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Aprobat director,

Prof. ROMEO ZAMFIR

Aria curriculară: Limbă și comunicare/ Profil: socio-umane intensiv franceză

ATESTAT DE COMPETENȚĂ LINGVISTICĂ / LIMBA FRANCEZĂ

Literatura migrantă

Elev,

Profesor coordonator,

Prof. dr. GEORGETA PRADA

SESIUNEA 2023

1
Table des matières
La littérature migrante.................................................................................................................2
1 Horizons multiples, nouvelles formes d’expression................................................................4
1.1. Vague d’immigration.......................................................................................................4
1.2. Écrivains migrants du Québec..........................................................................................4
2. Littérature de mouvements.....................................................................................................5
2.1. Mouvement géopolitique..................................................................................................6
2.2. Mouvement ontologique et symbolique...........................................................................7
3. Thématiques particulières.......................................................................................................7
3.1. Identités simples, mouvantes et multiples........................................................................7
3.2.Culture.............................................................................................................................10
3. 3. Appartenances culturelles multiples..............................................................................11
3.4. Exil.................................................................................................................................12
3.5. Ancrage et métissage linguistiques................................................................................13
3.6. Langue comme clé pour le retour aux origines..............................................................14
4. Postmodernisme comme construction de culture de convergence et comme phénomène. . .16
4.1 Postmodernisme et postmodernité..................................................................................18
4.2. Vers une « littérature de migration » : un nouveau paradigme de réflexion..................19
4.3.Fusionnement de la langue..............................................................................................21
Conclusions...............................................................................................................................23
Bibliographie.............................................................................................................................24
Référence papier..............................................................................................................24
Référence électronique....................................................................................................24
Remerciements..........................................................................................................................25

2
La littérature migrante

La littérature se définit en effet comme un aspect particulier de la communication verbale -


orale ou écrite - qui met en place une vaste liberté qui ne rencontre aucune frontière. La
littérature dont les limites sont nécessairement floues et variables se caractérise non par ses
supports et ses genres, mais par sa fonction esthétique.

Depuis toujours je m’étais passionnée pour l’aspect d’écriture et en tout ce qui concerne les
moyens d’expression. J’ai la croyance que les littératures représentent « l’âme » des nations.
Pour mieux comprendre ce phénomène, j’ai tourné l’œil sur les écrivains peu connus dont les
univers intérieurs sont terriblement troublants. Certes, depuis une année je cherche à bien
identifier les relations précises entre les manifestations littéraires et leur contexte migratoire
en m’interrogeant non seulement sur les représentations de l’expérience de la migration dans
cet art mais également sur les effets textuels induits par cette expérience.

Tout d’abord mon intérêt pour ce domaine a tout commencé avec l’aide que j’ai accordée à
ma mère qui a dû écrire son projet et pendant toute la période qu’elle a subie avec difficultés
son devoir. Depuis là, j’ai entamé mes propres idées en cette matière et j’ai continué de lire et
de décortiquer ce sujet minutieusement. Quand mes yeux rencontrent son domaine de lecture,
il m’apporte les meilleurs souvenirs avec elle, avec nous. L’écriture, voire son doctorat fait
une forte liaison entre nous et je l’aime parce que je le trouve comme une forme d’art.

En effet, la reconnaissance d’une « littérature migrante » m’a incitée à établir de nouveaux


contours applicables à la littérature. C’est pourquoi je crois que les processus de globalisation
devraient également inciter « à ce relire et considérer sous un jour nouveau des phénomènes
interculturels du passé ».

De fait, afin de mieux saisir les phases, les formes et les contenus des processus migratoires
une collaboration s’impose. Je suis mon maître et j’en suis confiante.

3
Littérature migrante comme lieu de construction de cultures

Quelles que soient les qualifications qu’on lui attribue, les circonstances qui le vouent à
bouger ou la distance du trajet parcouru, l’être humain depuis la nuit des temps, se déplace
d’un coin à l’autre de la planète. Aussi, les quarante dernières années du vingtième siècle ont-
elles été témoins d’une vague d’immigration de professionnels venus de l’Amérique latine et
des Caraïbes pour des raisons politiques, sociales et économiques. Les sciences humaines ont
fait de la diaspora1un champ de recherche à part entière. Selon les chercheurs, elle constitue
l’un des indicateurs sociaux qui permet d’envisager et d’expliquer les différents rapports que
les humains entretiennent entre eux et avec la société, sans parler de leurs relations avec
l’État. L’évolution du discours identitaire résultant de ces changements géographiques et
démographiques génère des changements littéraires et langagiers au niveau des communautés
diasporiques. Autrement dit, ces écrits sont une construction de cultures de convergence2.

La littérature migrante comme élément clé pour dégager ce qui peut bien caractériser ce sous-
champ littéraire, c’est-à-dire, l’inscription de ces écrits dans la postmodernité; leur tissage
avec d’autres textes (intertextualité) et la pluralité de langues dont ils sont faits. Le travail se
basera particulièrement sur les écrivains migrants Haïtiens au Québec.

1 Horizons multiples, nouvelles formes d’expression

1.1. Vague d’immigration

L’exil et la mondialisation ont déclenché une vague d’immigration politique, sociale et


économique, notamment aux États-Unis et au Québec. Cet éloignement géographique qu’ont
connu de nombreux professionnels et intellectuels (politiciens, médecins, ingénieurs,
enseignants, intellectuels, etc.) n’a pas rompu le lien qui les unissait à leur pays: chacun, à sa
manière, a emporté et apporté sa patrie avec lui.

1
À l'origine, ce terme ne recouvrait que le phénomène de dispersion proprement dit. Aujourd'hui, par extension,
il désigne aussi le résultat de la dispersion, c'est-à-dire l'ensemble des membres d'une communauté dispersée
dans plusieurs pays.
2
« La culture de la convergence », c’est l’œuvre d’une personnalité majeure des cultural studies – on serait
presque tenté de dire un gourou – qui est rendue accessible au public français.  

4
1.2. Écrivains migrants du Québec

Wajdi Mouawad: quitte son pays natal en 1978 à l’âge de dix ans à cause de la guerre civile
au Liban. Sa famille immigre en France à Paris, puis au Québec dans la ville
de Montréal en 1983. Ses nombreux succès au Canada, tels que « Littoral »(1997), « Visage
retrouvé »(2002) ou encore « Incendies » (2003), lui apportent la reconnaissance du public et
lui offrent la possibilité de revenir en France.

Dany Laferrière: Haïtien, entré au Québec en 1976. Il quitte Montréal pour vivre en Floride
pendant dix ans. Depuis 2000, il s’est réinstallé à Montréal. Dans ses œuvres, il revient sur les
traces de son passé, de ses origines. Dans  «  L'énigme du retour ». (2009), Prix Médicis, il
aboutit à une réflexion sur l’exil.

Ying Chen: née à Shanghai, elle s’installe à Montréal en 1989. Elle publie de nombreux
romans dont « La rive est loin » (2013), « Espèces » (2010). Dans cette dernièreœuvre, une
correspondance s’établit entre un jeune immigrant et sa fiancée restée en Chine. Le roman
témoigne du choc des cultures, du déracinement et de l'impossibilité de l'amour.

Kim Thúy :née à Saϊgon le 18 septembre 1968, pendant l’offensive du Têt, elle y passe sa
première enfance. Elle quitte le Vietnam à dix ans, en 1978, avec sa famille pour échapper
aux contraintes politiques du régime communiste. On parle d’un exil volontaire et
involontaire à la fois, comme une seule échappée possible à l’humiliation des élites sociales
dans le pays natal. Elle écrit « Ru » (2009) afin de rendre hommage et honneur aux réfugiés
du Vietnam qui ont résisté aux affres d’une traversée vers un monde meilleur, aux victimes
inhérentes.

Les œuvres de ces écrivains venus d’ailleurs se présentent sous une forme hybride, voire
baroque. Les critiques littéraires les regroupent sous la dénomination de littérature migrante.

2. Littérature de mouvements

Les différentes dénominations que peut connaître ce mouvement littéraire, selon l’espace
géographique: la « littérature de l’exil » ou la « littérature des frontières ». Qu’importent les
différentes qualifications, toutes justifiables et justifiées, qu’on attribue à ce mouvement
littéraire, il faut préciser qu’on le reconnaît grâce à la convergence des thématiques
génériques et langagières spécifiques. Par convergence, nous entendons le fait de tendre vers
un seul et même point, un seul et même but. Ces thématiques témoignent toutes de

5
mouvements, de brassages, de
convergences, de rencontres
et de quêtes identitaires
multiples. L’écrivain migrant,
tout comme les personnages
qu’il invente, se construit
grâce aux différents
mouvements et déplacements
qu’il effectue; ces derniers
peuvent être de nature
géopolitique ou ontologique.

2.1. Mouvement
géopolitique

Le migrant sort d’un lieu géographique (pays d’origine) pour se rendre vers un ou plusieurs
lieux (pays d’accueil). Dans le cas de Wajdi Mouawad, l’écrivain dont nous avons choisi avec
l’œuvre « Visage retrouvé », il estné au Liban le 16 octobre 1968 et il est contraint
d'abandonner sa terre natale à l'âge de dix ans, pour cause de guerre civile. Débute une
période d'exil qui le conduit d'abord avec sa famille à Paris. Une patrie d'adoption qu'il doit à
son tour quitter en 1983 pour le Québec. Wahab, le personnage principal de « Visage
retrouvé », part dans la recherche de sa mère. Il en va de même de Dany Laferrière, qui
pendant longtemps, faisait le va-et-vient entre le Québec et la Floride avant d’y retourner
définitivement en 2000. Ying Chen a aussi habité dans plusieurs grandes villes du Canada
(Montréal, Vancouver, etc.). Tout se passe comme si le migrant ne savait pas où se fixer ou ne
pouvait pas se fixer.

2.2. Mouvement ontologique et symbolique

Le migrant se questionne sur lui-même, sur ses valeurs, sur sa culture et sur son errance. La
migration (l’exil, l’identité, la double appartenance, etc.) reflète, en fait, une confluence. Se
pose alors la question de la définition de l’écriture migrante, définition nécessairement
mouvante selon que l’on s’intéresse aux artistes qui choisissent la problématique de l’exil

6
pour mettre en scène un questionnement identitaire ontologique ou à ceux qui, ayant eux-
mêmes subi ou choisi l’exil, transforment leur propre exil en un exercice d’espoir.

3. Thématiques particulières

Selon les chercheurs, la littérature migrante se construit principalement autour de quatre


thématiques centrales: l’identité, la double appartenance culturelle, l’exil et la langue.

La double
appartenance
culturelle

Thématiques
L’exil L’identité
particulières

La Langue

3.1. Identités simples, mouvantes et multiples

Terme polysémique, l’identité évoque la similitude, l’unicité, la permanence, la


reconnaissance et l’individualisation. Toutefois, le concept ne se résume pas aux aspects
juridiques et linguistiques mentionnés ci-dessus. Il caractérise l’homme dans sa complexité
psychologique et sociale, dans ses relations avec l’autre, en permettant de l’envisager comme
un élément d’un groupe social. C’est dans ce contexte que se justifie l’assertion qui fait de
l’identité une définition de soi-même et d’autrui

Définir le concept revient à le placer au carrefour de plusieurs champs disciplinaires,


notamment le droit, la psychologie, la philosophie, l’anthropologie et aussi la sociologie.

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Partant de ces champs de spécialisation, nous dégageons une identité personnelle et une
identité sociale qui englobe l’identité culturelle. Cette dernière renvoie aux marqueurs
identitaires, ces éléments prédéfinis qui permettent de distinguer les différentes cultures. Il est
important, à ce niveau, de souligner que les contacts qui s’établissent entre les cultures (le
métissage culturel ou d’identité interculturelle) sont aussi l’occasion des acquisitions de
connaissances d’une culture (inculturation ou acculturation).

Récemment certains
écrits migrants et une
théorisation
transnationale mettent
en lumière un nouveau
modèle
épistémocritiquedes
romans migrants. En
effet, la critique récente,
en particulier la critique
d’origine anglo-
américaine, s’interroge
sur le concept d’un sujet
transnational. Inspiré,
entre autres, par les
travaux de HomiBhabha
et de GayatraSpivak, le
terme «transnational»
décrit certains phénomènes de migrance. Il mepermet de m’interroger sur les notions de
dépossession identitaire, d’exil, de perte et d’abandon.

Comme le signale le préfixe «trans», le transnationalisme implique un processus selon lequel


des formations identitaires traditionnellement circonscrites par des frontières politiques et
géographiques vont au-delà de frontières nationales pour produire de nouvelles formations
identitaires. Il y a une mise à distance d’un discours identitaire restreint au profit de
l’éclatement, de l’hétérogénéité et de la mouvance. Le transnationalisme récuse les définitions
identitaires fermées. Il implique un processus selon lequel les formations identitaires

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traditionnellement considérées comme étant limitées par des frontière géo-politiques peuvent
transgresser les frontières nationales pour produire de nouvelles formations sociales.

Le sujet fictif transnational détient une certaine parenté avec le sujet migrant dans la mesure
où il est lui aussi un émigrant qui a choisi ou bien a été forcé de quitter son pays d’origine.
Mais à la différence du sujet migrant (tel que je l’ai décrit), il rejette la notion d’une identité
formée surtout à partir des critères d’ethnie ou de lieu d’origine au profit d’une identité
complexe, mouvante souvent multi-culturelle et hors de l’enclos des souvenirs.Dans le cadre
de la littérature québécoise, les écrits de Ying Chen représentent des exemples éclatants et très
intéressants du transnationalisme. Intéressants, parce qu’ils rejettent les prises de positions
identitaires de certains sujets migrants.

Je vais brièvement examiner quelques aspects de « Espèces»de Ying Chen pour illustrer les
paramètres de ce que peut représenter une identité transnationale. Comment se construit
l’identité transnationale d’un sujet?Elle implique tout d’abord un nouveau rapport à l’espace.
Contrairement aux sujets migrants qui restent attachés à leur pays natal, qui s’identifient et se
conçoivent en fonction de ce pays et sa culture, le sujet transnational se définit en fonction
d’un nouvel espace: «Jecommence aujourd’hui à m’attacher à un autre paysage où je me sens
plus chez moi », affirme Ying Chen.

Aussi, un ailleurs hostile et peu habitable pour certains écrivains migrants est-ilperçu et vécu,
pour d’autres, comme un choix qui détermine de manière positive l’identité du sujet. Ying
Chen n’aime pas d’ailleurs le fait que les Occidentaux ne voient en elle et dans son œuvre que
des stéréotypes de la culture chinoise.Contrairement aux récits d’exil, il y a dans le rapport
aupays d’origine un refus de la nostalgie: «À présent je ne ressens aucun regret d’avoir quitté
Shanghai. Ma vie d’autrefois devient un rêve évanescent» explique Ying Chen dans une
interview publique. On est encore plus loin d’une écriture de la perte et de la dépossession.

En bref, l’identité est mouvante, en perpétuel changement et en construction perpétuelle. La


culture d’un individu, tout comme son identité, n’est pas univoque. Elle est toujours
convergence de plusieurs cultures et appartient au domaine de l’être et de l’avoir.

Cette identité, l’écrivain migrant tente perpétuellement de la reconstruire, à partir de difficiles


négociations, dans un espace et dans des lieux où se croisent des appartenances multiples.

9
Cela dit, l’identité migrante apparait sans cesse en évolution, en construction. Cependant,
avant de présenter l’appartenance culturelle, arrêtons-nous sur la notion de culture.

3.2.Culture

L’éclairage que nous recherchons pour définir le concept de « culture » se situe au confluent
de plusieurs traditions de pensée: littéraire, politique, philosophique, sociologique et, en
particulier, anthropologique. Les anthropologues nous apprennent qu’elle fait partie du
domaine de l’acquis et est « traces du milieu artificiel que l’homme a lui-même créé ». Aussi,
la culture englobe-t-elle l’ensemble des manifestations intellectuelles, religieuses et artistiques
(les mœurs, les croyances, les coutumes, le droit, etc.) que l’homme s’est données en société.
Les auteurs et théoriciens de la littérature migrante québécoise ont de la culture une
conception romantique, ouverte aux apports variés. Cette ouverture ne va cependant pas sans
tensions.Par-là, dégageons au moins, trois dimensions de la culture: une matérielle, une
immatérielle et une corporelle. C’est ce qui permet à un individu d’exercer dans la société les
fonctions instrumentale, dialectique, ontologique et sociale.Autre écueil, la dichotomie entre
culture d’origine et culture d’accueil, contre laquelle ILS mettent en garde ses pareils, au nom
d’un juste équilibre entre enculturation (assimilation à sa propre culture), acculturation
(identification à une culture qui n’est pas la nôtre) et réenculturation (réinsertion, pour le
migrant, dans sa culture de base). En fait, l’écrivain migrant invente un mode de
fonctionnalisation tout à fait particulier : celui d’un individu qui, croyant perdre une identité,
s’en découvre une autre par l’écriture. Aussi, lorsqu’on parle de « culture », ici, nous pouvons
aborder le concept selon la signification que lui attribue l’Unesco, à savoir: “(…) l’ensemble
des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une
société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les
droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les
croyances” (Unesco, 1982: 10). Cela dit, qui sont les écrivains migrants? À quelles
communautés appartiennent-ils?

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3. 3. Appartenances culturelles multiples

Le terme d’appartenance désigne le fait, pour un individu, de faire partie d’un groupe et
surtout de s’identifier à celui-ci. Cela implique une identification personnelle, des attaches
affectives, l’adoption des valeurs et des normes de ce groupe. L’ « appartenance » permet à
l’individu de s’intégrer, de s’actualiser en lien avec les autres membres du groupe, d’exister,
de construire et de se construire, de créer, de mettre en œuvre des projets capables de servir la
collectivité. Bref, de pratiquer et de partager des valeurs civiques grâce à une certaine
« cohésion ». De ce fait, nous pouvons déduire que le « sentiment d’appartenance » est un
processus interactif. Rappelons que ce sentiment se construit et se consolide peu à peu.
Inversement, on peut faire partie d’un groupe sans pour autant s’y identifier.

Double ou multiple, cette appartenance,


dans la littérature migrante, signifie cette
rencontre de voix, auteurs, narrateur
et/ou personnages venus d’horizons
multiples, porteurs de cultures, de
valeurs et de langues diverses.Par
exemple dans le texte « Incendies » écrit
de Wajdi Mouawad l’ensemble du texte
dramatique se construit autour du
voyage identitaire des jumeaux. Sous
l’autorité du testament maternel, ils
devront effectuer la quête de leurs
origines afin de retrouver leur père et
leur frère, dont l’existence leur était
inconnue. Cette recherche filiale les
mènera à traverser l’espace d’une guerre
civile – celle du Liban, vécue par leur
mère – et à se confronter aux violences
politiques, sociales et mémorielles qu’un
tel conflit engendre. Ils découvriront que
leur frère, abandonné à la naissance, est en fait devenu le bourreau ayant torturé et violé leur
mère des années plus tard, à la prison de KfarRayat. Leur naissance aura été le fruit de ces
sévices sexuels.
11
En fait, le personnage ou l’auteur migrant se définit d’abord autour d’une conscience, en
fonction de représentations de soi et à partir de pressions culturelles qui viennent à la fois du
milieu dans lequel il est né et de celui dans lequel il vit. Puis, par les valeurs, les croyances,
les connaissances et les expériences particulières qu’il a vécues et vit dans son pays d’origine
et dans son pays d’accueil. Ces dernières font partie intégrante de son identité; elles lui
donnent un sens et il les revendique pour lui-même. C’est avec l’ensemble de ces aspects qu’il
participe à la nouvelle collectivité qui est désormais la sienne. Cette convergence de cultures
donne naissance, chez lui, à une identité interculturelle, c’est-à-dire qu’il s’approprie la langue
et la culture de sa nouvelle patrie.

3.4. Exil

Autre thème fondateur de la littérature migrante, l’exil peut être forcé ou volontaire; vécu ou
imaginé. Par la distance qui s’établit entre sa culture d’origine et lui, l’exilé, qu’il soit auteur
ou personnage, peut prendre du recul. La double posture lui permet d’apprécier sa culture: il
peut la critiquer, l’idéaliser ou la relativiser. Il le fait par rapport à l’autre culture, elle-même à
la croisée d’autres cultures. Chez les écrivains haïtiens exilés, cet héritage spirituel se traduit
sous la forme d’un « réalisme merveilleux », c’est-à-dire une description exagérée ou
dépassée de la réalité nationale.

Par-là, la littérature migrante se veut un carrefour de cultures, un lieu de convergences, celui


du pays natal de l’écrivain, particulièrement de son enfance et celles des cultures rencontrées
en terre d’adoption L’expérience « exilaire », qu’elle soit « interne » ou « externe », est une
métaphore qui actualise le rapport précis de l’écrivain au temps et à l’espace, dont le point de
ralliement est le mouvement. Chez Kim Thúy, l’exil ne mène pas au repli sur soi, mais à une
ouverture vers l’autre. Le sentiment de non-appartenance à une société gouvernée par la
terreur, la panique, la peur, l’absurde (livres brûlés, films interdits, maison confisquées,
famine, misère, prison) plonge l’individu dans un exil social d’où seule la fuite reste possible.

12
3.5. Ancrage et métissage linguistiques

Le départ du pays natal


provoque luttes, deuils et
déchirements. En effet,
le sentiment
d’appartenance
s'exprime par une
difficile reconnaissance
de nouveaux ancrages
géographiques,
identitaires et
linguistiques. Comment
le migrant fait-il face à
« la langue de
l’hôte », pour répéter
Ollivier, ou pour dire
comme Barthes, à
« l’autre langue »? Il est
certain que la langue
appartient aussi à des
lieux politiques et
idéologiques habitables ou imaginaires. Ces dernières mettent en scène une polysémie sociale
et culturelle qui prend la forme d’un brassage contemporain de signes, d’identités, de mœurs,
de coutumes et de langues.

Les écrivains des communautés diasporiques du Nouveau Monde des États-Unis et du Québec
sont souvent confrontés au problème de la langue. Ils n’ont pas nécessairement l’anglais ou le
français comme langue maternelle. Ils sont obligés d’apprendre, selon le pays, la langue. En
effet, l’écriture requiert de l’écrivain la capacité d’utiliser non seulement une langue orale,
mais la capacité de le faire à l’écrit avec une certaine assurance dans sa culture d’adoption et

de créer une ambiance qui prouve sa connaissance de la société en question. 

Le refus de l’appartenance et de l’unicité se traduisent finalement dans la langue même, le


multilinguisme, l’hétéroglossie, la traduction et l’autotraduction jouant un rôle prépondérant
13
dans les écritures migrantes. S’y ajoute, une préférence pour certains éléments rhétoriques et
stylistiques, tels les effets de distanciation par l’ironie, la parodie et le grotesque qui
permettent de remettre en cause des images exotisantes, des auto et hétéro images marquées
ainsi que des stéréotypes.

Ying Chen et Dany Laferrière n’ont pas échappé à cette pression ou contrainte, même si pour
certains d’entre eux, le français n’est pas une langue étrangère, vu qu’ils ont connu leur
scolarisation dans la langue de Voltaire. Ils n’entretiennent pas tous le même rapport au
français.Face à cette assertion, nous nous demandons si la langue utilisée par le romancier ne
varie pas en fonction de sa culture et du lectorat ciblé.

L’écrivain migrant est au moins bilingue; cependant il joue sur les registres de chacune de ces
langues. C’est pourquoi si la langue est un outil de communication et constitue une
composante identitaire, dans la littérature migrante, elle devient une thématique majeure.

3.6. Langue comme clé pour le retour aux origines

Même si leur langue maternelle est le créole, Laferrière, pour ne citer que ce romancier
haïtien, a un rapport particulier à la langue et à la culture française. Un retour sur l’histoire
d’Haïti nous permettra de mieux le comprendre.

La République d’Haïti possède une superficie de 27.750 Km 2 (par rapport au Québec 7.487
169 Km2). Elle partage avec la République Dominicaine (dans la proportion d’un tiers, deux
tiers)le territoire de l’île baptisée Hispaniola par les Conquistadores. La première, Haïti,
située àl’ouest,est francophone; la seconde, la République Dominicaine, ancienne colonie
espagnole, est hispanophone.

Peuplées à l’origine d’Amérindiens (Indiens venus d’Amérique du Sud) rapidement décimés


par les armes et les microbes des Européens, les Antilles ont été colonisées au sens premier du
terme. C’est-à-dire que l’Espagne, la France, l’Angleterre y ont établi des soldats, des
missionnaires, des administrateurs et des indésirables. Par la suite, ces colons ont importé,
contre leur gré, des Africains pour les faire travailler comme esclaves dans l’agriculture (Prat,
1986). Haïti, appelée alors Saint-Domingue, a été une colonie française très prospère tout au
long du XVIIe. Puis l’écho des évènements révolutionnaires qui bouleversaient la France y a

14
suscité une révolte d’esclaves sans précédent. Sous la direction de Toussaint Louverture,
celle-ci devait déboucher en 1801 sur un statut de colonie autonome, que les Français, en
1802, ont tenté d’abolir. L’échec militaire qui s’en est suivi, pour eux, a ouvert la voie à
l’Indépendance, proclamée le 1e janvier 1804.

Inévitablement, à
cause de sa situation
d’ancienne colonie
française, Haïti est
l’un des rares pays des
Caraïbes dont une des
deux langues
officielles est le
français. Ses voisins
immédiats parlent
espagnol ou anglais.

Pour les écrivains


migrants haïtiens, leur
langue est celle du
maître français. Ils
continuent de se
l’approprier, de la
tropicaliser ou de la
créoliser. En ce sens, ils réalisent un vœu ancien exprimé par des théoriciens haïtiens
de l’École de 1836 dans leur manifeste et que Jacques Roumain et Jacques Stephen Alexis,
deux auteurs majeurs de la littérature haïtienne, ont réalisé: brunir la langue sous le soleil des
tropiques.

Étant donné qu’une langue porte et transporte en elle-même des valeurs grâce auxquelles nous
percevons le monde et la place que nous y occupons, la langue française s’est trouvée enrichie
par les multiples voyages que nos écrivains ont effectués de part et d’autre de l’océan. À ce
propos, Ying Chen dans son roman « La rive est loin » aborde cette thématique du retour aux
origines, un incontournable de l’écriture migrante, est exploitée de même ici. L’œuvre analyse
le personnage masculin qui revient dans la ville natale pour y mourir : « On dirait que nous

15
allions nous projeter hors de l’univers, du temps, que nous e reviendrions plus jamais dans la
région, jamais dans la ville de A., dans son lieu de naissance,où il se croyait plus intelligent et
plus en santé que les autres, où un hôpital attendait de l’accueil, car la terre avare, la sienne,
revendiquait le retour de son corps. » (LRL, p. 59). Le retour porte le sceau du deuil et la
terre, hostile, appartient seulement à l’homme comme si la terre même montre la séparation,
crée l’altérité. La disparition de A. représente pour la femme une deuxième perte après celle
de son enfant. L’homme redevient enfant avant de se dissoudre dans la terre des origines.

La mort de A. change aussi les rapports de la femme avec leur maison car elle y trouve
finalement quelque racines et elle arrive à faire face aux parents de A. venus pour déposséder
la femme de leurs biens matériels conjoints. Et pour la première fois, elle a la force de dire
non, de leur tenir tête et d’affirmer son appartenance. Par conséquent, la métamorphose du
couple a comme conséquence le pouvoir d’enraciner même cette femme si peu habituée avec
l’humanité : « j’ai dû les empêcher de m’arracher cette maison, aussi parce qu’elle était mon
foyer et tombeau à la foi. Le moment venu, je comptais descendre dans la cave et rester parmi
les squelettes. Je croyais vaguement appartenir à la collection de A. C’est ici, et non ailleurs,
que se trouvaient mes origines, mon peuple». (LRL, p. 119)

On a vu que la littérature migrante se construit principalement autour de quatre thèmes


centraux: l’identité, la double appartenance culturelle, l’exil et la langue. Ces thématiques ne
sont pas univoques: elles portent et construisent des cultures. C’est dans cette optique que la
littérature migrante est considérée comme “construction de cultures de convergence”. De plus,
ces caractéristiques font en sorte que cette littérature s’inscrit tout à fait dans la postmodernité.

4. Postmodernisme comme construction de culture de convergence et comme phénomène

Le postmodernisme est un courant artistique qui a pris naissance vers la fin du XX ème siècle,
particulièrement dans les années 1980. Il est une “déconstruction” des tendances de la
modernité et la reconstruction d’une autre rationalité.L'écriture migrante est devenue l'un des
emblèmes de la littérature, particulièrement au Québec. Aussi, l'écriture migrante constitue un
courant d'hybridité culturelle, qui «reconnaît une multiplicité des savoirs prenant des
configurations diverses et variées»3.

3
Sherry Simon, Hybridité culturelle, Montréal, L'île de la tortue, éditeur, coll. «Les élémentaires. Une
encyclopédie vivante», 1999, p. 27.

16
À partir du tournant des années quatre-vingt, une variété de voix et de discours critiques
trouvent de nouveaux lieux de publication au Québec, d'abord dans la revue Dérives, fondée
en 1975 et animée par le poète et essayiste d'origine haïtienne Jean Jonassaint, dans la revue
Moebius, fondée en 1977, et chez l'éditeur Guernica à partir de 1979. Ces discours trouveront
un écho critique dans Spirale, fondée en 1979, mais surtout, de 1983 à 1996, dans le magazine
transculturel Vice versa, dans lequel apparaît pour la première fois, sous la plume du poète
Robert Berrouët-Oriol, l'expression «écritures migrantes». Ce dernier note, en 1986, que «la
littérature québécoise contemporaine est encore en train de faire le deuil du discours
identitaire univoque »4.

L'enjeu de cette époque était «la capacité du champ littéraire québécois d'accueillir l'autre
voix, les voix d'ici, venues d'ailleurs, et, surtout, d'assumer à visière levée qu'il est travaillé,
transversalement, par des voix métisses ». Depuis, la littérature québécoise compte des
œuvres-phares issues de cette dynamique, comme L'ingratitude de Ying Chen 5, qui
représentent bien un courant littéraire qui, s'il a inquiété les critiques à ses débuts, est
aujourd'hui devenu partie prenante d'une littérature contemporaine, héritière d'une tradition
d'immigration littéraire dont on a souvent occulté la filiation, au profit de l'effet de nouveauté
provoqué par l'apparition de thèmes, de motifs littéraires et d'une utilisation de la langue
renouvelés.

Une caractéristique du postmodernisme est la “coexistence pacifique” des différences. Ces


dernières se complètent sans pour autant perdre leur originalité. Cette coexistence n’est
exempte ni de conflits ni de souffrances. Ils sont là, certes, mais ceux-ci sont gérés et
deviennent sources de socialisation.

En effet, toute coexistence de cultures est inséparable de situations conflictuelles. Autant elle
soulève des tensions et des déchirements, autant elle pacifie les conduites individuelles ou
collectives et permet une adaptation. Grâce à cette situation des cultures lointaines les unes
des autres se rapprochent en faisant tomber certaines barrières et hiérarchies. La coexistence
des contraires apporte la force, la démocratie, la diversité. A titre d’exemple, citons la société
québécoise que nous connaissons davantage après notre pays d’origine. Le postmodernisme
favorise la pluralité, la cohabitation des appartenances multiples.

4
Robert Berrouët-Oriol, «L'effet d'exil», Vice versa, n° 17, décembre 1986-janvier 1987, p. 20.
5
Ying Chen, L'ingratitude, Montréal/Arles (France), Leméac/Actes Sud, coll. «Générations», 1995, p. 132.

17
4.1 Postmodernisme et postmodernité

Comme étude du concept de modernisme, qui définit une attitude et une pratique artistique
apparues à la fin du siècle passé, on ne peut pas se passer de la discussion du contexte
philosophique, historique, socioculturel, etc. De modernité, notion beaucoup plus large, mais
en étroite, relation avec les voies artistiques et littéraires respectives, le postmodernisme, l'un
des concepts les plus fréquemment utilisés dans la théorie artistique (et pas seulement),
aujourd'hui, ne peut tout simplement pas être encore compris or beaucoup peut être mal
interprété: « il convient de faire une distinction entre la "postmodernité" comme type de
condition humaine (existentielle, mais aussi sociale) et le "postmodernisme" dans aussi
longtemps que littéraire (ou culturel, si vous voulez) actuel »6 . En fait, la liaison entre le
postmodernisme et la postmodernité est beaucoup plus importante qu’on voit les choses dans
le modernisme.

Si les modernistes,
bien qu'ils se
définissent comme
des artistes de leur
temps, synchronisés
avec le progrès du
monde moderne, ils
conservaient
cependant une
forme extrême
d'autonomie
esthétique, l'acte
créateur étant pour
eux, tout aussi pur et impersonnel comme le classicisme. En revanche, les artistes
postmodernes s’accordent beaucoup plus d'attention à l'insertion de leurs œuvres dans la vie
quotidienne, dans les dilemmes éthiques, politiques, religieux monde d'aujourd'hui, de sorte
que le critère esthétique, sacro-saint dans le modernisme devient insuffisant pour le jugement

6
Virgil Nemoianu, «Notes sur l'état de la postmodernité» dans Euresis, 1-2 / 1995, p. 17. Dans la même étude,
Virgil Nemoianu propose l'un des tentatives les plus intéressantes pour systématiser la postmodernité,
caractérisée par neuf éléments principaux.

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et la valorisation d’une œuvre d'art. De ce point de vue, le postmodernisme ferme une grande
boucle dans la culture européenne, revenant à la perception environnementale, utilitaire,
décorative et éminemment dans l'art "démocratique" avant de la révolution romantique.

C’est entre déracinement et enracinement (ici et là-bas, dépaysement), entre déplacements et


stabilité (aujourd’hui, hier et demain, etc.), entre soi et l’autre (moi: exilé, dépositaire,
mémoire, oubli, l’hybride, etc.), entre ruptures et continuités (intérieures, extérieures,
anciennes et nouvelles valeurs, cultures, identités, langues), entre déconstruction et
construction que le migrant s’adapte à sa nouvelle situation. Ces interactions rejoignent la
dynamique postmoderne.

4.2. Vers une « littérature de migration » : un nouveau paradigme de réflexion

Ce survol non exhaustif de


l’évolution en cours ne permet pas
encore de définir avec précision ce
mouvement littéraire mais montre
l’existence de nouveaux chantiers
de réflexion. Dans les paragraphes
suivants, nous nous proposons de
formuler quelques lacunes qui
méritent d’être comblées avant de
creuser davantage la notion de
« littérature de migration ».

Une première lacune concerne le


manque de perspective historique
des études portant sur les
« littératures migrantes » : eu égard
à l’intensité et à la diversité des flux migratoires récents du Sud ou de l’Est vers les pays du
Nord ou du Centre, à l’accélération des déplacements et à l’ouverture des frontières, l’on a
tendance à privilégier l’étude des productions littéraires issues des migrations contemporaines
(postcoloniales). Or, la migration n’est pas un phénomène propre au XXe siècle — aussi
appelé « the age of migration » (Søren Frank)et au XXIe siècle : elle a toujours existé. De

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cette sorte, les « littératures migrantes » ne sont pas le seul fait de la littérature contemporaine.
Or, il est vrai qu’elles étaient beaucoup moins visibles autrefois, ce qui s’explique notamment
par l’importance accordée à l’authenticité des littératures nationales, surtout aux XVIIIe et
XIXe siècles. Les processus de globalisation devraient également inciter « à relire et
considérer sous un jour nouveau des phénomènes interculturels du passé » (Hans-Jürgen
Lüsebrink).

La deuxième lacune a trait au rapport entre le texte et son auteur : la « littérature migrante »
est souvent caractérisée par une forte authenticité. L’écrivain en tant qu’instance biographique
est ainsi censé exprimer ses expériences migrantes dans ses productions littéraires. Les
chercheurs distinguent plusieurs formes de littératures produites par des migrants, allant des
témoignages biographiques qu’ils qualifient de « pré-littéraires » (des lettres, des chansons,
des journaux intimes, etc.) aux « littératures créatives » (des romans, de la poésie) en passant
par des formes intermédiaires tels que le reportage et le récit. S’il est vrai que la production
littéraire des migrants de première et surtout de deuxième génération traduit souvent
l’expérience de l’entre-deux alors que, dans les œuvres des auteurs migrants de troisième
génération, la migration et le migrant se transforment respectivement en un thème (qui finit
par constituer un topos) et en un personnage, la perspective (téléologique d’ailleurs)
qu’adoptent les écrivains implique une forte connotation ethnique de cette production
littéraire.

Or, si l’on recourt, comme critère définitoire de cette « littérature migrante », à l’origine
ethnique ou à la généalogie de l’auteur (dans le cas des auteurs-migrants de deuxième ou de
troisième génération), on se trouve vite ramené à l’ancienne problématique binaire qui sépare
la « littérature migrante » de la « littérature nationale ». D’où naît une autre problématique : la
« littérature migrante » n’est pas le seul fait des migrants, mais peut également être produite
par des auteurs non migrants, s’intéressant par exemple à la thématique de la migration. En
d’autres termes, les non migrants sont des producteurs potentiels d’une « littérature
migrante ». Cela dit, posons-nous les questions suivantes : La généalogie d’un auteur est-elle
un trait constitutif de la « littérature migrante » ? Pourquoi faut-il instaurer une interrelation
entre le lieu de naissance d’un écrivain et ses produits culturels ? Ou encore : il y a un lien
entre les styles, les formes, les langues et les thèmes littéraires, d’une part, et l’origine
ethnique de l’écrivain migrant, de l’autre ? Pourquoi la « littérature migrante » doit-elle
nécessairement présenter des traces biographiques de son auteur ?

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La troisième lacune est d’ordre conceptuel : la prise en compte de l’existence d’une
« littérature migrante » induit aussi un changement important de paradigme conceptuel. À
l’heure actuelle, on propose un mélange de termes permettant de décrire ce type de littérature
dite émergente. Alors que les uns se contentent de concepts généraux tels
« interculturalliterature », ou encore « textes hybrides ». Au demeurant, il convient d’ajouter
des dénominations telles que « écritures immigrantes » et « poétique migrante ». Pierre Halen,
pour sa part, propose de faire la distinction entre « littératures migrantes » et « littératures
(issues) de l’immigration » ou « dites de l’immigration »  Cette réflexion pose de nouveau
problème : Pourquoi lier « migration littérature » à une période déterminée ? La migration
n’est-elle pas un phénomène de tous les temps ?

4.3.Fusionnement de la langue

Animal social, l’être humain se définit par le mouvement, intérieur et extérieur. Celui-ci est
appelé à entrer en relation avec ses semblables, eux-mêmes en constants mouvements et en
transformation. Ces mutations se reflètent dans la littérature migrante publiée au Québec et
ailleurs. Ces écrivains, Dany Laferrière, Ying Chen,pour ne citer que ceux-ci, publient au
Québec des écrits qui dépassent largement les limites géographiques de leur pays de
naissance. Les matériaux qui constituent leurs écrits sont hétérogènes: les lieux sont divers;
les cultures y sont plurielles: elles sont d’ici et de là-bas. Plus que doubles, les personnages
sont le lieu de multiples appartenances. Imaginaires, styles et langues sont métissés. La langue
d’adoption qu’ils utilisent est “reterritorialisée”, c’est-à-dire ajustée, transformée pour chacun
à sa manière personnelle. Pour toutes ces raisons, la littérature migrante s’inscrit dans le
postmodernisme: elle peut être perçue comme un carrefour, un lieu de convergences où se
croisent des personnages et des cultures s’entrechoquent et se transforment sans cesse.
Quoiqu’il en soit, des pistes de recherches ultérieures pourraient s’orienter vers d’autres

écrivains de la francophonie, par exemple, les comparer avec des écrivains migrants qui
publient au Québec. En outre, qu’en est-il des écrivains migrants anglophones? Finalement,
devrait-on continuer à parler de littérature migrante? Dans ce monde désenchanté, les romans

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ne devraient-ils pas nous présenter cette convergence de cultures comme une chance à saisir
et non comme des déchirures?

Conclusions

Quelle migrance?

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Pour conclure, revenons à l’interrogation qui sous-tendmespropos: comment penser la
littérature migrante? Cette question en suscite beaucoup d’autres. Dans quelle mesure
l’identité est-elle formée par les critères d’ethnie, de culture et de pays d’origine? Peut-on
concevoir l’identité comme étant multiple et changeante? Pour mener à bien cette réflexion,
trois facteurs me semblent incontournables.

Premièrement, il faut reconnaître l’hétérogénéité des dispositifs. Il y a différentes sortes de


récits migrants. Les écrits de Ying Chen offrent une perspective sur la migration très distincte
des écrits nostalgiques. Pour les écrivains migrants, la langue n’est donc pas seulement un
outil de communication qui aide à échanger et à mettre en commun leurs idées, leurs pensées
ou un objet qui les caractérise et qui leur permet de s’identifier à un groupe social, mais elle
devient une thématique spécifique comme jel’avais déjà dit plus haut.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier, qu’il y a différents états d’altérité. Il ne faut pas oublier
en effet que pour certaines personnes, il y a un choix délibéré d’émigrer et de modifier son
identité. À cet égard, les écrivains «ne se figent pas dans une position d’exilés stériles, mais
font de cet écart apatride (au sens noble quel que soit leur passeport) un espace médian […]
où se déploie un imaginaire sans frontières, sans limites, pouvant à ce titre accueillir toutes les
appartenances».

Enfin, rappelons que l’émigration touche, ou doit toucher, d’un point de vue ontologique et
éthique, la collectivité. Il est effectivement capital dans un monde de globalisation de
continuer à réfléchir aux questions d’identité et d’altérité. Les sociétés multiculturelles et les
récits qui en découlent produisent la présence et le mouvement non seulement de l’Autre,
mais du Soi et du Nous. Nos sociétés postmodernes, qui prônent lerespect de l’hétérogénéité,
doivent elles aussi être altérées,transformées pour créer un rapport inédit entre le Soi et
l’Autre.

Bibliographie

Référence papier

23
Gilberte Février, « Litterature migrante comme lieu de construction de cultures de
convergence », Carnets, Première Série - 2 Numéro Spécial | 2010, 27- 41.
Georgeta Prada, « Thèse de doctorat »
Chen, Ying. Espèces, Éditions Seuil, 2013
Thúy, Kim,Ru Montréal, les Éditions Expression, 2009
Dany Laferrière, « Pays sans chapeau », éditions Le Serpent à plumes, collection Motifs,
Paris, 1999.
Incendies, 2003 ; Montréal : Leméac ; Arles : Actes Sud-Papiers, coll. « Théâtre » 
Incendies, postface de Charlotte Farcet ; titre d'ensemble : Le sang des promesses ; nouvelle
éd., 2010 ; Arles : Actes Sud, coll. « Babel » ; Montréal : Leméac

Référence électronique

Gilberte Février, « Litterature migrante comme lieu de construction de cultures de


convergence », Carnets [En ligne], Première Série - 2 Numéro Spécial | 2010, mis en ligne
le 16 juin 2018, consulté le 11 mai
2020. URL :http://journals.openedition.org/carnets/4860 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/carnets.4860
Dupois, Gaëtan. 2018. « L'écoute des silences dans Incendies de Wajdi Mouawad ». Postures,
no. 28 (Automne) : Dossier « Paroles et silences : réflexions sur le pouvoir de
dire ». http://revuepostures.com/fr/articles/dupois-28.
« Littérature migrante ou littérature de la migrance ? » À propos d’une terminologie controversée
Ursula Mathis-Moser et Birgit Mertz-Baumgartner, dans Diogène 2014/2-3 (n° 246-247), pages 46 à
61

Janet M. Paterson « Identité et altérité : littératures migrantes ou transnationales? » interfaces


brasil/canadá, riogrande, n. 9,2008
Elien Declercq« Écriture migrante », « littérature (im)migrante », « migration literature » :
réflexions sur un concept aux contours imprécis ; dans Revue de littérature comparée 2011/3
(n°339), pages 301 à 310https://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2011-3-page-
301.htm

Remerciements

Comment une personne peut-elle dire merci à une autre quand ce mot est si simple pour
englober tous les sentiments ?

Cette attestation est l'aboutissement de plusieurs années de recherches et d'aide que j'ai
offertes, consacrées au parti de la littérature migrante et à l'analyse localisée sur cette

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thématique. Je voudrais ici remercier collectivement ou nommément certaines des personnes
qui m'ont guidée et accompagnée sur ce chemin plein de détours. Je pense d'abord à tous les
professeurs et élus rencontrés dans mes années de lycée. À tous ceux qui m’ont gratuitement
consacré de leur temps, à tous ceux qui ont simplement pris la peine de remplir un modeste
questionnaire, je veux dire ici mes plus sincères remerciements. À Bini qui a été une personne
plus meilleure que je ne le suis, même s'il est un lapin. J’espère simplement que ceux d'entre
vous qui auront la possibilité d'avoir entre les mains cette attestation n’auront pas trop
l’impression d’avoir été trahis par le regard objectivant et parfois froid d'une compilatrice, et
qu'ils seront prêts à retenter dans l’expérience et l'aventure que j'ai passées. Merci aussi à
madame Prada pour sa lecture attentive et souvent attentionnée d'une première version plus
académique de ce travail. Je ne peux taire plus longtemps sur la gratitude particulière que j’aie
vis-à-vis de quelques êtres chers. Ma meilleure amie d’abord qui a transformé une aventure
intellectuelle individuelle en aventure collective et qui m’a obligée à me tenir sans cesse à
l’écoute de la production de son doctorat. Ma famille enfin pour m'avoir formée et sans qui ce
livre ne serait sans doute pas. Pourrait-elle une fois pour toute accepter ma reconnaissance de
dette ! Et encore une fois, ma deuxième mère qui a tant enduré et à qui cette attestation est
dédiée. Et en plus, je la dédie à la plus forte personne que je connaisse: moi!

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