Les nouvelles stations

1. FISCAL ET COMPTABLE
de dessalement de l’eau de mer
au Maroc :
Etude critique des modèles juridique
et financier et proposition de règles
comptables et fiscales particulières

MOHAMED SAAD ASRI

Ancien Manager au sein d’un Cabinet d’Audit
Accounting & Tax Director
International
à Nareva Group

Cet article reprend les résultats du travail de recherche réalisé par Mr Mohamed Saad ASRI dans le cadre du Cycle d’Expertise
Comptable de l’ISCAE. Ce travail, encadré par Mr Mohamed HDID Expert Comptable, a fait l’objet d’une soutenance publique
lors de la session de Novembre 2022 et a obtenu la mention très honorable avec les félicitations du jury.

Amplifiée par le stress hydrique, la pénurie d’eau est un
phénomène planétaire. Plus de 2 milliards de personnes
vivent dans des pays soumis à un stress hydrique élevé
et environ 4 milliards de personnes font face à une grave
pénurie d’eau au moins un mois par an.
Ce stress hydrique ira en s’exacerbant à mesure que
la demande en eau augmentera et que les effets des
changements climatiques s’intensifieront. Au Royaume,
les conséquences du stress hydrique et de la pénurie
d’eau sont de plus en plus ressenties, particulièrement
depuis Juin 2022 comme en témoignent les débats de
préoccupation nationale.
Bien que cela ne soit pas de bon augure, la prospérité du
dessalement de l’eau de mer trouve son sens dans cette
situation précise où l’eau conventionnelle ne suffira pas
à tout le monde. En effet, face à ce fléau, le dessalement
de l’eau de mer se présente comme une solution viable
et durable.
Cette prospérité est consolidée davantage, au Maroc, par le
rôle central attribué à l’eau dans la production de l’énergie
du futur. En effet, le dessalement de l’eau de mer se trouve
au cœur de la production de l’hydrogène vert qui consiste
en l’électrolyse de l’eau douce.
Dans ce contexte mélangeant menaces et opportunités, le
Royaume a fait du dessalement de l’eau de mer un pilier
de sa stratégie hydrique. Cette stratégie est mise en œuvre
par la construction ou la planification de construction de
nouvelles stations de dessalement de l’eau de mer sous
un modèle bien particulier sur les plans juridique, financier,
comptable et fiscal.
1) Un modèle juridique au carrefour de lois et
forcément en PPP
Le modèle juridique des nouvelles stations de dessalement
de l’eau de mer est multi-source dans le sens où il obéit à
plusieurs lois de manière concomitante. En effet, (i) l’activité
de dessalement de l’eau de mer est réglementée par loi 36-
15 relative à l’eau, (ii) le contrat de partenariat public-privé
est régi par la loi 86-12 relative aux partenariats public-privé
en plus (iii) d’un recours aux lois spécifiques notamment
celles liées aux énergies et à l’agriculture ainsi qu’à la
réglementation de la domanialité de l’Etat.
Le contrat PPP, ossature juridique du modèle
L’expérience du Maroc dans les partenariats avec les
opérateurs privés est longue et pourrait être qualifiée de
« ad-hoc » puisque ces derniers ont été développés en
dehors d’un cadre juridique spécifique. Ces partenariats,
sous forme de concession et de gestion déléguée, ont
souvent été conclus sur la base de lois sectorielles (énergie,
transports, construction et gestion des ports, etc.) ou sur la
règlementation relative à la délégation de services publics.
Toutefois, ces partenariats basés sur les lois sectorielles
ne sont pas suffisamment adaptés à la nature globale d’un
projet de dessalement de l’eau de mer du fait qu’ils ne
s’appliquent -souvent- qu’à un secteur particulier, et que

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les projets de dessalement ont par nature une vocation
multisectorielle (eau, agriculture, énergie). Cette pluralité de
secteurs entravait le développement d’un projet du fait des
conflits de lois que pourrait soulever l’application des textes.
C’est en réponse à cela qu’intervient la loi n° 86-12
relative au partenariat public-privé du 5 février 2015 (La
“Loi PPP”). Ce type de partenariat, de par son caractère
général et global, peut couvrir des projets multisectoriels
et peut être conclu par l’État, les établissements publics
de l’État et les entreprises publiques. En outre, la loi 46-
18 a élargi le champ d’application de la 86-12 pour couvrir
également les collectivités territoriales, leurs groupements
ou les personnes morales de droit public relevant de
ces collectivités.
Le partage de risque, une étroite liaison avec
le Tarif d’eau
Dans un projet de dessalement de
l’eau de mer, comme dans d’autres
projets en PPP, l’affectation entre la
personne publique et le partenaire
privé de la prise en charge des
Dans les contrats
différents risques, susceptibles de
survenir durant la vie du projet, est PPP établis
une réelle problématique. Il s’agit
à titre d’exemple des risques liés sous la loi 86-12,
au financement, au marché, à la
disponibilité du site, au changement les biens nécessaires
des lois, à la force majeure, etc.
Le principe de partage des risques
à l’exploitation
consiste à ce que, face à un
risque donné, la partie la mieux
et la continuité
informée, donc la mieux placée
pour le maîtriser, pourra l’assumer
du service public
à moindre coût. Or, il convient de
noter ici que pour le partenaire
ne sont transférés
privé, ce principe signifie juste qu’il
doit supporter les risques qu’il
au profit de la
peut contrôler, sans pour autant
avoir à supporter les risques que
personne publique
la personne publique ne peut pas
contrôler. qu’à la fin du contrat
Par exemple, parfois il est considéré
que parce qu’un risque de
changement de lois ou un risque
de force majeure ne peut pas être
contrôlé par la personne publique, le partenaire privé doit le
prendre en charge. Alors qu’un risque de changement de loi
ou de force majeure ne peut être maîtrisé par le partenaire
privé non plus. Par conséquent, ces risques qui ne peuvent
être contrôlés par aucune des deux parties sont sujets à
négociation.
En ce sens, sauf dans le cas où la Value for Money « VFM »
s’accroîtrait, suite au transfert de ces risques au partenaire
privé, ces risques pourraient être supportés par la personne
publique. D’autre part, le fait que le partenaire privé assume
les risques de changement de loi ou de force majeure
n’entraînerait qu’une augmentation du Tarif à payer dans le
cadre du contrat PPP.
Les conditions de réexamen des conditions financières
du contrat PPP
Dans l’esprit des contrats PPP, afin de préserver l’équilibre
14 LETTRE D’ARTEMIS 1er TRIMESTRE 2023
économique et financier du contrat, le projet est considéré
statique sur la durée, et aucun changement dans ses critères
de performance n’est censé avoir lieu durant la période du
contrat. En effet, le contrat PPP ne peut pas prévoir une
manière normale de modifier les conditions financières
parce que la modification du projet pendant la période
d’exploitation elle-même n’est pas normale. Autrement dit,
les arguments qui plaideront pour l’opportunité de l’une
des parties de réexaminer les conditions financières dans
le cadre d’un contrat PPP seront contradictoires avec les
caractéristiques particulières de ces conditions (Processus
de l’appel d’offres, l’approbation du modèle financier, etc.),
voire l’essence même d’un projet en PPP, notamment
sa fixité.
Face à ces situations, l’une des parties plaidera pour le
recours à des cas similaires pour réexaminer les conditions
financières. À notre avis, cette
approche n’est pas appropriée,
parce que chaque sponsor a sa
propre fourchette de prix qu’il peut
justifier en premier lieu. De plus,
étant donné que l’évaluation du
contrat est faite nécessairement sur
la base d’une comparaison entre la
VFM et le TRI (Taux de rendement
interne), la considération des cas
similaires ne peut jamais servir de
norme objective.
En effet, les conditions financières
d’un contrat PPP ne peuvent être
justifiées que par des facteurs pris
en compte dans le processus d’appel
d’offres au stade de la sélection du
sponsor. Par conséquent, justifier
la modification du tarif par tout
autre moyen ne peut jamais être
soutenu théoriquement.
Seules des négociations autour
du modèle financier par le bais
d’itération entre le TRI et la VFM en
cherchant à rétablir leur rapport
initial, sont susceptibles de mener
vers un accord équitable entre
les deux parties. Il est à préciser
que la loi 86-12 ne prévoit pas
explicitement les cas où l’équilibre
du contrat doit être rétabli.
2) Quelles sont les particularités du modèle financier ?
Financement de projet, pierre angulaire du modèle
La source de richesse, dans le financement de projet, est la
même que dans un projet PPP en raison de l’amélioration
du TRI des fonds propres du sponsor grâce à l’effet de levier.
En effet, avec le financement de projet, le pourcentage de
richesse réalisé par le sponsor du projet en PPP devient
plus important et une partie de ce surplus pourrait être
transmise à la personne publique par la baisse du tarif de
l’eau dessalée.
Ainsi, il ne serait pas exagéré de dire que l’avantage du
financement de projet se résume à l’amélioration du TRI de
ses fonds propres.
Quels sont les facteurs des coûts de l’eau dessalée ?
La taille de la station : Les coûts d’exploitation et de
maintenance et les coûts de construction des usines de
dessalement contribuent pour environ 50 %, chacun, du
coût de l’eau, et compte tenu du plafond des économies
d’échelle du coût de construction de 200.000 m3/j,
la taille optimale d’une usine de dessalement dans la région
MENA serait comprise entre 400.000 et 600.000 m3/j, et
dépendrait étroitement de la qualité de l’eau de mer ;
La disponibilité de la station : Le coût de la production
d’eau réagit à la disponibilité des installations par une
fonction décroissante, en effet, selon à un examen de
certaines des plus grandes usines de dessalement par
osmose inverse en Espagne, le coût de l’eau pour ces usines
augmente significativement avec la
diminution de leur disponibilité ;
La qualité de l’eau cible a un
impact aussi considérable sur
l’usine de dessalement en termes Le rescrit fiscal
ressort même de
de conception et de coûts. En
règle générale, plus l’exigence
de la qualité de l’eau à produire
est élevée, plus les coûts de l’eau l’ensemble des
dessalée sont chers.
Le cout de l’énergie 
: Le
contrats
de Partenariat
dessalement basé sur l’utilisation
de sources d’énergie renouvelables
peut fournir des productions, à
long terme, d’eau douce et devrait Public-Privé
devenir économiquement attractif
dans un avenir proche, car les coûts comme une clause
des technologies de production
d’énergie renouvelable continuent suspensive à leur
de baisser et les coûts des
combustibles fossiles augmentent entrée en vigueur
avec le temps. La flambée des
prix de charbon en raison du
conflit russo-ukrainien en est un
parfait exemple.
Des profils de risque passés au crible
Les principaux risques du projet pris en compte par les
institutions prêteuses lors de la détermination de leur
intérêt et leurs conditions (c’est-à-dire le coût du capital)
pour le financement de projet de dessalement sont ceux liés
aux autorisations ; aux droits ; à l’alimentation électrique ;
de construction ; à la source d’eau ; technologiques ;
réglementaires ; opérationnels ; liés à la demande en eau
dessalée et financier.
Généralement, les institutions financières fixent les taux
d’intérêt en rémunération des fonds qu’elles prêtent au
projet et la structure financière acceptable du projet, sur la
base d’une évaluation des profils de risque du projet. Afin
de fournir un financement à un taux compétitif, pour un
projet de dessalement donné, les institutions financières
exigent des garanties solides que (i) le projet sera autorisé et
construit dans les délais convenus et de manière efficiente,
(ii) le tarif de fourniture de l’énergie sera proportionné aux
conditions du marché à usage industriel, (iii) l’exploitation
et la maintenance de l’usine de dessalement seront
menées par un personnel qui a une expérience réussie
dans le dessalement de l’eau de mer et (iv) que les risques
réglementaires et d’autorisation du projet doivent être
minimes et gérables à des coûts raisonnables. En outre, les
institutions financières exigent que l’utilisateur final de l’eau
dessalée (organisme public) et la société de projet signent
1. FISCAL ET COMPTABLE
un contrat d’achat d’eau juste et équilibré et qui répartit
équitablement les risques entre les deux parties.
3) La question de la comptabilité applicable au modèle
Bien entendu, la comptabilité d’une station de dessalement
de l’eau de mer est régie par les règles de droit commun
constituées par les dispositions de la loi n 9-88 relative
aux obligations comptables des commerçants ainsi
que par les prescriptions du Code Général de la
Normalisation  Comptable. Toutefois, le développement
de ces stations dans le cadre de
la loi 86-12 relative au Partenariat
Public-Privé, interpelle la question
de la comptabilité applicable
audit modèle, et ce, à l’instar de la
concession de services publics qui
a fait l’objet de la publication par le
Conseil National de la Comptabilité
de l’avis N°4 en 2005 afin de fixer
les normes comptables applicables
aux concessions ou gestion
déléguée des services publics.
En pratique, du côté de la personne
publique comme du côté du
partenaire privé, et en l’absence
d’un cadre normatif comptable et
dédié aux contrats de Partenariat
Public-Privé, l’applicabilité même de
l’avis N° 4 au contrat de Partenariat
Public-Privé est une question qui
n’est pas des moindres et favorisée
par des éléments du contexte dont
nous pouvons citer :
La mémoire institutionnelle
des concessions des services
publics au Maroc : L’instauration
du régime des contrats de PPP est loin d’être une création
ex nihilo. Au contraire, ce régime est venu enrichir une
longue expérience du Royaume en matière de concession
de services publics et de leur gestion déléguée dont l’avis
n°4 du CNC constitue la référence en matière comptable.
La démarche juridique ayant prédominé l’élaboration
des premiers contrats PPP : Afin de préserver le savoir
construit en matière de concession et de gestion déléguée
des services publics, le contrat type de ces dernières
a été retenu comme trame de départ pour concevoir
le nouveau modèle du contrat de Partenariat Public-
Privé. Ainsi, la modification des clauses contractuelles et
des annexes y afférentes a été opérée à la lumière des
pratiques à l’international et dans le strict respect du cadre
réglementaire marocain, notamment de la loi 86-12. Parmi
les clauses et annexes ayant alimenté les débats, figuraient
celles relatives au régime comptable applicable dans la
mesure où, à défaut de justification de l’inapplicabilité de
l’avis n°4, il en sera retenu d’office.
Est-ce que l’avis n°4 du CNC prend en charge les
apports de la loi PPP ?
Le cadre PPP n’a été institué au Maroc qu’en 2015 afin
d’apporter des nouveautés juridiques pour dynamiser les
15
Partenariats Public-Privé (au sens large). Il s’agit, entre autres,
de celles permettant d’améliorer la bancabilité des projets à
savoir : (i) la constitution de droits réels sur les biens formant
l’ouvrage en faveur du partenaire privé et (ii) la garantie de
la demande. A ce jour, la station de dessalement de l’eau
de mer de Dakhla est le seul contrat PPP signé.
La prise en charge, par l’avis n°4 du CNC, de ces nouveautés
ou principes n’est pas explicitement écartée par ce
dernier. En effet, ledit avis ne traite ni de la propriété de
tous les biens formant l’ouvrage ni de la garantie de
la demande.
En matière des biens formant l’ouvrage, l’avis n°4 du
CNC distingue entre les biens de retour et les biens
de reprise.
Ainsi, il définit les premiers comme « ceux qui
doivent obligatoirement revenir au concédant à
la fin de la concession ». Bien que le retour des
biens au concédant suppose leur mise à disposition
initiale, l’avis ne traite pas de manière explicite
de la propriété de ces biens.
Or, la propriété est mise en avant pour la définition des
seconds (Biens de reprise) qui revient au concessionnaire.
En effet, ledit avis définit les biens de reprise comme « ceux
qui, affecté aux services publics, pourront devenir, en fin de
concession, la propriété du concédant …. Ces biens appartiennent
au concessionnaire pendant la durée de la concession ».
Ces définitions trouvent leur sens dans le fait que l’avis
n°4 du CNC a été établi sous l’emprise du schéma BTO
qui ressort des réglementations de la concession et de
la gestion déléguée des services publics et qui est une
conséquence directe des contraintes domaniales. En effet,
le régime des concessions établit la propriété des biens
formant l’ouvrage et nécessaires à la continuité du service
public au profit du concédant à l’achèvement des travaux
de construction et, par conséquent, leur incorporation
au domaine public de l’Etat. Cela est matérialisé par la
remise des clés par le concessionnaire au concédant à
l’achèvement des travaux de construction, et ce, avant le
début de la période d’exploitation.
Par conséquent, l’identité de l’apporteur des biens importe
peu puisqu’ils seront systématiquement transférés à la
propriété du concédant avant la phase de l’exploitation, et
ce, à partir du moment où ils sont nécessaires à la continuité
du service public. C’est pour cette raison-là que l’avis n°4 du
CNC les a définis comme tels et stipule leur comptabilisation
en dehors des immobilisations corporelles en mettant en
jeu la prééminence de la forme juridique.
Or, dans les contrats PPP établis sous la loi 86-12, les biens
nécessaires à l’exploitation et la continuité du service public
ne sont transférés au profit de la personne publique qu’à
la fin du contrat. Ce régime est introduit par son article 24
qui stipule que « les biens réalisés ou acquis par le partenaire
privé et qui sont nécessaires à l’exploitation et à la continuité
du service public sont transférés de droit à la propriété de la
personne publique à l’expiration du contrat de partenariat
public-privé, qu’elle qu’en soit la cause. »
En définitive, même en application de l’avis n°4 du CNC,
les biens formant l’ouvrage et qui sont nécessaires à
la continuité du service public ne peuvent être traités
comptablement comme de retour, tel qu’il y est stipulé,
parce que leur propriété revient au Partenaire Privé.
Par conséquent, ces biens doivent être traités, à notre
avis, dans le cadre du droit commun. Cet avis peut être
réconforté par les prescriptions du même avis au titre des
biens de reprise où la faculté de reprise par le concédant
en fin de contrat n’a pas altéré le traitement comptable
dans le cadre du droit commun.
En matière de la garantie de la demande, à partir du moment
où l’avis n°4 ne le prend pas en charge, la portée comptable
de cette dernière doit être maîtrisée. En effet, ledit avis ne
traite pas des opérations courantes de l’exploitation des
concessions en raison de leur caractère classique où le
revenu est perçu auprès des usagers.
La garantie de la demande, à travers le caractère fixe du
Tarif, est de nature, en effet, à interpeller le traitement
comptable des contrats à long terme prévus par le CGNC.
À notre avis, en raison de (i) la propriété par le Partenaire
Privé de la station de dessalement jusqu’au terme du
contrat et (ii) la garantie de la demande en eau dessalée par
la personne publique, l’application de l’avis n°4 du CNC n’est
pas adaptée aux contrats de Partenariat Public-Privé.
Deux méthodes comptables demeurent applicables :
Compte tenu (i) des caractéristiques du contrat de
Partenariat Public-Privé de droit marocain, (ii) des pratiques à
l’international et (ii) des dispositions normatives marocaines,
la comptabilité des contrats de Partenariat Public-Privé peut
être tenue selon deux méthodes :
La méthode classique représente le scénario conservateur,
dans la mesure où le profil du résultat est progressif durant
la vie du contrat. Cette situation est principalement due à
la prise en charge des frais financiers à partir du tableau
d’amortissement. Cette méthode consisterait à ce qui suit :
• L’ouvrage est comptabilisé en immobilisations corporelles
de l’entité propriétaire, puis les corrections de valeur
nécessaires sont constatées ;
• Pendant la phase d’exploitation, les prestations fournies
par l’opérateur sont comptabilisées à leurs livraisons ;
• Les intérêts financiers sont pris en charge d’après le
tableau d’amortissement de la dette.
La méthode des contrats à long terme à l’avancement, bien
qu’elle soit normativement conforme, pourrait être qualifiée
de progressiste dans une perspective où le profil du résultat
est constant (voire dégressif en cas d’indexation du tarif à
l’inflation).

16 LETTRE D’ARTEMIS 1er TRIMESTRE 2023

Bien entendu, ceci est dû à l’étalement des frais financiers
sur la durée du contrat.
Cette méthode consisterait à ce qui suit :
• L’ouvrage est comptabilisé en immobilisations corporelles
de l’entité propriétaire, puis les corrections de valeur
nécessaires sont constatées ;
• Pendant la phase d’exploitation, les prestations fournies
par l’opérateur sont comptabilisées à l’avancement,
selon les modalités liées aux contrats de long terme.
Cette méthode permet d’étaler les frais financiers et les
amortissements sur la durée du contrat.
4) Fiscalité des nouvelles stations de dessalement de
l’eau de mer, des risques nombreux mais atténuable
La fiscalité applicable aux nouvelles stations de dessalement
de l’eau de mer est régie par les dispositions du code
général des impôts, les dispositions réglementaires prises
pour son application et de la loi 47-06 relative à la fiscalité
des collectivités territoriales. En effet, en sus de quelques
dispositions réservées à l’industrie de dessalement, le régime
fiscal du droit commun et les mesures d’encouragement
non sectorielles s’appliquent -en principe- ces stations.
Un vide législatif atténué par la doctrine applicable à
la concession de services publics
A l’image des concessions et gestion déléguée de service
public, le législateur n’a pas prévu un régime fiscal adapté
aux opérations des contrats de Partenariat Public-Privé.
Sauf que contrairement aux premiers dont le régime fiscal a
été abordé par la doctrine fiscale à travers la circulaire 717,
la fiscalité du contrat de Partenariat Public-Privé fait face à
un silence de plomb.
Devant cette situation, l’applicabilité de ladite doctrine
demeure la première question à poser. En effet, il est
recommandé que l’analyse fiscale d’une station de
dessalement en PPP soit fondée sur l’existant en matières
législative et doctrinale de manière à étudier pour chaque cas
de figure la possibilité de recourir au régime concessionnel
qui, quoi qu’il en fût, demeure très proche fiscalement.
Force est de constater que l’intérêt de l’option pour le
régime des concessions pour la société de projet est non
négligeable dans la mesure où il lui permettra (i) d’amortir
les biens non renouvelables sur la durée du contrat et de (ii)
reporter indéfiniment la fraction du déficit correspondant à
cet amortissement.
Pour ce faire, la société de projet pourrait s’appuyer sur les
arguments de ressemblance entre les contrats de Partenariat
Public Privé et la concession (Durée du contrat, existence
d’un service public, etc.) dans la mesure où l’amortissement
de caducité est, avant tout, un mode d’amortissement qui a
été admis en déduction, afin de permettre la reconstitution
des capitaux investis par le concessionnaire. Cette
reconstitution est applicable à parfaite mesure au contrat
de Partenariat Public-Privé et relève de son essence même.
Toutefois, par prudence, cette option est tributaire de la
capacité de la société à démontrer sa conformité avec les
conditions requises en matière de traitements juridique et
comptable des biens formant l’ouvrage objet du partenariat,
à l’instar de ce qui est prévu par la loi n°54-05 relative à la
gestion déléguée des services publics du 14 février 2006 et
de la norme comptable édictée par le CNC à cet effet.
Quels sont les facteurs de risques fiscaux :
L’insuffisance du cadre fiscal est, à notre avis, le principal
1. FISCAL ET COMPTABLE
facteur de risque tant que ni le législateur –primairement-
ni la doctrine –subsidiairement- ne traitent des contrats
de Partenariat Public-Privé à titre propre. Ainsi, ce vide
renvoie systématiquement à la tentative de l’adoption des
dispositions doctrinales des concessions et de la gestion
déléguée des services publics. Or, ce même régime est
porteur de risques dans la mesure où :
• Historiquement, certains projets similaires avaient évolué
sous le cadre « BTO : Built Transfer and operate » et,
avaient soulevé le facteur de risque avéré au titre de la
TVA sur les biens d’investissement ;
• Certaines opérations de vérification fiscale initiées par les
services de l’administration fiscale ont érigé ce facteur de
risque en guise de projet de chef de redressement ;
Par ailleurs, la fiscalité de l’eau n’échappe pas à la largesse du
champ interprétatif qui émane de l’équivocité de quelques
textes fiscaux en matière de TVA et de la fiscalité locale.
En outre, le mix dessalement-énergie tel qu’il ressort de
l’analyse du modèle n’est pas prévu par les mesures fiscales
d’encouragement réservé à l’industrie de dessalement.
La conjugaison de ces facteurs donne naissance à de
nombreux risques fiscaux de nature à compromettre la
pérennité du modèle. Par conséquent, le rescrit fiscal
est considéré comme un outil de mitigation de risque
non négligeable.
Le rescrit fiscal, identification des risques en vue de leur
mitigation par la mise en jeu du partage de risque
A l’instar des grands projets d’infrastructure, le traitement
fiscal des opérations envisagées dans le cadre du projet, en
matière d’impôt sur les sociétés (IS), de taxe sur la valeur
ajoutée (TVA), des droits d’enregistrement (DE), de taxe
professionnelle (TP) et de taxes sur les services communaux
(TSC), est souvent complexe et doit être minutieusement
analysé dans la phase du développement du projet, voire
avant la soumission de l’offre. Le rescrit fiscal, ou la demande
de consultation fiscale préalable, prévue par l’article 234
quarter du CGI, trouve son sens dans pareilles circonstances
en permettant de réduire le champ interprétatif lié aux
particularités fiscales du projet par la prise en compte de la
position de l’administration fiscale.
Le rescrit fiscal ressort même de l’ensemble des contrats
de Partenariat Public-Privé comme une clause suspensive à
leurs entrées en vigueur. Il s‘agit d’une démarche juridique
visant à réduire les risques réglementaires de manière à ce
que le risque résiduel fasse l’objet d’un partage de risque,
lors de la négociation :
• Stabiliser les hypothèses fiscales du modèle financier ;
• Asseoir une base de négociation entre la Personne
Publique et le Partenaire privé en matière de prise en
charge du risque fiscal résiduel.
En définitive, signalons que, d’après le programme national
pour  l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation,
le pipeline du Ministère de tutelle regorge de projets de
dessalement (une vingtaine d’ici 2030). Cette prolifération
fera naitre de nouvelles problématiques au fur et à mesure
que le modèle des nouvelles stations de l’eau de mer gagne
en maturité.
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 www.artemis.ma
N° 26 - 1 ER Trimestre 2023 BULLETIN TRIMESTRIEL D’INFORMATION JURIDIQUE ET FISCALE

1. Fiscal et comptable
LES NOUVELLES STATIONS
DE DESSALEMENT DE
L’EAU DE MER AU MAROC :
Modèles juridique & financier
et proposition de règles comptables
et fiscales particulières
SÉCURITÉ JURIDIQUE
EN DROIT FISCAL MAROCAIN :
Analyse critique et recommandations
de renforcement

2. Juridique
RÉFORME DU DROIT DE
LA CONCURRENCE AU MAROC :
Principaux apports des lois n°40-21 et n°41-21

L’ETAT ET LE RÉGULATEUR SECTORIEL

DES TÉLÉCOMMUNICATIONS :
Une affaire de co-régulation ou
de régulation consolidée
LA RESPONSABILITÉ DU BANQUIER
EN SA QUALITÉ DE COMMETTANT

Conseil de la concurrence :
Une régulation évolutive pour
une économie plus compétitive
M. AHMED RAHHOU
Président du Conseil de la concurrence