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Les billets de TGV sont-ils trop chers


?
Patricia Pérennes

19–24 minutes

Les billets de TGV sont-ils trop chers ?

Par Patricia Pérennes

«Les billets de TGV sont-ils trop chers ?», voilà une question qui
revient régulièrement dans les médias, presse écrite[1] ou radio,
mais la réponse à cette question ne semble pas vraiment faire
débat. L’opinion majoritaire est qu’évidemment, oui, le TGV est
trop coûteux.

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Travaillant depuis près de quinze ans dans le secteur


ferroviaire, je suis toujours étonnée par cette opinion sans
nuance. Trop cher pour qui ? Trop cher par rapport à quoi ?

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Cette question mérite une réponse nuancée.

Le TGV est-il un service public ?

Avant de répondre à la question, il faut commencer par dissiper


un malentendu. Le TGV n’est pas stricto sensu un service
public. Il s’agit d’un service fourni par une entreprise publique,
mais qui ne peut être qualifié de « service public », en tout cas
pas au sens du droit européen[2].

Dans le droit de l’Union, un service public est défini comme une


offre de transport ayant besoin du soutien de la puissance
publique pour être viable. En d’autres termes, il faut que l’État
ou une collectivité locale contribue financièrement à celui-ci. En
échange de cette subvention, la puissance publique a un droit
de regard sur le contenu du service : elle définit le nombre de
trains par jour sur tel ou tel axe, les horaires et les conditions de
confort et surtout, le tarif des billets.

De nombreux services publics de transport sont exercés par des


entreprises privées dans ce cadre contractuel : les transports
urbains et le transport scolaire sont majoritairement assurés par
de grands opérateurs de transport (Keolis, Transdev…) ou par
des PME locales. Au contraire, une entreprise publique peut
tout à fait fournir un service de nature commerciale. C’est le cas
de SNCF quand elle exerce des activités de transport de
marchandises, routier ou ferroviaire, via sa filiale Geodis. C’est
également le cas du TGV : il n’existe pas de contrat entre l’État
et la SNCF pour définir la consistance du service et le prix des
billets, alors que de tels contrats existent pour les Trains
d’Équilibre du Territoire[3] – entre l’État et la SNCF – et pour les
TER – entre les Régions et la SNCF[4].

Cette absence de contrat signifie deux choses : l’État demande

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à la SNCF de gagner de l’argent sur l’activité TGV, notamment


dans l’objectif de financer l’ensemble du système[5], et la SNCF
est libre de fixer ses tarifs pour arriver à cet objectif. Au
contraire, les tarifs des TER sont fixés par les Régions et
l’équilibre économique de la SNCF sur ses lignes repose sur les
subventions versées par les collectivités régionales. Ainsi, en
2022[6], selon les chiffres de l’Autorité de Régulation des
Transports (ART), les recettes, voyageurs occasionnels et
abonnés, perçues par SNCF représentaient environ 30% du
coût total du service. En d’autres termes, 70% du coût du TER
est couvert par l’impôt.

Une conséquence notable de cette différence de « statut » entre


les TGV et les TER (seul le second étant stricto sensu un
service public) est leur politique de prix. Alors que le prix des
TER est fixe, les tarifs TGV font l’objet d’un « yield
management », c’est-à-dire qu’ils sont variables en fonction de
différents critères : moment du voyage (les périodes les plus
demandées – été, week-end, vacances, etc. – étant plus
coûteuses que les périodes creuses), date de réservation (plus
la réservation a lieu en amont, moins le billet est cher), taux de
remplissage, etc.

De plus, la SNCF propose un certain nombre de cartes de


réduction, ce qui complexifie encore la gamme tarifaire. La plus
connue, destinée au grand public, est la « carte Avantage ». Sur
un même trajet, on constate une large fourchette de prix. Ainsi
un Paris-Marseille en 2de classe peut varier de 25€ en Ouigo en
période creuse à 131€ pour les TGV les plus demandés, en
passant par 89€ comme tarif maximum pour les titulaires d’une
carte Avantage. Cette politique de prix variable est logique dans
un contexte où l’objectif de l’entreprise est d’être rentable sur
cette activité. Le yield management, également utilisé dans

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d’autres industries comme le transport aérien et l’hôtellerie,


permettant de maximiser les recettes d’une activité.

Dernier mythe tenace à propos du statut « non-service public »


de l’activité TGV : cet état de fait n’est pas lié à la récente
ouverture à la concurrence. En 1967, un rapport sur les
entreprises publiques préconisait déjà la recherche de
rentabilité. La première annexe de ce rapport étant… « une note
sur la SNCF » ! Plus globalement, l’État n’a jamais souhaité
inclure l’ensemble des activités de la SNCF dans le champ des
missions de service public et cela depuis la création de
l’entreprise en 1937[7].

Il ne faut néanmoins pas en conclure que la SNCF serait une


entreprise comme les autres avec comme seul objectif la
recherche du profit. Depuis l’année 2020, elle a le statut de
société anonyme, mais elle reste contrôlée à 100% par l’État.
Son actionnaire unique peut ainsi orienter sa stratégie, et
pourrait notamment lui demander de baisser le prix des billets
de TGV. Mais une telle politique serait-elle pertinente ?

TGV cher : un débat fondé des faits et des


chiffres ?

En tant qu’économiste, mon premier réflexe est toujours de


rappeler une règle simple : quand un bien est trop coûteux, il ne
trouve pas d’acheteur. Or, ce n’est pas absolument pas la
situation rencontrée par le TGV aujourd’hui en France. C’est
même exactement l’inverse. Depuis 2022, les TGV connaissent
des taux de fréquentation records, tant et si bien qu’il est parfois
difficile de trouver des places à certaines dates. Pour les trains
à destination des bords de mer en juillet et en août, mais
également durant les week-ends de mai ou de juin. Pour se

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rendre à la montagne en février, et pour aller à peu près partout


pendant les vacances de Noël. Sur certaines destinations
comme Bordeaux ou Rennes, il est souvent complexe d’acheter
des billets les vendredi et dimanche soir.

Même avant 2020, avant la crise sanitaire, il était déjà


compliqué de trouver des places en dernière minute pour le
vendredi de la veille des vacances de Noël. Mais depuis 2022,
ce phénomène de « trains complets » s’est étendu en dehors de
ces dates dites de « super pointe ». Les chiffres le prouvent : le
taux de remplissage moyen des TGV est passé, selon l’Autorité
de Régulation des Transports (ART), de 61% en 2015 à 74% en
2022. Pour comparer, le taux de remplissage des trains en
Suisse la même année était de 23,9%[8]. En octobre 2023, le
jour de la mise en vente des billets pour Noël, le nombre de
connexions sur SNCF Connect a été tellement important que le
site a « planté ».

On peut donc dire sans exagérer que le TGV est aujourd’hui


dans une situation qui s’assimile davantage à un manque qu’à
une sous-fréquentation. Cette pénurie devrait durer jusqu’en
2025 au moins, car ce n’est qu’à cette date que la nouvelle
génération de TGV commandée par la SNCF commencera à se
déployer : les TGV M. La SNCF a commandé 115 rames de ces
nouveaux TGV, qui pourront transporter un nombre élevé de
passagers (jusqu’à 740). L’arrivée progressive de ces rames, en
complément du parc actuel mais aussi pour remplacer les trains
les plus anciens aujourd’hui en circulation, qui s’étalera jusqu’en
2036, devrait permettre à la SNCF de proposer progressivement
plus de places dans ses TGV, et donc réduire le phénomène de
« trains complets ».

D’un point de vue strictement économique, la SNCF pourrait


donc même augmenter ses prix : selon la loi de l’offre et de la

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demande, cette augmentation détournerait du train certains


voyageurs, réduisant le phénomène de pénurie, tout en
augmentant les recettes de l’entreprise, car il resterait tout de
même suffisamment de clients prêts à payer encore plus cher
pour obtenir le précieux sésame. Mais il est nécessaire d’entrer
dans les détails pour étayer cette impression de prix élevés des
billets et notamment en regardant le niveau effectif des prix.

Ce n’est pas un exercice facile, du fait de l’utilisation du « yield


management » : le prix variant en fonction de nombreux
facteurs, il n’est pas possible pour un observateur de connaître
le prix moyen auquel est vendu un billet sur telle ou telle
destination Ce prix moyen est une information qui relève du
secret des affaires. Néanmoins, l’Autorité de régulation des
transports (ART) fournit le chiffre suivant : un passager TGV en
France payait en moyenne 9,7€ pour un trajet de 100km (en
2019). On dispose des mêmes informations pour l’ensemble
des pays européens[9] : le prix moyen d’un trajet en train[10]
était de 10,27€ pour 100 km, avec des pays pratiquant des prix
bien supérieurs comme le Royaume-Uni (19,27€). La
comparaison européenne n’étaye donc pas la théorie d’un
transport ferroviaire particulièrement élevé dans l’Hexagone.

Dernier critère objectif d’estimation du prix : son évolution dans


le temps. Là encore, l’utilisation du yield management rend son
suivi complexe : en juin 2023, l’INSEE et la SNCF n’arrivaient
pas aux mêmes conclusions. L’INSEE constatait une
augmentation de 8,2% en un an. Cette estimation était alors
réfutée par la SNCF considérant que l’INSEE ne prenait pas en
compte les tarifs réduits dont bénéficiaient les porteurs de la
carte Avantage.

On peut néanmoins conclure, quelle qu’en soit la source, que


des augmentations significatives et successives ont eu lieu

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depuis la fin de la crise sanitaire : SNCF a ainsi annoncé une


augmentation des prix standards, sans carte de réduction, de
5% en 2023 et de 2,6% en 2024. Le tarif maximum payé par les
titulaires d’une carte Avantage a augmenté de 13% à 26% selon
les distances à l’été 2023. Enfin, une récente évolution de la
méthode de calcul des tarifs Avantage a conduit à une
augmentation non négligeable sur cinq destinations.

Rappelons que depuis le début de la guerre en Ukraine


l’augmentation générale du niveau des prix a été de 5,6% en
2022 et 4,9% en 2023. Cette forte augmentation des prix peut
également s’expliquer par l’actuelle pénurie de billets : des
trains qui se remplissent rapidement conduisent
mécaniquement, via le « yield management », à des prix élevés.

Si ce dernier élément d’analyse valide l’impression de prix


toujours plus élevés du TGV, il n’emporte pas complètement le
débat. En prenant un peu de recul et en observant
objectivement les faits et chiffres (situation de pénurie,
comparaisons européennes, inflation généralisée) on comprend
que si les prix du TGV sont considérés élevés, c’est par
comparaison à ce qu’ils « devraient » être dans une vision
normative du rôle de la SNCF.

Derrière cette question du prix du TGV se cache un débat plus


profond sur la nature même de la SNCF, perçue comme une
entreprise de service public, devant encourager les citoyens et
citoyennes à utiliser des modes de transport peu polluants et
rendant le train accessible à tous.

Le TGV, un mode de déplacement coûteux par


rapport à l’avion

À l’été 2023, une étude de l’ONG Greenpeace faisait grand

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bruit. Elle constatait que le train était en moyenne deux fois plus
coûteux que l’avion en Europe en se basant sur les tarifs
aériens et ferroviaires pour 112 liaisons sur une durée de 9
jours. Si ce résultat ne se vérifie pas systématiquement sur
l’ensemble des trajets et à toutes les dates, il est difficile de nier
l’attractivité des tarifs des compagnies aériennes low-cost. Ce
faible coût s’explique notamment par la fiscalité plus faible de ce
mode de transport, en particulier l’absence de taxation du
kérosène alors même que l’électricité utilisée par les TGV est
taxée donc plus coûteuse.

Cette comparaison entre modes de transports n’est néanmoins


pertinente que pour les lignes où le train et l’avion sont en
concurrence, c’est-à-dire les trajets relativement longs. En
dessous d’une durée de trajet de 3 ou 4 heures, les avantages
qualitatifs d’un voyage en train (confort, absence de contrôle de
sécurité, gares situées en centre-ville…) sont tels que la part de
l’avion est quasi nulle[11]. En France, les seuls trajets sur
lesquels l’aérien et le TGV sont réellement en concurrence sont
peu nombreux : Paris-Nice, Paris-Toulouse, mais aussi des
trajets qui ne sont pas à destination ou en provenance de Paris,
sur lesquels la compagnie espagnole Volotea, devenue la
première compagnie aérienne pour les vols intérieurs, s’est
positionnée.

Le réseau ferroviaire étant quant à lui très centré sur Paris, il


existe peu de trajets TGV dits « intersecteurs », c’est-à-dire ne
passant pas par la capitale En synthèse, la baisse des prix du
TGV (ou augmentation des prix de l’avion) ne modifierait qu’à la
marge la demande respective pour les deux modes, n’impactant
qu’une poignée de lignes. La concurrence principale du TGV
reste aujourd’hui la voiture, au moins pour certains clients
(familles, classes populaires). Comment alors attirer celles-ci

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vers le train ?

Comment rendre le train accessible au plus grand


nombre ?

Comme nous l’avons vu ci-dessus, l’actionnaire unique de


SNCF, c’est-à-dire l’État, pourrait orienter la stratégie de
l’entreprise ferroviaire, et lui demander de baisser les prix des
billets de TGV. Mais quelle serait la conséquence d’une telle
politique ? Permettrait-elle de rendre le train accessible au plus
grand nombre ?

Si l’on s’intéresse à l’actuelle clientèle des TGV, un fait est


particulièrement frappant : la forte proportion des « CSP+ »
dans les voyageurs. Selon l’ART, « Alors qu’ils ne représentent
que 10% de la population française de plus de 18 ans, les
cadres et professions intellectuelles (CSP +) constituent 48% »
des voyageurs ayant fait au moins un voyage en TGV sur
l’année 2019.

Ce chiffre est encore inférieur à la proportion de cadres en


moyenne dans un TGV, car il s’intéresse aux personnes ayant
pris au moins une fois le TGV dans l’année. Or les cadres se
déplacent plus fréquemment que le reste de la population.
Selon l’enquête « Mobilité des personnes » qui mesure la
mobilité des français et des françaises au niveau national, que
réalise le ministère des Transports, si l’on s’intéresse aux
mobilités longue distance, soit plus de 80 km du domicile, les
cadres effectuent en moyenne 19 112 km par an et par individu
(en comptant à la fois les déplacements professionnels et
personnels), quand la moyenne sur l’ensemble de la population
est de 7 617km.

Sur ces distances, les cadres effectuent 16% de leurs trajets en

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train[12] (environ 3 000 km) quand la part modale du train de


l’ensemble de la population est d’environ 10% (environ 750 km).
Il y aurait donc quatre fois plus de cadres que d’autres
catégories socioprofessionnelles dans le train. Pour le dire
autrement, en arrondissant, on peut dire que 80% de la clientèle
actuelle d’un TGV est constituée de cadres !

Une baisse des prix globale sur le TGV pourrait-elle inciter les
classes populaires à emprunter plus fréquemment le TGV et
donc rééquilibrer la proportion des cadres vs de non-cadres ?
Rien n’est moins sûr. Penser que le prix est l’unique déterminant
de la demande de transport est bien mal connaître la sociologie
et l’économie des mobilités. La principale caractéristique de la
demande de transport est d’être une « demande dérivée » : en
dehors des croisières, on ne voyage pas pour le plaisir, mais
pour se rendre quelque part. Or, encore faut-il avoir quelque
chose à y faire ! Quelles sont les catégories qui prennent le train
pour un motif professionnel ? Il s’agit presque exclusivement de
cadres ou de dirigeants d’entreprises. Une caissière ou un vigile
ont rarement une réunion professionnelle à l’autre bout de la
France.

Cette moindre mobilité des catégories populaires se constate


également, mais dans une moindre mesure, pour les
déplacements personnels. Les cadres ont les moyens de s’offrir
régulièrement des nuits d’hôtel ou d’avoir une résidence
secondaire. Même leurs déplacements pour aller rendre visite à
des proches sont en moyenne plus longs que pour l’ensemble
de la population. Une caissière cherche rarement un poste situé
dans une autre Région que celle où elle a passé son enfance et
effectué sa scolarité. Au contraire, pour un cadre, du fait de la
localisation des universités et des Grandes Écoles et de la
recherche d’opportunités professionnelles correspondant à ses

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qualifications, il est plus probable de ne pas travailler dans son


département de naissance, surtout si au moins l’un des deux
départements (celui du travail/celui de naissance) n’est pas
situé en Île-de-France. Il existe évidemment des exceptions[13],
mais la conclusion est imparable : même si les prix du TGV
baissaient significativement, la proportion de cadres face à celle
de non-cadres dans les trains n’évoluerait que marginalement.

Subventionner la SNCF pour qu’elle baisse le prix des TGV


reviendrait donc à mener une politique dite « anti-
redistributive », c’est-à-dire à prélever l’impôt sur l’ensemble de
la population pour aider financièrement la mobilité des plus
aisés. En caricaturant un peu le débat, on serait tenté de faire le
raccourci suivant : subventionner le TGV, c’est prélever sur la
TVA payée par tous pour aider les propriétaires parisiens d’une
résidence secondaire à l’île de Ré à se faire « des petits week-
ends » au bord de la mer.

Remettre au goût du jour le billet populaire de


congés annuel

Cette mise en perspective permet de mieux cerner le problème


et conduit à modifier sensiblement notre questionnement initial :
si la SNCF et le TGV ont un objectif de service public, ne
faudrait-il pas mettre en place une politique de prix qui permette
au plus grand nombre de prendre le train ? Il ne s’agirait alors
plus de faire baisser globalement le prix du TGV, mais de
permettre à ceux qui en sont exclus d’y avoir accès. On pense
en particulier aux familles de classes moyennes ou populaires,
très peu présentes dans la clientèle des TGV. Au nom du « droit
aux vacances », ne serait-il pas légitime de leur offrir
l’opportunité de prendre le TGV au moins une fois par an ?

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Cette question a déjà été posée, et a reçu une réponse


affirmative, dès 1936, quand dans la foulée de l’instauration des
congés payés, Léo Lagrange instaure un « Billet populaire de
congés annuel ». Ce billet existe encore aujourd’hui sous le
nom de « billet de congé annuel ». Il permet à tout salarié,
retraité ou demandeur d’emploi de bénéficier de 25% de
réduction sur le plein tarif d’un billet aller/retour une fois par an.
Jusqu’en janvier 2023, la réduction était de 50 % pour les billets
payés en chèques-vacances, mais cette réduction avantageuse
a pris fin.

Néanmoins, cet avantage social est peu connu du grand public


et son utilisation relativement faible. Premièrement parce que le
tarif auquel il donne droit est assez peu intéressant : la
réduction s’applique sur le tarif standard en seconde classe,
c’est-à-dire le prix maximum, celui payé sans aucune carte de
réduction. Pour Paris-Marseille, il s’agit donc de 25% de
réduction sur le billet à 131€. En 1936, lorsque ce billet a été
mis en place, les tarifs des trains étaient fixes, non yield
managés. De ce fait, la réduction s’appliquait sur le prix
« standard », pas sur le prix maximal. Deuxièmement, parce
que bénéficier de ce tarif nécessite beaucoup d’efforts. Il faut
faire compléter par son employeur un formulaire papier puis se
rendre au guichet ou le scanner et l’envoyer sur un tchat mis en
place par la SNCF ! Difficile de ne pas en conclure que l’État et
la SNCF souhaitent que cette réduction, même relativement
faible, reste difficile d’accès : une technique éprouvée pour
maximiser le non-recours à une mesure sociale afin d’en réduire
le coût.

Le TGV est-il trop cher ?

Alors, les billets de TGV sont-ils trop chers ? La réponse est

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nuancée. Si les prix du TGV ont fortement augmenté


notamment du fait de l’insuffisance du nombre de rames pour
répondre à la demande, on peut espérer que l’effet combiné de
l’arrivée des TGV M et de la progressive ouverture à la
concurrence modère ces augmentations. D’un point de vue
environnemental, ce n’est pas tant le train qui est trop cher que
l’avion qui ne l’est pas assez du fait de sa faible taxation. D’un
point de vue social, le TGV n’est pas trop cher en général, car
baisser significativement son prix reviendrait en définitive à
subventionner la mobilité des plus aisés au dépend des
personnes voyageant utilisant le moins le TGV dans un contexte
de pénurie. En revanche, la généralisation du tarif « congé
annuel » pourrait permettre à tous de bénéficier de tarifs réduits.
Son utilisation doit être simplifiée et la réduction à laquelle il
donne droit, revalorisée.

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