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MINISTERE DE LA COMMUNICATION

MINISTRY OF COMMUNICATION

MONTEE DES DISCOURS DE HAINE ET LES MESURES

PRECONISEES PAR LE GOUVERNEMENT POUR Y FAIRE FACE

PROPOS LIMINAIRE
DE
S. E. M. RENE EMMANUEL SADI
MINISTRE DE LA COMMUNICATION,
PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT

Yaoundé, le 17 mai 2023

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Monsieur le Président de la Commission Nationale pour la

Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme ;

Monsieur le Ministre de l’Administration Territoriale;

Mesdames et Messieurs les Professionnels des Médias ;

Distingués Invités ;

Mesdames, Messieurs ;

Je vous souhaite une cordiale bienvenue ici dans la Salle,

Auditorium du Ministère de la Communication, à l’occasion de cette

Conférence de Presse conjointe, qui va porter pour l’essentiel sur la

montée vertigineuse des discours de haine dans notre pays, et les

mesures que le Gouvernement de la République entend prendre,

pour faire face à ce grave péril qui menace la stabilité de notre

tissu social, de même que les valeurs cardinales de la République,

auxquelles nous sommes attachés.

Je veux saluer à cette occasion, pour m’en féliciter, la présence à

cette importante rencontre avec la presse, de Monsieur Peter

MAFANY MUSONGUE, Président de la Commission Nationale pour la

Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme, et celle de

Monsieur Paul ATANGA NJI, Ministre de l’Administration

Territoriale, qui pourront prendre la parole tout à l’heure, afin

d’apporter leurs points de vue, et des éclairages supplémentaires

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sur ce sujet sensible, qui constitue en ce moment une réelle

préoccupation.

Mesdames, Messieurs;

Depuis plus d’une décennie, le monde entier assiste à un

déferlement sans précédent des discours de haine dans l’espace

public, amplifiés par l’extraordinaire développement de l’Internet et

des réseaux sociaux, et portant gravement atteinte aux valeurs

démocratiques, à la paix sociale, et partant à la stabilité des Etats.

Cette situation génère des défis complexes pour nos sociétés, au

moment même où l’emprise du numérique impacte la diffusion des

informations à travers les médias, et que les dynamiques en cours

dans le monde ont fait émerger de nouveaux types de

comportements.

La Communauté Internationale a pleinement pris conscience de

cette grave menace, au point que l’UNESCO, en sonnant l’alerte, a

jugé utile de donner une définition conceptuelle de ce phénomène.

Pour l’UNESCO en effet, le discours de haine est considéré comme

« tout type de communication, orale ou écrite ou de comportement,

constituant une atteinte ou utilisant un langage péjoratif ou

discriminatoire, à l’égard d’une personne ou d’un groupe, en raison

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de leur identité, en d’autres termes, de l’appartenance religieuse,

de l’origine ethnique, de la nationalité, de la race, de la couleur de

peau, de l’ascendance, du genre ou d’autres facteurs constitutifs de

l’identité ».

De ce point de vue, il va sans dire que la lutte contre les discours

de haine doit être perçue comme une priorité absolue pour la

sauvegarde de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que la

préservation des valeurs de paix, d’unité et du vivre-ensemble.

Raison pour laquelle, la Communauté internationale en fait

aujourd’hui une cause commune et en appelle à une mobilisation

tous azimuts contre les discours de haine à l’échelle planétaire.

Aussi sommes-nous, à maints égards, concernés.

Alors que nous nous apprêtons à célébrer le cinquante-et-unième

anniversaire de la Fête Nationale de l’Unité, l’on assiste ces

derniers temps, à une montée en puissance de ce fléau dans

l’espace national, au point qu’il est devenu, à la fois impérieux et

urgent, de tirer la sonnette d’alarme, et d’appeler les uns et les

autres à une prise de conscience collective des conséquences

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néfastes de l’enracinement de telles pratiques dans les usages

quotidiens.

L’ampleur de ce phénomène est telle qu’il atteint tout le corps

social, qu’il s’agisse des hommes ou des femmes, des adolescents,

des jeunes ou des adultes.

Les acteurs de la société civile, les intellectuels, les hommes

politiques, les activistes de tous ordres, les lanceurs d’alerte et

autres influenceurs comptent, il faut le relever, parmi ceux qui

alimentent et entretiennent ce climat malsain et déplorable.

Parmi les manifestations les plus courantes des discours de haine

dans notre pays, il y a la discrimination et la stigmatisation

ethniques et sociales, le tribalisme, les revendications

irrédentistes, les appels à la sédition, et parfois au génocide, les

violences à l’encontre du genre et des minorités, et j’en passe.

Ces discours de haine s’expriment par ailleurs avec véhémence à

travers les canaux médiatiques, tant dans les médias

conventionnels (presse écrite, radio, télévision), que dans les

médias en ligne, mais surtout dans les réseaux sociaux.

Bien évidemment, nombre de causes peuvent être à la base de tels

comportements.

Je citerai en premier, l’environnement socio-économique où le coût

de la vie, une certaine précarité offrent un prétexte facile à

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certains pour vilipender les mieux nantis et crier à l’injustice

sociale.

Il y a aussi les enjeux de la vie politique, où pour certains, la

convoitise effrénée du pouvoir a pris le pas sur le débat d’idées,

faisant fi des règles basiques du jeu démocratique, transformant

l’arène politique en un champ de bataille où priment la haine,

l’invective, la violence verbale, la mauvaise foi, l’incitation à

l’insurrection, l’intimidation, les menaces de toute nature et bien

d’autres dérives.

L’une des illustrations à déplorer ces dernières années aura été

cette soi-disant Brigade Anti-Sardinards qui s’est faite remarquer

par de nombreux actes condamnables à l’Etranger, qui ont

gravement porté atteinte à l’image du Cameroun.

On pourrait rappeler sans s’y attarder outre mesure : le saccage de

nos Ambassades, des manifestations inopportunes contre les

visites du CHEF DE L’ETAT à l’Etranger, l’appel au boycott des

manifestations culturelles organisées par des artistes de certaines

régions ou sympathisants de certaines formations politiques,

autant d’actes et de comportements de nature à semer la discorde

et la haine.

Il y a en outre la montée des replis identitaires qui battent en

brèche le sacro-saint principe maintes fois proclamé et rappelé par

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LE CHEF DE L’ETAT, principe qui veut que tout citoyen camerounais

se sente chez lui où qu’il soit au Cameroun.

On voit naître malheureusement de plus en plus, divers conflits :

entre autochtones et allogènes, nés en particulier de

revendications foncières ; entre agriculteurs et éleveurs, autant de

situations qui procèdent du tribalisme et de la xénophobie. En un

mot, des situations qui se traduisent par le rejet de Camerounais

par d’autres Camerounais.

Dans le registre des faits marquants susceptibles de fragiliser

l’Etat, il convient également de mentionner le recul des valeurs

républicaines et morales qui constituent le socle des pré-requis sur

lequel reposent la solidité et la stabilité de notre pays, à savoir la

paix, l’unité et l’intégrité nationales, le respect des Institutions et

de ceux qui les incarnent.

Aux causes que je viens de mentionner, on pourrait ajouter

l’ensemble des à priori anthropologues, des préjugés sur la base

desquels des groupes ethniques se conférent une prééminence sur

d’autres, s’adjugeant de ce fait un droit à des privilèges particuliers

au sein de la Nation. Ce qui engendre parfois de la disharmonie,

voire des heurts dans la cohabitation inter-ethnique et requiert que

nous affirmions qu’il n’y a pas d’ethnies supérieures ou inférieures

au Cameroun, et que toutes les composantes ethniques sont égales

dans notre pays.

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C’est dire, Mesdames, Messieurs, que l’existence et l’exacerbation

des discours de haine constituent une menace réelle à la cohésion

sociale et à la stabilité de notre pays.

Il s’avère donc urgent et impérieux d’y apporter une réponse à la

fois vigoureuse et appropriée.

Pour ce faire, le Gouvernement entend dans un premier temps,

sensibiliser la Nation tout entière, par des actions d’éducation et de

communication, qui s’inscriront dans le cadre d’un plan national

d’éducation et de formation à la culture citoyenne.

Cette démarche stratégique prescrite par le CHEF DE L’ETAT, Son

Excellence PAUL BIYA, se déclinera en deux axes majeurs : un axe

médiatique, à travers la mobilisation de l’ensemble des médias

nationaux en faveur de cet objectif, et un axe hors-média mettant à

contribution l’éducation initiale à la base, des jeunes, des

adolescents et des tout-petits.

Mais parallèlement à la sensibilisation des citoyens, le

Gouvernement, en tant que de besoin, pourra recourir à la

législation en vigueur, afin d’amener les auteurs des discours de

haine à répondre de leurs actes devant la Justice.

C’est le lieu de rappeler en effet, qu’en dehors des instruments

juridiques internationaux traitant des discours de haine dûment

ratifiés par le Cameroun, un ensemble de textes de droit

règlemente en interne, les discours de haine dans notre pays.


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Ainsi, outre la Constitution, la loi n°2019/020 du 24 décembre 2019

modifiant et complétant certaines dispositions de la loi N° 2016/007

du 12 juillet 2016 portant code pénal, dispose en son article 241

(nouveau) ce qui suit :

Alinéa 1 : « Est puni d’un emprisonnement de six (06) jours à six

(06) mois et d’une amende de cinq mille (5000) à cinq cent mille

(500 000) francs, celui qui commet un outrage tel que défini à

l’article 152 du présent code, à l’encontre d’une race ou d’une

religion à laquelle appartiennent un ou plusieurs citoyens ou

résidents. »

Alinéa 2 : « Si l’infraction est commise par voie de presse, de radio,

de télévision, de réseaux sociaux ou de tout autre moyen

susceptible d’atteindre le public, le maximum de l’amende prévu à

l’alinéa 1 ci-dessus est porté à vingt million (20 000 000) francs. »

Alinéa 3 : « Les peines prévues aux alinéas 1 et 2 ci-dessus sont

doublées, lorsque l’infraction est commise dans le but de susciter

la haine ou le mépris entre les citoyens ou les résidents. »

L’article 241-1 (nouveau) relatif à l’outrage à la tribu ou à l’ethnie

dispose quant à lui que :

Alinéa 1 : « Est puni d’un emprisonnement d’un (01) à deux (02) ans

et d’une amende de trois cent mille (300 000) à trois millions (3 000

000) francs, celui qui, par quelque moyen que ce soit, tient des

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discours de haine ou procède aux incitations à la violence contre

des personnes en raison de leur appartenance tribale ou ethnique. »

Alinéa 2 : « En cas d’admission des circonstances atténuantes, la

peine d’emprisonnement prévue à l’alinéa 1 ci-dessus ne peut être

inférieure à trois (03) mois et la peine d’amende à deux cent mille

(200 000) francs. Le sursis ne peut être accordé, sauf en cas

d’excuse atténuante de minorité. »

Alinéa 3: « Lorsque l’auteur du discours de haine est un

fonctionnaire au sens de l’article 131 du présent code, un

responsable de formation politique, des médias, d’une organisation

non gouvernementale ou d’une institution religieuse, les peines

prévues à l’alinéa 1 ci-dessus sont doublées et les circonstances

atténuantes ne sont pas admises. »

Par ailleurs, la loi n°2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la

cyber sécurité et la cybercriminalité au Cameroun dispose en son

article 77, alinéa 1, que : « est puni d’une peine d’emprisonnement

de deux (02) ans à cinq (05) ans et d’une amende de 2.000.000

(deux millions) à 5.000.000 (cinq millions) francs ou de l’une de ces

deux peines seulement, celui qui, par la voie de communications

électroniques ou d’un système d’information, commet un outrage à

l’encontre d’une race ou d’une religion. »

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L’article 91, alinéa 1 de la même loi a prévu un dispositif d’entraide

judiciaire entre les Etats, en cas de violation des règles sur la

cybercriminalité.

Dans le secteur de la communication, la loi n°2015/007 du 20 avril

2015 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun dispose en son

article 8, alinéa 3 que : « le contenu des programmes ne doit en

aucun cas inciter à la haine, à la violence ou la discrimination à

l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, en raison de

leur origine, de leur sexe, de leur appartenance à une tribu, une

ethnie, une race ou une religion… »

De son côté, la loi n°2006/018 du 29 décembre 2006 régissant la

publicité au Cameroun, en son article 57 dispose que : « est puni

des peines prévues à l’article 241 du code pénal, celui qui fait

diffuser sous sa responsabilité un message publicitaire contenant

des éléments de nature à porter outrage à une race, à une ethnie ou

à une religion. »

Mesdames, Messieurs,

Comme vous pouvez le constater, en inscrivant de la sorte les

discours de haine dans le registre pénal de la loi, le législateur

camerounais a parfaitement pris la mesure du péril qu’ils

représentent pour la cohésion du corps social et de la Nation.

Eu égard à la dimension que ce phénomène est en train de prendre

et au péril qu’il fait planer sur la vie nationale, le Gouvernement en


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appelle à la conscience collective, au patriotisme et au sens de

responsabilité de tous, pour préserver nos précieux acquis que sont

l’unité nationale, la paix et la stabilité de nos institutions.

La diversité qui caractérise notre pays et qui lui vaut d’être

considéré comme l’Afrique en miniature, est un atout qui nous est

envié, un motif de fierté qui, en aucun cas, ne saurait devenir un

facteur de division entre les camerounais.

Il nous faut donc bannir les discours de haine, afin que le Cameroun

qui a su, au fil du temps, s’illustrer comme un havre de paix, où

coexiste harmonieusement une pluralité d’ethnies, de cultures et

de religions le demeure dans l’intérêt de tous.

C’est, assurément, le gage de notre réussite commune, et de notre

marche en avant vers le progrès, le développement et l’émergence

que nous appelons de tous nos vœux.

Je vous remercie pour votre aimable attention.

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