on nommait uauhquillamalqualiztli".
Ce que nous venons de dire se faisait le dixième jour du mois. An
vingtième jour, on dressait de nouveau la statue du dieu du feu, avec
des arceaux et de petits morceaux de bois attachés ensemble, ain*'
qu'il est dit plus haut. Lorsqu'elle était finie, on lui mettait un mus-
qué fait de mosaïques avec de petits morceaux de coquilles appelées
tapachlli. Le menton, jusqu'à la bouche, était fait de pierres noires ou
1. De dialchiuitl, pierre précieuse, et lamalli.
1. Pluriel de acocili.
3. Ou, comme un pou plus loin, Icxcalccuilo : impersonnel signifiant : on refroidi' '
four; de lexcalli, four, et. ccuia, calmer, refroidir. Allusion à la nécessité de se n'fwu "
après avoir mangé bien chaud.
'i. Manducation des tamalli de blettes » ; de uaulujtàllamalli, el qiialiM: siil)*"
'
verbal tiré do qua. manger.
DJÎ LA NOUVELLE-ESPAGNE. 163
l
leolell1. Une raie de pierres de même couleur traversait le nez,
110111
]e je reste
du visage, des deux côtés, se composait de tezca-
r'- On lui plaçait sur la tête une couronne de plumes riches
'"' tout autour, et du centre desquelles sortaient plusieurs
ôes
7-alli magnifiques s'élevant très haut. Par derrière cette couronne
'
liaient, sur le dos, de magnifiques plumes vertes. Le rond supé-
de celte couronne était orné de plumes noires miroitantes, choi-
ur
es parmi celles qui brillent le plus au cou des poulets et des coqs,
llcrnanf avec les barbes d'autres plumes qui leur formaientcomme des
•
liserés de laffelas. On lui mettait une étoffe faite avec des plumes de
neiToqucts s'adaptantaucou; elle allaiten largeurd'une épaule à l'autre
ivcc une longueur
qui arrivait jusqu'aux pieds et traînait même un
' peu sur le
sol. Sa largeur était uniforme depuis le. haut jusqu'en bas.
" '. Cette statue, nommée
Milintoc, étant ainsi parée et assise sur son
Irùne, on lui offrait de la farine de maïs mêlée avec de l'eau chaude et
••'Ininslbrmée ainsi en une masse qui servait à faire de très petits
pains. Ils renfermaient des haricots non moulus, et c'était en cet état
qu'on en luisait l'offrande à l'idole. Chaque personne en portait cinq,
que l'on plaçait aux pieds de la statue. Les enfants elles jeunes aclo-
:
lescents, rangés en ordre, venaient aussi avec le produit de leur
chasse. Ils le donnaient aux vieillards qui le jetaient au feu devant lit
slaluc. Ce gibier consistait en oiseaux, couleuvres et autres reptiles.
Les peliles pièces se consumaiententièrement. Quant aux grandes, dès
qu'elles élainl rôties, on les retirait et plaçait à côté du foyer. Lors-
qu'elles s'étaient refroidies, elles étaient consommées par les vicil-
l'ii'ils que, l'on appelait calpuleque 3. Les enfants,
au moment de leur
olli'ande, faisaient le tour du foyer et recevaient
en passant des petits
lm|ns appuies macuexUaxcalU1', qui avaient déjà été offerts à l'idole.
"nanti on avait fini d'en
manger en même temps que d'autres co-
inesliblos, les vieillards buvaient du pulque, qu'on appelait
en
'-"'fie occasion lexcalceuilo,
clans l'oratoire même où se trouvait la sla-
'ie c Miïinluc. Ceux qui faisaient métier de préparer le pulque, les
"' "(/ne ou lecull.achiquei} étaient chargés de le fournir, pour que ces
pillards en bussent à discrétion. Ils l'apportaient dans des
pots ou
'" '•7'c"ms cL venaient le verser dans une cuvette qui se trouvait
,i
<inl la slaluc. Les buveurs
n'en prenaient pas jusqu'à s'enivrer.
Ce mois étant fini, suivaient les cinq jours en excédant sur les
lr •.
cent soixante déjà décrits, qui tous, par séries de vingt, sont déd".'
à quelque dieu. Mais les cinq jours actuels ne sont consacrés à
cune divinité. Aussi les appelle-t-on nemontemi, c'est-à-dire en exe'.
dant et on les tenait pour des journées de malheur. On était, <jfllle
l'habitude de ne rien faire pendant leur durée. Ceux qui naissaient
ces jours-là passaient pour des infortunés et on ne leur appliquait
aucun signe.
Pendant trois années consécutives, on faisait ce qu'on vient de dire
en ce mois et dans la fêle qui le termine. Mais la quatrième année nui
était la suivante, il était fait bien d'autres choses, ainsi qu'on va voir
On y tuait, en- effet, un grand nombre d'esclaves qu'on considérai!
comme étant les images du dieu du feu ; leurs femmes même devaient
mourir avec eux. Au dernier jour du dernier mois de cette quatrième
année, à l'aurore, on amenait ceux qui étaient destinés à la mort
au temple où ils devaient être sacrifiés. Les femmes vouées à
mourir emportaient sur leur dos toutes leurs misérables bardes el
leurs pauvres bijoux; les hommes faisaient de même. Ils n'étaient
point parés des papiers qu'ils devaient avoir à l'heure de la mort
Un individu les portait en avant sur un globe muni d'un trépied d'un
demi-estado 1 de hauteur. Us étaient pendants de ce globe el précé-
daient ainsi l'esclave qui devait s'en vêtir. Arrivés au temple, où ils
devaient mourir, les esclaves, hommes et femmes, s'en paraient à la
manière du dieu Ixcoçauliqui, se mettaient en rang et montaient à la
partie supérieure de l'édifice. Quand ils y étaient parvenus, ils lui-
saient le tour de la pierre du sacrifice. Us étaient ensuite ramenés en
bas et conduits au calpulco. Là, les papiers leur étaient enlevés clou
les enfermait dans un logis où ils étaient gardés avec le plus grand
soin. On attachait les hommes avec une corde passée à la ceinture,
dont les gardiens continuaient à tenir un bout lorsque les esclave^
allaient uriner, afin d'empêcher qu'ils prissent la fuite. A minuit, on
leur coupait les cheveux du haut de la tête devant le feu, et on lw
mettait à la place, aux hommes comme aux femmes, un cinplàl>'clL
résine surmonté de plumes blanches de poule.
t
Personne ne dormait cette nuit là. Après avoir brûlé dans lc««^
pulco leurs misérablesbardes et leurs pauvres bijoux, on les en ferma'
nouveau. Quelques-uns ne détruisaient pas ainsi leurs vôlciricn->
mais les donnaient à leurs parents. Au point du jour, on parai
ll0,rs0,mel signifiant : tous les grands dansent entre eux; de lecutli, seigneur,
'•t il.r danser.
'"a,
166 HISTOIRE DES CHOSES
et les mères des enfants leur cherchaient des parrains et iloo
raines, qu'ils appellent oncles et tantes en leur langue, leila im„ "
•
afin qu'ils fussent présents à l'opération du percement des oieill.
Us faisaienten même temps l'offrande de la farine d'une graine noivim-,
chian; ils donnaient au parrain une mante brune ou vermeille cl
péplum à la marraine. Quand les enfants étaient opérés, les pavraîi
et -marraines les conduisaient autour d'une flamme qu'on avait m;
parée pour cet objet, acte qui est appelé hislrare en langue latine et au,,
la Sainte Écriture réprouve. On entendait une grande criaillerie d'en.
fants à propos de cette opération des oreilles. Quand elle était finie
on retournait chez soi. Les parrains et les marraines allaient (liner
chez leurs filleuls; on chantait et l'on buvait et, vers le milieu du
jour, on revenait au temple en emportant des pots pleins de pulque.
Un bal s'engageait, pendant lequel les parrains et marraines por-
taient leurs filleuls sur leur dos et leur donnaient du pulque à boire
dans de très petites tasses. C'est pour cela qu'on appelait cette fèle
« la saoûlerie des jeunes enfants. » Ce bal durait jusqu'à une heure
avancée de l'après-midi. On rentrait ensuite chez soi, pour faire dans
la cour des maisons le môme areylo, à propos duquel les proprié-
taires et les voisins buvaient du pulque. On se livrait encore à tm
autre exercice qui consistait à prendre les enfants par les tempes cl à
les lever bien haut, dans la pensée que, de la sorte, on les faisait croî-
tre ; aussi appelait-on celte fêle izcalli, ce qui veut dire : croissance.
Yoilà le récit de la fêle; mais il en peut être fait un autre plus dé-
taillé qu'on va voir plus loin.
CHAPITRE XXXVIII
ec soin et
de bien d'autres pour qu'ils ne cessassent pas d'engraisser
liisqti'au dernier jour de leur vie. Aussi leur donnait-on des mets de
elioix en abondance et chaque propriétaire d'esclave avait l'habitude
de lui procurer, pour en être accompagné, réjoui et distrait, une fille
de joie qui avait mission de ne pas le laisser tomber dans des pensées
de tristesse, afin qu'il pût engraisser. Lorsque cet esclave allait
mourir, il faisait cadeau de ses vêlements à cette fille qui lui avait
' Icmi compagnie les jours antérieurs à sa mort.
On appelait donc celte fête izcalli, parce que l'on soumettait les en-
fouis à la cérémonie dont nous avons parlé
pour augmenter leur
croissance. Ce n'est pas seulement cela qu'on faisait, mais encore, en
ic jour même ou à peu près,. on émondait les feuilles de maguey et
les piaules des tunas, afin d'assurer leur croissance. Pour
ce qui est
de percer les oreilles des enfants, il
en a déjà été question plus haut.
1)11 sait aussi qu'on appelait
cette fêle pillauano, ce qui veut dire : fête-
d»1 la saoûlerie des
enfants. Tout le monde alors, hommes, femmes,
fniants, vieillards et jeunes
gens, s'enivraient publiquement. Tous
portaient leur provision de pulque el s'en offraient mutuellement
en
11 ""«lance. Celle boisson coulait comme de l'eau; tout le monde était
1,11110 un
vase carré soutenu par trois pieds qu'on appelait Izicuille-
""""" *-. cli'-i leur servait à boire et à offrir aux autres. Tous étaient gais,
Client la figure allumée
sous l'influence du pulque, qui se con-
50mm«il abondamment. Quand ils étaient ivres, ils
se querellaient les
":
' n"' ';ien,7/)c,
baigner. Pour être exact, Sahngun aurait di'i donner le pluriel Icaïlianime.
léger, el lecomall, vase.
168 HISTOIRE DES CHOSES DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.
uns les autres, s'agriffaienlet tombaient pêle-mêle ; quelques-uns
retournaient chez eux en s'embrassant,et tout cela passait pour a;,, ''
d'éloges, parce que la fêle demandait qu'il en fût ainsi.
Les cinq jours appelés nemonlemi venaient après; on ](>s |c
.
pour malheureux; on n'osait rien entreprendre pendant leur (jUl.;,
ni balayer les maisons, ni siéger en justice. Ceux qui naissaient ri-
jours-là, s'ils étaient garçons, recevaient le surnom de ncmm. nn
llacall ou nenquizqui1, ce qui veut dire: vaurien, il ne vaudra jjlniuii
rien, il ne sera bon à rien. Si c'était une fille, on l'appelait nanniuui
c'est-à-dire: femme propre à rien. On prenait garde, pendant ^i
journées fatales, de dormir dans le jour, de se disputer, de Irébuchei
ou de tomber, parce qu'on disait que, s'il arrivait quelqu'une de «*
choses, cela continuerait de même par la suite. Si quelqu'un lomlmïi
malade ces jours-là, on était dans la croyance qu'il ne guérirait point-
personne n'avait l'espoir de le voir vivre ou en échapper. Aussi n,
prenait-on aucun soin de soulager les malades; on ne leur appliquait
aucun remède, et si, malgré tout, quelqu'unguérissait, on prétendait
que Dieu l'avait pris en pitié et que lui seul s'était occupé de le soi-
gner et de le guérir.
1. Ncmon ou mieux ncmoquicMU,ncnllacall, homme ou personne inutile, et «ciu/iiùi/ui.
celui qui n'aboutit à rien ou travaille inutilement.
DU LIVRE SECOND
Les Mexicains faisaient tous les huit ans une fête qu'ils appelaient
alamalqualizlli, ce qui veut dire jeûne au pain et à l'eau. Pendant les
derniers huit jours qui précédaient cette fêle, ils ne mangeaient pas
autre chose que des tamales cuits sans sel, et ils ne buvaient quede
l'eau claire. Celte fêle, dans certaines années, tombait au mois de
qnecholli, ely d'autres fois, dans celui de lepcilhuîll. Les Initiales
qu'on mangeait ces jours-là portaient le nom d'alamalli 2, parce qu'on
les faisait avec de l'eau pure sans mélange de sel ni d'aucun autre
ingrédient. Le maïs n'était point cuit dans de l'eau de chaux, mais
bien dans l'eau" seulement. Tous dînaient à midi et, si quelqu'un n'oh-
servait pas le jeûne, il était châtié pour cette omission. Ce jeûne ins-
pirait, en effet, un grand respect et même une certaine frayeur, a
cause de la croyance ou l'on était que Dieu punissait de lèpre ceux q'"
ne l'observaient, pas, bien qu'ils mangeassent en secret et que per-
sonne n'eût pu le voir. On appelait celte fêle ixnexliua 3, ce quivci'l
dire : chercher fortune. On croyait que toutes les divinités cîansaienl
dans celle solennité. Aussi, ceux qui se livraient; à la danse itvaien-
i
parer de différents costumes. Les uns se traves-
inile de se
* i en oiseaux, les autres en quadrupèdes ; ceux-ci en Izinilzcan1,
••>
'
llb '
l- en
papillons; quelques-uns en grosses abeilles, quelques
f". ' mouches ou en escarbots. On en voyait qui chargeaient
en
""
dos un homme endormi disant que c'était le sommeil. Il y
i n-
% des hommes appelés maxaleca avalaient vivantes. Ils allaient les pren-
%i.
die dans l'eau avec la bouche et nullement avec le secours des mains,
ï; cl lorsqu'ils s'en étaient saisis, ils s'en allaient danser en faisant leurs
I l'ITorls pour les avaler. Celui qui y réussissait le premier se mellail à
J- crier en disant: Papa, papa! La danse se continuait tout autour du
I lemple de ce dieu; et lorsqu'en dansant les danseurs étaient amenés
i;/ à passer ilcvanl les paniers appelés lonaca cuezcomall3, on leur donnait
£ des Initiales qui y étaient renfermés. Les vieilles femmes qui assis-
p. laicnl à ce. spectacle pleuraient en pensant qu'elles mourraient avant
|; célébrât de nouveau celle fêle.
qu'on
;; On disait que le jeûne pratiqué en cette occasion avait pour but de
laisser reposer les subsistances, car
?, on ne mangeait rien que du pain.
f; On qu'en temps ordinaire on causait de la fatigue au pain,
disait aussi
|; qui élail le principal comestible, en le mêlant avec du sel, de la chaux
I cl du sel de nilrc, différentes manières de déguisements dont il se
fc «niait humilié et qui le taisaient vieillir. L'objet de
ce jeûne était de
:,: f ramener à la jeunesse. Le lendemain du jeûne s'appelait molpololo,
<-.
"' <|"i veut dire qu'on mangeait d'autres choses avec le pain, parce
ï: 'l'ien avait fini la pénitence des comestibles.
Quaulwalli signifie la maison des pieux ou barreaux [(jiiauill); aussi pour 1<-' 1"'
nom peut-être faudrait-il lire : Quauhcalco, dans la maison des pieux.
f DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 175
• ons. On y
tenait en captivité tous les dieux que l'on avait pris
^ oucrre contre d'autres villes ou villages.
- ta
s'appelait Quauhxicako1. C'était un temple
-|" i '..' diiinzième édifice
l
L
rond, d'une largeur d'environ trois brasses, d'une hauteur
' V
o brasse et demie et sans aucune toiture. C'est là que le satrape
îv îHhcaua>n encensait chaque jour vers les quatre points cardinaux,
^ i; aussi venait de temps en temps le jeune homme qu'on soignait
un an pour le sacrifier le jour de la fête du dieu Titlacauan.
'1|1(j;in[.
f.-.
H v
jouait de la flûte, soit de jour, soif de nuit, quand il lui plaisait de
i: «'Y'rendre et, après avoir joué, il encensait vers les quatre parties
£ du monde et s'en allait ensuite à son logis.
i Le seizième édifice s'appelait Quauhxicalco, le second ; il ressemblait
!- ;ili précédent. On
plantait devant lui un arbre connu sous le nom de
I woli, orné d'un grand nombre de papiers. Au haut de ce temple ou
h momoitli, venait danser un bouffon déguisé en leclialoll, animal sem-
of: bkiblc à l'écureuil.
3 Ledix-septième édifices'appelait Teccalco. C'est dans ce temple
f qu'on jclail vivants, surun brasier, un grand nombre de captifs,
{; pour la fêle de leoUeco. C'était là aussi que les satrapes faisaient, le
;,;: même jour, la cérémonie connue, sous le nom d'amcUlauilzoa, ainsi
fe qu'on l'a déjà dit à propos de cette fête.
:
Le dix-huitièmeédifice s'appelait Tzompanlli. Cela consistait en trois
: ; ou qualrc madriers plantés dans le sol et traversés par des barres,
V comme bois de lance, auxquels étaient fixées les tôles de ceux qu'on
Ù i uni l.
' «lifice-
" C ^'"Se (aî'ca^1) de bois ((/uatiill), avec co, suffixe de noms do lieu. D'anlvus
I- cl ,!°rliuc"t CG lnfime nom. Voyez les n" 1G, 25 et 36.
i.
'
f: 'liin-,;
".'"-'Jenre pi,nio. l '
f'-èies de UilzilopochUiqui, selon la fable, les
' ' ' aurait combattus et tués
l'iur' "il
m"'°'l'j ct ealli, maison, avec co, suffixe de noms de lieu.
'•
: "'.
^'>"''ac"lh c'est-à-dire successeur do co dieu.
C
présenter.
V- DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 179
1'
•. il tués à minuit, à propos de la fête d'allcaualo. On n admet-
5 'b ' . sacrifice que les esclaves de rois ou de grands seigneurs.
.P
%-t:" ' auaranle-huitiôme édifice s'appelait Coaapani. Là était une
^ '
où se baignait le satrape qui officiait dans le temple Coatlan.
S h°" • e autre n'avait le droit de se baigner en ce lieu.
f; ' nnuarante-neuvièmeédifice s'appelaitPochtlan2. C'était un monas-
% '
(jans lequel
vivaient les ministres et satrapes appartenant de
%.. et de nuit au service du temple où se trouvait la statue d'Yaca-
1 (««/«,,,
dieu des marchands.
£?
Ic
cinquantième édifice, appelé Yopico, était un temple où l'on tuait
If
chaque aimée un
grand nombre d'esclaves et de captifs, pendant le
1 jour, à l'occasion de la fête de tlacaxvpeualizUi.
S-
Le
cinquante-et-uniôme édifice s'appelait Allauhco 1. C'était un
M m0naslère où résidaient les satrapes et ministres consacrés, jour et
W nuit au service d'une déesse dans le temple de Uilzilinquatec*.
I Le cinquante-deuxième édifice était appelé Yacatecutli ileopan, c'é-
3 lait le temple du dieu des marchands. On y tuait chaque année son
t
image, le jour de la fôte de tititl.
% Le cinquante-troisièmeédifice, appelé Uitzilinquatec ileopan était un
g temple dans lequel on sacrifiait, chaque année, à la fôte de tititl, la
I femme réputée l'image de cette déesse.
?: Le cinquante-quatrième édifice était appelé Yopico calmecac*. Dans
|cet oratoire ou monastère, on sacrifiait un grand nombre de captifs,
ï chaque année, à la fête de tlacaxipeualiztli.
I Le cinquante-cinquième édifice s'appelait Yopico tzompantli, on y
ti rangeait les tôles de ceux qui étaient sacrifiés dans la fôte de tlacaxv-
1 jiïmlistli.
!' Le cinquante-sixième édifice, nommé Tzompantli, était destiné à re-
|«voir les têtes de ceux que l'on tuait à la fête d'Yacatecutli, dieu des
| marchands, au premier jour de la fête de xocotluetzi.
| 1-e cinquante-septièmeédifice, appelé Macuilmalinalli iteopan ", était
« "n temple où se trouvaient deux statues, l'une de Macuilmalinalli
I e autre de Topantlacaqui. On y faisait, tous les deux cent trois
Sul)si.0IVr Cnil" l0S ^°nS 6vo'"^s dc Qoa ou f0l<,«> défaire, ouvrir, secouer,
'' 5 »
i *• be,«,'(! ,,VCrbal d6rivé de
:i'
"
caua, cesser, s'abstenir.
'"•'"Ker. >
Pain fail avec de l'eau, et qualizlli, manduention,dérivé du verbe qua,
; '' " 1,;il'i'.-mi.s de iioaulan, ,
188 HISTOIRE DES CHOSES
pierres sur les deux partis, et quelques-uns tombaientsous leurs
co
On se livrait en même temps à une pratique religieuse consist
prendre les enfants par les tempes et à les soulever pour les l'aire^>
tre. Cela se faisait le jour de la fête appelée izcalli, en l'honneur !
dieu du feu.
1. Qui avait lieu pendant le douzième mois de l'année, en l'honneur de tous le»'
Voy. ci-dessus, page G9.
2. De acolli, épaule, et miilli, lion américain.
:(. Do iscallilia, élevei, lancer.
| DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 189
l
chargés de ce soin, sonnaient leurs conques marines, leurs
'" levaient aussitôt pour offrir du
Ê f'"' ^
È;C0"1C?! |
leurs trompettes, et tous se
l'encens aux idoles dans les temples et dans toutes les
§ ?an? cl
y:: .:ons
A0
particulières.
. ,-, „„
S arrivait minuit, les satrapes appelés quaquacuillin bat-
S - alabals
uc
qu'on se réveillât, et si quelqu'un restait en-
1 les pour
S- '"• heure-là, on le châtiait en jetant sur lui de l'eau ou des
.\ wile
?
--
(lOl'lM a oiA'i-'-'
, ,ps
chaudes, ils se faisaient des trous aux oreilles et à la lèvre
p ^
„ , s p0ur
les orner d'anneaux. Tout cela se pratiquait en l'hon-
du diable et
s'appelait nenacazxapollalizlli et netenxapollaliztli».
— •
;
,„onmil était chargé de tout ce qui est dit plus haut pour
y |jC
w'e ''
''".
• on de la
fête du dieu du vin, au mois de tepeilhuitl.
y la
''
(0Cit[U avaitle devoir d'apprêter également tout cela pour la
y- "
,-cU da vin,
qui s'appelait du même nom d'Orne tochlli, au
f:' ((C
icpeilhuitl.
m -s avait les mêmes devoirs à l'occasion de la
**' Ti c
lochtU Tomiyauh
fy'.k du dieu du vin, Tomiyauh », pour le même mois.
-' ' VAcoloa orne tochlli devait disposer les mêmes choses pour la fêle
15 \\{l(]knAcaloaometochtli.
-;: nv/dlapanqui ome tochlli* était chargé des mêmes soins pour la
i
fèlcdù
dieu du vin, qu'on appelait Quallapanqui.
'
?:-;
te TUUma ome tochlli* avait le devoir de disposer les mêmes cho-
i5
pour l'époque à laquelle se faisait la fête du dieu du vin, dit Tlil-
se-
W: hua
orne tochlli, au mois de tepeilhuitl:
VOme tochlli Panteeatl devait faire la provision du vin appelé ma-
?: cv.H.oclii ou leooctli*, qui se dépensait à la fôte de panquelzaliztli.
1,'Onte tochlli Nappalecutli 5 était chargé de disposer toutes choses
by pour la fête de tepeilhuitl.
l'Orne tochlli Papazlac devait disposer le vin appelé liçaoctli % qui
1 devait se consommer dans la maison du roi, à la fête de toçoztli,
; pendant laquelle hommes, femmes et enfants en buvaient.
J MOme tochlli était chargé du même office, à la fête d'atlcaualo.
La femme qui s'appelait Ciuaquacuilli était chargée de procurer tout
i:/ ce qu'on devait présenter en offrande à la fête de la déesse Toci,
(.oininc fleurs, roseaux à fumer et tout le reste que les femmes avaient
l'liabiludc d'offrir en cette occasion.
Li femme appelée Ciuaquacuilli iztacciuaW était chargée, dans le
temple A'Alanchicalcan, de
ceux qui balayaient et entretenaient le feu.
les personnes qui faisaient
voeu de quelque service dans le temple se
£ méfiaient sous sa direction.
,xc°çauhqui Tzonmolco leohua avait le devoir de faire apporter le
'0is à brûler qui se consumait dans le monastère appelé Tzonmolco
"' mecac. C'étaient les adolescents qui en étaient les porteurs et le
plaçaient dans
.. ce monastère.
mi,'/ '
' 'Jl!°fleur flc maïs âe miauatl, épi ou fleur du maïs; en composition : nomi-
^'Muncurdcma-is. * S
i-,,'-. '" nivcnlcur du procédé pour l'aire le vin. Le mot Quallapanquisignifie qui brise
-
•
'., y- (i" TC1-l>e quatlapana.
«
'• ' «a, maître du noir, ou qui est barbouillé de llilli, couleur noire.
• :
6 Vin
!.. l^l ..
Pms quatro fois soigneur.
,de %»", oraic, et oclli, »vin.
'-mme blanche qui prend la tôte des femmes. .
192 HISTOIRE DES CHOSES
Le Tlaçolquacuilli* avait la garde du temple Mecatlan. Il était
de la manière que nous avons dite pour les prêtres, c'est-à-dire d' "
jaquette (unxicolli), et portait une calebasse pleine de tabac («;„•!"'
Il veillait à ce que personne n'entrât dans le temple, autrement
m1(,,
la manière la plus révérencieuse et sans porter sur lui aucune saler
et même si quelqu'un se salissait, aux approches du temple, on p
refait et on lui infligeait un châtiment.
Le Tecpantzinco teohua* était chargé d'éviter qu'il se commît aucn
irrévérence dans le temple de Tecpantzinco, et il s'occupait des ot
frandes qui devaient s'y faire.
L'Epcoaquacuilli tecpiclolon3 avait le devoir de composer les canti-
ques destinés à former les nouveautés dans les temples et dans h
maisons particulières.
L'Ixllilco ieohua * avait à sa charge le temple d'Ixtlilion. Il devait
s'occuper des offrandes qui étaient faites à f'occasion des enfants qui
commençaient à parler et qu'on amenait au temple, pour ce motif
dans le but d'y pratiquer certaines cérémonies.
.
L'A licpac teohuatzinXochipilli 5 était chargé du temple appelé Aliqm,
Il devait recueillir le nécessaire pour le sacrifice d'une femme que
l'on écorchait en l'honneur de la déesse Alicpaccalquiciuall*. C'est lui
qui se revêtait de la peau de cette femme et, quand il était ainsi
vêtu, il s'en allait par les rues en tenant entre ses dents une caille vi-
vante.
L'Atlixeliuhqui Ieohua OpochlW était chargé de disposer toules
choses pour le sacrifice dans lequel on tuait la personne figurant
l'image d'Opochlli dans la fête de tepeilhuitl.
Le Xipe Yopico Ieohua 8 avait le devoir de disposer les choses néces-
saires pour le moment où l'on tuait l'image de Tequitzin' dans le
temple Yopico.
Le Pochllan ieohua Yacateculli 1" était chargé de se procurer les choses
nécessaires pour le jour où l'on sacrifiait l'image de Yacaloculh dans
le temple appelé Pochllan.
1. Qui prend les ordures de la tute ; de tlaçolli, ordures, quaill, sommet, tête, et »";
prendre.
2. Maître du dieu de Tecpantzinco,forme révérentiello de- teepan,palais, maison royale
3. Maître do cérémonie pour les petits seigneurs.
4. Maître du dieu de loellilco. Voy. la note 1 de la page 34.
5. Maître du dieu à'Aticpac, Xochipilli. Voy. la note 1 do la page 180..
6. Femme résidant à Alicpac.
7. Maître du dieu Opochlli, eau divisée.
8. Maître du dieu Xipe à Yopico.
9. Forme révérentiollcde tcquill, soin, charge.
10. Maître du dieu de Pochtlan, Yacaiccuili.
I rjji LA NOUVELLE-ESPAGNE. 193
waiall Pochllan1- était le coadjuteur des précédents pour
._
!'". 'l\'„ics occupations.
i '^ [ ' ., iQoiuualzin* avait le devoir de faire la provision de jaqucf-
"' r.-r0m servant d'ornement aux satrapes, ainsi que de petits
'°- ". "
i„ mei-'.„cotaras et toutes autres choses qui servaient aux
v '(OlMIlllacCfe
Y:
§[
'
'"J^rvail |
U
j[ recueillait ....
., aussi...la première sève sucrée
, des
, magueys,
à fabriquer le vin des satrapes.
ÏV-:(,,|
yf-anollan teohuatzin était chargé de procurer le papier, le copal,
"icensoirs et tout ce qui était nécessaire pour les victimes que
!>
K piiii
~
sacrifiait à propos de la fête de tepeilhuitl.
f: l e Chalclduhllicue acalonalquacuilli était chargé des offrandes
•cessaires à propos de ceux que l'on tuait à la fêle de ChalchiuhtUcue,
|comme copal,
ulli, etc.
1/]r.oliiaiiacall acolmizlli 3 devait procurer tout ce qui était néces-
y- sa ire puni' les jours que le roi venait jeûner à l'occasion de la fête de
ft ' Tluloc et de celles du soleil et de quecholli, qui exigent des jeûnes très
>; solennels. 11 se procurait des vêlements, des cotaras, etc., dont le roi
^-: devait l'aire usage en cette occasion.
|,c Tullan Ieohua'' avait le devoir de fournir le papier, le copal et
Vida pour servir au sacrifice de l'image de Tullecall, qui se faisait à la
s' lin du mois de quecholli ou au commencement de celui de tepeilhuitl.
;[ i;i':dï AU SUJET DES SONKEIUES ET MIKOMIJRE DE FOIS QU'ON LES FAISAIT ENTENDUE,
i} NUIT ET JOUli, DANS LE TEMPLE, COMME QUI SONN1J LES HEURES.
S .'," ^'"'l'iuiesdc/'oc/ato..
,",!t'lMh! diou A't;quiUau. „
'-i.
lu',,""' ''> »
fV L'l1!l«lo, et nauacall,
ou iiiizliL lion américain.
:; ,.^«»iïKn
i
i ,
do Tullan. »
-'i^i.. /,,,,,.! .'.'.^ : rayo"; enfant du temps LeiuUl, année. iiiltoiiUi. jeune eiifunl). rX
' ""««/'«0 » à flèches (miU) de feu (Ucaa).
l;i
194 HISTOIRE DES CHOSES
Voilà ce qu'on faisait tous les jours au lever du soleil. On iUj
pondant la "
n.
en outre de l'encens quatre fois par jour et cinq fois
d'abord à son lever, ensuite à la troisième heure, plus tard à mji-':
pour la quatrième fois, à l'heure de son coucher. Celle olTrund'
faisait aussi nuitamment : d'abord à l'entrée de la nuit, la seconder
quand on allait se coucher, la troisième quand on sonnait malinc/i'
quatrième peu de temps après minuit et la cinquième enfin un in$t- '!
avant l'aurore. La première offrande qui se faisait, à l'entrée de i
nuit, avec de l'encens, était accompagnée des paroles suivant^.
« Yoalleculli 1, le seigneur de la nuit, s'est déjà levé; nous ne savon
comment il fera son métier ou poursuivra son cours. »
La fêle d'Yoalleculli se célébrait, sous le signe de naui oUin'2 I<;iîeu\
cent troisième jour de la liste du lonalamall. On jeûnait pendant|t,
quatre jours qui précédaient cette fête. A midi on sonnait les <:oii<m«
marines, les trompettes, les fifres, etc., et à cet appel, on se baverai!
la langue avec des fétus de paille pour faire l'offrande de ce saii". On
saignait même aux oreilles les enfants au berceau, pour faire de.
offrandes; fout le monde, grands et petits, offrait du sang des oreilles
à cette heure-là. Ils se livraient à cette pratique, sans rien dire, de-
vant l'image du soleil qui était placée dans le temple de Qiuwhj-
calco, représentée, comme actuellement on peint le soleil, sous le.-
traits d'un homme avec des rayons sortant de son visage en l'omit
de roue. Tous les ans, le jour de la fête du soleil, on triait en sou
honneur un grand nombre d'esclaves dans les temples et l'on disail
que ceux qui mouraient à la guerre allaient se reposer dans la
maison du soleil.
,iir>nre dans le
temple, avaient le devoir de faire lasurvcil-
•
1:1
ni la nuit pour
i.
qu'il ne s'y fît aucune action mauvaise.
lain'c p o-rands, qui étaient élevés dans le calmecac, avaient
',t'SCn-ii bois chercher les bûches qui se dépensaient dans le
S0'n '
-au
enfants novices devaient apporter des épines de maguey
l'"1') i
I es
li-c suffisant pour
les besoins, ainsi que tous les rameaux de
cl". A^ncenirps. Les adultes appelés tlamacazque et qui vivaient
laurier ncccsscm
étaient charges de
n sonner les
I
les
temple, conques marines,
_
''"' 1
la manière de nos sonneurs d'églises. Les
elles et les fifres, à
"'., du calmecac, qui en étaient, peut-on dire, les
icl,nes adolescents
Nil s de choeur,
avaient le devoir de préparer l'encre avec laquelle
t.< urètres se
teignaient de noir tout le corps, chaque jour, au lever
le l'aurore. On
avait pour cela un bassin dans lequel celle encre se
lïdsail pendant la nuit.
C'était le matin, comme nous venons de le
1 dire (tue.les prêtres et satrapes en faisaient usage.
RÉCIT <JU1 REND COMPTE DES FEMMES QUI SERVAIENT DANS LE TEMPLE.
Il y avait aussi dans les temples des filles qui y étaient élevées
dès leur bas âge. La cause en était que leurs mères, par dévotion, les
vouaient au service du temple, dès les premiers moments de leur vie.
Quand elles avaient vingt ou quarante jours, les mères les prcscnlaicnf
à celui qui devait^ en être: chargé, espèce de curé qu'on appelai!
lequacuilli 1. Elles apportaient en même temps des balais, un encensoir
en terre et de l'encens appelé copalli blanc. Elles présentaient le loi'1
au lequacuilli. Après cela, le ministre recommandait avec instanceJ
lanière de bien élever sa fille et d'aller fous les vingt jours au calpw'-"
ou paroisse de son quartier, pour y faire cette même oflrnndc m
balais, de copal et de bois à brûler pour les foyers du temple. LOI'MF
la fille arrivait à l'âge de raison et qu'elle était informée du v»:" "
sa mère, elle se rendait elle-même au temple où se trouvaient •»-
'h.
l. De lluwtl. personne, et quachtli, grande mante on coton.
DO
TROISIÈME LIVRE DE CETTE HISTOIRE
CHAPITRE PREMIER
§ 1. — Do la naissance do Uik-ïlopochlli.
vii'" °" :iv,''vtml 'os dieux »; do Icnli, dieu, et nia, arrive.!-, envoyer, avec le suTlixe
''ii
"j-^1"'silm-e.au N. do Mexico.
:' r'(,..''"""!.Sftl'1)onl>ct lepcll, montagne, avec le suffixe «.
" ""'""ii'e grande fonmio pal-fa à la mode antique.
202 HISTOIRE DES CHOSES
balayait chaque jour sur la sierra de Coalepec, pour faire péniu
arriva un jour que, tandis qu'elle balayait, une petite boni
plumes, semblable à une pelote de fil, tomba sur elle. L'ayant n'--' 1'
elle la plaça sur son sein, près du ventre, au-dessous de ses iU|) *''
Après avoir fini de balayer, elle voulut la reprendre et ne la iro '
plus. Or, on prétend qu'elle en devint enceinte. Les susdits huli
Cenlzonuitznaua, voyant leur mère grosse, se fâchèrent furiensem
.
et demandèrent : « Qui donc l'a rendue enceinte? Qui nous a couvert-
de honte et d'infamie? » De son côté, la soeur Coyoloeauhqui leur disait-
«Frères, tuons notre mère, parce qu'elle nous a deshonorés en se ren-
dant enceinte à notre insu. »
En apprenant ces choses, Cocdlicue en eut un grand chagrin cl s'ef-
fraya; mais l'enfant qu'elle avait dans son sein lui parlait et la conso-
lait en disant : « N'aie point peur; je sais ce que j'ai a l'aire. » Avani
entendu ces paroles, Coallicue sentit son coeur se calmer et elle on
perdit son chagrin. D'autre part, comme les Indiens Cenlsonuilmiw
s'étaient confirmés dans le dessein de tuer leur mère, pour le déshon-
neur et l'infamie qu'elle leur avait infligés,, ils continuaient à vivre Iris
animés contre elle, de môme que leur soeur Coyolxauhqui, laquelle-
les harcelait sans cesse, pour qu'ils donnassent la mort à leur mère.
Lesdits Indiens donc s'étaient armés et ils se préparaient à combailrc,
en arrangeant leurs cheveux en torsades et en les attachant à I»
manière des vaillants guerriers. Mais l'un deux, appelé Quauilliem,
qui jouait le rôle de traître, allait rapporter aussitôt tout ce que
disaient les Indiens Cenlzonuitznaua, à UilzilopoclUli qui était encore
dans le ventre de sa mère et qui répondait : « Oh! mon oncle, regarde
bien ce qu'ils font, écoute ce qu'ils disent, parce que je sais bien «
que je dois faire. » Toujours est-il, qu'après avoir pris la résolution
de tuer Coallicue, les Indiens Cenlzonuitznaua parfirent pour aller a
.
l'endroit où se trouvait leur mère. A leur tôte marchait leur sain
Coyolxauhqui. Ils étaient armés de toutes armes et ornés de papiers
de grelots et de dards, comme il convenait.
Quauillicac monta à la sierra pour dire à UilzilopochlU que 1°-
Indiens Cenlzonuitznaua venaient dans le dessein de le tuer. l'"-""r
pochlli lui dit : « Regarde bien où ils sont en ce moment. » O""1"'
cac répondit qu'ils arrivaient à l'endroit appelé Tzompanlillan1-
V>,J'
I " "' ~ Vonmc quai les Mexicains honoraient Uilz-Uopochtli comme dieu.
n i-it
aussi que, à propos de la solennilô de la fôte appelée pan--
' ''iilnth, qui se célébrait
; en son honneur, les Mexicains prenaient
de Uilzilopochlli.
t i'-i. — D'un nuire tribut exagéré que payaient ceux qui mangeaient le corps
V de Uilzilopochlli.
•
'l'" s'appelaient ccdpules les accompagnaient dans ce service et celte
|. pi'iulence dont il résultait des préjudices et
une fatigue qu'il était
j', ""possible (|0 support, Chaque nuit,
en effet, et pendant toule
'""^""j ils étaient obligés de faire la dépense d'une consommation
"."erec de bois, de torches, de piments, de tomates, de sel, de grai-
'". "I amandes de cacao et d'autres comestibles. Lorsqu'il leur
;;. man-
<
ai de quoi faire l'achat des choses nécessaires, ils mettaient leurs
CHAPITRE II
ur
j pas
I CHAPITRE III
k 'M'-iwlcoaU fut
estimé et tenu pour dieu; on l'adorait à Tullade-
Jm's les temps les plus reculés. Son temple
;:.. très élevé avait un esca-
« dont les marches étaient si étroites qu'un pied
!;
ne pouvait y tenir.
j '" M,,luc el-ait toujours couchée et couverte de mantas. Son visage était
aul, barbu, et la tête allongée. Ses serviteurs
ou sujets étaient
I. ne Uani/ua, serrer les dents, et ccmilhuilia, aller durant toute une journée, n 1» "
livre X, clian. XXIX, le nom qui désigne ces serviteurs de Quelzalcoall est écrit : ll<""l
ceinilkuiguc.
'I. De Izalzi, crier, et tepcll, montagne.
3. De xochill, Heurs, et cacquall, cacao.
4. « Lieu où l'on sème (poa) des calebasses (xicalli). >
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 209
ï,
,.
Pnl I fc|[e coutume, ainsi que la pratiquaitQuelzalcoatl dans
i:. c;iincS ' ' '
? Tnllan.
ja ville de
| A CHAPITRE 17
* îelenips dcfmirvintpourlafortunedeQwetateoa^etdesToltèques;
&
• on
vit se présenter contre eux trois nécromanciens appelés Uilzïlo- -
^'"-(élli Tillacauan et Tlacauepan,qui firenlun grand nombre de super-
chéries dans la ville de Tuttcm. Ce fut Tillacauan qui commença sous le
ï*
déguisement d'un vieillard en cheveux blancs. Il se rendit sous cette
I'"': forme au palais de QuetzcdcocUl, où il dit à ses pages : « Je veux voir
& et lui parler. » — « Sors de là! lui fut-il répondu; va-t-en,
le roi
I vieillard; tu ne peux pas le voir; il est malade; tu ne pourrais que
lh-i l'ennuyer et lui causer du dérangement. » Le vieillard dit alors :
Il faul répondirent : « Attendez. » Ils
que je le voie. » Les pages
|
S «
s'en furent donc dire à Quelzalcoall qu'un vieillard voulait lui par-
f. 1er, et ils ajoutèrent : « Seigneur, nous le mettions à la porte pour qu'il
s'en lût, mais il refuse de s'en aller en disant qu'il faut absolument
I qu'il vous voie. » QuetzcdcocUl répondit : « Qu'il entre et qu'il vienne;
? je l'attends depuis plusieurs jours. » On appela le vieux qui entra où
E se trouvait Quelzalcoall, auquel il dit : « Comment êtes-vous, mon
§' lils? j'apporte là une médecine pour que vous la buviez. » Quelzal-
; wo.il lui dit en réponse :
« Soyez le bienvenu, vieillard, il y a plusieurs
j; jours ejue je vous attends. » El celui-ci demanda à QuetzcdcocUl :
f « Comment êtes-vous et comment va votre santé?» QuetzcdcocUl ré-
£ pondit: « Je suis fort indisposé; tout le corps me fait mal; je ne puis
I remuer ni les pieds, ni les mains. » Le vieillard dit alors au roi :
"Seigneur, regardez ceci; la médecine
que je vous apporte est bonne
°1 salutaire; quiconque
£ en boit se sent ivre; si vous en voulez boire,
clic vous enivrera
en vous guérissant, en vous attendrissant le coeur
l cn Portant votre pensée sur les douloureuses fatigues de la mort,
| .
'm de voire départ3.
» Quelzalcoall répondit : « 0 vieillard, où faut-
11 'l'iejc
m'en aille?» Le vieillard répondit: « Yous devez forcé-
inenl aller à Tidlan-Tlapcdlan,
où un aulre vieillard vous attend;
"s P!U'lcrcz ensemble, et, à votre retour,
vous serez transformé on
vol,'e départ » parce que Kingsljorougli clans son ùlition a écrit: l'ucslra ùta,
cs "
ci (|lh,
„1";'S.'"s,,'V!|i>lcparaît indiquer que ce mol est le véritable du texte de railleur,
,
''"Mr-ii
'' "'llll"iu a la pensée de lîuslamaiilo qui écrit Vucalra vida.
a :
210 HISTOIRE DES CHOSES
adolescent; vous reviendrez même à une seconde enfance. A
»
rôles, une grande émotion s'empara du coeur de Quelzalcoall "'*
le vieillard dit encore : « Seigneur, buvez cette médecine. -1
» ([. llt
veux pas la boire, » fit Quelzalcoall. Mais le vieillard insista • « n
Seigneur, dit-ij, car, si vous n'en buviez point vous en auriez pjUs ':
envie; élevez-la, du moins, à la hauteur de votre front et buv '
une goutte. » Quelzalcoall y goûta et la but ensuite en s'écri-
« Qu'est-ce donc? On dirait une chose bien bonne et bien savourer
cela m'a guéri; je ne suis plus malade; ma santé est revenue
« Encore un coup, dit le vieillard, buvez-en une autre fois,
»
car C'M
très bon et vous vous porterezmieux ensuite. » Quelzalcoallmlmlion
une autre fois et se rendit ivre. Il se prit ù pleurer tristement cl son
coeur attendri se laissa aller à l'idée du départ, sans que la tromperie
du vieux nécromancien dont il était dupe lui permît d'abandonner
cette pensée. La médecine que but QuetzcdcocUl n'était autre que le vin
blanc du pays, fait avec les magueys appelés leomell 1.
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
"ON AUTRE TOUR QUE JOUA
LE MÊME NÉCROMANCIEN, AU MOYEN DUQUEL IL TUA
UN GRAND NOMBRE DE TULLANS EN DANSANT.
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
MÊME NÉCROMANCIEN, AU MOYEN DE LAQUELLE
-• AUTRE TROMPERIE DU
TOLTÈQUES.
IL TUA UN PLUS GRAND NOMBRE DE
CHAPITRE X
CHAPITRE XI
il
[ ?
s'assit
' en un endroit appelé Xochitla et se mit à torréfier
rinnl l'odeur se répandait dans tous les lieux habités du
%;,'''"'''
...
percevant cette odeur, les Toltèques se mettaient en
- 1, 1• '
fe'" Fn
,
arriyaient en un moment au lieu de Xochitla, où la
l:i ,'°'-,i' trouvait (car on assure que les Toltèques étaient agiles et
„
-mi* de fort loin, ils arrivaient sans retard partout où ils vou-
i- iine. meiue UL.
ï: • n Or tous ceux qui arrivaient et s assemblaient étaient massa-
; '„,.
i-. vieille sans
qu'aucun d'eux s'en retournât chez lui, et de
f .
'' rre^ I
celle manière
elle
J
en fit périr un très grand nombre.
CHAPITRE XII
Ç ruiTE DE Quelzalcoall POUR SE RENDRE A Tlapallan ET DES CHOSES
|,i; LA
£ QU'IL FIT EN CHEMIN.
CHAPITRE XIII
DES EMPREINTES DES MAINS ET DES FESSES, QU'IL LAISSA SUR LES
PiE,.r„
OU IL S'ASSIT..
I CHAPITRE XIV
i v,.,,.,
s.-,ns"V" ' C"Z'MM> uiJ0Ujpierre précieuse, et apan, dans l'eau: de là, serait
vuH7 i,
*(01"'' Coaapan, dont |a composition/semblerait indiquer une autre étyniologio.
{ J j""1"-. :\dc'i'page 218.
».
, m°U. ?" lioiL ûl0"du de cochi, dormir, et onoc, être couché avec can. suf-
fo' île » J
""ins do
'"• ». hou.
""'la "1;ichoi>e (caniaelialli) de quelqu'un (le) », avec le suffixe co.
220 HISTOIRE DES CHOSES
raie fut marquée, la sierra se fendit à une grande profondeur v
autre lieu, il lança, sur le tronc d'un arbre appelé jiocliotl1 Ul]c », "(i
qui était elle-même un arbre du même nom. Le premier fui (,,.,.''';
par le second et, de cette manière, une croix se forma. On «,.',,' "
aussi que Quelzalcoailfit édifier sous la terre des maisons apiu-r,
Micllancalco*. Et il fit placer une pierre très volumineuse, d'une l .11
façon que l'on pût la mouvoir avec, le petit doigt, tandis que, nalur-.]"
lement, si plusieurs hommes se réunissent pour la mettre enniouv.
ment, elle reste immobile, quelque soit le nombre de ceux qui la no,,.
sent. Il y a bien d'autres choses mémorables que QuelzalcoailIiiC!l
plusieurs lieux habités; et, au surplus, il donna des noms aux sierra;
aux bois et aux localités. Quand il arriva aux rivages de la mer, ilin
construire un radeau appelé coalla-pecluli*,avec des couleuvres, Il>\
assit comme dans une barque et il s'en fut par mer en naviguant o»
n'a jamais su comment et de quelle façon il arriva à Tlapalkm.
i. {ISambax ceiba), en espagnol poebote. Grand arbre dont le suc des racines Mail, al.:.
iJernandez, employé comme fébrifuge. 11 fournil un excellent bois de conslruclioii.
2. De micllan, intérieur de la terre, et catti, maison, avec co, suffixe do noms (lofe.
3. De coati,, serpent, et UapcchUi, plancher.
APPENDICE
DU LIYRE TROISIÈME
CHAPITRE PREMIER
\: ALLAIENT EN ENFER ET DE LEURS OUSÈQUES.
DE CEUX QUI
•
Ce vieillards indigènes, parmi les anciens maîtres de ce
que les
pays, apprirent de leurs ancêtres et nous répétèrent
ensuite au sujet
y (hïcciix qui mouraient : c'est que les âmes des
défunts allaient à trois
:•' points différents, donll'un était l'enfer, dans lequel vivait un méchant
(spril portant les noms de Micllantecutli ou Tzonlemoc * et une déesse
: :»\>\IK\(\CMklccaciuall^quièiaàl, la femme deMicllanùeciUK. Les âmes des
uYIimls qui allaient en enfer étaient celles des personnes qui mouraient
île maladie, seigneurs, grands
personnages ou petites gens. Le jour
oii quelqu'un mourait, homme, femme
ou enfant, on adressait ces
.paroles au défunt étendu sur son lit, avant de l'enterrer 5 : Notre fils,
«
" vous en avez fini avec les souffrances et les fatigues de celte vie. Il
"ll plu a Notre Seigneur de vous emporter, parce que nous n'avons
CHAPITRE III
DE CEUX QUI ALLAIENT AU CIEL.
I-autre endroit où
se rendaient les âmes des défunts, c'est le ciel
,J" vil le soleil. Ceux qui allaient dans ce'ciel-là, c'étaient
ceux qui
n.ouraicnt à la guerre et les captifs qui avaient péri
au pouvoir de
*eurs °""cmis, soit qu'ils fussent morts à coups d'épée, soit qu'ils eus-
* n ele brûlés vifs
ou tués avec des roseaux pointus, ou morts à
iips de bâtons de sapin,
ou victimes en combat singulier, ou marty-
h0S au m°yen de torches de pin attachées
sur le corps et auxquelles
citait le feu. Tous ces gens tenaient, disait-on, sur
- se une plaine,
l(' au CVur du soleil, ils se mettaient à crier en frappant sur leurs
lei-s- Celui dont la rondache avait été percée
par des flèches pou-
15
226 HISTOIRE DES CHOSES
vait regarder le soleil par les trous ; tandis que celui qui H>aY
-,
pas de rondache percée de la sorte ne pouvait aucunement reganu
cet aslre. On dit aussi que dans ce ciel il y a des arbres et des foi%
de différente nature. Les offrandes que les vivants de ce monde adve.--
saient aux morts arrivaient à leur destination. Ils les recevaient
ail
ciel. Après quatre ans de ce séjour, les âmes de ces défunts étaient
métamorphosées en diverses espèces d'oiseaux aux riches plunia«es
et aux brillantes couleurs, qui s'en allaient pompant le suc des fleurs
dans le ciel comme sur la terre, ainsi que le font les Izinzomne',
CHAPITRE IY
ce pour
cela que nous offrons noire enfant au Seigneur Dieu to"
ce
puissant Yaoll, autrement dit Tiilacauan ou Tezeallipoca. PcuK' '
ce grandira-l-il et vivra-t-il dans la grâce de Dieu en
entrant dan»
ce maison de la pénitence et des pleurs, qui s'appelle
ielpocw
«
ccrlainemenl les dons, les qualités et les conditions qui lui furent
«
dès lors assignés. Nous ne savons pas davantage quelles furent les
« grâces qu'il accorda à cet enfant quand il fut baptisé. Nous igno-
' rons encore le signe bon ou mauvais sous lequel il est né et a reçu
le baptême. Nous
« ne pouvons pas, nous aulr-es humbles serfs, devi-
K ner ces choses. Personne, parmi ceux qui naissent
en ce monde, ne
" rcÇ°'1 son sort sur cette terre. Nous l'apportons,
en réalité, avec nous-
" mêmes en naissant,
car il nous fut assigné avant le commencement
" (lu monde. Pour conclure,
nous dirons que nous recevons votre
" cu'anl pour qu'il fasse
son service en balayant et en Remployant à
11 »os busses occupations dans la maison de Notre Seigneur.
Nous
" (|tSll'°»s et nous prions que de Noire Seigneur Dieu lui viennent les
'oesses. Nous désirons aussi
que dans cette maison se voient
l '"^fcslcment, et au grand jour, les dons et les faveurs dont Notre
' S'ieur l'orna et l'embellit avant le commencement du monde.
' ous 'gnorons si, par aventure, Dieu le reprendra et lui enlèvera la
Pédant son enfance, et si nous n'aurons pas mérité qu'il
.
ë'emps en ce monde. Nous ne savons rien avec certi-
228 HISTOIRE DES CHOSES
ce tùde et nous pouvons seulement assurer, pour vous consoler
ce est impossible de dire : il sera ceci, il sera cela ; celle autre.
CHAPITRE V
DANS LE lelpoclicalli.
l
aujourd'hui
nos alguazils; il portait le gros bâton de jus-
':cf^uc'.1
-.[ail chargé d'arrêter les
délinquants pour les mener en
llCC ° V'est
ainsi que montaient en gracie les jeunes gens élevés
prison. étaient, du reste, très nombreux clans ces établis-
11 l*i SOI 10» **^
parce que chaque
paroisse avait dix ou quinze telpochcalli.
i
SCm dure. Ils ne dormaient pas ensemble,
a'u'ils menaient était fort
'' • séparément. Dans chaque maison des lelpochcalli, on pu-
• bien
ini--b-|
ceux qui n'allaient pas coucher dans l'établissement, bien
'"^is mangeassent dans leurs propres maisons. Ils allaient travailler
.-ensemble partout où ils avaient de l'occupation, soit pour faire
i'
'
I 3 briques ou
des édifices, soit pour labourer, creuser des fossés
faire des canaux. Pour tout cela, ils allaient ensemble ou se répar-
a
lissaient par groupes, ou se rendaient en commun au bois pour y
charcer sur leurs épaules les bûches nécessaires au cuicacalco et au
idpochca-Ui. Quand ils avaient une occupation pénible, ils la cessaient
un peu avant le
coucher du soleil. Ils allaient alors chez eux pour se
baigner et se teindre tout le corps, à l'exception de la figure. Ils se
paraient ensuite de leurs manias et de leurs colliers. Les hommes bra-
ves s'ornaient de colliers
d'or et d'autres faits avec des escargots de
mer appelés chipolli. Au lieu de se peigner, ils faisaient hérisser leurs
cheveux, pour se donner un aspect féroce. Us se traçaient sur le visage
des raies avec une teinture mêlée de marcassite. Us se mettaient aux
Irons des oreilles des turquoises appelées xiulmacochtli1. Us paraient
leurs lêles déplumes blanches en forme de panaches, cl ils se cou-
vraientde mantas de maguey nommées chalcaayall 2, lesquelles étaient
lissuesdelils tordus de maguey peu rapprochés, de manière à former
comme un filet, sur lequel on attachait, de distance en dislance, de
pelils escargots de mer. Les hauts personnages faisaient usage de
manias semblables, mais les escargots étaient en or. Les guerriers va-
leureux, qui s'appelaient quaquachiclin, s'attachaient
aux mains de
grosses pelotes de coton. Les garçons du calpulli avaient la coutume
d allumer les feux tous les jours,
au coucher du soleil, dans la mai-
son de cuicacalco et ils dansaient tous ensemble jusques après minuit,
ilJ«nl le corps presque
nu, car ils ne se couvraient que de la manta
'lakaayail. Après le bal, tous s'en allaient coucher, chacun dans
"ii'i quartier,
aux maisons des lelpoclicalli. Ils y rentraient ainsi clia-
'l"c nuit, et ceux qui vivaient
en concubinage s'en allaient dormir
i,vec leurs amies.
CHAPITRE VI
Les garçons qui étaient élevés dans les maisons des lelpodmii-
étaient chargés, ainsi qu'on l'a dit, de balayer et de nettoyer la m,.»'
son. Personne ne buvait du vin, excepté les vieillards, et, encore le
faisaient-ils secrètement et avec modération, sans jamais s'enivrer. Si
un de ces garçons se montrait publiquement ivre, si on le rencon-
trait pris de vin ou tombé dans la rue, ou chantant, ou s'accompa-
gnant d'autres gens ivres, dans le cas où c'était un macemlh (plé-
béien), on le rouait de coups de bâton jusqu'à la mort, ou bien on le
faisait périr par le garrot, publiquement, devant tous les autres, afin
que l'exemple inspirât de la terreur pour l'ivrognerie. Si le délin-
quant était noble, on le tuait secrètement par le garrot. Ces jeunes
gens des telpochcalli avaient chacun. deux ou trois concubines, dont
l'une résidait dans la maison et les autres dans leurs familles. Si
quelqu'un d'eux voulait quitter le telpochcalli et se séparer définitive-
ment de ses compagnons, il payait aux maîtres dix ou douze grandes
manias appelées quachlli, quand il avait du bien. Dès lors cpie les
maîtres y avaient consenti, il sortait de cette maison, se mariait et
prenait qualité de llapaliuhcali 1, ce qui veut dire qu'il n'est plus gar-
çon, mais homme marié. Celui qui était bien élevé et attaché à l'ac-
complissement de ses devoirs de pupille n'abandonnait pas volontai-
rement ces établissements, lors même qu'il était en âge de le faire; il
n'en sortait que par ordre du roi ou seigneur. On n'élisait point
parmi ces jeunes gens les sénateurs appelés à gouverner les villes.
On n'y prenait que les employés d'un rang inférieur, qu'on appelait
tlallacaleca, tlallacochcalca et achcacauhlin*, parce qu'étant en con-
cubinage, ils ne menaient pas une vie exemplaire; ils n'hésilaient
d'ailleurs pas à prononcer des paroles légères, à dire des bouffonne-
ries el à parler d'une manière hautaine et inconvenante.
page 228.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 231
CHAPITRE VII
,q
personnages et les anciens offraient leurs fils à
sejo-neurs, les
\iison appelée calmecac. Leur intention était qu'ils y fussent éle-
'.-nour qu'ils
devinssent ministres des idoles. Ils en donnaient pour
son que
dans le calmecac il y avait de bonnes moeurs, des prin-
ines des pratiques
et une vie rude et chaste , sans qu'on y vît des
clioses éhontées ou
répréhensibles, ni aucune offense aux coutumes
des minisires des
idoles qui habitaient dans cette sorte de maisons.
Le seigneur, le
haut personnage ou le riche, quand il voulait offrir
son fils,
préparait un banquet auquel il invitait les prêtres et les
ministres des idoles appelés tlamacazque et quaquacuillin, vieillis au
service de leur ministère dans le quartier. Là les anciens adres-
saient une allocution aux prêtres et. minisires des idoles, chargés
d'élever les jeunes gens, dans les termes suivants : « Seigneurs,minis-
« Ires
de nos dieux, vous avez pris la peine de venir ici dans notre
«
maison, conduits par Notre Seigneur tout-puissant. Nous vous
«
faisons savoir qu'il a plu au Seigneur de nous donner un enfant
« comme un joyau précieux ou
plume riche. Si nous sommes dignes
«
qu'il s'élève et vive, comme il est garçon, il ne convient pas que
« nous le dressions au métier de femme en le
maintenant au sein
«
de la famille. Aussi, nous vous le donnons pour votre fils et nous
« vous le recommandons dès. à présent. Nous l'offrons au Seigneur
« les seigneurs nobles, .parce qu'en ce lieu on devient digne des tré-
•'"•ni
frI'I " C° I'0Ur mipoloïvjui? do llilli, couleur noire, et polonqui, bien broyée ou qui
nl«ncnl, adjectif verbal tiré de çoloni.
232 HISTOIRE DES CHOSES
« vive avec les autres ministres de nos dieux dans cet établisse
« où se font nuit et jour tous les exercices de pénitence, marclumi
de-'."
« les genoux et sur les coudes, priant, pleurant et soupirant
« Noire Seigneur. » Les prêtres et minisires des idoles
répond/
aux parents de l'enfant de la manière suivante : « Nous avons éco- r
« votre allocution, bien que nous soyons indignes de l'entendre
« sujet de votre désir de voir votre fils bien-aimé, votre pierre nr;
« cieuse ou plume riche entrer et vivre dans la maison du calnuxnr
« Ce n'est pas à nous que cette prière est faite; vous l'adressez -u
« seigneur Quelzalcoail ou Tilpolonqui, au nom duquel nous venoir
« de l'entendre. C'est à lui que vous parlez; il sait ce qu'il lui plaira
« de faire de votre pierre précieuseet plume riche, et de vous qui êtes
« ses père et mère. Quant à nous, indignes serfs, nous attendons ce
« qui doit arriver avec une espérance mêlée de doute. Nous ne pou-
ce vons dire avec certitude : ceci sera ou
ceci ne sera pas au sujet
« de votre fils ; nous mettons notre espoir en Notre Seigneur tout-
ce
puissant pour tout ce qu'il lui plaira disposer au sujet de cet
« enfant. »
Ils prenaient ensuile l'enfant et le portaient au calmecac, tandis que
de leur côté ses parents se chargaient de papiers, d'encens, de maxlli
et d'une sorte de collier en or, plumes riches et pierres précieuses,
pour présenter le tout à la statue de Quelzalcoail, qui se trouvait au
calmecac. A leur arrivée, on sonnait des instruments et l'on peignait
avec de l'encre tout le corps de l'enfant, y compris la figure. On l'or-
nait de colliers en bois appelés llacopalli 1. S'il était fils de pauvre, on
le parait de fil de coton peu tordu. On lui faisait des incisions aux
oreilles et on offrait à Quelzalcoail le sang qui s'en épanchait. Si l'en-
fant était très petit, les parents le remportaient chez eux. S'il claillils
du seigneur on d'un personnage, on lui enlevait le collier de llueo-
patli, qui restait au calmecac, et ils en donnaient pour raison que
l'âme de l'enfant, qui adhérait à ce collier, faisait en son nom le-5
humbles services de pénitence. S'il était déjà en âge de vivrcel.de
résider dans le calmecac, on l'y laissait au pouvoir des prêtres cl
ministres des idoles, pour qu'il y fût élevé et instruit dans toutes le^
coutumes de la maison.
CHAPITRE VIII
T-i
première coutume était que tous les ministres des idoles qui
•' mêlaient tlamacazque couchassent dans la maison du calmecac;
H seconde consistait en ce que tous s'occupassent à la balayer et
nettoyer à quatre heures
du matin.
Ln troisième,
c'était que les enfants déjà un peu grands allassent
chercher des épines de maguey.
La quatrième, que,
lorsqu'ils étaient un peu plus âgés, ils allassent
cueillir à la forêt, le bois nécessaire à l'entretien du feu que l'on fai-
sait chaque nuit. Lorsqu'on exécutait quelque travail en argile, qu'on
construisait des murailles, qu'on faisait du labour, qu'on creusait des
fossés, ils partaient tous en corps au point du jour. Il ne restait plus
à la maison que ceux qui devaient la garder ou porter le manger.
l'ci'sonne ne manquait à l'appel et ils se livraient au travail avec la
meilleure entente et en bon ordre.
La cinquième coutume, c'est qu'ils cessassent le travail un peu de
honne heure pour se rendre à leur monastère, s'adonner au service
des dieux cl aux exercices de pénitence; mais avant loul ils se bai-
gnaient. Au coucher du soleil, ils commençaient à préparer les cho-
ses dont, ils avaient besoin pour se mettre en roule à onze heures de
la nuit, séparément, chacun tout seul, portant les épines de maguey,
une conque marine pour sonner en chemin, un encensoir en terre
cuite ainsi qu'une bourse contenant l'encens, et des torches de sapin.
C'est do la sorte
que chacun allait tout nu placer les épines de ma-
guey dans les lieux que sa dévotion lui dictait. Ceux qui aspiraient
aune grande pénitence s'en allaient jusques aux forêts, aux sierras
''I aux rivières;
ceux qui étaient déjà un peu grands faisaient une
«lemi-licue. Quand ils étaient arrivés à
un endroit déterminé, ils pre-
naient les épines de maguey et les piquaient dans une pelote de foin.
a 'a''> chacun revenait, solitaire, en sonnant de sa conque marine.
. L» sixième
coutume imposait aux ministres des idoles de ne
jamais dormir deux ensemble
sous la même couverture, mais chacun
al«rl et à dislance.
"i septième coutume consistait à préparer le manger dans là'mai-
'""! mt'lMC tlu calmecac,
parce qu'ils possédaient une rente commune
j!" 1 SCl'Villl' îi cet. objet. Si l'on
portait à quelques-uns des mets de leurs
•""'"es, fous en prenaient leur
part.
234 HISTOIRE DES CHOSES
La huitième coutume les obligeait tous à se lever à minuit poun
prière. Celui qui ne se réveillait pas et restait couché était puni
ses compagnons qui le piquaient avec des pointes de maguey au.
oreilles, à la poitrine, aux cuisses, aux jambes et par tout le corps
présence de tous les ministres des idoles, pour qu'il apprît, à,
ses
dépens, à mieux se conduire.
La neuvième coutume, c'est que personne n'était arrogant, ne
permettait aucune offense contre ses camarades et ne devait jamaiss»
désobéir à la règle et aux habitudes qui étaient dans les usages de
la maison. Si quelqu'un s'enivrait, prenait une concubine ou se ren-
dait coupable de quelque autre délit criminel, on lui donnait la mort
soit par le garrot, soit en le brûlant vif, soit encore à coups de flèche.
Lorsque la faute commise était vénielle, on lui piquait les oreilles et
d'autres parties du corps avec des épines de maguey ou quelque
poinçon aigu.
La dixième coutume s'adressail aux enfants que l'on châtiait en leur
piquant les oreilles ou en les fouettant avec des orties.
La onzième coutume imposait à tous les ministres des idoles l'obli-
gation de se baigner à minuit dans une fontaine.
La douzième coutume, c'est que, les jours déjeune, tous, grands et
petits, devaient jeûner, ne prenant aucun aliment jusqu'à midi.
Quand c'était le jeûne appelé atamalqualo ', ils jeûnaient au pain et a
l'eau. Quelques-uns ne prenaient aucun aliment dans le jour, mais
seulement au milieu de la nuit suivante; d'autres ne mangeaient qu'à
midi et seulement une fois par vingt-qualre heures. Ceux-ci ne pre-
naient rien, pas même de l'eau, pendant la nuit, parce qu'ils préten-
daient que n'importe quoi, l'eau elle-même, suffisait à rompre le jeûne.
La treizième coutume consistait à donner aux enfants l'habitude de
parler bien, de saluer et de faire la révérence. Si quelqu'un parlait
mal ou ne saluait pas ceux qu'il rencontrait, passants ou assis, on le
corrigeait en le piquant avec des pointes de maguey.
La quatorzièmecoutume consistait à enseigner à chanter aux élèves
tous les versets composant les chants divins, lesquels étaient écrite, en
caractères dans leurs livres 2. On leur enseignait aussi l'astrologie
indienne, l'interprétation des songes et le compte des années.
• la
crainte de Dieu. C'est sur cela que nous arrêtons ici notre
''
i iu
sujet des coutumes et des règles dont les ministres des idoles
Il y en avait d'autres qui seront expliquées ailleurs
r ' lient usage.
dans ce livre.
CHAPITRE IX
DU
^'ASTROLOGIE JUDICIAIRE. OU ART DIVINATOIRE DONT CES INDIGÈNES
INTRODUCTION
s'éclairer sur les qualités, la vie et la mort de leur enfant. Ces dev'
ne réglaient pas leur art sur les signes et les planètes du ciel nv '"
bien sur une révélation qu'ils disaient tenir de Quetzakoail et
•
consiste en vingt signes, amplifiés treize fois, conformément à iam;
thode qu'on verra dans le présent livre. Cette façon de divination
peut nullement être considérée comme licite, car elle ne se fonde n'
sur l'influence des étoiles, ni sur aucune chose naturelle. Sa révolu-
tion périodique n'est d'ailleurs pas conforme à celle de l'année, puis-
qu'elle ne contient que deux cent soixante jours qui recommencent
sans cessé en arrivant à leur fin. Cet artifice dans la manière de
compter est une oeuvre de nécromancien ou bien le résultat soit de
l'invention, soit d'un pacte du démon. C'est donc une chose qu'on
doit chercher à déraciner avec le plus grand zèle.
AU SINCERE LECTEUR.
1. Pluriel de lonalpouliqui, astrologue, qui compte ou lit dans les astres; de ionaih:
soleil, et poa, lire, compter.
2.11 est question sans doute d'un document précieux qui était joint au manuscrit cl qui
s'est perdu avec tant d'autres choses d'une importance incalculable.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE." 239
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
a
il se réjouit grandement, son coeur se repose, il s'asseoit,
1)0'''-')
-o
.Ii1*
'
.>Uf.oTp avec ses camarades et ne songe plus à sortir de là. Si
dcVIClll- diit'e 11'
i
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
lli:S AU'IïiKS JOURS DE CE SIGNE, LES UNS PROSPERES, LES AUTRES ADVERSES
ET QUELQUES-UNSINDIFFERENTS.
CHAPITRE VII
„,,, '
HNCl-'N^1 A Jjrt
MUSIOUE, AU PLAISIR ET AUX BONS MOTS; LES FEMMES DEVENAIENT
-
DE FORTES TRAVAILLEUSES ET FORT LIBÉRALES DE LEUR CORPS
SI ELLES N'Y PRENAIENT GARDE.
ON DISAIT CE SIGNE INDIFFÉRENT EN BIEN ET EN MAL.
Ie
à treize jours. Il
quatrième signe s'appelle ce xochill et s'étend
[minait lui-même son nom à la première journée. Le second jour
uipailenait à orne cipaclli; le troisième, à ei ecatl; le quatrième, à
iiimi calli; le cinquième, àmacuilli cuelzpallin; le sixième, à chiqua-cen
cuath le septième, à chicome miquiztli; le huitième, à chicuei inaçall;
le neuvième, à chiconaui tochlli ; le dixième, à mallaclli ail ; le
onzième, à mallaclli oce ilzcuinlli; le douzième, à mallaclli omome
ofomaili; le treizième, à mallaclli ornai onalinalli. Toutes ces journées
[lassaient pour malheureuses. Cependant on les disait aussi indiffé-
rentes, et l'on prétendait que quiconque naissait n'importe dans
laquelle d'entre elles, fût-il noble ou plébéien, serait bouffon, plaisant
et diseur de lions mots. Il puiserait sa joie dans ce caractère et il
serait heureux sous ce signe s'il y mêlait de la dévotion. Mais s'il en
arrive à éprouver du mépris pour ce signe, il pourra bien être bon
chanteur ou bon ouvrier et puiser dans ces métiers sa subsistance ;
mais il deviendra orgueilleux, présomptueux et de mauvais caractère ;
il n'aura aucun respect
pour ses supérieurs, pour ses égaux, pour les
vieillards ni pour les enfants; à tous il parlera dédaigneusement et
avec arrogance.. Tout le monde le prendra pour un esprit détraqué
d pour un abandonné de Dieu dans la pensée qu'il a perdu sa fé-
;
l'cilé par sa faute, tout le monde le méprisera. Quant à lui,
se voyant
1 objet d'une répulsion
générale, il s'en affligera et tombera malade
de regrets, et dès lors, il deviendra
pauvre, solitaire, oublié de tous,
arrivera à désirer la mort, parce que personne ne le verra, ne le
visdera et ne fera cas de lui. Tout
ce qu'il possédait fondra entre ses
•Mains comme le sel dans le liquide, et il finira
par mourir pauvre,
iUssant à peine de quoi lui acheter
un linceul. Cela ne lui arrivera,
icsle, que pour avoir perdu toute dévotion et toute gratitude à
' signe et pour avoir cédé à. ses mauvais penchants, en s'aban-
wnl a la débauche et
en courant à sa perle au milieu de ses
•) l'esuliais funestes auxquels il n'arrivera qu'après s'être aliéné
,a h0,1»c fortune de
son signe.
250 HISTOIRE DES CHOSES
Si quelque femme naissait clans le signe qu'on appelle ce
Vr-i-
on disait qu'elle serait bonne ouvrière; mais pour posséderl'hahl
de son métier, il faudrait qu'elle fût dévote à son signe et qu'en <!•
pénitence pendant tout le temps qu'il régnerait. Si elle 'manquait '
devoir, son signe lui deviendrait contraire; elle vivrait pauvre <r,
laissée de tout le monde et elle abandonnerait son corps aux haV
tudes vicieuses en se vendant publiquement, du seul fait d'être n/.-,
sous ce signe qui peut produire également le bien et le mal. n,
disait aussi que les rois dansaient par dévotion, pendant la durée de
ce signe, les jours qui étaient à leur convenance. Lorsque cette solen-
nité devait commencer, on plantait de longues perches couvertes de
fleurs à la porte du palais, ce qui voulait dire qu'on devait se livrer
à la danse un certain nombre de jours en l'honneur de ce signe. Le
roi ordonnait en même temps que le chant dont il serait fait usa^e
en cette occasion serait le cuextecayoll, le llauancacuexlccayoll le
uexolzincayoll, Yanauacayotll, ou quelque autre de ceux dont il csl
fait mention dans ce livre. Les employés qui étaient préposés à la
garde des ornements en plumes, dont on faisait usage pour les bals,
reliraient de leur cachette tous ceux qu'ils avaient, pour que le roi
choisît celui qui serait de son goût. Ils donnaient ensuite, conformé-
ment à ce choix, des devises et des objets en plumes aux dignitaires,
aux hommes de valeur, aux soldats et à tous les gens de guerre. Ils
distribuaient aussi des mantas et des ceintures aux chantres, aux
joueurs de leponazili et de tambours, à ceux qui sifflaient et a tous les
autres danseurs et musiciens. On leur donnait également à tous des
lamalliâe différentes espèces et des molli décrits dans ce livre, Lors-
qu'on était fatigué de danser, on enlevait les perches placées à la
porte, pour donner le signal de la fin de la danse. On les brûlait et lotit
le monde cessait le bal dans le palais ; mais les dignitaires pouvaient
continuer à danser dans leurs maisons.
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
1. Ces noms signifient : mort, ennemi, un ennemi, ennemi do part et d'aulrc, cnm
dangereux ou eflrayanl.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 253
désir, il devait lui-même être la victime et périr sous le
1011111
i ™ «unie.
Personne n'osait gronder ou maltraiter ses esclaves ;
-til même soin, un
jour avant l'arrivée de ce signe, de leur faire
le
la prison et de leur enlever le carcan, auxquels ils étaient con-
('"-'
les baignait et on les bichonnait
v On leur savonnait la tête, on
^U
CHAPITRE X
CHAPITRE XI
-I1--N
ET QU'ON L'EMPLOIE A TORT POUR DÉSIGNER [LE DIABLE.
OU SORCIER,
MA',..-:iiUETOUS ÉTAIENT D'UNE INFLUENCE PÉNIBLE;
LES JOURS DE CE SIGNE
GÉNÉRAL, DANS TOUS LES SIGNES, LE DIXIÈME ET LE TREIZIÈME JOURS
- EN
ÉTAIENT HEUREUX.
lieurcux. Déjà, au
premier jour, les déesses qui s'appelaient Giuateleo
descendaient sur la terre apportant aux enfants un grand nombre de
maladies. Aussi les pères ordonnaient-ils rigoureusement à leurs fils
de ne point sortir de
leurs maisons. Ils leur disaient : « Ne sortez point
de chez vous, parce que, si vous sortez, vous rencontrerez
les déesses
CiwsMco qui descendent actuellement sur la terre ». Les pères et
mères avaient réellement peur qu'ils fussent pris de paralysie, s'ils
allaient quelque part. Pendant que ce signe régnait, on faisait des
offrandes à ces déesses clans les oratoires, qui étaient très nombreux en
différents endroits, et on couvrait de papiers leurs statues.
C'était aussi pendant la durée de ce signe que l'on faisait périr ceux
qui étaient emprisonnés pour quelque péché criminel qui avait mérité
la mort. On tuait aussi les esclaves pour la vie du roi, pour obtenir
qu'il vécût un grand nombre d'années. On ne baptisait point ceux
qui naissaient aux premiers jours de ce signe; on attendait jusqu'au
Iroisième, appelé ci cipaclli. On croyait que ce jour améliorait le
sort de celui qui s'y baptisait. Cependant l'on disait que ceux qui
naissaient ce joùr-là étaient destinés à être nécromanciens, sorciers
eljc/wo-s da sorls. Ils se transformaient en animaux et ils pronon-
çaient des paroles propres à jeter un sort sur les femmes et à faire
tourner les coeurs à
ce qu'ils désiraient. Ils faisaient encore bien
'i autres maléfices. Ils
se mettaient aux gages de ceux qui voulaient
(tl mal à leurs ennemis et les haïssaient à mort. Ils faisaient leurs
"iichaiilements dans l'obscurité, quatre nuits suivies, qu'ils choisis-
fe'iieni (]ans
un siglie malheureux. Ils allaient pendant la nuit aux
«usons de ceux qu'ils voulaient frapper de leurs sortilèges. Mais
'1"»' uuofois
on les prenait et ceux qui étaient l'objet de leurs malé-
CHAPITRE XII
CHAPITRE XIII
DU MAUVAIS AUGURE QUE L'ON TIRAIT SI QUELQU'UN TRÉBUCHAIT CE JOUR-LA,
S'il. PIEDS 00" SIL TOMBAIT, ET DU MAUVAIS
SU FAISAIT MAL AUX
?OIiT 1IE -CEUX QUI NAISSAIENT LE HUITIÈME JOUR APPELÉ -cldcWÎ miquizt-U-,
CHAPITRE XIV
* m,h et le quatrième,
r
6 -uMi-ihuaicnt la chance de ceux qui naissaient ces jours-la, cl être
g f,, 'rcus
-
et favorisés d'une longue vie, à la condition d'être baptisés
|; le dernier
jour.
I CHAPITRE XV
,,
ligure peinte
comme celle do ce dieu. Quelques personnes, pardevo-
-ion, apportaient chez elles, ce jour-là même, la staLuc d'Omacatl et
) gardaient deux cents jours. La quatrième journée s'appelait naui
CHAPITRE XVI
CHAPITRE XVII
VERS LES
PROVINCES ÉLOIGNÉES DAMS LE BUT D'Y TRAFIQUER.
« comme
si vous éliez mon fils, puisque vous êtes sur le point dé
partir pour des pays lointains, que vous abandonnezvotre ville, vos:
«
«
parents, vos amis, votre repos et que vous allez vous aventurer
« par
de longues routes, par monts et par vaux et à travers des déserts.
c
Prenez courage, mon fils; car il ne serait pas raisonnable que vous
«Unissiez ici votre vie et que vous y mourussiez sans avoir tenté
quchjuc entreprise où vous puissiez gagner de l'honneur, ainsi que
> nous, vos
pères, en avons le désir. Aussi est-ce les larmes aux yeux
« que nous
demandons qu'il en soit ainsi et que vos oeuvres arrivent
« à la hauteur de nos souhaits. Yos prédécesseurs en ce genre travail-
«
lèrenl dans les voyages elce fut en cela qu'ils gagnèrent les mérites
(- ilonl on leur faisait honneur, de même que les braves les gagnent
" laissées. Il faut que vous vous armiez de courage pour souffrir les
CHAPITRE XVIII
AUTRE ALLOCUTION
ADRESSÉE PAR LES .MÛMES A CEUX QUI S'ÉTAIENT
DÉJÀ LIVRÉS A DE LOINTAINS TRAFICS.
«
Vous connaissez déjà les chemins et les lieux habités où vous
voulez aller encore une fois. Nous ignorons ce qui arrivera; nous
«
~ ne,
savons même pas- si nous aurons la chance de vous revoir. Peut-
«
cire que vous perdrez la vie dans quelqu'un de ces villages ou de
« ces
lieux écartés. Quoi qu'il vous arrive, vous vous souviendrez des
«
conseils cl des larmes de vos pères qui vous aiment comme leur
«
cnlant cl qui désirent être dignes du plaisir do voire relour et do
« vous
revoir .ici sain et prospère. Courage donc, mon fils; parlez et
«
bonne chance ! Nous n'ignorons pas que les peines ne vous manque-
•«
ronl point en roule, car le chemin est par lui-même rude et fatigant.
« Prenez
soin de ceux qui vous suivent, ne les abandonnez point, ne
«
les délaissez pas, ne vous éloignez pas de leur compagnie; voyez-
«
les cl trailcz-lcs comme vos frères cadols. Avertissez-les do ce qu'ils
•<
doivent faire, quand vous arriverez aux lieux de repos, pour qu'ils
< recueillent de l'herbe et forment des sièges qui serviront au délasse-
« ment des plus âgés. Nous avons déjà donné nos avis à vos cama-
« rades qui n'ont jamais clé trafiquer on parcourant les chemins vers
«
lesquels vous allez partir. C'est pour cela qu'il n'est pas nécessaire
" d'allonger davantage ce discours. Voilà, mon fils, ce que nous avions
" a vous dire en peu de mots. Allez en paix et faites voire métier avec
" courage. »
Lorsque les vieillards avaient fini déparier, le jeune homme faisait
Cc'llc courte réponse
: <c Je considère, Messieurs, que vous m'avez fait
1 une grande laveur en m'adrossant
vos consolations, sans que j'aie
' l'en fait pom. ]cs mcri|er ]?n
mo pariant comme vous venez de le
aire, vous avez rempli le rôle de pères, comme si j'étais né de vos
" enlraillcs. Ce
que vous m'avez dit est sorli du trésor de votre coeur
eoninic si c'était de l'or, des pierres précieuses, des plumes riches,
csi, a leur prix que j'cslinie vos paroles. Je ne les oublierai.
' "lais et je les garderai
comme un trésor dans mon coeur et dans
264 -•: HISTOIRE DES CHOSES"
mes entrailles. Ce que je vous demande en grâce, c'est que „„
il ne manque jamais, quelqu'un clans ma maison ^
ce
ce mon absence,
ce
balayer et faire du feu.' Là, vont rester mon père, ma mère "
ce srjeur ou ma tante.
Je vous supplie de vous charger de leur '
prni
« tion, de manière à éviter qu'il leur soit fait aucune offense
rî
ce plaisait au
Seigneur de mettre un terme à mon existence pend'
:ce ce voyage, ce
qui est dit soit dit, et je pars consolé. »
Après ce discours, toutes les personnes présentes, hommes
femmes, se mettaient à pleurer en prenant congé de celui qui sv
allait, et ensuite tous commençaient à manger et à boire.
CHAPITRE XIX
, O.|lon-e
et que ceux qui naissaient pendant sa durée seraient
'H Cet riches, s'ils avaient soin de faire pénitence eu l'honneur de
01
..Tii" S'ils
manquaient à ce devoir, ils perdraient la bonne chance
lt.""hur était réservée. Celui qui naissait ce jour-là (sans doute le
''•'-«micr
joisr de ce coall), n'était baptisé que le troisième jour appar-
iiei inaçall, et on lui donnait alors son nom ; parce que, comme
>
nul
l'a déjà dit, les troisièmes jours de tous les signes sont en général
ii
roi-lunés. Le second jour de ce signe s'appelle orne miquiztli. On le disait
malheureux. Le troisième se nomme eimaçatl; il était heureux, pour
la raison qui vient d'être
dite. Le quatrième jour de ce signe s'appelait
muni (oclil-li. H était malheureux comme toutes les quatrièmes journées
de n'importe quel signe. Le cinquième jour s'appelait macuilli ail. 11
élail malheureux; car les cinquièmes jours de tous les signes l'étaient,
(lisail-on, généralement. Il s'en suivait que ceux qui naissaient le qua-
1 irième cl le cinquième étaient clans des conditions mauvaises, mais
„
on assurait en même temps que ceux
qui naissaient le cinquième
] jour, si l'on prenait soin de les bien élever, gagnaient une meilleure
chance el devenaient prospères. Ce résultat provenait de ce qu'ils
avaient été dociles aux conseils dés vieillards.
CHAPITRE XX
''"'<•
(lu '! nt°- ac,CûmP;'g»c
passage d'une note, qui uo me paraît pas inutile, pour
ce
auteur v.-' 'll"- 1>.ll'e'^.c'.<; do' 1 ùlré'considcié par le lecteur comme-unedigression et ijuc .
CHAPITRE XXI
it (ozquemill!, ce
qui signifie manteau de plumes jaunes
1
s'a", ' Un autre qui s'appelait uilzilzilqucmill1, c'c.sl-à dire \
î-rsiilf'"-'i;-...-.i'los
[^11, de plumes
resplendissantes bleues de Izinlzonmc. 11 y en
, . ,
'"'•i d'autres moins précieux que les précédents. On les
|\'|lll C"^MVOTC
lui au soleil tous ensemble sur des éloiïes
riches,devant, l'imago
lieu pour loulc une
journée, afin de les réchauffer, disait-on, et
, .
|';,iro prendre l'air. Les principaux personnages et les gens du
'îi'-'irc offraient au dieu des mets recherchés de différentes espèces,
•
ICYOH éloignail bientôt de la statue. Les ministres de
ce temple les
iiiii'liiircaicnl cuire eux'cl les mangeaient en compagnie des préires do
lU-Uowchlli. Le roi faisait à l'image de celle divinité l'offrande d'un :
„r;1n(| nombre d'espèces de fleurs arrangées de façon à former des
dessins variés, telles avaient toutes un parfum exquis dont les suaves
émanations remplissaient l'église. Un offrait aussi des roteaux fumants
en petits
fagots de vingt. Ils étaient là brûlant, devant la statue en
laissant, échapper comme un nuage de fumée. Les propriétaires de
iniigucys ou les cabareliers qui vendaient le pulquc coupaient, leurs
piaules pour qu'elles donnassent leur miel pendant ce signe, quoi-
qu'ils lussent dans la croyance qu'élanl manipulées dans celle circon-
slancc, elles ne donneraient point un suc très abondant. Le premier
inique, qu'on appclail uilztli, était offert en prémices à UilzL'opochlli. ']
'On le versait dans des vases nommés walecomall*, sur lesquels on
plaçait des roseaux, pour que pussent, boire les vieillards qui étaient
autorisés à l'aire usage de Vuctli. On disait, (pic ceux qui naissaient dans
«:csigne, s'.ls étaientgarçons, seraient vaillants, honorés et riches, cl,
si c'était une fille, qu'elle serait habile, propre à (oui, bien pourvue en
choses à manger, d'un caractère viril, prudente dans
son langage,
discrète, etc.
l'C second jour de ce signe s'appelait orne quiauill; le troisième, ci
•'-odiul; le quatrième, naui cipac'li; le cinquième, macuilli ecall; le
sixième, chiqimcen calli; le septième, chicome cuclzpalUn; le millième,
cnciicicoall; le neuvième, cliiconaui miquizlli; le dixième, mallaclli
niaraii; le onzième, mallaclli
oce luclUli; le douzième, mallaclli omome
al .'le treizième, mallaclli ornai ilzcuiulli Toutes
ces journées sont heu-
reuses comme la première.
•
i)° '":"': 1.1,nmns JaiI»<-'s, fort belles, de l'oiseau de ce nom, cl quemill, vêlement.
2
'";'SM ""z":'''"' oiseau-mouche, et fjaemill. vêlement.
.(...„/" °"u'vasa e» buis auquel élaieai adapiés dos roseaux; de là son nom forme do
- .•
'oseau, et de tecomuU, bois.
vase en
268 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE XXII
CHAPITRE XXIII
il- le onzième,
mallaclli oce oceloll ; le douzième, mallaclli omome
ihll'r le treizième, mallaclli omei cozcaquauhlli,.
CHAPITRE XXIV
CHAPITRE XXV
l'U QUATORZIÈME SIGNE APPELÉ CC UzCUinlli ET DE SA FORTUNE PROSPÈRE.
CHAPITRE XXVI
. , r„
,.„> la liberté leur était rendue. On assurait que ceux qui
*
•
"<
ient dans cc signe seraient heureux et riches ; ils auraient bcau-
l'osclavcs et donneraient des banquets. On les baptisait cl on
*' '
donnait leurs noms le quatrième jour qui était appelé naui acall.
i •
£ calants éLaicnt invités à celte double cérémonie. Il existait une
.s
fc
Ire iiraliiiuc : ceux qui élevaient des petits chiens et qui luisaient
f
•
leur "-agne-pain de ce commerce
teignaient en ocre rouge la lêle de
t. ces animaux.
I Le second jour de ce signe s'appelait orne oçomatli; le troisième,
rimalinalli; le quatrième, naui acall; le cinquième, macuilli occloi;
5 le sixième chiquacen quauhlli ; le septième, chicome cozcaquauhlli; le
* liuilièine, chicuei ollin; le neuvième, chiconaui lerpall; le dixième,
f mtlactli quiauill ; le onzième, mallaclli occxochill ; le douzième, ma-
ï. ikiclli omome cipaclli ; le treizième, mallaclli omei ccall. Ces journées
sont bonnes ou mauvaises selon leur numéro d'urdre, ainsi qu'il est
v
dit plus haut.
CHAPITRE XXVII
CHAPITRE XXVIII
Si c'était une femme qui naissait dans ce signe, elle était malheu-
reuse également.Elle n'était bonne à rien, ni pour filer ni pour lisser;
sotie, maladroite, rieuse, vaniteuse, babillardc, mâcheuse de biclW.
cancanière, calomniatrice. Il ne lui sortira que de mauvaises paroles
de la bouche; elle sera railleuse, vagabonde, paresseuse, dormeuse,
et, en fin de compte, clle.se vendra pour esclave. Comme, d'ailleurs,
elle ne saura rien faire, ni moudre du maïs, ni faire du pain, ni autre
chose quelconque, son maître la vendra aux marchands d'esclaves pour
être mangée. Elle aura donc sa fin sur la pierre des sacrifices. On
portait remède à la mauvaise influence de ce signe en transportant le
baptême de ceux cpii y naissaient au troisième jour de eicoull on an
septième àa. chicome ail, qui étaient tenus pour heureux. Le second
jour de cc signe s'appelle orne cuelzpallin; le troisième, ci coall ; le
quatrième, naui miquizlli; le cinquième, macuilli'maçall; le sixième,
Chiquacen lochlli; le septième, chicome ail; le huitième, chicueiikcuiiwi
le neuvième, chiconaui oçomalli; le dixième, mallaclli malinalli;^
onzième, mallaclli oce acall; le douzième, mallaclli omome oceloil; c
treizième, mallaclli omei quauhlli.
1. Do nos jours encore il y a. des gens qui font usage, comme maslicaloiro, l'û_1.'
gomme-résine extraite du zapotc, qui a la propriété d'amuser en produisant un F11'l
ment plus ou moins fort par la pression qu'elle subit entre les dents.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 273
CHAPITRE XXIX
CHAPITRE XXX
CHAPITRE XXXI
'
iciiiin
°MK, ' l'los
^ ^ pr.g paji jarcuî> JJ était porté par un de ceux qui
voleurs, ainsi qu'on avait l'habitude de le faire quand on
(ruidaieiuluo
Lit prémédité une pareille ... action.
.
:
' id ils arrivaient à la maison qu'ils voulaient piller, et, avant
n
'
ri-Veîlrer quand
ils se trouvaient déjà dans la cour, ils se mettaient à
le sol avec le bras delà morte et, arrivés à la porte, ils en
•
f- liaient de
la môme manière le seuil. On disait que, par ce fait,
i is ceux
de la maison s'endormaient ou restaient inertes, de manière
pouvait ni parler îii se mouvoir ; ils étaient comme
me personne ne
morts bien qu'ils entendissent
et vissent tout ce qui se faisait devant
Ouelques-uns dormaient réellement et ronflaient. Entre-temps,
eux.
les voleurs allumaient
des chandelles, se mettaient à la recherche de ce
qu'il y avait à manger et le consommaient tranquillement, sans
qu'aucun habitant de la maison parlât et les en empochât, attendu
> qu'ils étaient tous ébahis et hors d'eux-mêmes. Quand ils avaient bien
mangé et s'étaient remplis à leur aise, ils entraient dans les salles cl
les dépôts, s'emparaient de tout ce qu'ils trouvaient, mantas et autres
\ objets, cl portaient dehors tout ensemble : or, argent, pierres et
plumes riches. Ils en faisaient des paquets séparés qu'ils chargeaient
sur leurs épaules et ils s'en allaient avec leurs fardeaux. Mais, avant
de partir, ils se livraient, disait-on, à un grand nombre de saleléset
de malhonnêtetés avec les femmes de la maison. Ils s'en allaient
ensuite précipitamment à leurs demeures, emportant ce qu'ils avaient
volé. On rapporte que si quelqu'un d'eux s'asseyait
en route pour se
reposer, il ne pouvait plus se lever; il restait là jusqu'au jour;
«lors, on le prenait
avec son butin et il découvrait loulc sa bande.
CHAPITRE XXXII
CHAPITRE XXXip
i.Quccanncl est mis pour quencannel, c'esl-â-diro quennel aveu can intercale-
2. De letzolzona,frapper, donner des coups de pierre (tetl).
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 277
CHAPITRE XXXIV
m-S SUPERSTITIONS
DONT FAISAIENT USAGE CEUX QUI ALLAIENT VISITER
LES ACCOUCHÉES ET DES COUTUMES
OUI ÉTAIENT SUIVIES DANS LES MAISONS DE CELLES-CI.
Voici le cérémonial dont faisaient usage les femmes avec les accou-
chées. Ayant appris l'accouchement d'une personne, immédiatement
lotîtes les voisines et parentes allaient la visiter, pour voir l'enfant
-
y qui venait de naître. Avant d'entrer dans la maison, elles frottaient
leurs genoux avec de la cendre et faisaient également la même opé-
ration sur les genoux et toutes les articulations de leurs enfants,
ii
qu'elles menaient avec elles, en disant que, par celle opération, elles
ï donnaient du ton aux jointures et les empochaient do se relâcher.
Biles se livraient à une autre manoeuvre qui consistait à entretenir un
foyer allumé pendant quatre jours dans la maison de la nouvelle
accouchée, et l'on exerçait pendant tout ce temps la plus grande vigi-
lance, pour empocher que personne emportât de ce feu hors de la
' maison, parce que, par cette soustraction, le sort heureux du nou-
veau-né aurait été enlevé.
CHAPITRE XXXV
"ES CEREMONIES QU'ON
FAISAIT EN BAPTISANT LK NOUVEAU-NÉ; DE L'iNVITATION
QUE L'ON ADRESSAIT AUX ENFANTS
QUAND ON LUI DONNAIT
SON NOM DE BAPTÊME, ET DE L'ALLOCUTION
OHE LES VIEILLARDS FAISAIENT A L'ENFANT ET A SA MÈRE.
Ce baplemc se faisait
au lever du soleil. On invitait, pour lors, tous
enfants et on leur servait à
manger. Quand la naissance avait lieu
]i'l"s.un uo" signe, le baptême
se célébrait à l'instant; mais s'il
ai pas opportun d'en agir ainsi,
on le différait jusqu'au troisième,
eiue ou dixième jour, afin d'avoir le temps de
se pourvoir des
278 HISTOIRE DES CHOSES
choses nécessaires pour le banquet des invités. Le jour étant venu
les vieillards mangeaient et buvaient, saluaient l'enfant et la mère et
disaient au nouveau-né : « Mon petit-fils, lu es venu dans un monde
« oii tu auras à souffrir des peines et des fatigues, parce cm'il y en a
« en grand nombre. Peut-être vivras-tu longtemps; peut-être réussira-
« t-on à l'élever et pourrons-nous jouir de ta présence; car tu cs
« l'image de ton père et de ta mère, le bourgeon et le rameau neuf
« de tes aïeux et de tes ancêtres, que nous avons connus quand ils
« vivaient dans ce monde. » Après ces paroles et autres semblables ils
caressaient l'enfant, lui portant la main sur la tête en signe d'amour.
Ils passaient ensuite à la mère et lui parlaient en ces termes : « Ma
« fille ou ma dame, vous avez eu du mal à accoucher de voire enfant
« qui est aimable comme une plume riche ou une pierre précieuse.
« Jusqu'à présent, vous ne formiez qu'un être, vous et votre enfant
« mais maintenant vous êtes deux personnes distinctes; il vivra par
« lui-même et chacun de vous doit mourir pour son compte. Peut-être
« jouirons-nous de votre enfant et le verrons-nous profiter quel(|iic
« temps. Nous le regarderons comme un collier de pierres précieuses.
« Prenez courage, ma fille, et ayez soin de voire santé. Gardez-vous
« de tomber malade par votre faute et ayez soin de voire fils. Remar-
« quez bien
qu'il y a des mères peu soigneuses qui tuent leurs en-
« l'ants en dormant, et quelquefois, si elles ne leur retirent avec soin les
« telons de la bouche, leur palais-se perfore et ils meurent. Attention!
« puisque notre Seigneur nous l'a donné, que nous ne le perdions pas
« par votre faute. C'est assez ; il n'est pas nécessaire de vous morli-
« fier plus longtemps par nos paroles. »
CHAPITRE XXXVI
CHAPITRE XXXVII
CHAPITRE XXXVIII
CHAPITRE XXXIX
L'éditeurBuslamanteomet ce chapitre elle remplace par les paroles
suivantes : « Nous passerons ce chapitre parce qu'il est inutile à la
Sectui'e. » Mais Kingshorough n'a pas été du même avis. Sahagun eût
cependant gagné dans l'esprit du lecteur si l'éditeur anglais eût suivi
l'exemple de Buslamante ; car ce chapitre XXXIX, qui me parait intra-
duisible, tant il est naïf et embrouillé, se limite à dire que l'auteur
voudrait bien répéter tout ce qui a déjà été décrit dans les chapitres
précédents, mais que celte répétition serait fastidieuse pour le lecteur,
à la manière des meilleurs mets dont la saveur fatigue quand on les
renouvelle trop souvent. Tout cela est dit en paroles embarrassées cl
justifie surabondamment la pensée de Buslamante d'en omettre la re-
production. — {Noie du Traducteur).
CHAPITRE XL
C'est avec ce signe celochlli, sur lequel nous n'avons plus rien à dire,
que s'achève notre travail, en y ajoutant les journées suivantes qui lui
appartiennent. Si plus tard il devait en être dit quelque chose, qui
actuellement est omise, le lecteur pourrait s'en faire, dès à présent, une
idée par cc qui précède. Nous nous limiterons donc à ajouter que le
second jour de ce signe s'appelle orne ail; le troisième, ei ilzcuinlli;
le quatrième, naui oçomalli; le cinquième, macuilli malinaiH ; le
sixième, chiquacen acall; le septième, chicome oceloll; le huitième,
chicuei quauhlli; le neuvième, chiconaui cozcaquauhlli; le dixième,
mallaclli ollin ; le onzième, mallaclli oce lecpall; le douzième, malkvd'
omome quiauill ; le treizième, mallaclli omei xocliill.
DU
QUATRIÈME LIVRE, ÉCRIT EN LANGUE ROMANE.
CE QU'EST LE CALENDRIER
DES INDIENS DE L'ANAIIUAC, C'EST-A-MRE DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.
« C'est (dit-il) par les cercles qui précèdentquo les Indiens comptent
leursjours, leurs semaines, leurs mois, leurs années, leurs olympiades,
leurs lustres, leurs indiclions, leurs hehdomades. Ils commencent leur
'innée, comme la nôtre, commencement de janvier, ce qui est la
au
manière de compter le temps chez toutes les nations. Les Indiens, qui
avaient certainement celte méthode, puisqu'ils y conformèrent leur
usagc, se montrèrent
en cela imbus de la philosophie naturelle. Ils
uhlièrenl seulement l'année bissextile; mais le grand philosophe
286 HISTOIRE DES CHOSES
Arislolc, Platon son maître et plusieurs autres sages la méconnuro
également. Nous devons reconnaître que dans ce calendrier il u>v
nulle idolâtrie, ce qui est compréhensible pour plusieurs raisons- \
suffira d'en dire une : c'est que, dans ce pays, les coutumes idolâtre*
commencèrent il y a peu d'années, tandis que le calendrier est lres
ancien. Pour ce qui est du fait de la désignation des jours de-;
semaines et des années avec des figures d'animaux, de bêles el d'autres
créatures,on ne doit pas en être surpris, puisque nous-mêmes nous
reproduisons ainsi les planètes et les dieux que les gentils ont eus
Et s'il est vrai que dans ce calendrier se trouvent inscrits beaucoup
de rites, de fictions et d'anciens sacrifices, ce n'est pas une raison
pour réprouver chez ces indigènes une chose si bonne en elle-même
si vraie et si belle, car nous savons que tout bien et toule vérité
n'importe qui-les dise, proviennent du Saint-Esprit. »
«
qui comprenaient très bien les secrets de ce cercle et
Les Indiens
de ce calendrier ne les enseignaientet ne les dévoilaient qu'à un petit
nombre, parce que c'était leur gagne-pain et la base de leur réputa-
tion d'hommes sages et doctes. 11 est vrai que presque tous les
adultes connaissaient la durée de l'année et savaientla situation cl
le signe clans lequel ils se trouvaient ; mais, quant aux secrets et aux
•calculs qui y correspondaient, ces maîtres en l'art de calculer étaient
seuls à les connaître. Pour comprendre les divisions dont les indi-
gènes faisaient usage et savoir comment ils calculaient les temps d'a-
près les cercles et les signes inscrits ici, il y avait des règles que l'on
va voir à la suite. »
AU LECTEUR.
Cette table qui est en face, ami lecteur, est celle des signes dont nous
avons traité dans ce quatrième livre. Elle procède comme il suit. D'a-
bord, on y voit placés les vingt signes suivis des noms qui leur corres-
pondent. Après chacun d'eux, viennent les jours pendant lesquels ils
régnent,représentés par les chiffres ordinaires 1, 2, 3,4, etc.. Le signe
qui est joint au nombre 1 est celui qui règne pendant les treize jours.
On compte ensuite successivement jusqu'à treize; après quoi l'on
revient au nombre 1, et toujours le signe qui se joint à ce chiffre esl
celui qui règne pendant les treize jours suivants. Il s'ensuit que cha-
que signe principal règne treize jours et que le nombre de tout l'en-
semble s'élève à deux cent soixante, après lesquels on recommence
Au commencement de cette table se trouve inscrite également la mé-
thode de compter les années, parce que ces deux manières de supputer
sont unies ensemble et font la paire.
1. C'est-à-dive nos années (xiuiU) s'allaclient [ilpilia ou ilpia, avec le pron. réfléchi m )
DE LA NOUVÈLLE-ËSPAGNE. " 289
étoiles étaient au zénith du ciel, à minuit, pour l'horizon de
-»s
°|l
C'était cette nuit-là qu'on faisait du feu nouveau, après avoir
>o
l'ancien dans toutes les provinces, villes et maisons de la Nou-
i • i
c'éiait l'occasion d'une grande procession solennelle de
,, Espagne;
1S ]es
satrapes et ministres du temple. Ils partaient de Mexico à
linuil el se rendaient au haut du cerro qui se trouve près d'Izlapala-
i e|
qu'ils appellent UixachlecatP. Ils y arrivaient aux environs
de minuit, près
d'un temple destiné à cette cérémonie. Us portaient
immédiatement leurs yeux sur les pléiades, pour voir si elles se trou-
vaient au milieu du ciel. Si elles ne s'y trouvaient pas encore, ils
attendaient qu'elles y arrivassent, et, quand ils s'apercevaientqu'elles
l'avaient dépassé, ils tiraient la conclusion que le mouvement du ciel
ne s'arrêtait pas, que ce
n'était pas la fin du monde et qu'ils au-
raient encore cinquante-deux ans d'assurés durant lesquels il ne
finirait point. Pendant ce temps, une foule de gens, attendant le feu
nouveau, se tenaient sur lescerros qui environnaient toute cette pro-
vince de Mexico, Tetzcuco, XochimilcoetQuauhtillan, afin de s'assurer
que le monde continuait à marcher. Cependant, les satrapes se li-
vraient à de grandes cérémonies pour allumer le nouveau l'eu. Aussitôt
qu'il flambait, il était aperçu du haut de toutes les montagnes envi-
ronnantes. Ceux qui l'attendaient faisaient alors entendre une grande
clameur qui apportait vers le ciel les manifestations de leur joie, à
propos du signal annonçant que le monde ne finissait pas et qu'ils
avaient encore cinquante-deux ans assurés.
La dernière fête solennelle relative à ce feu nouveau fut célébrée en
l'année 1507*. Les choses se firent avec le plus grand éclat, parce que
I. Ou Ixtapalapan, de ixtapal, de travers, cl apan, sur ]'ean. Celte ville est située
au sud de Tenocktillan sur les bords du lac de Tetzcuco.
- CMmalpaliin dit à l'occasion
De uivachin, sorlc d'arbre garni d'épines ou piquants, el tccall, mis on ordre.
<• do celte fêle de 1507 : 2 acatl xihuill, ipan toxiuh mol-
l'i'i, lnii.vaclUecall in icpac uelz llcquauill; nauhlcll in quilpilico Mcxica, yycixqui-
%c
niffl c<!/o lenochtillan. ci Année 2 roseau, alors eut lieu la ligature de nos années; au
umrncl iwJluixaclilccallfui allumé le feu ; c'élail la quatrième fois que les Mexicains
•iiMiiunt colle ligature depuis le temps qu'ils étaient à Tenochtillan.
»
•o même autour ajoute quelques lignes plus loin Auh inic mocempohua in ipan in
:
\.'ii °,'iu'tP'tiC0 in Mcxica in chiukcnaulUcll inic yc ompa okualleliuaquc inchan
' an Clncomosloc. « On compte qu'en celte année les Mexicains avaient fait leur ligature
'» a neuvième fois depuis qu'ils avaient quitté leur demeure do Azllan ChicomozCoc. »
i;,^'S "P.Ullc?r6monics correspondantaux années 1091, 1143,1195, 1247, 1299, 1351, 1403,
'' ^ a ''eU ^e **'le une remarque assez curieuse, c'est que le départ des Mexi-
caii
l'iin'cl
- ÂZllan (luG'> ou 1065) et leur établissement à Tenocldillan (1325) se trouvent
• lUpr0 ^ac®s précisément
fovtii'i au milieu d'un cycle. Faut-il voir là un rapprochement.
"i U'1C ^° ces combinaisons merveilleuses
que l'on rencontre assez souvent au
!>0!w-
''(•litif
,es ?cuP'es' — Les deux passages ci-dessus rapportés sonl extraits de la septième
' ° annaliste Chimalpahin, dont nous possédons une copie et que nous nous pro-
l'Oso Publier avec traduction et nombreusesannotations,
19
290 HISTOIRE DES CHOSES
les Espagnols n'étaient pas encore arrivés dans le pays. Celui en
r>
que finit l'autre gerhe d'années que les Mexicains appellent /o,-;
/
molpilia. Ils ne firent alors aucune solennité publique, attendu <'"'
les Espagnols et les moines se trouvaient parmi eux. Il en résuli
que l'année présente de 1574' est la quinzième de la gerbe actuelle
•
1. Les deux éditions portent en toutes lettres J5G6, ce qui obligeraitde lire: la piw111'
année est la septième, au lieu de la quinzième, do la gerbe- actuelle. Pour se convaim'W
que l'erreur est bien colle que nous avons relevée, il suffit de se rapporter à l'inlroduciwii
mémo où Sahagun dit, page 6, que les douze livres de son ouvrage avaient été conii1'1''1]"
ment mis au net en 1569, mais qu'il n'avait pas encore été possible de les traduire cl i^
ajouter des commentaires. A ce moment, il ignorait ce qui l'année suivante pourrait ^
fait à cet égard et manifestait même des craintes. Cependant l'oeuvre se potirsiuM
parvint presque à son achèvement on 157G, époque où fut écrit le XIIe cl avanl-d"1"
chapitre du livre XIe. L'exécution du IVe livre ne peut donc être placée qu'entre cesif-
dates extrêmes, c'est-à-dire en 1574.
2. « Action d'enivrer (llauana) les enfants (pilli). »
DE LÀ NOUVELLE-ESPAGNE. 291
.
c'..
,|C quelle fin.
Mais ils gardaient un compte exact de tous les
l'année, de tous les mois et de toutes les quinlaines qui étaient
Cnombre
•s de
de quatre par mois.
Ces indigènes
avaient encore une autre division qui n'avait rien de
•onimun avec
l'année, les mois et les quinlaines qu'on pourrait ap-
îelcr improprement
semaines. Elle était constituée par vingt signes,
ainsi qu'on peut le voir dans la table qui se trouve au revers de ce
feuillet. A chacun de ces signes étaient assignés treize jours, el ils
avaient tous la même durée, de sorte que leur révolution complète
formait deux cent soixante jours, c'est-à-dire cent cinq de moins
qu'une année. Celte manière de compter avait pour but de deviner les
événements de la vie de ceux qui naissaient. C'est une matière équi-
voque, car le calcul est mensonger,
n'ayant rien à voir avec l'astrologie
naturelle, puisque celle-ci se fonde sur les signes et planètes du ciel,
ainsi que sur leur aspect particulier et leur cours. Mais l'art divinatoire
prend pourpoint de départ des signes et des nombres qui ne se fon-
dent en rien de naturel et qui reposent seulement sur des artifices in-
ventés par le démon lui-même. Il n'est pas possible qu'un homme ait
la pensée d'un art pareil qui no prend pour base ni aucune révélation
écrite, ni aucune raison naturelle. On dirait une affaire de sorcellerie,
plutôt qu'une chose quelconque ingénieuse ou raisonnable. Quoi qu'il
en soit, cet art divinatoire, qu'on nommerait plus justement tromperie
diabolique, était grandement estimé. Ceux qui y étaient versés et en
faisaient usage étaient fort prisés et honorés, parce qu'ils prédisaient
'•'avenir et qu'ils passaient
pour sincères auxyeuxdu vulgaire, quoique
on réalité, ils ne parlassent juste que par hasard et en se trompant
eux-mêmes. Cet art ne compte ni par années, ni par mois, ni par se-
maines, ni par lustres, ni par olympiades, comme quelques-uns l'ont
ïévé el l'ont dit
en l'affirmant faussement.
Voyant que la table qui précède
sur l'art divinatoire est difficile à
comprendre et calculer, j'ai ajouté celle qui suit, parce qu'elle est plus
c 'l'i'e cl se prêle mieux à compter à la manière des Mexicains. Mais
ll»ûn n'aille pas croire
que c'est là un calendrier, attendu, comme cela
•'we déjà dit, qu'il ne s'agit que d'art divinatoire. Le véritable calen-
1101 ('cs indigènes
est celui qui a été placé au commencementdu se-
1,1 nvre, lequel
est très clair et très facile à comprendre, au moyen
h clu'es de l'alphabet qui
y figurent. D'un côté se voient les mois
'"'cains, de vingt
en vingt jours, et d'autre part, s'inscrivent les
292 HISTOIRE DBS CHOSES. DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.
nôtres qui sontdetrente jours, à un jour près. Les choses étant ain.
il est toujours très facile desavoir à quel mois et à queljour dcnou.'.
calendrier tombaient leurs différentesfêles. Quant à l'autre table re|;,
tive aux années, elle est placée au septième livre de celte histoire
c'est là qu'on la pourra voir, s'il plaît à Notre Seigneur que ce livi,j•
soit publié '.
Toutes ces tables, à l'exception de celle qui a été inscrite au commencement du secon'
1.
livre, ont été perdues. Les deux éditions de Buslamante et de Kingsboroug n'en inscrivent
aucune; mais il ne serait pas difficile de les établir. Voici comment, nous formerions |(.
tableau relatif aux vingt signes de l'astrologie judiciaire :
I" SIGNE. 5' O' 1«" lï-
Ce cipaclli. — acall. — coail. — olliu. — ail. •
Orne
Ei
ccatl.
calli.
— occloll.
— quauhlli.
— miquiztli.
— maçall.
—
—
Iccpatl.
quiauill. - ilzcnimli
-_ oi-omatli
Naui cueizpalliu. cozcaquauhlli — lochtli. xochitl. nialinalli
— — -. acoll.
Macuilli coati. ollin.
— tccpatl. — ail. — cipactli. —
Chiquacen miquizlli. — quiauill. — ilzcuintli. — ccall. — wclotl.
Cbicome maçatl. — — oçomalli. — calli. — quauliUi.
Chicuci tocluli. — xochitl. — malinalli. — cuctzpallin. — cuKcaqiiaulnli
Chiconaui ail. — cipactli. — acall. — coati. — ollin.
Mallaclli ilzcuinlli. — ccatl. occlotl.
— quauhlli. — miquiztli. — twnatl.
Matiaclli occ oçomatli. —-calli. — cozcaquauhtli — maçall. — quiauitl.
oinoinu malinalli. — cueizpalliu. — — lochtli. — xwliill,
— omet acall. — coall. — ollin. — ail. — cipaclli.
a« «• «©' **• i»
Ce occlotl. — miquiztli. — Iccpactl. ilzcuintli.
— oçomalli. — ccall.
Orne quauhlli. — maçall. quiauill.
— xochitl. — — calli.
Ei cozcaquauhtli. lochtli.
— atl. — cipaclli. — malinalli. — ciintznalliii.
Naui ollin. — ilzcuinlli. — — acall. — coall.
Macuilli Iccpatl. — — ccatl. — ocelot). —
niiquiztli.
Chiquacen quiauitl. — oçomalli. — calli. —
quauhlli. — marall.
Chk-ome xochitl. — malinalli. — cueizpalliu. —
cozcaquauhtli —
loclilli.
Chicuei cipactli. —acall. —coati. —ollin. —ail.
Chiconaui
Mallaclli
ccall.
calli. — occloll.
—quauhlli. — miquiztli.
—maçall. _—quiauitl.
iccpatl. —
—
ilzcuinlli.
oçomalli.
Mallaclli oce cuctzpallin — cozcaquauhlli — lochtli. — xochitl. —
nialinalli.
— omome coati.
miquizlli. — ollin. ail.
— ilzcuintli. — cipactli. — acall.
— omei — Iccpatl. — — ccall. — occloll.
a- » H- «5- 10'
maçall. — quiauitl. — oçomalli. calli.
Ce qnaulilli.
— ciii-lzpallin. — iwzcaqiiaiililli
Orne tochtli. — xochitl. — nialinalli. — —
Ei ail. — cipaclli. — acall. — coall. —
ollin.
Naui ilzcuintli. — ccall. — occloll. — miquiztli.
Icqiall.
— qiiiuiiill-
oçomalli.
Macuilli
malinalli. — calli. — quauhlli. — maçall. — xocliiil-
Chiquaccn — cuctzpallin. — cozcaquauhlli — lochtli. — cipaclli.
Chicomc acall. — coall. — ollin. ail.
— itzciiinlli. —
Chicuei occlotl. — miquizlli. Iccpatl. <'co1.'-
— — —
Chiconaui quauhtli. — macatl. — quiauill. — oçomalli. — ca'h-
Mallaclli cozcaquauhtli. —tochtli, —xochitl. —malinalli. —
cunlziialli"-
Matiaclli occ ollin. —coall.
— ail. — cipaclli. — acall. ni"!'"' 111'
— omome Iccpatl. — ilzcuintli. — ocail. — occloll. —
— omei quiauill. — oçomalli. — calli. — quauhlli. — ifiaça»-
*• «• IS" 1 O* »«.'
loclilli.
Ce xochitl. — malinalli. — cueizpalliu. cozcaquauhlli — •'•'
cipaclli. —
— ollin.
Orne — acall — coati. —
Ki ccall. — occlotl.
ilwimim-
. ,
Kaui calli. quanlilli. — miquizlli — lecpall. — oçomalli-
Macuilli cuctzpallin. —
cozcaquauhtli — maçall.
loclilli. — quiauill. — malin'""-
Chiquacen coati.
—
—ollin. — — xochitl. —
-acall.
Chicome miquizlli. — ail. •—cipaclli.
oci'loll.
Iccpatl. — ilzcuinlli.
Chicuei maçatl.
—
quiauill. — ccall. —
Chiconaui tochlli. — — oçomaiti. — calli. —-
<l"au .',.itli
«««•»lllli" '
— xochitl. — malinalli. — cuelzpallin. —
Mallaclli atl. —cipaclli. — a.-all. —coall. —
ollin-
Mallaclli oco itîCuinlH: lei'J"1'.'-
— ccall. — oceloil. — miquiztli. —
— omome oçomalli. — calli. — quauhlli. — maçall. — 'i1";'!1,
s»""''-
— onici malinalli. — cuctzpallin. — cozcaquauhlli — tochtli. —
PROLOGUE DE 1/AUTEUR
CHAPITRE PREMIER
Dans les temps -anciens, avant que les Espagnols vinssent dans ce
pays, les indigènes se basaient sur un grand nombre de présages pour
deviner l'avenir 1. En premier lieu, lorsque quelqu'un entendait une
bête féroce rugir dans les bois ou quelque bruit résonnant sur lu
montagne et dans les vallées, il en tirait un mauvais augure, prelen-
danty trouver l'annonce d'un malheur ou d'un désastre à bref délai,
comme par exemple : qu'il mourrait bientôt dans la guerre ou de ma-
ladie, que lui ou quelqu'un de ses fils serait fait esclave et que, en
résumé, une calamité, n'importe laquelle, devait tomber sur lui ou
sur sa maison. Ayant lui-même entendu ce qui motivait son augure.
il allait sans retard trouver ceux qui savaient les expliquer cl qu'on
appelait lonalpouhque. Cet augure ou deviii le consolait el cherchai!
à lui inspirer courage en lui disant : « Mon pauvre (ils, puisque lu
es venu chercher l'explicationdu présage dont tu as été témoin ; puis-
que tu prétends regarder dans le miroir qui explique ce qui l'épou-
vante, sache bien que c'est l'adversité et la peine que tu dois en au-
gurer. Ce n'est pas parce que je le dis que cela est ainsi, mais bien
parce que nos vieillards el nos aïeux l'ont écrit et prétendu. Lu signi-
fication de ton présage est donc que tu es destiné â te voir en la pau-
vreté et les peines, ou à être frappé de mort. Peut-être se fail-il que
celui par qui nous vivons se soit fâché contre loi et qu'il ne veuille plus
que tu vives davantage. Attends avec courage ce qui doit Le survcnii':
parce que cela est ainsi écrit dans les livres dont nous faisons usage
pour expliquer ces choses à ceux qu'elles concernent. Ce n'est pas moi
1. Plusieurs écrivains ont conservé los traditions indiennes concernant les augure--.lU
religieux en particulier, les traitant à bon droit comme dos superstitions, se soiiud'-10''"
à.les combattre d'en ont fait dans leurs concessionnairesl'objet de diverses quesMon» si'
la l'orme suivante: Cuix oliclclzamma oliclctzaiihillac in coati mixpan oq<u*- """•
oliclclzamma in nclepollamilizlli? Cuix noce olicmotcUahuiin çayolin qia<p"»<u' '
anoço calli nanalzea? «As-tu pris pour mauvais augure lorsque tu as vu un sci']i'-> I' .
saut devant loi? ou bien as-tu pris pour mauvais augure un beurt? Est-ce que 1" -^ * |;
regarde comme un mauvais présage quand la mouche bourdonne ou que lcs |J(":,
maison craquent ? »
DK LA NOUVELLE-ESPAGNE. 295
l'inspirer de la crainte, c'est le Seigneur Dieu lui-même qui
• is
'Ul
que cela
retombât sur toi. Il ne faut pas davantage accuser
î
il ne sait ce qu'il fait, puisqu'il est privé
il de Ion présage, car
n
•
vcniures :
la méchanceté de l'heure qui a présidé à ta naissance
,c
'mil actuellement ses
fruits en ta personne. Prends courage ; l'expé-
.- cC le
démontrera que c'est nécessaire : prépare-toi à tout souifrir
•>i'«n attendant, pleure et fais pénitence. Prête bien attention à ce que
•Vin dirai sur ce que tu dois faire pour porter remède à ta peine. Fais
chercher du papier, pour qu'on prépare l'offrande
hne pénitence; va
lu dois faire, achète-le en môme temps que de l'encens blanc, de
ne
Yulli cl les autres objets que
tu sais être nécessaires pour une offrande
pareille. Lorsque lu auras réuni ce dont nous avons besoin, tu vien-
dras le! jour qui est opportun pour
offrir ce qui convient au seigneur
dieu du feu. Alors tu t'adresseras à moi, parce que j'arrangerai moi-
même les papiers et tout le reste, dans les endroits et de la manière
qu'il convient de le faire pour cette offrande. C'est à moi qu'est ré-
servé le soin d'y mettre le feu et de le brûler dans la maison. » C'était
de celle façon que répondaient ceux" qui étaient consultés sur le sus-
dil présage.
CHAPITRE II
CHAPITRE III
in: I.'AUGOIU: QU'ILS RETIRAIENT nu FAIT D'ENTENDUK PENUANT LA NUIT DES COUPS
le de la plume
aussi molle que du coton ou quelques épines de
CS
c'était le signe qu'il lui arriverait quelque bonne fortune el
Ti5' prospérité. Mais si, par hasard, il trouvait sous son enveloppe
v
CHAPITRE IV
CHAPITRE ,V
CHAPITRE VI
L'animal que Ton appelle belette était pour les Mexicains une occa-
sion de frayeur cldc mauvais augure, quand ils la voyaient entrer dans
leurs maisons ou traverser devant eux le chemin ou la rue par où il>
passaient. Ils en retiraient la conviction intime qu'il pouvait leur
arriver quelque malheur; qu'ils obtiendraient un mauvais résultai s ds
se mettaient en voyage; qu'ils tomberaient entre les mains des vo-
I. Le texte do Buslamanto dit : Vclc de ahi, pulo; huz ahu<jci-ado cl cabcllu cu;»/"'-
lenyo de beber alla en cl In/lcrno? an tes de csln no puedo ir. ,
Mais Kingsborougha écrit le texte comme.suit: Vclc de ahi, pulo: has ttlnupr"'-' "
cubello conque le lenyo de ver alla en cl In/ierno '.' ailles de eelu no puedo ir.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 301
.- •
qu'on les tuerait, ou qu'on porterait contre eux quelque faux
oiô-nage. C'est pour cela que ceux qui rencontraient ce petit ani-
1 se
prenaient à trembler de peur; ils en avaient le frisson et leurs
I cveux se
dressaient sur leurs têtes. Il y en avait qui se pâmaient el
slaient interdits, dans la croyance que quelque malheur leur était
•
•éservé. Cet animal a, dans ce pays, la même forme qu'en Espagne et
1a
également le ventre et la poitrine blancs, tandis que tout le reste
du corps est roussâtre.
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
1)1" MAUVAIS AUGURE QUE LES MEXICAINS TIRAIENT DES FOURMIS, DES GRENOUILLES
ET DES SOURIS EN CERTAINS CAS.
•
Uackauia, épouvanter, vlmichin, souris.
304 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE XI
Lorsque pendant la nuit ils avaient quelque vision, ils s'en énoi
vantaient en pensant que c'étaient des fantômes de Tezcallipoca
ci-
ils en tiraient le mauvais augure que celui qui voyait ces choses de
vait mourir, ou être fait captif en temps de guerre. Si c'était un soldai
fort et valeureux, loin d'en éprouver de la frayeur, il marchait sur le
spectre, le saississait et lui demandait des épines de maguey les-
quelles, comme nous l'avons dit, sont un signe de force et de bra-
voure, assurant au possesseur la bonne fortune de faire autant dt
captifs qu'il aurait d'épines. S'il arrivait que celui qui voyait ces fan-
tômes fût un homme simple et de peu de savoir, il crachait dessus el
leur jetait des saletés. Il ne lui en résultait aucun bien, mais plutôt
des disgrâces et de l'infortune. Si c'était un timide qui les voyait, il per-
dait contenance, il tombait en faiblesse ; sa bouche se séchait au point
de ne pouvoir parler et peu à peu il s'écartait du spectre pour gagner
quelque endroit d'où il ne pût plus le voir. Quand il était en che-
min, il croyait toujours que le fantôme venait derrière pour le pren-
dre, et, quand il arrivait chez lui, il ouvrait vite la porte et, à peine
était-il entré, qu'il la fermait à l'instant. 11 se mettait ensuite n qua-
tre pattes pour passer en montant sur les gens qui dormaient déjà.
CHAPITRE XII
CHAPITRE XIÎI
1. Ce carnassier, très commun au Mexique, lait une guerre continuelle aux animaux
domestiques. 11 a la voracité du loup, la ruse du renard el la forme du chien. Aussi lui
donnc-t-on ces différents noms, ainsi que celui de chacal; mais il se distinguo do tous
ces animaux et forme, dans le genre chien, une espèce à part que Ton pourrait considérer
comme étant la transition du chacal au chien proprement dit; car le coyoll pousse des
cris prolongés qui rappellent celui du chacal et, on y ajoutant clos saccades de la voix i|iii
sont do véritables aboiements, il rentre dans l'originalité qui distingue l'espèce canine.
APPENDICE
DU LIVRE CINQUIÈME
INTRODUCTION DE L AUTEUR
I
DE h'omixocliill. — Il existe une fleur appelée omixochiil, d'une
odeur très agréable, qui ressemble au jasmin par sa forme el par
sa
blancheur. D'autre part, il y a une maladie semblable aux hémorroïdes
qui attaque les parties basses des hommes et des femmes. Les super-
stitieux de l'ancien temps disaient que ce mal provient d'avoir irop
senti le parfum de la Heur, uriné dessus ou de l'avoir foulée.
il
Du cuellaxochill. — Il existe une fleur appelée caellaxochill, appar-
tenant à un arbre dont les feuilles sont rougeàlres. D'autre part, il y
a une maladie qui attaque le clitoris des femmes et qui porte le
même nom que cette fleur. Les superstitieux anciens disaient que ce
mal provenait de ce que les femmes étaient passées sur celle Heur,
l'avaient sentie ou s'étaient assises sur elle. Aussi conseillait-on aux
filles de prendre soin de ne pas la sentir, et de ne pas s'asseoir ou
passer sur elle.
111
IV
DE
tecmncholhuilizlli 1, CE QUI VEUT DIRE: PASSER sur, QUELQU'UN.
—
superstitieux d'un autre temps disaient que si quelqu'un passait
le--:
sur un enfant
qui était couché ou assis, il lui enlevait la propriété de
croître et l'obligeait à rester toujours petit. Il y avait cependant un
remède à cela, disait-on : c'était de repasser dans le sens contraire.
VI
—
Ils avaient un autre préjugé relatif au boire : si deux frères allaient
boire et que le plus petit bût le premier, le plus grand lui disait :
«
Ne boispas avant moi: car si tu le fais tu ne croîtras plus: lu
resteras comme lu es actuellement. »
Vil
De FAIT DE MANGER A MÊME LE POT-AU-FEU.
— Ils avaient un autre
préjugé: si quelqu'un mangeait à même le pot-au-feu en y trempant
des soupes ou en y prenant la masamorra avec la main, ses parents
lui disaient:
« Si tu fais encore cela, tu ne seras jamais heureux à la
guerre cl Lu n'y captureras personne. »
VIII
Du lamaili CUIT. — Si lorsque lcstamalcs cuisaient dans la marmite,
quelques-uns s'y collaient comme fait quelquefois la viande, on disait
'llin la personne qui les mangerait ensuite, si c'était un homme, ne
ancenuf jamais bien les flèches dans le combat et que son épouse
naccoucherait pas heureusement; et si c'était une femme, elle serait
111,1 lieui'ouse
en couches, parce que son enfant se collerait à ses en-
trailles.
>s antif verbal tiré do cucncholkuia,sauter par-dessus (une personne ou une chose).
' " )slamir vc*al venant de alli, boire (t) do l'eau [ail).
310 HISTOIRE DES CHOSES
IX
X
DE LA FEMME ENCEINTE. — On disait que, pour qu'une femme en-
ceinte pût circuler pendantla nuit sans voir des spectres, il était in-
dispensable qu'elle portât un peu de cendre près de la peau sur le sein
ou sur la ceinture.
XI
XII
Du TREMBLEMENTDE TERRE. — Lorsque la terre tremblait, on s'em-
pressait de prendre les enfants par les tempes entre les deux mains
et on les élevait en l'air. On étaitdans la croyance qu'ils ne croîtraient-
plus et que le tremblement les emporterait, si on ne les soumettait
pas à cet usage. On avait aussi l'habitude, quand la terre tremblait,
d'arroser ses objets précieux avec de l'eau prise dans la bouche cl
projetée sur eux. On faisait de même sur les seuils de toutes les portes,
et l'on croyait que, si on omettait de le faire, le tremblement empor-
terait lotîtes ces choses avec lui. Les réfractaires à celle coutume on
étaient réprimandés par les autres. Lorsque le tremblement de lci'c
commençait, on poussait de grands cris interrompus par des batte-
ments de mains sur la bouche, afin que tout le monde remarqua1 <lll°
la terre était en mouvement.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 311
XIII
disaient que ceux qui posaient
lonamaz-lli1- — Les Mexicains
• I sur
le triple support, composé de trois pierres en rond, sur
- oa expose au
foyer le pot-au-feu, seraient malheureux à la
rre n'y
pourraient prendre la fuite et tomberaient entre les mains
1
l'ennemi. Aussi les pères et mères défendaient-ils à leurs fils de
marcher sur ce trépied.
XIV
Pi: LA
comalli. — Ils disaient que si la
TORTILLA QUI SE TORD SUR LE
lorlilla se tordait lorsqu'on la posait sur le comalli pour la cuire, c'était
un si°'nc
indiquant que quelqu'un allait arriver à la maison. Si le
mari de la femme qui cuisait le pain était absent, ce signe indiquait
qu'il allait venir, puisqu'il avait déjà lancé un coup de pied à la tor-
lilla qui se tordait.
XV
XVI
DE CELUI QUI disait que celui qui
S'APPUIE SUR UN POTEAU. — On
s'appuyait à des poteaux serait menteur, parce que les poteaux le
sont naturellement et communiquent celte propriété à ceux qui s'en
approchent; aussi les pères et mères défendaient-ils à leurs fils de
s'y appuyer.
XVII
bu FAIT prétendait que les jeunes
DE MANGER ÉTANT DEBOUT. — On
'"les qui mangeaient debout
ne se marieraient pas dans leur village,
mais ailleurs; c'est pour cela que les mères leur défendaient de
man-
ger en restant sur pied.
!" lcnama;lin. On donnait ce nom à trois enfants provenant d'une même gros-
s.c-, î°" l'0s^c.cl; l10lu' 'es trois pieds de la marmite, rattachant
ciré''
Quoi10U'^ ''°'is.'ouse! doiL
se sans doute à quelque
remonter au temps des pérégrinations des tribus mexicaines.
- qu il eu soil, il y ]jt su;el ,je u,j,s curjeuscs recherches.
a un
- •<» cspag,10i
raciale.
312 HISTOIRE DES CHOSES
XVIII
Du FAIT DE BRÛLER LES RAFLES DE MAÏS. — Lorsqu'il y avait dans
Un
maison une accouchée, on ne jetait pas au l'eu les rafles de maïs c'cs
à-dire ces sortes d'épis qui restent après qu'on en a retiré le "rain-
et qui s'appellent ololl. On disait que si l'on brûlait ces rafles dans
la maison môme, la figure du nouveau-né serait marquée de rousseurs
ou de petits trous. Pour que cela n'arrivât pas, si l'on était forcé de les
brûler, on les passait tout d'abord sur la figure de l'enfant sans lou-
cher les chairs.
XIX
DE LA FEMME ENCEINTE. — Les anciens laissèrent une autre su-
perstition : c'était que la femme enceinte devait bien se garder devoir
tuer quelqu'un par la corde ou le garrot; attendu que si elle le
voyait, l'enfant qu'elle portait dans son sein naîtrait avec une corde
en chair sur la gorge. On disait aussi que si la femme enceinlc- re-
gardait le soleil ou la lune au moment d'une éclipse, son enfant naî-
trait avec les lèvres fendues. C'est pour cela que ces femmes n'osaienl
nullement regarder ce phénomène, et lorsqu'elles s'y décidaient, pour
éviter que l'accident en fût la conséquence, elles se plaçaient sur le
sein, touchant à. la peau, un petit couteau de pierre noire. On disait
encore que si la femme enceinte mâchait du Uiclli 1, l'enfant qui vien-
drait ensuite au monde serait pris de molenlzoponiz 2, sorte d'embarras
de la respiration dont meurent les nouveau-nés. Ce qui cause cet ac-
cident, c'est que la mère, pendant que l'enfant telle, lui retire brus-
quement le bout du sein de la bouche cl lui fait ainsi au palais une
blessure qui devient mortelle. On avait aussi la croyance que si la
femme enceinte se promenait pendant la nuit, son enfant pleurerai!
beaucoup. Si c'était le père qui faisait ainsi des promenades nocturnes
et s'il voyait des fantômes, l'enfant viendrait au monde avec une ma-
ladie du coeur. Pour éviter cet inconvénient, la femme enceinte qui
sortait la nuit prenait soin d'enfermer sur son sein de petits cailloux,
un peu decendre du foyer ou de l'encens du pays appelé izlauhyall.L&
hommes se mettaient aussi sur le sein de petits cailloux ou dupic«W)
pour éviter les dangers que courait l'enfant qui était encore dans ic
ventre de sa mère. Si cela n'était pas fait, on croyait que l'enfant nai-
1. En espagnol cliiclo. , , -^
2. C'csl-à-dirc « la lèvre se piquera, so fendra »; de lenUi, bord, lèvre, bouclic, jw •
pi Izoponia cm Igopinia, piquer, percer.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 313
ivec une
maladie appelée ayomama ', avec une autre appelée du
i
'
de cuelzpaliciuiziïi 2 ou avec des
loupes aux aines.
!
XX
DE LA MAIN
avait eu autrefois et l'on a encore
D'UNE GUENON. — On
•miourd'hui, parmi les marchands de manias, la superstition d'avoir
la conviction qu'en la tenant avec soi aux
une main de guenon, avec
jours de vente, on
aurait à l'instant l'écoulement de sa marchandise.
Cela se pratique encore aujourd'hui. Lorsqu'ils n'ont pas réussi à
vendre leurs effets, ils y introduisent le soir, en rentrant chez eux,
deux piments, en disant qu'ils leur donnent du piment à manger pour
micces effets se laissent mieux vendre le lendemain.
XXI
XXII
—On disait que les souris connaissaient ceux qui vi-
!)ES SOURIS.
vaient en concubinage dans une maison. Elles allaient y ronger les
paniers, les nattes et les vases, annonçant ainsi qu'il y avait du conçu-
binage dans
ce domicile. On appelle cela llaçolli ''. Lorsque les souris
rongcaicnl: les jupons d'une femme, son mari comprenait qu'elle était
adullère ; si elles trouaient
au contraire la mauta du mari, la femme
le|Hiit pour certain qu'il était infidèle.
XXI 11
XXIV
DE LA GRÊLE.
— Lorsque quelqu'un possédait un plant de maïs, de
piments, de chian ou de haricots, et que la grêle commençait à tom-
ber, il répandait de la cendre dans la cour de sa maison.
XXVII
DES SORCIERS. — On disait que, pour que les sorciers n'entrassciil
point pour faire du dommagedans les maisons, il convenait de mcllre
de nuit un couteau de pierre noire dans une écuélle pleine d'eau der-
rière la porte ou dans la cour. Les sorciers s'y miraient et, en voyant
leur figure dans l'eau à côté du couteau, ils prenaient subitementla
fuite et ils n'osaient plus revenir dans celle maison.
XXVIII
DE CE QUI RESTE D'UN COMESTIBLE QUE LA SOURIS A DÉJÀ ROSGE' -^
On disait que si quelqu'un mangeait de ce qui avait déjà été ro]1o
0NGLES. —
disait que lorsque les Mexicains se coupaient
On
n
on^es, ils jetaient les rognures a l'eau, dans l'espérance que le
-
dit animal appelé auilzolli, qui aime
beaucoup les manger, les fe-
rait pousser plus vite.
XXX
DE L'ÉTERNUEMENT.—
On prétendaitque, lorsque quelqu'unéternuait,
celait le signe qu'on parlait mal de lui.
XXXI
XXXIII
XXXIV
"lclkM- prétendait que si la pierre à moudre, appelée
— On
JU
i'-"^ Ol'°''-C0 Y iïcrra, c'est un quadrupède amphibie qui habile principalement les
iwros
|:^ '"ides, (Apéndicc al dicoionario univevsal de hisloria y de geografia, lomo I.
iimv'rii ifcXi1C0' J8S5'' Lc
nom d'.li«7;o({ a été porté par le 8' roi do Mexico, prédécesseur
'" <lc MvUhhrunui II.
316 HISTOIRE DES CHOSES
nietlatl, se brisait pendant qu'on travaillait sur elle, c'était le sio-im
celle qui moulait ou quelqu'un de la maison devait mourir.
XXXV
XXXVI
Du BAIN était dans la croyance que si un ju-
ou icmazcalli*. — On
meau était près du bain quand on le chauffait, il le faisait refroidir
par sa présence, lors même qu'il était très chaud. L'effet était encore
plus sensible s'il était lui-même un des baigneurs. Pour porter remède
à cette influence, il frottait avec de l'eau l'intérieur du bain quatre
fois de sa propre main; d'où il résultait que, non seulement le refroi-
dissement n'avait pas lieu, mais que l'eau se chauffait davantage.
On disait, au sujet des jumeaux, que s'ils entraient dans un dénùl
de lochomtil, la couleur s'en trouvait altérée, et ce qui avait élé leinl
devenait taché, surtout si la couleur était rouge. Pour obvier à ecl
inconvénient, on lui faisait boire un peu du liquide qui servait à
teindre. On disait encore que si un jumeau entrait en un endroit on
l'on faisait cuire des tamalcs, il leur causait le mauvais oeil ainsi
qu'au pot oit ils se trouvaient, et il en résultait qu'ils ne pouvaient
plus cuire lors même qu'on les eût tenus sur le feu une journée entière-
Ils prenaient une couleur de métal jaune et restaient crus ou cuisaient
seulement par places alternatives. Pour empêcherce résultat, on taisait
que le jumeau entretînt lui-même le feu en mettant du bois sous le
pot. Si c'était devant lui qu'on niellait les tamalcs dans le pot-au-feu,
il fallait que lui-même en mît un, sans quoi ils refusaient de cuire.
XXXVII
DU MOMENT OÙ LES ENFANTS CHANGENT DE DENTS. — Oïl (lisait J
PROLOGUE
DU LIVRE SIXIEME
'"ions, que les livres en sont partout remplis. Celte même chose se
Manquait dans cette nation indienne, surtout parmi les Mexicains,
c )cz lesquels les rhéteurs
doctes, vertueux et de valeur étaient gran-
"lenl estimés. C'était parmi
eux qu'on choisissait les pontifes, qu'on
•'fui .es soigneurs, les administrateurs et les capitaines, quelle
que
nuniliié de leur naissance. Ces élus administraient la chose pu-
320 HISTOIRE DES CHOSES
blique, commandaientles armées et présidaient au service des Icirm]
Ils furent certainement éminenls en foules ces choses, très dévol-
leurs divinités, très zélés dans l'administration publique et d'u.',-
urbanité exquise entre eux. Ils furent cruels pour leurs eimom'-
humains et sévères pour leurs concitoyens. Je crois que ce fulàcaus'
de ces vertus qu'ils arrivèrent à la domination, bien qu'elle ait été
d
courte durée. Maintenant, ils ont tout perdu, ainsi que le verra clair-»
ment celui qui comparera le contenu de ce livre avec la vie qu'ils
mènent à l'heure présente. Je n'ai pas besoin d'en dire la cause iani
elle est manifeste. Ce livre mettra clairement en lumière que,
en
affirmant que lout ce qui est écrit dans les chapitres précédents cl
dans ceux qui suivent n'est que fiction et mensonge, les critiques oui
parlé le langage de la passion et se sont tenus à côté de la vérité. Ce
qui est écrit dans ce volume, en effet, il n'est pas donné à l'entende-
ment humain de le feindre; aucun contemporain ne pourrait nu rcslc
contredire le langage dont ily est fait usage, et je suis convaincuque,
si l'on interrogeait tous les Indiens intelligents, ils affirmeraient que
c'est bien là le langage de leurs aïeux, comme ce sont aussi véritable-
ment leurs oeuvres.
CHAPITRE PREMIER
DU LANGAGE IÎT DE L'EFFUSION DONT ILS FAISAIENT USAGE QUAND ILS ADRESSAIENT
LEURS PRIÈliES AU PRINCIPAL DIEU TcZ-CdllipoCa, EN TEMPS D'ÉPIDÉ.MIIÎ,
POUR OBTENU! QU'lL LA FÎT CESSER. C'EST UNE PRIERE EN USAGE PARMI
LES PRÊTRES, DANS LAQUELLE ILS LE CONFESSENT POUR DIEU TOUT-PUISSAXT,
NON V1S1RLE NI PALPABLE.
ILS Y FONT USAGE DE TRÈS BELLES MÉTAPHORES ET MANIÈRESDE PARLER.
-.,. 10nL
dans votre sein pour qu'elles ne fassent plus de ravage,
votre ressentiment s'arrête et rentre en lui-même. Nous n'é-
microns pas, en réalité, à la mort pour cela, puisqu'on ne saurait
]
l">vilcr en fuyant vers
n'importe quel refuge, car nous lui devons tous
rire tribut; nous sommes tous ses vassaux en ce monde et personne,
miisqu'clle est votre messagère, ne se refusera à la suivre quand elle
lui sera envoyée : messagère affamée, toujours dominée par la soif et
lenvic d'avaler quiconque vit en ce monde, et si puissante d'ailleurs
(iiril n'est pas de mortel qui puisse échapper de ses mains. Alors, le
jour viendra pour tous d'une justice conforme aux actions de chacun.
0 Scisrneur miséricordieux! ayez du moins pitié des enfants qui sont
au berceau et de ceux
qui, ne sachant encore courir, cherchent leurs
divertissements dans les petites pierres et les mottes de terre qui
leur servent de jouets. Ayez compassion aussi, Seigneur, des pauvres
les plus misérables qui n'ont ni de quoi manger, ni de quoi se cou-
vrir, ni un lit pour leur sommeil, ni la joie de savoir ce que c'est
qu'une bonne journée. Tous les jours sont pour eux des jours de
douleur, d'affliction et de tristesse.
Il conviendrait, Seigneur, que vous fissiez miséricorde aux soldats
et gens de guerre dont vous aurez un jour besoin. Mieux sera que,
mourant dans les combats, ils aillent au palais du soleil faire offrande
de boissons el de comestibles, au lieu de mourir maintenant de cette
peste et d'aller en enfer. 0 Seigneur très A'aleureux, appui de tous,
Seigneur de la terre, gouverneur du monde et maître du genre hu-
main! daignez vous contenter du passe-temps et de la joie que vous
avez cherchés dans le châtiment dont nous avons souffert; que celte
liunéc et ce nuage de votre colère
se dissipent et que le feu brûlant
île votre ressentiment s'éteigne; viennent maintenant la clarté et le
ciel serein, el
que les petits oiseaux de voire peuple commencent à
chanter et à s'éplucher
au soleil. Rendez à vos serviteurs les temps de
sérénité, pour qu'ils acclament votre nom, adressent leurs prières à
ou'c Majesté et apprennent à. vous connaître. 0 notre Seigneur très
valeureux, très miséricordieux et 1res noble! j'ai prononcé
ce peu de
"' devant Votre Majesté et je n'ai rien à ajouter il
y ; ne me reste
I' Uh qu'à me prosterner et
à me jeter à vos pieds en vous priant de
0 Pardonner l'imperfection de la prière
que je viens de vous adres-
1 ; car je
ne voudrais pas vivre dans la disgrâce de Votre Majesté.
10 n'»i plus
rien à dire.
324 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE II
CHAPITRE III
PRIÈRES
.vr'.r.rET DE L'EFFUSION DOiNT ILS FAISAIENT USAGE DANS LEURS
LA""'11"-'
pU
PRINCIPAL DIEU APPELÉ Tezcalhpoca, Yaotl,Necoc Yaotl, Monenequi1,
vu
DEMANDER SES FAVEURS ES TEMPS DE GUERRE CONTRE LEURS ENNEMIS ;
DÉLICIEUSES CHOSES.
C'EST UNE PRIÈRE DES SATRAPES, QUI CONTIENT DE
que Sahagun donne ici pour la première fois à Tezcallipoca, vient s'ajouter à
•
ti.(A.
e nom,
^
°UX 1U.' ontj déjà mentionnés et signifie : qui se fait prier, du verbe ncucqui,
clai'. GI' 0xi3er d°s prières. Le chapitre suivant en indique deux autres qui montrent
t'™? °e 8ran|i dieu était invoqué dans maintes occasions cl sous des dénoniina-
lion- Appropriées
•-> chaque fois aux Besoins des suppliants.
328 HISTOIRE DES CHOSES
autre fin que celle de servir d'aliment au soleil el à la terre par 1
sang et par leur chair. Mais, Seigneur, ne vous obstinez pas A
votre irritation à propos de ces nouveaux guerriers ; car, dans IV
droit où ils vont s'exposer à la mort ont succombé déjà beaucon
d'hommes nobles, seigneurs, capitaines et vaillantes gens ; parce
nlle
le coeur noble et généreux des hommes de rang élevé et des combat-
tants magnanimes est toujours prêt à se signaler; et là, Sci»neur
vous prenez soin de rendre manifeste le degré d'estime et d'excellence
dont chacun est digne, afin qu'il en ait la réputation et les honneurs
comme s'il était une pierre précieuse el un riche plumage. 0 Sei-
gneur très bon, Seigneur des batailles, empereur de tous, dont le
nom est Tezcallipoca, invisible et impalpable ! je vous supplie que
ceux qu'il vous plaira de laisser mourir dans celle guerre soient
reçus au ciel dans la maison du soleil, honorablement et avec
amour, et placés parmi les fameux et les braves qui sont morts
en combattant ; je veux dire les seigneurs Quîtzicquacptalzin
Maceulicalzin, Tlacanepantzin, Ixllilcuechauac, Ihuitllemoc, avec le
seigneur Chauacuelzin et tous les autres vaillants et fameux guerriers
qui ont péri clans la campagne précédente et qui en ce moment font
la joie de notre maître le soleil dont ils jouissent, comme d'une ri-
chesse destinée à ne jamais avoir de fin, en absorbant sans cesse le
doux parfum des fleurs les plus suaves et les plus délicates. Tel esl
le divertissant séjour destiné aux braves qui sont morls en combat-
tant; ils s'y enivrent de plaisir; là, ils oublient de tenir compte do la
succession du jour et de la nuit, des années et du temps, parce que
leurs jouissances et leurs richesses n'ont pas de fin ; les fleurs qu'ils
savourent ne se fanent jamais ; elles sont douces et suaves el c'est
pour les conquérir que les hommes de bonne race se sont efforcés de
mériter la mort. En somme donc, ce que je demande à Votre Majesté,
qui est notre Seigneur secourable et'notre empereur invisible, c'csl
qu'il vous plaise que ceux qui vont mourir dans celte guerre
soient reçus avec des entrailles de pitié et d'amour par notre père
le soleil et notre mère la terre, parce que seul vous vivez et régnez
et vous êtes notre bon Seigneur.
Je ne vous prie pas seulement en faveur des personnages élevés,
généreux et nobles, mais aussi pour tous les autres soldats dont le
coeur est affligé et tourmenté et qui élèvent la voix en votre présence
en vous acclamant, sans faire aucun cas de leur vie, désireux de s c-
lancer sans nulle crainte sur l'ennemi avec l'unique ambition de mou-
rir. Accordez-leur quelqu'une des faveurs auxquelles ils aspirent -
c'est-à-dire, un peu de repos cl de tranquillité s'ils doivent rester dans
cette vie; et, s'ils n'y devaient jouir d'aucune chance, daigne/, le*
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 329
CHAPITRE IV
1. Tcijocoijani, <>qui est le créateur des hommes» ; substantif verbal tiré de IJOCOIJC,
mer, fabriquer, créer; —Teimalini signifie celui qui dirige les gens ou disposed eu.,
imati, régler, déterminer.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 331
CHAPITRE V
Notre Seigneur, Votre Majesté sait déjà que N... (ici le nom) est mort;
Vous l'avez placé sous vos pieds où il repose dans son recueillement.
Il est allé, par le chemin que nous devons tous parcourir, au palais
de notre résidence future, demeure de perpétuelles ténèbres qui n'a
ni fenêtre ni lumière. Le voilà plongé clans le repos où personne ne
viendra le tourmenter. Il a accompli sa lâche ici-bas en vous ser-
vant pendant quelques jours et années, non sans avoir à se! repro-
cher des fautes et-des offenses envers Votre Majesté. Vous lui avez
donné à goûter dans ce monde un peu de vos douceurs et de vos
suavités en les faisant passer devant ses yeux comme ùii feu follet qui
s'évanouit à l'instant: c'est-à-dire la dignité du poste où vous l'aviez
placé et dans lequel il a été quelques jours à votre service, prosterné,
en pleurs, et soupirant des oraisons dévotes devant Votre Majesté. 0
douleur ! il s'en est allé déjà où réside notre père el noire mère, le
dieu de l'enfer, celui-là même qui tomba la tête en bas dans le feu
où il a soif et faim de nous emporter tous, criant jour et nuit au
milieu de grands tourments et demandant qu'on y aille en grand
nombre l'accompagner. Notre N... (ici le nom du défunt) est déjà avec
lui, en compagnie de tous ses prédécesseurs dans le gouvernement
de ce royaume, dont l'un d'eux fut Acamapichlli* et, entre autres,
CHAPITRE VI
0 notre très bon Seigneur qui ombragez tous ceux qui vous appro-
chent, comme l'arbre qui s'étend grandement en hauteur et en lar-
geur! Vous êtes invisible et impalpable et nous sommes dans la
croyance que votre regard pénètre les pierres et jusqu'au coeur des
arbres, voyant clairement ce qui s'y trouve caché. C'est pour la même
raison que vous voyez et comprenez ce qui est dans nos coeurs et
dans nos pensées. Devant vous nos âmes sont comme un peu de
fumée ou de brouillard, qui s'élèverait de la terre. Aussi ne sauriez-
vous ignorer les actions et les manières de vivre de N... (ici le nom du
roi). Vous>oyez et connaissez ce qui le concerne aussi bien que les
causes de son orgueil et de son ambition. Vous savez qu'il possède
un coeur dur et cruel et qu'il fait usage,de la dignité que vous lui avez
confiée comme l'ivrogne delà boisson et le fou de la jusquiame 1.
1. Ici l'auteur dit ; como et loco de los beleiîù&. J'ai traduit bckflos par jusquiame parce
que c'est, en effet, la véritable signification du mot. Mais je crois que Saliagun lui donne
dans ce passage une signification plus étendue qui embrasserait toutes los solanées vircuses
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 337
C'est que la richesse, les grandeurs et l'abondance, qui passent
comme un songe et que vous lui avez données sur votre trône dont il
est en possession, tout cela lui enlève son bon sens, le rend superbe,
l'agite et lui est une occasion de folie, de même que celui qui s'ha-
bitue à manger de la jusquiame en perd la tète. Quant à celui-ci, la
prospérité a été cause qu'il méprise tout le monde et qu'il n'estime
personne. On dirait que son coeur s'est armé d'épines très aiguës qui
se voient aussi sur sa physionomie ; et il y paraît bien dans sa manière
de vivre et de parler, car il ne fait ni ne dit quoi que ce soit qui donne
du contentement aux autres. Il ne prend souci de personne et n'écoute
aucun conseil; il vit à sa fantaisie et comme il lui plaît. 0 notre très
bon Seigneur,>outien de tous, pourvoyeur de toutes choses et créateur
universel ! Il est très certain qu'il est devenu désordonné et pareil à
un fils ingrat oubliant les bienfaits de son père ; il est comme un
ivrogne sans cervelle. Les grâces que vous lui avez faites et la dignité
dans laquelle vous l'avez placé ont été l'occasion de sa perte.
Outre tout ce qu'on vient de dire, on peutlui attribuer une autre chose
bien répréhensible et bien dangereuse, c'est qu'il n'est pas dévot; il
n'adresse point d es prières aux dieux ; il ne pleure pas en leur présence ;
ses péchés ne l'attristent nullement et ne le font pas soupirer, et cela
provient de ce que.les vices lui ont fait perdre le bon sens, comme
cela arrive aux ivrognes. Il va comme une personne inoccupée, vide
et très désordonnée; il n'a le respect ni de ce qu'il est, ni de l'emploi
qu'il exerce. Il est certain qu'il déshonore et couvre de honte les di-
gnités et le trône qu^il occupe et qui sont les vôtres, tandis que cette
situation devrait être très honorée et révérée, attendu que c'est d'elle
que dépendent la justice et la droiture des jugements qui doivent
assurer l'appui et la bonne administration de votre peuple; car vous
êtes le protecteur de tous et vous devez empêcher que les gens de
rang inférieur soient victimes des insultes et de l'oppression des
grands, en même temps que vous assurerez le châtiment et l'humi-
liation de tous ceux qui manquent de respect pour le trône et la di-
gnité qui sont les vôtres. Quant aux marchands, qui composentla
classe à laquelle vous donnez plus volontiers vos richesses, — eux
qui voguent et courent par monts et par vaux, cherchant, au milieu
des larmes, vos dons, grâces et présents, dont vous êtes avare et que
vous donnez seulement à vos amis, — ils reçoivent, comme tous les
dont les effets toxiques sont identiques. Selon toute probabilité, les plantes dont les
Mexicains faisaient usage, comme les Chinois de l'opium, pour se procurer dos hallucina-
tions volontaires, appartenaient au groupe des stramoines. Peut-être était-ce do préférence
ta pomme épineuse {datura slramonium)qui croît en abondance dans
presque tout le
Mexique et môme
aux environs de Mexico. Voy. livre XI", chap. vu.
22
338 HISTOIRE DES CHOSES
autres, un bien grand dommage de la négligence qu'il apporte à faire
son devoir comme il devrait. 0 Seigneur! non-seulement il vous
déshonore par tout ce qu'on vient de dire, mais il continue à le faire
encore lorsque nous nous réunissons pour entonner vos cantiques
afin de demander vos dons et vos grâces, chanter vos louanges,
adresser nos prières et fournir aux tristes, aux affligés et aux pau-
vres l'occasion de se consoler et de prendre courage, et aux gens de
caractère faible la force de se ranimer pour oser affronter la mort
dans les combats. Dans ce lieu saint et si digne d'être révéré cet
homme se rend coupable de dérèglements ; il porte atteinte à la dévo-
tion; il dissipe ceux qui vous servent et vous honorent, tandis que
c'est là que vous prenez plaisir à réunir et à signaler ceux qui sont
vos amis, quand ils chantent vos louanges, semblable au pasteur qui
marque ses brebis. Et puisque vous, Seigneur, vous savez que tout
ce que j'ai dit en votre présence est bien la vérité, vous ferez selon voire
sainte volonté et bon plaisir de votre coeur, pour porter remède à
cette situation. Du moins, Seigneur, châtiez-le de façon à le rendre un
exemple pour les autres, afin qu'ils n'imitent pas sa mauvaise con-
duite. Que ce soit de vous que le châtiment lui arrive, soit par ma-
ladie, soit par une autre calamité quelconque; ou bien enlevez-lui
son gouvernement, pour mettre à sa place un de vos favoris qui soil
humble, dévot et pénitent. Des gens de ce mérite ne vous manquent
pas; vous en avez en grand nombre, tels qu'il les faut pour ce rang
élevé. Us vous attendent, vous acclament, et ils vous sont connus en
leur qualité d'amis et serviteurs fidèles qui viennent soupirer et
pleurer chaque jour en votre présence. Choisissez-en un parmi eux,
pour l'élever à la dignité suprême du royaume. Faites l'expérience
de sa valeur."
A quelle résolution s'arrêtera Votre Majesté parmi celles qui 'vien-
nent d'être dites? Voulez-vous lui enlever le gouvernement, les di-
gnités et les richesses qui l'enorgueillissent, et les donnera quelqu'un
qui soit dévot et pénitent, qui vous prie avec humilité et qui soit ha-
bile, de bon caractère, humble et obéissant? Ou bien vous plairait-il
que cet homme, que vos bienfaits ont rendu superbe, tombe dans la
pauvreté et la misère, comme un de ces malheureux campagnards
qui ont de la peine à gagner leur manger, leur boisson et leurs vête-
ments ? Ou encore, Votre Majesté voudrait-ellefaire que, pour châti-
ment, il devienne perclus de son corps ou que ses membres tombent
en pourriture? Ou bien serait-ce, par hasard, que vous voudriez l'en-
lever de ce monde par la mort de son corps et qu'il aille en enfer dans
la maison des ténèbres et de l'obscurité, où nous irons tous et où se
trouvent notre père et notre mère, le dieu et la déesse de l'enfer? Il
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 339
me semble, en réalité, que c'est cette dernière mesure qui lui con-
vient le mieux, pour que son coeur et son corps s'y reposent en com-
pagnie de ses aïeux qui s'y trouvent déjà. 0 notre Seigneur très se-
courable, qu'est-ce que votre coeur désire le mieux? Que votre volonté
soit faite; dans la prière que je fais à Votre Majesté je ne suis mû
ni par l'envie, ni par la haine. Ce n'est pas dans de tels sentiments
que j'ai cherché votre présence. Je n'y suis poussé que par le pillage
et les mauvais traitements dont les gens du peuple sont victimes, au
détriment de leur paisible prospérité. Je ne voudrais pas, Seigneur,
provoquer votre colère et votre indignation contre moi, qui ne suis
qu'un homme bas et grossier. Je n'ignore pas, Seigneur, que vous
lisez dans tous les coeurs et connaissez les pensées de tous les mortels.
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
sous le nom de Chichimèqucs les peuplades sauvages vivant sur les limites septentrionales
du Mexique.
1. Ailleurs, Sahagun a dit que Mixcoatl était le dieu des Otomis en particulier. Il y a
lieu de se rappeler que ces tribus sauvages reconnurent au XVe siècle la souveraineté des
princes Chichimèques à'Acolhuacan. Les deux passages se concilient donc parfaitement.
Voy. ci-dessus, p. 146.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 345
sont défigurés et d'un jaune terreux, et je ne parle pas seulement de ceux
qui commencent à marcher, mais même des plus jeunes, qu'on lient
encore au berceau. Personne n'a pu se soustraire aux douleurs et
aux tribulations de la famine existante ; les animaux, les oiseaux eux-
mêmes sont dans le besoin, à cause de la grande sécheresse que nous
avons. C'est pitié de voir les oiseaux, dont quelques-uns ont les ailes
tombantes et traînant par terre par suite des privations ; d'autres
tombent ne pouvant se tenir sur pieds; d'autres encore tiennent leur
bouche ouverte aspirant à manger et à boire. Pour ce qui est des
autres animaux, ô Seigneur ! c'est douleur de les voir marcher en tom-
bant de besoin, léchant la terre, la langue pendante, la gueule ou-
verte, haletant de faim et de soif. Tout le monde perd la tête et s'en
va mourant faute d'eau; tous périssent et il ne restera bientôt plus
personne. C'est aussi une grande douleur, Seigneur, de voir partout
la surface du sol desséchée et ne pouvant plus produire ni herbe, ni
arbre, ni chose quelconque qui pût servir de nourriture. Au lieu de
nous servir de père et de mère, à son habitude, en nous nourrissant
avec les subsistances ordinaires, herbes et fruits qui s'y produisaient
auparavant, la terre aujourd'hui laisse tout se perdre. On dirait que
les dieux Tlaloque ont tout emporté avec eux et l'ont caché dans leur
demeure, qui est le paradis terrestre.
« Seigneur, toutes les choses dont vous aviez l'habitude de faire
largesse, qui nous faisaient vivre et maintenaient en joie, qui sont le
soutien et l'allégresse de tous et peuvent être comparées auxémeraudes
et aux saphirs, tout cela a disparu et fui loin de nous. Seigneur, dieu
des subsistances et donateur très bon et très compatissant! Qu'avez-
vous résolu de faire de nous ? Nous avez-vous enlevé absolument votre
appui? Votre colère et votre indignation ne s'apaiseront-elles pas?
Avez-vous déterminé de perdre tous vos serfs et vassaux et de laisser
dans la désolation et la solitude votre ville, royaume ou seigneurie?
Est-il déjà résolu qu'il en sera ainsi? Cela est-il définitivement
décidé dans le ciel et en enfer? 0 Seigneur! du moins accordez-
nous que les enfants innocents qui marchent à peine et ceux qui
sont encore au berceau aient les choses indispensables à la nour-
riture, afin qu'ils vivent et qu'ils ne périssent pas en cette grande
disette. Qu'ont-ils fait, ces pauvres malheureux, pour qu'ils soient
affligés et meurent de faim ? Ils ne se sont rendus coupables d'aucune
offense; ils ne savent pas ce que c'est que pécher et ils n'ont offensé
ni les dieux du ciel ni ceux de l'enfer. Si nous avons manqué à nos
devoirs de plusieurs manières et si nos offenses sont arrivées jus-
qu'an ciel et jusqu'en enfer, si les puanteurs de nos péchés se sont
étendues jusqu'aux confins de la terre, il est juste que nous soyons
346 HISTOIRE DES CHOSES
détruits et qu'il ne reste rien de nous; nous n'aurons rien à dire pour
nous excuser et nous défendre de ce qui a été résolu contre nous au
ciel et en enfer. Que cela soit fait; soyons tous perdus sans retard;
mais ne restons pas condamnés à des douleurs si prolongées ; car ce
que nous supportons à cause du manque d'eau est encore plus cruel
que de brûler dans les flammes. C'est en effet chose horrible que le
tourment delà faim: nous sommes comme le serpent qui, agacé par le
désir de dévorer, avale sa salive, haletant du besoin de manger, et
siffle pour que vienne à lui ce qui fait son besoin; c'est chose terri-
fiante de voir son angoisse tandis qu'il demande à manger. La fa-
mine dont nous souffrons est arrivée au même degré d'intensité que
le feu qui brûle en scintillant et lance des étincelles.
« Qu'il soit fait, Seigneur, comme nos aïeux nous l'ont prédit : que
le ciel tombe sur nous; viennent les démons tzilzimime1,lesquels doi-
vent un jour détruire la terre avec tous ceux qui l'habitent, afin
que le monde entier soit couvert d'obscurité et de ténèbres et
qu'il n'y ait plus d'habitants nulle part. Les vieillards, nos aïeux,
en effet, ont su et nous ont transmis de bouche en bouche que
la fin du monde doit arriver lorsque la terre sera fatiguée de
produire des créatures. Seigneur! ce serait pour nous un régal et
un délassement que cet événement tombant sur nous tous qui
existons actuellement. Malheureux que nous sommes ! Qu'il vous
plaise, Seigneur, envoyer une peste provenant du dieu de l'enfer,
qui nous achève sans délai! En pareil cas, peut-être la déesse des
subsistances et le dieu des moissons prendraient-ils soin de nous
laisser quelques friandises pour que les défunts pussent remplir
leurs besaces et faire ainsi le chemin de l'enfer. Plût au ciel qu'au lieu
de celle tribulation nous eussions celle de la guerre, laquelle procède
de l'influence du soleil et se réveille avec force et puissance sur la
terre; car alors les soldats et vaillantes gens, belliqueux et puissants,
ressentiraient une grande joie en se voyant dans la bataille, attendu
qu'il y meurt bien des hommes; le sang coule en abondance; la terre
se couvre de corps morts, d'ossements et des têtes des vaincus, elle
sol disparaît sous la masse des cheveux qui pourrissent! Rien de cela
n'inquiète, parce qu'on sait que les âmes des défunts vont dans le
palais du soleil, où l'on chante ses louanges avec des voix réjouis-
santes; là, on passe son temps à humer avec délices les parfums va-
riés des fleurs; là encore, sont glorifiés tous les braves et gens de va-
leur morts dans la bataille. Les enfants d'un âge tendre qui ont péri
par la guerre sont présentés au soleil, propres, embellis et resplcn-
1. Pluriel de tsilzimitU
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 347
dissants comme une pierre précieuse. Et pour que le chemin se fasse
jusqu'à l'astre brillant, votre soeur, la déesse des subsistances prend
soin de les munir de la besace qu'ils doivent emporter, parce que
celle provision des choses nécessaires est la force, le guide, le bour-
don de voyage de tous les habitants du monde, et sans elle on ne
saurait vivre.
« Mais cette famine dont vous nous tourmentez, ô notre bon Sei-
gneur, est si affligeante et si intolérable que les tristes macehuales ne
la peuvent supporter et qu'ils meurent le plus souvent sans autre
maladie. Et ce ne sont pas les hommes seulement qui se ressentent
de cette calamité, mais encore tous les animaux. O Notre-Seigneur
1res miséricordieux, Seigneur des légumes, des gommes et des herbes
odorantes et médicinales, je vous supplie de vouloir bien jeter des
regards de compassion sur les habitants de votre ville, royaume ou
seigneurie : tout le monde se perd et court le risque d'arriver à sa
fin. Les animaux eux-mêmes disparaissent et se consument sans
qu'on y puisse porter remède. Et puisqu'il en est ainsi, je vous prie
de vouloir bien expédier les dieux qui donnent les subsistances, les
pluies et les orages, et qui sont les seigneurs des herbes et des grands
arbres, afin qu'ils viennent exercer leur mission sur ce bas monde.
Que la richesse et. la prospérité de vos trésors s'ouvrent sur nous!
Que les grelots d'allégresse qui ornent les bourdons des dieux de l'eau
s'agitent et entrent en mouvement et que ces dieux s'empressent de
chausser leurs cotaras d'ulli pour cheminer avec célérité! Favorisez,
Seigneur, de votre aide le dieu de la terre, ne fût-ce que par une
pluie légère, car c'est lui qui nous nourrit et nous entretient lorsque
l'eau ne manque pas. Qu'il vous plaise, Seigneur, soulager le maïs,
les épis verts elles autres subsistances aussi nécessaires que désirées;
ils sont semés et plantés dans les sillons et ils y souffrent les tour-
ments du besoin, faute d'humidité. Faites en sorte, Seigneur, que
noire peuple reçoive de votre main cette grâce et celte faveur; qu'ils
aient la chance de voir les légumes renaître et dejouirde la fraîcheur,
biens inestimablesqui sont comme des pierres précieuses. Le vrai fruit
et la substance des dieux Tlaloque, ce sont les nuages qui les accom-
pagnent et qui répandent la pluie sur nous. Trouvez bon, Seigneur,
que la joie renaisse parmi les quadrupèdes, les herbes, les vola-
tiles et les oiseaux au plumage précieux, tels que le quecholli et le
çaquan: que ceux-ci voltigent, chantent et sucent les herbes et les
fleurs, mais non point au milieu du tonnerre et des éclairs, qui sont
la manifestation ordinaire de vos colères ; parce que, si nos seigneurs
Tlaloque venaient accompagnés de la foudre et des éclairs, comme les
'macehuales sonl amaigris et tous les habitants affaiblis par la faim.
348 HISTOIRE DES CHOSES
ils s'épouvanteraient et seraient saisis de frayeur. S'il en est qui
soient déjà destinés à aller au paradis terrestre après avoir péri par
la foudre, que ce soit seulement ceux qui souffrent, et qu'il ne soit fait
aucun dommage ni préjudice à autres personnes quelconques, pas
même parmi celles qui se trouvent éparpillées sur les montagnes et,
par les prairies. Qu'il n'arrive point de mal non plus aux arbres,
aux magueys et aux autres plantes naissant de la terre et nécessaires
à la vie, à la subsistance et au bien-être des pauvres gens malheureux
et abandonnés qui ne peuvent se procurer qu'à grand'peine les ali-
ments indispensables au soutien de leur existence et qui errent morts
de faim avec le ventre vide et collé à l'échiné. 0 Seigneur très bon,
très généreux, donateur de toutes les subsistances ! soyez assez bon
pour porter la consolation sur le sol et sur toutes les choses qui
vivent à la surface de la terre. C'est en soupirant et le coeur opprimé
par l'angoisse que je vous appelle et prie, vous tous qui êtes les dieux
de l'eau, qui vous trouvez à l'orient, à l'occident, au septentrion et au
midi du monde, qui habite/ dans les concavités de la terre, dans les
airs, sur les montagnes ou clans les cavernes profondes; venez tous
consoler ces pauvres gens et arroser la terre, parce que ceux qui
l'habitent, hommes, quadrupèdes et volatiles, ont leurs regards fixés
sur vous et mettent leurs espérances en vos divines personnes. 0 nos
Seigneurs ! qu'il vous plaise venir! »
CHAPITRE IX
DU LANGAGE ET DE L'EFFUSION DONT LE ROI FAISAIT USAGE APRÈS QU'IL ÉTAIT ÉLU,
AFIN DE RENDRE GRACE A TeZCalKpOCa POUR L'AVOIR ÉLU ROI,
ET AFIN DE LUI DEMANDER LA FAVEUR DE SES LUMIÈRES POUR BIEN REMPLIR
SON EMPLOI ;
ON L'ENTEND S'HUMILIER DE DIVERSES MANIÈRES.
1. I.e nacochlli est le pendant ou boucle d'oreille ; — le tenlell, ou pierre de la lèvre, est
la pierre précieuse on forme de boulon que les chefs indiens mettaient au-dessous do la
lèvre inférieure fendue à cet effet:—le llalpiloni servait à lier les cheveux, do ilpia,
lier, attacher; malemecall est le bracelet, ordinairement en or; de maill,
— enfin le
main, bras, et lemccall, corde dure.
352 HISTOIRE DES CHOSES
J'aurai tout cela à traverser parmi les soins que vous me confiez en
me donnant votre trône et vos dignités.
« Notre très bon Seigneur! je vous prie de m'éclairer de vos lumières
pour que je ne marche pas dans l'erreur, pour que je ne m'égare pas et
que mes sujets ne crient pas après moi. Notre-Seigneur plein de pitié
vous m'avez choisi pour être le dossier de votre siège et votre instru-
ment, sans que j'eusse rien fait pour le mériter. Me voilà devenu votre
bouche, votre visage, vos oreilles, vos dents et vos ongles, quoique
je ne sois qu'un pauvre homme; je veux dire que je ne suis pas
digne d'être votre image et de représenter votre personne. Et cepen-
dant, les paroles que je dirai doivent être reçues avec la même estime
que si elles venaient de vous; mon visage et mes oreilles doivent
être tenues pour vôtres, et les châtiments que j'ordonnerai doivent
être considérés, comme venant de vous. C'est pour cela que je vous
prie de me pénétrer de votre esprit et de faire résonner en moi vos
paroles, pour que tout le monde leur obéisse, sans que personne y
contredise. »
Celui qui dit celte prière devant le dieu Tezcaltipoca se tient debout,
les pieds joints et le corps incliné vers la terre. Les plus dévots sont
nus et, avant de commencer à prier, ils offrent du copal au feu, ou
font quelque autre sacrifice. S'ils sont couverts de leur mania, ils en
• placent le noeud sur la poitrine de manière à tenir découverte la partie
antérieure du corps. Quelques-uns,pour dire cette prière, s'asseoienl
sur leurs talons et placent le noeud de la mania sur l'une des épaules;
on appelle cela moquichtlalia*.
CHAPITRE X
1cmps sans doute, c'était leur plus grand titre à l'élection, à en juger par les peintures
mexicaines qui distinguent les monarques et chefs en figurant, par quelquessignes, des
paroles sortant do leur bouche. Aussi le grand seigneur, d'origine illustre, portait-il le
nom de llalocapilli, de même que les chefs et les caciques s'appelaient tlaloque, terme
dérivant, comme llaloani, do tlaloa, parler, discourir, haranguer.
23
354 HISTOIRE DES. CHOSES
plus grand zèle pour le bien du royaume. El maintenant, ô notre très
humain seigneur ! Si nous ressentons un grand contentement et une
grande allégresse, c'est que le Dieu par qui nous vivons nous a
donné dans votre personne un rayon resplendissant de son soleil. Son
doigt se tourne vers vous pour vous signaler et il a écrit votre nom
en lettres rouges : il est ainsi résolu en haut et en bas, dans le ciel
comme en enfer, que vous soyez le seigneur et que vous possédiez le
siège, l'estrade et la dignité de ce royaume, comme étant le fruit
émané des racines de vos prédécesseurs, qui le plantèrent solidement
dans les temps reculés.
« C'est vous, seigneur! qui devez supporter le lourd fardeau de ce
gouvernement; c'est vous qui devez succéder aux seigneurs dont vous
êtes la progéniture, pour vous mettre sous le poids qu'ils ont porté;
c'est vous, seigneur! qui. devez assumer sur vos épaules le lourd souci
de régir ce royaume. Notre-Seigneur Dieu met dans vos bras et asseoil
sur vos genoux la haute dignité qui consiste à administrer et gou-
verner les gens du peuple, qui sont irascibles et capricieux. Vous
aurez à les alimenter et à les satisfaire pendant quelques années,
comme on fait pour les enfants au berceau. Vous aurez à les tenir
fous sur vos genoux et dans vos bras; et il vous faudra les caresser
et leur murmurer des chansons pour les endormir pendant tout le
temps que vous vivrez en ce monde. 0 notre seigneur sérénissime
cl très précieux, le ciel et l'enfer ont réfléchi et porté leur jugement,
d'où il résulte que ce sort est le lien : sur toi est tombée l'élection de
Notre-Seigneur Dieu souverain. Pourrais-tu par hasard te cacher ou
l'enfuir? Pourrais-tu te soustraire à cette sentence? Glisseras-tu dans
ses mains et lui déroberas-tu ta personne? Quel cas fais-tu de Dieu
Notre-Seigneur? En quelle eslime ticns-lu les hommes qui t'ont élu
et qui sont des seigneurs illustres et de rang élevé? Quel est ton
sentiment sur les rois et seigneurs qui t'ont désigné, marqué cl
élevé à ce rang par l'inspiration et l'ordre de Notre-Seigneur Dieu,
dont le choix ne peut s'annuler ni s'altérer, puisqu'il est d'ordre
divin et que de là découle que lu sois nommé pour être le père de ce
royaume? Et puisqu'il en est ainsi, seigneur, efforce-loi, prends
courage, attache à ton épaule la charge qu'on te confie cl, qui t'est
recommandée. Que la volonté de Notre-Seigneur s'accomplisse! Peut-
être la garderas-tu pour longtemps, peut-être aussi seras-tu arrêté
par la mort, et ton élection s'évanouira-t-clle comme un songe.
« Prenez garde, cependant, d'être ingrat et de faire peu de cas dos
bienfaits de Dieu qui voit tous les secrets, de peur qu'il ne lance sur
vous quelque châtiment de son choix, qu'il n'en arrive à la volonté
.
de te faire disparaître^ de l'envoyer errer par les montagnes et les
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 355
savanes, de te faire tomber dans la boue el l'ordure, ou de te rendre
victime de quelque événement désagréable et honteux. Peut-être seras-
Ui accusé
de quelque infamie ou Dieu permettra-t-il des discordes,
des troubles dans ton royaume pour que tu en arrives à l'abattement
0u au
mépris. Peut-être aussi seras-tu vaincu par quelques rois qui
t'abhorrent et qui te feront la guerre. Peut-être enfin la Majesté divine
permettra-t-elle que le besoin et la famine envahissent ton royaume.
Oue feras-tu si, de ton temps, ton royaume est détruit, ou si Notre-
Seigneur Dieu décharge sur loi sa colère par l'envoi d'une grande
peste? Que feras-tu si lu vois ta ville ruinée et ta splendeur faire
place aux ténèbres? Que feras-tu si la désolation tombe devant
toi dans ton royaume? Et qu'adviendra-t-il si la mort t'atteint inopi-
nément ou au début de ton règne, ou même si, avant que tu le
commences, Notre-Seigneur te détruit et te met sous ses pieds? Quoi
encore, s'il envoie subitement contre toi des ennemis venant du côté
des déserts, des plages de la mer ou d'au delà des montagnes ou des
savanes solitaires, lieux sur lesquels s'engagent d'ordinaire les com-
bats et se répand le sang dont s'abreuvent la terre et le soleil? Car
Dieu tient en réserve un nombre infini de moyens pour châtier ceux
qui lui désobéissent. Il faut donc, ô notre roi, que tu fasses appel à
toutes les forces et à toute ta puissance pour faire ton devoir dans
l'accomplissement de ton mandat, fût-ce au milieu des pleurs et des
soupirs, en adressant tes prières à Notre-Seigneur Dieu invisible et
impalpable. Adressez-vous à lui, bien en réalité, avec des larmes et
des sanglots, pour qu'il vous aide à régir pacifiquementvotre royaume
qui est son honneur.
« Faites bien attention à
recevoir humblement et avec affabilité ceux
qui se présentent devant vous oppressés par l'angoisse el les tribu-
lations; ne faites jamais rien inconsidérément; écoutez avec dou-
ceur et jusqu'à la fin les plaintes et les rapports qui vous seront
présentés; n'arrêtez point le cours des paroles et des raisonnements
(le celui qui vous parle, car vous êtes l'image de Notre-Seigneur Dieu,
il compté sur vous, et vous représentez sa personne ; vous êtes son
instrument au moyen duquel il parle, et il écoute par vos oreilles.
Faites bien attention, Seigneur, à ne favoriser personne plus que
d'autres, et à ne jamais châtier qui que ce soit sans raison, parce
que le pouvoir que vous en avez vient de Dieu et représente les
ongles et les dents de la Divinité pour faire justice; vous en êtes
l'exécuteur, et le promoteur de ces justes sentences. Que justice soit
faite, que la droiture soit respectée, sans nulle attention à ceux que
cela contrarie. Dieu commande d'en agir ainsi, puisque, ne prenant
pas lui-même ce soin, c'est à vos mains qu'il le confie. Prenez garde
356 HISTOIRE DES CHOSES
qu'il n'y ait jamais, sur l'estrade et les sièges des seigneurs et des
juges, de la précipitation ou de la colère dans les faits-ou dans les
paroles ; rien ne doit s'y exécuter de mauvaise humeur. Qu'il ne vous
arrive jamais la pensée de dire: « Je suis le roi, je ferai ce qu'il me
plaira » j car ce serait un moyen de réduire à néant votre puissance
votre estime, votre élévation et votre majesté. Que la dignité dont
vous jouissez et que le pouvoir que vous exercez sur votre royaume
ne vous soient pas une occasion d'orgueil et de superbe. Il vaudra
mieux vous rappeler souvent ce que vous fûtes dans le temps passé et
la bassesse d'où vous êtes sorti pour monter à la dignité dont vous
jouissez sans l'avoir méritée. Vous devez souvent vous demander à
vous-même : « Qui étais-je auparavant et quisuis-je aujourd'hui? Je
« ne méritais nullement d'être élevé au poste honorable et éminent où
« je me trouve, je n'y suis que par ordre de Notre-Seigneur Dieu,
a et ce qui m'.arrivea plutôt l'air d'un songe que d'une réalité. »
« Ne vous endormez jamais, seigneur, d'un lourd sommeil ; ne vous
laissez point glisser dans les délices et les plaisirs corporels ; ne vous
abandonnez pas avec excès aux banquets et à la boisson ; ne dépensez
point à profusion les sueurs et les peines de vos vassaux dans la
gourmandise et l'ivrognerie ; ne mettez pas à profit la grâce que le
Seigneur vous a faite en vous élisant roi, pour vous livrer aux excès,
à la folie et aux rancunes. 0 notre seigneur roi et notre fils ! Dieu
regarde ce que font les gouverneurs de ses royaumes et il trouve une
occasion de lire dans les erreurs qui se commettent en gouvernant;
il en rit, en effet, et se lait, car il est Dieu, et comme tel il l'ait ce qu'il
veut et se moque de qui il lui plait. Il nous tient tous dans sa main,
sur laquelle il nous berce; car nous sommes- pour lui comme un
globe arrondi qui roule d'un lieu à un autre en excitant sa risée par
ses mouvements incessants que sa main n'abandonne jamais. 0 sei-
gneur et notre roi! mettez vos efforts à accomplir vos devoirs sans
vous presser. Peut-être nos péchés nous rendent-ils indignes de vous;
peut-être votre élection nous mellra-t-elle en délire; peut-être Noire-
Seigneur a-t-il résolu que vous possédiez pendant longtemps sa
dignité royale; peut-être, au contraire, qu'il veut expérimenter qui
vous êtes et mettre quelqu'un à votre place si vous ne faites pas
votre devoir. Est-ce que Noire-SeigneurDieu n'a pas d'autres amis?
Serais-tUj par hasard, le seul qu'il aime? Combien, au contraire,
doit-il en connaître d'autres! Combien qui l'appellent! Combien qui
élèvent la voix en sa présence ! Combien qui pleurent! Combien qui
l'implorent avec tristesse! Combien qui soupirent devant lui! Leur
nombre ne s'en peut compter. Il en est beaucoup qui sont généreux,
prudents et très habiles! Plusieurs qui ont déjà eu des emplois et sont
DE LÀ NOUVELLE-ESPAGNE. 357
élevés en dignité, le prient et élèvent la voix en sa présence ; il ne
manque donc pas de gens à qui il puisse donner la dignité de ses
royaumes. Peut-être ne te présente-t-il ses honneurs et sa gloire que
comme un songe sans durée ; peut-être ne te les présente-t-il que
comme un parfum qu'on sent et ne passe-t-il que fugitivement sur tes
lèvres sa tendresse, sa douceur et les richesses qu'il est le seul à
répandre, parce que seul il les possède.
« 0 très
heureux seigneur, inclinez-vous et humiliez-vous; pleurez
et soupirez avec tristesse; priez et faites ce que Notre-Seigneur dé-
sire, tout le temps qu'il lui plaira, aussi bien de nuit que de jour.
Exercez votre pouvoir avec calme, au milieu de prières continuelles,
animé de douceur et de bienveillance; ne causez à personne ni
peine, ni fatigue, ni tristesse. Ne maltraitez point, ne repoussez point
les gens par un mauvais visage; ne leur parlez pas avec colère et
n'épouvantezpersonne avec l'humeur farouche. Il convient aussi, sei-
gneur, de ne jamais faire usage de paroles bouffonnes et de traits
d'esprit, parce que cela jetterait du mépris sur votre personne, attendu
que les plaisanteries et les mois légers ne sont pas le fait de gens qui
occupent votre haute dignité. 11 importe encore que vous ne donniez
pas facile accès aux bouffonneries d'autrui, fût-ce de la part d'un pa-
rent ou d'un allié; car, malgré votre parenté avec nous comme homme,
votre dignité vous élève au rang de Dieu. Quoique vous soyez notre
prochain et notre ami, notre fils et notre frère, nous ne sommes nul-
lement vos égaux; nous ne vous tenons plus pour un homme, parce
que vous êtes en possession de la personne, de l'image, de la conver-
sation et de la familiarité de Notre-Seigneur Dieu qui parle au dedans
de vous, vous inspire et se fait entendre par votre bouche. Vos lèvres,
votre langue et votre visage sont les siens. Il vous a paré de son au-
torité et il vous arme de ses dents et de ses griffes, pour que vous
soyez craint et révéré.
« Attention, seigneur, à ne pas imiter vos habitudes passées de rire
et de plaisanter ! il vous convient maintenant de vous faire un coeur
de vieillard, d'homme grave et sévère. Pi'ends soin de ton honneur,
de la dignité de ta personne et de la majesté de ton rang; que tes
paroles soient rares et très graves, parce que lu deviens un autre êlre,
lu prends de la majesté et lu dois être pour cela respecté, craint,
honoré et obéi. Tu as acquis une grande valeur ; lu es un person-
nage hors ligne qui mérite vénération, soumission et respect. Garde-.
toi bien, seigneur, de diminuer ou de souiller ta dignité et ta haute
valeur, pas plus que la dignilé de ton altesse et de ton excellence.
Regarde bien le point où tu te trouves il est fort élevé et la chute en
;
serait bien dangereuse. Pense que tu marches sur une haute cime,
358 HISTOIRE DES CHOSES
dans un sentier étroit et qu'à tes deux côtés se trouvent creusées des
profondeurs qui empêchent de dévier sans courir le risque de tomber
dans un abîme sans fond. Tu dois aussi, seigneur, te précautionner
contre les défauts opposés en ne devenant point irritable et farouche
comme une bête féroce qui inspirerait à tous de la frayeur. Sois tem-
péré dans l'exercice rigoureux de ta puissance; car il te convient
mieux encore de rester en deçà du châtiment et de l'exécution pénale
que d'en forcer la mesure en passant au delà ; ne montre jamais toutes
tes dents à découvert et ne fais point voir tes griffes autant que tu le
pourrais; ne sois ni épouvantable, ni effrayant, ni âpre, ni d'un aspect
épineux; cache tes dents et tes ongles. Réunis, contente et traite
avec douceur les hauts personnages et les grands dignitaires de ton
royaume et de ta cour. Il est aussi dans les convenances, seigneur,
que tu répandes la joie et l'allégresse parmi les hommes de ton peu-
ple selon la qualité, la condition et le grade de chacun dans ton
royaume; en cela, conforme ta conduite aux habitudes établies par
les différentes hiérarchies populaires. Porte ta sollicitude et tes soins
sur les areylos et les danses, et n'oublie pas les préparatifs et les ins-
truments qui sont nécessaires dans ce but, car ce sont là des exer-
cices qui inspirent aux hommes de coeur le goût pour la milice et les
choses de la guerre. Amusez, seigneur, et réjouissez le bas peuple
par des jeux et des passe-temps convenablement choisis ; c'est ainsi
que vous vous assurerez de la renommée et que vous vous ferez ché-
rir; votre souvenir vous survivra et les vieillards qui vous auront
connu accompagnerontvoire mémoire et honoreront votre absence de
leur amour et de leurs larmes.
« 0 très heureux seigneur, roi sérénissime et très précieuse per-
sonne! Considérez que vous êtes en voyage et que vous traversez des
chemins raboteux, pleins de périls ; car les dignités et les seigneuries
sont parsemées de ravins et de pentes glissantes, avec la complica-
tion de pièges superposés qui ne laissent aucune route absolument
sûre; il y a aussi des puits dissimulés dont l'ouverture est couverte
par des plantes et qui sont armés, dans leurs profondeurs, de pieux
effilés, destinés à empaler ceux qui y tombent. Aussi convient-il que
vous gémissiez sans cesse et acclamiez Dieu en soupirant. Prenez
garde, seigneur, de vous endormir d'un sommeil profond et de vous
livrer aux femmes, car on peut les dire l'infirmité et la mort de tous
les hommes. Il importe que vous vous tourniez et retourniez sur votre
lit et que vous y méditiez aux choses qui concernent votre emploi;
si vous vous endormez, que ce soit pour songer aux affaires de votre
règne et aux subsistances que Notre-Seigneur nous a données pour
notre entrelien, pour noire boire et pour notre manger, afin de les
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 359
partager avec vos dignitaires et vos courtisans; car beaucoup de gens
envient aux rois l'abondance dont ils jouissent dans le service de leurs
labiés, et c'est pour cela qu'on a l'habitude de dire que les rois et
sci<mcurs mangent le pain de la douleur. Ne vous arrêtez pas, sei-
gneur à Ja pensée que l'estrade royale et le trône sont faits pour les
plaisirs et les délices; considérez-les, au contraire, comme un objet-
de peine et de pénitence. 0 bienheureux seigneur et très précieuse
personne! Je ne veux être pour votre coeur ni un sujet de peine, ni
une cause d'ennui; je ne veux ni votre colère, ni votre indignation. J'ai
assez commis de fautes, je n'ai que trop glissé et même fait des chutes
dans le cours de cette harangue. Arrêtons-nous; j'ai assez bavardé
avec désordre, procédant par sauts irréguliers comme une grenouille,
devant Noire-Seigneur, invisible et impalpable, qui est là présent, qui
nous écoute, et qui a entendu minutieusement les paroles que j'ai
dites avec tant d'imperfection,' en bégayant, d'une manière désor-
donnée et d'un ton répréhensible. Mais enfin, ce disant, j'ai fait mon
devoir, puisque les vieillards et les anciens du pays ont celte obliga-
tion envers les seigneurs récemment élus. J'ai fait aussi mon devoir
envers Notre-Seigneur qui est présent et l'entend, et c'est à lui que je
fais l'offrande de mes paroles. 0 noire seigneur ix)i ! vivez de longues'
années dans vos occupations royales! j'ai fini de dire *. »
L'orateur qui faisait ce discours au roi récemment élu était un
des prêtres les plus intelligents et les mieux imbus de leur rhôtori-'
que, ou bien l'un des trois grands prêtres que nous avons dit ailleurs
s'appeler QuelzalcoaU, Totecllamacazquial Tlaloc. L'oralcur pouvait être
encore quoique noble ou quelque dignitaire très éloquent, ou même
l'ambassadeur d'un seigneur de quelque province, possédant l'art de
bien parler et n'éprouvant ni embarras, ni gêne en ce qu'il devait
dire. C'était, en outre, quelquefois, un sénateur instruit ou une autre
personne quelconque connue pour sa fine rhétorique, ayant lelangage
facile, abondant et docile à sa volonté. Ces qualités sont nécessaires
pour parler en cette circonstance, attendu que le nouvel élu, s'em-
parant d'un pouvoir qui le rend supérieur à tous, acquiert par cela
même la liberté de hier qui bon lui semble. Aussi, s'il est vrai qu'on
lui dise alors loul ce qui est nécessaire à l'exercice de son mandat,
ee n'est qu'avec révérence, humilité et lact, et d'un ton larmoyant
entrecoupé de soupirs.
L Le lecteur aura sans doute remarqué que l'orateur s'adresse souvent à la même per-
sonne en lui disant tantôt lu, tantôt, vous. On doit voir là non une irrégularité, mais l'in-
tention do la part de Sahagun dû rendre la l'orme rcvérenlicllc toutes les l'ois qu'elle était
employée dans le discours. Le traducteur était donc tenu do suivre sans hésitation lo texte
'"• Saliagun, et il l'a fait scrupuleusement.
360 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE XI
CHAPITRE XII
CHAPITRE XIII
CHAPITRE XIV
VOICI UN LONG ENTRETIEN PAR LEQUEL LE ROI PARLE A TOUT SON PEUPLE
L'ENGAGER A FUIR L'iVRESSE, LE VOL ET L\ADULTÈRE.
POUR LA PREMIÈRE FOIS, POUR
IL RECOMMANDE EN MEME TEMPS LE CULTE DES DIEUX,
LE MÉTIER DES ARMES ET LES SOINS DE L'AGRICULTURE.
saux et tenait un
emploi élevé; mais comme il s'adonna au vin et
qu'il s'enivrait grandement, il y perdit ses dignités et son rang. I
vendit toutes ses terres et en gaspilla le prix en buvant. Quand il eul
achevé de boire la valeur de son héritage, il s'en prit aux pierres et
aux madriers de sa propre
maison : il vendit tout pour boire et,
quand il n'eut plus rien à vendre, sa femme se mit à filer et à tisser
pour lui gagner de quoi boire et acheter de Voclli. Ce malheureux qu i
était llacatecatl, vaillant homme, courageux et très noble, en arrivait
quelquefois, dans son ivresse, à s'étendre sur une route passagère,
sale, nu et couvert de poussière. Quoiqu'il fût de rang élevé, on ne
manqua pas d'en jaser, d'en rire, de se moquer de lui et de le châtier.
Le bruit de cette affaire arriva à Mexico aux oreilles de Moteuhçoma,
empereur et seigneur de ce pays, qui mit fin à ce désordre. Il donna
l'ordre au roi de Quauhlitlan, appelé Aztaton 1, de procéder contre le
coupable, quoiqu'il fût frère cadet dudit Tlachinoltzin. Malgré qu'il
lût un personnage du plus haut rang et tlacatecali, on ne déguisa
nullement ses fautes et on l'étrangla en lui passant une corde au cou.
Le pauvre tlacatecali mourut donc ainsi pour s'être enivré bien sou-
vent.
Qui pourrait dire le nombre considérable de nobles, de seigneurs
et de marchands qui sont morts à cause de ce vice? Combien aussi de
gens du peuple pour ce même motif ! Qui pourrait en faire le compte ?
Quant à vous, hommes courageux, braves soldats, je vous le demande :
y a-t-il eu un roi qui ait ordonné de boire Voclli, qui a la propriété de
causer aux hommes la folie? Il n'y en a pas certainement. Cette boisson
est-elle nécessaire à l'existence ? Non certes. Donc, qui que tu sois, si
tu t'enivres, tu ne m'échapperaspas ; je te prendrai, je t'emprisonne-
rai; car les villes, les seigneuries et le royaume disposent d'un grand
nombre d'employés chargés d'emprisonner et de faire périr les délin-
quants. On fera de toi un exemple et un objet de terreur pour tout le
monde; car tu seras châtié et tourmenté conformément à ton délit;
tu seras étranglé et jeté sur la voie publique; ou bien tu seras lapidé
et deviendras un objet de frayeur pour tous, car on te jettera dans la
rue. Quand tu en seras là, je ne pourrai nullement servir à l'éviter le
châtiment et la mort; car tu le seras mis loi-même, par ta faute, dans
les mains des bourreaux, en provoquant la justice contre toi. Cela
étant ainsi fait par loi-même, comment pourrais-jc t'en défendre?
Cela n'est pas possible, et tu devras te soumettre à la peine habituelle.
Ce serait
on vain que tu lèverais les yeux vers moi avec l'espoir d'y
trouver la délivrance, puisque tu es déjà tombé clans la gueule du
1. De Icuatl et Uachinolli qui signifient guerre, bataille, mots unis à lenlli, bord,
à la postposllion pan, dans, sur', etc.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 371
donc? Crois-tu que leur coeur et leur corps soient faits de bois, de
nicrre ou de fer? Non, ils pleurent et tombent comme toi dans la tris-
tesse. Y a-t-il quelqu'un qui n'aime pas le plaisir? Mais, parce que son
coeur est ferme et sévère, il triomphe de lui-même et s'impose de la
force pour prier Dieu, afin que ce coeur devienne saint et vertueux.
Use présente à Dieu tout-puissant avec des pleurs et des soupirs ;
il ne cède pointa l'envie de dormir; il se lève à minuit pour soupirer,
n-émir et appeler Dieu tout-puissant, invisible et impalpable. Il l'ac-
clame les larmes aux yeux ; il prie avec tristesse ; il lui demande ses
laveurs avec instance; de nuit il veille; aux heures de sommeil il ne
dorlpas, et si c'est une femme et qu'elle soit sage et sensée, elle prend
soin de dormir à part ; elle fait son lit en un coin séparé de la mai-
son; elle y dorl peu et attend que l'heure vienne de se lever pour ba-
layer le domicile et allumer le feu. Aussi, Dieu la regarde-t-il avec
des yeux de miséricorde ; il répand sur elle ses faveurs dans ce
monde, afin qu'elle ne manque jamais du boire et du manger, sans
savoir d'où lui vient celte abondance. Ce qu'elle sème dans les pro-
priétés de son héritage croît et se multiplie; si elle veut trafiquer au
marché, tout ce qu'elle y fait conduire se vend à sa fantaisie. En ré-
compense de ses peines et de ses veilles, Dieu lui fait la grâce d'une
bonne mort. Quant à l'homme, il doit à la faveur de Dieu d'être fort,
courageux, vainqueur à la guerre et digne d'être compté parmi les
soldats braves et entreprenants appelés quaiihpellall, ocelopellalV.Il en
reçoit encore des richesses, des satisfactions et autres récompenses
(pie Dieu a l'habitude de donner à ceux qui le servent, sans compter
l'honneur et la renommée.
0 chevaliers! ô seigneurs de villes et de provinces ! que faites-vous?
Il ne convient nullement que, comme conséquence de voire passion
pour Voclli et de vos vices charnels, les gens du peuple se moquent
de nous. Allez-vous-en à la guerre et aux lieux des batailles, appelés
Tcuatempan, où notre père le soleil el le dieu de la terre signalent,
inscrivent et marquent en rouge les vaillants et les braves qui s'exer-
cent au métier des armes. O jeunes gens nobles et élevés dans les pa-
lais parmi les gens de haut rang! ô guerriers vaillants et courageux
comme l'aigle et le tigre! que failes-vous? que devenez-vous? Sortez
tic vos villes; suivez les vieux soldats à la
guerre; n'ayez d'aspiralions
que pour le métier des armes. Imitez les hommes valeureux qui sont
morts en faisant campagne et qui actuellement se réjouissent dans
J. C'est-à-dire natte d'aigle -(quaulUli), natte de tigre (occloll). C'est par les noms de
'IMuihlli, occloll, mizlli, lion, etc., que les guerriers étaient souvent désignés. Les
métaphores, ainsi que l'on déjà le remarquer, étaient abondantes et formaient l'une
a pu
ilos richesses de la langue nahuall.
372 HISTOIRE DES CHOSES
les délices, possesseurs de grandes richesses, humant le suave par-
fum des fleurs du ciel et s'occupantau service du Soleil, dont ils font Ut
oie et qui s'appelle Tiacauh quauhtleuamitl et in yaomiqui. Ne vous
cst-il donc pas possible de prendre votre élan et de suivre l'exemple
de ceux qui sont déjà en possession des richesses du soleil? Levez-
vous, marchez au ciel vers le palais du Soleil. Ne pouvez-vous donc
pas abandonner l'ivrognerie et les voluptés charnelles clans lesquelles
vous êtes plongés? Heureux sont les jeunes gens dont on peut déjà
dire et dont on dit qu'ils ont capturé quelqu'un dans le combat
ou qu'eux-mêmes, ayant été faits captifs, sont allés dans le palais du
Soleil! N et N , nos neveux et parents, s'y reposent déjà, tandis
que leurs pères et mères pleurent, soupirent etversent des larmes pour
eux.
Si tu es timide et lâche, si tu n'as pas le courage d'affronter les
choses de la guerre, va-t'en labourer la terre et semer du maïs ; lu
seras laboureur et tu auras, comme on dit, la bravoure des champs.
Dieu tout-puissant t'y prendra en miséricordeet tu jouiras de ce que
lu auras semé lorsque le fruit aura mûri. Sème et plante dans les hé-
ritages toutes sortes de plantes, des magueys et des arbres ; les fils
et tes petits-enfants en profiteront en temps de disette, et tu en auras
aussi la part: tu mangeras et tu boiras du fruit de tes labeurs.
Prêtez-moi une oreille attentive, nobles et hommes généreux ! — Je
m'adresse principalement à toi qui es illustre et de sang royal; aie
soin de l'exercer à chanter clans les choeurs et à y jouer des instru-
ments, parce que c'est une pratique propre à relever l'esprit des gens
du peuple et que Dieu se réjouit de l'entendre; c'est d'ailleurs là le
lieu qui convient pour que chacun y demande à Dieu ce qu'il désire
et le prie de relever les coeurs, car il répand réellement ses faveurs
toutes les ibis qu'on l'appelle avec dévotion en réclamant ses secours
C'est en ce lieu et dans cet exercice qu'on médite, examine et invente
les ruses delà guerre.
Vous avez élu votre seigneur l'empereur ; mais il ne faut pas croire
qu'il vivra toujours, ni que son existence sera comme celle de l'arbre
et'du rocher qui ont une longue durée. Est-ce qu'il ne mourra pas?
Est-ce que vous ne devez pas avoir un autre seigneur après lui? Cer-
tainement oui qu'il y aura, avec le temps, des élections d'un autre
roi et d'autres sénateurs, quand mourront ceux d'aujourd'hui et
quand il plaira à Notre-Seigneur de les faire entrer au lieu de leur
repos. Et parce que tu es coulent et que ton coeur est satisfait de
voir réussir tout ce que tu désires, ou bien parce que tu es mis de
côté sans que personne fasse cas de toi, forcé de vivre solitaire, isolé
et oublié, faudra-t-il que, lorsque manqueront ceux qui gouvernent
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 373
actuellement, Dieu aille chercher clans un autre royaume quelque
homme d'emprunt pour qu'il possède ici et régisse le trône royal et
s'occupe des braves et des captifs qui ont vécu dans l'art militaire?
Remarque bien que si tu suis le service de Dieu et si tu t'efforces de
devenir le familier de ceux qui gouvernent en cherchant auprès d'eux
tes vrais plaisirs, tu seras semblable à la femme qui se montre au
public galamment ornée, pour qu'on l'aime et qu'on la désire. Il ne
te servira de rien, au contraire, de vouloir soustraire ta personne à la
société. Te fusses-tu transformé en revendeur de légumes et en bû-
cheron qui va chercher sa charge de bois à la forêt, Dieu saura t'y dis-
tinguer et t'en retirer pour t'élever sur les estrades et t'y douuer le
soin d'y administrer la ville ou la seigneurie; ou bien pour placer sur
tes épaules quelque charge de la république ou même quelque
dignité royale 1. Sur qui fixez-vous vos regards, qui attendez-vous
pour vous gouverner? Que faites-vous, homme généreux, illustre et
de rang royal? Qui prétendez-vous fuir, de qui vous éloignez-vous?
Est-ce de votre ville et de votre société ? Yous, guerriers valeureux,
pères de la milice, ne savez-vous pas que le royaume et la sei-
gneurie ont besoin de deux yeux, de deux pieds et de deux mains?
Ignorez-vous qu'ils ont besoin d'un père et d'une mère qui les lave,
les nettoie et sèche leurs larmes quand ils pleurent? Ils ont besoin
aussi de personnes qui exécutent les ordres de ceux qui gouvernent 2.
Ces serviteurs des choses de la guerre et de la république iront le
chercher n'importe où tu te trouveras occupé à faire de l'herbe, à
couper du bois ou à fumer tes sillons, et ils te porteront au trône
1. J'ai fait tous les efforts possibles pour établir quelque suite dans les phrases de ce
passage et en rendre le sens compréhensible; mais j'ai vu que je n'y pourrais parvenir
qu'à la condition d'altérer profondémentle texte. Je m'arrête donc à la conviction que le
manuscrit primitif de, Sahagun a été altéré dans les copies qu'en ont eues Kingsborough
et Bustamanle, ou que le génie propre de la langue des Aztèques no s'est prêté que d'une
manière imparfaite à la traduction qu'en a donnée Sahagun lui-même on langue espagnole.
Je traduis littéralement le passage, en regrettant qu'il ne m'ait pas été permis d'être
plus clair en étant plus clair lui-même. Quelque confus qu'il soit, du reste, ce langage
est à beaucoup d'égards superbe et il est, pour l'ordinaire, assez correct pour que l'on y
puisse voir les pensées les plus élevées delà philosophie la plus digne de respect.
{Noie du traducteur).
2. Ces exécuteurs de la justice étaient au nombre de deux principaux. L'un était noble
et appartenait au palais; l'autre, qui était un capitaine reconnu pour sa bravoure, appar-
tenait à la profession des armes. Pour exercer ce même office sur les soldats et capitaines il
y avait deux hauts personnages, dont l'un était llacalcculli, et l'autre llacoclitcciUli. L'un
elait pilli et l'autre de grade élevé dans l'armée. Il est à remarquer que pou-: ces emplois on
réunissait toujo s un soldat et un noble. Il en était de même pour les commandements
de la guerre. On prenait
un personnage noble et du palais conjointement avec un brave
1res exercé dans les choses de la
guerre. L'un d'eux s'appelait tlacatecali et l'autre tla-
coclicalcall. Ils s'occupaient de tout qui concernait la guerre et la milice. (Celle note
ce
M< de Sahagun. Kingsborough dit la même chose dans
son texte ordinaire.)
374 HISTOIRE DES CHOSES
royal pour que tu consoles le peuple dans ses afflictions et ses
besoins. Ils meltronl dans les mains les choses de la justice qui sont
comparables à une eau claire pour laver et purifier les souillures cl
les délits des gens du peuple. Tu seras chargé de faire châtier les dé-
linquants. Notre-Seigneur Dieu qui est partout s'incarnera clans ton
visage, tes oreilles, la bouche et ton langage, et il parlera par la
voix.
Je vous en supplie, nobles et gens du palais, descendants du sang
royal, et vous aussi, hommes courageux, animés de l'élan de l'aigle
et du tigre, qui vous occupez des choses de la guerre, observez-vous
de tous côtés et voyez s'il n'y a pas quelque part quelque défaut el
quelque tache dans vos habitudes. Observez ce qu'est votre coeur, pour
voir s'il est comparable à un saphir ou à une pierre précieuse et s'il
est enfin tel qu'il le faut pour l'administration de la république. Si
vous avez des taches ou des souillures, si vos habitudes sont mau-
vaises, si vous vous enivrez, si vous faites des folies, si vous buvez et
mangez au delà de ce qu'il convient, vous n'êtes pas aptes à gou-
verner et vous ne convenez nullement ni à un trône ni à une sei-
gneurie. Si par hasard vous êtes charnels et souillés par la luxure,
vous n'êtes point gens de palais, ni dignes de vivre parmi les sei-
gneurs. Si vous êtes enclins au vol et à vous saisir du bien d'autrui,
si vous pillez et volez, vous n'êtes bons pour aucun emploi important.
Examinez-vous et jugez si vous méritez de prendre sur vos épaules
le peuple et son gouvernement et de devenir le père de tout le
royaume. Si vous êtes vicieux comme nous venons de dire, est-ce que
vous seriez propres à remplir cet emploi? Cerlainemenl non; vous
n'êtes alors dignes que de reproches et de châtiment. Yous méritez
qu'on vous fasse tomber en confusion, qu'on vous couvre de honte
et qu'on vous punisse du fouet comme personnes viles. Yous mérilcz
aussi d'èlre pris de maladie, de devenir aveugles ou perclus; vous
méritez encore de vaguer toute votre vie sales et couverts de haillons
comme des misérables, sans espoir d'avoir jamais ni plaisir, ni repos,
ni satisfaction. Yous êtes dignes, en effet, d'avoir toutes les afflictions
et de souffrir tous les tourments
O mes amis et mes seigneurs, je vous ai adressé ce peu de paroles
pour vous consoler, vous exhorter au bien et réconforter vos coeurs.
J'ai dû le faire pour remplir les devoirs de ma dignité, et maintenant,
lorsque vous vous trouverez en faute, souvenez-vous de moi et dites:
« Nous avons entendu ses paroles et nous les avons méprisées. » Je
désire que Noire-Seigneur Dieu vous gouverne dans la paix et le
repos. 0 mes bien-aimés, je vous prie encore une fois de prendre
note de ce que vous venez d'entendre. Je voudrais que vous vous
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 375
habituassiez à y conformer votre conduite et que personne ne se négli-
geât. Si, par mépris ou faute de soin, vous oubliiez mes conseils, à qui
pourriez-vous en attribuer la faute, sinon à vous-mêmes? Ceux de
vous qui pratiqueront ce que
j'ai dit et le garderont dans leurs coeurs
feront du bien et seront miséricordieux pour eux-mêmes. C'est
se
ainsi que vous serez tous consolés sur la terre et que vous augmen-
terez votre renommée auprès des vieillards, en même temps que vous
servirez d'exemple pour pratiquer la vertu. Je n'ai plus rien à dire,
mais je prie Notre-Seigneur Dieu de vous donner paix et tranquillité
en abondance.
CHAPITRE XY
Écoutez avec attention, vous tous, hommes et femmes, qui êtes ici
présents ! Yotre roi en personne vient de vous parler. Il a traité de
choses fort précieuses, très morales et bien nécessaires. II a répandu
en votre présence des chalchiuUl et des saphirs, pierres bien rares
et dignes d'être estimées, que les rois et les grands personnages thé-
saurisent dans leurs coeurs pour alimenter la terre de leurs lois et de
leurs doctrines. Il a ouvert en votre présence ses pellacalli' et ses
coures où il tient ses richesses avec les trésors amoncelés des grands
et des sages, afin d'en sermonner ses vassaux et de répandre sur eux
les saines doctrines. Puisque vous avez entendu ces paroles et vu
ces actions, il n'y a plus de raison pour qu'aucun de ceux qui sont
ici présents méconnaissent l'obligationdans laquelle vous place votre
rot qui vous a parlé lui-même. Yous êtes obligés de garder le souve-
nir de ce que vous avez entendu, et d'autant plus qu'il y a, ici pré-
sents, beaucoup de doctes sénateurs connus pour leur éloquence, qui
pourraient parler en son nom, car ils ont mission d'adresser la parole
au peuple pour porter à sa connaissance les lois que le roi a dictées
Mais aujourd'hui le roi a voulu vous parler lui-même, en raison des
sentiments de son coeur et à cause de l'intérêt qu'il prend à vos
CHAPITRE XVI
pieu les a écartés et abandonnés. Votre devoir envers eux est fait,
«.(jjo-ncur, car vous avez accompli ce que votre rang royal et votre
(lignite demandaient. Ceux qui ne penseraient pas ainsi iraient
comme les aveugles donner de la tête sur les murs et clans les re-
coins et tomberaient à la fin clans les précipices. Alors, voyant leurs
chutes, leurs erreurs et leurs folies, ils se rappelleront votre bien
précieuse parole et ils diront à part eux : « 0 malheureux que nous
sommes! plût à Dieu que nous n'eussions jamais entendu de tels
a
a discours
et qu'on ne nous eût jamais dit les paroles qu'on nous
« a
adressées! O malheureux qui avons perdu par notre faute ce
«
qu'on nous a dit ! Nous avons maintenant ce que nous avons mé-
«
rite, puisqu'il ne nous est pas possible de porter remède au mal
«
clans lequel nous sommes tombés. »
0 seigneur ! combien est grande la faveur que vous avez faite à vos
sujets et à votre ville, aussi bien clans les rangs élevés que parmi les
moyens et les plus inférieurs! Seigneur! ils auront, je l'espère, pris et
mis à profit les miettes et les restes de voire discours que l'on peut
comparer à ce qui tombe de la table des riches, nos seigneurs, chez
lesquels les biens abondent. Partout où se trouvera un favori de Dieu,
il ne manquera pas de faire tourner à son avantage le grand bienfait
qui découle de ces doctrines, dont il sera reconnaissant à Dieu en se
conformant toujours à sa sainte volonté. Aussi acquerra-t-il quelque
dignité, soit dans les choses de la guerre, soit dans les affaires du
trône et l'administration de la république, car c'est chose passée en
proverbe que ceux qui vont cueillir l'herbe et le bois pour le feu sur
les montagnes seront les élus de Noire-Seigneur. Quelque plongés
qu'ils soient dans l'ordure, le Dieu toul-puissant les en relire et les
rend clignes de régner, de gouverner et de posséder les estrades et le
siège de la royauté, afin qu'ils administrent et conduisent le peuple,
qu'ils soient gouverneurs cl rois, jouissant de respect et d'estime
comme pères et mères de tous leurs sujels, pour les consoler, les
soigner et essuyer leurs larmes clans les moments d'affliction. Ce sera
l'un de ces hommes qui, de bûcheron et de jardinier, s'élèvera à
la mission de classer et juger les causes litigieuses, de
prononcer les
sentences de mort et de les faire exécuter sur les coupables. Et cela
arrive ainsi parce que cet homme conserva dans son coeur les
paroles de notre seigneur et y régla sa conduite, ayant su les ap-
précier et en tirer profit quand elles furent prononcées par notre
101, lequel est l'image même de notre Dieu, qui les fit sortir de
sa
houchc.
-ont ici présents encore les sénateurs et les juges placés à la droite
et a la gauche de Yotrc Majesté. O homme et noire précieux seigneur,
380 HISTOIRE DES CHOSES
vous avez dit, et nous tous qui sommes présents avons entendu les
précieux conseils et les lois rares et merveilleuses que vous
con
serviez en vous-même. C'est une grande grâce et un grand bienfait
dont vous avez gratifié ce peuple en lui parlant comme un père et une
mère parleraient à leurs enfants. Yous avez accompli votre devoir
envers vos sujets en leur déclarant et découvrant le secret de votre
coeur, qu'ils ont entendu et retenu avec respect. Je prie Dieu que tous
le comprennent et le niellent en pratique partout où ils se trouveront
Plaise à Dieu qu'ils se souviennent de cette grâce el qu'elle serve à
les ranimer quand ils auront fait quelque action inconvenante!
O notre seigneur et roi! ô seigneurs juges et sénateurs ! peut-être
vous fatigué-je par la longueur de mes paroles : soyez heureux ; que
Dieu Notre Seigneur vous donne paix et tranquillité; vivez de
longues années, administrant, gouvernant et venant en aide, dans
vos emplois, à Notre-Seigneur Dieu qui est invisible et impalpable.
CHAPITRE XVII
O mes enfants, écoulez ce que je veux vous dire., car je suis votre
père; je prends soin du gouvernement de cette province (ville ou
village) par la volonté des dieux, et peut-être y ai-je commis bien tics
fautes devant Dieu et devant les hommes qui sont mortels. Toi ici
présent, qui es le premier et l'aîné de les frères, el toi qui es le
second, et toi qui es le troisième, et loi qui es le dernier et le plus
jeune, sachez que je suis triste et affligé en pensant que l'un de
vous sera inutile et capable de peu de choses, qu'un aulre se mon-
trera inhabile au point de ne savoir parler, et qu'aucun de vous enfin
ne sera ni un homme ni un vrai serviteur de Dieu. Ah ! je ne sais pas,
en vérité, si l'un de vous aura assez d'aptitudes pour mériter la di-
gnité et la seigneurie que je possède, ou si par aventure, aucun
n'étant clans ce cas, ma dignité et mon rang s'éteindront dans ma
personne. Peut-être Notre-Seigneur a-t-il résolu que celle maison où
je vis, qui a élé édifiée par moi à grand'peine, s'écroule sur le sol et
devienne un dépôt de saletés et d'ordures ; peut-être voudra-t-il que
le souvenir s'en perde, que personne ne se rappelle mon nom m
s'entretienne de ma personne el qu'après ma mort tout le monde
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 381
l'oublie. Écoutez donc maintenant ce que j'ai à vous dire, pour
vous appreniez à vous conduire en ce monde et à vous ap-
ocher cje j)jeu afin de mériter ses faveurs. Sachez que ceux qui
«leurent, s'affligent, soupirent, prient et contemplent, et ceux qui
volontairement et de tout coeur veillent la nuit et se lèvent de bonne
heure pour balayer les rues et les chemins, nettoyer les demeures,
arranger les nattes et les sièges et préparer les lieux où Dieu reçoit
les sacrifices et les offrandes, sans oublier d'encenser les dieux de
bonne heure..., ceux qui font cela se tiennent en la présence de Dieu,
deviennent ses amis et obtiennent ses faveurs. II leur ouvre ses en-
trailles pour leur donner dignités, prospérité et richesses, à la condi-
tion qu'ils soient hommes de valeur pour les entreprises de guerre.
C'est dans ces exercices et en de pareilles oeuvres que Dieu reconnaît
quels sont ses amis et qui le prie avec ferveur. Il met à leur dispo-
sition des emplois et des insignes militaires pour qu'ils aillent
répandre le sang dans les combats, ou honorer les tribunaux qui
rendent la justice,; il les fait pères et mères du Soleil pour qu'ils lui
donnent à boire et à manger, et non seulement au Soleil qui est sur
nos tôles, mais aussi aux dieux de l'enfer qui sont sous nos pieds.
Ils sont révérés des soldats et des gens de guerre, et on les tient pour
paternels protecteurs de tous, parce qu'il a plu a Notre-Seigneur Dieu
qu'il en soit ainsi, sans tenir compte de leur mérite. Quelquefois
même il les rend aptes à occuper le siège et l'estrade de la souve-
raineté et à s'acquitter du soin de gouverner les villes ou provinces
avec justice et droiture, et il les place aux côtés du dieu du feu, père
de toutes les divinités, et le plus ancien de tous, appelé Ayamictlan1,
et XiuhleciUli, qui réside dans le bassin des eaux parmi les Heurs et
derrière les murs crénelés, entouré de nuages. Peut-être encore les
élèvc-t-il au rang des seigneurs nommés tlacalecutli et tlacochlecutli'2,
ou les place-t-it dans une autre dignité inférieure. Toujours est-il
qu'il leur donne quelque emploi élevé en rapport avec l'ordre établi
dans la république, afin qu'ils y soient honorés et respectés; ou bien
il les rend dignes d'une distinction plus précieuse et les élève au rang
de seigneur et de sénateur, ainsi que cela s'est fait pour la dignité que
je possède actuellement et qui m'est venue comme un songe, sans
que j'y eusse aucun mérite, Notre-Seigneur Dieu ayant daigné ne pas
s'arrêter à la pensée de mon indignité.
Cet honneur ne vient ni de moi, ni de ma valeur, ni de mes aspira-
tions; car je n'ai jamais dit : je veux être ceci, je veux avoir celle
CHAPITRE XVIII
CHAPITRE XIX
CHAPITRE XX
Ure aussi
Notre-Seigneur ne l'y a-t-il placé que jusqu'à ce qu'appa-
•aisse quelqu'un plus capable de le remplir. Dieu ne manque pas
d'amis éprouvés pour cela. Tu sais bien à quoi ce parent passait son
temps avant d'arriver à sa
dignité. S'occupait-il de bouffonneries et
d'enfantillages? Était-ce un libertin et un effronté? Se montrait-il
orgueilleux? N'était-il pas humble? Est-ce qu'il n'était pas très res-
pectueux? On le voyait certainement la tête basse et sans aucun
aspect de superbe et de vaine gloire; il priait Noire-Seigneur Dieu
avec dévotion;
il veillait et il se prosternait à minuit, tombant à
o-cnoux, pour prier et soupirer en présence de Dieu, et il conserve
encore aujourd'hui cette même habitude. Il se levait lestement le
matin de bonne heure, prenait le balai et balayait, et il nettoyait les
oratoires avec l'éventoir. Et à présent, comment crois-tu qu'il vive?
Comment se tient-il ? Est-il orgueilleux et superbe? Est-ce qu'il se
souvient qu'il est dans la dignité de seigneur? Il est, au contraire,
aussi humble et aussi obéissant qu'auparavant ; il continue à pleurer,
à soupirer et à prier avec la plus grande dévotion. L'entends-tu jamais
dire : « Je suis seigneur, je suis roi ! » Il veille maintenant de nuit, il
balaie et il offre l'encens absolument comme auparavant. Quoique
lu sois son aîné, efforce-toi de le surpasser dans toutes ses bonnes
habitudes.
Prends note de ceci : que ce que je t'ai dit soit comme une épine
et de l'eau glacée qui te saisit et t'afflige pour que tu rentres en toi-
même et t'humilies. Pense que tu es né en un temps d'afflictions et de
peines et que Dieu t'a envoyé au monde dans des moments de pauvreté.
Considère que je suis ton père et vois la vie que nous menons, ta
mère et moi; personne ne pense à nous et ne fait aucun cas de nos
personnes. Il est vrai que nos aïeux furent grands et puissants; mais
nous laissèrent-ils celte grandeur, celle puissance? Non certainement.
Regarde tes parents et alliés qui ne possèdentplus rien dans l'État;
ils sont délaissés et pauvres. Quoique tu sois noble, généreux et d'une
race éclatante, il convient que tu ne perdes pas de vue cette règle de
conduite: remarque bien que l'humilité, l'abaissement du corps et
de l'âme, les pleurs, les larmes et les soupirs sont la vraie noblesse,
le vrai mérite et le véritable honneur. Sache bien,
mon fils, que
jamais un superbe, un vaniteux, un présomptueux, un tapageur, n'a
été élu roi. Aucun homme discourtois, mal élevé, mal embouché,
impertinent dans son langage, disant tout ce qui lui vient à l'esprit,
n a été élevé à l'estrade et au trône royaux. Si, en quelque lieu, il s'est
trouvé un seigneur prenant l'habitude des plaisanteries,
ou quelque
sénateur lançant des paroles bouffonnes, on se hâtait de lui appliquer
398 HISTOIRE DES CHOSES
le nom de lecucuecuechllii, ce qui veut dire truand. Jamais on n'(l
donné un noble emploi de l'État à quelqu'un qui fût insolent, bouffon
et incontinent de langage. On les appelait quaquachictin, parole qui
désigne des fous, vaillants dans les actions de guerre. On les nommait
aussi Oiomis llaotzonxinlin2, c'est-à-dire: Olomis tondus et extrava-
gants. C'étaient de grands matadors inhabiles aux choses de gouver-
nement.
Ceux qui, dans les temps passés, dirigèrent l'État et les armées
furent tous des gens adonnés à la prière, à la dévotion et aux soupirs
très humbles et obéissants et doués d'un caractère reposé et tran-
quille. Tu sais, mon fils, et tu as gravé dans la mémoire que le roi
est comme le coeur du peuple. II était aidé dans le gouvernement par
deux sénateurs, dont l'un étaitpilli et l'autre élevé dans les guerres;
ils s'appelaient ilacateculli et tlacochlecutli. Deux autres capitaines
aidaient le roi dans les choses de la milice ; l'un était pilli, élevé dans
la guerre, et l'autre ne l'était pas. On les appelait llacalecaU et
llacochcalcall. C'est de cette manière, mon fils, que marche le gou-
vernement de l'État. Ces quatre hommes que j'ai dits s'appeler lla-
caleciUli, tlacochlecutli, ilacalecall et llacochcalcall ne tenaient pas
ces emplois par droit d'hérédité, à titre de propriétaires. Ils étaient
élus sous l'inspiration de Notre-Seigneur Dieu, après avoir.été
réconnus comme étant les plus habiles. Fais bien attention à ce que
je te dis, mon fils très aimé et très estimé : Ne l'enorgueillis pas, si le
hasard veut que tu sois choisi pour l'un de ces emplois. Peut-être
Dieu l'appellera-t-il pour remplir quelqu'un d'entre eux; peut-être
aussi n'en posséderas-tu aucun et vivras-lu comme un plébéien et
homme vulgaire. Si tu étais appelé et élu pour n'importe lequel de
ces emplois, encore une fois, je Le recommande de ne point présumer
de toi-même et de ne pas l'estimer grand, valeureux et de rang élevé,
parce que Dieu s'en irrite grandement. Si lu arrivais à quelque
dignité et à être quelque chose, si tu étais élu pour quelqu'un des
emplois susdits, sois humble, marche incliné, la tête basse et les bras
relevés sur la poitrine, adonne-toi aux pleurs, à la dévotion, à la tris-
tesse et aux soupirs et sois respectueux de la volonté d'autrui ; sois
soumis et modeste. Note bien, mon fils, que ce que je t'ai dit de
l'humilité, de la soumission et du mépris de toi-même, lu dois le
pratiquer de tout coeur en présence de Notre-Seigneur Dieu. Garde-
toi de feindre l'humilité; parce qu'alors on t'appellerait liloloxochlon*,
CHAPITRE XXI
Mon fils bien-aimé, fais attention aux paroles que je vais dire et
mets-les clans ton coeur, parce qu'elles nous viennent de nos vieux,
sages et prudents aïeux qui vécurent en ce monde. C'est ce qu'ils
nous dirent en nous recommandant de le garder comme sous clef et
de l'or eu feuille. Remarque, mon fils, que les vieux d'un autre temps
nous ont fait transmettre que les enfants et fillettes et les jeunes ado-
lescents des deux sexes sont les bien-aimés de Dieu : Notre-Seigneur
qui est en tous lieux les estime grandement; il se réjouit avec eux et
les tient pour amis. Aussi, les vieillards qui étaient adonnés au culte
divin, à la pénitence, aux jeûnes et à l'offrande de l'encens, firent-ils
grand cas des enfants qui priaient. Ils les réveillaient de nuit au
moment de leur plus doux sommeil, les déshabillaient, les arrosaient
d'eau froide, les faisaient balayer et offrir du copal aux dieux. Ils
leur lavaient la bouche
en disant que Dieu recevait et entendait
do bon coeur leurs prières, leurs exercices, leurs larmes, leur tristesse
°l leurs soupirs, parce qu'ils ont le
coeur pur, sans mélange de péché
ei qu'ils sont parfaits et sans tache, comme des pierres précieuses, des
chalchiuitl et des saphirs. Ils ajoutaient
que c'était pour eux que
bieu faisait durer le monde et qu'ils étaient
nos intercesseurs auprès
l]e Notre-Seigneur.
•
De nacall, chair, et quauill, bois, suivi de la postposition tlan.
26
402 HISTOIRE DES CHOSES
laines. Dieu répand aussi ses délices et ses richesses parmi u
enfants et.les adolescents; c'est cet âge qui mérite la bonne mort.
Note encore, mon fils, que le monde possède sa manière d'engen-
drer et de multiplier; or, en ces actes, Dieu a ordonné que la femme
fit usage de l'homme et réciproquement; mais il convient que cela
se pratique avec modération et d'une manière discrète. Ne le jette
pas sur la femme comme le chien sur sa nourriture. N'imite point
cet animal dans sa manière d'avaler ce qu'on lui donne. Ne Le donne
pas aux femmes avant le temps. Quoique lu en aies l'appétit, fais
résistance; résiste à ton coeur jusqu'à ce que lu sois un homme fait et
fort. Observe que si l'on ouvre un maguey, pendant qu'il est jeune
pour lui prendre sa sève sucrée, il n'en donne aucune et il meurt,
Aussi, s'il s'agit de l'ouvrir pour en extraire le suc, on a soin de le
laisser croître et arriver à sa perfection, afin de prendre sa sève
sucrée dans un moment opportun. C'est ainsi que tu dois faire: avant
de l'approcher d'une femme, tu dois le laisser croître, grossir cl
devenir homme complet; tu seras alors propre à te marier et tu
engendreras des fils d'une bonne taille, forls, agiles, beaux el de
visage bien fait, tandis que, de ton côté, tu resteras vigoureux, apte
au travail corporel, actif et agile. Mais si, par aventure, lu t'adonnais
aux plaisirs charnels avant le temps, ce serait le cas de se rappeler
ce qu'ont dit nos aïeux : que celui qui se jette ainsi dans ces délices
n'acquiertjamais tout son développementet qu'on le voit pâle et sans
nul attrait. Tu seras semblable à un homme pris de fièvre quarto,
jaunâtre, amaigri, et comme un morveux sans force, maladif, ridé
comme les vieilles gens. En le mariant ainsi, lu seras comparable à
celui qui va chercher de la sève de maguey, laquelle ne coule nulle-
ment parce qu'on a percé la plante avant le temps; celui qui va
pomper alors le suc n'en obtient absolument rien, et le maguey
dédaigné est mis de côté. C'est ainsi que la femme en agira avec loi ;
comme tu es déjà sec, épuisé et que tu n'as rien à lui donner, tu lui
diras : « Je n'en puis plus »; ce qui l'ait qu'elle te haïra et te délais-
sera, parce que lu ne satisferas plus son désir, et elle en cherchera un
autre, attendu que lu seras épuisé. Quoiqu'elle n'en ait jamais eu la
pensée, elle commettra un adultère, à cause de la défaillance qu'elle
aura découvert en toi. Tout cela n'aura lieu que parce lu te seras
donné aux femmes et détruit avant l'âge.
Il faut encore, mon fils, faire bien attention, même lorsqu'on le
marie et que lu prends femme dans un âge convenable, de ne pas te
livrer à elle avec excès, parce que lu te ruinerais. Quoique ce soit la
femme et que son corps soif le lien, il le convient d'être modéré dans
l'usage que tu en feras, de la même manière qu'il est opportun d'user
DE LA NOUVELLIi-ESPAGNE. 403
de tempérance dans le manger. Je veux dire que tu ne dois pas dé-
passer les bornes avec ta femme, mais bien mettre de la modération
dans l'acte de la chair. Ne va pas croire, en le plongeant dans ces
plaisirs, que tu ne fais pas autre chose que t'y délecter et qu'il ne
peut y avoir aucun mal à cela. Sache, au contraire, que tu te tues et
que Lu te fais le plus grand tort par la répétition excessive de cet acte.
Nos anciens nous ont dit que tu seras en ce cas comparable au ma-
guey, qui se sèche quand on a pompé son suc; tu seras encore comme
kimanla, qui se gonfle quand on la met clans l'eau pour la laver et
qui se sèche ensuite quand on la tord. Tu seras de même : si tu
abuses de celte habitude, bien que ce soit avec ta femme seulement,
lu le dessécheras et tu le rendras toi-même malheureux, de mauvais
caractère et de pire aspect; tu ne voudras parler à personne, per-
sonne ne voudra parler avec toi et lu seras tout honteux. Voici un
exemple à ce sujet. Un vieillard très avancé en âge, couvert de che-
veux blancs, fut arrêté comme adultère et on lui demandacomment
il se faisait qu'étant si vieux il n'eût pas encore cessé les manoeuvres
de la chair. 11 répondit qu'il avait en ce moment plus de désirs et
plus d'aptitude que jamais pour cela, parce qu'il ne s'était approché
d'aucune femme pendant sa jeunesse, ne s'exerçant en ce lemps-là
à nul acte de cette espèce, et que, n'ayant commencé que dans sa
vieillesse, il y était actuellement plus vigoureux. Je veux te donner
encore un exemple; prends-en bien note, pour qu'il t'encourage à
vivre chastementdans ce monde. Pendant que vivait le seigneur de
Tclzcuoe, appelé Neçahualcoyolzin 1, on s'empara de deux vieilles, cou-
vertes de cheveux blancs comme la neige, parce qu'elles furent prises
en flagrant délit d'adultère, trahissant leurs maris qui étaient vieux
comme elles; deuxjeunes pelits sacristains étaient leurs complices. Le
seigneur Neçahualcoyolzin leur demanda, quand on les amena en sa
présence : « Nos aïeules, est-il vrai que vous ayez encore la tentation
dos plaisirs de la chair? Étant si vieilles, vous n'en êtes donc pas
encore dégoûtées? Que sentiez-vous donc quand vous étiez jeunes?
Dites-le moi, puisque vous êtes pour cela en ma présence? Elles ré-
»
pondirent : a Notre seigneur et roi, que Votre Altesse écoute. Vous
autres, les hommes, vous cessez de désirer la délectation charnelle
quand vous êtes vieux, pour en avoir abusé dans la jeunesse, patrec
|l"el impuissance arrive el la semence humaine se tarit; mais nous,
_CS cniftles5
nous ne sommes jamais rassasiées ni dégoûtées de cet
tlL e, parce que noire
corps est comme un gouffre et comme un ravin
CHAPITRE XXII
DANS LEQUEL EST CONTENU LA DOCTRINE QU'UN PÈRE DE RANG ÉLEVÉ, OU LE ROI
ENSEIGNAIT A SON FILS AU SUJET DE SES RAPPORTS
ET DE SA CIVILITÉ ENVERS LES AUTRES, C'EST-A-DIRE : COMMENT IL DEVAIT
SE CONDUIREPOUR DORMIR, MANGER, BOIRE, PAKLEK, s'iIÀBU.LER,
MARCHER, REGARDER ET ÉCOUTER.
AJOUTONS QU'IL DEVAIT PRENDRE GARDE DE MANGER LES METS PRÉPARÉS
PAR DE MAUVAISES FEMMES, PARCE QU'ON Y PUISE LE MAUVAIS SORT.
Mon fils, je t'ai déjà dit bien des choses, nécessaires à tes principes
et à ta bonne éducation, pour que tu vives dans le, monde comme
doit vivre un noble, un hidalgo, une personne qui descend d'aïeux
illustres et généreux. Il me reste encore à t'en dire beaucoup d'autres
qu'il te convient de savoir et de garder dans ta mémoire, parce
qu'elles nous viennent de nos aïeux et que ce serait leur faire in-
jure de ne pas répéter tout ce qu'ils nous ont légué. Nous y voyons
d'abord que tu dois avoir soin de te réveiller, de ne point dormir
toute la nuit, pour qu'on ne dise pas de loi que tu es un dormeur,
un paresseux et un somnolent. Lève-toi à minuit pour prier, sou-
pirer et adresser les demandes à Notre-Seigneur qui est en tous
lieux, invisible et impalpable. Tu auras soin de balayer les endroits
où sont les idoles et de leur offrir de l'encens.
En second lieu, quand lu iras par la rue et les chemins, tu. dois
faire en sorte de marcher avec calme, sans te presser et sans trop de
lenteur, mais honnêtement et avec gravité. Ceux qui ne procèdent
point ainsi sont appelés ixlolomac cuecuetz1. ce qui veut dire : homme
qui regarde de tous côtés comme un fou et marche malhonnêtement,
sans gravité, comme une personne légère et turbulente. On dit aussi
des personnes qui marchent trop lentement : uiuilanpol, xocotez-pol,
elicapol 2, ce qui veut dire : gens qui traînent les pieds, qui marchent
comme un lourdaud, comme quelqu'un que l'obésité entrave ou à la
CHAPITRE XXIII
Il est traité ici de la manière dont les parents d'un jeune homme
faisaient les mariages, dans ce pays. Quand on le voyait propre à se
marier, on réunissait la parenté et, quand ils étaient tous ensemhlc,
le père disait: « Il est temps de chercher femme à notre pauvre
enfant, pour qu'il ne fasse pas d'espièglerie et n'aille pas s'enlacer
avec quelque maîtresse, car il est déjà homme. » Cela dit, on faisait
venir le jeune homme devant tout le monde, et le père lui adressait
ces paroles : « Mon fils, te voilà en présence de tes parents ; nous
venous de parler de loi, car nous prenons souci de ta personne, mon
pauvre ami. Tu es décidément un homme, et il nous paraît opportun
de te choisir une femme pour que tu te maries. Demande à ton supé-
rieur et maître la permission de te séparer de tes amis, les jeunes
gens avec lesquels tu as été élevé, et que les lelpochllaloque qui vous
instruisent en aient connaissance. » A cela le jeune homme répondait:
« Je regarde comme une faveur et un bienfait de votre part ce que
CHAPITRE XXIV
I. C'est le jeune homme en étal de se marier, l'homme l'orl, robuste, le paysan, le cul-
tivateur.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 415
talons, et parle comme il suit : « Vous tous qui êtes ici présents,
.coulez la volonté de Noire-Seigneur qui est en tous lieux. Je veux
vous adresser
quelques paroles simples et grossières, à vous qui êtes
voilà réunis par la volonté de Notre-Seigneur
nos alliés, puisque vous
nui s'appelle Yoalli ehecall, c'est-à-dire air et ténèbres, qui est en tous
lieux et qui a conservé votre vie jusqu'à ce jour : vous servez d'om-
bre et d'abri, pareils à l'arbre qui s'appelle pochotl, dont l'ombrage
est considérable, ou semblables à l'aueuell, à l'ombre duquel les ani-
maux vont s'abriter. C'est de celte manière que vous êtes, seigneurs,
les prolecteurs et l'abri des petits et des gens de basse condition qui
demeurent dans les montagues el les déserts. Vous abritez aussi les
soldats et hommes de guerre qui vous appellent leurs pères et dont
vous êtes la consolation. Vous avez sans doute à supporter des diffi-
cultés et des tribulations bien souvent; nous vous donnons nous-
mêmes du mal et du tracas dans les occupations ressortant de l'em-
ploi dont Notre-Seigneur vous a chargés ; vous en trouvez également
dans les postes de l'État qui vous sont confiés. Peut-être venons-nous
y ajouter l'ennui d'entendre nos compliments et les paroles qui nous
sont inspirées par le rang que vous occupez dans vos emplois et dans
le gouvernement. Écoutez donc, seigneurs qui êtes ici présents, et
vous tous aussi, vieillards qui m'entendez; sachez que Noire-Seigneur
nous a fait miséricorde en la personne de la jeune seîïora N...,
nouvellement mariée ; car il a placé au-dedans d'elle-même une
pierre précieuse et une plume riche, attendu que la pauvre petite
est enceinte. Il paraît que Notre-Seigneur lui a mis dans le sein une
créature. Quelle sera maintenant la volonté de Dieu? Le jeune marié
sera-t-il jugé digne de ses faveurs, et voire fille N... méritera-t-elle
que ce qu'elle a conçu voie la lumière du jour? Que n'avons-nous
ici maintenant les anciens dont les jeunes époux descendent et qui
passèrent leur courte vie dans ce monde! Que n'avons-nous aussi
d'au 1res vieillards à cheveux blancs qui s'en sont allés dans la ca-
verne du recueillement, au milieu du bassin des eaux, el en enfer
où ils jouissent du repos, sans se souvenir de ce qui se passe parmi
nous, parce qu'ils sont parfis pour ne plus revenir; jamais nous ne
les reverrons. Plût à Dieu que ce qui arrive aujourd'hui se passât en
leur présence, pour crue vous pussiez recevoir de leurs bouches les
compliments que je vous adresse! Maintenant, nous n'avons plus ici
m l'autorilé de la vieillesse, ni le mérite des cheveux blancs. Qui
pourrait vous complimenter el prononcer en votre présence quelques
paroles dignes d'être entendues? Ce que vous entendez aujourd'hui,
seigneurs, ce sont des mots dits en bégayant, articulés en désordre
et parvenant à vos oreilles d'une manière déréglée. Nous
ne savons
416 HISTOIRE DES CHOSES
qu'une chose: c'est que Notre-Seigneur veut bien donner un fils 0u
une fille à vos pauvres enfants. Mettez que je n'ai dit que cela et que
vous n'avez pas entendu autre chose. Paix et joie pour vous dans la
prospérité et la bonne chance !
Soyez heureux et prospères, vous tous qui êtes venus ici comme
des messagers de Notre-Seigneur Dieu, qui est en tous lieux. Je dirai
quelques mots, non pas pour nous réjouir, mais pour pleurer et
verser des larmes en ce lieu môme où Dieu nous a réunis. Nous ve-
nons d'entendre des choses exquises et bien précieuses, bien dignes
d'être tenues en haute estime et que nous n'avons mérité ni d'entendre
ni de voir. Certes, il eût été mieux qu'elles fussent entendues par nos
anciens; mais comment pourrions^nous les posséder parmi nous,
puisqu'ils sont morts et qu'ils s'en sont allés à la caverne des eaux.
Notre-Seigneur les a emportés pour lui-môme. Ils furent nos aïeux,
en même temps ils étaient l'appui el l'ombrage, comme les grands
arbres appelés pocholl et aueuell. Ceux qui vivaient alors s'abritèrent
à leur ombre; ils réchauffèrent nos pieds et nos mains à la chaleur de
leurs manias et ils étendirent leurs ailes pour protéger constamment
leurs sujets et vassaux, parents et amis : tels furent le sefior et la
senora N... Plût à Dieu que celte affaire se traitât en leur présence et
pendant leur vie I Plût au ciel qu'ils eussent eu connaissance de celle
oeuvre si merveilleuse dont on vient de nous parler et de la grâce que
Notre-Seigneur veut nous faire de nous [donner une pierre précieuse
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.] 417
une plume
riche, c'est-à-dire la créature qu'il a commencé à former
"" [e sein de noire nouvelle mariée. S'il leur élait donné de le voir
~
CHAPITRE XXV
'• U<: (/eU, l'eu, el nanutea, vendre; c'est-à-dire : ce qui est vendu pour être brûlé;
encens était aussi appelé copalli, sorte de résine qui répand une excellente-odeur] on
' oiniait aux parfums mêlés le
nom tic xochilknamaclli. .
•, -..
. ....
r, " : :-
.
420 HISTOIRE DES CHOSES
soin de ne pas jouer ensemble, pour ne pas blesser votre créature-
ne faites pas un usage immodéré des plaisirs du mariage, car il C11
pourrait résulter un mal pour l'enfant : il viendrait au monde niuu-
.chot, pied-bot, estropié des mains ou des pieds1.... Evitez, ma l\l\v
de regarder les choses qui épouvantent ou répugnent, c'est un conseil
qui nous vient des aïeux qui nous ont précédés. 0 ma fillette, nia
petite tourterelle, j'ai dit ce peu de mots pour l'inspirer du coura<vC;
ce sont les propres paroles de vos ascendants et des dames âgées ici
présentes qui servent à vous apprendre tout ce qui est nécessaire, alin
que vous ne doutiez pas qu'on vous affectionne beaucoup et qu'on
vous considère comme une pierre précieuse et une plume riche.
On ne vous a rien laissé ignorer, et en cela on s'est conduit comme
de vrais sages et des gens d'expérience. Sois heureuse et prospère,
ma fille ; vis dans la joie et le contentement, et que l'être qui est en
toi soit sain et bien portant. Attendons avec confiance de- Notre-
Seigneur ce qui arrivera demain ou un autre jour et ce qu'il détermi-
nera à ton sujet. Sois heureuse; je prie que celui qui est dans ton sein
voie un jour la lumière.
Vous êtes ici présents, vous, les pères et mères de ces précieuses
et riches plumes, les nouveaux mariés, qui sont des fragments déta-
chés de vos gorges et de vos entrailles. Les voilà devant vous, ceux
qui ont germé de vos corps comme ongle et chevelure. Nous allons
recevoir de Notre-SeigneurDieu un bien riche trésor, car nous savons
qu'il est enfermé dans des cavités secrètes; nous voulons parler de fa
créature cachée dans le sein de cette jeune femme et qu'il ne nous esl
point encore donné de voir. Peut-être n'étions-nous pas dignes d'en
recevoir la confidence. Ceux qui l'auraient mérité, c'est-à-dire les
anciens et les sages qui ne sont plus, ont été enlevés de la terre par
Notre-Seigneur Dieu. Quant à nous qui vivons après eux et sommes
ici présents, nous ne savons dire que des niaiseries et des enfantil-
lages. Mais il ne nous est pas possible de rappeler nos anciens près
de nous, puisqu'ils ne sont pas en un lieu d'où ils puissent revenir et
qu'il serait oiseux de les attendre en aucun temps. Us ne feront ph|S
I m-
méfier de pères et de mères parmi nous, parce qu'ils s'en sont
]l(',s pour
toujours. Noire-Seigneur les a enfermés dans ses dépôts ;
',
oni disparu à jamais et ils ne reviendront plus. Nous qui vivons
liiellcment, Hous avons l'avantage de jouir, en leur absence, du
ulaisir qui leur était réservé. Mais que voudra faire maintenant Notre-
geio-neur en voyant que nous n'avons, pour notre part, aucun mérite?
Est-ce qU'ii aura la bonté de nous accorder la faveur que nous rê-
vons? Nous parlons actuellement d'une chose encore obscure et
entourée de doute, car nous ignorons quelle grâce Dieu a faite à
voire pierre précieuse, à cette plume riche qui est votre enfant et
notre petite-fille. Plaise à Dieu qu'en votre présence nous puissions
jouir de l'aube et de la lumière du jour où Nptre-Seigneur dévoilera
le mystère! Plaise à Dieu encore que nous voyions et connaissions le
don qui nous sera fait alors ! Il est nécessaire que vous, ici présents,
remplissiez avec zèle vos devoirs de pères et mères ; il importe que
vous exhortiez vos fils avec instance, quoiqu'ils soient déjà grands;
le marié est encore jeune et la jeune femme bien davantage ; ils ne
comprennent pas encore toute l'importance de leur situation, car ils
jouent ensemble comme le feraient de jeunes enfants. Il est donc bien
nécessaire de les avertir el de les exhorter. C'est pour cela que je vous
prie, sonores et senoras, de bien faire votre devoir en les informant
avec zèle par des paroles efficaces, afin qu'ils soupirent, pleurent et
s'attendrissent. Après cela, la grâce que Dieu veut nous faire se véri-
fïera-t-ellc pour nous? Ou bien ne sera-ce qu'un rêve, parce que
Noire-Seigneur irrité aura changé de résolution ? Nous n'en savons
rien; mais persévérez dans vos conseils, pour que les mariés fassent
ce qui convient.
ICI PARLE LA JEUNE FEMME ENCEINTE EN RÉPONSE A CE QUE LES VIEUX ORATEURS
ONT DIT.
Nos seigneurs et nos pères bien-aimés, c'est pour moi que vous
avez fait une route fatigante dans laquelle il y a des chutes et des
mauvais pas, malgré les grandes affaires et les occupations impor-
tai) lès dont Notre-Seigneur vous a chargés. Vous avez tout aban-
donné pour moi, afin de me donner contentement, repos, satisfaction
par vos paroles, vos conseils el vos précieux avis paternels, que vous
aviez thésaurises dans vos gorges et dans vos entrailles comme on
fait pour les choses les plus désirables. Nous n'oublierons point ces
paroles, ni moi ni mon mari ici présent, votre serf et serviteur, au-
quel Notre-Seigneur m'a unie. Pourrait-on croire par hasard que l'in-
différence lui fasse jamais oublier ni votre conduite ni le motif qui
vous a fait venir ici?
11 est, très vrai qu'il
a plu à Notre-Seigneur de nous donner une
pierre précieuse ou une plume riche ; j'aurai le bonheur de voir ve-
nir à la lumière du jour ce qui n'est que commencé, si tel est le plaisir
de Dieu ; mais peut-être aussi serai-jc privée de ce bienfait et
ne
.|oiiirai-jc point de la présence de mon enfant, ; j'ignore ce que Notre-
^signeur aura déterminé en celle importante affaire. Ce que je sais
'iniquement, c'est que je n'ai aucun mérite pour que cette créature
vienne au monde ; je ne puis savoir si elle verra le jour afin de met-
tre bien en évidence la grâce qui m'a été faite. Votre serf et servi-
lflnr est ici présent; lui cl. moi allons toujours ensemble
comme si
nos mains étaient attachées l'une à l'autre. Qui sait s'il lui sera donné
' ° Vft'ret de connaître le visage de celui qui est dans mon sein et qui a
424 HISTOIRE DES CHOSES
été fait de son propre sang? J'ignore s'il verra son image dans.|a
créature qui est en nioi, ou si le Seigneur qui est en tous lieux se vira
de nous en la faisant couler comme de l'eau, en l'affligeant de quel-
que maladie, à son âge le plus tendre, ou en la faisant naître avant
le temps ; et de la sorte, il ne nous resterait plus que notre désir de
posséder de la famille, sans que nos pleurs et notre pénitence parus-
sent dignes d'autre chose. Espérons cependant en Notre-Seigneur
quoique nous soyons sans mérite. Mes pères et seigneurs bien-aimés
je vous souhaite foules sortes de repos et de contentements.
CHAPITRE XXVI
1. C'est-à-dire: le médecin ilicitïï do la nuit, dos ténèbres (ynnlli) et, au figuré, la-ilfcp>'-
sihiirs des secrets.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 425
de vivre, iorsque Notre-Seigneur vous aura emportés, où ironl-
„->'«'
vous chercher? Puisque
Dieu vous fait encore la grâce que vous
1
vez vivants,
faites votre devoir. » Cela étant dit, l'accoucheuse, que
l'on était allé
chercher, se mettait en évidence. Les hommes vieux et
IPS femmes
âgées l'entouraient aussitôt, et l'une de celles-ci lui adres-
sait la parole en ces termes.
CHAPITRE XXVII
rormo révéronliolle de xoMealli, mnison fleurie, nom servant. & désigner les établis- \
^monls do lmins ou temnzcalli.
426 HISTOIRE DES CHOSES
Il n'y a pas d'autre personne plus habile que moi pour vous adresser
la parole avec cette courtoisie et bon style que vous méritez. Si nous
l'avions, elle ne serait point tenue à l'écart par ces vieillards, lus
pères et les mères de ces jeunes mariés, qui ont germé et procédé de
leurs aïeux et ancêtres, seigneurs et créateurs de cette jeune femme N...
et de son mari, votre serf et serviteur. Ils ignorent, ces aïeux, ce qui
se fait en leur absence, parce qu'ils se trouvent dans le recueillemcnl
et la retraite où Dieu les a mis. Ils s'en sont allés se reposer dans la
demeure où nous devons tous aboutir, .qui n'a ni fenêtre ni-lumière
dans laquelle ils contribuent au délassement de leur dieu, le père de
nous tous, Micllanleculli, le dieu de l'enfer. Plût au ciel qu'ils fussent
actuellement présents! ils pleureraient et s'affligeraientà l'occasion de
ce qui n'est pour nous qu'un rêve encore, de cette grande réjouissance
et de cette merveille dont Notre-Seigneur veut les gratifier. S'ils
vivaient, ils vous parleraient et vous adresseraient leur prière comme
vous le méritez. Mais, comme ils sont absents, nous qui sommes leurs
successeurs, nous ne faisons que des enfantillages en bégayant en
votre présence des paroles sans ordre et sans style, pour vous faire
part de nos besoins. Nous vous prions donc, senora, d'avoir pitié de
cette jeune femme et d'exercer sur elle les devoirs de votre profession,
puisque Noire-Seigneur vous a l'ait médecin et maîtresse et que c'est
par sou ordre que vous pratiquez votre art. Nous n'avons plus rien
à ajouter à ce que vous venez d'entendre. Que Dieu vous donne de
longs jours de vie pour le servir et l'aider dans la profession qu'il
vous a donnée.
o-endrée. C'est pour elle que vous appelez à haute voix la mère des
lieux des médecins et des guérisseuses, Yoalticill, qui est aussi notre
mère commune. Son pouvoir et son autorité s'étendent sur les
iemazcaUi appelés xochicalli 1, lieu où cette déesse voit les parties les
oins cachées sur les corps des hommes, redresse celles qui sont dé-
rangées et fortifie les points tendres ou trop ramollis. Vous allez
placer sur ses mains, sur ses genoux et sur ses épaules votre pierre
précieuse et plume riche. Ce qui est dans son sein provient de la
<>ràcc de Dieu, qui ordonne toutes choses et qui sait si ce sera une fil-
lette ou un petit garçon.
Je ne voudrais pas dire autre chose, moi qui ne suis qu'une mal-
heureuse et misérable vieille. J'ignore ce qui peut vous avoir poussés
à me choisir, car je n'ai ni discrétion ni savoir et je ne sais — sotte et
niaise que je suis — rien faire qui soit agréable à Notre-Seigneur;
lundis que vivent et fleurissent, en ce moment, beaucoup de servantes
de Nolre-SeigneUr, très savantes, expérimentées, prudentes et maî-
tresses en leur art, lesquelles Noire-Seigneur Dieu a enrichies de son
esprit, et de ses inspirations en leur donnant une réelle autorité pour
exercer cette profession. Elles ont en. outre des disciples instruites
comme elles et élevées à leur image, qui exercent et savent à mer-
veille ce dont vous venez de m'entrefenir. En présence du nombre si
considérable de ces personnes, je ne comprends pas que vous ayez
jeté vos regards sur moi. Je pense que c'est arrivé ainsi par ordre de
Notre-Seigneur,présent en tous lieux, qui est un abîme et s'appelle air
cl ténèbres. N'est-ce que pour mon malheur et pour que ce soit la fin
de mon existence? Peut-être ai-je assez fatigué Dieu elles hommes et
qu'il veut en finir avec moi. Quoiqu'on dise que je suis médecin, est-ce
que j'aurai assez de savoir et d'expérience pour soigner et accoucher
"ne pierre aussi précieuse et cette plume riche? Pourrai-jepénétrer la
volonté de Dieu ou compter sur nos mérites pour assurer qu'il nous
lera la grâce de conduire à la lumière celui qui est dans le sein de
votre fille précieuse, aussi belle que les riches plumes? Quoique je sois
médecin et accoucheuse, oserai-je compter sur mon expérience et mon
adresse pour mettre ma main dans les secrets du corps de ma fille
hien-aimée, ici présente,
au sujet de laquelle vous êtes plongés dans
hi peine et les angoisses? Dieu
me refusera-l-il son aide pendant que
1 Voyez la note de la
• page 425.
428 HISTOIRE DES CHOSES
jetterai tous mes efforts et que je remplirai lous les devoirs de nia
profession? Peut-être que, présumant de moi-même, je ferai tout dP
travers, tournant l'enfant de côté ou perçant avant le temps la bourse
dont il est enveloppé. Malheureuse que je suis ! Cela ne sera-t-il pas
l'occasion de ma mort? Mais, enfin, ô mes enfants, senores et seîïoras
mes précieux petits fils ! Il se peut que votre résolution ne vienne pas
de vous-mêmes, mais de Notre-Seigneur Dieu qui a entendu vos
pleurs. Et s'il en est ainsi, accomplissons maintenantsa volonté; qu'il
soit fait selon votre désir ; mettons la main à l'oeuvre et agissons
pour le service de l'enfant que Dieu nous a envoyé et donné, pour en
faire présent, comme venant de sa grâce, à cette jeune petite femme
qui est notre meilleure joie. Que dirons-nous de plus? Nous ne pou-
vons certes pas assurer que nous tenons la faveur au complet, mais
que Notre-Seigneur se prépare à nous la concéder ; car nous parlons
d'une chose obscure encore comme l'enfer. Que pourrions-nous donc
ajouter décidément? Espérons en celui par lequel nous vivons el;
attendons ce que l'avenir nous préparc et qui a été déterminé dans le
ciel et en enfer avant le commencement du monde. Nous verrons bien
ce qui a été résolu sur nous tous, et si le sort qui nous a été réservé
sera prospère comme la lumière de l'aurore lorsque Notre-Seigneur
fait lever le jour. Peut-être verrons-nous le visage de celle petite créa-
ture, pi'écieuse comme une plumé riche, que Notre-Seigneur veutnous
donner. Peut-être au contraire périra-l-elle dans le petit état où elle
est maintenant ou bien à l'âge le plus tendre. Peut-être encore, par
malheur, mon exquise fille bion-aimée mourra-l-elle avec l'enfanl
qu'elle a dans son sein. Mais je crois que je vous fatigue, seûores cl
senoras, et que je vous fais mal à la tête et à l'estomac avec mes lon-
gueurs. O senores, senoras et mes enfants, commençons à faire ce
que désire Notre-Seigneur qui est en tous lieux : qu'on chauffe le bain
qui est la case fleurie de notre Dieu ; que ma fille y. entre comme dans
le sein de notre mère YoaUicilL
Très chère sefiora, notre mère spirituelle, faites votre métier, agissez
selon: le voeu de notre déesse QidlaztM 1, et procédez au bain de cette
jeune.femme. Le bain est la fleur de Notre-Seigneur; nous l'appelons
lemaz-calli. C'est là que Yoallicill, qui en est la déesse, aide et guérit-
1. Plus connue sons le nom de Ciuacoall, femme serpent, ou mère du genre humain, a
laquelle Itzeoall, k' roi de Mexico, fit élever tin grand temple. Voy. la note 2 de la page 16.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 429
Cela étant dit, l'accoucheuse se mettait aussitôt en devoir d'allumer
-lle-iuènie le l'eu pour chauffer le bain. Elle y introduisait ensuite la
r mine
enceinte et elle faisait manoeuvrer ses mains sur son ventre
lour redresser sa
créature. Si elle la trouvait mal placée, elle lui fai-
llit l'aire volte-face. Si l'accoucheuse était indisposée ou un peu vieille,
une autre
allumait le feu du bain à sa place. Quand la jeune femme
était retirée du bain, l'accoucheuse lui palpait le ventre et pratiquait
plusieurs fois cette opération qui s'appelait jialper à sec. On a l'habi-
tude de flageller le dos de ceux qui se baignent avec des feuilles de
maïs bouillies dans l'eau même du bain ; mais l'accoucheuse ordonnait
quelquefois que cela ne se pratiquât point sur la femme enceinte.
Klle ordonnait aussi, bien souvent, qu'on ne chauffât pas beaucoup
l'eau du bain, parce que, disait-elle, le foetus aurait couru le danger
de s'échauffer et même de s'y brûler. Il en serait résulté qu'il se
collât au sein de sa mère, de manière à naître ensuite avec difficulté.
Elle donnait donc des ordres pour qu'on ne flagellât point le dos de
la baigneuse et que l'eau ne fût pas très chaude, alin que l'enfant ne
courût pas de danger. Elle commandait aussi que la femme enceinte
ne chauffât pas trop devant le l'eu, ou au soleil, son ventre et son
dos, à cause de la crainte de brûler le petit enfant. L'accoucheuse
prévenait aussi la jeune femme de ne point dormir dans le jour, pour
que l'enfant ne vînt pas au monde avec la ligure difforme. Elle donnait
encore bien d'autres ordres ou conseils à la femme, pour qu'elle s'y
soumît pendant tout le temps de sa grossesse: comme, par exemple,
de ne pas manger cette sorte de bitume noir appelé tzieUi, afln que
l'enfant n'y courût pas le danger nommé nelenlsoponiUzlli 1, et que le
palais de sa bouche ne devint pas dur ni les gencives engorgées, parce
qu'il en résulterait qu'il ne pourrait plus téter et qu'il mourrait. Elle
conseillait à la jeune femme de ne pas s'affliger ou se mettre en co-
lère, de ne pas s'exposer à des frayeurs, de peur qu'elle n'avortât ou
que la petite créature en reçût du dommage. Elle prévenait en même
temps les gens de la maison de lui porter sans retard tout ce qui lui
ferait envie, de crainte que l'enfant ne reçût quelque préjudice si on
ne donnait pas à la mère ce qu'elle voulait aussitôt qu'elle en aurait
témoigné le désir. Elle ordonnait également à la femme enceinte de
ne point fixer les objets rouges, pour ne pas s'exposer à ce que l'en-
fant, en naissant,
se présentât de côté. La jeune femme ne devait
point jeûner, afin que l'enfant ne souffrit point de la faim; elle devait
s abstenir de, manger de la terre et; du liçall, de peur que l'enfant ne
"aquît malade ou entaché de quelque défaut corporel, attendu que ce
l(
0 nies fils bien-aimés et senores ici présents, vous n'êtes point
des enfants, mais
des personnes sages et prudentes; nous savons
tous et vous voyez
de combien de grands périls de mort la femme
est menacée dans l'intérieur de son corps. Cette petite femme qui est en-
ceinte n'a encore aucune expérience des choses; vous devez donc avoir
bien soin d'elle et la mettre à l'abri de toute négligence. Occupez-
vous-en activement ; veillez à ce qu'elle ne tombe en aucun danger et
qu'il ne lui arrive quoi que ce soit susceptible de causer quelque mal
à la petite créature qui est dans son sein. Me voilà, moi, qui me
nomme médecin et qui le suis en effet dans ces cas; je suis là pour
avertir de toutes les choses qui peuvent être dangereuses en pareille
circonstance. Mais, si, malgré tout, quelque danger nous menace,
est-ce que j'aurai les moyens de le prévenir? Pourrai-je faire quelque
chose pour y porter remède? Suis-jepar hasard investie du pouvoir
de délivrer de la mort? Nous ne pouvons que venir en aide à Notre-
Scigneur par des conseils et des remèdes, en nous conformant à sa
volonté. Ce que nous pouvons faire, c'est quelque chose de compa-
rable au soin de chasser les mouches avec un émouchoir sur les gens
qui ont chaud. Pourrions-nous commander .que ceci ou cela arrive?
Suffirait-il d'ordonner que l'enfant naisse, pour obtenir que cela soit
l'ail à l'instant? Pourrions-nous mettre à la place de notre volonté la
miséricorde de Dieu qui est partout? Gela n'est pas possible assuré-
ment, pas plus que d'obtenir que toutes choses arrivent à notre fan-
taisie. Ce que nous tous devons faire, c'est d'élever nos prières vers
Noire-Seigneur et espérer de lui que sa volonté se fasse sans que nous
lit connaissions, avec la conviction que nous n'avons aucun mérite
pour voir s'accomplir ce que nous avons désiré. Rien ne nous est plus
nécessaire que pleurer et répandre des larmes. Senores et mes pctils-
lils bien chéris, soyez bien heureux ; je n'ai plus rien à dire.
»
432 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE XXVIII
CHAPITRE XXIX
COMME OUOl ON CANONISAIT COMME DÉESSES ET ADORAIT COMME TELLES LES FEMMES
(JD1 MOURAIENT EN COUCHES-, ON PRENAIT DES RELIQUES SUR LEUR COUPS.
DBS CÉRÉMONIES QUE L'ON FAISAIT AVANT DE LES ENTEHUElî, OU L'ON VOIT
DES CHOSES QU'IL EST FORTEMENT NÉCESSAIRE
QUE LES CONFESSEUnS SACHENT. ON APPELAIT inOC\Uaque{zqUG
LES FEMMES MORTES EN COUCHES,
D'OÙ L'ON A FAIT cinallampa 1 POUR DÉNOMMER L'OCCIDENT.
•
1-C'est-à-dire: vers les femmes; les Indiens supposaient que les nouvelles accouchées qui
mouraient des suiles de leur enfantement résidaient dans laparliedu ciel où le soleil
touche; de là l'expression figurée ciuallampa
se
pour désigner l'occident.
- Ile ciuatl, femme, el ijuclsifiiiy qui se lève [quelsa); pluriel, mociuarjHclzriHC.
28
434 HISTOIRE DES CHOSES
se réunissaient pour l'accompagner. Elles s'armaient d'épécs et de
boucliers el poussaient des cris semblables à ceux des soldats au mo-
ment où ils vont attaquer l'ennemi. Les jeunes gens qu'on appelait
telpopochlin marchaient à leur rencontre et engageaient un combat
pour s'emparer du corps de la morte. Celle attaque n'était nulle-
ment simulée, à la manière d'un divertissement; C'était un combat en
forme.
Oh allait enferrer la défunte au coucher du soleil, vers l'heure de
Yangélus. L'inhumation avait lieu dans lacoUr du temple de certaines
déesses,appelées femmes célestes ou Ciuapipillin, auxquelles ce temple
était dédié. Oh s'empressait de la couvrir de terre aussitôt qu'on arri-
vait dans la cour, et son mari accompagné de quelques amis gardait
lé corps quatre nuits de suite, pour que personne ne le volât. De leur
côté, les soldats valeureux faisaient la veillée pour tâcher de s'en
emparer, parce qu'ils l'estimaient à l'égal d'une chose sainte et di-
vine. Si ces soldats, dans leur premier combat contre les accoucheuses,
réussissaient à remporter la victoire et à s'emparer du corps, ils lui
désarticulaient aussitôt le doigt médius de la main gauche en pré-
sence des accoucheuses. Si plus tard, pendant la nuit, ils avaient la
chance de s'emparer du cadavre, ils lui coupaient ce même doigt ainsi
que les cheveux, et les gardaient comme reliques. La raison qui ins-
pirait aux soldats tant d'ardeur pour s'emparer du doigt et de la che-
velure de cette défunte, c'est qu'en allant ensuite à la guerre, ils
plaçaient ces objets à l'intérieur de leurs boucliers, dans la croyance
que cela les rendait vaillants et intrépides de telle façon que personne
n'osât se mesurer avec eux pendant la campagne. Ils pensaient aussi
que, délivrés par ce moyen de toute crainte, ils affronteraient un
grand nombre d'ennemis à la fois el feraient des captifs. C'était pour
de pareils exploits que les cheveux el le doigt de la défunte appelée
mociùaquelzqid inspiraient du courage en même temps qu'ils aveu-
glaient les soldats ennemis.
Certains sorciers, appelés lomamacpalitolique *, faisaient eu sorte
de s'emparer du corps de cette défunte pour lui couper le bras gauche
muni delà main. Ils prétendaient, dans leurs habitudes d'enchanle-
mcnls, que ce bras el celle main possédaient la vertu d'enlever le
sentiment aux gens qui habitaient les maisons où ils allaient corn
mettre leurs larcins. Ils en ressentaient une telle prostration, qu'ils
ne pouvaient ni remuer ni parler, quoiqu'ils vissent fout ce qui se
passait. Malgré la tristesse et les pleurs que la mort des femmes
1.Lnchafctemi, sùreie'jts, faiseurs de- magie; expression formet demaill, main, br*-1, e
niox-paiitotiaensorceler pour, voler.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 435
riitaquelzque causait aux accoucheuses, ses pères et parents en
entaient^ ia j0}6) par su\ie de la croyance où ils étaient qu'elle
'allait point en enfer, mais dans le palais du soleil, attendu que
cl astre l'avait
choisie et emportée pour lui-même à cause de sa va-
leur. Voici, du reste, ce que
disaient les anciens au sujet de ceux
nui allaient au palais du soleil. Tous les braves et tous les soldats
mii mouraient dans la guerre y étaient transportés. Ils habitaient la
partie orientale de sa demeure. Le malin, au lever de cet astre, ils se
couvraient de leurs armures et allaient à sa rencontre en poussant
des cris et en faisant grand bruit. Ils le précédaient ensuite en s'es-1-
crimant dans un combat simulé en signe de réjouissance et ils l'es-
cortaient ainsi jusqu'au point de midi, qu'ils appellent nepanlla lona-
tiuh. Les anciens disent aussi que non-seulement les femmes qui
meurent dans la guerre, mais encore celles qui mouraient en couches
et qui se confondaient avec les précédentes, vont également au palais
du soleil, pour y résider dans la partie occidentale du ciel, où le so-
leil se couche et qui pour cette raison était appelée ciuallampa, parce
que c'est l'habitation des femmes. Le matin donc, lorsque le soleil se
levait, les hommes allaient le fêter et l'accompagnaient jusqu'au
point de midi. Là, les femmes, revêtant leurs arm res, commen-
çaient A l'escorter et à guerroyer en signe de réjouissance. Les
hommes le laissaient en leur compagnie et se répandaient par tout le
ciel et ses jardins, en suçant les fleurs jusqu'au jour suivant. A leur
lour les femmes, à partir de midi, accompagnaient le soleil de leurs
divertissements, en descendant vers l'occident. Elles le portaient
sur un palanquin construit en plumes riches appelées quelzalli apane-
cayoll 1. Elles voltigeaient en poussant des cris de joie et en s'escri-
niiint pour le réjouir. Bientôt, elles le laissaient au point où i) se cou-
rbe el les habitants de l'enfer venaient l'y recevoir pour le conduire
<i leur demeure. Les anciens disaient qu'au moment où il fait nuit
1-On désignait ainsi les travaux de plumes dus aux artisans, amanleca, qui faisaient
u^ge pour leur art des plumes les plus belles, notamment du quelzalli.
436 HISTOIRE DES CHOSES
pour cela qu'on appelle mociuaquelzque les femmes qui meurent en
couches, dans la croyance qu'elles sont devenues déesses; aussi lors-
que l'une d'elles meurt, l'accoucheuse lui adresse-t-elle ses adora-
tions comme à une divinité, avant même qu'on l'enterre, en s'expri-
man.t comme il suit : « 0 ma fille bien-aimée ! vaillante, belle el
tendre petite tourterelle ! vous avez travaillé et fait des efforts en
femme courageuse; vous avez vaincu en vous conduisant comme
votre mère et maîtresse CiuacoaU ou Quilazlli; vous avez combattu
avec intrépidité. C'est avec une terrible valeur que vous avez l'ail
usage du bouclier et de l'épée dont votre mère CiuacoaUou Quilazlli
avait armé votre main. Réveillez-vous et debout, ma fille ! Le jour a
paru et l'on voit déjà les lueurs de l'aube matinale. Les hirondelles cl
tous les autres oiseaux font entendre leurs chants. Levez-vous,ma fille
et couvrez-vous de vos ornements ; partez pour ces lieux enchanteurs
où s'étale la demeure du soleil votre père ; là, tous les êtres vivent
dans la joie, le contentement el les délices. Allez avec le soleil, em-
portée par les femmes célestes, ses soeurs, qui sont toujours réjouies
et rassasiées de plaisir en sa compagnie, car il est le père universel.
Ma bien tendre et petite maîtresse, vous avez combattu et vaincu viri-
lement. Ce n'est pas sans fatigue que vous avez obtenu la gloire de
votre triomphe et de votre valeur. Vous avez eu bien de la peine cl
grande a été votre pénitence; mais aussi, la bonne mort que vous
avez eue passe pour bienheureuse parmi nous et elle vous sied à mer-
veille. Est-ce que, par hasard, celle mort aurait été stérile, sans mé-
rite et sans honneur? Bien certainement, non; elle a été fort honora-
ble et très fruclueusc. Qu'est-ce qui aurait pu vous combler de tant
de faveurs? Qui remporte mieux que vous une heureuse victoire, puis-
que votre mort vous a fait gagner la vie éternelle, pour en jouir dans
les délices avec les déesses célestes appelées Gmapvpillin? Parlez
donc maintenant, ma fille bien-aimée; montez lentement vers elles,
pour partager leur divinité. Allez, afin qu'elles vous reçoivent et que
vous soyez en leur compagnie occupée à réjouir de vos chants notre
père le soleil. Accompagnez-le sans cesse partout où il ira répandre
l'allégresse. 0 ma fille bien-aimée, ô ma maîtresse ! vous nous avez
abandonnés, et nous restons ici, nous, pauvres vieux et vieilles, indi-
gnes que nous sommes de tant de gloire. Vous avez délaissé voire
père et votre mère et vous êtes partie. Ce n'est pas votre volonté qui
en est cause; vous avez élê appelée et vous suivez la voix qui vous
attire. Que sera-t-il de nous en votre absence? Ma fille, nous allons
vivre comme perdus, orphelins et sans appui ! Nous ne serons plus
quede pauvres et malheureux vieillards qui feront la joie de la misère.
t> ma maîtresse! vous nous laissez "sur la terre pour que- nous allions
11E LA NOUVELLE-ESPAGNE. 437
norle en porte dans les rues, pauvres -et misérables. Nous vous
souvenir de nous dans votre nouvelle demeure et de
•ons de vous
•endre soin de la pauvretédont nous aurons à souffrir dans ce monde.
Vous
succomberons à la chaleur du soleil, au froid de l'air et au tour-
enl de la gelée; tout cela plonge dans l'angoisse nos misérables
pétris de terre. La faim s'est emparée de nous et nous H'avons
rorps
nul moyen de nous en défaire. Ma fille bien-aimée et valeureuse
scnora, je vous prie de nous rendre visite sur la terre, en
descendant
de ce lieu de plaisir et de félicité où vous êtes pour toujours et où
vous vivrez
éternellement dans la compagnie de Notre-Seigneur que
vous voyez déjà de vos propres yeux et à
qui votre bouche adresse la
parole. Priez-le pour nous et demandez-lui ses faveurs; c'est sur cela
que nous fondons notre repos. »
CHAPITRE XXX
CHAPITRE XXXI
BU CF. QUE
L'ACCOUCHEUSE DISAIT A" L'ENFANT EN LUI COUPANT L'OMBILIC.
K
Mon tendre.fils bien-aimé, voici les préceptes que nous ont légués
le seigneur Yoaltecutli et sa compagne Yoallicitl, les père el. mère. Je
coupe Ion nombril au milieu de ton corps. Sache bien el comprends
que la maison où tu es né n'est pas ta demeure: tu es soldat; tu es
l'oiseau appelé quecholli; tu es aussi l'oiseau appelé caquan; tu es
encore oiseau et soldat de celui qui est en tous lieux. Quant à la
maison dans laquelle lu es venu au monde, ce n'est qu'un nid; c'est
une hôtellerie où tu as mis pied à terre; elle est le lieu de ta sortie
parmi nous. C'est ici que tu germes et fleuris, ici que tu le sépares de
la mère, comme le fragment de pierre abandonne le bloc dont on
l'extrait. C'est ton berceau, le lieu où lu reposes ta tête ; mais la mai-
son n'est que ta demeure de passage. Ta vraie patrie est ailleurs; tu
es promis à d'autres lieux. Tu appartiens aux rases campagnes où
s'engagent les combats; c'est pour elles que lu as été envoyé; ton
métier et la science, c'est la guerre; Ion devoir, c'est de donner à
hoire au soleil le sang des ennemis et de fournir à la terre qui s'ap-
pelle TlaliecuUi les corps de tes adversaires, pour qu'elle les dévore.
Quant à ta patrie, ton héritage et ta félicité, tu les trouveras au ciel
dans le palais du soleil. C'est là que tu chanteras les louanges et
lents la joie de Notre-Seigneur qui s'appelle Tonamell .in maniz.
Ce sera pour toi
un heureux sort de paraître digne de finir ta vie sui-
tes lieux des combats'et d'y recevoir la mort fleurie. Ce que je coupe
maintenant de ton corps et du milieu de ton ventre est la propriété
duc à TlaliecuUi, qui est la terre et le soleil. Quand la guerre com-
mencera à bouillonner et que les soldats s'assembleront, nous con-
fierons ce nombril à
ceux qui sont de valeureux soldats, pour qu'ils
l'offrent à Ion père et à la mère, le soleil et la terre. Ils l'inhumeront
•in milieu du camp, où se livrent les actions de guerre : ce sera la
preuve que tu es offert et promis à la terre et au soleil; ce sera
le signe de la
promesse de le livrer au métier de là guerre. Ton nom
sera écrit sur les champs de bataille, pour qu'il ne soit jamais ou-
440 HISTOIRE DES CHOSES
blié, pas plus que ta personne. Cette offrande précieuse qui se cueille
sur'ton corps est comme une offrande d'une épine de maguey, de ro-
seaux à fumer et de rameaux à'acxoyall. Par elle se confirme ton
voeu et ton sacrifice. Il nous reste maintenant à attendre les mérites
les dignités et les vertus qui ressortiront de fa vie et de les oeuvres
Je désire que celui qui est en tous lieux le conduise, l'embellisse el
te pourvoie du nécessaire. »
Si l'enfant était une fille, l'accoucheuse, en lui coupant l'ombilic
lui parlait comme il suit : « Ma fille et ma maîtresse, vous êtes venue
dans ce monde où vous a envoyée Notre-Seigneur qui est partout-
vous êtes venue au lieu des fatigues, des labeurs et des tristesses, oit
régnent le vent et la froidure. Remarquez, ma fille, que j'ai pris et
coupé votre ombilic au milieu de votre corps, parce qu'ainsi l'ont
ordonné vos père et mère Yoallecutli qui est le seigneur de la nuit
et Yoallicillqui est la déesse des bains. Vous devez rester à la maison
comme le coeur dans la poitrine; vous ne devez point sortir ni pren-
dre l'habitude d'aller ailleurs. Votre devoir est d'être la cendre desti-
née à couvrir la braise du foyer ; vous devez être le trépied qui
supporte le pot-au-feu. C'est en cet endroit que Notre-Seigneur vous
enterre. Voire obligation est d'y travailler et votre métier doit con-
sister à porter de l'eau et à moudre le maïs sur la pierre. Vous devez
répandre votre sueur auprès de la cendre du foyer. » Cela étant dil,
l'accoucheuse enterrait près du feu l'ombilic qu'elle avait coupé sur
la petite enfant. C'était, disait-on, le signe que la fillette ne sortirait
pas de la maison, qu'elle ne vivrait pas autre part et qu'il ne con-
viendrait nullement qu'elle fût ailleurs. Cela signifiait encore qu'elle
aurait le soin de préparer le manger, la boisson et les vêlements, cl
que son occupation serait de filer et de tisser.
CHAPITRE XXXII
COMME QUOI L'ACCOUCHEUSE,APRÈS AVOIR FAIT TOUT CE QUE NOUS VENONS DP. IHRRj
LAVAIT L'ENFANT; COMMENT ON PRATIQUAIT CETTE ABLUTION,
ET LA PRIÈRE QUE FAISAIT L'ACCOUCHEUSE PENDANT LE LAVAOE.
CETTE PRIÈRE ÉTAIT A L'ADRESSE
DE LA DÉESSE DE L'iîAU QUI S'APPELLE GhalchiulMicUO.
L C'est-à-dire pierre précieuse (chalchiuill) éclatante ou qui jette des feux (lema). '
:
442 HISTOIRE DES CHOSES
communiqué par vos père el mère. » En achevant de laver l'cnlam
l'accoucheuse l'enveloppait en disant ce qui suit : « 0 pierre pré'
cieuse ! ô plume riche! ô émeraude ! ô saphir! vous avez été formé
aux lieux où le grand dieu et la grande déesse se tiennent placés an-,
dessus de tous les deux. Vous fûtes créé par vos père et mère
l'homme et la femme célestes, qui s'appellent Orne teculli et Orne
ciuall. Vous êtes venu dans ce monde où rognent sans mesure la cha-
leur et le froid, les vents, la faim, la soif, la fatigue et les pleurs
Nous ne pouvons dire, en vérité, que ce soit autre chose qu'un
lieu de larmes, de tristesse et de déplaisir. Ce sera donc votre métier
ici-bas de pleurer, de verser des larmes, d'êlre dans la tristesse el
de vivre dans la fatigue. Vous voilà arrivé, mon fils; reposez-vous
et délassez-vous sur cette terre ; que Notre-Seigneur qui est partout
vous y apporte le soulagement à vos maux el qu'il vous y pourvoie
du nécessaire. » L'accoucheuse prononçait ces paroles comme en
priant à voix basse, et, aussitôt après, elle élevait la voix, appelait
l'accouchée et lui parlait en ces termes.
CHAPITRE XXXIII
l ma
fille bien-aimée, précieuse personne, vous avez agi avec .bon-
heur et vous êtes venue
seconder la déesse Ciuacoatl ou Quilazlli. Nous
sommes toutes ravies que celle créature de Notre-Seigneur ait vu la
lumière en venant au monde. Depuis plusieurs jours nous attendions
(|U'e]le nous fût donnée, vivant dans l'anxiété de savoir quel serait le
dénoùinenl et de quelle manière Ciuacoatl se conduirait en cette
affaire. Que ferions-nous, ma fille, si votre délivrance ne s'était pas
effectuée avec bonheur? Que ferions-nous, si vous aviez succombé avec
l'enfant qui était dans votre sein? Que pourrions-nous dire et faire et
tic qui pourrions-nous nous plaindre ? Mais enfin Noire-Seigneur Dieu
nous a fait la grâce d'une heureuse délivrance et nous voyons de
nos propres yeux cette pierre précieuse et cette plume riche. Ce pau-
vre petit, comme s'il venait de loin, est arrivé bien fatigué; mainte-
nant, nous ignorons s'il nous donnera le bonheur complet en prolon-
geant sa vie; cela est pour nous aussi douteux que les rêves. Mais,
quoi qu'il arrive à la petite créature par disposition divine, vous
avez fait votre devoir ; reposez-vous et soyez satisfaite. Que la volonté
de Dieu se fasse ; attendons avec confiance ce qu'il nous réserve
pour l'avenir. Nous ne savons pas plus ce qu'il sera de nous que de
l'enfant qui vient de naître. Soyez bien heureuse, précieuse sefiora.
.le n'en veux pas dire davantage, afin de ne pas fatiguer voire tête et
votre estomac; vivez de longs jours dans la joie ; que Notre-Seigneur
vous donne paix et contentement. »
L'accoucheuse répond : « Très valeureuses sefioras ; vous voilà
assises, en cet endroit, par la volonté de Notre-Seigneur qui est en
lotis lieux. J'ai bien vu la peine que vous avez éprouvée dans ces
derniers jours : vous n'avez eu ni sommeil ni repos, en attendant
dans l'angoisse l'événement de la délivrance et ce que notre mère
cl sefiora CiuacoaU daignerait faire en cette circonstance. Vous atten-
diez, également dans l'anxiété et la peine de savoir à quel point votre
tille tendrement aimée se conduirait avec virilité pour expulser ce
qu'elle avait dans son sein : chose en vérité bien pénible, pitoyable
cl quelquefois mortelle. C'est là une vraie bataille où nous autres
femmes courons les plus grands dangers car, c'est un tribut de mort
;
qui nous est imposé par notre mère CiuacoaU ou Quilazlli. Mais je
rends grâces maintenant à Notre-Seigneur, puisqu'il a daigné per-
mettre que celte jeune femme ail fait voir le jour à son fils bien-aimé.
'''p-st pour s'être conduite
avec valeur el courage, que la volonté de
Notre-Seigneur permis
a que cet événement fût prospère. La bien
.lftnne femme, votre fille, a été fort heureuse, heureux aussi son jeune
444 HISTOIRE DES CHOSES
mari. C'est sous vos yeux qu'est née cette créature de Nolre-Seigncm-
qui est comme un bijou précieux et une plume riche. Vous voyez son
visage. Le petit enfant est comme une plante que nous léguèrent ses
aïeux, et comme un fragment de pierre précieuse coupé de nos ancê-
tres qui sont morts depuis longtemps. Notre-Seigneurnous l'adonné-
mais nous n'avons pas la certitude qu'il continuera à vivre; il esi
comme le rêve de notre sommeil. Nos yeux ont vu celle pierre pré-
cieuse et plume riche germer en notre présence. Ce que je puis dire
maintenantc'est que Notre-Seigneur Quelzalcoall, qui est le créateur a
placé un joyau dans cette poussière et dans celle pauvre maison faite
de roseaux; ce que je puis affirmer encore, c'est qu'il a orné votre
gorge, votre cou et vos mains avec un bijou de pierres précieuses el
de plumes riches d'une beauté que l'on rencontre rarement, môme en
les recherchant avec sollicitude. Je puis dire encore qu'il a mis dans
vos mains un faisceau de plumes de quelzalli de la forme et de la
couleur les plus parfaites. Il convient que vous répondiez à Nolrc-
Seigneur qui est en tous lieux par des pleurs et des prières dévotes,
en reconnaissancede ce grand bienfait : soupirez et pleurez jusqu'à
savoir si, par sa volonté, vivra cette pierre précieuse et celle plume,
riche dont nous ne parlons actuellementqu'en rêvant, puisque nous
ignorons si cet enfant croîtra, s'il s'élèvera, s'il vivraquelques années,
s'il sera l'image, l'honneur et la gloire des vieillards qui ne sont.
plus et dont il descend. Nous ne savons pas davantages'il fera re-
vivre la destinée et relèvera les tôles de ses aïeux. Je désire, senores,
que vous viviez, que les choses se passent en votre présence et que
vos yeux puissent voir quelle situation Notre-Seigneur lui réserve.
Nous ignorons si Sa Majesté divine vient de nous donner un épi de
maïs niellé, impropre à l'usage ; si ce sera un objet inutile ou si,
petit encore et tendre comme l'eau, Dieu l'emportera pour lui-même,
et si, répondant à son appel, cet objet précieux retournera à celui qui
l'a fait. Mes très heureux senores, priez de toutes vos forces, sou-
pirez et approchez-vous de Notre-Seigneur qui est en tous lieux.
Plaise à Dieu que vous ne soyez pris d'aucun orgueil intérieur en
pensant que cet enfant vous a été donné à cause de vos mérites. S'il
en était ainsi, Notre-Seigneur verrait vos pensées, il vous priverait de
ce qu'il vous a donné et enlèverait lui-même de votre gorge la pierre
précieuse dont il vous avait ornés. Soyez heureux et prospères,
senores et mes fils. Ce n'est qu'en bégayant que j'ai balbutié sans
ordre celle réponse aux paroles paternelles que vous m'aviez adres-
sées. Je vous souhaite tranquillité et repos ; qu'il plaise à Dieu de
vous les donner et vous rendre aussi heureux que je l'en prie et quo
je le désire, ô mes senores très estimés. »
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 440
CHAPITRE XXXIV
Il
ÉTAIT D'HABITUDE ENTRE LES PRINCIPAUX PERSONNAGES ET LES MARCHANDS :
CHAPITRE XXXV
DES DISCOURS QUE PRONONÇAIENT LES AMBASSADEURS ENVOYÉS PAR LES SEIGNEURS
D'AUTRES PROVINCES
POUR SALUER L'ENFANT ET SES PARENTS, ET DE CE QUE L'ON RÉPONDAIT
DE LA PART DE CEUX-CI.
CHAPITRE XXXVI
CHAPITRE XXXYII
CHAPITRE XXXVIII
CHAPITRE XXXIX
COMME QUOI LES PERE ET MERE, DANS LEUR DESIR DE VOIR VIVRE LEURS ENFANTS,
PROMETTAIENT DE LES METTRE DANS LES MAISONS RELIGIEUSES,
DONT II- Y AVAIT DEUX DANS CHAQUE VILLE, L'UNE PLUS RIGOUREUSEQUE L'AUTRE,
POUR HOMMES ET POUR FEMMES,
AUXQUELLES ON LES CONFIAIT A L'AGE CONVENABLE.
ls donnaient à manger
et à boire. S'ils devaient le confier
au telpoch-
calli ils faisaient appeler le supérieur de cette maison, qui portait
le nom de
lelpochtlaloque; on mangeait et buvait en sa compagnie, et
l'on avait l'habitude
de distribuer amicalement à ce propos quelques
cadeaux de maxlli, de manias et de fleurs. Le supérieur de cette insti-
tution, après avoir mangé, bu et reçu des dons, prenait dans ses bras
l'enfant, garçon ou fille, pour témoigner qu'il resterait sous sa dé-
pendance tout le temps qu'il ne serait point marié et que, dès ce
moment, il appartenait à sa confrérie et à ses règlements intimes. On
lui trouait la lèvre inférieure et on y plaçait, pour mentonnière, une
pierre précieuse. Quant à la jeune fille offerte au lelpochpan i, on la
livrait à la femme qui était chargée des autres pupilles. Lorsqu'elle
élait déjà grandelelle, il lui fallait apprendre à chanter et à danser,
alin qu'elle pût faire le service du dieu appelé Moyocoya, Tezcallipoca
cl; Yaoll. Quoiqu'elle appartint à celte communauté, la jeune fille
continuait à rester avec ses père et mère. Mais si elle était destinée au
calmecac, on la mettait dans ce monastère pour qu'elle y restât au
service de Tezcallipoca jusqu'à son mariage. Le jour de son entrée,
on offrait un banquet aux religieuses les plus anciennes de celle
communauté, lesquelles portaient le nom de quaquacuillin, ce qui
veut dire femmes ayant les cheveux coupés d'une certaine façon.
Elles recevaient l'enfant ou la jeune fille et le faisaient savoir au mi-
nistre du temple qui s'appelait Quelzalcoall. Celui-ci ne sortait point
du temple et n'entrait jamais dans d'autres maisons que le palais
du roi, parce qu'il était très vénérable, très grave et prisé comme
dieu. Quand on l'avait instruit de l'entrée de la jeune fille dans cet
établissement, on y installait celle-ci définitivement. On la menait par
la main ou on la portait dans les bras et, la présentant au dieu
Quelzalcoall au service duquel le personnel de la maison se dédiait,
on lui parlait clans les termes suivants : « O très bon seigneur, pro-
tecteur de tous ! voici ces vassales qui vous conduisent une nouvelle
servante offerte par ses parents pour qu'elle reste attachée à votre ser-
vice. Vous connaissez bien la pauvre petite qui vous appartient. Qu'il
vous plaise la recevoir, afin qu'elle balaye et orne pendant quelque
temps votre maison de pénitence et de pleurs, où les filles des nobles
viennent se mêler à vos richesses, en vous priant et en vous accla-
mant avec grande dévotion et au milieu de leurs larmes, sans jamais
cesser de demander à s'inspirer de vos paroles et de vos vertus.
Veuillez bien, seigneur, l'honorer de vos faveurs et la recevoir; faites-
la entrer dans la compagnie des vierges appelées tlamacazque, qui
•
Etablissementd'éducation pour la jeunesse [lelpochUi suivi de la postposition pan).
460 HISTOIRE DES CHOSES
font pénitence, servent dans le temple et coupent leurs cheveux.0 sei-
gneur très bon, protecteur de tous, qu'il vous plaise faire pour elle
selon votre sainte volonté, en lui concédant les grâces que vous
savez lui convenir. » Cela étant dit, si la jeune fille était déjà gran-
delette, on lui scarifiait les côtés et les seins pour témoigner qu'elle
était religieuse. Si elle était encore très petite, on lui mettait au cou
un collier qui s'appelle yacualli. Elle le portait jusqu'à ce qu'elle arri-
vât à l'âge convenable pour entrer au monastère ; c'était comme une
preuve du voeu qu'elle devait accomplir. Elle restait jusque-là dans
la maison de ses parents; mais aussitôt qu'elle avait l'âge nécessaire
on la faisait entrer au calmecac, autrement dit maison de pénitence,
et elle était inscrite, à l'âge requis, parmi les religieuses.
CHAPITRE XL
COMME QUOI. LE TEMPS ETANT VENU DE FAIRE ENTRER UN FILS OU UNE FILLE
AU COUVENT CONFORMÉMENT A LA PROMESSE FAITE,
TOUS LES VIEUX PARENTS SE REUNISSAIENT POUR DONNER AVIS AU JEUNE GAIIÇOK
•OU A LA JEUNE FILLE DU VOEU QUE SES PARENTS AVAIENT FAIT,
DE LA MAISON OU IL DEVAIT ENTRER ET DE LA VIE QU'IL ÉTAIT DESTINÉ
A Y MENER.
CHAPITRE XLI
1. C'est ici que le lecteur regrettera sans doute avec nous de n?avoir point le texte
nahuall de ces locutions, ainsi que des énigmes et métaphores indiquéesdans les chapitres
suivants. Si le fond en est parfois ennuyeux, comme le dit Sahagun, la forme doit avoir
pour le philologue un intérêt tout particulier. N'est-ce pas, en effet, dans ces images, dans
ces expressions figurées,.quese révèle surtout le génie d'une langue?
2. Littéralement« page, serviteur (xoxololl) qui va en messager [lillani) ».
3. Ce mot n'est pas correct. Je propose do lire momachizlia » qui dit savoir. »
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 465
fntremetteur en toutes choses. — Ce mot se dit de celuiqui entre là
, y ne
devrait pas aller voir, de celui qui se met à faire ce dont on
l'a pas chargé ou qui se mêle à ceux qui s'en occupent, sans que ce
soit son emploi.
Il esl encore temps d'échapper à ce danger. — Ce proverbe s'appli-
à celui qui, étant ivre, donne la mort à quelqu'un et qui, quand
il revient à lui et se
voit arrêté comme homicide, dit : « Je ne suis pas
encore perdu tout à
fait; je puis me libérer parce que j'étais ivre
lorsque je tuai et je ne sus guère ce que je fis. C'est pour cela que
j'espère encore m'échapper du filet. »
C'est un Merlin. — Ce mot se dit de celui qui fait des réponses ai-
sées en n'importe quelle chose qu'on lui demande, alors même qu'elle
est difficile, et qui a des ressources propres à tout.
// y a des jours de malheur. — Cela se dit de l'impossibilité de faire
aujourd'hui une chose qu'on fait aisément un autre jour.
// est de coutume dans le monde que les uns montent et les autres des-
cendent. — La signification de ce dicton est fort claire: aussi disait-on
de quelqu'un : Il fleurit dans le monde comme le petit pommier
appelé texocoll\ lequel porte des pommes les unes mûres, les autres
en voie de mûrir et d'autres encore en fleur. On dit la même chose
du monde.
Quelque vil qu'on te paraisse, ne méprise jamais personne. — Cela
se dit ainsi parce que les gens qui paraissent vils et méprisables
possèdent quelques qualités honorables et dignes d'estime.
La goutte C7'euse la pierre. — Ce dicton s'applique à ceux qui
s'obstinent et persévèrent en quelque entreprise qui paraît difficile.
Ainsi, lorsque quelqu'un, n'ayant pas l'adresse nécessaire pour
réussir dans un métier mécanique, s'y acharne pour l'apprendre et
finit par atteindre son but, on dit à son propos que la persévérance
l'ail beaucoup.
Il saule comme grêle sur bât. — La signification de ce dicton est
claire 2.
lin loup dans la peau d'une brebis ou un faux bonhomme.
— Ce
dicton s'applique à ceux qui dans leur manière de parler, de regarder
et de marcher, paraissent simples cl tout ronds, tandis qu'en dedans
L CralxQus mcxieana, plante très commune sur les hauteurs qui sont dans les
J-'iivirons de Mexico. Le fruit en est astringent et sert à faire une gelée très agréable;
!>i racine
est apéritive et s'emploie pour combattre l'hydropisie. Les Espagnols l'appellent
Lejoecite.
*• La traducteur croit devoir faire observer que rien n'est moins clair que celte signi-
'«ilion, nVn déplaise à Snliaguii. Salta como granizo de albarda est, d'ailleurs,
« » un
l'iûvcrbc espagnol, et mexicain, qui dit d'un homme qui Riche et rage niaise.
non se se
fflciH de tout
ce qu'il entend dire.
30
466 HISTOIRE DES CHOSES
ils sont malicieux, trompeurs et haineux. Ils disent |une chose et
font une autre.
Il a quelque fantôme qui vient à son aide. — Cela se dit de ceux
•
ont l'air de ne rien faire et qui sont riches; de ceux aussi qui tra
vaillent peu pour apprendre et cependant savent mieux et possèdent
plus que ceux qui s'efforcent davantage pour apprendre ou gao-ner
leur vie.
Visage sans vergogne ou visage de bois. — Cela se dit de ceux qui
étant de peu de savoir et de bien peu de valeur, ne se gênent pas
pour parler et se pavaner entre les sages.
Obstiné. — Cela se dit de ceux qui ont beaucoup de confiance en ce
qu'ils disent, tandis qu'ils ne trouvent rien de bon dans ce que discnl
les autres.
Se glorifier ou se vanter d'un enfantillage. — Cela se dit des per-
sonnes qui, ayant l'âge requis pour ne plus faire d'enfantillages v
persistent encore et y trouvent leur plaisir.
J'arracJie mes plants ou mes propres semailles. — Cela se dit de
ceux qui, ayant un ami, se brouillent avec lui et s'en séparent pour
une offense légère et, s'ils savent quelque chose de ses secrets, les
divulguent ou les lui jettent à la face.
Il mange une seconde fois ce qu'il avait déjà rendu par la bouche
ou par le corps. — Cela se dit de celui qui, ayant donné quelque
chose en cadeau, demande qu'on le lui rende.
Il a la poutre dans l'oeil et ne la voit pas, ou bien il ne voit pas sa
vilenies et ses saletés. — Cela s'applique à celui qui a la figure sale
sans le savoir, ou plutôt à celui qui, étant niais, se tient pour
instruit, ou à celui qui, étant pécheur, se tient pour juste.
Il ne se palpe ]ias lui-même. — C'est le même sens que le précé-
dent.
Il ne fait ni n'entend les choses qu'à l'envers. — Cela se dit des sols
et des niais.
Arbre sans fruit ou travail sans récompense. — Cela se dil ùe
ceux qui ont travaillé pour obtenir quelque chose et qui, après beau-
coup de peines, n'obtiennent rien et ne réussissent nullement.
Ravisseur ou égraligneur. — Ce dicton désigne clairement le vo-
leur.
Ma jouissance est tombée dans lepuils. Où j'attendais de la reconnais-
sance, je n'ai reçu que confusion. — Ce dicton s'applique à celui qui)
ayant fait du bien à un autre, est payé par l'ingratitude de celui (jm
a reçu le bienfait. On dil alors : Mes cheveux ont couvert mon visage-
Parler par des détours. — Cela se dit de quelqu'un qui, ne voulant
pas dire la vérité, emploie des détours pour qu'on ne comprenne pas
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 467
ii doit être caché, et satisfait ainsi son interlocuteur sans lui dire
le vrai-
Avec quel visage me vois-tu? — Cela se dit de celui qui a voulu
per quelqu'un et
n'y a pas réussi. Après avoir découvert sa mau-
;sc foi, celui qui ne s'y est pas laissé prendre lui dit : Où est ton
,
,-sa<ToV C'est-à-dire avec
quel oeil me regârdes-tu, éhonté?
Il me le payera. — On le dit loi'sque quelqu'un s'enfuit après avoir
hit un affront à un autre. Alors celui-ci s'écrie : Gan noyacauh! ce
(]Ui veut dire :
Il ne m'échappera pas sans qu'il le paye.
Noire espinilla ou le remède de notre affliction. — Cela se dit, à titre
de moquerie, de
celui qui se vante faussement de quelque haut fait.
C'est comme si l'on disait : Ce fanfaron conte ses prouesses.
Il sait tout. — Ce dicton est d'une signification bien claire, dans le
sens d'une
application à celui qui se vante trop de savoir et d'avoir
vu bien des
choses.
Je l'ai gagné par ma lance. — Ce diclon s'applique à celui qui, ayant
n-agné bien justement quelque, chose, est en butte à la contradiction
d'un autre qui le revendique. Le premier s'en défend en disant :
Nomiuh, c'est-à-dire : C'est ma sueur et mon travail.
Les ailes ne peuvent pas être plus noires que le corbeau. — Cela se dit
.
de celui qui, ayant mis tout son avoir dans une marchandise, l'a perdu
en nier, ou d'une autre façon, et qui dit, pour donner une idée exa-
gérée de sa perte : Icnopilloll omomelauh', lous les maux me sont
lombes dessus.
Je fus chercher de la laine, je revins tondu 2 et je trébuchai sur la
pierre. — Gela se dit de celui qui, allant solliciter quelque faveur
auprès d'une personne fortunée, n'en obtient que la disgrâce, sans
aucun profit.
Je pensais gagner quelque chose et je ne fis que perdre ce que j'avais
emporté. — Il m'arriva ce qui arrive au papillon qui, pendant la nuit,
s'approche du flambeau à cause de la lumière et s'y brûle. Ce diclon
s'applique d'ailleurs à bien d'autres choses; on le comprend claire-
ment.
Figure de Cendrillon. Cela se dit de celui qui, ayant fait quelque
—
chose, pense
que tout le monde l'ignore lorsque tout le monde le
sait.
— Cela se dit de quelqu'un qui
Trouble-fête et épouvantait d'amis.
est mal vu à cause de son caractère et qui, entrant quelque part où un
CHAPITRE XLII
CHAPITRE XLIII
•
C'csl-à-diro : 11 est tourné vers loi, il a les oreilles tendues vers loi.
472 HISTOIRE DES CHOSES
Cheveux, ongles, barbe, sourcils et fragment de pierre précieuse
Cela se dit de celui qui est noble el de lignée seigneuriale. —
1. Le lecteur est prié de vouloir bien remarquer que cotte note qui termine le livre
sixième est de Sahagun lui-même et non pas du traducteur.
A quel point les gentils et nos ancêtres les Grecs et les Latins furent.
dans l'erreur au sujet des choses créées, cela ressort clairement de
leurs propres écrits qui ont mis au jour leurs tables ridicules relati-
vement au soleil, à la lune, à quelques étoiles, à l'eau, au feu, à la
lerre, à l'air et aux autres objets de la création. Le pire de tout, c'est
qu'ils leur attribuèrent la divinité, les adorèrent, leur firent des
offrandes et des sacrifices et les révérèrent comme des dieux. Gela pro-
vient en partie de l'aveuglement dans lequel nous sommes tous
tombés à la suite du péché originel, et, sans nul doute aussi, de la
méchanceté et de la vieille haine de notre ennemi Satan, qui s'ingénie
toujours à nous entraîner à des choses viles, ridicules et coupables.
Mais, si cela est arrivé comme nous le savons parmi des gens d'une
telle culture d'esprit, personne n'a lieu d'être surpris de voir de sem-
blables choses parmi les pauvres habitants de ce pays, si grossiers
cl si faciles à tromper. C'est pour qu'ils soient tirés de leur aveu-
glement par les prédicateurs et les confesseurs que nous décrirons
dans le présent livre quelques fables frivoles et sans valeur que
leurs aïeux leur ont transmises sur le soleil, la lune, les étoiles, les
éléments et les corps composés. Nous placerons à la fin du livre leur
manière de compter les années et de calculer le jubilé qui avait lieu
tous les cinquante-deux ans. Il est fait mention, en môme temps,
des remarquables cérémonies qui étaient faites en cette occasion.
AVIS AU LECTEUR
DE CETTE. NOUVELLE-ESPAGNE.
CHAPITRE PREMIER
DU SOLEIL.
CHAPITRE II
DE LA LUNE.
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
11ES COMÈTES.
CHAPITRE V
DU VENT.
CHAPITRE -Vi
DES NUAGES.
Les nuages et les pluies étaient attribués par ces indigènes au dieu
Tlalocan leculli, qui avait sous ses ordres un grand nombre d'autres
dieux appelés Tlaloque ou Tlamacazque. On les regardait comme les
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 485
'
ieraleurs.de toutes les choses nécessaires à la vie du corps, comma
°
nïs haricots, etc....
Ils envoyaient, en effet, les pluies pour que na-
uissent toutes les choses que la terre produit. Lorqu'on faisait une
nie à ce dieu et à ses acolytes les tlamacazque
qui demeuraient dans la.
naison du temple appelé calmecac, on s'y préparait par un jeûne de.
nualre jours. Cette pénitence étant terminée, si quelque faute avait été
commise parmi eux, on allait faire subir le châtiment sur la lagune
riour honorer ces
divinités. Le coupable était traîné et abîmé de coups
de pied dans l'eau et dans la boue, ainsi que cela a été-dit ailleurs,
jusqu'à ce qu'on le laissât presque pour mort. On enfermait, pour les
châtier ce jour-là, tous ceux qui dans le calmecac avaient démérité en
cassant quelque plat ou en faisant d'autres choses semblables. Quel-
quefois les parents de celui qui était emprisonné donnaient aux tla-
macazque des poules, des mantas ou autres objets, pour qu'on le mît
en liberté et qu'on
n'allât pas le noyer. Quant à ceux dont on n'avait
pas obtenu le pardon, quand ils étaient enfermés, les parents n'o-
saient plus intervenir au moment où le châtiment leur était appliqué
de la sorte. Les traitements qu'on leur faisait subir allaient à ce point
qu'on les laissait presque morts, étendus au bord de la lagune
où les parents allaient les prendre pour les porter chez eux. Dans la
fêle de ces dieux, tous les màcelmalli mangeaient du maïs cuit et pré-
paré à la manière du riz, et les llamacazque s'en allaient chantant et
dansant dans les rues, en portant d'une main un pied de maïs vert
et de l'autre un pot avec son.anse. Ils priaient partout qu'on- leur
donnât du maïs bouilli, et les macehualk s'empressaient d'en mettre
dans leurs pots. On disait que ces dieux faisaient les nuages, les
pluies, la grêle, la neige, le tonnerre, les éclairs et la foudre.
L'arc-en-ciel est comme une sorte d'arc en maçonnerie qui affecté
différentes couleurs. Son apparition est le signe d'un ciel serein.
Lorsqu'il paraissait se reposer sur quelque maguey, on prétendait
qu'il le flétrissait et faisait sécher. On disait aussi que, lorsqu'il se
montrait souvent dans le ciel, c'était le signe que les pluies allaient
cesser.
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
Exorcistes, ceux qui conjurent les orages. Substantif formé du verbe Iccinhllaph
1.
éloigner (llaça), la grêle, l'orage (leciuiti).
2. Ces noms des quatre pointscardinauxsont pris au figuré, ainsi que nous l'avons vu
pour ciuallampa, litt. vers les femmes. Los trois autres signifient : uilztlampa, vers les
épines ou les piquants (uilzlli); tlapeopa> du côté où l'on voit le ver luisant (copM), °
micllampa, vers l'enfer (micllan).
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 487
m quatre maison, et l'on continuait ainsi en augmentant les
ombres jusqu'à treize. Quand on avait fini cinquante-deux ans, le
compte était ramené à ce Iochtli.
Acall roseau, est le signe appliqué à l'orient, appelé tlapcopa
ilauHcopa 1, source de la lumière ou du soleil. Tecpall, obsidienne,
était le signe dédié à micllampa dans la direction de l'enfer, parce
qu'on croyait que les morts s'en allaient vers le septentrion. C'est
pour cette raison que,
dans leurs pratiques superstitieuses relatives
aux morts,
après les avoir enveloppés dans leurs couvertures, on
asseyait les corps des défunts en tournant leurs figures dans la direc-
tion de micllampa. Le quatrième signe, « la maison, 53 était dédié à
l'occident appelé ciuatlampa, qui veut dire presque la maison des
femmes, parce qu'on était dans la conviction que les femmes défuntes,
devenues déesses, fixaient leur demeure au couchant, tandis que les
hommes résidaient à l'orient. On croyait également que les hommes
morts qui habitent le palais du soleil conduisaient cet astre, en s'éver-
luant à le réjouir depuis son lever jusqu'à la hauteur de midi, et que
les femmes appelées Ciuapipillin, que l'on lient pour déesses, partaient
de l'occident pour l'aller recevoir- au point de midi et le conduire à
son coucher, au milieu de grandes réjouissances.
En calculant le temps de treize en treize années, chacun des quatre
signes commence ce compte à son tour et l'on dit ainsi : ce Iochtli,
orne acall, ci tecpall, naui calli, maciiillochlli*, six acall, sept lecpall,
huit calli, etc., et, en treize fois quatre, on finit le compte de cin-
quante-deux ans. Cette période étant terminée, ainsi qu'il est dit, le
calcul revenait à ce Iochtli, qui était le signe de midi appelé uilztlampa.
Quand on y arrivait à nouveau, tout le monde craignait la famine,
parce qu'on le tenait pour signe de disette.
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
Lorsque le cercle des ans avait été parcouru, les habitants de Mexico
et des environs avaient l'habitude de célébrer, au commencement de
la nouvelle période, qui portait le nom d'orne acall, une fête ou grande
solennité appelée loxiuh ilpilia, qui signifie à peu près noeud des
années. Elle se célébrait tous les cinquante-deux ans, c'est-à-dire
lorsque chacun des quatre signes avait régi à son tour un groupe de
treize années. On appelait cette fêle loxiuh ilpilia, voulant dire : nos
années sont attachées, parce qu'on allait en commencer une autre
série de cinquante-deux. On disait aussi xiuhtzilzquilol, ce qui veut
dire : nous entrons dans l'année nouvelle, et pour témoigner de
cet événement, tout le monde portait les mains sur les herbes, afin
de donner à entendre qu'une autre série de cinquante-deux ans allait
commencer pour parfaire le nombre de cent quatre qui formait le
siècle.
C'était alors aussi qu'on faisait le feu nouveau. Quand le jour de
celte cérémonie approchait, tous les habitants de Mexico avaient l'ha-
bitude de jeter à l'eau, dans les canaux et les- lagunes, les blocs de
pierre ou de bois qu'on adorait comme dieux de la maison, ainsi que
d'autres pierres qui servaient à l'installation des foyers pour faire la
cuisine, et celles encore sur lesquelles on avait la.'coutume de moudre
le piment. En même temps, on nettoyait parfaitement les maisons,
et, pour finir, on éteignait tous les feux. Un endroit était réservé à la
cérémonie où l'on faisait ce feu nouveau : c'était le sommet d'un mon-
ticule, appelé Uixachllan % qui se trouve situé à deux lieues de Mexico,
aux confins iïlztapalapan et de Golhuacan 1. Cela se pratiquait à l'heure
de minuit. On plaçait le morceau de bois, duquel le feu devait être
extrait, sur la poitrine du plus généreux des captifs, pris à la guerre,
car on allumait ce feu dans un morceau de bois bien sec, au moyen
CHAPITRE XI
Nous avons déjà dit que la sierra de Uixachllan était destinée à celle
cérémonie. Voici maintenant quelles étaient les règles suivies pour
s'y rendre. La veille de cette fête, au coucher du soleil, les prêtres
des idoles s'apprêtaient et se revêtaient des ornements de leurs dieux,
;
de manière à leur ressembler absolument. Dès les premiers moments
de la nuit, ils se mettaient en roule peu à peu, marchant lentement,
gravement et en silence. C'est pour cela qu'on disait teonenemi, ce
qui signifie : ils marchent comme des dieux. Partis de Mexico, ils
arrivaient à la susdite sierra quand il était près de minuit. Le prêtre
du quartier de Calpulco, dont l'office était de faire ce feu nouveau, por-
tait dans ses mains les instruments dont il devait l'extraire. Pendant
tout le parcours, il ne cessait d'essayer le procédé qui devait le con-
duire à faire Je feu plus facilement. La nuit de cette cérémonie étant
venue, tout le monde élait saisi de frayeur et attendait dans l'anxiété
ce qui allait arriver; car ils étaient imbus de la croyance que, s'il
devenait impossible de faire du feu, ce serait la fin de la race humaine
el les ténèbres de celte nuit deviendraientéternelles; le soleil ne se lève-
rait plus, et, des hauteurs de l'espace, descendraient les Izilziminw,
formes repoussantesel terribles, qui viendraient dévorer les hommes
et les femmes. C'est pour cela que tout le inonde montait sur les
terrasses où se réunissaient les habitants de chaque maison, per-
sonne n'osant rester en bas. On appliquait sur les figures des femmes
enceintes un masque fait de feuilles de maguey. On prenait soin
aussi de les enfermer dans les silos, parce qu'on était dans la croyance
que, si le feu ne pouvait se faire, elles se convertiraient en bêtes
féroces et dévoreraient hommes el femmes. On agissait de même avec
les enfants, en leur mettant sur la figure ce même masque de maguey-
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 491
laissait point s'endormir et leurs parents prenaient bien
ne les
in de les tenir
éveillés en les malmenant et en leur criant, aux
-eilles, attendu qu'ils croyaient que, si on les laissait tomber dans
•
sommeil, ils seraient changés en souris. De sorte que personne ne.
lisait ^ autre chose qu'à être attentif vers le lieu où la lumière-
devait paraître et tout le monde attendait dans l'anxiété l'heure et le
moment où le feu se verrait. Quand on avait réussi à l'allumer, on
faisait un grand foyer qui pût être aperçu, de loin. A peine l'avaient-
ils vu briller que les gens
s'ouvraient les oreilles avec de petits cou-
teaux, prenaient le sang qui en découlait et aspergeaient vers l'endroit:
où la lumière venait d'apparaître. Tout le monde était obligé de se
livrera celte pratique, sans même en excepter les enfants qui étaient
au berceau. On leur incisait aussi les
oreilles en disant que c'était
ainsi qu'on faisait pénitence et qu'on acquérait des mérites. C'est à
ce moment que
les ministres ouvraient la poitrine et les entrailles du
captif avec un couteau d'obsidienne bien affilé, ainsi que nous venons
de le dire plus haut et en bien d'autres endroits.
CHAPITRE XII
Le grand foyer ayant été allumé, ainsi que nous venons de le dire,
les ministres des idoles qui étaient venus de Mexico et d'autres villes
s'empressaient de prendre du feu pour lequel ils étaient là et ils com-
missionnaient des hommes bons coureurs et 1res agiles qui étaient
chargés de l'emporter au moyen de torches faites de morceaux de bois
de pin. Us couraient très vile et à qui mieux mieux pour que le feu
parvint sans retard à toutes les résidences. Les habitants de Mexico
étant arrivés chez eux avec leurs torches allumées les apportaient
aussitôt au temple de Uilzilopochlli et venaient placer le feu, avec beau-
coup d'encens de copal, sur un grand chandelier fait de maçonnerie
et s'élevanl devant l'idole. On en prenait ensuite, là même, pour
1 emporter
à l'habitation des prêtres et chez tous les habitants de la
ville. C'était chose fort curieuse à voir
que celle multitude de gens
qui en venaient chercher. Aussi faisail-on de grands .foyers en
nombre considérable dans chaque quartier et on les accompagnait de
grandes réjouissances. Les prêtres des autres lieux habités se con-
duisaient de même,
car le feu leur arrivait très ^ vite, attendu que
celui des coureurs qui gagnait du terrain
sur les autres prenait le
lusceau allumé, et de celte manière ils arrivaient en un instanl aux
492 HISTOIRE DES CHOSES
lieux de leur résidence, où chacun venait prendre sa part de ce feu
nouveau. C'était vraiment chose très curieuse de voir la quantité de
feux qui rayonnaient de tous les lieux habités ; on aurait dit la clarté
du jour. Mais partout les premières habitations où ce feu. s'.allumail
étaient celles des ministres des idoles..
CHAPITRE XIII
COMME QUOI, APRES AVOIR FAIT PROVISION DU FEU NOUVEAU, TOUT LE MONDE
RENOUVELAIT SES VÊTEMENTS ET SON INSTALLATION.
C'EST ICI QU'ON PLACE LE CERCLE DES SIGNES FIGURANT LE COMPTE
DES ANNÉES. ....
Le feu étant fait de la manière dite, les habitants de chaque maison,
dans tous les villages, renouvelaient leur installation. On couvrait le
sol de nattes fraîches et tous, hommes et femmes, se vêlaient d'habits
neufs. Il en résultait que toutes les choses d'usage dans les maisons
étaient renouvelées en l'honneur de l'année nouvelle qui commençait.
On se livrait, en cette occasion, à de grandes fêtes et réjouissances en
disant qu'ils en avaient fini avec la peste et la famine. Ils mêlaient au
feu beaucoup d'encens ; ils décapitaient des cailles et ils encensaient
leurs dieux vers les quatre points cardinaux, avec leurs encensoirs de
terre cuite, au milieu des cours de leurs habitations. Après avoir lancé
dans le foyer tous les objets dont ils avaient fait, l'offrande, ils se
mettaient à manger du tzouall, qui est un mets provenant d'un
mélange de miel et de farine de blettes. Tout le monde devait jeûner
et personne ne devait boire de l'eau jusqu'à minuit.. A midi com-
mençaient les sacrifices de captifs el d'esclaves, et c'est ainsi que
s'embellissait la fête, tandis qu'on prenait soin d'entretenir les
grands feux, sans cesser les banquets. Quant aux femmes enceintes
qu'on avait enfermées comme des bêtes fauves, s'il arrivait qu'elles
accouchassent au milieu de ces circonstances, on donnait à leurs
enfants les noms de Molpilki,si c'étaient des garçons, et de Xiuhnencll1,
si c'étaient des filles, en souvenir de ce qui arriva au moment de leur
naissance. Cette fêle eut lieu, pour la dernière fois, sous le règne de
Moleuhçoma, qui donna des ordres par tout son royaume pour qu'on
s'évertuât à prendre un captif qui portât ce nom-là. On prit en effet
un homme de Uexolzinco, très noble, du nom de Xiuhtlamin. Ce fut
un soldat du Tlalelolco appelé Itzcuin qui s'en empara dans une
dire preneur
de Xiuhtlamin.
Te cercle
inscrit plus haut est la manière de compter les années 1.
fest une chose très ancienne. On en attribue l'invention à Quetzalcoatl.
On v
procédait en commençant par l'orient, où se trouvent figurés les
eaux; d'autres disent par le
midi, où l'on a figuré le lapin. On dit!
acall et l'on passe au nord, où se trouve l'obsidienne, en disant
e
ome
tecpactl. On passe ensuite à l'occident, où se trouve la maison, en
disant yei calli. Après cela, on passe au sud, où est le lapin, en disant
naui Iochtli. On revient alors à l'orient en disant macuilli acall et
l'on fait ainsi quatre tours jusqu'à ce qu'on arrive au nombre treize
qui se complète sur le signe par lequel on avait commencé. On reprend
ensuite le nombre « un », en disant ce tecpall. C'est de cette façon
qu'en continuant à faire le tour on commence successivement les
treize années par chacun des quatre caractères ou, autrement dit, par
chacun des quatre points cardinaux. Ainsi se complètentles cinquante-
deux ans qui forment une gerbe, après laquelle on célèbre le grand
jubilé et l'on fait le feu nouveau de la façon qui vient d'être décrite.
On recommence ensuite à compter comme auparavant. On n'est pas
partout du même avis au sujet du moment où commençaitl'année. On
m'a dit en plusieurs endroits que c'était à une certaine date de janvier.
Ailleurs on m'a assuré que c'était au premier février, et, autre part,
au commencement de mars. Je pris soin de réunir au Tlatelolco un
grand nombre de vieillards des plus habiles que je pus trouver avec
les plus instruits de nos collégiens.. On mit la matière en discussion
pendant plusieurs jours, et tous ensemble tombèrent d'accord pour
assurer que l'année commençaitchez eux le jour qui est notre deux
de février.
1. Le lecteur trouvera au verso de cette page la ligure dont parle ici Sahagun et que
Busleimanic a insérée à la fin du tome Ier de son édition. Nous faisons suivre cette figure
d'un petit tableau indiquantla succession des signes pendant le cours des quatre treizaincs
qui formaient la gerbe d'années ou le cycle de 52 ans. Nous commençons le cycle
par le
s'_gue ce Iochtli, un lapin, parce que c'est l'opinion généralement admise qu'il en était,
"iisi chez les Mexicains, avant la conquête. Sahagun l'a reconnu lui-même un peu plus
i'wit, chapitres Vlll et IX,
pages 486 et 487. Il devait, d'ailleurs, en être absolument
ainsi, puisque la cérémonie du feu nouveau tombait en l'année ome acall, 2 roseau, et
:
nous savons qu'on la célébrait dans la seconde année du cycle.
! ; ~l
I ANNÉES ANNÉES ANNEES AKNEES j
!
1™ TRE1ZA1NE. (Ill 3» THEIZAmn. dll 3' TIIEIZAINK. du 'l' THE1ZA1NE. dll
cycle. cycle, cycle. cycle.
CHAPITRE PREMIER
1. Co prince, dont nous avons déjà parlé, aurait rogné, d'après Chimalpahin, 2!) ans
(1440-14U8).
2. Aujourd'hui Guatimala.
3. Ce fut en 1454 que la famine frappa extrêmement le pays, et les victimes y furent si
nombreuses qu'au dire de Chimalpahin on ne prenait pas la poino de les enterrer : elles
étaient abandonnées cl devenaient la proie des bêles féroces el des tzopilolcs.
4. Ce prince, petit-fils à.'Ilzcoall, par son frère Teçoçomoe, mourut on 1481. 11 avait
n 1473, conquis, sur Moquiuilzlli,l'État do Tlatelulco qui, depuis sa création (Î.37!)), avait
compté quatre rois : Quaquapilzauac, Tlacaleoll, Quaulillaloliuallet MoquiuilztU ou
Moquihuix.
5. On dit aussi Moqiiiuixlli, Moquiuix ou Moquiuixlsin. D'après Chimalpahin, f*
prince aurait régné 14 ans. Si l'on compare la somme d'années que les,quatre monarque»
de Tlatelulco ont fournie dans Sahagun el dans Chimalpahin, on remarque une différciiff
de CO ans en plus chez le premier, qui la porte à 157 ans, tandis que Chimalpahin la rcduil
à 97 ans.
G. Ou Tiçoc, fils de Moleuhçoma I".
7. Aeuccucxcall. eau houleuse, qui fait des vagues (acuccucyoll); — Tlilall, cal
noire ; — Uilzilall, eau des oiseaux-mouches ; — Xochcaatl, eau dos grenouilles ; et Coah.
eau des serpents.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 499
CHAPITRE II
DUS ROIS QUI RÉGNÈRENT A TlatchllcO AVANT QU'ILS PERDISSENT LA. ROYAUTÉ
ET APRÈS QUE LES ESPAGNOLS LA LEUR RENDIRENT JUSQU'EN L'ANNÉE 1560.
CHAPITRE III
^CHAPITRE IV
CHAPITRE V
Tullan fut une ville très grande et très renommée. Elle fut habitée
par des hommes doctes et vigoureux, ainsi que cela a été ditdans les
livres III et X, chapitre xxix. Il sera dit plus tard comment elle fut dé-
truite. Il n'est question ici que du temps qui s'est écoulé depuis sa
destruction. Or, on trouve que, depuis l'époque de sa ruine jusqu'à
cette année de 1571, un peu moins de 1890 ans se sont écoulés. Ce fut
vingt-deux ans après la destruction de Tullan que les Ghichimèques
vinrent peupler la province de Tefecuco.Le premier roi qu'ils eurent
l'ut élu en l'an 1246 deNotre-Seigneur Jésus-Christ.
Le premier roi A'Azcaputzalco, appelé Teçoçomoctli, fut élu en l'an
1348. Le premier roi de Mexico, nommé Acamapichtli, fut élu en 1384;
elle premier roi de Tlacuba, appeléGhimalpopoca,en 1489.
CHAPITRE VI
UES SIGNES ET PRONOSTICS QUI FURENT OBSERVÉS AVANT QUE LES ESPAGNOLS
VINSSENT DANS CE PAYS
TANDIS QU'ON N'EN AVAIT ENCORE AUCUNE NOUVELLE.
CHAPITRE VII
DES CHOSES NOTABLES QUI EURENT LIEU DEPUIS QUE LES ESPAGNOLS
ARRIVÈRENT DANS LE PAYS JUSQU'EN L'ANNÉE 1530.
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
DES PARURES DONT LES ROIS FONT USAGE DANS LEURS areytOS.
Le premier des ornements dont faisaient usage les rois dans les
areytos s'appelait quelzalilpilonis; il consistait en deux glands for-
més de plumes riches, garnis d'or et curieusement travaillés. Ces
glands, qui s'attachaient aux cheveux du haut de la tête, pendaient
vers les tempes. Avec cela, on faisait usage d'un ornement riche en
plumes qui s'attachait sur le dos et auquel on donnait le nom de
llauhquechollzonlli*. Ils portaient aux liras des bracelets en or dont
ils font encore usage aujourd'hui, et des boucles d'oreilles du môme
métal dont ils ne se servent plus actuellement. Ils s'entouraient les
• Miels d'une large bande de cuir noir apprêté avec des substances:
îsiiniques, surmontée d'une grosse enfilade de chalchixdll ou autres
!
Vrres précieuses.
Ils s'ornaient également le menton d'une men-
nnière en chalchiuitl montée en or, et implantée dans les chairs,
ils ont
abandonné cette coutume. Ils portaient encore ces mêmes
mentonnières faites en cristal, et plus longues, dans lesquelles on
iilroduisait des plumes bleues qui leur donnaient l'aspect de sa-
nliirs. Us mettaient du reste à contribution beaucoup d'autres pierres
précieuses pour ce genre d'ornement qui pendait d'un trou fait à la
lèvre inférieure et paraissait ainsi sortir des chairs. Quelquefois c'é-
taient des pièces d'or en demi-lune qui leur tombaient de la lèvre.
Les grands seigneurs avaient aussi les ailes du nez trouées et ils met-
taient d'un côté et d'autre dans les trous des turquoises très fines ou
d'autres pierres précieuses. Us portaient au cou des colliers de pierres
riches et ils avaient généralement, pendant d'un collier en or, une
médaille au milieu de laquelle on voyait une belle pierre plate, tandis
que de sa circonférence sortaient des breloques en perles. Us faisaient
usage de bracelets de turquoises placées en mosaïques. Leurs bords
étaient garnis de belles plumes et il s'en échappait d'autres plumes
très riches et si longues qu'elles dépassaient, en montant, les têtes
de ceux qui les portaient ; elles étaient accompagnées de lames d'or.
Ils avaient la coutume de couvrir leurs jambes, du genou jusqu'en
bas, d'une armure d'or très mince, se terminant par des plumes très
fines. Ils portaient en guise de couronne un oiseau fabriqué avec de
riches plumages, qui levait haut la tête et le bec en l'air, tandis que
sa queue, formée avec de longues plumes, venait s'épanouir en se re-
levant vers le cou; ses ailes se relevaient aussi pour venir former
sur les tempes comme des mèches en plumes riches. Us avaient aussi
l'habitude de porter à la main des émouchoirs, appelés quelzaleca-
ceuaz-lli 1, qui avaient des lames d'or accompagnant les plumes. Us
avaient au poignet gauche des bracelets en turquoises sans plumes,
fis portaient
un collier fait de boules d'or avec de petits escargots de
mer interposés de deux en deux boules. Ils faisaient usage de colliers
en or fabriqués avec des pièces simulant les anneaux d'un serpent.
l-.es seigneurs avaient aussi l'habitude de porter des fleurs à la main,
dans les areylos, en même temps qu'un cylindre qu'ils fumaient. Us
avaient un miroir dans lequel ils se regardaient quand ils faisaient
toilette. Après s'y être bien mirés, ils le donnaient à garder à
un
page. Ils portaient des cotaras bien peintes, l'ai les de peau de tigre dans
lil partie qui contournait le talon,
avec une semelle de cuir de cerf
CHAPITRE X
Lorque les rois sortaient de leur palais pour aller se récréer, ils
portaient à la main une petite canne qu'ils faisaient mouvoir en
accord avec ce qu'ils disaient aux personnages qui les accompa-
gnaient. Ceux-ci se tenaient aux deux côtés de la personne royale.
Quelques-uns marchaient devant pour écarter le monde et empocher
qu'on passât devant le roi ou trop près de lui. Aucun de ceux qui
circulaient n'osait lui regarder la figure; ils baissaient la lofe el
prenaient une autre direction. Quelquefois, par façon de passe-temps,
le roi s'amusait à chanter et à apprendre les chants dont on fait
usage dans les areylos. D'autres fois, pour le récréer, des truands lui
disaient des facéties et des gracieusetés. Parfois aussi, il jouait à la
paume, et c'est pour cela qu'on avait en réserve pour lui des balles
à'ulli. Celles-ci étaient de la grandeur des boules dont on fait usage au
jeu de quilles. Elles étaient faites d'une certaine résine ou gomme
massive, appelée ulli, qui est très légère et saute comme une pelote
gonflée d'air. Elles étaient sous la garde d'un page. Le roi se faisait
suivre de bons joueurs de paume pour les faire jouer en sa présence.
Il choisissait aussi quelques personnages pour jouer contre lui. On
gagnait des chalchiuitl, des colliers d'or, des lurquoises, des esclaves,
des manias, des ceinturons riches, des plantations de maïs, des mai-
sons, des armures en or, des grands anneaux d'or, des bracelets en
plumes riches, des robes en plumes et des charges de cacao. L'éta-
blissement de jeu de paume s'appelait llaxtli ou llachlli. Il consistait
en deux murailles placées à vingt ou trente pieds de distance l'une
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 513
CHAPITRE XI
CHAPITRE XII
•
' • esl-à-dirc : papillon (papaloil) de brillantes plumes (xochiquelzalli).
-• Cesl-ù-dire :' quelzalli fané (palzaclli, du verbe palzaua).
•• Ccsi-à-diro : serviteur (xololl) à la tête (quaitl) jaune ou dorée (lozlli, oiseau au
l'iuniago. juuno).
516 HISTOIRE DES CHOSES
petit panier en plumes avec un petit chien portant un long piUm
sur la tête, et ornementé d'yeux, d'ongles, etc., faits en or. Us niei
taient alors une jupe de plumes jaunes parsemées de flammes dorées
Quelquefois ils revêtaient le même costume, avec la différence
qu
les plumes de la jupe étaient bleues et qu'elles étaient mêlées d'une
plus grande quantité d'or. Parfois encore ce même ajustement élaii
fait de plumes blanches et même rouges. Un autre costume qu'j],,
appelaient çacalzonlli 1 consistait en riches plumes jaunes avec jupe
de même couleur ; un autre encore, du nom de toztzilzimill 2, fait cn
or et plumes riches, caractérisé par une figure de monstre en or
surmontée d'un panache en belles plumes. Us se paraient d'un autre
insigne appelé xoxouhqui Izilzimill. C'était un monstre en figure de
démon fait de plumes verLes mêlées d'or el portant sur le haut de la
.
tète un panache de plumes de la même couleur. Un autre coslunie
encore appelé izlac Izilzimill, semblable au précédent, sauf que les
plumes étaient blanches. Us faisaient usage aussi d'une sorte de
béguin nommé cozlic cuexlecallavec un panache q ui sortait de sa pointe.
Une médaille d'or pendait d'une guirlande formant cordon cls'alta-
chant au béguin. La jupe dont on faisait cn môme temps usage élail
cn plumes jaunes mêlées de 11animes d'or. Celui qui était ainsi velu
portait aux narines des pendants d'or en demi-lune, et des boucles
d'oreilles en forme d'épis de maïs tombaient jusqu'aux épaules. On
appelait izlac cuexlecall une manière de se vêtir à peu près semblable
à la précédente. Une autre encore du même genre s'appelait chiclla-
panqui cuexlecall", parce que le béguin et la jupe étaient moitié verls
el moitié jaunes. Une autre variété de cotte même espèce portait le nom
dacozlicleocuillacopilii^,parce que le béguin était tout en or et cpi'il
portait en haut de sa pointe un vase avec des plumes. Une autre
variété encore qui s'appelait izlacleocuillacopilli'3 était comme la précé-
dente, mais faite en argent.
Us faisaient usage à la guerre de trompettes et d'une espèce d'es-
cargot dc mer, pour appeler aux armes, el d'une sorle de drapeau
en or qu'ils arboraient à la main, quand on donnait aux soldats le
signal dc l'attaque. Us avaient aussi un étendard en plumes riches,
ayant la forme d'une grande roue qui porlail à son centre l'image en
or du soleil. Us portaient quelquefois pour insigne une sorte deeas-
CHAPITRE XIII
1. Sorte do piment.
2. Petil poisson. •
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 519
illes ou orangées. Les Mexicains onl l'habitude de manger diffè-
res variôlésdc Impoli et, entre autres, celle dont l'écorce est cendrée,
'on appelle anona et
qui renferme des pépins ressemblant à des
l'iricols dans une pulpe blanche comme de la crème, d'une saveur
•nuise. D'autres fruits de cette espèce sont petits comme des poires;
I v en a
de jaunes en dehors et qui ressemblent en dedans à un jaune
d'oeuf après la cuisson. Un autre fruit qui porte le nom de quauhca-
molli n'est en réalité qu'une racine. Le camotli est encore une racine
à laquelle nous
donnons le nom de balala. Nous ne mentionnons pas
un bien
grand nombre d'autres fruits.
Ils avaient aussi l'habitude de manger certaines graines qu'on leur
servait comme fruit. L'une d'elles était le xilotl, sorte d'épi tendre
de maïs qu'ils mangeaient cuit. Une autre s'appelle eloll 1: c'est un
épi bien formé, mais tendre encore, qu'on mange bouilli. L'exoll^ est
la gousse verte de haricots, qu'on fait cuire. Ils mangeaient aussi
une sorte de tamal fait avec les panaches du maïs, mêlés avec des
graines de blettes et des noyaux de cerises moulus. On leur faisait une
espèce dc tortillas avec de la graine dc mats prise sur l'épi jaune et
fendre, et d'autres lamales encore avec des blettes. Us faisaient usage
aussi dc certains broucts assaisonnés à leur manière. Us mangeaient
une variété dc blettes accommodées avec du piment jaune, des to-
mates et des graines de calebasse, ou avec du chillecpill seulement.
Une autre encore avec du piment vert. Us se faisaient servir certaines
herbes crues, sans les cuire.
Ils avaient la coutume de manger une infinité de bouillies. L'une
d'elles qui s'appelait lolonqui alolli était un atole chaud. Le necua-
lullr était dc l'aiolc avec du miel ; le chilnecualolliL, de l'atole avec du
miel cl du piment jaune. Le quauhncxalollisest fait avec beaucoup de
farine, 1res blanche et accompagnée de lequixquill6. Us faisaient
encore bien d'autres bouillies chez les grands seigneurs; les gouver-
neurs étaient chargés d'y porter leurs soins. On servait aux mo-
narques tant de plats qu'ils arrivaient à la centaine. Lorsque le roi
avait fini son repas, il ordonnait à ses pages ou serviteurs de faire
servir à manger aux seigneurs et aux ambassadeurs qui étaient venus
d'autres pays. On servait également le repas à ceux qui faisaient la
'• Epi de maïs vert dont les grains sont déjà formés. Le xiloll est l'épi naissant encore
laiteux.
- Haricot vert dans sa gousse ; de ell, haricot el, xoll, pied, c'est-à-dire sur la plante.
ilcncculli,
:>- miel, et alolli, boisson.
!• De chilli, piment, et nccualolli, boisson (alolli) avec du miel (ncculli).
De ijuauhnexull,
•]•
eau de maïs cuit, et alolli, boisson.
!>• Nairon impur qui s'cflleuril sur le sol et dont les substances principales sont le
"squi-carbonatc dc soude cl le chlorure de sodium.
520 HISTOIRE DES CHOSES
garde du palais. Qn donnait encore à manger aux maîtres des jcunes
gens, appelés lelpochtlaloque ; aux prêtres des idoles, aux chanteurs
aux pages, à tous les gens du palais, aux ouvriers lapidaires, en
plumes riches et en mosaïques ; à ceux qui font de belles coim-m
pour les grands seigneurs et à leurs barbiers.
Après le repas, on servait plusieurs boissons de cacao délicatement
préparées, comme celle qui est faite avec le fruit tendre, laquelle est
fort savoureuse; celle qu'on fait avec du miel d'abeilles; une autre
avec du uei nacazllii ; une autre encore, avec du lUlxochill'1 tendre-
une autre rouge; une autre vermeille; une autre orangée; une autre
noire; une autre blanche. On servait ces boissons dans des xicama
très variées. Les unes sont couvertes de peintures diverses ; leurs cou-
vercles sont richement ornés et on y ajoute des cuillères en écaille
pour remuer le cacao. Il y avait une autre espèce de xicara peinte en
noir avec un tapis de peau de tigre ou de chevreuil sur lequel on
la faisait reposer. Us étaient dans l'habitude de les garder dans des
filets disposés en sacoches. Us avaient à leur service d'autres xkaras
percées de trous pour passer la liqueur de cacao, ainsi qu'une espèce
plus grande el 1res bien peinte pour se laver les mains. Un attire
genre d'une grandeur moyenne était embelli de peintures riches el
servait à prendre les bouillies. Ils avaient la coutume d'employer des
petits paniers pour y mettre les tortillas, ainsi qu'une sorte de pelites
écuelles qui servaient à prendre des mets liquides. Us faisaient usage
aussi de saucières et de bien d'autres pelites écuelles.
CHAPITRE XIV
elfiue crime, on
prononçait contre eux une sentence de mort ou
, on les condamnait a être tondus, et à descendre au rang de
•] .
•olélaires; on les chassait pour toujours du palais et, quelquefois,
les enfermait dans de grandes cages. C'était là encore que les rois
citaient en liberté ceux qui avaient été injustement réduits en
esclavage. Sous le règne de Moleuhçoma, il y eut pendant deux ans
une "rande
famine, à propos de laquelle plusieurs gens de qualité
se
virent forcés de vendre leurs fils.et leurs filles, parce qu'ils
n'avaient plus rien à manger. Le roi l'ayant su fut pris de pitié et
ordonna à ses sujets de réunir tous les esclaves hidalgos ainsi
achetés. 11 fil donner à chacun des maîtres le prix d'achat payé en
manias légères taillées à quatre côtés, et en pièces d'étoffes de coton.
On donna aussi du maïs à ceux qui étaient devenus possesseurs dc
<>ens de
qualité. Us furent tous rachetés pour un prix double de celui
qu'ils avaient coûté. Dans celle première salle qui s'appelait llaxillan 1
les juges n'admettaient pas dans les procès de grandes explications,
mais ils faisaient en sorte de les terminer au plus vile. Us ne se
laissaient pas suborner, ne protégeaient jamais les coupables et ils
rendaient une équitable justice.
CHAPITRE XY
CHAPITRE XYI
CHAPITRE XVII
DU CONSEIL DE GUERRE.
CHAPITRE XVIII
'• Dans la salle (cako) des nattes ou sièges [pcUall) sur lesquels s'asseyaient les grands
^'gnoui-s.
524 HISTOIRE DES CHOSES
sionnementde la ville et du pays. Chaque dépôt renfermaitmille fane
gasi de maïs. Il y en avait qui étaient là depuis vingt ans sans
ql)e
celte graine s'y fût gâtée. D'autres pièces contenaient une grande
réserve de haricots; d'autres encore servaient à garderde nombreuses
variétés de blettes et de graines. Il y avait aussi des dépôts de sel
en
cristaux qui était apporté en tribut des contrées chaudes du pays
Il existait également des pièces où l'on conservait des ballots de
piment et desgraines de courges des espèces grandes et petites. Dans
ces magasins se tenaient encore enfermés des gens qui étaient cou-
pables de quelque délit n'entraînant pas la peine capitale.
CHAPITRE XIX
CHAPITRE XX
CHAPITRE XXI
CHAPITRE XXII
DE LA TOILETTE DES DAMES.
CHAPITRE XXIII
CHAPITRE XXIV
DUS CHOSES DONT LES ROIS S'OCCUPAIENT POUR BIEN GOUVERNER LE ROYAUME
ET DES MOYENS ET DU BON ORDRE
DONT ILS FAISAIENT USAGE POUR ATTAQUER EN TEMPS DE GUERRE.
CHAPITRE XXV
CHAPITRE XXYI
CHAPITRE XXVII
CHAPITRE XXVIII
CHAPITRE XXIX
DE LA GENEROSITE DU ROI.
CHAPITRE XXX
1
.
P
ue
l'on \
nommait tlamacazque ou papauaque Ils se réunissaient
dans les maisons royales. Ils y délibéraient et décidaient quel
rail le roi. Ils choisissaient un des plus nobles de la race des rois
•éeédents, homme vaillant rompu aux choses de la guerre, auda-
ieux plein
d'ardeur et n'ayant pas l'habitude de boire du vin. Il fal-
1-ijt qu'il fût
prudent, instruit et élevé dans le cahnecac; qu'il fût
anle à bien Par^er> intelligent, discret et doué d'activité. Lorsque
toutes les voix, ou la plupart, concordaient sur un des personnages, on
le nommait roi sans
retard. Cette élection n'avait pas lieu au scrutin ;
c'était dans une conférence entre tous qu'on tombait d'accord sur le
sujet à élire. Le choix étant fait, on élisait quatre autres personnages
dont les noms étaient différents selon les lieux; c'étaient comme des
sénateurs, qui devaient toujours se tenir aux côtés du roi et connaître
des affaires graves du royaume. Au moment de l'élection, beaucoup
d'entre ceux qui s'attendaient à être choisis se cachaient pour évi-
ter d'être élus et d'avoir à assumer une charge aussi lourde. Les
cinq étant nommés, on choisissait un jour qui passât pour fortuné
en astrologie judiciaire et, quand arrivait ce jour, on présentait
au public ces personnages 'et on les conduisait au temple de Uitzilo-
l>ochllL
CHAPITRE XXXI
Le jour choisi parmi les fortunés étant venu, les grands satrapes
allaient chercher le roi élu et les autres personnages. Ils les con-
duisaient nus au temple de Uilzilopochtli. C'était devant ce temple
qu'on vêtait le roi à la manière des satrapes qui offrent l'en-
cens aux dieux, c'est-à-dire d'une jaquette d'un vert foncé sur la-
quelle étaient peints des ossements de mort et qui avait la forme d'un
inpilli de femme; on l'appelait xicolli. On lui pendait derrière le
dos une petite calebasse pleine de tabac
avec des glands d'un vert
loncé. Une étoffe verte
sur laquelle étaient peints des ossements s'atta-
CHAPITRE XXXII
1. t'csl-à-dire: dans la maison (calco) des flèches (UacoclUlï). Voy. la note de la P- *'-
} DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 535
{ CHAPITRE XXXIII
' OMME OUOI, LA PÉNITENCE ÉTANT FINIE, ON CONDUISAIT LE ROI A SON PALAIS
J: ET LES AUTRES PERSONNAGES DANS LEURS MAISONS.
i. CHAPITRE XXXIV
V COMMIS QUOI LE ROI FAISAIT UNE CONVOCATION SOLENNELLE.
CHAPITRE XXXV
CHAPITRE XXXVI
.
cela encore qu'on élisait des commissaires, appelés ticrn-
| p0Ur
hnan llayacaque ', qui
étaient chargés de la surveillance du marché
' de toutes
les choses qui s'y vendaient en marchandises et subsis-
nces- L'un d'eux avait le devoir de désigner le prix des objets à vendre
l
,
^'éviter qu'il se fît des fraudes dans les transactions. Dans une
narlie du marché se tenaient ceux qui vendaient de l'or, de l'argent,
des pierres
précieuses et toutes espèces de plumes riches avec les-
mielles se fabriquaient les devises, les armures et les rondaches. Sur
autre point se rangeaient les vendeurs de cacao et d'espèces aro-
un
matiques que l'on appelle dans le pays uèi nacaztli, llilxochitl, me-
raxochill. Autre part se réunissaient ceux qui vendaient de grandes
étoffes blanches ou brodées, des ceintures alors en usage, les unes
unies, les autres riches et brodées. Là, aussi se vendaient les objets
servant à l'habillement des femmes, les uns déjà confectionnés et
les autres encore à faire, ceux-ci riches, ceux-là ordinaires ; on y
offrait aussi des manias communes qu'on appelle quachlli, ayalP. Un
peu plus loin on voyait, chacun à son rang, ceux qui vendaient des
choses à manger, comme maïs blanc, bleu foncé, noir, rouge
et jaune; des haricots jaunes, blancs, noirs, rouges, tachetés
cl une espèce noire de la grandeur d'une fève; de la graine de
blettes, brune ou cendrée, rouge ou jaune; delà chian blanche ou
noire et une autre variété qu'on appelle chiantzotzoll. En ce même
point se rangeaient ceux qui vendaient du sel, des poules, des coqs,
dos cailles, des lapins, des lièvres, de la viande de chevreuil, diffé-
rentes espèces d'oiseaux, comme canards, canards sauvages et autres
variétés aquatiques. Là, se réunissaient encore les vendeurs de miel
de maguey et de miel d'abeilles. Dans ce même rayon se trouvaient
les vendeurs de différentes variétés de chilli, qui vendaient égale-
ment des tomates appelées miltomatl et chillomall*. En un autre endroit
se rangeaient ceux qui vendaient du fruit, comme cerises, avocats-,
prunes sauvages, des patates douces appelées quauhcamollik, des
tzapoll de différentes espèces et bien d'autres fruits. Là, se tenaient
également les vendeurs de nougats de chian, de bulbes de racines,
de réglisse, de chayoll et de pépins grands et petits de calebasse.
Kn ce même point prenaient place également
ceux qui vendaient du
poisson, des grenouilles, du menu fretin semblable à de petits
'• " Ceux qui mènent, dirigent (ycuiana) les choses dans le marché (lianqmzlli).
»
-
Le quachlli est un vêtement grand, tandis que {l'aijall est petit; l'un et l'autre sont
c» colon ou en maguey.'
>• '. est-à-dire -. tomate (tomall) des champs cultivés [milli) ou couleur de chilli.
•'•De quauill, bois, cl camolli, patate douce
ou racine tubéreuse d'une plante de la
'""«'le des convolvulacées,
538 HISTOIRE DES CHOSES
lézards et bien d'autres petits reptiles aquatiques. Là, se ranceaien
encore les vendeurs de papier fait avec des écorces d'arbres, d'cncen«
blanc, de gomme noire appelée ulli, de chaux, d'instruments Iran
chants, de bois à brûler, de bois de charpente équarri ou arrondi de
planches minces et épaisses, de coas et de grandes barres, de pelles
de rames, de perches, de cordes, de cuir travaillé, de sandales de
haches de cuivre pour couper le gros bois, de poinçons et de ciseaux
et autres instruments pour travailler le bois. On voyait encore à leur
place désignée ceux qui vendaient des herbes à manger, comme
oignons et autres légumes. Les mêmes marchands vendaient aussi
des xilotl, des elotl cuits, du pain fait avec les panaches du maïs
du pain de maïs nouveau, du pain enfin de toutes sortes. On voyait
également à leur place les vendeurs de plusieurs sortes de roseaux à
fumer. Là, se vendaient aussi du xochiocolzoll*, des plais pour v
placer les roseaux allumés et bien d'autres sortes d'ustensiles en
terre cuite comme cuvettes, pots, grandes jarres pour y mettre l'ocili
el tous les autres objets de vaisselle. Si les commissaires du marché
n'exerçaient pas fidèlement leur emploi, on le leur enlevait; et on les
chassait de la ville. Quant aux vendeurs d'objets volés, comme montas
riches ou pierres précieuses, dès lors qu'on soupçonnait le vol, s'ils
ne pouvaient pas dire la provenance, on les arrêtait et les juges cl
seigneurs les condamnaient à mort. De celle façon on imposait il
la foule de manière que personne n'osât acheter des choses volées.
CHAPITRE XXXVII
Voici la méthode que suivaient les rois et les nobles dans la ma-
nière d'élever leurs enfants. Lorsque leurs mères ou leurs gouver-
nantes les avaient élevés pendant six ou sept ans el qu'ils commen-
çaient à s'émanciper, on les confiait à un, deux ou trois pages pour
qu'ils jouassent et se récréassent avec eux. La mère ordonnait à ces
employés de ne pas permettre que les enfants se livrassent à aucune
malhonnêteté ni vilenie quand ils iraient dans la rue ou par les che-
mins. Ils dressaient leur élève à s'exprimer en paroles toujours polies
et en langage convenable,à ne manquer de respect à personne, à trai-
ter avec déférence tous ceux qu'ilsrencontraient en chemin : employé»
de l'État, capitaines, hidalgos ou graves personnages,de même que tous
1. Intendance d'une maison; nous avons déjà vu que l'intendant lui-même s'appciai
calpixqui.
1. C'étaient les juges qui se tenaient dans la salle des grandes causes, nonimcc
llacxitlan. Voy. ci-dessus,' chapitre xxv, page 529.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 541
.
l'État. On leur appliquait les noms suivants qui étaient très houo-
Ides :
Tlacochcalcall leculli, licociuacoatl lecutli, ciuacoall lecutli ou
•
litlancalqui lecutli 1.
CHAPITRE XXXVIII
Voici les grades par lesquels devaient passer ceux qui étaient ré-
servés aux hautes dignités. Quand ils étaient petits, ils avaient la
tête tondue. Lorsqu'ils arrivaient à l'âge de dix ans, on leur laissait
croître une mèche de cheveux à la nuque, qu'on appelait mocuez-
pcdlia "'. A quinze ans, celte mèche était déjà longue; ils étaient alors
appelés cuexpalchicacpolà, parce qu'ils ne s'étaient encore rendus
notables par aucun fait de guerre. Mais s'il arrivait qu'un, deux, trois
d'entre eux fissent quelque captif, on leur coupait la mèche de che-
veux, ce qui était une marque d'honneur. Lorsqu'ils avaient été asso-
ciés plusieurs pour prendre un captif à l'ennemi, le partage en était
l'ait de manière que celui qui s'était le plus distingué dans l'affaire
recevait la cuisse et la jambe droites, celui qui venait en second pre-
nait la cuisse et la jambe gauches; le troisième avait le bras droit, et le
quatrième le bras gauche, du coude à l'épaule ; le cinquième recevait
l'avant-bras droit, et le sixième l'avant-bras gauche. Quand on cou-
pait, en ce cas, la mèche de la nuque, on en laissait croître une autre
qui couvrait l'oreille droite. Gela donnait un aspect plus honorable,
parce que c'était le signe qui annonçait qu'on avait fait un captif, à
l'aide de quelques autres camarades. C'était à cause de cette asso-
ciation qu'en le complimentant sur la coupe de sa mèche, comme
étant un signe d'honneur, ses aïeux ou ses oncles lui disaient : «Notre
petit-fils, le soleil et la terre ont lavé la figure; tu en [possèdes une
foute nouvelle, pour avoir eu l'audace de prendre un ennemi, à l'aide
de tes camarades ; mais remarque bien qu'il vaudrait mieux périr ou
elro capturé par l'ennemi que d'avoir encore besoin du secours d'au-
h'ui pour faire un captif; car si cela t'arrivait on t'obligerait à porter
DU NEUVIEME LIVRE
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
Au temps des consuls dont nous venons de parler, les chefs des mar-
chands furent,dans l'ordre suivant, Quauhjyoyauallùn,Nenllamatihui,
Ueizcaiocalzin, Canalzin et Ueicomalzin. -Ce fut en ce temps, lorsque
Auitzotzin régnait à TcnoclUillan,que les marchands allèrent trafiquer
dans les provinces à'Ayollan et d'Anauac. Les habitants de ces pro-
vinces les retinrent quatre ans en captivité dans la ville de QuaiM<'~
nanco 3 où ils eurent à subir un siège par les troupes de Tehuanlcpcc,
ins et saufs,
ainsi que je vous vois. J'entends que ce que vous me
résentez là, ce sont les insignes des ennemis que vous avefc vaincus,
sujet desquels vous avez mis vos vies et vos têtes en péril. Je
ies donné, afin que vous iseuïs en fessiez usage ainsi que vous
s
l'avez mérite. »
Cela étant dit, le toi leur fit distribuer de grands
nrésents en témoignage de sa reconnaissance polir leurs belles ac*
lions. Il leur donna un
grand nombre de montas riches et variées,
ainsi que des ceintures de prix. Il fit remettre en même temps à cha-
cun d'eux une
charge d'étoffe de tochpanecayotl 1, une fanega de maïs,
une autre de
haricots et une certaine quantité de chian.
Les pochteca employèrent à la conquête û'Ayotlan quatre années
pendant lesquelles ils se virent assiégés. Maïs, au bout de quatre ans,
ils furent vainqueurs ; ils défirent lés valeureux guerriers ennemis et
ils emportèrent leurs dépouilles et insignes. Lorsqu'ils étaient occu-
pés à cette campagne, le roi de Mexico, Ânïtzolzïïi, apprit que les mar-
chands mexicains étaient assiégés par les indigènes du lieu où ils se
trouvaient. Il envoya aussitôt à leur aide, avec beaucoup de monde,
Moleuhçoma qui, n'étant pas encore roi, était général et portait le titre
de tlacochcalcaîl. Il se trouvait déjà en route lorsque des gens qu'il
rencontra lui apprirent que la ville d,Ayotlan était vaincue et que les
pochleca l'avaient prise. Ceux-ci, ayant su qu'il venait à leur secours,
accoururent à sa rencontre en chemin et lui dirent : « Seigneur
tlacochcalcaîl, soyez le bienvenu ; mais il n'est pas nécessaire qUe
vous alliez plus avant, attendu que le pays est déjà pacifié et que
votre aide n'est plus nécessaire. Notre seigneur Uitzilopochtli tient
déjà la conquête en son pouvoir, et les marchands mexicains ont bien
fait leur devoir. » A cette nouvelle, le tlacochcalcaU reprit avec eux le
chemin du retour.
Depuis cette conquête le champ est resté libre et sûr pour entrer à
la province d'Anauac, sans queles Tzapoteca* ni les Anauacani autres
quelconquesy aient pu mettre obstacle. Depuis lors aussi les quetzalli
et les plumes riches sont mises en usage parmi nous. Les marchands
riches de Tlatelulco les apportèrent les premiers et en firent usage
en même temps que le roi de Mexico, Auitzotzin. Ces marchands de
Tlatelidco portaient aussi les
noms de capitaines et n'étaient que des
soldats dissimulés sous l'habit de trafiquants. C'est ainsi qu'ils en-
traient partout et faisaient la
guerre aux villes et provinces. Le roi
mitzolzin détermina qu'ils
se distingueraient par les mentonnières
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
1- Wuricl de xiuhlotoll.
''lui'iel de chalcliiulitotoll,oiseau ^-lololl) aux plumes d'émeraude (ahalchiuill).
%
562 HISTOIRE DES CHOSES
en disant : « De sorte que, grâce à l'appui de Notre Seigneur ])je
Uitzilopocldli, ils ont découvert d'abord la province d'Anauae
ei
l'ont visitée en tous sens quand elle était pleine de richesses,
en
couvrant sous des habits de marchands leurs secrets espion
nages. » Après la mort du roi de Mexico appelé Auitzolzin, on 61m
le seigneur Moleuhçoma, natif de Tenochtillan, qui favorisait les
habitudes des marchands; il honorait d'une manière particulière
les principaux d'entre eux et ceux qui faisaient le commerce d'es-
claves. Il les faisait asseoir près de lui comme l'avaient fait ses
prédécesseurs, en les traitant comme les nobles et les capitaines
de sa cour.
Les gouverneurs qui administraient Tlalelulco et les chefs des
marchands s'entendirent toujours très bien. Ils étaient fort amis et se
maintenaient en union étroite. Les marchands qui régissaient leurs
camarades avaient leur juridiction propre. Si quelqu'un des leurs
commettait un délit, on ne le conduisait pas devant les sénateurs
pour y être jugé. Eux-mêmes, qui étaient les juges des leurs,
prononçaient les sentences dans les causes qui se soulevaient entre
eux. Lorsqu'il y avait peine de mort, c'étaient eux-mêmes qui la
prononçaient et qui la faisaient exécuter, soit dans la prison, soit
dans le propre domicile, soit en un aulre lieu selon la coutume.
Lorsque ces juges s'érigeaient en tribunal, ils se couvraient d'habits
sévères indiquant leur autorité et s'ornaient de mentonnières d'or
ou autres. Lorsque les chefs des pocldeca se constituaient juges,
ils se costumaient comme on vient de dire, et leurs insignes
indiquaient en même temps qu'ils étaient des braves et qu'ils
avaient été à la province d'Anauae en traversant des peuplades
ennemies. Ils se costumaient de même les jours de grandes fûtes.
Les chefs des marchands prenaient soin du bon ordre dans le lian-
qitizlli et parmi tous ceux qui allaient y acheter et vendre, afin
que personne n'eût à souffrir de son voisin. Ils châtiaient ceux qui
s'y rendaient coupables de quelque faute et ils prenaient soin de
régler le prix de toutes choses. Lorsque le roi de Mexico ordonnait
à des marchands de se rendre déguisés à quelque province, s'il
arrivait qu'ils y fussent arrêtés et mis à mort, au lieu d'y recevoir
bon accueil et d'obtenir une bonne réponse à leur message, aussitôt
le grand seigneur de Mexico levait des troupes pour porter la guerre
dans celte province. L'armée qui se mettait en marche avait pour
officiers et commandants des marchands élus par les chefs de leur
corporation. C'étaient ceux-ci qui les investissaient de leur emploi et
les instruisaient de ce qu'ils auraient à faire. C'était parmi les prin-
cipaux trafiquants qu'on prenait le commandant en chef qui portait
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 563
lom de
Quauhpoyaualïzin1. La levée des troupes se faisait par son
Ire à Mexico, à Tetzcuco, à Uexotla, à Coallichan, à Ghalco, à Uilzi-
•
ÙC]lco à Azccvpulzalco, à
QuauJditlan et à Olumpan. Les hommes qui
.
levaient prendre part à cette guerre, dont le poids retombait sur les
rchancls, se recrutaient dans toutes ces localités. Quand on était
en
roule, les gens de Tlatehdco, stationnant en n'importe quel
endroit» se logeaient tous ensemble dans la même maison sans qu'au-
cun y
manquât. S'il arrivait que quelqu'un se rendît coupable de
viol les principaux parmi les hommes de Tlatehdco se réunissaient,
prononçaient la sentence et le mettaient à mort. Lorsque quelqu'un
des pochleca de Tlatehdco tombait malade et mourait, on ne l'en-
terrait pas; il était mis dans un cacaxtli, et, selon l'habitude qu'on
suivait pour les défunts, on lui mettait sa mentonnière, on lui
teignait les yeux en noir et le pourtour de la bouche en rouge, on
lui entourait tout le corps de bandelettes blanches et on lui passait de
larges bandes de papier à la manière de l'étole que les diacres se
mettent de l'épaule à l'aisselle. Ainsi préparé, il était mis dans un
eacaxlli où on l'attachait solidement. On l'emportait ainsi au sommet
de quelque montagne et on plaçait le cacaxtli suspendu à un pieu
planté en terre. C'est, là que le corps se consumait, et l'on disait qu'il
n'était pas mort, mais qu'il s'en était allé au ciel où se trouve le
soleil. On disait de même de tous ceux qui mouraient à la guerre
qu'ils s'en allaient où le soleil réside.
CHAPITRE VI
11ES PRATIQUES QUI AVAIENT LIEU PARMI LES MARCHANDS QUAND ILS ARRIVAIENT
A LA MAISON, ET QU'ON APPELAIT LAVEMENT DES PIEDS.
1. De totolin, poule, et UctoUi, maïs. Le mot est écrit tolollaûlU, le t disparais:»»1 <uU'
jours entre doux (.
2. De Icotl, dieu ou divin, et naeazlli, oreille.
a. « Vase divin ». de leoll. dieu, cllecomall. vasf,
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 565
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
.
odorant. De là devait venir, disaient-ils, leur bonne fortune. Un
lrar>e
sortait aussitôt de la maison, suivi d'un enfant de choeur qui
] apportait des cailles. Étant arrivés devant le tambour, ils y pla-
à
ienl l'encensoir el le prêtre décapitait une caille qu'il jetait terre
*n regardant de quel côté elle prenait sa direction en se débattant
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
D UNE AUTRE ESPECE DE BANQUET BEAUCOUP PLUS COUTEUX QUI ETAIT DONNÉ
PAR LES MARCHANDSET DANS LEQUEL ON TUAIT DES ESCLAVES.
CHAPITRE XI
lés ollalopilli1, cela voulait dire qu'il devait sacrifier deux esclaves,
homme et une femme. S'il en mettait quatre, cela signifiait deux
lU1
hommes et deux femmes. Il choisissait pour cela les meilleurs bâtons
dont il était porteur et, lés attachant ensemble, il les plaçait devant
l,ima0-e dé Yacatecutli, et les parait avec dés papiers qu'il avait ap-
portés dans ce but. Il étendait devant eux une natte' sur laquelle
il mettait dés
papiers. Il couvrait ensuite les bâtons avec dés manias
qui portaient sur leurs bords des franges en belles plumes. Il mettait
aussi des maxtli à bouts allongés, ainsi que des jupes et des uipUli,
sur le bâton qui figurait la femme. Tout cela était étalé devant l'i-
mage de Yacatecutli, afin que l'on sût que c'était avec ces ornements
qu'il devait parer les esclaves dont il ferait le sacrifice. Il annon-
çait ainsi que la fête serait très belle afin d'inciter les invités à s'y
rendre.
Après avoir fait son offrande au dieu Yacalecutli, il se rendait à
l'habitation des marchands tlatelucains qui résidaient dans ce village.
Il s'occupait ensuite de commander les mets et les boissons. Tout
étant prêt, il faisait venir les marchands riches et les traitants d'es-
claves, ainsi que tous les négociants des douze localités environ-
nantes. Les invités se rendaient près de lui à minuit. Lorsqu'ils se
trouvaient réunis, on apportait le lave-mains, on servait le repas et
tous y prenaient part. Quand ils avaient fini de manger, ils se la-
vaient de nouveau les mains et se rinçaient la bouene, après quoi on
servait la boisson de cacao et les roseaux à fumer. Venait ensuite le
tour des manias, des fleurs et autres choses qu'on distribuait et, en-
fin, l'auteur du banquet se rendait dans la cour de la maison pour
le sacrifice. Un de ses gens qui le suivait apportait autant de cailles
qu'il devait tuer d'esclaves. Se tenant debout devant le foyer pré-
paré dans ce but, il décapitait les oiseaux un à un; il jetait les têtes
au feu et il offrait l'encens vers les quatre points cardinaux. Il venait
s'asseoir ensuite devant ceux qui avaient assisté au repas et priait
l'un d'eux, qui parlait facilement, d'adresser un discours aux
assistants. Celui-ci s'exprimait en ces termes : Vous voilà réunis,
«
vous, les principaux des marchands; vous avez daigné prendre la
peine de vous rendre dans cet humble lieu, malgré l'importance de
vos personnes. Toi aussi qui es fort et courageux, habitué aux fati-
gues des voyages pour lesquels tu mets en péril ta vie et ta santé, te
hasardant
sans crainte à monter et à descendre péniblement par les
montagnes, les ravins et les précipices à la recherche des bienfaits et
des délices
que Notre Seigneur Dieu nous réserve. Vous voyez pré-
'• fcol/allj sorlode roseau ferme, el lapilli. Iiaguelln.
576 HISTOIRE DES CHOSES
senlement ici le.résultat de tant de fatigues essuyées dans les sien-
et les ravins. Or, il ne serait pas juste que Notre Seigneur Dieu ne>"
dît la récompense et le fruit des choses acquises et de ses propres
r'
chesses.. Aussi, celui que vous voyez ici présent s'occupe d'organiser
u
service au dieu Uilz-ilopochlli en. signe de reconnaissance, avec le des-
sein de tuer quelques esclaves en sa présence, et c'est pour cela qu'il
vient vous inviter. Je n'ai rien à vous dire au delà ce que vous vene?
d'entendre, seigneurs et principaux marchands. » Ayant entendu
ces
paroles, les principaux marchands mexicainset llatelulcains, qui sont
les seigneurs de ces douze localités, répondaient ce qui suit : Nos
«
seigneurs les. marchands qui êtes ici présents, nous avons en tendu
ce dont vous venez nous prier avec attendrissement et pleurs; nous
avons compris le désir de vos coeurs, qui restait secret et gardé dans
vos entrailles depuis les lieux dont vous venez et qui est la consé-
quence des labeurs de notre camarade qui vient vous inviter. C'est
une grande faveur que nous acceptons et qui nous est faite pour l'a-
mour de Notre Seigneur Dieu. » Après avoir fait cette démarche dans
le but d'inviter tous les marchands et seigneurs, celui qui devait
donner le banquet prenait congé de la maison où il était venu prendre
son pied à terre et, s'emparant de son bâton orné de glands de plumes
riches, il s'en revenait à son pays de Mexico et de Tlalelulco.
CHAPITRE XII
ré jeune homme, te
voilà présent devant nous. Nous avons entendu
s
paroles. Mais nous nous tenons pour indignes de connaître les
oprels que Notre Seigneur Dieu Uilzilopochlli exerce en ta faveur et
dont tu nous fais part avec des soupirs et des larmes. Nous savons
dévotion n'est pas d'hier ni d'une ou deux années de durée;
nuR ta
niais, comme ce que tu te proposes de faire est d'une exécution diffi-
cile nous avons lieu de craindre que tu ne fasses quelque enfantil-
lage. Réfléchis
bien et pense que tu ne suffis point à bien faire la
cérémonie que tu te proposes et que tu n'y réussiras aucunement.
Mets ton attention à ne point nous faire tomber en confusion, nous et
tous les marchands yaque, tecoanime et tealtianime *. Tu n'as peut-
Èlrc pas bien calculé tout ce
qui est nécessaire ni réuni ce que tu dois
dépenser pour les invités. Fais-nous voir ce que tu as préparé dans
ta maison ; il convient que tu nous le montres, puisque nous sommes
lesvieux. »
Après ces paroles des vieillards, le jeune homme qui devait faire le
banquet leur rendait compte de tout ce qu'il se proposait de dé-
penser et les principaux marchands s'étant convaincus lui disaient :
«
Honoré jeune homme, nous voilà au courant de ce que tu as pré-
paré pour la fête de Notre Seigneur. Entreprends-la, à la bonne heure,
en toute diligence, sans paresse aucune et avec courage. Observe-toi
bien dans ton parler ; sois modeste dans tes expressions ; ne raconte
point ce que tu vas faire aux gens du vulgaire ; continue à causer
avec tout le monde comme à l'ordinaire; voilà notre avis. Tu sais
qu'il faudra que tu donnes quatre fois à manger : la première, lors-
que tes invités arriveront et que tu leur feras part de la fête que tu
dois célébrer; la seconde, lorsque tu feras la cérémonie appelée tlaix-
nexlias; la troisième, lorsque les esclaves se couvriront de leurs pa-
piers et qu'on fera la cérémonie appelée leleoallias; la quatrième,
lorsque tu sacrifieras les esclaves qui doivent mourir. Fais bien atten-
tion à ne prendre à personne son bien pour la dépense de toutes ces
choses. Voilà le conseil que nous te donnons. » Ayant entendu cela, le
jeune homme disait aux vieillards et aux principaux : « Illustrissimes
sonores^ vous m'avez fait grande faveur par les paroles que vous
avez eu la bonté de me dire. Il ne convient certainement pas que
je les oublie. Dites-moi tout
ce que votre coeur vous inspire, et que
vos principes, fruit de vos vieilles années, soient entendus, publiés et
'• Yaijue,
voyageurs, de yauh, aller; — tecoanime^ ceux qui appellent les convives;
~ et tealtianime^ ceux qui font boire [allia).
y verbe signifie acquérir une chose avec habileté, adroitement.
<Je
l- C'cst-à-diro faire boire (allia) les dieux (telco).
:
37
578 HISTOIRE DES CHOSES
inscrits dans la mémoire. » Les vieillards lui répondaient à l'instant
« Notre fils, tenons-nous-en à ce qui vient d'être dit et cherchons
un jour prospère par l'intervention des gens qui possèdent l'art d
sonder les journées. » Ils faisaient appeler aussitôt ceux qui s'occu
paient de cet art et qui y gagnaient leur vie. Ceux-ci se mettaient, ù
la recherche d'un jour convenable et, l'ayant trouvé, ils disaient •
« Tel jour de ce calli, orne xochitl ou omei oçomatli sera bon pour ce
qu'on désire. » C'était dans un de ces jours-là, en effet, que l'auteur
de la fête commençait son banquet. Lorsqueles vieux marchandsprin-
cipaux n'avaient plus rien à dire, ils prenaient congé du jeune homme
en ces termes : « Notre fils, nous avons entendu et compris ton désir
que lu nous as communiqué avec attendrissement. Nous te conseil-
lons de ne point t'enorgueillir et de ne mépriser personne. Révère les
vieillards, même lorsqu'ils sont pauvres, et sois miséricordieux avec
les humbles sans fortune. Donne-leur de quoi se vêtir, ne fût-ce
qu'avec ce qui t'est inutile. Donne-leur à manger et à boire, car ils
sont les images de Dieu. Le Seigneur accroîtra pour cela les années
de ta vie. Au contraire, si tu ne fais point ce que nous te conseil-
lons, tu deviendras aveugle, perclus ou contrefait; toi seul en
auras la faute, et, si Dieu t'en punit, c'est parce qu'il pénètre de ses
regards l'intérieur des pierres et des boiseries. Il te serait impos-
sible de le cacher de lui. Fais attention à ne point désirer la
femme d'aulrui; que ta. vie soit irréprochable. Avec ce que nous
venons de dire, nous avons accompli notre devoir envers loi. Arrê-
tons-nous là. »
CHAPITRE XIII
CHAPITRE XIV
DE LA BOISSON QUE L*ON FAISAIT PRENDRE AUX ESCLAVES AVANT DE LES TUER
ET D'AUTRES PRÉAMBULES AVANT DE LES SACRIFIER.
1
usant, portant à la main un vase appelé quacaxilV, dans lequel on
tarait les cheveux à mesure qu'on les arrachait. Cette opération étant
ipi-iiiinée on se prenait à crier en battant de la main l'ouverture de
hhouche comme c'était l'habitude. Celui qui avait reçu les cheveux
rhns l'écuelle s'en
allait, et l'auteur de la fête prenait l'encensoir
nommé tlemaill, plein de braise, et allait encenser dans la cour vers
]CS quatre points cardinaux. Les esclaves qui devaient mourir ne
dormaient pas un seul instant clans la nuit. Au lever de l'aurore, on
leur offrait à manger; mais ils ne pouvaient se résoudre à rien
prendre, malgré l'insistance qu'on y mettait, car ils étaient pensifs
cl tristes, ayant
devant les yeux le supplice qu'ils allaient subir et
croyant, atout instant, voir entrer le messager de la mort, qui s'ap-
pelait Paynalton. C'était la divinité précurseur du dernier moment de
ceux qu'on devait sacrifier aux dieux. Il se présentait d'abord en
courant à l'endroit où ils devaient être immolés et partait ensuite de
Tenochlillan pour Tlalelulco ; de là il prenait; sa course à travers le
quartier de Nonoalco pour Popotlan, Maçatzinlamalco, Chapullepec et
Maçallan; de cet endroit il s'en allait parcourant en droite ligne le
chemin de Xoloco et entrait à Tenochlillan. Pendant que le Paynalton
parcourait ces stations, on amenait les esclaves qui devaient mourir
au quartier de Coallan ; là se trouvait le lieu'où ils devaient combattre
certains guerriers qui étaient déjà préparés dans ce but. C'était dans
la cour même du temple appelé Uilzcalco 2. Lorsqu'arrivaient les
esclaves armés déjà pour le combat, ceux qui devaient les attaquer se
présentaient et en venaient aussitôt aux mains avec eux en toule
réalité. On appelait tlaamauique* ceux qui combattaient les esclaves
avec le plus de valeur. S'ils arrivaient à en capturer quelqu'un en
combattant, sentence était prononcée à l'instant pour fixer la valeur
(le l'esclave, et celui qui était son maître était obligé de l'acquitter
aux vainqueurs, moyennant quoi il reprenait son bien. Mais s'il
n'avait pas les moyens d'en payer le prix, ceux qui l'avaient capturé
au lieu dit de Uitzcalco mangeaient l'esclave après sa mort. Ce com-
bat avait lieu pendant que le Paynalton parcourait les stations
susdites. Aussitôt qu'il était de retour, on plaçait en rang devant
l'image de Uilzilopochlli les malheureux qui devaient mourir, dans
l'endroit qu'on appelle Apellac, et l'on partait en procession pour-
'aire quatre fois le tour du temple. Cela fait,
on les remettait de
nouveau en rang devant Uilzilopochlli, et le Paynalton montait au
CHAPITRE XV
.1.. Pluriel de llatlaliani, celui qui place, qui enchâsse les choses (Ualia).
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 585
CHAPITRE XVI
CHAPITRE XVII
l'sait aussi les inventeurs des colliers, des bracelets qui se portent
poignets, de l'art de tailler les pierres et les chalchiuitl, de les
-oucr et de les polir. On faisait remonter jusqu'à eux l'origine de
l
CHAPITRE XVIII
CHAPITRÉ XIX
Onfaisait une fête à ces divinités deux fois l'an : l'une dans le
mois appelé panqaetzalizili, et l'autre dans celui qu'on nomme tlaxo-
chimaco. C'était dans le mois de panquelzalizlli qu'on tuait l'image
de Goyollinauall. Si personne ne se présentait pour sacrifier quelque
esclave qu'on appelait llaallillin, ces amanleca se réunissaient et en
achetaient un, pour le tuer en l'honneur de ce dieu, en échange de
manias, nommées quachlli, dont on se servait pour payer les tributs.
Mais si quelque amanlacall célébrait par lui-môme une fête et y tuait
quelques esclaves, l'un de ceux-ci était sacrifié en l'honneur du dieu
Goyollinauatl. On le couvrait do tous les ornements de ce dieu comme
on l'a dit plus haut. Si celui qui faisait la fête était un homme riche,
il tuait
un, deux, trois esclaves et même davantage, toujours en
l'honneur de ces divinités. S'il n'était pas fortuné, il se contentait
d'une seule victime pour honorer Goyollinauatl. Lorsqu'on célébrait
la fêle, tous les vieillards, hommes et femmes,
se réunissaient dans le
quartier d'Amanllan. Là, on chantait et l'on obligeait à veiller tous ceux
(].ui devaient être sacrifiés. On avait l'habitude de leur faire prendre
CHAPITRE XX
CHAPITRE XXI
CHAPITRE PREMIER1
Lu père est la racine et la souche de la famille. Son devoir est d'être attentif,
zélé et persévérant dans le soin de gouverner et d'entretenir sa maison. Un bon
père élève et alimente ses enfants; il leur donne une bonne éducation et leur
inspire de bons principes. Il les gronde et leur adresse de sages conseils et d'u-
lilns exemples. If thésaurise pour eux et il conserve ce qu'il a acquis. Il tient
compte de sa dépense, s'en sert pour tenir ses enfants en bon état et réunit le né-
cessaire pour l'avenir. Ce qui caractérise un mauvais père, c'est d'être paresseux,
négligent et oisif; de ne faire cas de personne, d'omettre par insouciance tout ce
qui appartient à ses obligations, et de perdre son temps en toutes choses.
1. Le lecteur pourrait être tout d'abord dérouté en parcourant le contenude ce dixième livre,
su n'était prévenu dès à présent, par le traducteur, de la pensée originale qui a dominé
i auteur lorsqu'il a composé cette partie de son ouvrage. En ayant l'air de vouloir nous
présenter un tableau exact des diverses classes de la société mexicaine d'avantla conquête,
est avant tout guidé par la pensée de réunir dans son texte tous les termes de la langue
''Uihuatl tirés des habitudes et de la manière de vivre des Mexicains dans les différentes
sphères ou se passait leur existence. C'est donc un dictionnaire en action. Sans ce ren-
seignement préalable, le lecteur ne verrait dans la plupart des chapitres qui vont suivre
(1« un effort oiseux
pour nous dépeindre des moeurs et des caractères qui n'ont rien à voir
•ivec l'originalité exceptionnelle d'un peuple quelconque.
598 HISTOIRE DES GHOSES
Le devoir de la mère est d'avoir des enfants et de les nourrir de son lait ]
mère vertueuse est vigilante, agile, attentive, pleine de sollicitude. Elle élève
se
enfants et a pour eux des soins continuels -, elle prend garde de ne les laisser tnan
quer de rien; elle les tient dans l'abondance et elle se rend l'esclave de toutes W
personnes de sa maison. Elle s'inquiète du besoin de chacun ; elle n'est indifft
rente à aucune des choses nécessaires à son ménage-, elle aime l'épargne; elle est
laborieuseet travaille sans cesse. La mauvaisemère est étourdie, niaise, dormeuse
paresseuse, dissipatrice; elle ne conserve rien ; elle laisse tout perdre par indiffé-
rence ou par ennui. Elle ne prend aucun souci des besoins des personnes de sa
famille; elle ne surveille nullement les choses de sa maison et ne corrige point
les fautes de ceux qui l'habitent. Aussi les choses y vont-elles chaque jour do
mal en pis.
Il y a parmi les habitants de ce pays des enfants légitimes et des fils bâtards.
Le fils bien doué est obéissant, humble, reconnaissant et respectueux ; il imite
la bonne conduite de ses parents et hérite des qualités physiques de ses père e
mère.
Le. mauvais fils est dissipé, rebelle, désobéissant, fou, dédaigneux des bons
conseils. Il rejette avec mépris les bons principes; il est inquiet, dissipateur, fan-
faron, orgueilleux, mal élevé, sot et grossier. Il n'admet aucun bon exemple. Les
bons conseils de son père et de sa mère, entrés par une oreille, sortent par l'oreille
opposée. Ni correction matérielle ni châtiment ne lui sont d'aucun profil.
La jeune fille qui s'élève dans la maison de son père possède les bonnes qua-
lités suivantes : elle est vierge ; elle n'a certainement jamais connu d'homme.
Elle est obéissante, réservée, intelligente, habile, pleine de gentillesse, honnête,
soumise, bien élevée, imbue de bons principes, instruite dans les règles de la pru-
dence, discrète et méfiante du mal.
La méchante fille fait mauvais usage de son corps ; elle est dissolue, prostituée,
d'un gentil physique; elle se pavane après s'être parée avec recherche; elle court
les rues, s'adonne au >ice charnel, vit dans la volupté, car c'est là son unique
plaisir.Sa vie est comme une constante folie.
Les enfants qui héritent des qualités de leurs pères et qui sont de race noble
et généreuse sont délicats, gâtés, tendres et beaux.
Fille aînée, fille seconda, fille troisième, fille dernière. Le lecteur ne doit pas
s'étonner qu'on se limite ici, comme en bien d'autres endroits du livre, à inscrire
des substantifs sans les accompagnerd'une propositioncomplète. Le principal but
de ce traité, en effet, est de faire connaître la langue indienne en l'appliquant,
afin que les Espagnols apprennent à parler en cette matière des vertus et des
vices.
L'enfant garçon ou fille bien doué est vigilant, spirituel, intelligent, agile,
prévenant, discret, obéissant; il fait de bon coeur ce qu'on lui commande.
L'enfant vicieux est paresseux, ennuyeux, gros, niais, sot, grossier, indis-
cret; il comprend les choses de travers et les fait de même. Il est maladroit,
fripon, affolé; il s'en va de maison en maison, d'une place à l'autre; c'est un
coquin raffiné et son corps est vicié de tous les maux.
L'oncle fidèle. Les Mexicains avaient pour habitude de le nommer curateur ou
tuteur de leurs fils, de leurs biens, de leurs femmes et de la maison entière
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 599
l'oncle fidèle régissait les biens d'un frère et de sa femme comme sa propre
„ison. Le propre
d'un mauvais oncle est d'être dissipateur, étourdi. Il n'a que
de la haine et du mépris pour les autres.
La bonne tante a pour habitude d'entretenir et de protéger ses neveux. Elle
esl compatissante,
fait du bien aux siens et les entoure de ses soins. Elle est
d'un précieux
naturel et elle ne pense qu'à la recherche du nécessaire pour sa
pareille.
La mauvaise tante est mal douée. Elle est irascible, d'un aspect irrité, refrognée.
Personne n'est bien avec elle et elle s'éloigne de tout le monde. Elle regarde les
n-cns de travers ;
elle ne sait que mépriser son prochain.
Neveux et nièces. Les hommes et les femmes -appellent différemment leurs
neveux. Les hommes les nomment nomach, et les femmes nopilo ou nopilotzin1.
La principale qualité d'un bon neveu est de s'empresser de faire ce qui convient,
sans que personne le lui commande. Il n'est nullement nécessaire de lui
donner deux fois le même ordre. Les défauts d'un méchant neveu- qui a perdu ses
père et mère et s'est élevé avec un oncle et une tante qui n'ont pas pris soin de
le corriger, ne sont pas différents de ceux des autres enfants vicieux et dissipés.
Parmi les natifs de ce pays, les hommes désignent un neveu par le mot machtli
et les femmes par ceux de tepilo ou pilotl. Le neveu a besoin d'être instruit des
bonnes doctrines, corrigé et battu. Le bon neveu est comme le bon fils ; il rem-
plit les humbles offices delà maison et il est docile aux réprimandes. Le méchant
neveu-est vagabond, paresseux et dormeur. Il se cache; il est pillard; il vole ce
qu'on lui donne à garder.
Le grand-père se reconnaît aux signes suivants. Sa peau est à la fois
rugueuse et flexible ; sa [chevelure lui fait une tête blanche, il est impotent et il
no sert à rien ; c'est un enfant, et comme un saint dans sa niche. Le bon aïeul est
comme un bon père; mais il est caduc et de peu de cervelle.
La grand'mère. On la désigne dans ce pays par le nom de cilli ou leci 2. Elle
a des fils, des petits-fils et des arrière-petits-fils. Le propre d'une bonne
grand'mère est de reprendre ses enfants et ses petits-enfants. Elle les gronde, les
châtie, les instruit et leur enseigne le savoir-vivre. La mauvaise grand'mère
paraît plus vieille; elle est sotte, grossière, désordonnée, dissipatrice et de mau-
vais exemple.
est décrépit, tombé dans l'enfance. Mais, quand il a la tête solide,
l-o bisaïeul
il est encore bon h
servir d'exemple par ses bons principes et par sa bonne
renommée. Sa vie, ses richesses, sa famille forment déjà un attrait pour la
mémoire, comme serait un excellent livre. Le méchant bisaïeul est comparable à
un dépotoir et à des ténèbres dignes de mépris. Il mérite les reproches et les
mauvais propos de la médisance, n'importe où il se trouve. En enfer tous le
bafouent et lui crachent à la face. Son souvenir ou sa vue fait peine et inspire
•'ennui.
1. Mon
neveu; de machtli, en composition nomach, mon noveu; momaeh, ton neveu;
l'iuich, son neveu etc. primitif pilotl, ainsi que
; -— nopilo est dans le même cas et a pour
0 dil Sahagun quelques lignes plus loin
; nopilolzin est la forme révérentiellc qui fait
1 vocalif nopilolzina; Icpilo signifie le
neveu de quelqu'un.
•* hn composition noci,
mon aïeule; teci, l'aïeule de quelqu'un.
600 HISTOIRE DES CHOSES
La bisaïeule est décrépite et tombe en enfance. Quand elle est bonne ell
digne d'être louée et de recevoir des marques de reconnaissance pour le l\
qu'elle a fait à ses descendants, qui se réjouissent de l'appeler leur aïeule. Elle
la souche d'une bonne race. La méchante bisaïeule est abominable;personne
l'entend nommer sans dégoût; sa présence ou son souvenir donne des nausées
de l'ennui.
Le trisaïeul ou la trisaïeule. Sa tête et son corps tremblent, il tombe sous 1
poids de la faiblesse, et il est au dernier échelon de la vieillesse. Le bon trisaïeul
pi
la bonne trisaïeule sont les vrais père et mère de leur descendance, et comme
un
précieux fondement. Le méchant trisaïeul est un vieux méprisable, une souche
mise de côté. Il a mené mauvaise vie et il inspirele dégoût à tous les siens.
Le petit-fils (ou la petite-fille) est le bien chéri, le préféré. Il procède do
ses
aïeux comme l'épine de sa branche, comme le fragment de la pierre qu'on
travaille, comme le rejeton de l'épi double appelé cacamatl, rogaton vivant, chose
estimée comme pierre précieuse et plume riche, véritable reflet des siens dans le
geste et les oeuvres. Le bon petit-fils suit les conseils de ses parents dont il est
l'image et qu'il honore par sa bonne conduite. Il germe comme une fleur entre
les siens. Le petit-fils de mauvais aloi déshonore sa famille et salit son honneur.
Il est débauché, altier; il ne prend conseil de personne en rien de ce qu'il doit
dire; il se gouverne à sa guise; il se juge à sa fantaisie; c'est en somme un petit
fripon.
CHAPITRE II
Le beau-pèreest celui qui a une bru ou un gendre vivant. S'ils sont morts, il
s'appelle micoamontalli*. Le beau-père procure une femme à son fils; il marie
ses filles et prend soin de ses petits-enfants. Le beau-père qui est bon ne néglige
pas de donner ce dont ils ont besoin à son gendre et à sa bru et il les loge dans
sa maison. Le méchantbeau-père sème la discorde entre sa fille et son gendre et
entre son fils et sa bru. 11 ne veut recevoir personne chez lui ; il est mesquin et
avare..
La belle-mère fait son possible pour concourir aux bonnes actions du beau-père
en ce qui regarde ses fils. La bonne belle-mère surveille sa bru et fait la garde
avec discrétion. Quant à la mauvaise belle-mère; elle se réjouit que sa bru soit
désordonnée. Elle dépense inconsidérément son bien et celui des autres et clic es!
envers sa bru une belle-mère infidèle.
Le père du beau-père affecte les mêmes qualités que celui-ci. Quand il est bon,
il est riche et possède de grands capitaux gagnés par son travail. Quand il est
mauvais, au contraire, il est vil, pauvre, mesquin, sans profils et jamais il ne soit
de la misère.
1. Sahagun veut indiquer ici que beau-père se dit simplement monlalli; micoa, imper-
sonnel de miqui,mourir, signifie qu'il y a eu perte soit du gendre, soit do la bru.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 601
la mère d'un beau-père ou d'une belle-mère possède les qualités de celle-ci.
finaud elle est bonne, elle est honnête, aimable et vénérée. Quand elle est
Vuivaise, elle fait du tort à elle-même et aux siens et elle laisse après elle des
délies ii payer par ses
héritiers.
fe qcndrè est! un jeune marié; il n'appartient pas à l'ordre des tlamacazque
q des
talpopochlin. Le bon gendre est honnête, respectueux et affectionné à son
beau-père. Le mauvais gendre est éhonté, escroc, envieux ; il vole ce qu'il peut
dans la maison de son beau-pèrè et il aime le concubinage.
La bru a été demandée en mariage; elle est femme légitime. Quand elle est
bonne, elle n'est pas parleuse et criarde; elle est discrète, patiente; elle reçoit
humblement les remontrances; elle aime, soigne, flatte et apaise son mari. Mais
quand elle est mauvaise, elle répond avec impertinence ; elle est obstinée,
colère, irascible, intraitable, furibonde, envieuse : elle se fâche et se met en
fureur.
Le beau-frère doit être maniable, d'un caractère doux, économe, travailleur,
obligeant, débonnaire et franc. Quand il- est de mauvais aloi, il est envieux,
rancunier; il se fâche et il est obstiné. Le beau-frère a beau-frère et belle-soeur;
il a aussi beau-père et belle-mère, ainsi que des parents des deux sexes. Quand
il est mauvais, il fait concubinage avec sa belle-soeur et même avec sa belle-mère ;
il importune pour qu'on lui donne toujours quelque bien.
La belle-soeur a un frère ou même plusieurs, soit plus âgés, soit plus jeunes.
Quand elle est bonne, elle est douce, débonnaire, secourabïe; elle entretient la
paix entre le frère et son mari. Quand elle est mauvaise, elle sème la discorde
entre eux. La femme appelle sa belle-soeur nouezui '. Elle a des parents ; elle est
soeur aînée ou cadette; elle est friande ou bienfaisante. La bonne belle-soeur est
reconnaissante; la mauvaise est voleuse et intéressée.
la frère aîné gouverne toute la maison de son père; il instruit ses frères
cadets et leur épargne le travail jusqu'à ce qu'ils soient en âge de le supporter.
Le beau-père est celui qui se marie avec une femme déjà veuve qui a des
enfants qu'il prend pour beaux-fils ou belles-filles. Il met de la constance au
travail. Le mauvais beau-père hait ses beaux-fils. Il ne peut pas les souffrir et il les
voudrait voir mourir.
hi belle-mère est celle qui s'est mariée avec un homme veuf qui a des enfants.
LA belle-mère de bon aloi traite affectueusemenl et
avec bonne grâce ses beaux-
'11* cl elle est
aux petits soins pour eux. Quand elle est mauvaise, au contraire,
elle est colère, rancunière, de méchant aspect, regardant toujours d'un air furi-
bond.
tes beaux-fils sont ceux qui ont perdu un pere ou une mère et qui entrent au
pouvoir d'un beau-père ou d'une belle-mère. Quand le beau-fils est bon, il vit
humble, retiré, respectueux. Lorsqu'il est mauvais, au contraire, on le voit
'"quiet, fripon, audacieux, présomptueux; il obéit avec répugnance; il fait le
malade; il est médisant, calomniateur; il méprise tout le monde.
1. Be uczuiUi,
en composition nouezui, ma belle-soeur ; mouêzui ta belle-soeur; etc.
1 » ma donne uczualli.
Cette expression n'est employée que par les femmes. Les hommes
!'enl iicpiJJi, mot dont aussi une femme pour désigner son beau-frère. Enfin,
nomme appelle
se sert
ce dernier Icxtti.
602 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE III
DES PERSONNES DE DIFFERENTS AGES ET DE LEURS QUALITÉS
BONNES OU MAUVAISES.
st mauvais, il
est coquin, turbulent, incorrigible, porté au mal, de mauvais
•i
'cour, vagabond, voleur et menteur.
l'enfant est délicat, bien fait, sans défaut corporel; il est beau, bien élevé,
infirmité, noble, entouré de soins délicats. L'enfant turbulent ne fait pas
s
de sa noblesse; il est vilain, sans grâce, de mauvais caractère, maladif,
-
stjnctivcment passionné et souvent estropié des pieds ou des mains.
•
L'enfant de cinq ou six ans gentil et de bon caractère est gai, souriant, gra-
cieux réjoui,
sautillant. L'enfant de cet âge qui a mauvais caractère est pleu-
reur, colère
et il se livre à des accès de rage.
CHAPITRE IV
l'homme noble et de grande race est en haute estime ; il a une grande valeur
el il est digne d'être respecté et même craint. Sa personne impose et mérite
l'obéisance. Le noble de bon aloi est affectueux, miséricordieux, compatissant,.
généreux; il force au respect ceux qui le regardent. Quand il est doué de mau-
vaises qualités, au contraire, il est insupportable et tandis qu'il prétend mériter
un timide respect, il ne fait qu'inspirer la crainte et l'épouvante et il sème la
zizanie entre les siens. L'appellation de tlacall veut dire personne noble, généreuse
ou magnifique, et son composé aUacatl 1 signifie, au contraire, homme vil et de
liasse condition. D'autres composés de tlacall, qui se forment avec les noms de
nombres,désignent des personnes vulgaires. Ainsi, ce tlacall signifie une personne
quelconque, homme ou femme-, orne llacatl, deux personnes. Quand on dilcuioctla-
cutl-, on désigne une personne vile et de basse condition. Lorsqu'au contraire on
dit ca canca llacatls, on prétend désigner un homme de bien, généreux et noble.
Les qualifications du seigneur, du roi, de l'empereur, de l'évêque ou du pape se
désignent en termes métaphoriques par mot composé ceuallo ecauhyo », qui veut
dire chose qui fait ombrage, parce que le supérieur doit ombrager ceux qui lu
sont soumis. L'expression malacahyo 6 désigne un objet d'un large circuit qui fait
île l'ombre,
parce que le personnage de grande élévation doit protéger tout le
monde, grands et petits. Le pochotl est un arbre à grand ombrage, remarquable
par le nombre considérable de ses branches. L'aucuell est du même port, et
on les mentionne l'un et l'autre pour dire que le roi doit leur ressembler, afin
<|»c ses sujets viennent y chercher un appui. L'homme élevé on dignité doit être
respectable, imposant, estimé et craint de tous. Quand il remplit bien ses devoirs,
'• De a, privatif, et llacatl, personne. Le même mot signifie encore marin, mais il es
°rs comPosé de ail, eau, et tlacall, personne.
"c nuichlli, suie, ou de cuixin, milan, et tlacall, personne,
,a- C'est-à-dire : tout à fait
une personne distinguée.
Ceuallo vient de ceuaUi, ombre, qui dérive lui-même du verbe
• ceua, faire froid ; —
cau/tyo est formé de ecauhyotl, ombre, fraîcheur, qui est tiré du ccall, vent, air.
°- Se dit surtout des arbres qui ont beaucoup de feuilles.
604 HISTOIRE DES CHOSES
il porte ses sujets, les uns sur ses épaules et les autres sur ses genoux
o
ses bras. Il a l'obligation de les couvrir de ses ailes comme la poule fait pour 1S
ses
poussins.
Le sénateur a pour devoir d'être juge et de bien étudier les procès. Il dn'i
'.i
respecté, sévère, imposant, d'un aspect digne et grave qui -inspire la crainte
i
soumission. Lé bon sénateur est un juge intègre. Il écoute les deux partie- i!
pèse mûrement leurs situations respectives; il donne à chacun ce qui est à In'
ne s'écarte jamais de la droite justice. Il ne fait point acception de personne
il juge sans passion. Le mauvais sénateur, au contraire, est personnel, passionna
il se laisse influencer par l'une des parties ; il est intéressé et se laisse aisémeiî•
suborner.
Vhomme de noble race a bon coeur, il est de loyal caractère et d'honnêtevie
Il est modeste, avisé, discret, aimé de tous, paisible, juste, posé, de conduite
sans tache, instruit et prudent. Lorsqu'au contraire l'homme de bonne race csl
mauvais, il veut se mêler de toutes choses ; il est présomptueux,remuant, orgueil-
leux, affolé, semi-bouffon, désagréableà tous, moqueur déterminé et audacieux.
Le véritablegentilhomme est très estimé, aimé et de bon caractère. Il affec-
tionne et estime tout le monde et il n'est personne avec qui il ne vive en har-
monie. Il honore tout le monde et traite n'importe qui avec bienveillance en
employant de bonnes paroles. Le gentilhomme de mauvais aloi est de mince va-
leur, imprudent, sot, incivil, étourdi, inconsidéré en toutes choses et ennuyeux
pour tout le monde.
Celui qui est illustre et généreux est comparable à une pierre précieuse, à un
oyau riche ou à une plume estimée. Il mérite d'être bien traité, choyé comme
personne noble et généreused'une race distinguée et appartenant à la classe des
plus fins et des meilleursgentilshommes.
CHAPITRE V
•
L'hidalgo est fils légitime et il ressemble à ses parents par les traits cl les
oeuvres. En fait de fils hidalgos, il y a le premier né, le fils unique, l'aîné, le
second, le troisième et le dernier. Il y a des hidalgos qui ont des frères et des
soeurs, des grands-pères et des grand'mères; 51 y en a aussi qui sont chéris,
traités avec délicatesse, choyés et servis à souhait. Le bon hidalgo est obéissant;
il suit l'exemple de ses pères dans les bonnes moeurs; il a de la droiture; il csl
juste, diligent et gai en toutes choses; il a absolument l'aspect physique doses
ascendants. Le mauvais hidalgo est affolé, maladroit, d'un mauvais caractère,
sans grâce, pervers, diabolique. Il est le déshonneur et l'affront de sa race.
Celui qui descend de personnes nobles est doué d'un aspect sympatiquo; il <*•
remarquable en ses actions et par ses bonnes qualités. Il est discret, désireuxt
connaître et de chercher ce qui convient. En tout il use de prudence etderéflexion-
Lorsque le descendant de bonne race n'en a pas les qualités, il est orgueilleux
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 605
•ftmement avide et il prétend passer pour supérieur aux autres. Mais le vrai
i in digne
de sa race, cherche les bons exemples et il n'aspire qu'à imiter
enduite des braves gens. Il y devient exemplaire et se fait remarquer par
' excellentes qualités ; tandis qu'au contraire les mauvais nobles, quoique
, ,es
i
-rendants de bonne race, sont arrogants, êmeutiers et inaccessibles à aucun
genre de
bonté.
CHAPITRE VI
On voit généralement entre les hommes que les uns sont de taille élevée et
lesautres petits; ceux-ci sont gros et ceux-là sont maigres; il en est de bon et
de mauvais aspect, comme aussi quelques autres de moyenne stature. Le propre
des hommes robustes est d'aimer la guerre, d'être forts et d'avoir grand coeur et
frand courage. L'homme véritablement fort est ardent, irritable, déterminé ; il
combat vaillamment; il s'engage résolument dans la Julie; il taille et tue les
ennemis sans jamais craindre personne. Le lâche, au contraire, a recours à la
dissimulation pour perdre les siens et les vendre, car il est faux, malicieux,
peureux et sans nulle attention pour ses amis.
L'homme brave, appelé tiacaidi-, est invincible, robuste, dur et fort; il compte
pour rien les dangers et il ne recule jamais. Celui qui est réellement brave com-
bat avec ardeur et courage; il remporte victoire et fait des captifs. Il désole les
lieux habités et l'on dirait qu'il les balaie, car il ne laisse rien sur le sol et il
finit toujours par un triomphe complet sur les vaincus. Le faux brave, au con-
traire, est vaniteux, vantard; il se dit un aigle et un lion dans la guerre par sa
vaillance, tandis qu'il est toujours mort de peur.
L'hommevaillant et fort, appelé quachic, est l'appui et le rempart des siens,
lurieux et plein de rage contre ses ennemis, il fonde sa vaillance sur la force de
ses muscles et il marque parmi les hommes de valeur. Cet homme-là est bien
dispos et très apte à la
guerre ; il porte aide et secours à tous les siens sans
craindre la mort il défait ses adversaires et se rit de tous, inspirant ainsi le
;
courage et la confiance à ceux qu'il commande, blessant, tuant et capturant les
ennemis sans faire quartier à aucun d'eux. Celui qui ne ressemble
pas à ce vail-
lant homme est efféminé, craintif
en toutes choses, plus prompt à fuir qu'à pour-
suivre l'ennemi; il est faible, timide et se montre en tout lâche et affaibli.
Le rncslre de
camp ou l'homme qui commande en cette qualité est celui qui,
pour faire montre de
son rang, porte les cheveux en queue tombant sur le dos,
--
a lncnlonnière à la lèvre et des oreillons. Il est toujours couvert do
ses armes,
elui-lu est adroit et expérimenté dans les choses de la
guerre. Il sait inventer
es ruses, choisir les lieux sûrs et les bons chemins contre l'ennemi,;.il inspire à
°us la crainte et l'épouvante tandis qu'il est lui-même très confiant dans
sa
a our. Quant à celui qui
ne lui ressemble point, il s'abandonne au sommeil;
sans soin en toutes choses et il est tel, enfin, qu'il gâte tous les autres par sa
P°u'' et sa lâcheté.
606 HISTOIRE DES CHOSES
Le capitaine général a pour devoir de commander dans la bataille, de
nre
ses mesures et de mettre ses escadrons en ordre pour la livrer. Il se tient n "
grand aigle et lion et fait parade de sa confiance dans la victoire par les insj.,
dont il est orné, donnant d'ailleurs à entendre qu'il est de son devoir de mou •
pour les siens dans la campagne. Le bon capitaine général est vigilant: il rano
bien ses escadrons et, par son adresse aussi bien que par son intelligence, il invcm
des moyens de vaincre. Pour cela, il fait pourvoir tout le monde d'armes et <]
vivres; il ouvre des chemins, voit tout par lui-même, fait dresser des tente-
asseoir son quartier général, placer des sentinelles, répartir les soldats destiné-
à porter les défis, provoquer, former des embuscades et s'avancer en espions
Le capitaine qui n'a pas ces qualités est bien souvent la cause de grands maux et
de bien des morts, et il met fréquemment les siens dans les périls et les embarras.
CHAPITRE VII
me si
c'était de la cire. Le mauvais forgeron est menteur, moqueur, paresseux,
soin épuisé de force; il fait mal son ouvrage pour le terminer plus vite et
..'. s
sans justesse après y avoir employé beaucoup de temps.
f;lQ0nne
ie
lapidaire a été instruit et examiné dans son métier. II se connaît en pierres
et il sait fort bien les délivrer de leurs imperfections, les tailler et les
C c3
CHAPITRE VIII
.
CHAPITRE IX
Le naualli* ou sorcier est celui qui épouvante les hommes et suce le sang des
enfants pendant la nuit. Celui qui pratique bien ce métier n'ignore rien de ce qui
concerne les sorcelleries et il en fait usage avec ruse et adresse : il s'emploie a
faire du bien sans jamais causer de préjudice. Celui qui exerce cet office au
moyen de maléfices les emploie à endommager les corps, à faire perdre la tôle cl
à étouffer les gens. C'est un fourbe ou un enchanteur.
,
géologue judiciaire ou nécromancien tient compte des jours, des mois ot
-muées: c'est à lui qu'est réservé le soin de bien connaître les signes et les
K-
diVes de son art. Quand il est habile, il comprend fort bien les signes sous
..
uels chacun est né; il a présent à la mémoire ce que ces signes représentent
pela lui ser'i *
comprendre l'avenir. S'il est inhabile au contraire, ce n'est
iun fourbe
et un menteur, un artisan de sorcelleries qui ont pour but de
lrompcr les hommes.
I e
nécromancien: L'homme qui a fait un pacte avec le démon prend la figure
de divers animaux.
Son humeur haineuse lui fait désirer la mort du prochain et
dans ce but il
fait usage de sorcelleries et de maléfices. Il n'obtient pour résultat
«ne de
tomber dans la pauvreté, à ce point même qu'il ne sait plus à quoi
vouer, qu'il n'a pas même un mauvais pain à manger dans sa maison et
se
([n'en somme la plus grande
misère fond sur lui, car il est toujours dans le
malheur.
Le procureur épouse, dans les procès, les intérêts de l'une des parties et
applique tout son zèle et son pouvoir aux soins de ses affaires et il en appelle au
besoin. Il reçoit des honoraires dans l'exercice de son emploi. Le bon procureur
est adroit, zélé, audacieux, diligent, obstiné el persévérant dans les affaires, à
propos desquelles il fait en sorte de ne pas être vaincu. Il proclame son droit, en
appelle, qualifie les témoins et compte pour rien la fatigue jusqu'à ce qu'il ait
triomphe do la partie contraire. Le mauvais procureur est intéressé, demande
sans cesse et fait durer les affaires dans de mauvaises intentions. Il fait de
grandes démonstrations pour peu de chose, néglige son procès et pratique
ii tel point la fraude qu'il reçoit des honoraires des deux parties.
Le solliciteur ne se repose jamais; il est toujours anxieux et sur pied. Le bon
solliciteur est très soigneux, résolu et anxieux en toutes choses. Il oublie souvent
de manger et de dormir pour remplir bien son devoir. On le voit aller de porte
CHAPITRE X
CHAPITRE XI
les gens; il .est brouillon, il porte de faux témoignages; son métier est de
llesser et de donner la mort.
V
i.'uiîlre sème la zizanie même entre ses amis; il est
bavard, menteur et per-
mrbaleur de la
paix entre tous.
bouffon a l'habitude de dire des gracieusetés et des plaisanteries. Le bon
i
flon est doucereux
dans sa manière de parler; il aime à conter des histoires et
H narole courtoise. Le mauvais bouffon, au contraire, cherche à nuire on
,
.î-rnt. Il se mêle aux
conversations d'autrui sans y être sollicité et, au lieu
,
., inot3
plaisants, il ne sait dire que des méchancetés et des choses obscènes.
I c
lurlupin est audacieux, éhonté, fou, aimant la bouteille et se souciant peu
le la
renommée. Le bon turlupin a le parler agréable et il est habile à lâcher le
bon mot. Le
mauvais, au contraire, a le parler pénible; il est sot et inhabile à
débiter une gracieuseté ; il la lâche hors de propos et ne réussit qu'à causer de
l'ennui au lieu de plaisir, à ceux qui l'écoutent, quelque mal qu'il se donne par
ses chants
et sa danse.
Le vokur a beau piller, il est toujours pauvre, misérable,
déchiré, à bout de
ressources, famélique, envieux du bien d'autrui et très instruit sur les mille
manières de le prendre. Il ment, se tient aux aguets, se fait un passage à travers
les murs; ses mains sont comme des crochets toujours prêts à s'emparer de ce
qui est à leur portée. Sa convoitise le fait errer comme un chien haletant ou pris
do rage, pour voler ce qu'il a désiré. Le voleur qui avait recours aux encliante-
nienls connaissait fort bien tout ce qui lui servait à priver de sentiment et à
jeter dans la stupéfaction les gens de la maison où il entrait. Tandis qu'on y
était ainsi sans mouvement, il volait à son aise et s'en allait portant son butin sur
ses épaules; mais, auparavant, il profitait de l'état d'enchantement des gens de
la maison pillée pour faire de la musique, chanter, danser et manger même tout
à son aise avec ses compagnons.
Le voleur de grand chemin peut se comparer à une bête fauve pour la rage el
la cruauté avec lesquelles il se montre sans pitié. Il sait avoir
recours à mille
moyens pour attirer vers lui les voyageurs, les voler et même leur donner la mort
quand ils sont à sa portée.
CHAPITRE XII
CHAPITRE XIII
La femme noble est très estimée et très digne d'être honorée et révérée, l»n
pour ses vertus que pour sa noblesse. Elle est le soutien et la protectricede ccu
qui ont recours h elle. Quand elle est bonne, les pauvres viennentse mettre s
merveille Uu'
son aile ; elle les aime et, en les protégeant, elle les traite à
elle a mauvais coeur, au contraire, elle ne fait nul cas des autres à cause
présomption çt de son orgueil.
.
Lu femme 'hidalgo, est 1res estimée et chérie de tous; elle est grave,
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 613
de la flatterie, digne qu'on la révère et qu'on l'honore. Quand elle est
-o
„ M]p
|)OI1110,
gouverne très bien sa famille et la nourrit. Par bonté elle témoigne
<J11,J o
l'-iffeclion et de la bienveillance à tous, prouvan bien en cela qu'elle est
Quand elle n'est pas bonne, elle a mauvais caractère et
., , a 0(, cie noble sang.
coeur ; elle regarde les autres avec dédain. Elle est rude et de méchant
iv'ais
paresseuse ; elle laisse les choses se gàler par négligence. Exagérée dans sa con-
duite, elle donne en tout le mauvais exemple, laisse les affaires courir des
dangers et des risques et devient très scandaleuse.
l'enfant ou demoiselle noble possède l'éducation des cours; elle est distinguée
cl bien digne d'être estimée et aimée de tout le inonde. Noble et de
rang illustre,
celle qui est bonneesl aussi de conduite
pure, douce, affectueuse, paisible, modeste
c'en tout bien élevée. Celle qui est mauvaiseest vile, vulgaire, alliôre et finit tou-
jours par faire oeuvre de vilain. Elle est femme perdue, concubine et peu soigneuse
do son
rang.
'csl aux manières pleines de délicatesse qu'on reconnaît lajeune fille do bonne
'icc el qui descend de père bon et honoré. Quand elle est do bonne conduite
pratique le respect d'elle-même, elle surveille
sa personne ; discrète et pru-
' c' °"e s'approche des braves gens, se met humblement à leur service et se
respecter de tous. Celle qui est mauvaise ne sait point garder un secret; elle
tout avec précipitation, s'altère
pour un rien et se fâche facilement, mépri-
an 'os autres et
ne respectant personne.
,a Iule de bon lignage est aimée et honorée de tous. Celle qui est bonne aime
e monde, sait être reconnaissante pour le bien qu'on lui fait et met do la
nspeclion à toute chose. Celle qui est mauvaiseest folle, incorrigible, grossière,
co el c°mpte pour
peu de chose de déshonorer son rang. La fille noble, de
614 HISTOIRE DBS CHOSES
bonne maison et do bonne race est l'honneur et comme la précieuse rel'
ses pères. Celle qui est bonne correspond à son lignage et, bien loin de r.^ °
norer ses parents, elle fait revivre par sa bonté la bonne renommée ripe- *-*Oo
Elle est pacifique, distinguée, affectueuse et pleine de respect pour tout le <llÇl)Y
La mauvaise, au contraire, déshonore sa race, devient vile par la bassesse d
caractère, éhontée, présomptueuse, dissolue, entière, imprudente,orgueilieuSi' !'
fanfaronne. Elle méprise tout le monde et ne fait cas de personne. La fei
noble et de bonnne maison est de rang distingué et descend de gentilshonim
La femme de sang noble et royal, quand elle est bonne, marche sur les d- '".-
de ses pères, imite leurs vertus et donne le bon exemple. Elle est chaste suit i
bonne voie et évite les chemins dangereux. Elle est calme dans sa magnificence
<
tout elle fait montre de sa noblesse et sa conduite est d'accord avec sa généalogie
et les leçons de sa race. Elle est modeste, paisible, de relations aimables recon-
naissante pour les bienfaits, ennemiedes louanges et peu désireuse d'une réputa-
tion de supériorité. Elle est compatissante et ne méprise point les pauvres mais
elle les aime et'vient à leur aide. Elle a la parole aisée, douce et reposée, Lors
riîême qu'elle est fille naturelle, elle a de la pudeur et éprouve du dégoût pour tout
ce qui est mauvais; Elle a bon coeur ; elle est affectueuse, grave, timide, estimée,
révérée et respectée de tous. Les femmes qui descendent d'un- sang noble, de
gentilshommeset de rois, possèdent, quand elles sont bonnes, bien d'autres qua-
lités et vertus. Quand elles sont mauvaises, elles ont les vices contraires et bien
d'autres encore dans lesquels leurs mauvais penchants les font tomber.
CHAPITRE XIY
La femme de peuple douée de grandes forces physiques et d'un âge moyen csl
travailleuse,résistante, membrue, diligente, courageuse, virile et patiente. Lors-
que la femme de celte classe est bonne, elle mène une honnête et chaste vie ; il
n'y a dans ses actions rien de répréhensible ; tout ce qu'elle fail est le propre
d'une honnête femme; aussi est-elle estimée commeune pierre précieuse. Quand
clic est mauvaise, au contraire, elle est discourtoise, mal élevée, audacieuse,
écervelée, elle est irréfléchie et agit sans examen.
La. femme de probité est loyale et judicieuse. Quand elle est do bon aloi, clic
met de la constance dans ses bonnes actions et n'y fait jamais un pas en arrière-
Elle s'arme d'un courage viril et se met au-dessus d'elle-même pour résister aux
coups de la fortune et souffrir avec patience les maux de l'adversité. Mais la
femme qui affecte une fausse probité n'est qu'une vile créature qui afflige Ion
le monde. Désespérée, méfiante, elle se fatigue aisément de toutes choses, elle m-
possède aucun genre de bonté et elle finit par avoir une aussi mauvaise repu a-
tion que sa vie est détestable.
La tisseuse 'de broderies s'occupe de lisser des mantas bien ouvragée
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 615
Celle qui est bonne en ce métier-y est intelligente et
•îles avec élégance.
1 -nite.Elle sait fort bien combiner les couleurs, disposer les rayures sur ses
•inffes. En un
mot, elle les brode à merveille et sait les nuancer de couleurs
rverses. C'est
aussi son métier de fabriquer les bordures des mantas, broder la
nitrine des uipilli, faire des mantas en toile à fils rares comme celle qu'on
pjoie pour les coiffures, les fabriquer, au contraire, grosses et bien fournies
. la
manière des cotonnades de Castille. Celle qui est mauvaise est impropre à ce
métier; elle y est maladroite ; elle brode mal et ne sait que gâter les toiles.
La filcuse s'occupe à démêler lés fils et..à bien battre ce qu'elle a déjà mis en
élat. Colle qui est bonne en ce métier sait faire du fil fin et bien égal, témoignant
ainsi de l'adresse de sa main. Elle s'entend à bien faire sa fusée, la dévider sur sa
bobine, bien placer son fuseau sur le dévidoir pour l'ourdissage, tripler les fils
et tes filer à son gré gros et flasques. Celle qui est mauvaise fait des fils grossiers ;
clic est négligente et paresseuse au point de ne penser qu'à l'heure où elle cessera
son travail.
La couturière doit savoir coudre, broder et se signaler par son bon ouvrage en
tout ce qu'elle fait. Celle qui est bonne couturière excelle en son métier et prend
soin de bien dessiner tout d'abord ce qu'elle doit broder. Celle qui est mauvaise,
CHAPITRE XV
La prostituée est une femme publique chez laquelle on note les particularités
suivantes. Elle vend son corps en commençant fort jeune et sans abandonnerle
métier quand elle est vieille. On la voit passer comme une vagabondeprise de
viii. Elle est cependant soignée et propre dans sa mise, mais très éhontée et se
livrant à n'importe qui en lui vendant son corps, car elle est fort portée à la
luxure et à l'obscénité. Elle est sans vergogne et très vicieuse dans les actes
charnels. Elle soigne beaucoup sa mise et elle y met tant de zèle qu'on dirait une
rose quand elle est bien arrangée. Elle fait grand usage de son miroir pour se
bien attiffer. Du reste, elle se baigne et se lave à grande eau et se rafraîchit
pour mieux arriver à plaire. Elle a l'habitude aussi de se frotter avec de
l'onguent jaune du pays, appelé aoein, pour se donner une figure reluisante, et
elle s'applique en même temps de belles couleurs, car elle est perdue et
mondaine. Elle a encore la coutume de se teindre les dents avec de la cochenille
et de dénouer ses cheveux pour se rendre plus belle en les tenant à demi épars.
Quelquefois elle en laisse la moitié en liberté tandis que l'autre moitié esl
ramenée sur l'oreille ou sur l'épaule. D'autres fois aussi elle les tresse et redresse
les pointes sur lo haut de la tète en forme de petites cornes. Ainsi faite, elle s'en
va se pavanant comme une mauvaise femme qu'elle est, dissolue, infâme et sans
vergogne. Elle a l'habitude également de se parfumer avec des parfums
odorants et de mâcher du Iziclli pour se nettoyer les dents; elle le fait aussi par
genre en faisant claquer cette substance en la mâchant comme si c'étaient des
castagnettes. Elle mène une vie vagabonde dans la rue et sur les places
publiques. Elle s'en va se promenant à la recherche de gens vicieux; elle passe
en riant et ne s'arrête jamais. Son coeur est- sans repos et, quant aux délices
après lesquels elle court sans cesse, elle y suit l'exemple des bêles, car clic
s'unit à tout le monde. Elle a pour coutume d'appeler les gens par des gestes de
sa ligure; elle fait l'oeil aux hommes, leur parle avec des clignements,.leur laa
signe de la main et tourne l'oeil en faisant des haut-le-corps. Elle a le rire pouf
tous, mais son choix est pour celui qui lui plaît le mieux. Elle veut qu'on la
désire ; elle aime à tromper les adolescents et elle veut être bien payée. Elle coui
après les femmes pour les procurer aux hommes ot les leur vendre.
La femme adultère est perfide ou traîtresse; aussi est-elle perdue de répu-
tation; elle vit déshonorée et passe pour morte parce qu'elle est sans honuoui-
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 617
des ms bâtards. Elle prend des breuvages pour se faire avorter. Sa luxure
H a
' tout le monde. Traîtresse à son mari, elle le tient
iclle qu'elle se donne à
YiHé et le trompe en toutes choses.
l'hermaphrodite. La femme qui a deux sexes ou qui est homme et femme à la
f s
s'appelle hermaphrodite. C'est une monstruosité. Elle a des succubes. Elle a
d'amies et de sigisbés. Son corps est celui d'un joli garçon. Elle parle
...
1 -îucoup
i
marche comme un homme. Elle est poilue et fait usage de deux natures;
nuelquefois même elle devient ennemie des hommes parce qu'elle fait usage du
scxe
masculin.
La proxénète, quand elle fait son métier, est comparable au démon, dont elle
a
loules les. allures. Elle est son oeil et son oreille et peut passer pour sa vraie
messagère. Elle pervertit le. coeur des autres femmes et sait les faire arrivera
lout ce qu'elle désire. Elle possède pour cela une grande éloquence en tout ce
(ni'clle dit; sa parole emmiellée réussit aisément a tromper et sa conversation est
comparable à de belles roses qui séduisent les femmes et attirent les hommes en
les rendant aussi niais qu'enchantés.
CHAPITRE XVI
DES TRAFIQUANTS.
1. On dit aussi '. allait et non, comme portent les deux éditions, mcllall qui sign»10
pierre à moudre le maïs ou le cacao.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 619
«ncccs d'oiseaux ;
les plumes vertes, les plus appréciées qui ont le bout recourbé
qui ont un éclat chatoyant. Celui qui est déloyal fait des
, d'autres encore
CHAPITRE XVII
Celui qui vend des mantas est obligé d'acheter en grand pour vendre en détail.
Celui qui connaît bien ce genre d'affaires n'a point recours à la fraude, mais il
est juste et droit dans sa vente. Il a l'habitude d'être calme et convenable dans
l'exercice de son métier et il vend sa marchandise à un prix juste et modéré. Les
manias qu'il vend sont neuves, fortes et épaisses; il en vend aussi de fines, à fils
rares, comme celles qui servent de coiffure, ou encore des lisses unies, larges et
longues. Le mauvais trafiquant en ce genre est un homme sans conscience, un
trompeur et menteur. Il fait l'éloge de sa marchandise en paroles'choisies; il
marchande beaucoup; mais en somme, il baisse ses prix au-dessous des habitudes
(les acheteurs. C'est qu'alors les manias qu'il vend sont avariées, moisies, rapié-
cées et d'un aspect faux, attendu qu'il est fort adroit au métier de raccommodage.
Il sait aussi les apprêler avec l'emploi d'une masse qui donne delà couleur. Les
vieilles défroques sont mises à la lessive pour être blanchies; quelquefois il étend
par-dessus un alole épais; il les repasse avec soin, de sorte qu'on les dirait neu-
ves et d'un bon service. On fait encore d'autres tromperies et fraudes semblables.
Le marchand de mantas l'habitude de les acheter à des confrères qui vendent en
a
gros. Son métier consiste à faire le commerce des mantas d'hommes et des che-
mises de femmes, qui sont élégantes et bien brodées et qu'on appelle uipilii dans
le pays. Le bon marchand de mantas est habile connaisseur. Il vend ses marchan-
dises pour leur valeur réelle et n'en offre que do celles qui sont bonnes, bien
étoffées, d'un long usage, élégantes et bien travaillées. Le mauvais marchand en
ee genre n'est ni discret ni raisonnable. Il a recours au mensonge et aux trompe-
fies en vendant ses marchandises; il les vend en dehors de toute justice et, soit
manias, soit uipilii, elles ont déjà été portées, sont vieilles, mises à neuf par
'es soins susmentionnés, dételle façon qu'elles portent des broderies fausses et
postiches.
620 HISTOIRE DBS CHOSES
CHAPITRE XVIII
CHAPITRE XIX
Celui qui fait des lamales en achète aussi pour les revendre. Il en offre à
l'acheteur d'espèces différentes faites avec du poisson, des grenouilles, des poules
ou de n'importe quelle autre façon ainsi qu'on l'a vu décrit dans le chapitre XIII
du VIIIe livre. Le bon ouvrier leur donne une belle forme et les fait savoureux et
m'en propres. Le mauvais ouvrier,
au contraire, a pour habitude de les vendre
mal faits, sales, sans saveur, mêlés à d'autre farine, gâtés, puants parce qu'ils
sont faits depuis plusieurs jours ; des tamales, enfin, qui n'ont aucune valeur.
Celle qui vend seulement des tortillas
an a de plusieurs sortes, ainsi qu'on l'a
expliqué au livre VIII, chapitre XIII. Elle vend aussi des tortillas qui contien-
CHAPITRE XX
DE CEUX QUI VENDENT DES MANTAS LÉGÈRES APPELÉES ayatl, ET DES MARCHANDS
DE cactli ET cotaras.
Celui qui vend des mantas légères de maguey est obligé de bien savoir griller
les feuilles et les râper, y ajouter de la masse de maïs, laver le fil, le nettoyer
et le bien battre dans l'eau. Les mantas qu'il vend sont blanches, bien empesées,
bien repassées, bien tissées, larges, étroites, longues, épaisses, à fils serrés, cl
toutes espèces de mantas de maguey couvertes de-broderies. Il en vend quelques-
1. Ce passage, avec bien d'autres du livre de Sahagun, prouve que l'autour ne décrit
pas ici seulement les coutumes des Indiens avant la conquête, mais aussi quelques-unes
de celles qui s'étaient établies parmi eux depuis le triomphe dos Espagnols jusqu au
moment où celte étude fut écrite. 11 n'existait pas, en effet, de blé au Mexique avant
l'arrivée des Européens. Il n'en csl pas moins vrai que, si l'on se reporte aux six premiers
livres du travail de Sahagun, on se trouve uniquement en présencede détails qui appar-
tiennent exclusivement aux moeurs indigènes antérieures à la conquête. C'est là la partie
réellementsérieuse do l'oeuvre et celle que nous avons tenu particulièrementà porter à la
connaissance de nos lecteurs.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 623
3 Î,
tissu léger, semblables à celles qui servent aux coiffures, telles que les
•tintas fines (issues en fil simple denequen et celles encore qui sont faites avec
dos fils tordus
de cette plante. Il en vend aussi d'autres à gros tissu très serré,
cl d'autres encore
grossières et épaisses, soit en pila-, soit en fils de maguey.
Le vendeur de colaras est expert habituellement dans l'art dé les
bien coudre,
melli'C 'GS semelles, après avoir tendu et bien tordu les fils qui doivent servir
\ ce travail. Il lui importe d'avoir à sa disposition des poinçons, de grosses
semelles et de savoir bien laver les vieux cuirs avec dé l'eau de lessive, faire un
bon choix des meilleurs fils, fabriquer les talons des chaussures, y attacher les
courroies qui doivent servir à les chausser, faire des tresses avec les doigts;
attacher le bouton aux cotaras et les confectionner avec du cuir solide; en
fabriquer de molles, à longs ou à petits points; les bien polir quand elles sont
faites et couper les pointes en biais. Il fait aussi des sandales en fils de maguey,
teintes en couleurs diverses, et il sait y ajouter, après les avoir cousues, de
charmantes broderies en plumes ou en laines de couleur. Il en fabrique aussi de
grossières, mal faites et mal cousues. Le regrattier en ce genre est habituellement
très cher; il surfait sa marchandise et la vante le plus possible pour la bien
vendre. Il donne aux vieilles sandales l'aspect de chaussures neuves en ajoutant
quelques broderies et de bonnes courroies.
Celui qui vend du miel 1 possède des magueys. Il a pour habitude de vendre
le vin du pays qu'il fabrique avec la sève de cette plante, après l'avoir d'abord
fait bouillir. Pour que le miel ne lui fasse jamais défaut, il a soin de transplanter
les petits rejetons de la plante. Quand ils sont arrivés à maturité, il en creuse
le coeur entre les feuilles et râpe très bien les parois du trou afin que par là
suinte la sève, qui sert à faire le pulque après avoir subi la cuisson. Il en
remplit des jarres ou des peaux d'animaux quand elle a fermenté. Le miel qu'il
vend est épais à ce point qu'il paraît former une gelée sucrée et savoureuse.
11 met aussi
en vente du miel qui gratte la gorge par son acidité; il est alors
si clair qu'on dirait de l'eau. Le bon négociant en ce genre ne fait subir à son
miel aucune préparation. 11 le vend vierge comme la nature l'a fait, que ce soit
•lu miel d'abeille
ou une autre espèce quelconque, blanche ou foncée. Le
mauvais marchand a l'habitude de l'altérer en le mêlant avec des substances
qui l'épaississent, comme les melzolli- ou les raclures du coeur du maguey, ou
de l'eau de chaux dans laquelle
on a cuit du maïs, ou encore de la poudre de
racine de mauve moulue et la farine de quelques graines. A l'aide de ces
mélanges, le miel devenu épais prend les apparences d'une bonne qualité.
Quelquefois
on n'y ajoute que de l'eau simple ou de l'eau de lessive.
Habituellement celui qui vend du coton en possède des plantations; il le sème
hn-môme. Celui qui l'achète
pour le revendre n'est qu'un regrattier. Les graines
qui se vendent sont bonnes, grosses, rondos et bien fournies de bourre. Le
1. C'est-à-dire : grand Tlalpan ou sur la grande (iici) terre (llalli, avec le suffixe pan);
ville, en effet, située sur les hauteurs à âO lieues environ Nord-est de Mexico.
2. Do ichcall, coton, et quauill, arbre. Nous rappellerons en passant que les Mexicains
ont, par extension, donné au mol ichcall la signification do brebis.
3. Nous n'apprendrons probablement rien à nos lecteurs en leur disant que ce pays qui
fut dans l'ancien temps si riche on productioncolonnière, dans l'extension presque totale
de son vaste territoire, a cessé absolument de produire ce précietix végétal pendant une
bien longue période de la domination européenne. On y avait cessé sa culture pour
s'adonner à colle de la canne à sucre. De nos jours, il n'a été possible d'établir au Mexique
des filatures et des métiers à tisser qu'à la condition de faire venir des Etals-Unis le coton
destiné, à les alimenter. Ce n'est que plus tard et tout à fait dans l'actualité qu'on a
recommencé à s'adonner à celle culture, surtout dans le nord du pays; mais nous croyons
savoir que la quantité qu'on on récolte no forme qu'un minime appoint aux fabriques qui
s'y sont établies.
4. Ou chianlzolzoll, que Glavigero nomme chianizolzolli, plante employée comme
remède contre les fièvres, la dysenterie.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 625
CHAPITRE XXI
CHAPITRE XXII
CHAPITRE XXIII
potiers vendent des pots, des jarres, des cruches, des bassins, des brasiers,
Les
des petits vases vernis et toute sorte d'ustensiles comme cuillères, casseroles,
chandeliers. Certains objets sont bien cuits, d'autres fort mal réussis. Il y en a
que l'excès de feu a fendus ; il en est d'autres qui ne sont pas suffisamment cuits.
Lorsqu'ils ne sont pas venus à point et qu'ils sonnent mal, le marchand, pour
les faire paraître bons et bien cuits, les couvre d'une couleur artificielle ou les
teint eu jaune.
Celui qui vend des comalli, sorte de gros plats en terre cuite servant a faire
des tortillas, est dans l'habitude de mouiller sa terre, de la battre et de la mêler
;ivec le duvet des glaïeuls. Quand elle est ainsi préparée, il en fait des comalli en
l'amincissant, l'aplatissant et en la polissant. Ainsi préparés, il les met au four
après l'avoir bien chauffé. Quand il les juge suffisamment cuits, il fait éteindre le
feu. De la sorte les comalli qu'il vend sont bons, possèdent
un son satisfaisant,
cl ils sont durs et bien compacts. Il vend en même temps ceux qui ont été impar-
faitement cuits,
ceux aussi qui sont noirâtres ou d'une autre mauvaise nuance et
qui rendent
un vilain son, parce qu'ils ont été cassés ou qu'ils se sont fendillés
au feu.
i.e marchand de
paniers qu'on appelle chiquiuill, avant de les faire, met les
'"'anches d'osier ou de joncs à l'eau pour qu'elles s'y ramollissent, les fend
ensuite et les met en ordre pour en faire des paniers après les avoir jointes par
"•« cordon de
nequen et consolidé le fond par des roseaux partagés en deux moi-
les ^ solidement attachés
au dehors. Les paniers qu'ils mettent en vente sont de
ouues 1res variées. Les uns sont partagés en compartiments comme des encriers;
autres ont leurs côtés crénelés d'autres encore grossiers ou très bien faits
;
°ur mettre des tortillas. On vend également de grands paniers faits
avec de
1
CHAPITRE XXIV
Le marchand cVoeufs élève ordinairement les poules qui les pondent. 11 vend
aussi des oeufs de canard et de perdrix, frais et nouvellement pondus. 11 en fait
parfois des omelettes et d'autres fois un autre plat en casserole. Le marchand
déloyal en ce genre trompe en vendant des oeufs gâtés, ainsi que des oeufs de
canards sauvages, de corbeaux, d'auras et d'autres oiseaux dont les produits ne
se mangent pas.
Le marchand de poules a l'habitude de les élever. Quelquefois il en achète pour
les revendre, de l'espèce du pays et de celle de Castille, grosses, tendres, jeunes;
ainsi que des poulets et des coqs à jabot. Le mauvais marchand en ce genro
vend des poules vieilles, dures, maigres, malades, prises de pépie ou déjà mortes
et de mauvaise odeur.
L'ouvrier qui fait des rasoirs ou couteaux du pays les retire de la pierre noire
avec un instrument en bois en s'aidantdes pieds et des mains. A chaque coup ii
fait éclater un couteau. Les uns sont faits pour raser la tête, les autres pour
d'autres usages. 11 en est qu'on fait sauter de la surface même de la pierre; on
en prépare d'autres à deux tranchants qui servent à racler des magueys pour
en faire sortir la sève. Quelques-uns de ces couteaux sont blancs, d'autres
sont jaspés ou jaunes. Il y en a d'ordinaires qui servent a raser les soies de porcs
après qu'on les a flambés.
Vapolhicaire qui vend des remèdes connaît les herbes, les racines, les arbres,
les minerais, l'encens du pays et toutes les substances médicales dont il est irai16
dans le XI" livre. Il les dispose séparément sur une natte, au marché, pour en
faire la vente.
Le fabricant de nattes possède une grande provision de joncs et de feuilles de
palmes. Il les étend d'abord sur un sol plan pour les exposer au soleil- Il iM
choix des meilleurs et il les range en bon ordre. Les nattes qu'il vend sont i*
sues de différentes couleurs, ou faites de feuilles de palmes sans autre nuance
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 629
iies_ci sont également employées à fabriquer des paniers, semblables à des cabas
snai'te, que l'on appelle otlatompiatli1. Il vend également des nattes de jonc
épaisses et longues. Parmi ces marchandises, il y en a de grossières et de
cs
de valeur, tandis que d'autres sont très belles et de premier choix. Les nattes
ont parfois longues et
larges ; d'autres fois carrées. 11 en est de longues et
Uroites, bariolées de couleurs. Ces marchands vendent aussi des sièges à dossier
et d'autres
qui sont d'une forme carrée. Il en ont aussi qui servent d'oreiller et
nui sont les uns peints et les autres unis sans aucun dessin. Celui qui n'est pas
bon ouvrier en ce genre
vend des nattes faites avec des joncs gâtés.
Celui qui fabrique des paniers en joncs fend d'abord les joncs et les tresse
ensuite pour en former les paniers dont il consolide l'ouverture au moyen d'une
bordure. 11 fait les uns ronds et hauts, les autres larges ou minces. Ceux-ci avec
un fond
solide, ceux-là surmontés de couvercles.
Le colporteur qui vend des enfilades de verroterie vend aussi des petits cou-
teaux, du cristal blanc, foncé ou arrondi, du jais et autres vétilles; ainsi que des
joyaux fondus en or, comme des chalumeaux et des jalets. Il vend encore de la
bijouterie de Castille: des colliers, des chapelets, des bracelets, qui paraissent faits
d'émeraudes, des cristaux blancs, jaunes, verts, rouges, noirs, bleus, fauves,
verts foncés, violets; les couleurs en sont artificielles.
Ce sont les lapidaires qui vendent des miroirs; car ils s'exercent à couper
délicatement des pierres polies en glaces. Il les raclent avec l'instrument qu'on
appelle leuxalli, au moyen d'un béton fait avec des excréments de chauves-souris
et ils les polissent avec des joncs appelés quetzalotlatl*. Ils vendent des miroirs
polis à deux faces et d'autres d'une face seulement. Ils en vendent qui sont con-
caves et d'autres qui sont faits de pierre blanche et noire ; on en fait fort peu
usage aujourd'hui.
Le marchand d'aiguilles les fond, les nettoie ensuite et les polit avec soin. Il
s'occupe aussi à fabriquer des grelots, des aiguillons, des poinçons, des clous,
îles haches ordinaires, des haches à deux tranchants, des herminettes, des ciseaux.
Le marchand dégomme noire appelée ulli est propriétaire d'arbres desquels il
la recueille. Cette gomme fond comme des tranches de jambon dans la rôtissoire
et ne se solidifie plus ensuite. Il en fait des masses rondes, élargies, minces et
longues, qu'on utilise pour la santé. On en fabrique des balles pour le jeu de
paume, qui sautent comme les balles à vent, en faisant le même bruit qu'elles.
Le marchand de balais va s'approvisionner à la montagne et couper la plante
avec des feuilles. Il les vend au marché, longs, résistants, propres. Quelques-
uns ont la pointe rognée.
Celui qui vend de Veinpois l'extrait de racines qu'il arrache, nettoie, humecte
et bat fortement. Cela fait, il les expose au soleil, les sèche et les réduit en
poudre fine. Quelquefois il trompe ses acheteurs parce que ses racines sont mal
pulvérisées. Il les mêle d'ailleurs quand elles sont sèches
avec des cannes de maïs,
(lcs graines do la
même plante ou des haricots bien moulus. Après avoir fait
ce melange, il présente faussement
son empois pour un produit naturel.
r, ,'est nue c'est que Vaxin ? L'onguent jaune appelé aoein est d'un jaune très
once mou et échauffant. On le fait avec des chenilles qui naissent sur un
appelé axquauitl 1. Certaines mouches qui s'y nourrissent pondent des
ire
',.-fc dont naissent les susdites chenilles. Elles s'arrondissent en croissant. Quand
H «
sont devenues grandes, on secoue l'arbre et on les prend. Après les avoir
.. cu;v0, on en
exprime Vaxin qui est comme un onguent jaune et on l'enve-
loppe dans
des feuilles d'épis de maïs.
La principale
propriété de cet axin est d'être échauffant, d'après ce qu'as-
surent ceux qui l'ont expérimenté, si échauffant même qu'il est comme un véri-
table feu. Les voyageurs s'en frottent les pieds pour les préserver du froid et des
engelures. Il calme les accès de goutte quand on l'applique sur le siège
delà douleur. On le met aussi sur les lèvres pour empêcher les gerçures.
Pour le rendre applicable contre la goutte, on le mêle avec la poudre d'une
herbe appelée cololzitzicazlli- et, pour qu'il préserve du froid, on y ajoute de
la poussière de charbon afin d'empêcher qu'il fonde. Il est utile
également contre
le flux de ventre qu'on ne peut arrêter. Pour cela il est d'abord nécessaire de
le
bien cuire, et tandis qu'il est ramolli et tiède, on l'applique en clystère au malade.
Cela suffit pour arrêter la diarrhée.
différentes espèces de tzictli. — II y a une.espèce qu'on appelle iepetzictli,
Des
lacanaUzictli*, ce qui revient à dire tzictli agreste. On le mâche comme le précé-
dent, mais, au lieu d'être noir, il est jaune comme la cire. Ceux qui le mâchent
n'en ressentent pas mal à la tête ; ils s'en égayent au contraire et le trouvent,
savoureux. L'autre espèce de tziclli, qui est formé du cliapopolli, fatigue la tête
de ceux qui le mâchent. Le tepelziclli est une plante dont la racine sert à extraire
ce bitume.
CHAPITRE XXV
'• Do axin, matière onctueuse, et-guauill, arbre. Voy. la note 2 de la page 621.
} De cololl, scorpion, Izilzicaztli, ortie.
et
<• tes deux mots sont composés de tzictlijoint à lepeil, montagne, et à lacanalli, racine
a P,ante agreste nommée lacanalquilill.
132 HISTOIRE DES CHOSES
Ions en peau. Les unes sontgrandes et de forte contenance, tandis que les
ni
ont étroites et petites. *
CHAPITRE XXVI
L'atolli, tequixqidtl
DE CEUX QUI VENDENT DE DE LA BOISSON DE CACAO, DU
ET DU N1TRE.
Celui qui vend de Valolli, qui est une mazamorra, le débite chaud ou froid.
Le chaud se fait avec une masse de maïs moulu ou torréfié, ou avec les torlw0»
et les restes d'épis de maïs torréfiés et moulus, en les mêlant avec des haricot*
CHAPITRE XXVII
lir- TOUS LES MEMBRES EXTÉRIEURS ET INTÉRIEURS DE L'HOMME ET DE LA FEMME.
1- Celte réflexion appartient à Sahagun lui-même qui l'a placée dans son livre en tète
récit notable qu'il
annonce. Ce passage est, du reste, une des plus curieuses variantes
"autcur ait fait subir à
?.ue
son texte. En ce qui regarde la matièretraitée dans ce chapitre,
est probable qu'on serait offusqué
par le réalisme et la naïveté des descriptions qui y
I
634 HISTOIRE DES CHOSES
Après avoir décrit l'habileté que possédaient les Mexicains dans la pratique d
~
différents métiers avant leur conversionau christianisme,l'auteur raconte les vice
et les vertus qu'ils ont acquis depuis lors. Nous savons d'abord par expèrienc
qu'ils ont les meilleures aptitudes pour apprendre et pratiquer les arts mécani
ques ainsi que l'usage en est connu parmi les Espagnols. Ils savent mettre à pro-
fil, par exemple, les leçons de géométrie pour construire des édifices, et ils sont
autant que les Espagnols, bons maçons, menuisiers et tailleurs de pierres. Ils
connaissent à merveille les métiers de tailleurs, cordonniers, ouvriers en soie
imprimeurs, écrivains,lecteurs, comptables, musiciensdo plain-chant, organistes
j oueurs de flûte, de sacquebutleet de trompette. Ils savent la grammaire, la )o»i.
que, la^rhétorique, l'astrologieet la théologie ; car l'expériencenous a appris qu'ils
ont des aptitudes pour s'y instruire et enseigner ces différentes branches, et nous
pouvons assurer que l'habileté ne leur manque nullement pour apprendre quoi
que ce soit et en faire usage. S'il est vrai qu'ils témoignèrent de plus d'aptitudes
encore dans les temps passés, soit dansl'administration de la chose publique, soit
dans le service de leurs dieux, c'est qu'ils vivaient sous un régime plus en rapport
avee leurs aspirations et leurs besoins; aussi élevaient-ils leurs enfants avec la
plus grande sévéritéjusqu'à ce qu'ils fussentadultes, non dans l'habitation de leur
propre père, — puisque chacun n'avait pas également les moyens de les élever
chez lui ainsi qu'il était convenable de le faire, — mais bien en communauté,
dans des établissements,sous la direction de maîtres zélés et sévères, prenant soin
de mettre à part et séparément les hommes et les femmes. Là, on leur enseignait
la meilleuremanière d'honorer leurs dieux et le devoir de respecter les pouvoirs
publics et d'obéir à ceux qui les exercent. On avait recours à do sévères châti-
ments pour punir ceux qui se montraient désobéissants et irrespectueux envers
leurs maîtres, et l'on prenait surtout le plus grand soin pour empêcher que les
personnes qui avaient moins de cinquante ans bussent des liqueurs enivrantes;
on les soumettait le jour et la nuit à des exercices de force et on les élevaitainsi
dans la plus grande austérité, de façon que les vices et les tentations de la chair ne
pussent trouver occasion de s'enraciner ni chez l'homme ni chez la femme. Ceux
qui vivaientdans les temples étaient assujettis jour et nuit à tant d'occupations,
ils étaient d'ailleurs si sobres que leur esprit n'avait pas le temps de tourner aux
pensées sensuelles. Les guerres qu'ils se faisaient entre eux étaient si fréquentes,
que les hommes qui appartenaient au métier des armes ne voyaientpresque jamais
cesser leurs fatigues. Cette manière de se conduire était bien en rapport avec
les principesd'une philosophienaturelle et morale, car les douceurs et la fertilité
sont contenues. C'est là sans doute la raison qui a empêché l'autour de le reproduire en
langue espagnole. Cette variante est peut-être aussi le résultat des conseils donnés a
Sahagun par ses supérieurs et par les nombreux lecteurs de son manuscrit. Quoi qu'ilcn
soit, il est très certain que nous devons, à cette résolution de l'auteur, des détails tri»
curieux et très intéressants qui ont été mis par lui à la place du chapitre détruit.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 635
climat aussi bien que l'influence des astres y pousseraient aisément la nature
'" la pratique vicieuse des plaisirs sensuels. L'expérience
iaine à l'oisiveté et à
"lit
donc démontré aux naturels de ce pays que, pour ne pas sortir du chemin
' '.a morale et delà vertu, il était nécessaire d'être austères et de s'adonner
•rroureusement, d'une manière incessante, à des occupations utiles au bien public.
Comme toutes ces
pratiques cessèrent à l'arrivée des Espagnols, qui prirent à
l'che de fouler aux
pieds toutes les coutumes et toutes les habitudes administra'
'.
(jes naturels, avec la prétention de les réduire à vivre comme en Espagne,
.es
filant dans les pratiques divines que dans les choses humaines, par le seul fait
de les
considérer comme idolâtres et barbares, on en arriva à détruire toutes les
coutumes intimes
établies parmi les Indiens. Il fut en effet indispensable de faire
disparaître tout souvenir d'idolâtrieavec les édifices qui s'y rattachaient, non moins
que la
plupart des coutumes administratives qui se mêlaient aux rites de la reli-
gion et se
manifestaientpar des cérémonies superstitieuses dans presque toutes les
branches du gouvernement.Tout dut donc être remanié, et il devint nécessaire de
faire vivre les naturels sous un régime nouveau qui ne rappelât en rien les ido-
lâtries passées. Mais on est arrivé maintenant a reconnaître que cette nouvelle
manière de vivre fait les hommes vicieux, produit en eux de fort mauvais pen-
chants et de pires oeuvres qui les rendent odieux à la divinité et aux hommes,
sans compter les mauvaises
maladies et l'abréviation de leur vie. On voit donc
la nécessité de chercher un remède à ces maux, et comme il paraît a tout le
monde que la cause principale en est dans l'ivrognerie, comme d'ailleurs on a
renoncé à la rigueur extrême de châtier ce vice par la peine do mort, on a pris
l'habitude de punir les ivrognes en les fouettant, en leur rasant la tête et les
vendant comme esclaves pour un certain nombre de mois ou mémo d'années.
Mais ce n'est pas là un châtiment suffisant pour qu'aucun d'eux cesse de s'eni -
vrer. On n'y aboutit pas davantage par des prédications fréquentes contre ce
vice; les menaces de l'enfer ne lui sont pas non plus un frein suffisant. Ces
ivresses sont d'ailleurs si désordonnées et si préjudiciables à la chose publique,
a la santé comme au salut de ceux qui s'y livrent, que par elles des morts
d'hommes sont fréquemment à. déplorer, car ils se malmènent les uns les autres,
en paroles et en actions, et ils se tuent entre eux fort souvent. De là naissent aussi
de grandes dissensions publiques, et les hommes du gouvernement se déshono-
rent, se rapetissent et manquent aux devoirs deleurs charges en les jugeant indi-
gnes d'eux. Ce vice en fait classer un grand nombre comme étant incapables
d'exercer le ministère sacerdotal, d'autant plus que les Indiens, et surtout ceux
lui s'enivrent, paraissent inhabiles à se maintenir dans les règles de la conti-
nence et do la chasteté nécessaires aux vraies pratiques du sacerdoce. Au début de
la conquête, on fit pour eux l'expérience de la vie monastique, parce qu'il nous
parut qu'ils avaient des aptitudes pour les choses de l'Église et la vie religieuse.
On commença donc
par vêtir de la robe de saint François deux jeunes Indiens
«es plus intelligents et réservés qu'il y eût, et qui s'étaient déjà fait connaître de
"eus en prêchant avec beaucoup de ferveur à leurs compatriotes les choses de notre
sainte foi catholique. Il nous sembla que si, sous l'habit du.moine et en donnant
exemple des vertus de notre saint ordre franciscain, ils continuaient à prêcher
avcc la même onction
que par le passé, ils arriveraient à produire les meilleurs
636 HISTOIRE DES CHOSES
fruits sur les âmes en les initiant à la pratique des vérités de notre sainte relim
Mais l'expérience démontra qu'ils n'avaient point les qualités nécessaires
no
cela, de sorte qu'il fallut se résoudre à les défroquer, et, depuis lors, nous »'•
vons plus admis d'Indiens dans notre ordre, et on les a tenus pour inhabiler
l'exercice du sacerdoce.Au début,lorsque nos moines ignoraient encore la ]an„.
des indigènes, ils se contentaient d'instruire le mieux qu'ils pouvaient ceux
ai
leur paraissaientavoir des aptitudes,pour les faire prêcher en leur présence. îdai-
lorsque les nôtres eurent appris les langues indigènes et purent commencer k m-l
cher seuls, on enleva aux Indiens cette prérogative, en reconnaissantqu'ils avaient
la bassesse de se montrer honnêtes et recueillis en apparence, sans l'être en réa-
lité, genre d'hypocrisiequi leur est fort naturel. Il ne faut du reste pas être sur-
pris de trouver en eux ces défauts, ordinaires en leur pays, parce que les Espa-
gnols qui y habitent, et plus encore ceux qui y sont nés, acquièrent ces mêmes
tendances non moins que les Indiens eux-mêmes ; ils ont bien tout l'extérieur
européen, tandis que leurs qualités n'ont rien de leur provenance. Nos natifs de
l'Espagne, s'ils n'y prennent garde, deviennent tout autres peu d'années après
leur arrivée dans le pays, et j'ai toujours pensé que cela est le résultat du climat
et de la latitude. C'est une honte de voir que les Indiens d'autrefois, hommes
judicieux et sages, surent remédier aux dangers que le séjour de cette contrée
fait courir, au moyen de pratiques qui en étaientla préservation, tandis que nous
succombons à nos mauvais penchants. Il en résulte que nous voyons croître
une population, tant espagnole qu'indienne, fort difficile à conduire et à sauver.
Les pèreset les mèresn'ont pas l'autorité suffisante sur leurs enfants, fils etfilles,
pour les écarter des vices et des aspirations sensuelles dont ce pays est l'origine.
Les anciens habitants furent très bien inspirés lorsqu'ils abandonnèrent l'éduca-
tion de leurs fils aux pouvoirs publics qui se substituaient aux droits paternels.
Si cette méthode n'eût été empoisonnée par les rites et les superstitions de
l'idolâtrie, elle m'eût paru excellente. Je crois, par conséquent, que si on la
dépouillait de toute pratique idolâtre en la faisant chrétienneet si on l'introdui-
sait à nouveau dans la nation indo-espagnole, il en résulterait un grand bien et
on arriverait à délivrer ceux qui.gouvernent de bien des difficultés provenant de
l'une et de l'autre race. Il nous est déjà impossible de supporter ceux qui s'élèvent
dans nos écoles, parce que,- n'étant plus retenus par la crainte et l'assujettisse-
ment d'autrefois, ne se vqyant plus conduits avec la rigueur et la sévérité des
temps idolâtres, ils n'obéissent point, ne s'instruisent nullement et ne suivent
aucun conseil, bien différents en cela de leurs devanciers à l'époque des antiques
rigueurs scolaires.^ïout d'abord, à l'imitation de leurs anciennes habitudes qui
réunissaient les enfants dans les temples où on les dressait à la discipline, au
respect de leurs dieux et à l'obéissance nationale, nous voulûmes les élever de-
même dans nos établissements; nous les réunîmes en un édifice qui s'élevait près
de nos demeures. Nous les habituions à se lever au milieu de la nuit et à chnntei
les matines de Notre-Dame; au petit jour nous leur faisions réciter les Heures;
nous exigions même d'eux qu'ils se flagellassent pendant la nuit et s'occupassen
à des oraisons mentales. Mais, comme ils ne s'adonnaient pas aux travaux mal -
riels d'autrefois, comme l'eût demandé la force de leurs aspirations sensuelles,
comme d'ailleurs ils mangeaient beaucoup mieux que dans les anciens temps,
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 637
.
3Uite de la douceur et delàcompassion dont nous avons l'habitude parmi nous,
ils
commencèrent à ressentir des ardeurs sensuelles et à s'instruire dans des
cliques lascives. Il fallut se résoudre à les faire sortir de nos demeures pour
qu'ils allassent passer la nuit chez leurs parents ; ils venaient le matin aux écoles
pour
apprendre à lire, écrire et chanter, et c'est ainsi qu'on en use actuellement.
Mais ces exercices se'sont relâchés insensiblement avec le temps, car on ne trouve
point parmi les indigènes de gens qui aient assez d'amour-propre et d'aptitude
pour se rendre
capables d'enseigner eux-mêmes comme nous. Si nous ne nous
en occupons pas
personnellement, il n'y a pas dans nos écoles un seul individu
qui enseigne à lire, écrire et faire de la musique, de sorte que tout est en déca-
dence. Nous voulûmes aussi porter nos expériences sur les femmes, pour voir
s'il ne serait pas possible de peupler des couvents comme au temps de l'idolâtrie
où elles servaient dans les temples en observant les règles de la chasteté. Nous
voulûmes donc savoir si elles pourraient de même devenir nonnes de la religion
chrétienne avec l'observation des voeux perpétuels qui s'y rapportent. On fit dans
ce but des monastères et des congrégations de femmes ; on les instruisit dans les
choses spirituelles; plusieurs d'entre elles ont appris à lire et à écrire.
Celles qui nous parurent être les mieux instruites dans la foi et les plus judi-
cieuses matrones furent instituées par nous directrices des autres, pour qu'elles
les guidassent et les instruisissent dans les cheses du christianisme et des
bonnes coutumes. Tout d'abord, ainsi que nous avions cru que les hommes pour-
raient être de bons religieux et de bons prêtres, nous crûmes qu'elles seraient
aussi des religieuses recommandables ; mais nous nous trompâmes ; l'expérience
nous démontra qu'ils n'étaient ni les uns ni les autres, pour l'heure, capables de
tant de perfection, et on mit fin aux congrégations et aux monastères auxquels
nous avions d'abord songé. A présent même, nous en sommes encore à avouer
que le temps n'est pas venu de recommencer l'épreuve.
On prit encore une autre mesure en certains points de la Nouvelle-Espagneoù
lus moines ont établi leur demeure, comme à Cholula, à Uexolzinco, etc. Elle con-
sistait à faire résider les nouveaux mariés tout près des monastères pour qu'ils
vinssent chaque jour y entendre la messe. On leur expliquait les vérités du chris-
tianisme et les convenances des pratiques matrimoniales. C'était un bon moyen
pour les soustraire aux influences malfaisantes de l'idolâtrie et de plusieurs autres
habitudes auxquelles ils auraient pu rester attachés par suite de leurs conversa-
tions avec leurs parents. Mais cela dura peu, parce que ces adeptes firent com-
prendre à nos religieux que leur idolâtrie, avec tous ses rites et cérémonies, était
déjà chose tellement oubliée qu'il n'y avait plus de motif pour prendre toutes les
précautions dont nous faisions usage, attendu qu'ils étaient tous baptisés et sin-
cères serviteurs du vrai Dieu. Or tout cela était faux, ainsi que nous pûmes nous
en convaincre plus tard ; car, encore aujourd'hui, ils n'ont pas cessé de conserver
parmi eux des restes honteux d'idolâtrie, d'ivrognerie et de plusieurs autres mau-
vaises habitudes, autant de choses qui auraient disparu si l'on avait poursuivi
notre entreprise sur le pied où nous l'avions commencée, et si, au lieu de l'avoir
exécutée en
un petit nombre de localités, on y avait procédé partout avec persévé-
rance jusqu'à ce jour. Mais actuellement le remède est déjà impossible.
Nous nous vîmes dans de bien grandes perplexités lorsqu'il
nous fallut, au
638 HISTOIRE DES CHOSES
début, marier selon le christianismeceux qui l'étaient déjà d'après les moeurs i
pays et, surtout, lorsqu'ils avaient plusieurs femmes, pour leur attribuer ccll
qui leur revenait de droit; car lorsque nous en vînmes à examiner les différent-
degrés de parenté et à rechercher quelle avait été réellementla première en date
pour la choisir définitivement, nous nous vîmes dans un véritable labyrinthede
difficultés, attendu que les intéressés étaient dans l'habitude de mentir au sujet de
la priorité et inventaient des supercheries afin d'être mariés à celle qui ]eilr
plaisait le mieux. Pour que nous pussions donc arriver à savoir avec laquelle ils
avaient fait la cérémonie en usage quand on prenait une femme légitime il
nous fallut pénétrer dans leurs moeurs et nous mettre au courant des cérémo-
nies et des rites de l'infidélité idolâtre. Or, comme nous n'avions qu'une con-
naissance fort imparfaite de la langue, nous comprenons maintenant que pres-
que jamais nous ne fûmes dans le vrai tout d'abord.
Pour ce qui est des autres sacrements, ceux de la confession et do la
communion, par exemple, nous avons eu de telles difficultés pour les y dresser
justement, que même aujourd'hui il n'y en a qu'un fort petit nombre qui aillent
les recevoir par les voies légitimes, ainsi qu'il serait dû. Il résulte pour nous un
véritable tourment d'esprit en voyant clairementcombien peu ils ont profité dans
la connaissance du christianisme. Au commencement, les jeunes gens nous
aidèrent beaucoup,-tant ceux que nous élevions dans nos écoles, que ceux qui
s'élevaient dans nos préaux; car, à l'imitation des coutumes anciennes, nous
élevions dans l'intérieur des écoles les fils de bonnes familles, leur enseignant là
à lire, à écrire et à chanter, tandis que nous enseignions dans nos préauxla
doctrine chrétienne aux fils des prolétaires. On en rassemblait un grand nombre;
après quelques heures de leçon, un moine partait avec eux ; on montait au haut
d'un temple et on le faisait disparaîtreen peu de jours. Ce fut ainsi qu'on détruisit
rapidement tous les ewes et tous les autres édifices destinés au service des idoles,
dont il ne resta plus vestige. Ces jeunes, gens furent très utiles pour celle
exécution. Ceux que nous avions à demeure furent d'un secours très efficace pour
extirper les cérémonies idolâtres qui se pratiquaient nuitamment,et pour mettre
fin aux ivrogneries et aux danses auxquelles ils s'adonnaient en secret auss
pendantla nuit, pour honorer leurs idoles. Ils tâchaient de savoir pendant le
jour le lieu où de pareilles choses devaient se passer la nuit suivante. Appuyés
alors par soixante ou cent de nos hommes, ils partaient avec un ou deux do nos
Frères et ils tombaient sur les délinquants, les arrêtaient et les conduisaient
attachés au couvent où Ton prenait soin de les châtier en leur imposant une
pénitence. Nous leur enseignions la doctrine .'chrétienne et les obligions à se
rendre la nuit à matines et à se flageller. Cela durait quelques semaines,jusqu'à
ce qu'ils se montrassent repentants de leurs méfaits et promissent de ne plus s en
rendre coupables. C'est ainsi qu'ils sortaient catéchisés et punis. Us servaient
d'exemple aux autres qui décidément n'osaient plus tomber en faute. S'ils le
faisaient, du reste, ils étaient pris au piège et recevaient le châtiment dont je
viens de parler. Nos jeunes gens parvinrent à inspirer une telle peur à ce pauvre
peuple que, bientôt, il ne fut plus nécessaire d'aller avec eux ni de les envoyer
en force, quand il y avait quelques divertissements nocturnes. Il suffisait qulls
se réunissent dix ;ou douze et, les délinquants fussent-ils cent ou môme deux
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 639
nts il ies
arrêtaient tous et les menaient attachés au couvent pour y faire
cnitence. Ce fut ainsi qu'on mit fin à ces scènes idolâtres ; car personne n'osa
publiquement ou d'une manière qui pût être découverte. Lorsqu'ils
lus s'y livrer
oulaient faire quelque fête pour se réjouir sans penser au culte ou pour en
nrendre occasion d'inviter leurs parents ou amis, ils le faisaient avec l'approbation
préalable des moines, en garantissant à l'avance qu'il ne devait y avoir abso-
lument rien qui touchât à l'idolâtrie et qui fût capable d'offenser le vrai Dieu.
Bientôt cessa cette immixtion des Frères clans les choses dont je viens de parler,
parce qu'on ne
vit plus rien qui méritât publiquement d'être châtié. Il en résulta
nue les
Indiens perdirent la crainte qu'ils avaient auparavant, car ils virent aussi
nue les jeunes gens
qui s'élevaient dans les monastères cessèrent d'y coucher et
d'y prendre leurs repas, l'habitude étant maintenant qu'ils restent chez leurs
parents. Actuellement, arrivassent-ils à savoir l'existence de pratiques idolâtres
ou de
débauches, ces jeunes adeptes n'oseraient plus les dénoncer. Il est vrai
aussi que défense a été faite aux moines d'enfermer ou de châtier qui que ce soit
dans leurs établissements, pour n'importe quel délit. Il en résulte que les Indiens
chantent, s'enivrent et célèbrent leurs fêtes quand ils veulent et comme ils l'en-
tendent; ils se livrent à leurs chants antiques absolument de la même manière
qu'ils le faisaient au temps de leur idolâtrie. Ils ne se conduisent pas, il est vrai;
tous ainsi; mais les délinquants sont nombreux, sans que personne puisse en-
tendre ce qu'ils disent, parce qu'ils sont très discrets dans leur manière de faire.
Si dans leurs divertissementsils font usage de quelque scène inventée depuis leur
conversion.et où il soit question des choses de Dieu et des saints, tout est plein
d'erreurs et d'hérésies, et, même alors, dans leurs danses accompagnées de chants,
on voit apparaître bien des pratiques émanant de leurs anciennes superstitions et
de leurs rites idolâtres, surtout lorsqu'ils ne se voient entourés de personnes qui
les comprennent. Cela se pratique surtout parmi les marchands quand ils célèbrent
leurs fêtes et leurs banquets avec des invités. Ces désordres empirent chaque jour
sans que personne s'efforce d'y porter un remède; car ce n'est compris que d'un
polit nombre qui n'ose rien dire. Les débauches d'ivrognerie deviennent à tout
instant plus communes. Les châtiments qu'on leur oppose, bien loin d'être une
barrière au désordre, contribuent plutôt à l'augmenter. Il est certain que quel-
ques-uns des jeunes gens qui s'élevaient d'abord dans nos maisons nous révélaient
les choses idolâtres
que faisaient leurs pères quoiqu'ils fussent baptisés, ce qui
nous mettait à même de les châtier. Mais ils en étaient punis de mort ou châtiés
sévèrement par leurs propres pères. Actuellement même, ayant su bien des choses
'lignes de reproche et de châtiment,
nous les signalons dans nos prédications.
Aussitôt il s'établit
une surveillance tout autour de ceux qui les font, pour arriver
a connaître le dénonciateur de ce qui s'est dit en chaire. Presque toujours ils
arrivent à le découvrir et ils le châtient indirectement, d'une manière dissimulée,
°n faisant peser
sur lui de lourds services matériels et en le rendant victime de
Plusieurs autres vexations dont il n'ose nullement
se plaindre, et auxquelles il
"e voit aucun remède.. Ces malheureux viennent s'en entretenir avec nous en
Secrct, nous priant de n'en rien dire, de crainte qu'ils n'aient à souffrir encore
davantage, qui
ce nous met dans la nécessité de nous taire et de nous contenter
e ^commander l'affaire
au bon Dieu pour qu'il daigne y porter remède.
640 HISTOIRE DES CHOSES
Nous recevons un grand secours, pour la diffusion de la foi, de la part de
ce
à qui nous avons enseigné la langue latine. Les habitants de ces pays ne faisaie
i
usage ni de lettres ni de caractères d'aucune sorte, et, ne sachant ni iirc, •
écrire, ils s'entendaient par des images et des peintures. Tout leur passé et 10-
livres qui s'y rapportaientétaient peints avec des signes et des figures d'une tclic
précision qu'ils conservaient le souvenir de tout ce que leurs ancêtres avaient fait
et consigné dans leurs annales, pour plus de mille ans avant l'arrivée des Espa-
gnols dans ce pays. La plus grandepartie de ces livres et de ces écrituresfut
brûlée en même temps qu'on détruisit les autres choses qui se rapportaient à
l'idolâtrie. Mais on en conserva un grand nombre qui restèrent cachés ot que
nous avons vus. On les conserve même avec soin, et c'est par là que nous avons
pu nous mettre au courant de leur passé. Aussitôt que nous fûmes arrivés dans
è pays pour y prêcher 'la foi, nous rassemblâmes des jeunes gens dans nos
établissements, ainsi que je l'ai dit, et nous commençâmes à leur apprendre la
lecture, l'écriture et le chant. Comme ils réussirent à s'y instruire, nous prîmes
nos .mesures pour leur enseigner la grammaire; on fit à Mexico un collège
dans ce but, dans les dépendances de Santiago Tlalehdco. On fit choix, dans les
villages des environs et dans toutes les provinces, des jeunes gens les mieux
doués et qui savaient bien lire et écrire, et on les logea dans le collège même,
où ils prenaient leurs repas, leurs sorties étant du reste très rares. Les Espagnols
et les moines d'autres ordres qui virent cette entreprise se fonder) se prirent à
rire bien fort et à nous railler, considérant comme hors de doute que personne
ne serait assez habile pour enseigner la grammaire à des gens qui possédaient si
peu d'aptitudes. Mais, après que nous eûmes travaillé avec eux deux ou trois ans,
ils arrivèrent à se bien pénétrer de toutes les matières qui concernent la gram-
maire, comprirent, parlèrent, écrivirent le latin et même composèrent des vers
héroïques. Ce voyant, les Espagnols laïques ou ministres du culte furent surpris
que cela eût été possible. Ce fut moi qui travaillai aA'ec ces élèves les quatre
premières années et qui les initiai dans tous les pointsrelatifs à la langue latine.
Lorsque les laïques et les gens du clergé se convainquirent que les Indiens
progressaient et étaient capables de plus encore, ils commencèrent à élever des
objections et à contrecarrerl'affaire dans le but d'empêcher qu'elle se poursuivit.
Comme je me trouvai mêlé à la -discussion, puisque c'était moi qui enseignais la
grammaireaux élèves du collège, il me sera facile de dire avec vérité l'opposition
qui était faite et les réponses qu'on adressait aux opposants. Ceux-ci disaient
que puisque ces gens-là ne devaient pas entrer dans les ordres, à quoi cela
servait-il de leur enseigner la grammaire? On les mettait ainsi en danger de
devenir hérétiques, et, en lisant les Saintes Écritures, ils s'apercevraient que les
anciens patriarches avaient plusieurs femmes à la fois, absolument comme ils en
avaient eux-mêmes l'habitude; d'où il résulterait qu'ils se refuseraient à croire
ce qu'actuellement nous leur prêchons, c'est-à-dire que personne ne peut avon
qu'une femme comme épouse légitime, in facie Ecclesioe. On mettait en avan
d'autres objections de même nature, auxquelles il était répondu que, même dans
le cas de ne pas être ordonnés prêtres, nous voulions savoir jusqu'où allaicn
leurs aptitudes, afin que, après l'avoir su par expérience, nous pussions allume
ce dont ils étaient capables, et qu'ainsi on se conduisît avec eux conformémen
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 641
leurs
capacités, en sainte justice, ainsi que nous y sommes obligés envers notre
rocham- Pour ce qui regarde l'accusation qu'on nous lançait, de les exposer à
dcrcnir hérétiques, nous répondions qu'attendu que ce n'était point à cela que
ions visions,
mais plutôt à les mettre en mesure de mieux comprendre les choses
de la foi; comme nous sommes
les sujets d'un prince très chrétien, il serait
toujours possible de réprimer les écarts s'ils venaient à se présenter. Pour ce qui
est des femmes, l'Évangile rapporte le châtiment que le Rédempteur infligea à
l'homme qui prenait plusieurs femmes, conformément à l'usage d'autrefois.
On prêchera donc ce passage des
Écritures aux Indiens, qui seront obligés
de le croire; et, s'ils sont rébelles, on les châtiera comme hérétiques, attendu
que les
autorités ecclésiastiques et séculières en ont le pouvoir. Il y eut à
ce sujet
plusieurs autres altercations qu'il serait trop long d'énumérer ici.
H y a plus de quarante ans que ce collège existe, et l'on ne peut accuser ses
élèves d'aucun délit, ni contre Dieu, ni contre
l'Église, ni contre le Roi, ni contre
la chose publique. Mais ils ont donné leur concours à la fondation et au maintien
de notre sainte foi catholique; car, s'il existe des sermons, des critiques et des
exposés de doctrine en langue indienne pouvant paraître et étant en effet libres de
toute hérésie, ce sont-ceux-là mêmes qui ont été faits par eux. Comme ils sont
déjà instruits dans la langue latine, ils nous font comprendre le véritable sens
des mots et les tournures de leur langue, ainsi que les choses incongrues que
nous disons parfois dans nos sermons ou que nous mettons dans nos écrits.
Ils nous corrigent tout cela, et rien de ce qui doit être traduit en leur langue
ne peut être privé de fautes si cela n'est passé sous leurs yeux. Il n'y a qu'eux
qui puissent écrire convenablement les langues latine, espagnole et même
indienne. Pour ce qui est de l'ortliographe et de la bonne écriture, ceux-là seu-
lement qui s'élèvent parmi nous.les possèdent. Après les avoir instruits pendant
plus de dix ans dans la discipline et les règles qui devaient être observées dans le
collège, lorsque déjà il existait des élèves capables d'enseigner et paraissant
propres à la direction de l'établissement, nos moines en ordonnèrent quelques-
uns; on élut parmi eux un recteur et un conseil pour diriger le collège, et on les
laissa seuls pour professer et se gouverner comme ils l'entendraient pendant
vingt ans. Ce temps fut suffisant pour que l'ordre et les bonnes règles du collège
tombassentabsolument, en partie par la faute du majordome qui était Espagnol,
en partie par suite de la négligenceet du manque de soins du recteur et du conseil,
par la faute aussi dos moines qui ne surveillèrent pas la marche des choses. Quoi
qu il en soit, l'entreprise arrivait sa ruine. Quarante ans après la fondation du
collège,- on procéda à l'examen de
sa situation et on reconnut que tout était
perdu. Il fallut s'arrêter à d'autres
mesures, faire d'autres ordinations, outre les
premières, afin que le collège pût de nouveau marcher. Je me trouvais à la
première fondation du collège et j'assistai de même à la seconde qui donna plus
de difficutés
que la précédente. L'épidémie qui éclata il y a trente et un ans fit
beaucoup diminuer les élèves,
et celle de l'année actuelle 1576 n'a pas été moins
u"esle u, l'établissement, car il n'y reste presque plus personne; quasi tous sont
partis, morts ou malades. J'ai grand'peur
que tout échoue encore complètement,
1 abord
parce que les Indiens sont difficiles à conduire et très peu désireux
'".'prendre, ensuite parce
que les Frères se fatiguent do la peine qu'ils causent
41
642 HISTOIRE DES CHOSES
pour les mettre en voie de progrès, et par-dessus tout parce que je voit;
ni laïques ni prêtres ne favorisent l'entreprise, pas même par le secour-
p
maravédis. Si don Antonio de Mendoza (Dieu l'ait en sa sainte gloire!) Ciui
f
vice-roi de cette Nouvelle-Espagne, ne les eût aidés de son propre bien et d'i
petite rente qui n'en peut soutenir fort médiocrement qu'un petit nombre il
serait déjà plus question ni du collège ni de ses élèves. Cela eût servi ccpenda
à produire le plus grand bien dans ce peuple d'indigènes et à conserver IV
au
notre seigneur plus de sujets qu'il n'en a et qu'il n'en aura par la suite, car il-
diminuent chaque jour. J'ai vu de mes propres yeux que, dans l'épidémie d'il
v
trente ans, la plupart moururent de faim et aussi parce qu'il n'y avait personnea
qui sût soigner les malades et leur appliquer des médecines. La même chose
arrive dans l'épidémie actuelle et il en sera de même dans celles qui viendront
plus tard, jusqu'à ce que la race disparaisse. Si l'on eût pris soin d'instruire ces
Indiens dans la grammaire, la logique, la philosophienaturelle et la médecine ils
auraient pu porter un secours efficace à beaucoup de ceux qui sont morts; car
dans cette ville de Mexico, nous voyons guérir ceux que l'on parvient à soigner
comme il convient en temps opportun, tandis que tous les autres meurent,
Comme d'ailleurs les médecins et les barbiers espagnols qui savent soigner sont
peu nombreux et ne peuvent donner leurs secours qu'à peu de malades, d'autant
moins qu'ils sont fatigués et que plusieurs succombent, il n'y a déjà plus personne
qui veuille secourir les Indiens pauvres, de sorte qu'ils meurent pour n'avoir pu
obtenir ni aide ni médecine d'aucune sorte.
CHAPITRE XXVIII
DES MALADIES DU COKPS HUMAIN ET DES nEMÈDES QUI LEUR SONT OPPOSÉS 1.
§ I". — Des maladies de la tôle, des yeux, des oreilles, des dents et dune:-.
Quand se présente la maladie de la tiorqidlla qui attaque les cheveux, il laul
raser ceux-ci parfaitement, se' laver la tête avec ;de l'urine et la frotter avec
1. C'est à propos de ce chapitre XXVIII qu'on peut regretter le plus vivement de man-
quer de renseignements précis sur la véritable signification moderne des diflércnlcs
substances dont il était fait usage par les Mexicains dans les maladies. Ce n'est pas qui
lût possible d'en retirer do réels avantages pour le progrès des méthodes thérapeutiques
suivies de nos jours; mais il serait curieux de pouvoir déterminer d'une manière exacte Ç
degré de connaissances auquel ce peuple était parvenu au sujet des propriétés curâmes
des agents dont il se servait dans la pratique médicale. Ce qui est certain, c'est que le»
personnes qui exerçaientl'art de guérir y étaient autorisées et se trouvaient désignéesj»r
leur réputation à la confiance des malades. On en verra la preuve plus loin au § 7, en.
pitre VII du XIe livre, où il est dit que les renseignementsfournis à Sahagun pio'
liaient de quatre médecins indiens exerçant à Tlaielolco et dont les noms sont donnu>
par l'auteur. L'exercice de l'art de guérir n'était, d'ailleurs, pas toujours privé de dcsagi^
monts. Le P. Juan de Torquemada nous en donne une preuve intéressante, à la page •> J
du 2e volume de sa Monarchie. Indienne. En parlant des obsèques des roi»
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 643
herbe appelée nanacacet qu'on] enlève ensuite avec un second lavage
j'iriiie. Si on ne coupe pas les cheveux, on les lave avec de l'urine et on se
f.0tte la tête avec
de l'onguent jaune mêlé de suie prise dans la cheminée.
, r-,s
quoi on se met sur la tête une certaine terre noire qui s'emploie
' teinture et on étend par-dessus de la poudre faite avec l'écorce d'un bois
l'on appelle
quauhlepuztli en langue mexicaine et qui ressemblerait à du
lièrro s'il
n'était beaucoup plus lourd.
Contre les pellicules de la tète il faudra se résoudre à raser les cheveux,
laver la tète avec
l'urine et boire de la décoction de certaines plantes qui
s'appellent en langue mexicaine coyoxochill % amollis et iztauhyall 4 qui est
l'absinthe du pays; ou bien se frotter avec la poudre du noyau d'avocat, mêlée
avec de la
suie, en mettant ensuite par-dessus la terre noire dont il a été ques-
tion et une certaine quantité de l'écorce susdite.
Pour traiter la maladie des croûtes galeuses de la tête, il est nécessaire de se
rasor, de se laver avec de l'urine et de placer ensuite sur le cuir
chevelu
la poudre de noyau d'avocat, ou bien se laver avec l'eau dans laquelle on
aura fait macérer la résine appelée oxitl, mêlée avec de la poudre de graine
de colon ou avec l'absinthe du pays, prenant soin de chauffer le tout avant de
l'appliquer sur la tête.
Pour les abcès et les gros boutons de la tète, on doit faire usage d'un peu
do chaux mêlée à de la poudre de tabac en assez grande quantité; ou
bien on doit se résoudre à y faire des incisions en croix, en exprimer la matière,
se laver avec de l'urine et appliquer ensuite un emplâtre tfocotzoll ou d'oxitl
étendu avec les barbes d'une plume.
Contre les douleurs continuelles de la tête, nous ferons usage des moyens
suivants : sentir l'herbe appelée ecuxo ou les feuilles vertes du picielt; se serrer la
tète avec un mouchoir et recevoir la fumigation de quelques parfums. Si le mal
augmente, on pulvérisera l'herbe appelée çoçoyalic 5et on aspireracettepoudre de
Micliuacan, il énumèro les différentes personnes qui devaient être sacrifiées sur la tombe
« quelques-uns des médecins qui n'avaient pas pu le
du défunt. Dans la liste figurent
guérir, afin d'assurer un correctif au mauvais succès du traitement de la maladie du roi
décédé ». [Voyez
nos notes à la fin du volume.)
1. Nanacace, plante de la famille des Composées, d'après Ilcrnandcz, voisine des Ono-
l'Onles ou appartenant à
ce genre. 11 dit : « Hadix est amara, et gustu paulisper mordons
quo fit ut calidam
ac siccam esse conjeclom curelque aliunde vacuata caussa, febres, aut
"gorihus pulsis. Aiunt. eliai.n Indimedici crudam sudorem evocare, alvumque... »
•-•
•-quille, oignon sauvage; de coyoll, chacal, et xochill, fleur. Selon Hernandez, il
Kisttrait plusieurs variétés do cette plante entre lesquelles, d'après ses propres paroles
iquiu et broniam noslram chichi amolli vocant Indi) serait notre Bryone (bryonia dioica,
e 'a famille des Cucurbitacécs). J'ignore si c'est cotte variété dont il est question dans
texte de Sahagun. Quant au eoixcoxochill,je soupçonne une erreur de copiste et pense
H faudrait écrire coijolxochiU, qu'Hornandez prétend être le Marlàgonvolubilc Mexi-
.,UIn Saiiguinem narium sistil; radium vero exlinguet febres... Dysenteries
°°j*t,-etc.....
, (Hernandez.)
La propriété que possède cette plante, de détacher et de tenir lieu de savon, lui a
uoute fait donner son nom qui est formé de ail, eau, et molli, potage, ragoût, aliment.
t~ 'tuuhijail. Absintliium indicum. Voy. la note de la page 64.
Ij'" '"«"yo-lic, seu herbapalnKCsimilis. Hoec est illa hobilis planta, qujc concisa minu-
0 '" mulsam conjecta
muscas omnes pcrerranles domum, oestalisquc pracipuè le m-
644 HISTOIRE DES CHOSES
manière à la faire entrer dans le nez. Si les douleurs augmentent encore, S
on m\i
cette poudre avec un peu d'eau et on en absorberaquelques gouttes par le -,-' §
Lorsque tout cela n'aura pas enlevé la souffrance, il faudra prendre i
un DM t-
couteau pointu du pays, se piquer la tête et s'y faire une saignée. ('
Pour ce qui est des blessures et des plaies de la tête, il faut les laver avec il-. §
l'urine et mettre sur les plaies du suc de la feuille de maguey cuit. Si l'on Vo'i fc
de la matière se former, il sera nécessaire de moudre la feuille de la p]ani, t
appelé chipiUi ou de celle qu'on nomme toloa, la mêler avec un blanc d'oeuf cl h K
mettre sur la plaie. S'il arrivait que l'os fût fracturé, tu prendras un petit È-
0,
très mince, tu rapprocheras les fractures et tu appliqueras par-dessus le suc dr- I
la feuille de maguey cuit ou cru. f
Contre les douleurs et les maladies purulentes des oreilles, il faudra prendre ?
du suc tiède de l'herbe appelée coyoxochill mêlé avec du chilli et en introduire 1:
quelques gouttes dans l'oreille, trois fois par jour et autant de fois pendant î:
la nuit. De cette façon, on fera sortir la mauvaise humeur ou la matière. On ?
pourra encore râper la. poudre d'un certain poisson appelé cuechlli, la mêleravec ï
de l'eau tiède et du sel et en introduire quelquesgouttes dans les oreilles. f
Contre les plaies qui se forment aux parties extérieures des oreilles, il faudra i
avoir recours aux moyens suivants : prendre la feuille de coyoxochill, la '*
et l'appliquer sur la partie malade; ou faire de même avec foutes les plantes |'
bonnes en pareil cas, comme le chipilli et le noyau d'avocat.
Contre le gonflement du visage qui provient de la douleur d'oreille et qu'eu |,
appelle nacazqualolizlli l, ou fera usage d'une application de n'importe quelle f
plante astringente, mêlée avec de Voxitl et de la suie. I
Pour ceux qui ont le visage contus et enflé, on fera usage des moyens suivants : '..
encore il tirera profit de n'importe quel purgatif dont il fera usage, s'il prend -:
pore morosas atque molestas, dulci escil invitatas dolet ac perdit. (Hernandoz). I-cs in,'
decins indiens attribuaient au surplus à cette plante, d'aprèsle même auteur, des propne i»
merveilleuses pour relever les forces des moribonds,pour guérir les dysenteries, etc.. -
dit pas son équivalent dans lanomenclaturcde son temps. Çoçoyatic vient de çoyatl, pain
1. « Maladie des oreilles >>; donacazlli, oreille, et qualo, être privé, passif d°(/"^ \
manger. Los deux éditions portent nacazqualizlli; nous avons suivi l'orthographe ci t
dans le vocabulaire de Molina. ;
2. C'est-à-dire : rond, contourné ; du verbe ololoa, arrondir. ' l
3. Rouge; d'après Hernandez : radix rotunda, caulis scandit ; folia triaphaseoh m , ' g
.
sed longiora, flores faboe.... ;
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 645,
i D-uèrira en
ajoutant l'application sur lesdites taches de la plante pulvérisée
i
taches dont nous avons parlé. Si le mal n'est pas considérable, il suffira de se F
laver avec de l'urine ou avec une décoction de la plante appelée a-zpan; ou bien |
il faudra fondre un peu tfulli mêlé avec du sel et l'appliquer sur le nez. 11 sera ]
également utile de se laver avec de l'eau chaude ou de l'encens du pays. |
Contre la maladie des croûtes du nez, qui provient d'un voyage et des ardeurs v
du soleil, il faudra prendre la racine appelée islacpatli*, la mêler avec l'herbe |
chichipillic et avec l'encens du pays mis dans l'eau, incorporer le tout cl s'en r
laver le nez. Il faudra boire ensuite lo suc des tomates jaunes et s'en humecter j
le nez, les lèvres et les dents; ou bien prendre un peu de miel d'abeille ;<
partie gonflée avec la main, se saigner, appliquer une certaine plante appelée I
cocoxiuill -, mêlée avec de la suie qui se forme sur les pots et boire une décoction
d'acaxilolic 5. |
Lorsque le cou sera perclus, il sera bon de prendre quelques bains, de serrer l
entre les mains la partie endolorie. Si cela ne produisait aucun effet, il sentit I
nécessaire de se procurer et de mettre sur le cou les herbes susnommées: teo- ;
maxochitli coyoxochill, quimichpaUisIzUzicaztli. J
Les maladies des glandes du cou se traitent en incisantle gonflement avec quoi- i
que petit couteau. Après en avoir extrait la matière jusqu'à la racine, on y appli- b
quera le picietl moulu, mêlé avec l'herbe appelée yiell et du sel, le tout bien
chaud. I
Lorsque la chair tombera en pourriture, on prendra la feuille de maguc\j qu'on \
coupera en morceaux; ou exposera ceux-ci au soleil', et quand ils seront bien secs, .
on les réduira en poudre et l'on appliquera sur la partie malade. S
Les abcès du cou doivent se laver avec de l'urine, et l'on appliquera par-dessus i
«animent dans les environs de la ville de Puebla qui en expédie dans diverses parties
du pays, où
on l'emploie pour empoisonner les coyotes. Les médecins de Puebla rem-
ploient quelquefois de
nos jours comme sudorifique en faisant infuser huit grammes
ce la plante dans un litre d'eau à prendre dans la journée.
1. Scu fraclurarum medicina (Hernandez) ; leepalli vient, en effet, de lecqui, couper,
fracturer, et palli, remède.
y3. Remède (palli) des enfants tout jeunes (Izipill).
Herbe vermeille, rouge (llallauhqui).
* De cococ, malade, souffrant, et palli, remède.
u- De Uonlecomatl, tète coupée, séparée du tronc, et xochill, fleur.
654 HISTOIRE DES CHOSES
quoi il sortira beaucoup de mucosité ou de sang coagulé. Si cela ne faisait
pas i
bien, il n'y aurait plus de remède.
Ceux qui sont irrités retireront profit de l'eau de la racine d'une plante appelée
chichipilli et d'une autre qu'on nomme chichicaquilill mêlée avec la décoction
de xocoall. Il sera bon aussi que le malade se purge et boive ensuite une décoc-
tion de la racine des tomates qu'on appelle xallomati1 mêlée avec la racine
nommée lacanalquilitl. La racine des susdites tomates est grosse; elle doit bouil-
lir dans un asumbre 2 d'eau. Les grandes personnes pourront en boire une
pinte et les enfants la moitié de cette dose. On boira également la plante appelée
aitzlolin moulue et mêlée avec l'eau acidulée qu'on appelle xocoall.
L'humeur des pieds qu'on appelle oeoleteçonauilizlli? se traite avec la plante
nommée uei palli * qui croit à Tepepulco. On la pulvérise et on en applique la
poudre sur les pieds. Ce même remède sera utile pour le gonflement des aines.
Les plaies doivent se panser avec la poudre d'un bois appelé chichicquauill*'
mêlée dans du blanc d'oeuf.
§ 6. — Desremèdes pour les plaies, pour les fractureset pour les luxations des os,
Les fractures des os des pieds doivent se traiter par la poudre de la racine appe-
lée acocolli et celle de tuna, que l'on mettra sur le point fracturé on l'envelop-
pant avec un linge. On placera ensuite quatre attelles ou tablettes tout autour de
la fracture. On les serrera fortement au moyen d'un cordon pour faire sortir du
sang corrompu. On pratiquera aussi une saignée sur les veines qui se joignenteu
sortant du gros orteil et de celui qui suit, afin que la-pourriturene s'empare pas de
la blessure. Les tablettes se maintiendronten place pendant vingtjours. On posera
ensuite un emplâtre d'ocolzotl avec des poudres do la racine de maguey et un peu
de chaux. On pourra prendre quelquesbains quand on se trouvera un peu soulagé.
Les luxations des mains ou des pieds se traitent en pressantfortementl'endroit
luxé avec la main. On tire en même temps pour que l'os reprenne sa place. On
moudra ensuite de la racine appelée cococpalli, on la mêlera avec de la poussière
de charbon et on la placera sur l'endroit malade en refaisant l'application deux,
trois ou quatre fois. Si la luxation se complique d'enflure et d'inflammation, on y
pratiquera une saignée. Les entorses des tendons du cou devront se frotter dou-
cement avec la main et il sera bon qu'on boive de l'eau de l'herbe réfrigèranlc
appelée coaximtlG. Par ce moyen, le sang.se dissipe et ne se coagule pas sur
place comme il aurait pu arriver. Il faudra en même temps extraire du sang sur
l'endroit où l'entorse s'est produite.
Les plaies do la tête doivent se laver avec de l'urine chaude. 11 faut y exprimer
lu suc
chaud d'une feuille de maguey. Il faudra y appliquer encore ce même
de la plante torréfiée, mêlée avec l'herbe appelée mallalxiuitll et un peu
le suie et
de sel. Il faudra couvrir le tout avec un linge, afin que le spasme ne
«'empare pas de la blessure et que les bourgeons charnus y poussent facilement.
Pour celui qui sera
d'un tempérament irrité, il sera nécessaire de renouveler
deux-ou trois fois cette dernière application; une seule fois suffira pour les autres.
orSqu'une croûte commencera à se former sur la plaie, on appliquera un em-
plâtre pour terminer la guérison.
On pansera de la même manière les plaies d'estoc, de coups de poignard ou de
coups de Couteau, que ce
soit le bois ou le fer qui les ait produites.
Les pinçons et les bleus produits sur la peau par des coups, s'ils causent du
gonflement, se panseront une fois seulement en les frottant avec la plante appe-
lée poçaualizpalli 2. On prendra immédiatement après quelques bains et l'on
boira l'eau de la racine nommée izlac palli mêlée avec du piment, ou bien on boira
cette même eau mêlée avec du vin du pays. Cela suffira pour ramener la santé.
Lorsque quelqu'un tombera en trébuchant et se blessera vers la poitrine, il
boira tout de suite de l'urine chaude dans laquelle on aura délayé la poudre de
trois ou quatre petits lézards; il y ajoutera un peu de poussière de charbon. Plus
tard, il boira une décoction des racines et des plantes déjà nommées. On prati-
quera une saignée à la veine du côté gauche, afin d'éviter que l'état s'empire et
que le malade maigrisse et se sèche peu à peu, ou qu'il enfle du ventre, ou crache
le sang ou soit pris de toux incessante. Pour celte toux et pour le crachement
de sang, il boira une décoction de la racine appelée cocauiqpalli bien bouillie. On
la prendra tiède deux ou trois fois. Si cela ne suffisait pas, le malade devrait se
purger et prendre quelques clystères.
CHAPITRE XXIX
OUI TRAITE DE TOUTES LES KACES QUI SONT VENUES PEUPLER CE PAYS.
entendre qu'ils régnaient sur les douze cieux et sur la terre. On disait que de-0
Grand Seigneur dépendait l'existence de toutes choses et que, par sa VO1OIHCI Cu
lui procédaient l'influence et la chaleur au moyen desquelles les enfanls était
engendrés dans le sein de leurs mères. Les Toltèques élaient de fort biai »
D'habitude, c
gens, enclins à la vertu. Le mensonge leur était inconnu.
'• v«ycz la
note 1 delà page 208.
660 HISTOIRE DES CHOSES
H de temps, qu'il était fils de celte divinité. Us mettaient beaucoup de soin dair
manière de porter leur chevelure, la laissant pousser par derrière dcpuir !
milieu de la tête et la coupant ras sur l'occiput. On leur donnait aussi le
i>r
de Chichimèques. 11 ne sera pas dit ici d'autres choses du caractère et de-
qualités des premiers colonisateurs de ce pays appelé le Mexique. Nous ajouleron-
cependant, au sujet desdits Toltèques, que ceux qui parlent aujourd'hui clai
rement la langue mexicaine et qu'on appelle Nahua sont leurs descendants. \\-
procèdent de ceux qui ne purent suivre Quelzalcoatl et qui restèrent, les
un,
à cause de leur vieillesse, les autres par suite de leurs infirmités, quelques
femmes en couche et quelques-uns enfin parce que telle fut leur volonté.
1. Altération sans doute du mot llaminahhne, du Verbe llamina. tirer de l'an': '•'
lancer des flèches.
2. Chichimèques divins (Icotl).
m®
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 661
{aussi Çacachichimeca ', ou hommes dss bois. Us habitaient des lieux èloi-
- des grands centres de population, au milieu des campagnes, des savanes,
" m0nts et des cavernes. Us n'avaient point d'habitations fixes; mais ils me-
„
-enl une vie
vagabonde. Quand la nuit les surprenait ils s'arrêtaient pour dormir
.
il y avait quelque caverne. Us avaient un chef ou seigneur
tout endroit où
,; régnait sur eux
et les gouvernait. C'était pour lui qu'il se livraient à la
, „se.
Lorsqu'ils tuaient un tigre, un lion, un chat sauvage, des lapins ou des
chevreuils, ils lui en présentaient la viande et la peau. Ce gibier, par lequel ils
^connaissaient sa suprématie, servait à son alimentation. C'était comme un
tribut que ses sujets lui présentaient en même temps qu'ils lui donnaient des
n'es et des
flèches. Ce chef avait pour tout palais des maisons en chaume ou
simplement des cavernes. Il n'avait qu'une seule femme et tous les Chichimèques
pareillement ne possédaient qu'un seule compagne. Chacun d'eux vivait comme
ii part avec
elle et cherchait à se procurer le nécessaire pour la vie.
On dit que ces gens-là ne commettaient jamais d'adultère. Rarement, —
presque jamais — on découvrait quelqu'un coupable de ce crime. S'il s'en trouvait
un on le
tuait. Tous les sujets du même chef étaient rassemblés clans le but de
lui présenter le criminel avec sa complice. Il prononçait la sentence, d'après
laquelle chacun des vassaux devait tirer quatre flèches sur les deux adul-
tères.
Ce chef portait une mania de peau de chat
sauvage, de tigre, de lion ou d'é-
cureuil. Il ajustait sur sa tête une peau d'écureuil de façon que le museau de
l'animal reposait sur son front tandis que la queue tombait sur la nuque. Il avait
à la main un éventail rond en plumes rouges. Sa femme était vêtue d'un jupon
et d'une chemise faits avec les mômes peaux. Les autres femmes portaient aussi
une jupe et des péplums en peaux d'animaux, et elles étaient, pour l'ordinaire,
armées do l'arc et du carquois. Lorsqu'ils étaient en route, ils tenaient toujours
leurs armes. Quand ils se couchaient pour dormir, ils les plaçaient à leur chevet,
prétendant qu'elles faisaient la garde pour eux. Leurs chaussures consistaient en
colams de fouilles do palmier. Le lit où le chef dormait et la chaise où il s'as-
scyail étaient en peaux de tigre et de lion arrangées avec art. Un grand nombre de
ïeochichimoques formaient sa garde. Tous en général étaient vêtus de peaux de
chevreuils ou de chacals. Mais personne ne se couvrait de peau de lion. LesTeo-
eliicliimcquesétaient lapidaires. Us savaient choisir l'obsidienne et l'élaborer
pour
<n fabriquer des pointes de flèches. Us avaient l'habitude do porter des miroirs qui
'eur pendaient à la ceinture. Quand ils étaient
en marche, ils avançaient en rang
'mi après l'autre à la suite de celui qui servait de guide, lequel, ainsi
que tous
"» autres, portait par derrière le miroir attaché à la taille dans lequel se mi-
rait celui qui venait après lui. Us travaillaient et taillaient très bien les pierres
Mènes
ou turquoises, appelés leoxiuitla, avec lesquelles ils fabriquaient des
"'joux, dos colliers, des bracelets et des oreillons de différentes formes. Us
«•vaioiit une grande connaissance des plantes et des racines, de leurs qualités et
0 lcm's vertus. Us furent les premiers à découvrir et à mettre
en usage la racine
•
Wcçacall, paille, herbe grossière, et Chichimcca.
•f. Turquoise (xiuiil), magnifique, divine (leoll).
662 HISTOIRE DES CHOSES ï
appelée peyotl ' qui rentrait dans leur consommation à la place do vin f
\\-
saient de même avec une espèce de champignon vénéneux appelé ' ""
nan >-
dont ils fabriquaient une boisson. Après l'avoir bue, ils se réunissaients-i> S
plateau où ils se livraient au chant et à la danse de jour et de nuit tout à leur-
"-
le premier jour surtout, car, le lendemain, ils pleuraient tous abondamment ' --
£'
disant que ces larmes servaient à laver leurs yeux et leur visage. t
11s étaient également ouvriers en plumes et ils en fabriquaient des
produ'i- t-
exquis, comme par exemple des sortes de petits éventails de couleur rousre 1'
11
avait aussi parmi eux des corroyeurs qui apprêtaient des peaux de chevreuils - S'
ser
vant à faire des jupes et autres vêlements. Les femmes préparaientà mamror
pour
i
les hommes des viandes sautées ou rôties; mais les hommes ne rendaient
na«cc '
service à leurs femmes et ils en donnaient pour motif l'obligation où ils étaientd*
«
conserver leur vue pour pouvoir chasser, tandis que la fumée la leur aurait iràlée !
C'est que les Teochichimèquespossédaient une fort longue vue et ils .savaient >-
très bien atteindre le but, car ils touchaient toujours de leur flèche ce qu'ils l
avaient visé, cela fùt-il fort loin et de dimension minime. Les mets dont ils l'ai- S
saient usage pour leur subsistance consistaient en feuilles de tunas, les lunas ?
elles-mêmes, la racine appelée cimall; d'autres qu'ils arrachaient do dessous j
terre, comme sont les tzioaclli et necuamell; les mizquill, les palmes, les Denis i
d'iccotl; le miel provenant des palmiers, du maguey et des abeilles; d'autres
racines encore qu'ils connaissaient et qu'ils prenaient sous le sol; toutes sortes
de viandes de lapins, de lièvres, de chevreuils, do serpents et d'un grand nombre
d'oiseaux. C'est en mangeant toutes ces choses sans mélange de condimentsqu'ils
vivaient longtemps sains et robustes. C'était miracle de voir mourir quelqu'un,
et celui qui mourait était déjà si vieux cl tellement blanchi par l'âge qu'on pou-
vait dire que c'était l'unique cause de sa fin. Si l'un d'eux était atteint de quel-
que maladie et n'en guérissait pas dans trois ou quatre jours, tous les gens de
la tribu se réunissaientet le tuaienten lui plongeant unc flèche dans la gorge. Un
général quand les anciens arrivaient à une trop grande vieillesse, on leur don-
nait ainsi la mort d'un coup de flèche, prétendant qu'on les lirait do peine en les
délivrant des souffrances de ce monde, et l'on évitait ainsi soi-même de compatir
à leurs soucis. On les enterrait au milieu de grandes réjouissances; la loto durait
deux ou trois jours pendant lesquels on se livrait au chant et à la danse. Comme
une conséquence de leur sobriété et de la lôgèrelè do leur vêtement, outre qu ils
étaient sains et vigoureux, ils se maintenaient fort agiles; car ils gravissaient les
sierras élevées vigoureusement et avec prestesse; on aurait dit qu'ils volaient en
marchant. Ils n'en étaient, du reste, nullement empêchés par leur rate cl 1cm
obésité, attendu que leur corps ne connaissait nullementces incommodités. Chacun
d'eux emmenait sa femme avec lui, ainsi que nous l'avons déjà dit. Lorsqu'elle clan
enceinte, le mari lui réchauffait le dos et l'arrosait ensuite en disant que cela
faisait l'office de bain. Aussitôt qu'elle avait accouché, le mari lui lâchait deux ou
trois coups de pieds par derrière pour que le sang achevât de sortir. Apres ce a,
ils prenaientl'enfant, le méfiaient dans un petit uacalli, la femme le plaçait si
son dos et ils continuaient aussitôt leur roulé jusqu'à, l'endroit où •• n
Les Nahua étaient ceux qui parlaient la langue mexicaine, bien que ne la
prononçant pas comme les vrais Mexicains. Us s'appelaient aussi Chichimèques'
et ils prétendaient descendre des Toltèques qui restèrent dans le pays lorsque
leurs compatriotes s'exilèrent, à l'époque où Quelzalcoatl partit pour Tlapallan.
Les Nahua ne manquaient pas d'esprit pratique, car ils avaient leur gouverne-
ment, leurs caciques, leurs chefs subalternes qui administraient et faisaient en
sorte d'agrandir leurs domaines. Us avaient leurs habitudes de réjouissance; leurs
chants, leurs danses pour l'amusement du peuple. Tout le monde possédait le né-
cessaire pour le manger elle boire..Ils avaient des métiers. La prospérité et mémo les
richesses ne leur manquaient pas on étoffes, bijoux, belles plumes et autres pro-
priétés : maisons, semailles et silos pleins. Us reconnaissaient un dieu qu'ils
adoraient, invoquaient et priaient on demandant ce qui était à leur convenance;
ils l'appelaient Yoalll ehecall, ce qui veut dire air et nuit, ou opu, invisible. Ils lui
étaient très dévots dans leurs prières. Les veilles qu'ils lui dédiaient pendant la
nuit se faisaient en chantant avec accompagnement du tambourin qu'ils appellent
tfp<mu;-ili. Us lui offraient le sacrifice do leur sang en s'incisant avec des épines
de maguey et
on accompagnant cet acte des sons d'une grande conque marine qui
remplaçait la trompette parce qu'elle résonnait au loin. Us faisaient des ablutions
a minuit, même pendant les grands froids. Us célébraient des sacrifices à leur
•lion dans des fêtes, tous les vingt jours. Habiles à concevoir, ils étaient adroits et
délicats dans l'exécution,
car ils étaient artisans en plumes, peintres, brunis-
scurs, orfèvres, doreurs, forgerons, charpentiers, maçons et lapidaires. Us excel-
laient dans l'art de tailler et de polir les pierres précieuses. Ils étaient aussi fileurs,
"Sscrands, éléganls dans leur langage, recherchés dans leur manière de manger
cl de se vêtir, très enclins à la dévotion et à l'offrande à leur dieu, prenant soin
>'« i encenser dans
ses temples. Du reste, vaillants à la guerre, pleins d'élan, fé-
664 HISTOIRE DES CHOSES
conds en ruses pour faire de grandes prises. Nous nous bornerons à
ce peu <\<
rôles sur les Nahua; mais il y aurait beaucoup à dire sur leur gouvernement
sur leur manière de vivre.
La dénomination d'Otomitl provient d'Oton, leur chef. Ses fils, ses descendants;
et les sujets qu'il gouverna,-tous ensemble et chacun en particulier, furent appe-
lés Olomi. Us n'étaient point sans civilisation. Us se réunissaient dans des centi-.5
habités et y formaient un gouvernement. Les hommes faisaient usage des m«»f<i$
et couvraient de maxlles leurs parties secrètes; ils se chaussaient de coloras. I
e:
femmes avaient dos jupons et des uipilli qui leur tenaient lieu de chemises. Les
manias des hommes étaient éléganteset bien tissées, leurs chaussures faites avec
goût. Les femmes faisaient également usage de jupons et de chemises de très
bonne fabrication. Parmi eux, il y avait des seigneurs et des chefs chargés du
gouvernementet de l'administration du peuple. II y avait de hauts employés, per-
sonnes de valeur reconnue qui, comme ceux appelés calpixque, avaient mission
d'administrer la tribu. Il y en avait d'autres appelés otonllamacazque ', ainsi
qu'un suprême grand prêtre du nom de leeullato8. On voyait encore parmi eux des
devins nommés tlaciuhque*, ce qui signifie les familiers ou les pareils de leur
dieu. Ils prétendaient savoir ce que cette divinité déterminait sur toutes choses,
attendu qu'ils lui parlaient et recevaient ses réponses. Aussi était-ce à eux que
les Olomi venaient demander quand et comment ils devaient partir en guerre et
quel serait le succès de leurs armes; s'il pleuvrait beaucoup ou pas du tout
cette année-là ; s'il y aurait de la famine, des maladies, une grande mortalité.
Bien d'autres choses encore étaient demandées à ces devins. Si leurs réponses.
qui étaient comme des oracles, devenaient quelquefois des vérités, on les tenait
pour dieux et on les adorait comme tels. La réputation qu'ils en acquéraient leur
attirait bien des gens qui venaient des pays lointains pour les voir.
Ces mêmes Olomi possédaient des semailles et des silos ; ils avaient abondam-
ment à manger et à boire, de bonnes subsistances. Leur dieu s'appelait Yocippa.
On lui avait érigé un temple remarquable. C'était une construction couverte en
chaume, d'une fabrique particulière qui n'était en usage que pour cet édifice, car
il n'était point permis de bâtir unc maison sur ce modèle. Les cabanes dans les-
quelles ils vivaient étaient recouvertes d'un chaume grossièrement placé, car les
Olomi se souciaientpou des aises excessives du domicile. Des prêtres appelés /'«-
macazque vivaient dans le temple et s'y occupaient à l'éducation des enfants, llsj
faisaient pénitence pour tout le monde. Us veillaient la nuit entière quand Cotait
l'époque des sacrifices. Us se piquaient et se saignaient aux lèvres ou aux cuisse^
avec dos épines de maguey et ils se baignaient à minuit dans les saisons froide-
Us jeûnaient et ils montaient au temple avec leur tambourin ou teponaslh, q» '3
disaient être leur compagnon de veille ou leur garde.
1,
l'autre Yoecipa et ils
premier seigneur qui gouverna leurs aïeux. Ils appelaient
lii faisaient une plus grande fêle qu'au premier. Quand ils voulaient la
élébror, ils allaient coucher et se réjouir on rase campagne et ils y vivaient
eiiiianl quatre jours. Us préparaient pour cette solennité toutes sortes démets
•
nl de
boissons. Us y faisaient de fortes dépenses en lamales rouges et en
tortillas faites avec un mélange de maïs et de miel. C'était leur plus grande
fêle. On appelait Tolopaina, Yocippa totoca ' le jour où elle se célébrait. Leurs
dieux principaux étaient ceux que nous venons de nommer. Mais ils en avaient
un
troisième qu'ils appelaient Atetein. Us avaient l'habitude d'aller prier
cl faire des sacrifices sur les hauteurs des montagnes.
Il était de coutume chez les Olomi que les garçons se mariassent à un âge fort
tendre. 11 en était de même pour les femmes. On donnait aux enfants mâles des
fillcllcs de leur âge qu'on cherchait pour en faire leurs femmes. On demandait
leurs filles à ceux qui régnaient, gouvernaient, et étaient les chefs de l'admi-
nistration. Lorsque quelqu'une d'entre elles était déjà formée, sans qu'on en
eût fait la demande, ils la donnaient en cadeau, quelquefois parce qu'elle
demandait elle-même un mari, afin- que sa vie no finît pas sans qu'elle laissât
après elle des enfants. On prétend que si l'homme, passant la nuit avec la
femme, ne comptait pas jusqu'à dix avec clic, celle-ci en était mécontente et ils
se séparaient. D'autre part, si la femme était trop faible pour subir huit ou
dix fois l'approche do l'homme, le mécontentement s'en suivait et elle était
bientôt abandonnée.
Telles sont en somme la vie et les moeurs des Olomi.
•
lulupaina.oiseau (loololl) qui court (paina) ;— Yocippa loloca, c'est-à-dire: Yocippa
(!u'( va rapidement (loloca),
''• De tell, pierre, mallall, filet.
et
668 HISTOIRE DES CHOSES
provenait de ce qu'ils ceignaient leurs têtes avec la fronde. Qua est l'abri
/,
de quaitl qui veut dire tête, et ta, pour temallatl, qui veut dire fronde. DV
il suit que quatlatl désigne un homme portant sa tète enguirlandée d'une fronde
Une autre interprétation lui ferait signifier un homme à tête de pierre. Comme
il fait grand froid dans leur pays appelé Mallalzinco, ces quaquala sonfordi
nairement très forts et très résistants à la fatigue. L'habitude qu'ils avaient
de faire usage de la fronde et d'en atteindre fort loin leur but les rendait très
hardis et fort résolus ; aussi étaient-ils craints en temps de paix comme en temps
de guerre. On avait la coutume de dire, en façon d'injure, de celui qui était peu
estimé : « Il a l'air d'un quata », c'est-à-dire d'un impertinent et d'un mal
élevé. C'est pour cela que, lorsque le vin leur montait à la tête et leur faisait
perdre la raison, celte boisson était appelée quatlatl, comme pour signifier que le
vin rendait l'homme méprisable et sans cervelle.
Ce qui les a fait appeler Toluca et Tohtcatl au singulier, c'est que dans le
pays de Toluca se trouve une sierra du nom de Tolulzin on Tolulepell, de
laquelle les Toluca tirent leur nom. Us prétendent eux-mêmes s'appeler ainsi du
nom de leur ville qui est Toluca. On peut dire encore qu'ils s'appellent de la
sorte à cause du tollin, espèce de jonc dont on fait des petlatl; car on s'adonne
beaucoup à ce travail dans cette localité. Ces Toluca, autrement dit Matlalzinca,
ne parlaient point la langue mexicaine, mais une autre différente qui est fort
obscure. La vérité est cependant qu'il y a parmi eux dos Nahua et des Mexicains,
mais leur langue propre possède la lettre r. Leur pays produit seulement du
maïs, des haricots et une graine comestible appelée uauhtli. Il n'y a ni sel ni
piment. Leur manger habituel se compose de lamales et de haricots, leur bois-
son est la mazamorra appelée xoeoalolli *. Ils font aussi du maïs torréfié qui,
sous le nom de momoehlli, imite parfaitement unc fleur très blanche. Louis
vêtements étaient faits d'étoffes de maguey. Ils étaient partisans des maléfices cl
faisaient usage de sorcelleries.
Leur idole s'appelait Coltzin 1. Us l'honoraient et fêtaient de différentes ma-
nières. Quand ils lui faisaient une fête, ils contribuaientseuls, à l'exclusion
des Mexicains et des Tepaneca. Quand ils sacrifiaient quelqu'un, ils tordaient
et serraient la victime dans un filet, de telle façon que les os des bras et des
jambes sortaient à travers les -mailles. Ils répandaient du sang devant l'idole.
Leur "principale qualité provenait de ce qu'ils étaient très attentifs à bien tra-
vailler leurs terres, très forts et très résistants sous le poids de charges considé-
rables. Ils avaient l'habitude de se baigner tous les matins.
Les gens qu'on appelle Ocuilteca vivent dans le district de Toluca sur dc=
terrains qui leur appartiennent. Ils ont les mêmes moeurs et coutumes que ceux
de Toluca, quoiqu'ils parlent une langue différente. Us faisaient grandement
usage de maléfices et de sorcelleries.
1. Pluriel de toueyo.
2. Pluriel de Panlccatl, etc. ; de panoa, traverser, passer un cours d'eau. Les autic-
termes qui suivent ont la même étymologie.
3. Sur la terre (llalpan) des aliments (lonacayoll) ou des fleurs (xochill).
A. Ou, plus littéralement: vêlement (lilmalli ou quachlli) de quatre cents coule"11-
(ccnlzonlli).
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 671
Les Tlalhuica * habitent les terres chaudes. Ce sont des Nahua parlant la
langue mexicaine. Leur pays produit beaucoup de coton, de piment et d'autres
sortes de subsistances. Actuellement on y voit prospérer toute espèce de fruits de
Caslille. Ce pays est situé vers le midi. Les Tolonaca et Toueyome habitent
nord. Les dénominations de Tlal/micall, Totonacall et Toueyo renfermentl'idée
de peu d'intelligence et d'habileté. Aussi dit-on de quelqu'un qui est grossier et
possède peu d'aptitudes qu'il est Tkdhuicatl, Totonacatl, Cuexlecatl ou Toueyo.
C'est pour témoigner du mépris qu'il inspire qu'on l'appelle ainsi. On lui appli-
que quelquefois également le mot (HOtomitl. Ils se donnent le ridicule de se parer
avec exagération et de porter des roses à la main. Ils sont timides, grossiers et
pou intelligents.
Des Couioeca * Tlapaneca. Ces noms, qui se disent au singulier Couîxcall et
Tlapanccall, sont portés par des gens qui résident a Tepccacuilco, à Tlachma-
lacac et dans la province de Ghilapan. Ils sont riches et parlent la langue mexi-
caine. Les Yopime Tlapaneca habitent le district de Yopilzinco. On les appelle
yiopes parce que leur pays s'appelle Yopitsmco. On leur donne aussi le nom de
Tlapimeca qui veut dire hommes teints en ocre rouge, parce qu'ils se maquil-
laient avec cette couleur. Leur idole s'appelaient Totcc tlatlauhqui Tczcatlipoca, •
ce qui veut dire idole rouge, parce que ses vêtements étaient de cette couleur.
Ses prêtres s'habillaient de même et tous les habitants de ce district avaient
l'habitude de se teindre. Ces gens-là sont riches leur langue est différente de
;
celle de Mexico. Ce sont eux précisément qu'on appelle Tenime, Pinome, Chin-
quime, Cliochonlin7', et au singulier Pinoll, Chinquill, Chochon. On leur appli-
que, en général, le nom de Tenime, qui veut dire hommes barbares. Ils sont, en
cllct, inhabiles, incapables et grossiers, pires
que les Olomi. Ils vivent sur un sol
stérile, pauvre, privés du nécessaire dans
un pays scabreux. Ils connaissentcepen-
dant les pierres riches et leurs propriétés.
|- Pluriel de TlalhuicàU.
- Habitants de la province de Couixeo.
Le singulier de Tenime,
• • que Sahaaun a omis, est Tcnill, qui signifie étranger.
grossier. '
672 HISTOIRE DES CHOSES
S 11.
— JDCS habitants de Michuacan ou Quaochpanmc.
la manière des
uipilli, sur laquelle ils portaient toujours leurs arcs et leurs
•
1. Do amoretli, papier, livre; d'oïl est venu nmnxna nu nmnxiia, celui qui ;1 ""
où. des livres; pluriel amnocnaqne.
HE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 675
iluine la fit
appeler Teotiuacan,
ou Uciliuacan,ce qui
veut dire lieu où l'on
sait les rois. C'était là qu'on enterrait les rois et les nobles, dont les
•nultures étaient recouvertes de tumuli en terre, que l'on voit encore
,:0urd'hui. On dirait de petits monticules faits à la main. On peut voir encore
j
excavations d'où l'on retira les pierres et la terre dont ils furent construits.
Ceux qu'on éleva en l'honneur du soleil et de la lune sont comme des montagnes
édifiéesà main d'homme. On les dirait naturels quoiqu'ils ne le soient pas. Il
paraîtrait même peu raisonnable d'assurer que les hommes les ont construits,
quoique cela soit incontestable. Mais ceux qui en furent les auteurs étaient des
céants. Cela se voit, d'ailleurs, clairement dans le cerro de Ghollolan où
la main de l'homme
est évidente, puisqu'on y trouve des briques et de la
chaux.
La ville dont nous parlons s'appela Teotiuacan, mot dérivé de teoll, dieu, parce
que les
seigneurs qu'on y enterrait étaient canonisés et passaient pour dieux
après leur mort. On disait d'eux qu'ils ne mouraient point, mais qu'ils se réveil-
laient d'un rêve qui avait constitué leur vie. C'est pour cela que les anciens avaient
l'habitude de dire que, lorsque les hommes mouraient, ils commençaienten réa-
lité à revivre en se réveillant d'un songe et qu'ils passaient à l'état d'esprits ou
de divinités. Aussi avait-on l'habitude de leur dire : « Seïior ou seïiora, réveille-
toi; le jour commence à paraître; on voit déjà les lueurs de l'aurore, car on en-
tend le chant des oiseaux au plumage jaune et les papillons aux couleurs
variées commencent à voler. » Lorsque quelqu'un mourait, on disait de lui
qu'il était teotl, c'eslnà-dire qu'il avait abandonné la vie pour devenir esprit
ou divinité. Les anciens s'abusaient au point de croire que les rois se chan-
geaient en dieux, après leur mort, et ils le disaient ainsi pour qu'on s'habituât
à obéir et à témoigner de la crainte à ceux qui régnaient. Ils prétendaient aussi
que les uns étaient changés en soleil, d'autres en lune et d'autres encore en diffé-
rentes planètes.-
A l'époque où les gens dont nous parlons étaient réunis à Tamoanchan, cer-
taines familles s'en allèrent habiter les provinces que l'on appelle aujourd'hui
Olmcca, Uixtotin. Ces émigrants, dans les temps passés, étaient très versés dans
la pratique des maléfices et des sorcelleries. Leur chef et seigneur avait un pacte
avec le démon. Son nom était Olmecatl Uixtotli. C'est de lui que les gens de son
peuple s'appelaient Olmeca, Uixtotin. On raconte qu'ils marchèrent à la suite des
1 oltèques lorsque ceux-ci s'en allaient de leur ville de Tullan dans la direction de
10jS étant arrivés à Coatcpec, ne poursuivirent plus leur route avec les autres.
relui qui était leur chef les conduisit aux sierras de ce district pour y établir leurs
lonieures. C'est pour cela que les gens de cette tribu conservaient la coutume de
dire leurs sacrifices sur
les sierras élevées et d'en habiter les versants.
Les autres bandes, les Toltèques, les Mexicains ou
Nahua et tous les autres
poursuivirent leur marche à travers les plaines et les déserts pour découvrir des
famille ou tribu conservant à sa tête son dieu qui les guidait. On n'a
navs chaque
pas
gardé le souvenir du temps qu'ils pérégrinèrent de la sorte. Ce que l'on sait,
c'est qu'ils aboutirent à un vallon entre des rochers où ils pleurèrent sur leurs
deuils et leurs peines, car ils eurent à souffrir grandement la faim et la soif. Là
se
trouvaient sept cavernes où tous les émigrants établirent leurs oratoires, et ils
Y
faisaient leurs sacrifices aux époques voulues par la coutume. On n'a pas da-
vantage conservé le souvenir de la durée de leur séjour en cet endroit. Mais on dit
que les Toltèques
étant là avec tous les autres, leur dieu leur parla à part et leur
donna l'ordre de revenir au point d'où ils étaient venus, attendu qu'ils ne de-
vaient pas rester en ce lieu. Ayant reçu cet ordre, ils firent leurs sacrifices dans
ces cavernes, avant
de s'en éloigner, et cela étant fait, les Toltèques partirent tous
et furent aboutir à la ville de Tullantzinco. De là, ils passèrent plus tard à Xoco'
lillan, qui est la ville de Tullan. Après leur départ, les Michoaques se mirent éga-
lement en route à la suite de leur chef appelé Amimitl. Ils s'en allèrent vers l'oc-
cident au pays où ils habitent aujourd'hui, mais avant leur départ ils firent aussi
leurs sacrifices dans les sept cavernes. Les Nahua entreprirent également leur
marche, formant la tribu des Tepaneca, Acolhuaca, Chalca, Ucxotzinca et Tlax-
calteca. Us marchèrent par bandes séparées et vinrent aboutir à cette partie-ci
du Mexique. Ce fut alors que leur dieu parla aux Mexicains qui partirent les der-
niers et leur dit qu'ils ne devaient point continuer à habiter ce vallon, mais pour-
suivre leur route pour découvrir plus de pays; et ils partirent vers le couchant.
Chacune de ces tribus, du reste, célébra ses sacrifices dans les sept cavernes avant
de partir. C'est pour cela que tous les peuples du Mexique se vantent d'avoir pris
leur origine dans lesdites cavernes d'où sont sortis leurs aïeux. Or, cela n'est pas
exact; ils ne sont nullement sortis de ces cavernes. Ce qui est vrai, c'est qu'ila
allaient y faire leurs sacrifices lorsqu'ils habitaient la vallée dont il a été question.
Quand ils furent tous arrivés dans cette contrée et qu'ayant pris possession
des territoires ils eurent posé les limites assignées à chaque tribu, les Mexicains
poursuivirent leur route vers le couchant et, au dire des anciens, ils arrivèrent à
une province appelée Colhuacan (Mexico) et de là ils revinrent encore une fois sur
leurs pas. Combien de temps dura
encore leur pérégrination après leur sortie de
Colhuacan, c'est
ce qu'on ignore absolument. Mais avant leur départ de cette
Ration, on rapporte
que leur dieu leur parla et leur dit qu'ils eussent à revenir
a leur première demeure et qu'il les guiderait
par les chemins qu'ils devraient
suivre. Ce fut ainsi qu'ils revinrent dans ce pays aujourd'hui appelé Mexico,
s°us la conduite de leur dieu. Les stations du parcours où les Mexicains s'arrê-
tent sont toutes signalées par leurs noms dans les peintures anciennes qui
s°nt les annales de
ce peuple. Après avoir erré longtemps, ils furent les derniers
a arr'ver à Mexico. Tandis qu'ils étaient
en route, on refusa de les recevoir
Cn lcn des endroits;
car on ne les connaissait pas et, après leur avoir demandé
678 HISTOIRE DBS CHOSES DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.
qui ils étaient et d'où ils venaient, les habitants les chassaient de leur vin ville.
Quand ils passèrent par les districts de Tullan, ftlçhpoçhco et d'Ecatcpec
i
stationnèrent quelque temps sur la montagne de Ghiquiuhio qui se trouve
peu en deçà A'Ecàtepec. Après quoi, ils arrivèrent ensemble à Chapulterm
A cetteépoque, il y avait en ce district trois chefs-lieux principaux : Az-caputsa(m
Coallichan et Colhuacan; mais il n'était nullement question de Mexico, attendu
que le point où elle se trouve n'était alors autre chose qu'un massif de roseaux
Tandis que les Mexicains étaient à Ghapultepec, les habitants des environs leur
faisaient sans cesse la guerre, et ils les obligèrent à se réfugier à Colhuacan
où ils passèrent quelques années. Us se rendirent de là à l'endroit qu'on appelle-
actuellement Tenochtitlan (Mexico), qui était enclavé dans les limites des
Tepanccaqui formaient les royaumes d'Azcaputzalcoet de Tlacopan aux confins
des sujets de Telzcuco. Us établirent là leur demeure sur un sol envahi par les
roseaux, car tout le reste du district était occupé par ceux qui étaient
arrivés avant eux. Comme d'ailleurs ils se trouvaient sur les possessions des
Tepaneca, ils furent sujets et tributaires de la ville d'Azcaputzalco.
Toutes ces différentes familles se donnent le nom de Clbichimecaet se vantent
de cette dénomination. Cela provient de ce que toutes s'en vinrent errantes
comme des Chichimeca, à travers les pays dont nous avons parlé, pour aboutir
à cette partie-ci du pays. La réalité est cependant que les pays par où ils
passèrent ne portaient point le nom de Chichimeca, mais bien s'appelaient
Tlaollalpan, Tlacoçhcalco et Miçllampa, ce qui veut dire : campagne unie
et spacieuse qui se trouve située vers le nord. Si on les appelle terres de
Chichimeca, c'est parce qu'actuellement elles sont habitées par cette race
barbare qui vit de la chasse et qui ne forme aucun établissement. S'il est
vrai que les Mexicains se disent Chichimeca, ils varient cette dénomination
on s'appelantproprementAtlacachichimeca*, ce qui veut dire pêcheurs provenant
de lointains pays. Les Nahua qui parlent la langue mexicaine * se disent aussi
Ghichimcca, parce qu'ils provinrent des pays susdits où se trouvent les sept
cavernes. Ces Nahua se divisent actuellementen Tepaneca, Acolhuaca, Chulcu,
en habitants de terres chaudes, et en Tlatopulzca qui vivent de l'autre côte
des sierras vers l'orient, comme sont les Tlaxcallecu, les Uexolsitwa, les
Chololleca et beaucoup d'autres encore, qui tous sont armés d'arcs et de flèches.
Les Tolleca aussi s'appellent Chichimeca; les Olomi et les Michuaca se donnent
également cette dénomination; mais ceux qui habitent dans la direction on
le soleil se lève s'appellent Olmeca, Uixtotin,Nonoalcael ils ne se disent nulle-
ment Chichimeca.
CHAPITRE PREMIER
DES QUAnUUPEDES.
Le tigre court et s'agite sur les sierras, à travers les rochers et les précipices
et même dans les eaux des rivières. On le dit le roi des autres animaux. Il est
avisé, prudent et, comme les chats, il a soin de sa personne. Il évite de se donner
de la peine; il répugne à boire trouble et puant et il se tient on grande estime.
Il est. bas de taille et
gros de corps; sa queue est longue, ses pattes larges, son
cou épais. Il a la tète grosse, les oreilles petites, le museau fourni, charnu, plat,
rembruni, et le nez grassouillet. Sa face est élargie et ses yeux reluisent comme
braisé. Ses canines sont longues et épaisses ses incisives séparées, petites et
;
pointues; ses molaires grosses en haut; sa bouche grande; ses griffes longues et
ellilécs. 11 a des griffes aux quatre pattes. Son poitrail est blanchâtre; son poil
d'abord lisse prend des taches avec la croissance, tandis que croissent aussi ses
grilles et ses dents. 11 gronde et mord; ses crocs déchirent. Il grogne et rugit
d ua son cuivré. Le tigre blanc
passe pour être le chef de tous les autres; sa
hliinchcur est très grande. 11
y en a qui sont blanchâtres avec des taches brunes,
el " en existe
une espèce de couleur rougeâlre, tachetée de noir.
Lest le propre du tigre de se nourrir de quadrupèdes, comme "cerfs, lapins
:l"li>s semblables. Il est délicat f.t peu ami de la fatigue 11 sf s^igrio
680 HISTOIRE DES CHOSES
beaucoup et se baigne. Il voit pendant la nuit les bêtes qui sont l'objet do
«
chasses. Sa vue porte très loin. Quoique l'obscurité règne et qu'il y ait deP
brume, il aperçoit les plus petits objets. Il ne fuit point à l'aspect du chassée
armé de l'arc et de la flèche. Il s'asseoit en le regardant, sans prendre le soin d
s'abriter avec n'importe quoi, et il se met à grogner. Il prend cette attitude
pour inspirer la crainte au chasseur et lui faire perdre contenance avec son
grognement saccadé. Mais celui-ci tire sur lui sans tarder. Le tigre prend avec
sa griffe la première flèche qui est en roseau et la brise sous sa dent. H com-
mence à rugir et il reçoit de même une seconde flèche. Les chasseurs étaient
convaincus qu'ils ne devaient pas lui lancer plus de quatre traits. Tel était le
préjugé dont ils s'étaient fait une habitude. Si les quatre flèches ne réussissaient
pas à le tuer, le chasseur se tenait pour vaincu. Le tigre alors s'étend de son
long, se secoue et se lèche. Gela fait, il se replié et s'élance comme en volant sur
le chasseur et, la distance fût-elle de dix ou quinze brasses, il ne fait jamais
qu'un seul saut, hérissant son poil comme un chat devant le chien. 11 lue
aussitôt sa victime et la mange. En voyant que le tigre accueille la première
flèche et la met en morceaux, les bons chasseurs prennent une feuille de
chêne et l'appliquent sur la seconde flèche. Us tirent. La feuille fait du bruit
comme le vol de la sauterelle. Elle tombe à moitié chemin ou aux pieds du tigre
qui s'en amuse. Mais la flèche suit son parcours ; elle arrive à son but et traverse
le fauve qui fait un bond en l'air, retombe à la même place, se rasseoit comme
auparavant et meurt assis, les yeux ouverts, de telle sorte qu'on le dirait
vivant encore, bien qu'il soit déjà mort.
Lorsque le tigre chasse, il fixe d'abord sa proie et la fascine par son attitude.
Sa chair a mauvais goût et est très échauffante.
Il y avait une classe de gens dont l'assassinat était le métier. On les appelait
nonotzalique1. Ils possédaient l'audace et l'adresse qu'il faut pour le meurtre. Ces
hommes-là portaient toujours sur eux des morceaux de peau de tigre pris sur
le front et la poitrine de l'animal, ainsi que l'extrémité de sa queue, ses grilles,
son coeur, les crocs et le museau. On croyait que cela les rendait forts, hardis et
redoutablespour tous. Tout le monde en avait peur, en effet, et ils ne craignaient
personne, confiants dans ces restes du tigre qu'ils portaient sur eux. On leur
donnait aussi le nom de pixeque teyolpachoanime.
Le .loup cervier est appelé tlacoocelotl et tlacomiztli*, parce qu'il est petit,
de la taille d'un chat. Il est gris; il a des griffes et porte des taches noirâtres
comme le tigre.
Il y a dans ce pays un quadrupèdeappelé tlacaxolotl. Il dépasse la taille d'un
grand boeuf. Sa tête est large, son museau s'allonge; il a de grosses oreilles;
ses dents et ses molaires sont très fortes et elles ont la forme des dents de
l'homme. Son cou est gros et fourni, ses pieds très développés et ses sabots
comme ceux d'un boeuf, quoique un peu plus grands. Il a la croupe large et la
queue grosse et longue. Sa couleur est roussâtre comme celle d'un boeuf; sa peau
est épaisse et sa chair est bonne à manger. Celle-ci a, dit-on, le goût réuni de
i
mande l'assistance de trois ou quatre do ses camarades pour mieux le terrifier,
, jj ;oue ce
tour indifféremment de jour ou de nuit.
Ce quadrupède a quelques qualités recommandables, entre autres
celle d'être
.^connaissant. De nos jours il arriva un fait digne d'être conté, à propos d'un
'ndividu de cette espèce. Un voyageur faisant route aperçut un de ces animaux
nui lui faisait signe avec sa patte pour qu'il s'approchât de lui. Tout surpris de
CP]a il se décida à s'en
approcher et, quand il en fut à peu de distance, il vit un
serpent entortillé à son cou, la tête sous son aisselle et le serrant avec violence.
C'était l'espèce qu'on appelle cincoatl '. Le voyageur témoin de ce spectacle se
dit à lui-même : « Auquel des deux donnerai-je mon aide? » Et il se détermina
à secourir le quadrupède. 11 prit une houssine et en porta des coups à la
couleuvre qui défit ses replis, tomba à terre et s'en alla se cacher sous l'herbe.
Le quadrupède prit également la fuite. Peu de temps après, il se retrouva sui-
tes pas du voyageur dans un champ de maïs. Il portait à la gueule deux
coqs saisis par le cou, qu'il plaça devant l'homme qui venait de le délivrer du
serpent, en lui faisant un signe qui paraissait lui dire de les prendre. Il se plaça
ensuite derrière lui et se mit à le suivre jusqu'à ce qu'il fût arrivé à sa maison.
S'en étant assuré, il alla chercher une poule et l'apporta à son domicile ; il y
porla un coq deux jours plus tard.
Ce quadrupède mange de la chair crue, des épis de maïs secs et verls,
des tiges de cannes, des poules, du pain et du miel. On le prend au piège, au
panneau ou au lacet. On lui lance aussi des flèches et on le prend sur les
magueys lorsqu'il va y boire la sève.
Il y a dans le pays un autre animal de cette espèce qu'on appelle cuitlachcoyotl '.
Il ressemble en tout au précédent, si ce n'est qu'il a le poil de l'ours. Sa nuque
est grosse et très poilue. Son poitrail a des touffes de-poils qui se répètent sur
sa l'ace et la rendent effrayante.
Il existe encore un autre quadrupède de la même espèce qu'on nomme
uzcacoyoll 5. Il a les propriétés des précédents et, en outre, il est dans l'habitude
de s'asseoir sur les fourmilières; c'est même ce qui lui a fait donner le nom
iïtucacoyolL Quand il hurle la nuit, il pousse alternativement et presque en
même temps des sons graves et aigus.
Un autre de cette espèce est appelé llalcoyoll >. Il a les caractères des précédents,
mais il n'habite pas comme eux les montagnes; il s'établit près des habitations.
Quelques personnes le prennent pour un renard. Il mange des poules, des fruits,
'les épis de maïs, des bêtes mortes et des reptiles.
11 existe
un autre quadrupède qu'on nomme ocolochlli* qui habile les bois
°t vil au milieu des rochers. Il a le corps rondelet et la taille d'un chien
basset. Son poil est gris
sur le dos et blanc sous le ventre avec de petites taches
noires clairsemées. Il a la tète rondo et les oreilles petites comme le chat,
1. De ozlotl, caverne.
2. Mapachtliou mapach, qui a des mains (maitl); — ciuatlamacazqui,de ciuatl, femme,
et tlamacazqui, prêtresse ; — tlamalon, diminutif de tlama, vieille.
3. C'est le pécari ou sanglier d'Amérique. Il habite surtout les pays montagnes .
boisés ; de là son nom de quauhcoyametl ou sanglier des bois (quauitl):
|DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 685
longues et rudes et les pieds comme nos porcs. On se sert de
II a les soies
on
poil pour fâ^re des Grosses, comme, en Espagne, des soies de cochon. Cet
animal mange des glands nommés quaulwapulin ', du maïs, des haricots, des ra-
i-'nes et des
fruits, comme nos porcs, et, comme d'ailleurs il lui ressemble, on a
rjs phabitude d'appeler peçotli la race venue d'Espagne, attendu que les individus
de celle-ci sont
gloutons ou peçotli, comme l'animal dont nous parlons.
Il y aplusieurs variétés d'écureuils dans ce pays. Les uns sont grandelets, allon-
gés, de couleur brune. Ils ont le poil doux, les oreilles petites et fines, la queue
touffue avec le poil plus dur se terminant par une couleur noirâtre. Us mangent
toute espèce de choses, du pain, de la viande, du fruit, n'importe quoi enfin. Lors
même qu'on y veut mettre obstacle, ils n'ont point peur et n'abandonnentpas leur
proie. Us se dissimulent pour voler et manger ce que l'on a voulu conserver;
aussi appelle-t-on les voleurs techalotl. Le cri de cet animal est vif et aigu.
Il en est d'autres qui vivent sur les montagnes et sur les arbres. Us se nour-
rissent de pignons, des bourgeons tendres et des vers qui s'y trouvent renfermés.
Ils ont même l'adresse de les ouvrir et d'en retirer le contenu.
11 y a une autre variété d'écureuils appelée tlaltechalotls, et on les nomme ainsi
parce qu'ils fréquentent les champs de maïs et viventdans les cavernes, au milieu
des pierres, où ils élèvent leurs petits comme les taupes. Us font grand mal aux
champs de maïs.
Il y a un autre petit animal appelé motolli. Il est de couleur brune. Il a la queue
longue et blanchâtre et le poil très doux. 11 se nourrit de tout ce que mangent les
écureuils.
11 y a une autre petite bête qu'on nomme moloyauiU5. Elle ressemble à la pré-
cédente et est de la même espèce. Elle est de couleur gris foncé, comme les
rats, et habite sous terre comme eux.
§> 4. — De ce petit animal qui s'appelle tlaquatzin, qui est porteur d'une bourse
où il met ses petits et dont la queue est très médicinale.
U tlaquall ou tlaquatzin, de la taille d'un chat ou
existe un petit animal appelé
un peu moindre. U est gris foncé; son poil, long et très blanc, tombe dans la vieil-
lesse. Il a le museau long et mince, parsemé de taches; les oreilles petites, la
queue longue et pelée. 11 demeure dans les champs de maïs, entre les pierres, où
il forme
sa tanière et élève ses petits. Il est porteur d'une poche placée entre son
ventre et sa poitrine, et dans laquelle il place ses petits. Us y tètent et la mère les
transporte ainsi où elle veut. Ce petit quadrupède ne sait ni mordre, ni griffer, ni
faire un dommage quelconque quand
on le prend. Si l'on s'en saisit à la chasse,
'' «rie et pleure, les larmes lui sortent des yeux comme il arrive aux hommes.
Le lièvre a les jambes longues et bien faites, le poil et les ongles rougeâtres, le
corps long, le cou allongé, les oreilles pointues, longues, larges et fortement creu-
sées. Son museau est rond et court; son poil, noirâtre à la pointe, devient blanc
à la base; il n'est ni trop long ni trop court et il est médiocrementlisse. Cet ani-
mal est très agile; il court très vite; il fend l'air comme une flèche. Il a la queue
courte, le poitrail blanc, le crottin comme des grains de maïs, Sa chair est bonne
à manger.
Le lapin est un peu moins grand que le lièvre. Il creuse son trou et il y fait un
lit pour ses petits. U les cache en des lieux secrets. Sa chair est très bonne.
La belette est mince; elle a la queue longue, le museau tacheté, le poil rous-
sàtre et le poitrail blanc. Elle mange des rats, des vers et des poules dont elle
suce le sang par le cou. Sa fiente exhale une très mauvaise odeur. Elle aime
surtout les poulets et les oeufs qu'elle mange volontiers. Elle cherche les
poules quand elles couvent leurs oeufs pour les dévorer. Sa chair n'est pas bonne
à manger.
U y a dans ce pays un animalqui exhale une puanteur grande et persistante.
Il est de la taille d'un chat ; son poil est long et noirâtre. Sa queue est touffue.
Il est bas de corps; ses oreilles sont petites et pointues, son museau mince. H
habite entre les pierres et dans les trous. Il y élève ses petits. Il vit de scara-
bées et de vers et surtout de petits escarbots qui volent. Il tue volontiers les
poules et en mange les oeufs comme la belette. Lorsqu'il est rassasié, il con-
tinue à tuer les poules, il n'en mange que les têtes et laisse les corps morts éten-
dus sur le sol. Son urine ou sa fiente a une odeur épouvantable; on dirait une
chose infernale et pestilentielle. Il en arrose un grand espace. Si quelqu'unveu
le prendre, il lève la queue et asperge l'imprudent avec sa déjection. Là où ce-
saleté a touché les vêtements apparaît une tache jaunâtre qui ne peut jamais s ci
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 687
;0I-
Si cette matière tombe dans les yeux, on devient aveugle. La chair de cet
limai guérit les vénériens et les goutteux qui en mangent.
i| y a beaucoup de singes on de sagouins dans ce pays. Us habitent les parties
yjliiauac qui sont situées à l'orient de Mexico. Ces animaux sont ventrus. Ils
•
<5 6. — Des cerfs et des différentes espèces de chiens que ces indigènes élevaient.
§ %.
— Des souris et autres animaux semblables.
Les souris sont de diverses espèces et portent des noms différents. On les
appellequimichin, c'est-à-dire souris; tepanchichi', ce qui signifie petits chiens
de murailles; tepanmamalli2, ce qui veut dire perce-murailles, et caloeoch'',
c'est-à-dire casanier. Les sourissont de couleur cendrée, de poil ras, d'un gris foncé
sur le dos. Leur corps est allongé, la queue longue et le museau pointu. Elles
mangent nos comestibles: du maïs, du piment, du cacao moulu, des amandes, du
pain, toute sorte de fruits et, en un mot, tout ce que nous mangeons nous-mêmes.
Elles rongent tout, à tout elles portent préjudice. Elle font leur nid avec de la
paille menue et d'autres substances molles. Elles rongent les vêtements, les
mantas et les plumes riches et tout ce que l'on conserve dans des coffres. Elles
volent des pierres précieuses et les vont cacher dans leurs trous. Rien n'échappe
à leur destruction, quelque bien gardé qu'on le suppose. Leur nom fut appli-
qué, pour ce motif, à ceux qui espionnent, écoutent ce qui se dit et se livrent à
d'autres manoeuvres pour aller raconter ailleurs ce qu'ils ont appris. On les appelle
quimichtin* ou sourisiers, d'où l'on a fait quimichin, pour dire : « Les souris
m'ont raconté en secret ce que faisaient et disaient mes ennemis, parce qu'elles
ont envoyé des espions pour voir leurs actes et écouter leurs paroles. » On prend
les souris avec des chats vivants et des chats en bois, ainsi qu'avec une plante
appelée quimichpatli.
Il y a des rats d'eau qui savent nager et traversent l'eau à la nage ; ils sont
gros, ont la queue longue et de la même couleur que les autres rats. U en est
d'autres qui vivent dans les bois et qui sont fort gros. H en est aussi qui vivent
dans les champs de maïs. Ceux qui habitent les maisons s'appellent calqui-
michlin 6. Ceux qui habitent les domiciles et qui ont de très petits yeux se nom-
ment lecoconton ou tecocon. Ceux qu'on appelle uicacotl ont la queue longue et
le corps mince et allongé.
U existe ici une'sorte de petits animaux semblables à des rats ou à des taupes
sans être aveugles. Us vivent sous terre, dans les champs de maïs. Us se nourris-
sent de cette plante et de haricots. Ils en volent autant qu'ils peuvent et, après
s'en être rassasiés, ils cachent le reste dans leurs trous. Us ont deux abajoues
comme les singes. Us les remplissent du produit de leurs larcins, l'apportent ainsi
dans des excavations pratiquées à cette fin et ils le mangent ensuite
peu à peu.
CHAPITRE II
DES OISEAUX.
1. Le quelzallototl est un oiseau grimpeur, assez bien décrit par Sahagun et inscrit daim
la nomenclature moderne sous le nom de logon pavoninus. Hernandez dit à son propos:
Honduras
« Vivunt in provinciâ Tccolollan ultra Quauhtcmallan tendentibus in vocatas
ubi magnâ cura cavetur ne quisquam cas occidat aves. Tantûm licet cas plumis exuere, ac
statim dimittere, nec omnibus sod solis dominis ; sunt enim opimorum proediorum loco, ac-
transeunt ad haîredes. » Ce précepte qui tendaitaménagerla vie de ces précieux volailles
n'aura sans doute été suivi que d'une manièrebien imparfaite, car le quelzal n'existe plus
dans les provinces méridionales du Mexique, et nous ignorons à quel point on en troutc
encore dans les pays limitrophesau sud de cette République.
Leur nombre no dut cependant pas être peu considérable dans les temps passés, car w
vêtements ornés de leur plumage n'étaient pas d'une extrême rareté. Comme d'aiilo"-»
les plus belles plumes qui excitaientla convoitise étaient celles de la queue et que l'oisca'
n'en avait que deux principales,plus longues que les autres et exceptionnellement brillai' u
par leur coloris, il faut croire qu'à une certaine époque le quelial n'était pas rare, car
ornements qui étaient embellis,par ces longuesplumes de sa queue figuraient on gr
nombre dans les l'êtes principaleset dans les réunions d'apparat.
2. De quetzalli, plume riche, précieuse, ci uitstli, pointe.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 691
Tccolotlan 1 vers Honduras. Us vivent dans les épais fourrés et font leurs nids
sur les
arbres pour y élever leurs petits.
H y a dans ce pays un oiseau appelé tzinitzcan ou teotzinitzcan. Il a le plu-
mage noir, et
il vit dans l'eau. Les précieuses plumes dont il est porteur poussent
sur son
poitrail et sous les ailes. Elles sont moitié brun, moitié vert brillant.
Un autre oiseau, appelé tlauhquechol ou teoquechol 3, vit dans l'eau et
ressemble à un Canard. H en a les pieds élargis et rougeâtres. Son bec est rouge
également et imite l'instrument que les apothicaires appellent spatule. Il porte
un toupet rouge ;
la poitrine, le ventre, la queue, le dos et les ailes sont aussi
d'un rouge très fin. Le bec et les pattes sont quelquefois jaunes. On dit cet oiseau
le prince des hérons blancs, lesquels viennent se joindre à lui partout où ils le
voient apparaître»'
Il y a un autre petit oiseau à plumes riches qu'on appelle xiuhquecholz. Il a le
plumage vert comme l'herbe, avec des ailés et la queue bleues. Il habite
vers les parties du pays appelées AnaUac, c'est-à-dire à l'orient de Mexico, vers
la mer du Sud.
Il existe un autre oiseau du nom de çaquan. Son bec.pointu est recouvert de
plumes rouges. Son plumage est fauve par tout le corps, excepté à la queue qui
a des plumes jaunes très fines et très brillantes, recouvertes par d'autres de
couleur noire. Quand il vole, sa queue s'épanouit. On voit apparaître les plumes
jaunes qui, en se mariant, avec celles qui sont noires, forment comme des
rafales de feu sur or. Us vivent sur VAnauac.
Il y a un autre oiseau appelé ayoquan qui habite les montagnes de Cuextlan*
et de Michuacan. Il a le bec noir et pointu et son plumage de la même couleur,
excepté à la queue, laquelle se compose de plumes moitié blanches et moitié
noires.
Il y a un autre oiseau appelé ayoquan qui vit dans l'eau et que tous les autres
oiseaux aquatiques entourent
comme s'il était leur prince. Son bec est jaune et
les coudes de
ses ailes sont verts, tandis que les grandes plumes et celles de la
queue sont moitié blanches et moitié vertes. Le plumage de tout le reste du
corps est vermeil et presque rouge.
II existe un autre oiseau du
nom de ehalchiuhtototlB qui habite les montagnes
de Pcquena. Il
a le bec pointu, la tête et la queue de couleur verte plus
foncée aux ailes. Sous l'aile et
sur tout le corps le plumage est d'un bleu clair.
" y a un autre oiseau appelé xiuhtotoll qui habite les provinces d'Anauac vers
•a mer du Sud
dans les villages de Tecpatlan, Tlapilolollan et Oztotlan. Il est
( e la taille d'un geai. Son
bec est noir et pointu, les plumes du poitrail brunes,
celles du dos bleues
et cette dernière couleur devient plus claire sur les ailes. Les
P «mes de la
queue offrent un mélange de vert, de bleu et de noir. On chasse
es mseaux en octobre,
au moment de la maturité des prunes. On les tue alors
Il y a une très grande variété de perroquets dans ce pays. Celui qu'on appelle
toznene* a le bec jaune et recourbé, à la manière des éperviers; sa tète est
rouge. Il habite la province qu'on appelle Cuextlan. Lorsque ces oiseaux sont
petits et encore dans leurs nids, ils ont le cou, la queue et les ailes de couleur
verte. Les petites plumes qui couvrent les grandes des ailes sont d'un vert
jaunâtre, tandis que celles du poitrail et du ventre sont d'un, jaune foncé. On
les appelle xolotl. Les plumes des ailes et de la queue sont bordées de rouge.
Ces oiseaux font leur nid au sommet des rochers escarpés et sur les branches
des arbres. Us y pondent leurs oeufs, font éclore leurs petits, et c'est là qu'on vu
les prendre pour les apprivoiser.
Il est une autre espèce de perroquets qu'on appelle toztli. Ils ressemblent
aux précédents, lorsque, devenus grands, ils sont habitués à voler et aptes à
former de la famille. Us ont alors les plumes jaunes et brillantes. Plus ils
augmentent en âge et plus ils jaunissent. C'est pour cela qu'on les appelle tozlli,
ce qui signifie chose très jaune.
Il y a une autre espèce qu'on appelle alo. Ce perroquet habite la province de
Cuextlan ; il vit sur les hauteurs des montagnes et des rochers, et il élève ses
petits dans d'épais fourrés. Il se laisse apprivoiser. Il a le bec jaune et recourbé
commele faucon. Ses pattes et ses jambes sont calleuses; sa langue est rugueuse,
dure, arrondie et noirâtre; ses yeux sont à la fois rouges et jaunes; le
poitrail et le ventre sont jaunâtres; le dos est brun; les plumes de la queue et
des ailes sont d'une couleur vermeille presque rouge. On appelle ces dernières
Il y a dans ce pays une grande variété de canards qui vivent dans l'eau et so
nourrissentde poissons, d'insectes, de vers et d'autres habitants aquatiques. Il y
a une espèce qu'on appelle concanauhlli*. Ils sont grands, ont les jambes courtes
et la couleur cendrée. Leur bec et leurs pattes sont élargis. Us habitent les la-
gunes. Us font leurs nids au milieu des souchets, y pondent leurs oeufs, les couvent
et y font éclore leurs petits. C'est le plus grand des canards.
U y a d'autres canards qui s'appellent canauhtli. Us ont le poitrail et le ventre
blancs et le corps grisâtre, avec des plumes d'un vert foncé aux ailerons. Ils sont
de taille moyenne, un peu plus petits que les précédents. Le bec est large et noir,
ainsi que le dos. Us ont aux ailes des plumes à gros tuyaux et d'autres simulant
un coquillage.Ils sont munis d'un duvet fin comme du coton.
Il y a d'autres canards qui portent sur la tête un plumage vert foncé très bril-
lant. En tout le reste, ils sont comme les précédents. Tous ces oiseaux sont bons
à manger.
Il y a dans ce pays beaucoup d'oies sauvages auxquelles on donne le nom de
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 697
•
Ue ail,eau, et eoyoll, chacal, sans doute à cause de la couleur de son plumage.
*• De ail, eau, et cilli, lièvre.
• "e Unlti, lèvre, bec, et xtztli, obsidienne.
698 HISTOIRE DES CHOSES
ses plumes noires, les plumes des ailes petites, le corps arrondi, la queue courte
les pattes semblables à celles de la palombe. Il a trois becs l'un sur l'autre avec
deux bouches et deux langues, qui toutes deux appréhendent l'aliment; mais il
n'a qu'un seul gosier pour avaler. On augure que celui qui prend cet oiseau
à la chasse doit mourir, de même que tous ceux qui partagent sa demeure
Aussi l'appelait-on oiseau de. mauvais augure. Il se nourrit de moucherons nui
vont sur l'eau et de fourmis qui volent. Sa chair est bonne à manger.
-
Un autre oiseau aquatique s'appelle quapetlauac ou quapetlanqui ', ce qui veut
dire « tête sans plume », comme l'oiseau qu'on nomme axoquen. Ce doit être un
héron. Il a, comme le dindon, la tête chauve; ses griffes sont rouges, son cou
long, son bec gros, rond, noir et allongé et légèrement recourbé en arc. Les ailes
et tout le corps sont cendrés, les ailerons noirs et la queue courte. Il vient à
cette lagune en même temps que les autres. C'est un oiseau qu'on voit rarement
et il est de mauvais augure. Lorsqu'on en prenait un à la chasse, c'était le signe
que quelque seigneur ou haut personnage devait mourir, ou qu'on devait
attendre un mauvais résultat si on allait en ce moment en guerre. Les chasseurs
savaient par expérience que quelque malheur public devait arriver, lorsqu'on
s'emparait à la chasse de cet oiseau. Il se nourrit de poissons et d'autres animaux
aquatiques. Sa chair est très bonne à manger.
Il y a un autre oiseau d'eau qu'on nomme quatezcall^, ce qui veut dire « tètode
miroir ». Il arrive à cette lagune à la même époque que les autres. Il a la taille
d'une palombe et il possède comme un miroir arrondi autour duquel surgissent
de petites plumes de couleur cendrée. Le bec est rond et court, le poitrail et le
dos bleus, ainsi que les ailes et la queue; mais le duvet devient blanc en
approchant de la peau. Les pattes sont jaunes. Il est bon nageur et, quand il
plonge, on voit sous l'eau quelque chose comme une braise qui brille. On tenait
pour mauvais augure l'apparition de cet oiseau, car on disait que c'était un signe
de guerre. Celui qui s'en emparait à la chasse connaissait en regardant
dans la glace s'il devait être captif parce qu'il s'y voyait porté par l'en-
nemi ; tandis que s'il devait être victorieux il s'y apercevait capturant un
adversaire.
Il y a un autre oiseau d'eau qu'on nomme tolcomoctli et ateponaztli*. 11 a la
taille d'un chapon de Castille, la tête noire, le bout des plumes et le bec
jaunâtres, ainsi "que le poitrail, les ailes, la queue et les pattes. On l'appelle
tolcomoctli à. cause de sa voix retentissante, et ateponaztli, parce qu'on dirait
entendre le son de cet instrument. Cet oiseau demeure toujours sur cette lagune
où il se multiplie en pondant quatre ou cinq oeufs au milieu des souchets. Les
pêcheurs et les chasseurs d'eau augurent de son chant s'il doit ou non pleuvoir
et si la pluie sera rare ou abondante. Lorsqu'il chante toute la nuit, c'est le
signe, dit-on, que les pluies approchent, qu'il pleuvra beaucoup et que le poisson
sera abondant. Ils devinent qu'il pleuvra peu et que le poisson sera rare, en
voyant que l'oiseau chante peu, par intervalles de trois jours ou davantage-
ce nom parce qu'il a de très belles plumes vertes. C'est un canard et il porte
ce beau plumage sur la tête et autour de ses yeux. Les plumes cependant
deviennent d'un jaune foncé vers le milieu de la tête, et le bec est noir et large,
le cou d'un jaune foncé. Il porte aux ailes des plumes d'un vert éclatant; mais
ces mômes ailes, le dos et la queue sont cendrés ; le poitrail est blanc et les
pattes qui sont larges prennent une couleur d'un gris rougeâtre. Cet oiseau ne
fait pas son nid par ici. Sa chair est bonne à manger.
Il existe un autre oiseau aquatique appelé melzcanauhlli", ce qui veut dire.
« canard qui porte sur sa face une demi-lune formée de plumes blanches ». Elles
deviennent cendrées
vers le milieu de la tête, ainsi que sur le dos et la queue,
"n peu comme la caille. Il a aux ailes des plumes de trois couleurs. Les
blanc; les pieds sont noirs et larges. Il ne se reproduit pas par ici; mais en des
endroits fort éloignés. Il nous arrive en bandes. Sa chair est bonne à manger et
elle n'a aucun goût de poisson comme d'autres oiseaux aquatiques.
Il yaun autre oiseaud'eau appelé xalquani*, c'est-à-dire t qui mange du sable »,
parce qu'en effet il est dans l'habitude d'en consommer. Rarement il y ajoute
quelques plantes aquatiques. Il est de la taille des canards de Gastille, peut-être
un peu plus
petit. Il porte des plumes blanches sur la tête et des:plumés vertes
très luisantes sur les tempes. Son plumage est sur le cou comme celui de la
caille; il est cendré sur le dos, blanc au poitrail et gris foncé à la queue. Il a
autour de celles-ci des plumes blanches. Ses ailes sont argentées et les six plus
grosses pennes sont noires. Les ailerons sont fauves et les pieds noirs et larges.
Il ne se reproduit point par ici ; il nous arrive par bandes pendant l'hiver. Sa
chair est très bonne à manger.
Il y a un autre oiseau aquatique qu'on nomme yacapitzauac, et nacaztzone2.
Son premier nom vient de ce qu'il a le bec mince. Il s'en sert comme arme
offensive. Il plonge presque toujours. On l'appelle nacaztzone parce qu'il à de
longues plumesfauves sur les tempes tout'autour des oreilles. Le milieu de la tête
est d'un gris foncé. Ses yeux sont luisants comme braise. Le cou et le dos sont
d'un noir cendré et le poitrail est blanchâtre. La queue est petite et cendrée
également; les ailes sont noires avec des plumes blanches par-dessous. Les pattes,
qui ressemblent à celles de la poule, possèdent des doigts un peu larges. Il ne
fait pas son nid par ici; il se reproduit ailleurs. Il se nourrit de ses propres
plumes; quelquefois il mange du poisson, mais il n'en prend pas le goût comme
d'autres oiseaux et il est très bon à manger.
Il y a un autre oiseau d'eau appelé Izonyayauhqui*, et on le nomme ainsi
parce qu'il a la tête jusqu'au cou noire comme du charbon. Ses yeux sont jaunes,
le cou et le poitrail très blancs, le dos gris foncé; la queue qui est courte est de
cette dernière couleur. Le ventre est noir et de chaque côté à la base de la
queue il a quelques plumes blanches; les pieds sont noirs et larges. Il ne se
reproduit point ici, mais dans des parages éloignés. Il en arrive beaucoup
Je bandes à cette lagune. Il vole et il mange les grains dans les silos et
se
nourrit aussi de fèves. Il engraisse beaucoup et il est fort bon à manger.
Il existe un autre oiseau d'eau appelé çolcanauhtli*, ce qui veut dire canard
«
do la couleur de la caille
», parce qu'il a les plumes comme celle-ci. Il est de la
taille du canard du Pérou. Les ailerons seulement sont blancs,
son bec est large
°t les pieds sont noirs. Il se nourrit d'herbes aquatiques et de lentilles d'eau.
" ne se reproduit point sur cette lagune. Il vient par bandes de fort loin. Il est
y
fort bon à
manger.
Un autre oiseau d'eau s'appelle chilcanauhtli*. Ce
nom lui vient de ce
P il a la tête, le poitrail, le dos et la queue de la couleur du chilli fauve. Ses
1- De xalli, sable, et quant, mangeur.
Yacapitzauac ou bec (yacall) éfilé [pilzauac);
2.
nacaztzone, qui a des cheveux ou
"es plumes (Izonili) —
3. De tzontli,
sur les oreilles (nacailli).
chevelure, tête, etyayauhqui ou yayaclic, brune, noire.
*• ne colin, caille, et canauhtli, canard.
Dophilli, piment, et canauhtli, canard.
702 HISTOIRE DES CHOSES
yeux et ses ailes sont argentés; le bout des ailerons est mêlé de blanc et
de jaune. Son ventre est noir et ses pieds Sont rouges. Il se nourrit do
poissons. Il ne se reproduit point par ici; il va faire son nid ailleurs
et
retourne ensuite parmi nous. Il en vient beaucoup sur cette lagune. Il est bon
à manger.
Il y a un autre oiseau d'eau appelé chalalactli. Ce nom lui vient de ce
que
son chant dit : chacha, chuchu, chala, chala, chola, chola. Il a la taille d'une
sarcelle. Cet oiseau ne fréquente pas la grande lagune, parce qu'il n'aime pas
l'eau salée. Il est toujours sur le lac d'eau douce, et il habite aussi dans les
ravins. Il ne se tient pas sur l'eau, mais sur les branches des arbres, et de là
il s'abat sur la lagune pour y prendre la proie dont il se nourrit et qui consiste
en poissons et grenouilles. Sa pêche étant faite, il retourne à son arbre pour
avaler ce qu'il a pris. Il porte sur la tête une huppe cendrée. Ses tempes sont
blanches; son bec est noir, rond et pointu et le cou allongé. Les plumes du
cou sont mêlées de blanc et de noir. Le poitrail est blanc, la queue d'un gris
foncé est petite.. Ses ailerons sont blancs, mais les ailes sont d'un gris
foncé. Ses pattes sont noires et larges. II habite toujours parmi nous; il
y fait son nid, sans qu'on sache où il le place. Cet oiseau, est rare et bon à
manger.
Un autre oiseau aquatique porte le nom de yacapatlauac1. C'est un canard,
On l'appelle ainsi parce qu'il a le bec long et aplati vers la pointe. Il est de la
taille des plus gros canards. Lorsqu'il arrive à la lagune, tout son plumage
est gris. Il mue deux fois, dont la dernière coïncide avec son départ. Delà
tête à la naissance des ailes, la plume est noire et luisante;' l'oeil est jaune,
le poitrail blanchâtre, le dos cendré, la queue moitié blanche, moitié noire,
l'aileron argenté. Les grandes plumes sont d'un vert éclatant avec le bout noir,
et les six premières pennes cendrées, tandis que le ventre est fauve et les pattes
rouges. Il ne fait point son nid par ici, mais bien loin de nous. Il est bon à
manger et très abondant.
Il existe un autre oiseau d'eau qu'on appelle oactli; c'est un canard. On
l'appelle ainsi parce qu'il dit oac, oac, en chantant. Il a la taille d'un coq. Un
autre encore qui s'appelle pipitztli V
Un autre aussi qu'on nomme acachichictli, parce qu'il dit en chantant
acàchichic. Il se tient au milieu des souchets et des joncs. Son cri indique au
pêcheur qu'il va faire 'jour, parce qu'il est dans l'habitude de chanter un peu
avant que la lumière paraisse, et aussitôt les cris des autres oiseaux aquatiques
lui répondent. Il ne sort pas de cette lagune et il est bon à manger.
et toutes espèces d'oiseaux qu'il emporte de toutes parts dans les airs et il les
mange.
Il y a aussi dans ce pays des aigles pêcheurs qui ressemblent beaucoup au
précédent, à cela près que la couleur dorée de leurs plumes n'est pas aussi -pro-
noncée. Ils ont le bec noirâtre, le poitrail, le dos et les ailes noirs; la queue
un peu tachetée, à la manière du faucon, est de la longueur de l'avant-bras.
Leurs serres -sont d'un jaune verdâtre. Ils visent les poissons dans l'eau, des
hauteurs de l'air où ils planent et, quand ils veulent s'en emparer, ils se préci-
pitent sur l'eau et saisissent le poisson dont ils désirent se nourrir. Ils le
prennent avec leurs serres sans recevoir aucun dommage et c'est en volant qu'ils
lo mangent.
H y a dans ce pays des aigles qu'on appelle mioecoaquaulitli 5. Ils ne sont pas
si grands que les précédents leur taille est celle de la poule mexicaine. On les
;
appelle ainsi parce qu'ils portent sur la nuque deux paires de plumes longues et
dirigées vers le haut. Aucun autre oiseau n'en de pareilles. Ea tête est noire
a ;
une raie blanche la traverse à la hauteur des yeux; le bec est jaune et recourbé ;
en général, toutes les plumes sont noires avec un reflet de jaune foncé. Les pieds
so»t jaunes également. Cette espèce est très abondante et très- chasseresse.
ouïes les espèces d'aigles font leurs nids sur les hautes montagnes, au milieu
des rochers les plus escarpés,
presque inaccessibles. Voici comment le chasseur
sc co,,duit pour s'en
emparer. Il se couvre la tête avec un panier d'osier ou de
euilles de palmier. Ainsi déguisé il
commence à escalader le rocher. Quand il
approche de l'endroit où l'aigle
se tient, celui-ci s'abat sur lui et prend le panier
•
'-est aussi le nom des tessons ou débris de vase.
Do tisfjï^ obsidienne, noir,
• et çîtau/i(K, aigle.
•
Uc mixcoatl, tourbillon, etftuau/irtt, aigle.
704 HISTOIRE DES CHOSES
avec ses serres. Se persuadant que c'est l'homme qu'il tient, il l'emporte fort
haut dans les airs, le laisse tomber et le suit dans sa chute en déchargeant sur
lui des coups d'ailes. Pendant ce temps le chasseur lui prend ses petits et
disparaît avec eux. Tous les aigles se nourrissent de la chair provenant de leur
chasse et jamais d'une autre.
Il y a un autre oiseau qui est de la famille des aigles et leur ressemble 11
est gris ; les plumes de ses ailes et son bec sont recourbés.
Il y a un oiseau qu'on appelle oactli; il ressemble à celui qui porte le nom
de cozcaquauhtli. Il a des manières de crier qui sont de bon ou de mauvais
augure. Quelquefois il dit et répète souvent yeccan, yeccan. Quand il rit il fait
a, a, à, et cela, surtout, quand il se voit en présence de son manger.
Il y a dans ce pays des oiseaux que l'on appelle communément auras '. Ils
sont noirs et leur tête est laide. Ils vont par troupes et se tiennent généralement
deux à deux. Ils mangent de la charogne. On les voit partout et ils assiègent
les villes et les villages.
Il y a aussi des hiboux semblables à ceux d'Espagne et qui crient comme eux.
On voit égalementdans ce pays des chats-huants comme en Espagne et qu'on
nomme mecatecolotl 2. Il y a aussi des corbeaux comme les nôtres. On les appelle
calotl ou calli ou cacalli. On y voit également des corbeaux marins ou aquati-
ques comme ceux d'Espagne.
Il y a dans ce pays un oiseau qu'on appelle pipixcan. Il est blanc, de la
taille d'une palombe et il vole très haut. II. se reproduit vers les terres mari-
times et il vient par ici à l'époque de la récolte du maïs. On voit égalementdans
ce pays des éperviers semblables à ceux d'Espagne, fort bons' chasseurs, qu'on
appelle tlotli; ainsi que des autours, pareils aux nôtres, qui chassent des lapins
et qu'on appelle tloquauhtlis. Des sacres se mêlent aux précédents.
Il y a dans le pays une espèce de faucon qui va par paire, mâle et femelle. La
femelle est plus grande et chasse mieux. Elle n'a pas pour habitude de poursuivre
sa proie à coups d'ailes, mais de la prendre avec ses serres et de boire le sang
par une ouverture faite à la gorge. Lorsque ce faucon veut manger la chair de
l'oiseau dont il s'est emparé, il plume tout d'abord le point par lequel il doit
l'entamer.
On voit ici des crécerellescomme celles d'Europe avec les mêmes couleurs. On
y voit aussi des éperviers comme ceux d'Espagne, absolument semblables a
ceux-ci par la couleur, la taille et les habitudes.
Il y a donc dans ce pays, comme on vient de voir, des faucons, des autours et
des éperviers. Les Espagnols croient même qu'ils sont de meilleure race que les
nôtres. Il n'y manque que les gerfauts.
1. Sahagun veut parler ici du vautour qu'on appelle actuellement zopilole, du go'!re
sarcoramphe.Il est très commun au Mexique dont il habite tous les niveaux depuis \cia
Cruz jusqu'à Mexico. Il est dans les villes uii auxiliaire de la police sanitaire, car i
serait
a l'habitude de se précipiter sur tous les détritus d'animaux dont la décomposition
un élément d'insalubrité dans les rues. C'est en rendant dos services de cette nature
qu
s'est mis à l'abri de toute poursuite indiscrète des chasseurs.
2. Molinadonne quammecalccplotl et Kingsborough porte çacalecololl.
'-'à. De tlotli, faucon, épervier, cl quauhlli, aiglct,
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 705
On voit ici des faucons et des émérillons qui sont grands chasseurs. Il y en a
qui voient et chassent très bien la nuit. On les appelle yoalllotli ', ce qui veut dire
«
oiseau de rapine qui chasse la nuit ».
Il existe aussi dans le pays un oiseau de rapine qui me paraît être l'émérillon
d'Espagne. On le nomme ecachichinquis, ce qui signifie « qui aspire le vent ». Il
porte aussi le nom de cenotzqui s, ce qui veut dire « qui appelle la gelée ». On le '
nomme encore tletleton *, ce qui signifie feu. Il est petit; son bec est pointu et
recourbé. Il mange des rats, des lézards et des petits oiseaux appelés cacacilin. Il
est tachetéde noir et de roux comme la crécerelle. On dit que cet oiseau ne boit pas.
Après avoir mangé, il ouvre le bec pour y aspirer l'air, ce qui lui tient lieu de
boisson. C'est ainsi qu'il reconnaît l'approche de la gelée, et cela lui fait pousser
des cris. Il vient par ici en hiver. Il n'est pas bon à manger.
11 y a un petit oiseau qu'on appelle lentzomparvmamana. Ses ailes sont tache-
tées de blanc et noir ; son bec est aigu comme un poinçon. On l'appelle ainsi
parce qu'après avoir mangé le nécessaire, il continue à chasser des rats et des
lézards qu'il ne mange plus et qu'il suspend aux extrémités des feuilles de maguey
ou aux branches des arbres.
des plantes et
dé
chian. Ces oiseaux ne s'appareillent qu'une fois. Lorsque l'un
d'eux meurt, l'autre erre en pleurant toujours solitaire et chantant coco, coco.
On dit que leur chair est un préservatif de la tristesse. On la donne à manger
aux femmes jalouses et même aux hommes, pour qu'ils oublient leur jalousie.
§ 6. — Des cailles.
Il y a des cailles dans ce pays, qu'on appelle colin ou çoli. Elles sont de la
taille de celles de Castille et meilleures à manger, parce qu'elles ont la poitrine
comme la perdrix. Leur bec pointu est d'un gris verdâtre. La couleur en général
est celle de la caille d'Espagne. Cet oiseau court beaucoup.Il pond un grand nombre
d'oeufs et fait éclore chaque fois de trente à quarante poussins. Il se nourrit de
maïs et de chian. Le mâle porte le nom de tecuçolin *. Il a beaucoup de chair au
poitrail qui est recouvert de plumes fauves teintées. Il porte une huppe sur la
tête. La femelle est appelée oimlon*. Elle est plus petite que le mâle. Le nid de ces
oiseaux est très étroit ; l'un d'eux seulement peut y tenir. Quelquefois cependant
ils le font plus large, de façon à les contenir tous deux. Ils s'y mettent alors à
couver ensemble, tandis que, lorsqu'il est étroit, le mâle et la femelle couvent
alternativement. On peut élever ces petits oiseaux en cage. A la campagne ils ont
l'habitude d'aller par bandes. Quand on les disperse, ils se réunissent de nou-
veau après s'être appelés les uns les autres. Les chasseurs après les avoir fait lever-
dans un endroit y tendent aussitôt leurs filets. Un de ces oiseaux qui s'y trouve
caché se met à chanter aussitôt que le chasseur s'éloigne ; à cet appel les autres
reviennent, tombent dans le (iletety sont pris. Lorsqu'un chasseur découvre une
troupe de petits qui ne vole pas encore, la mère qui ne les abandonne jamais se met
a voltiger autour de celui qui les a découverts. Elle fait semblant de ne pas
savoir s'en aller et elle s'approche du chasseur pour l'amuser et le distraire,
afin qu'il ne songe pas à prendre ses petits et que ceux-ci aient le temps de se
cacher. Qaund elle voit qu'ils y ont réussi, elle s'éloigne et peu de temps api'ès elle
siffio pour que les poussins se dirigent vers le point où elle a mis pied à terre.
C'est une véritable astuce, et l'on dit que les perdrix d'Espagne en font usage
également,
oiseau appelé tzanall. Il est noir ; son bec est recourbé et il est de la
Il y a un
taille d'un élourneau. Sa chair n'est pas bonne à manger.
11
y en a un autre qu'on appelle leolsanatl. Il a le bec long, dur et pointu; la
queue longue en ciseaux. Il chante bien et haut. La femelle n'est pas très noire,
tandis que le mâle est d'un noir très fin, en même temps qu'il est plus gros. On
"appelle leolzanall
pour dire oiseau rare ou tzanall précieux. Il n'est point
originaire de cette partie du pays. Il n'y a pas longtemps qu'il apparut à
Mexico
pour la première fois. Ce fut sous le règne d'Auilzotl que ces oiscaiiK
On appelait totollin les poules et les coqs de ce pays. Ce sont des volatiles
domestiques bien connus. Ils ont la queue ronde et de grandes plumes aux ailes,
quoiqu'ils ne volent point. Ils sont très bons à manger et leur chair est la
meilleure de tous les oiseaux. Ils mangent du maïs mouillé lorsqu'ils sont petits,
ainsi que des blettes cuites et moulues et plusieurs autres plantes herbacées. Ils
Pondent des oeufs et en font éclore des poussins. Leur couleur est variée; il en
est de blancs, de
roux, de noirs et de gris. On appelle le mâle uexolotl; il porte
l,i grand jabot; son poitrail et son cou sont charnus. Il a un collier rouge
el sa tète est d'un bleu particulier. Quand il
se met en colère, il fronce les
sourcils. Une masse charnue s'abat sur son bec. Il bouffe, s'enfle, hérisse ses
Plumes. Lorsqu'une
personne en veut à une autre, elle donne h manger à celle-ci
Sahagun avertit par une note qu'il n'insère point dans son manuscrit
espagnol la traduction de ce paragraphe qui, dans le texte nahuatl, a eu pour
but de grouper les dénominations des différentes parties tant intérieures qu'exté-
rieures des oiseaux.; (Note du Traducteur.)
CHAPITRE III
Les oies sauvages sont en partie des oiseauxd'eau et des oiseaux de terre, parce
qu'elles vivent alternativement sur l'une et dans l'autre. Elles viennent de
l'Occident à cette région du Mexique, ainsi que les canards d'eau appelés
canauhtli. Ces oiseaux, de même que tous ceux qui vivent dans l'eau, ont clé
déjà décrits plus haut.
§ 2. — Des Poissons.
On appelle lecuicilH les écrevissos de mer. Elles sont aussi bonnes à manger
que celles des- lagunes ;mais elles sont plus grosses. La partie bonne à manger
est aux épaules. Le corps n'est pas comestible. Les intestins sont noirs et ne se
mangent pas. Les bonnes ôcrevisses habitent la mer, les grandes rivières et les
étangs qu'elles forment. Elles sont plus grandes que celles de par ici. Elles sont
rouges et très savoureuses.
11 y a des tortues;
on les appelle ayotl. Elles sont bonnes à manger comme les
grenouilles ; elles ont des écailles grosses et grisâtres qui sont blanches en
dessous. Quand elles ont peur, elles se cachent en entier dans cette écaille. Elles
procréent dans le sable, sous lequel couvent les oeufs après avoir été pondus.
C'est là que les petits arrivent à l'éclosion. On mange ces oeufs qui sont
meilleurs que ceux de poule. Pour s'emparer des tortues, les pêcheurs attendent
qu'elles sortent de l'eau pendant la nuit. Ils courent alors à elles et les retournent
le ventre
en l'air l'une après l'autre, mettant ainsi sens dessus dessous
un grand nombre d'entre elles. Ne pouvant plus se retourner, elles restent
en cet état et c'est ainsi que le pêcheur en prend de quinze à vingt en une seule
fois.
Les Mexicainsappellent teccislU les escargots de mer. Ils ont des cornes et
sont bons à manger. La coquille dans laquelle l'animal se cache est très blanche,
L'écaillé et l'animal qu'elle renferme portent le même nom; on les appelle 'i
iicicaoeill *, parce que les guérisseuses en font usage dans leurs augures. Ces
coquilles sont larges et concaves. Quelques-unes d'entre elles forment des perles
Elles sont en général dures comme un os et de couleurs diverses, blanches, vertes
ou rouges. Quelques-unes ont en dedans un émail de nuances variées. C'est dans
celles-ci que se forment les perles. On les appelle aussi huîtres. Les huîtres de
rivière portent le nom d'atzcalli. On les vend pour la consommation. Elles ont
;
l'écaillé noire comme celles d'Espagne qui habitent les rivières. Le bitume
semblable à la poix, dont on fait usage dans ce pays, s'appelle chapopotli. Use
<
forme dans la mer dont les flots le jettent sur la plage. C'est là qu'on le recueille.
forme de calebasse ». Il est en entier recouvert d'un coquillage. Sa taille est celle !
d'un lapin et la carapace dont il est partout revêtu ressemble à des morceaux j
d'écorce de calebasse, durcis et très résistants. j
il est au contraire bon à manger. Il passe quatre ou cinq jours sans prendre
aucun aliment et vit uniquement de l'air qu'il respire.
Il y a des lézards dans ce pays. On les appelle lecouixin*. Ils ressemblent a
ceux de Castille. Ils ont des écailles et ils sifflent. Il y en a une autre espèce
qu'on appelle milquaxoeh. Il est rayé de vert, de bleu et de jaune de la tète j
ç 5, — Des têtards et autres reptiles des eaux qui servent de nourriture aux
indigènes de ce pays.
Il y a des têtards qu'on appelle atepocatl. Les uns habitent des eaux propres,
au milieu des joncs, des varechs et autres plantes aquatiques. On les trouve aussi
dans les lagunes, mais non pas dans l'eau saumâtre. Ils se nourrissent de limon
et de quelques vermisseaux qui vivent dans l'eau. Ils sont noirs sur le doS,
ventrus et sans cou. Leur queue est large et taillée en couteau. Les gens du bas
peuple les mêlent à leur nourriture.
On appelle les grenouilles cueyatl. Les unes sont noires, les autres grisâtres.
Leur ventre est très prononcé. On les écorche pour les manger. Celles .qui sont
do forte taille s'appellent tecalatl. Les grenouilles pondent des oeufs d'où pro-
viennent les têtards qui se changent en grenouilles. Il y a une petite espèce
qu'on nomme acacueyatl*, ce qui veut dire « grenouille de vase ». Elles habitent
les étangs. Elles ne meurent pas lorsque l'eau s'évapore, parce qu'elles se
réfugient dans la terre humide. Elles sont bonnes à manger. Il y a un animal
aquatique qu'on appelle axolotl". Il a des pieds et des mains comme les lézards,
tandis que la queue et le corps sont d'une anguille. Sa bouche est très grande
et il a des barbes au cou. Il est très bon à manger. C'est un mets de grand
seigneur.
Il y a de petits animaux d'eau qu'on appelle acocili. Ils ressemblent aux
crevettes : leur tête est comme celle des écrevisses. Ils sont grisâtres, mais
quand on les fait cuire ils deviennent rouges comme les crevettes. On les mange
bouillis et même grillés. Il est un autre petit animal d'eau appelé àneneztli. Il
est long et rondelet; il a des pieds et des mains, la tète grosse et il est de
couleur grisâtre. Sa chair est bonne à manger. Il se convertit en scarabée qui a
quatre ailes et vole. On l'appelle alors gavilan de Castille.
H y a des scarabées d'eau qu'on nomme axaxayacall. Ils sont ordinairement
noirs et de la taille d'un puceron de Castille, dont ils ont également la forme. Ils
volent dans l'air et nagent dans l'eau. On les mange. Il y a aussi des moucherons
appelés amoyotl* qui vivent à la surface des eaux. On les pêche et on les mange.
CHAPITRE IV
g 2,
D'un animal appelé auitzotl ou ahuitzotl, remarquablement monstrueux
par sa forme et par ses habitudes. Il vit dans les étangs ou dans
les conduits
des fontaines. - '
Jl y a dans ce paysun animal qui vit dans l'eau ettoutà fait inconnu jusqu'à pré-
,
sent. On l'appelle ahuitzotl. Il est de la taille d'un jeune petit chien. Son poil est
court et glissant, ses oreilles petites et pointues, le corps noir et lisse, sa queue
longue et portant à son extrémité comme une main humaine. Il a des pieds et
des mains semblables à ceux du singe. Cet animal vit dans
des étangs profonds et
si quelque personne arrive au bord de l'eau dans les profondeurs de
laquelle il
habite, il s'en saisit aussitôt avec la main de sa queue et l'emporte au fond de sa
demeure. Il trouble l'eau et y soulève des vagues qui viennent se briser sur
les
bords en formant de l'écume comme s'il s'agissait d'une tempête. Un grand
nombre de poissons et de grenouilles s'empressent de venir à la surface en s'y
ébattant en désordre. Celui que l'animal a submergé meurt au fond de l'eau et,
peu de jours après, les vagues repoussent de leur sein son cadavre
privé d'yeux,
de dents et d'ongles, tout cola lui ayant été enlevé par Vahuitzoll. Ce corps mort
n'a aucune blessure, mais sa peau porte de toute part des traces de suçons.
Personne, du reste, n'osait enlever ce cadavre. On avertissait les satrapes des
idoles de sa présence. Seuls, ils pouvaient s'en emparer, car on disait qu'aucun
autre n'était digne de le toucher. Les dieux Tlaloque, prétendait-on, avaient
envoyé l'âme du noyé au paradis terrestre, et c'est pour cela qu'on l'emportait
sur une litière avec la plus grande vénération pour l'enterrer dans un des
oratoires qu'on appelle ayauhcalco. On ornait cette litière de plantes aquatiques
et des musiciens précédaient le convoi en jouant de la flûte. Si par hasard
quelque laïque se hasardait à retirer le corps de l'eau, il s'y noyait à son tour,
ou ses articulations étaient atteintes de goutte. On disait que celui qui mourait
ainsi succombait, ou parce qu'il était très bon et que les dieux Tlaloque désiraient
l'avoir en leur compagnie au paradis terrestre, ou bien parce qu'il possédait
peut-être quelque pierre précieuse, chose qui courrouçait les dieux Tlaloque,
allendu qu'ils ne voulaient point que les hommes eussent en leur pouvoir ce
genre de richesse. C'était pour cela qu'ils lui donnaient la mort et qu'ils l'em-
portaient au paradis terrestre. Les parents de ces victimes se consolaient par la
pensée que les défunts se trouvaient en compagnie des dieux de ce paradis et
que par leur intercession ils seraient riches et prospères dans ce monde. Lesdits
parents avaient encore le préjugé de croire que quelqu'un d'entre eux mourrait de
la même mort
ou frappé dé la foudre, à la demande des défunts qui voulaient
l'avoir auprès d'eux dans le paradis où ils étaient. Aussi évitait-on d'aller se
baigner.
On disait aussi que ce petit animal avait recours à une autre ruse pour
s emparer de quelque homme lorsqu'il s'était écoulé un long espace de temps
sans qu'il en e]ut pris aucun. Il faisait réunir im grand nombre de poissons et de
grenouilles sur un point où il se tenait lui-même. Les pêcheurs les voyant sau-
tiller à la surface de l'eau et désirant s'en emparer y jetaient leurs filets.
ahuitzotl se saisissait alors de l'un deux, le noyait et l'emportait dans; sa
716 HISTOIRE DES CHOSES
caverne. On disait qu'il avait recours à un autre stratagème. Lorsqu'il y avat
longtemps qu'il n'avait pris personne, il se portait au bord de son étang et il
Se
mettait à pleurer comme un enfant. La personne qui prenait cela pour une réalité
s'approchait de l'eau et Vahuitzoll la saisissait avec la main de sa queue l'em.
portait sous l'eau et lui donnait la mort dans sa caverne. On prétendait aussi
que si quelqu'un voyait cet animal sans en éprouver aucune crainte et si d'ailleurs-
il n'en était point attaqué, c'était la preuve qu'il mourrait bientôt. On raconte
qu'une vieille qui allait chercher de l'eau s'empara d'un de ces petits animaux le
mit dans sa cruche qu'elle boucha avec son uipilli et l'emporta pour le faire
voir aux dignitaires de la ville. Ceux-ci l'ayant aperçu dirent à la vieille qui s'en
était emparée qu'elle avait commis un péché en le prenant, attendu que c'est un
sujet et un ami des dieux Tlaloque. Ils lui ordonnèrent de le reporter à l'endroit
même où elle l'avait pris.
On appelle les serpents aquatiques acoatl. Ils ne diffèrent pas de ceux de Cas-
tille. Le texte nahuatl décrit les manières d'être de ces serpents et la rapidité
avec laquelle ils glissent, ainsi que la nourriture dont
ils font usage. Ce passage
du texte mexicain de ce livre renferme un nombreux et très beau choix de mots
appropriés*.
Il y a de petits lézards d'eau qui ne sont pas bons à manger. Ils ont le corps
étoile et le ventre vert teinté de blanc.
Il existe un autre animal semblable au crapaud que l'on appelle açacatl 3.
11 crie encore plus que les grenouilles et il devient ennuyeux. II y a dans ce pays
des crapauds comme ceux d'Espagne. On les appelle tamaçolin à cause de la mala-
dresse avec laquelle ils avancent en sautant, avec lenteur et des poses inces-
santes. Cela a fourni l'occasion d'une manière de parler à l'adresse des lenteurs de
ceux qu'on envoie quelque part. On leur dit : Va aussi vite que le crapaud qui
s'arrête à chaque saut comme pour contempler ce qu'il voit. (Ici, le texte nahuatl
renferme un grand nombre d'excellentes expressions concernant la forme et les
habitudes de ces crapauds.)
Il y en a une autre variété qu'on appelle milcalatl. Ils sont un peu plus verts
que les précédents.
CHAPITRE V
1- Voilàdéjà bien des fois que Sahagun nous fait voir par sa manière de s'exprimer
qu'il n'a pas traduit absolument tous les
passages de son livre tels qu'ils étaient écrits dans
le texte nahuatl. Il est peut-être juste de
ne pas le regretter lorsqu'il s'agit, comme dans
Ce paragraphe, de
passages où l'auteur n'a pas eu d'autre but que celui d'apprendre à son
ectour le plus possible d'expressions indigènes
ou de modismes de la langue nahuatl. Mais
'
0, indique l'intérêt considérable qu'il aurait
y pour un philologue à posséder le texte
rentable, original et primitif de cet important ouvrage du moine franciscain.
2- De atl,
eau, et çacatl, paille.
•
De tccutli, chef, principal, grand, et tlacoçauhqui, jaune.
718 HISTOIRE DES CHOSES '
vipère. Sa bouche et sa tête sont grandes. Il a des dents. Sa langue est bifurqufe.
ses écailles sont grosses. Il est de couleur jaune comme la fleur de calebasse'
tigré de taches noires. Ses anneaux sont durs et grisâtres. Ce serpent siffle. U
mange des lapins, des lièvres, des oiseaux et d'autres animaux de toute espèce.
Quoiqu'il ait des dents, il ne mâche pas ; il avale sa proie tout entière et la digère
intérieurement. S'il prend quelque oiseau, il l'avale sans le dépecer. S'il le voit
au haut d'un arbre, il lui lance son venin qui le fait tomber mort. Un chas-
seur fut témoin des moyens qu'il emploie pour s'emparer des oiseaux perchés sur
les arbres. (Cela se trouve décrit dans le texte nahuatl.) Ce serpent s'accompagne
toujours de sa femelle; mais ils ne sont pas précisément ensemble. Quand ils
veulent s'unir, l'un d'eux siffle et l'autre arrive. Si l'un est tué, le survivant pour-
suit le meurtrier jusqu'à ce qu'il se soit vengé. L'âge de ce serpent se compte
par ses anneaux, parce qu'il en forme un par année. Il ne lui est pas possible
d'avancer sur la terre nue, tandis qu'on dirait qu'il vole quand il est sur l'herbe
ou les plantes touffues. Il ne fait de mal à personne quand on ne lui en fait pas à
lui-même.(Il estdit dans le texte nahuallle moyen qu'on emploie pour le prendre.
On se sert du tabac, et c'est avec cette plante qu'on prend aussi tous les autres
serpents venimeux.) La graisse de ce serpent est médicinale contre la goutte. 11
suffit d'en frotter le point malade pour que la douleur s'apaise. Sa peau pulvé-
risée et prise en boisson est un remède contre les fièvres.
Il y aun serpent très venimeux appelé iztaccoall, ce qui veut dire « serpent blanc ».
Il est gros et long; sa tête est grande, il a des dents et des crocs ; sa langue est
bifurquée. Il crache du venin. Il a des anneaux et des écailles. Il glisse avec légè-
reté ; on dirait qu'il vole. Il est féroce et il s'élance comme le vent à l'attaque des
personnes ; il s'entortille à leur cou et les étouffe. 11 y a, du reste, dans le pays
d'autres serpents qui se conduisent de même. Celui dont nous parlons ici est rare.
Il en est un autre appelé lleua ', ce qui veut dire « qui porte avec lui du feu ».
Ce serpent est gros et long ; et il a les propriétés du précédent. Son dos est gris,
le poitrail rougeâtre ainsi que la queue. Il glisse avec rapidité et vole sur les
herbes comme le vent en s'appuyant sur la queue et levant en l'air le reste du
corps. On l'appelle lleua parce qu'on dirait qu'il brûle avec du feu celui qu'il
mord. Son venin est mortel et sans remède.
et long comme le tecutlacoçauhqui. Tout son corps est gris, à l'exception des
bords de la bouche, qui sont rouges, et du poitrail qui est jaune. Son venin tue.
Il procrée sur les montagnes et les rochers escarpés.
11 en existe un autre nomméçolcoatl 8, c'est-à-dire « serpent ennemi des cailles »,
parce qu'il les trompe par son chant et les mange. Il est de dimension moyenne,
ni très gros ni très long. Il a des maillures comme la caille, avec le poitrail blanc
et le pourtour de la bouche jaune. Il est très venimeux, sa morsure n'apâs de
remède. Il est très astucieux et trompe par son chant les cailles et les gens. Il
chante en effet comme ces oiseaux et, quand ceux-ci l'entendent, ils s'y mépren-
nent, s'en approchent, et alors le serpent les prend et les mange. Quelques
Indiens étourdis l'entendant chanter se figurent que c'est la caille, vont à lui, se
font mordre et meurent. Ceux qui sont plus prudents, entendant le serpent chan-
ter, écoutent si une autre perdrix lui répond. S'il n'y a pas de réponse, le serpent
se reprend à siffler ou à chanter au même endroit qu'auparavant. Les Indiens com-
prennent alors que c'est bien le serpent et ils se précautionn.ent contre lui. On dit
que ce serpent vole. ;">
1-De
2- De
ulli noir, brun, et coati, serpent;
colin, caille, et coati, serpent;
•-.-.... '•
-
3. C'est une erreur des plus évidentes. Il s'agit ici de Vamphisbèné qui a la faculté do se
mouvoir aussi facilement
en arrière qu'en avant;, ............
720 HISTOIRE DES CHOSES
et très grand, de couleur brun foncé. Il a des anneaux à la queue et il porte t,
la tête des cornes comme un cerf; c'est même pour cela qu'on l'appelle maçacoatl
Il habité les montagnes escarpées. Quand il a atteint toute sa croissance il
se
réfugie en quelque lieu retiré ou caverne et, sans sortir, il attire à lui
par son
haleine des lapins, des oiseaux, des cerfs et des hommes, qu'il mange. C'est ainsi
qu'il s'alimente en restant tranquille dans sa caverne.
Il existe un autre serpent qu'on appelle aussi maçacoatl. Il est gros, noir
et
long ; mais il n'a ni dents ni anneaux à la queue. 11 est paresseux, doux et facile
à domestiquer. Quelques personnes relèvent dans leurs maisons pour le manger
•
car il est de fort bon goût.
Il y a un autre serpent qu'on appelle encore maçacoatl. Il est petit et porte des
cornes. Il est de couleur foncée, il ne fait aucun mal et il n'a point d'anneaux à
la queue. On fait usage de sa chair quand on veut acquérir assez de force pour
soutenir les approches de plusieurs femmes. Ceux qui en prennent beaucoup ou
en font abus restent toujours en érection, éjaculent sans cesse et en meurent.
II y' à dans ce pays des escargots comme ceux de Castille, qu'on appelle égale-
ment maçacoatl. Ils provoquent à la luxure et celui qui en fait un usage immodéré
en meurt comme nous venons de le dire à propos du serpent.
Il y a dans le pays un serpent qu'on nomme tetzauhcoatl '. Il n'est ni gros ni
long. Il a le poitrail rouge et son cou reluit comme braise. On le voit rarement.
Celui qui l'aperçoit est saisi d'une telle frayeur qu'il en meurt ou en reste très
malade. C'est même pour cela qu'il est appelé tetzauhcoatl,attendu qu'il tue par
épouvante.
Il en existe un autre appelé llapapalcoall*. Il est de taille moyenne et on lui
donne ce nom parce qu'il est bariolé de presque toutes les couleurs.
Il y a un autre serpent monstrueux nommé petlacoall*. On dit que plusieurs
d'entre eux s'assemblentet s'entremêlent de manière à former comme un tissu de
petatl. Ils marchent en tous sens, parce qu'ils ont toutes leurs têtes en dehors du
tissu qu'ils ont formé. On conte à leur sujet certaines superstitions qui sont
détaillées dans le texte nahuatl de ce livre.
Il en est un autre appelé coapellatl *'. Il est de la largeur d'une feuille de
papier dont un angle porte la tête, tandis que la queue est à l'angle opposé. Il
marche de travers comme les crabes et il fait en marchant le même bruit qu'un
petatl que l'on traîne. On le voit rarement.
Il en est un autre que l'on nomme chimalcoatl6. C'est un serpent long et gros
qui a des anneaux à la queue et qui porte sur le dos une sorte de rondaclie
bariolée do couleurs et faite de sa propre substance. Il apparaît rarement-
11 existe un serpent très grand appelé aueiaclU. est long de dix brasses. Il a
11
des grelots ou anneaux à la queue et il porte des dents et des crochets. Il glisse
aisément et il est d'une couleur gris foncé comme le llilcoall. Il a le poitrail jau-
nâtre et le pourtour de la bouche rouge. Il est venimeux et sa morsure n'a pas de
remède. Il habite les terres chaudes et tout particulièrement la province de
Tolonacapan. Il mord, pique et avale. Il attend les voyageurs sur les routes,' où
il choisit la partie la plus étroite, en travers de laquelle il s'étend, afin que per-
sonne n'y puisse passer sans être aperçu, et c'est ainsi qu'il se saisit de sa proie.
Si quelqu'un se met à fuir après l'avoir vu, le serpent court après lui avec la
rapidité du vol. En prévision de cotte rencontre, certains voyageurs portent sur
eux des paquets de papier ou de petits pots pleins de poudre de tabac sauvage.
Us les lancent
sur le monstre. Les pots se brisent en tombant et le tabac se
répand. Cette poudre enivre et endort le serpent, et, le voyant en cet état, le
voyageur s'approche et lui enfonce dans la gueule avec un bâton un morceau
J'étoffe contenant du tabac qui achève de lui enlever tout sentiment-, c'est ainsi
qu'on le tue. Lorsque cet animal s'approche des étangs, il avale tous les pois-
sons et bûtes quelconques qui s'y trouvent.
11
y a un autre serpent qu'on nomme palanccccoall". II a une brasse de long
et il est de la
grosseur du bras. Sa couleur est d'un gris foncé. On l'appelle
palancacoall parce qu'il exhale une odeur do charogne;
on le dirait couvert
u ulcères par tout le
corps. Partout où il va, il emporte avec lui sa puanteur.
11 essaim de mouches bourdonnent après lui. Il est très venimeux. Celui qui
Il y a un autre serpent appelé ecacoatl 1. Il n'est pas très gros, mais fort lone
Il atteint parfois trois ou quatre brasses. Il est jaune et rouge avec des rayure-
blanches et vertes sur le dos. Il n'est point venimeux, mais si on lui fait mal
ou
s'il fait sa chasse, il s'entortille autour de sa proie et la tue en la serrant. On ;
l'appelle ecacoatl, ce qui veut dire a serpent de vent », parce que, quand il veut se *
rendre quelque part, il va comme le vent en se tenant debout sur sa queue soit "
qu'il avance sur la terre nue, soit qu'il serpente sur l'herbe. On dirait aussi que f
partout où il passe il soulève autour de lui un petit air très fin. \
Il y a un autre serpent qu'on appelle tzoalcoall''. Il n'est ni gros ni long et n'a \
ni grelot ni dent. Il est d'un gris foncé. Il n'a point de venin et ne fait mal à '
personne. Il a peu de vivacité. >
chaude de Tolonacapan. Il est de taille moyenne, à peu près comme les couleuvres ^
d'eau. On l'appelle quelzalcoatl parce qu'il forme des plumes semblables aux f
plumes riches appelées quetzalli. Il en porto au cou qu'on nomme izinitzcan. Elle*
sont petites et d'un vert clair. 11 porte à la queue et sur ses anneaux des plumes
pareilles à celles de l'oiseau nommé xiuhlololl qui est bleu. Le poitrail de cc
serpent est rouge. On le voit rarement et on ignore de quoi il se nourrit. Quand
on le voit, c'est qu'on va en être mordu. Or, son venin est mortel : celui qui
«!;l
en est atteint meurt subitement. Cet animal vole quand il veut mordre, cl,
fait, il meurt aussi parce qu'il rend en une fois tout son venin avec la vio.
.1 >;_ — De
certains autres serpents monstrueux par leur aspect et leurs
propriétés.
y a dans ce pays des scorpions qui ressemblent à ceux d'Espagne et qui sont
01»nioux. Ils habitent principalement les terres chaudes où leur venin est plus
l'ioiioncé. H y en
a qUj sont grjg5 d'autres blanchâtres et d'autres verts. Pour
°uibattro leur piqûre
on est dans l'habitude de la sucer et de frotter la partie
fourmis. Il est gros et il habile le fond des fourmilières. Il est nuancé de loules
les couleurs et sa vue est effrayante.
tzii-all, fourmi, et nanlli, mère; en composition îiomnn, ma mère ; wan, sa mère ; e <-.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 725
11 y ad'autres fourmis qui habitent les terres chaudes. Elles détruisent les
irbres et tout ce qu'elles rencontrent. Elles marchent en escadrons comme les
pens de guerre.
C'est un animal très destructeur.
"il en est d'autres qu'on appelle necuamatl 1, c'est-à-dire fourmis de miel.
Elles habitent sous terre et portent à la queue une petite vessie, transparente
comme un grain d'ambre, remplie d'un miel excellent qui se mange comme
celui
de l'abeille.
en Espagne où j'ignore comment on les nomme. Ils sont les uns jaune foncé, les
autres rouges, d'autres encore blanchâtres ou gris foncé. Ils sont longs comme
la moitié du doigt et gros tout au plus comme une plume de poule castillane. Ils
ont un grand nombre de pieds. Quand on les touche ils se rccoquillent et restent
immobiles. Ils ne mordent point et no font aucun mal ; mais ils donnent la mort,
dit-on, à celui qui les mange. On en fait usage en médecine contre le mal de dents
en les appliquant sur la joue. La douleur cesse aussitôt.
11
y a dans ce pays d'autres vers qu'on appelle llalomill7'. ce qui veut dire « os
de la terre
». On les appelle ainsi parce qu'ils sont blanchâtres, durs et luisants.
Us sont petits et
se cachent toujours sous le sol. Us no s'enroulent jamais
et ils restent toujours droits. Ils ne sont ni venimeux ni nuisibles. Ceux qui
sont impuissants pour l'acte charnel les mangent crus et ils recouvrent la
Puissance.
" 5' a de petits escarbols blanchâtres. Ils ne font ni du bien ni du mal. Il y en
,l aussi qui ressemblent à
ceux de Castille. Ils s'amusent à faire des boules
11 excréments
et ils les font rouler; quelquefois deux ensemble. Ils ne sont ni
S 11. — Des abeilles qui font le miel (les espèces en sont nombreuses),
et des papillons.
Il y a dans ce pays une grosse abeille qui fait du miel; elle se creuse des
tanières sous le sol pour le fabriquer. Son miel est très bon. Sa piqûre fait du
mal et produit l'enflure.
11 existe d'autre abeilles plus petites qui se creusent aussi leurs tanières pour
faire leur miel qui est très jaune et bon à manger.
Il y en a d'autres qui font leur miel sur les arbres. Elles y fabriquent une
boîte, semblable à un alambic, dans l'intérieur de laquelle elles font leurs rayons
qu'elles remplissent de miel. Elles n'engendrent pas comme les autres bêles,
mais elles élèvent dans leurs rayons leurs petits qui ressemblent à des vermis-
seaux blancs. Elles travaillentcomme celles deCastille et font un très bon miel.
Il y a dans ce pays une grande variété de papillons de couleurs diverses; beau-
coup plus qu'en Espagne. Il y en a une espèce diversement bariolée qu'on
appelle xicalpapalotl1. D'autres sont noirs, tachetés de blancs, qu'on nomme
llilpapaloll*. D'autres sont fauves et très luisants; d'autres encore, d'un blanc
jaunâtre. II en est qui sont très diversement nuancés. Il y en a aussi qui sont
d'un bleu clair ; d'autres, merveilleusementpeints. Il eh est enfin de fort beaux
qui sont rouges et tachetés.
sont noires; d'autres sont rouges et très velues. Leurs poils piquent et font souf-
frir comme la piqûre du scorpion. Elles se transforment aussi en papillons.
Il y en a qui vivent sur les magueys. Elles sont grandes et velues.
11 y a des vers qu'on appelle mesureurs parce que, quand ils marchent, ils ont
l'air de mesurer par empan. Aussi les iwmm.e-t-on(elaiamachiuhque-.Ils ne font
ni bien ni mal.
Il en est d'autres qu'on appelle meocuilin 5, c'est-à-dire vers de niaguey. Ils
sont très blancs. Ils vivent sur cette plante dans laquelle ils pénètrent au moyen
d'un trou qu'ils y pratiquent. Ils y mangent et ils lâchent leurs excréments par le
trou qui leur a servi d'entrée. Ils sont très bons à manger.
Il y en a d'autres qui procréent sur les racines des magueys. Ils sont très
rouges et ils ne sont ni bons ni mauvais.
Il en est d'autres qui sont blancs et vivent aussi sur les mêmes racines ; ils
ne sont non plus ni bons ni mauvais.
Il existe d'autres vers qui sont blancs et qui vivent dans les excréments. Ils ne
sont ni bons ni mauvais.
11 y a des vers qui vivent dans le corps humain. Ceux qui les ont démontrent
Il y a d'autres vers qu'on nomme vers des excréments. Ils sont grisâtres et de
moyenne taille. Ils ne font ni du bien ni du mal. 11 y en a d'autres qui vivent sur la
plante des tunas et dans le fruit lui-môme, en y causant du dommage. 11 y en
a
d'autres qui existent dans les membres des lapins et des souris, auquels ils causent î
la mort. Us se tiennent dans les chairs en tournant leur tètes en dehors. •
Il y a de petits escarbots de couleur fauve, qu'on nomme lemolin. Sous leur ;ï
coquille ils ont des ailes avec lesquelles ils volent. On les voit en été. Dans la
saison des pluies ils mangent les fleurs.
Il en est d'autres semblables aux précédents qui vivent dans les excréments. i
Il y en a d'autres encore qui ressemblent aux antérieurset vivent sur les fleurs
des calebasses. Il y en a d'autres roussâlres et un peu grands, qu'on appelle
quauhtemolin 1, parce qu'ils vivent clans l'intérieur des madriers. Us ne font ni t
du bien ni du mal. Les vers qui se tiennent clans l'intérieur des boiseries s'ap-
pellent quauhocuilin 2. Ils sont très blancs et vivent sans cesse au dedans du bois. \
Ils y naissent, s'y nourrissent et y meurent. II ont la bouche très dure; ils per- 'l
forent le bois • et avancent dans son intérieur. Ce sont eux qu'on appelle en \
espagnol carcoma. ;'
§ 14. — Des lucioles, dont il existe une grande variété: des mouches,
des taons et des moustiques.
Il y a plusieurs espèces de lucioles dans ce pays ; mais elles sont toutes dêsi- S.
gnées par le mot icpill. Les unes sont semblables à des sauterelles, quoique un \
peu plus longues. On les voit en temps do pluie. Elles volent pondant la nuit en |.
grand nombre. II en émane une lumière comme si elles avaient une chandelle à ;
la queue. C'est même plus qu'une chandelle lorsque la nuit est très obscure : elles ]
éclairent alors comme une torche de pin. Quelquefois beaucoup d'entre elles se «
réunissent et volent en rang. Il y a des niais qui les prennent alors pour des À
y a des vers qui portent de la lumière et qui éclairent la nuit. Il existe en outre des \
lucioles qui ont des ailes et qui couvrent et découvrent alternativement leur foyer C
comme des émeraudes. 11 ne fait aucun mal. Il y a dans ce pays des guêpes qui ;
ressemblent à celles de Caslille. ;
Il existe une grosse mouche appelée iecmiloll. Je pense que c'est un taon. Elle \
pique beaucoup les animaux et leur suce le sang. Il y. a des mouches qui servent >,
Castille. f
Il est une petite mouche d'un vert foncé qui reluit et bourdonne en volant. On
la voit en temps de pluie. Elle ne fait aucun mal. Il y a une autre grosse mou^
cho noire appelée tzonualzallon. Elle fréquente les chemins, où elle enterre les
vers. On l'appelle ainsi parce qu'elle est formée de peu de substance, et on la
nomme leloloca parce qu'elle enterre les vers qu'elle rencontre sur les chemins.
Elle pique et fait mal.
H y a des moustiques qu'on nomme chillon '. Il sont petits et volent aux yeux.
Leurs piqûres cuisent comme du piment et, s'ils s'introduisent dans les yeux, ils
causent beaucoup de douleur.
11 y a des mouches qui fréquentent les dépotoirs où se trouvent des saletés et
modent beaucoup.
CHAPITRE VI
Les caractères des montagnes sont les suivants : elles sont couvertes do beau-
coup d'herbes verdoyantes. L'air et les vents y soufflent fort. Elles sont humides
cl il y gèle. Ce sont dos parages tristes et solitaires qui font pleurer d'ennuù On
y voit des cavernes, des escarpements, des surfaces pierreuses ou boueuses, de
la terre fragile et jaune, des coteaux élevés ou escarpés, couverts de foin,
d'épaisses forêts ou d'arbres clairsemés. Quelquefoisil y a des plateaux sur les
montagnes et on y trouve clos arbres desséchés. On y voit aussi des lieux sombres
cl des pierres arrondies. Quelques endroits présentent un sol aplati et sec sur
lequel ne
pousse aucune plante, ainsi que des points rocailleux et des lieux pro-
fonds creusés
en vallée. Les montagnes sont des parages épouvantables, habités
par les bêtes féroces, sans que l'homme trouve les moyens de s'y récréer ; car il
11 y a que do la pierre sèche, des escarpements et des
cavernes où vivent les tigres,
es ours et les chats sauvages, et où poussent les magueys incultes très épineux,
°s ronces, les épines, les tunas sauvages et les pins les plus durs. C'est là qu'on
u c°upcr du bois; c'est delà qu'on tire les solives pour les édifices; c'est là
'• «iininutifdcc/tiHt, piment.
'• ho cuillall, excrément, ol çayolin,-mouche.
730 HISTOIRE DES CHOSES f
encore que les vents font grand bruit et soufflent en tourbillon. Ce sont des Hem-
de grands froids et de fortes gelées, qui ne produisent aucun genre do cornes.
tibles, lieux de famine et de frimas, où l'homme tombe quelquefois glacé, où les §
fauves mangent les gens et où l'homme lui-même assassine dans dos guet- ï
apens.
II y a dans ce pays des cyprès sauvages, dont les montagnes sont couvertes. i
Ils ne sont pas aussi fournis en feuillage que ceux d'Espagne. Leurs branches
sont plus rares. Ils poussent très hauts et très droits. Le bois en est très odorant ?
et ils portent des petites pommes comme les nôtres. Ce bois est très précieux I
pour toute sorte d'édifices et pour fabriquer des boîtes, des coffres et des V
bureaux. On le travaille aisément. f
Il y a dans ce pays d'autres arbres appelés oyametl qui n'ont pas leurs pareils i,
cinal qu'on nomme abeto. Les Indiens n'en faisaient pas usage et ne le connais- \
saient nullement. C'est de nos jours qu'on l'a découvert. Ces arbres sont très l
grands et poussent très haut. Les montagnes en sont couvertes
Il existe un autre arbre qui paraît être une espèce de pin. Il est sylvestre. {
long et gros. Son bois est léger et très estimé. On en faisait grand usage pour le *
service des temples et des dieux. II y a dans ce pays des pins comme ceux d'Es-
pagne, ils portent des pignons et ce sont eux qui fournissent,des torches, la poix j
et la résine. Leur feuillage chevelu est très touffu. Il produit un certain bruit ;.
comme en Espagne. ï
11 y a des frênes, ainsi qu'un très grand arbre qu'on dit être un cèdre, qui a la
.
feuille très mince et qui produit des noix comme le cyprès, quoique un peu plus f
petites. Son bois est très odorant. Il croît très gros, s'étend beaucoup en rondeur t
et il est toujours vert. Il y en a un autre qui croît également très haut et dont le \
tronc est très lisse. Il s'étend en grande roue et produit un ombrage étendu. Il est i
toujours couvert de feuilles et celles-ci sont un peu plus larges. On y recueille une ?
i'
s
g 3. — Des arbres sylvestres de moyenne grandeur. \-
deux doigts d'épaisseur. On s'en sert pour teindre, et pour tanner des cuirs. Il y j
en a d'autres dont la lige est très droite; on en fait des coas. Ils croissent au .;
milieu dès rochers et des escarpements. On appelle necalizquauitl'1 le bois qui j
pétille au feu, quelle que soit son espèce.
f
ï
i. Auaquauill; de auall, cliènc, cl quauill, arbre ; — auatclsmolli; de auatl, cliéne. o- ..
letzmolli. \
2. C'est-à-dire : arbre {r/uauill) à bataille (nccalizlli).
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 731
H ya un petit arbre sylvestre, appelé leocotl 1, dont la racine a l'odeur de
l'encens quand il brûle. Seuls les seigneurs et les dignitaires avaient l'habitude
d'en faire usage. Les autres personnes n'y étaient pas autorisées et n'avaient
point le droit de le brûler dans leurs maisons. 11 y a un arbre sylvestre appelé
coalli dont on fait des baguettes pour fabriquer des paniers auxquels on donne le
nom d'uacales. C'est un bois souple, et, si on le met dans l'eau, celle-ci devient
bleue. Il est médicinal pour les voies urinaires. Il y a un autre arbre sylvestre
du nom de topoçan-, dont l'écorce est mince. Il est de basse taille, touffu, à
fouilles larges, vertes d'un côté et d'un blanc velouté de l'autre. Elles ont
mauvaise odeur et l'arbre est médicinal. Sa racine cuite clans l'eau sert à purifier
l'urine, à régulariser la digestion et à tempérer la chaleur du corps.
Il y a dans ce pays deux espèces de saules : l'un très gros et l'autre moins.
Il y en a d'autres qui sont plus estimés que les précédents. Ils ont_la feuille
mince et très verte ; les branches sont droites et le bois en est souple et
résistant.
11 y a un certain arbre qu'on appelle icçoll. Il est gros; son écorce est noire ou
roussâtre comme celle des palmes. Ses feuilles sont aussi comme celles des
palmiers. Il est spongieux et sa moelle peu consistante. Ses fleurs sont très
blanches et ne produisent aucun fruit. On avait l'habitude de placer ces arbres
devant les temples.
11 exisle de petits magueys sauvages qui ont des feuilles pointues comme les
autres et des épines comme les ronces do Castille. 11 y a dans ce pays des palmiers
qui ressemblent à ceux d'Espagne. Ils sont hauts et gros comme ces derniers. Ils
fleurissent et donnent un fruit sucré bon à manger semblable aux dattes. On les
trouve vers Panuco.
Il arbre sylvestre appelé llacuilolquauillr> ce qui veut dire : ayant le
y a un
bois bariolé; parce qu'il est rougeâlre avec des rayures noires qui paraissent
peintes sur le fond. C'est un arbre très estimé parce qu'il sert à faire dos
leponaslli, des tambourins et des guitares. Ces instruments sont très sonores
quand ils sont fabriqués avec ce bois, qui, à cause de ses nuances sympathiques
est très apprécié.
Il y a un arbre sylvestre très haut-, très droit et très mince qui est employé à
fabriquer des sarbacanes, parce qu'on peut le trouer facilement. 11 existe un
arbre peu haut dont les feuilles et le bois sont rouges.
'1 y a d'autres arbres sylvestres appelés chichioquauill ou chichicpalli *, ce qui
veut dire « remède amer ». L'écorce pulvérisée de cet arbre est médicinale. Elle
lacilile la digestion, nettoie les intestins et guérit le mal d'urine. On boit cette
pjudre mêlée avec de l'eau. Le coeur do cet arbre est très dur. On en fait des
baguettes dont on se sert à la place des fers de flèches. Il y a dans ce pays un
certain arbre appelé amaquauills, dont l'écorce est lisse et les feuilles très
certes. Il est de la grandeur du pêcher. On le coupe quand il est vieux et il
Les différentes parties d'un arbre sont les suivantes : racines grosses, minces,
rondes ou renflées. Ces racines poussent sous terre, s'enfoncent profondément
ou s'étalent près du sol; c'est par elles que l'arbre reçoit sa croissance. La souche
est grosse et ronde, l'écorce en est rude et c'est d'elle que les racines partent en
toutes directions. Le point où celles-ci prennent naissance est dur et enflé. La
terre l'élreint de tous côtés. Les racines le fixent au sol. C'est sur cette souche
que l'arbre tout entier s'appuie, puisque c'est sur elle que tout le reste s'étale.
Les autres parties, c'est-à-dire le tronc, les enfourchurcs, les noeuds, les reje-
tons, les branches, la cime, les bourgeons, les tiges et la moelle; ainsi que
toutes les autres dénominations, sont clairement exprimées dans le texte nahuatl-
$ 5. — Des arbres qui restent sur pied ou gisant étendus sur le sol,
cl du] bois travaillé pour construire.
Les arbres secs qui sont debout ou tombés par terre s'appellent quauill. On
peut les travailler. Quelques-uns sont employés pour la teinture: d'autres sont
fendus et destinés à brûler; d'autres encore sont mis à profit pour des solives
en fait des fauteuils. Son fruit ressemble à une grosse pomme; sa surface est
verte ou jaunâtre et l'intérieur est blanc et tendre. Le goût en est sucré. Il
renferme trois ou quatre noyaux. Il cause de la diarrhée quand on en mange
beaucoup. Il y a d'autres tzapotl qu'on appelle cochitzapotl parce qu'ils causent
du sommeil. Ils ressemblent au précédent, à cela près qu'ils sont plus petits.
11 y en a d'autres encore comparables au premier mais qui, sont beaucoup
plus grands. Il en est un qu'on appelle alzapoll. Son tronc est lisse et le fruit,
qui porte le nom ù'atzapoll, est jaune en dehors et en dedans et d'un goût très
sucré; sa chair a la consistance du jaune d'oeuf durci. Ses noyaux sontchâtain foncé.
H y a un autre arbre de cette espèce qu'on appelle xicolzapoll. Les Espagnols les
nomment poiriers sauvages. Le fruit en est très sucré et d'excellent goût. Cet arbre
pousse en terre chaude. 11 y en a un autre qu'on nomme tololcuitlalzapoll et qui
habite la terre chaude. Le fruit porte le même nom ; il est gros, vert on dehors, noir
en dedans; il est très sucré et bon à manger. Il y en a un autre qu'on nomme
lecolzapoll. Le fruit a la grosseur et la forme d'un coeur de mouton. L'écorce est
rugueuse et dure; la chair est rouge, très sucrée et très bonne à manger. Le noyau
est noir, très lisse et très luisant. Il existe un autre arbre de cette espèce, appelé
elsapoll. Le fruit porte le nom à'yolsapoll. C'est l'anone, qui renferme un grand
nombre de noyaux noirs semblables au haricot. On l'appelle aussi quauhlzapotl.
Les arbres qui produisent des prunes, des goyabes et de petites pommes s'ap-
pellent xocoquauitl* . Ceux qui donnent les petites pommes du pays sont touffus
et de taille moyenne. Le bois en est très dur et le fruit s'appelle texocoll" comme
l'arbre. Ce fruit est jaune ou rouge en dehors et blanc à l'intérieur ; il a plusieurs
noyaux et il est très bon à manger. On appelle maçaxocoll l'arbre qui produit des
prunes. Il appartient aux terres chaudes. Le fruit est tantôt rouge et tantôt jaune ;
quelquefois gros et d'autres fois plus petit. VcUoyaxocolle est une prune grosse,su-
créeet très bonne à manger, soit crue, soit après être bouillie. On en fait une bois-
son qui enivre plus que le pulque. Toutes les prunes renferment de gros noyaux.
L'arbre qui produit les goyabes s'appellexalxocoll 1. Il est petit; ses branches
et ses feuilles sont distantes. Le fruit porte le même nom. Extérieurement il est
jaune ou d'un vert foncé. L'intérieur en est blanc ou rougeâtre. • Il renferme un
grand nombre de pépins. Il est très bon à manger et il arrête la diarrhée.
L'arbre qui produit le cacao est appelé cacauaquauill''. lia de larges feuilles;
il est touffu et de taille moyenne. Son fruit est de la grosseur d'un épi de maïs
ou un peu plus fort. Il contient intérieurement les grains de cacao. Il est violet
en dehors, rouge ou vermeil en dedans. Quand le fruit est nouveau, il enivre
si l'on en boit beaucoup, tandis qu'il est rafraîchissantquand on le prend avec
modération.
Il y a un certain arbre appelé leonacaztli. Les fleurs en sont très belles, très
jaunes et d'une odeur pénétrante. On en fait beaucoup usage pour en sentir
l'arôme et pour en boire après les avoir moulues avec du cacao. Leur action est
enivrante quand on les prend d'une manière immodérée.
11 existe un arbre du nom de uaxin. II est moyen de taille ; son tronc est lisse,
de même que les feuilles qui sont presque comme celles do l'arbre du Pérou.
1. Avocatier, laurus persea; en espagnol aguacate (beurre végétal), fruit délicieux des
terres chaudes et mêmes des terres froides du Mexique, puisqu'il y en a sur différent:'-
points des côtes, de môme que dans les jardins qui entourent Mexico.
2. C'est-à-dire : avocatier grand et dangereux (llacaçollic).
'A. C'est l'avocatier vert (quilill).
4. C'est-à-dire: arbre qui porte des fruits (xocoll).
ô. Nous avons dit déjà ailleurs que c'est le craloegus meoeicanus de la famille dcsNosaeécs,
lequel produit un fruit appelé lejocolc qui donne une excellente gelée.
6. De aloyall. rivière, et oiocotl, fruit ; c'est probablement Je spondias purpure.a (TCIT-
binlhacées).
Pomum arenosum, d'Hemandez. livre RI, chap. 4L
7. De xalli, sable, cl xocoll, fruit.
8. De caeauall, cacao, et quauill. arbre (llieobronia cacao).
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 735
jl produit un
fruit, semblable à celui du caroubier, qui est bon à manger et se
vend au marché.
[1 y a un arbre appelé mizquill 1, dont l'écorce est brune à la surface et qui
intérieurement est blanche et souple. Elle est médicinale et l'on en prépare une
boisson qui remplace le pulque. Cet arbre possède un bois très dur. Ses feuilles,
nui ressemblent à celles de Vaueuetl, s'emploient comme remède, de même que
ses bourgeons, contre
les maladies des yeux. Leur suc s'instille dans cet
oro-âne. Le fruit se compose de petites gousses cylindriquesrenfermant quelques
«•raines. Ces gousses sont sucrées et bonnes à manger. On les mâche sans les
avaler pour en sucer seulement le jus. Leur usage immodéré fait enfler le ventre.
11 y a dans le pays des mûriers. On les appelle amacapulin K Cet arbre est
lisse et touffu. Les branches sont fort nombreuses et les feuilles très rapprochées
sont vertes et un peu plus claires en dessous. 11 produit des mûres un peu plus
petites que celles de Castille.
11 existe dans le pays un arbre que les Mexicains appellent capulin et les
Espagnols prunier, parce qu'il ressemble quelque peu au prunier d'Espagne par
sa feuille et par son fruit. Celui-ci porte le nom de capulin, ce qui désigne la
prune du pays. Les feuilles et les bourgeons de cet arbre s'instillent dans les
yeux comme remède. Ces prunes font du mal quand on en mange beaucoup,
parce qu'elles produisent la diarrhée. L'amande du noyau se mange grillée. Une
autre espèce de ce prunier s'appelle elocapulin 5. L'arbre et le fruit sont plus
grands, et celui-ci est très bon à manger. Une autre espèce se nomme tlaolca-
pulin*, parce que l'arbre et le fruit sont plus petits.
Un autre prunier s'appelle xitotnacapidin 6. Il produit de grosses prunes dont
le noyau est petit, la peau épaisse et le jus très abondant.
Il y a un arbre appelé quauhcamotli dont on fait cuire les racines qui prennent
le goût de patates et sont bonnes à manger.
11
y a dans ce pays une plante que l'on appelle nopalli, ce qui désigne le végétal
qui produit les lunas. Celte plante est étrange ; car le tronc en est formé par
les feuilles dont l'épanouissement forme aussi les branches. Ces feuilles sont
larges et épaisses. Elles portent des épines et renferment un suc abondant et
visqueux. Le fruit que cette plante produit s'appelle tnna. Il a bon goût et il est
1. Le mczquilc, nom que les Espagnols ont retiré du mot mexicain mizquill, a été appelé
pi'osopis dulcis.inga circinalis et mimosa circinalis par différents botanistes. 11 produit
un légume d'environ un décimètre de long et un centimètre et demide largeur. Sa saveur
douceâtre l'avait fait adopter par les anciens Chichimèques pour l'un de leurs principaux
aliments, et il en est encore fait usage par les indigènes. Son emploi suivi irrite la gorge,
mais sa substance est réellement nutritive. Celle plante produit une concrétion semblable
>l la gomme arabique officinale. Son bois est dur, de bel aspect, résistant et de longue
durée.
2. Do amall, papier, et capulin, prunier.
'•'• De doit, épi de maïs vert, et capulin, prunier.
'i. Do llaolli, grain de mais sec, et capidin.
•>. De rcilomatl. et capulin, prunier.
736 HISTOIRE DES CHOSES
fort estimé. Le meilleur vaut une pomme calville. Les feuilles se mangent cuiin
et crues. Une espèce de cette plante porte des fruits qui sont jaunes en dedans
Une autre espèce les produit rouges ou rosés; ceux-ci sont d'un excellent goût
Il y a une variété de cette plante qui a sur la feuille des rayures routes
son
fruit est rouge en dehors et violet en dedans. Il est gros et recouvert d'une peau
épaisse.
Une autre espèce donne des fruits rouges intérieurement et extérieurement. li-
sent gros et allongés. Il est une autre variété dont la feuille est ronde, d'un sris
verdâtre et de grosseur moyenne. Cette variété qui est basse de taille porte un
fruit de la rondeur du tzapotl. Il en est une autre dont les tunas sont d'un violet
foncé et rondes comme les précédentes. Une autre encore dont la tuna est
blanche avec une peau épaisse et acide; mais la chair en est sucrée. 11 y a une
espèce chargée de nombreuses épines longues et pointues. Ses tunas sont aigres
et blanches; la peau en est épaisse et d'une acidité qui agace les dents. La chair
est peu abondante, mais elle est sucrée. On les mange crues et cuites.
Il y a une variété de cette plante qui croît à l'état sauvage et qu'on appelle
leno2iallil. Elle pousse sur les escarpements de rochers et aussi sur les plaines.
Son fruit porte le nom de çacanochlli*. Sa peau est acide. Cette tuna est petite
et on la mange cuite ou crue. Il en est d'autres, sauvages aussi, qu'on nomme
azcanochtli"', dont le fruit est de couleurs très variées. Les uns sont blancs, les
autres sont rouges; d'autres encore sont violets. La forme en est ronde et le goût
sucré. Les pépins sont petits. Il y a d'autres variétés de cette plante dont les tunas
sont couvertes d'une enveloppe très épaisse.
Le nom véritable de la tuna est nochlli*.
Les racines de la plante qu'on appelle quauhcamotli sont comestibles ainsi que
nous l'avons dit. 11 y a d'autres racines bonnes à manger qui croissent comme les
navets sous la terre et qu'on appelle camolli. Ce sont des patates de ce pays. On
les mange crues, bouillies et cuites au four.
Il existe beaucoup de racines qu'on mange crues et qu'on appelle oeicamas.
Elles sont blanches, sucrées et apaisent beaucoup la soif. Il en est d'autres qu'on
appelle cimall. On les mange bouillies; car elles feraient mal si on les
mangeait crues. Elles sont naturellement blanches, mais elles deviennent jaunes
en cuisant. Il en est d'autres qu'on mange crues ou bouillies et qu'on nomme
tolcimatl". Elles sont rondes et blanches, et jaunes après la cuisson. H y a une
CHAPITRE VII
i h y a une plante qu'on appelle coati xoxouhquz-. Elle produit une graine qui
porte le nom de ololiuhqui. Elle enivre et rend fou. On la donne en breuvage à
des personnes auxquelles on veut du mal. Ceux qui la prennent ont des halluci-
nations qui leur font voir des choses épouvantables. Les sorciers la font boire ou
j manger à ceux qu'ils haïssent, pour leur causer du mal. Celte plante est médi-
cinale quand on l'emploie extérieurement en poudre, en l'appliquant sur la
douleur dans les cas de goutte. Il y a une autre plante qui rappelle la truffe. On
l'appelle peyotl. Elle est blanche. Elle se produit dans les parties septentrionales
du pays. Ceux qui la mangent ou boivent voient des choses effrayantes ou risibles.
Cette ivresse dure deux ou trois jours et disparaît ensuite. Celte plante entre dans
la consommation habituelle des Cbichimèques, Elle les soutient et leur donne du
courage pour le combat on les mettant à l'abri de la peur, de la soif et de la
faim. On croit même qu'elle les préserve de tout danger.
'1 y a une autre plante appelée llapall. C'est presque un arbuste. Elle produit
un petit fruit arrondi entouré d'une peau verte sans épine. Ses feuilles sont larges
cl ses (leurs blanches; ses graines noires et puantes enlèvent l'envie de manger
a ceux qui en prennent, les enivrent et les rendent fous pour toujours. Cette
graine est bonne contre la goutte, en frottant le point douloureux avec sa
décoction. La plante entière est aussi dangereuse
que sa graine.
Une autre plante du même
genre est appelée tzilzintlapall* parce que son
fruit arrondi est épineux. Elle produit les mêmes effets
que la précédente. Il en
estime autre qu'on nomme mixill. Elle est petite, verte et fortement étalée. Elle
§ 2. — Des cèpes.
Les cèpes forment une espèce sauvage qui croît dans les bois. Ils sont bons a
manger. On les fait cuire pour la consommation. Crus ou mal cuits ils causent la
diarrhée, les vomissements et la mort. Comme remède contre ces accidents on
applique en lavementl'onguent jaune appelé axin. Une variété de cette espèce est
appelée tzontecomananacatlA.Elle est grande et ronde. Il en est une autre qui a
la particularitéde produire plusieurs individus sur un seul pied, les uns hauts
et les autres plus bas.
11 v a d'autres cèpes larges et ronds comme une
assiette. Tous ceux que nous
venons de dire sont comestibles, mais ils ont besoin d'être bien cuits. Il y en a
d'autres qui sont blancs et ronds et qui cuisent facilement. On les grille aussi sur
un
cornai; ils ont très bon goût. D'autres encore sont ronds et aplatis sur un
pied long et mince. Ils cuisent très vite et sont très bons. Us poussent dans les
lieux solitaires quand commencent les pluies. Il en est encore d'autres qui sont
bons à manger, bouillis et grillés.
Il y a une racine appelée cimatl. La plante qui la produit s'appelle de même ou
quauecoc. Elle donne une fève semblable à un gros haricot. C'en est un, en effet,
à l'état sauvage. Elle pousse des tiges longues et rampantes sur la terre. Sa
racine mangée crue ou mal cuite fait vomir, cause la diarrhée et tue. Son remède,
c'est l'onguent jaune appelé axin appliqué en lavement. Pour manger ses racines,
il est nécessaire de les faire cuire pendant deux jours consécutifs.
Il y a une plante appelée amolli qui a les feuilles comme les petits souchets
et la tige blanche. Sa racine fait l'office de savon pour blanchir le linge. Les
petites radicelles servent à laver la tête. On les emploie aussi comme appât pour
priver les poissons de sentiment. Les personnes qui font usage de cette racine
en meurent, et quelquefois, au contraire, y puisent du soulagement. Lorsque quel-
qu'un a avalé une sangsue, cette plante bue en décoction fait mourir l'animal.
11 y a une racine qu'on appelle lecpalli. Elle s'attache comme de la glu et elle a
L'une des herbes qu'on mange bouillies s'appelle uauhquilitl*. C'est une blette
1res verte qui a les rameaux minces et longs et les feuilles larges. La tige et la
graine portent le nom de uauhlli. Cette plante se mange bouillie. Elle a le goût
de la sarriette. On en exprime l'eau après l'avoir fait cuire. On en fait des
lamalcs auxquels on donne le nom de quillamalli. On la mêle aussi aux
tortillas. Elle est très répandue et son usage est considérable, comme la sarriette
d'Espagne.
Une autre herbe se mange aussi bouillie. On l'appelle quiltomilli. Elle a les
feuilles larges quand elle n'a pas acquis toute sa croissance. On la mange.
Devenue grande on l'appelle pelzicall. On la fait cuire avec du -tequixquitl
U y a une autre
herbe comestible appelée tolcimaquilitlK Sa fleur est très belle;
la racine dont il a été question plus haut.
on en mange
11 y a un
petit fruit appelé oeallomatl ou xaltotomcUl que produit une plante
nommée xallomaxiuitl*. Ce petit fruit, qui est rond, sucré et juteuXj est tantôt
blanc et tantôt noir. Sa racine se mange crue, bouillie et cuite au four.
U y a une herbe du nom de coyotoiomatl"
qui produit un petit fruit comestible
semblable à de petites tomates et qu'on appelle millomcdl. Il a la peau jaune ; le
woîit en est sucré, mais il serre un peu la gorge. La décoction de là racine bue
modérément est médicinale. Elle nettoie les intestins. Les femmes nourrices la
boivent, parce qu'elle purifie leur lait.
Une herbe appelée allitiliall produit un petit fruit noirâtre, sucré et un peu
aigrelet. Ses feuilles s'emploient dans les temaxcalli pour préparer l'eau dans
laquelle se baignent les malades.
L'herbe qu'on nomme tlalxilollet celle qui est appelée tlalayotl sont comestibles.
11 y a une plante médicinale qu'on appelle cocoyactic et dont les médecins font
usage au début d'un traitement. Elle forme sous la terre une tête pareille à celle
de l'ail. Quand on commence à traiter un malade, on pulvérise cette plante avec
sa racine et sa graine. On la fait absorber au malade par le nez, et,
si la dose en
est forte, le sang jaillit des narines. Cette plante se produit clans l'endroit que
l'on nomme Motlauhxauhcan*, et qui se trouve situé au pied des montagnes de
Quauhnauac.
Il y a une autre plante médicinale qu'on appelle pipilzauac, et qui ressemble à
du foin haut de taille. Sa racine se met en poudre et on la donne à boire à celui
qui se plaint d'une chaleur intérieure trop considérable. Il s'ensuit des vomisse-
ments et des selles qui tempèrent cotte chaleur. Ce remède fait expulser de la
matière aux hommes et aux femmes. Après sa purgation le malade devra boire
du yolalolli qui se fait avec du maïs moulu. Cette plante pousse sur les montagnes
de Ghalco.
y a une autre plante médicinale qu'on appelle izlacquauitl. Sa racine est
U
comme celle du cimatl dont nous avons parlé; elle est tout aussi grosse, très
blanche, un peu spongieuse et légèrement sucrée. C'est un tempérant de la cha-
leur. La décoction de celte racine est bue par ceux qui ont fait usage d'un pur-
gatif. Elle purifie l'urine, guérit les parties génitales des hommes et des femmes
et fait venir au dehors un amas dé pus s'il existait intérieurement. Si quelqu'un
i* été blessé à la tête, cette plante appliquée entière ou pulvérisée sur la plaie la
hiit guérir. Cette même racine fait encore du bien à ceux qui ont mal aux yeux et
qui ont les paupières gonflées et rouges de chaleur. Ils guérissent en se frottant
comme les
tubercules de terre. Ces tubercules sout unis les uns aux autres. Les
fouilles de cetteplante sont arrondies et se terminent par une pointe. Elles ne sont
d'aucun usage. Mais les racines moulues et bues dans de l'eau sont utiles à ceux
alii ont la digestion affaiblie. Les enfants atteints de diarrhée guérissent en la
buvant avec de l'eau. Cette plante pousse dans les champs et dans les lieux
incultes.
H y a une autre plante appelée ixiayaual. Elle a les feuilles rondelettes et
vertes et la racine noirâtre. Bue en décoction elle tempère la chaleur et purifie
l'urine. Si on l'applique en poudre sur la tête des enfants, elle fait disparaître les
éruptions maladives. Elle les guérit aussi de la diarrhée et d'une excessive cha-
leur. Moulue avec la feuille de l'herbe appelée eloquillic, cette racine est bonne
coniro la constipation, qu'elle fait cesser. On trouve celte plante au milieu des
rochers et des endroits escarpés.
Il y a une autre plante appelée eloquillic, qui a les branches longues et minces.
Les feuilles pulvérisées et bues avec de l'eau facilitent la digestion et provoquent
l'urine. Elle croît sur les montagnes. Il y en a une autre très médicinale qu'on
nomme loçancuitlàxcolli1. Elle a les fouillesrougeâtres, rondes et dentelées; les
branches sont vermeilles et quelquefois moitié vertes et moitié rouges. Sa racine
est blanche en dedans et rougeâtre en dehors. Ses racines sont multiples, arron-
dies et entrelacées les unes avec les autres. On les fait griller avec du chilli et
cuire ensuite dans de l'eau. Ainsi préparé, ce remède guérit les selles sanguino-
lentes. Quand on l'a bu, les selles deviennent plus abondantes; mais bientôt elles
s'arrêtent. Après cela le malade doit boire une eau mêlée de chiantzotzoll et peu
de temps après il pourra manger. Les feuilles de cette plante ne sont bonnes à
rien. Elle croît au milieu des rochers et sur les montagnes.
il en est une autre appelée cozlomall. Sa racine est très amère; elle est
blanche et rondelette avec la peau jaunâtre. Les feuilles sont comme celles de
la plante qu'on appelle miltomatl. Elle produit un petit fruit jaune, sucré et bon
à manger. Sa racine facilite la digestion et tempère l'excessive chaleur. On
trouve cette plante sur les plaines, sur les coteaux, sur les montagnes et dans
les déserts.
Il y en a une autre médicinale également qu'on appelle cacacilii et qui ne
dépasse guère le niveau du sol. Ses feuilles sont miuces et larges; elle produit
des fleurs blanches qui ne sont d'aucune utilité. Sa racine est sucrée; elle est
bonne contre le flux de sang, en en buvant la poudre mêlée avec de l'eau addi-
tionnée d'un peu de chiantzotzoll. On en fait usage également contre les
fracture des os. Elle est bonne en ce cas à la condition de l'appliquer sur la lésion
avec une substance adhôsive comme IzuciUli* ou xochiocolzoll. Elle est utile
aussi contre les abcès et les bubons, ou autres choses semblables, attendu qu'elle
en produit la maturation en l'appliquant par dessus. Elle est bonne aussi pour
faire expulser du
corps un éclat de bois, une épine, un os ou un morceau de
Hèche. Cette plante
pousse sur les montagnes de Xochimilco et sur toutes les
autres.
1res vertes et poilues ; les feuilles sont longues et minces, elles ne sont d'aucune
utilité. Les racines sont blanches et arrondies. Elles poussent enchevêtrées les
unes avec les autres et sont
d'un goût sucré comme les xicama. On les moud
•n'ec un peu
de maïs et ceux qui sentent un excès de chaleur les prennent en
boisson. La plante se mange bouillie. Elle pousse entre les plants de maïs et sur
les montagnes.
H y a une autre plante salutaire qu'on appelle xoxocoyoltic. Elle a une tige
longue avec des rameaux qui en émanent. Ses feuilles en forme de coeur sont
dentelées et rougeâtres. Elles n'ont aucune utilité. Elle a une racine unique de
l'aspect d'une pierre arrondie ; la surface en est vermeille et le dedans est blanc
et d'un goût amer. Elle est un remède pour ceux qui ont le membre endommagé;
on en
fait alors usage en l'injectant au moyen d'une seringue. Elle est bonne
aussi en lavement pour ceux qui sont constipés. Mêlée avec un peu de pulque
blanc, ou sans ce mélange, elle fait .vomir. Elle fait rendre aussi et expulser la
matière qui est renfermée dans le membre. Après son usage, le malade devra
prendre un peu de bouillon de poule ou de la bouillie qu'on appelle yolatolli.
Cela fait, il mangera ; mais il ne devra pas boire de l'eau froide. Cette plante
pousse sur les escarpements des rochers.
11 en est une autre médicinale aussi qui s'appelle Uacoxiuitl. C'est un arbuste
dont les rameaux sont verts comme les feuilles. Ses fleurs sont jaunes, les
branches anguleuses et les racines minces. L'ensemble de la plante n'est bon à
rien à l'exception des racines. Celles-ci moulues avec de l'eau et prises en boisson
modèrent la chaleur et tempèrent ceux qui ont la figure congestionnée. On en
arrose celle-ci ainsi que les yeux. On la met dans de l'eau, qui en devient
violette, pour la prendre en boisson et en faire usage en lotion. Elle fait suer
celui qui la boit. Elle croît sur les montagnes.
Il y a une autre herbe médicinale qu'on appelle acocoxiuitl. C'est un arbrisseau
qui a les feuilles étroites et longuettes et les branches hautes. Les unes et les
autres sont sans vertu. La racine qui est un peu piquante et a l'odeur d'herbe
moulue s'applique en lavement. Prise avec de l'eau, elle est utile à celui qui a un
abcès dans le membre ou dans une partie interne ou qui rend de la matière par
l'urine et dont tout le corps s'amaigrit. Avec ce remède la maladie entière est
expulsée. Le liquide qui se donne ainsi en lavement ne doit pas être très épais
«l il ne faut pas prendre chaud celui qu'on boit. Il modère la chaleur intérieure,
tic tic plante croît sur les montagnes.
11 y
a une autre plante médicinale appelée iz-eleua. C'est un arbrisseau; Il
porte des fouilles rondes très vertes et des fleurs violettes qui ne sont d'aucune
utilité. La racine do cette plante est grande et noire comme celle d'un arbre. On
la coupe pour en tirer profil. On la met en morceaux et on la fait cuire avec
des pépins de calebasse et des grains de maïs. On passe la décoction et on la fait
boire à ceux qui ont eu des rechutes. Si une femme, après avoir été malade,
cohabite avec son mari et est prise d'une rechute pour ce molif, elle boit deux
ou trois fois de ce remède el cela la guérit. Ce remède se boit également cru,
pulvérisé et mêlé avec de l'eau, pour les personnes qui sont au début d'une mala-
die; cela fait rendre la bile et le flegme par la bouche. Cette boisson est admi-
nistrée aussi à ceux qui éprouvent trop de chaleur et des angoisses sur le
748 HISTOIRE DES CHOSES
coeur: cela suffit pour apaiser le mal. Les malades, après l'avoir bue, prennent
un peu de bouillon de poule. Cette plante est rare ; elle croît sur les monlao-nes
Il y en a une autre médicinale qui s'appelle chilpanlon.EWQest détaille élevée
Ses feuilles longues et larges et ses fleurs rouges ne sont bonnes à rien. Les
racines sont noires en dehors, blanches intérieurement, épaisses et longues. Elles
sont amères.'Cuites sur un cornai et pulvérisées, elle sont utiles à celui qui perd
le sang par le nez, en les absorbant mêlées avec de l'eau. On les donne à boire
aux
personnes qui ont de la toux. Leur poitrine se ramollit et des flegmes sont
expulsés par la bouche. Cette plante croît sur la montagnes.
Il y a une autre plante qu'on appelle clnchilquiltic'. Elle est rougeûlre
sur
l'éeorce, ses rameaux sont longs et fortement espacés. Ses feuilles sont étroites en
bas, s'élargissent ensuite et se terminent en pointe. Les branches ont des noeuds
comme le roseau. L'ensemble n'est d'aucune utilité ; mais la racine est bonne pour
ceux qui sont trop échauffés intérieurement et refroidis à la surface. Ce remède
fait sortir la chaleur au dehors. Quand on le boit, on ne doit point faire usage de
tortillas chaudes ni d'aucune chose acide. Cette plante croît partout par les
plaines et sur les coteaux.
Il y a une autre plante médicinale qu'on appelle llatlalayolli. Elle est rampanle
comme les calebasses sauvages. Les feuilles en sont comestibles. La racine,
comme le locimatl, est d'un goût à la fois sucré et amer. Moulue et mêlée avec
delà résine ocolzoll, elle guérit les abcès que l'on en frotte. On emploie aussi la
poudre pour le même motif. Cette plante croît dans les plaines et sur les lieux
élevés.
Il en est une médicinale appellée lepeamalacoll2. Elle ressemble à la plante
aquatique nommée amamalacotl 5. Elle a les feuilles rondes et aplaties, les
branches minces, longues el vides. La feuille est terminale; caria lige des
rameaux est nue depuis le point de sa naissance jusqu'à son extrémité. La racine
ressemble aune pelote arrondie; elle est piquante et utile contre la toux et pour
la digestion. On prend chaque fois quatre de ces pelotes; les enfants n'en pren-
nent qu'une. Cette plante croît sur les rochers et les escarpements.
Il en est une autre médicinale qu'on nomme izlaquillic *. 1211e a les rameaux
rouges et les feuilles d'un vert cendré. Les uns et les autres ne sont d'aucune
utilité ; mais la racine, qui est longue, moulue et prise en boisson avec de l'eau,
est bonne pour ceux qui ont la gale. Ils ne la boivent qu'une fois; ils s'en frottent
en même temps tout le corps el c'est ainsi qu'ils guérissent. La plante croît sur
les coteaux et sur les montagnes.
Il y en a une autre médicinale appelée tlcdmizquill:i. C'est un arbrisseau qui a
les feuilles comme l'arbre nommé mizquit.l. Elles ne sont d'aucune utilité. Sa
racine est jaune comme celle du ciinall. Elle est unique, longue et de bon goùl.
On la moud et on la boit à jeun avec de l'eau. Elle est bonne pour ceux qui ont
les feuilles et les branches sont en petit nombre, minces, longuettes et trèsvertes ;
ses fleurs sont blanches. Aucune de ces parties de la planle n'est bonne à rien. Les
racines sont épaisses et blanches. On les fait cuire dans l'eau et celui qui, atteint
do diarrhée, boit de cette décoction, guérit pourvu qu'il prenne soin de boire
après cela de la bouillie appelée yolatolli. Cette racine est en même temps un
remède contre les abcès et les gonflements qu'elle résout ou fait suppurer. Cette
planle croît partout en plaine et sur les montagnes.
11 y en
a une autre, médicinale aussi, qu'on nomme Ualchipilli7'. Elle est de la
hauteur de deux empans. Ses feuilles, qui n'ont aucune utilité, sont vertes, lai'ges,
pointues et parsemées d'un grand nombre de veines. Sa racine est d'un vert
foncé extérieurement et d'un brun violet en dedans. Elles est amôre. Réduite en •
poudre, mêlée avec de la résine ocotzotl, et appliquée sur les abcès, elle les guérit.
Kllc croît en plaine et
sur les montagnes.
tl y a une autre plante médicinale qui s'appelle acaxilolic*. C'est un arbuste;
ses feuilles, qui sont très nombreuses,sont réunies parleur tiers inférieur formant
('cs groupes de deux, de trois
ou de cinq. Les branches sont minces et les feuilles
ongues et larges. Los unes et les autres sont sans utilité. Los racines sont lon-
gues, blanches, petites et d'un goût styptique. Pulvérisées et délayées dans l'eau,
petites tiges s'élalent sur la terre. Ses feuilles ressemblent à celles du tzayanal-
quilitl; elles sont petites, très vertes et dentelées. Ces parties de la planle ne
sont d'aucune utilité. La racine est unique; elle est comme une enfilade de grains
de chapelet, châtain en dehors et blanche intérieurement. Pulvérisée et délayée
dans de l'eau, elle est bonne pour les femmes qui nourrissent et dont le lait
devient aigre. Celui-ci se purifie par l'usage prolongé de cette boisson. On la
donne à prendre aussi aux enfants qui ont la diarrhée. Le mal s'arrête par son
emploi. Le suc que l'on en extrait en la pilant nettoie l'urine des enfants. Les
nourrices ne doivent pas manger d'avocat, parce que ce fruit donnerait la diarrhée
aux nourrissons. Cette plante croît sur les montagnes et entre les rochers.
Il y aune autre plante médicinale appelée ichcayo*. Ses feuilles sont nom-
breuses et de la longueur du doigt. Elles procèdent du sol comme le maguey,
parce que la plante n'a pas de tige. Elle sont velues et cendrées. Moulues elles
sont bonnes pour les gens qui ont des bubas; on les applique sur les plaies. Les
personnes qui ont cette maladie ne doivent manger ni de la viande ni du poisson.
Cette plante croît sur les montagnes.
Il y a une autre plante médicinale appelée tlalyetl. Les feuilles qui procèdent
(lu sol sont très vertes, larges et dentelées. La plante forme une fleur jaune et
ses racines sont minces et très fournies. Celles-ci, aussi bien que les feuilles,
sont piquantes; moulues ensemble, elles sont bonnes contre les hémorroïdes,
sur lesquelles on les applique. Cette application doit se renouveler plusieurs fois
pour que le mal guérisse. Cette plante croît en tous lieux, dans les champs et sur
'es montagnes.
Il y en a une autre qu'on nomme mexiuill''. Elle a plusieurs branches procédant
d'un pied unique. Branches et feuilles sont de couleur rougeâtre. Ses fleurs sont
de la même
nuance et les feuilles sont larges et dentelées. Le goût en est
cuite. La racine est médicinale dans les cas de lésions produites sur les pieds en
trébuchant. Elle croît dans les marécages.
Il en est une autre du nom de xaltomatl. Sa racine pulvérisée avec la précé-
dente est utile à ceux qui urinent difficilement. On y mélange quelques grains de
maïs. On en boit la décoction à jeun ou en mangeant, car on ne doit pas boire
d'autre eau. Prise de la sorte, elle purifie l'urine et la rend claire. Elle croît
partout dans les prairies et dans les savanes.
Une autre plante, nommée quapopulizin, a des rameaux longs, minces et
fourchus. Les fourchures et les fleurs sont de couleur jaune. Les racines sont
touffues, minces et de goût amer. Elles sont utiles à ceux qui sentent de la
chaleur intérieure. On en boit la décoction en mangeant, sans faire usage
d'aucune autre boisson. Elles purgent et sont tempérantes. La plante pousse sur
les montagnes.
Une autre qu'on nomme tlalamatl a des feuilles très vertes réunies de trois en
trois. Ses fleurs qui sont jaunes et dentelées ne sont d'aucune utilité. Sa racine
qui est longue et blanche en dehors est rougeâtre en dedans. Réduite en poudre,
clic est bonne en l'appliquant sur les brûlures et sur les parties suppurantes.
Cette planle croît partout.
Une autre, nommée xoxollalzin, est rampante, très verte et de fort mauvaise
odeur. Elle forme des fleurs à l'aisselle des feuilles. Cette plante pulvérisée est
honne pour les abcès qui procèdent de chaleur. Son application les fait ouvrir.
On la mêle aussi
avec du tequixquitl et, lorsque l'abcès s'est ouvert sous l'in-
fluence de
ce mélange, on en imbibe des mèches qu'on introduit par l'ouverture
ct la guêrison s'ensuit.
48
754 HISTOIRE DES CHOSES
Il y a une autre plante appelée lonalxiuitH. Ses feuilles sont de couleur
cendrée, fragiles et minces. Cette plante rampe sur le sol. Ses fleurs qui
sonl
blanches affectent une couleur jaune vers leur milieu. La poudre des feuilles el
des tiges est bonne contre la gale. La racine de cette plante n'a aucune utilité
Sa partie'extérieure happe la langue quand on la mange. Cette plante croît dans
des lieux humides, en plaine et sur les hauteurs.
Une autre appelée tlacoxochitl est de taille élevée, branchue et étroite. Elle
donne de petites fleurs blanches avec une légère nuance violacée. Ces parties de
la plante ne sont d'aucune utilité. Sa racine est noire en dehors, blanche en
dedans, de la grosseur d'un navet et d'un goût un peu sucré. Moulue avec les
rameaux de la plante appelée chilpanlon, elle est utile pour arrêter le sang qui
sortdii nez, si l'on en absorbe la poudre. Elle est bonne aussi pour ceux qui sentent
une grande chaleur intérieure. Elle doit être bue à jeun. Elle purifie l'urine
lorsqu'elle est devenue épaisse. Cette plante croît sur la montagne et partout
ailleurs.
Il en est une autre qu'on nommeocopiaztlioiiUilpotonqui*.Ses feuilles sortent de
terre sans aucun rameau ; elles ont un empan de long et sont dentelées et d'une
couleur verte; elles affectent une forme arrondie. Une tige les surmonte. Les
racines de la plante sont touffues, minces et longues. Les feuilles et les racines
moulues ensemble sont bonnes contre les gonflements qui procèdent de chaleur cl
sur lesquels on les applique. On boit aussi ce mélange délayé dans l'eau à jeun.
Si on en fait usage après avoir mangé, il faut attendre que la digestion soit finie.
Quand on l'emploie sur les tumeurs, ce remède les fait mûrir ou résoudre. On le
mêle alors à la racine de la plante nommée xalacocotli. Délayé dans du pulque
blanc, on le prend en boisson contre les tumeurs susdites.
La plante que nous venons de nommer oealacocotli est vide comme le roseau de
Castille. Elle forme plusieurs rameaux qui commencent à partir du sol. Ces
petits rameaux sont nombreux; ils se subdivisent eux-mêmes et sont de couleur
verte. Les fleurs sont jaunes. Toutes ces partiesextérieures ne sontd'aucuneutililé.
Il n'y a que la racine qui soit mise à profit comme nous venons de le dire. Celle
plante croît sur toutes les montagnes.
11 y a un arbre médicinal qu'on appelle lepoçan. Ses feuilles sont larges,
velues, arrondies et pointues. La couleur en est d'un vert un peu blanchâtre. Il
exhale un peu de" mauvaise odeur. Il est bon contre la chaleur de la tète chez les
enfants et les grandes personnes. Les racines sont grosses et longues; elles
sentent un peu mauvais. Fendues, pulvérisées et mêlées avec de la racine du
tepexiloxochîilacotl5, elles sont bonnes pour coaguler le sang qui sort du nez.
Cet arbre croît sur les montagnes et dans les ravins.
La plante appelée xiloxocliillacotl est un arbrisseau. Ses rameaux sont
compactes, minces et cylindriques comme les rejetons dû cognassier. Les feuilles
et minces. Elle est haute et forme des thalles. Ses fleurs, qui sont vertes a la sur-
face extérieure, prennent intérieurement une couleur rouge. Tout cela nesl
d'aucune utilité. Sa racine a la grosseur de celle d'un arbre ; elle est longue cl
projette des radicelles. Elle est noirâtre extérieurement et jaune en dedans; son
écorce est mince et elle est d'un goût piquant. Pulvérisée et bue délayée dans de
l'eau, elle est bonne pour ceux qui retombent de quelque maladie. Cette racine
doit se boire au moment où le malade entre dans le bain, pour qu'il n'en ressente
pas autant
la chaleur. Il en doit boire aussi un peu en en sortant. Les bien
portants la boivent également pour faciliter la digestion et pour tempérer la
chaleur intérieure. On la doit prendre a jeun, mais on peut en faire usage aussi
après avoir mangé. Cette plante croît sur toutes les montagnes.
Il y a un arbuste qu'on nomme tepetomail 1. Ses branches sont épaisses et
vertes; ses feuilles clairsemées sont larges et dentelées; les fleurs qui sont
jaunes poussent auprès des feuilles. Tout cela n'est d'aucune utilité, car d'autres
petites feuilles ne sont pas même bonnes à manger. Les racines minces et dures
happent à la langue. Pulvérisées avec quelques-unes des feuilles, elles sont
bonnes pour ceux qui ont les selles et l'urine arrêtées. Elles sont utiles également
aux personnes qui ont les humeurs empêchées de façon à ne pouvoir ni uriner,
ni déféquer, ni manger. Délayées dans un peu d'eau tiède et bues à jeun ou
après avoir mangé quand la digestion est faite, elles font excréter par en bas les
mauvaises humeurs et elles guérissent.
Il y a une autre plante appelée tlatlacotic. Elle est longue et haute; elle a un
n-rand nombre de rameaux massifs, verts et noueux. C'est sur les noeuds que nais-
sent les feuilles qui sont larges, vertes, pointues, longuettes et de nulle Utilité.Les
racines sont touffues et minces, noires extérieurement et jaunes en dedans. Leur
écorce est mince, et elles ont très bon goût. On fait usage de cette racine quand
on s'est purgé. On la moud et on la délaie dans de l'eau pour la prendre avant
ou après le repas, quand on a déjà bu la bouillie appelée yolatolli, Cette plante
croît sur les plaines et sur la montagne.
11 y en a une autre nommée lexoxocoyolli 2, dont les rameaux et les pédon-
cules des feuilles sont allongés. Celles-ci sontlarges et teintées de vert et de violet.
La fleur est unique et sa couleur est violette. Elle a un goût de foin un peu amer.
Toutes ces parties de la plante réduites en poudre et appliquées sur les tumeurs
sonl salutaires. La racine est unique, ronde, noire en dehors, jaune en dedans,
et d'elle se détachent de petites radicelles minces. Elle a un goût acre qui happe
à la langue. Cette racine moulue est bonne pour les femmes qui ont fait une
rechute parce que leurs maris ont eu des rapports avec elles avant leur guérison
complète. Elle est également utile à l'homme qui s'est approché de sa femme
avant d'être complètement guéri. Sa poudre doit se mêler avec un peu de coton
el s'introduire ainsi dans les parties do l'homme et de la femme et c'est par là
que s'expulse ce qui était nuisible au corps. Le même bénéfice résulte de son
emploi pour ceux qui se sont épuisés par leur commerce avec la. femme. Cette
racine moulue et mêlée avec celle do la plante appelée chilpanton est bonne pour
les personnes qui ont le ventre enflé à cause de quelque abcès intérieur. On la doit
boire délayée dans de l'eau et a jeun; elle fait rendre par en bas l'abcèsqui causait
le mal. Nous avons dit plus haut ce que c'est que le chilpanton. Quant au
lexoxocoyolli, il croît sur les montagnes et dans les déserts.
Il y a une autre plante qu'on appelle llallanquaye. Elle est longuette el elle n'a
qu'une, tige comme les arbres. Vers le haut, de petites branches sont chargées de
fouilles rayées qui sont larges à la base et très aiguës à la pointe. Des fleurs nais-
peu haute; les feuilles groupées de deux en deux ou de trois en trois sont vertes,
larges, renflées et un peu velues. Les fleurs sont orangées, rondes et concaves ;
elles ne font aucun bien. Les racines sont un peu grosses, noires à la surface el
blanches intérieurement. Elles sont recouvertes d'une pellicule mince. Leur
goût est à la fois amer et douceâtre. Elles sont bonnes contre la chaleur cl les
défaillances du coeur. Moulues avec une quinzaine de grains de maïs et autant de
cacao et délayées dans de l'eau, elles doivent être prises plusieurs fois à jeun ou
après avoir mangé. C'est un tempérant. Cette planle croît partout, sur les mon-
tagnes et dans les déserts.
1. Dans les lianes (malinalli, herbe rampante, sinueuse, avec co, suffixe do noms de
lieu).
2. Nous ne pouvons nous empêcher de faire observer à nos lecteurs que beaucoup de
descriptionsde Sahagun nous mettent en mesure de donner leurs noms modernes aux
objetsd'histoire naturelledont il nous parle sous des dénominationsqui nous sont par elles-
mêmes inconnues. Ainsi, dans le cas présent, qui ne reconnaîtrait qu'il veut parler des
cloportes?
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 765
ceuK qui font unechute étant debout, ou tombent de haut, ou ont reçu des coups
ou autres mauvais traitements, lorsqu'il résulte de ces causes que les nerfs
se sont contractés. Les bains sont utiles encore aux galeux et aux vénériens :
on lès y lave et, après les avoir lavés, on leur applique les remèdes que ces
maladies demandent ; mais, pour ces derniers cas, il faut que le bain soit très
chaud*.
Les renseignements que nous Venons de donner sur les plantes médicinales et
sur les autres objets dontilest fait mention plus haut ont été fournis parles vieux
médecins du Tlatelulco très experts dans les choses de la médecine et qui
exercent leur art publiquement. Leurs noms et celui du notaire qui les a inscrits
sont les suivants (ne sachant pas écrire, ces médecins prièrent le notaire de signer
leurs noms) : Gaspar Matias, habitant de la Conception; Pedro de Estrago,
habitant de Santa Inès ; Francisco Simon et Miguel Damian, habitants de Santo
Toribio;Felipe Hernandez, habitant de Santa Anna; Pedro de Requena, habitant
de la Conception; Miguel Garcia, habitant de Santo Toribio; Miguel Motilinia,
habitant de Santa Iness.
Il y a une plante qu'on appelle axocopaconi qui croît sur les montagnes et
qui répand une très forte odeur. Une autre nommée quaulixivditic est très molle.
Mise dans l'eau, celle-ci en prend l'odeur et devient une boisson savoureuse qui
fait grand plaisir.
1. Les anciens Mexicains ont transmis aux habitants modernes comme un reflet de leurs
anciennes habitudes auxquelles les gens de descendance européenne plus ou moins pure
ont eux-mêmes une tendance à prendre part. Les bains font partie de cet héritage. Le
Mexicain aime beaucoup se baigner. La manière varie selon les régions. Dans le Yucatan,
l'Indien, l'Indienne surtout, possède un grand baquet qu'il remplit d'eau froide et dans
lequel U se donne fréquemment un bain d'irrigation. Sur les hauteurs du centre du
Mexique, l'Indien suit une autre méthode. Ce n'est pas précisément à l'immersion ou à
l'irrigation qu'il a recours. Il préfère encore aujourd'hui, de même qu'autrefois, le lemazcal
qui n'est autre chose qu'un bain de vapeur. Le passage de Sahagun que le lecteur vient
de lire serait difficilement compris sans l'explication que nous allons y ajouter. Le
lemazcal n'est autre chose qu'une sorte de four à voûte fort basse et à bouche étroite,
construit généralement avec des adoles ou briques séchées au soleil. Au-dessous de ce
four se trouve creusé un espace dans lequel on allume un foyer dont la chaleur se com-
munique au-dessus jusqu'à donner au four la température désirée. Le plus souvent le
creusement inférieur avait pour but de chauffer fortement l'eau d'une chaudière dont la
vapeur se communiquait au four supérieur au moyen de trous pratiqués dans ce but. La
personne qui s'introduisait couchée dans le lemazcal y prenait donc un bain d'air chaud
ou de vapeur, à volonté. Lorsque Sahagun parle do feuilles de différente nature avec les-
quelles on flagellait le baigneur au moyen d'eau chaude, il ne veut point parler de l'eau
dans laquelle le baigneur aurait été submergé, mais bien de l'eau qui servait à rendre
humide l'air dans lequel il venait de suer. C'était dans cette eau qu'on laissait macérer les
branches, le plus souvent les feuilles de maïs, avec lesquelles, humides encore, on frottait
ou flagellait le baigneur quand il avait sué suffisamment. Aujourd'hui encore, il est
d'usage chez les Indiens qu'on n'omette jamais cette pratique à certaines périodes de la
grossesse et surtout pour terminer les relevailles après l'accouchement.
2. Une longue note qu'on lira à là fin de l'ouvrage appelle l'attention sur ce passagepour
dire que ces médecins, tout en ayant des noms européens, étaient assurément des
Indiens. Des médecins espagnols auraient su signer.
766 HISTOIRE DES CHOSES
Il y a une autre plante appelée mecaxochitl. Elle croît en terre chaude et
ressembleà des cordes tordues. Elle répand un très fort parfum et elle est médi-
cinale. Une autre, appelée ayauhtona, est d'un vert clair; ses feuilles sont larges
rondelettes et provenant d'un grand nombre de rameaux qui tous portent des
Heurs. On la mange.
Il y en a une autre qu'on appelle Ualpoyomalli, dont les feuilles sont
cendrées, molles et velues. Elle porte des fleurs. Son odeur l'a fait choisir pour
des parfums que l'on introduit dans les roseaux à fumer. Son arôme se répand
au loin.
Il y a une plante qu'on appelle yauhtli. Elle est très verte, elle a un grand
nombre de branches qui se dirigent toutes en haut. Elle est continuelle-
ment odorante et c'est un remède pour ceux qui ont la diarrhée. On la moud
et on la pulvérise avec du cacao. Après avoir grillé le mélange, on en fait
usage en boisson. Cela est bon pour ceux qui crachent le sang ou qui ont des
fièvres.
Il y en a une autre qu'on nomme ocoxochill. Ses rameaux sont verls et
minces; ils rampent sur le sol et produisent un petit fruit comme un grain do
raisin. On la trouve sur les montagnes et partout elle répand de l'odeut'.
Il est une autre plante nommée izlauhyall. C'est l'absinthe du pays; elle
ressemble à celle d'Espagne.
Une autre qui s'appelle ilztonquauitl répand une odeur suave.
Une autre qu'on nomme cpaçoll1 est bonne à manger. On en fait de la bouillie
qui est saine. Une autre qu'on nomme clzpanxiuill est haute et mince; elle
forme de la graine et elle est amère. Elle est utile pour adoucir par des lavages
la peau de la figure. Il en est une autre encore appelée tlalquelzal* qui a des
feuilles groupées en forme de panache. Elle est un remède contre la toux et l'indi-
gestion. Il y en a une autre de mauvaise odeur qu'on nomme itzeuinpalli; elle
est très amère. Une autre de mauvaise odeur aussi, nommée ilztonquauill. On la
boit dans de l'eau et elle est utile à la digestion.
et souples.
11 y en a une autre sauvage aussi qu'on appelle quauhichpoli '«. Il y a de la
doradille dans ce pays. On l'appelle tetequetzalI7. Les plantes et les fleurs qui
vont suivre sont de peu d'importance. On prétend seulement inscrire et faire
Les forêts sont très agréables, fraîches et fournies d'un grand nombre d'arbres,
de plantes et de fleurs variées. Elles ont de l'eau d'étangs et de rivières qui sert
à arroser les points fertiles du sol. Ce sont des lieux paisibles et délicieux. On y
trouve des arbres couverts de précieuses fleurs odorantes qu'on nomme yolloxo-
chitl provenantde la plante appelée yolloxochiquauill*.
Ces belles fleurs ont la forme d'un coeur. Autrefois les grands seigneurs seuls
en faisaient usage, surtout de l'espèce connue par le nom de tlacayolloxochitl,'
car il y en a une autre de moindre valeur, qu'on nomme ilzcuinyolloxochitl',
qui n'est remarquable ni par sa beauté ni par son odeur et dont se servent les
gens du peuple.
1. L'édition de Buâtamatite dit i gî'aiidcs ûomo los nogates, tandis que celle de Kings-
hoiougli porte grandes comonopalcs. Nous avons préféré suivre la pensée de Bustamante.
il ne sera pas oiseux de faire observer que le présent paragraphe se confond avec
une
partie du précédent en ce qui regarde cet arbre et la fleur qu'il produit. Le traducteur
n'a pas cru devoir faire disparaître cette superfétation, quoiqu'elle lui ait paru absolument
inutile.
2. De eloll, épi de maïs, xocliitl, fleur, et guauitl, arbre.
3. De cacauatl, cacao, et xochill, fleur. '
4. Do izquixochill, tout (leurs, etquauill, arbre.
n. Do Uapalli, coloré, rouge, et iiquixochitl, fleUi'3 nombreuses,
6. De Izonpanlli, et quauill, arbre.
49
770 HISTOIRE DES CHOSES
arrondi. Leurs fleurs qu'on appelle equiinixochitl 1 sont rouges et de bel aspect.
Elles n'ont aucune odeur. On nomme equimill les feuilles de cet arbre.
On voit encore dans les forêts un arbre du nom de mapilxochill (c'est-à-dire
.
fleurs à doigts) qui porte des fleurs figurant une main avec ses doigts. Les
feuilles sont très épaisses. Cet arbre s'appelle aussi macpalxochill 2, parce que
ses fleurs ressemblent à la paume de la main avec ses doigts. Il prend son nom
de la paume et des doigts réunis.
CHAPITRE VIII
Les pierres précieuses ne se trouvent pas dans la nature comme on les voit
quand ellessont au pouvoir de ceux qui les possèdent ou les ont pour les vendre,
belles, polies, et éclatantes. Elles se forment dans des pierres grossières qui n'ont
aucune apparence de beauté et gisent perdues dans les champs et. dans les vil-
lages, où on les remue dans tous les sens. Ce sont ces blocs qui renferment dans
leur intérieur les pierres précieuses, non pas grandes, mais petites, qui sont pla-
cées tantôt au centre et tantôt près de la surface. Il y a des personnes qui savent
où ces pierres se produisent, parce que n'importe laquelle d'entre elles répand
sur l'endroit où elle se trouve une vapeur ou exhalaison semblable à une fumée
légère. Cela apparaît avant que le soleil se voie ou au moment de son lever. Ceux
qui les cherchent et les savent reconnaître se placent en ce moment en un lieu
approprié. Ils regardent du côté où le soleil se lève et, s'ils voient sortir une
hunée déliée, ils en augurent qu'il y a là des pierres précieuses, qu'elles s'y
sont formées ou qu'elles y ont été cachées. Ils courent à l'instant vers cet en-
droit et s'ils y trouvent quelque pierre d'où cette vapeur est sortie, ils s'ima-
ginent qu'elle renferme une pierre précieuse et ils la brisent pour l'y trouver.
Si, au contraire, ils ne voient rien dans l'endroit d'où la fumée s'est exhalée,
ils creusent le sol et y trouvent quelque boîte en pierre dans laquelle des pierres
précieuses se trouvent cachées, ou quelquefois elles sont égarées ou gardées dans
la terre elle-même.
Il y a un autre signe qui fait reconnaître où se trouvent des pierres riches, en
particulier celle qu'on nomme cJialchiuill. L'endroit est toujours recouvert d'une
herbe verdoyante, parce que ces pierres exhalent une fraîcheur et une humidité
très grandes. On creuse la terre au point où cela existe et l'on y trouve ces
chalchiuill.
Les turquoises se trouvent dans des mines. Il y a de ces mines d'où l'on en
relire de plus ou moins belles. Les unes sont claires, fines et transparentes, tan-
dis que d'autres ne le sont pas. Il y a aussi des mines où l'on trouve de l'ambre
fin, du cristal, des pierres à faire des couteaux et du jaspe. Il en est aussi d'où
l'on retire les pierres dont on fait les miroirs, qui sont noires comme du jais
et quelquefois rouges comme du sang. Ces objets précieux existent dans la
montagne et on les y cherche au moyen de mines. Il y a une grande quantité de
ces pierres de jaspe très précieuses dans les dépendances du village de Santiago
de Tecalco *. On en fait des autels et autres objets très estimés. On trouve sur les
plages de la mer des pierres précieuses et des perles, des coquilles blanches et
Teoxiuitl veut dire turquoise des dieux. Personne n'avait le droit de la pos-
séder ou d'en faire usage; elle devait toujours être offerte ou destinée aux divi-
nités. C'est une pierre fine sans aucune tache et fort brillante. Elle est rare et
nous vient de loin. Il y en a qui sont rondes et ressemblent à une noisette coupée
par la moitié. On les appelle xiuhlomalli. 11 en est d'autres élargies et plaies,
et quelques-unessont bosselées, comme si elles fussent rongées.
Il y a un autre genre de pierres nommées llapaUeoxiuiil2, ce qui veut dire
turquoise fine rouge. Je crois que ce sont les rubis du pays. Elles sont rares et
précieuses. Il y a aussi des perles dans cette Nouvelle-Espagne. Elles portent le
nom tfepyollotli7', ce qui veut dire a coeur de coquille », parce qu'elles se forment
dans la coquille d'huître. Les perles sont bien connues de tout le monde. Le
tachetée comme le tigro. Elle est de peu de valeur et possède des propriétés
contre quelques maladies.
Il y a d'autres pierres noires qu'on appelle ilztell" et dont on fait les couteaux
qu'on nomme ilzlli. Ceux-ci servent à raser la tête et à couper des choses qui ne
sont pas très dures. Il en existe des blocs qui, étant entiers, sont très noirs, très
lisses et très brillants. Quand on les travaille et que des objets en sont fabriqués,
ceux-ci sont transparents, très polis et sans mélange d'aucune autre couleur.
Plusieurs do ces pierres sont rouges ou blanchâtres. Toutes me paraissent être
des émeraudcs noires à cause des propriétés que je leur ai reconnues par expé-
rience, car, réduites en poudre et mises sur des plaies récentes, elles les guéris-
sent promptementsanspermettre qu'elles forment de la matière. Ainsi pulvérisées
cl mêlées avec de la pulpe.de coing ou avec n'importe quelle autre conserve dans
laquelle on puisse les incorporer en grande quantité, elles sont très utiles contre
| 5. •—
Des pierres dont on fait les miroirs et les instruments tranchants.
Il y a dans ce pays des pierres dont on fait des miroirs. Il en existe des filons
dans des mines d'où on les extrait. Les unes sont blanches et servent à faire de
beaux miroirs pour les gens comme il faut. On les prendrait pour un métal quand
elles sont en blocs; mais, après qu'ils ont été travaillés et polis, les miroirs sont
très beaux, très lisses, sans aucune rayure. Ils reflètent la figure tout à fait au
1. C'est-à-dire : silex (lecpatl) vert (xoxouhqui). Le mot lecelic vient de letl, pierre, et
eclic, fraîche, tendre, verte.
2. De ail, eau, et ilzlli, obsidienne.
776 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE X
DES MÉTAUX.
11 y a dans ce pays de l'or qui s'est formé dans des mines. Le signe qui trahit
sa présence est le filon qui paraît à la surface du sol et qui dénote que le métal
existe sous la terre. Ce signe apparaît surtout quand il pleut. Il est très bien
expliqué dans le texte nahuatl. Celui qui voudrait le savoir et le bien comprendre
n'aura qu'à demander les mots en langue mexicaine qui correspondent à ceux qui
sont ici.
II y a aussi de l'argent, du cuivre et du plomb. Ils se sont produits en
différents endroits dans des ravins ou dans des rivières. Avant que les Espagnols
vinssent à la Nouvelle-Espagne,personne ne pensait ni ne courait à la recherche
de l'argent ni du plomb. Les indigènes cherchaient seulement l'or dans les
rivières. Ils l'extrayaient des cours d'eau avec des baquets en lavant le sable.
C'est ainsi qu'ils trouvaient des grains de ce métal, quelquefois gros comme des
grains de maïs, d'autres fois plus petits et souvent comme du sable.
Après avoir traité dans les chapitres précédents des plantes médicinales, des
pierres qui possèdent des vertus pour le soutien de notre santé et de l'or
qui a sur elle aussi des influences très favorables, il m'a semblé qu'il serait bon
de placer ici les propriétés des gommes de ce pays, dont les indigènes font grand
usage pour leur santé. Je possède une grande expérience de leurs vertus.
Si on fait fondre ensemble, de manière à en former comme une masse do
résine, la gomme qu'on appelle copal blanc, celle qu'on nomme chapoimlli qui
ressemble à la poix de Castiïle, et une autre nommée ulli qui est noire, élastique
et très légère, et si on les applique sur les jambes ou sur le corps, elles font le
plus grand bien à tous les organes intérieurs et extérieurs. Il faut savoir que le
copal et le chapopotli peuvent se fondre fort bien en un pot placé sur des braises,
avec la précaution de les réduire en morceaux l'une et l'autre auparavant. Quant
hYulli, il est indispensablede le fondre d'abord en le traversant avec une broche et
en y appliquant le feu. Il brûle et des gouttes d'un liquide noir comme de l'encre
tombent dans une écuelle. On peut en fondre ainsi la quantité qu'on veut,
moindre que le mélange antérieur; quoique en réalité celui-ci doive être d'aulanl
meilleur que la quantité d'ulli sera plus grande. Lorsque ce dernier sera fondu
on le mêlera avec les autres sans qu'il soit nécessaire de les soumettre tous
ensemble à l'ébullition. Il suffira de les mêler et de les battre de temps en temps
au soleil pendant trois ou quatre jours pour que le mélange s'effectue très bien.
Pour que ce goudron ou onguent soit utile pendant plusieurs jours et se puisse
appliquer au corps toutes les fois qu'on voudra, on prendra la peau tannée d'un
chevreuil. On y coupera le nécessaire pour faire des chausses allant des pieds
jusqu'aux aines. Il ne faudra pas les coudre; mais on y appliquera cet onguent
en l'étendant sur la partie intérieure de la peau. On laissera le cuir s'en
bien imbiber pendant deux ou trois jours. On en appliquera ensuite d'autres
couches jusqu'à ce que la peau ne l'absorbe plus et qu'il en reste une certaine
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 777'
quantité à la surface. Sur cette couche d'onguent ainsi étendue on appliquera
doux morceaux d'étoffes coupés de la largeur du cuir et on les coudra sur les
bords. On attachera ensuite des courroies à la peau de chevreuil, une à la partie
qui correspondra au pied, une autre sous le genoux, une autre au-dessous de
celui-ci, une autre encore au milieu de la cuisse, et une autre enfin à l'extrémité
supérieure. Les jambes étant recouvertes par cette peau ainsi attachée, on pourra
l'y retenir de jour ou de nuit tout le temps qu'on désirera, la retirer ensuite, la
garder et la remettre quand on voudra, pendant longtemps. Cela fait du bien
pour n'importe quelle indisposition dont on serait atteint. Si l'on en faisait un
pourpoint pour l'appliquer sur la peau, sous la chemise, on se sentirait soulagé
de toutes sortes de souffrances. Si l'on ne veut pas un pourpoint, qu'on fasse une
ceinture d'un empan de large, ou un peu plus, avec le même Cuir préparé comme
il est dit ayant la longueur nécessaire pour faire le tour du corps, ainsi qu'il la
,
faudrait pour le pourpoint.
Je sais aussi par expérience que la pierre d'obsidienne pulvérisée (je parle de
celle que nous avons dite être de l'émeràude noire), mêlée avec du blanc d'oeuf de
manière à former comme de la boue, étendue ensuite sur de l'étoupe et appliquée
avec un linge sur un point atteint de la goutte, enlève cette maladie et la fait
disparaître de nouveau toutes les fois qu'elle se représente. Cet emplâtre conserve
ses propriétés pendant plusieurs jours et même des années, sans qu'on le renou-
velle, pourvu qu'on le garde bien. Celui qui voudra appliquer aux pieds l'onguent
susdit n'aura qu'à acheter quatre chaussures égales de basane et à les mettre
l'une sur l'autre avec cet onguent, en faisant coïncider les revers et en mettant
en dehors la partie lustt'ée, et c'est ainsi qu'il les portera.
CHAPITRE IX
CHAPITRE XI
DES COULEURS DE TOUTES SORTES.
La pierre d'alun est une chose bien connue. Il y en a beaucoup dans ce pays et
il s'en fait un grand commerce, parce que les teinturiers en font beaucoup usage.
Il y a beaucoup de vermillon et on s'en sert beaucoup ici comme en Espagne.
11 y a de la craie, qu'on appelle tiçall, dont font grand usage les femmes pour
CHAPITRE XII
DE LA DIVERSITÉ DES EAUX ET DE PLUSIEURS QUALITES DE NATURE DE LA TERRE.
ce qui veut dire « eau qui s'est jointe au ciel » ; parce que les anciens habitants
de ce pays pensaient que le ciel s'unissait à l'eau sur la mer à la manière d'une
maison dont l'eau formerait les murailles servant au ciel de soutien. C'est celle
pensée qui faisait appeler la mer ilhuicaall, comme si l'on disait : eau qui s'est
réunie au ciel. Mais aujourd'hui, depuis que ces indigènes ont reçu la foi, ils
savent que le ciel ne s'unit ni à l'eau ni à la terre, et c'est pour cela qu'ils nom-
ment la mer uei atl ou uei auecatlan *, ce qui veut dire : eau grande, redoutable
et furieuse, pleine d'écume, de flots et de montagnes liquides : eau amère, salée
et mauvaise à boire dans laquelle habitent un grand nombre d'animaux qui
sont en mouvement continuel. Ils appellent atoyall* les grandes rivières. Cela
veut dire : eau qui s'en va courant avec rapidité. Les anciens de ce pays disaient
que toutes les rivières sortaient d'un endroit appelé Ttalocan, qui est comme
paradis terrestre, appartenant au dieu qui se nomme Vhalchiuillicue. Us di-
saient aussi que les montagnes qui y prennent leur base sont pleines d'eau
au milieu de bords formésde terre, comme si c'étaient de grands vases ou des
maisons remplies d'eau. Ces montagnes devraient se rompre lorsque le moment
en serait venu, l'eau en sortirait et la terre serait submergée. C'est pour cela
qu'ils'avaient pour habitude d'appeler altcpcll ", c'est-à-dire montagne d'eau ou
montagne pleine d'eau, les villages ou villes où les hommes résident. Les
La terre fertile pour les semailles et qui fait pousser en abondance ce qu'on y
sème s'appelle atoclliB, ce qui veut dire « terre qui a été apportée par l'eau ». Elle
g 6. — Des hauteurs, des bas fonds, des plaines, des coteaux et des principales
montagnes du pays.
Dans cette partie du texte nahuatl de ce livre se trouvent inscrites toutes les
particularités relatives aux cerros, coteaux élevés et montagnes. On y voit des
expressions propres à désigner toutes les variétés possibles de montagnes. On y
a inscrit aussi les noms propres de quelques montagnes en particulier. Il y en a
une très élevée qui fume et se trouve près de la province de Chalco. On l'appelle
Popocatepetl, c'est-à-dire montagne fumante. Elle est énorme et digne d'être vue.
J'ai visité moi-même son sommet. Il y en a une autre près de là précédente ; c'est
la Sierra Nevada. Elle porte le nom i'Iztaclejoetl ', ce qui veut dire sierra
blanche. On est surpris de voir sa grande hauteur qui était l'occasion de beaucoup
d'idolâtries. Je l'ai vue et j'en ai gravi les hauteurs.
Il y a une montagne appelée Poyauhtecatl et qui est située près A'Auillacapan
et de Tecamaclialco. Il y a peu d'années, sa cime commença à brûler. Je l'avais
vue auparavant, pendant longtemps, avec son sommet couvert de neige, et plus
lard je la vis en flammes. Les lueurs s'apercevaient nuit et jour à plus de vingt
lieues de distance. Actuellement, comme le feu a dévoré une grande quantité de
l'intérieur de la montagne, on ne voit plus ce feu, quoique en réalité il brûle
toujours. Il y a une autre grande montagne près de Tlaoecala qu'on nomme
Matlalcueye. ce qui veut dire femme avec des jupons bleus. Une autre encore
près de Coyoacan et Ilzlapalapan, peu élevée et très renommée; on l'appelle
llixachtecall. Une autre montagne près de Cuillauac - porte le nom d'Fouo-
liuhqui*. Toutes ces montagnes ont des choses remarquables.
NOTA.
Après avoir traité des sources, des eaux et des montagnes, il m'a paru qu'il
est opportun de parler des principales idolâtries anciennes dont les eaux et les
montagnes étaient alors et sont encore aujourd'hui l'occasion. Une très solennelle
idolâtrie se pratiquait dans cette lagune de Mexico, à l'endroit appelé Ayauhcal-
litian*, où l'on dit que se trouvent deux grandes statues en pierre, qui restent à
sce lorsque les eaux baissent. Alors apparaissent les offrandes de copal et de
beaucoup d'ustensiles en terre, brisés, qui se trouvent en ce lieu. On offrait aussi
des coeurs d'enfants et bien d'autres choses. Au milieu de la lagune, au point
nommé Xiuhchimalcos, on dit qu'il existe un tourbillon qui engloutit l'eau du
lac. Là se faisaient aussi des sacrifices tous les ans. Un enfant de trois ou quatre
ans était placé dans un petit canot neuf. On le conduisait jusqu'au tourbillon qui
avalait enfant et canot. On prétend que ce gouffre a un aboutissant vers Tullan,
i. De tianquizlli, marché, et manalli, donné, offert, avec co, suffixe de noms de lieu.
788 HISTOIRE DES CHOSES
formés sur ces hauteurs, reconnaissant que le bénéfice résultant delà pluie
venait de ces montagnes, se crurent obligés à rendre visite -à ces localités et
adresser leurs actions de grâces à la divinité dispensatrice des eaux qui y rési-
dait, en lui portant leurs offrandes comme un témoignage de leur reconnaissance
pour le bien qu'ils en avaient reçu. Aussi les habitants des pays arrosés par les
nuages de ces montagnes, poussés sans doute par les démons ou leurs prêtres,
prirent-ils l'habitude dévote d'aller visiter ces montagnes chaque année à l'occa-
sion de la fête qui y était célébrée. A Mexico c'était la fête de Giuacoatl appelée
aussi Tonantzin; à Tlaxcala, c'était la fête de Toci; et à Tiatiquizmanalco, c'é-
tait celle de Tescallipoca. Les villages qui bénéficiaient de cette coutume, n'en
voulant pas perdre les avantages, s'efforcèrent de persuader à ces mêmes pro-
vinces de continuer à venir comme elles en avaient l'habitude, parce qu'ils
avaient toujours Tonantzin, Tocitzin et Telpochtli, lesquels-revêtent les noms
ostensibles de sainte Marie, sainte Anne et saint Jean l'Evangéliste, tandis que,
dans le secret du coeur, il est clair que le -vulgaire qui accourt à ces réu-
nions n'a en vue que les pratiques antiennes. Mon sentiment est qu'on ne doit
nullement empêcher ni leurs visites ni leurs offrandes ; mais je pense en même
temps qu'il faut les détromper de l'erreur dont ils sont victimes en leur faisant
comprendre que, s'ils viennent ces jours-là poussés par leurs fausses inspira-
tions d'autrefois, il est certain que ce qui existe aujourd'hui n'est pas conforme
à ce qui fut anciennement. C'est ce que devraient faire les prédicateurs bien
instruits de la langue et des coutumes indiennes, en même temps que des Saintes
Ecritures. Je crois qu'il y a dans ces Indes beaucoup d'endroits où l'on fait des
offrandes et où l'on pratique des dévotions adressées aux idoles sous le couvert
des fêtes que l'Église célèbre en l'honneur de Dieu et de ses saints. On devrait
s'en bien assurer, afin que ces pauvres gens pussent être détrompés de l'erreur
dont ils sont actuellementvictimes.
1. est probable que, par ces paroles, Sahagun fait allusion à des descriptions qu '
11
vient de donner dans son texte nahuall et qu'il juge inutile de reproduire en espagnol.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 789
des Turcs et des Maures. Elle alla également en Afrique où il n'y a plus actuelle-
ment de chrétiens. Elle fut en Allemagne, où il n'y a maintenant que des héréti-
ques. Elle visita l'Europe entière où l'on n'obéit plus en grande partie à l'Église,
Où elle conserve aujourd'hui son siège avec le plus de quiétude c'est en Italie et en
Espagne. C'est même d'Espagne que, traversant la mer océane, elle est venue à
ces contrées de l'Inde occidentale où se trouvaient une diversité de gens et do
nationalités dont plusieurs se sont déjà éteintes, tandis que celles qui restent
sont en voie de finir. Le pays le plus peuplé et le mieux en état entre tous
dans ces Indes occidentales, ce fut et c'est encore cette Nouvelle-Espagne dans
laquelle la suprématieet la distinction appartiennent surtout à Mexico et à ses envi-
rons, où l'Église catholique a assis sa pacifique demeure. Mais pour ce qui regarde
la foi catholique, c'est une terre stérile et très pénible à cultiver, dans laquelle
elle projette de bien faibles racines, sur laquelle aussi beaucoup de fatigues n'ob-
tiennent que bien peu de fruits, la moindre chose devenant une occasion pour
faire sécher ce qu'on a planté et cultivé déjà. Il me semble que la foi catho-
lique ne pourra persévérer que peu de temps dans ces pays. La première
raison, c'est que les habitants sont en voie rapide de s'éteindre ; moins encore
par les mauvais traitements qu'on leur fait essuyer que par les pestes que
Dieu leur envoie. Depuis qu'on a découvert ce pays, il y a eu trois, épidémies
universelles très - fortes, outre bien d'autres moins meurtrières et moins
généralisées. La première eut lieu en 1520. Lorsque l'on chassa les Espagnols de
Mexico et qu'ils se réfugièrent à Tlaxcala, il y eut une épidémie de petite vérole
de laquelle moururent des gens presque à l'infini. Après celle-là, lorsque les
Espagnols avaient déjà conquis et pacifié la Nouvelle-Espagne et que la prédica-
tion de l'Évangile se pratiquait avec grand bonheur, en l'année 1555, H y eut une
épidémie très considérable, universelle, qui fit mourir en cette Nouvelle-Espagne
la plus grande partie de ses habitants. Je me trouvai pendant cette peste dans
cette ville de Mexico, à Tlalelolco. J'enterrai plus de dix mille cadavres et, vers
la fin de l'épidémie, je fus atteint moi-même de la maladie et je me vis à toute
extrémité.
Après cela, tandis que les choses de la foi cheminaient en paix pendant l'espace
d'environ trente années, la population se refit encore. Mais voilà qu'en cette année
de 1576, au mois d'août, une épidémieaussi universelle et aussi grande a commencé
de nouveau. Il y a trois mois qu'elle dure; beaucoup de gens en sont déjà morts
et chaque jour il en succombe davantage.J'ignore combien de temps cela durera
et quelle sera l'étendue du mal. Je suis actuellement dans cette ville do Mexico,
au quartier de Tlalelolco, et je vois que depuis le moment où cela a commencé
jusqu'à ce jour, huit novembre, le nombre de morts a toujours été en augmen-
tant de dix à vingt, trente, quarante, cinquante, soixante et quatre-vingts. Je ne
sais ce qu'il en sera à l'avenir. De même que dans l'épidémie antérieure dont
nous avons parlé, plusieurs sont morts de faim et faille de gens qui les soignas-
sent et leur donnassent le nécessaire. Il est arrivé et il arrive encore en beau-
coup de maisons que tous les habitants tombent malades sans qu'il y ait personne
pour leur porter un verre d'eau. S'il s'agit de leur administrer les, sacrements,
nul ne se présente en beaucoup d'endroits pour les apporter à l'église ou pour dire
qu'ils sont malades. Cela étant connu, les moines vont maintenant de maison
790 HISTOIRE DES CHOSES
en maison pour confesser et consoler les souffrants. Lorsque commença la peste
de cette année, le vice-roi don Martin Enriquez mit beaucoup d'ardeur
aux
mesures à prendre pour que les Indiens fussent pourvus de vivres et assistés des
sacrements et il obtint que beaucoup d'Espagnols visitassent pendant plusieurs
jours les maisons d'Indiens pour leur donner à manger. De leur côté les bar-
biers lès saignaient et les médecins les soignaient. Les prêtres et les moines, aussi
bien ceux.de saint François et de saint Dominique que ceux de saint Augustin et
les Jésuites, parcouraient leurs demeures pour les confesser et les consoler. Cela
dura plus de deux mois, après lesquels tout dut cesser, parce que les uns se fali-
guèrent, lés autres tombèrent malades et d'autres aussi eurent à s'occuper de
leurs affaires. Actuellement beaucoup de prêtres manquent à l'appel parmi ceux
qui secouraient et qui ne viennent plus en aide.
% En cette ville de Tlateloloo, les moines de saint François allaient seuls dans les
maisons des malades, s'occupant à les confesser, consoler et leur donner du pain
de Castille acheté du produit des aumônes. Mais tout s'achève, car le pain devient
fort cher et on ne peut se le procurer. Les religieux tombent de maladie et.de
fatigue, et tout cela produit des afflictions et des angoisses. Malgré tout, le
seigneur vice-roi et monseigneur l'archevêque ne cessent de faire ce: qui est
possible. Plaise à Dieu Notre Seigneur porter remède à une si grande plaie ! car,
si elle durait beaucoup, tout s'achèverait. Notre Père, Commissaire général, fray
Rodrigo Sequera a travaillé avec le plus grand zèle, tant avec ses frères qu'avec
le seigneur vice-roi et les Espagnols, pour que les Indiens soient secourus au
spirituel et au temporel. Il réside en cette ville et n'épargne aucune fatigue en
cette occasion.
Revenant donc à mon sujet de la marche de l'Eglise, je dois dire qu'en ces
dei'nières années on a fait des découvertes dans les pays des épices. Les Espagnols
y ont colonisé; on y prêche l'Évangile; on en rapporte beaucoup d'or et de la
vaisselle très riche de différentes qualités. Tout près, se trouve le grand royaume
de la-Chine et les pères Augustins ont déjà commencé à y entrer. En cette année
de 1576, nous avons eu la nouvelle certaine que deux d'entre eux s'y sont intro-
duits sans parvenir à voir l'empereur. Ils ont même été obligés de revenir sur
leurs pas après plusieurs journées de marche. C'est à l'occasion d'une certaine
.
guerre qui s'était allumée dans ces pays qu'on les avait conduits, en leur rendant
tous les honneurs, depuis les îles où ils résidaient avec les Espagnolsjusqu'à je
ne sais quelle ville delà Chine. Mais on dit que par suite de l'inspiration soufflée
par le démon à l'empereur qui l'avait consulté, ou à ses satrapes, on les fit revenir
à l'île d'oii ils étaient partis. On les reconduisit sans nul égard et ils eurent à effec-
tuer leur retour à travers mille difficultés. J'ai ouï dire que ces pères Augustins
ont écrit le récit de leur entreprise. Cela sera publié bientôt ici et en Espagne. H
me semble que Notre Seigneur Dieu ouvre déjà la roule par laquelle la foi catholi-
que entrera dans les royaumes de la Chine dont les habitants sont très habiles,
très policés et de grand savoir. Si l'Église réussit à entrer dans ces royaumes et
si la foi catholique s'y implante, je crois qu'elle y établira pour longtemps sa
demeure; car les Iles, cette Nouvelle-Espagneet le Pérou ne sont que des étapes
qui l'ont mise à même d'arriver aux habitants dos diverses régions de la Chine.
RE LA NOUVELLE-ESPAGNE.
CHAPITRE XIII
Dans cette partie du livre, le texte primitif traite des différentes variétés de
maïs. Comme c'est là un sujet fort clair, il m'a paru opportun de dire, à sa
place, que parmi les subsistances diverses de ce pays, il n'y en a pas qui soient
semblables aux nôtres. Il paraît bien qu'aucune découverte jusqu'à ce jour lie
s'est étendue jusqu'à cette race d'hommes; car nous ne trouvons ici aucune des
denrées dont nous faisions et dont on fait usage dans les pays d'où nous venons,
ni aucun des animaux domestiques dont se servent en Espagne et en Europe
ceux qui viennent ici. Il apparaît donc que ces indigènes ne sont point venus de
nos pays et que personne auparavant n'avait découvert cette contrée; car si des
étrangers en eussent fait la découverte dans d'autres temps, nous y trouverions
comme fruit de leur passage du blé, de l'orge, du seigle, des poules, des chevaux,
des boeufs, des ânes, des brebis, des chèvres ou quelques-uns des autres animaux
domestiques dont nous faisons usage : par où il semble que cette contrée a été
découverte de nos jours et pas auparavant. Quant à la prédication de l'Évangile
dans ce pays, on a émis beaucoup de doutes sur la question de savoir si elle a
existé, ou non, avant notre époque. J'ai toujours pensé que cette prédication n'a
jamais eu lieu, parce que je n'ai trouvé nulle part rien qui se rattache à la foi
catholique ; tandis que tout lui est si contraire et si idolâtre que je ne puis croire
qu'en aucun temps l'Évangile ait été prêché.
Cependant, vers l'année 1570, des religieux dignes de foi qui venaient d'Oaocaca,
situé à quatre-vingt-dix lieues au sud de cette capitale, m'assurèrent avoir vu des
peintures très anciennes dessinées sur des peaux de cerfs, qui représautaient
différentes choses se rapportant à la prédication de l'Évangile. L'un de ces des-
sins contenait trois femmes vêtues et coiffées à la mode indienne et assises à la
manière des femmes de ce pays. Deux se tenaient ensemble et la troisième se déta-
chait en avant en soutenant une croix en bois attachée au noeud de ses cheveux.
Devant elles un homme nu était étendu sur une croix à laquelle ses mains et ses
pieds étaient attachés avec des cordes. Cela me paraît se rapporter à la sainte
Vierge et à ses deux soeurs, ainsi qu'à Notre Seigneur crucifié. Cela ne pouvait
être connu que par une prédication ancienne.
Il y a une autre chose qui aurait pu me faire pencher à croire que l'Évangile
aurait été prêché dans ce pays : c'est que ses habitants possédaient la confession
;orale par laquelle les pénitents racontaient en secret leurs péchés aux satrapes
qui leur imposaient une pénitence et les exhortaient avec zèle à se corriger. Ils
faisaient cette confession en approchant de la vieillesse ou quand ils y étaient déjà
arrivés. Us tenaient pour certain que le pénitent qui retombait dans les mêmes
péchés était désormais sans remède, attendu que les fautes ne se pardonnaient à
personne au delà d'une seule fois dans là vie. Cela se trouve écrit longuement au
second livre qui traite des fêtes des dieux. J'ai ouï dire aussi que, à Potonchan ou
à Cainpèehe, les religieux qui allèrent les premiers y faire des conversions trou-
792 HISTOIRE DES CHOSES
vèrent beaucoup de choses se rapportant à la foi catholique et à l'évangile
S'il était vrai qu'il y eût eu en ces endroits des prédications évangèliques elles
auraient eu lieu sans doute aussi en d'autres parties du Mexique et même dans
cette Nouvelle-Espagne. Mais je suis personnellement surpris que nous n'ayons
pas trouvé plus de trace de ce' dont nous parlons dans cette partie du Mexique.
Malgré toutje crois qu'il aurait pu se faire que la prédication eût eu lieu pendant
quelque temps, mais que, les prédicateurs étant morts, les indigènes perdirent
toute la foi qui leur avait été révélée et retournèrent aux idolâtries qu'ils avaient
auparavant. Cette conjecture de ma part provient de la grande difficulté que j'ai
rencontrée pour l'implantation de là foi parmi les Indiens; car il y à plus de
quarante ans que je prêche dans ces districts de Mexico; j'ai insisté surtout, et
plusieurs de mes collègues m'y ont aidé, sur les moyens nombreux propres à les
faire entrer dans les croyances de la foi catholique,soit par des peintures, soit par
des prédications, par des représentations et des façons de parler. J'ai fait mes
preuves avec les adultes et avec les plus jeunes, surtout dans ces cinq dernières
années, leur présentant lès choses qu'il est nécessaire de croire en paroles claires
et concises. Actuellement, pendant cette épidémie, j'ai voulu faire l'expérience du
degré de foi que possèdent ceux qui viennent à confesse, ainsi que je l'avais fait
auparavant : un bien petit nombre répond comme il convient.
Nous pouvons conclure et tenir pour certain qu'après leur avoir prêché pen-
dant plus de cinquante ans, si les Indiens restaient maintenant livrés à eux-
mêmes sans nulle intervention de la nation espagnole, il faudrait, à mon avis,
moins de cinquante autres années pour qu'il ne restât plus aucune trace dès choses
qui leur ont été prêchées. Je conclus donc en disant qu'il est passible que la pré-
dication ait eu lieu en d'autres temps et que les indigènes aient perdu absolument
la foi qui leur fut enseignée et soient retournés à leurs anciennesidolâtries. Mais il
me semble maintenant qu'après avoir vu par expériencel'entêtement des Indiens
et le peu de profitqu'on en obtient malgré les fatigues que cela a coûtées et coûte
encore, Dieu notre Seigneur à bien voulu leur donner la nation espagnole comme
une source d'où émanent les principes de la foi catholique, afin que, malgré leurs
défaillances, ils aient toujours parmi eux des ministres nouveaux de l'Espagne
pour les ramener aux vérités de la foi.
11 est une autre chose qui est à la fois
un fait d'expérience et de prophétie : c'est
l'achèvement de'cette nation. Ce que l'expériencedit à cet égard c'est que depuis
les Canaries jusqu'à ce pays, nous avons vu qu'il en est ainsi. Cela est également
prédit par un dominicain qui était un saint homme. Lorsque les Espagnols arri-
vèrent dans ce pays, ses habitants étaient innombrables. Mais à l'époque où les
Indiens chassèrent les étrangers de Mexico en les combattant et que ceux-ci s'en
allèrent à Tlascala, il se déclara une épidémie de petite vérole dont nous avons
déjà parlé et dont mourut une quantité infinie de gens. Il en mourut aussi
un bien grand nombre dans la guerre et dans les fatigues dont ils eurent à souf-
frir. Après la guerre, bien des Indiens périrent dans les mines, dans l'esclavage
et dans une captivité qui les éloignait de leur pays, ainsi que par les labeurs
q'u'dn leur imposait pour élever des édifices et creuser la terre. Lorsque les
plaintes adressées à l'empereur Charles-Quint par les religieux eurent porté
remède à ces vexations, on vit arriver, en 1545, la seconde épidémie dont nou
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 793
avons parlé, qui fit tant diminuer les habitants de ce pays. De grands centres
restèrent dépeuplés, sans que la population y soit jamais revenue. Trente ans
après cette calamité, arriva l'épidémie qui règne actuellement et qui a déjà
ravagé un grand nombre de villes et villages. Le mal est déjà considérable et, s'il
dure trois ou quatre mois avec la môme intensité, il ne-restera plus personne. La
prophétie dont il est fait mention plus haut dit qu'il ne se sera pas écoulé soixante
ans depuis l'époque où ils furent conquis pour qu'il n'en reste plus Un seul
homme. Je ne donne aucun crédit à ces prévisions; mais les choses qui arrivent
et celles qui se sont succédées feraient croire à leur réalité. Il n'est pas croyable
cependant que ces gens-ci s'achèvent en aussi peu de temps que la prophétie I'à
dit; car, s'il en était ainsi, le pays resterait désert. 11 y a, en effet, pou d'Espagnols
encore et ils s'éteindraient eux-mêmes. La contrée se couvrirait alors de bêtes
féroces et d'arbres sauvages et deviendrait inhabitable. Ce qui me paraît le plus
probable c'est que cette épidémie cessera bientôt et qu'il restera encore assez de
monde pour donner aux Espagnols le temps de se multiplier davantage et de colo-
niser le pays, de façon que, une race manquant, il reste peuplé d'une autre qui
est celle des Espagnols. J'ai même la confiance qu'il y aura toujours une grande
quantité d'Indiens dans ces contrées '.
DE LA VILLE DE MEXICO
AU LECTEUR.
CHAPITRE PREMIER
DES SIGNES ET DES PRONOSTICS QUI APPARURENT AVANT QUE LES ESPAGNOLS
VINSSENT EN CE PAYS ET QU'ON EN EUT AUCUNE CONNAISSANCE.
Dix ans avant que les Espagnolsvinssent dans ce pays, apparut au ciel une chose
merveilleuse, épouvantable: c'était" comme une grande" flamme très resplendis-
sante. Elle semblait s'étendre sur lé ciel lui-même, très largo à sa base et se
terminant à sa partie Supérieure, ainsi que cela arrive dans un foyer vulgaire
par une pointe qui paraissait atteindre le milieu du ciel. Elle se levait en Orient
vers-l'heure de; minuit, en;répandant_une;telle lueur qu'on se;serait cm en/plein
jour. La flamme durait ainsi jusqu'au matin et, dès lors, elle échappait à la vue.
Au lever du jour, elle brillait encore'à l'endroit où le soleil se trouve à midi. Ce
phénomène fut visible chaque nuit pendant une année. La flamme commença 'a
se voir au douze maison. Quand on la voyait apparaître à minuit, tout le monde
poussait des cris en .signe d'épouvante, se figurant que c'était l'annonce de
quelque grand malheur.
Le second signe qui apparut consista dans ce fait que le sommet du temple
Tlacatecco 1, dédié à (Jitzilopochtli, prit feu.miraculeusement et se consuma. Les
flammes paraissaient sortir des profondeurs du bois qui formait les colonnes;
dans un instant tout fut réduit en cendres. Au moment de l'incendie les satrapes
poussaient de grands cris en disant : « Mexicains! hâtez-vous, venez avec vos
seaux d'eau étouffer lesflammes! » L'eau arriva; mais quand on la jetait sur le
feu, bien loin de réussir à l'éteindre, on l'avivait davantage et ce ne fut bientôt
qu'un brasier.
Le troisième signe, ce fut que la foudre tomba sur le temple de XhilUeciUli,
dieu dufeu, lequel édifice, connu sous le nom de tzumulco, élait couvert en
chaume. Tout le monde fut d'autant plus émerveillé de cet accident qu'il
coïncida avec une pluie fine, tandis qu'il est bien connu que la foudre n'a pas
l'habitude de tomber par un temps pareil; et d'ailleurs, il n'y eut aucun éclat do
tonnerre; on ne sait donc pas comment l'incendie put commencer.
Le quatrième signe ou pronostic, ce fut qu'en plein jour, sous les rayons d'un
brillant soleil, une comète tomba ; on aurait dit trois étoiles tombant ensemble
avec un vif éclat, laissant après elles de longues queues. Parties de l'occident,
elles se dirigeaient vers l'est en lançant des étincelles. En les voyant, tout
le monde se mit à pousser des cris, et il en fut fait grand bruit dans tout le
pays.
Le cinquième signe consista dans la formation subite de grandes vagues
dans la mer ou lagune de Mexico. On aurait cru qu'elle était en ébullition, sans
qu'il fît de l'air; tandis qu'elle ne s'agite pas d'ordinaire sans qu'il fasse grand
vent. Les flots s'étendirentfort loin et, entrant dans les maisons, ils les ébranlaient
jusqu'aux fondements, de telle sorte que quelques-unes s'écroulèrent. Ce fui
CHAPITRE II
DES PREMIERS NAVIRES QUI ABORDÈRENT DANS CE PAYS.
ON ASSURE QUE CE FUT JUAN DE GRIJALVA.
CHAPITRE III
Après que Moteuhçoma eut reçu les nouvelles apportées par ceux qui venaient
...
de la côte, il envoya chercher le plus autorisé d'entre eux appelé Quexlecatl, et
.d'autres qui l'avaient accompagné dans son voyage. Il leur ordonna d'établir des
sentinelles et des postes d'observation dans tous les établissements de la côte, a
.Nqullàntoztlan, à Micllanquauhtla, avec ordre de surveiller le retour de ces
navires pour en faire immédiatement leur rapport. Sur ce, les capitaines eftee-
tuèrent leur départ et ils firent établir sans retard leurs observatoires dans les
points désignés. Moteuhçoma-réunit ensuite les personnages: principaux de; sa
plus grande confiance, leur communiqua les nouvelles qui lui étaient parvenues,
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 799
leur fit voir les verroteries que les messagers avaient apportées et il leur dit :
« Il mè
semble que ce sont des pierres précieuses; qu'on les enferme dans ma
«
garde-robe pour qu'elles ne puissent se perdre ; si quelqu'une s'égarait, ce
« serait à la charge de ceux auxquels la surveillance de
la garde-robe a été
« confiée. » ;
Un an plus tard, en l'année treize lapin 1, les sentinelles virent de leur
point d'observation des navires sur la mer et vinrent à l'instant en donner con-
naissance à Moteuhçoma. Celui-ci envoya aussitôt des hommes avec mission de
recevoir Quètzaleoatl, pensant que c'était lui qui venait, car on l'attendait chaque
jour. Comme d'ailleurs il savait par tradition que Quelzalcoatl s'en était allé par '
la mer vers l'Orient et que maintenant les navires venaient de cette direction; on
pensait naturellement que c'était lui. II envoya cinq personnages principaux
pour le recevoir et lui offrir le grand présent qu'il envoyait. Le premier et le
plus distingué de ceux qui partirent était Yoàlli ichan *; le second, Tepuztécàtl ;
le troisième, Tiçaua ; le quatrième, Ueuetecatl ; et le cinquième, Ueicame-
eatlhena.
CHAPITRE IV
DE CE QUE FÎT Moteuhçoma LORSQU'IL SUT POUR LA SECONDE FOIS QUE LES ESPAGNOLS
ÉTAIENT REVENUS, C'ÉTAIT FERNAND CORTÈS.
.
Moteuhçoma parla aux susdits envoyés et leur dit : « Remarquez qu'on a prê-
te
tendu que notre seigneur Quètzaleoatl est arrivé. Allez le recevoir et écoutez
« attentivement ce qu'il vous dira;
attention à no rien oublier de ses paroles!
« Voici des choses précieuses que vous lui présenterez de ma part, Ce sont les
« ornemenls sacerdotaux qui lui
correspondent. »
1° C'était d'abord un masque couvert de turquoises placées en mosaïque. Sur
ce masque, il y avait un serpent formé des mêmes pierres et replié de telle façon
que le premier repli principal venait former le bout du nez du masque; de là, la
tête avec le corps passant d'un côté se repliait de manière à venir former l'un
des sourcils, tandis que l'autre partie du corps et la queue allaient former l'autre
sourcil en se repliant. Ce masque adhérait à une grande couronne de telle façon
qu'il retombait sur le visage lorsque la couronne était posée sur la tête. Le joyau
principal qui l'accompagnaitconsistait en une grande médaille d'or de forme ronde.
Elle pendait de neuf enfilades de belles perles qui, étant placées autour du cou,
couvraientles épaules et toute la poitrine. Ils emportaient également une grande
rondache embellie de pierres précieuses sur ses bords ; des bandelettes en or la
1. Ce texte est confus. S'il s'agit de l'arrivée de Cordova sur les côtes du Mexique, celte
roseau. -'.-...
expression de « année 13 lapin » est exacte, puisqu'elle correspond à 1518. Elle est,-au
contraire, erronée, s'il est question de Cortès qui n'est arrivé qu'en 1519 ou ce acatl, un
CHAPITRE V
Ils montèrent au navire par ses échelles en se faisant suivre du présent que
Moteuhçoma les avait chargés d'offrir. Quand ils furent en présence de Fernand
Cortès, tous baisèrent la terre et lui parlèrent en ces termes : « Que le dieu au-
quel nous venons en personne offrir nos adorations reçoive des nouvelles de son
serviteur Moteuhçoma, lequel lui administre et gouverne sa ville de Mexico et
dit que le dieu a eu bien du mal à revenir. »
Ils déballèrentensuite les ornements dont ils étaient porteurset ils les mirentsur
Cortès et en parèrent sa personne. Ils commencèrent par la couronne et le masque,
dont il a été parlé plus haut, et continuèrent avec tout le reste : ils lui mirent au.
cou le collier de pierres précieuses avec des joyaux en or, qu'ils avaient apportés,
et, après lui avoir placé au bras gauche la rondache qui a déjà été décrite, ils éta-
lèrent devant lui tous les autres objets dans l'ordre dont ils usent quand ils offrent
leurs présents. Le capitaine leur demanda s'il y avait encore autre chose ; et quand
ils eurent répondu qu'ils n'avaient apporté que ce qui était devant lui, il donna des
51
802 HISTOIRE DES CHOSES
ordres pour qu'on les attachât tout de suite. En même temps il fit tirer trois coups
de canon, et les messagers qui étaient attachés des pieds et des mains tombèrent
à terre à demi morts, en entendant les éclats des bombardes. Les Espagnols les
aidèrent à se relever et réveillèrent leurs forces en leur faisant boire du vin.
Après cela, le capitaine Fernand Cortès leur dit, au moyen de son interprète :
«
Écoutez ma voix; on m'a assuré que les Mexicains sont des gens de valeur, de
a grands conquérants, de puissants lutteurs et très adroits au maniement des
« armes. On me dit qu'un seul Mexicain suffit à vaincre dix à vingt de ses enne-
« mis- je veux la preuve que cela est vrai et que vous êtes aussi forts qu'on m'a
« dit » Il leur fit donner aussitôt des épêes et des rondaches pour qu'ils se mesu-
rassent avec un nombre égal d'Espagnols, afin de savoir quels seraient les vain-
queurs. Les Mexicains répondirent tout de suite au capitaine Cortès : « Que votre
« Grâce reçoive nos excuses, si nous ne pouvons faire ce qu'Elle commande;
« car Moteuhçoma ne nous a pas donné d'autre message que de vous saluer et
« de vous donner ce présent. Nous ne pouvons pas faire autre chose, m obeir à
« ce que vous commandez; si nous le faisions, notre seigneur Moteuhçoma s'en
« fâcherait et nous enverrait donner la mort. » Mais le capitaine leur répliqua:
« Ce que j'ai dit doit se faire, malgré tout; il me faut voir quels hommes vous
-
« êtes. Nous avons entendu dire dans nos pays que vous êtes des gens valeureux ;
« armez-vous de toutes ces armes et préparez-vous pour que nous nous rencon-
« trions demain en champ clos. »
CHAPITRE VI
Après avoir fait ce qui vient d'être dit, les messagers prirent congé du capitaine
et descendirent dans leurs canoas. Ils se dirigèrent vers la terre en jouant pres-
tement de la rame et en se disant les uns aux autres : « Allons, mes braves amis
« ramez ferme, de crainte qu'il ne nous arrive quelque chose. »
Us arrivèrent
bien vite au village de Xicalanco ; ils y prirent leur repas, se reposèrent à peine
gagnèrent de nouveau leurs canoas et, faisant force de rames, ils arrivèrent au
village de Tecpantlayacac*. De là, ils commencèrent à marcher par terre, cou-
rant en grande vitesse, et ils atteignirent le village de Cuetlaxtlan. Quoique les
habitants les suppliassent de se donner au moins un jour de repos, ils ne hren
qu'y prendre leur repas et ils s'arrêtèrent à peine, disant qu'ils ne pouva.cni
rester davantage, parce qu'ils allaient en toute hâte avertir Moteuhçoma de co
qu'ils avaient vu; c'étaient des choses nouvelles, jamais vues, jamais entendu,
jusque-là, que personne autre qu'eux ne pouvait dire. Marchant.ensuitenuit ci
jour à pas accélérés, ils entrèrent nuitamment à Mexico.
Pendant que ces messagère allaient et venaient, Moteuhçoma ne pouvaH
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
Lorsque Moteuhçoma eut appris co que nous venons de dire, il eut le chagrin
de croire que de grands malheurs allaient fondre sur lui et sur son empire. Il en
fut pris de frayeur, et non seulement lui, mais tous ceux qui connurent les
mêmes nouvelles. Tous pleuraient et vivaient dans l'angoisse; ils marchaient
tristes et la tête baissée ; on les voyait faire des caquets et parler avec épouvante
de ce qu'on venait d'apprendre. Les mères en pleurs prenaient leurs enfants dans
leurs bras, et, leur mettant la main sur la tête, disaient : « O mon fils! tu es venu
« au monde en un malheureux moment. Que de grandes choses tu es appelé à
« voir 1 En combien de difficultés tu te trouveras ! » On rapporta h Moteuhçoma
que les Espagnols amenaient avec eux une Indienne mexicaine du nom de Marina',
native du village de Teticpac*, qui est situé sur la côte de la mer du Nord. Elle
était leur interprète et disait en langue mexicaine tout ce que le capitaine Fernand
Cortès lui commandait. Moteuhçoma commença à envoyer des messagers et des
personnages de qualité au point où les Espagnols se trouvaient, afin de voir ce
qu'ils faisaient et de fournir le nécessaire à leur usage. Chaque jour les uns
partaient et les autres retournaient; les messagers allaient et venaient sans cesse,
et de leur côté les Espagnols ne cessaient pas de s'informer au sujet de
Moteuhçoma, voulant savoir quel homme c'était, s'il était vieux, s'il était jeune
ou d'un âge moyen, ou s'il avait les cheveux gris. Les Indiens mexicains répon-
daient qu'il était d'un âge moyen, ni trop vieux ni trop gros, mais sec et élancé.
Moteuhçoma, apprenant par ses messagers que les Espagnols s'informaient
beaucoup de lui et désiraient fortement le voir, vivait dans les plus grandes
angoisses; et il pensait à fuir ou a se cacher, pour qu'ils ne pussentpoint le voir
ni le trouver. Il voulait se réfugier dans quelque caverne, ou sortir de ce monde
pour s'en aller en enfer, ou dans le Paradis terrestre, ou en quelque autre lieu
secret. Il en conférait avec ceux de ses amis qui lui inspiraient confiance. Ceux-ci
lui disaient : « Il y a des gens qui savent le chemin pour se rendre en enfer, au
« paradis aussi, à l'habitation du soleil et à la caverne appelée Cincalco* qui se
« trouve près de Tlacuyoacan, derrière Chapultcpec, où existent de grandes
« cachettes; Votre Majesté trouvera dans quelqu'un de ces lieux un remède à sa
« situation. Que Votre Majesté choisisse l'endroit qu'elle voudra; nous l'y con-
« duirons et Elle s'y consolera sans recevoir aucun dommage. » Moteuhçoma
résolut de se rendre à la caverne de Cincalco et on l'annonça à tout le pays.
1. Le traducteur a cru devoir faire une note à propos de cette célèbre interprète do
l'expédition. Sa longueur est trop considérable pour qu'elle puisse trouver place au bas de
la page. Elle a été transportée à la fin du volume parmi les autres notes qui le terminent.
2. C'est-à-dire: sur (icpac) les pierres (tell).
3. « Dans la maison (calco) du maïs (cintli), »
806 HISTOIRE DES CHOSES
Mais cela ne se réalisa point. Rien d'ailleurs de ce que conseillaient les nécro-
manciens ne put se faire. Moteuhçoma fit donc en sorte de prendre courage
attendant les événements et s'exposant à tous les dangers.
CHAPITRE X
COMME QUOI LES ESPAGNOLS ENTREPRIRENT LEUR MARCHE VERS L'INTÉRIEUR DU PAYS,
ET Moteuhçoma ABANDONNA
LE PALAIS IMPÉRIAL POUR SE RENDRE A SA MAISON PARTICULIÈRE.
CHAPITRE XI
Les seigneurs et dignitaires de Tlaxcala firent entrer dans leur ville les Espa-
gnols et les y reçurent en bonne amitié. Ils les emmenèrent tout droit aux
maisons royales ; là, on les logea et on les traita le mieux possible en leur four-
nissant tout le nécessaire avec le plus grand empressement. Ces grands seigneurs
leur donnèrent leurs filles, les Espagnols les acceptèrent et en usèrent comme
si elles eussent été leurs femmes. Bientôt le capitaine les interrogea au sujet de
Mexico en disant : « Où se trouve Mexico? Est-ce loin d'ici? » Et on répondit :
« Ce n'est pas loin ; il y a la distance de trois journées de marche. C'est une ville
« très peuplée; ses habitants sont braves et grands conquérants; partout ils
« font des conquêtes. » Les Tlàscaltèques n'avaient "pas pour amis les Cholul-
tèques avec lesquels ils étaient en discorde, et comme ils n'avaient pas de
sympathies pour eux, ils en dirent du mal aux Espagnols, pour que ceux-ci les
maltraitassent. Ils les disaient leurs ennemis et les amis des Mexicains dont ils
égalaient la vaillance. En apprenant ces nouvelles au sujet des habitants
de Cholula, les Espagnols prirent la résolution de les maltraiter; comme en effet
ils le firent. Ils partirent de Tlaxcala tous ensemble, accompagnés d'un grand
nombre de Cempoaltèques et de Tlàscaltèques armés en guerre. Lorsqu'ils
arrivèrent à Cholula, les habitants de la ville n'en prirent aucun souci, ne parlant
ni de paix ni de guerre et se tenant tranquilles dans leurs maisons. Les Espagnols
jugèrent mal celte attitude, soupçonnèrent une trahison et se mirent à appeler à
grands cris les caciques, les dignitaires, et tout le reste, pour qu'ils eussent à se
présenter à leur quartier. Us arrivèrent en effet et s'assemblèrent dans la cour
du grand temple de Quetzalcoatl. Us y étaient tous réunis, lorsque les Espagnols,
irrités du peu de cas qu'on avait fait d'eux, s'emparèrent de toutes les issues,
entrèrent 6. cheval, commencèrent à jouer de la lance et en tuèrent autant qu'ils
purent, tandis que leurs alliés indiens en massacrèrent, peut-on croire, bien plus
encore. Les Cholultôques, n'ayant soupçonné nullement l'événement, n'avaient
apporté aucune arme ni offensive ni défensive et ils se trouvaient complètement
desarmés. Ils moururent donc ainsi de malemort.
Les messagers de Moteuhçomavenaient dire à ce prince tous les événements
aussitôt qu'ils étaient arrivés. Tout était plein, sur la route, d'envoyés qui
allaient et venaient. Tous les habitants, à Mexico, partout où passaient les
Espagnols et dans n'importe quel district, s'agitaient et s'alarmaient; on aurait
CHAPITRE XII
CHAPITRE XIII
CHAPITRE XIV
COMME QUOI Moteuhçoma ENVOYA OBSTRUER LES CHEMINS POUR QUE LES ESPAGNOLS
N'ARRIVASSENT PAS A MEXICO.
Moteuhçoma, ayant appris toutes ces choses et voyant que les Espagnols s'ache-
minaient en droite ligne sur Mexico, ordonna qu'on fermât les routes par
lesquelles ils devaient passer et qu'on y plantât des magueys, ajoutant qu'il
fallait diriger la marche des arrivants sur Telzcuco. Les Espagnols eurent con-
naissance de cette mesure; ils ouvrirent de nouveau les routes en jetant sur leurs
bords les magueys qui les obstruaient. Ils passèrentla nuit à Amaquemecan*, en
partirent le lendemain et arrivèrent à Cuitlahuac d'où Fernand Cortès manda
tous les seigneurs de Chinampa, Xochimilco, Mizquic* et de tous les villages de
la Chinampa. Il les harangua en leur expliquant les raisons de sa venue. Les
habitants de Tlalmanalco avaient déjà entendu les mêmes paroles à Amaque-
mecan. Les Espagnols partirent ensuite pour Itztapalapan, ville qui se trouve à
deux lieues de Mexico. Là, Fernand Cortès fit assembler les principaux person-
nages du district portant le nom de Nauhtecàtli, c'est-à-dire dyUztapalapan,
Mexicalzinco, Goyoacan et Uitzilopoclico. Il leur parla comme aux précédents.
De leur côté, ils montrèrent des sentiments pacifiques et répondirent en amis. Au
milieu de tous ces événements, Moteuhçoma ne fit aucun prèparatif de guerre
et n'ordonna nullement qu'on molestât les Espagnols. Il prit au contraire toutes
les mesures pour qu'on les pourvût de toutes choses jusqu'à ce qu'ils arrivassent
à Mexico. Pendant qu'ils étaient à Itztapalapan, aucun Mexicain n'alla les voir.
Ceux-ci n'osaient ni sortir de leurs maisons, ni circuler sur les routes, tout le
monde étant terrifié de ce que les arrivants avaient fait pendant leur marche. Us
n'attendaient plus que la mort et ils en parlaient entre eux en disant : « Que
la
« faire? Advienne que pourra! Le temps de notre ruine est venu; attendons
« mort ici même. »
CHAPITRE XV
CHAPITRE XVI
Lorsque les Espagnols arrivèrent à la rivière appelée Xoluco, près des établis-
sements d'Alvarado, Moteuhçoma se prépara à les aller recevoir en compagnie
d'un grand nombre de seigneurs, de hauts personnages et de nobles, pour
faire honneur à Fernand Cortès et à tous ses capitaines. Ils emportèrent une
grande quantité de belles fleurs très parfumées, arrangées en collier, en
guirlandes ou en bouquets, et placées sur des vases faits d'écorce de calebasses
et très bien peints. Ils se munirent aussi de colliers en or et en pierreries. Quand
Moteuhçoma se trouva en présence des Espagnols, à Uitzillan, près de
l'hôpital de la Concepcion, il passa un collier d'or et de pierres fines au cou de
Fernand Cortès et il donna des fleurs et des guirlandes à tous les autres capi-
taines. Après qu'il eut donné lui-même ce présent, conformément à l'usage du
pays, Fernand Cortès l'interrogea et reçut pour réponse : « Je suis Moteuh-
çoma », et en disant ces mots, il se redressa devant le capitaine, lui fit ensuite
une grande révérence et, se redressant de nouveau avec la plus grande dignité,
approcha son visage du sien et lui parla en ces termes : a Soyez le bienvenu,
« Monseigneur; vous êtes arrivé dans ce pays qui est le vôtre, dans votre ville et
« à votre demeure qui est Mexico; vous êtes venu vous asseoir sur votre trône,
« sur votre siège, que j'ai occupé moi-même en votre nom pendant quelques
CHAPITRE XVII
Aussitôt que les Espagnols arrivèrent aux maisons royales, avec Moteuhçoma,
ils le retinrent auprès d'eux et né lui permirent plus de s'en écarter. Ils retinrent
aussi de la même manière ItsqUauhtzin, gouverneur de Tlatelulco. Ils s'empa-
rèrent de leurs personnes et laissèrent partir tous les autres *. Incontinent, ils
firent tirer tous les canons chargés à poudre; le bruit et la fumée étourdirent les
Indiens qui se prirent à vaciller, comme s'ils eussent été ivres, et à fuir épouvantés
en différentes directions. Tous, soit qu'ils eussent vu ce spectacle, soit qu'ils en
eussent été absents, furent saisis d'une frayeur mortelle. On passa cette nuit
dans le repos. Le lendemain de très bonne heure, on fit publier, de la part de
Cortès et de. Moteuhçoma, l'ordre d'apporter tout ce qui serait nécessaire aux
Espagnols et à leurs chevaux. Moteuhçoma mettait un grand zèle à obtenir qu'on
les approvisionnât de tout; mais les piles, les achcauhtleè et d'autres officiers
auxquels incombait le soin de ces provisions, refusaientd'obéir à Moteuhçomaet
de se rendre auprès de lui. Cependant tout le nécessaire était apporté. Lorsque
les Espagnols se furent installés dans leurs logements et assurés de leur subsis-
tance, s'étant d'ailleurs donné un peu de repos, il en arrivèrent à parler aveu
Moteuhçoma de son trésor royal, pour qu'il dît où il se trouvait. Il les conduisit
alors dans une salle appelée teocalco *, où il conservait les riches tissus de
plumes et un grand nombre de joyaux précieux en plumages, en or et en pier-
reries. Tout fut déménagé devant eux et ils s'empressèrent de séparer l'or des
plumes, des rondaches et de tous les ornements dont on faisait usage pour les
areytos. Mais, pour s'emparer de ce métal, ils détruisirent de beaux travaux en
plumes ainsi que de riches joyaux. Ils fondirent l'or et en firent des lingots. Les
Espagnols choisirent pour eux les pierres précieuses qui leur parurent désirables
et les Indiens de Tlaxcala prirent toutes les pierres d'un mérite inférieur et les
objets en plumes. Les Espagnols examinèrent tout le palais et y prirent tout ce
qui leur parut avantageux.
1. Le fait est tellement contraire à tout ce que disent les autfes historiens et surtout
Bernai ïïiaz, qu'il est oiseux de le contredire. Cette note a pour but unique de faire
observer que le traducteur ne se propose nullement de relever dans le texte de Sahagun
les assertions qu'il croira erronées. Il suppose que le lecteur saura lui-même en faire
justice.
2. » Dans la maison (calco) divine (teotl). »
814 HISTOIRE DES CHOSES
CHAPITRE XVIII
Après qu'ils eurent fait tout ce qu'on vient de dire, les Espagnols firent en sorte
de savoir où était l'appartement intime de Moteuhçoma, et celui-ci les con-
duisit à sa chambre appelée totocalco *, ce qui veut dire « la maison des oiseaux ».
Les Espagnols marchaient très joyeux en pensant qu'ils allaient y trouver beau-
coup d'or. Étant arrivés, ils s'empressèrent d'enlever, toute la garde-robe de
Moteuhçoma, consistant,"en un grand nombre de joyaux d'or et d'argent et de
pierres précieuses; des tissus en plumes, qu'ils mirent au milieu de la cour pour
que leurs alliés s'en emparassent. Aussitôt après, le capitaine Fernand Cortès fit
transmettre ses ordres au moyen de Marina, son interprète; c'était une Indienne
qui savait les langues castillane et mexicaine et qui fut prise dans le Yucatan.
Elle éleva la voix pour appeler les tecuhlles et les piles mexicains afin qu'ils
apportassent aux Espagnols les provisions de bouche nécessaires. Mais personne
n'osait se' présenter devant eux et s'en approcher ; tous étaient craintifs et pris
de frayeur. Ils envoyaient tout ce qu'il fallait pour la nourriture, mais ceux qui
en étaient porteurs arrivaient en tremblant; ils déposaient les provisions et s'en
allaient presque aussitôt en fuyant.
CHAPITRE XIX
CHAPITRE XX
Au moment qui leur parut opportun, les Espagnols sortirent de leur cachette,
s'emparèrent de toutes les issues, pour empêcher que personne pût sortir, entrè-
rent munis de leurs armes et se mirent à massacrer ceux qui faisaient partie de.
Yareyto. Ils coupaient les mains et les tètes à ceux qui faisaient de là musique ;
ils donnaient des estocades et des coups de lance à tous ceux qui leur tombaient
sous la main. Ils firent ainsi grand carnage. Ceux qui voulaient fuir étaient mas-
sacrés aux portes. Quelques-unspurent escalader les murs, d'autres entraient dans
les chapelles du temple, tombaient à terre et faisaient les morts. Le sang coulait
dans la cour comme l'eau pendant une averse ; tout le sol était couvert de têtes,
de bras, de boyaux et de corps d'hommes morts. Les Espagnols cherchaient des
vivants dans tous les recoins pour les achever. Le bruit de cet événement s'étant
répandu dans la ville, le cri : Aux armes! aux armes! se fit entendre. Un grand
nombre d'hommes armés se réunirent et le combat contre les Espagnols com-
mença.
CHAPITRE XXI
Aussitôt que les hostilités commencèrent entre les Indiens et les Espagnols,
ceux-ci se fortifièrentdans les maisons royales avec Moleuhçomatà Itzquauhlzin,
1. J'ai donné la traduction exacte de ce passage fort confus de Sahagun. Il n'y aurait
qu'un moyen de faire disparaître cette confusion; ce serait de supposer que le chapitre
suivant n'est que la continuation de celui-ci, sans transition aucune et sans division de
chapitre. Le lecteur, du reste, ne doit pas perdre de vue que le moine franciscain qui
avait écrit primitivement son livre en langue nahuatl le traduisit ensuite en langue
espagnole par ordre de ses supérieurs. Il est aisé de reconnaître en plusieurs endroits
de cette traduction un manque de suite et des traces de coupures qui sans- doute ont été
la conséquence d'ordres reçus ayant pour but la suppression de certains passages,-qui
relataient d'une manièretrop exacte quelques actes répréûcnsibles commis par les Espa-
gnols, (Voyez la note de la page 594.)
816 HISTOIRE DES CHOSES
gouverneur de Tlatelulco. Les Indiens les entourèrent en leur faisant une dure
guerre. Les Espagnols se défendaient avec leurs canons, leurs arbalètes et leurs
escopettes, qui causaient de grands dommages parmi les Indiens. Ils mirent
Moteuhçonia aux fers. Les Indiens procédèrent aux funérailles de ceux qui
avaient été massacrés par les Espagnolsdans la cour du temple. Il y eut en cette
occasion grand deuil dans toute la ville, car les défunts étaient des personnages
des plus marquants. On les inhuma en plusieurs endroits, conformément aux
rites du pays.
Le même jour, au coucher du soleil, ltzquauhlzin-j gouverneur de Tlatelulco,
monta aux terrasses de la maison royale et éleva la voix en disant : « Mexicains
« et habitants de Tlatelulco, remarquez que le seigneur Moteuhçonia, votre
« roi, vous prie de cesser vos combats et de mettre bas les armes, parce que ces
a hommes-ci sont beaucoup plus forts que nous -, si vous n'abandonnez pas vos
« hostilités, le peuple entier en souftrira, car ils ont déjà attaché votre roi avec
« des chaînes de fer. » Les Mexicains et les habitants de Tlatelulco ayant entendu
ces paroles recommencèrent leurs bravades et se mirent à lancer des malédic-
tions contre Moteuhçoma en criant : « Que dit ce crapuleux Moteuhçomal et
« toi, fripon avec lui ? Nous ne cesserons nullement de combattre. » Et aussitôt
ils commencèrent à. pousser des cris aigus et à lancer des flèches et des dards
vers l'endroit où se trouvait l'orateur avec Moteuhçoma. Les Espagnols les
couvrirent de leurs boucliers et empêchèrent ainsi qu'ils reçussent aucune bles-
sure. Les Mexicains étaient furieux contre les Espagnols au sujet du massacre
qu'ils avaientfait traîtreusementde leurs hauts personnages et de leurs,plus valeu-
reux, hommes de guerre. Aussi assiégeaient-ils étroitement les maisons royales
sans laisser y entrer ou en sortir personne, ni introduire aucune provision, afin
qu'ils mourussent de faim. Si quelqu'un réussissait à faire entrer secrètement
quelques vivres destinés à l'un des assiégés, les assiégeants lui donnaient la mort
aussitôt qu'ils en étaient instruits. Ils surent que des Mexicains s'introduisaient
au palais avec des flèches. Ce fut une raison pour augmenter de vigilance afin que
personne ne pût pénétrer ni par terre ni par la lagune, et ils massacrèrent ceuxqui
furent convaincus d'avoir fait entrer quelque chose. Il ne tarda pas de s'élever à ce
sujet de grands scandales parmi les Mexicains qui s'accusaient les uns les autres
de cette fraude. Plusieurs furent tués, surtout parmi les serviteurs ou pages de
Moteuhçoma, se distinguant par des anneaux de cristal à la lèvre inférieure, ce
qui était un signe caractéristique de la livrée de Moteuhçoma, ou portant des
manias légères appelées ayatl, à la manière des pages de ce prince. Ils étaient
tous accusés d'être entrés pour apporter des vivres à leur maître et d'avoir
dit ce qui se passait au dehors, et tous étaient punis de mort. La vigilance
augmenta, de sorte que les gens de la maison de Moteuhçoma prirent la fuite
et se cachèrent pour éviter d'être tués. Les Mexicains livrèrent combat aux Espa-
gnols pendant sept jours et les tinrent assiégés pendant vingt-trois jours, pendant
lesquels ils élargirentles fossés et les firent plus profonds, interceptèrent les che-
mins avec des barricades et élevèrent des remparts, afin que les Espagnols ne
pussent sortir par aucune issue.
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 817
CHAPITRE XXII
Les choses en étant au point que nous venons de dire, vint la nouvelle que le
capitaine Fernarid Gortès arrivait à grandes journées avec beaucoup d'Es-
pagnols et d'Indiens de Cempoallan et de Tlaxcala, armés en guerreK. Les Mexi-
cains convinrent entre eux de se tenir cachés et de ne sortir aucunement pour
aller à leur rencontre ni en paix ni en guerre. Les Espagnols accompagnés de
leurs alliés s'en furent droit au quartier où se trouvaient leurs compatriotes,
tandis que les Mexicains se tenaient cachés hors de vue, dans le but de donner a
entendre que ce n'étaient pas eux qui avaient commencé les hostilités. Le général
étant entré aux maisons royales avec tout son monde, on tira des coups de canon
avec toute l'artillerie en signe de joie pour les nouveaux venus et afin d'effrayer
l'ennemi. Mais les Mexicains n'en commencèrent pas moins à se montrer, à pous-
ser des cris et à recommencer le combat en lançant des flèches et des dards. Les
Espagnols y répondirent avec leurs flèches et leurs armes à feu. Un grand nombre 1
de Mexicains y périrent, car. les Espagnols tiraient à coup sûr. Pas une décharge
ne restait sans effet et sans porter la mort parmi les ennemis. Ceux-ci, s'étant
aperçus des ravages que les Espagnols faisaient dans leurs rangs, commencèrent
à serpenter dans leurs mouvements et à se mettre de côté pour échapper aux
canons. Ils avaient fait durer le combat quatre jours autour des maisons royales
où se tenaient les Espagnols. Après ce temps les capitaines mexicains choisirent
un grand nombre de vieux soldats très braves et montèrent avec eux sur un temple
qui était le plus rapproché des maisons royales. Ilsy transportèrent deuxgrandes
poutres, dans le but de les lancer sur les maisons royales et de les effondrer afin
qu'il fût possible d'y pénétrer. Les Espagnols s'en étant aperçus se mirent
à monter au temple en bon ordre, armés de leurs escopettes et de leurs
arbalètes.
Ils montèrent d'abord lentement en lâchant leurs flèches et leurs coups de feu
sur ceux qui étaient au sommet. Chaque colonne était composée de façon qu'a-
près un escopettier venait un soldat d'épée et de rondache suivi d'un hallebardier.
Ils montaient dans cet ordre pendant que ceux d'en haut lançaient leurs madriers
par les degrés du temple. Mais les Espagnols n'en reçurent aucun dommage. Ils
arrivèrent au haut du temple et là ils se mirent à massacrer ceux qui s'y trou-
vaient. Plusieurs Indiens se précipitaient d'eux-mêmes du haut en bas du temple,
et, finalement^ tous ceux d'entre eux qui y étaient montés moururent. Les Espa-
gnols s'en retournèrent à leurs retranchements et s'y fortifièrent très bien. Les
1. De cempoalli, vingt, uni à llan, suffixe de nom de lieu ; ville située au sud-ouest de
Vera-CfUi. '
81:8 HISTOIRE DES CHOSES
Mexicains inhumèrent les morts, car ils appartenaient tous à la classe élevée et
à la catégorie des guerriers de distinction.
CHAPITRE XXIII
Après les événements contés plus haut, quatre jours s'étant écoulés depuis le
massacre du temple, les Mexicains trouvèrent Moteuhçoma et le gouverneur
deTlatelulco morts et jetés au dehors des maisons royales près du mur où
était une pierre, sculptée en forme de tortue, qu'on appelait ieayoc '. Ceux
qui les découvrirent ayant reconnu que c'étaient eux, en donnèrent avis, lès enle-
vèrent, les apportèrent à un oratoire qu'on nommait Calpulco, et là on fit les
cérémonies qu'on avait l'habitude de faire pour les morts de grande distinction.
Ils les brûlèrent ensuite, ainsi que c'était d'usage pour les rois, et firent un service
avec la plus grande solennité, comme c'était la coutume en pareil cas. L'un deux
— c'était Moteuliçoma — fut inhumé à Mexico et l'autre à Tlatelulco. Quelques
personnes médisaient de Moteuhçoma, prétendant qu'il avait été cruel. Les
habitants de Tlatelulco au contraire pleuraient beaucoup leur gouverneur, parce
qu'il était très aimé 2. Après quelques jours de siège pendant lesquels les attaques
CHAPITRE XXIV
Lorsque les Espagnols et les alliés qui étaient avec eux se virent fortement
pressés par là faim et serrés de près par les combats, ils sortirent tous une nuit
de leurs retranchements, les Espagnols marchant devant et les Indiens tlascal-
tèques après eux, munis de ponts pour passer sur les tranchées. Lors dé Cet
événement, il pleuvait un peu. Ils traversèrent quatre tranchées; mais avant
qu'ils eussent passé sur les autres, une femme qui venait puiser de l'eau, lès
voyant filer, se prit à pousser des cris en disant : « Oh! Mexicains ! vos ennemis
s'échappent! » Elle le répéta trois ou quatre fois, et l'un des"veilleurs se mit à
crier du haut du temple de Uitzilopochtli de manière à se faire entendre de tout '
le monde ; il disait : « Holà> les braves ! vos ennemis sont sortis ; courez au com-
bat; ils s'en vont! » Alors tous ensemble, ces voix ayant été entendues, se
mirent à pousser des cris aigus et coururent à l'attaque par terre comme par la
lagune. Ils se concentrèrent sur un point appelé Mictlantoncomacuilcuitlapilco ',
et là, les Mexicains d'un côté et les habitants de Tlatelulco de l'autre, arrêtèrent
les Espagnols. Les uns et les autres engagèrent le combat et il y eut un grand
nombre de morts et de blessés des deux côtés. Les Espagnols étant arrivés à une
sujets, ils manquèrent de prendre la morne précaution dans un de ces moments, et c'est
alors que le malheureux monarque fut frappé de trois pierres et d'une flèche, à la tète,
au bras et à la jambe. A la suite de l'accident, on le pria de se laisser soigner et do
manger; mais on eut beau user auprès de lui des plus douces paroles, il se refusa à
rien faire, et tout d'un coup, sans nous y attendre aucunement, nous apprîmes qu'il était
mort. Corlès le pleura et tous nos capitaines et soldats en firent autant. Plusieurs de
nous qui l'avions connu et fréquenté le pleurâmes comme un père ; et certes on ne saurait
en être surpris si l'on songe combien il était bon. »
Ces paroles simples et touchantes • n'indiquent pas qu'il ait été question en présence
de Bernai IMaz de violences nouvelles d'aucune sorte qui eussent bâté la mort de l'infor-
tuné Jlfo/eu/içonia.. On peut croire qu'il mourut subitement des suites naturelles de ses
blessures, lorsque quelques heures de calme relatif et d'apparence de peu de gravité
éloignaient des conquérants la prévision d'une mort si prochaine. En envisageant ce
sujet au point de vue purement chirurgical on est en droit de se demander si un pareil
genre de mort subite serait sans exemple, ou si colle-ci serait, au contraire, facilement
explicable. La réponse ne saurait être douteuse. Des observations nombreuses nous ont
appris qu'une contusion grave de la tête peut être suivie immédiatement de deux, trois
ou plusieurs jours d'innocuité apparente, tandis qu'un travail inflammatoire interne
prépare un épanchement ou un abcès qui cause' secondairement la mort, quelquefois
d'une manière subite. Il ne serait nullement imposible qu'il en ait été; ainsi pour
Moteuhçoma. •
'•1. Mictlantoncomacuilcuitlapilco. De mictlantonlli, petit enfer ; macuilcuitlapilco:
de macuiUi, cinq, et cuitlapilli, queue, unis l'un et l'autre au suffixe co.
S20: ' HISTOIRE-DES CHOSES
tranchée nommée Tlantecayocah', il fut impossible que tous passassent, tant
l'attaquéétait vigoureuse de toutes parts. Alors les Indiens tlascaltèques, beau-
coup d'Espagnols et les femmes après eux tombèrent dans la tranchée en si
grand nombre qu'ils la comblèrent de leurs corps, de sorte que ceux qui venaient
les derniers purent passer sur leurs cadavres. Ils arrivèrent à une autre tranchée
du nom de Petlacalco et ils la traversèrent avec de grandes difficultés. Ce fut
après ce passage qu'ils se reformèrent en se réunissant et ils parvinrent ainsi à
un point, - appelé Popotlan, quand le jour commençait à paraître, les Mexicains
les poursuivant toujours en poussant de grands cris. Les Espagnols avançaient
ensemble, réunis à quelques Tlascaltèques, en combattant toujours contre
l'ennemi qui les'suivit.jusqu'auprès de Tlacopan, en un point nommé Tilihucàn.
Ce fut là qu'on tua le seigneur de Tlacopan, qui était fils de Moteuhçoma. Là
moururent aussi un haut personnage du nom de Tlaltecatzin et un autre appelé
Teparcecatl tecutli. Us servaient de guides aux Espagnols^ lorsque les gens du
parti contraire les tuèrent; Les fuyards arrivèrent en un point nommé Otonleo-
calco a, où ils se réunirent sur la place et reprirent courage, parce que les Indiens
mexicains étaient rentrés dans leurs retranchements. Les Otomi du village de
Teocalhuican'5 les recueillirent en amis et leur donnèrent à manger.
CHAPITRE XXV
Tandis que les Espagnols se trouvaient dans les susdits logements, ;les Otomi
de Teocalhuican se.présentèrent à eux avec leur chef qui s'appelait Oloncoall.
Ils apportaient des vivres aux fugitifs qui en avaient grand besoin ; c'étaient des
tortillas, des poules rôties et bouillies et d'autres choses encore bonnes à manger.
Ils parlèrent au capitaine Fernand Cortës, lui présentèrent leurs saluts amicaux
et le prièrent de se reposer et de prendre la nourriture avec tout son monde. Le
capitaine leur répondit au moyen de l'interprète Marina et leur demanda d'où ils
étaient. Ils dirent qu'ils appartenaient au village de Teocalhuican. S'informant
alors de la distance qu'il y avait pour arriver à ce village, Cortès leur dit qu'il
irait y passer la nuit le lendemain, et les Indiens lui rendirent grâces pour celle
pensée.
Mais tandis que les Espagnols accompagnés de leurs alliés arrivaient à ce
village, les Mexicains de leur côté commençaient à recueillir les cadavres des
Espagnols, Tlascaltèqueset Cempoaltèques qui s'étaient noyés dans les tranchées
de Toltecaacaloco,de Petlacalco et de Mictlantonco. Après les avoir retirés de
CHAPITRE XXVI
Étant arrivés au village de Teocalhuican avant midi, les Espagnols, furent très
bien reçus par les Otomis auxquels appartenait ce village. Ceux-ci leur donnèrent
à manger les vivres abondants. qu'ils avaient préparés. Ils firent en sorte de les
distraire et de relever leur moral, à eux et à tous ceux.qui les accompagnaient.
Ils s'occupèrent aussi des chevaux et leur donnèrent tout ce dont ils avaient
besoin, autant que le permettaient leurs ressources. Les Otomis de Tlaoçcala, qui
eurent la chance d'échapper à la guerre, reconnurent les gens de Teocalhuican
dont ils étaient parents, parce que des gens de ce village en étaient sortis en
d'autres temps pour aller habiter Tlaxcala. Ils se réunirent tous ensemble,et
s'entendirent pour aller saluer le capitaine et les Espagnols. Arrivés devant>ux,
ils leur dirent : « Vous voilà dans vos propres maisons et dans votre village,, et
nous ne sommes que vos humbles sujets. » Ils se plaignirent ensuite à Cortès des
mauvais traitementsqu'ils' avaient reçus de Moteuhçoma et des Mexicains qui
faisaient peser sur eux de forts tributs et dé grandes charges. Ils ajoutèrent que
si Cortès les abandonnait, ils seraient traités plus mal encore, attendu que les
CHAPITRE XXVII
Tandis que les Espagnols étaient dans ce village, les Mexicains s'approchèrent,
dans l'intention de les achever. Ils campèrent près d'un monticule appelé Tonqn,
ce qui veut dire « notre mère ». Ils établirent des guetteurs chargés d'observer les
Espagnols et de donner avis aussitôt qu'on les verrait se mettre en marche.
Lors donc qu'ils entreprirent leur route, les postes mexicains avertirent leurs
chefs de ce mouvement. L'ayant appris, lés Mexicains avancèrent à leur pour-
suite, et les Espagnols les voyant approcher à grands pas et comprenant qu'ils
voulaient en venir aux mains, s'arrêtèrent et se mirent en ordre de bataille. Les
Mexicains comptant sur leur grand nombre tombèrent au centre de leurs ennemis
et livrèrent le combat en toutes directions. Les Espagnols* faisant porter leurs
coups sur cette grande masse, tuèrent beaucoup de Mexicains et de Tlatilulcains.
Un grand nombre y périrent et les autres furent mis en fuite. Après cette vic-
toire, les Espagnols poursuivirent leur route sans être jamais plus suivis par
l'ennemi.
Du jour qu'ils entrèrent à Mexico jusqu'à ce qu'ils en sortirent, les Espagnols y
passèrent deux cent trente-cinq jours, dont cent quatre-vingt-cinq en paix et amitié
avec les Indiens. Quand ils eurent vaincu dans la bataille susdite* ils entrepri-
rent leur marche sur Tlaxcala, et lorsqu'ils eurent passé la frontière de cette
république, les Mexicains rebroussèrent chemin. Ils s'occupèrent à chercher sur
le champ de bataille les personnes marquantes qui y avaient péri. On fit leurs
funérailles en brûlant les corps et en gardant les cendres. Ils retournèrent à
Mexico et dirent que les Espagnols avaient fui pour toujours et que jamais plus
ils ne reviendraient. Lorsque les Espagnols furent entrés dans les possessions de
Tlaxcala, au rapport d'historiens qui s'y trouvaient, les personnages notables de
Tlaxcala, hommes et femmes, partirent à leur rencontre avec beaucoup de vivres.
Ils les amenèrent à la capitale, portant ceux qui ne pouvaient pas marcher et
prenant soin des blessés. Quand on arriva à la ville, on les traita le mieux possi-
ble et les Tlascaltèques, compatissant à leurs peines, pleurèrent sur leur désastre
et pour la perte du grand nombre d'Espagnols et de Tlascaltèques qui avaient
laissé la vie à Mexico. Les Espagnols pansèrent leurs blessures et ils cherchèrent
à reprendre leurs forces dans la ville de Tlâscala ; mais ils étaient trop peu nom-
breux pour entreprendre une nouvelle campagne contre les Mexicains. Sur ces
entrefaites, arriva à Tlâscala un certain Francisco Hernandez, capitaine espa-
gnol, avec trois cents soldats castillans, plusieurs chevaux, des armes, des canons
et des munitions de guerre. Avec cela Fernand Cortès et tous ceux qui avaient
échappé avec lui au désastre reprirent courage, pour se préparer de nouveau à
la conquête de Mexico. >
82A .; HISTOIRE'DES CHOSES
CHAPITRE XXVIII
CHAPITRE XXIX
DE LÀ PESTÉ DE PETITE VÉROLE QUI ATTAQUALES INDIENS APRÈS QUE LES ESPAGNOLS
..
FURENT SORTIS DE MEXICO.
Avant que les Espagnols, qui se trouvaient à Tlaxcala, revinssent faire la con-<
quête de Mexico, une grande peste de petite vérole attaqua tous les Indiens, au
mois de tepeilhuitl qui commence à la fin de septembre. Un grand nombre de
natifs furent victimes de cette épidémie. Ils avaient le corps, la figure et tous les
membres couverts et perforés de pustules, à ce point qu'ils ne pouvaient changer
de.place ni se tourner d'un côté à l'autre, et si quelqu'un voulait les mouvoir, ils
poussaient des cris. Ce fléau fit périr une quantité-innombrable de gens. Plusieurs
moururent de faim, parce qu'il n'y avait personne pour préparer à manger.-
Parmi ceux qui échappèrent à la.maladie, quelques-uns eurent les yeux crevés
et tous en sortirent avec des trous à la figure. Le mal dura soixante jours dans
toute sa force et lorsqu'il commençait à diminuer à Mexico il attaqua la ville de
Ghalco. Lorsque l'épidémie fut finie dans la capitale, les Espagnols qui déjà
étaient à Tetzcuco s'en approchèrent, abandonnant la lagune et venant par
.
Quauhtitlan jusqu'à Tlacopan où ils se partagèrent en divers corps qui furent
occuper des postes différents. Le chemin qui va de Tlacopan à Tlatelulco échut
à don Pedro de Alvarado. Le capitaine Fernand Cortès s'installa à Coyoacan et
se chargea de la.route qui va.de Coyoacan à Mexico. Les combats commencèrent
d'abord du côté du Tlatelulco en un point appelé Neoellatilco *. Les Espagnols
arrivèrent en combattant jusqu'à l'endroit nommé Nonoalco, où se trouve actuel-.
Iement l'église de San Miguel. Ils se retirèrent ensuite sans, avoir gagné dans
cette escarmouche. Le capitaine Fernand Cortès, de son côté, attaqua les Mexi-
cains par le chemin qu'on appelle Acachinanco. Les Mexicains faisaient partout
une résistance opiniâtre.
CHAPITRE XXX
1. De ncxtli, cendre, et tlatilia, brûler ou Cacher, avec co, daus, suffixe dé nom de
lieu. Voyezla note sur. Tlatelulco,f&g<i 2»
_ .... ....... ..:.,. —;;<..-..J>;
826 HISTOIRE DES CHOSES
débarcadère d'*4cac/wnanco, près de Mexico, en droite ligne de San Anton
église qui se trouve près des maisons d'Alvarado. Le capitaine Fernand Cortès
entra lui-même dans les brigantins. On se mit à sonder la lagune, afin de bien
connaître la hauteur de l'eau partout où l'on devait naviguer. Quand on eut bien
découvert toutes les routes qu'on pouvait suivre, on fit le branle^bas de combat à
bord des brigantins, dans le dessein de courir à la destruction des Mexicains.
On se mit en ordre, les drapeaux déployés en avant, et, au son du fifre et du
tambour, on commença l'action Contre les Mexicains. Beaucoup de ceux-ci, qui
avaient les maisons dans l'eau, voyant que les hostilités commençaient sur la
lagune, commencèrent à fuir avec femmes et enfants, quelques-uns emportant
leurs fils sur leurs épaules et les autres les embarquant dans leurs canoas. Ils
abandonnaient tous leurs biens dans leurs maisons. Les Indiens alliés des Espa-
gnols y entraient et pillaient tout ce qu'ils y trouvaient. Les Indiens de Tlatelulco
combattaient aussi avec leurs embarcations. Les Espagnols des brigantins étant
arrivés à un canal qui avait été interrompu par un mur, déblayèrent le chemin
et commencèrent le combat avec les défenseurs du poste. Ils tournaient les
canons vers les points où les embarcations étaient fortement massées et ils
faisaient le plus grand dommage aux Indiens avec l'artillerie et les escopettes.
Les Mexicains comprenant cette situation commencèrent à s'écarter et à se garer
des boulets, faisant voguer leurs embarcations en serpentant et se jetant à plat
ventre dans le fond de leurs canoas quand ils voyaient que les coups allaient
partir. Ils ne tardèrent pas du reste à se retirer vers les maisons et de cette
manière ils laissèrent le champ libre à l'ennemi. Les Espagnols arrivèrent à un
endroit appelé Uilzillan, qui est près de l'église de San Pablo. Ils trouvèrent
là un autre obstacle de maçonnerie, derrière lequel se tenaient un grand
nombre de Mexicains. Les brigantins s'y arrêtèrent quelques instants pour se
mettre en mesure de battre le mur avec l'artillerie.
CHAPITRE XXXI
Les Espagnols, ayant mis leurs pièces en place, tirèrent sur le mur qui
s'ébranla aux premiers coups et ne tarda pas à tomber entièrement. Les soldats
indiens qui s'en abritaient prirent la fuite, et alors nos alliés comblèrent la
tranchée avec des pierres, des briques séchées au soleil, de la terre et des madriers,
afin qu'on pût s'en aider pour passer outre. Lorsque le terrain fut aplani, des
cavaliers entrèrent dans la ville, blessèrent à coups de lance tout ce qu'ils purent
d'Indiens et se retirèrent aussitôt. D'autres hommes à cheval les imitèrent en
entrant à leur tour, et les Indiens se réfugiaient dans les maisons royales. Ce
fut dans ces attaques qu'un Indien de Tlatelulco saisit la lance dont il venait
d'être percé; d'autres guerriers ses compagnons la saisirentégalement et,.l'ayant
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 827
arrachée des mains du cavalier, ils s'en servirent pour Je renverser de son cheval
et le tuer. Les Espagnols se rallièrent et entrèrent dans une place qu'on appelait
Quauhquiauac,en traînant un gros canon qu'ils placèrent en affût. En ce Heu se
trouvait un grand aigle en pierre, de la hauteur d'un homme, ce qui faisait
donner à cette place le nom de Quauhquiauac. D'un côté de l'aigle était un tigré
en pierre et de l'autre côté un ours également en pierre. Les capitaines indiens
se cachaient derrière des colonnes et beaucoup d'autres gens se tenaient sur la
maison qui était bâtie dessus. Les Espagnols lancèrent leurs gros boulets sur cet
édifice, Le bruit et là fumée du canon effrayèrent ceux qui étaient en bas et qui
s'en allèrent. Ceux d'eii haut descendirent en même temps et tout le monde prit
la fuite. On entraîna le canon plus loin vers la cour de Uitzilopochtli, où se
trouvait une grande pierre ronde comme une roue de moulin. Sur le temple ;
de Uitzilopochtli se tenaient assis quelques satrapes occupés à chanter et à jouer
du teponaztli. Quoiqu'ils vissent ce qui se passait, ils ne cessèrent point leur
musique et leur chant. Les Espagnols montèrent, leur donnèrent là mort et les
lancèrent par les degrés, du haut en bas du temple. Comme les Espagnols
entraient par la ville, les Indiens les plus adroits qui montaient des canoas sau-
tèrent à terre et appelèrent d'autres camarades pour mettre obstacle à l'entrée de
l'ennemi. Les Espagnols virent, en effet, les Indiens se précipiter sur eux
impétueusement, et comme ils commençaientà se voir en déroute, ils se rallièrent
et se mirent en retraite, tandis que les Indiens se tenaient fermement sur eux.
Ils gagnèrent ainsi leur poste d'A cachinanco, après avoir abandonné leurs canons
dans la cour de Uitzilopochtli. Les Indiens s'en emparèrent et les jetèrent à l'eau
en une partie profonde qu'on appelle TetamaçolcQ, qui est près du monticule
de Tepelzinco où se trouvent les bains.
CHAPITRE XXXII
Après les événements qu'on vient de dire, les Indiens mexicains se réfugièrent
à Tlatelulco, abandonnant la ville de Mexico au pouvoir des Espagnols, Mais les
Indiens do Tlatelulco portaient leurs attaques à Mexico contre les Espagnols.
Don Pedro Alvarado qui se battit contre eux, tous ces jours-là, dans le poste
d'Hiacac, près de Nonoalco, ne put réussir à rien faire, parce que les guerriers
de Tlatelulco se défendirent très bien par terre et par la lagune. Voyant qu'il
ne réussissait à rien contre eux, il perdit confiance et se retira à Tlacuba. Deux
jours après, les Espagnols s'avancèrent avec des brigantins jusqu'aux maisons de
Tlatelulco. Deux des brigantins se rendirent au faubourg de Nonoalco. Ils effa-
rouchèrent toutes les canoas ennemies ; les hommes sautèrent, à, terre et com-
mencèrent à circuler entre les maisons, en bon ordre de bataille. Les Indiens
reculèrent, personne n'osant les attaquer. Mais un vaillant homme de guerre
appelé Tzilacatzin osa s'approcher des assaillants et, à coups de pierres, il réussit
828 HISTOIRE DES CHOSES
à en abattre quelques-uns, car son bras était d'une force redoutable. Quelques
autres l'imitèrent et réussirent à faire reculer les Espagnols jusqu'à l'endroit où
se tenaient leurs brigantins. Ce Tzilacatzin était armé et portait ses devises
Gomme OtomitL Sa valeur féroce effrayait non seulement les Indiens alliés,
mais les Espagnols eux-mêmes, qui mettaient tous leurs soins à lui donner la
mort, Mais il savait se déguiser chaque jour pour ne pas être reconnu. Quel-
quefois il avait sa tête découverte comme un Otomitl^ d'autres fois il s'abritait
sous des armures de coton; certains jours, il arrangeait sa chevelure de manière
qu'on ne pût ni le voir ni le connaître. Dans une autre attaque, les Espagnols
firent la même chose : ils. revinrent avec leurs brigantins et Un grand nombre,
d'alliés sur le faubourg de NonoalcOi Ils recommencèrent leurs manoeuvres
contre les guerriers de Tlatelulco et. engagèrent fortement le combat qui dura
jusqu'à la nuit. Un grand nombre d'Indiens moururent des deux côtés. Trois
Indiens très braves de Tlatelulco s'y signalèrent. C'était Tzoyectzin, Témoctzin
et ce même Tzilacatzin qu'on a déjà nommé. Les Espagnols, voyant que la nuit
approchait et qu'ils ne réussissaient à rien, revinrent à leur poste avec les Indiens
alliés. '
CHAPITRE XXXIII
Les choses en étant arrivées où l'on a dit plus haut, les Chinampanèques, qui
sont les habitants de Xochimilco, Cuitlauac, Mizquic, Itztapalapan, Mexi-
catzinco, etc., vinrent au secours des Mexicains et des Tlatilulcans qui s'étaient
fortifiés tous ensemble dans Tlatelulco. Ils se trouvèrent en présence du roi de
Mexico, appelé Quauhtemoclzin, entouré de ses principaux dignitaires, et ils lui
adressèrent la parole en ces termes ; « Seigneur, nous venons vous secourir
« dans cette ville et nous sommes envoyés pour cela par nos supérieurs, afin de
« nous acquitter de la dette qui nous incombe ; c'est pour cela que nous avons
«amené nos meilleurs soldats ici présents, afin qu'ils donnent leur aide par
« terre et par la lagune. » Le roi et son entourage répondirent à ces paroles :
« Nous rendons grâces à la pensée que vos seigneurs ont eue de vous envoyer
à
« notre secours ; apprêtez-vous à combattre, o On leur donna aussitôt des armes,
avec une grande provision de cacao; on leur, signala leur poste de combat et ils
commencèrentaussitôt à se battre; mais les hommesde Xochimilcos'employèrent
d'abord à piller les maisons où ils se trouvaient. Ils ne faisaient pas cas, en général,
des: vieilles femmes et des enfants, quoiqu'ils en tuassent un certain nombre,
mais ils s'emparaient des autres et les embarquaient dans des canoas pour-les
emmeneren esclavage. Quelquessoldats mexicains s'en aperçurent et en donnèrent
avis à.leurs.chefs. Il en résulta qu'on marcha contre eux par terre et par. eau;
on en tua et l'on, en.captura de manière à se défaire de la bande entière. Les
femmes.et les.enfants qu'ils avaient prisfurent remis en liberté et l'on rattrapa
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE. 829
tout le butin. Les Espagnols s'en revinrent à leurs établissements après le
combat. Quant aux gens de Xochimilco qu'on avait pris, on les amena à
Quauhtemoctzin qui se trouvait à l'endroit appelé Yacalulco où se trouve
actuellement une église de Santa Aha dans Tlatelulco. Ou expliqua à Quauhte-
moctzin et à Mayeuatzin ' la trahison dont s'étaient rendus coupables les gens
de Xochimilco. On leur adressa des reproches pour leurs méfaits et Quauhte-
moctzin dit à Mayeuatzin : « Frère, fais ton devoir, châtie ceux qui sont en
« faute. » Aussitôt Mayeuatzin commença le massacre et Quauhtemoctzinvint à
son aide. Ils en tuèrent chacun quatre et on envoya tous les autres aux temples des
idoles où ils moururent sacrifiés. C'est pour cette raison que les Mexicains
entrèrent en fureur contre ceux de Xochimilco en disant : t Ces gens de Xochi-
« milco vivent entre nous, nous espionnent et donnent avis à leurs compatriotes
« de tout ce que nous faisons; qu'ils meurent! » Sur ce, on les arracha tous de
leurs maisons, hommes, femmes, vieux et vieilles, et on les tua sans en excepter
un seul, en haine de ceux qui avaient été des traîtres sous le prétexte de porter
secours. Deux ou trois jours plus tard les brigantins qui stationnaient dans la
partie de Tlatelulco appelée Yauhtenco* s'approchèrent amenant des Espagnols
sans aucun Indien allié. Ils sautèrent à terre et entamèrent le combat, lançant des
boulets et des flèches sur les soldats de Tlatelulco qui tout d'abord s'étendaient
sur le sol ou se cachaient derrière les pierres, Tes murs et les maisons, tandis
que leurs chefs, attendant le moment propice, se résolurent enfin à jeter le cri de
guerre.
CHAPITRE XXXIV
CHAPITRE XXXV
Une bataille acharnée s'engagea dans cette journée. Les Mexicains se ruant sur
l'ennemi comme des hommes ivres firent prisonniers un grand nombre de Tlas-
caltèques, dé Chalcas et de Tezcucans et en tuèrent un très grand nombre. Ils
précipitèrent en même temps dans les tranchées les Espagnols et le reste de leurs
alliés. Comme d'ailleurs la chaussée était devenue si boueuse qu'il était
impossible d'y marcher, les Mexicains réussirent à s'emparer de plusieurs Espa-
CHAPITRE XXXVI
CHAPITRE XXXVII
COMME QUOI L'ON OUVRAIT PENDANT LA NUIT LES TRANCHÉES QUE LES ESPAGNOLS
COMBLAIENT PENDANT LE JOUR.
Les Espagnols et leurs alliés comblaient pendant le jour les tranchées, afin de
pouvoir parvenir où l'ennemi se trouvait. Mais l'ennemi ouvrait de nouveau pen-
dant la nuit tout ce qui avait été comblé la veille. Ce fut l'occupation de quelques
jours et cela retarda la victoire. Les Espagnols et les Tlascaltèques faisaient
leurs attaques par terré, les uns du côté qu'on appelle Yacaho; d'autres par
Tliluacan * et d'autres enfin par Atezcapan 5 ; tandis que par la lagune combat-
taient ceux dé Xochimilco, tous les Chinampànèqueset Tlatilulcains du quartier
d'Âtliceuhyan*. Ceux du faubourg d\4yacacB résistaient par eau sans disconti-
nuer le combat. Les dards et les flèches volaient si épais que l'air en parais-
sait jauni.' Les capitaines mexicains du quartier de Yacacolco s'obstinaient à
défendre l'entrée des lieux où se trouvaient réfugiés les femmes et les enfants. En
s'obstinant à combattre ils firent retirer l'ennemi de l'autre côté de la tranchée
d'Amaxac e. Une autre fois les Espagnols poursuivant leur attaque arrivèrent
jusqu'à l'endroit appelé Ayacac où se trouvait une maison connue sous le nom de
telpochcalli à laquelle ils mirent le feu. Un brigantin s'avançait par le quartier
d?Atliceuhyansuivi d'un grand nombre de canoas montées par les Indiens alliés. En
même temps un capitaine mexicain appelé CoyoueuetzinT,revêtu d'une armure
formée de peaux d'aigles et de peaux de tigres, survint du quartier de Tolmayecan
dans sa canoa, suivi d'un grand nombre d'embarcations montées par des hommes
CHAPITRE XXXVIII
D'UNE CATAPULTE QUE FIRENT LES ESPAGNOLS POUR VAINCRE LES GENS
' ' DE Tlatelulco.
t et mamalhuaztli. C'est elle que vous emportez. C'est l'heureux augure de nous
« tous. Prenez soin delà tourner contre l'ennemi pour qu'elle porte sur eux et ne
« perde pas son coup. Si le bonheurveut que YOUS tuiez ou capturiez quelqu'un
« nous aurons là certitude que nous ne périrons point encore celte fois et que le
« secours de notre dieu nous est assuré. » Cela étant dit, le guerrier armé et ses
quatre compagnons fondirent sur T'ennemi. A leur vue, les Espagnols et les
Indiens alliés furent pris d'une grande épouvante. Ils y virent'une chose surhu-
maine. Celui qui revêtait l'armure quetzaltecolotl monta sur une azotea. Les
-ennemis se prirent à le considérer pour deviner ce que cela pouvait être. Recon-
naissant que c'était bien un homme et nullement un démon, ils l'attaquèrent et le
mirent en fuite. Mais le quetzaltecolotlse réunit à ses compagnons, reprit l'offen-
sive contre les assaillants et les fit reculer. Il monta à l'endroit où les Tlascaltè-
ques avaient déposé l'or et les riches plumes qu'ils avaient volés ; il les leur prit,
sauta ensuite sur le sol et ne se fit aucun mal. L'ennemi ne put point s'emparer
de sa personne. Ses compagnons, au contraire, firent trois captifs, et le combat
prit fin. Tous s'en revinrent à leur quartier, et il n'y eut point de rencontre le
lendemain.
CHAPITRE XXXIX
COMME QUOI L'ES TLATILULCA1NS ENTOURÉS DE TOUTES PARTS VIRENT UN FEU DU CIEL
DE COULEUR DE SANG SE DIRIGER SUR EUX.
Le lendemain vers minuit, tandis qu'il tombait une pluie fine,-les Mexicains
aperçurent un feu tourbillonnant qui lançait un grand nombre d'étincelles et des
tisons embrasés de toutes dimensions. Ce fut en tournoyant et au milieu do
grands éclats qu'il circula tout autour de l'endroit où les Mexicains étaient, paiv
qliés et qu'on appelle Coyonacazco. Après avoir fait îc tour de l'enceinte,, il se
dirigea vers lé milieu de la lagune où il disparut. Les Mexicains n'élevèrent pas
la voix, comme ils ont l'habitude de le faire à propos de pareilles apparitions. La
crainte de l'ennemi les fit rester en silence. Le lendemain il n'y eut point de
combat. Tous se tinrent dans leurs quartiers. Don Hernando Cortès monta sur
Yàzotca d'une maison du faubourg d'Amaxac. Cette bâtisse appartenait à un
grand personnage du nom dHAzlauatzin'. Du haut de cette terrasse où Ton avait
dressé une tente, il se mit à considérer le réduit où se tenaient les ennemis. Plu-
sieurs compatriotes l'entouraient et devisaient entre eux. Il est probable que le
capitaine Cortès avait fait parvenir au roi de Mexico plusieurs messages pour
l'engager à se rendre avant que tout le monde eût péri, attendu que la situa-
tion était irrémédiable. 11 est très certain au surplus que,-vu l'état où se trouvait
la défense, le roi de Mexico avait donné aux messagers de Cortès sa parole de se
rendre. Ce fut précisément pour ce motif que le capitaine Don Hernando Cortès
prit position sur la terrasse, afin d'y attendre que le roi arrivât en sa présence.
Quauhtemoctzinaccompagnédes personnages qui lui restaient monta, en effet, en
CHAPITRE XL
Lorsque le roi de Mexico Quauhtemoctzin aborda avec tous ceux qui l'accompa-
gnaient, ils sautèrent à terre près de la maison où Cortès se trouvait. Les Espar
gnols qui se tenaient sur la rivé prirent amicalement Quauhtemoctzinpar la main
et le conduisirentà l'azotea où le capitaine Don Hernando Cortès l'attendait.Quand
il y fut arrivé, Cortès l'embrassa avec les démonstrations les plus affectueuses,
à la grande joie de tous les Espagnols qui en étaient témoins. En ce moment
même, on fit une décharge générale d'artillerie en signe de réjouissance pour la
conclusion des hostilités. Pendant que cela se passait, des Mexicains qui remplis-
saient deux canoas entrèrent dans la maison d'un haut personnage du nom de
Coyoueuetzin, où se trouvaient déjà des Indiens tlascaltèques. Une mêlée en fut la
conséquence; quelques-uns moururent et les Mexicains prenant la fuite se mirent
à la recherche de lieux où ils pourraient se cacher.
Après ces événements, le capitaine Don Hernando Cortès fit publier que tous
ceux qui étaient parqués dans la dernière enceinte pouvaient sortir librement
et regagner leurs maisons. Les Mexicains commencèrent donc à sortir avec leurs
armes et réunis en groupes. Mais partout où des Indiens alliés des Espagnols les
rencontraient, ils leur-donnaient la mort, ce qui fut pour les Espagnols la cause
d'une grande irritation. A l'imitation de ceux qui s'en allaient,les habitants mêmes
de Tlatelulco abandonnèrent leurs maisons et s'enfuirent, dans la pensée qu'on
leur donnerait aussi la mort. S'éloignant donc de leurs demeures, les uns s'en
furent vers Tlacopan et les autres vers San Cristobal. Quant à ceux qui possé-
daient des maisons dans l'eau, les uns en sortirent en canoas, d'autres se hasar-
dèrent à passer à gué par la lagune, quelques-uns s'en furent à la nage. Tous
emportaient sur leur dos leurs fils et leurs biens. Ils mettaient à profit tantôt le
jour, tantôt la nuit pour s'en aller.
Les Espagnols et leurs alliés se portèrent sur toutes les routes pour voler les
fuyards. Ils leur prenaient l'or dont ils étaient porteurs après avoir bien examiné
toutes leurs bardes et leurs vêtements. Ils ne s'emparaient que de l'or et des
jeunes femmes qui leur paraissaient belles. Pour leur échapper, quelques-unes
de celles-ci faisaient en sorte de s'enlaidir en mettant de la boue sur leur figure
cl en se couvrant de haillons. Ils retenaient aussi pour en faire des ;esclaves des
CHAPITRE XLI
DE L'ENTRETIEN QUE DON HERNANDO CORTES EUT AVEC LES ROIS DE MEXICO,
DE TETZCUCO ET DE TLACUBA, APRÈS SA VICTOIRE,
POUR RÉCUPÉRER L*OR QUI FUT PERDU LORSQUE LES ESPAGNOLS
SORTIRENT DE MEXICO EN FUYARDS.
1. Expression métaphoriquepour dire: qui trompe, séduit les gens par des sortilèges.
Au propre, elle signifie celui qui met (quelza) les gens (Je) sur le feu (tlepan).
2. Forme révérentielle de liacotl, tige.
DE LA. NOUVELLE-ESPAGNE. 839
repartît : *' Il est très vrai que nous nous emparâmes de tout; mais on nous le
reprit au passage du canal de Toltecaacaloco ; il faut qu'il reparaisse à l'instant. »
Un grand seigneur ' mexicain appelé Ciuacoatl tlacotzin répondit aussitôt en
s'adressant à Marina : « Dis à sa divinité le capitaine que nous autres Mexicains
n'avons pas l'habitude de guerroyer sur l'eau.en canoas; nous ignorons cette
manière de combattre. Seuls, les guerriers de Tlatelulco attaquèrent sur la lagune
nos seigneurs les Espagnols; eux seuls, croyons-nous, s'emparèrent de l'or. »
Mais Quauhtemoctzin interrompitCiuacoatl : « Qu'est-ce que tu dis? Il est vrai que
les gens de Tlatelulco le prirent; mais ils furent mis en prison pour ce fait et ils
s'empressèrent de tout rendre. Tout fut réuni au lieu appelé Texopan et c'est
cela que nous présentons ici actuellement; il n'y en a point davantage. » Marina
repartit : « Notre capitaine dit que tout n'est pas là. » Le grand seigneur
Ciuacoatl * répondit : « Peut-être des maceuales ont-ils pris quelque chose; on le
cherchera et on le portera, s'il y a lieu, en la présence du capitaine. » Marina dit
encore : « Le seigneur capitaine ordonne que vous cherchiez deux cents palets en
or aussi grands que cela; » et elle signalait avec la main la grandeur d'une
patène de calice. Ciuacoatl ajouta: « Peut-être que quelques-unes de nos femmes
l'emportèrent en le cachant sous leurs jupes; on le cherchera pour l'apporter à
la présence du capitaine. » On en était là lorsqu'un autre grand seigneur du nom
de Mixcoatlaylotlacd!Uelitoctzin prit la parole en ces termes : « Dis au seigneur
capitaine que, du vivant de Moteuhçoma, la conduite que l'on suivait pour aller
conquérir, c'est que les Mexicains, les Tezcucans, les Tlacubains et les habitants
de Chinampas partaient ensemble vers la ville ou la province dont on voulait
faire la conquête. Ils retournaient chez eux après le triomphe, et bientôt les
seigneurs des pays conquis venaient leur apporter leur tribut d'or, de pierres
précieuses et de plumes riches. Tout était livré à Moteuhçoma, et c'était ainsi
que tout l'or arrivait en son pouvoir a. D
1. C'est-à-dire : serpent (coall) femelle [eiuatl) ; c'est le nom que l'on donnait au lieute-
nant du monarque, au vice-roi.
2. On reprochera peut-être au traducteur, à propos de ce douzième livre, do n'avoir pas
choisi le texte que Sahagun adopta définitivement, pour traiter ce même sujet, quelques
années plus tard dans un second manuscrit. Le traducteur reconnaît que cette conduite
eût été préférable à bien des égards; mais il n'a pas cru pouvoir céder à cette préférence,
parce que l'originalité de l'oeuvre entière de Sahagunconsiste surtout dans le calque absolu
de son texte espagnol sur le texte nahuall primitif qui avait été lui-môme écrit sous la
dictée des vieillards indigènes. C'est pour respecter cette même originalité dans le récit do
la conquête que le traducteur a préféré s'en tenir pour ce livre, comme pour tous les
mitres, au texte original de l'ouvrage entier.
. 5
.
Avis AU LECTEUR i — ...... —. ;
.,\...< u
LIVRE PREMIER
QUI TIUITÈ DE3 DIEUX ADORÉS PAR LES NATIFS DE CE PAYS QUI EST LA NOUVELLE-ESPAGNE.
.
CHAPITRE PREMIER.— Qui parle du principal gorie inférieure à ceux qui précèdent. Le pre-
dieu, appelé Uitzilopochlli,que les Mexicains mier est celui qu'on appelle XiulUeculli :
adoraient et auquel ils faisaient des sacrifices. t3 c'est un autre Vulcain 27
ÇHAP. II. — Du dieu appelé Paynal, qui, étant CHAP. XIV. — Il est traité d'un dieu appelé
homme, élait adoré comme dieu. 14 MacuikoocIvUl, ce qui veut dire cinq fleurs;
CHAP. III. — Il traite du dieu appelé Tezcalli- on le nommait aussi XooInpilU, ce qui veut
jïofifl, lequel était tenu pour dieu parmi les dire source principale de fleurs, ou qui est
indigènes de cette Nouvelle-Espagne; c'est chargé de donnerdes fleurs; 30
comme un aulre Jupiter. 14 CHAP. XV. — Ce chapitre traite du dieu appelé
CHAP. IV.
— Il traite du dieu appelé Tlaloc Omacatl, qui veut dire deux roseaux ; c'est
:
Uamaoazqui 10 le dieu des banquets 3'-'
CHAP. V. — Il traite du dieu qui s'appelle CHAP. XVI. — Qui traite du dieu nommé Ixllil-
QueltalcocM et qui est le dieu des vents 15 ton qui veut dire le négrillon ; on l'appelle
. aussi Tlaltetecuin
CHAP. VI. — Qui traite des déesses principales 34
qu'on adorait dans cette Nouvelle-Espagne... 16 CHAP. XVII. — Qui parle du dieu appelé
CHAP. VII. — Il traite de la déesse appelée Opochlli, lequel passait pour dieu et élait
Chicome coati. C'est une autre Cérès. 17 adoré dans cette Nouvelle-Espagne Sil
CHAP. VIII. — Ce chapitre traite d'une déesse CHAP. XVIII. — Qui parle du dieu appelé A"»j)«
qui s'appelait la mère des dieux, coeur de la 7'otec, c'esl-à-dire ccorché.... ..;...
37
terre ou notre aïeule 18 CHAP. XIX.—Quiparledu dieu des marchands,
CHAP. IX. — Ce chapitre traite d'une déesse appelé Yacateeutli........................ 38
appelée Tzapotlalenan 19 CHAP .XX. —Qui parle du dieu appelé Napa-
CHAP. X. — Ce chapitre traite de certaines teoutli ; 41
déesses qui s'appelaient Giuapipillin 2o CHAP. XXI. — Qui parle d'un grand nombre
CIIAP. XI. — Ce chapitre traite de la déesse de de dieux imaginaires, désignés ensemble par
l'eau qu'ils appelaient Clialchiuhllicuc; c'est le nom de Tlaloque. 43
une autre Juiion. 21 CHAP. XXII. —Qui parle du dieu appelé Tezcat-
CHAP. XII. — Ce chapitre traite de la déesse zoncall, un des dieux du vin 46
des pratiques charnelles qu'on appelait Tla- APPENDICE DU LIVRE PREMIER 48
mlleoll ; c'était une autre Vénus 22 AU SINCÈRELECTEUR 50
CHAP. XIII. ~ Qui traite des dieux d'une caté- Mois DU CALENDRIER MEXICAIN 51
LIVRE SECOND
QUI TRAITE DES FETES ET SACRIFICES DONT CES INDIGÈNES HONORAIENT LEURS DIEUX,
AU TEMPS DE LEUR INFIDÉLITÉ.
étaientfaits dans les calendesdu premier mois qui se faisaient aux calendesdu dix-huitième
appelé alleaiiaio ou quauiil eloa . ;
CHAP. XXL—Des cérémonieset sacrifices que
84 mois appelé izcalli
CHAP. XXXVIII. De la
.................
fête appelé
^.... 100
uauhquil-
—
l'on faisait au second mois appelé tlacasoi- tamalquàlizlli que l'on faisait le dixième
peuàliztli. : 87 jour du mois dont on vient de parler, en
CHAP. XXII. — Des fêtcS et sacrifices que l'on l'honneur du dieu ixcoçauhqui 106
faisait le dernier jour du mois appelé tlacasci-
peûalizlli. 92 APPENDICE DU LIVP.E SECOND
CHAP. XXltl. — De là fête et des cérémonies
que l'on faisait dans les calendes du qua- Récit que font les Mexicains relativement aux
trième mois appelé uei ioçozlli 94 fêtes du dieu Uitzilopochlli 169
CHAP. XXIV. — De là fête que l'on faisait aux Récit delà fête qui se faisàitdehuiten huit années. 170
calendes du cinquièmemois appelé toxcàtl.. 96 Descri ptiondes édtficesdu grand templede Mexico 172
CHAP. XXV. — De la fête et des sacrifices que Récit de ce qu'offraientles Mexicains dans leurs
- l'on faisait aux calendes du sixième mois
appelé etzalquaUzUi .... loi
temples. .......,;
Récit au sujet du sang qu'on répandait dans le
183
CHAP. XXVI. — De la fête et des cérémonies temple et au dehors en l'honneur du démon. 184
qui se faisaientaux calendes du septièmemois Récit au sujet d'autres pratiques qui étaient
appelé teauilhuitontli. 115 suivies en l'honneur des démons, au temple et
CHAP. XXVll. — De là fêté et des sacrifices qui au dehors.
Récit au sujet de quelques cérémoniesqui se
•• 180
se faisaient aux calendes du huitième mois
qu'on appelait uei tecuithuitl ,. 118 faisaient en l'honneurdu diable. 187
CHAP. XXVIII.— De la fête et des sacrifices que Récit d'autres cérémoniesqui se faisaient pour
l'on faisait aux calendes du neuvième mois honorer le diable ; 188
appelé tlaoeocMmaco.....; ;.......
CHAP. XXIX. — Dé la fête et des sacrifices qui
126 Récit au sujet des différents ministres chargés
du service des dieux 189
se faisaient dans les calendes du dixième mois Récit au sujet des sonneries et du nombre de
appelé xocohuetzi 128 fois qu'on les faisait entendre, nuit et jour,
CHAP. XXX. — De la fête et des cérémoniesqui dans le temple, comme qui sonne les heures. 193
se faisaient aux calendes du onzième mois Récit relatif aux exerciceset aux occupations de
appelé ochpaniztli. 133 l'intérieur du temple 194
CHAP. XXXI;— De la fête et des sacrificesque Des voeux et des serments. •
195
l'on faisait aux calendes du douzième mois Récit au sujet des chants dont on faisait usage
appelé teotleco 139 en l'honneurdes dieux dans les temples et au
CHAP. XXXII. — De la fête et des sacrifices qui dehors ;
'96
se faisaient aux calendes du treizième mois Récit qui rend compte des femmes qui servaient
appelé lepeilhv.%11 141 dans le temple.... •
196
LIVRE TROISIEME
CHAPITRE PREMIER. — De l'origine des dieux. 201 cien ; où il régna et de ce qu'il fit quand
S 1*. — De la naissance de Uitzilopochlli. 201 il s'en alla
CHAP. IV. — Comment s'acheva la fortune de
••f 207
§ 2. — Comme quoi les Mexicains hono-
raient Uitzilopochllicomme dieu 20E Quetzalcoall par l'arrivée centre lui de trois
S Si — De la pénitence à laquelle s'obli- autres nécromanciens, et des choses qui se
geaient ceux qui recevaient le corps de ,
firent 209
UitzilopocMli 204 CHAP. V. — D'une autre supercherie inventée
S *•
— D'un autre tribut exagéré que par le nécromancien appelé Titlacauan.... 211
payaient ceux qui mangeaient le corps de CHAP. VI. — Comme quoi les habitants de Tul-
Uitzilopochlli 205 lau se courroucèrent à propos de ce mariage,
CHAP. II. — De la grande estime qu'on faisait et d'un autre tour que joua Tiilacauan.... 212
du dieu appelé Tiilacauanou Tezeallipoca.. 206 CHAP. VII. — D'un autre tour que joua le même
CHAP. III. — Notice sur ce que c'était que Que~ nécromancien, au moyen duquel il tua un
tzalcoatl, espèce d'Hercule, grand nécrorpan- grand nombre de Tullans en dansant 213
.
TABLE DES MATIERES. 843
CHAP. VIII. — D'une autre supercherie du CHAP. II. — De ceux qui allaient au paradis ter-
même nécromancien, au moyen do laquelle restre i 225
il tua un grand nombre de Tullans 214 III.
CHAP. — De ceux qui allaient au ciel 225
CHAP. IX. —D'une autre tromperie du même CHAP. IV. —Commentles gens de basse extrac-
nécromancien, au moyen de laquelle il tua un tion confiaient leurs fils à la maison qu'on
plusgrand nombre de Tollèques........ 215 appelle lelpochcalli, et des habitudes qu'on
CHAP. X. — De quelques autres tours du même leur inspirait 226
nécromancien 216 CHAP. V. — De la manière de vivre et desex.er-
CHAP. XI. — D'une autre supercherie du même ciccs de ceux qui étaient élevés dans le tel- ,
nécromancien, au moyen de laquelle il tua
beaucoup d'autres Tullans
». 216
pochcalli
CHAP. VI. — Des châtiments qu'on•.. .• • •
infligeait
:.;.
2?»
:GlIAP.XII. — Delà fuite de Quetzalcoall pourse' aux ivrognes 230
rendre à Tlapallan, et des choses qu'il fit en CHAP. VIL — Comme quoi les seigneurs, les
-
chemin.... 217 personnages et les gens du bon ton offraient
CHAP. XHI. — Des empreintes des mains et des leurs enfants à la maison appelée çotijteeac,
fesses, qu'il laissa sur les pierres où il s'assit. 218 et des habitudes qu'on leur y donnait. 231
CHAP. XIV. — Gomme quoi tous les pages CHAP. VIII. — Des coutumes que l'on suivait
de Quetzalcoall moururent de froid au pas- dans l'établissement du calmécac où- s'éle-
sage des deux sierras entre le volcan et la vaient dès leur enfance, lés prêtres et
,
sierra Nevada, et de quelques autres de ses ministres du temple... 233
aventures 219 CHAP. IX. — De l'élection des grands prêtres
, qui étaient toujours deux appelés l'un Totic
APPENDICE DU LIVRE TROISIÈME llahiacazqui, l'autre Tlaloallamacatqui, les-
CHAPITRE PREMIER De ceux qui allaient en
— quels étaient toujours élus parmi les plus
enfer et de leurs obsèques 221 parfaitsqui vivaient dans le temple .235
LIVRE QUATRIÈME
DE L'ASTROLOGIE JUDICIAIRE OU ART DIVINATOIRE DONT CES INDIGÈNES MEXICAINS FAISAIENT USAGE
POUR SAVOIR QUELS JOURS ÉTAIENT HEUREUX OU MALHEUREUX, ET QUEL SORT AURAIENT CEUX
QUI NAISSAIENT DANS LES JOURS ATTRIBUÉS AUX FIGURES OU SIGNES DONT IL EST ICI QUESTION,
CELA PARAÎT ÊTRE CHOSE DE NÉCROMANCIE ET. NON D'ASTROLOGIE.
LIVRE CINQUIEME
LIVRE SIXIÈME
PROLOGUE DU LIVRE SIXIÈME 319 terrestre , avec plusieurs autres dieux ses
CHAPITRE PREMIER. Du langage et de l'effu- subordonnés appelés Tlaloque, et sa soeur Chi-
—
sion dont ils'faisaientusage quand ils adres- come coati, qui était la déesse Cérès. Cette
saient leurs prières au principal dieu Tezca- prière était employée par les satrapes en
llipoca, en temps d'épidémie, pour obtenir tempsde sécheresse,pour demander de l'eau
qu'il là fit cesser. C'est une prière en usage aux dieux susdits. Elle renferme une ma-
parmi les prêtres, dans laquelle ils le confes- tière fort délicate, car on y voit figurer un
sent pour dieu tout-puissant, non visible ni grand nombre des erreurs dans lesquelles ils
palpable. Ils y font usage de très belles mé- vivaient anciennement 344
taphores et manières de parler 320 CHAP. IX. — Du langage et de l'effusion dont le
CÎIAP. II. — De la prière que l'on adressait à roi Taisait usage après qu'il était élu, afin de
:
Tezcallipoca, ou"Yoalli checallenlui deman- rendre grâce à Tezcatlipoca pour l'avoir élu
dant secours contre la pauvreté. 32'i roi, et afin de lui demander lafavcur de ses lu-
CHAP. III. — Du langage et de l'effusion dont mières pour bien remplir son emploi ; on l'en-
ils faisaient usage dans leurs prières au prin- tend s'humilier de diverses manières 348
cipal dieu appelé Tezcallipoca, Yaotl, Necoc CHAP. X. — Du langage et de l'effusion dont
Yaotl, MoneneqvA, pour demander ses fa- les Mexicains faisaient usage pour adresser la
veurs en temps de guerre contre leurs enne- parole et des conseils au seigneur récemment
mis; c"est une prière des satrapes, qui con- élu. C'est le discours de quelque dignitaire
tient de délicieuses choses 327 élevé, pilli ou tecullî, des plus aptes à porter
CHAP. IV. — Du langage et de l'effusion donllcs la parole 352
Mexicains faisaient usage quandils adressaient CHAP. XI.— De ce que dit un autre orateur
leurs prières au principal dieu appelé Tezca- quand le premier a fini, en témoignant briè-
~ tlipoca, Teyocoyani, Teimatini, premier vement de la joie de lout le royaume à propos
pourvoyeur des choses nécessaires, pour lui de la nouvelle élection, et en manifestant
demander que le roi récemment élu fit conve- le désir de tous ses vassaux de voir la vie du '
nablement son devoir. C'est la prière des roi devenir longue et prospère.Ce discours n'a
satrapes 330 pas |a gravité du précédent 360
CHAP. V. — Du langage et de l'effusion dont CHAP. XII. — De ce que le roi répond à ces
les Mexicains faisaient usage quand ils adres- orateurs pour s'humilier et les remercier de
saient leurs prières au plus grand de leurs ce qu'ils ont dit 36t
dieux, Tezcatlipoca, Tillacauan, Moque- CHAP. XIII. — Du langage et de l'effusion dont
queloa, après la mort du roi pour qu'il leur fait usage celui qui répond au nom du roi,
en donnât un autre. C'est la prière du grand quand celui-ci nese sent pas disposée le faire
satrape. Elle renferme de délicieuseschoses.. 333 lui-même. Le discours est de quelque digni-..
CHAP. VI. — Du langage et de l'effusion dont taire, ami ou parent du roi 363
ils faisaient usage en adressant leurs prières CHAP. XIV. — Voici un long entretien par le-
à Tezcallipoca pour lui demander qu il lui quel le roi parle à tout son peuple pour la pre-
plût enlever du trône, par la mort ou par mière Tois, pour l'engager à fuir l'ivresse, le
d'autres moyens, le roi qui ne faisait pas bien vol et l'adultère. Il recommande en même
son devoir. Celait une prière ou plutôt une temps le culte des dieux, le métier des armes
malédiction du grand satrape contre le roi et les soins de l'agriculture 365
régnant 336; CHAP. XV. —Après le discours du roi, un au-
.
CHAP. VII. — De la confession auriculairedont tre haut personnagese lève et adresse la parole
ces indigènes faisaient usage une fois dans la-, au peuple en présence du roi, appuyantsur ce
vie, au temps de leur infidélité 339 qu'il vient de dire, exaltant sa personneet son
CHAP. VIII.—DUlangagoetde l'effusion dontils autorité et reprochant avee aigreur les vices
faisaientusageen priant lp.dieuappelé Tlaloe, dont il a traité dans son discours 375
CHAP. XVI. — De U réponse que faisait, de la
_
que l'on tenait pour seigneur et roi du paradis
846 TABLE DES MATIÈRES.
part de la ville, un vieillard de rang élevé, CHAP. XXVI. — Où l'on détaille ce .que les
expérimenté dans Tàfl de parler, dans le but pères dés mariés faisaientlorsque la femme
de témoigner de la gratitude pour la bonne enceinte était arrÎA'ée à son septième ou hui-
doctrine du discours et de promettre qu'on en tième mois 424
CHAP. XXVII.
garderait le souvenir. 378 — Comme quoi une matrone
CHAP. XVII. — Du raisonnement empreint parente du jeune marié parlait à l'accou-
d'une saine doctrine morale que lé roi faisait cheuse pour qu'elle se chargeât de l'accouche-
à seS cnfàiits quand ils étaient arrives à l'âge ment. De la façon dont celle-ci répondait en
de raison, lès exhortant à fuir les vices et à acceptant la demande, et des conseils qu'elle
s'attacher à des exercices empreints de no- donnait à la femme enceinte pour éviter que
blesse et de bonté 380 l'accouchementfût difficile 425
CliÀP. XVIII. — Du raisonnement que les sei- CHAP. XXVIII. — Des soins que prenait l'ac-
gneurs faisaient à leurs filles lorsqu'elles arri- coucheuse, à l'heure de l'accouchement,pour
vaient à l'âge de la discrétion, pour les exhor- que la femme enceinte accouchât sans diffi-
ter à bien des choses. Ce sontde tendres.paroles culté, et des remèdes qu'elle lui appliquait si
qui touchent à des points essentiels. 384 l'accouchementétait mauvais 432
CHAP. XIX. — Aussitôt que le père avait achevé GHAP. XXIX. — Comme quoi on canonisait
d'exhorter sa fille, la mère, devant lui, pre- comme déesses et adorait comme telles les
nait la main à celle-ci et lui disait en paroles femmes qui mouraient en couches; on pre-
affectueusesqu'elle devait faire grand cas des nait des reliques sur leur corps. Des céré-
conseils de son père et! les garder dans son monies que l'on faisait avant de les enterrer,
coeur comme une chosedes plus précieuses. où l'on voit des choses qu'il est fortement né-
Elle commençait ensuite à l'éclairer au sujet cessaire que les confesseurs sachent. On ap-
de là manière de se costumer, de parler, de pelait Mociuaquetzquc les femmes mortes en
regarder et de marcher,lui recommandantde ne couches, d'où l'on a fait ciuallampa pour
.
pas s'occuperde là viedes autres et de ne point dénommer l'occident 433
répéter le mal qu'elle entendrait dire d'aulrui. CHAP. XXX. — Comme quoi l'accoucheuse
Ces deuxdiscours prononcésen chaire seraient adresse la parole à l'enfant au moment de sa
plus utiles que bien des sermons aux jeunes- naissance : quelles étaient ces paroles de
gens des deux sexes, pourvu qu'ils fussentdits flatterie, de joie, de tendresse et d'amour.
dans le langage et le stylo qu'on voit ici. C'est on mots très clairs qu'il est dit ici que
{muialis mulandie) 390 le sort et la bonne fortune avec lesquels
CHAP. XX. — Du langage et de l'effusion dont chacun venait au monde lui avaient été assi-
le roi ou seigneur faisait usage pour encoura- gnés et accordes par les dieux avant le com-
ger son fils à l'humilité et à la connaissancede mencement du monde. L'accoucheuse,babil-
lui-même, afin de se rendre propices les dieux lant avec le petit'enfant, lui demande quel
et les hommes. On y voit des considérations est le sort qui lui est échu en partage 437
1res justes avec une merveilleusemanièrede CHAP. XXXI. — De ce que l'accoucheuse
parler, des métaphores exquises et les expres- disait à l'enfant en lui coupant l'ombilic... 439
sions les mieux appropriéesau sujet 394 ClIAP. XXXII. — Comme quoi l'accoucheuse,
CHAP; XXI. — Du langageet de l'effusion dont après avoir fait tout ce que nous venons do
le père, le seigneur et l'homme de rang élevé dire, lavait l'enfant ; comment on pratiquait
faisaientusage pour inspirera leur fils l'amour cette ablution, et la prière que faisait l'accou-
de la chasteté. On y dit à quel point les dieux cheuse pendant le lavage. Cette prière était à
aimaientles chastes,à l'aide de comparaisons l'adresse de la déesse de l'eau qui s'appelle
et d'exemples bien choisis. En traitantce sujet Clialchiuhtlicue 440
ils promettent de parler de beaucoupd'autres CHAP. — XXXIII. Du raisonnement que l'accou-
chosesagréables à lire 399 cheuse faisait à l'accouchée, des remerciements
CHAP. XXII. — Dans lequel est contenue la que les parents de celle-ci lni adressaient
doctrine qu'un père do rang élevé, ou le roi, pour son opération et do la réponse qu'elle
enseignait à son fils au sujet de ses rapports faisait. 4 42
et de sa civilité envers les autres, c'est-à-dire : CHAP. XXXIV. — Il était d'habitude entre lés
comment il devait se conduire pour dormir, principaux personnages et les marchands de
manger, boire, parler, s'habiller, marcher, re- se complimenter à propos de la naissance du
garder et écouter. Ajoutons qu'il devait premier enfant de la famille, d'envoyer des
prendre garde de manger les mets préparés cadeaux et de choisir quelqu'un chargé de
par do mauvaises femmes, parce qu'on y parler de leur part et de donner leurs saluts
puise le mauvais sort. 404 à l'enfant, à la mère, au père et aux grands-
CHAP. XXIII. — De la manière dont se fai- pères. On choisissait pour cela quelque vieil-
saient les mariages chez ces indigènes 408 lard honoré, docto et habile à parler, lequel
CHAP. XXIV. — Où il est dit ce qu'on faisait s'exprimaiten adressant la paroleà l'enfant en
lorsque la nouvellemariée se sentait enceinte. 414 un langage très tendre, très affectueux, plein
CHAP. XXV. — Du langage dont les Mexicains de mille locutions appropriées. On en agis-
faisaient usage pour complimenter la femme sait ainsi pour le contentement des parents
enceinte; c'était un discours prononcé par de l'en faut 445
quelqu'un des parents du mari. On lui don- CHAP. XXXV. — Des discours que pronon-
nait avis de bien des choses et après avoir ter- çaient les ambassadeurs envoyés par les sei-
miné, on adressait la parole aux parents des gneurs d'autres provincespour saluer l'enfant
mariés, dont l'un d'eux faisait réponse à et ses parents, et de ce que l'on répondait de
l'orateur. La femme enceinte parle aussi à son la part de ceux-ci 449
beau^père cl à sa liellc-mèfc............... 418 CHAP. XXXVI. — Comme quoi les parents fai-
TABLE DES MATIERES. 847
saient appeler les devins pour qu'ils disent le pour hommes et pour femmes, auxquelles on
sort que l'enfant apportait avec lui, selon le les confiait à l'âge convenable 458
signe sous lequel il était né.... 453 CHAP. XL. —Comme quoi, le temps étant venu
CHAP. XXXVII. — Du baptême de l'enfant de faire entrer un fils OU Une fille au couvent
et de toutes les cérémoniesqu'on y faisait; conformément à là promesse faite, tous les
de la manière de donner un nom au nou- vieux parents Se réunissaient pour donner avis
veau-né et de l'invitation faite aux jeunes au jeune garçon ouià la jeune fille du Voeu
enfants 454 que ses parents avaient fait, de là maison où
CHAP. XXXVIII. — Du baptême des petites il devait entrer et de là vie qu'il était des-
filles en ce qui regarde certaines particula- tiné à y mener....,........................ 461
rités delà cérémonie..,............;.>.... 457 CHAP. XLI. — Dé quelquesproverbes eh usage
UiiAP. XXXIX. — Comme quoi les père et parmi les Mexicains ................' 464
mère; dans leur désir de voir vivre leurs en- CHAP. XLII, — De quelques énigmes d'enfants
fants, promettaient de lés mettre dans les
maisonsreligieuses, dont il y avait deux dans
en usage chez les Mexicains. ..;,.,.>....,;.
CHAP. XLHI. — De quelques jolies méta-
468
chaque ville, l'une plus rigoureuseque l'autre; phores avec leurs explications..... ..... 470
CHAPITRE PREMIER. — Du soleil 477 qui avait lieu après que chacun des quatre
.
CHAP. II. — Do la lune 478 signes avait gouverné à son tour un total dé
CHAP. III.— Des étoiles appelées gémeaux
.... 482 treize ans, ce qui faisait cinquante-deux an-
CHAP. IV. — Des comètes
nées, et do ce que l'on faisait au bout de
;. • 483
cette cinquante-deuxième. 489
CHAP. V. — Du vent., 484 CHAP. XI. — Des règles suivies pour extraire
,
CHAP. VI. —Desnuages 484 le feu nouveau à là cinquante-deuxièmeannée,
CHAP. VII. — De la gelée, de là neige et de la et de toutes lès cérémonies que l'on faisait à
grêle..... ;.-(-.'.- 485 ce propos '...'. 490
CHAP. VIII.
— De la manière des Mexicains de CHAP. XII. — De ce que l'on faisaitaprèsavoir
compter les années. 486 allumé le feu nouveau...................... 491
CHAP. IX. — De la crainte qu'ils avaient de la CHAP. XIII. — Comme quoi, après avoir fait
famine lorsque la série des annéescommençait provision du feu nouveau, tout le monde re-
eu ce tochtli et des provisions que l'on fai- nouvelait ses vêtements et sou installation.
sait l'année auparavant... 487 C'est ici qu'on place le cercle des signes figu-
CHAP. X. — De la gerbe ou noeud des années, rant le compte des années. 492
LIVRE HUITIEME
' DES ROIS ET SEIGNEURS ET DES RÈGLES QU'ILS SUIVAIENT POUR LEUR ÉLECTION
ET DANS LE GOUVERNEMENT DE LEURS ROYAUMES.
CIIAUTRE PREMIER. — Des seigneurs et gou- CHAP. VII. — Des choses notables qui eurent
verneurs qui régnèrent à Mexico depuis le lieu depuis que les Espagnols arrivèrentdans
commencement du royaume jusqu'en l'année le pays jusqu'en l'année 1530 506
1560............;.... 497 CHAP. VIII. — Des vêlements dont les rois
CHAP. H. — Des rois qui régnèrent à Tlate- faisaient usage 508
lulco avant qu'ils perdissent la royauté et CHAP IX. — Des parures dont les rois font
.
usage dans leurs areyloss.
.
après que les Espagnols la leur rendirent 510
jusqu'en l'année 1560 CHAP. X. — Des passe-tempset des récréations
CHAP. III. -^ Des rois de Tetzcuco....
...... 501
503 des rois 5(2
CHAP. IV. — Des rots deUeoeolla.
.. ,
CHAP. XL — Des sièges dont les rois faisaient
504
CHAP. V. — Où l'on calculeles années qui se sont usage > 513
écoulées depuis la destruction do fuite»jus- CHAP. XII. —Des ornements dont les rois se
qu'à 1565 505 servaient à la guerre 514
CHAP. VI. — Des signes et pronostics qui CHAP. XIII. — Des aliments dont[les ,
rois fai-
furent observés avant que les Espagnols vins- saient usage 517
sent dans ce pays tandis qu'on n'en avait CHAP, XIV. — Des conditions des maisons
encore aucune nouvelle.. 605 royales et de l'audience des causes criminelles. 520
848 TABLE DES MATIÈRES.
CHAP. XV.— De l'audience en affaires civiles. 521 CHAP. XXIX. —De la générosité du .roi 532
CHAP. XVI. —. De l'audience pour les affaires CIIAP.-XXX. — De la manière.d'élire les rois. 532
des gens nobles. 522 CHAP. XXXI. — Comme quoi les élus étaient
CHAP. XVII. — Du conseil de guerre 522 habillés en pénitents et conduits à la maison
CHAP; XVIII; — Des greniers où magasins... 523 de Uitzilopochlli.. 533
CHAP. XIX; —- De l'appartement des major- CHAP. XXXIÏ. — Comme quoi les élus faisaient
domes 524 pénitence dans le temple sans en sprtjr pen-
CHAP.XX. —De la maison.deschanteurs et de . dant quatre jours 534
la manière dont .on se paraitpour les areytos. 525 CHAP. XXXill. — Comme quoi la pénitence
CHAP.. XXI. De la maison des captifs......... 525 étant finie, on conduisait lé roi à son palais
CitAP. XXII. De là toiletté des dames...... 526 et les autres personnages dans leurs maisons. 535
, CHAP. .XXIII.— —Dés occupations dès dames.... 527
-
CHAP. XXXIV.— Comme quoi le roi faisait
CnAP. XXIV. — Des choses dont les rois s'oc- une convocation'solennelle. ;...... 535
cupaient pour bien, gouverner le royaume et CHAP. XXXV. — Comme- quoi, le roi se prépa-
des moyens et du bon ordre doiil-ils faisaient rait à porter' la guerre en quelque province.. 536
usage polir âltaquercn temps de guerre....... 527 CHAP. XXXVI. — De l'ordre qui régnait dans
CltAP.. XXV. — De la manière d'élire les juges. 529 le tianquiztii dont le roi ou seigneur pre-
CIIÀP. XXVI. — De la manière dont on faisait nait grand Soin 536
les areytos 530 CHAP. XXXVII. — De la façon dont les rois et
;
CIIÀP. XXVII. — Dé là surveillancede nuit et les nobles élevaientleurs enfants. 538
dé jour et de là garde de nuit 531 CHAP. XXXVlll. — Dés grades par lesquels on
CHAP. XXVIII; — Des jeux qui servaient aux passait pour arriver à celui de tequilla-
divertissements du roi.. 531 loque ..;....;. 541
CHAFITRE PREMIER. — De l'origine des mar- marchands et dans lequel on tuait des es-
chands à Mexico et à Tlatelulco.. ;.... 547 claves.. 572
.CHAP. II. — Comme quoi les marchandsprirent CHAP. XI. — De ce qui se passait lorsque ce-
rang parmi les gentilshommeset furent hono- lui qui faisait le banquet allait à ïocMepcc
rés comme tels...................,..; 548 inviter les autres marchands ' 574
CHAP. III. — Des pratiqués auxquelles se li- CHAP. XII. — De ce qui se passait entre l'au-
vraient les marchandsquand ils allaient partir teur du banquet et les marchands de sa ville
pour trafiquer quelque part 553 lorsqu'il revenait de faire ses invitations...... 576
CHAP. IV. — De ce qu'ils faisaient en arrivant CHAP. XIII. — Gomme quoi l'on commençaitle
à leur destination 558 banquet ou la fêle et de ccqui s'y passait.... 578
CHAP. V.— D'où vint que les marchandss'appe- CHAP. XIV. — De la boisson que l'on faisait
laient naualoztomeca 560 prendre aux esclaves avant de les tuer et d'au-
CHAP. VI. — Des pratiques qui avaient lieu tres préambulesavant de les sacrifier... 580
parmi les marchands quand ils arrivaient CHAP. XV. — Des artisans qui travaillaient
â la maison, et qu'on appelait lavement des l'or 584
pieds 563 CHAP. XVI. — De la manièrede travailler des
,
CHAP. VII. — De la manière dont les mar- orfèvres 585
chands faisaientleurs banquets 507 CHAP. XVII. — Des ouvriers qui taillaient les
CHAP. VIII. — Des cérémonies que faisait pierres précieuses ;, 585
l'auteur du banquet lorsque les chanteurs CHAP. XVIII. — Des ouvriers qui travaillent
commençaient l'areyto, et ce qu'on faisait la plume et en fabriquent des objets divers... 587
pendant toute la nuit 568 CHAP. XIX. — De la fête que les ouvriers en
CHAP. IX.— Des cérémoniesqu'ils faisaient à plumes faisaient à lenrs dieux 589
l'apparition de l'aurore, et ce qu'ils faisaient CHAP. XX. — Des instruments dont se servent
encore au lever du soleil 570 les ouvriers en plumes 591
CHAP. X. — D'une autre espèce de banquet CHAP. XXI. — De la façon dunt ces ouvriers
beaucoup plus coûteux qui était donné par les fout leur travail 591
TABLE DES MATIÈRES. 849
LIVRE DIXIÈME
DE L'HISTOIRE GÉNÉRALE DES VERTUS ET DES VICES, TANT MORAUX QUE CORPORELS,
DE TOUTES LES CLASSES DE LA SOCIÉTÉ.
LIVRE ONZIÈME.
DES PROPRIÉTÉS DES QUADRUPÈDES, DES OISEAUX, DES POISSONS, DES ARBRES, DES HEnBES;
DES FLEURS, DES MÉTAUX, DES PIERRES ET DES MATIÈRES COLORANTES.
LIVRE DOUZIEME
CHAPITRE PREMIER.
— Des signes et des pro- Uitzilopochlli. Ce fut. en. l'absence du capi-
nostics qui apparurent avant que les Espa- taine,
I lorsqu'il alla au port, à l'occasion de
gnols vinssent en ce pays et qu'on en eût au- l'arrivée de Pamplnlo deNarvaez 814
cune connaissance Cl
796 CHAP. XX. — De la manière dont les Espagnols
CHAP. II.
— Des premiers navires qui abordè- firent une grande tuerie d'Indiens tandis
rent dans ce pays. On assure que ce fut Juan qu'ils célébraient la fête de Uitzilopoehtliisas
de Grijalva 797 la cour même de ce dieu 815
CHAP. III.
— De ce que fit Moleuhçoyna après Ci
CHAP. XXI. — Comme quoi commençala guerre
avoir écouté les nouvelles apportées par ceux entre Mexicains et Espagnols dans la ville de
qui virent les premiers navires 798 Mexico 815
CHAP. IV.
— De ce que fit Moteuhçoma lors-
Q
CIIAP. XXII — Comme quoi arriva la nouvelle
î qu'il sut pour la seconde fois que les Es- que le capitaine Fernand Cortès, après avoir
pagnols étaient revenus. C'était Fernand vaincu Pamphïlo de Narvaez, revenait sur
Cortès 799 Mexico avec beaucoup d'autres Espagnols ré-
CHAP.' V. cemment arrivés
— De ce qui advint lorsque les mes- , 817
sagers Moteuhçoma arrivèrent à bord du
de CHAP.
C] XXIII. — Comme quoi Moteuhçoma et
navire de Fernand Cortès 801 le gouverneur de Tlatelulco furent jetés
CHAP. VI.
-— Comme quoi les messagers de
morts hors de là maison où se tenaient les
Moteuhçoina revinrentà Mexico avec le rap- Espagnols 8(8
port de ce qu'ils avaient vu 802 C
CIIAP. XXIV. — Comme quoi les Espagnolset
CHAP. VU. —Du rapport que firent à Moteuh- les Tlascaltèques sortirent en fuyards de
çoma les messagers qui revenaient des na- Mexico pendant la nuit.. 819
vires 803 CHAP.
C XXV. Comme quoi les habitants de
v. —
CHAP.VIII.— Commequoi Moteuhçoma envoya Teocalhuican vinrent pacifiquement au-de-
ses enchanteurs et ses faiseurs de maléfices - vant des Espagnols avec des provisions lors-
pour qu'ils fissent retomber le mauvais sort qu'ils sortaienten fuyards ide Mexico 820
sur les Espagnols 804 CHAP.
C XXVI. — Comment les Espagnols arri-
CHAP. IX. — Des pleurs de flfoteufiçomaet de vèrent au village de Teocalhuican,et du bon
accueil qu'ils y .reçurent
tous les Mexicains en apprenant que les Espa-
gnols étaient si bravos ;.. 805 CIIAP.
C XXVII. — Comment les
.............
Mexicains pour-
821
CHAP. X. — Comme quoi les Espagnols entre- suivant les Espagnols arrivèrent là où ils
prirent leur marche vers l'intérieur du pays étaient. 623
et Moteuhçoma abandonna le palais impérial CIIAP.
C XXVIII. — De la première fête que les
pour se rendre à sa maison particulière 806 Mexicains (iront après que les Espagnols fu-
CHAP. XI. — Commequoi les Espagnols arri- rent sortis de nuit de cette ville 824
vèrent à Tlaoecala qui s'appelait alors Texcal- CHAP.
C XXIX.— De la peste de petite vérole qui
tell.... 807 atlaqua les Indiens après que les Espagnols
CHAP. XII. — Comme quoi Moteuhçoma en- furent sortis de Mexico 825
voya un do ses plus grands dignitaires avec CIUP.
C XXX. —Comment les brigantinsque les
d'autres personnages pour aller au-devant des Espagnolsfabriquèrentà Telzcuco vinrent sur
Espagnols, ctils offrirent un grand présent au Mexico 825
capitaine entre le volcan et la sierra Nevada. 808 t
CHAP. XXXI. — Comment les Espagnols des
CHAP. XIII. — Comme quoi Moteuhçoma en- brigantins, suivant du regard les embarca-
voya d'autres sorciers aux Espagnols, et de ce tions qui étaient sorties contre eux sur la
qui advint en chemin 809 lagune, arrivèrent jusqu'à terre près des
CHAP. XIV. — Comme quoi Moteuhçoma en- maisons 826
voya obstruer les chemins pour que les Espa- t
CIIAP. XXXII. — Comment les Mexicains se
gnols n'arrivassent pas à Mexico 810 rendirent et commencèrent à sortir de là ville
CHAP. XV. — Comme quoi les Espagnols par- par peur des Espagnols 827
t
tirent A'Ilstapalapanpour entrer à Mexico... 811 CHAT. XXXIII. — Comment les Ghinampa-
CHAP. XVI. — Commequoi Moteuhçoma alla nèques, c'est-à-dire les habitant de Xochi-
pacifiquement au-devant des Espagnolsjus- inilco, Ouillauac el Ilzlapalapan, vinrent
qu'au pont appelé Xoluco, qui est placé sur au secours des Mexicains 828
la aeequia, près des établissements d'Alva- CHAP.
< XXXIV. — Comme quoi les Indiens
ratio on Uilzillan, un peu avant d'y arriver.. 811 mexicains prirent quinze Espagnols 829
CHAP. XVII. — Do la manière dont les CHAP.
< XXXV. — CommentlesMcxicains prirent
Espagnols, avec Moteuhçoma, arrivèrent d'autres Espagnols au moins au nombre de
aux maisons royales, cl do tout ce qui s'y cinquante-trois et plusieurs alliés tlascal-
passa ; tèques, tezeucans, chalcas et xochimilcains,
813
CIIAP. XVIII. — Delà manière dont les Espa- qui furent tous sacrifiés aux idoles. 830
gnolsentrèrent dans les maisons particulières CHAP.
I XXXVI. — De la première fois que les
de Moteuhçoma et de ce qui s'y passa 814 Espagnols entrèrent dans le lianquiztli de
CHAP. XIX. — Comme quoi les Espagnols or- Tlatelulco (c'est-à-dire la place du marche).. 831
L donnèrent aux Indiens de
célébrer la fêle do CHAP.
' XXXVII.— Comme quoi l'on ouvrait
852 TABLE DES MATIÈRES.
pendant la nuit les tranchées que les Espa- CHAP. XL. — Comme quoi les gens de Tlate-
gnols comblaient pendant le jour 832 lulco se rendirent aux Espagnol ainsi que
CHAP. XXXVHI. D'une catapulte que firent les Mexicains et leur roi qui se trouvait avec
—
les
les Espagnols pour vaincre gens de Tlate- eux 837
lulco... 834 CHAP. XLI. — De l'entretien que don Hernando
CHAP. XXXIX. — Comme quoi les îlatilul- Cortès eut avec les rois de Mexico, de Tetzcuco
cains entourés de toutes parts virent un feu et de Tlacuba, après sa victoire, pour récu-
du ciel de Couleur de sang se diriger sur pérer l'or qui fut perdu lorsque les Espa-
eux ............ 836 gnols sortirentde Mexico en fuyards 838
Le but de ces notes est de mettre en évidence certains faits ou quelques vérités utiles
aux lecteurs do ce livre, pour l'intelligence complète de particularités nombreuses qui ne
paraissent pas au traducteur suffisamment expliquées. Portant notre pensée tout d'abord
.
sur le produit des lagunes de la vallée de Mexico, dont il est si souvent question dans le
livre de Sahagun, nous trouvons, pour mieux nous éclairer, dans le travail de M. Orozco,
auquel nous avons largement puisé pour notre Introduction, des détails très curieux au
sujet de ces lagunes. Malheureusement, nous n'y voyons, en fait d'animaux et de plantes,
que les anciens noms employés par les Aztèques. Un bien petit nombre de dénominations
anciennes y sont accompagnées dos mots des nomenclatures modernes. Ce travail nous
laisse donc dans le môme doute que nous avons exprimé en commentant la traduction
du X° livre de Sahagun. Nous mettrons, néanmoins, à profit certains détails de cet écrit
rccommandabïe. Ainsi, à. propos des moucherons innombrables qui forment de véritables
nuées sur les eaux de la lagune et qui servaient d'aliment, nous y résumerons les don-
nées qui vont suivre :
.
Vacaucili; il est de couleur grisâtre, devient rouge en cuisant et a un goût de
poisson ;
Vanenestli, larve d'un insecte indéterminé; elle est ronde, a quatre pieds, là tête large
et de couleur grisâtre ;
Le michpili, larve d'un animal aquatique indéterminé ; le michleteil semblable au
précédent ;
Le izcauili, ver rougeâtro qu'on dirait sans tôle et qui a l'air d'avoir une queue à
chaque extrémité ;
Valopinan, de couleur foncée;
Le ahuitmitla, ver de couleur fauve en dessus et blanc par en bas ; il pique avec sa
queue qui est dure et venimeuse ;
L'ocuiliztac, de couleur noirâtre qui devient blanc en cuisant;
Il existe sur le lac un moucheron noirâtre et petit qui est connu sous le nom moderne
de requeson (fromage blanc) et qui paraît être pour M. Orozco l'ancien ehillon des Mexi-
cains. Il s'en forme de véritables nuées sur les eaux. Après leur mort, ils sont poussés
par le vent et les vagues vers les bords où ils sont recueillis par les Indiens qui s'en ser-
vent pour fumer leur terres.
Mais il y a surtout un de ces petits animaux, qu'on appelle en langue mexicaine axaya-
catl, le mémo que les Indiens crient dans les rues comme aliment pour les oiseaux.
Llave le présente comme un genre nouveau sous la dénomination de ahuaullca mexicana.
D'après lui, il est de la grosseur d'un grain de riz ; sa tète est grosse et s'incline intérieu-
ment vers le ventre : son front est enfoncé; ses yeux sont grands et proéminents avec
une quantité innombrable de facettes et affectant une forme triangulaire, etc. Ces insectes
réduits en masse pâteuse, renfermés dans des fouilles d'épis de maïs et cuits dans l'ëau
salée, servaient d'aliment aux anciens Mexicains et ils no déplurent pas aux conquista-
dors. Les Indiens forment de petits fagots de jonc qu'ils placent à peu de distance les
854 NOTES.
uns des autres dans les endroits les moins profonds de la lagune, de façon que, reposant
sur le fond par l'une de leurs extrémités, l'autre arrive seulement à la surface. La femelle
de. Yaxayacall vient y déposer ses oeufs. En peu de temps non seulement tout le fagot
en reste couvert, mais encore il se forme de véritables grappes d'oeufs superposées les
unes aux autres. Ces fagots retirés de l'eau sont secoués sur une manta; les oeufs s'en
écoulent et il suffit de passer la main sur les plantes pour que ceux qui adhèrent encore
s'en détachent. Dans ce premier état le produit prend le nom de ahuautli. Il ressemble
à du sable. En le voyant au microscope on aperçoit de véritables oeufs et on découvre que
là plupart ont une ouverture par laquelle la larve, est sortie, d'où il résulte que ce n'est à
.
proprement parler que l'écaillé de l'oeuf et non l'oeuf dans son entier. Vahuaulli passe
pour un mets d'un usage utile aux jours où la viande est prohibée par précepte religieux-.
On le prépare moulu et incorporé dans des omelettes ou pour former le plat favori appelé
revollMo dont on fait usage dans les jours de vigiles. « L'industrie de Vahuaulli est véri-
tablement curieuse, ajoute M. Rio de la Loza dans une addition au mémoire de M. Orozco;
et certes il faut toute la patience, toute la minutieuse économie, tout le désir de travail
de nos pauvres indigènes pour soutenir et fomenter une entreprise dont le rendement est
bien loin d'offrir une compensation aux fatigues dont elle est l'occasion Pour mieux
juger cette industrie et surtout pour calculer le nombre extraordinaire de moucherons
qu'il y a sur la lagune, il convient de savoir que le cuartillo de petits oeufs, mesure de
capacitééquivalant à un peu moins do deux livres d'eau, ne pèse que trois cent soixante-
six -grammes, tandis qu'on y compte bien près de sept millions de petits oeufs vides,
car je n'ai pas réussi à en rencontrer un seul qui fût plein, malgré mon obstination à le
chercher. A l'analyse, cent parties i'ahuaulli ont donné :
Matière animale 86
Divers sels 14
100
Je dirai enfin, en témoignage de l'immense quantité do ces moucherons et de leur
extraordinaire fécondité, qu'après avoir assuré que VahnaxUli est versé dans la consom-
mation par charges, il n'y a point d'exagération à dire que le petit animal qui le produit
se recueille avec une abondance telle qu'il devient le principal aliment des volatiles
domestiques. »
Quant à la larve de l'axayaealt, déjà sortie de l'oeuf, on la recueille en grande quantité
et les Indiens la mangent entière ou moulue, formant une masse qu'ils font cuire dans
des feuilles de maïs. Cette masse est même vendue au marché sous le nom Aepuxi.
Rappelons en outre que Sahagun nous parle d'une autre substancedans les termes sui-
vants (voyez page 714) : « On trouve sur l'eau une substance (urronas),qu'on appelle lecui-
llatl, de couleur bleu clair. Lorsque cela forme une couche épaisse, on le recueille, on
l'étend sur ds la cendre et l'on en forme des tourteaux qu'on mange après les avoir fait
cuire. » Les Indiens d'aujourd'hui consomment encore ce produit sous le nom de cuçulita
del agua. C'est le même que le Père Molina a inscrit dans son dictionnairesous le nom
de cuculin, en lui donnant cette définition : « Produit visqueux de l'eau, ou comestible
qui se forme parmi certaines plantes aquatiques. »
Nous dirons enfin, pour terminer celte longue explication au sujet des insectes comes-
tibles de la lagune, que la larve de Vaxayacall en voie de transformation construit
quelque chose d'analogue aux rayons des abeilles, composé d'une infinité de petites cel-
lules, qui lui donne de la ressemblance avec les éponges. 11 en résulte un produit
gélatineux que les Indiens destinent à leur propre consommation, sans le porter aux
marchés.
Ce serait maintenant le moment do passer en revue la quantité innombrable d'oiseaux
aquatiquesqui vivent sur le lac d'une manière permanente ou s'y trouvent de passage en
certaines saisons. Malheureusement,nous le ferions sans profit, attendu que nous ne pour-
rions faire autre chose que présenter rémunération dans les mêmes termes que Sahagun,
les éléments nous manquant pour ajouter aux dénominations de la langue nalmall les mots
correspondants des nomenclatures modernes. Mais il nous importe de dire que les canards
furent grandementutilisés pour l'alimentation des anciens Mexicains et qu'ils ne le sont
pas moins aujourd'hui par toutes les classes de la société moderne. La quantité en est
prodigieuseen certaines saisons. Los Indiens qui les chassent ont recours à de véritables
machinesinfernalesconsistant en deux, rangées de canons de vieux fusils tenus en place
NOTES. 855
par dé grosses poutres. L'une des rangées'est destinée à porter la charge à fleur d'èàu,
tandis que l'autre vise à une certaine hauteur. Les chasseurs ont recours à un stratagème
bien simple pour attirer une masse considérable do volatiles à portée de 'ces'machines. Us
font marcher dans l'eau à petits pas des vaches ou un cheval qui semble être là pour
chercher la nourriture dans les plantes aquatiques. Les canards s'approchent de ces
animaux et lorsque, au lever de l'aurore, leur nombre paraît suffisamment satisfaisant, les
Indiens mettent le feu à la première rangée de fusils et, un moment après, à la seconde
rangée qui les atteint au commencement de leur vol. Les victimes sont innombrables.
Elles sont livrées à la consommation à un prix très réduit. La plupart de ces canards ont
un goût de poisson très marqué; d'autres forment un aliment convenable et il y a quelques
sarcelles provenant d'eau douce qui sont aussi bonnes que celles dont nous faisons usage
en France.
Si le lecteur veut bien porter l'attention sur cette longue énumération des produits de la
lagune, il reconnaîtra sans peine qu'ils ont été dans le passé et qu'ils continuent à être
aujourd'huid'une utilité très grande.
Le dessèchement do la lagune, certainement désirable à beaucoup de points de vue,
laisserait tout d'abord un grand vide dans les ressources alimentaires de la localité.
Pour ce qui est de l'influence de la lagune sur la santé publique, voir le chapitre IV
3e partie, de mon livre de l'Influence de la pression de l'air.
111. — LE MAGUEY.
Il n'est pas dans tout l'ouvragede Sahagun un seul sujet qui attire l'attention du lecteur
aussi souvent que le maguey, considéré au double point de vue de la boisson dont il est
là base et des fils qu'il fournit à là fabrication des tissus. Ce mot de maguey est une
importation des Espagnols qui le prirent dans, les Iles. En réalité, les anciens Mexicains
appelaient cette plante mell et ajoutaient à cette dénominationradicale des qualificatifs
d'où résultaientdes mots composés pour désigner différentes variétés de cette plante.
La vérité est que le maguey, employé par les agriculteurs à la fabrication du pulque
dans les temps modernes, sur les hauteurs du centre du Mexique, a été classé par les
botanistes dans la famille des broméliacées, genre agave, espèce agave americana. Le
maguey qui, dans le Yucatàn et quelques autres lieux, fournit la fibre commerciale
appeléejenequen, est également une variété d'agave.
Voici, du l'esté, comment le P. Motolinia s'exprime au sujet du maguey, qu'il eut
l'occasion d'observertrois ans après la prise do Mexico par Fernand Cortès : « Le mell est
un arbuste ou chardon qui porte le nom do magueydans le langage des Iles. On on fait et
on en retire tant.de choses qu'on peut assurer que le fer n'en produit pas davantage. En
vérité, la première fois que je l'aperçus et avant de connaître aucune de ses propriétés,
je ne pus m'empêeher de dire : bien des merveilles sans doute sortent de ce chardon,
C'est une plante qui a l'extérieur de l'aloès, mais une taille de beaucoup'supérieure. Ses
grosses feuilles sont vertes et de la longueur d'une vara et demie; elles ont la forme
d'une brique, renflées vers le milieu et moins grosses au point d'émergence. Elles ont un
empan éhvironde circonférence; elles sont cannelées et vont en s'amincissant vers le bout
de façon qu'elles se terminent par une pointe aiguë comme un poinçon. Chaque pied de la
plante en possède trente ou quarante, selon la grandeur des individus, parce qu'il est des
terrains sur lesquels les magueys sont d'un développement plus grand qu'ailleurs.
Lorsque le mell a accompli sa croissance et que son tronc a toute sa grosseur, on en coupe
le coeur en enlevant cinq ou six feuilles centrales qui sont très tendres en ce point. Le
tronc qui pousse sur la terre et autour duquel rayonnent les feuilles est de la grosseur
d'un cruchon de taille dépassant l'ordinaire. C'est là qu'on creuse une concavité compa-
rable à un pot de grandeur raisonnable. On continue à le creuser pendant deux mois
plus ou moins, selon l'épaisseurdu maguey et pendant tout co temps on recueille dans ce
creux un liquide qui chaque jour y afflue. Ce liquide est comparable à de l'eau miellée.
Quand on le fait cuire et bouillir sur le feu, il se transforme on un vin douceâtre et trans-
parent que les Espagnols boivent, et ils affirment qu'il est fort bon, très nutritif et salu-
taire. Lorsque ce liquide a été livré à la fermentation, comme le vin, à l'aide d'une sorte
de racine que les Indiens appellent ocpalli, c'est-à-dire remède du vin, il se forme une
liqueur si forte qu'elle est capable de faire perdre la raison à ceux qui la boivent avec trop
d'abondance. C'est do ce vin que les Indiens faisaient usage, au temps do leur gentililé,
pour s'enivrer et se rendre cruels à la manière des bêtes féroces. Ce vin a mauvaise
odeur et fait puer l'haleine de ceux qui le boivent avec excès. Cependant, la vérité est que
son usage modéré est salutaire et tonique. On est dans l'habitude do s'en servir comme
véhicule de tous les remèdes qu'on fait prendre aux malades. On en fait un sirop et une
sorte de miel quin'est pas aussi bon que celui d'abeille; mais on le dit meilleur et plus
sain que celui-ci pour en préparer des comestibles. Ce liquide sert également à préparer
des petits pains d'un sucre qui n'est ni aussi blanc ni aussi sucré que le nôtre. On en fait
aussi du bon vinaigre. Certaines gens sont plus adroites que d'autres pour cette dernière
fabrication. On retire des feuilles de cette plante du fil à coudre. On en fait aussi de la
ficelle, des cordages, des sangles, des licous et toute sorte de choses que nous faisons avec
NOTES. 859
du chanvre. Les Indiens en fabriquent aussi des vêtements et des chaussures ; car ils se
chaussent comme les apôtres avec des sandales »
Le bon franciscain continue à donner le détail minutieux des usages que les anciens
Mexicains faisaient de cette plante : « Les pointes dures et aiguës de ses feuilles servaient,
dit-il, à mille usages et pouvaient même faire l'office de clous en fer. La feuille était
utilisée par les femmes qui moulaient le maïs pour déposer la pâte dans sa face concave.
Les ouvriers en plumés se servaient également de ses feuilles mises en morceaux pour
étendre sur leur surface du coton qu'ils transformaient en papier très fin à l'aide d'une
colle d'amidon. C'est sur ce papier qu'ils formaient ensuite leurs dessins, et ils s'en ser-
vaient comme de la chose la plus intéressante de leur métier. Les peintres et d'autres
artisans ont recours à cette feuille pour beaucoup d'usages. Les maçons eux-mêmes là
mettent à profit pour y porter la terre glaise qui leur sert de mortier. On en fabrique des
conduites d'eau qui sont fort utiles.
« Si, au lieu de châtrer le wiaguey, on l'abandonne à lui-même, il pousse une hampe
florale de la grosseur de là jambe, de deux ou trois brassées de haut. A défaut d'autre bois,
on s'en sert en plusieurs endroits pour bâtir des maisons, car on en fait de très bons che-
vrons sur lesquels les feuilles font l'office de tuiles. Lorsque les feuilles ont séché on
s'en sert comme d'un combustible ; elles font un feu excellent et la cendre est fort bonne
pour la lessive.....
« On fait avec le mell un très bon papier. Les feuilles en sont deux fois grandes comme les
nôtres. Tlascala en fabrique de grandes quantités qui se répandent ensuite en beaucoup
d'endroits de la Nouvelle-Espagne. Il existe en terre chaude un autre arbre qui sert
à cette fabrication; cet arbre et le papier qui en résulte s'appellent amatl.... »
Co passage curieux, comme le sont d'ailleurs tous les détails de l'excellent père, Moto-
linia, nous dispense de nous livrer nous-même à une étude personnelle sur l'usage que les
anciens Mexicains faisaient du maguey. Mais il est d'un très haut intérêt de mettre le
lecteur au courant do ce que les habitants modernes du Mexique continuent à demander
à cette utile plante. Disons d'abordquelles sont ses différentes espèces. Don Manoel Payno,
à qui l'on doit une étude intéressante à ce sujet, en a fait l'énumération suivante :
Le maj/wèi/'jaune[nietl coslli). .
1. Ce mot est tiré du verbe nahuall : chiqui, racler, râper; d'où dérivent les substantifs llacliicqui, ra-
clcur, celui qui râpe une ebose; tlachicquilizlli, action île racler; etc.
862 NOTES.
qu'un maguey de mauvaise qualité produit environ 1,500 livres de liquide. Ceux de
qualité moyenne en produisent 2,000 livres. Quant aux qualités de choix des plaines de
Apan, une seule plante fournit de 3,600 à 4,000 livres. On peut assurer que le terme
moyen de rendement est de 2,500 livres, disons 1,200 litres environ.
Nous avons dit que le tlachiqueropompaitla sève des magueyseila renfermaitdans une
outre. Ce liquide est alors d'un goût sucré très prononcé. On le porte dans un vaste han-
gar destiné à la fermentation, et les outres sont vidées dans un appareil élémentaire que
les progrès industriels ne se sont pas hasardés à modifier par suite de la crainte d'altérer
le goût que le consommateur est habitué à apprécier dans le pulque. Cet appareil consiste
en un quadrilatère solide formé par quatre solives bien ajustées, sur lesquelles une peau
de boeuf peu tendue est solidement attachée. C'est là, dans le creux que là peau de boeuf
forme en s'abaissànt, que le pulque est vidé par le llachiqu,ero. On ajoute un ferment qui
bien souvent n'est que du pulque déjà formé. La fermentationcommencebien viteetsecom-
plète en trente-deUx ou trente-six heures. La liqueur s'épaissit alors et prend un aspect
laiteux si elle était auparavant transparente. Ainsi fait, le pulque est de nouveau renfermé
dans des outres et envoyé sans retard aux lieux de consommation.
Disons tout de suite, pour donner une idée approximative de l'usage qui est fait de
cette boisson, qu'il en est introduit à Mexico annuellement environ 2,000,000 d'arrobas
c'est-à-dire 50 millions de livres, ce qui équivaudrait à dire approximativement 230 ou
240,000 hectolitres. Il en est introduit dans la ville de Puebla un demi-million d'arrobas,
ce qui équivaut au quart de la consommation précédente. Nous prenons pour exemple
du goût des Mexicains pour cette boisson ces deux chiffres relatifs aux deux grands centres
de population que nous venons de nommer. Nous les trouvons mentionnés dans un inté-
ressant mémoireinséré dans le Bulletin de la Société de géographie et de statistique de
Mexico, tome X, page 437. Ce même mémoire présente le résultat de ses calculs sous un
autre aspect. Après avoir déterminé quelle était la charge de chaque bête de somme, en
1858, avant l'établissement de la ligne ferrée actuelle, il dit : « 190,456 bêtes de somme
chargées de pulque passèrent à l'octroi de Mexico pendant le cours de cette année-là. Ce
calcul nous conduità un autre qui nous permet d'assurer, qu'en tenant compte du pulque
qui s'introduit en contrebande, on importe à Mexico annuellement 50,000,000 de bou-
. teilles.
Or, cette boisson vaut, à Mexico, environ le quart d'un rcal la bouteille. Ce sont
donc $ 1,600,000 [ow la somme approximative de huit millions de francs) qui
sortent chaque année des épargnes des classes les plus pauvres de la capitale, car ce
sont elles qui consomment la plus grande partie de cette boisson dont ne fait usage qu'un
quart environ de la population. »
Ces évaluations,qui étaient vraies en l'année 1858, représentent encore aujourd'hui très
approximativement la vérité, si elles ne lui sont pas inférieures, car les moeurs n'ont pas
changé sensiblement depuis lors. L'établissementdu cjiemiu de fer rendant le transport
du pulque plus facile en a peut-être augmenté quelque peu la consommation; mais la
différence ne doit pas être assez sensible pour que les calculs qui précèdent cessent d'être
dignes des considérations de nos lecteurs.
Comme nous avons dit plus haut, le pulque des plaines de Apan est le meilleur du
pays. H n'est cependant pas le préféré par toutes les classés de consommateurs. Dans ces
derniers temps, la culture du maguey a pris une extension considérable dans la vallée,
jusqu'aux portes mêmes de la capitale. La pulque qui en résulte est appelé tlachique par
les habitants modernes. Son goût plus sucré et moins âpre le fait préférer par certaines
personnes. Une autre raison expliquerait cette préférence, c'est qu'il est débité à meilleur
marché. C'est pour ces deux motifs réunis que les soldats français de notre regrettable
expédition lui donnaient la préférence, et quelques-uns en faisaient môme un usage
démesuré. Ce n'est pas dire qu'ils devinrent un objet de scandale, car il serait injuste de
prétendre que leur conduite lie fut pas à peu près toujours exemplaire.
Nous dirons, du reste, que ce pulque appelé tlachique est une boisson'peu formentéé
qui produit chez ceux qui n'en ont pas une grande habitude une forte lourdeur do tôte et
chez quelques-uns des démangeaisons à la peau de toute la surface du corps avec for-
mation d'urticaire. Cotte propriété qu'il a de produire une certaine torpeur a pu même
fort souvent être mise à profit par les médecins pour des personnes qui souffrent d'in-
somnie. Un verre de ce pulque pris à l'heure du coucher produit un sommeil tranquille
sans inconvénientnotable pour l'heure du, lever.
Pour beaucoup de gens qui n'en ont pas l'habitude, l'usage du pulque a souvent pour
NOTES.. 863
conséquence des aigreurs d'estomac et des renvois nidoreux qui ont peut-être leur cause
non seulement dans le dégagement d'acide carbonique, mais dans l'odeur que commu-
niquent à cette boisson les peaux dont on fait usage pour l'élaborer. Cependant, d'une
manière générale, le pulque est une boisson saine, tonique et digestive. Les populations
qui en font un usage modéré et constant se portent bien et l'on peut dire à leur propos
ce que nous disons en Europe, hygiéniquement parlant, des pays qui mêlent à leurs
aliments une proportion convenable de vin.
Nous ne parlerons pas ici des propriétés médicinales que quelques médecins ont cru-
reconnaître à la sève du maguey avant et après sa fermentation soit seul, soit comme
véhicule d'autres médicaments. Mais, nous dirons que la feuille de cette plante possède une
pulpe très irritante qui produit, par l'application |sur là peau, une cuisson vive, à là
manière de nos orties.
Il ne sera pas sans intérêt de porter maintenant notre attention sur la composition
chimique de la sève du maguey avant et après sa fermentation. M. Leopoldo Rio de
la Loza s'est livré à une étude sérieuse sur ce sujet. Après différents essais d'analyse, il
résume ses observations par les chiffres suivants que nous trouvons dans le tome II du
Bulletin de la Société de géographie et de statistique de Mexico, page 539. Il va sans dire
que les opérations de ce chimiste distingué ont eu pour base la variété de pulque qui jouit
à Mexico de la meilleure estime.
Avant la fermentation Pulque fermcnlé
Substances albuminoïdes, gomme et résine. 25,40 12,57
Sucre
Sels
95,53
7,26
.....
.
.
.
....
. . .
8,23
2,20 :
Alcool absolu 0,00 36,80
Eau, gaz, et perte 871,81
1000,00
.....
. . . . .
940,20
1000,00
Les gaz dénommés d'une manière générale dans ce tabfeau consistent en :
Acide carbonique 179,81.
Acide hydro-sulfurique quantité variable
Oxygène 002,29
Azote 008,36
Total 190,46
.
L'évaporation poussée jusqu'à la dessication donne :
Pour 100 parties 8,866
Après incinération 0,726
Gomme et albumine précipitées par l'alcool absolu 0,540
Matière résineuse obtenue par l'éther quantité indéterminée
Les sels contenus dans le dépôt après dessiccation sont des sulfates et phosphates de
chaux, des silicates de potasse et d'alumine, des carbonates de potasse et de soude et du.
chlorure de magnésium. .
Parmi les substances que les analyses précédentes mettent on évidence nous porterons
l'attention sur le sucre et nous ferons remarquer immédiatementavec M. Rio de la Loza que
la proportion de ce produit dans la sève de maguey n'est pas moindre que celle qu'on
trouve dans le jus de betterave, et qu'elle se prête à une industrie qui aurait l'exploita-
tion du sucre pour objet. A dire vrai, cette pensée, dérivée de l'expérience des anciens
Mexicains, avait été conçue, en 1858, par deux industriels, MM. Pontones et Chousal, qui
obtinrent du gouvernement du Mexique un privilège exclusif pour mettre cette idée en
pratique. Ce que l'on présumait alors des conséquences de cette nouvelle industrie lit grand
bruit dans le camp des intéressés, c'est-â-dire des propriétaires de mugueys d'une part et.
des planteurs de cannes à sucre, d'un autre côté. Les consommateurs se mêlèrent aussi de
la question, au point de vue de l'abaissement présumé du prix d'achat. Le fait est que les
échantillons du sucre nouveau qui furent présentés à l'attention des hommes compétents
donnèrent lieu à la satisfaction générale. Cependant, soit que le prix de revient fût trop
élevé, soit pour d'autres motifs que j'ignore, le projet fut abandonné; mais le souvenir en
864 NOTES.
resté avec toutes les bonnes raisons qui militèrent en sa faveur et il ne serait pas impos-
sible que d'autres industriels le fissent revivre en d'autres temps.
Toujours est-il que la quantité de sucre contenu dans la sève de maguey est considéra-
ble et susceptible d'une cristallisation analogue à celle du sucre de canne. La quantité
remarquable de matière saccharine que le pulque renferme ne pouvait laisser les spécula-
teurs indifférents au point de vue d'un produit qui s'y rattache de la manière la plus
directe, c'est-à-dire la quantité considérable d'alcool que ce sucre peut fournir par suite
d'une fermentation complète. 11 n'y a pas à confondre précisément cet alcool produit par
la sève seule avec celui qui est bien connu déjà et se consomme depuis longtemps sous le
nom de mescal. Celui-ci, en effet, ainsi que nous le verrons bientôt, est le produit de la
distillation du suc de maguey et do la pulpe de ses feuilles préalablement cuites au four.
11 résulte de ce procédé de préparation un goût particulier et un bouquet empyreumati-
que qui fait de cette dernière boisson une spécialité à part, tandis que la distillation de
là sève pure donne pour résultat un alcool susceptibled'une purification qui nous paraît
devoir le rendre propre à bien des usages.
Ces considérations sont d'un très grand intérêt pour l'industrie actuelle. L'établissement
des chemins de fer, en effet, a changé les conditions de prix de revient des pulques arrivés
au lieu de consommation.Cela a permis aux propriétaires les plus voisins de la capitale
d'augmenterleurs exploitations et d'avoir un débouché facile de leur produits vendus à meil-
leur marché. Le fret étantplus forlpour les haciendadoséloignés des grands centres, ceux-ci
ont dû prendre la résolution de présenter leurs récoltesà la consommation sous une autre
forme. Ils ont donc établi des distilleriesnouvelles et, aujourd'hui, l'alcool des aguamieles
est entré dans le marché en quantité plus considérable; car ce produit du maguey est
devenu nécessairepour empêcher que le genre d'agriculture qui a pour base cette plante
périclite dans l'avenir. Je me suis demandé bien souvent si cei alcool ne mériterait pas
une attention spéciale à un autre point de vue. Il provient, en efl'et, de la distillation
d'un liquide qui forme par lui-même une boisson saine, à la manière de nos vins, quand
elle est consommée dans une juste mesure. Cet alcool n'a donc point une propriétémal-
faisante lorsqu'il se trouve mélangé aux autres substances et à l'eau qui constituent le pul-
que. Ne serait-il pas, après distillation, un produit comparable, sous bien des rapports, à
l'alcool de nos vins, et ne pourrait-il pas devenir par cela même un élément innocent et
utile pour l'opération qu'on appelle le vinage? On n'ignore pas que c'est une pratique
malheureusement généraliséeaujourd'hui pour donner aux vins faibles la force qui leur
manque. C'est aux alcools de grains qu'on a recours pour cela, le véritable esprit devin étant
trop rare ettrop cher pour qu'on put l'employerà cet usage sans s'exposer àdes portes rui-
neuses. Or, des observations nombreuses ont fait reconnaître que ce mélange do vins et
d'alcools de provenances diverses est nuisible à la santé et devrait être proscrit par des
mesures administratives. Ne serait-il pas rationnel de faire porter des essais suffisam-
ment prolongés sur les effets d'un vinage qui aurait pour hase l'alcool du suc de maguey?
S'il était reconnu que celte addition fût aussi inoffensive que celle de l'alcool du vin, ce
serait un double service rendu à l'hygiène des boissons et à l'agriculturequi a pour base
celte plante intéressante.
Quoi qu'il en soit, je dirai maintenant, en passant, que le suc de maguey est susceptible
d'une fermentation secondaire de nature acétique. On a fait avec lui de bon vinaigre, à
l'imitation des anciens Mexicains, et l'on en fera de meilleur encore quand on y donnera
des soins intelligents.
Mais nous avons dit que le mexeal n'est pas à confondre avec l'alcool proprement dit
provenant de la distillationdu suc de maguey.Qu'est-ce donc que le mexeal ? Il en est fait des
quanlitésnolablessurtout en deux points de la Républiquemexicaine : les Étals de San Luis
et de Guadalaxara. Le très judicieux observateur le docteur Don Aniccto Ortega,
nous a donné dans le Xe volume du Bulletin de la Société de Géographie et de Statistique
de Mexico des détails exacts et minutieux sur la production du mexeal dans l'état de San
Luis Polosi. 11 provient d'un maguey particulier appelé maguey verde, inutile à la pro-
duction du pulque, qu'il ne donne que d'une fort mauvaisequalité. Cette espèce se multi-
plie spontanémentavec une extrême facilité. 11 a môme été reconnu que les soins d'une,
bonne culture, loin de donner pour résultat plus d'abondance et une meilleure qualité de
la sève, ne font qu'empirer l'une et l'autre. Les propriétaires ont donc dû prendre la réso-
lution de laisseragir la nature seule qui leur garantit de meilleurs résultats en économi-
sant les bras de l'agriculteur. Le suc de maguey verde ayant été recueilli en son temps et
NOTES. 865
livré à la fermentation, on y ajoute la feuille de la plante après l'avoir soumise à l'opéra-
tion que nous allons expliquer. Il s'agit de lui faire subir la cuissonà l'abri du contact do l'air
et en la protégeant contre une évaporation trop considérable. Pour cela, dans l'état de
Jalisco, on est dans l'habitude de pratiquer une grande excavation sous terre. On y fait
brûler une forte quantité de combustible et on la remplit ensuite de feuilles de maguey
qu'on étouffe en fermant l'ouverture. C'est ce qu'on appelle cuire en barbacoa. A Son Luis
Polosi, on procède autrement. On pratique de véritables fours à chaux. Après y avoir
entassé les feuilles de maguey en quantité voulue, on les recouvre de terre mouillée ou
de gazon, afin d'empêcher la communication avee l'air. Cela étant fait, on allume les
feux à la partie inférieure destinée au foyer pendant le temps que l'expérience a fait
juger nécessaire. L'opération étant ainsi terminée, on transporte ces feuilles dans les
dépôts où se trouve déjà le suc de la plante en fermentation; on laisse fermenter le tout
le temps voulu et on distille ensuite. C'est le résultat de cette dernière opération qui
donne le liquide appelé mexeal. Des soins particuliers fourniraient un produit susceptible
de flatter le goût des amateurs les plus délicats. Tel que ce produit est vendu d'ordi-
naire, il est âpre et répugne souvent par son bouquet empyreumatiquetrop prononcé.
Nous n'avons que peu de chose à dire sur l'exploitation des feuilles de maguey dans le
but d'en extraire les fibres dont l'usage fut répandu dans l'ancien Mexique, et qui forment
aujourd'hui la base d'une industrie très intéressante. Le lecteur trouvera dans les pages
qui précèdent les noms des espèces qui sont utilisées, de notre temps, pour former lés
lils qui font l'objetd'un commerceimportant, sous le nom àHxlle, dans le centre du Mexique.
Mais il est une autre espèce de maguey dont nous n'avons' pas encore parlé jusqu'ici et que
l'on a connu dans le Yucatàn, et nullement ailleurs pour bien longtemps, sous le nom de
jcnequen ou henequen. Cette plante n'acquiert pas des dimensions très considérables; elle
arrive rarement à un mètre de hauteur. Il on existe dans le Yucatan plusieurs variétés.
Les principales sont le chelen et le cajen qui poussent à l'état sauvage, et le yaxqui et le
sacqui qui sont l'objet d'une culture très étendue. Le yaxqui porte des feuilles
d'un vert plus brillant que les espèces sauvages. Ses filaments sont fins et élastiques
mais peu abondants, tandis que le sacqui donne des fibres beaucoup plus nombreuses
mais inférieures en qualité. C'est cette dernière variété, connue sous le nom de jenc-
quen blanc, qui forme la. base de la richesse agricole des districts de Tihosuco et de
Ghemax, où on l'exploite de préférence, comme le pulque dans les plaines de Apan.
Le rendement de celte industrie fut pendant longtemps de fort peu d'importance, parce
que la fibre de la précieuse feuille ne pouvait se retirer qu'à main d'homme, et, si
l'on tient compte de l'âcreté très irritante de sa pulpe, on comprendra sans peine
combien un tel travail arrivait difficilement à un résultat avantageux. C'est seulement
depuis 1833 que commença un mouvement des esprits ayant pour but l'invention d'une
machine propre à râper cette riche feuille. Mais il faut arriver à l'année 1853 pour voir
à ce sujet, un résultat favorable. Ce fut le Yucateco José Maria Millet qui eut la chance
d'inventer une machine qui a permis depuis lors de faire entrer dans le commerce d'ex-
portation une quantité considérable de,jcnequen; car l'expérience est venue démontrer
que cette fibre est propre à former des cordages de navire qui offrent de nombreux
avantages sur ceux du chanvre. Aujourd'hui les agriculteurs du Yucatan ont entrepris
la culture de la plante sur une très vaste échelle, au grand bénéfice du pays tout
entier.
Nous ne voyons pas l'intérêt que pourraient avoir pour le lecteur de plus longs détails
ayant pour but de faire comprendre le genre de culture très élémentaire que les Yuca-
(eeos ont adopté pour assurer le meilleur rendement possible de leurs magueys. Ce que
nous venons de dire de l'importance de l'industrie dont ils sont la base doit suffire aux
fins que nous nous étions proposées dans cette note.
Ce buta été de mettre les lecteurs de notre livre à même do juger l'importance con-
sidérable des différentes variétés de me.Il exploitées par les anciens cl mises à profit par
les Mexicains modernes. Nous avons la confiance d'avoir rempli suffisamment celte mo-
.
deste lûche par les détails qu'on a lus dans les pages qui précèdent.
866 NOTES.
IV. — CACAO.
Il serait oiseux défaire une note à propos de cette plante, dont le fruit est aujourd'hui
d'un usage général, s'il n'y avait quelque intérêt à; rappeler que le cacao était inconnu en
Europe avant la découverte de l'Amérique. Les Mexicains du temps de la conquête en
faisaient un usage fréquent, sous des formes variées dont aucune n'était l'équivalent de
notre!Chocolat. Ce fruit précieux était d'ailleurs, pour les plus puissants d'entre eux, un
moyen de thésauriser leurs richesses et un élément d'échange qui facilitait les tran-
sactions commerciales à la manière de nos monnaies. Cette coutume s'était même per-
pétuée en certains points du pays, après la conquête, au point que j'ai pu en voir
moi-même les suites avant 1850, dans le Yucatan où les grains de cacao remplaçaient la
monnaie de billon.
Il serait bien difficile de dire quelle était, dans l'ancien Mexique, la valeur du cacao
employé comme monnaie. M. Garcia Icàzbalcetâ accompagne ses commentaires sur Cer-
vantes Salazar de là note suivante à ce sujet : « Le conquistador anonimo dit que chaque
grain valait un demi marchetto. Or, d'après Ternaux-Compans, le marchcllo valait
2 centimes do franc. Cela étant, chaque grain équivalait à 1 centime: Le licencié Palacios
dit que deux cents grains valaient un réal et la charge 24,000, c'est-à-dire § 26,30. Le
père Motoliniaaffirme que le cacao vaut cinq ou six pesos de oro dans le pays où on le
récolte. OViedo estime à cent grains la valeur d'un esclave, chose inadmissible, attendu
que cela équivaudrait à deux cent quarante esclaves pour une charge de câeaô, ce qui
ramènerait à un demi réal là valeur de chacun, d'après là supputation du licencié Pala-
cios Torquemadà dit: (livre 14 chap. 42) : « D'abord le cacao valait habituel-
lement quatre ou cinq piastres là où il était récolté, et dix ou douze à Mexico et sur les
différents autres points du pays. Il a monté: ensuite, là-bas, à quinze et, par ici, à vingt-
cinq ou trente piastres; actuellement il ne vaut pas moins de cinquante et quelquefois il
monte à soixante piastres »
En réalité^ dans les pays ou le cacaoa continué à s'employer comme monnaie division-
naire jusqu'à nos jours, sa valeur dans les transactions ordinaires du marché n'était nul-
lement l'équivalent de celle qu'on lui attribuait dans la vente en gros comme comestible.
Le grain de cacao, comme monnaie, conservait une valeur conventionnelle qui, en général,
était de beaucoup supérieure au prix mercantile. Cela veut dire que l'usage en ce sens en
était limité aux transactions de peu d'importance^ comme moyen de faciliter les petits
appoints, dans des provinces où la monnaie de billon n'avait pas cours.
Pour en revenir aux temps anciens, nous nous appuierons sur les notes judicieuses et
toujours vraies de M. Garcia Icazbalcota, pour faire remarquer que, « conformément au
système de numération des Mexicains, la base pour compter les cacaos était le nombre
vingt. Ainsi, 400 grains de cacao (20 X. 20) formaient un tzonlli. On sait que tzontli en
langue nahuatl veut dire quatre cents. De nos jours encore on a la coutume à Mexico de
vendre le bois à brûler par tzontles do 400 bûches. Vingt tzontles, c'est-à-dire huit mille,
donnaient un xiquipilli et trois xiquipilli une charge, laquelle par conséquent avait
24,000 grains. Comme cette manière de compter était difficile et pouvait donner lieu à des
abus, le municipe en fit la défense par arrêté du 28 janvier 1527. Il fut défendu de vendre
le cacao en comptant les grains et ordonné que la vente s'en ferait en mesure comble
garantie par le sceau de la ville. Plus tard, par ordonnance du 24 octobre 1536, il fut dit
au contraire, que les grains seraient comptés pour la vente et qu'on ne suivrait pas un
autre usage. »
Nous avons dit plus haut que les grands personnagesmexicains avaient recoursau cacao
comme moyen de thésauriser leur puissante fortune. Le double usage qui en était fait,
comme aliment et comme monnaie, le faisait considérer comme un élémentprincipal de
richesse. Les districtsqui récoltaientdu cacao en payaientle tribut et les rois en dépensaient
dos quantités énormes. Torquemadà (livre 2 chap 53) raconte que, dans le palais du célèbre
roi de Telzcuco,NctzahualcoyoU, il était dépensé annuellement2,744,000 fanegas de cacao
(la fanega vaut environ 40 kilos). Cela n'est guère croyable, quoique cet auteur assure
avoir vu le livre de dépenses approuvé par un petit-fils de ce roi. Le même Torquemadà
(livre 4 chap. 57) et le chroniqueur Herrera (décade II, livre IX, chap. 4) rapportent que les
Indiens auxiliaires de Cortès pillèrent un grenier à cacao appartenant à Moleuhçoma, où
NOTES. 867
se trouvaient plus de 4,000 charges. Le grain était emmagasiné dans des paniers d'osier
si grands que six hommes se donnant la main n'en pouvaient faire le tour. Le vol fut de
600 charges, à propos desquelles il n'y eût pas à vider plus de six paniers. Cela signifie
que chacun d'eux contenait 100 charges. (Voyez, pour plus de détails, les notes de
M. Garcia Icazbalcetadans Cervantes Salazar, page 246.)
Il serait difficile de se faire une. idée juste sur l'étendue et la nature des terrains qui
furent mis à profit pour la culture du cacao, au temps des anciens Mexicains. Ce qui est
incontestable, c'est que les principaux lieux de production étaient situés au sud du pays
en s'approchant de Guatemala et en gagnant l'Amérique centrale. C'est encore là qu'on
cultive de nos jours cette précieuse plante, et, aujourd'hui comme autrefois, c'est le district
de Soeonuzco qui donne le fruit le plus savoureux.Malheureusement,l'étendue du terrain
est trop peu considérable pour donner lieu à une culture qui permettrait l'exportation
sur une vaste échelle. De nos jours, la République mexicaine limite ses principaux efforts
pour la culture du cacao à la partie la plus méridionalede l'état de Tabasco et aux régions
basses de l'état de Chiapas. J'ai visité personnellement les plantations de Tabasco, vers le
district de Teapa qui fit autrefois partie de la commanderie de notre Cher chroni-
queur Bernai Diaz. Le fruit que l'on obtient dans cette région se consomme presque eii
entier dans la République même. Son goût un peu âpre le ferait difficilement accepter par
les consommateurs d'Europe. Ce défaut est d'autant plus regrettable qu'il pourrait être
évité aisément, car il est le résultat d'un calcul mal entendu du' producteur. Celui-ci n'a
visé, en effet, qu'au moyen de donner à la graine un aspect agréable à l'oeil et il n'y
réussit qu'au détriment du goût. On n'ignore pas que le péricarpe ou enveloppe corticale
de la graine est généralement cassant et d'un aspect terreux peu flatteur au regard. Le
producteur.de.Tabasco n'a visé qu'aux moyens de rendre cette écorce plus solide, plus
belle etplus luisante.Ily réussit en cueillant le fruit peu de temps avant qu'il soit arrivé
à toute sa maturité désirable. Le péricarpe conserve ainsi une élasticité plus résistante;
Il prend un beau rouge par la dessication et on lui donne un poli parfait en le mettant
dans des baquets pleins, d'eau où on le remue violemment avec des balais pendant un
assez long temps. C'est du frottement qui en résulte que les graines retirent ce polissage
qui les rend très luisantes et attire les préférences de l'acheteur mexicain. Au Mexique,
du resté, on remédie à l'âcreté qui.en est la conséquence pour le fruit, en le mêlant à
d'autres espèces auxquelles il donne un arôme qu'elles ne possédaient pas au même degré!
Le meilleur chocolat dont j'aie connu l'usage, à Mexico, était composé de : cacaos
Maracaibo, Xoconuzco et Tabasco, parties égales, de chacun 3 kilos; sucre blanc 8 kilos.
On aromatisait à la cannelle ou à la vanille.
V. — DANSE ET MUSIQUE.
Chez les anciens Mexicains la danse et la musique qui l'accompagnait n'étaient pas un
objet d'amusement futile et de distraction sans intérêt. Ce peuple ne comprenait pas que
les différentes manières d'honorer leurs divinités pussent se pratiquer sans les accompagner
d'un signe extérieur d'allégresse. Rien ne devait respirer la tristesse en présence dos
idolesqu'on voulait révérer par des cérémoniestraditionnelles. Les victimes mêmes qu'on
destinait au sacrifice et qui se savaient être au moment où on allait leur arracher le
coeur, devaient obéir à l'habitude en dansant et en chantant devant l'image du dieu en
l'honneur duquel elles allaient recevoir la mort. Cette coutume de la danse, s'àlliant aux
pratiques du culte, s'estperpétuée après la conquêtechez les survivants des anciennes races
mexicaines. Jusqu'à ces derniers temps, les Aztèques, devenus chrétiens, ont continué à
venir de loin pour offrirleurs hommagesà la vierge de Guadalupe et là, j'ai pu personnel-
lement les voir, costumés à la manière antique, former un rond en se tenant les uns les
autres au moyen de cordelettes garnies de fleurs et danser au sein même de l'église
consacrée à la vierge miraculeuse en fredonnantun air monotone qui sans doute tenait aux
souvenirs de leur passé. On me dit que, vers 1853, l'archevêché de Mexico a interdit
définitivement ces derniers signes d'une antiquité que le catholicisme abhorre. Mais, en
chassant de l'intérieur.du temple cette danse monotone, il n'a pu obtenir que les Indiens
s'en abstinssent d'urje. manière absolue. Ils continuent à danser près de l'église^ sur la
grande place qui s'étend devant sa façade principale.
Ces danses étaient toujours accompagnées du son de divers instrument*. Celui dont il
868 NOTES.
était le plus fait usage etqui revientsi souvent sous la plume du moine Sahagun était le
leponazlli. Qu"êlait-ce que cet instrument? Dupeix nous l'a décrit par ces simples paroles
enparlant d'abord d'un instrument de guerre appelé huehuelle (ce qui veut dire chose
antique) : « C'est un cylindre en bois creux, espèce de sapin ; il a trois pieds neuf pouces
de long, un peu moins de dix-huit pouces de diamètre, et le bois a un pouce et demi
d'épaisseur. Toute la surface est couverte de dessins allégoriques de diverses couleurs
analogues aux armoiriesde la ville. Le haut de cet instrument militaire se termine par une
peau tendue comme celle de nos tambours et le bas est divisé en trois pointes, avec leurs
ornements, faisant office de trépied. Dans le même lieu, je vis un autre instrument dont
le son s'accorde avec celui du précédent et forme avec lui la tierce ou l'octave. On l'appelle
leponazlli; il est aussi en bois dur, pesant, et de forme cylindrique; il a dix-huit pouces
de long et cinq pouces de diamètre. Sa superficie n'a pas d'ornements coloriés, mais elle
offre certains dessins ou fleurons gravés. Sur la partie la plus essentielle, celle sur
laquelle on frappait l'instrument, il y a longitudinalementdeux languettes ou chevalets
divisés en deux tons qui forment une tierce mineure, ré fa, fa ré, assez éclatante. Le tout
est d'une seule pièce. Cet instrument se frappe avec deux baguettes comme nos cymbales,
tandis que le hueliuelle se touche seulement avec la paume de la main. »
11 ne sera pas oiseux de faire remarquer que les anciens Mexicains avaient l'habitude
d'exciter le courage de leurs guerriers par le son brUyant des tambours, et, si nous portons
l'attention sur les habitudes de l'Ancien Monde nous y constaterons que l'homme a
partout des inspirations analogues. Dupeix nous dit à ce sujet : « Je vis un autre leponazlli
qui appartient à l'antiquité tlascaltèque. 11 est admirable par la matière qui est de bois
sonore, très dur, pesant, poli, de couleur brun noirâtre et parfaitement bien travaillé en
relief, dans le style original de cette contrée. Cette sculpture en bois offre, en effet, ,dcs
figures que les anciens Indigènes étaient seuls capables de faire. On y voit une figure
humaine placée longitudinalement, couverte de vêtements et ornements extraordinaires.
Ce morceau très remarquable est un instrument belliqueux qui fut destiné, dans les
temps antérieursà la conquête, à exciter le courage des combattants; il sonne également
en tierce mineure. Ce cylindre, un peu courbe dans sa partie principale (le dessus), offre
à la partie inférieure une surface plane. Il a trois pieds de long el environ cinq pouces de
diamètre Cet instrument vu de profil, ressemble passablementà une barque avec sa
proue et sa poupe »
Nous avons écrit bien souvent dans le cours de cette traduction l'expressiond'atabal, à
propos de danses ou de cérémonies religieuses. D'après Torquemadà, ce serait là une
expression générique signifiant tambour et fournissant deux espèces principales. L'un
d'eux était d'une grande hauteur, cylindrique, plus gros qu'un homme, avec une peau
tondue à l'une de ses extrémités. C'est l'espèce que les Indiens appelaientliuekuell et dont
nous venons de donner la description par Dupeix sous cette même dénomination. C'est
l'autre espèce d'atabal déjà décrite qui s'appelait leponazlli. (Voyez Torquemadà,
livre XIV, chapitre XI.)
Ce même auteur, dans le même chapitre, donne une description très étendue des prin-
cipales danses en usage chez le peuple Mexicain. Toutes fêles, toutes cérémonies reli-
gieuses en étaient l'occasion inévitable et. en certaines circonstances, le nombre de
danseurs était extraordinaire; ils s'élevaient souvent à-plusieurs milliers de personnes
qui se tenaient par la main en formant des ronds immenses. Plusieurs passages de
Sahagun font, du reste, comprendre que la danse et le chant formaient la base de la
bonne éducation, tant au point de vue des pratiques religieuses que dés bonnes qualités à
acquérir dans les rangs honorés de la société. Cela figure parmi les conseils des pères à
leurs enfants dans les admonestations nombreuses du Vl° livre de cet ouvrage.
Les chanteurs de profession étaient nombreux. Les grands personnages en avaient
plusieurs à leur solde. Leur mérite ne consistait pas seulement à bien chanter ; ils étaient
aussi compositeurs, car c'était une habitude parmi les Mexicains que, dans les grandes
fêtes données par les familles importantes, des chants nouveaux, d'une originalité encore
inconnue, fussent offerts à la curiosité des invités. Nous n'insisterons pas davantage sur
ces coutumes dans celte note qui n'avait pas d'autre but que d'éclairer le lecteur sur la
nature des tambours, alabals et leponazlli, dont il a été si souvent questiondans cet
ouvrage et que Sahagun n'a décrits nulle part d'une façon bien intelligible.
NOTES. 869
Rien ne pourrait faire comprendre mieux que l'histoire qui va suivre, à quel degré
s'élevait le point d'honneur chez les Mexicains et l'estime qu'ils faisaient du sacrifice
humain. Plusieurs historiens ont raconté et Juan de Torquemadà se plaît à dire la con-
duite du grand guerrier Tlascaltèc/ue capturé dans un combat par les troupes de Moleuh-
çoma. Voici le passage de Torquemadà à sujet :
« Tandis que Mexicains et TIascaltèques s'assiégeaient et se combattaient dans des hos-
tilités constantes, ils se capturaient sans cesse les uns les autres et ne se rachetaient
jamais, considérant que le rachat était honteux et sans dignité. Ils devaientmourir dans
le combat, ou par le sacrifice quand ils étaient devenus captifs. C'était surtout une règle
invariable parmi les gens qui appartenaientà la noblesse et pour les capitaines de renom.
On en donne pour exemple le fait suivant. Peu d'années avant que les Espagnols arrivas-
sent dans ce pays, il y eut une guerre entre les Uexolzincas et' les Tlascaltcqties, à
laquelle se mêlèrent les Mexicains en qualité d'auxiliaires. On captura un très valeureux
capitaine llasealtèque appelé Tlalhuicole. Il était si renommé par sa valeur qu'il suffisait
à l'ennemi d'entendre prononcer son nom pour qu'il abandonnât la partie du côté où ce
guerrier se mêlait au combat. Il était, du reste, si vigoureux qu'il faisait usage d'un
casse-tête d'un poids considérable: un homme quelconque, de force fort raisonnable, avait
de la peine à le souleyer. Comme la chance n'est pas toujours favorable à tout le monde,
elle devint contraire à ce capitaine en une occasion où, après plusieurs victoires et
grand nombre de faits brillants dans lesquels il s'était distingué, il fut pris par les
Uelzolzincas en un terrain marécageuxoù il eut l'imprudence de s'engager, par suite
d'une ruse de l'ennemi. Quand on l'eût pris, on le mit en cage et on l'amena à Mexico en
dansant et en célébrant de grandes fêles. Il fut présenté à l'empereur Moleuhçoma qui,
entendant annoncer son nom, ne se contenta pas de lui épargner la mort et tout autre
dommage, mais s'empressa de le mettre en liberté en lui prodiguant toute espèce de
gracieusetés. Il lui permit môme de retourner dans son pays, chose qui n'avait été faite
jusque-là pour personne. Mais on eut beau faire pour le persuader, Tlalhuicole ne vou-
lut, ni accepter la liberté, ni consentir à l'accomplissement du désir du roi Moleuhçoma.
11 le suppliait, au contraire, de le faire sacrifier aux dieux, ainsi que ses aïeux en avaient
ou l'habitude. Moteuhcoma qui estimait plus sa vie que l'offrande résultant do sa mort no
voulut point écouter sa supliquo. Il différa sa réponse pendant quelques jours, après lesquels
se présenta une occasion de faire la guerre aux habitants de Michuacan. Touché de la
valeur de Tlalhuicole, il le fit appeler et le nomma capitaine général de l'expédition.
Celui-ci, quoiqu'il fût on réalité l'ennemi des hommes qu'il commandait, les conduisit
comme s'ils cusent été des alliés et des gens de sa nationalité même. Etant arrivés à la
frontière où le roi Tarasque tenait ses forces réunies, les Mexicains lui présentèrent la
bataille. Le combat s'engagea; il y eut un grand nombre de morts et de blessés des doux
parts, car les Tarasques sont vaillants et belliqueux. Tlalhuicole ne se rendit pas, à la
vérité, maître du terrain, mais se conduisit avec une telle valeur qu'il enleva à l'ennemi
un grand butin en hommes et en argent et autres objets très riches, en même temps qu'il
capturait nombre d'hommes. 11 retourna très glorieux à Mexico avec ce butin. Les Mexi-
cains joyeux de l'avoir eu à leur tête rentrèrent et racontèrent au roi Moleuhçoma des
merveilles sur son compte. Celui-ci, reconnaissantde la foi qu'il lui avait gardée, le sup-
plia de nouveau qu'il retournât dans son pays, no voulant point qu'un tel gentilbommo
mourût. Mais Tlalhuicolerépliqua encore une fois qu'il ne lui convenait point de revenir
dans sa ville après avoir été vaincu et capturé. Le roi le pria alors, puisqu'il ne voulait
point de sa liberté, de rester dans sa cour en qualité de capitaine et comme un de ses
courtisans.Il lui promettaittoute sorte de faveurs pour lui et pour tous ceux qu'il voudrait.
A cela, le guerrier répondit qu'il ne pouvait accepter d'être traître à son pays et qu'on dît
de lui qu'il se mettait au service do ses ennemis. Il le supplia donc en grâce que, puis-
qu'il ne pouvait on rien être utile, on lui rendit le service de le faire sacrifier et de
mettre ainsi fin à sa malheureuseexistence, attendu qu'en continuant à vivre il se tien-
drait pour déshonoré, tandis que par. sa mort, il acquerrait de l'honneur, objot des aspira-
tions de toute sa vie. Le mieux serait donc de le destinerà la mort réservée aux hommes
valeureux (c'était celle qu'on recevait sur la pierre des gladiateurs). En présence de cette
870 NOTES.
obstination, voyant qu'il ne voulait rien accepter, Moteuhçomadonna l'ordre de l'attacher
sur la pierre, conformément à l'habitude, et que ses meilleurs hommes de guerre fussent
l'y combattre. Le roi lui-même, entouré d'un grand nombre de gens, assista à ce specta-
cle. Tlalhuicole combattant successivement contre ceux qui se présentaient en tua huit
et en blessa plus de vingt. Mais enfin il fut atteint d'un coup qui le fît tomber. On l'emporta
I alors tout étourdi et
on lui arracha le coeur devant son dieu Uitzilopochllù .
(Juan de Torquemadà,MonarquiaIndiana, tome I, livre II, chapitre LXXXII).
.
Cette ; histoire, telle que nous venons de la raconter, a été extraite de peintures
anciennes et elle a été traduite et envoyée en Espagne, comme une chose reconnue pour
certaine parmi les vieillards. DoSa Maria Papan a été très connue dans cette ville et il
est croyable que l'événement fut, en effet, tel qu'on vient de dire, puisqu'il était ainsi
raconté dans toutes les conversations.
VIII. — MARINA.
Oh serait porté à croire bien souventquë.Sàhâgun en décrivant les moeurs des Mexicains
les envisagedans des faits qui sont postérieursà la conquête et qui ont obéi déjà à l'in^
flueiiCe exercée par les conquérants. Il serait difficile de croire, en effet, que le la.ngago
que le moine franciscain prêle aux Aztèques d'avant là conquête fut exactement celui que
nous lisons parfois dans son livre. Ainsi, à la page 338 de ma traduction, au chapitre VJ
du YI° livre, où les Mexicains demandent à Tezcallipoca le changement du roi, nous
voyons ces paroles : « Dans ce lieu saint et si digne d'être révéré, cet homme se rend
,
Il serait fort difficile de se rendre un compte exact de la manière dont les anciens
Mexicains comprenaientlà nature des maladies et l'effet des moyens employés contre elles.
Mais en y réfléchissant bien, on arrive à croire que leur pratique, certainement empiri-
que dans tous les cas, c'est-à-dire uniquement basée sur l'expérience et les résultats des
médicaments employés, n'était pas absolument dénuée de raisonnement et de vues géné-
rales. Ils paraissent, en effet, avoir eu dé la saignée la pensée qu'elle doit le plus naturel-
lement inspirer ; je veux dire qu'elle se présentait à leur esprit comme un moyen de
combattre les états inflammatoires et congestifs. L'habitude d'ailleurs de répandre leur
sang à tout propos dans leurs pratiques religieuses les rendait un peu prodigues de l'em-
ploi de cette effusion contré les souffrances qui leur paraissaient la réclamer.
La coutume qu'ils avaient de faire usage d'emplâtres rubéfiants prouverait que l'expé-
rience leur avait indiqué l'efficacité d'une révulsion dans certaines maladies. L'emploi
permanent du même moyen révélerait également qu'ils n'ignoraient pas l'action fondante
et résolutive de certaines substancesappliquées sur le mal.
11 est incontestable au surplus qu'ils avaient raisonné les avantages qu'on pouvait retirer
.
del'emploi des substances purgatives, soit comme moyen d'agir directement sur les voies
intestinales pour en obtenir un effet sur place, soit comme moyen puissant d'agir sur des
organes éloignés ou sur des épanchements quelconques par la révulsion ou par l'écoule-
ment dés liquides dont les purgatifs étaient l'occasi«n.
A côté de cela, et par-dessus tout, ils paraissent avoir fait une étude minutieuse de
l'effet des plantes sur l'organisme et, si l'on peut croire que leur observation n'avait pas
été toujours à cet égard très judicieuse, il est certain néanmoins que leur esprit ne s'était
pas égaré et qu'il était resté dans le vrai pour beaucoup de résultats constatés. Le
nombre des substances naturelles employées par eux était d'ailleurs considérable.L'énu-
mération minutieuse qui en a été faite par le médecin-naturalisteHernandez est remar-
quable. Elle a ceci de précieux pour notre étude qu'elle groupe les substances en regard
des maladies contre lesquelles elles étaient employées. 11 on résulte qu'on peut se faire à
la fois une idée de l'importance des moyens thérapeutiques dont les Indiens faisaient
usage et du degré de connaissances auquel ils étaient parvenus au sujet de la distinction
des maladies. Or, à ce dernier point de vue, on est justement surpris qu'Hernandezn'ait
pu nommer aucune des affections que l'on connaissait alors en Europe sans la faire suivre
de la longue énumérationdes substances dont les Mexicains se servaientpour la combattre.
Cette particularité curieuse du travail du médecin de Philippe II peut servir à donner la
double idée du résultat considérable auquel les Indiens étaient parvenus en fait de con-
naissances pathologiques et thérapeutiques. Mais malheureusement rien de tout cela ne
nous dit qu'elle était la nature des maladies les plus communes et surtout de celles qui
ont été là base d'épidémies fréquentes dont le pays fut désolé à différentes époques de son
histoire. J'ai fait suivre ma traduction de Bernai Diaz d'un travail sur ce'sujet. Je ne puis
faire autre chose que renvoyer le lecteur aux courtes réflexions que 'j'ai faites dans ce tra-
vail. La note curieuse par laquelle mon collaborateur, M. Siméon, a terminé le XI0 livre
! de Sahagun et qui
a trait à la citation d'un manuscrit inédit de Chimalpahin, corrobore la
NOTES. 87.7
description que Sahagun lui-même a donnée * des symptômes de l'épidémie terrible qui
désola le Mexique en 1545 et en 1576. Mais malheureusement l'un et l'autre passages de
ces deux auteurs, relatifs à cette maladie, ne décrivent que d'une façon fort incomplète
les signes sensibles du mal. Ils n'insistent que sur un point, qui était sans doute le phé-
nomène culminant et le plus redouté : une abondante hémorrhagie par la bouche et pâl-
ie nez. Sahagun ajoute à ce signe l'existence de taches à la peau, dont il ne dit pas l'éten-
due et la couleur exacte. J'ai lu quelque part un passage qui les compare à du Vert-de-
gris et, comme, d'ailleurs l'expression matlazauall, par laquelle on a désigné la
maladie, contientla racine qualificative nxalla, pour mallalli (verdâtre), on peut croire
que les taches que cette affection épidémique produisait sur le corps des malades avaient
un aspect vert foncé. Si elles n'avaient pas plus d'étendue que les pétéchies du typhus
moderne, nous pourrions assurer que l'affection dont il s'agit n'était autre chose qu'un
typhus hémorrhagiqued'une malignité exceptionnelle. Si les taches étaient fort étendues
et prenaient presque le corps entier, la maladie aurait été probablement, ainsi que je l'ai
dit dans une autre étude, une scarlatine maligne compliquée de purpura hxmorrhagica.
De toute façon, nous devons assurer que, soit l'une ou l'autre de ces deux affections, elles
ne forment plus, de nos jours, la base d'épidémies ayant un caractère hémorrhagique si
marqué.
Quoi qu'il en soit, les révolutions à constater dans là nature que le temps a imprimée
successivement aux maladies le plus habituellement observées au Mexique, pourraient
être le sujet d'études du plus haut intérêt. Je no dis pas que quelques éléments essentiels
ne manqueraientpas à celui qui Voudrait s'en occuper ; mais je crois que ce ne serait pas
au point de rendre ses efforts absolument inutiles. Le peu de mots que j'en ai dits moi-
même n'ont pas certainement grande importance. Je me permets cependant de renvoyer:le
lecteur qui en serait curieux à mes notes de la traduction de Bernai Diaz.
Du, grand nombre d'écrits en langues des Indiens dus à la plume des anciens moines
franciscains.
Les bienheureux docteurs saint Jérôme et saint Isidore furent auteurs d'excellents
traités dans le but de faire connaître aux fidèles les écrits ecclésiastiques de la primitive
Eglise. Il m'a paru que je devais, à leur exemple,faire un chapitre à ce sujet pour que
l'on sache de combien on est redevable aux premiers travailleurs de celte nouvelle Eglise
et vigne du Seigneur; car ils ne se contentèrentpas seulement de la défricher, labourer
et.cultiver à la sueur de leur front, ils voulurent aussi que le labeur devînt plus facile
aux ministres qui seraientleurs successeurs et devraient faire usage de la langue des indi-
gènes comme étant l'instrument et l'intermédiaire indispensable pour leur prêcher,le saint
Evangile et les instruire dans la vie chrétienne. Nous rappellerons donc ici les traités
qu'ils écrivirent en langue mexicaine, ou autres du pays, dont la connaissance semble leur
avoir été infusée par le Saint-Esprit, comme aux saints apôtres, au lieu de les avoir eux-
mêmes acquises par des efforts humains et parleur propre adresse, tant ils y furent experts
et habiles.
Les premières lumières à ce sujet provinrent de quelques-uns des douze premiers arri-
vés, à la tête desquels il faut nommer fray Francisco Jimonoz comme ayant formé, avant
tous les autres, un traité et un vocabulaire de la langue mexicaine. Après lui et presque
aussitôt, fray Toribio Motolinia composa une courte a Doctrine chrétienne » qui circule
imprimée. Fray Juan de Ribas fit un cathéchisme et des conférences dominicalespour
toute l'année,ainsi qu'une Flos Sanctorum de peu d'étendue, avec une Vie chrétienne par
demandes et par réponses. Fray Garcia de Cisneros écrivit des sermons propres à être prê-
ches. Ces quatre moines appartenaient aux douze premiers arrivants.
Après eux, fray Pedro de Gante, qui n'était que frère lai, composa une doctrine étendue
qui est imprimée. Fray Juan de San Francisco écrivit en très bon style un sermonaire com-
G, Ç
I, Y
tr
AVERTISSEMENT
. point do vue de son nivellement et relative-
mont auxeaux qui l'entourent. — Carte hydro-
graphiqueà ce sujet. — Fluctuation des eaux.
INTRODUCTION (1™ partie). Leur retrait lentement effectué et laissant
—
Mexico à sec. — Retour moderne des eaux sur
1". — La pensée do M. Jourdanet de traduire la ville. — Appréciation des causes de ces
Sahagun se lie à ses précédents écrits et com- mouvements. — Aspect triste des terrains qui
plète une étude générale sur les faits et les entourent les lagunes. — Comparaison de cet
choses relatifs au Mexique m état moderne avec l'exubérante végétation des
Les écrits de Sahagun se rattachent aux travaux temps passés XXI
des moines franciscains au second quart du
xvi° siècle. — Importance considérable do ces i 3. — Appréciationdes moeurs et coutumes dos
travaux. — Ils sont les débuts de tout ce qui Mexicainsà l'époque delà conquête par les Espa-
s'est fait sur l'histoire ancienne du pays. — gnols. — Leur degré de civilisation considéré
Coopération des P. TorihioMotolinia,Andros dans la naissance, Io mariage et la mort. —
de Olmos, Sahagun, Ixtlilxochitl, Tozozomoc, Ce que ces trois phases essentielles de la vie
Ghimalpahin, etc. — Nature des travaux du permettent de penser au sujet de leur culture
célèbre Las Casas. — Nature des travaux de intellectuelle et morale. — Détails destinés à
Sahagun.— Son initiative pour représenter baser les conclusions de cet écrit en ce qui
phonétiquementles langues mexicaines par les regarde le degré de la civilisation des anciens
caractères européens. — Ses sympathies pour Mexicains. Leur aménité dans les rapports
—
le peuple conquis. — Ses idées philosophi- sociaux. •— Leur goût pour les réunions et
ques. — Opinion de fray Geronimo de Men- les banquets. — Sociabilitétrès marquée dans
dieta sur Sahagun. — Ce que dit dans ses toutes les classes. — Douceur de moeurs et do
Écrits ce franciscain sur l'arrivée de notre au- coutumes contrastant avec le goût des sacri- j
teur au Monique, sa vie, ses travaux et son peu lices et do l'anthropophagie. Celte perver-
sion du sens moral provenait —
de chance pour les faire connaître pendant de l'éducation
qu'il vécut. — Sa mort dans une vieillesse très du temple. — Réflexion qu'on en peut tirer sur
avancée V l'importance de la direction à donner à ren-
Division de son Histoire générale et apprécia- seignementpublic de la jeunesse. — Défauts
tion succincte sur sa réelle valeur. — Quel- des anciens Mexicains. — Répression outrée
ques mots sur les principaux historiens qui de la criminalité. — Réflexionsdu traducteur .-
ont traité du Mexiquedans le xvi" siècle. — sur. la ruine de l'Empire mexicain. — Cir-
Parallèle entre Bernai Diaz et Sahagun XII constances qui ont favorisé le triomphe des
Espagnols. — Analogie entre les défaillances
2. — Étendue do l'Empire mexicain à l'époque du caractère de Motouhçoma et la décadence
de laconquête. — Sa population probable. — de l'esprit public. — Adresse do Cortès pour,
La valeur relative des terres chaudes et des s'emparerdu mécontentement existant dans le
terres froides. — La ville do Mexico. — Ce pays entier. — Facilité avec laquelle los an-
quelle était en 1521. — Sa destruction par ciens Mexicains se plieront aux habitudesnou-
Gortès. — Mesure peu judicieuse consistant velles que le Conquérant leur imposa. —
à la rebâtir sur la mêmeplace. — Sa situation Causes de celle docilité. — Satisfaction des
par rapport aux lagunes. — Originalité des survivants de la conquête à la pensée de la
lacs. — Étendue de la vallée. — Montagnes résistance rigoureuse dont Guatimozin illus-
qui la forment. — Situation de la capitale au tra la chute de son Empire xxxv
896 TABLE GÉNÉRALE DES TRADUCTEURS.
INTRODUCTION (2° partie.). de 5 jours. — Des marchés et des audiences
générales. — Division générale du jour et
But que s'est proposé Sahagun en écrivant de la nuit LXX
son ouvrage. Lxi Comparaison des deux périodes solaire et lu-
De l"art graphiquechez les anciens Mexicains. naire LXXIV
Silence de Sahagun à ce sujet LXIII Profit que la linguistique peut retirer du
Ce qu'il faut entendre par polythéisme mexi- reste de l'ouvrage de Sahagun LXXIV
cain. — Idée d'un dieu unique. — Dieux Des deux éditions de l'histoire de Sahagun, par
principaux, déesses et dieux secondaires. — Bustamante et Kingsborough. — L'édition
Tableau des fêtes d'après Sahagun et Cla- anglaise de Kingsboroughest la moins défec-
vigerb LXIV tueuse des deux LXXV
Du Calendrier. — Grande période astronomi- L'édition de Bustamenle est accompagnée de
que de 104 ans. — Cycle ordinaire de 52 ans. notes et de suppléments.— Ce qu'il faut
— De la chronologie, sa concordance avec penser de ces annotations LXXVI
l'ère chrétienne. — Nécessité d'un travail Nos notes philologiques. — De l'usage que
•
sérieux à cet égard LXVI l'on peut faire de la table des mots nahuail
Représentation du cycle de 52 ans, de l'année employés dans l'Histoire générale dn P. Sa-
et du mois. — Signes des jours. — Période hagun LXXVII1
NOTES EXPLICATIVES
I. Produits de la lagune de la vallée de Mexico. lalion des oiseaux. — Le cuculilo del agua.
—Lescanards et autresoiseaux aquatiques;
Divers petits animaux, moucherons, larves, leur importance pour l'alimentation 853
ceufs, qui étaient mis en usage pour l'ali-
mention des indigènes. — Détails curieux II. Sel et tequesquite.
sur Yahuautliy qui est un produit de
Yaxayacatl, insecte crié et vendu au bois- Usage répandu du sel de cuisine chez les an-
seau dans les rues de Meiico pour l'alimen- i ciens Mexicains.— Moyensemployéspour se
TABLE GENERALE DES TRADUCTEURS. 897
le procurer, — Son extractionà l'aide du te- a continué à être employé comme monnaie
quesquite. — Ce dernier composé est un divisionnaire jusqu'en ces derniers temps
natron impur. — Sa composition chimique. en certains points du pays. — Quels furent
— Son efflorescence sur les terrains qui dans les temps passés et quels sont aujour^
avoisment Mexico et d'autres point du haut d'hui les terrains favoris d'exploitation de
Ahàuac. — Ses différentes qualités. — Sa ce précieux produit, au Mexique.......... 866
dissolution dans les eaux de la lagune de
Tezcuco. — Moyensvulgaires employés par V. Danse et musique.
les Indiens pour en retirer le sel dé cui-
sine. — Exploitationorganisée dans ce but Ladanse était en honneur chez les anciensMexi-
par l'entreprise minière de Real del Monte. cains danslcsréjouissàncespubliqueset dans
Quantité .considérable de ce sel que les en- les fêles du culte. — Instruments dont ont
treprises de mines d'argent emploient dans faisait usagé pour accompagner.ces danses.
leur industrie. — On n'a plus -recours au — Le huehuell et le teponàstli. — En
tequesquite aujourd'hui pour l'obtenir. Ce quoi consistaient ces denx instruments. —
natron rend actuellementde grands services à Leur description minutieuse d'après Dupeix
l'agriculture; car celle-ci engraissedes porcs elTorquemada.—Leschanteurschez les an-
en utilisant une quantité considérable de ciens Mexicains. — Usage qui en était Tait
grainesqui resteraientsans écoulementfaute dans les réunions de luxe et d'apparat.... 867
de moyensde Iransport.—Letequesquite est
employéà la sapouilication des graisses de
VI. Le guerrier tlascaltèque Tlalhuicolo.
ces animaux. — Les savons qui en résultent
sont l'objet d'un commerce extraordinaire. Force extraordinairede ce guerrier. — Il est
— Aulres usages de moindre importance,
capturé et amené au roi de Mexico. — Il
dont le tequesquite est la base 85b
refuse la liberté qu'on lui offre. — Il veut
mourir de la mort réservée aux captifs. —
III. Le maguey. Moteuhçomalui fait les plus grandes offres.
Il veut toujours mourir. — Il accepte de
Provenance de ce mol. — 11 désigne l'Agave commander une campagne contre les Taras-
Americana surtout, appelée msll en langue ques. — 11 revient victorieux, mais refuse
naUuall. — Il désigne différentes espèces tous les honneurs et demande à mourir de
dont les principales la
servent à production la mort des captifs de distinction. — Mo-
du pv.lqv.Ci taudis que toutes donnent un teuhçoma cède à son obstination. —Com-
filament qui s'utilise pour la corderie et les " bat gladialoire dans lequel il est vainqueur
étoffes. — Usage qu'eu faisaient les anciens de huit Mexicains. — Il meurt enfin sur la
Mexicains^ — Passage curieux du P. Motoli- pierre du sacrifice 869
nia à. ce sujet. — Énumérationde toutes les
espèces dont on fait usage aujourd'hui. —
Lieux de production du pitlque. — Impor- VII. La ressuscilêe Papan.
tance do ce proluit. — Manière dont on Récit de Torquemada sur la résurrection do
l'exploite. •— Élaboration du pulque. —
Quantité extraordinaire qu'on en con- cette soeur de Moteuhçoma. — Elle prédit
la fin de ce monarque et du royaume Mexi-
somme sur le haut Anauac. — Son utilité cain. — Elle fut témoin de cette ruine et -
dans la consommation. — Ses effets hygié-
niques. — La sève du maguey renferme vécut encore plusieurs années après avoir
été baptisée 870
une grande quantité de sucre crislallisable
analogue à celui do canne. Aussi fait-t-on
avec cette sève non fermentes un sucre ex- VIII. Marina.
cellent, et une quantité notable de bon al-
cool après la fermentation. — Raisons que Il n'est pas juste do dire que là trace de cette
les agriculteurs ont eues dans ces der- célèbre interpréta de Cortès soit absolu-
niers temps pour augmenter leurs distille- ment perdue à partir do la campagne de
.
ries alimentées par coproduit,— On devrait Honduras. — Après la conquête, des con-
essayer cet alcool pour le vinage de nos cessionsde terrainslui furent faites à Mexi-
vins. —Le mescal.—C'est un alcool pro- co. — Elle y posséda des maisons, — Elle
venantde la distillation des feuilles et de la y vécut avec son mari Jaramillo. — Elle
.
sève de maguey soumis ensemble à la fer- naquit dans la province do Guaxacalco. —
mentation. — Procédés qu'on emploie pour Outre le fils qu'elle eut .avec Certes, elle
le produire. — Son goût et SOR importance. avait une fille avant l'expédition espagnole.
expliquer son
— Lejencqucn.—C'estune agave exploitée — Curieuses recherches pour
surtout dans le Yucatan pour la pro- nomde Marina. — Ce queson caractère et les
duction d'un fil qui est Pojct d'un très scandalesantérieurs de sa conduite permet-
grand commerce et alimente surtout l'in- tent de supposer relativement à son séjour
dustrie de la corderie 8û' définitifjusqu'à sa mort dont l'époque et lo
lieu sont inconnus: 872
IV. Le cacao.
IX. Les Bubas.
L'emploi considérable que les Aztèques en fai-
saient. — Ils s'en servaient comme d'une va- Incertitude relativement à l'existence au Mexi-
leur représentative pour faciliter les tran- que do la syphilis comme
mala'dieconstitu-
sactions. — Détailsà ce sujet. — Le cacao tionnelle, avant la conquête. —Ce que l'on '
57
888 TABLE GÉNÉRALE DES mADUCTEURà.
OU peut penser par le passage de Sahagun Leurs observations dans l'emploidés plantes
qui i'y rapporte.*^Degré de confianeeque médicinales. '-^- :La prodigieuse quantité dé
ce passagemérite d^nspirer;^—Livre curieux . végétaux employés avec plus ou moins dé
du. inédëein;Bënavides-,Ses; écrits dé. 1567 discernement.— Ce que l'on pentpenser sur
permettant de croire que - la syphilis au ,
Iânature de leurs épidémies principales.,* 876
Mexique était antérieure à l'arrivée des Es-
pagnols 874 XI. Chapitre extrait (h: ia îlisloria eelcsiastica
,
indianaàe F.ray Geropimo de Mendietà.
X. La médecine chez les Mexicains d'avant la
conquête. Grand nombre d'écrits en langue indiennedus
à là plume des anciens moinesfranciscains.
Ce queTon peut penser, d'après' Sàhàguii et le — Mention qui est faite de leurs principaux
1 médecin Hernandez, dés connaissances que auteurs 878
les Mexicains possédaient sur là nature des , ,,
maladies. ,*• Leurs connaissances au sujet Table alphabétique des mots na/malt em-
des moyens à employer contre elles. — ployés dans l'histoire dé Sahagun,........... 881
CORRECTIONS
Les traducteurs n'ont pas cru devoir relever certaines erreurs de typographie,
toujours inévitables dans une longue publication. Ils ont pensé que le lecteur
effectuerait sans peine ce travail. Pour les mots nahuàtl, qui seuls pourraient
causer quelque embarras, la table spéciale, qui en a été dressée, suffira pour faire
les rectifications nécessaires et, d'ailleurs, assez peu nombreuses.
Contraste insuffisant
NFZ 43-120-14
Texte détérioré — reliure défectueuse
IMF 2 43-120-11