Louis MEZIERES

Mélissandre MATHON
Maëlle VINCENT
Emilie BENOIT

Quel type de dialogue social est mis en place pour limiter les conflits sociaux liés à
l’ouverture à la concurrence de la RATP à partir de 2025 ?

Si les transports publics fonctionnent selon des conditions concurrentielles chez un certain
nombre de nos voisins européens, en France cette décision a de quoi bouleverser les
habitudes. Cela est particulièrement vrai en Ile-de-France, région-capitale forte d’un réseau
de transports unique au monde.

Avant l’ouverture à la concurrence, les différents transporteurs opéraient des lignes définies
par le plan régional de transport, leur conférant un droit exclusif d’exploitation à durée
indéterminée.

Ce réseau de transports en commun en Ile-de-France est ainsi entré en concurrence depuis

le 1er janvier 2021 (loi ORTF du 08 déc 2009 et loi sur l’orientation de la mobilité - LOM du
26 déc 2019), marquant progressivement la fin des monopoles d’exploitation pour les lignes
de bus, de métro, de tramway et de train.

En 2021, sont concernés les réseaux de bus de grande couronne (entreprises Transdev,
Keolis, etc…), en 2023 suivent les lignes de train Transilien (SNCF). Les lignes d’autobus de
la RATP en 2025 (Paris et en petite couronne), en 2029, les tramways et jusqu’en 2040 les
métros et RER.

Toutes les nouvelles lignes (ex : lignes 15, 16, 17 et 18 du Grand Paris Express ou T9 - T10
du tramway et lignes de rabattement d’autobus) sont mises en concurrence dès à présent.

Le conseil d'administration d'Île-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité organisatrice des

transports en région francilienne, a validé en février 2022, les modalités de la mise en
concurrence du réseau d’autobus de la RATP : douze lots (le plus petit à la taille du réseau
de la ville de Rennes) représentant au total 315 lignes de bus et 4.800 véhicules.

Tous les appels d'offres ont été lancés successivement entre février 2022 et mars 2023. Des
entreprises comme Transdev et Keolis, peuvent y répondre, tout comme Cap Île-de-France,
la filiale du groupe RATP dédiée au développement et à l'exploitation des nouveaux
marchés de mobilité franciliens.

Ce démarrage concret du processus d’ouverture à la concurrence inquiète les agents de la

RATP, salariés comme élus du personnel mais aussi certaines autorités publiques.

Pour la direction de la RATP, cette échéance est préparée depuis des années.
Réorganisations internes et négociations avec les autorités politiques d’un cadre social
territorialisé mettant en avant les spécificités du réseau parisien.

Celui-ci permettra d’appliquer les mêmes conditions de travail à tous les conducteurs de
bus, quel que soit le transporteur désigné comme opérateur des lots composants les appels
d’offres.

Concrètement pour la direction de la RATP, c’est dénoncer leurs conditions de travail et les
accords d’entreprise en supprimant 6 jours de repos par an et en augmentant le nombre
d’heures de travail annuel de 120 heures, le tout compensé par une revalorisation brute
mensuelle des salaires (accord du 6 janvier 2023)
Dans le cadre de cette mise en place du décret CST, de longues périodes de négociations
entre les organisations syndicales et la direction de l’entreprise se sont succédées. Face aux
propositions insuffisantes de compensation salariale, les instances représentatives du
personnel ont activé à plusieurs reprises le dispositif d’alarme sociale. Celui-ci, qui en cas de
désaccord débouche sur un préavis de grève et une ou plusieurs journées d’action,
manifestation et parfois de blocage, peut être activé à plusieurs reprises pour une même
cause.

L’échec des négociations et des modalités de fonctionnement du dialogue social, peut se

terminer par une décision unilatérale de l’employeur (DUE). C’est un écrit par lequel
l’employeur s’engage envers ses salariés dans le cadre de son pouvoir de direction. Il y a
notamment recours lorsqu’il souhaite instaurer unilatéralement les modalités d’un texte qui
n’aurait pas trouvé d’accord avec les syndicats. Les dispositions de la DUE n’engagent que
l’employeur sans mettre d’obligations à la charge des salariés. Elles ne peuvent pas être
moins favorables au salarié que les lois, règlements et accords collectifs et contrats de
travail.

Ainsi, les conducteurs de la RATP n’ont pas hésité à faire grève, notamment les 23, 24 et 25
mai 2022, alors qu’il y avait déjà eu deux mouvements de grève dans les 4 derniers mois
(par exemple le 25 mars 2022).

L’échec des négociations aboutit à une DUE appliquée au 1er juillet 2022 par la direction de
la RATP. A l’automne, afin de favoriser le recrutement de nouveaux conducteurs et pour
renouer le dialogue avec les organisations syndicales, les discussions reprennent sur le
changement des conditions de travail des conducteurs et la revalorisation de leurs salaires.

Seuls les conducteurs de bus étant impactés, pour le moment, par cette ouverture à la
concurrence, seules les lignes de bus étaient donc touchées.

Plusieurs objectifs pour la direction de la RATP : parvenir à faire appliquer ces nouvelles
conditions de travail avant 2025 pour diminuer le nombre de conducteurs nécessaire à la
réalisation de l’offre de transport (temps de travail quotidien augmenté et plus de jours
travaillés sur l’année), baisser la masse salariale et atténuer les difficultés de recrutement
sur ce métier.

Extrait Le Parisien du 22/09/22 : …Catherine Guillouard s’attarde sur les difficultés de recrutement
propres à la RATP, qui cherche 800 chauffeurs de bus. À l’avenir, l’ouverture à la concurrence va
provoquer le transfert de 18 000 salariés vers des filiales (CAP IDF) ou des concurrents (Keolis,
Transdev, etc.). Un changement historique qui pèse sur le climat social.
Pour les machinistes en poste, en compensation, c’est bénéficier d’une augmentation de
salaire substantielle (372 euros brut/mois). Droit à rémunération garanti dans la loi LOM lors
du transfert en filiale au 1er janvier 2025.

Quel intérêt pour les voyageurs ? L’ouverture à la concurrence devrait avoir quelques
côtés bénéfiques. En effet, le CST encadrant le coût du travail, les opérateurs devront se
démarquer les uns des autres pour remporter les appels d'offres en proposant des
innovations sur la qualité du transport, l’information voyageur, la propreté, la sécurité ou
encore de nouveaux services proposés en marge de l’offre de transport. Sur le plan tarifaire,
le changement d’opérateur sur un réseau n’aura aucune conséquence sur les prix
puisqu’ils sont décidés par IDFM.

Néanmoins, qui coordonnera la conformité de l'information voyageurs, des systèmes de

sécurité, si plusieurs opérateurs se partagent à l‘avenir l'ensemble du réseau ?

Les principaux opérateurs répondent progressivement aux appels d’offres.

Dernièrement, IDFM a attribué cinq nouveaux contrats à Keolis, Transdev Lacroix & Savac
pour l’exploitation de plusieurs réseaux de bus en Essonne, Seine-et-Marne et dans les
Yvelines. Les prochaines attributions suivront jusqu’à mi-2024.

Aujourd’hui, dans le calendrier social, se télescopent : la mise en concurrence, les

négociations annuelles obligatoires (NAO) sur salaires pour l’ensemble des personnels et la
réforme des retraites engagée par le gouvernement. Les journées de grèves se multiplient :
Le personnel de la RATP, direction comprise, se dit inquiet par cette mise en concurrence.

Le processus en cours rejoue les affrontements idéologiques entre défenseurs du service

public en régie directe et les tenants de l’application de la loi du marché. Deux visions
s’affrontent dans un contexte tendu et par l’arrivée imminente des Jeux olympiques 2024.

Sur ce dernier point, la maire de Paris, Anne Hidalgo, mais aussi le ministre des transports
ont d’ailleurs évoqué la possibilité de reporter la date de l'ouverture à la concurrence
craignant « des risques majeurs ». Ils redoutent des mouvements sociaux au moment où
le monde entier regardera la France et sa capitale.

Suivront les négociations des personnels des tramways et rapidement après des métros et
RER pour leurs mises en concurrence respectives.
Les mêmes dispositifs de négociations seront activés.
La ligne d’autobus la plus chargée en Europe est le Trans Val de Marne (bus RATP) avec
environ 70 000 voyages/jour.
La ligne A du RER francilien s’est 1,2 millions de voyages par jour…

De nombreux conflits pourront naître des discussions de mise en œuvre et impacter des
millions de personnes sur des périodes relativement longues.

La fin de l’histoire peut néanmoins être différente : en 2021, la Norvège stoppe l’ouverture à
la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs. D’autres pays comme la Belgique,
l’Angleterre ou l’Autriche font également marche inverse.

Image : source Urban Mag RATP février 2023.

Bibliographie ( Bibliographie aux normes APA (scribbr.fr) )

● Le Dorze, Y (2020, septembre 16). Ouverture à la concurrence des réseaux de bus
franciliens : l’Autorité rend un avis à Île-de-France Mobilités sur le processus de mise
en concurrence des lignes de bus franciliens de moyenne et grande couronne.
Autorité de la concurrence. https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-
de-presse/ouverture-la-concurrence-des-reseaux-de-bus-franciliens-lautorite-rend-un

● L’Institut Paris Region (2020, janvier 14). La mise en concurrence des lignes du
réseau francilien. Ile de France mobilité. https://www.iledefrance-mobilites.fr/mise-en-
concurrence

● (2021, avril 10). La concurrence se concrétise dans les transports d'Île-de-France.

Capital. https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-concurrence-se-concretise-
dans-les-transports-dile-de-france-1399690

● (2022-décombre 21). RATP : que signifie l’ouverture à la concurrence du réseau de

bus. Cnews. https://www.cnews.fr/france/2022-12-21/ratp-que-signifie-louverture-la-
concurrence-du-reseau-de-bus-1302802

● (2021, février 15). Le groupe RATP poursuit sa transformation avec la création d’une
filiale dédiée à son développement sur la mobilité en Île-de-France et des
renouvellements au sein de son comité de direction. RATP groupe.
https://www.ratp.fr/groupe-ratp/newsroom/corporate/le-groupe-ratp-poursuit-sa-
transformation-avec-la-creation-dune

● (2021, avril 21). LOM : qu’est-ce que le CST ?. Askip’ Groupe RATP.
https://askip.ratpgroup.com/lom-quest-ce-que-le-cst/#:~:text=Le%20Cadre%20Social
%20Territorialisé%20dit%20CST%2C%20est%20un,applicable%20à%20compter
%20du%201%20er%20janvier%202025.

● (2003, janvier 29). L'exemple de l'« alarme sociale » de la RATP. Les Echos.
https://www.lesechos.fr/2003/01/lexemple-de-l-alarme-sociale-de-la-ratp-658761

● Béziat, E. (2022, mai 22). Les chauffeurs de bus de la RATP en grève pour
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https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/05/22/ouverture-a-la-concurrence-les-
chauffeurs-de-bus-de-la-ratp-en-greve_6127221_3234.html
● Foricher, A. (2022, mai 04). RATP: ÉCHEC DES NÉGOCIATIONS SUR LE
TEMPS DE TRAVAIL DES MACHINISTES, TROIS JOURS DE GRÈVE
ANNONCÉS. BFMTV. https://www.bfmtv.com/paris/ratp-echec-des-negociations-
sur-le-temps-de-travail-des-machinistes-trois-jours-de-greve-annonces_AD-
202205040219.html

● (06 janvier 2023). La RATP et les syndicats s’entendent pour augmenter le temps de
travail et le salaire des conducteurs de bus. Le Monde.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/06/la-ratp-et-les-syndicats-s-
entendent-pour-augmenter-le-temps-de-travail-des-conducteurs-de-
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● (2023, janvier 6). La RATP signe un accord avec les syndicats pour augmenter le
temps de travail des conducteurs de bus. Alerte-info.com. https://www.alerte-
info.com/6-janvier-2023/ratp-signe-accord-avec-syndicats-augmenter-temps-travail-
conducteurs-bus#:~:text=Le%2006%20janvier
%202023%20%C3%A0%2015h00%20La%20RATP,le%20temps%20de%20travail
%20des%20conducteurs%20de%20bus

● (2020, août 7). Ouverture à la concurrence : est-ce que je garde le même salaire si
je suis transféré en filiale ?. Askip’. https://askip.ratpgroup.com/ouverture-a-la-
concurrence-est-ce-que-je-garde-le-meme-salaire-si-je-suis-transfere-en-filiale/

● Armand, C. (2023, janvier 25). Concurrence dans les transports en Île-de-France : «

Oui, il y a des inquiétudes » (Castex, RATP). La Tribune.
https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/
concurrence-dans-les-transports-en-ile-de-france-oui-il-y-a-des-inquietudes-castex-
ratp-949262.html

● Rédaction Paris. (2022, décembre 20). JO 2024 : Anne Hidalgo veut repousser la
mise en concurrence des lignes de bus en Île-de-France. Actu Paris.
https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/jo-2024-anne-hidalgo-veut-repousser-la-
mise-en-concurrence-des-lignes-de-bus-en-ile-de-france_56080122.html

● Fainsilber, D. (2023, janvier 5). Bus parisiens : le ministre des Transports n'exclut
pas le report de l'ouverture à la concurrence. Les Echos.
https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/bus-parisiens-le-
ministre-des-transports-nexclut-pas-le-report-de-louverture-a-la-concurrence-
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