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se lance en politique et encore!

Rencontre avec

Noura Gauper
la violoncelliste 15-16

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14 mai 2023
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Les champions des jets privés chargent le ciel suisse 8-9

Ernesto Bertarelli, Nick Hayek, Gigi Oeri, l’entreprise Rolex et Rainer-Marc Frey: en Suisse, des super-riches volent tellement sur des appareils privés que se pose la question du bilan carbone.
Salvatore Di Nolfi, Peter Klaunzer, Georgios Kefalas, Gaetan Bally, Balz Murer/Keystone, https://www.instagram.com/fascinationaviation/

Mais où est le lobby Des millions de doses de vaccins

vont être jetées à la poubelle

ferroviaire romand?
COVID Depuis le début de la crise, la Suisse a comman-
dé 61 millions de doses. Seuls 17 millions ont été injec-
tés dans le bras des habitants. Pourquoi éliminer
le surplus au lieu de le donner? Parce que, presque
partout, la demande est plutôt faible. Page 19

● Les nouveaux De Genève au pied du Jura, la colère jà-vu: ces dernières années, les Ro-
horaires fâchent une traverse de nombreuses régions ro- mands semblent toujours découvrir
mandes depuis l’annonce des futurs les nouvelles ferroviaires trop tard,
grande partie de la Les amendes de parking
horaires CFF. Le problème: le rallonge- dans l’impuissance d’y changer quoi
Suisse romande. Qui
semble à nouveau
ment des parcours et la suppression de que ce soit. Pourquoi ne parviennent- pour les motos ont explosé
certaines lignes directes. L’émotion ils pas à créer une force politique?
impuissante. s’accompagne d’une impression de dé- Notre analyse. Pages 2-3 GENÈVE Depuis 2021, le Canton interdit aux deux-
roues motorisés de parquer sur les trottoirs. Aujour-
d’hui, le bilan est impressionnant: des dizaines de mil-
La météo Jura 6° 11° Plateau 9° 16° Alpes 5° 11° Voir votre météo
complète en page 26
liers de contraventions pour les motos et scooters ont
été dressées, pour 40, 60 ou 100 francs. Page 7
2 Suisse
L’éd
dito
Ariane
e Dayer
Rédacttrice
en che
ef
Bagnole
Land
O
n a dû rater quelque chose.
Forcément. Quelqu’un,
quelque part, a oublié de nous
prévenir que tout avait chan-
gé, qu’il s’agissait désormais
de miser sur la voiture. Que cette belle in-
jonction du transfert de la route au rail
était du flan baveux.
Comment comprendre autre chose
puisque, la semaine où l’annonce des
nouveaux horaires CFF crée la polé-
mique en Suisse romande, le Conseil fé-
déral fait savoir qu’il est favorable à une
autoroute à six voies entre Lausanne et
Genève? Vous étiez
agacé par le rallonge-
ment du temps de tra-
jet de train dans l’arc
lémanique? Youpi,
vous pourrez vous ra-
En Suisse, battre sur la route.
Bienvenue à Bagnole
le réseau
Land.
ferroviaire Le télescopage de
n’est pas ces annonces en suit
seulement un autre puisque les
une question horaires fâcheux ont
de mobilité été donnés juste après
locale.
la présentation des
hausses de tarifs CFF.
Autant de preuves
d’une absence totale
de sensibilité politique. À Berne, décidé-
ment, les gens travaillent enfermés dans
leurs bureaux, fenêtres murées, ils ne re-
gardent jamais ce qui se prépare ni à
l’étage au-dessous ni dans le bâtiment d’à
côté.
Hélas, ce manque de coordination n’a
d’égal que le nôtre. Parce que les Ro-
mands, fâchés par le rallongement global
des temps de parcours en train depuis dé-
cembre 2024 – comme ils l’ont été devant
d’innombrables décisions des CFF ces
vingt dernières années –, n’ont toujours
pas appris à unir leurs forces. Renens rit,
Genève pleure, Lancy est content, Neu-
châtel effaré, le Chablais soulagé, chacun
regarde son petit bout de rail. Allez fédé-
rer un lobby avec des émotions aussi
contradictoires! Une force politique effi-
cace ne se fait pas au microscope.
L’enjeu est pourtant bien présent. En
Suisse, le réseau ferroviaire n’est pas seu-
lement une question de mobilité locale, il
y va du lien entre les régions linguis-
tiques, de l’identité nationale. On veut
nous faire croire aujourd’hui que les ré-
centes décisions permettront à la Suisse
romande de rattraper son retard en ma-
tière de structure ferroviaire. Une ren-
gaine tellement répétée qu’elle sonne
creux. Pour les Alémaniques, les Ro-
mands aiment trop la voiture? Qu’ils nous
permettent enfin le rail.
À LIRE EN PAGES 2-3
ariane.dayer@lematindimanche.ch
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
HORAIRE 2025 La suppression
de la ligne directe du pied
du Jura est le dernier exemple
d’une longue liste de galères. Face aux ux
x CFF, les
à tir
tiirer
r à la même
De quoi s’interroger
sur le lobbying romand.
FLORENT QUIQUEREZ
florent.quiquerez@lematindimanche.ch
La grogne ne faiblit pas. Dix jours après que
l’horaire CFF 2025 a été dévoilé, les cri-
tiques sur la baisse de l’offre continuent de
se faire entendre à droite et à gauche. De
nouvelles villes ont aussi rejoint la fronde
pour sauver la ligne du pied du Jura. Et si
la polémique prend, c’est que cette cou-
leuvre n’est pas la première que les Ro-
mands doivent avaler.
Du Jura à Genève, on s’accorde sur un
point: jamais les CFF n’auraient osé impo-
ser ça à Zurich. Le lobby romand serait-il
aussi faible que cela? Un premier élément
de réponse se trouve peut-être dans le fait
que le reste de la Suisse ne s’intéresse pas
du tout aux problèmes de l’horaire 2025.
Le thème a été à peine effleuré dans les mé-
dias alémaniques.
Alors, c’est clair, tous les élus fédéraux
commencent par dire que les Romands
savent se serrer les coudes quand il le faut,
mais qu’ils restent minoritaires. Ils ajoutent
que notre région a vingt-cinq à trente ans
de retard sur la Suisse alémanique. Et de
souligner que l’horaire 2025 vise à effec-
tuer des travaux nécessaires pour ce rattra-
page. «Lorsque les Zurichois réfléchissaient
à développer leur réseau ferroviaire, l’arc
lémanique ne jurait que par l’autoroute»,
image Roger Nordmann (PS/VD). Cela étant
dit, lorsqu’on creuse on découvre que l’uni-
té craquelle assez souvent. Les Romands
réagissent presque de façon clanique pour
défendre leur pré carré. Aussi bien au ni-
veau des cantons que des élus fédéraux.
«En matière d’infrastructure, le lobby ro-
mand n’existe pas», lâche un connaisseur
du dossier.
La cacophonie qui entoure l’horaire 2025
est criante. Sur fond de campagne électo-
rale, les élus se lancent des peaux de ba-
nanes, s’accusant les uns les autres de ne
pas avoir été là au bon moment pour évi- eux, ont été informés. «La communication sions au sein de la CTSO ont été «musclées».
ter la situation actuelle ou d’avoir privilé- est catastrophique, juge la sénatrice. Trou- «Il y a des mâles et femelles alpha. On n’a
gié les RER au détriment des lignes rapides. ver une solution est un casse-tête chinois, pas l’impression qu’ils s’entendent», confie
Et inversement. «Ça part dans tous les sens, personne ne remet cela en cause. Mais pour une source. D’ailleurs, Neuchâtel s’est re-
on est loin de l’union sacrée», admet Man- que les uns et les autres puissent s’appro- trouvé isolé. Entre la liaison Genève-Lau-
fred Buhler (UDC/BE). prier un projet, il fallait mettre tout le sanne et l’accès à l’arc jurassien, les can-
Depuis une semaine, on voit aussi les monde autour de la table.» tons de Vaud et Genève n’ont pas hésité
villes qui s’opposent frontalement aux can- Au sein de la CTSO, on admet des erreurs longtemps. Valais, Jura et Fribourg n’ont
tons. Ces derniers se sont certes battus de communication. Mais son président, le pas bronché.
contre les CFF pour obtenir l’horaire le conseiller d’Etat fribourgeois Jean-François «Genève doit mieux défendre ses inté-
moins mauvais possible – et pour avoir pris Steiert, insiste sur trois points. «Pour la pre- rêts au sein de la vision romande, admet
connaissance de la première version, ils mière fois, nos sept cantons ont réussi à Delphine Klopfenstein Broggini. Le canton
n’ont pas démérité – mais en jouant aux se contente de nouveaux arrêts sur la ligne
pompiers, la Conférence des transports de qui va à Annemasse, mais ne voit pas de
Suisse occidentale (CTSO) se retrouve à de- «Ça part dans tous problème à ce qu’il n’y ait plus de liaison
voir défendre un projet dont les contours directe entre Genève et Bâle, les deux plus
lui ont été imposés.
les sens, on est loin grandes villes du pays après Zurich, ce que
«L’erreur a été de s’associer aux CFF pour de l’union sacrée.» je regrette. Même si au final la vraie res-
présenter l’horaire, réagit Delphine ponsabilité revient aux CFF et à l’OFT qui
Manfred Buhler (UDC/BE)
Klopfenstein Broggini (Verts/GE). Non seu- doivent beaucoup mieux intégrer la Suisse
lement les cantons ont donné l’impression romande dans leur stratégie nationale.»
qu’ils cautionnent cette dégradation de Ce manque d’unité n’étonne pas les ré-
l’offre, mais stratégiquement, ils ont perdu parler d’une seule voix. Cette union a per- gions périphériques. «Les intérêts sont di-
l’occasion de créer un vrai rapport de force mis de faire plier les CFF pour qu’ils re- vergents entre l’arc lémanique et le reste
au niveau national. Et d’obtenir d’autres voient l’horaire. Et des compensations ont de la Suisse romande, note Charles Juillard
compensations plus tard.» été obtenues. Il était donc normal que les (Centre/JU). Et au sein de l’Association
cantons prennent leurs responsabilités en Ouestrail, on a parfois l’impression qu’après
Communication «catastrophique» assumant avec les CFF, la solution trou- Yverdon, il n’y a plus rien. Mais nous tra-
Marianne Maret (Centre/VS) ne comprend vée.» vaillons à l’unité de la région.»
pas que la CTSO n’ait pas pris le soin d’aver- Quelques coups de téléphone permettent Le cas de Ouestrail, association qui a pour
tir les villes, alors que les élus fédéraux, toutefois de comprendre que les discus- objectif de promouvoir le développement
Les galères des quinze NEUCHÂTEL, PRIVÉ DE TGV
En 2015, Lyria – codétenue par la SNCF et les CFF
– annoncent que les TGV Berne-Paris ne
dernières années passeront plus par Neuchâtel, mais par Bâle,
l’itinéraire étant devenu plus attractif avec
l’ouverture de la ligne Rhin-Rhône. En 2020, la
ligne directe Berne-Paris est supprimée.
2007 2008 2009 2010 2011 2012 201
LE POINT NOIR DE FLAMATT PLUS DE LIAISON DIRECTE VERS BÂLE
Point le plus délicat de la ligne Berne-Fribourg, la En 2015, les CFF suspendent la liaison directe entre
section Flamatt–Schmitten traverse une zone Bâle et l’arc lémanique via Delémont en raison de
géologique instable. En 2007, un incident provoque travaux prévus à Lausanne. La ligne n’a toujours pas
une interruption de plusieurs semaines. En 2017, le été remise en service. Son rétablissement devrait
Conseil fédéral renonce toutefois à construire un intervenir en 2026 vers Lausanne, mais plus vers
contournement. Genève.
 Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Suisse 3

«Les politiques ont

Romands peinent alerté les CFF»
corde heure sur Genève avec un change-
ment. Il faut se rendre compte que
dans ce casse-tête, il fallait aussi in-
tégrer le passage des trains de mar-
chandise.

Quand Vincent Ducrot, un Romand,

Jean-François du rail en Suisse occidentale, est assez symp-
Steiert (à g.), tomatique de cette Suisse romande qui peine
conseiller d’État du à tirer à la même corde. Car avant d’être pré-
canton de Fribourg sidée par Olivier Français (PLR/VD), c’était
et président de la l’ex-sénateur Claude Hêche (PS/JU) qui était
CTSO, et Vincent aux commandes. Et à l’époque, les élus de
Ducrot, CEO des l’arc lémanique critiquaient une association
CFF, présentent trop tournée vers le nord-ouest du pays…
le nouvel horaire De cette tension est toutefois née une
2025, qui suscite volonté de défendre ensemble des projets
une rare polémique communs. Durant quelques années, le
en Suisse lobby romand a gagné. Oubliant les
romande. Keystone/ guerres de clocher, les élus ont réussi à
Jean-Christophe Bott faire voter des crédits pour leurs projets.
Mais cet élan n’a pas vraiment été suivi
d’effets concrets. «Notre problème, c’est
la préparation technique des dossiers, ex-
plique Roger Nordmann. Nous n’avons
pas les moyens de Zurich ou Berne, qui
ont développé des masters plans pour les
études préliminaires.»
Deux autres éléments ont joué dans ce
coup de mou du lobby romand. Il y a d’un
côté l’arrivée du FAIF, le fonds ferroviaire.
Croyant que les problèmes de financement
étaient réglés, les Romands se sont comme
endormis sur leurs lauriers. De l’autre, il y
a eu la reprise du Département des trans-
ports par Simonetta Sommaruga. «Pour elle
la Romandie n’était pas une priorité. Albert
Rösti y est bien plus sensible», confie un
élu. Le Bernois a d’ailleurs reçu lundi une
délégation de la CTSO.
Dernière désillusion, plus récente:
Vincent Ducrot. Avec un patron des CFF
fribourgeois, les Romands pensaient avoir
un allié de poids. C’était oublier l’impor-
tance des Zurichois au sein de l’entreprise.
D’ailleurs, une partie de la direction ne
voyait pas vraiment l’intérêt de revoir la
version initiale de l’horaire 2025. Et si une
négociation a finalement pu être lancée, il
y avait une condition à remplir: ne pas tou-
cher aux horaires côté alémanique. En clair,
les chantiers sont en Romandie, à eux de
se débrouiller. Mais Vincent Ducrot a aus-
si fait quelques boulettes en termes de com-
munication. Dont la dernière cette semaine
en évoquant dans les médias alémaniques
la nécessité de travaux entre Berne et Ol-
ten, ligne déjà privilégiée en Suisse. Ce ti-
ming quelques heures à peine après l’an-
nonce de la dégradation des liaisons ro-
mandes a suscité des poussées d’urticaire.
Tout cela pour revenir à la question ini-
tiale: le lobbying des Romands est-il en
panne? Charles Juillard a cette réponse im-
placable: «Tout le monde vous dira que le
job a été fait, et je veux bien le croire. Mais
si on en est là aujourd’hui, c’est que quelque
chose n’a pas joué quelque part. Et de loin,
pas seulement dans le lobbying», conclut-il.
OLIVIER FRANÇAIS
Conseillers aux États (PLR/VD)
et président de Ouestrail
La Suisse romande est-elle sacrifiée
avec ce nouvel horaire?
Sacrifiée est un grand mot. L’usager
pourra prendre son train et les ho-
raires seront tenus. Même si elle
n’est pas de qualité, la prestation est
assurée. Le vrai scandale, c’est qu’on
n’a pas entretenu suffisamment
notre réseau durant ces vingt der-
nières années. Depuis Rail 2000, on
se contente de mettre du sparadrap
sur les lignes. On en paie les consé-
quences.
Est-ce la faute des Romands,
qui n’ont pas su alerter les CFF?
On peut toujours attaquer le poli-
tique. Mais ici, il s’agit avant tout
de problèmes techniques. L’or-
gane de surveillance, qui est l’Of-
fice fédéral des transports, aurait
dû rendre attentif les CFF que les
parts d’entretien étaient trop im-
portantes côté alémanique et pas
suffisantes en Romandie pour ga-
rantir la substance. Il y a des règles
de durabilité de caténaires, de si-
gnaux électroniques, de rail ou de
ballast. Mais pour comprendre ces
enjeux, il faut être du métier, et je
connais peu de cheminots au par-
lement. J’ai alerté les CFF, mais le
directeur de l’époque Andreas
Meyer m’avait rétorqué que tout
allait bien. On a la preuve que ce
n’était pas le cas.
Vous êtes ingénieur. Cet horaire
est-il vraiment la moins mauvaise
solution?
La planification d’un système de
transport est très complexe. Quand,
en mars 2022, ce projet a été soumis
aux cantons – Ouestrail était associé
– il y a eu une levée de boucliers en
particulier de la Suisse occidentale.
Pendant une année, les sept
conseillers d’État de tous bords po-
litiques ont travaillé avec les CFF
pour arriver à cette solution. Il y a
assurément plus de perdants que de
gagnants. Les temps de déplace-
ment s’allongent et il y a une rup-
ture de charge pour le pied du Jura
vers Genève. Mais en contrepartie,
le pied du Jura profite d’une ca-
dence à la demi-heure vers Lau-
sanne et une cadence à la demi-
a été désigné à la tête des CFF,
il y avait beaucoup d’attentes. Vous
déçoit-il?
Il a pris le taureau par les cornes en
insistant sur l’importance de garan-
tir l’entretien du réseau. Et jusqu’à
tout récemment, je n’étais pas déçu.
Mais quand il annonce cette semaine
qu’il faut partir sur un grand projet
entre Olten et Zurich – alors que la
vitesse commerciale est déjà de 175
km/h – je ne peux pas cautionner ces
déclarations, d’autant plus que
l’exercice de l’horaire 2025 montre
clairement que les priorités
concernent aujourd’hui les nou-
velles lignes Lausanne–Genève et
Lausanne–Berne.
Pourquoi ces propos vous dé-
rangent-ils?
Cette déclaration va à l’encontre de
la pression politique que je mets de-
puis 2007 avec mon projet de
«Croix fédérale de la mobilité», sou-
tenu par le parlement, qui vise à
augmenter la vitesse commerciale
en Suisse occidentale et orientale.
Ces projets sont sur la table des CFF
et de l’OFT. Il y a des ébauches de
solution, mais on a perdu dix ans.
Et ce, uniquement parce que ces
lignes sont un peu moins rentables.
Mais si elles le sont moins, c’est
parce qu’elles ne sont pas assez at-
tractives. Mais ça, ni la Berne fédé-
rale, ni M. Ducrot ne veulent l’en-
tendre. Ils ne pensent qu’à augmen-
ter la rentabilité des lignes les plus
performantes.
«Ils ne pensent
qu’à augmenter
la rentabilité
des lignes les plus
performantes.»
Les Romands vont payer leur billet
plus cher, mais l’offre sera réduite.
On marche sur la tête?
On peut se poser la question d’une
diminution des prix pour les régions
touchées, mais d’un autre côté
l’offre en termes de volume et de
prestations reste identique. À voir si
les autorités, notamment canto-
nales, sont prêtes à mettre les
moyens financiers. Compte tenu de
ses déficits colossaux – plus de 4 mil-
liards – je ne pense pas que la Berne
fédérale le fasse. D’autant plus que
dans la cadre des mesures d’écono-
mie, on propose de couper dans l’ap-
port de la Confédération pour le
transport régional.

Keystone/Laurent Gillieron Keystone/Jean-Christophe Bott

LE VALAIS ET SES TRAINS À DEUX ÉTAGES LE TROU DE TOLOCHENAZ
Les Valaisans ont dû attendre 2018 pour voir des trains à En 2021, la ligne CFF Lausanne-Genève est totalement
deux étages. Le temps d’adapter le réseau. Et encore, il paralysée par l’apparition de deux cavités en bord de
s’agissait de quelques liaisons par jour. Ce n’est pas la voie, à la hauteur de Tolochenaz (VD). Retards et
seule fois que le canton passe dans les derniers, lui qui suppressions se poursuivront les jours suivants
s’est coltiné longtemps des wagons non climatisés. mettant les nerfs des passagers à cran. L’affaire
relance le débat sur la nécessité d’une troisième voie.

13 2014 2015 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023

Keystone/Jean-Christophe Bott
MARCHE FORCÉE POUR LES BIENNOIS GARE DE LAUSANNE
La gare de Berne est saturée. Pour accueillir tous les Annoncée en mars 2023, la nouvelle provoque une
trains, un nouveau quai est construit à 785 m du hall onde de choc: après une interruption des travaux,
central. De toutes les liaisons, c’est le direct qui avait déjà suscité la grogne, les CFF et l’OFT
Bienne-Berne qui est sacrifié. Depuis 2019, les annoncent un nouveau report du chantier de la gare
voyageurs se coltinent cinq minutes de marche de Lausanne. La mise en service est désormais
supplémentaire. envisagée pour 2038.
 JE SAUTE DE JOIE:
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Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Suisse 5

Des militants écolos «On donne trop d’antibiotiques

aux nourrissons»
sur une grue
BERNE Six activistes de Green-
peace ont escaladé samedi ma-
tin à Berne une grue de chan-
tier devant le bâtiment de la
Banque nationale suisse (BNS)
et déployé une banderole rap- NÉONATOLOGIE Selon
pelant que les ressources de la
planète sont limitées. Selon
des experts, on surestime
Greenpeace, ce samedi, la le risque que les tout-petits
Suisse a consommé toutes les développent une infection
ressources disponibles cette bactérienne grave et on
année, et il faudrait presque
trois Terres pour assurer la sous-évalue les conséquences
consommation suisse. ATS du traitement.

Bus démolis par CAROLINE ZUERCHER

des fans du FC Bâle
ITALIE Les supporters bâlois
ont détruit sept bus urbains
jeudi à Florence. La ville leur
avait mis à disposition dix bus
des transports publics pour se
rendre au match de Confe-
rence League opposant le club
bâlois à la Fiorentina. Deux
mille supporters suisses ont
défilé jeudi après-midi dans le
centre de Florence, perturbant
la circulation des transports
publics, en occupant notam-
ment les voies du tram. ATS
Le village menacé
est vide
GRISONS Il ne restait ni hu-
main ni bétail vendredi soir
dans le village de Brienz, me-
nacé par l’éboulement im-
minent de tout un pan de la
montagne qui le surplombe.
Jusqu’à deux millions de
mètres cubes de roche pour-
raient s’effondrer dans les pro-
chains jours. AFP
Un automobiliste
flashé à 165 km/h
WALLENRIED Un automobi-
liste a été flashé à 165 km/h
vendredi soir à Wallenried
(FR). Son permis de conduire a
été immédiatement saisi et son
véhicule séquestré. L’automo-
biliste de 22 ans, circulant de
Courtepin en direction de
Courlevon, a été flashé à une
vitesse deux fois supérieure à
celle autorisée (80 km/h). ATS
Erratum
Une erreur s’est glissée la se-
maine dernière dans l’inter-
view de la journaliste russe
Marina Ovsiannikova intitulée
«Je devais dénoncer la propa-
gande et les mensonges de
Poutine». Dans la note de fin
de texte donnant les réfé-
rences de son livre, le nom de
l’éditeur était faux: au lieu de
Favre, il fallait lire L’Archipel.
Nous prions nos lectrices et
nos lecteurs de nous en excu-
ser. LMD
caroline.zuercher@lematindimanche.ch
«Méfiez-vous des antibiotiques!» C’est en
substance l’appel lancé dans un article pu-
blié à fin avril dans «Nature Communica-
tions» par un groupe international de pé-
diatres-néonatologues, dont certains
viennent de Suisse. Ces 25 spécialistes sou-
lignent que de tels traitements sont trop
fréquents durant les premiers jours de vie
des nourrissons, par crainte de sepsis (ou
état septicémique). Car, souvent, il s’agit
de fausses alertes, alors que l’utilisation
d’antibiotiques au début de la vie peut po-
ser d’autres problèmes.
La décision de débuter ou non un tel trai-
tement n’est pas aisée pour les médecins.
Les infections bactériennes graves pro-
voquent chaque année le décès de quelque
400’000 à 700’000 nouveau-nés dans le
monde, selon les données de l’OMS. Les
survivants s’exposent en outre à un risque
d’invalidité et personne ne remet en cause
le fait que les antibiotiques sauvent des
vies.
Par ailleurs, les signes d’un sepsis sont
difficiles à distinguer de ceux d’autres ma-
ladies et l’état de santé des nouveau-nés se
dégrade parfois rapidement. «Une autre
difficulté tient au fait que les outils à dis-
position pour diagnostiquer de telles infec-
tions sont limités», complète le Pr Eric Gian-
noni, médecin adjoint en néonatologie au
CHUV, qui a cosigné l’article de «Nature
Communications». «Les tests utilisés ne
sont pas très performants, et il faut attendre
vingt-quatre à quarante-huit heures pour
obtenir les résultats des hémocultures.»
Par voie intraveineuse
Ces éléments conduisent souvent les pro-
fessionnels à opter pour la prudence. Un
peu trop? C’est l’avis d’Eric Giannoni et de
ses collègues, qui se sont déjà penchés sur
le sujet dans le cadre d’une recherche dont
les résultats ont été publiés en décembre
2022 dans «Jama Network Open» (une re-
vue éditée par l’Association médicale amé-
ricaine).
Les participants à cette étude, qui re-
groupe treize réseaux d’hôpitaux dans onze
pays (la Suisse et d’autres pays européens,
le Canada, les États-Unis et l’Australie), ont
enregistré leur pratique avec plus de
750’000 bébés nés à terme ou proches du
terme, entre janvier 2014 et décembre 2018.
Quelque 2,9% de ces enfants ont été trai-
tés avec des antibiotiques par voie intra-
veineuse durant leur première semaine de
vie. Ce chiffre varie fortement d’un réseau
à l’autre (de 1,2% à 12,5%). Les régions
suisses prises en compte se situent dans la
moyenne (2,65% en Suisse centrale et
2,82% dans l’ouest du pays).
Les données de 750’000 bébés nés à terme ou proches du terme ont été étudiées par un consortium
international. Dans cette cohorte, 2,9% des enfants ont été traités avec des antibiotiques durant leur première
semaine de vie. Christian Wheatley/Getty Images
Eric Giannoni s’empresse de préciser qu’il
serait faux de dresser un palmarès, l’idée
étant que tout le monde peut s’améliorer.
Car dans la même cohorte, un sepsis a été
prouvé chez un patient sur 2000 (0,49 cas
pour 1000 naissances vivantes). «Cela si-
gnifie que, pour chaque cas documenté,
58 nourrissons ont été traités par antibio-
tiques, avec un total de 273 jours de traite-
ment.»
Les risques des antibiotiques
Ne vaut-il pas mieux donner des médica-
ments trop souvent, si cela permet de sau-
ver des vies? Eric Giannoni met en garde
contre ce réflexe. «Notre connaissance sur
les effets indésirables des antibiotiques, qui
sont multiples, a beaucoup augmenté de-
puis vingt ans», argumente-t-il. Le premier
risque est global: c’est celui de l’antibioré-
sistance. On estime qu’en 2019, le décès de
1,27 million de personnes était directement
associé à la résistance à ces médicaments.
Et l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) avertissait en 2020 que le phéno-
mène constitue «l’une des plus graves me-
naces pesant sur la santé mondiale».
Le deuxième danger concerne directe-
ment les jeunes patients. «Une telle pres-
cription peut perturber la formation du mi-
crobiome au début de la vie, poursuit Eric
Giannoni. Or, cet ensemble de bactéries
(ndlr: que l’on trouve notamment dans l’in-
testin) aide au développement du système
immunitaire. Les antibiotiques risquent
donc de favoriser la survenue de maladies
dans l’enfance comme l’asthme, les aller-
gies, l’obésité ou le diabète.» Précisons que
les associations entre ces éléments ne sont
pas encore entièrement comprises et ana-
lysées, mais qu’il y a de plus en plus de
preuves de leur existence.
«Pour Plusieurs biais
chaque cas Contrairement à ceux liés à une infection
documenté, bactérienne grave, de tels risques ne sont
pas immédiats. Selon le néonatologue lau-
58 nourris- sannois, cela peut conduire à sous-estimer
sons ont les dangers des antibiotiques, et à suresti-
commencé mer la probabilité d’un sepsis. Des émo-
à prendre des tions comme la peur pourraient aussi faus-
ser la pesée d’intérêts. Et puis, des facteurs
antibiotiques, extérieurs qui n’ont rien à voir avec le su-
avec jet peuvent influencer les décisions, en mé-
un total de decine comme dans d’autres milieux pro-
fessionnels.
273 jours de La leçon de tout cela? Pour Eric Gianno-
traitement.» ni et ses collègues, il faut aider le corps mé-
dical à adopter une approche plus objec-
Pr Eric Giannoni, tive, en quantifiant les risques d’une op-
néonatologue tion et de l’autre. «Le premier pas pour
au CHUV s’améliorer est de mesurer nos perfor-
mances. Il faut poursuivre l’étude menée
par notre consortium et rendre ces données
disponibles», plaide le Lausannois.
Il souligne aussi l’importance de déve-
lopper des outils pour faciliter le diagnos-
tic du sepsis. «La collaboration internatio-
nale peut par exemple aider à mieux iden-
tifier des populations plus à risques»,
relève-t-il. Mais cela prend du temps. Dans
l’immédiat, l’important, à ses yeux, est
d’avoir conscience du fait que des facteurs
cognitifs influencent les décisions. «Pour
cela, conclut-il, il faut rappeler les faits aux
médecins et au public en général.»

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Protégeons Une solution pour

ce qui compte le climat qui profite
à tout le monde.

Roger Nordmann Lisa Mazzone Olivier Feller Christine Bulliard-Marbach

Conseiller national PS Conseillère aux Etats Conseiller national PLR Conseillère nationale Le Centre
Les Vert-e-s Directeur de la Chambre Présidente du Groupement
vaudoise immobilière suisse pour les régions de montagne oui-loi-climat.ch
Association pour la protection du climat l Badenerstrasse 171 l 8003 Zurich
6 Suisse
Thierry Apothéloz, en charge de la Cohésion sociale, apporte un soutien controversé à la Croix-Rouge genevoise sur le marché de l’interprétation communautaire. Laurent Guiraud
Thierry Apothéloz vole au secours
de l’employeur de son beau-frère
RÉVÉLATIONS Une note
interne montre que le
conseiller d’État genevois veut
verrouiller le marché des
interprètes pour migrants.
Au profit de la Croix-Rouge
genevoise, où travaillent un
proche et une alliée politique.
SYLVAIN BESSON
sylvain.besson@lematindimanche.ch
C’est une erreur informatique qui révèle un
pan caché de la politique genevoise. À la fin
de l’été 2022, des documents stratégiques de
la Croix-Rouge locale sont devenus acces-
sibles à de nombreux employés de l’institu-
tion. Parmi eux, une note rédigée par Anne
Moratti, ancienne coprésidente des Verts de
la Ville de Genève et cadre de la Croix-Rouge.
Intitulée «résumé de la conversation», cette
note relate une discussion avec «Thierry»,
c’est-à-dire le socialiste Thierry Apothéloz,
conseiller d’État chargé de la Cohésion so-
ciale. Les deux politiciens y débattent de la
meilleure manière d’écarter une entreprise
lausannoise de l’important marché des ser-
vices d’interprètes pour migrants.
Dans toute la Suisse, les cantons financent
des services de traduction pour les étrangers
qui ne parlent pas les langues nationales –
par exemple les réfugiés ukrainiens. À Ge-
nève, les plus gros utilisateurs de ces ser-
vices sont le Département de l’instruction
publique, les Hôpitaux universitaires (HUG)
et l’Hospice général, qui distribue l’aide so-
ciale et l’aide aux migrants. «Chacune de ces
institutions peut dépenser un million par an
dans l’interprétariat communautaire, éva-
lue un connaisseur du secteur. C’est un mar-
ché lucratif si on a du volume.»
La Croix-Rouge genevoise a longtemps
eu le monopole de ces services à Genève.
Elle emploie quelque 160 personnes et
gagne plus de 3,7 millions de francs par an
dans ce domaine – de loin sa principale
source de revenus. Mais depuis 2016, une
petite société lausannoise, Connexxion,
fait concurrence à la Croix-Rouge. Elle a dé-
jà arraché la plus grosse partie du marché
des HUG, grâce à des tarifs plus bas (de 10%,
dans le cas d’une offre soumise en 2019).
Depuis, la Croix-Rouge craint de perdre un
autre gros contrat, celui de l’Hospice géné-
ral. C’est l’objet de la conversation entre
Thierry Apothéloz et Anne Moratti.
La note rédigée par cette dernière cri-
tique d’abord les tarifs agressifs de
Connexxion. Puis elle parle de changer la
loi pour effacer cette différence de prix. Il
s’agirait de donner plus de poids aux cri-
tères non financiers dans les appels d’offres,
comme l’insertion des migrants qui servent
d’interprètes. Thierry Apothéloz «privilé-
gierait un axe cantonal, [la] loi cantonale
sur les marchés publics», indique la note.
En réalité, les marchés publics sont régis
par un accord intercantonal. Mais le but de
l’opération semble clair, il faut «mettre à
l’abri les associations qui œuvrent dans ce
domaine, contre les tentatives des privés»,
indique la note.
«Si Thierry avait été au courant…»
En 2020, la Croix-Rouge genevoise avait
déjà écrit au conseiller d’État socialiste pour
lui demander de mettre fin à la concurrence
dans ce secteur. Sans succès, la lettre ayant
été aiguillée chez un autre magistrat, Mau-
ro Poggia, alors chargé de la Migration. «Si
Thierry avait été au courant en amont, [...] le
traitement de la réponse n’aurait pas été le
même», précise la note. S’il avait été consul-
té, Thierry Apothéloz «aurait exprimé son
souci face au risque que fait peser l’ouverture
«Force est de
constater que la
concurrence loyale
n’existe pas, car [...] nous
ne bénéficions d’aucune
subvention publique
pour ces prestations.»
L’entreprise lausannoise Connexxion
du marché» pour la Croix-Rouge genevoise,
confirme aujourd’hui son département.
Pour le socialiste, le contenu de cette note
est délicat à double titre. C’est un proche al-
lié politique d’Anne Moratti, qui dirige le
service d’interprétariat communautaire à la
Croix-Rouge genevoise. Surtout, le beau-
frère du conseiller d’État travaille dans ce
même service depuis l’an dernier. Selon son
profil LinkedIn, le parent du socialiste au-
rait même été «mandaté par la direction pour
réfléchir à la réorganisation du service». Mais
pour le département de Thierry Apothéloz,
«ce lien de parenté n’a aucun lien avec les
contacts institutionnels qu’entretient M.
Apothéloz» avec la Croix-Rouge genevoise.
Décision illicite
Autre aspect sensible: en soutenant la Croix-
Rouge, Thierry Apothéloz privilégie l’offre
la plus chère – alors que le droit des mar-
chés publics insiste sur l’importance de
«l’utilisation économe» de l’argent du
contribuable. En 2019, l’Hospice général a
attribué le marché de l’interprétariat à la
Croix-Rouge genevoise, malgré ses tarifs
plus élevés que ceux de Connexxion
(84 francs de l’heure, contre 77 proposés
par l’entreprise lausannoise). En 2020, le
Tribunal fédéral a jugé la décision de l’Hos-
pice général illicite – la Croix-Rouge ne res-
pectait pas les conditions de travail conven-
tionnelles pour ses interprètes –, mais le
marché, déjà conclu, n’a pas été remis au
concours.
La Croix-Rouge estime que son offre pré-
sentait un meilleur rapport qualité-prix, car
elle emploierait davantage d’interprètes
certifiés, plus chers. L’entreprise
Connexxion, au contraire, estime avoir été
victime d’une «injustice crasse»: «Force est
de constater que la concurrence loyale
n’existe pas, car [...] nous ne bénéficions
d’aucune subvention publique pour ces
prestations», écrit sa direction. La Croix-
Rouge genevoise touche près d’un million
de francs de subventions du canton par an.
Apothéloz assume
Interrogé sur le contenu de la note, Thierry
Apothéloz assume sa position. «Le marché
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
de l’interprétariat communautaire connaît
depuis quelques années une crise liée à
l’ouverture du marché aux entreprises pri-
vées [à but lucratif]», estime son départe-
ment. Le socialiste estime aussi normal de
discuter avec la Croix-Rouge: «On ne peut
pas reprocher au monde politique d’être
déconnecté du terrain et, en même temps,
lui reprocher d’entretenir des relations avec
les acteurs de terrain des politiques pu-
bliques sous sa gestion.»
Du point de vue légal, l’intervention de
Thierry Apothéloz sur le marché de l’inter-
prétariat pour migrants n’est pas illicite, es-
«Il faut [...] time Stéphane Grodecki, avocat spécialisé
mettre à en droit public à Genève et ancien procu-
l’abri les reur. Car «c’est une simple discussion po-
litique, en dehors d’une procédure de mar-
associations ché public en cours. C’est un débat sur le
qui œuvrent fait de préférer une association à une so-
dans ce ciété privée.»
domaine, Bataille en 2024
contre les Quelle suite a eue la conversation entre
tentatives Anne Moratti et Thierry Apothéloz? La
des privés.» note indique que les avocats de la Croix-
Rouge «planchent sur un ou deux scena-
rii» et que ses dirigeants «prendront rdv
Note d’Anne
avec Thierry pour finaliser». Mais selon les
Moratti sur sa
services de Thierry Apothéloz, ce rendez-
discussion avec
vous n’a jamais eu lieu. Et il n’existerait
Thierry Apothéloz
aucun projet de modification de la légis-
lation sur les marchés publics dans le sens
décrit par la note.
L’ancien président de la Croix-Rouge ge-
nevoise, l’avocat Matteo Pedrazzini, ex-
plique qu’il y a bien eu «une réflexion à
l’État pour savoir s’il était opportun de sor-
tir de la logique des marchés publics» sur
le marché de l’interprétariat. À ce jour, au-
cune décision n’aurait été prise.
Quant à la Croix-Rouge genevoise, elle
confirme avoir plaidé pour un «changement
du cadre légal» auprès du Conseil d’État.
Sans résultat pour l’instant. Mais la bataille
pour le marché des interprètes pour migrants
est loin d’être terminée: le prochain appel
d’offres de l’Hospice général dans ce domaine
sera lancé en 2024. On verra alors si le lob-
bying politique déployé par la Croix-Rouge
porte ses fruits.
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
Les amendes pour
motos ont explosé
STATIONNEMENT
Depuis la fin
de la tolérance
pour le parking des
deux-roues motorisés
sur les trottoirs, des
dizaines de milliers
de contraventions ont
été dressées.
JULIEN CULET
julien.culet@
lematindimanche.ch
Cela avait été la douche froide
pour les motards et les scooté-
ristes, le 1er novembre 2021,
lorsque le Canton de Genève ar-
rêtait de tolérer qu’ils garent
leur deux-roues motorisé sur les
trottoirs. Un an et demi après,
la mesure fait encore bien mal
au porte-monnaie des usagers.
En effet, le nombre de contra-
ventions est passé de 8323 en
2019 à 38’078 l’an dernier,
d’après les chiffres fournis par
la Fondation des parkings. Le
Covid avait entraîné une baisse
en 2020.
Et la stricte application de la
loi avait quelque peu pris de
court les motards, puisque
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11’941 contredanses avaient été
dressées pour le seul quatrième
trimestre de 2021. Il faut rappe-
ler que leur montant est de 40,
60 ou 100 francs selon la durée
du stationnement illégal.
Pro motos scandalisés
Les chiffres font bondir le
conseiller national Christian Lü-
scher (PLR), auteur l’an dernier
d’une initiative parlementaire
afin d’autoriser le parking des
deux-roues sur les trottoirs. Ac-
ceptée par le Conseil national,
elle a ensuite été refusée aux
États. Il ne mâche pas ses mots
concernant le Département des
infrastructures (DI) de Serge Dal
Busco: «La priorité actuelle du
département est de pourrir
l’existence de ceux qui utilisent
un moyen de transport privé,
fustige-t-il. On a eu depuis le
Covid une politique dictatoriale,
dans la mesure où tout a été fait
pour empêcher autre chose que
les piétons et les cyclistes de cir-
culer dans cette ville, à côté de
transports publics moyenne-
ment efficaces.»
Le conseiller national estime
qu’il faudrait au contraire favo-
riser les deux-roues motorisés.
«Je suis d’accord qu’on veuille
éloigner les voitures du centre-
ville, mais il faudrait créer des
vs
Dieses Tabakerzeugnis kann Ihre Gesundheit schädigen und macht abhängig.
Ce produit du tabac peut nuire à votre santé et crée une dépendance.
Questo prodotto del tabacco può nuocere alla tua salute e provoca dipendenza.
parkings et favoriser les scoo-
ters puisque leur place dans la
circulation, leur emprise au sol
et leur consommation d’essence
sont moins élevées», affirme
Christian Lüscher. Qui dit espé-
rer que l’arrivée de Pierre Mau-
det à la tête des transports à par-
tir du 1er juin amène «le retour
à la concertation bafouée par
Serge Dal Busco».
Le président du TCS Genève,
François Membrez, critique éga-
lement l’application intransi-
geante de la loi: «Selon moi, le
caractère systématique de la ré-
pression est une honte, par op-
position à la verbalisation de vé-
hicules dont le stationnement
serait gênant ou dangereux.»
Manque de places?
La Fondation des parkings re-
cense 18’939 places motos sur
la voie publique et 2405 places
en parking entre Genève, Ca-
rouge, Lancy et Vernier, où elle
opère. Or ce sont 54’891 motos
qui sont immatriculées dans le
canton. «Il n’y a pas suffisam-
ment de places, estime François
Membrez. Il en faut davantage
dans les zones denses, mais aus-
si dans les zones d’habitation à
l’extérieur de la ville, où on nous
rapporte souvent qu’il en
manque.»
Suisse 7
Keystone / Salvatore di Nolfi
Les amendes infligées peuvent aller jusqu’à 100 francs, selon la durée du stationnement illégal.
Le DI justifie l’application de baisse du nombre de contraven-
«La priorité la loi. «Cette pratique illégale tions, qui a diminué de près de
actuelle du généralisée de parcage sauvage 4000 unités entre le quatrième
département était inadmissible», indique le trimestre 2021 et celui de 2022.
porte-parole Roland Godel. Il La création de places n’est donc
est de pourrir rapporte que le nombre de pas une priorité, selon Roland
l’existence de ceux places est jugé «suffisant et adé- Godel: «La situation est suivie
qui utilisent un quat. Les nombreuses places d’année en année, en fonction
créées ces dernières années notamment des projets urba-
moyen de transport l’ont été sur la base d’analyses nistiques et des nouveaux quar-
privé.» de terrain dans les quartiers tiers, mais la priorité est bien
pour être au mieux adaptées de favoriser en ville et pour les
Christian Lüscher, conseiller aux besoins. Il reste en outre de mouvements pendulaires le re-
national (PLR/GE) très nombreuses places dispo- port modal vers les transports
nibles en ouvrage à bon mar- publics et les mobilités douces,
ché qui ne sont pas utilisées.» comme l’exigent la loi ainsi que
Le DI relève qu’il y a eu une le plan climat.»
Nous chauffons le tabac
au lieu de le brûler.
Par conséquent, IQOS émet 95%
de substances chimiques nocives
de moins que les cigarettes.*
En savoir plus sur
TryIQOS.ch/science
Information importante: cela n’équivaut pas
nécessairement à une réduction du risque de 95%.
IQOS n’est pas sans risque.
* «95% de moins» représente une réduction moyenne de la concen-
tration d’un éventail de substances chimiques nocives (autres que la
nicotine) par rapport à la fumée d’une cigarette de référence. Voir
Informations Importantes sur IQOS.com
Destiné uniquement aux fumeurs adultes.
8 Suisse Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

Ces super-riches sui

La famille Hayek
Le dernier décollage de l’Em-
braer Phenom 300 a eu lieu fin
avril entre Granges (SO) et Bar-
celone. Ce jet pouvant accueil-
lir jusqu’à 8 personnes est par-
ticulièrement apprécié des
voyageurs d’affaires, car il est
relativement bon marché (de 8
à 10 millions de dollars). L’ap-
pareil appartient à la famille
Hayek, qui a créé la société
Manhag SA spécialement pour
l’exploitation de l’avion. Le
siège de cette société se trouve
à Meisterschwanden (AG), soit
au même endroit que le domi-
cile familial des Hayek. Naila et
Nick, sœur et frère, font partie
du conseil d’administration,
tout comme le fils de Naila,
Marc Hayek.
L’avion est très utilisé. Il a
décollé 149 fois en 2022, pas-
sant 158 heures dans les airs.
Le jet se dirigeait particulière-
ment souvent vers l’aéro-
drome de Granges, souvent
depuis des destinations
le boom des jets pri
Iris C. Ritter FuW
proches comme Genève ou
Zurich. De Granges, il n’y a
qu’une quinzaine de minutes
en voiture jusqu’au siège prin-
cipal du groupe Swatch à
Bienne (BE). Nick Hayek – qui
possède une licence de pilote
– aime aussi prendre son héli-
coptère pour travailler au siège
de la firme. Il le gare simple-
ment sur la pelouse devant le
bâtiment. Cela lui donnerait
un sentiment d’indépendance,
comme il l’a dit un jour au jour-
nal «Die Welt». Le jet Hayek se
rend régulièrement à Barce-
lone. Des vols vers Londres,
Berlin et Paris sont également
documentés. L’an dernier,
l’avion a émis au total quelque
240 tonnes de CO2.
Notre rédaction aurait aimé
que Nick Hayek s’exprime sur
le pourquoi de ces vols et sur
la compatibilité avec les objec-
tifs de durabilité de Swatch.
Mais il n’a pas répondu à nos
questions.

Ernesto Bertarelli
Ernesto Bertarelli est, lui aussi,
un milliardaire suisse appré-
ciant les déplacements en jet
privé. Il utilise l’un des plus
grands et des plus luxueux jets
actuellement disponibles, un
Bombardier Global 7500 (coût:
par de nombreuses entités et
différentes personnes, dont,
occasionnellement, Monsieur
Bertarelli».
CLIMAT Le ciel helvétique sement. Par habitant et habitante, les ment anonyme affrète un avion. Ré-
Salvatore Di Nolfi/Keystone

environ 70 millions de francs).
L’appareil a volé près de 400
heures en 2022.
Interrogée, une porte-parole
a confirmé qu’Ernesto Berta-
relli utilisait cet avion. Toute-
fois, il n’appartiendrait ni à lui
ni à sa famille et serait «loué
Rainer-Marc Frey
Au milieu de la nuit du 23 août
2022, à 1 h 21 précises, le PC-24
du pionnier des hedge funds
et pilote amateur Rainer-Marc
Frey a décollé d’Ostrava, en
République tchèque, vers la
Lituanie. De là, il s’est immé-
diatement dirigé vers la Letto-
nie, puis l’Estonie. À l’aube,
l’avion a atterri à Turku, en
Finlande. Puis, direction la
Suède, le Danemark, le
Luxembourg et plusieurs
autres pays européens, jusqu’à
ce qu’il atterrisse finalement à
Budapest le soir à 23 h 07.
Ce 23 août 2022, le jet a ef-
fectué 14 vols individuels avec
14 décollages et atterrissages,
brûlant plus de 7000 litres de
kérosène, ce qui correspond à
environ 18 tonnes de CO2 – plus
que ce qu’un Suisse moyen
produit en une année.
Screenshot
est rempli de jets privés.
Certains émettent autant
de CO2 en seulement trois
heures de vol qu’un Suisse
moyen en une année
entière.
CHRISTIAN BRÖNNIMANN,
CYRILL PINTO,
Selon la liste des personnes SVENSON CORNEHLS,
les plus riches de «Bilanz», Rai- DARIUSH MEHDIARAGHI
ner-Marc Frey est milliardaire cellule.enquete@tamedia.ch
et un inconditionnel de l’avia-
tion. D’après le magazine éco- Le milliardaire Ernesto Bertarelli l’uti-
nomique, il a envoyé l’an der- lise, tout comme l’héritière de Roche
nier ce SMS à ses amis: «DONE Gigi Oeri ou le patron de Swatch Nick
193/193 United Nations Hayek: le jet privé, le moyen le plus ex-
Countries Visited» – il a visité clusif pour se rendre d’un point A à un
tous les pays du monde, de pré- point B – et de loin aussi le plus pol-
férence à bord de son propre jet. luant. Les jets privés sont extrêmement
Malgré plusieurs demandes, nocifs pour le climat. En seulement
Rainer-Marc Frey n’a pas ré- trois heures de vol, ils rejettent entre
pondu à nos questions concer- trois et quinze tonnes de CO2 dans l’at-
nant ses innombrables vols et mosphère. Quinze tonnes, c’est un peu
l’impact environnemental qui plus que les émissions totales d’un
en résulte. Mais une publica- Suisse moyen sur une année entière.
tion sur le site web recordset- En dépit des avertissements clima-
ters.com révèle néanmoins le tiques, les jets privés sont en plein es-
contexte de sa virée du 23 août sor. Selon une étude du think tank
2022: avec un ami, Rainer- américain Institute for Policy Studies,
Marc Frey a établi un nouveau le nombre de jets privés et d’affaires a
record mondial du nombre de plus que doublé dans le monde au
pays visités en une journée. cours des deux dernières décennies.
Outre le jet, un hélicoptère et La pandémie a encore accéléré cette
des voitures ont été utilisés croissance.
pour battre ce record. Et la Suisse se révèle être un hotspot
Concernant la question du en la matière. Selon une étude de
climat, Rainer-Marc Frey, de- Greenpeace, les avions à réaction uti-
bout devant son PC-24, ex- lisés à titre privé ou professionnel ont
plique dans une vidéo sur le décollé plus de 35’000 fois des aéro-
site web en question: «Pendant dromes et aéroports helvétiques l’an-
notre préparation, nous avons née dernière; cela représente près de
souvent discuté de la faisabi- 100 décollages par jour. La Suisse se
lité d’un tel projet.» La solution place ainsi au 6e rang des pays euro-
pour avoir bonne conscience: péens. Si l’on considère le nombre
jets privés volent ici environ trois fois
plus souvent qu’en France ou en An-
gleterre et presque six fois plus qu’en
Allemagne.
L’étude de Greenpeace alimente un
débat qui se fait de plus en plus pres-
sant dans le monde entier. Est-il juste
qu’un petit groupe de personnes très
riches pollue excessivement l’environ-
nement et le climat alors que la partie
la plus pauvre de la population mon-
diale souffre le plus du changement cli-
matique? Non, répond Greenpeace
Suisse, qui demande tout bonnement
l’interdiction des jets privés. Tout n’est
pas si grave, affirme en revanche l’As-
sociation suisse de la branche de l’avia-
tion privée et d’affaires, qui met en
avant des dizaines de milliers d’em-
plois et des milliards de valeur ajoutée.
« Le CO2 tue
et la plupart
des vols en jet privé
ne répondent pas à des
besoins fondamentaux,
mais sont des vols
de luxe.»
Dominic Roser, philosophe
Qui est réellement responsable du
boom des jets en Suisse? Pour le sa-
voir, la cellule Enquête ainsi que
l’équipe «data» de Tamedia ont analy-
sé tous les mouvements aériens en
2022 sur les aéroports et aérodromes
suisses. Bien que de nombreux utili-
sateurs et utilisatrices de jets se cachent
derrière des sociétés anonymes, il a
été possible d’identifier un certain
nombre de grands voyageurs suisses
(lire encadrés).
server un vol est simple: un seul clic
suffit. Sur un court trajet, le prix d’un
aller-retour est d’au moins 6000 francs.
Pour un vol en Europe, il faut comp-
ter au minimum 20’000 francs de frais.
Des prix facilement abordables pour
les fils de feu Robert Louis-Dreyfus,
dont la fortune familiale est estimée à
3,25 milliards de francs par «Bilanz».
Kyril et Maurice Louis-Dreyfus postent
ouvertement sur les réseaux sociaux
des photos de leurs voyages en comi-
té privé. Pour cela, ils affrètent selon
les besoins un hélicoptère, un jet pri-
vé ou un avion de ligne entier. Ils s’en-
volent ainsi avec leur famille et leurs
amis pour Rio, Ibiza, la Laponie ou tout
simplement pour une journée à Euro-
pa-Park.
Les héritiers milliardaires Kyril et
Maurice Louis-Dreyfus ont eux aussi
laissé sans réponse la question de leur
empreinte carbone.
166’000 tonnes de CO2 par an
Selon l’étude de Greenpeace, les plus
de 35’000 vols de jets privés suisses de
2022 ont généré des émissions dépas-
sant 166’000 tonnes CO2. C’est autant
que ce qu’émettent environ 12’000
Suisses et Suissesses moyens par an,
tous domaines de la vie réunis.
Le porte-parole de Greenpeace, Ro-
land Gysin, n’est pas surpris que la
Suisse soit si bien placée dans le clas-
sement européen des utilisateurs et uti-
lisatrices de jets privés. «La Suisse est
un pays qui compte de nombreux su-
per-riches. Pour eux, le jet privé est un
moyen de transport très apprécié.»
Cette petite élite financière serait à
l’origine d’environ 4% des émissions to-
tales de l’aviation en Suisse. Mais taxer
massivement les jets privés n’apporte-
rait rien, estime Roland Gysin. «L’argent
ne joue aucun rôle pour les super-riches
– c’est pourquoi Greenpeace demande
une interdiction des jets privés.»

«Nous compensons notre em- d’habitants et d’habitantes, la Suisse La branche des jets privés recèle aus- Roland Gysin considère les déclara-
preinte carbone d’un facteur – à l’exception du petit État insulaire si une grande boîte noire. Celui ou celle tions des utilisateurs et utilisatrices de
deux auprès de Myclimate.» de Malte – arrive même en tête de clas- qui veut voyager de manière totale- jets privés selon lesquelles ils com-
 Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Suisse 9

sses alimentent
vés

Elena Monti
Gigi Oeri
L’héritière bâloise de Roche, dence secondaire à Ibiza en
Gigi Oeri, vole dans un Falcon raison de la situation insu-
2000LX du constructeur fran- laire». Les vols seraient «si pos-
çais Dassault. Ce jet peut ac- sible combinés avec des inter-
cueillir entre 8 et 13 passagers ventions pour des fondations
et passagères. Il brûle près de d’utilité publique de Madame
1000 litres de kérosène par Oeri», poursuit le porte-parole.
heure de vol, ce qui corres- L’impact environnemental de
pond à 2,5 tonnes de CO2. tous les vols serait «entière-
En 2022, le jet utilisé par Gigi ment compensé».
Oeri a décollé 129 fois. Le plus Le porte-parole n’explique
souvent, pour effectuer le pas exactement ce qui est fait
même trajet: Bâle-Ibiza ou Ibi- pour le compte des fondations.
za-Bâle. Le Falcon a émis en Des articles de presse espa-
2022 environ 600 tonnes de gnols livrent en 2017 certaines
Les jets privés seraient responsables CO2. Cela correspond à plus de précisions à ce sujet: une fon-
de 4% des émissions totales 40 fois la consommation an- dation de Gigi Oeri transporte-
de l’aviation en Suisse. PD nuelle d’un Suisse ou d’une rait en jet privé des chiens de
Suissesse, tous domaines de la rue d’Ibiza vers la Suisse en
vie réunis. vue de leur adoption. Jusqu’en
pensent leurs émissions de CO2 comme «Bien évidemment, il est profondé- Gigi Oeri réside à la fois à 2017, plusieurs centaines de
des promesses faites du bout des lèvres: «L’argent ne joue ment injuste que quelques-uns Bâle et à Ibiza. Un de ses porte- toutous auraient été transpor-
«Le CO2 est produit immédiatement, aucun rôle pour les consomment de grandes quantités de parole confirme que «Mme Oe- tés de cette manière. La fonda-
mais son élimination de l’atmosphère super-riches – c’est CO2: le CO2 tue et la plupart des vols ri utilise un avion privé pour tion gère un refuge pour chiens
prend des décennies, par exemple en jet privé ne répondent pas à des be- les voyages de et vers sa rési- aussi bien à Ibiza qu’en Suisse.
lorsque des arbres sont plantés», ex-
pourquoi Greenpeace soins fondamentaux, mais sont des
plique-t-il. L’état critique des glaciers, demande une interdiction vols de luxe.» C’est pourquoi, selon
des océans et des forêts exigerait tou- des jets privés.» Dominic Roser, une interdiction de ces Rolex
tefois une action rapide. vols n’aurait presque que des avan-
Roland Gysin, porte-parole tages. Néanmoins, il s’agit selon lui Le fabricant suisse de montres lonté de mobiliser une com-
Pulvérisation du budget CO2 de Greenpeace d’une question secondaire. «Les su- de luxe Rolex possède deux munauté mondiale de défen-
On peut aussi décrire le problème au- per-riches se prêtent certes à servir de jets d’entreprise qui se dé- seurs des récifs et de préserver
trement: pour atteindre l’objectif de li- bouc émissaire. Mais pour résoudre la placent fréquemment, même les écosystèmes coralliens
miter le réchauffement de la planète à crise climatique, il ne suffit pas de s’en sur de courtes distances. L’an- dans le monde entier», écrit la
1,5 ou 2 degrés, chaque personne de- que le réchauffement climatique puisse prendre à des boucs émissaires», ex- née dernière, les jets Rolex ont firme.
vrait uniquement émettre quelques encore être freiné à temps. plique-t-il. Il serait décisif que les per- régulièrement effectué les tra- Comment Rolex gère-t-elle
tonnes de CO2 par an – et bientôt plus Le philosophe Dominic Roser est sonnes et les pays qui se sont enrichis jets Genève-Gênes, Genève- cette contradiction? Une
rien du tout. Si quelques super-riches conseiller de recherche à l’Institut in- grâce aux énergies fossiles financent Milan, Genève-Zurich ou Ge- porte-parole de l’entreprise
consomment aujourd’hui x fois plus du terdisciplinaire d’éthique et des droits désormais les technologies qui permet- nève-Paris, bien qu’il existe souligne que la firme n’utilise
budget CO2 restant que la grande ma- de l’homme de l’Université de Fri- tront à d’autres de sortir de la pauvre- des liaisons ferroviaires ra- les deux avions privés qu’à des
jorité, tous les autres devront à l’avenir bourg. Il s’est spécialisé dans les ques- té sans recourir aux énergies fossiles. pides entre ces villes. Avec des fins professionnelles. «Notre
se restreindre encore davantage pour tions de justice climatique. Il déclare: «C’est leur obligation éthique.» émissions de CO2 de près de présence internationale, le dé-
4,5 tonnes par heure de vol, les veloppement et la gestion de
deux jets de Bombardier notre société requièrent des
comptent parmi les déplacements de cet
Nombre de décollages de jets privés et d'affaires par million Méthodologie plus polluants. ordre.» Les avions
d'habitants et d'habitantes en 2022 L’utilisation in- seraient exclusive-
Les analyses se basent tensive des deux ment réservés
sur les données du réseau avions de l’entre- aux instances di-
Pays-Bas
Opensky, qui met à prise se traduit rigeantes, dont
692
Belgique
disposition les mouvements par une em- le besoin est de
aériens recensés à des fins preinte carbone «se déplacer ra-
Grande-Bretagne
915 de recherche. L’analyse importante: plus pidement, en
prend en compte les vols de 3000 tonnes de toute sécurité et
1341 Allemagne
702 de jets privés et d’affaires CO2 ont été émises toute confidentialité
ayant décollé ou atterri par les deux avions en partout dans le monde»,
en Suisse en 2022. 2022. Cela va à l’encontre de explique Virginie Chevailler-
Suisse Les routes aériennes l’initiative Perpetual Planet, de Meuron, porte-parole de

4054 Autriche
recensées peuvent,
dans de rares cas, contenir
un engagement de Rolex
contre le changement clima-
Rolex.
Interrogée sur les trajets
1676 des lacunes qui ont été prises tique. Depuis plus de vingt courts, Rolex laisse entendre
France en compte en conséquence ans, la marque soutient en ef- qu’elle pourrait changer de cap:
1252 dans les calculs et les
représentations.
fet des activistes, comme le
défenseur des océans Titouan
«Les courtes distances sont ac-
tuellement à l’étude, comme
Bernicot, qui s’engage pour la toutes les autres mesures qui
préservation des récifs coral- nous permettront de réduire
liens dans le Pacifique Sud. notre empreinte carbone», pré-
Espagne Rolex finance l’équipe de Ti- cise Mme Chevailler-de Meu-
Grèce
963 Italie
1347 touan Bernicot, qui plante et ron. L’entreprise étudierait no-
943 cultive des coraux selon un
procédé complexe. «Rolex
tamment la compensation des
émissions ou l’utilisation de
Graphique: Dhl. Source: Étude Greenpeace / CE Delft (CO2 Emissions of Private Aviation in Europa) / Calculs de la SonntagsZeitung
soutient Bernicot dans sa vo- carburant durable.
10 Suisse
Réserver son passage
pourrait éviter les bouchons
GOTHARD Excédé par les
embouteillages au tunnel, Uri
demande à la Confédération
d’agir en examinant,
notamment, la faisabilité d’un
modèle de créneau de places.
GABRIEL SASSOON
gabriel.sassoon@lematindimanche.ch
Les bouchons, on pourrait dire que Ludwig
Loretz est expert en la matière. Comme une
bonne partie de la population du canton
d’Uri, porte d’entrée nord du tunnel du Go-
thard. Mais ce garagiste et député PLR au
parlement cantonal pense avoir trouvé un
moyen de faire fondre les colonnes de vé-
hicules qui s’étendent à perte de vue de-
vant l’ouvrage. Son idée: un système de
créneau.
«En été,
la situation
atteint
son paroxysme,
ça ne s’arrête pas
du matin au soir. Et ça ne fait
qu’empirer, car le trafic
augmente.»
Ludwig Loretz, député PLR
au parlement d’Uri
Dans les grandes lignes, le fonctionne-
ment serait le suivant: seules les personnes
ayant réservé une place pour une tranche
horaire déterminée auraient droit de pas-
sage, la procédure se ferait en ligne et se-
rait gratuite, du moins dans un premier
temps. Le nombre de «slots» disponibles
étant limité, elle permettrait de mieux ré-
partir sur la journée le flux des voitures et
des camions.
Inédite en Suisse, en cours de discussion
à nos frontières, la proposition suscite une
foule d’interrogations sur les détails de sa
mise en œuvre. Mais aussi un vent d’espoir
dans le canton. «La situation est catastro-
phique. Il faut de nouvelles solutions»,
s’époumone Ludwig Loretz, posté en bor-
dure de route, à Wassen, l’un des derniers
villages uranais avant le tunnel. Derrière
lui, on aperçoit l’A2, peu fréquentée ce jour
de semaine. Mais dans quelques jours, c’est
l’Ascension et les embouteillages seront de
retour, comme de coutume les jours fériés.
Initiative en préparation
Ludwig Loretz, 59 ans, est né et a grandi à
Uri. Il a observé aux premières loges l’ex-
plosion du trafic au Gothard, axe de tran-
sit majeur entre le nord et le sud. «Il y a une
dizaine d’années, les bouchons n’étaient
que ponctuels. Mais désormais, ils peuvent
survenir à tout moment. En été, la situa-
tion atteint son paroxysme, ça ne s’arrête
pas du matin au soir. Et ça ne fait qu’empi-
rer, car le trafic augmente.»
«Avec
les risques
d’embou-
teillages
et d’accidents
sur le parcours, il me semble
bien compliqué de réussir
à tenir son créneau.»
Gina Eigensatz, bistrotière à Wassen
L’an dernier, lors du week-end de Pâques,
la colonne de véhicules a atteint 22 km!
Après le calme relatif qui avait marqué la
pandémie, les embouteillages ont repris de
plus belle, poussant Ludwig Loretz à réa-
gir. Il y a quelques semaines, le parlement
Lors du dernier Vendredi-Saint, des kilomètres de bouchons se sont formés devant
le tunnel du Gothard, comme de coutume. Keystone/Urs Flüeler
cantonal a accepté à l’unanimité sa motion,
sommant le Canton de déposer une initia-
tive sous la Coupole fédérale. Le Conseil
d’État plaidera la mise en place de mesures
fluidifiant le trafic, et cela sans augmenter
la capacité du tunnel. Les autorités fédé-
rales auraient notamment pour tâche d’étu-
dier la faisabilité d’un système de créneau.
«Pourquoi ne pas commencer par un test
sur les poids lourds?» propose le garagiste.
Embouteillage dans les villages
Si les habitantes et habitants de la région
en ont marre, c’est en raison du trafic d’évi-
tement. Plutôt que de faire du surplace, des
automobilistes tentent de gagner le tunnel
par la route cantonale, qui ne tarde pas à
son tour à être surchargée. «Il faut se rendre
compte que c’est la seule autre voie de cir-
culation entre les villages. Et les conduc-
teurs pressés provoquent des situations
dangereuses. Il y a ici des passages pour
piétons, des sorties d’école», s’inquiète Lud-
wig Loretz.
L’élu habite à Andermatt, à plusieurs ki-
lomètres du tunnel. Mais même là, les ef-
fets des bouchons se font sentir. «Mon four-
nisseur de pièces détachées ne vient plus
le vendredi. Il ne prend pas le risque de res-
ter coincé dans un embouteillage.» Le tou-
risme pâtirait aussi de la situation. «En été,
les visiteurs potentiels réfléchissent à deux
fois avant de venir par ici.»
Pour Gina Eigensatz, c’est le bruit constant
des moteurs qui est le plus dérangeant. Elle
tient un café à Wassen, le long de la route
cantonale. Il est midi, l’heure de servir bière
et saucisse aux habitués. Les automobi-
listes résolus à gagner le sud le plus vite
possible n’en font pas partie. «S’ils s’arrêtent
ici, c’est pour aller aux toilettes, jamais pour
consommer.»
Alors oui, des mesures récentes ont amé-
lioré la situation, reconnaît la bistrotière.
Lorsqu’un bouchon se forme, la police
ferme les entrées d’autoroute depuis les
communes les plus proches du tunnel. Ob-
jectif: empêcher le trafic d’évitement. «Mais
ce n’est pas suffisant. Il faut en faire davan-
tage!» Un système de réservation est-il la
solution? Gina Eigensatz en doute. «Les au-
tomobilistes arrivent parfois de très loin.
Avec les risques d’embouteillages et d’ac-
cidents sur le parcours, il me semble bien
compliqué de réussir à tenir son créneau.
Qu’est-ce qui se passe à ce moment-là?»
Scepticisme à Berne
À Berne, l’Office fédéral des routes se
montre sceptique pour cette même raison
et pour plusieurs autres. «Où les véhicules
arrivés trop tôt ou ceux ayant raté leur cré-
neau doivent-ils se garer? Où les véhicules
sans réservation doivent-ils «faire la
queue»? Et comment s’assurer que le véhi-
cule ayant le prochain créneau réservé
puisse quitter l’aire d’attente à temps? De
tels espaces n’existent pas devant le tun-
nel du Gothard et ne sont guère réalisables»,
affirme Marina Kaempf, porte-parole.
Ludwig Loretz secoue la tête. «Ce serait
justement le but d’une étude d’examiner
ces questions. La situation ne peut pas être
pire qu’aujourd’hui, ce n’est pas beaucoup
demander d’au moins se pencher sur le su-
jet.» Le dernier mot reviendra au parlement.
La victime vivait à Bex depuis environ quatre ans. Benjamin Pillard
Une femme
a été égorgée
dans sa cave
ENQUÊTE Une
Vaudoise de Bex a été
retrouvée sans vie le
29 avril dans le sous-
sol de son immeuble.
Pour ses voisins, il est
clair qu’il s’agit d’un
homicide. La justice
nous le confirme.
Tomber nez à nez sur le ca-
davre de sa voisine de palier,
gisant dans son sang. C’est ce
qui a failli arriver à une jeune
mère de famille il y a deux se-
maines, samedi 29 avril dans
l’après-midi. «Heureusement
que j’ai renoncé à descendre au
sous-sol pour ranger des af-
faires que j’avais achetées le
matin…» nous confie cette ha-
bitante d’un immeuble mo-
derne sis au cœur de Bex (VD),
encore sous le choc de la mort
violente de Valérie* (41 ans).
Son corps inanimé avait été dé-
couvert en fin de journée par
son compagnon, dans le cou-
loir menant aux caves de cette
PPE de douze appartements.
La nouvelle avait rapidement
circulé dans les étages, et plu-
sieurs locataires s’étaient ren-
dus au sous-sol avant l’arrivée
de la police. Après avoir pris le
pouls de la femme, une habi-
tante l’avait recouverte d’une
couverture. «Par respect pour
elle, et par égard pour les en-
fants de l’immeuble», té-
moigne cette soignante de mé-
tier. Plusieurs coupures res-
taient cependant visibles sur le
corps, notamment au niveau
du cou. Le fait qu’aucune lame
ne se trouvait à ses côtés a
convaincu le voisinage que la
Vaudoise ne s’était pas ôté la
vie. Ce d’autant plus qu’un
toxicomane du quartier,
contemporain de la victime,
aurait avoué son crime au co-
pain de Valérie, puis à la police.
Plusieurs coups de lame
Selon nos sources, le tueur pré-
sumé a été incarcéré le soir
même. Également domicilié
dans les environs immédiats,
un deuxième homme suspec-
té d’avoir été en contact avec
le premier dans le cadre d’un
trafic de stupéfiants a été arrê-
té dans les jours qui ont suivi.
Pourtant, dans sa communi-
cation la semaine dernière, la
police cantonale n’a pas fait
état d’un meurtre, mais d’un
décès survenu «dans des cir-
constances suspectes», «en
lien avec le milieu de la toxi-
comanie». Contacté, le Minis-
tère public confirme qu’il s’agit
bien d’un homicide. Et que
deux hommes ont été placés
en détention provisoire. «Au-
cune autre information ne se-
ra communiquée à ce stade
afin de préserver l’enquête en
cours», ajoute le porte-parole
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
du Parquet vaudois, Vincent
Derouand.
Jusqu’à notre prise de
contact, même la famille de
Valérie n’avait pas été infor-
mée de la dimension crimi-
nelle de ce drame. «Nous sa-
vions juste qu’elle était décé-
dée après avoir reçu plusieurs
coups de couteau, sans plus
de précision, se désole sa
belle-mère. Lorsque nous
avons pu voir son corps, une
écharpe avait été déposée au-
tour de son cou, si bien qu’au-
cune plaie n’était visible. Mais
lors de ses funérailles à Lau-
sanne, il était clair pour cha-
cun de nous qu’elle avait été
tuée: avec son tempérament
de battante, c’était impensable
qu’elle se soit suicidée. On est
soulagés d’apprendre que
deux suspects ont été arrêtés.»
Rentière AI et passionnée de
bricolage, la quadragénaire
passait beaucoup de temps
dans sa cave de quelques
mètres carrés, où elle avait
aménagé un petit établi. «Elle
«On est
soulagés
d’apprendre
que deux suspects
ont été arrêtés.»
La belle-mère de la victime
y restaurait notamment des
meubles, parfois en y restant
une partie de la nuit, détaille
un locataire de l’immeuble.
Son compagnon nous a dit
qu’elle y est descendue le ven-
dredi à 17 h, sachant que lui-
même va très tôt se coucher.
Quand il s’est réveillé le len-
demain matin, le souper qu’il
avait laissé pour elle dans leur
appartement était encore sur
la table…» Ce voisin précise
que si le copain de la victime
– également rentier AI – ne l’a
pas cherchée dans les caves
avant la fin de la journée, c’est
parce que la trottinette et le
sac à dos de Valérie ne se trou-
vaient pas contre la porte d’ac-
cès au couloir, ce qui était in-
habituel. «Il en a déduit qu’elle
ne s’y trouvait pas…»
Le toxicomane qui aurait
avoué son crime a été croisé à
de multiples reprises et depuis
plusieurs années par des ha-
bitants de l’immeuble, au
sous-sol. Selon nos informa-
tions, Valérie lui vendait ou
donnait des médicaments
prescrits sur ordonnance.
Jusqu’à ce qu’elle le soup-
çonne de lui avoir volé du ma-
tériel dans sa cave. «Elle lui
avait interdit de remettre les
pieds ici», révèle une voisine.
BENJAMIN PILLARD
*Prénom d’emprunt
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Suisse 11

En pleine ruée sur les jardineries,

le public montre déjà ses favoris
PLANTONS Un peu de soleil
et de chaleur, et les envies
de jardinage reprennent.
Quels sont les hits de ce mois
de mai? On trouve quelques
surprises, pour des cultures
en plein renouveau.

JOEL ESPI
joel.espi@lematindimanche.ch

«Les gens ont complètement changé leur

philosophie.» Pour l’horticulteur floricul-
teur Jonathan Ducret, les jardins ont beau
refleurir chaque printemps de la même ma-
nière, le jardinage semble, lui, connaître une
petite révolution depuis quelques années.
En cause, la pandémie de Covid, des préoc-
cupations grandissantes concernant le cli-
mat ou encore des soucis de pouvoir d’achat.
Moins de pesticides, plus de bio, du lo-
cal, ce qui touche à la consommation de
manière générale s’applique désormais aus-
si aux plantons, aux fleurs ou à la terre.
«Nous proposons même du terreau vé-
gane», sourit le professionnel, qui gère Du-
cret Fleurs, entreprise familiale à Oron (VD).
«Beaucoup de jeunes se mettent aussi au

«Beaucoup de
jeunes se mettent
au jardinage.»
Jonathan Ducret,horticulteur
floriculteur
jardinage.» Sous la serre principale, des di-
zaines de pots de géraniums sont alignées
sur des tables. Des fleurs on ne peut plus
classiques, mais qui constituent le hit ab-
solu de cette jardinerie qui fêtera ses 80 ans
cette année.
Nicolas Brönnimann en vend lui aussi
des tonnes. Le patron du Garden Centre
Brönnimann, à Noville (VD), profite enfin
de l’arrivée des premières chaleurs et du
temps plus ensoleillé. «Quand il fait beau,
il faut encore quelques jours pour que les
gens switchent en mode jardinage», ex-
plique le professionnel.
Malgré une météo encore un peu hési-
tante ces prochains jours, voici le top 5 des
végétaux les plus vendus dans les jardine-
ries, entreprises familiales ou enseignes na-
tionales, en ce début du mois de mai.
Les tomates
Le succès de la tomate, qu’il faut replanter
chaque année, ne se dément pas. «Les faire
L’horticulteur pousser est ludique, notamment pour les
floriculteur enfants», explique Nicolas Brönnimann.
Jonathan Ducret Sous forme de plantons, le chatoyant fruit
constate un s’avère ainsi parfait pour les débutants.
changement Comme son confrère, celui qui officie à
de philosophie Oron a lui aussi constaté un appétit des
chez les jardiniers jeunes pour le jardinage. Des débutants qui
amateurs: choisissent avec parcimonie leurs pre-
ils veulent moins mières plantes, destinées à pousser sur un
de pesticides, balcon ou une petite surface de terre.
plus de bio et du Autres légumes gratifiants, les poivrons,
local. Yvain Genevay aubergines et autres piments fleurissent
sur ce que l’on nomme les «jardins suspen-
dus». Dans les jardins privés, on devrait
continuer de trouver les traditionnels
concombres, courgettes et autres blettes,
explique notamment Hornbach.
Les salades
Là aussi, en jetant un œil sur les balcons,
vous risquez bien de voir pousser des sa-
lades dans les jardinières. L’occasion de
joindre l’utile à l’agréable. Il est d’ailleurs de
plus en plus courant d’utiliser les légumes
pour leurs vertus décoratives. Chez Jumbo,
par exemple, la salade figure dans les meil-
leures ventes de la saison. «On le voit de plus
en plus dans les villes, où l’on plante des lé-
gumes dans les massifs», constate Jonathan
Ducret. Il n’est ainsi plus rare de voir des
choux, des blettes ou des fleurs d’artichaut
décorer les jardins communaux.
Les carottes
Il est toujours fascinant de planter des
graines et de les voir grandir et se transfor-
mer en plantes. Celles qui ont la préférence
du public sont, de loin, les carottes. «Nous
en vendons des quantités incroyables», sou-
rit Jonathan Ducret. Pareil à Noville, où les
radis font également partie des semis ven-
dus en quantité. Nicolas Brönnimann dit
également vendre quantité de poireaux.
«Beaucoup de gens veulent en planter, al-
lez savoir pourquoi!» Mais en regardant les
plantes les plus vendues, on peut se dou-
ter que les familles veulent faire des asso-
ciations de saveurs.
Le basilic
Il semble ainsi peu étonnant que la plante
aromatique la plus vendue chez Migros Do
it + Garden soit celle qui est privilégiée
pour accompagner la tomate. Le basilic est
donc un hit des jardineries en cette pé-
riode de l’année.
D’une manière générale, les aromatiques
occupent une bonne place parmi plantes
les plus vendues. C’est le cas dans les ma-
gasins Jumbo, où l’on s’arrache ciboulette
ou thym, bref, tout ce qu’il faut pour consti-
tuer des bouquets garnis.
«Nous avons 70 sortes différentes d’aro-
matiques», lance Nicolas Brönnimann.
Outre le fameux basilic, les clients sélec-
tionnent leurs aromatiques en fonction de
leurs goûts. Et l’arrivée des cuisines du
monde a encouragé à faire pousser dans
son jardin des herbes originales comme la
citronnelle ou certaines menthes exotiques.
Les géraniums
Oui, les bons vieux géraniums sont les fleurs
les plus demandées chez Do it + Garden,
Hornbach ou Jumbo. Après une certaine
désaffection, elles connaissent un regain
d’intérêt. «Depuis quatre ou cinq ans, le gé-
ranium est de nouveau à la mode grâce à
ses couleurs flashy», explique Nicolas Brön-
nimann. Et ce n’est pas son confrère Jona-
than Ducret qui dira le contraire.
Autre plante fleurie très demandée dans
les jardineries, le dipladenia. Facile d’en-
tretien, elle fait également le bonheur des
débutants. Chez Migros, les primevères et
autres sanvitalia connaissent elles aussi un
certain succès.

Les 5 plantes les plus prisées des Romands ce printemps

SOLANUM LYCOPERSICUM
Originaire du Mexique, la tomate
désigne aussi bien la plante que son
fruit charnu. Cette plante herbacée
supportegénéralementmallefroid.
Elle est vivace en climats chauds
et est généralement annuelle.
Il en existe au moins 2500 variétés.
Photos: Shutterstock
LACTUCA SATIVA Avec ses
quelque 2000 variétés répandues
à travers le monde, la laitue culti-
vée, issue de la famille des «Lac-
tuca», a fait l’objet de nombreuses
sélections parmi les jardiniers.
Celles communément plantéess
sont la chicorée et les laitues.
DAUCUS CAROTA SUBSP. SATIVUS
Principal légume-racine dans
le monde après la pomme de terre,
la carotte cultivée comprend plus
de 400 variétés. Cette plante bi-
sannuelle trouverait son origine
en Asie Mineure et centrale.
OCIMUM BASILICUM Originaire
PÉLARGONIUM C’est le vrai nom
d’Asie ou d’Afrique, le basilic a été
du géranium. Originaire d’Afrique
importé il y a au moins 4000 ans
du Sud, non rustique, il ne peut
en Égypte. Incontournable de la
pas rester en pleine terre à la sai-
cuisine italienne, il est aussi utilisé
son froide (contrairement au géra-
en pharmacopée comme tonique,
nium vivace). Son port est érigé ou
stimulant, antiviral ou vermifuge.
retombant.
retombant
12 Monde Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

Le vote des femmes pourrait-il Singapour bat un

avoir raison d’Erdogan?

TURQUIE Avec le parti islamo-
conservateur au pouvoir, les
femmes ne cessent de voir
reculer leurs droits et libertés.
La colère de nombreuses
électrices, attisée par la crise
économique et l’inflation
galopante, pourrait s’exprimer
aujourd’hui dans les urnes.
YANNICK VAN DER SCHUEREN
yannick.vanderschueren
@lematindimanche.ch
En Turquie, où le scrutin présidentiel de ce
dimanche s’annonce plus serré que jamais,
le vote féminin pourrait s’avérer décisif.
Après une décennie de progrès obtenu de
haute lutte par les mouvements féministes,
Recep Tayyip Erdogan et son parti islamo-
conservateur (AKP) ont considérablement
rogné sur ce qu’il leur avait accordé. Révol-
tées par ce bond en arrière et échaudées
par la gestion économique désastreuse du
gouvernement, nombreuses sont celles qui
espèrent aujourd’hui la défaite du président
sortant. Y compris parmi les conservatrices.
Retour sur une régression programmée.
Dès 2013, le pouvoir se durcit, les manifes-
tations contre les dérives autoritaires du
premier ministre turc sont violemment ré-
primées. Élu président en 2014, Erdogan
change de ton. Il affirme haut et fort que
«la femme ne peut pas naturellement être
l’égale de l’homme». Exhortant les ci-
toyennes à «avoir au moins trois enfants
pour soutenir la nation», il précise que «l’is-
lam a défini une place pour les femmes dans
la société: la maternité». Dans la foulée,
l’accès à la contraception et à l’avortement
– pourtant légal depuis 1983 – est fortement
restreint, les discours politiques misogynes
se multiplient, l’impunité dans les affaires
de féminicides et d’abus sexuels devient la
règle.
En 2021, alors que la Turquie faisait office
de pionnière, elle se retire sur décret prési-
dentiel de la Convention d’Istanbul, premier
traité international à fixer des normes juri-
diquement contraignantes pour prévenir les
violences faites aux femmes, sous prétexte
qu’il menace «les valeurs familiales tradi-
tionnelles» et sert la cause LGBT. C’est la
goutte d’eau pour les militantes. Même les
conservatrices, qui ont voté pour Erdogan
en raison de la levée de l’interdiction de por-
ter le voile les empêchant d’accéder à des
emplois dans les institutions publiques et à
l’éducation dans les universités, sont cho-
quées par cette décision.
Opération séduction
Comment expliquer ce virage radical? «Les
dix premières années du mandat d’Erdo-
gan ont été marquées par une forte volon-
té d’européanisation. Il a réalisé de nom-
breuses réformes dans le but d’harmoniser
Le président sortant Erdogan et Kemal Kiliçdaroglu, leader d’une alliance de six partis d’opposition, sont au coude
à coude pour la présidentielle. Getty Images/Burak Kara
les lois turques avec celles de l’Union eu-
ropéenne, dont le nouveau Code pénal en
2004 criminalisant le viol conjugal et le
harcèlement au travail», rappelle Hazal
Atay, chercheuse associée au Centre de re-
cherches politiques de Sciences Po (Cevi-
pof), à Paris. «Ces changements ont été ef-
fectués dans le cadre du processus de né-
gociation avec Bruxelles, pas en réponse
aux revendications des militantes, mais
c’était mieux que rien», souligne la spécia-
liste du genre et des mobilisations fémi-
nistes en Turquie.
Pour Hazal Atay, «le retrait de la Conven-
tion d’Istanbul a marqué l’apogée du recul
en matière de genre dans ce pays». Depuis,
les violences à l’encontre des femmes n’ont
fait qu’augmenter. En 2022, la plateforme
turque «We Will Stop Feminicide» a recen-
sé plus de 330 victimes de féminicide et
254 morts suspectes. Une situation qui in-
quiète au-delà des clivages politiques.
Désormais, ce n’est pas seulement parmi
les militantes féministes que l’on souhaite
un changement à la tête du gouvernement.
Suite au choix d’Erdogan d’intégrer dans
sa coalition deux formations islamistes exi-
geant le retrait de la loi 6284 – seul instru-
ment légal toujours actif protégeant les
femmes des violences conjugales –, cer-
taines fidèles qui considèrent cette loi
comme «une ligne rouge» ont décidé de lui
tourner le dos. Selon un rapport de l’ONG
turque Social Democracy Foundation, ci-
tée par le média en ligne Politico, plus d’un
tiers des sympathisantes pourraient quit-
ter l’AKP lors de ces élections. Et alors qu’en
2018 le soutien des femmes turques au par-
ti au pouvoir était de 38%, il pourrait tom-
ber à moins de 27%.
Un quotidien difficile
«La femme Pour Eva Bernard, chercheuse associée à
ne peut pas l’Institut français d’études anatoliennes
naturel- (Ifea) à Istanbul, l’explosion des inégalités
n’est toutefois pas la principale raison qui
lement être pousse les Turques à faire défection. C’est
l’égale de davantage l’impact de la crise économique
l’homme.» dans la vie quotidienne des gens qui pour-
rait inciter des familles modestes qui votent
Déclaration faite habituellement Erdogan à se tourner vers le
en 2014 par Recep candidat de l’opposition, estime-t-elle. «Les
Tayyip Erdogan, femmes sont particulièrement touchées par
aujourd’hui les effets de cette crise. Ce sont elles qui font
président sortant les courses, elles aussi qui gèrent le budget
et candidat pour du foyer. Une mission qui devient de plus
un troisième en plus compliquée avec une inflation à 44%.
mandat Nombre d’entre elles se retrouvent désor-
mais obligées de travailler à l’extérieur en
plus de s’occuper des enfants.»
Une inflation que le candidat social-dé-
mocrate Kemal Kiliçdaroglu a promis de ra-
mener «à un chiffre d’ici à deux ans». Le
favori des sondages face à Erdogan s’est
aussi engagé à réintégrer la Convention d’Is-
tanbul et à garantir le port du voile dans la
loi, afin de rassurer les électrices conserva-
trices qui redoutent un retour sur certains
acquis. Les femmes vont-elles faire bascu-
ler la Turquie dans une nouvelle ère? Ré-
ponse dans les heures qui viennent ou à
l’issue d’un deuxième tour prévu pour le
28 mai en cas d’absence de victoire à la ma-
jorité absolue ce dimanche.
record de chaleur
CLIMAT La cité-État a enregis-
tré samedi sa température la
plus élevée en quarante ans,
37 degrés, ont indiqué des res-
ponsables, alors qu’une vague
de chaleur règne sur de
grandes parties de l’Asie du
Sud et du Sud-Est. La semaine
dernière, le Vietnam avait si-
gnalé une température record
de 44,1 degrés. AFP
Gros licenciements
dans la chaussure
VIETNAM L’un des principaux
fabricants de chaussures du
Vietnam, qui produit notam-
ment pour Nike et Adidas et a
déjà supprimé des milliers de
postes en début d’année, va li-
cencier 6’000 ouvriers à partir
du mois prochain en raison de
commandes en berne. Le pays
d’Asie du Sud-Est, l’un des plus
grands exportateurs mondiaux
de textiles et chaussures, subit
la crise liée au coût de la vie af-
fectant ses clients occiden-
taux, qui consomment moins
qu’avant. AFP
Grève évitée
en Allemagne
BERLIN Le syndicat des che-
minots allemands a renoncé
samedi à un mouvement de
grève national des trains au
sujet des salaires, prévu pour
démarrer dimanche soir. Cela
après un accord avec la com-
pagnie ferroviaire pour redé-
marrer les négociations.
La Deutsche Bahn a toutefois
indiqué qu’il y aurait quand
même des perturba-
tions. ATS
La Birmanie face
au cyclone «Mocha»
Munir Uz Zaman/AFP
CATACLYSME La Birmanie et
le Bangladesh se préparent à
l’arrivée du cyclone Mocha, le
plus puissant depuis des an-
nées, qui menace les camps
précaires où s’entassent des

Volodymyr Zelensky à Rome et à Berlin centaines de milliers de réfu-

UKRAINE Le président
ukrainien a rencontré
samedi la cheffe du
gouvernement Giorgia
Meloni et le pape François
à Rome. Il est attendu
ce dimanche à Berlin.
«Aujourd’hui à Rome. Je rencontre le
président Sergio Mattarella, le pre-
mier ministre Giorgia Meloni et le
pape. Une visite importante pour se
rapprocher de la victoire de l’Ukraine»,
a écrit M. Zelensky sur Twitter, pour
sa première visite en Italie depuis l’in-
vasion russe.
À la veille de la visite de M. Zelens-
ky, Berlin a de son côté annoncé un
nouveau plan d’aide militaire à
l’Ukraine de 2,7 milliards d’euros, in-
cluant la livraison de nombreux chars,
blindés et système de défense anti-
aérienne. Il s’agit du paquet de livrai-
sons d’armes le plus important de Ber-
lin à destination de l’Ukraine depuis
le début de l’invasion russe.
Lors de sa venue en Allemagne, le
chef de l’État ukrainien devrait s’en-
tretenir notamment avec le chan-
celier allemand Olaf Scholz et le
président allemand Frank-Walter
Steinmeier.
Prix Charlemagne
M. Zelensky doit également dans la
journée se voir décerner le Prix Char-
lemagne, qui récompense un enga-
gement particulièrement marquant
en faveur de l’entente en Europe.
«Pour la première fois dans sa
longue histoire, le Prix Charlemagne
reconnaît avec cette récompense que
la liberté et les principes fondamen-
taux de l’Europe doivent, si néces-
saire, être défendus par la force», a
souligné le directeur du comité orga-
nisant le prix, Jürgen Linden, dans le
quotidien allemand «Tagesspiegel».
Bakhmout au centre des combats
L’armée ukrainienne a affirmé same-
di «avancer» autour de Bakhmout.
Moscou assurait pour sa part conti-
nuer sa progression dans la ville dé-
jà majoritairement sous son contrôle
et aujourd’hui largement ravagée.
La veille, l’Ukraine avait dit avoir
avancé de deux kilomètres autour de
Bakhmout, ce que Moscou avait nié,
tandis qu’Evgueni Prigojine, le patron
du groupe paramilitaire russe Wagner,
accusait les troupes régulières russes
de «fuir» leurs positions près de Bakh-
mout.
La contre-offensive en question
«Au lieu de demander quand la
contre-offensive commencera, cha-
cun doit se demander s’il a fait assez
pour que la contre-offensive ukrai-
nienne commence et soit couronnée
de succès», a lancé Dmytro Kouleba,
le chef de la diplomatie ukrainienne,
avant de rencontrer Josep Borrell à
Stockholm. Le chef de la diplomatie
européenne a pour sa part appelé les
États de l’UE à «accélérer» leurs livrai-
sons d’armes aux forces ukrainiennes.
Et à leur fournir des munitions d’ar-
tillerie à longue portée pour riposter
aux tirs russes. ATS
giés musulmans rohingyas, et
qui entraîne partout sur sa tra-
jectoire une course contre la
montre pour fuir. AFP
Fusillade près
du Luxembourg
STRASBOURG Une fusillade a
fait au moins cinq blessés sa-
medi à Villerupt (Meurthe-et-
Moselle) et dans une com-
mune voisine en Moselle, non
loin de la frontière luxembour-
geoise. Un homme encagoulé a
tiré depuis un véhicule avant
de prendre la fuite. Trois bles-
sés ont été classés en urgence
absolue, l’un d’eux avec un
pronostic vital engagé. Cette
fusillade pourrait être liée à un
trafic de stupéfiants. AFP
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
Pour répondre à la concurrence des banques digitales, Romain Thalmann, responsable du siège Suisse romande de Raiffeisen Suisse, annonce que son groupe
testera cette année auprès de clients une application sur laquelle toutes les prestations bancaires seront à terme proposées. Yvain Genevay
«C’est l’intelligence
émotionnelle
qui fera la différence»
CONCURRENCE Selon une
étude du conseiller Deloitte,
les revenus des banques de
détail (Raiffeisen, banques
cantonales, etc.) pourraient
fondre à l’avenir. Romain
Thalmann, responsable du
siège Suisse romande de
Raiffeisen, dévoile la stratégie
du groupe pour y remédier.
NICOLAS PINGUELY
nicolas.pinguely@lematindimanche.ch
Attention, menace pour le monde bancaire.
Une étude de la société de conseil Deloitte
estime que les banques universelles (hypo-
thèques, paiements, prêts aux PME, etc.)
pourraient voir leurs revenus rognés de
près de 30% en raison de l’émergence de
nouveaux acteurs, notamment digitaux.
Le point avec Romain Thalmann, respon-
sable du siège Suisse romande de Raiffei-
sen Suisse.
L’émergence de nouveaux acteurs dans le
segment hypothécaire, notamment les
caisses de pension, ne met-elle pas de la
pression sur vos marges?
Pas vraiment, non. Les caisses de pension
et les assurances se profilent depuis
quelques années déjà sur le marché hypo-
thécaire. Raiffeisen croît au niveau du
marché dans les opérations hypothécaires
et nous demeurons le leader en la matière
dans le pays, avec 17,6% de part de marché.
Comment se portent les affaires de Raif-
feisen en Suisse romande?
Très bien, à l’image des résultats du
groupe, qui a dégagé plus de 1,1 milliard de
bénéfices l’année dernière. Il s’agit de l’un
de nos meilleurs résultats. Nos charges
ont par ailleurs progressé moins rapide-
ment que nos produits, ce qui nous donne
une plus grande marge de manœuvre
pour investir, notamment en matière nu-
mérique.
«Nous nous
préparons activement
pour répondre à la
digitalisation en l’intégrant
à notre stratégie.»
Romain Thalmann, responsable du
siège Suisse romande de Raiffeisen
Mais à terme, ne craignez-vous pas que
l’arrivée de compétiteurs du web ne pèse
sur vos affaires hypothécaires? Des sites
tels Homegate, Immoscout, ou des plate-
formes immobilières, pourront sélection-
ner les meilleures offres hypothécaires
pour leurs clients auprès de plusieurs
banques, ce qui risque de peser sur vos ré-
sultats.
Non, car la digitalisation est un défi à
moyen-long terme, et nous nous prépa-
rons activement pour y répondre en l’inté-
grant à notre stratégie. D’une part, nous
investissons de manière substantielle
dans les technologies. À cet égard, nous
Le chiffre allons lancer cette année une application
auprès de premiers groupes de clients sur
laquelle toutes les prestations que nous
70%
proposons, de l’ouverture de comptes aux
hypothèques, seront proposées. L’appli-
cation sera développée progressivement à
partir des commentaires des clients et des
fonctionnalités les plus utilisées. D’autre
part, nous diversifions nos sources de re-
Et plus des recettes venus et développons nos activités de pla-
de Raiffeisen cements, de gestion de fortune, de pré-
proviennent des voyance ou encore de solutions pour les
opérations entreprises (ndlr: crédit, fusions et acqui-
d’intérêts (crédits sitions, etc.) afin de gagner des parts de
aux entreprises marché.
et particuliers,
hypothèques). Avec la digitalisation, ne risquez-vous pas
néanmoins de perdre le contact avec le
client et ainsi la possibilité de faire du
cross-selling, soit l’opportunité d’offrir
toute la palette des services bancaires à
votre clientèle (gestion de fortune, cour-
tage, crédit aux PME)?
Non, car nous misons sur une stratégie hy-
bride. Le mélange entre l’interface phy-
sique et le digital est essentiel. Car avec la
montée en puissance de l’intelligence arti-
ficielle et du digital, c’est l’intelligence
émotionnelle qui permettra de faire la dif-
férence. C’est pour cela que nos conseil-
lers habitent à proximité de leur lieu de
travail et connaissent leurs clients. Nous
en avons d’ailleurs engagé 150 nouveaux
dans tout le pays l’an dernier. L’ancrage lo-
cal est essentiel pour nos affaires.
Les épargnants ont placé plus d’un mil-
liard de dollars auprès d’Apple, qui pro-
Économie 13
posait un taux de 4,15% sur les dépôts en
dollars, alors que les bons de caisses ban-
caires à deux ans paient 1,5% aux États-
Unis. Une première. Comment les
banques peuvent-elles se battre contre
cela, si de telles offres arrivent en Suisse?
Je ne le vois pas comme une menace. Les
groupes technologiques vont faire partie
des nouveaux acteurs bancaires. C’est un
peu comme lorsque Neho a offert un for-
fait fixe en matière de courtage immobilier
en Suisse romande. Cela n’a pas cassé le
marché, mais a obligé les acteurs immobi-
liers à rehausser la qualité du conseil.
«Le marché
immobilier est
probablement en
surchauffe aujourd’hui.»
Les géants de l’internet (Apple, Google,
etc.) ne risquent-ils pas un jour de se pro-
filer dans tous les domaines bancaires? À
l’image de Google Pay, ils pourraient pro-
poser des services bancaires, paiements,
produits d’épargne, voire des hypo-
thèques, le tout en ligne. Redoutez-vous
cette concurrence?
Je ne pense pas qu’une présence stricte-
ment digitale suffira à satisfaire les be-
soins de la clientèle. Il y a de nombreuses
situations complexes, par exemple en lien
avec l’achat et la vente de biens immobi-
liers, la gestion de patrimoine ou encore la
prévoyance professionnelle, où une ana-
lyse poussée nécessitant la présence d’un
conseiller restera déterminante. De plus,
on voit aujourd’hui qu’Amazon ouvre des
points de vente physiques, ce qui montre
les limites d’une stratégie basée sur le
tout-digital. De notre côté, nous voulons
laisser à nos clients le choix d’avoir un
contact en personne avec nos conseillers,
de tout faire de manière digitale ou de pas-
ser de l’un à l’autre.
Avez-vous élaboré des stratégies pour ré-
pondre à la concurrence des banques dé-
matérialisées comme Revolut, qui pro-
posent à des coûts très bas toutes sortes
d’opérations, de la gestion de l’épargne à
la vente et à l’achat de devises, en passant
par le négoce de titres et les transferts?
Oui, nous avons par exemple notre appli-
cation digitale Rio, qui permet de bénéfi-
cier d’une gestion de fortune en ligne à
partir de 5000 francs à des coûts très com-
pétitifs. Lors du développement de notre
nouvelle app Raiffeisen, nous avons beau-
coup appris des néobanques, par exemple
en ce qui concerne la simplicité et l’expé-
rience client.
Les gens arrivent-ils à reconduire leur hy-
pothèque, à l’heure où les taux hypothé-
caires ont été multipliés par plus de deux
en douze mois (environ 3% à dix ans)?
Nous n’avons pas constaté de problèmes
particuliers jusqu’à aujourd’hui, que ce
soit pour les personnes occupant un em-
ploi ou les gens à la retraite. C’est impor-
tant, car ces derniers voient leurs revenus
parfois se réduire jusqu’à 60% de leur der-
nier salaire, voire davantage, lorsqu’ils
quittent le marché du travail. Cela pro-
vient de l’octroi prudent des crédits hypo-
thécaires, car accordés en tenant compte
d’un taux théorique de 5% pour calculer la
solvabilité des preneurs d’hypothèque. Il
y a donc de la marge.
Redoutez-vous une chute des prix de
l’immobilier, qui ont doublé dans le pays
depuis dix ans?
Je ne suis pas devin. Mais si, contraire-
ment à nos attentes, les taux d’intérêt re-
prennent l’ascenseur en raison d’une in-
flation qui ne serait pas maîtrisée, il existe
un risque de stagnation des prix, voire de
recul. Je note toutefois que la demande
pour les villas et appartements reste très
forte et qu’elle rencontre une offre très li-
mitée, raison pour laquelle les prix n’ont
pas baissé jusqu’à présent.
Mais les prix de l’immobilier ne sont-ils
pas trop montés?
Le marché immobilier est probablement
en surchauffe aujourd’hui. Le prix des lo-
gements dans le moyen de gamme en Va-
lais, à Fribourg ou dans le Jura dépasse
parfois le million de francs, ce qui est
énorme. Il faut plus que jamais bien négo-
cier le prix d’achat et ne pas se précipiter.
14 La semaine en dessins Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

Ont dessiné ce numéro: Caro, Nicolas Denis, Tony Marchand, Alessandra Miramundo, Racalbuto, Vincent Di Silvestro
Profils
Le Matin Dimanche Dimanche 14 mai 2023

Reportage De jeunes catholiques ont suivi

un cours de prévention des abus 17
Tibet Un million d’enfants sont victimes de
l’assimilation forcée chinoise. Interview 18
Covid La majorité des vaccins achetés par
la Suisse va finir à la poubelle 19

«La politique,
c’est comme une toile
de Klimt» ● Mise en lumière par son
engagement pour les artistes
pendant le Covid, la
violoncelliste Estelle Revaz
se lance en politique. Elle
explique pourquoi elle est
candidate au Conseil national
pour le PS genevois.

TEXTE: ARIANE DAYER

ariane.dayer@lematindimanche.ch
PHOTOS: NOURA GAUPER

Mardi soir, vous, la nouvelle, êtes arrivée

deuxième sur la liste des candidats du
Parti socialiste genevois pour le Conseil
national. Ça vous a touchée?
Oui, je ne m’y attendais pas. C’était une
très belle surprise de voir que mon travail
dans le parti a été reconnu.

Vous aviez été draguée par trois partis,

pourquoi avoir dit oui au PS?
Mes contacts pendant le Covid m’avaient
donné la chance de travailler dans une
coalition transpartisane, donc d’apprécier
des gens dans tous les partis. À partir du
moment où j’ai eu la flamme qui brûlait
trop intensément pour ne pas m’engager
plus formellement et collectivement, j’ai
simplement regardé les votes. Le PS sou-
tient les plus démunis, les femmes, des
causes qui, éthiquement, philosophique-
ment, me parlent. Et je me suis aussi ren-
du compte qu’il soutenait aussi les indé-
pendants, les PME. Ça m’a convaincue.

Est-ce qu’un artiste, c’est forcément

de gauche?
Non, je ne pense pas. À parler avec tous,
même avec des gens qui ont une vision du
monde complètement différente de la
mienne, je me suis rendu compte qu’on ne
peut pas transiger sur les besoins mais
qu’on peut aménager les modalités. J’ai
remarqué que j’utilisais les mêmes méca-
nismes que pour la musique. C’est comme
quand on regarde un tableau de Klimt
avec ses peintures irisées, si on fait un pas
à gauche, un pas à droite, toutes les cou-
leurs changent, mais l’œuvre reste. Pour
moi, c’est représentatif de ce qui se passe
en politique.

Poétique, votre vision politique!

Vous savez, parfois, quand je rejoins des
collègues pour jouer un concert de mu-
sique de chambre, on ne se rencontre que
trois heures avant le concert. On ne s’est
jamais vus, on ne parle pas la même
langue, on n’a pas la même formation. Il y
en a un qui va venir de l’école russe, l’autre
de l’allemande, un troisième de la fran-
çaise. Chacun arrive avec des convictions
fortes, sa vision de l’œuvre. Et pourtant,
dans l’instant, on doit aligner les âmes,
voire le rythme cardiaque pour être syn-
chrones. Sinon, on se décale et on ne finit
pas le morceau ensemble. Il y a une écoute
permanente, un ajustement, des compro-
mis sans renier qui on est, nos valeurs pro-
fondes. En politique, c’est un peu ça, sauf
qu’on aligne des idées.

Qu’est-ce qui peut rendre un artiste utile

en politique?
On a une approche très différente du para-
digme du vrai, du faux, du méchant, du
gentil. Je n’avais même pas 10 ans quand
Estelle Revaz a donné un surnom à son violoncelle de 1679: Louis XIV. j’ai compris qu’il n’y avait pas une vé- ➜
16 Profils
➜ rité en musique, qu’il y avait plein de
vérités. Je suis hyperconvaincue de mes
choix, mais je sais aussi que je le suis dans
l’instant avec toutes les ressources que j’ai
sur le moment, mais que peut-être cinq
ans ou dix ans après, j’aurai un autre point
de vue sur l’œuvre, un autre éclairage. Ça
apporte pas mal d’humilité.
Pourquoi vous lancez-vous en politique?
Pendant la crise du Covid, j’ai combattu
pour que les 300’000 actrices et acteurs
culturels en Suisse puissent être indemni-
sés. J’avais construit ma carrière d’artiste,
qui était florissante, et puis, tout d’un
coup, le ciel m’est tombé sur la tête. L’État
«L’État avait eu la
superbrillante idée
de qualifier la culture
de non essentielle.»
Estelle Revaz, candidate au Conseil
national
avait eu la superbrillante idée de qualifier
la culture de non essentielle. Puis de nous
interdire de travailler pour, ensuite, ne pas
vouloir nous indemniser. J’avais deux op-
tions. Soit je me laissais complètement
sombrer, soit je me lançais dans ce pari un
peu fou d’essayer de faire changer la loi à
Berne. C’est là que ça a commencé. Au dé-
but, il fallait créer un collectif, écrire un
manifeste, récolter les signatures. Après,
j’ai approché des parlementaires, un à un,
pour bâtir d’abord une coalition transpar-
tisane, puis créer les majorités dans sept
commissions au Conseil national et au
Conseil des États. J’ai peu à peu trouvé
beaucoup de plaisir. Après, ça a continué
avec la question du «Seul un oui est un
oui», la révision du droit pénal sexuel, qui
me touchait aussi beaucoup. Tout ça a al-
lumé une flamme.
Votre programme, c’est la défense des ar-
tistes ou vous aurez aussi d’autres buts?
À mon avis, en politique, il faut toujours
s’intéresser à la condition de tout le
monde. Après, défendre les artistes reste
important. Je rappelle qu’en 2000, il y a
vingt-trois ans, tous les pays qui nous en-
tourent avaient déjà trouvé un système de
filet social pour les artistes. En Suisse, en
2023, on n’a toujours rien. Mais j’ai
d’autres préoccupations. Et puis je suis
très préoccupée par la question de la
condition des femmes, de l’égalité, la dis-
crimination salariale et la conciliation
entre vie professionnelle et vie de famille.
Dans mon métier, je suis confrontée de
près à ces problèmes.
Pourquoi?
Parce que la rémunération ne permet pas
d’avoir une nounou qui peut s’occuper des
enfants, mais aussi parce que le système
de garde d’enfants n’est pas compatible
avec mes horaires. Il faut déjà trouver une
place dans une crèche, ensuite il faut récu-
pérer son enfant à 17 ou 18 heures. Moi,
c’est là que ma journée commence. Ça
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
Estelle Revaz pose un dilemme qui force à faire des pas obligés. C’est un beau symbole d’es- dates fixes, du lundi midi au jeudi midi.
a commencé choix et je trouve qu’une femme ne de- poir en notre démocratie. Je suis fière de Les concerts, plutôt le week-end. Dans
le piano à 4 ans, vrait pas avoir à le faire. L’autre forme de ce pays. ces semaines-là, je ne pourrai pas faire
passé au violoncelle discrimination, c’est celle du numérique. une tournée en Asie ou aux États-Unis,
à 6 ans. Elle a Les algorithmes sont conçus sur des cri- Qu’est-ce que ça vous a appris mais ça s’organise. J’ai appris à comparti-
aujourd’hui 33 ans. tères masculins, même ceux qui sont utili- sur vous-même? menter les deux mondes. Comme je ne
sés pour l’embauche. Récemment, j’ai fait Que je suis plus forte que ce que je croyais peux pas avoir de phase de transition
des recherches pour trouver des femmes et que rien n’est impossible. Je voyais les trop longue, j’ai mon petit rituel, je bois
inspirantes. Pour les Prix Nobel hommes, conférences de presse du Conseil fédéral, une tasse de thé. Si, par exemple, on me
il y avait tout, dans toutes les langues, on ils ne prononçaient pas une fois le mot téléphone pour la politique mais que je
savait même ce qu’ils mangeaient au petit- culture. J’ai voulu bouger, alors j’ai appelé suis en train de faire du violoncelle, je
déjeuner. Pour les femmes, c’était à peine Pascal Couchepin parce qu’il connaissait pose l’instrument, je me fais une tasse de
deux lignes en anglais. mon grand-père. Il m’a dit: «Agis au lieu de thé, je le bois pendant le coup de fil.
te plaindre!» «Oui, mais je dois faire com- Après, je suis prête à recommencer la
Au PS genevois, on voit déjà Sami Kanaan ment?» «Tu appelles Isabelle Chassot, la musique.
ne pas être aligné avec Carlo Sommaruga, directrice de l’Office fédéral la culture,
deux mâles alpha aux cheveux gris. puis tu écris à l’Office fédéral de la santé.» En 2020, vous ne saviez pas qu’il y avait
Comment ça peut vous faire envie? «Mais je fais comment?» «Écoute, je ne deux Chambres à Berne. Vous avez bien
Mes contacts avec les politiciens m’ont vais quand même pas t’apprendre, il y a progressé?
montré qu’ils valent mieux que ce qu’on Google, tu cherches.» En fait, je l’ai réalisé Oui. Je me souviens de mes premières dis-
voit dans les médias. Ils travaillent, ils plus tard, en me disant ça, il me donnait cussions avec Josiane Aubert, une ex-par-
parlent ensemble, ils trouvent des solu- l’autorisation d’y aller. lementaire. Devant mes questions, elle
tions. Les nuances font la richesse du tra- était morte de rire. Elle m’a expliqué ce
vail collectif. qu’il fallait pour que je puisse lancer ma
bataille pour l’indemnisation des actrices
Beaucoup ne sont pas aussi vieux «Une simple et acteurs culturels.
que votre violoncelle du XVIIe siècle mais citoyenne peut faire
ils sont moins harmonieux? bouger les lignes, Vous n’avez pas eu peur d’être mise sur
Je me suis promis de rester moi-même et la liste juste pour faire cool, glam, jeune?
de garder cette belle image que j’ai de la
c’est assez incroyable.» Je n’ai jamais pensé comme ça. J’ai plutôt
politique. La récente campagne cantonale réfléchi sur la compatibilité entre ma car-
à Genève a eu des moments hypertrash, rière artistique et un engagement poli-
certains se lançaient des bombes. Moi, je Cette campagne, vous allez la faire tique formel. Pas en termes de calendrier
ne crois pas que les gens sont passionnés comment? Vous allez réussir à concilier mais plutôt émotionnellement. Je sais que
par ça. Ils veulent qu’on trouve des solu- les répétitions et les débats? j’ai un profil singulier. Je me mets à dispo-
tions à leurs problèmes. Ils ont besoin Oui, je pense. Ça fait quand même plus de sition des citoyennes et des citoyens avec
qu’on les écoute. deux ans et demi que je m’engage en poli- ce profil, cette expérience. S’ils pensent
tique, donc j’ai eu le temps de voir ce que que ça peut être utile, je suis hyperpar-
Où avez-vous appris à être aussi ça voulait dire. tante pour le faire à fond et essayer de ne
structurée dans votre tête et en paroles? pas les décevoir.
Comme artiste, on est habitué à devoir, Le soir où vous avez un concert et un
très tôt, se débrouiller. débat public, vous allez quand même Ce profil particulier va amener une
choisir le concert? médiatisation qui va faire des jaloux.
Ce combat politique vous a-t-il appris Oui, parce que c’est mon métier. On a une Vous allez prendre des coups?
quelque chose sur la Suisse? politique de milice. Je ne pense pas qu’un Ça ne m’intéresse pas de perdre mes jour-
Mon histoire montre qu’une simple ci- avocat renonce à son procès, à sa plaidoi- nées à faire des querelles de personnes.
toyenne peut faire bouger les lignes, c’est rie pour aller sur un plateau de télé. Ce n’est pas pour ça que je me suis enga-
assez incroyable. Honnêtement, je ne vois gée. Ça ne veut pas dire que je suis naïve
pas beaucoup de pays qui nous entourent Et si vous êtes élue, comment répéter et que j’imagine que tout va être tout
où ce serait possible. Les parlementaires six à sept heures par jour comme beau et tout bien. Je sais que je peux être
que j’ai contactés m’ont tous répondu, cela vous arrive? blessée. Mais je préfère prendre le risque
écoutée avec beaucoup de respect. On C’est une question d’organisation. Les de l’être plutôt que de renoncer à être au-
était entre Noël et Nouvel-An, ils n’étaient sessions sont prévisibles, elles ont des thentique.
«Je ne peux que remercier l’Union européenne»
Vous êtes au courant que, Pas pour moi. J’ai étudié en concurrence déloyale quand allez retrouver ça dans un
quand on est assis au Conseil France, en Allemagne, avec des collègues européens pro- débat politique?
national, on passe des heures une formation que je n’aurais posent leurs services pour des Je ne sais pas. Je sais que j’ai tra-
sur les révisions de la TVA, le jamais pu avoir en Suisse. À cachets ridicules. J’ai alors en- versé des émotions très fortes
budget de La Poste, les tun- Paris, le bassin de population vie de crier: «Vous savez que je pendant le combat du Covid. Il
nels ferroviaires? Ça peut être permet de créer des classes dois payer mon assurance ma- y a eu des avancées, des recu-
très ennuyeux. d’horaires aménagés pour ar- ladie en Suisse? Que c’est dans lades, des phases de décourage-
C’est peut-être technique, tistes en herbe. Je ne peux que les 500 francs? Que mon loyer ment, mais le jour où j’ai appris
mais je trouve ça plutôt pas- remercier l’Union européenne est trois fois le prix que je de- que la loi était adoptée, je me
sionnant, ça donne envie de de m’avoir offert cette forma- vrais payer en France ou en Al- souviens exactement où j’étais.
chercher des solutions. Un tion. Je travaille la moitié de lemagne?» Je mangeais une compote de
autre sujet qui me tient à cœur, mon temps avec les pays euro- pommes, juste avant d’enregis-
ce sont les relations entre la péens. Je vois à quel point c’est Vous dites souvent que vous trer un disque. Pour moi, ça a
Suisse et l’Union européenne. compliqué en ce moment. Ce marchez à l’émotion et que, été une joie extrêmement forte,
n’est pas organisé, pas fluide. pendant un concert, il vous j’ai appelé tous les parlemen-
Justement, l’accord-cadre, Mais je constate aussi en arrive d’avoir l’impression de taires de la coalition parce qu’on
ça peut être très barbant! Suisse le phénomène de «voler». Vous croyez que vous avait vécu ça ensemble.
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Profils 17

Les jeunes portent Notre-Dame de Fatima en procession dans l’abbaye

de Saint-Maurice.

Lors du stage de préparation au pèlerinage des Journées mondiales de la jeunesse 2023, les participants ont dû suivre Les jeunes se préparant au pèlerinage des JMJ réunis pour une «flash mob»
l’atelier de la charte du pèlerin. devant le collège de Saint-Maurice.

L’Église tente des

ces groupes abordent les monde entier et qui a connu de
jeunes. Nous ne pouvons pas très nombreux abus spirituels
tout contrôler, c’est pourquoi il et sexuels. Xavier Léger y
faut faire de la prévention.» restera sept ans et dit en être

cours contre les abus

REPORTAGE Quelque
350 jeunes ont
préparé leur voyage
de cet été pour les
Journées mondiales
de la jeunesse catho-
lique, en intégrant,
pour la première fois,
jeunes doivent impérative-
ment lire et signer. Ces articles
visent à prévenir les abus
sexuels et spirituels. «C’est la
première fois que cela se fait en
Suisse romande, souligne-t-
elle. Pour moi, nous devons af-
fronter et aborder ces ques-
tions qui défraient l’actualité.»
Les jeunes s’entassent dans
noncer toutes sortes d’abus ou
d’incidents.»
«Laisser la place à Dieu
«Pour moi, dans son cœur»
Nicolas lit l’avant-dernier
nous article de la charte. «Je laisse la
devons affronter place à Dieu dans mon cœur et
et aborder ces dans le cœur de chacun(e). Je
questions qui
respecte chacun(e) dans sa vie
Des communautés
problématiques aux JMJ
En 1997, le Français Xavier
Léger s’est rendu aux JMJ de
Paris. Il a décrit dans de
nombreux médias l’expérience
spirituelle très forte qu’il a
vécue alors, et comment il a été
abordé par un religieux qui a
pris son numéro de téléphone.
Il ne le savait pas, mais c’était
un recruteur pour les Légion-
naires du Christ, une immense
communauté établie dans le
Publicité
ressorti profondément démoli.
À Saint-Maurice, les adoles-
cents poursuivent leurs ateliers:
liturgie, portugais, orientation
dans Lisbonne, communica-
tion, musique. La flash mob les
réunit dans la cour. «Entamons
notre marche», lance l’évêque
auxiliaire du diocèse de Lau-
sanne, Genève et Fribourg,
Alain de Raemy. Le silence
tombe sur la cour. Derrière la
statue de Notre-Dame de Fati-
ma, les religieux puis les jeunes
s’éloignent en procession.

une salle d’études du collège spirituelle, et je respecte sa

la prévention des
abus. Un exercice
encore balbutiant.
TEXTE: MARIE PARVEX
marie.parvex
@lematindimanche.ch
PHOTOS: YVAIN GENEVAY
Quelque 350 jeunes romands se
sont donné rendez-vous samedi
à l’abbaye de Saint-Maurice. Cet
été, ils partiront à Lisbonne
pour les Journées mondiales de
la jeunesse (JMJ), le rendez-
vous mondial de la jeunesse ca-
tholique qui réunira quelque
2 millions de personnes âgées
de 16 à 35 ans. Clarissa, 19 ans,
partira pour la première fois
sans sa famille. «Je suis une
chrétienne pratiquante, et c’est
très important pour moi de faire
ce voyage.»
Cet événement est particu-
lier parce que la foule, les
concerts, les temps de prière et
la visite du pape provoquent
une certaine exaltation spiri-
tuelle. «C’est la joie de la ren-
contre, de la célébration de
Dieu», décrit Jean-Marie Cet-
tou, prêtre à Lausanne. Il faut
donc s’y préparer. Claire Jo-
nard, présidente de l’associa-
tion romande des JMJ, a sou-
haité intégrer deux nouveaux
articles dans la charte que les
de Saint-Maurice. Jean-Marie
Cettou ouvre l’atelier charte
par un chant improvisé, repris
par la salle: «Viens esprit de
Dieu, descend sur nous.» Par
groupe, les adolescents lisent
le texte. L’article sur la chasteté
fait parfois pouffer. «Ils
tournent vraiment autour du
pot», lâche Clarissa. «En clair,
ils ne veulent pas de bébés
JMJ», résume un garçon.
Rester à la vue de son groupe
Une jeune fille reprend la
lecture. «En cas de discussion
privée/intime, je veille à
toujours avoir en vue des
membres de mon groupe pour
éviter toutes ambiguïtés.»
Claire s’interroge: «Ça veut
dire quoi ça? » Dans un autre
groupe, c’est aussi sur ce
passage que les jeunes restent
perplexes. «C’est quoi c’te
phrase?» lâche Nicolas.
Ils posent la question à Jean-
Marie Cettou. «Tout le monde
ne vient pas dans une métro-
pole avec la même intention.
Certaines personnes, hors des
JMJ, auront peut-être un autre
regard.» Claire semble avoir
mieux compris le sens de cet
article après cette explication.
«Si je discute avec quelqu’un,
les autres de mon groupe
doivent me garder à l’œil pour
être sûrs que la personne n’est
défraient l’actualité.»
Claire Jonard,
présidente de l’association
romande des JMJ
pas malveillante», m’explique-
t-elle. Dans le groupe de Nico-
las, on comprend que cela
concerne une discussion «qui
pourrait mal tourner». À ma
demande, ils précisent: «Qu’on
ne soit pas mal à l’aise, que la
personne ne soit pas un meur-
trier», énoncent les filles. «Ou
un racketteur», enchaîne un
garçon.
Dénoncer les problèmes
Dans un autre cercle, Claire Jo-
nard tente une autre approche.
«Vous avez le droit d’avoir des
conversations privées, mais ne
vous cachez pas. Sinon, on
pourrait croire que la personne
veut vous agresser ou que vous
voulez manipuler quelqu’un.»
Marie, animatrice de la pasto-
rale jeunesse à Bienne, précise
avec un deuxième article de la
charte qui enjoint aux jeunes
de confier mal-être, difficultés
ou problèmes. «Sur place, vous
trouverez une association por-
tugaise d’aide aux victimes. Il y
aura des tentes à plusieurs en-
droits ainsi qu’un numéro de
téléphone. Vous pourrez y dé-
manière de prier.» Quand on
leur demande ce que cela veut
dire, ils répondent qu’il faut
«bien accueillir les moments de
prière, ne pas juger les autres»
EXPOSITION TEMPORAIRE
ORAIRE
ou encore «laisser la joie de
11 MAI 2023 AU 3 MARS 2024
Dieu entrer dans notre cœur». ENTRÉE LIBRE
En réalité, cet article a pour but
de prévenir les abus spirituels
et l’emprise. «Laisser la place à
Dieu dans son cœur, cela veut
dire que personne ne peut
prendre sa place pour tenter de
nous guider», m’explique Claire
Jonard en aparté.
Utiliser des formulations
positives
Jamais les abus sexuels ou
spirituels au sein de l’Église
n’auront été clairement
évoqués. «Nous avons choisi de
formuler les choses de manière
positive, parce qu’on assimile
mieux de cette manière»,
argumente Claire Jonard. Elle
se dit consciente des risques
que comporte un tel rassemble-
ment, elle qui n’a pas hésité à
annuler le camp vocation
EN ROUTE POUR
organisé par la Communauté LE MARATHON
des Béatitudes cette année en DE PARIS 2024
Valais, en raison de soupçons
d’agressions sexuelles en
France. «Aux JMJ, je sais qu’il y
aura des groupes ou des
QUAI D’OUCHY 1
communautés catholiques qui 1006 LAUSANNE SUISSE
OLYMPICS.COM/MUSEE @OLYMPICMUSEUM
vivent des problématiques
d’abus et qu’il est possible que
18 Profils
«Quand les petits Tibétains rentrent
chez eux, ils ne parlent plus leur langue»
Le professeur et sociologue
Gyal Lo étudie le système
éducatif du Tibet depuis trois
décennies. Tibet Action Institute
● Placés dès 4 ans dans des
internats loin de leurs familles,
près d’un million d’enfants
tibétains sont victimes de
l’assimilation forcée chinoise,
explique le professeur et
sociologue en exil Gyal Lo.
VIRGINIE LENK
virginie.lenk@lematindimanche.ch
C’était un gros coup de gueule de Richard
Gere devant le Congrès américain. Ami de
longue date du dalaï-lama, la star hol-
lywoodienne a accusé fin mars la Chine de
«cruauté, de violence collective et de per-
sécution» contre les Tibétains et a sommé
son pays, les États-Unis, d’aider ce peuple
«opprimé par un système de surveillance
omniprésent».
Les experts de l’ONU s’alarment en ef-
fet depuis des mois de la séparation d’un
million d’enfants tibétains de leurs fa-
milles et leur placement en internat. Un
phénomène que Gyal Lo, sociologue et
professeur en exil à Toronto, connaît
bien. Invité mercredi prochain au 15e Ge-
neva Summit pour les droits de l’homme
et la démocratie, il partage avec nous ses
craintes sur ce qu’il appelle un «génocide
culturel».
Que se passe-t-il dans les écoles tibé-
taines?
Le gouvernement chinois est en train d’ef-
facer notre langue. De 4 à 6 ans, l’internat
préscolaire est devenu obligatoire dans
toutes les régions. Les enfants y sont cinq
jours sur sept, et même plusieurs mois
pour les populations nomades. Les cours
se donnent uniquement en mandarin.
Quand ils rentrent à la maison, certains ne
parlent même plus leur langue mater-
nelle.
Vous l’avez vécu personnellement.
Oui, mes deux petites-nièces, après trois
mois seulement en maternelle, n’intera-
gissaient plus le week-end avec leurs pa-
rents. Elles ne les embrassaient pas. On
aurait dit qu’elles étaient en visite dans
leur famille. Elles s’éloignaient et ne par-
laient entre elles qu’en mandarin. J’ai visi-
té une cinquantaine d’écoles dans la ré-
gion, parlé avec nombre de parents, d’étu-
diants, d’anciens professeurs. La
conclusion est la même partout: les en-
fants perdent leurs racines et changent ra-
dicalement.
Que peuvent faire les parents?
Rien malheureusement, car il n’y a pas
d’alternative à ces internats. Les parents
réticents sont intimidés, on leur dit que
leurs enfants ne pourront pas poursuivre
leur scolarité. Ils ne reçoivent plus cer-
taines aides sociales. Et s’ils continuent de
résister, on les menace de prison. Lorsque
les premiers internats ont été ouverts, les
plus jeunes étaient parqués dans les dor-
toirs et ne savaient pas s’habiller, manger.
Ils pleuraient, faisaient pipi au lit. Les pa-
rents ont obtenu que des mères se rendent
à l’école pour s’occuper d’eux. Mais les
professeurs se sont plaints que les enfants
parlaient le tibétain et ils ont chassé les
femmes.
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
Des enfants Qu’en est-il des monastères? l’élite intellectuelle du Tibet, celle qui Quelles sont les conséquences de cette
mangent à leur Par le passé, les Tibétains y envoyaient pourrait encore résister à l’occupation politique d’assimilation?
pupitre, dans une leurs enfants pour acquérir une connais- chinoise. Elles sont dramatiques. Si ce programme
école primaire à sance religieuse et culturelle. Mais les au- d’éducation est maintenu, dans vingt ans,
Lhassa, la capitale torités chinoises ont obligé les parents à Le Tibet est-il de plus en plus isolé? ce sera la fin de l’histoire et de la civilisa-
tibétaine, le 11 mars en retirer les enfants. Les prochaines gé- Dès 2018, Xi Jinping a introduit une socié- tion millénaire du Tibet. Nos futures géné-
2022. Getty/China nérations de moines sont ainsi compro- té de surveillance. Depuis, je ne peux rations n’auront aucun moyen de faire re-
News Service/Gongga mises. Or cette éducation est cruciale pour même plus avoir de discussions avec mes vivre cette culture. Pour moi, c’est un gé-
Laisong
maintenir, avec l’éducation orale, la struc- collègues professeurs chinois, qui ont nocide culturel.
ture de la société tibétaine. peur de parler ouvertement. Leur pré-
sident s’est servi de la pandémie pour iso- Avez-vous l’impression que le drame
Quel plan poursuit Pékin en agissant ainsi? ler davantage le Tibet et contrôler la socié- des Ouïghours a un peu éclipsé celui des
Pour moi, c’est très clair: les enfants sont té. Pékin a construit des autoroutes pour Tibétains?
maintenus dans une éducation de bas ni- joindre plus facilement les villages. De- C’est en effet mon sentiment. Je res-
veau, puis comme main-d’œuvre peu puis des années, le gouvernement envoie pecte le peuple du Xinjiang, nous de-
qualifiée, pour pouvoir être manipulés des familles chinoises pour repeupler le vons tous soutenir son combat. Mais
comme le régime communiste l’entend. Tibet et encourage financièrement nos en même temps, je vous demande de
En 2020, Pékin a fermé toutes les univer- jeunes à épouser des Chinois. Beaucoup ne pas nous oublier. Nous sommes
sités au Tibet. En dénonçant cette mesure, de jeunes parents tibétains sont envoyés dans la même situation de génocide
j’ai été moi-même forcé à l’exil. Et si des dans de grandes villes chinoises, pour des des minorités pratiqué par Pékin. J’ap-
jeunes veulent malgré tout étudier, ils jobs misérables. Ils ne rentrent qu’une fois pelle la communauté internationale à
doivent le faire en Chine, dans des univer- par an au Tibet pour voir leurs enfants, et exercer davantage de pression sur la
sités de seconde zone, sous une énorme ceux-ci finissent complètement assimilés Chine, car c’est la seule façon de l’obli-
«Si ce pression. C’est une manière de briser par le système chinois. ger à réagir.
programme
d’éducation
est
maintenu, Des stars de Hollywood sont blacklistées par Pékin
dans vingt
ans, ce sera
Une des premières célébrités à Autre persona long- hollywoodiennes, «personne n’avait vue». L’an-
la fin de afficher son soutien au dalaï- temps non grata en volontairement née suivante, Disney a sorti
l’histoire lama, Richard Gere l’a payé de Chine, l’acteur Brad sabordé par son «Mulan», qui a été largement
et de la sa carrière: tête d’affiche dans Pitt, depuis la sortie en producteur distribué en Chine.
les années 80 et 90, ses films 1997 de «Sept ans au Ti- Disney, pour ne Keanu Reeves est lui aussi
civilisation ont été boycot- bet», plaidoyer de la pas décevoir depuis l’année passée dans
millénaire tés en cause tibétaine. Le film a l’ami chinois: le viseur de Pékin. L’acteur
du Tibet.» Chine. Et d’ailleurs été tourné dans «Kundun», sorti de 57 ans s’était rendu au
avec la les Andes à cause des ten- en 1997, biopic Tibet pour la 35e édi-
montée sions. Dès sa diffusion en de l’actuel dalaï-la- tion du concert cari-
du finan- salles, Brad Pitt et le réalisa- ma, qui retrace son tatif du Tibet
cement teur français Jean-Jacques enfance et sa jeu- House, organisé
chinois des Annaud se sont vu refuser nesse, depuis l’en- avec le dalaï-lama.
blockbusters l’entrée en Chine pendant trée de l’Armée po- En signe de répres-
américains, «Gere est devenu presque vingt ans. Ce n’est pulaire de libération sion, une vingtaine
trop radioactif pour être em- qu’en 2014 que la star améri- au Tibet à son exil en de ses films, dont
bauché», comme le résumait caine a pu accompagner son Inde. Pour éteindre l’incen- «Speed» (1994) et «Ma-
en 2022 le journaliste Erich épouse d’alors Angelina die, le patron de trix» (1999), ont été suppri-
Schwartzel, auteur d’un livre Jolie à Shanghai pour Disney Michael Eisner més des plus grandes plate-
sur la Chine et Hollywood. Peu la promotion de l’un s’est ensuite excusé formes de streaming
lui importe: à 73 ans, l’acteur, de ses films. auprès des autorités chinoises. Un boycott diffi-
converti au bouddhisme, se Il est un film du chinoises pour le cile à tenir, car la star est
consacre aujourd’hui presque génial Martin Scor- film, le qualifiant très populaire auprès de la
exclusivement à son activité sese qui aurait été, à d’«erreur stupide», jeunesse du pays avec sa
militante. en croire les rumeurs que de toute façon franchise «John Wick».
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
La majorité des vaccins
Covid va finir à la poubelle
● Avec la chute du nombre
de vaccinations, la Suisse
dispose de millions de doses
inutiles qu’il faudra éliminer.
Voici les derniers chiffres.
ARTHUR GROSJEAN
arthur.grosjean@lematindimanche.ch
L’écrasante majorité de la population a
tourné la page Covid. Fini les masques
dans les transports publics ou les maga-
sins, fini les articles en cascade sur le sujet
qui passionnait les foules, terminé les
conférences de presse avec les politiciens
aux mines graves qui nous disaient quoi
faire.
L’épidémie est sous contrôle et tout le
monde a repris sa vie ordinaire, sauf une
petite minorité de personnes qui souffrent
de Covid long. La peur du virus a très lar-
gement disparu. On le voit avec un seul
chiffre, celui de la vaccination. Alors que
des millions de personnes se faisaient vac-
ciner une ou plusieurs fois en 2021 et
2022, ils ne sont que… 62’000 à s’être fait
piquer contre le Covid de janvier à fin avril
2023.
C’est peu, très peu. D’autant plus que la
Suisse dispose de millions de vaccins qui
dorment dans des stocks. Combien? Fai-
sons le point avec l’Office fédéral de la san-
té publique. Depuis le début de l’épidémie,
la Suisse a commandé 61 millions de doses.
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Dans la limite des stocks disponibles. Prix de vente recommandé net, TVA à 7,7 % incl. Sous réserve de modification des prix.
À ce jour, seules 17 millions ont été injec-
tées dans le bras des habitants.
13 millions de doses en stock
Qu’en est-il des autres doses? Environ
13 millions sont actuellement stockées au
niveau fédéral. Vu la faible demande en
vaccin ces derniers mois, qui se chiffre
donc en dizaines de milliers de doses, on
en déduit que plus de 12 millions de doses
vont sans doute finir à la poubelle. Elles
s’ajouteront aux 10,5 millions de doses déjà
éliminées au niveau fédéral. Un chiffre qui
ne comprend pas les stocks éliminés au ni-
veau cantonal. Et ce n’est pas terminé.
Pourquoi jette-t-on ces vaccins au lieu de
les donner à des pays qui n’ont pas assez de
ressources financières? On l’a fait dans une
certaine mesure. De mi-juin 2021 à au-
jourd’hui, la Suisse a offert près de 8 mil-
lions de doses. Mais comme le reconnaît Si-
mon Ming, porte-parole à l’Office fédéral de
la santé publique (OFSP), «depuis un cer-
tain temps, le transfert des vaccins contre le
Covid-19 est déterminé par la demande des
pays bénéficiaires, qui stagne à un faible ni-
veau». Un euphémisme pour dire que plus
personne ou presque n’en veut.
Sachant que 13,5 millions de doses sont
encore en commande pour 2023 et
qu’elles ne seront elles non plus vrai-
semblablement pratiquement pas utili-
sées, un constat brutal s’impose: la majo-
rité des vaccins Covid suisses va finir à la
poubelle. Pour le conseiller national Ro-
land Rino Büchel (UDC/SG), qui a inter-
pellé le Conseil fédéral sur le sujet lors de
Meilleur rapport qualité-
prix ? Mais bien sûr.
Un maximum d’équipements pour un minimum d’argent : la Subaru XV 1.6i
SWISS EDITION avec 4×4, systèmes d’aide à la conduite les plus récents et bien
d’autres atouts encore.
Maintenant pour CHF
Fini le temps la dernière session parlementaire,
où même les il s’agit d’un gaspillage d’argent public.
militaires étaient «Il n’y a pas besoin de s’appeler Einstein
réquisitionnés pour comprendre que commander
pour injecter le 61 millions de vaccins est complètement
vaccin Covid. disproportionné par rapport à la popula-
Depuis le début tion. Et en plus, il faut payer pour les dé-
de l’année 2023, truire car on ne peut pas simplement les
la demande jeter à la poubelle!»
vaccinale est très N’est-ce pas un peu facile de jouer l’ins-
faible. Keystone/ pecteur des travaux finis alors que la Suisse
Jean-Christophe Bott a fait face à une pandémie hors norme et
qu’il était difficile d’évaluer les besoins
réels en vaccins? «Je peux comprendre cet
argument au début de la pandémie, quand
les entreprises de vaccins tiennent le cou-
29 900.–* seulement chez votre partenaire Subaru.
Profils 19
teau par le manche, répond Rino Büchel.
Mais ensuite vous devez absolument négo-
cier des clauses qui permettent des com-
mandes diminuées si le besoin baisse.
N’importe quel patron fait cela.»
Les mains liées
L’OFSP reconnaît qu’elle a les mains liées
et qu’elle ne peut décommander une par-
tie des vaccins. «Les commandes pour
chaque année calendaire jusqu’à 2023 in-
clus ont dû être passées avec un délai rela-
tivement long, souligne Simon Ming. Les
quantités de vaccins convenues par
contrat sont soumises à une obligation de
réception.»
«Il n’y a pas besoin
de s’appeler Einstein
pour comprendre
que commander 61 millions
de vaccins est complètement
disproportionné par rapport
à la population.»
Roland Rino Büchel, conseiller national
L’OFSP n’a-t-il pas vu trop grand en com-
mandant 61 millions de doses? L’office ré-
pond qu’il s’agissait de «minimiser le risque
de défaillance d’une technologie ou d’un
fabricant». En gros, on a pris une casco
complète pour être à l’abri de toute mau-
vaise surprise. Mais cela coûte bonbon.
À ce propos, combien ont coûté les vac-
cins? Là, l’OFSP se refuse à tout commen-
taire en raison de la clause de confidentia-
lité des contrats. On peut tabler cependant
qu’entre les commandes, la gestion du
stock et la destruction des vaccins, la fac-
ture doit se chiffrer en milliards de francs.
Une bonne nouvelle pour terminer: la
Suisse n’a pas de fil à la patte pour une
commande de vaccins en 2024.
20 Profils Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

Lion Guardians Amboseli (parc national) http://liongguardians.orgg - Philip J. Brigg

ggs IG @philip.j.brigg
gg ggs.photoggraphy / Karina Robin IG @photo_safari
gg

Le félin a régné sur un grand groupe de lionnes et de lionceaux.

À 19 ans, «Loonkito» était un des plus vieux lions d’Afrique, où vit l’essentiel de la population des lions. Affaibli et seul, il en était réduit «Loonkito» défendait son territoire avec son frère, «Ambogga»,
à s’en prendre à du bétail. tué en 2017.

Un des plus vieux lions

du monde a fini de rugir
● Abattu à 19 ans, «Loonkito»
a été tué par des bergers
kényans alors qu’il tentait de
s’en prendre à du bétail. La
mort du «guerrier félin
légendaire» suscite l’émoi.
GABRIEL SASSOON
gabriel.sassoon@lematindimanche.ch
Le Kenya pleure celui qui était l’un des
plus vieux lions vivant à l’état sauvage du
monde. Loonkito est mort mercredi soir, à
l’âge de 19 ans. Le félin a succombé à des
blessures de lances à la tête, dans un vil-
lage situé à proximité du parc national
Amboseli. Des bergers massaïs l’ont abattu
après qu’il avait pénétré dans un enclos à
vaches, en quête de nourriture.
«C’était un vieux lion qui avait du mal à
se nourrir de lui-même et le bétail est une
proie facile. Un lion normal serait allé
chercher la faune à l’intérieur du parc», a
raconté à l’AFP Paul Jinaro, porte-parole
de l’agence kényane de préservation de la
nature (KWS).
Les images les plus récentes le montrent
le corps émacié, le visage marqué par les
années et les bagarres. Le dernier «vrai roi
lion d’Afrique», selon des admirateurs,
avait bien plus l’air d’un roi sur le déclin.
Règne à deux
Dans la nature, les lions d’Afrique vivent
en général jusqu’aux alentours de 13 ans.
Né en 2003, Loonkito approchait, lui, les
20 ans. En 2021, l’agence kényane de pré-
servation de la nature le décrivait comme
un «guerrier félin légendaire» ayant dé-
fendu son territoire pendant plus d’une
décennie.
Sa «légende» est bien documentée en
ligne. Pendant des années, elle s’écrit avec
son frère, avec lequel il règne sur un grand
groupe de lionnes et de lionceaux. Mais,
en 2017, Ambogga meurt dans une terrible
bataille territoriale, capturée en vidéo.
Loonkito en ressort le visage lacéré, grave-
ment blessé, mais vivant. Commence
alors pour le félin affaibli une vie solitaire,
selon le site kényan Nation.
Chassé du groupe
«C’est souvent comme cela que ça se
passe, commente Roland Bulliard, direc-
teur du Zoo de Servion (VD). Vers 13 ou
14 ans, les chefs sont chassés du groupe
qu’ils ne peuvent plus protéger, étant de-
venus trop faibles. Souvent, ils y perdent
la vie. Mais s’ils survivent, ils se re-
trouvent seuls et la vie devient difficile.»
Que Loonkito ait survécu aussi longtemps
impressionne le Vaudois. «Dans un zoo,
les lions vivent jusqu’à 18 ou 20 ans, mais
ils ont de la nourriture à profusion. À l’état
sauvage, 19 ans, c’est rare. C’est un bel
âge.»
Déplorant sa mort, l’association ké-
nyane Lion Guardians, qui œuvre à la
conservation de la population de lions
dans le parc Amboseli, a salué un «sym- Blessé dans une terrible bataille territoriale, l’animal menait
bole de résilience et de coexistence». depuis lors une vie solitaire.

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Quand le bien-être fait

partie du quotidien
Quand il vous faudra deux mains pour faire ce que jadis vous
faisiez haut la main – nous serons à vos côtés. Tertianum
vous soutient et vous aide à accomplir les grandes et petites
tâches du quotidien. Confiez-nous cette mission et vivez
avec plus de légèreté.

tertianum.ch
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Mon animal et moi 21

Sur Instagram, il arrive que

«Maurice» décide de boire un thé
● Depuis deux ans,
ce matou particulièrement
sociable qui vit à Lausanne Leurs
fait la joie de Luisa indispensables
et de ses fans!

TEXTES: SASKIA GALITCH

saskia.galitch@lematindimanche.ch
PHOTOS: YVAIN GENEVAY

Vous aimez Grumpy Cat ou Chou-

pette, la «muse» du regretté Karl La-
gerfeld? Vous allez adorer Mau-
rice l’exotic shorthair! Parce que
même si sa page Instagram n’a pas
(encore?) autant de followers que
celles de ses prestigieux devanciers,
ce minou-là a véritablement ce pe-
tit quelque chose en plus qui fait les
stars. Ce n’est pas Luisa qui dira le
contraire, elle qui a complètement
craqué il y a deux ans pour cette boule
de tendresse: «Sa bouille toute plate,
qui est une version féline des boule-
dogues français que j’aime tant, ajou-
té au fait qu’il était le plus petit chaton
de la portée et que sa couleur sable
s’accordait à merveille avec les tons
de mon appartement… Non, décidé-
ment, il était (par)fait pour moi!»
LA PAGE INSTAGRAM
Hyper attachant Luisa y publie une sélection
Tandis que Maurice se met noncha- de moments tendres ou drôles
lamment à grattouiller le canapé – «Il (www.instagram.com/mauriceshortair).
n’y a rien à faire, il a décidé que c’est
le seul endroit où il peut faire ses
griffes» – Luisa reprend: «J’ai eu des
bouledogues français pendant vingt UN JOUET
ans, mais jamais de chat et je ne sa- Comme l’explique
vais donc pas du tout à quoi m’at- Luisa, les joujoux
tendre. Eh bien, je n’ai pas été dé- pour chat
çue!» Sachant qu’en plus de perdre n’intéressent pas
des kilos de poils au quotidien, il de- vraiment
«Maurice», sauf si
on s’amuse avec lui:
«À vrai dire, il n’est
«Il est tellement pas spécialement
affectueux avec joueur!»
tout le monde que
c’en est presque vexant!»
Luisa Marino LUISA MARINO «MAURICE»
Coiffeuse à Lausanne Exotic shorthair, 2 ans

mande des soins particuliers (lire en-

cadré), on soupçonne un petit trait
d’ironie. Pas du tout. Pour Luisa,
M. Maurice est tellement cool, sympa
et affectueux avec tout le monde,
«au point que c’en est presque
vexant», qu’il est impossible de ne
pas s’attacher à lui. «D’ailleurs, ri-
gole-t-elle, tous les gens qui le
connaissent en sont très fans!» Et
suivent donc avec enthousiasme ses
mésaventures en ligne.
L’idée de cette page ouverte en juin
2021 était simple: partager des mo-
ments chou ou rigolos. Et il y en a tous
les jours, assure Luisa. Que Maurice
boive du thé, lise «Le Canard enchaî-
né», se la joue jardinier, fasse l’an-
douille dans un sac («c’est une de ses
passions!») ou se prélasse en pacha
dans des positions improbables, il est
en effet irrésistible.
Instagram permet aussi à Luisa de
rendre hommage à ce drôle de com-
pagnon qu’elle «adore»: ayant grandi
dans une famille nombreuse et très
vivante, la quinquagénaire qui tient
le salon de coiffure Tribu3, à Lau-
sanne, n’aime pas rentrer chez elle et
avoir une impression de maison
vide: «Maurice comble mon besoin
de vie: il vient m’accueillir, il est là et
ça me suffit.»
«Pas de transfert!»
Très claire sur son lien à Maurice, Luisa
souligne que son «chat est un chat» et
non «un doudou». Autrement dit, elle
ne fait «pas de transfert», ne lui parle
pas beaucoup et, de toute façon, doute
qu’il capte ce qu’elle pourrait lui racon-
ter: «Ce qu’il comprend, c’est l’odeur
d’une boîte de thon qu’on ouvre ou le
bruit du sachet de nourriture qu’on se-
coue!» Elle nuance, pourtant: «Par
contre, il ressent mes états émotion-
nels, ça, c’est clair. J’en ai par exemple
eu la preuve lors d’un deuil très dou-
loureux, période où il s’est montré par-
ticulièrement présent.»
Les yeux tendres, Luisa regarde son
Maurice – superbement indifférent:
«Je le respecte et ne lui impose rien.
Pas même des caresses. Je n’aurais
pas envie qu’on me tripote sans me
demander si j’en ai envie, je pars du
principe que c’est la même chose
pour lui. Mais il n’est pas en manque:
quand et s’il veut des cajoles, il sait le
montrer!» LE PANIER
Sourire aux lèvres, elle conclut: «Je «Il adore se mettre dans des sacs,
ne sais pas si je suis vraiment une des cartons ou des paniers…
«bonne» maîtresse. Il n’empêche que Je lui ai installé celui-ci et on dirait
notre mode de vie a l’air de lui conve- bien qu’il l’apprécie.»
nir.» À le voir en vrai ou sur Insta-
gram, on n’en doute pas.
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avec votre animal de compagnie?
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bien faire et a même l’air content.»

Le conseil de la semaine
Quand? Quand? Quand? Le questionnaire Une race qui a des besoins particuliers
Quand fait-il des bêtises? mais rien. C’était d’autant plus l’angoisse Doux, intelligent, so- (EPCS), il faut donc no- longues dents ou à la
«Il n’en fait pas vraiment, pour autant que c’est une race qui ne miaule presque ciable, curieux, peu tamment faire attention à: brosse dure s’il a le poil
qu’on ne laisse rien traîner à sa portée, jamais. On a fini par le retrouver, mais on a miauleur et pouvant Ses yeux: ils coulent, et long, une à deux fois par
parce qu’il a tendance à tout jeter vraiment eu peur qu’il lui soit arrivé CLUB SUISSE vivre jusqu’à 15 ans, c’est normal. Pour éviter semaine à la brosse douce
par terre!» quelque chose ou qu’il ait été embarqué, DE L’EXOTIC l’exotic shorthair est infection ou irritation, il s’il a le poil court. En pé-
lui qui est tellement sociable ET DU PERSAN merveilleux. Toutefois, faut les nettoyer souvent riode de mue, il faut le
Quand vous énerve-t-il? et peu farouche!» www.epcs.ch sa face plate peut causer avec un coton (un propre brosser plus souvent.
«Il m’a bousillé un canapé hors de prix en des problèmes (troubles pour chaque œil) imbibé Son alimentation: doit
y faisant ses griffes et là, ça m’a énervée. Quand vous fait-il rire? respiratoires ou ocu- de camomille ou d’eau. être équilibrée et adaptée
Mais autrement, jamais, parce qu’il est «Souvent! Par exemple, il s’enfile dans le laires, difficultés pour Sa fourrure: même si ses à lui et à ses besoins, dans
vraiment cool et sympa.» frigo si je le laisse ouvert. Une fois, il s’y est s’alimenter, etc.). poils ne feutrent pas, le sa composition comme
laissé enfermer et je l’y ai retrouvé un mo- Concrètement, comme chat doit être toiletté régu- dans sa consistance: pre-
Quand avez-vous eu peur pour lui? ment plus tard complètement détendu, l’explique le Club suisse lièrement: tous les jours nez conseil auprès de
«Il est assez fugueur et, un jour, il n’est pas en train de grignoter un bout de chou. Ça, de l’exotic et du persan au peigne métallique à votre vétérinaire!
rentré. Avec ma fille, on l’a cherché, appelé, je l’ai filmé et mis sur sa page Instagram!»
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Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 People 23

Chiara
Mastroian
nni,
au-delà
du trac
HÉRÉDITÉ Catherine Deneuve, aussi, a toujours eu une peur
panique de la scène. Elle n’a d’ailleurs jamais fait de théâtre.
Anne-Christine Poujoulat/AFP

● L’actrice a toujours été

sujette à une peur de la scène
terrible. Il va pourtant falloir
en venir à bout puisque
c’est elle qui présentera
les cérémonies d’ouverture
et de clôture du Festival
de Cannes.

CHRISTOPHE PINOL

Alors que Catherine Deneuve sera l’em-

blème du 76e Festival de Cannes, la se-
maine prochaine – sur l’affiche officielle,
son visage ornera toute la Croisette –,
c’est sa fille, la comédienne Chiara Mas-
troianni, qui va jouer les maîtresses de
cérémonie, et ainsi assurer l’ouverture
du plus grand festival de cinéma du
monde, le mardi 16 mai, tout comme sa
clôture, le 27 mai. Deux soirées à suivre
en direct sur France 2.
«J’ai un trac immense, mais je suis ra-
vie», expliquait au site de France Télévi-
sions celle qui avait pourtant toujours
refusé de se produire sur scène, avouant
avoir fait «des cauchemars» à l’idée de se
retrouver face à un public. Du moins
jusqu’à il y a deux ans, où elle avait fina-
lement fait ses premiers pas au théâtre,
dans la pièce de Christophe Honoré, «Le
ciel de Nantes», vue à Vidy. «Cette pièce
a certainement contribué au fait que
j’accepte la proposition du festival. Il y a
parfois des choses que l’on aimerait faire
mais dont on se sent incapable. Il m’était
arrivé de remettre des prix à Cannes et
ça m’avait mise dans des états inimagi-
nables. Là, je crains d’être absolument
infréquentable la semaine précédant la
cérémonie d’ouverture!»
«Je crains d’être
absolument
infréquentable
la semaine précédant
la cérémonie d’ouverture!»
Chiara Mastroianni, au site web
de France Télévisions
À 50 ans (elle fêtera son 51e anniver-
saire le lendemain de la clôture), l’ac-
trice est une figure incontournable du ci-
néma d’auteur français, souvent d’ail-
leurs associée à des longs métrages
mélancoliques, aux états d’âme compli-
qués. Peut-être à cause de ses yeux un
peu tristes, même si elle revendique être
en réalité plutôt une bonne vivante.
Quand Miss Piggy donne de l’envergure
à Deneuve
La comédienne est le fruit des amours de
deux légendes du cinéma: Catherine De-
neuve, donc, et Marcello Mastroianni.
Tous deux se rencontrent en 1970, au
cours d’un dîner chez Roman Polanski.
L’année suivante, ils jouent un couple
dans «Ça n’arrive qu’aux autres», de Na-
dine Trintignant, et finissent rapidement
RÉCOMPENSE Habituée de Cannes, elle y a remporté
en 2019 le prix d’interprétation Un certain regard
pour son rôle dans «Chambre 212», de Christophe
Honoré. Valery Hache/AFP
par en devenirr un. Chiara naît un an plus
tard mais ses p parents se sépareront à ses 3
ans, en très bon ns termes toutefois.
Élevée par sa m maman, elle grandit en la
voyant s’affich her en une des magazines
et sur les deva antures de cinémas. Pour
Chiara, qui ne connaît que cet univers,
rien de plus no ormal. Mais elle prend vé-
ritablement co onscience de la renommée
de sa mère, lorrsque celle-ci revient des
États-Unis ave ec une photo où elle pose
aux côtés de M Miss Piggy, du «Muppet
Show». «J’étais folle du personnage, ra-
contait Chiara Mastroianni au site Femi-
oudainement réalisé que
na.fr, et j’ai so
ma mère devait être sacrément célèbre
pour l’avoir rencontrée!» Son enfance
n’est pas toujo ours de tout repos, avec ce
monstre sacré é du cinéma pour maman.
«Elle me fouta ait parfois les jetons,
confiait-elle en n 2016 à «Marie-Claire»,
notamment qu uand elle déboulait dans
COURA AGE Malgré ma chambre pour vérifier si tout était
son ang goisse bien rangé.»
de la sc
cène, Son père, ellle le retrouve surtout pour
Chiara Mastroianni les vacances sccolaires, souvent sur un
se dit ra
avie d’être tournage, où e elle est habituée à rester
la maîtrresse bien sage pend dant les prises. Ce qui for-
de céréémonie. gera sa nature un peu «contemplative»,
Valery Ha
ache/AFP expliquait-elle e. Et quand elle annonce à
sa maman sa v vocation, elle voit bien que
celle-ci n’est guère emballée par son
choix. «Elle au urait préféré me voir pour-
suivre mes étu udes, se souvenait-elle
dans «Les Échos». Elle avait ses inquié-
tudes de mère e et ne se privait pas de me
tt en garde
mettre d contre les pièges de ce
Quand elle annonce
à sa maman
sa vocation, elle voit
bien que celle-ci n’est guère
emballée par son choix.
métier. Mon père, lui, était beaucoup
plus relax. Il était ravi que je suive mon
désir.»
Il faut dire que ses deux parents lui ont
mis le pied à l’étrier. Elle fait d’abord une
apparition aux côtés de Catherine De-
neuve à 7 ans, dans «À nous deux», de
Claude Lelouch, puis une autre au côté
de Marcello Mastroianni, cette fois, à 15
ans, dans «Les yeux noirs», de Nikita
Mikhalkov. Mais ses vrais débuts, elle les
fait dans «Ma saison préférée», à 20 ans,
encore une fois aux côtés de sa mère. Et
si elle se souvient encore des endives au
jambon que celle-ci la forçait à manger,
petite, elle jure que sa maman l’a tou-
jours laissée libre d’orienter sa carrière
comme elle le souhaitait.
Ses deux enfants, Milo, 27 ans, et An-
na, 20 ans, n’ont toutefois pas choisi, a
priori, de suivre la trace de leurs illustres
parents et grands-parents. Et pourtant,
il y avait de quoi être inspiré. Le premier
a pour papa le sculpteur Pierre Torreton,
la seconde, le chanteur et acteur Benja-
min Biolay. Et maman partage depuis
neuf ans sa vie avec Benoît Poelvoorde.
24 Chroniques Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

Petr David Josek/AP Photo

Le Cercle du «Matin Dimanche» «Nous ne sommes
jamais à l’heure… Il
Élection de l’Exécutif par y a toujours quelque
chose, c’est fâcheux!»
le peuple, un bien ou un mal? Charles III, roi du Royaume-Uni, à Camilla dans le carrosse
en route pour son propre couronnement

vrai plébiscite, quelles qu’en puissent
être les conséquences pour le fonc-
tionnement du collège exécutif.
Nous avons la chance, en Suisse,
d’avoir des Exécutifs collégiaux.
Par bonheur, aucun de nos cantons,
pas plus que la Confédération, ne
connaît un régime politique dans le-
quel, comme en France, aux USA, en
Turquie, en Russie, et j’en passe, une
seule personne, élue par le peuple,
devient LE chef de l’État et concentre
entre ses mains tous les pouvoirs de
l’Exécutif, pouvoirs qu’elle répartit
ensuite entre des ministres de son
choix. Ces régimes à «élu unique» ne
sont que très relativement démocra-
tiques dans la mesure où, pour être
candidat, il faut réunir des sommes
Suzette Sandoz d’argent colossales, s’offrir certains
Ancienne conseillère nationale médias, et, on le voit hélas! suivant
libérale (VD) les pays, limiter fortement la liberté
élection par le peuple et, chose amu-
sante, cette initiative émanait du
PDC, attristé d’avoir perdu son siège à
la Municipalité de Lausanne, et
J’aime/j’aime pas
convaincu qu’une élection par le
peuple, plus sensible aux qualités des
personnes individuelles qu’au pro- dans la bouche qu’on échappe
gramme politique et à l’importance aux petits tracas ordinaires.
du parti, lui serait plus favorable. Ceci «Nous ne sommes jamais à
s’est en effet parfois confirmé. l’heure… Il y a toujours quelque
chose, c’est fâcheux!»: scruté par
L’élection des Exécutifs par le peuple les caméras du monde entier à
plutôt que par le Législatif est-elle travers les larges vitres de son
une bonne chose? fiacre, le triste sire déversait son
Plus les membres de l’Exécutif ont de stress sur la stoïque Camilla. Des
pouvoir moins l’élection populaire propos décryptés par un expert
est une bonne chose. Le pire est évi- de la lecture sur les lèvres inter-
demment quand seule une personne rogé par Sky News. La situation
doit être élue. Le risque d’un culte de n’est pas sans rappeler l’épisode
la personnalité est grand, favorisé au- Alexandre Lanz du stylo fou en Irlande en sep-
jourd’hui par la médiatisation et les
Journaliste tembre 2022. Meghan, l’épouse
réseaux sociaux. Évidemment que de Harry, l’enfant terrible de
l’élection des membres d’un collège Charles et Diana, brillait par son

E
d’action des concurrents par des pro- atténue ce risque, mais cette élection absence. «Retenue à L.A. pour

S
i les membres de l’Exécutif
genevois étaient élus au
2e degré, c’est-à-dire par le
parlement genevois, comme
le Conseil fédéral, et non pas
directement par le peuple, M. Maudet
aurait-il été élu?
L’élection à la fois prévisible et re-
doutée de M. Maudet incite à se poser
cette question, sans préjuger, dans le
cas d’espèce, du caractère positif ou
non de ladite élection. La question est
d’ordre général. Il faut avouer que
cette élection a été incontestable-
ment un succès personnel de l’élu
plus qu’un succès de son parti comme
tel. Il semblerait en effet – mais nous
n’avons pas pu le vérifier – qu’il y ait
eu un nombre élevé de listes sans en-
tête de parti portant simplement le
nom de M. Maudet. Autrement dit un
cédés parfois douteux.
En Suisse, tous les Exécutifs, à tous
les échelons – communal, cantonal,
fédéral –, sont toujours des collèges,
ce qui diminue d’autant le pouvoir de
chacun des trois, cinq ou sept élus du
collège et les contraint à chercher un
accord au moins majoritaire pour «di-
riger»; cela diminue parfois le pres-
tige et la rapidité des décisions mais
accroît certainement l’acceptabilité
de ces décisions par les administrés et
atténue le naturel narcissisme indivi-
duel lié au pouvoir reçu du peuple.
Nos Exécutifs cantonaux sont
généralement élus par le peuple
et non pas par les parlements.
Dans le canton de Vaud, jusqu’en
1980, les Exécutifs communaux, eux,
étaient élus au 2e degré, mais une ini-
tiative populaire a généralisé une
reste très personnalisée, puisque NFIN C’EST ARRIVÉ!
c’est la majorité individuelle des voix Malgré le désamour
qui importe et la fascination exercée pour la monarchie au
par une personnalité peut fausser une Royaume-Uni, de nom-
élection populaire. Une élection au breux curieux assis-
2e degré par un parlement multipar- taient au couronnement du roi
tite atténue cette fascination; on peut Charles III samedi 6 mai 2023, en
parier que M. Maudet n’aurait pas été live ou à la télé. Sur le coup des
élu au 2e degré. 11 h, heure locale, on l’a vu quitter
N’est-ce pas l’occasion de réfléchir, Buckingham Palace flanqué de
dans l’intérêt de la démocratie, au son indétrônable reine consort
meilleur mode d’élection des dans un carrosse de conte de fées
membres d’un Exécutif – par le high tech. Et zou, direction l’ab-
peuple ou au 2e degré – compte tenu baye de Westminster à Londres!
notamment de l’importance média- Comme à chaque pompeux bas-
tique et technologique actuelle? tringue nappé d’or, c’est la crous-
tillante garniture autour du plat
principal que les médias britan-
Facebook Le Matin Dimanche niques se délectent à décortiquer.
Retrouvez les textes des Première leçon: ce n’est pas parce
personnalités du Cercle du Matin qu’on est né avec une cuiller en or
Dimanche et participez au débat
l’anniversaire de son fils Archie»,
justifiait la star de Netflix. Pour
assurer sa sécurité, Charles avait
mandaté sa sœur cadette la prin-
cesse Anne, virilité triomphante
hissée sur son cheval dans son
uniforme de colonel du régiment
des «Blues and Royals» de la
Household Division. Une parade
aérienne de la Royal Air Force…
Vraiment? On aurait pu s’attendre
à une prise de position plus tran-
chée de la part d’un homme qui se
revendique comme le roi écolo.
Qu’à cela ne tienne. Il l’aura atten-
due toute sa vie, cette «bloody»
couronne. Mauvais timing pour
lui, sans le glamour ampoulé du
passé et les tenues monochromes
de sa maman Elizabeth II, le
charme n’opère plus.

La question verte Facebook Le Matin Dimanche

Pour retrouver toutes les chroniques

Comment aménager son potager local et bio

Virginie Lenk teur, et perdez-vous dans les marchés de plan-
tons qui fleurissent en ce moment.
Journaliste Favorisez la biodiversité, plantez des fleurs au
milieu des courgettes. Outre une explosion de

L
couleurs dans votre potager, ces plantes sont
e printemps, on enfile ses bottes et on précieuses pour vos légumes. «Le tagète ou œil-
file au jardin potager. Semis, plantons let d’Inde protège la tomate des nématodes, ex-
et engrais sont de retour. Et si on veut plique Jean-Marie Moos. Et les fleurs vont ame-
récolter cet été des tomates et des lai- ner des insectes qui vont polliniser votre jar-
tues maison et bios, c’est le moment din.» Lancez-vous dans les variétés anciennes
ou jamais de reprendre quelques trucs et as- dont l’offre explose sur les marchés aux plan-
tuces de nos aïeux. tons. «Ces variétés sont reproductives, c’est-à-
Tout commence par une bonne préparation dire qu’on peut en récolter les graines et les res-
de la terre, explique Jean-Marie Moos, paysa- semer l’année suivante.»
giste dans le Valais central, avec dix ans d’expé-
rience dans la permaculture. Cette agriculture Pensez au paillis
en synergie avec la nature attire de plus en plus Fuyez les pesticides! «La manière la plus simple
d’adeptes. «Pour le sol, on peut amener un mois de protéger votre sol est de le couvrir avec votre
avant du fumier de cheval. L’autre option est le gazon tondu, de l’herbe, du foin. Le broyat des
compost organique bio, vendu en magasin mais haies se dispose frais sous la plante, et sec plutôt
aussi par les communes. En permaculture, sur les chemins du potager.» Autre règle ances-
contrairement à l’agriculture classique, on ne trale, ne pas mélanger les alliacées (oignons,
travaille presque plus la terre, pour préserver la ails, poireaux) avec les légumineuses (pois, ha-
vie dans le sol.» ricots). pour l’engrais, aménagez-vous un com-
Il est essentiel aussi, même si cela nous dé- post. «Ou plantez de la consoude, dont les
mange, de bien respecter les périodes de planta- feuilles font un très bon apport en minéraux.»
tion. Dès le mois de mai, salade, épinards et Et contre les limaces, adoptez un canard… ou à
choux peuvent être plantés, alors que pour les défaut, protégez les choux asiatiques et les hari-
tomates, courgettes, aubergines, poivrons et pi- cots dont elles raffolent, conseille l’expert.
ments, il vaut mieux attendre la fin des gelées, L’arrosage doit aussi se faire de manière éco-
ou, comme le préconisaient nos grands-mères, nomique, en évitant l’aspersion, et plutôt au
le dernier des saints de glace. pied des plants, si vous n’avez pas investi dans
La plante que l’on a achetée est-elle issue un arrosage au goutte-à-goutte. «Arrosez la nuit
d’une plantation écologique? Ce n’est pas forcé- ou de bonne heure le matin, pour éviter les ma-
ment facile de le savoir, Alors à l’achat, veillez à ladies fongiques.» Dernier tuyau du jardinier:
sa provenance. Privilégiez dans les jardineries plus on plante, mieux ça pousse. «Il faut juste
les plantes indigènes, qui ne sont pas encore en bien surveiller l’accès au soleil de chaque
fleur. Ou achetez local, chez un petit produc- plante.»
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Chroniques 25

Courrier Une semaine, une image Ariane Dayer Instagram Le Matin Dimanche
Retrouvez les photos décryptées

«En Suisse règnent

ppp
pqr/Ouest France/Maxp
de très sérieux dys-
fonctionnements
politiques»

Florence Lambert/Photop
● À propos de l’article intitulé «Au Conseil
d’État genevois, la victoire s’écrit au féminin»
paru le 7 mai.
Quelle crédibilité pour un élu – juriste de formation et
capitaine à l’armée – qui, au sommet de la pyramide de
ses indignités, a été condamné par la plus haute ins-
tance judiciaire de son pays pour «acceptation d’un
avantage»? Quelle confiance en sa pensée, sa parole et
son action?
Ce qui est sidérant, ce n’est pas tant que 48’345 ci-
toyens aient donné leur voix à un personnage dont les
agissements ont abîmé les institutions et entamé la foi
dans l’autorité publique tout entière: l’histoire regorge
de cas d’aveuglement dont la «volonté souveraine du
peuple» a été frappée. Comme si cette volonté était
«absolvatrice», qu’elle permettait tout, les comporte-
ments immoraux et amoraux autant que les violations
du droit. À Saint-Brevin-les-Pins, en France, les voitures et la maison du maire, Yannick Morez, ont été incendiées.
Ce qui est bien plus atterrant, c’est qu’en 2007, le
parlement fédéral a supprimé du Code pénal suisse la
possibilité pour le juge pénal de prononcer l’inéligibi-
lité. Cette «peine dite accessoire [...] visait notamment
le magistrat qui, coupable d’un crime ou d’un délit, se
La fête des maires
rendait indigne de confiance en raison de l’infraction
commise. Cette incapacité pouvait être prononcée Des véhicules calcinés, le mur aussi, Saint-Brevin-les-Pins, en Loire-Atlan- de l’ordre et de la justice». Personne ne
pour une durée allant de deux à dix ans au plus et dé- des images de zone de guerre mais tique, petite commune française de lui a répondu. Depuis quelques jours, les
ployait ses effets à partir du jour où le jugement deve- une silhouette qui raconte quelque 14’500 habitants. Ses plages, ses arbres, phrases de solidarité lui pleuvent sur la
nait définitif et exécutoire» (LT, 12.03.21). chose de plus familier. Le visage est et sa poussée de violence. Le projet de tête, sauf qu’il est trop tard.
Bienvenue en Suisse: ce tout petit pays à la vitrine indéchiffrable, peut-être étonné, sans déménagement d’un centre d’accueil En 2022, les faits de violences phy-
rutilante et à l’arrière-boutique obscure. Où règnent doute las. Pour avoir fait son boulot de pour demandeurs d’asile a soulevé siques et verbales dans les petites villes de
de très sérieux dysfonctionnements politiques. Où la maire, Yannick Morez a vu ses deux contestations, manifs et menaces de France ont augmenté de 32%. Les maires
condamnation pénale d’un élu pour une infraction voitures et une partie de sa maison in- mort. L’occasion de récupération poli- appellent à l’aide. Sans réussir à déclen-
minant les fondements de l’État de droit – dont il doit cendiées. Alors il démissionne, et il va tique était trop belle: le nouveau lieu cher de soutien réel. Triste et injuste
être le plus farouche garant! – n’entrave en rien son vivre ailleurs, lâchant seulement cette d’accueil est placé près d’une école. Le quand on sait la générosité et le don de soi
accès répété à la fonction gouvernementale. phrase sobre: «Ma femme et mes trois maire avait tenté d’alerter sur la dégra- qu’exige la fonction d’élu communal. Dé-
Définitivement, fort réflexif (F. Worms, philosophe, enfants ne souhaitent plus que je dation de la situation en soulignant le courager ces braves-là, c’est laisser la
«Les maladies chroniques de la démocratie»): «Si le continue.» «manque de soutien de l’État, des forces rouille ronger la démocratie. Dangereux.
peuple abuse de son pouvoir sur le peuple, qui l’en
protégera? La démocratie est un travail constant pour
éviter un risque qui ne cesse de la menacer.»

Briefing
CHRISTINE MOICHON, Prilly (VD)

Santé:fairefaceàunevéritémalplanifiée
● À propos de l’article intitulé «Comment
courir avec son chien» paru le 23 avril.
Bravo pour votre intéressant article concernant la
course à pied humain-chien, un binôme formidable!
Le dernier repas doit être pris en tout cas 2 h 30
avant la course et 2 h 30 après l’effort, car il y a un 25% des lits de soins intensifs sont fermés médicale, accepter de renoncer à des ul-
risque de «l’estomac retourné» autrement. en Europe faute de personnel qualifié, se- times traitements sans espoir. Mais ces-
Donc il faut préparer sa course avec une gourde lon la Société européenne de médecine sons nos illusions. Les dépenses de santé
d’eau et régulièrement lui donner quelques lapées à de soins intensifs. Recruter à l’étranger va vont continuer à grimper. En 2007, dans
boire. L’eau des rivières est hyperfroide et cela peut devenir de plus en plus difficile. Et des l’étude «Déterminants et évolutions des
faire un choc dans l’estomac. hausses de salaires sont programmées coûts du système de santé en Suisse»,
Observer votre chien tout au long de votre entraîne- partout… l’Université de Neuchâtel estimait que
ment, et faire attention aux vipères le long de l’eau! Que l’on se rassure au moins sur un les coûts de santé seraient multipliés
Une chose hyperbarbante: les épillets. Car une fois point: la Suisse est dans une situation par 2,2 «dans l’hypothèse favorable
dans les poils de votre chien, surtout les beiges, vous comparable à ses voisins. Certes, nous d’une amélioration de la santé de la po-
risquez de ne pas le voir, et après si vous ne vous y dépensons un peu plus, mais on est pulation aux âges élevés à l’horizon
prenez pas à temps: véto et endormir votre chien proche de la moyenne des pays de 2030 et par 2,4 dans l’hypothèse défavo-
pour un abcès ou, pire, ces épillets voyagent dans le l’OCDE. À quelques exceptions près, les rable d’un état de santé inchangé». Selon
corps (comme une flèche) et peuvent atteindre le cer- pays développés consacrent entre 10 et les scénarios démographiques, la part de
veau, les poumons, et perforer cela. 12% de leur richesse à la santé. Et tous la santé dans le PIB en 2030 s’établira
Donc choisissez un beau parcours sympa pour vous
deux et sans vélo aux trousses! Pierre Veya sont dans une dynamique comparable:
les dépenses de santé augmentent à un
entre 14,4% et 17,2%. Vu de 2023, nous
nous dirigeons sans aucun doute vers la
DAPHNÉ HELBING, Veyrier (GE) Chef de la rubrique Économie rythme plus élevé que celui de la crois- fourchette haute. Les mesures pour frei-
sance. Par conséquent, la santé pèse de ner les coûts auront des effets, mais leur
● Les coûts de la santé augmentent plus en plus lourd dans les budgets des ampleur sera limitée. C’est une affirma-
collectivités et des ménages! Le vieillisse- tion que l’on semble parfois oublier dans
plus vite que la croissance. On le ment de la population? Il joue un rôle im- le débat politique, qui feint de croire
● À propos de l’article intitulé «On ne se méfie
sait depuis longtemps, mais on feint portant, sans être le plus important. qu’il est possible de stabiliser une fois
pas assez des loups audacieux» paru le 30 avril.
chaque fois de l’oublier. L’OCDE estime son poids à un quart, pour toutes les coûts de la santé. La poli-
Très intéressant! Est-ce que vous savez s’il y a une «ins- voire à un tiers des facteurs qui déter- tique le promet, les experts, eux, n’y
tance» où on peut rapporter les «apparitions» dans le minent les hausses de coûts; deux tiers croient pas!

À
canton? Une amie a vu un loup trois jours de suite le
matin aux Cullayes et j’ai moi-même vu des traces qui première vue, les coûts de la
pourraient bien être du loup… ce serait intéressant santé échappent à tout
d’avoir un suivi centralisé des rapports, me paraît-il. contrôle. Les augmentations
LENA COQUERAND, Les Cullayes (VD) de primes n’obéissent à au-
cune règle statistique stable; à
tel point qu’une étude récente du KOF
(centre de recherches conjoncturelles de
Réagissez aux articles l’EPFZ) démontre qu’il est quasi impos-
du «Matin Dimanche» sible de prédire avec une précision rai-
sonnable l’évolution des coûts d’une an-
ö sur notre page Facebook «Le Matin Dimanche»
née à l’autre! D’où des augmentations qui
ö sur Twitter via @lematindimanche
varient du simple au double. Tous les
ö par e-mail à:
programmes visant à freiner les coûts
lematindimanche@lematindimanche.ch
semblent impuissants. Enfin, en Suisse,
ö par courrier postal à: Rédaction du
comme dans l’Union européenne, les pé-
«Matin Dimanche», av. de la Gare 33, 1001 Lausanne
nuries de personnel s’aggravent. De 15 à
de l’augmentation des dépenses pro-
viennent en réalité du progrès technique,
des nouveaux traitements et de soins qui
améliorent non pas seulement l’espé-
rance de vie, mais le confort des patients.
Nous sommes typiquement dans la
gestion de l’abondance, la plus difficile à
réguler. Personne n’a envie de renoncer
à la pose d’une prothèse de hanche ou à
un traitement contre le cancer, que l’on
guérit aujourd’hui une fois sur deux. Et
si beaucoup disent être prêts à renoncer
à une réanimation quand surviendra le
grand âge, ils sont tout aussi nombreux à
s’accrocher à la vie! Bien sûr, il faut réfor-
mer le système, mieux cibler les inter-
ventions, éviter la surconsommation
Mais est-ce un mal? Pas nécessaire-
ment. La santé est le bien commun de
l’abondance. Limiter son accès n’est pas
une solution raisonnable. Au contraire, il
faut considérer que c’est un investisse-
ment, certes coûteux, mais préférable à
des restrictions qui aggraveraient l’état
sanitaire des populations et finiraient
par diminuer la croissance. La meilleure
des politiques, la plus efficace, est de tra-
vailler à la prévention, qui évite de répa-
rer les dommages de la vie. Et surtout,
préparons-nous à mieux gérer et plani-
fier les contraintes d’une économie de
l’abondance.
pierre.veya@lematindimanche.ch
26 Météo Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

Dimanche 14 mai Calendrier Soleil Lune Dicton du jour Météorologue en direct au

Semaine 19 6 h 01 20 h 58 3 h 55 14 h 56 «Fraîcheur et rosée de mai, 0900 575 775 (CHF 3.20/min
vin à la vigne et foin au pré.» www.meteonews.ch
Matthias Jour 134 +2 min. Pleine lune: 04 -06 depuis le réseau fixe suisse.)

La météo du dimanche Risque de pluie jusqu’à demain

Matinée Après-midi
Bâle 9° St-Gall Bâle 16° St-Gall
9° 17°
Delémont Zurich
rich Delémont Zu
Zurich
7° 13°
9° 17°
Lucerne
ne Lucerne
cerne
Neuchâtel
âte Berne 9° Neu
Neuchâtel
âtel Ber
Berne 16°
Coire Coire
ire
9° Fribourg
9° 17° Fribourg
16°
8° 16°
9° 16°
Saint-Moritz Saint-Moritz
Lausanne
usan Jungfraujoch Lausanne
usan
10° 1° 17° Jungfraujoch
8°
–8° –6°
Gen
Genève
e Locarno
Loca Genève
nève Locarno
Sion
on 9° Sion
on 19°
10° Zerm
Zermatt 12° 17° Zermatt 19°
2° 10°
Risque de pluie jusqu’à demain 6 h
Quelques belles éclaircies matinales, voire temps assez Météo plus instable et ciel plus menaçant cet après-midi,
ensoleillé du Léman au Valais. Peu d’averses au début. avec des averses prenant parfois un caractère orageux. < 10 % 10 – 40 % 40 – 60 % 60 – 90 % > 90 %

Loisirs Risques météo Les plus de la semaine écoulée en Suisse

Jogging Fortes chaleurs - Le plus chaud (plaine): 24.6°C à Biasca (TI) le 7.5. Météo dans le monde
Voile Vent, tempête - Le plus froid (plaine): 4.3°C à Villars-Tiercelin (VD) le 10.5. Europe Reste du monde
Barbecues Pluie - Le plus arrosé: 167.9 mm au Napf (BE) Amsterdam 21° Auckland 17°
Balades Orages, grêle - Le plus venteux: 87.1 km/h au Chasseral (BE) le 10.5. Athènes 25° Bangkok 34°
Barcelone 21° Buenos Aires 25°
La semaine prochaine beau éclaircies variable couvert pluie neige orageux brouillard
Berlin 21° Le Caire 30°
lundi 15 mardi 16 mercredi 17 jeudi 18 vendredi 19 samedi 20 Bruxelles 21° Le Cap 20°
Budapest 15° Los Angeles 19°
Jura Florence 21° Miami 31°
1000 m
5° 12° 6° 7° 2° 7° 5° 11° 5° 14° 6° 17° Helsinki 23° Montréal 17°
Lisbonne 25° Nairobi 25°
Léman et Londres 21° New Delhi 41°
Plateau Madrid 22° New York 22°
8° 17° 10° 12° 6° 12° 7° 16° 7° 19° 8° 20°
Moscou 15° Pékin 30°
Plaine Nice 20° Rio de Janeiro 25°
du Rhône Oslo 20° Sydney 19°
9° 20° 10° 14° 7° 15° 8° 18° 8° 21° 8° 23°
Paris 20° San Francisco 20°
Rome 20° Santiago 25°
Alpes
1500 m Stockholm 24° Tokyo 19°
4° 10° 4° 5° 0° 6° 2° 9° 2° 13° 4° 15° Venise 18° Tunis 20°

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Sports
Le Matin Dimanche Dimanche 14 mai 2023

Fête des mères Quel genre de maman

de footballeur êtes-vous? 32
Interview Camille Balanche, championne
touche-à-tout et éternelle insatisfaite 33
Espresso Pourquoi le peloton est-il
historiquement accro au café? 37

Maurice Haas/13Photo

Commentaire
ntaire

Florian
Müller
Chef
de rubrique

Se réfugier
dans la course

P
ourquoi tu cours, Forrest?
«J’ai juste envie de courir.»
Trente ans après la sortie en
salle de «Forrest Gump», la
réponse ingénue du prota-
goniste cachait, sans doute
un peu malgré lui, une pré-
monition. La révolution running était déjà
passée par là outre-Atlantique. Il faudra at-
tendre quelques années encore pour voir
l’Europe lui emboîter la foulée. Un mouve-
ment de libération des corps et surtout des
esprits: on court pour oublier, mais aussi
pour réfléchir. Se vider la tête pour mieux la
remplir, faire de la place
puis la prendre.
Demandez à Dominic
Lobalu: si courir c’est
d’abord s’enfuir,
s’échapper c’est aussi
«Dominic conquérir. Voire recon-
Lobalu, quérir, une vie qui lui a
comme été volée, une identité
Forrest qui lui a été refusée. Une
Gump, quête de soi sans ligne
nous offre de départ ni ruban d’arri-
vée: pourquoi s’arrêter
une leçon de
lorsqu’on ne sait pas où
stoïcisme.» on a commencé? Avan-
cer, au moins, c’est la
promesse de ne pas re-
culer: une certitude qui a le mérite d’exister
quand on n’en a aucune autre.
Attaché à rien, détaché de tout, porté par le
vent, comme un cerf-volant qui danse dans
un ouragan, Dominic Lobalu a couru pour
sauver sa peau avant de courir pour gagner
sa croûte. Question de survie, jusqu’à en cre-
ver. Enchaîner les efforts pour oublier la
peine. Rien de mieux que la douleur phy-
sique pour faire taire la détresse psycholo-

LOBALU
gique. Laisser hurler ses muscles pour cou-
vrir les voix des fantômes du passé, se délec-
ter de chaque lancée d’acide lactique.
Dominic Lobalu, comme Forrest Gump,
nous offre en somme une leçon de stoï-
cisme. Accepter le moment tel qu’il se pré-
sente, et continuer de courir, un pied devant

L’itinéraire
Phénomène mondial de la course
à pied, Dominic Lobalu a trouvé la voie
du succès en Suisse. Encore fallait-il
l’autre, pour se réfugier dans le peu de
chose que l’on maîtrise assurément. Pas par
fatalité, plus humblement par nécessité.
Courir sans ambition ni objectif, mais sim-

d’un prodige
arriver jusque-là. Grand format.
À LIRE EN PAGES 28–30
plement pour se rapprocher d’un avenir for-
cément meilleur.
Se laisser porter par sa foulée est alors un
acte de défiance vis-à-vis du destin: fais ce
que tu veux de moi, je continuerai à avancer
inexorablement. Car la vie, c’est comme une
boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi
on va tomber.
28 Grand format Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

Dominic Lobalu, la
● Dominic Lobalu, 25 ans, vit en grand-chose. Juste que ses parents ont per- tièmes par pas. C’est le temps qu’il lui faut autres jours, il courait seul dans les collines
Suisse depuis quatre ans. Il est l’un du la vie. Et qu’il est rentré seul au village. pour se repousser avec le pied après avoir du Toggenburg. La présence de Hagmann
touché le sol. Haile Gebrselassie quittait le le rendait heureux. Il exécutait ce que son
des meilleurs athlètes de la planète. sol après seulement 18 centièmes. Nous coach lui indiquait, mais était incapable de
Pourtant, il ne peut courir pour CHAPITRE 2 pouvons extrapoler pour une minute. Ge- donner le moindre feedback. Comment se
aucun pays. Son destin de réfugié LA FUITE brselassie fait 200 pas, avec un contact au sentait-il? De quoi avait-il besoin? Il ne
est hors du commun. VERS LE KENYA sol de 18 centièmes par pas, cela signifie
qu’il travaille 36 secondes, pour 24 se-
s’était pas posé ces questions depuis si long-
temps qu’il ne pouvait pas non plus y ré-
Au restaurant Migros, Dominic Lobalu re- condes de vol». Et l’amateur? «Il fait 150, pondre.
mue son thé et se tait. Il a déjà parlé voire 160 pas. Avec un contact au sol de 35 Lors de son deuxième entraînement, il a
TEXTE: CHRISTOF GERTSCH ET quelques fois de sa fuite, mais jamais de centièmes, cela donne 52,5 à 56 secondes demandé: «Puis-je boire de l’eau?»
MIKAEL KROGERUS/DAS MAGAZIN manière aussi détaillée. «Ça ne me fait pas de travail. Et une phase ultracourte de 4 à «Mais bien sûr, répondit Hagmann. Tu
PHOTOS: MAURICE HAAS du bien de penser au passé, dit-il. Je m’en- 7,5 secondes pendant laquelle aucun de ses n’as rien sur toi?»
traîne moins bien.» deux pieds ne touche le sol. Il a beau- «Non».
Un jour d’août 2019, un collaborateur du Lobalu avait neuf ans lorsqu’il a couru coup moinsi d de récupé-
é é «Tu
T n’as
’ rien
i à manger non plus?»l ?
centre d’intégration Seeben à Ennetbühl seul du lieu du crime jusqu’à Chukudum. ration». «Non».
(SG) a réuni deux vies par un coup de fil: Il n’y avait pas trouvé ses sœurs. Au- Marche, train, Dominic Lobalu courait quand il avait
celle de Markus Hagmann, professeur de jourd’hui, il ne peut plus dire pourquoi il bus: une fois faim, quand il avait soif, quand il avait mal.
lycée de quarante-quatre ans, père de deux n’a pas continué à les chercher, mais il sa- par se- Il courait toujours.
enfants, entraîneur d’athlétisme amateur. vait intuitivement qu’il devait quitter le vil- maine, Il a participé à sa première course à
Et celle de Dominic Lobalu, réfugié de vingt lage. Il se souvient qu’il est parvenu à mon- Dominic Amriswil (TG) quelques jours après son pre-
et un ans originaire du Soudan du Sud, or- ter à l’arrière d’un camion d’UNHCR, l’or- Lobalu fai- mier entraînement. Il s’agissait d’une
phelin, en Suisse depuis trois mois. Au té- ganisation d’aide aux réfugiés. Le chauffeur sait le trajet course urbaine de 7 kilomètres. Il a battu
léphone, le collaborateur du centre d’inté- s’apprêtait à faire passer la frontière avec entre le le record du parcours d’une minute. Il a en-
gration dit à Hagmann qu’il avait ici le Kenya à quelques femmes et enfants. centre d’in- suite couru Morat-Fribourg et l’a également
quelqu’un «qui prétend que s’il ne peut pas À suivre les débats en Suisse sur la mi- tégration remportée. Il n’avait alors pas encore pas-
courir, il ne va pas bien». Hagmann était gration, on peut avoir l’impression que et le sé six mois en Suisse. En hiver, les douleurs
très occupé, mais ne voulait pas passer pour seule l’Europe accueille des réfugiés. Mais stade. musculaires et les petites blessures se sont
un monstre. Il a dit que le gars pouvait ve- c’est loin d’être vrai. Les plus grands camps Les multipliées. Mais l’argent manquait pour
nir à l’entraînement. de réfugiés ne se trouvent pas à Lesbos ou
Quatre ans plus tard, Dominic Lobalu est à Calais, mais au Bangladesh. En Ouganda.
l’un des meilleurs coureurs du monde. On Au Kenya. Ils comptent des centaines de
le croit capable de remporter les JO 2024 à milliers de personnes. Le Soudan du Sud
Paris. Il n’y a qu’un seul hic: Lobalu ne veut est le cinquième pays au monde à recenser
et ne peut pas courir pour le Soudan du le plus de réfugiés: 2,4 millions. La raison?
Sud, où ses parents ont été tués. Et il ne La guerre civile, l’une des plus longues de
peut pas concourir pour la Suisse, car la loi l’histoire de l’humanité.
restrictive sur la naturalisation l’en em- Une centaine de kilomètres après la fron-
pêche. tière, Dominic Lobalu a atteint le camp de
réfugiés de Kakuma. Comme l’avaient fait
bien avant lui les «Lost Boys of Sudan». Il
CHAPITRE 1 s’agissait d’un groupe de 20’000 à 40’000
LA MORT enfants – les estimations divergent – qui,
DES PARENTS dans les années 80, s’étaient mis en route
en direction de l'Éthiopie, après avoir per-
Dominic Lobalu – de son vrai nom Domi- du leurs parents. Lorsque Dominic Lobalu
nic Lokinyomo Lobalu – a grandi dans le est arrivé à Kakuma, il n’a pas trouvé de
sud-est du Soudan du Sud, dans un village camp, mais une ville de près de 200’000
appelé Chukudum, près de la frontière avec habitants. Il ne veut pas parler de ce qui
le Kenya. C’est ce qu’il nous raconte par un s’est passé là-bas. Ou alors, il ne s’en sou-
après-midi gris de janvier à Saint-Gall, alors vient pas. Il nous dit seulement qu’après
qu’il prépare du thé vert au restaurant Mi- environ un an, il a été recueilli par une ONG
gros et verse une quantité inquiétante de et emmené dans un orphelinat à Nairobi.
sucre dans sa tasse. À ce moment-là, nous C’était en 2008.
le connaissions depuis plus de six mois.
Mais il y a une chose dont nous n’avions ja-
mais vraiment parlé avec lui: sa fuite et la CHAPITRE 3
mort de ses parents.
Nous avons appris qu’à Chukudum, il
«IL A LE TRUC»
n’y avait pas d’internet jusqu’en 2019 et Quelques jours après avoir reçu l’appel,
que la réception des téléphones portables Markus Hagmann a vu, en août 2019, un
était limitée. C’est un petit bourg isolé dans jeune homme maigre, vêtu d’un pantalon
une vallée des collines de Didinga, dont les long et de simples chaussures, pénétrer
sommets s’élèvent à près de 2000 mètres. dans les installations d’entraînement du
La région est riche en forêts et en terres club d’athlétisme de Brühl, à Saint-Gall.
agricoles. Les habitants Dominic Lobalu était par-
sont autosuffisants et ti deux heures avant, tant
vivent de la culture des le centre est isolé dans les
«Ça ne me fait collines du Toggenburg.
KevinSabah/Generali Genève Marathon

bananes, des mangues,

des pommes de terre, du pas du bien Tous les jeudis soir,
millet, du maïs et du gom- de penser au Hagmann dirigeait ici l’en-
bo. Et de l’élevage de bo- traînement sur piste du LC
vins. Dominic Lobalu se passé. Je m’entraîne Brühl. Sans être payé,
souvient que ses parents moins bien.» mais non sans ambition.
possédaient eux aussi des Il comptait autrefois par-
bovins et un champ à l’ex- Dominic Lobalu mi les meilleurs coureurs
térieur de Chukudum. suisses de demi-fond. De-
Dominic était le seul fils puis longtemps, il n’avait
de la famille, très proche plus fréquenté la classe
de sa mère. Elle l’emmenait partout. Dans mondiale. Jusqu’à ce jour où il a demandé
son souvenir, elle ne le gâtait pas, mais lui à Dominic Lobalu – qui était dans un état
apprenait à être responsable. «Quand elle physique déplorable – de faire quelques
me donnait une banane, elle insistait pour foulées. Rien chez Dominic Lobalu n’indi-
que je ne la mange pas seul. Elle me disait quait alors qu’il pouvait être un coureur de
de la partager avec mes sœurs». classe mondiale. Rien, si ce n’est cette ma-
La vie de Dominic Lobalu a basculé un gie rare qui se déployait dès qu’il entrait
jour de 2007. Ses sœurs étaient restées à sur la piste de tartan. «Il a le truc», a pensé
Chukudum, il avait pu accompagner ses Hagmann.
parents aux champs. Ses souvenirs sont Mais qu'est-ce que cela signifie exacte-
flous, mais il pense que c’était tôt le matin ment? Hagmann hésite lorsque nous lui po-
quand une femme qui avait passé la nuit sons la question. «Le mouvement d’un cou-
avec eux près des champs s’est levée pour reur de classe mondiale est très complexe.
aller faire ses besoins à la lisière de la forêt. Mais on reconnaît souvent si quelqu’un
«Les assaillants voulaient probablement at- court bien ou mal à une chose: le temps où
tendre le lever du soleil, mais lorsque la ses pieds restent en contact avec le sol. Est-
femme les a découverts, ils ont ouvert le il collé? Ou vole-t-il au-dessus du sol? Nous
feu. La femme a été la première touchée, appelons cela le «sweet spot»: tu poses le
raconte Dominic Lobalu. Nous avons cou- pied – et tu es déjà reparti.»
ru pour sauver nos vies». Dominic Lobalu «Un coureur amateur, poursuit Hagmann, Au départ des courses, Dominic Lobalu est désormais une figure aussi L’armoire à chaussures s’est garnie
avait neuf ans. Il ne se souvient pas de a un temps de contact avec le sol de 35 cen- crainte que respectée. avec l’arrivée d’un sponsor.
 Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
course de sa vie
un examen médical spécifique. Début 2021,
un médecin du sport avec lequel Hagmann
est ami a accepté de lui faire passer un bi-
lan de santé.
Lorsque les résultats sont arrivés, le mé-
decin a pensé qu’il n’avait pas le bon dos-
sier sous les yeux. Dans les tests de force,
Lobalu avait des valeurs inférieures à celles
d’un coureur amateur non entraîné, le test
sanguin montrait une carence inquiétante
en vitamine D et un taux de fer trop bas.
La question n’était plus de savoir pourquoi
Lobalu avait des problèmes. La question
était de savoir comment il pouvait se lever
le matin. Le médecin lui a prescrit des vi-
tamines, des compléments alimentaires et
un entraînement de musculation en dou-
ceur chez un physiothérapeute.
Au printemps 2022, Lobalu a été autori-
sé par les autorités suisses à quitter le pays
pour la première fois depuis son arrivée
trois ans plus tôt. Il a participé à des courses
de 3000 et 5000 mètres en stade et à des
courses de 10 kilomètres et de semi-mara-
thon sur route, soit toute la gamme des
courses de fond, à l’exception du marathon.
Il a été bon partout.
À Stockholm, au début de la saison, per-
sonne ne le connaissait. Lorsque le spea-
Dominic Lobalu à l’entraînement avec son coach, Markus Hagmann.
Chaque semaine, le prodige progresse, peu importent les conditions.
De fines échasses sur lesquelles tient Le week-end passé, Dominic Lobalu a établi un nouveau record du 5 km
son destin. au Marathon de Genève, en 13 minutes et 38 secondes.
Grand format 29
ker du stade a présenté les participants au homme s’est approché pour lui demander à la maison? Il avait honte et voulait faire
3000 mètres, le public n’attendait qu’un s'il était originaire du Soudan du Sud. Loba- mieux. Une autre de ses sœurs – Nakang –
seul nom: celui de l’Ougandais Jacob Kipli- lu, encore épuisé par la course, s’est mis en avait entre-temps aussi rejoint le camp de
mo, champion du monde et médaillé olym- colère: comme si un Kényan ne reconnais- réfugiés de Kakuma. Elle élevait seule ses
pique. Quand les coureurs ont abordé la sait pas la peau beaucoup plus foncée d’un cinq enfants. Mais comment la soutenir s'il
dernière ligne droite, tout le monde a sou- Sud-Soudanais! «Ça te dirait de venir courir ne gagnait rien?
dain regardé cet inconnu vêtu d’un t-shirt avec nous?» lui a demandé l’homme sans Les organisateurs européens sont heu-
blanc, qui a dépassé cinq adversaires et s’émouvoir. C’était en septembre 2016. reux d’accueillir des participants de pays
franchi la ligne d’arrivée en vainqueur de- Quelques jours plus tard, Lobalu aidait à dé- africains, car ils ont souvent un niveau plus
vant Kiplimo, en 7’29’’48 minutes, meil- charger des têtes de cabris sur le marché élevé que les autochtones et promettent
leure performance mondiale de l’année. pour gagner 200 shillings kényans, soit en- une course rapide. En contrepartie, ils re-
À la fin de l’été 2022, les autres coureurs viron 1,50 franc, le prix du trajet en bus çoivent de l’argent. C’est ce qui s’est passé
lui demandaient: «Pourquoi ne participes- jusqu’à Ngong, où l’équipe le 6 mai 2019, à Genève.
tu pas aux championnats du monde? As- avait son camp d’entraîne- Les invités de l’équipe de
tu peur de nous?» Lobalu savait que son ment. Ce n’était pas n’im- «J’ai grandi réfugiés ont couru en tête
histoire était trop compliquée pour être ex- porte quelle équipe, et dès le début de la course
pliquée entre deux courses. C’est pourquoi, l’homme n’était pas n’im- en tant des 10 kilomètres et ont
il répondait : «Vous devez simplement com- porte quel entraîneur. Il que réfugié. terminé à quatre des cinq
prendre que ma vie n’est pas la même que s’agissait de l'«Athlete Re- Être réfugié, premières places. Domi-
la vôtre.» fugee Team», pour laquelle nic Lobalu était tout de-
des réfugiés courent. Créée
c’est mon identité. vant.
deux ans plus tôt, elle sus- Et mon objectif Mais il connaissait déjà
CHAPITRE 4 citait déjà l’intérêt du est de remporter la suite. Lorsqu’il deman-
LA FUITE monde entier.
une médaille. Pour derait aux responsables de
À GENÈVE Lorsque Dominic Loba-
lu s’est rendu à Ngong tous les réfugiés.»
l’équipe de lui donner son
prix, on le renverrait au
Dominic Lobalu avait dix-huit ans et vivait pour son premier entraî- lendemain. Au jour du dé-
depuis huit ans à Nairobi lorsque, lors d’une nement, il a rencontré des Dominic Lobalu part. Au moment du re-
compétition organisée par son école, un coureurs d’origines très tour. Mais au final, il n’y
diverses. Ce qui les unis- aurait jamais rien. C’est ce
sait, c’était une promesse: participer aux qui s’est passé à Genève. Sauf que cette fois,
JO, s’ils faisaient des efforts. Pas pour leur il ne s’est pas contenté de cette réponse. Cette
pays d’origine, pas pour leur pays d’arrivée. fois, il voulait pouvoir subvenir aux besoins
Mais en tant que réfugiés. Cinq d’entre eux de sa sœur et de ses neveux et nièces dans
l’avaient fait quelques semaines aupara- le camp de réfugiés. Alors, le lundi matin, à
vant à Rio de Janeiro. Sur le plan sportif, six heures, il a quitté l’hôtel. «En Suisse, j’ai
les athlètes n’ont pas remporté de mé- au moins de l’espoir.»
dailles. Mais il s’agissait d’une révolution
politique, car cette participation représen-
CHAPITRE 5
tait une rupture avec la logique de nation.
C’est cette histoire que Lobalu voulait conti- UNE HISTOIRE
nuer à écrire. Mais les choses se sont pas-
sées autrement.
DE PASSEPORT
En mai 2019, il participe au Marathon de Depuis que Dominic Lobalu ne dépend plus
Genève avec son équipe de réfugiés ké- de l’aide sociale – il gagne sa vie avec des
nyans. Deux jours après la course, un lun- prix, des sponsors et un job d’appoint dans
di, il a quitté l’hôtel à six heures du matin un magasin de sport –, il vit à Abtwil à
en compagnie d’un autre coureur. Il ne sa- quelques minutes à pied de son entraîneur
vait rien de Genève, rien de la Suisse, ne Markus Hagmann. Il s’entraîne tous les
connaissait personne. Lobalu errait dans la jours sauf le dimanche, où il va à l’église.
ville sans but précis. Il avait peur. Mais pas Les Hagmann l’invitent parfois et il passe
de doute. Lorsque son collègue lui a de- même Noël avec eux.
mandé si c’était vraiment une bonne idée, Cela fait maintenant quatre ans que Do-
il a répondu: «Au Kenya, je n’aurai jamais minic Lobalu est arrivé en Suisse. Sa de-
rien. En Suisse, j’ai au moins de l’espoir.» mande d’asile a été rejetée quelques se-
Le collègue a compris, mais comme il n’a maines après son arrivée, car il ne pouvait
pas trouvé d’endroit où dormir, il s’est pré- pas faire valoir de persécution individuelle.
senté à la police et a été ramené à l’équipe. Mais en même temps, les autorités ont pré-
Lobalu, lui, a demandé aux gens dans la cisé qu’un rapatriement n’était pas appro-
rue s’ils avaient un endroit où dormir. On prié en raison de la violence générale au
lui a indiqué le chemin du centre d’héber- Sud-Soudan, raison pour laquelle il a reçu
gement d’urgence où il a passé la nuit. Un le statut «admis provisoirement».
ami de Londres lui a envoyé de l’argent par Le fait qu’il puisse rester dans le pays
Western Union. Il a acheté un billet de train alors qu’il n’est pas considéré comme un
pour Lausanne, d’où il est allé à Vallorbe. réfugié semble au premier abord très hu-
Dans le centre d’hébergement d’urgence, main, mais en réalité, c’est le contraire. Les
on lui avait dit qu’il pouvait y demander personnes admises à titre provisoire ont en
l’asile. Quelques semaines plus tard, il est fait le même besoin de protection que les
transféré à Chiasso. Et encore quelques se- réfugiés reconnus. Mais dans le pays d’ar-
maines après à Ennetbühl, où un collabo- rivée – en l’occurrence la Suisse – ils su-
rateur a passé un coup de fil. bissent des désavantages importants en
Reste à savoir pourquoi Lobalu a échan- matière d’intégration. La désignation «pro-
gé son rêve olympique contre l’incertitude visoire» suggère un séjour temporaire, ce
du statut de réfugié. Il n’était pas le premier qui dissuade souvent les employeurs d’en-
à tourner le dos à l’équipe. Au moins cinq gager de telles personnes. Elles restent dans
coureurs l’avaient précé- le pays, mais dans des
dé. Ils se plaignaient tous conditions plus difficiles
que l’équipe gagnait de que les réfugiés reconnus.
l’argent avec leurs perfor- «On reconnaît La seule possibilité pour
mances, mais qu’ils n’en souvent les personnes admises à
voyaient guère la couleur. si quelqu’un titre provisoire d’obtenir
Ils avaient le sentiment un statut de séjour plus
que l’on profitait d’eux.
court bien ou mal stable est d’apporter la
Dominic Lobalu n’aime à une chose: preuve qu’elles peuvent –
pas parler de cette déci- le temps où ses pieds en règle générale après
sion. Il a fallu insister. Une restent en contact cinq ans – subvenir elles-
KevinSabah/Generali Genève Marathon
image incomplète est née mêmes à leurs besoins et
de ses récits fragmen- avec le sol.» qu’elles ont des connais-
taires: pendant cette pé- sances dans une langue
riode, le contact avec ses Markus Hagmann, nationale. Dominic Loba-
sœurs au Soudan du Sud entraîneur lu est désormais reconnu
était impossible, elles comme sportif d’élite in-
n’avaient pas de télé- dépendant: il a désormais
phone portable. Début 2019, il a appris que le statut de «travailleur immigré». Toute-
la plus jeune de ses quatre sœurs était fois, il n’a obtenu pour l’instant qu’un per-
morte. Il avait pourtant promis à sa mère mis de séjour de courte durée: un an, qui
de veiller sur elle. Lobalu s’en voulait beau- peut être prolongé de deux au maximum.
coup. Il pensait qu’il l’avait abandonnée. Il y a quelques semaines, son avocat a de-
Pourquoi, même après tant d’années au mandé pour lui un permis de séjour per-
Kenya, n’avait-il pas pu envoyer de l’argent manent, la procédure est en cours. ➜
30 Grand format Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

➜ On pourrait penser que le fait que la
Suisse le reconnaisse ou non comme réfu-
gié est un détail. Mais ce n’est pas le cas.
Répétons-le encore une fois: Lobalu a le
passeport sud-soudanais, mais il ne veut
pas et ne peut pas concourir pour son pays
d’origine parce que ses parents y ont été
tués. Lobalu ne peut pas concourir pour
son pays de domicile, la Suisse, parce que
la loi sur la naturalisation y est l’une des
plus restrictives au monde. Il ne pourrait
demander le passeport suisse qu’en 2031
au plus tôt, et l’expérience montre que deux
années supplémentaires s’écouleraient
avant sa naturalisation. D’ici là, sa carrière
serait probablement terminée.
Pour ne pas compliquer les choses, nous
n’avons jusqu’à présent que parlé d’une
équipe de réfugiés. Mais en réalité, il y en
a deux: celle de Tegla Loroupe au Kenya et
une équipe de réfugiés du Comité interna-
tional olympique. Ce dernier ne regroupe
pas ses athlètes en un seul endroit, mais
leur octroie des bourses. Tous les quatre
ans, l’équipe est constituée pour représen-
ter la communauté des réfugiés aux JO
d’été. Lobalu pourrait-il obtenir une bourse
du CIO? Malheureusement non. Pour pou-
voir intégrer l’équipe olympique, explique
le service de presse du CIO, il faut être re-
connu comme réfugié dans son pays de ré-
sidence. Voilà le détail qui n’en est pas un.
Le fait que la Suisse ne l’ait pas reconnu
comme réfugié a pour conséquence qu’il
ne pourra pas participer aux JO.
CHAPITRE 6
SEULE LA
BUREAUCRATIE
PEUT L’ARRÊTER
Il faut savoir deux choses sur la course de
fond. Premièrement, c’est une torture.
Deuxièmement, il existe deux surfaces dif-
férentes: la piste et l’asphalte. Deux
mondes complètement différents. Il n’est
pas exceptionnel qu’un coureur soit bon mondial. World Athletics – ou plutôt le Na-
sur les deux surfaces, mais cela ne va pas tionality Review Panel – n’a pas encore ré-
de soi non plus. Lobalu fait partie de ceux pondu à la demande, mais cela ne devrait
qui aiment les deux et peuvent faire les pas tarder si la fédération veut être dans
deux. les temps pour les championnats du monde,
Chaque fois que nous parlons à Dominic en août à Budapest.
Lobalu, il vient d’établir un nouveau record
personnel ou de battre une autre marque.
Son entraîneur Markus Hagmann dit qu’il
CHAPITRE 7
peut encore aller plus vite. Dominic Luba- RÉFUGIÉ,
lu avance toujours. Mais il y a une chose
qui ne bouge pas: la question de savoir s'il
SON IDENTITÉ
pourra participer aux championnats du Il y a peut-être une possibilité. Ou peut-être
monde cet été ou aux JO en 2024. Cela fait pas. Dominic Lobalu est tantôt plein d’es-
maintenant quatre ans qu’il est arrivé en poir, tantôt désespéré. «Le Sud-Soudan
Suisse. La Suisse, dit-il, est un havre de paix vous manque-t-il?» lui demandons-nous
pour lui. Il s’est fait des amis, se sent bien au restaurant Migros. «Pas vraiment, ré-
et voit son avenir ici. pond-il. Seulement parfois. Je ne me sou-
Quiconque a déjà essayé de se faire na- viens pas de grand-chose. Juste que je de-
turaliser sait à quel point les bureaucra- vais courir: run, run, run.»
ties sont compliquées. Parfois, rien ne va. «Regardez, les choses que j’ai vécues, la
Et parfois, une porte s’ouvre soudaine- douleur que j’ai endurée, tout ce qui est
ment. Peu avant Pâques, la fédération na- derrière moi – j’essaie de ne pas y penser.
tionale d’athlétisme, Cela m’empêcherait d’al-
Swiss Athletics, est inter- ler là où je veux aller.» Et
venue dans l’affaire et a où voulez-vous aller? «Je
demandé à World Athle- «On dit n’ai pas grandi en tant
tics, la fédération mon- aux réfugiés que Sud-Soudanais, ni en
diale, que Lobalu puisse qu’ils ne tant que Kényan, ni en
concourir pour la Suisse tant que Suisse. J’ai gran-
– bien qu’il n’en possède peuvent pas réussir. di en tant que réfugié.
pas le passeport. Mais moi, je veux Être réfugié, c’est mon
La demande a été pré- leur dire: gardez identité. Et mon objectif
cédée d’un échange entre est de remporter une mé-
Lobalu et la fédération in-
l’espoir!» daille. Pour tous les réfu-
ternationale, au cours du- giés.» Il déglutit à vide.
Dominic Lobalu
quel il a été signalé au Puis il poursuit: «Beau-
champion que l’on était au coup de réfugiés dans le
En Suisse depuis 2019, Dominic Lobalu ne peut pour l’instant
courant de sa situation dé- monde se font dire qu’ils
licate. On est même allé plus loin en lui in- sont indésirables. Ils ont l’impression qu’ils
pas courir pour son pays d’adoption. diquant une solution possible: les para- ne représentent rien. Quand j’ai commen-
graphes 4.6 et 4.7 de l’épais règlement de cé à courir, je voulais montrer à ces per-
World Athletics. On peut résumer ce pas- sonnes en fuite que ce n’était pas vrai. Je
sage compliqué en disant qu’il serait pos- voulais leur montrer que c’était possible.
sible, dans certaines circonstances, de On dit aux réfugiés qu’ils ne peuvent pas
concourir pour un pays même si l’on n’est réussir. Mais moi, je veux leur dire: gar-
pas citoyen de ce pays. D’après ce que nous dez l’espoir!»
savons, ce serait une première dans le sport Adaptation: Patrick Oberli

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Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Sports 31

Allemagne Espagne
HIER HIER
Bayern Munich – Schalke 6-0 Real Sociedad – Gérone 2-2
21e Müller 1-0, 29e Kimmich 2-0, 50e Gnar- 5e Oyarzabal 1-0, 24e Silva 2-0, 37e Couto
by 3-0, 65e Gnarby 4-0, 80e Tel 5-0, 92e Ma- 2-1, 45e Stuani 2-2.
zraoui 6-0. Sommer/BM titulaire. Brunner/S Osasuna – Almeria 3-1
averti à la 28e, remplacé à la 46e, Frey rem- 46e Budimir 1-0, 51e Ezzalzouli 2-0, 81e Go-
placé à la 64e. mez 3-0, 92e Lazaro 3-1.
Bochum – Augsbourg 3-2 Villarreal – Athletic Bilbao 5-1
2e Antwi-Adjei 1-0, 29e Maier 1-1, 59e Gouwe- 24e Baena 1-0, 37e Jackson 2-0, 45e Sancet
leeuw 2-1, 62e Losilla 3-1, 85e Yeboah 3-2. (pen) 2-1, 50e Jackson 3-1, 61e Paredes (csc)
Vargas/A blessé. 4-1, 91e Baena 5-1.
Francfort – Mayence 3-0 Real Madrid – Getafe 1-0
18e Kamada 1-0, 40e Buta 2-0, 59e Kolo Mua- 70e Asensio 1-0.
ni 3-0. Sow/F titulaire. E. Fernandes/M titu-
laire, Widmer/M blessé.
Union Berlin – Fribourg 4-2
CLASSEMENT
1. Barcelone 33 26 4 3 60-11 82
5e Behrens 1-0, 36e Becker 2-0, 38e Becker 2. Real Madrid 34 22 5 7 70-32 71
3-0, 56e Guide 3-1, 70e Grifo 3-2, 80e Lai- 3. Atlético Madrid 33 21 6 6 60-26 69
douni 4-2. 4. Real Sociedad 34 18 8 8 45-31 62
Wolfsburg – Hoffenheim 2-1 5. Villarreal 34 17 6 11 52-35 57
15e Kaminski 1-0, 75e Waldschmidt 2-0, 93e 6. Betis Séville 33 15 7 11 40-37 52
7. Gérone 34 13 9 12 54-48 48
Guilavogui (csc) 2-1.
8. Athletic Bilbao 34 13 8 13 44-38 47
Borussia Dortmund – B. M’gladbach 5-2 9. Osasuna 34 13 8 13 32-36 47
5e Malen 1-0, 18e Bellingham 2-0, 20e Hal- 10. Rayo Vallecano 33 12 10 11 40-42 46
ler 3-0, 32e Haller 4-0, 75e Bensebaini (pen) 11. Séville 33 12 8 13 41-49 44
4-1, 86e Stindl 4-2, 95e Reyna 5-2. Kobel/D 12. Majorque 34 12 8 14 33-37 44
titulaire. Elvedi/M remplacé à la 82e, Omlin/M 13. Celta Vigo 33 10 9 14 38-46 39
14. Almeria 34 10 6 18 43-61 36 Stevanovic (au centre) a participé à la fête en inscrivant le quatrième but servettien à la 70e minute. Keystone/Jean-Christophe Bott
blessé. 15. Cadiz 34 8 11 15 26-50 35
16. Valladolid 33 10 5 18 30-57 35

Servette et sa soirée de rêve

17. Valence 33 9 7 17 36-40 34
CLASSEMENT 18. Getafe 34 8 10 16 30-43 34
1. Bayern Munich 32 20 8 4 89-34 68 19. Esp. Barcelone 33 7 10 16 40-56 31
2. B. Dortmund 32 21 4 7 78-42 67 20. Elche 33 3 7 23 25-64 16
3. Union Berlin 32 17 8 7 48-34 59
4. RB Leipzig 31 17 6 8 55-37 57
5. Fribourg
6. Wolfsburg
32
32
16 8 8
13 10 9
48-42
56-44
56
49 ● Le rival sédunois piétiné de ça, il a réglé l’affaire avant la 600e se- qué le ballon dans les pieds de Mario Ba-
7. Bayer Leverkusen
8. Francfort
31
32
14 6 11
12 10 10
54-43
54-49
48
45
5-0, la Section Grenat conde. lotelli à la 9e minute avant d’enchaîner son
9. Mayence 32 12 9 11 51-49 45 dignement fêtée et un Gaël Pris séparément et pour ajouter à la joie interception par un lob victorieux de
10. Cologne 32 10 11 11 47-51 41 Italie Clichy qui marque de
de leurs fans (14’188 personnes au stade), 45 mètres. Grandiose, et joli clin d’œil en
11. Bor. M’gladbach 32 10 9 13 48-53 39 les Grenat ont inscrit trois magnifiques écho à une saison qui avait commencé par
12. Werder Brême
13. Augsbourg
31
32
10 5 16
9 7 16
49-60
42-58
35
34
HIER 45 mètres: c’est un gala qui a buts dans un laps de temps bluffant. Il un but similaire de Ronny Rodelin. Après
14. Hoffenheim 32 9 5 18 43-54 32 Salernitana – Atalanta 1-0 rapproché les Genevois de la convient de les nuancer à la lumière de la les réussites de Patrick Pflücke et Dereck
15. Bochum 32 9 4 19 36-71 31 93e Candevra 1-0. catastrophe valaisanne. Le symbole de la Kutesa, cela faisait déjà 3-0.
16. Schalke 32 7 9 16 31-65 30 Spezia – AC Milan 2-0 Ligue des champions. chute libre vécue par Sion cette saison s’ex- Histoire de meubler un tant soit peu
17. Stuttgart 31 6 10 15 39-54 28 75e Wisniewski 1-0, 85e Esposito 2-0.
18. Hertha Berlin 32 6 7 19 39-67 25 tirpe sans doute de la faillite de Dimitri Ca- cette soirée pas comme les autres, les Ge-
Inter Milan – Sassuolo 4-2
varé et Nathanaël Saintini à la Praille. Eux nevois ont ajouté deux pions après la
42e Lukaku 1-0, 55e Tressoldi (csc) 2-0, 58e
Martinez 3-0, 63e Matheus 3-1, 77e Frattesi
FLORIAN VANEY, GENÈVE qui formaient il y a quelques mois encore pause. 5-0, ça peut vous faire pousser des
Angleterre 3-2, 89e Lukaku 4-2. florian.vaney@lematindimanche.ch la charnière d’une équipe captivante ont ailes. Ou vous rapprocher dangereusement
largement participé à la débâcle de cette du sol quand vous êtes Sédunois.
HIER Et vous, c’est quoi le plus beau cadeau 33e journée. Depuis le premier jour de sa
Leeds – Newcastle 2-2 CLASSEMENT d’anniversaire qu’on vous ait offert? De- vie de coach du FC Sion ou presque, Da-
7e Ayling 1-0, 31e Wilson (pen) 1-1, 69e Wil- 1. Naples 34 26 5 3 70-23 83
2. Juventus 34 20 6 8 52-28 66 vant cette question, la Section Grenat n’a vid Bettoni (qui a procédé à un… quadruple
son (pen) 1-2, 79e Kristensen 2-2. Schär/N
3. Inter Milan 35 21 3 11 66-37 66 pas à s’infliger un exercice de mémoire changement à la pause) répète qu’il y au-
titulaire. 4. Lazio Rome 35 19 8 8 54-28 65 trop massif. Pour ses 35 ans, le principal ra lieu de s’inquiéter le jour où ses proté- STADE
Aston Villa – Tottenham 2-1 5. AC Milan 35 17 10 8 55-41 61
groupe de supporters du Servette FC, qui gés régresseront d’un week-end à l’autre. Stade de Genève, 14’188 spectateurs. Arbitre:
8e Ramsey 1-0, 72e Luiz 1-1, 90e Kane (pen) 6. Atalanta 34 17 7 10 56-41 58
a magnifiquement animé sa tribune du- Nous y voilà. U.Schnyder.
2-1. 7. AS Rome 34 17 7 10 45-33 58
Chelsea – Nottingham 2-2 8. Fiorentina 34 12 10 12 45-40 46 rant toute la soirée d’hier, a eu droit à dix Tout ça ne saurait ébranler le bonheur
9. Udinese 34 11 13 10 45-41 46 BUTS
13e Awoniyi 0-1, 51e Sterling 1-1, 58e Sterling
10. Bologne 34 12 10 12 43-44 46
minutes de football dont il n’osait rêver. servettien, où tout se mêle et s’additionne.
5e Pflücke 1-0, 8e Kutesa 2-0, 9e Clichy 3-0,
2-1, 62e Awoniyi 2-2. Freuler/N remplaçant. 11. Monza 34 12 10 12 42-45 46 De l’art saupoudré des larmes du rival sé- Ligue des champions qui se rapproche, 70e Stevanovic 4-0, 85e Crivelli (pen) 5-0.
Crystal Palace – Bournemouth 2-0 12. Torino 34 12 10 12 36-39 46 dunois de toujours. Peut-être bien que ce victoire de prestige, tours d’honneur de
39e Eze 1-0, 58e Eze 2-0. 13. Sassuolo 35 12 8 15 43-54 44
14. Empoli 34 9 11 14 31-44 38
sont ceux-ci, les meilleurs cadeaux: ceux certaines de ses figures. L’Alain Geiger qui SERVETTE
Manchester United – Wolverhampton 2-0
15. Salernitana 35 8 14 13 43-56 38 qu’on n’attend pas. se lâche dans ses déclarations à trois Frick; Mbabu (78e Diallo), Vouilloz, Severin,
32e Martial 1-0, 94e Garnacho 2-0.
Southampton – Fulham 0-2
16. Lecce 35 7 11 17 30-43 32 Parce que chez eux, les Genevois nour- matches de la fin de son aventure sur le Baron; Cognat (83e Valls), Clichy; Stevanovic,
17. Hellas Vérone 34 7 9 18 28-51 30
48e Carlos 0-1, 72e Mitrovic 0-2. 18. Spezia 35 6 12 17 30-56 30
rissent un vilain complexe lorsque se pré- banc grenat ne manque pas de faire sou- Kutesa (66e Rodelin), Pflücke (78e Fofana); Bedia
19. Cremonese 34 4 12 18 31-59 24 sente le FC Sion (une victoire en sept duels rire. «Le FC Sion le plus facile à affronter, (66e Crivelli). Entraîneur: Geiger.
20. Sampdoria 34 3 8 23 20-61 17 avant samedi). Ainsi va le sport, où une c’est celui coaché par Christian Constan-
CLASSEMENT SION
équipe largement meilleure que l’autre sur tin», a notamment osé le technicien cette
1. Manchester City 34 26 4 4 89-31 82 Safarikas; Baltazar, Saintini (46e Ziegler),
2. Arsenal 35 25 6 4 83-39 81 les quatre dernières années peut continuer semaine, pour ce qui pouvait aussi s’ap-
Schmied, Cavaré (46e Lavanchy); Sio, Cyprien,
3. Newcastle 35 18 12 5 63-31 66 à redouter ces moments de face-à-face. parenter à une défense de la corporation
4. Manchester United35 20 6 9 51-41 66 Zuffi (46e Iapichino),Bua; Karlen, Balotelli
Pour avoir pris l’habitude de vivre dans la des entraîneurs.
5. Liverpool
6. Tottenham
35
36
18 8 9
17 6 13
67-42
65-59
62
57
Super League peau du sympathique voisin qui lance les Gaël Clichy, lui aussi au bout de son che-
(46e Araz). Entraîneur: Bettoni.

7. Aston Villa 36 17 6 13 48-44 57 Valaisans dans leur éternelle mission de min servettien, sait aussi se faire plaisir. AVERTISSEMENTS
8. Brighton 33 16 7 10 63-45 55 HIER sauvetage, le SFC pouvait craindre l’ul- Plutôt balle au pied dans son cas. L’homme 29e Karlen (jeu dur), 33e Baltazar (antijeu).
9. Fulham 36 15 6 15 52-49 51 Grasshopper – Lucerne 2-0
10. Brentford 35 12 14 9 52-45 50 time derby du Rhône cette saison. Au lieu aux 325 matches de Premier League a pi-
Servette – Sion 5-0
11. Chelsea 35 11 10 14 36-41 43
12. Crystal Palace 36 11 10 15 37-46 43
13. Wolverhampton 36 11 7 18 30-52 40 AUJOURD’HUI

En bref
14. Bournemouth 36 11 6 19 37-69 39
15. West Ham 35 10 7 18 38-50 37
14.15 Young Boys – Zurich
16. Nottingham 36 8 10 18 36-67 34 16.30 Lugano – Winterthour
17. Everton 35 7 11 17 32-53 32 16.30 Saint-Gall – Bâle
18. Leeds 36 7 10 19 46-71 31 HOCKEY SUR GLACE CYCLISME GOLF MOTOCYCLISME
19. Leicester 35 8 6 21 49-64 30
La Suisse a assuré l’essentiel hier Les Suisses sont toujours à l’hon- Après sept semaines de pause, Kim L’Espagnol Jorge Martin (Ducati-
20. Southampton 36 6 6 24 31-66 24 CLASSEMENT
lors de sa première rencontre du neur sur le Tour de Hongrie. Au Métraux n’a pas manqué son re- Pramac) a remporté hier le sprint
1. Young Boys 32 19 10 3 77-26 67
Championnat du monde à Riga. La lendemain de la victoire du Ber- tour sur le Ladies European Tour. du Grand Prix de France de Mo-
France 2. Servette
3. Lugano
33
32
12 15 6
12 11 9
48-45
51-43
51
47 sélection de Patrick Fischer a dis- nois Marc Hirschi, Yannis Voisard La Vaudoise s’est classée au toGP, cinquième manche de la sai-
4. Lucerne 33 12 10 11 53-49 46 posé sans coup férir de la Slovénie a remporté hier en solitaire la 10e rang du Jabra Ladies Open son. Le Madrilène s’est imposé de-
HIER 5. Grasshopper 33 12 7 14 52-57 43 (7-0), grâce à des buts de Malgin 4e étape, au sommet d’une bosse d’Évian, et n’a pas quitté le top 10 vant le Sud-Africain Brad Binder
Nice – Strasbourg 2-0 6. Bâle 32 10 12 10 43-39 42 (2x), Moser, Niederreiter, Thür- de 7,2km à 4,8%. Le Jurassien de pendant les trois jours de la com- (KTM) et le champion du monde
1re Diallo 1-0, 59e Diallo (pen) 2-0. Lotomba/S 7. Saint-Gall 32 9 10 13 53-48 37 kauf, Miranda et Bertschy. Dans la la Tudor Pro Cycling Team est par- pétition: «Je suis très contente, car en titre italien Francesco Bagnaia
remplacé à la 66e. 8. Zurich 32 8 13 11 34-50 37
foulée, la Fédération suisse a ti tout seul à trois kilomètres de gérer une telle pause dans la sai- (Ducati), pourtant parti en pole
9. Winterthour 32 8 8 16 30-59 32
Paris Saint-Germain – Ajaccio 5-0 confirmé la venue de Kevin Fiala l’arrivée pour rattraper puis dé- son n’est jamais facile. Il m’a quand position.
10. Sion 33 7 10 16 40-65 31
22e Ruiz 1-0, 33e Hakimi 2-0, 47e Mbappé pour le reste de la compétition. passer Lampaert et De Buyst juste même fallu cinq à six trous pour
3-0, 54e Mbappé 4-0, 73e Marquinhos 5-0. L’attaquant saint-gallois des Los avant la flamme rouge. Voisard retrouver mes automatismes et me FOOTBALL
Spadanuda/A remplacé à la 63e. Angeles Kings a reçu le feu vert mé- ouvre ainsi son compteur chez les mettre en mode compétition. Yverdon a fait le trou au sommet
Challenge League dical de la part de sa franchise. professionnels avec un premier
grand succès, à 24 ans.
Après, je me suis sentie très à l’aise
avec mon jeu», a-t-elle déclaré.
du classement de Challenge
League. Grâce à sa victoire sur
CLASSEMENT
CYCLISME Thoune hier (1-0, but de Kabacal-
1. Paris SG 35 26 3 6 84-35 81 HIER
2. Lens 35 22 9 4 59-27 75 L’air espagnol semble parfaitement MOTOCYCLISME JUDO man sur penalty à la 91e), et alors
Yverdon-Sport – Thoune 1-0
3. Marseille 34 21 7 6 62-34 70 convenir à Marlen Reusser. Seule- Hier, Randy Krummenacher est Teddy Riner a été sacré champion qu’il ne reste que trois matches à
4. Monaco 34 19 7 8 68-51 64 ment battue par sa coéquipière monté sur le podium de la pre- du monde des plus de 100 kg, hier jouer, le leader vaudois compte
5. Lille 34 17 8 9 60-41 59 AUJOURD’HUI néerlandaise Demi Vollering, ven- mière course du Grand Prix de à Doha, décrochant à 34 ans un on- désormais neuf longueurs
6. Rennes 34 17 5 12 56-38 56 dredi lors de l’étape initiale du Tour France en MotoE sur le circuit du zième titre mondial, à près d’un an d’avance sur Wil, 3e et barragiste.
7. Lyon 34 16 8 10 57-41 56 14.15 Vaduz – Aarau
8. Nice 35 13 12 10 42-34 51 du Pays basque féminin, la Suis- Mans. Cette catégorie possède son des Jeux olympiques de Paris. En
9. Lorient 34 14 9 11 48-46 51 sesse est à nouveau montée sur le championnat du monde depuis finale, le Français a battu en pro- BASKETBALL
10. Reims 34 12 14 8 41-35 50 CLASSEMENT podium, hier. La Bernoise de 31 ans cette saison. Le Bernois de 33 ans longation le Russe Inal Tasoev, qui Les Lions de Genève, Fribourg
11. Clermont 34 14 8 12 37-44 50 1. Yverdon-Sport 33 19 5 9 60-48 62 s’est classée au troisième rang de s’est classé au troisième rang, pour concourait sous drapeau neutre. Olympic et Massagno ont validé
12. MontpellieR 34 13 4 17 56-57 43 2. Lausanne-Sport 33 16 8 9 51-38 56
la deuxième étape, courue entre son premier départ sur une moto Riner apporte ainsi à la France un leur ticket pour les demi-finales
13. Toulouse 34 12 6 16 48-55 42 3. Wil 33 15 8 10 60-48 53
4. Stade Lausanne 33 15 8 10 58-50 53 Vitoria-Gasteiz et Amurrio (133km). électrique. L’Espagnol Jordi Torres deuxième titre dans cette édition des play-off de SB League, en rem-
14. Strasbourg 35 9 11 15 48-55 38
15. Brest 34 8 11 15 38-50 35 5. Aarau 32 13 10 9 57-54 49 Comme la veille, la victoire est re- l’a emporté. Lors de la deuxième des Championnats du monde, portant chacun leur série 3-0, res-
16. Auxerre 34 8 10 16 32-56 34 6. Thoune 33 12 12 9 57-46 48 venue à l’insatiable Néerlandaise, course, le pilote suisse a dû se après celui obtenu par sa compa- pectivement contre Nyon, Mon-
17. Nantes 34 6 14 14 35-50 32 7. Schaffhouse 33 11 7 15 47-54 40 qui conforte sa première place au contenter du septième rang. L’Ita- triote Clarisse Agbégnénou dans la they et Boncourt. Seul le duel
18. Ajaccio 35 6 5 24 22-66 23 8. Bellinzone 33 10 4 19 35-62 34 général, avec 56 secondes d’avance lien Matteo Ferrari a été le plus ra- catégorie des moins de 63 kg, et entre Vevey et Neuchâtel (2-1 pour
19. Troyes 34 4 10 20 42-73 22 9. Vaduz 32 6 15 11 46-50 33 sur Marlen Reusser. pide de cette deuxième course. une septième médaille au total. les Vaudois) se joue encore.
20. Angers 34 3 5 26 28-74 14 10. Ne/Xamax 33 3 11 19 37-58 20
32 Sports
Chronique
Une culture
de la gagne
à (re)bâtir
V
u de l’extérieur, je le sais, le CP Berne,
mon club, donne l’impression d’aller
nulle part et d’être englué dans un sa-
cré bordel.
Je suis désolé pour les gens qui n’ap-
précient pas particulièrement le CP Berne et heu-
reux de rassurer les personnes qui ont le logo du
SCB tatoué sur le cœur: ce constat ne correspond
absolument pas à la réalité.
Remontons le fil de l’histoire: oui, c’est vrai,
nous n’avons pas fait tout juste et les congédie-
ments de Florence Schelling (directrice sportive)
en 2021 et de Raeto Raffainer (CEO) en 2023 ont
constitué des ondes de choc dans le grand public,
et ont été abondamment relayés et analysés par
les médias.
Mais remettons les événements dans leur
contexte.
Aujourd’hui encore, j’ai la conviction que Flo-
rence Schelling avait le profil et les compétences
pour assumer le rôle extrêmement important qui
lui a été confié au sein de notre organisation. Mais
elle est arrivée en pleine pandémie de Covid-19,
une période où nous étions confinés. Je n’ai pas
été en mesure de lui apporter le soutien dont elle
aurait eu besoin pour appréhender et assumer ses
tâches quotidiennes.
Quant à notre idylle avec Raffainer, c’était
comme cela arrive parfois dans un mariage. Sans
entrer dans les détails, c’est mieux de se séparer.
Et, contrairement à ce que véhicule «Radio Tri-
bunes», ce divorce n’a rien à voir avec une ques-
tion d’ego. Même si je suis au club depuis vingt-
cinq ans, même si je suis devenu une figure iden-
titaire de la marque SCB au fil des années, je me
plaisais dans mon rôle de président, où je ne tra-
vaillais qu’à 100%. Et non pas à 200% ou 300%
comme je le fais depuis que j’ai repris la fonction
de CEO, tâche que je vais conserver dans les trois
ou quatre prochaines années au maximum. Un
rôle opérationnel qui n’est, à mon sens, pas com-
patible avec celui, plus stratégique, de président.
C’est pourquoi la société élira un nouveau pré-
sident lors sa prochaine assemblée générale.
Ma mission est claire: il s’agit de procéder aux
ajustements nécessaires pour que le SCB retrouve
l’identité qui lui avait permis d’être un club gagnant
au niveau national. Il y a un élément qui me dé-
range particulièrement: ces derniers temps,
l’équipe était devenue lunatique. Elle pouvait
battre un gros poisson à la PostFinance Arena le
vendredi et perdre 6-1 à Porrentruy le samedi. Or,
ce n’est que dans la constance qu’une formation ac-
quiert le respect et trimballe une culture de winner.
Pour y parvenir, à tous les étages de l’organisa-
tion, tout le monde devra donner quelques pour
cent de plus et, vous verrez, on sera bientôt de re-
tour au sommet de la pyramide du hockey natio-
nal et on aura à nouveau des frissons lorsque la
marche du SCB résonnera dans notre enceinte.
Et ce, sous le commandement d’un nouvel en-
traîneur, que nous recherchons activement et que
la direction du club espère présenter bientôt. Mais
je ne vous en dirai pas plus pour le moment…
Marc Lüthi
CEO
du CP Berne
Cette chronique
est assurée
en alternance
par Marc Lüthi,
Kim Métraux,
Camille Rast,
Simon Pellaud,
Laurent Meuwly,
Marco Schällibaum
et Maxime Chabloz.
Emine Yakin n’a raté que très rarement un entraînement de sa progéniture, que ce soit Murat ou Hakan. Georgios Kefalas/Keystone
Quel genre de mère de
footballeur êtes-vous?
● À l’occasion de la Fête des
mères, zoom sur les mamans
de sportives et sportifs qui
jouent un rôle clé dans le
développement de leur
progéniture.
À la fois ingrat et incroyablement enrichis-
sant, le rôle des mamans d’athlètes est mul-
tiple. Elles se muent parfois en confidentes,
en chauffeuses de voiture ou en habiles
négociatrices. Partout dans le monde, les
parents s’impliquent de plus en plus dans
les activités sportives des enfants.
Par rapport aux années 70 et 80, c’est
le jour et la nuit. «Il y avait quelques pa-
rents qui gravitaient autour des clubs, sur-
tout en tant qu’entraîneurs, mais les autres
n’étaient pas aussi impliqués et ne sui-
vaient pas autant les équipes, affirme Åse
Strandbu, une des chercheuses ayant par-
ticipé à une étude sur la question réalisée
en Norvège. C’est pour eux une manière
de tisser des liens avec leurs enfants.»
Chacune à sa façon, pour autant que cela
fonctionne.
La maman nounours
Lorsque Wendy Holdener s’aligne sur une
course, il y a de grandes chances de croi-
ser sa maman, Daniela, dans les parages.
Présence rassurante et immuable dans un
milieu du ski alpin où tout va très vite,
elle n’est pas la seule à multiplier les tra-
jets pour encourager sa championne.
Se rendant aux entraînements ou aux
matches en tricycle, Emine Yakin peut en
dire autant. La maman de Murat et Ha-
kan, notamment, s’est inlassablement dé-
placée pour suivre ses fils. «Pour être bien,
j’ai besoin d’être à côté de mes enfants»,
admettait la concernée dans «Le Matin
Dimanche» il y a une dizaine d’années.
Johan Djourou a lui aussi bénéficié de
l’appui indéfectible de sa maman, Da-
nièle. «Il n’y avait aucune attente, aucune
critique, mais que du soutien. C’est la
meilleure approche», lance-t-il. Il a donc
été rassuré lorsqu’il avait des doutes, en-
couragé lorsqu’il le fallait. «Pour elle, il
était clair que je devais partir à Arsenal à
l’âge de 16 ans.» Son avis compte, même
si les agents occupent une place prépon-
dérante à partir d’un certain niveau.
«Nous avions discuté avant que je choi-
sisse de représenter la Suisse plutôt que
la Côte d’Ivoire.»
La maman logistique
Sans permis ni transports en commun adé-
quats, l’athlète ne va pas bien loin. C’est là
que les parents se muent en chauffeurs.
De la maison au terrain d’entraînement, il
y a parfois des kilomètres. Quand Angel Di
Maria était petit et qu’il a été admis au Ro-
sario Central, il devait parcourir neuf kilo-
mètres. Il explique le monde que cela re-
présentait dans «The Player’s Tribune»:
«C’est comme cela que Graciela est née.»
Graciela? Un vélo jaune rouillé. «Ma mère
l’utilisait pour m’amener à l’entraînement
tous les jours.» Et ce, sous la pluie, dans le
froid, dans la pénombre. «Peu importe. Ma
mère continuait de pédaler.»
«Il n’y avait aucune
La maman intrusive
attente, aucune Crier sur l’arbitre ou appeler les membres
critique, mais que du club pour exiger un traitement de fa-
du soutien. C’est la meilleure veur? Voici une des limites à ne pas fran-
chir pour des athlètes qui craignent de voir
approche.» des parents trop impliqués. «Dans notre
Johan Djourou, à propos de sa maman
Si les trajets représentent une absolue
nécessité pendant les jeunes années, les
familles s’illustrent sur bien d’autres plans
logistiques. Lorsque le Valaisan Denis Dar-
bellay a choisi de tenter sa chance en Thaï-
lande, il a été accompagné par sa maman.
«Je ne parlais pas vraiment la langue, elle
m’a aidé à trouver un club», confie-t-il.
La sélection marocaine, auteure d’un
parcours exceptionnel en Coupe du monde
au Qatar, a largement bénéficié de la pré-
sence de bien des mères de joueurs. «Elles
ont un groupe WhatsApp sur lequel elles
organisent tout», a révélé le sélectionneur
Walid Regragui au média «El País». L’équipe,
et même le pays tout entier, se sont mon-
trés reconnaissants. La royauté a rendu
hommage à ces «femmes marocaines qui
ont veillé à inculquer à leurs enfants les
valeurs de patriotisme, de sacrifice et d’ap-
partenance nationale».
La maman requin
Intransigeante. Véronique Rabiot défend
avec vigueur les intérêts de son fils Adrien,
quitte à s’attirer les foudres de clubs comme
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
le Paris Saint-Germain, Manchester United
ou encore la Juventus de Turin. La Fran-
çaise n’hésite pas à poser ses exigences,
tout comme Fayza Lamari – la maman de
Mbappé – ou les papas de Messi ou Ney-
mar. De la fibre de ceux qui veulent le meil-
leur pour leur gamin, et tant pis s’ils
prennent le risque d’être rabroués.
«Quand j’étais petit et que je jouais à Ca-
rouge, ma mère a confronté mon coach, se
souvient Johan Djourou. Elle voulait me
protéger car elle voyait que j’étais très fa-
tigué.» L’ancien international suisse se
montre reconnaissant de ce geste à un âge
où il ne se rendait pas forcément compte
de la charge. À plus haut niveau par la suite,
jamais une telle situation n’a eu lieu à nou-
veau. «C’est important que chacun garde
son rôle», ajoute-t-il, conscient que les
choix des clubs ne s’effectuent pas en fonc-
tion de la famille des joueurs.
étude, nous avons vu que les jeunes ap-
préciaient vraiment que leurs parents
viennent voir leurs compétitions», affirme
Åse Strandbu. Elle précise toutefois: «Cer-
tains ne veulent pas les voir trop interve-
nir, et préfèrent qu’ils se tiennent à une
certaine distance.»
Le caractère intrusif s’illustre de diffé-
rentes manières. En anglais, le terme de
parent «hélicoptère» définit ceux qui se
tiennent en permanence au-dessus de leurs
enfants. Encore pire en termes d’annihila-
tion d’obstacles, le parent «tondeuse à ga-
zon» va même jusqu’à broyer tout ce qui
se dresse sur le chemin. Pas de quoi lais-
ser place aux erreurs formatrices.
La maman absente
Parce que la personne évolue sur un autre
continent ou que l’activité professionnelle
ne permet pas d’assister aux compétitions,
les athlètes se heurtent à l’absence criante
de leurs proches. Lindsey Horan, joueuse
américaine en prêt à l’Olympique Lyonnais,
a dû se contenter des moyens numériques.
«Il y a des moments – pas mal de moments
en réalité – où je rentrais à la maison le soir
et je lançais en larmes un Skype avec ma
mère, genre: «Ils me détestent, je suis nulle.»
REBECCA GARCIA
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
Camille Balanche, spécialiste de descente (VTT), ancienne internationale de hockey, a déjà beaucoup
gagné dans sa carrière. Un succès qui a un prix, notamment social. Mais elle a appris à le gérer.
«C’est toujours plus
dur d’être satisfaite»
REBECCA GARCIA
rebecca.garcia@lematindimanche.ch
Qu’est-ce qui est si plaisant en descente
sur votre VTT?
Voir que je peux toujours t’améliorer.
Chaque saison, quand je retourne sur une
piste pour m’y entraîner, je me rappelle
des passages sur lesquels je galérais ou qui
faisaient peur. Puis là, je le réussis du pre-
mier coup. Et je me dis qu’en fait, c’était
facile. Cette année encore, j’ai l’impres-
sion de m’être améliorée au niveau des vi-
rages. C’est vraiment cool de voir que je
peux encore aller plus vite sans me mettre
en difficulté. J’aime beaucoup ce senti-
ment d’aller vite tout en gardant la maî-
trise, couplé à l’adrénaline des sauts et des
passages rapides.
Comment vous sentez-vous dans cette
vie à mille à l’heure?
Au début, j’avais un peu de peine à partir
pour dix heures de route. Oui, tu vois des
pays différents, mais ce sont des gros dé-
placements. Tu es tout le temps en train
de voyager. Je pensais que c’était ça qui
allait me faire arrêter le sport – le fait de
courir tout le temps partout. En tant que
Suisse, on n’a vraiment pas l’habitude de
prendre le volant pour des trajets si longs.
Chaque fois, je me disais: «Wouah, c’est
loin.» Pourtant ce week-end, je suis prête
à aller en Italie pour m’entraîner. Je pré-
fère bénéficier de bons entraînements et
être là où j’ai envie d’être plutôt que de
rester à la maison et de galérer avec la
neige.
Donc le but est de toujours être dehors
pour s’entraîner?
Moi, j’aime quand même bien être à la
maison. J’y suis une semaine sur deux, et
j’essaie de profiter un peu plus qu’aupa-
ravant. Je remarque par contre que je
m’habitue aux trajets. Avant, je ne vou-
lais pas aller à Verbier pour un week-end,
alors que c’est 1 h 30 de route. Mainte-
nant, on va en Andorre ou en Espagne, et
je ne deviens pas complément tarée avec
les dix heures de voiture. Ça passe même
assez vite!
Qu’en est-il de la potentielle lassitude?
Tout est varié. On n’a jamais deux fois la
même piste car s’il pleut, les conditions
changent. Aussi, on est dehors. On va
dans des pays différents sans que ce soit
toujours le même environnement.
Lorsque je pratiquais le hockey sur glace,
je voyageais aussi beaucoup mais au fi-
nal, j’allais toujours dans une patinoire.
La seule chose qui me manque est l’esprit
d’équipe, même si je fais partie d’un team
(Dorval AM-Commencal) composé de
quatre riders.
Quand vous voyagez, avez-vous le temps
d’explorer les villes?
Une fois que les entraînements com-
mencent, on n’a plus le temps. Durant les
longs déplacements, on arrive sur place
environ deux jours avant qu’il ne se passe
quoi que ce soit. On essaie toujours de pla-
nifier des activités, comme la via ferrata
que l’on a faite en France. Se changer les
idées est important, d’autant plus qu’on
ne va pas enchaîner quatre jours de des-
cente à fond. C’est trop éreintant.
Qu’en est-il de la vie sociale?
Voir les amis est devenu plus compliqué.
C’est clair que c’est un truc qui me
manque. La plupart du temps, quand on
me demande si je suis là, la réponse est
non. C’est sûr qu’on ne vit pas comme les
Dans son garage transformé en atelier, Camille Balanche bichonne ses montures. Marco Zanoni / Lunax
autres, mais on a aussi une chance
énorme: on ne doit pas se lever à 6 h du
matin pour aller au bureau et y rester
jusqu’à 18 heures.
Est-ce important de partager sa passion?
J’ai de la chance d’avoir ma compagne
Emilie, sinon je pense que je serais vrai-
ment seule. Le fait qu’elle fasse la même
chose que moi avec les mêmes horaires est
vraiment cool. On peut partager nos jour-
nées et les entraînements. Elle travaille
pour le team chez qui elle roulait, et se
rend aussi sur les étapes de Coupe du
monde. Si elle n’y était pas, on ne se ver-
rait pas beaucoup. Il y en a plein pour qui
ça marche, mais personnellement, je
n’aime pas trop être toute seule. Je ne suis
pas certaine que j’aurais autant de plaisir
si je ne partageais pas mon sport.
Interview 33
À quoi ressemble la vie au sein de votre
équipe?
Tout le monde est là depuis au moins cinq
ans. Le team manager a 65 ans – il a créé
l’équipe il y a dix ans – et son fils s’est joint
à lui, ils la gèrent à deux. Au début, il n’y
avait que 5000 fr. de budget, là on s’ap-
proche plutôt des 600’000. Tout le
monde a grandi ensemble et s’est profes-
sionnalisé en même temps. C’est ça qui est
chouette, on n’a pas directement débar-
qué chez les pros.
Comment gagner encore du temps
en piste?
On arrive à un niveau où tu peux de moins
en moins t’améliorer sur le plan physique.
Par contre, avec l’expérience, on com-
prend mieux comment son vélo fonc-
tionne et comment on pourrait le modifier
pour aller plus vite. On essaye de travailler
sur des détails. Il y a certaines choses que
l’on n’avait pas testées avant, ou alors il y a
matière à optimiser l’aérodynamisme, les
vêtements. Les victoires se jouent à 0,1 ou
0,2 seconde, donc on en est à pinailler
dans tous les domaines. C’est pourquoi on
a besoin d’un mécano organisé, qui sait ce
qu’il veut changer. Ensuite, on se sert du
ressenti et des temps pour confirmer. Des
fois, j’ai l’impression que ma manche était
nulle, et au final je vois que j’ai été plus ra-
pide que la précédente.
«Les victoires
se jouent à 0,1
ou 0,2 seconde,
donc on en est à pinailler
dans tous les domaines.»
Camille Balanche, perfectionniste
Quel est le niveau de stress avant
une compétition?
Quand je suis en course, je suis trop
contente d’y être. Mais chaque fois que je
suis au départ, je me demande pourquoi je
fais ça (rires). Je pense qu’il est obligatoire
d’avoir de la nervosité avant de s’élancer.
D’autant plus qu’on n’a droit qu’à une
seule chance, on ne peut pas refaire un
run. Une fois en bas, c’est un feeling in-
croyable qui n’existe pas à l’entraînement.
Même après avoir remporté le classement
général, la pression reste?
J’essaie de me dire que je n’ai plus rien à
prouver, que je n’ai plus de pression. Mais
c’est toujours pareil, je veux gagner.
Quand on gagne sa première Coupe du
monde, on se dit que l’on a réussi. Mais en-
suite, on se demande quand on va gagner
la suivante. Ensuite, si on arrivera à faire
aussi bien la saison d’après. Au final, on ne
sort jamais de ça, car l’objectif change au
En dates fil des succès.
1990 2020 ment général
de descente, mal-
gré une fracture
On ne savoure jamais réellement?
Plus tu es bon, pire c’est. Moi, j’ai de la
peine à être satisfaite. Je parvenais à l’être
Naissance au Locle Arrivée dans de la clavicule lorsque mon but était simplement de me
(NE). l’équipe de VTT à un mois de la fin qualifier. Une fois que tu commences à
Dorval AM/Com- de la saison. tout le temps l’être, tu veux intégrer le
mencal et titre de top 10. J’étais aussi contente d’un top 10 à
2010 championne du
monde de descente
à Leogang (AUT).
2025
l’époque que d’une victoire aujourd’hui.
Maintenant, si je ne gagne pas, je ne suis
pas pleinement contente. J’essaie de
Participation aux changer ça et de relativiser, car je ne peux
Jeux olympiques de Championnats du pas toujours l’emporter. Une fois qu’un
Vancouver, en tant
que membre de
l’équipe suisse de
2022 monde de VTT en
Valais, compétition
dont elle est l’une
athlète y a goûté, c’est tout ce qu’il veut.
Même si je me dis qu’être sur le podium
est déjà bien, je ne peux pas m’empêcher
hockey sur glace. Victoire au classe- des ambassadrices. d’être un peu déçue.
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Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
Ils aident les anciens
sportifs à se reconvertir
● Beni Huggel,
ancienne star du FC
Bâle, avec aujourd’hui
le concours de Danilo
Wyss, a lancé un
réseau pour aider les
sportifs à trouver des
chaussures à leurs
pieds de «retraités».
ROBIN CARREL
robin.carrel
@lematindimanche.ch
«Lorsqu’un footballeur va ar-
rêter sa carrière et qu’on lui de-
mande ce qu’il fera ensuite, il
répond très souvent: «Bah,
quelque chose dans le foot…»
Entraîneur? Ce n’est pas simple,
les postes sont rares, il y a une
sacrée insécurité et c’est aussi
pas mal affaire de politique
dans certains clubs. Dans le ma-
nagement? Il faut souvent avoir
fait des études et s’y connaître
en économie. Les joueurs de
haut niveau sont encore dans
leur bulle de professionnels du
ballon et il ne faut pas hésiter
à leur remettre les pieds sur
terre. Moi, à l’époque, je n’y
avais pas réfléchi.»
Beni Huggel parle juste, de
manière générale, de l’après-
carrière des anciens footbal-
leurs, parce qu’il connaît par-
faitement le souci. L’ancien in-
ternational suisse aux 41
sélections, aujourd’hui âgé de
45 ans, a longtemps fait comme
une grande partie de ses collè-
gues, une fois qu’ils ont rangé
les crampons. Il s’est lancé dans
le coaching et a fini par remar-
quer que ce n’était pas la voie
«On veut que
les patrons
engagent
d’anciens sportifs
parce qu’ils ont été
sportifs et pas
malgré le fait qu’ils
aient été sportifs.»
Beni Huggel
et la vie qu’il souhaitait suivre
jusqu’à l’âge légal de la retraite.
Alors, en 2020, il a lancé sa
boîte pour accompagner les
sportifs dans leur «vie d’après».
«Avec mon CV, j’ai remarqué
qu’il n’était pas facile de trou-
ver quelque chose après la car-
rière, débroussaille-t-il dans un
français mâtiné de mots com-
pliqués en allemand. On n’a pas
la même expérience profes-
sionnelle que les autres per-
sonnes, les gens «normaux»,
qui ont entre 35 et 37 ans. D’une
part, j’ai remarqué que des col-
lègues avaient des problèmes
à intégrer le monde profession-
nel (et moi aussi j’en ai connu).
D’autre part, j’ai aussi consta-
té que des entreprises avaient
envie de trouver des employés
qui ont cet état d’esprit si par-
ticulier que peuvent apporter
les sportifs professionnels.
D’où l’idée de lancer Athletes
Network, le réseau des athlètes.
Car quand on mandate une en-
treprise pour s’occuper de
nous, quel que soit le sujet, on
a tendance à davantage faire
confiance à des personnes dont
on est sûr qu’elles maîtrisent
leur domaine.»
Avec Beni Huggel, ses collè-
gues alémaniques Dave Heini-
ger (trois minutes en LNA de
handball), Severin Blindenba-
cher (plus de 800 matches en
National Ligue de hockey),
Niels Hintermann (vainqueur
de la descente de Kvitfjell il y a
un an et du combiné de Wen-
gen en 2017) et la nouvelle re-
crue Danilo Wyss, le contingent
est étoffé et sait de quoi il re-
tourne.
La liberté d’inventer une vie
Le cycliste de 37 ans, engagé il
y a quelques semaines, a lui
aussi pédalé pour trouver de
quoi occuper ses «vieux jours».
Comme Huggel, il distille la
science de son sport à la télé-
vision nationale, mais il lui
manquait peut-être la vocation
qui nourrit son homme jusqu’à
65 ans (ou plus, selon la énième
révision de l’AVS qui aura for-
cément lieu un jour). «Moi
j’imaginais rester proche du
monde du vélo, mais pas au
poste de directeur sportif, par
exemple, explique le Stavia-
cois. Passer deux cents à deux
cent cinquante jours par an loin
de chez moi, ça ne me motivait
pas. Et puis il y avait ce chal-
lenge de faire quelque chose
d’autre dans la vie, de réussir
cette reconversion et de trou-
ver quelque chose en dehors
de mon sport.»
Huggel a connu à peu près le
même cheminement mental:
«J’avais 38 ans, une éducation
disons… moyenne, et je me di-
sais qu’il n’était pas facile de
trouver le poste judicieux.
Après, j’ai eu l’occasion de com-
mencer à travailler dans un
centre de tennis. Une bonne ex-
périence, qui m’a permis de re-
marquer que de bosser comme
ça, c’était totalement différent,
forcément, mais c’était surtout
très intéressant. Tu as une li-
berté rare de pouvoir créer ta
Sports 35
L’ancien cycliste
Danilo Wyss
(à droite)
et l’ex-footballeur
Benjamin Huggel
ont créé une société
qui assiste les
athlètes en fin
de carrière dans
leur reconversion.
Zoé Jobin
vie comme tu veux, sans être Publicité
toujours dépendant des autres
personnes. Notre travail, c’est
aussi d’ouvrir l’esprit de nos | Partenaire média
athlètes à ce niveau-là.»
«Les sportifs ont vécu des
choses assez incroyables au
cours de leur carrière et déve-
loppé des capacités qu’on ne
retrouve pas ailleurs sur le mar-
ché du travail. Ils n’ont pas eu
un chemin de vie classique, en-
chaîne Wyss, qui a d’ailleurs
trouvé cet emploi via cette pla-
«Les sportifs
ont vécu des
choses assez
incroyables au cours
de leur carrière et
développé des
capacités qu’on ne
retrouve pas ailleurs
sur le marché.»
Danilo Wyss
teforme unique en Suisse. Ce
dynamisme, cet esprit d’équipe,
cette résilience qu’ils peuvent
amener au monde économique
sont rares. Ça peut être via des
jobs «normaux» pour les ath-
lètes, mais il y a aussi des pré-
sentations, des speechs, des
workshops, des journées spé-
ciales qui sont organisés.»
Ils sont quelque 1700 athlètes
au passeport à croix blanche à
collaborer avec Athletes
Network, mis en relation avec
une centaine d’entreprises par-
tenaires. Sur son site internet,
l’entreprise de Beni Huggel &
Cie se targue d’avoir déjà placé
83 de ses membres. L’inscrip-
tion à ce réseau de sportifs est
gratuite pour les athlètes. «On
veut que les patrons engagent
d’anciens sportifs parce qu’ils
ont été sportifs et pas malgré
le fait qu’ils l’aient été», relance
l’ancien milieu du FC Bâle, en
parfait mot de la fin.
36 Jeux Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

Les mots fléchés Par Guillaume Sweig N° 933 Le Sudoku

PIÈCE b UN DÉBUT b PROTÈGE- b b DE PRIME b INDIVIDUS
b RENDRE b Les chiffres vont de 1 à 9 et n’apparaissent qu’une
EXIGUË À TOUT MATELAS DISCIPLINE ABORD
VIEUX BOULE COURONNÉE SCOLAIRE SCANDA- SUPPORT seule fois par ligne, colonne et carré.
AMOUREUX DE QUILLE
JURON DE LAINE DE SUCCÈS LISÉ
a d d d d d
Grille n° 1321 - Force 1

DÉRANGÉE c c
ÉTONNÉ
OUVRIÈRE
DU TEXTILE
a LANCENT c
LA BALLE
RÉCIPIENT
À INFUSION
POISSON b EXCLU b RELIEF c NOMBRE c d ARBRE b FOYERS b
DE MER IMPAIR APPEL FORESTIER CHAUDS
PROPOS INDICE DE MAMMIFÈRE À L’AIDE PLAT PLANTE
COMMUNS PROPRIÉTÉ RONGEUR PASSIONNÉ ITALIEN POTAGÈRE
a d d c d c d d d
ARROGANTS EXIGEANT

SORTIS
DOMPTEUR DU NÉANT
c JOURS c d PLEURER c d
ODEUR
MARINE QUI FAIT ROMAINS COUPÉS
DU ARCEAUX
DÉFAUT DIEU DE
CORDON
OBLIGEA D’ÉGYPTE CAVALIERS
a d PERCHE c d d c d c
ÉCOSSAIS BANDE
DE MER À COLLER
SUR RÉPARE
LE CÔTÉ LA FAUTE OBSTRUÉS
c d c d c d
FRÉMIT
SERPENT
CONSTRIC- PELAGES
ARBRE TOR
EXOTIQUE Grille n° 1322 - Force 3
a RENARD c MATÉRIAU c DIEU c
2 7
POLAIRE EN BOIS SCANDI- NOUVEL
NAVE ÉPISODE
AFFEC- MARCHES
TIONNER AU HASARD ARAIGNÉE

AROMATE
c d PROCHE c d c BOÎTES À c d d
3 9
MONTRE DE FERRY THYMUS LUNETTES
DU DOIGT DE VEAU
1 6
SANS VICE SOUVERAIN
VEDETTE SLAVE
a d APPAREIL c d c d
DE
FERMETURE
GRÂCE
À LUI, ON
ÉCHANGE
SERVICE
NON RENDU 8 9 5 3
LABIÉE
MÉMOIRE
VIVE
c MALAXE
EN TOUS
c d
COLORÉ
c DÉTESTÉ
c d 7 4 1 6
SENS
ON Y VEND
DU POISSON CARDINAUX
SUJET RÉUSSI 2 6 9
a d c c d c d
PRÈS DE
SES SOUS
SERVICE
DE POLICE
ALLURE 5 8 4 3
c c c 1
ENVE- COUVERT
PERFORÉE
LOPPER DE TACHES
7 5

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Le mot mystérieux A découvrir: un mot de 5 lettres Les mots croisés N° 2698 A
ABOLIR Horizontalement
S U L C R E P I T H E L I A U X I N E V B
A. De manière incomparable. B. Encouragement
ALBUM A L E A T O I R E S S A R R A B M E F O dans l’arène. Prendre un ton moqueur. C
ALEATOIRES H C H A I N A G E S R M E T L S U I F I C. Sommation faite avant l’ouverture des hostili-
AMARRAGES D
O E R N N L A H U T E A S R B E I L O L tés. Deux. D. Bien portante. Apparaît à la surface.
ANAPHORESE L R A I G E C L Q E I R C A U R N O T U E. Titre anglais. Avance sur l’eau. Union d’Etats. E
ANEMIER L E S S L U M R I L R R O C M U F R E R F. Question de test. Devinette graphique. F
ANISOTROPE G. Apparu. Assistée. Direction générale. H. Petit
A R S O O T C I N F T A M H T Y A Y R E G
ANTICALCAIRE sanglier. I. Leur sonnerie tire du sommeil. Cité
N O I T U C O L E E I G P E P S H T I T
ANTISECHE
sur l’Ignon. J. Parfum d’ouzo. Animal à plumes. H
D N R R T A U O M R U E T A V A S T A U K. Service sous Vichy. Grande quantité. Céréale.
APERCUS I
E A E O O N P B U T H S E L M D N O C P L. Mot d’enfant boudeur. Récipient pour pierres
ARROGANTS alimentaires. M. Symbole de l’argon. Règle à J
C T S P N I A A C I D E S A X E S A L E
AUTEUR suivre. Interjection servant à exprimer un doute.
L U I E F S N A E U E H C E S I T N A R K
AUXINE N. Carrière d’où l’on extrait de tout petits frag-
A R R S E U T E O H S S T N A T U O C E L
CARTOUCHES ments de roche. Longue période. O. Conifère.
M A A H O M M A G E R T I T R E T N I S Dans. Grande habileté. Article contracté. P. Station
CHAINAGES M
A L L N O I S E L A H P E C N E L E T I balnéaire célèbre pour ses falaises. Personnage
COUPANT N
T I U A P E R C U S L T S O U T I E N A important du monde arabe.
DASYURES
O S C A U T E U R R S T N A G O R R A T O
DECLAMATOIRE Verticalement
I E E P I M B E C H E E M P U A N T I R P
DESAXES 1. Jeune oiseau. Au ventre plein. 2. Mode d’ali-
R R S O E G I E N N E I M O T O E T S O
ECOUTANT mentation du nouveau né. Bateau pneumatique
E U G O L O R I N O I T A S I L I B O M utilisé pour descendre des rapides. 3. A l’écart du Solutions des jeux précédents
ECTHYMAS
monde. Moyen de transport. 4. Dans le vent. Des Mots fléchés n° 932
ELOCUTION GOITRE LESION REPUTER canards y barbotent. Chemin ombragé. 5. Etre très O P A A E R R
EMBARRASSE HAFNIUM MOBILISATION SAVATE attaché à quelqu’un. Point ailleurs. Enduit d’huile. C O L
L I
L
A N E
A B O R A
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T
C E
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EMBASE HAMACS 6. Conviendra. Région du sud de l’Espagne.
MORTAISER SECULARISER T C
F I
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S C A
S A R
L E
M A
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T
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EMPUANTIR HOLLANDE 7. Animal protecteur. Support de roues. Animal
NATURALISER SOUTIEN A R R A C H E R E M B E T E A N E R I E

ENNEIGE vecteur de la peste. 8. Enoncés un à un. Provoquer A E R E E D I N E S E G L E B E V

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Insecte qui se roule en boule. Style de musique. E T E L E S S E N C E S R E E L I R E

FUMEUR INEGAL PIMBECHE ULCERER 12. Sépare le nécessaire du superflu. Vue et tou-
GLOUTON INTERTITRE RASSIR VOILURE cher. Faux pas. Mots croisés n° 2697 Sudoku n° 1319
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
A D E F R I C H E M E N T
B E B R E C H E A G I O
C R O I T A P A G E R
D O U R L E T G N E T E
E U R E R C R U O E
F T I J E T A M O U R
G E F F U S I O N P R
H F E S R D R A M E
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J E T I G E R O U N D
K B R I C O L E U T U
L R A V E I N I T I E R
Sudoku n° 1320
M O B I S T A R D R A
N Q T A P E I L E N 2 3 7 1 4 9 5 6 8
O U L E M A O S A R C 6 1 9 5 2 8 4 3 7
P E R S E E B E R L U E 4 8 5 3 7 6 1 9 2
1 5 8 2 3 4 6 7 9
9 2 6 8 1 7 3 4 5
Le mot mystérieux 3 7 4 6 9 5 2 8 1
VER 7 6 2 4 8 1 9 5 3
8 4 3 9 5 2 7 1 6
5 9 1 7 6 3 8 2 4
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Cyclisme 37
Loteries Lors du Giro plus qu’ailleurs, le café est ancré dans la culture vélo: son rôle social
et ses bienfaits sur la performance l’ont rendu indispensable dans le cyclisme.

Pourquoi le peloton
Tirages du 13 mai 2023

6
3 0
ORDRE EXACT: Fr. 808.10
TOUS LES ORDRES: Fr. 134.70

est accro au café

MILIEU: Fr. 8.10

9 7
1 6
ORDRE EXACT: Fr. 5'000.00
TOUS LES ORDRES: Fr. 161.40
1er CHIFFRE: Fr. 3.90

2 4 7 12 15 17 19
24 27 28 29 32 35
46 52 53 54 58 64 69
Seule la liste officielle des résultats
de la Loterie Romande fait foi.
www.loro.ch

Tirages du 13 mai 2023

Depuis
D i toujours,
t j
la pause-café
14 15 23 32 35 41
est un moment
1 1 réconfortant et de
socialisation dans la
No + No Chance Gagnants Gains (Fr.)
vie parfois rude et
6+1 0 -
6+0 1 1'000'000.00 solitaire des
5+1 13 3'687.05 cyclistes.
5+0 71 1'000.00 AFP, Getty Images
4+1 401 134.25
4+0 2'617 53.40
3+1 4'848 27.90
3+0 32'828 8.80
SYLVAIN BOLT
Prochain Jackpot: Fr. 7'000'000.-*
sylvain.bolt@lematindimanche.ch

Lancez un cycliste sur son lien avec le ca-

fé et ses yeux auront de fortes chances de
7 5 8 9 0 4 briller. Le Bernois Gino Mäder est tombé
No Gagnants Gains (Fr.) dans la machine à torréfier au fur et à me-
6/6 0 - sure qu’il a gravi les étapes vers le monde
5 derniers 2 10'000.00 professionnel. «À la base, je ne connaissais
4 derniers 9 1'000.00
3 derniers 118 100.00
pas grand-chose, mais je commence à de-
2 derniers 1'233 10.00 venir de plus en plus passionné, sourit le
Prochain Jackpot: Fr. 440'000.-* Suisse, privé de Giro en raison du Covid-19.
Tout mon entourage cycliste ou presque
*Montants estimés en francs, non garantis.
À partager entre les gagnants du 1er rang. échange autour du café. Moi, j’achète rare-
ment deux fois les mêmes grains, mais je dale a été donné par Faema dans les an- chewing-gum, gélules, boissons ou gels»,
ne suis pas encore aussi pointu qu’un Ed- nées 60, entreprise qui a été rendue célèbre déclarait Pascal Chanteur, président du syn-
Tirages du 12 mai 2023 vald Boasson Hagen, l’un des plus «fous» grâce aux exploits de son «Cannibale» Ed- dicat des coureurs professionnels, interro-
dans le peloton.» dy Merckx. Puis le Cafe de Colombia, dans gé par «Ouest-France» lors du dernier Tour
Dans l’univers de la petite reine, la ma- les années 80, permettant à Luis Herrera de France.
chine italienne haut de gamme Rocket Es- «La caféine de devenir le premier Colombien à rempor-
presso a une foule de fidèles cyclistes dans est l’une ter une étape du Tour de France. L’Italien Le café pour avaler les gels
9 10 13 39 44 4 6 sa cour: le Valaisan Simon Pellaud, la Ge- des rares Mario Cipollini a enchaîné les succès au «La caféine est l’une des rares substances
nevoise Elise Chabbey, ou l’ancien pistard sprint pour Saeco dans les années 90. Au- ergogéniques, c’est-à-dire susceptible
N° + Étoiles Gagnants Gains (Fr.)
vaudois Théry Schir, qui l’a reçue comme
substances jourd’hui, l’entreprise italienne de torréfac- d’améliorer le travail musculaire, dont l’ef-
5+
5+
0
3
-
229'566.15
cadeau pour ses 30 ans. Flairant la ten- susceptible tion Segafredo Zanetti (en association avec fet est prouvé, explique Raphaël Faiss, cher-
5 8 40'415.70 dance, le fabricant a relancé ses élégantes d’améliorer la Trek) sponsorise une équipe World Tour cheur expert en matière de dopage à l’UNIL.
4+ machines en 2009 pour les 100 ans du Gi- présente sur le Giro. Mais tout le monde y a accès, c’est la deu-
4+
36
676
2'797.45
274.45 ro d’Italie. «Je n’ai pas encore une machine
le travail Dans un univers plutôt solitaire, les xième boisson la plus bue au monde après
3+
4
1'824
1'446
107.50
95.30 aussi sophistiquée, mais c’est clair que le musculaire, pauses-café autour d’une tasse bien chaude l’eau, et le risque pour la santé reste relati-
2+ 30'108 22.90 café fait partie intégrante de l’hygiène de dont l’effet sont synonymes de moments de socialisa- vement faible.» Les bienfaits du café sont
3+
3
34'193
76'574
22.50
18.70
vie des cyclistes», sourit Antoine Aebi. est prouvé.» tion. «L’Italie, berceau du cyclisme, fait le notamment reconnus pour les activités
Le Vaudois, qui a découvert cette année lien entre cyclisme et café, souligne Ra- d’endurance et pour éviter que le cerveau
1+ 158'399 10.95
le World Tour en participant au Tour de Ro- phaël Faiss, chercheur à l’UNIL et triple ne se mette en veille.
2+ 530'715 10.30 Raphaël Faiss,
2 1'183'027 7.45 mandie, ne déroge jamais à une tradition champion du monde de coursiers à vélo. «La substance bloque les récepteurs de
chercheur expert
bien ancrée dans le milieu: le coffee ride. Je m’étais une fois retrouvé avec Michele l’adénosine, ce qui augmente l’excitabilité
en matière de
8 12 24 28 34 «Une sortie de récupération où l’on s’arrête Bartoli (ndlr: ancien coureur italien) lors des neurones. Cela permet de stimuler l’ac-
dopage à l’UNIL
N o
Gagnants Gains (Fr.)
dans un joli café, parfois pour une tranche d’une longue sortie, où l’on s’était arrêté au tivité sympathique et donc la fréquence
5/5 1 121'967.15 de gâteau, le moment réconfortant de notre comptoir d’un bar pour s’envoyer un es- cardiaque quand c’est nécessaire, détaille
4/5 240 319.45 vie de cycliste parfois assez rude», décrit presso avant de reprendre la route.» le spécialiste. Elle va aussi avoir un effet
3/5 8'807 17.00 le coureur de 24 ans. Ce «footing des cy- Le café n’a rien à envier à la bière et ses d’augmentation de la mobilisation du cal-
Prochain Jackpot: Fr. 39'000'000.-* clistes» est notamment un rituel lors des microbrasseries. Les établissements bobos, cium au niveau musculaire et agir poten-
jours de repos et des reconnaissances. où l’on vient déguster son espresso après tiellement sur les endorphines, donc sur la
«Nous sommes des perfectionnistes et tout avoir fait réparer sa bicyclette dans l’atelier perception de la douleur. Vu que les hor-
A533Z est question de chiffres dans le cyclisme: la adjacent, sont très tendance. «Les cyclistes mones de stress vont être augmentées dans
quantité de nourriture au gramme près ou passionnés de café sont de plus en plus la circulation sanguine, l’athlète va rester
Rangs Gagnants Gains (Fr.) le travail scientifique avec les watts, analyse connaisseurs et les produits torréfiés loca- plus lucide pendant l’effort.»
1 0 -
Gino Mäder. Nous retrouvons dans le café lement ou de manière éthique sont souvent Pour que le stimulant naturel soit effi-
2 1 11'942.65
3 3 3'317.40 cette précision propre à notre métier, avec recherchés», souligne François Girard, co- cace, tout est une histoire de dosage. «Pour
4 9 1'548.10 la dose de caféine, la mouture des grains, fondateur de The New Cycling Experience une personne qui pèse 70 kg, cela corres-
5 51 234.15 etc. Et puis nous bénéficions de temps libre à Lausanne. Ici, on mélange doppio espres- pond à 210 milligrammes de caféine, soit
6 139 46.60
et de moyens financiers.» Les cyclistes mais so et atelier vélo, mais aussi cours de mé- deux à trois cafés pour atteindre la dose
7 268 16.75
8 1'216 10.60 aussi les vététistes emportent leurs propres canique et sorties hebdomadaires à vélo. idéale; au-delà, pas d’effet additionnel»,
9 12'699 3.90 machines et grains de café lors des grands La boisson doit aussi sa popularité au fait poursuit celui qui donne un cours de phy-
*Montant estimé en francs, non garanti. tours et aux camps d’entraînements. Il existe qu’elle dope la performance. Elle était d’ail- siologie de l’exercice à l’UNIL. Les gels et
À partager entre les gagnants du 1er rang. même des modèles portatifs spécialement leurs interdite au-dessus d’un certain seuil les petites fioles de caféine vont permettre
conçus pour les passionnés. jusqu’en 2004 par l’Agence mondiale anti- de tenir plusieurs heures sur le vélo.
dopage et a mis hors-jeu l’Italien Gianni «Mais le café avalé dans le bus avant l’étape
Loto français Dopage à la caféine Bugno, convaincu de dopage à la caféine va aussi amener de l’amertume dans la
Tirage du samedi 13 mai 2023 L’Italie, folle de café et des forçats de la en 1994. On la considère désormais comme bouche et un goût meilleur pour contreba-
6 - 9 - 25 - 34 - 43 route, a historiquement popularisé le café une essence naturelle des cyclistes, même lancer les gels souvent très sucrés ingurgi-
Numéro de la chance: 5
dans l’univers cycliste. Par ses marques de si des acteurs du milieu s’inquiètent de trop tés en route.» Comme un clin d’œil au pas-
Joker: 2 595 079
machines à café notamment, qui ont mis forts consommateurs. «Les adeptes ne se sé, l’entreprise Faema est redevenue l’un
Option 2e tirage: en lumière ce lien à travers le sponsoring contentent pas de siroter un espresso ou des partenaires officiels du Giro l’an passé.
6 - 7 - 26 - 32 - 44 d’équipes cyclistes. Le premier coup de pé- un allongé. Ils ingèrent le produit en Chassez le café, il revient forcément à vélo.
38 Voyages
Açores
Atlantiques et ensorcelantes
À mi-chemin ou presque entre Lisbonne et New York,
l’archipel s’éparpille sur près de 600 kilomètres au
milieu de l’océan. Ces neuf îles volcaniques, qui
fascinèrent autrefois les navigateurs portugais, restent
l’une des destinations les plus exotiques d’Europe.
TEXTES: SARAH CHEVALLEY
PHOTOS: STANISLAS FAUTRÉ
S
urgissant des flots, le mont Pico
s’élève majestueusement. Sa cime
enneigée, à plus de 2350 mètres,
évoque l’iconique Fuji-Yama. Sou-
dain, le soleil perce nuages et
brume, colorant ses pentes de toutes les
nuances de vert et laissant apercevoir des
coulées de lave noire. Forgé par plusieurs
milliers de volcans émergés des fonds ma-
rins, l’archipel se divise en trois groupes,
Santa Maria et São Miguel à l’est, Terceira,
Graciosa, São Jorge, Pico et Faial au centre,
enfin, assez éloignées vers l’ouest, Flores et
Corvo. Les Açores sont à la jonction des
plaques tectoniques nord-américaine, eu-
rasienne et africaine, d’où leur activité sis-
mique intense.
Perdues au milieu de l’Atlantique, ce
sont les îles les plus éloignées du conti-
nent européen, à quelque 1500 km à
l’ouest du Portugal et distantes de moins
de 2500 des États-Unis. Faisant partie de
la Macaronésie, l’archipel partage sa flore
avec Madère, les Canaries ou le Cap-Vert.
Mais son climat est moins printanier. L’an-
ticyclone qui porte son nom n’est pas un
gage de ciel éternellement bleu. Les vastes
prairies vert tendre, où broutent d’innom-
brables vaches, sont arrosées par des on-
dées quotidiennes. Cette humidité en fait
un jardin d’Éden, où poussent quantité de
végétaux endémiques, mais aussi ceux
importés par les colons.
La beauté âpre des falaises déchique-
tées, la brume enveloppant les caldeiras
aux pentes couvertes de mousse ren-
voient à l’Irlande. Mais les paysages volca-
niques des Açores sont uniques. Sur la
côte ouest de São Miguel, à Ponta da Ferra-
ria, le volcan se jette à pic dans l’océan,
formant des piscines où l’eau thermale se
mélange à la mer. La géothermie prend
des formes multiples. Au cœur de São Mi-
guel, la caldeira Velha est un ancien cra-
tère au fond duquel affleurent des sources
d’eau chaude, des fumerolles brûlantes et
des cascades immergées dans une jungle
luxuriante. Au milieu de fougères arbores-
centes provenant de Nouvelle-Zélande,
des baignoires remplies d’eau chaude sul-
furée invitent à se délasser dans un halo
de vapeur. Rapportées par les grands
voyageurs, ces plantes géantes se sont si
bien acclimatées qu’elles semblent là de-
puis les origines. Les élégants cèdres du
Japon tapissant les forêts, les haies d’hor-
tensias le long des routes ou les buissons
de Pittosporum au délicieux parfum de
fleur d’oranger sont parfaitement intégrés
au paysage, mais ces envahisseurs me-
nacent la forêt de laurisylve endémique,
dont il ne reste que des reliques.
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
Lorsque les navigateurs portugais dé-
couvrirent les îles au XVe siècle, elles
étaient vierges d’humains. Quelques ani-
maux y avaient élu domicile, dont les mi-
lans qui planent toujours au-dessus des
volcans. Ils furent confondus avec des au-
tours («açores» en portugais), ce qui donna
son nom à l’archipel. Ces îles fertiles de-
vinrent vite le jardin de l’Europe. Au XVIIIe
siècle, des fortunes se firent dans les plan-
tations d’oranges que l’on exportait vers
l’Angleterre. Cette période florissante ne
dura qu’un temps, les oranges açoréennes
furent supplantées par les espagnoles dès
la fin du XIXe siècle. Certaines familles se
reconvertirent dans l’ananas ou dans le
thé, auquel le sol volcanique et le climat
tempéré conviennent parfaitement.
L’autre grande production est le vin. Sur
les flancs du volcan Pico, des kilomètres
de murets en basalte abritant des pieds de
vigne forment une mosaïque sombre se
détachant sur le bleu de l’Atlantique. Dès
leur arrivée, les premiers immigrants éri-
gèrent entre les parcelles des murs en
roche volcanique pour protéger la vigne
du vent et des embruns. La beauté de ce
paysage minéral, l’ingéniosité des tech-
niques utilisées et la qualité du verdelho
 Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
Le mystérieux mont
Pico. Sur ses flancs
luxuriants, des bribes
de laurisylve, la forêt
endémique de
l’archipel des Açores.
blanc au goût fruité, légèrement salé,
valent au vignoble de Pico une inscription
au Patrimoine mondial de l’Unesco.
Au XIXe siècle, Pico s’est littéralement
dépeuplée. La moitié de ses habitants a été
contrainte d’émigrer en Amérique du Nord
ou au Canada faute de travail. Avant la ré-
volution des Œillets, en 1974, les enfants al-
laient encore pieds nus à l’école. En face,
sur l’île de Faial, l’explosion sous-marine
du volcan Capelinhos, à la fin des années
1950, a déraciné 15’000 personnes. Une
partie s’est installée dans les États du
Rhode Island et du Massachusetts. Mé-
lange de Portugais, de Flamands et de Bre-
tons, le peuple açoréen est un pur produit
européen, mais son regard est depuis tou-
jours tourné vers l’ouest.
Au milieu de fougères
arborescentes, des
baignoires remplies
d’eau chaude sulfurée
invitent à se délasser
dans un halo de vapeur.
Autonomes depuis la fin des années
1970, les Açores jouissent d’une grande in-
dépendance administrative, économique
et financière. L’archipel est gouverné de-
puis Ponta Delgada, la capitale de São Mi-
guel. L’Assemblée législative siège à Faial et
la Cour suprême à Angra do Heroísmo, le
grand port de Terceira. Ce partage égal des
pouvoirs cache une rivalité séculaire entre
les îles. À la fin du XVIe siècle, alors que le
Portugal et les Açores sont sous domina-
tion espagnole, Terceira est la seule à résis-
ter: lors d’une bataille célèbre, des bovins
furent lancés victorieusement contre les
troupes ennemies. Devenus le symbole de
l’île, les taureaux sont les héros de courses
annuelles déplaçant les foules. Capitale de
l’archipel entre le XVIIIe et le XIXe siècle,
Angra est une ville élégante aux ruelles
bordées de bâtisses coloniales, dont le pa-
lais des Capitaines généraux. Ce magni-
fique édifice aux lignes géométriques, orné
d’un dragonnier séculaire au milieu de sa
cour, fut d’abord un collège jésuite avant
d’accueillir les souverains portugais. Ses
plafonds en cèdre, son mobilier et ses tapis
précieux attestent de sa fonction royale. Le
palais servit de quartier général à la régence
en exil au Brésil pendant la guerre civile
portugaise au XIXe siècle. Tandis que le
reste de l’archipel, São Miguel en tête, avait
rallié le frère du régent partisan de l’absolu-
tisme, Terceira continuait de lutter pour les
idées libérales de l'empereur du Brésil, ga-
gnant ainsi son titre «do Heroísmo». Entiè-
rement reconstruite après un tremblement
de terre dévastateur en 1980, Angra est dé-
sormais une étape insulaire paisible pour
les voiliers traversant l’Atlantique. Mais
c’est un autre port, celui de Horta sur l’île
de Faial, qui exerce une attraction magné-
tique sur les marins du monde entier.
Un sanctuaire pour les baleines
«Seuls ceux qui ont vu les Açores depuis le
pont d’un navire ont conscience de la
beauté de ces îles au milieu de l’océan»,
écrit Joshua Slocum dans son célèbre «Sai-
ling Alone Around the World», récit du
premier tour du monde à la voile en soli-
taire. En juillet 1895, le navigateur cana-
dien fait étape à Horta avant d’atteindre
Gibraltar quelques semaines plus tard. À
l’époque, Horta est l’un des nombreux
centres baleiniers de l’archipel. Formés
par les chasseurs américains qui sillon-
naient les océans à la recherche de cacha-
lots, les Açoréens ont toujours utilisé des
techniques archaïques. Comme dans
«Moby Dick», ils s’embarquaient, harpon à
la main, sur des voiliers mesurant à peine
la moitié d’un mammifère adulte… Le
long des côtes de Horta et de Pico, des vi-
gies rappellent ces temps pas si lointains
où en entendant «Baleia a vista! » (baleine
en vue), les Açoréens interrompaient leur
tâche pour se précipiter vers leurs embar-
cations. Interdite dans les années 1980, la
chasse a rapidement été remplacée par
l’observation des cétacés, faisant des
Açores l’un des plus grands sanctuaires de
baleines au monde.
LE FIGARO MAGAZINE, 2022
Dormir, manger, à faire…
HÔTELS
Zenite Boutique Hotel & Spa,
sur Terceira, dans la ville clas-
sée d’Angra do Heroísmo, est
une toute nouvelle adresse
dont la décoration s’inspire
des grandes découvertes por-
tugaises. Spa et piscines. Dès
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60, Hotelzenite.com).
Santa Bárbara, au nord de São
Miguel. Surplombant une
plage de sable noir, un resort
dont la conscience environne-
mentale va de pair avec une
décoration élégante. Trente
villas en bois recyclé avec ter-
rasse et une ferme bio intégrée
qui fournit le restaurant d’in-
fluence nippone en produits
ultrafrais. Dès 170 fr. env.
(00 351 296 47 03 60,
Santabarbaraazores.com).
Lava Homes, sur l’île de Pico.
Disséminées à flanc de colline,
quatorze maisons en bois et
basalte, entourées de baies vi-
trées, et un restaurant offrant
une vue panoramique. Archi-
tecture contemporaine du-
rable (énergie solaire, eau recy-
clée…) et jolis détails d’artisa-
nat. Dès 170 fr. env. (00 351 292
24 12 00, Lavahomes.com).
RESTAURANTS
Le restaurant de l’Hotel Terra
Nostra, dans la petite ville
thermale de Furnas, au sud de
São Miguel, est une belle bras-
serie Art déco réputée pour son
cozido (sorte de pot-au-feu très
copieux cuit à la chaleur tellu-
rique). Le restaurant donne sur
un parc merveilleux de 12 hec-
tares où poussent toutes sortes
de plantes rares, dont 800 es-
pèces de camélias (296 54
90 90, Bensaudehotels.com).
La Quinta do Martelo, non loin
d’Angra, sur l’île de Terceira,
est une ferme joliment réamé-
nagée dans une ancienne plan-
tation d’orangers où l’on dé-
couvre le mode de vie ances-
tral local. Dans son restaurant,
on se régale de succulents
plats traditionnels (962 81
27 96, Quintadomartelo.net).
Le Cella Bar, à quelques enca-
blures de Madalena, le port
principal de l’île de Pico. Ne
pas manquer ce grand igloo en
bois posé au bord de l’eau, ac-
colé à une ancienne maison de
pêcheur. Du haut de la ter-
rasse, les couchers de soleil sur
Faial sont imprenables
(292 623 654 ; Cellabar.com).
À FAIRE
Observer les baleines. Au dé-
part de Ponta Delgada ou de
Lajes do Pico, l’agence Futu-
rismo organise des excursions
guidées par des biologistes
marins qui connaissent la mer
comme leur poche
(296 55 93 85, Futurismo.pt).
Corvo
A r c h ip e l de s Aço
Santa Cruz
Flores
Volcan
Capelinhos
Horta
Carte: I. Caudullo
Voyages 39
Ci-dessus, à g.: comme un
igloo de bois sur l’île de
Pico, le Cella Bar est idéal
pour se restaurer en
profitant de somptueux
couchers de soleil.
Ci-dessus, à dr.: les
cratères des lacs Azul et
Verde, baptisés ainsi
parce qu’ils reflètent le
ciel et la végétation, à
l’ouest de São Miguel.
À g.: la péninsule de
Capelo au relief dessiné
par les éruptions
volcaniques, sur l’île de
Faial.
Ci-contre: face au port
d’Angra, la façade bleue
de l’église de la
Miséricorde.
Escalader le Pico de nuit pour
admirer le lever de soleil au-
dessus des nuages. La Maison
de la montagne enregistre les
départs et fournit à chacun un
GPS. Réservé aux marcheurs
chevronnés (Parquesnaturais.
azores.gov.pt).
Comprendre les volcans. Au
sud de Faial, la péninsule de
Capelo n’est apparue que ré-
cemment avec la dernière
grande éruption des Açores, en
1958. Au cœur de ce paysage
lunaire, le Centre d’interpréta-
tion du volcan, étrange bâti-
ment circulaire en béton, pro-
pose un parcours interactif
passionnant (292 20 04 70).
Mémo pratique
Meilleure période: de juin à
octobre, mois où les précipita-
tions sont les moins fré-
quentes.
Décalage horaire: moins
2 heures.
Monnaie: l’euro, les Açores
étant rattachées au Portugal.
re s
Graciosa
São Jorge Terceira
Faial
Angra do
Pico Heroísmo
Ponta da São Miguel
Mont Pico Ferraria
2351 m
Ponta
Delgada
Océan
Santa Maria
Atlantique
Vila do Porto
100 km
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Le Matin Dimanche Dimanche 14 mai 2023
T. Grabherr. B. Guay/AFP. Shutterstocck

Série «Bardot» ou la naissance

d’une légende 44
Jardin
Cinéma Maïwenn ouvree Le camassia
Cannes dans la peau de se fait une place

Cultura
Jeanne du Barry 46-47 à l’ombre 51

Etienne Daho
au volant d’une

«Je n’avais
mythique Citroën DS.
«La voiture est le
meilleur endroit
pour découvrir
un disque»,

encore jamais
assure-t-il. Pierre-Ange
Carlotti

osé dire je t’aime

en 40 ans»
MUSIQUE Etienne Daho sort son 13e album, «Tirer
la nuit sur les étoiles». Douze chansons dont un duo
avec Vanessa Paradis. Sublimes, forcément.
ALEXANDRE LANZ
cultura@tamedia.ch
Quatre décennies qu’Etienne Daho en-
voûte son public de ses chansons sen-
suelles. Une œuvre unique sur la scène
francophone, magistrale. À décrocher la
lune. La sortie d’un nouveau disque est
toujours un événement. Fraîchement dé-
barqué dans les bacs, «Tirer la nuit sur les
étoiles», qui compte douze superbes
pistes, n’y déroge pas. Nous avons passé un
coup de fil à l’artiste quelques jours avant la
sortie, où il nous a parlé depuis la belle ville
de Saint-Malo par un soir de pleine lune.
Etienne, je viens d’écouter «Tirer la nuit
sur les étoiles» en voiture, c’est sublime.
Oh, merci, c’est gentil! La voiture
est le meilleur endroit pour découvrir
un disque.
Comment est née l’idée du disque?
Tout a commencé par une collaboration
avec les deux musiciens formant le duo
italien Italoconnection.
Pour une chanson intitulée «Virus X».
Je les ai rencontrés dans les loges après le
concert de reformation des Marquis de
Sade, à Rennes. Ils m’ont dit qu’ils ai-
maient ma musique et venaient voir mes
concerts en France. Ensuite, ils m’ont en-
voyé plusieurs musiques. Ça a été le dé-
but de l’envie de faire cet album. Je sor-
tais à peine de l’album «Oh! Pardon tu
dormais…», de Jane Birkin, et je suis en-
tré de plain-pied dans le disque grâce à ce
titre, «Virus X». Faire un album, c’est un
bouillonnement. C’est deux ou trois ans
de votre vie, de ce qui vous a traversé, des
rencontres que vous avez faites, d’un
livre que vous avez lu, d’un film que vous
avez vu, d’un paysage. Une chanson,
c’est l’art de la transformation de tout ce
qui vous a touché.
On sent, en écoutant les douze titres
de l’album, comme une envie de renaître
et de s’envoler à nouveau. Est-ce le cas?
Je l’ai à chaque fois, mais c’est vrai qu’il
y a une dimension supplémentaire
cette fois-ci. Je ne sais pas pourquoi, ➜

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42 Cultura
➜ je ne sais pas à quoi c’est dû, mais je
suis dans une forme de légèreté
communicative (rires).
Vos disques sont souvent liés à une ville.
Si «Tirer la nuit sur les étoiles» en était
une, laquelle serait-ce?
Ce serait Saint-Malo. Comme par hasard,
j’y suis aujourd’hui. C’est une ville que je
connais depuis mon enfance, j’y suis ve-
nu beaucoup en vacances, j’y ai beau-
coup fait la fête. J’ai toujours besoin d’un
lieu particulier où m’isoler pour écrire
mes textes, j’ai eu plein d’endroits
comme ça, Ibiza, Barcelone, Lisbonne,
Londres, New York, Paris aussi. J’avais
besoin de revenir à Saint-Malo. En plus
de ça, mes amis Jade Vincent et Keefus
Ciancia, du groupe Unloved, ont quitté
Los Angeles et sont venus s’y installer. Ce
sont des gens que j’adore musicalement.
J’ai commencé à travailler avec eux sur
l’album précédent, «Blitz». Être réunis à
Saint-Malo nous a permis de travailler
ensemble sur trois titres, «Boyfriend»,
«Comme deux aimants» et «I’ve Been
Thinking About You», le duo avec Jade
Vincent, qui contribue aussi à la produc-
tion, aux chœurs et à presque tous les
claviers de l’album.
Si «Blitz» était hanté par la présence
de Syd Barrett, cofondateur de Pink Floyd
décédé en 2006, qui habite «Tirer la nuit
sur les étoiles»?
(Rire) Je ne peux pas en parler…
C’est un secret?
… Oui, mais un joli secret (rire).
Il s’agit là de votre 13e album studio.
Est-ce que le trac est toujours le même?
Oui, c’est le 13e et je ne suis pas du tout su-
perstitieux. Je suis plutôt impatient, j’ai
envie que ça sorte. Le disque est fini de-
puis le mois de novembre, c’est très long
jusqu’à sa sortie. J’en profite encore un
peu pendant quelques secondes, car bien-
tôt il va partir dans la nature et faire sa vie.
C’est un moment assez émouvant. Quant
au trac, je l’ai quand je monte sur scène
parce que j’anticipe le fait de faire plaisir
aux gens venus me voir. Je trouve que
c’est une bonne énergie, ce n’est pas du
tout un truc paralysant, ça veut dire que ce
que l’on fait a une valeur.
En quatre décennies de chansons, Etienne Daho, 67 ans, a bâti une œuvre musicale unique. Universal Music Group / Jérôme Marroc-Latour
Vous mettez beaucoup de choses
dans vos textes. Connaissez-vous
l’angoisse de la page blanche?
Tout le temps, entre chaque album depuis
le début, je pense que je ne sais plus écrire.
Je ne sais plus comment on fait. Puis, une
fois qu’une chanson est finie, on se dit
«C’est incroyable, c’est un petit miracle!»
Alors quand on fait un album, c’est un
grand miracle.
C’est comme une amnésie
entre deux disques.
Une amnésie totale. J’ai très peu de souve-
nirs de chansons réussies et finies. Je ne
me revois en train d’écrire que quand c’est
besogneux, quand il s’agit d’une chanson
ratée qui finit à la poubelle.
«Faire un album, c’est
un bouillonnement.
C’est deux ou trois ans
de votre vie, de ce qui vous
a traversé.»
Si vous deviez choisir une couleur pour
définir le disque, laquelle serait-elle?
Il serait or. La couleur des étoiles, des pail-
lettes, de ce qui scintille, de ce qui est pré-
cieux. Voilà. C’est une connerie ce que je
dis, mais c’est ce qui me vient à l’esprit.
C’est important en ce moment dans votre
vie, la fête, les paillettes et les étoiles?
C’est un album qui parle de ce qui brille. Et
ce qui brille, c’est le plaisir, c’est festif, ça
fait du bien. J’ai envie que ce disque
amène ce genre d’émotion, même si
toutes les chansons ne sont pas complète-
ment joyeuses, mais tout ce qui traverse
ce disque a une énergie de conquête et
c’est important.
Vous avez des liens très forts avec
de nombreuses chanteuses. Le disque
contient deux duos, un avec Vanessa
Paradis, l’autre avec Jade Vincent.
Pourquoi elles?
Jade, j’ai déjà chanté avec elle. On a fait
une chanson que j’adore, «Reminisce»,
et on a chanté en duo sur «The Deep
End» sur l’album «Blitz». Je fais les
chœurs et je chante aussi sur les deux
derniers albums de son groupe. C’est
vraiment une collaboration. On se ren-
voie la balle en permanence. Elle compte
beaucoup pour moi, Jade.
Et Vanessa?
Vanessa, je la connais depuis ses débuts,
j’ai beaucoup d’affection et d’admiration
pour elle. Et j’aime sa voix. Nos voix se
marient très bien, se mélangent parfaite-
ment. Sa voix dans les hauteurs et ma voix
grave créent une espèce d’harmonie so-
nore. Et puis on s’aime beaucoup, c’était le
moment de le faire. Quand je lui ai posé la
question, elle m’a répondu oui sans même
écouter la chanson. Elle est comme ça, elle
est merveilleuse.
Vos voix, c’est un peu «le mariage
d’une étoile et d’un lion», en clin d’œil
à la chanson de Vanessa Paradis.
(Il rit.) Oh là, quel compliment!
Ce duo avec elle, «Tirer la nuit sur
les étoiles», est une très belle façon
d’entamer l’album. Les ouvertures
sont toujours très importantes
sur vos disques.
C’est beau d’ouvrir ce disque main dans la
main. On a tourné le clip il y a une dizaine
de jours, il est très beau, très scintillant.
Avec Jade Vincent, vous chantez en
anglais «I’ve Been Thinking About You».
Qu’est-ce que ça change pour vous
de ne pas chanter en français?
Quand on chante ses propres textes, on a
l’impression d’être à poil. C’est beaucoup
plus facile de chanter en anglais des textes
qui ne sont pas les vôtres. Ça permet un
plus grand abandon. J’avais fait un album
de reprises, «Surf», que ma maison de
disques avait refusé dans les années 2000.
J’ai été très frustré de cet abandon. J’avais
envie de lui rendre hommage. Il est sorti
pour le Disquaire Day en 2020. Le fait de
chanter en anglais, même si j’ai un accent
français – ce que les Anglais aiment bien
d’ailleurs – permet d’être moins pudique.
Dans «30 décembre», vous parlez
de la pleine lune. Que représente-t-elle
pour vous?
D’ailleurs, c’est la pleine lune aujour-
d’hui… Elle influence beaucoup les ma-
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
rées. Ici à Saint-Malo, c’est très impres-
sionnant, avec des vagues de 3 à 4 mètres
de haut. La pleine lune ne fait pas bouger
que les vagues, elle fait beaucoup bouger
les émotions. Quand je dors mal, je sais
«Une fois que c’est en raison de la pleine lune. Elle
qu’une influe sur des tas de choses. Par exemple,
chanson est aux Urgences dans les hôpitaux, ils savent
que beaucoup plus de gens vont arriver
finie, on se dans des états pas possibles quand la lune
dit «C’est est pleine. Je sens son impact et je connais
incroyable, pas mal de gens qui y sont très sensibles.
c’est un petit
«Roman inachevé» commence par «Où
miracle!» sont nos «je t’aime?». C’est la première
Alors quand fois que je vous entends dire «Je t’aime»
on fait un dans une chanson.
C’est exact et vous êtes la première per-
album, c’est sonne qui me le dit. Je n’avais jamais osé
un grand dire «Je t’aime» en quarante ans. Et en fait,
miracle.» je ne dis pas «Je t’aime», je dis «Où sont
nos «je t’aime?» J’ai encore cette pudeur.
Quand je dis «Je t’aime», j’ai l’impression
que la terre va s’entrouvrir.
C’est vertigineux?
Oui, ça fait peur (rires).
Existe-t-il un moment où l’on est prêt
à aimer sans peur?
Oui, ça dépend de la personne en face de
vous, c’est tout. Abandon ou pas abandon,
peur ou pas peur, on est comme des petits
animaux, on sent les choses. Souvent, la
peur est un excitant qu’on peut confondre
avec l’intensité. Je dis ça, je ne suis pas du
tout un spécialiste, je ne fais que des
conneries (rires)!
L’album s’achève sur ce titre magnifique,
«Roman inachevé». Les romans
inachevés sont-ils les plus beaux?
Quand ils sont inachevés, ils repartent
comme en 40. C’est un peu le cas sur ce
disque.
Diriez-vous que vos disques sont
comparables à des romans inachevés?
Ils sont comme les chapitres d’un grand
roman. Si on en enlevait un, on ne com-
prendrait plus rien. Il y a une logique. C’est
ÀÉÉCOUTER pour cette raison que je suis content que
«Tirer la nuit «Surf» soit ressorti, ce n’est pas juste un
sur les étoiles», projet annexe, de même que «Le
Etienne Daho condamné à mort» (ndlr: album où il a
(Barclay). chanté avec Jeanne Moreau des textes de
Jean Genet). Même mes disques live ne
sont pas anodins pour moi. Ils marquent
des moments importants de transition
entre deux albums. C’est un grand roman
qui s’écrit perpétuellement.
«Mes disques sont
comme les chapitres
d’un grand roman.
Si on en enlevait un, on
ne comprendrait plus rien.»
Avez-vous conscience d’être considéré
comme le gardien du temple
de la chanson pop française?
Je ne m’en rends pas compte du tout. C’est
peut-être mieux ainsi. Ça permet de rester
dans une certaine fraîcheur, de ne pas
crouler sous ce poids. J’ai la simple ambi-
tion de faire des bons disques. Le reste, je
préfère m’en tenir à distance.
Une dernière question pour vous,
Etienne. On vous a vu récemment
en compagnie du cinéaste américain
John Waters, considéré comme le pape du
trash, sur Instagram. Qui est-il pour vous?
Je suis en train de finir son dernier roman,
«Sale menteuse». Vous l’avez lu?
Non, pas encore. Mais j’adore John Waters.
C’est vraiment du grand John Waters.
C’est comme un trip d’acide. Il m’a dit
justement qu’il en avait pris un récem-
ment, je me demande s’il n’a pas écrit le
livre pendant son trip (rires). Il est char-
mantissime, il est génialissime, il est tel-
lement intelligent. C’est un esprit libre,
très vivace. Il est brillant. Il est le pape
du trash, mais pour moi il a un esprit très
sain, parce qu’il tire à boulets rouges sur
tous les enfermements, tous les tiroirs,
tout ce qui enferme l’esprit humain et
nous rend ennuyeux. Lui, il défait tout
ça. Et il rit de tout en permanence. Ça
fait tellement de bien! La soirée que j’ai
passée avec lui était d’une drôlerie!
Il a un humour incroyable, vraiment.
Je ne me vois pas vivre dans un monde
sans lui.
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Cultura 43

Sergueï Rachmaninov
Le Tolkien du piano
LE PORTRAIT
On célèbre les 150 ans
de la naissance du
compositeur russe. Un
artiste enfin reconnu,
dont le souffle créatif
nourrit notre besoin
d’épique.
NICOLAS POINSOT
nicolas.poinsot
@lematindimanche.ch
«Votre musique offre-t-elle un
intérêt quelconque?» Voici la
claque verbale qu’envoyait le
vieux Léon Tolstoï au tout
jeune Sergueï Rachmaninov,
lors de leur rencontre en 1898.
L’écrivain avait sans le savoir
lancé la question que beaucoup
allaient se poser au cours du
siècle à venir en écoutant les
œuvres de ce grand échalas de
presque 2 mètres, dont la pu-
deur quasi aristocratique et la
stature un peu martiale
contrastaient avec les houles
émotionnelles qui l’habitaient.
«J’adule
Rachmaninov. On y
est baigné d’un climat
émotionnel intense, sincère,
on y est convoqué dans son
humanité. »
Lucas Debargue, pianiste
De la Russie à l’Amérique, en
passant par les grandes capi-
tales européennes, ses œuvres
ont en effet partagé durant des
décennies les critiques, parfois
décontenancés par cette mu-
sique à la fois terriblement sé-
duisante et d’apparence étran-
gement anachronique compa-
rée aux chemins ouverts par
Stravinsky, Debussy ou Bartók
à la même époque.
Une idole planétaire
Pourtant, pile 150 ans après la
naissance du compositeur et
80 ans après sa mort, la ré-
ponse à l’interrogation de Tols-
toï est on ne peut plus claire:
oui, Rachmaninov est un
géant, un génie, une idole pla-
nétaire même. Il suffit, en cette
année anniversaire, de regar-
der autour de soi. Des cen-
taines de concerts organisés
partout sur le globe jouant les
œuvres du compositeur. Des
festivals proposant des pro-
grammes spéciaux Rachmani-
nov et convoquant ses inter-
prètes superstars que sont Ni-
kolaï Lugansky, Daniil
Trifonov, Evgeny Kissin… Sans
parler des parutions discogra-
phiques, neuves ou rééditions.
Alors que les encyclopédies
de musique des années 30 ne
misaient pas un kopeck sur
l’éventuelle postérité de Rach-
maninov dans le domaine de la
composition, préférant d’abord
le caractériser comme une
sorte de bête de foire du clavier
favorisé par des mains gigan-
tesques, il est évident que le na-
tif de Saint-Pétersbourg a eu sa
revanche. Après avoir été pas
mal boudé par les interprètes
après sa mort en 1943, plusieurs
musiciens, dont Vladimir Ash-
kenazy, Earl Wild et Jean-Phi-
lippe Collard, ont relancé l’inté-
rêt pour ses fabuleuses pages
pour piano et ses œuvres or-
chestrales au tournant des an-
nées 60 et 70. On découvrait
ainsi un Rachmaninov fasci-
nant de lyrisme et de complexi-
té, doué en tout.
Mélodiste génial
Dès les années 1890, l’étudiant
pétersbourgeois, sorti médaillé
d’or du Conservatoire de Mos-
cou, avait en effet forgé un style
propre, un langage à la fois im-
prégné du lyrisme épique de
Tchaïkovski et de Chopin et
hautement personnel. Mélo-
diste de génie, il excelle dans la
richesse des chromatismes et
des textures, qu’elles soient pia-
nistiques, vocales ou orches-
trales. À ce titre, on a souvent
souligné l’influence des cloches
sur lui (bien avant Ravel), qui
seraient au cœur de son écriture
musicale, tout comme les
chants orthodoxes d’ailleurs.
Rachmaninov a évoqué les sou-
venirs merveilleux qu’il gardait,
enfant, des volées de cloches à
la cathédrale de Novgorod, chez
sa grand-mère adorée. Nombre
de ses partitions regorgent d’ef-
fets sonores atmosphériques au
rendu assez similaire, faits de
chatoiements de couleurs
tristes, d’échos lointains, de
grappes de notes bourdon-
nantes. Ces procédés traversent
toutes ses compositions, des
Moments Musicaux aux Varia-
tions sur un thème de Paganini.
«J’y trouve la description de
toutes les expériences hu-
maines», déclarait-il au sujet du
chant des carillons. Ces réso-
nances nostalgiques et cet im-
pact physique du son hantent
également ses fameux concer-
tos pour piano. Quatre parti-
tions parmi les plus iconiques
du compositeur, écrites entre
1890 et 1926, qui illustrent à
elles seules le fossé qui sépara
longtemps critiques et specta-
teurs. «J’adule Rachmaninov,
confie le pianiste français Lucas
Debargue, grand interprète
contemporain de ses œuvres.
On y est baigné d’un climat
émotionnel intense, sincère, on
y est convoqué dans son huma-
«Si sa musique peut
être perçue comme
vulgaire, préten-
tieuse ou sirupeuse, ce n’est
que de la faute de l’inter-
prète qui en fait trop!»
Nelson Goerner, concertiste et
professeur à la Haute École de musique
de Genève
Sergueï nité. Mais je comprends que
Rachmaninov cette musique facile d’accès,
(1873-1943) qui donne très vite de véri-
dans les tables coups de poing à l’audi-
années 1920. teur, puisse provoquer un rejet
Corbis/Getty Images chez ceux qui préfèrent une
distance pudique, un sas avant
d’entrer dans une œuvre.»
Romantique, passionné
dans ses compositions? Dans la
vie, Rachmaninov était pour-
tant tout sauf un baratineur
cherchant à racoler les foules.
Il chérit la sérénité un peu hors
du monde de sa datcha fami-
liale à Ivanovka, près de Mos-
cou, pour composer, puis celle
de la villa Senar, qu’il achètera
près de Lucerne.
En tant que chef d’orchestre
(il occupa plusieurs postes
prestigieux avant son départ
de Russie pour cause de Révo-
lution en 1917) et comme pia-
niste (son exil américain est es-
sentiellement rythmé par des
tournées de concerts en tant
que virtuose), on loue ses in-
terprétations sobres, allant à
l’essentiel, qui tendent à dé-
composer les œuvres en lignes
claires plus qu’à livrer un mag-
ma grandiloquent.
«Il faut écouter ses enregistre-
ments pour comprendre la no-
blesse et l’expressivité de son
jeu, sans aucun affect ni rubato
exagéré, indique Nelson Goer-
ner, concertiste international et
professeur à la Haute École de
musique de Genève. Ses
œuvres sont du même esprit en
réalité. Si sa musique peut au-
jourd’hui être perçue comme
vulgaire, prétentieuse ou siru-
peuse, ce n’est que de la faute
de l’interprète qui en fait trop!»
Un conteur d’histoire
Même mise au point à faire sur
son style d’écriture, qui fut par-
fois jugé techniquement limité,
passéiste, trop facile, à rebours
des compositeurs considérés
comme modernistes. En fait,
«son langage est beaucoup plus
audacieux qu’on le dit, il y a une
richesse et une complexité har-
monique fantastique, avec des
éléments presque impression-
nistes, ainsi qu’une grande fi-
nesse dans l’écriture qui le met
dans la même catégorie que
Mahler ou Fauré, dont le style
était pourtant mal compris
parce qu’il ne choisissait pas la
voie de l’atonalité», pointe Lu-
cas Debargue.
«Il fait sonner le piano de fa-
çon unique, c’est un composi-
teur très original, au contraire
des croyances, ajoute Nelson
Goerner. Et sa musique est phé-
noménalement bien écrite pour
cet instrument, seul un pianiste
de génie comme lui pouvait
écrire ces partitions.» Les résul-
tats étonnants d’une étude co-
réenne, publiée dans la revue
«EPJ Data Science», en 2020,
avançaient même que Rachma-
ninov faisait partie des compo-
siteurs ayant eu le plus d’in-
fluence dans la création artis-
tique ultérieure, avec Bach,
Chopin et Brahms.
Sa conception d’une œuvre
était en outre que chaque pièce
suive un arc narratif compre-
nant un climax, une apothéose
émotionnelle, comme un ro-
man. «Sa musique est de la fic-
tion par excellence, elle se
passe de mots pour raconter de
grands récits et il est l’un des
plus talentueux conteurs d’his-
toires qui soient, avance Lucas
Debargue. L’humain a toujours
eu une soif de narratifs extraor-
dinaires, d’épopées, cela ex-
plique le succès immense de
«Star Wars» ou du «Seigneur
des Anneaux». Nous en avons
peut-être été un peu coupés
avec cette parenthèse très
conceptuelle dans les arts au
cours du XXe siècle, et je crois
que ce compositeur nous y re-
connecte à nouveau.» Rachma-
ninov, prélude à Tolkien et à
George Lucas? Et pourquoi pas
finalement?
44 Cultura
ÉCRAN Une minisérie revient sur les débuts de cette éternelle indomptable. Et raconte, malgré quelques
maladresses, comment cette toute jeune femme, bousculant tout sur son passage, devint l’incarnation de la liberté.
Et Brigitte créa le mythe Bardot
SASKIA GALITCH
saskia.galitch@lematindimanche.ch
Raconter BB, il fallait oser. Car s’attaquer à
une telle icône, franchement… comment? Et
surtout, pourquoi? Pour Danièle Thompson
et son fils Christopher, qui ont coscénarisé et
coréalisé la minisérie «Bardot», diffusée sur
France 2 puis bientôt sur Netflix, les ré-
ponses sont assez simples: «Toute bonne sé-
rie repose sur un monde qui change et un roi
ou une reine au milieu. Bardot, c’était cela:
un personnage pivot au milieu d’une
époque», expliquait ainsi le fils dans «Télé-
rama». Tandis que dans «Le Point», sa mère
précisait: «Il y avait quelque chose de fasci-
nant à raconter la trajectoire de cette créa-
ture hors normes et les passions qu’elle a dé-
chaînées, notamment dans la presse. Pour
moi, BB représente une révolution, qui a été
inconsciente. Elle a été une féministe, sans
le vouloir, mais quelqu’un d’incorrect en le
voulant.» Elle ajoutait: «On voulait égale-
ment parler des carcans des années 50-60,
où l’on n’échappait pas aux jugements sur la
maternité et l’avortement par exemple,
même avec un destin aussi exceptionnel que
le sien.»
Les intentions sont belles. Évidemment.
Mais cette reconstitution des premières an-
nées de la carrière de l’actrice, de son adoles-
cence bourgeoise peu épanouissante jusqu’à
ses 26 ans, en 1960, tient-elle ses ambitions?
Cette relecture de l’histoire que Brigitte Bar-
dot a qualifié de «biopic à la con» tient-elle
ses promesses? Oui et non. Explications.
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7 AU 11 JUIN 2023
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Au grand dam des bien-pensants de la France d’alors, BB (Julia de Nunez) a enchaîné les idylles, comme ici avec Sacha Distel (Fabian Wolfrom). Caroline Dubois/Fr2
Réalisation impeccable, mais…
La réalisation, classique, est formellement
superbe. Même si le jeu n’est pas toujours à
la hauteur (certaines scènes ressemblent au
mieux à une lecture «vite fait» entre comé-
diens, au pire à des récitations de Noël de-
vant la classe), les décors, éclairages, clins
d’œil musicaux et costumes sont somp-
tueux. Quant à la ressemblance, tant phy-
sique que gestuelle, de Julia de Nunez, la
jeune première qui s’approprie «mimétique-
ment» BB, elle est aussi troublante
que bluffante.
«Il y avait quelque chose
de fascinant à raconter
la trajectoire de cette
créature hors normes et les
passions qu’elle a déchaînées,
notamment dans la presse.»
Danièle Thompson, coréalisatrice de
«Bardot», dans «Le Point»
Toutefois, malgré un scénario au cordeau,
des répliques flamboyantes ou des scènes
fortes, dont l’inoubliable mambo de «Et
Dieu... créa la femme» ou les confrontations
avec Henri-Georges Clouzot lors du tournage
de «La vérité», en 1960, le tout manque d’in-
carnation. De cœur. De profondeur. Et de…
vérité. Si bien qu’on peine souvent à vibrer, à
«souffrir» avec une Bardot montrée essen-
tiellement soumise à ses propres désirs,
égoïste voire cruelle, même, passant d’un
amour à l’autre, pleurant, criant, riant, dan-
sant, tournant ou se révoltant sans jamais se
livrer véritablement.
Portrait d’une époque
pas si révolue
Parler des débuts de Bardot, c’est inévitable-
ment se plonger dans l’histoire: de Gaulle, la
Guerre d’Algérie que BB dit haïr, Mitterrand
ministre de l’Intérieur dans le gouvernement
Pierre Mendès France en 1954… C’est aussi
retourner à une époque coincée dans des
carcans patriarcaux et pétrie de moralité, où
la femme n’a que le droit de se taire et d’obéir
à son mari – comme le rappelle le maire de
Louveciennes lors des noces de Brigitte et
Jacques Charrier en juin 1959.
Et c’est encore assister à l’explosion de la
bombe Brigitte Bardot. Propulsée superstar
internationale sans le vouloir avec «Et
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
Dieu... créa la femme» en 1956, elle est en ef-
fet constamment harcelée par la presse et les
photographes, ne peut faire un pas sans se
retrouver sur toutes les unes des magazines.
Un supplice «insupportable» et «une pri-
son», constate-t-elle, mais qui ne l’empêche
toutefois pas de vivre sa vie et sa sexualité
comme elle veut, avec qui elle veut: Roger
Vadim (épousé à 18 ans et dont elle divorce à
21), Jean-Louis Trintignant, Gilbert Bécaud,
Sacha Distel, Jacques Charrier, Sami Frey…
Autant dire que là aussi, sans le chercher
véritablement, elle fait souffler un vent de
révolte sur ces années sclérosées. Incarna-
tion du Mal aux yeux des «bien-pensants»,
elle devient parallèlement une icône de li-
berté absolue pour toutes celles qui ne
rêvent que de pouvoir faire comme elle: être.
Tout simplement. Ou pas si simplement,
d’ailleurs, puisque Brigitte Bardot déclara au
«Monde», en 2018: «J’ai pris sur moi pour
m’imposer. Je préférais dominer qu’être do-
minée. Mais ce fut l’enfer.»
À regarder certaines scènes de «Bardot»,
comme l’agression violente dont elle est vic-
time dans un ascenseur, les commentaires
hypersexistes ou agressifs qu’elle se mange
régulièrement ou encore l’insoutenable
culpabilité qu’on lui fait peser lorsqu’elle veut
avorter, impossible de ne pas la croire. Et de
faire un (triste) parallèle avec aujourd’hui.
Parce que si les mœurs se sont quelque peu li-
bérées, le combat n’est toujours pas achevé,
la guerre pour l’égalité pas terminée.
Des thématiques fortes
L’une des forces de «Bardot» est d’aborder
des thématiques universelles et intempo-
relles: l’amour, la fidélité, le désir, l’égalité
des sexes, le pouvoir (parfois malfaisant) des
médias, la jalousie, la pression sociale, le
consentement. Ou encore la maternité – très
mal vécue par Brigitte Bardot: qu’est-ce
qu’être une mère? L’est-on instinctivement?
Surtout quand on a soi-même été mal aimée
petite fille? Comment faire accepter qu’on ne
veut pas enfanter? Des questions soulevées
par une série se déroulant dans les années
50-60 mais encore non résolues en 2023.
À VOIR
«Bardot»,
« minisérie
en
e 6 épisodes, le lundi soir
sur
s France 2.
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
BD Dans «Berne, nid
d’espions», Eric Burnand et
Matthieu Berthod évoquent
un dossier méconnu qui a
entaché l’histoire suisse.
Passionnant.
JEAN-PHILIPPE BERNARD
jean-philippe.bernard@lematindimanche.ch
Mars touche à sa fin. Mais l’hiver, en cette
année 1957, fait de la résistance. Un
homme marche dans les rues de Berne,
capitale engourdie. Ce passant accablé,
qui ne paie pas de mine, se nomme René
Dubois. Il est depuis deux ans le procureur
général et le chef du contre-espionnage
suisse. Pour l’heure, ces fonctions presti-
gieuses ne sont que deux boulets qu’il
traîne péniblement derrière lui. «Quel con
j’ai été», marmonne-t-il en regagnant le
bureau installé dans le grenier de son do-
micile. Là, il se sert un verre d’alcool puis
se désole: «Toutes mes ambitions, tous
mes efforts réduits à néant!» Dans le si-
lence de la pièce, plombé le remords, la
colère et l’incompréhension, ce fils d’un
horloger neuchâtelois rembobine le film
des vingt-quatre derniers mois avant de
mettre fin à ses jours…
«Dubois
était
socialiste,
et des socialistes,
on n’en trouvait
pas à l’époque
parmi les hauts fonction-
naires. L’armée le détestait
pour cela aussi.»
Eric Burnand, historien et journaliste
«Berne, nid d’espions», le roman gra-
phique imaginé par Eric Burnand, journa-
liste, producteur, historien romand, et par
le dessinateur valaisan Matthieu Berthod
démarre tel le meilleur thriller d’espion-
nage. Sauf qu’il ne s’agit pas d’une fiction
mais de «l’affaire Dubois», un événement
dramatique et méconnu de l’histoire
suisse du XXe siècle, impliquant un haut
fonctionnaire fédéral accusé d’avoir
confié des informations «chaudes» à des
services secrets étrangers.
«J’ai eu connaissance de cette affaire il y
a fort longtemps, explique Eric Burnand.
À l’époque, au milieu des années 80, je
travaillais à «L’Hebdo» et nous avions dé-
cidé de publier un dossier sur les accords
d’Évian de 1962, les négociations entre les
représentants du gouvernement français
et ceux du gouvernement provisoire algé-
rien. En effectuant les recherches, j’ai dé-
couvert l’affaire Dubois et le suicide de ce
dernier. Un événement indirectement lié à
la crise algérienne qui avait causé un
énorme scandale en 1957 avant d’être soi-
gneusement enterré. Je n’en ai pas cru
mes yeux tant son déroulement s’appa-
rentait à celui d’un polar d’espionnage…»
Ouverture des archives fédérales
Pourquoi alors ne pas raconter immédia-
tement cette histoire? «Il a fallu attendre la
fin du XXe siècle pour que les archives fé-
dérales s’ouvrent. À ce moment-là, j’ai pris
connaissance d’une thèse universitaire
qui évoquait cette affaire, notamment par
le biais du journal intime du conseiller fé-
déral Markus Feldmann. Mais là encore,
pas grand monde ne s’est intéressé à cette
histoire. Encore plus tard, j’ai eu accès à de
nouvelles sources me permettant un tra-
vail de vulgarisation afin de raconter ces
événements à la manière d’un polar…»
De fait, l’irrémédiable descente aux enfers
de Dubois s’avère aussi passionnante qu’un
bouquin de John le Carré. On doit cette
réussite à la synergie passionnée que l’on
devine entre Burnand et Matthieu Berthod.
«Le scénario original d’Eric était très détail-
lé, explique le second. Trop, peut-être…
Nous sommes donc entrés dans un proces-
sus de réécriture à quatre mains. Nous
avons taillé dans certains dialogues car il
n’est pas aisé de caser de longues tirades
dans un phylactère… Notre souci était de
contextualiser, d’éviter d’en rajouter.»
«Berne, nid d’espions» se distingue du
tout-venant par la densité du récit, l’abon-
Servie par le trait très cinématographique de Matthieu Berthod, l’histoire qu’a déterrée et vulgarisée
Eric Burnand est aussi tragique que haletante. Editions Antipodes
L’affaire Dubois,
un scandale
dans la Berne
des années 50
Maurice Bavaud, Paul Grüninger, autres victimes de la Suisse officielle
La neutralité suisse malmenée par
les turbulences de l’histoire a fait
d’autres victimes que René Dubois.
Des hommes dont on reconnaît la
sincérité ou le courage à titre pos-
thume ont payé de leur vie la lâcheté
des autorités. Citons les plus cé-
lèbres (et les plus tragiques): Mau-
rice Bavaud, né à Neuchâtel, en 1916.
En 1938, il décide d’abattre Hitler.
Arrêté, torturé, il est condamné pu-
bliquement par l’ambassadeur
suisse à Berlin, Hans Frölicher, et
abandonné par la Suisse qui n’ac-
cepte pas de l’échanger contre un
prisonnier allemand. Condamné à
mort par la justice allemande, il est
décapité en 1941. La réhabilitation
de Maurice Bavaud prendra des an-
nées et, en 2008, les autorités
suisses admettent qu’elles n’ont rien
fait pour sauver Bavaud. L’écrivain
Niklaus Meienberg a raconté son his-
toire dans un livre «Maurice Bavaud
a voulu tuer Hitler», (1980) et un do-
cumentaire rend hommage au Neu-
châtelois, réalisé par Villi Hermann.
Cultura 45
dance d’informations rigoureusement véri-
fiées et la beauté des dessins qui renvoient
directement à l’ambiance des films noirs des
années 40 et 50. S’il accepte la référence,
Berthod précise: «Je n’ai pas la prétention de
me considérer comme un cinéphile très
pointu. Ici, je me suis plus inspiré de mes
lectures. Les romans de Simenon et plus en-
core ceux d’Eric Ambler, un auteur britan-
nique moins connu qu’un Le Carré mais
dont j’apprécie particulièrement les récits
de types embarqués dans des histoires qui
les dépassent. Des types comme Dubois…»
«Notre
souci était
de contex-
tualiser, d’éviter
d’en rajouter.»
Matthieu Berthod, dessinateur
Dubois, héros tragique d’une intrigue
ombrageuse dont le malheur, selon Bur-
nand, aura été d’avoir eu deux casquettes:
«Il était à la fois le garant de la loi en tant
que procureur général et sur la ligne de
crête en tant que chef du service de contre-
espionnage. Sa main droite devait donc un
peu ignorer ce que faisait sa main gauche.
Un tel poste devait être difficile à assumer,
surtout dans une période de crise, marquée
par de multiples tensions, l’invasion de la
Hongrie par les troupes soviétiques, l’af-
faire du canal de Suez, la révolution algé-
rienne… Juriste, Dubois n’était pourtant
pas issu du milieu politique classique. De
plus, il était socialiste, et des socialistes, on
n’en trouvait pas à l’époque parmi les hauts
fonctionnaires. L’armée le détestait pour
cela aussi. Tout ça n’a fait qu’envenimer
une guerre des services qui lui a été fatale.
Il a fait son job en transmettant des infor-
mations, notamment aux Français. Ça se
faisait et ça se fait toujours, mais il ne faut
pas que ça se sache. Dubois n’avait rien
d’un super-espion. C’était plutôt un naïf
empêtré dans la jungle des services secrets
avant de servir de fusible.»
Le cauchemar éveillé de René Dubois
dans lequel on croise un barbouze pitto-
resque et dangereux, un flic suisse
œuvrant comme agent double ou triple,
une attachée d’ambassade charismatique
aux intentions forcément mystérieuses
est typique d’une époque révolue. Qui ré-
sonne néanmoins avec la période actuelle.
«J’ai commencé à faire des recherches
vers 2017-2018 pour cette BD, reprend Eric
Burnand, mais je n’imaginais pas qu’elle
sortirait alors que la question de la neutra-
lité de la Suisse se pose, une fois encore,
avec autant d’acuité. Même si la situation
est différente, tous les ingrédients sont là:
les peurs, les tensions internationales. Et,
en période de crises de cette envergure, la
neutralité rencontre toujours des difficul-
tés pour trouver sa place.»
À LIRE
«Berne,
« nid d’espions»,
Eric
E Burnand et
Matthieu
M Berthod,
Antipodes,
A 186 p.
Le réalisateur Laurent Nègre vient canton de Saint-Gall, c’est un foot-
de sortir un film qui revient sur le balleur et commandant de la police
parcours de l’ambassadeur pronazi cantonale qui est démis de ses fonc-
Hans Frölicher, «A Forgotten Man» tions pour avoir aidé des milliers de
(2023). Juifs à entrer dans le pays. Paul Grü-
À l’autre bout de la Suisse, dans le ninger est condamné en 1940 par le
Tribunal de district de Saint-Gall.
Sans travail, ayant perdu son loge-
Dans «Paul ment, privé de retraite, il gagne sa
Grüninger le juste», vie en allant de porte en porte, ven-
réalisé par Alain dant du bois, de la nourriture pour
Gsponer, c’est les porcs ou des tapis. Il meurt dans
Stefan Kurt qui la misère et l’indifférence. Ce n’est
tient le rôle du qu’en 1995 qu’il est réhabilité. Le ré-
commandant de alisateur suisse Richard Dindo ra-
police. Daniel Ammann conte son histoire dans un docu-
mentaire «Grüningers Fall» (1997).
Sur Arte, on peut suivre sa trajec-
toire dans le film «Paul Grüninger le
juste», réalisé par Alain Gsponer
(2014). GÉRALDINE SAVARY
46 Cultura Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023

CANNES La réalisatrice
française Maïwenn aura
les honneurs de l’ouverture
du Festival mardi soir avec
«Jeanne du Barry», film
d’époque tourné à Versailles,
qui retrace l’ascension et la
chute de la favorite du roi
Louis XV.

«Sans peur,
MARINE GUILLAIN

C’est l’un des films les plus attendus de ce

printemps: «Jeanne du Barry» signe le
grand retour de la superstar américaine
Johnny Depp depuis ses procès contre

je n’arrive
Amber Heard. Bien qu’il se déroule dans
une société à des années-lumière de la
nôtre, ce premier film historique de
Maïwenn prend des airs autobiogra-
phiques. En effet, celle qui vient d’une
classe modeste (Jeanne, elle, était une fille

pas à faire
du peuple avant d’entrer à la cour du roi) a
longtemps souffert d’un complexe d’illé-
gitimité. En couple avec Luc Besson
lorsqu’elle avait 15 ans et lui 32, Maïwenn a
très mal vécu les regards malveillants et
les critiques sur leur relation, se trouvant

des films»
ainsi de nombreux points communs avec
Jeanne. Lors d’un déjeuner presse au
cœur du château de Versailles (lire enca-
dré), Maïwenn s’est confiée à nous avec
spontanéité, sans langue de bois, parlant
de la peur, de la confiance en soi… et du
«cas» Johnny Depp.

Comment abordez-vous cette première

en ouverture du Festival de Cannes?
Je suis très excitée de connaître un nou-
veau chapitre cannois, qui ne ressemblera
ni à «Polisse» ni à «Mon roi». Je suis hors
compétition, le film sort en même temps,
c’est idéal pour pouvoir tourner la page
ensuite.

Vous avez donc besoin de tourner la page?

Oui! J’ai commencé à travailler sur le film
en 2016 mais la première fois que j’y ai
pensé, c’était en 2006. Trouver le finance-
ment pour un tel film, ce n’est pas facile.
Mais j’avais surtout besoin d’enrichir mon
expérience pour me sentir légitime. En-
suite, «ADN» (ndlr: qu’elle a réalisé en
2020) m’a stoppée dans mon élan. Puis le
désir est revenu.
Vous parlez de légitimité… pourquoi?
Parce qu’un métier comme celui-ci de-
mande une certaine culture, ça nourrit la
confiance en soi et, en ayant quitté l’école
très jeune, je ressentais cette illégitimité.
L’histoire de Jeanne est l’histoire de beau-
coup de ces transfuges. Je n’aurais pas pu
faire le film durant mes premières années
de réalisation. Ensuite, je ne suis pas arri-
vée sur le tournage de «Jeanne du Barry»
en disant: «Youhou, ça y est, j’ai
confiance!» J’avais très peur, un trac
énorme. Je ne voulais pas tomber dans des
pièges, avec des dialogues trop poussié-
reux. Je souhaitais trouver mon identité,
mettre les rapports humains au premier
plan, et je ne voulais pas que les décors et
l’époque écrasent ces volontés-là.
«Comme Jeanne,
j’ai eu l’impression
de trahir ma classe
sociale, je me suis sentie
démunie, puis sauvée,
grâce à la curiosité
et à la culture.»
Est-ce que ça allait de soi que vous alliez
jouer Jeanne?
Oui, je n’ai pas hésité longtemps avant de
me donner le rôle! J’ai découvert Jeanne
dans le film «Marie-Antoinette», de Sofia
Coppola, elle était jouée par Asia Argento.
J’ai tout de suite eu envie d’en savoir plus
sur elle, je me suis sentie connectée à elle…
Connectée en quoi?
Comme elle, j’ai eu l’impression de trahir
ma classe sociale, je me suis sentie dému-
nie, puis sauvée, grâce à la curiosité et à la
culture. Moi aussi, parfois, je suis peut-
être vénale, j’ai peur de la pauvreté.
Quand on vient d’un milieu pauvre et
qu’on accède à un milieu avec autant
d’opulence et de paillettes, on ne peut pas
s’empêcher de se dire: «Je suis quand
même une fille qui vient de rien.»
Écoutez-vous les avis et les conseils
sur votre travail?
Oui, évidemment. Je suis habitée par le
doute la plupart du temps, même si j’ai des
désirs affirmés. Parfois j’entends même des
voix sur le tournage. (Elle met ses mains en
forme de mégaphone et crie avec une autre
voix: «Non mais tu t’es vue, tu es ridicule!
Tu t’entends parler? Arrête de te prendre au
sérieux!») Et plus je fais des films, plus ils
marchent, plus j’ai de doutes. Je ne com-
prends pas, ça devrait être l’inverse!
En tournant à Versailles, avez-vous eu
peur d’être écrasée par le lieu?
J’avais peur tous les jours! Mais sans peur,
je n’arrive pas à faire des films. J’ai besoin
d’avoir peur, d’être impressionnée par les
Le roi Louis XV acteurs, de les admirer, ça peut aller jusqu’à
(Johnny Depp) a fait l’obsession. Il faut que ce soit dans les excès
de la comtesse du pour que ça me donne envie de tourner.
Barry sa favorite.
Au grand dam Johnny Depp a-t-il apporté quelque chose
des membres de particulier au film?
de la cour. Stephanie Sa sensibilité. Le film lui ressemble, le rôle
Branchu / Frenetic Films lui ressemble. Quand il a accepté le rôle, je
ne me suis pas emballée, car j’étais sûre
qu’il allait changer d’avis. On s’était si bien
entendus et on avait tellement ri lorsque
l’on s’est rencontrés que j’ai pensé qu’il
avait accepté pour me faire plaisir, et qu’à
l’approche du tournage il me dirait:
«Écoute, tu es mignonne, tu es gentille,
mais j’ai des procès à vivre…»
Comment vivez-vous les polémiques
sur sa présence dans le film?
En suivant de loin les procès, j’ai vite com-
pris que c’était la parole de l’un contre la
parole de l’autre. C’est une histoire
d’amour qui a mal tourné, je n’ai pas eu
l’impression d’assister au procès de Can-
«Il y a eu
des désaccords
avec Johnny Depp,
mais on a de vraies affinités.
Il est lunaire, multiple,
il a ses humeurs et ses
envies, il peut être très
sympa et ensuite très dur,
mais il a toujours
ses raisons.»
tat. Si un acteur fait quelque chose de
grave, bien sûr qu’il faut se positionner.
Mais dans son cas à lui, ce ne serait pas
juste de jouer les procureurs.
Les rumeurs parlent de conflits
sur le tournage: était-il difficile à gérer?
Non, pas du tout. J’ai été confrontée à des
différences culturelles, oui, mais les dé-
saccords ne sont pas toujours contre-pro-
ductifs et ne signifient pas qu’on ne s’ap-
précie pas. Quand tout est lisse, c’est
chiant. Il y a eu des désaccords avec John-
ny, mais on a de vraies affinités. Il est lu-
naire, multiple, il a ses humeurs et ses en-
vies, il peut être très sympa et ensuite
très dur, mais il a toujours ses raisons. En
fait, gérer une grande star, c’est comme
gérer les acteurs non professionnels:
dans les deux cas ils s’en foutent de tour-
ner avec moi! Et un acteur qui n’en a rien
à foutre, il n’y a rien de mieux.
Le film a une dimension féministe…
Oui. Je n’ai pas filmé avec un regard de vic-
timisation sur les femmes. Jeanne est vic-
time, mais elle éprouve aussi de la joie à
faire son métier de courtisane, même si
elle est malheureuse de ne pas être adou-
bée par la cour.
Quelles résonances entre son histoire
et la société d’aujourd’hui?
Il y a toujours un problème de classe pour
les transfuges, on les ramène toujours là
d’où ils viennent. Pareil pour l’histoire
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Cultura 47

Cela fait depuis 2006 que

Maïwenn pense à son film.
Et c’est en 2016 qu’elle a
commencé à y travailler.
Trouver des financements
ne fut pas facile. Joel Saget/AFP
Les incontournables de la Croisette
Dix-neuf films sont en lice pour la Palme d’or
de la 76e édition du Festival de Cannes, qui se
tiendra du 16 au 27 mai. Parmi les nommés, un
nombre record de six réalisatrices: «Club Zero»,
de l’Autrichienne Jessica Hausner remarquée
en 2019 avec «Little Joe»; «La chimera», de
l’Italienne Alice Rohrwacher; «Les filles d’Olfa»
de la Tunisienne Kaouther Ben Hania («La bête
et la meute») et «Banel & Adama» de la Sénéga-
laise Ramata-Toulaye Sy. Côté français, Justine
Triet («Sibyl») dévoilera «Anatomie d’une
chute» et Catherine Breillat présentera «L’été
dernier».
Plusieurs cinéastes déjà palmés seront de re-
tour: le Japonais Hirokazu Kore-eda, Palme d'or
en 2018 avec «Une affaire de famille», montrera
«Monster». Le Turc Nuri Bilge Ceylan, palmé en
2014 avec «Winter Sleep», sera présent avec
«Les herbes sèches», tandis que le doublement
palmé Ken Loach revient avec un nouveau
drame social britannique «The Old Oak». Wes
Anderson et sa brochette de stars (Scarlett Jo-
hansson, Adrien Brody, Bryan Cranston, Matt
Dillon) créeront forcément des émois sur la
Croisette avec le très attendu «Asteroid City».
Quant à Wim Wenders, il promet de surprendre
avec «Perfect Days», un film sur… les toilettes
publiques japonaises.
Hors compétition, les yeux se tourneront
vers le nouvel «Indiana Jones» de James Man-
gold, «The Idol» de Sam Levinson (créateur de
la série «Euphoria»), avec Lily-Rose Depp et
vers le trio gagnant de «Killers of the Flower
Moon»: Martin Scorsese, Robert De Niro et
Leonardo DiCaprio. Notons encore la présence
de Quentin Tarantino qui, presque vingt ans
après sa Palme d'Or pour «Pulp Fiction», pré-
sentera un long métrage surprise dans le cadre
de la quinzaine des réalisateurs. Seul réalisa-
teur suisse de cette édition cannoise, Maxime
Rappaz présentera à l’ACID «Laissez-moi», un
film avec Jeanne Balibar entièrement tourné
en Valais. «La chimera» d’Alice Rochwacher et
«BlackBird Blackbird Blackberry» d’Elene Na-
veriani (Quinzaine des réalisateurs) sont en
partie coproduits par la Suisse.

Steve Carell dans «Asteroid City» de Wes Anderson, film très attendu du Festival de Cannes 2023.
Pop. 87 Productions

Cannes en 6 lettres

d’amour: une jeune femme éprise d’un
homme de pouvoir sera toujours décriée
comme quelqu’un d’intéressée qui court
après l’argent. L’homme sera aussi criti-
qué, pour d’autres raisons. Ce sont des su-
jets d’actualité.
Était-ce fatigant comme expérience?
Oui, c’était abyssal. J’étais préparée à
l’idée de me sentir dépassée par le film,
mais… Parfois j’arrivais épuisée, je faisais
l’actrice et j’oubliais que j’étais aussi réa-
lisatrice, j’étais dépassée. Cela dit, je
m’épanouis autant comme actrice que ré-
C
COMME CATHERINE (CORSINI)
La 76e édition du festival a commencé
par des polémiques. Non seulement celle qui entoure
le film de Maïwenn (lire ci-contre), mais auussi celui
de Catherine Corsini, «Le retour». Des accusationss de
harcèlement et d’irrégularités sur le tournage ont obligé la
abeth
direction du festival et la productrice du film Elisa
Perez à sortir du bois et à lever les critiques.

À quel point le film colle-t-il à la réalité
historique?
C’est relativement conforme. J’ai pris des
libertés, mais en même temps, le fonc-
tionnement de la cour est tellement ciné-
génique qu’il n’y a pas besoin d’inventer!
alisatrice et je serais malheureuse si je
n’avais pas les deux. Ah, et puis, quand
on n’a pas porté de corset, on ne sait pas
ce que c’est que les femmes de l’époque.
J’étais au bord de l’évanouissement, c’est
un truc de malade.
A
COMME AFFICHE
Après Jim Carrey en 2022, place à Catherrine
Deneuve. L’affiche officielle rend honneu
ur à
l’actrice française avec une photographie
e en noir
et blanc, prise en 1968 sur le tournage de «La cham
made».
Deneuve sourit on ne sait à quoi, cheveux au ventt, avec
la mer en arrière-plan, comme une invitation au voyage.
v

Tournage à Versaille, résultat royal
«Elle avait trouvé une façon d’être femme
qui était aussi une façon d’être libre»,
N
«Le plus gros défi était de contrôler ses
émotions et ne pas montrer que l’on est
COMME NOMBRE DE MÈTRES DE TAPIS ROUGE R
2160 mètres de tapis rouge seront utiliséss pour
adoucir les pas des stars avant qu’elles montent
m
les 24 marches du Palais des festivals.

commente la voix off. Jeune fille des
rues, Jeanne met à profit ses charmes
pour s’élever socialement. La courtisane
fréquente des hommes toujours plus im-
portants, jusqu’au comte Du Barry (Mel-
vil Poupaud). Avec l’aide du duc de Ri-
chelieu (Pierre Richard), celui-ci organise
une rencontre entre Jeanne et le roi
(Johnny Depp). Entre eux, c’est le coup
de foudre, et bien sûr, leur nouvelle rela-
tion fait scandale à la cour…
ébahi, de faire comme si tout est normal
alors que ça ne l’est pas du tout!» indique
ce dernier, faisant référence au tournage
qui s’est déroulé essentiellement à Ver-
sailles (uniquement les lundis, jour de
fermeture au public). «Contrairement à
ce qu’on dit, selon moi, l’habit fait le
moine, note pour sa part Pierre Richard.
Le fait d’être maquillé, vêtu comme à
l’époque et de tourner dans les vrais lieux
aide réellement à y croire et à prendre
N
COMME NOUVEAUTÉS
Il est rare que des documentaires soient
choisis pour la compétition officielle.
Rien depuis 2004, qui consacrait
«Mondovino» et «Fahrenheit 9/11». Cette année,
deux documentaires joueront dans la cour
des grands: «Les filles d’Olfa», du Tunisien
Kaouther Ben Hania, et «Jeunesse», du Chinois
Wang Bing.

Film d’ouverture de Cannes, «Jeanne
du Barry» sort simultanément sur les
écrans romands. Dans ce conte de fées
«à l’envers», Jeanne croit partir à sa
gloire alors que c’est vers sa perte qu’elle
se dirige. Sa lutte pour rester elle-même
en faisant fi du regard des autres montre
bien les similitudes entre la cour de
Louis XV et l’époque actuelle. Le tout est
conté avec une grande sincérité, tandis
possession du personnage.» Quant à Mel-
vil Poupaud, il insiste sur le fait que de
tels films «intimistes, d’auteur, avec cette
envergure et ce faste», sont rarissimes en
France. «Lorsque j’ai vu les costumes de
Maïwenn, que j’ai vu Johnny Depp arriver
dans la Galerie des glaces le premier jour
de tournage, c’était comme un rêve»,
confie le comédien.
E
COMME «ÉTÉ DERNIER», DE CATHERINE BR REILLAT
La réalisatrice, atteinte dans sa santé, revie
ent
sur la Croisette avec un nouveau film, dix ans
après «Abus de faiblesse». Le scénario
annonce l’histoire d’une mère de famille
(Léa Drucker) qui entame une liaison avec
son beau-fils. On suppose qu’il y a plus facile
comme choix de vie.

S
que décors et costumes époustouflants
et jeux d’acteurs – extrêmement bien À VOIR COMME SUISSE
choisis et très justes – donnent une «
«Jeanne du Barry», La Suisse sera représentée avec le film de Maxime
M Rappaz,
grande crédibilité au récit. L’excellente d
drame historique réalisé «Laissez-moi». Pour l’occasion, Swissfilms organisera,
prestation de Johnny Depp a vite fait de p Maïwenn, avec
par en partenariat avec le Valais, une soirée racclette et vins suisses DR
dissiper les doutes que l’on avait en ima- M
Maïwenn, Johnny Depp, au pavillon suisse, le 18 mai.
ginant l’Américain en roi de France, et B
Benjamin Lavernhe.
Benjamin Lavernhe excelle en conseiller 1
1h56. En salles
du roi. d mercredi.
dès
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Dimanche 14 mai 2023 Cultura
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Passage Michel Audé état

du livre Journaliste

Etienne Barilier: vie et mort

d’une princesse héroïque
Dans les premières pages de «Noor», Etienne Bari- forme en tigresse. Et quand la Gestapo l’inter-
lier mène son lecteur en bateau. Mais c’est de roge, elle ne tremble ni ne plie, ne songeant qu’à
bonne guerre: on est en 1942, à l’ouest de Londres, s’évader. Qui l’eût cru? L’apparente faiblesse de
dans un camp où l’on enseigne aux futurs agents Noor Inayat Khan masquait une force devant la-
secrets du SOE (Special Operations Executive) quelle les forts eux-mêmes se révélaient faibles.
créé par Churchill l’art du mensonge et de la dupe-
rie que réclame la lutte contre l’ennemi nazi. Tel
est le cadre dans lequel apparaît Noor Inayat
Khan: une femme qui n’est pas un être de fiction
Le père Gabriele Amorth (Russell Crowe) est l’exorciste du Vatican. Il va avoir affaire et qui a bouleversé par son courage. Racontant sa
à forte partie. Jonathan Hession/CTMG vie héroïque et sa mort à Dachau, Etienne Barilier À LIRE
s’attache à la force mystérieuse et paradoxale qu’il «Noor», Etienne Barilier, Phébus,

Le diable dans les yeux

CINÉMA Pour tous les démons de l’enfer,
le père Gabriele Amorth (Russell Crowe)
est un sérieux client. De fait, le saint
homme excelle dans la pratique de l’exor-
cisme et ça lui a valu d’être affecté au Vati-
can dès la fin des années 80…
Vu comme ça, on pourrait croire
qu’Amorth n’est que le produit d’une ba-
nale série B horrifique.
Erreur: le prêtre italien a réellement exis-
té et œuvré au plus près du Saint-Siège.
William Friedkin, réalisateur de «L’exor-
ciste», l’a même filmé peu avant son décès
en 2016 dans un documentaire fascinant
(«The Devil and Father Amorth»).
Basé sur les mémoires de Gabriele
Amorth, «L’exorciste du Vatican» de Julius
Avery (auteur du décapant «Overlord»),
évoque les cas de possession les plus cor-
sés sur lesquels le père a travaillé. Dans le
rôle principal, Russell Crowe, convaincu
et convaincant, mouille la soutane. Quant
au spectacle, dramatique, horrifique, par-
fois traversé par d’étranges pointes d’hu-
mour, il s’avère de belle facture hollywoo-
dienne. Assurément, celles et ceux qui
n’ont pas peur du noir passeront un bon
moment. JEAN-PHILIPPE BERNARD
À VOIR
«
«L’exorciste du Vatican»,
É
États-Unis, 2023. Horreur de
J
Julius Avery, avec Russell
C
Crowe, Daniel Zovatto, Franco
N
Nero (1 h 43). En salle.
y avait en elle. Son récit est tout en nuances, mais
tendu comme une toile de tente.
Née à Moscou, en 1914, Noor est la fille d’un
soufi d’origine indienne, poète et musicien, qui
voulait marier l’Orient à l’Occident et avait lui-
même donné l’exemple en épousant une Anglo-
Écosso-Irlandaise. La famille quitte la Russie en
1916, passe par Lausanne et s’installe en France,
à Suresnes, où Noor va grandir. De son père mort
alors qu’elle avait 13 ans, elle va conserver une
image idéalisée et l’horreur du mensonge qu’il
lui avait transmise. Princesse par son ascendance
paternelle mais d’une immense modestie, c’est
une jeune fille sage et réservée que tous ima-
ginent candide et fragile. En juin 1940, elle quitte
la France et rejoint Londres pour contribuer au
combat. Elle n’a pas vraiment le profil recherché
par le SOE, qui l’engage cependant pour ses ta-
lents d’opératrice radio.
Parachutée en France occupée, Noor va s’ac-
quitter de son travail au sein du réseau de résis-
tance Prosper avec un courage, une intelligence
rusée et une abnégation qui forcent l’admiration.
Quand elle est arrêtée, la douce créature se trans-
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6. Faire paysan Blaise Hofmann - Zoé
7. Glucose Goddess. La méthode Jessie Inchauspé -
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1957) Eric Burnand Matthieu Berthod - Antipodes
9. La mariée portait des bottes jaunes Katherine
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50
Bien vivre
SANTÉ Cette
affection de la peau,
ni grave ni doulou-
reuse, mais stigmati-
sante, est due à une
anomalie du système
immunitaire. Des
traitements très effi-
caces voient le jour.
LAETITIA GRIMALDI
laetitia.grimaldi@planetesante.ch
R
econnaissable aux zones
blanches qu’il fait apparaître sur
le visage, les membres ou le
corps tout entier, le vitiligo
touche entre 0,5 et 2% de la po-
pulation mondiale. S’il est longtemps res-
té mystérieux, on sait désormais qu’il
s’agit d’une maladie auto-immune au
cours de laquelle le système immunitaire
s’attaque par erreur aux mélanocytes, les
cellules à l’origine de la pigmentation de la
peau. Les mécanismes en jeu croisent
trois faits majeurs.
Le premier repose sur des anomalies gé-
nétiques, sans gravité, de certaines cel-
lules de la peau (mélanocytes, kératino-
cytes et fibroblastes). Le deuxième est la
réponse erronée (aussi souvent d’origine
génétique) qui est donnée par le système
immunitaire, celui-ci déclenchant des at-
taques tous azimuts contre les mélano-
cytes. Le tout combiné à un troisième fac-
teur: l’élément déclencheur. «On évoque
souvent le stress psychologique, mais il
faut considérer le stress au sens large, lié à
une infection ou une grossesse par
exemple», indique le Dr David Alvarez
Martinez, médecin interne au Service de
dermatologie et vénéréologie des Hôpi-
taux universitaires de Genève (HUG) et
auteur d’un article sur le vitiligo paru dans
la «Revue médicale suisse»*.
«La compréhension de ces mécanismes
a été une clé décisive pour une meilleure
prise en charge de la maladie, même si
beaucoup reste à faire», souligne le profes-
seur français Thierry Passeron, dermato-
logue au Centre hospitalier universitaire
de Nice et chercheur à l’Institut national
de la santé et de la recherche médicale (IN-
SERM), impliqué dans plusieurs études
sur le vitiligo** et coauteur de l’article. Il
précise: «Pendant des décennies et encore
trop souvent aujourd’hui, le vitiligo a été
considéré comme une maladie d’origine
purement psychologique, inéluctable et
nécessitant une protection absolue vis-à-
vis du soleil. Tout ceci est erroné et a don-
né lieu à une souffrance doublée d’un cer-
tain fatalisme chez de nombreuses per-
sonnes atteintes.»
Solutions thérapeutiques
Et pourtant, des solutions thérapeutiques
existent bel et bien: «Les traitements ac-
tuels permettent des taux de repigmenta-
tion de 70 à 80% pour le visage, 50% pour
le corps, 25% pour les coudes et les genoux.
Quant à ceux qui sont attendus, ils pour-
raient faire bien mieux, y compris sur les
mains et les pieds qui sont des zones plus
Vitiligo tardif: la vigilance s’impose
D’origine génétique, le vi- et tardive cache en effet
tiligo survient dans près parfois un mélanome. «Il
de 80% des cas avant l’âge peut arriver qu’en luttant
de 30 ans. Il reste possible contre des cellules cancé-
que la maladie se dé- reuses de la peau, le sys-
clenche plus tardivement, tème immunitaire s’em-
mais un bilan attentif de la balle et détruise aussi des
peau s’impose alors. Une mélanocytes sains. La dé-
dépigmentation soudaine pigmentation qui apparaît
Enfin compris,
le vitiligo se
soigne mieux
difficiles à repigmenter», se réjouit le spé-
cialiste. Commençons par la prise en
charge actuelle. «La démarche thérapeu-
tique se joue sur deux plans, détaille le Dr
Alvarez Martinez. Le premier vise à blo-
quer le processus immunitaire par le biais
de traitements immunosuppresseurs ou
alors est due à un méla-
nome contre lequel se bat
l’organisme, et non pas à
un vitiligo», explique le Pr
Thierry Passeron, derma-
tologue au Centre hospi-
talier universitaire de Nice
en France et chercheur à
l’INSERM.
immunomodulateurs, par l’application
d’une crème ou par voie orale. Ce sont des
traitements au long cours, leur efficacité ne
se mesurant qu’au bout de six mois. Quant
au second axe, il s’agit de la repigmenta-
tion.» Pour ce faire, un ingrédient est in-
contournable: les UV, qu’il s’agisse de ceux
du soleil ou les UVB délivrés lors de séances
de photothérapie en cabinet médical (et
non en institut esthétique, utilisant surtout
des UVA, plus nocifs pour la peau) ou chez
soi grâce à des lampes spécifiques. «Tout
l’enjeu est de stimuler la naissance de nou-
veaux mélanocytes parallèlement aux trai-
tements qui calment les assauts du sys-
tème immunitaire. Sans cette exposition
aux UV, la repigmentation est extrême-
ment difficile», explique le Pr Passeron.
Mais est-elle sans danger, notamment
sur ces peaux devenues blanches que l’on
imagine plus fragiles? «Les personnes
souffrant de vitiligo ont en réalité moins
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023
«L’idée qu’il n’y aurait aucun conflit […],
c’est céder à la mouvance de la «happy-
cratie» – comme s’il y avait un mode
d’emploi parfait pour éduquer un enfant
parfait en étant soi-même parfait!»
Didier Pleux, auteur de «L’éducation bienveillante,
ça suffit!» (Éd. Odile Jacob)
Acfas/Youtube
de risques de développer un cancer de la
peau. Et pour cause, leur système immu-
nitaire étant enclin à détruire les mélano-
cytes même sains, il sera d’autant plus ef-
ficace s’il s’agit d’attaquer des cellules de
la peau devenues malignes, poursuit l’ex-
pert. Mais bien sûr, l’exposition doit se
faire de façon contrôlée. Pour les UV so-
laires, l’idée est de s’exposer au moins
trois fois par semaine, sur des durées per-
mettant de voir rosir la peau blanchie par
le vitiligo (on parle de peau vitiligineuse).
Quant aux séances de photothérapie, elles
se font à doses progressives. À noter un
atout thérapeutique récemment décou-
vert: l’association des UVB avec un an-
tioxydant spécifique (le V‑SOD), qui multi-
plie par deux le taux de repigmentation.»
Bilan au bout de six mois
C’est ainsi qu’au bout de six mois, un bilan
peut être fait. Si des progrès sont notables,
le traitement est poursuivi plusieurs mois
supplémentaires. «Si aucune repigmenta-
tion n’est apparue, des solutions peuvent
être envisagées, comme le maquillage mé-
dical (dermopigmentation), principale-
ment pour les lèvres et les mamelons. Si le
vitiligo est très étendu, une dépigmenta-
tion par laser de zones encore pigmentées
peut à l’inverse être proposée», indique le
Dr Alvarez Martinez.
«Les traitements
actuels permettent
des taux de
repigmentation de 70 à 80%
pour le visage, 50% pour le
corps, 25% pour les coudes
et les genoux. Ceux qui sont
attendus pourraient faire
bien mieux.»
Pr Thierry Passeron, dermatologue
au Centre hospitalier universitaire
de Nice et chercheur à l’INSERM
Par ailleurs, un nouveau soin donne
beaucoup d’espoir: le Ruxolitinib, une
crème «nouvelle génération» qui a reçu
l’autorisation de mise sur le marché par
l’Agence européenne des médicaments il
y a quelques semaines et devrait prochai-
nement arriver en Suisse. «La stratégie de
ce traitement est de bloquer certains mé-
canismes du système immunitaire qui dé-
clenchent le vitiligo, les voies dites «JAK»,
précise le Pr Passeron, dont l’équipe a par-
ticipé aux recherches sur ce nouveau trai-
tement. De récentes études ont ainsi mon-
tré des taux de repigmentation de plus de
90% sur le visage après un an de traite-
ment chez environ un tiers des patients,
sans même recourir aux UV.» Il conclut:
«Une véritable révolution est à venir avec
ces nouveaux traitements, et ce d’autant
plus que des molécules dites de deuxième
génération devraient suivre dans les an-
nées qui viennent.»
EN COLLABORATION
AVEC PLANÈTE SANTÉ
Le vitiligo n’a
longtemps été * Alvarez Martinez D, Bertold C, Passeron
considéré que T, Cortes B. «Vitiligo: ce n’est plus une fata-
comme une lité en 2023». Rev Med Suisse. 2023; 9
affection d’origine (820): 637-641.
psychologique.
Getty Images ** www.cure-vitiligo.com
Thyroïde sous surveillance
Plusieurs pathologies vitiligo. Si cette maladie est
auto-immunes peuvent être démasquée, une prise en
associées au vitiligo. charge spécifique sera
La plus fréquente est nécessaire pour la traiter.
l’hypothyroïdie dite de Car le traitement du vitiligo
Hashimoto. Un bilan n’aura pas d’effet sur
biologique s’impose donc la pathologie de la thyroïde
en cas de découverte d’un et inversement.
Le Matin Dimanche
Dimanche 14 mai 2023 Bien vivre 51

Sagesse
Par Rosette Poletti
«Ma famille n’est ni royale, ni riche,
mais je vis la même situation que le
prince Harry! Il n’y en a que pour mon
frère aîné: il est le centre de la famille,
doué à l’école, adoré par ma mère,
célébré par mon père. Pourtant,
je me débrouille bien, rien n’y fait.»

L
e mail de S. nous a beaucoup
touchés. Il a trouvé, dans le
prince Harry, un compagnon
d’infortune, quelqu’un qui,
comme lui, a souffert de ce
«second rang», de la différence de
traitement entre lui et l’aîné de la fa-
mille, du favoritisme parental. Ce-
lui-ci a lieu lorsqu’un parent ne se
comporte pas de la même façon avec
tous ses enfants. Ce favoritisme se
Les touffes de feuilles lancéolées d’un vert vif se montrent en avril. Les fleurs, elles, attendent mai manifeste de différentes manières.
pour se faire admirer. Jonas Vegele/Shutterstock L’enfant préféré a davantage de pri-
tivement sans juger. Car en parler
avec les personnes directement
concernées – parents, frères et
sœurs – n’est pas toujours positif.
Certaines peuvent opposer une fin
de non-recevoir, exprimer beau-
coup d’amertume, ce qui aboutit à
des conflits inutiles et parfois du-
rables. Il arrive pourtant que l’occa-
sion soit donnée de parler de ce res-
senti de favoritisme, que les parents
le reconnaissent, demandent par-
don à l’enfant devenu adulte et que

Camassia, une
vilèges, ses parents lui consacrent
plus de temps, témoignent d’un
plus grand plaisir à faire des activités
avec lui, lui manifestent plus d’af-
fection et d’attention.
Une étude américaine réalisée au-
près de 708 jeunes adultes montre
les relations s’améliorent.
Chaque situation est particulière.
Le passé est le passé, on ne peut pas
revenir en arrière; en revanche, on
peut décider de ce qu’on va faire de
cette réalité! On peut la ressasser à
l’infini, adopter le statut de victime,

étoile montante
que 85% rapportaient que leur mère
faisait du favoritisme envers l’un
des enfants. En plus de la douleur
qu’il suscite, le favoritisme parental
engendre des conflits et amoindrit
l’affection au sein de la fratrie. Cer-
tains enfants qui se sentent moins
aimés développent des troubles
physiques et/ou psychologiques.
JARDIN Cette vivace bulbeuse aux fleurs bleues, issue Cette différence d’affection affecte
leur estime de soi, ils peinent à avoir
d’Amérique du Nord, apprécie les sols humifères confiance en eux, voire sombrent
dans la dépression.
et frais. Et être entourée par des végétaux protecteurs. Il existe de nombreux ouvrages
en vouloir à la terre entière,
construire sa vie sur ce ressenti.
Heureusement, on peut aussi consi-
dérer tout ce qu’on a reçu, tout ce qui
nous a permis de devenir la per-
sonne que l’on est.
Choisir la boue ou le lotus
Même les histoires de vie les plus
difficiles ont leur lot d’éléments po-
sitifs, il faut les reconnaître, se les
approprier et s’en réjouir. Toutes les
grandes traditions le soulignent: la
qualité de notre vie dépend avant

«K
GISÈLE VOEGELI
amash» signifie doux dans la
langue des Amérindiens qui
consommaient, tant cru que
bouilli ou réduit en farine, le
bulbe et uniquement le bulbe
de cette belle étoilée. Le goût de ce petit oi-
gnon souterrain serait – au dire des textes le
décrivant – proche de celui de la châtaigne
ou de la patate douce ce que, ne m’étant ja-
mais adonnée à ce type de dégustation, je
ne puis confirmer. Tout le reste de la plante
est lui parfaitement toxique.
De ses origines nord-américaines, cette
élancée vivace supporte bien nos hivers de
plaine, pour peu qu’elle soit plantée dans
un sol humifère restant frais en été. Oui,
c’est bien beau tout ça, mais que vont deve-
nir mes camassias si notre climat devient
aussi anarchique que brûlant au fil du
temps? Je crains le pire pour eux, car de
juin à septembre passé, aucun coin de mon
jardin n’a conservé de terre vaguement hu-
mide, même au bord de la mare ou dans les
zones les plus ombragées. Tout craquelait
et s’effritait, séchait et s’assoiffait. Aussi,
alors que leur floraison bat son plein, je ne
peux m’empêcher de me pencher sur eux,
de leur susurrer au creux des pétales ma
tendresse et mon admiration pour leur
courage et leur vaillance, mais jusqu’à
quand tiendront-ils? Combien de prin-
temps verront encore leurs épis s’épanouir
dans la rosée du matin? Que puis-je inven-
ter pour les préserver, les protéger, leur
permettre de poursuivre leur discrète colo-
nisation de ce petit coin sauvageon? J’ai
beau récupérer les eaux tombées du ciel,
économiser celles circulant dans les tuyau-
teries souterraines, tenter d’accoutumer
les nouveaux arrivants à une vie plus fru-
gale, tous ces gestes de citoyenne-jardi-
nière ne suffisent guère à assurer l’avenir.
Famille, je vous ignore
Ballotté de famille en famille au fil du
temps, notre camassia est passé de celle
des Liliacées à celle des Hyacinthacées
pour rejoindre désormais – ADN oblige –
celle des Asparagacées à l’instar de nos
bien chères asperges. Cette légitimité ac-
quise n’a pas rendu la bulbeuse plus popu-
laire pour autant, excepté chez les abeilles
et bourdons qui n’ont, eux, de cesse de van-
ter ses douceurs. Si les jardins anglais l’ont
depuis fort longtemps mise à l’honneur, les
nôtres ne s’y sont que peu intéressés, mal-
gré la grande capacité du camassia à se na-
turaliser et coloniser sans mot dire d’esti-
Petit Plus Planète mables petits espaces. À la morte-saison il
Chères baies ne reste pas une trace de la plante. C’est
vitrées, je vous courant avril que soudain les touffes de
apprécie pour feuilles lancéolées d’un vert vif et tonique
votre capacité sont de retour. Il y a les belles et grosses,
à me permettre celles de l’an passé, mais aussi quelques
d’admirer l’exté- freluquettes qui ne demandent qu’à s’étof-
rieur tout en étant fer. Puis, par un beau matin de mai, de lon-
au chaud. Mais je gues et fuselées hampes s’élèvent au-delà
vous maudis pour d’un demi-mètre. Avant même que l’on
votre aptitude s’en aperçoive, leur extrémité s’illumine, se
à mirer ciel et déploie, se colore de bleu pervenche et se
arbres, sinistres couvre d’étoiles lumineuses au cœur pro-
leurres pour longé d’élancées étamines à bout jaune. Le
oiseaux de tableau est si harmonieux qu’il m’est im-
passage. Difficile possible d’en prélever sous prétexte de les
de comptabiliser réduire au statut de «fleur à bouquet».
mes tentatives
pour éradiquer le Amis, je vous adore
problème, aucune Le camassia déteste être importuné et dé-
n’est totalement placé de droite à gauche. Une fois installé il
efficace. Ce qui, ne souhaite rien de mieux que de vivre sa
à ce jour, réduit vie tout en se fondant dans son environne-
le mieux ces ment sauvageon. L’important, en ces
collisions souvent temps de chauffe à tout va, est de lui assu-
mortelles, rer un tapis rafraîchissant afin que la terre à
semblent les ses pieds reste confortable. Plus il est en-
petites spirales touré de vivaces spontanées ou cultivées,
de couleur fixées plus il a d’alliés protecteurs, plus il se plaît.
en façade à Ficaires, lamiers, lierres terrestres, myoso-
l’extérieur de tis du Caucase de début de saison laissent
chaque fenêtre. place avant l’arrivée des grosses chaleurs à
Leur propension de plus hauts sujets. Entouré de fougères
à tournicoter à caduques et persistantes, notre Jacinthe
chaque brin d’air des Indiens aborde l’été en toute quiétude.
fait office Dès septembre, il est ravi de voir grimper
d’effaroucheur. derrière lui des groupes de rudbeckias et
G. V. d’asters lui offrant leur ombre. Se tenir les
coudes devient la règle d’or pour affronter
les aléas climatiques plus ou moins prévi-
sibles qui se profilent à un proche et même
très proche horizon. Octobre voit sa pé-
riode végétative se réduire, laissant place à
de bienvenus jours de dormance d’autant
plus bienfaisants que le camassia sera ami-
calement entouré.
de psychologie qui permettent aux tout de ce sur quoi on pose notre re-
parents de faire face à ce problème. gard! Il y a de la boue au fond de
La plupart recommandent aux pa- l’étang, c’est certain, il y a aussi des
rents d’être à l’écoute du ressenti de fleurs de lotus à la surface de l’eau. À
leurs enfants, de donner des expli- quoi va-t-on donner le plus d’impor-
cations lorsqu’il est justifié de faire tance? Autant le prince Harry que S.,
une différence (maladie, besoins notre correspondant, ont le choix:
spéciaux), d’éviter à tout prix de soit ils accordent de l’importance à
comparer les caractères et les per- tout ce qui est positif dans leur vie et
formances de chacun et de trouver expriment de la gratitude pour cela,
le moyen de passer du temps seul soit ils continuent à cultiver l’aspect
avec chaque enfant. douloureux de leur histoire. La plé-
Mais, le plus souvent, les parents nitude et le bonheur dépendent de
refusent d’admettre qu’ils favorisent ce choix!
l’un de leurs enfants. Le sujet reste À vous, cher Monsieur S., je sou-
tabou, alors que la tentation de pré- haite de trouver la sérénité à propos
férer l’un des enfants, parce qu’il de votre enfance, et à chacun de
nous ressemble plus par exemple, vous, amis lecteurs, une semaine
est tout à fait naturelle. pleine de petites joies à découvrir et
à savourer.
L’enfant de «deuxième choix»
Comment l’enfant de «deuxième
choix», comme l’écrit notre corre es-
pondant, peut-il faire avec ce qu’’il
ressent? D’abord, il doit accepter cet
état de fait. Oui cela existe, de no
om-
breux parents ont un ou plusieurrs
enfants favoris, et n’en sont pas tou-
jours conscients. Le métier de pa a-
rent est très complexe et il n’existte
aucune école où l’apprendre! Cess
parents pensent avoir traité chacun
de leurs enfants d’une manière
identique, même si ce n’est pas le e
cas. Cette réalité est douloureuse eà
vivre pour l’enfant qui n’est pas lee
favori. Quand la souffrance est in n-
tense, il est essentiel pour lui
d’exprimer cette douleur,
qu’elle soit admise, reconnue,
idéalement auprès d’un profes-
sionnel ou d’une personne de
confiance capable d’écouter atten n-
À LIRE
«Guérir de ses blessures
affectives», John Gray (J’ai Lu).
«Tu deviens adulte le jour
où tu pardonnes à tes parents»,
roman de Gérard Salem (J’ai Lu)..
«La relation entre les adultes
et leurs parents», Sylvie Galland
(Éd. de l’Homme)
Le Matin Dimanche
14 mai 2023 • No 595
Écrit par la rédaction de Play Bac Presse (rédacteur en chef : f.dufour@playbac.fr)
L’INFO DE
LA SEMAINE
Record : un avion en papier
a parcouru 88 mètres !
Sans un bruit, l’avion a battu le
record de la plus longue distance
parcourue : 88 mètres. Cet avion-
là est en... papier ! Son record
vient d’être inscrit au Guinness
World Records. Il a été établi en
décembre 2022 à Crown Point,
aux États-Unis (Amérique). Une
vidéo* montre un jeune homme,
Dillon Ruble, s’élançant sur un
terrain de football américain. Il se
trouve dans une zone : ses pieds
ne doivent pas dépasser les lignes
tracées sur le sol. Après quelques
pas chassés, hop ! Son bras se tend
pour envoyer l’objet en papier.
L’avion parcourt la distance en
six secondes, puis « s’écrase » sur
la pelouse du stade. Le précédent
record était de 77 mètres. Il datait
d’avril 2022.
LA PHOTO DE LA SEMAINE
Protéger la nature. Cet homme participait à une manifestation, il y a
quelques jours, à Brasília, la capitale du Brésil (Amérique). Il réclamait
des territoires protégés pour les peuples amérindiens.
LE COIN DES INCOLLABLES
1. En quelle année le premier
vol d’un avion à moteur a-t-il
eu lieu ?
2. Qui sont les 2 enfants du roi
Charles III (3) ?
3. Traduis «œuf» en anglais.
LA SEMAINE EN DESSINS
Un œuf en chocolat datant de 1939 va être
vendu aux enchères (à la personne offrant
le plus d’argent), jeudi, au Royaume-Uni.
Des rats « renifleurs » utiles
aux êtres humains
Dans 3 zoos américains, des gros rats originaires d’Afrique
sont éduqués pour être utiles aux humains. Grâce à leur
excellent odorat, ils sont capables de détecter des bombes
présentes dans le sol, des maladies, des animaux sauvages
cachés dans des bagages par des bandits, des personnes
AP/G. Bull
bloquées sous des ruines après un tremblement de terre…
6 rats ont déjà été formés. Ils viennent d’être envoyés
pour une première mission en Tanzanie (Afrique).
Le papier
Une invention chinoise
Selon des textes anciens, le papier a été inventé
par le Chinois Cai Lun en 105 après J.-C. Mais des
découvertes archéologiques ont prouvé qu’il était
connu bien avant cette date. Dès le IIe (2e) siècle
avant J.-C., en Chine (Asie), du papier était utilisé
pour écrire. Il était alors fabriqué à partir d’écorce de
mûriers. Il servait également à la décoration intérieure,
à l’habillement et à la fabrication des lampions, des
éventails, des cerfs-volants...
YouTUbe/The Boeing Company
De la Chine à l’Europe
Au VIIIe (8e) siècle après J.-C., à l’occasion d’une
guerre avec la Chine, des pays arabes de l’Ouest
de l’Asie découvrent le papier. Au Xe (10e) siècle, Europe
le papier atteint le Maroc (Afrique), puis il se répand
lors des deux siècles suivants en Espagne et en Italie
(Europe). Au XIVe (14e) siècle, la France, l’Angleterre,
les Pays-Bas et l’Allemagne (Europe) apprennent à
leur tour la technique de fabrication du papier.
Pour battre le record, Dillon Moyen- Chine
Orient
a été aidé par 2 amis : il leur a
fallu 500 heures pour préparer ce
vol ! Passionnés d’origami (l’art
Comment fabrique-t-on le papier ?
du papier plié) depuis l’enfance,
ces ingénieurs travaillant chez 1 Rondins de bois 2 Bille de bois 3 Copeaux de bois
Boeing (constructeur d’avions) ont
étudié le pliage et l’aérodynamie
(une technique pour diminuer Le savais-tu ?
Partie
la résistance à l’air d’un objet). utilisée
La première machine
à fabriquer du papier
Après de nombreux essais, ils en continu a été
ont mis au point un avion en 6 Bobines de papier 5 Chaîne de fabrication 4 Pâte à papier
inventée en France
papier « idéal », fabriqué à partir en 1799.
d’une feuille de format A4
(21 cm par 29,7 cm). Le pliage
leur a pris 20 minutes. Ensuite,
il a fallu trouver le lancer parfait. 7 Feuilles de papier La pâte à papier est étalée Le bois est transformé
L’objectif était de déterminer pour former de grandes en pâte à papier à l’aide
feuilles. Elles sont séchées d’eau et de produits
comment parcourir une longue dans une machine, puis chimiques.
distance le plus vite possible. lissées.
*Vidéo : tinyurl.com/yj9mpwpv
ART PRESSE
À RETENIR
Lissé
1 Le papier était déjà utilisé en Chine 3 Pour faire du papier, on transforme
Rendu plat.
(Asie) au IIe (2e) siècle avant J.-C. d’abord le bois en pâte à papier.
En continu
Il était fabriqué à partir d’écorce. Cette pâte est séchée et lissée. Sans interruption.
2 Le papier est arrivé dans l’Ouest de 4 Le papier est ensuite enroulé sur
l’Asie au VIIIe (8e) siècle après J.-C., de grandes bobines, puis découpé
puis en Europe au XIe (11e) siècle. en feuilles.
LA QUESTION DE LA SEMAINE
Vrai ou faux ? Charles III (3) est roi d’Angleterre
AP/ Eraldo Peres
Elle répond – Maud Michaud, maîtresse Commonwealth. Le Commonwealth (Antilles), par exemple, a pris cette
de conférences (prof ) en civilisation est un groupe de 56 pays ayant décision en 2021. Ce pays a cessé
britannique. presque tous appartenu à l’Empire d’être une monarchie pour devenir
britannique. Charles III règne ainsi une république.»
Royaume-Uni. « C’est vrai. Mais il sur l’Australie, la Nouvelle-Zélande,
n’est pas seulement roi d’Angleterre. les îles Salomon (Océanie), le Canada Symbolique. « Dans les pays sur
Charles III (3) est le roi de tout le (Amérique), les Bahamas, la Jamaïque lesquels Charles III règne, le roi a
Royaume-Uni (Europe). Le Royaume- (Antilles)...» surtout un rôle symbolique. Ces
Uni est composé de l’Angleterre, États sont dirigés par un chef du
4. Quelle est la capitale de la de l’Écosse, de l’Irlande du Nord et du Lien. «Cependant, certains des pays gouvernement (ex. : un Premier
Suède (Europe) ? pays de Galles.» ayant Charles III pour roi remettent en ministre) au nom du roi. Mais le
4. Stockholm.
3. Egg. question leur lien avec le Royaume- roi, lui, a très peu de pouvoirs. Il ne
Harry. 14 royaumes. « En plus d’être celui Uni. Plusieurs autres États ont prend pas de décisions politiques.
2. Le prince William et le prince
du Royaume-Uni, Charles III est déjà choisi de ne plus être liés à la gouvernement. Il n’a pas non plus le
1. En 1903 (l’avion des frères Wright).
le roi de 14 autres royaumes du monarchie britannique. La Barbade droit de voter.»
Un journaliste américain a testé un taxi sans Sur le réseau social TikTok, un Égyptien Des pièces romaines ont été découvertes Un village italien a interdit aux touristes de
chauffeur. Il a raconté son expérience dans sosie de Kylian Mbappé fait des vidéos dans sur une île suédoise isolée. Les experts ne s’arrêter lorsqu’ils se promènent à pied dans
un article. D’après lui, ce n’est pas au point ! lesquelles il imite le joueur de foot français. savent pas comment elles sont arrivées là. certaines zones très fréquentées.