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09/06/2022, 14:21 Ryusuke Hamaguchi : "Les films d'Eric Rohmer m'ont appris comment filmer une conversation" - La Libre

Ryusuke Hamaguchi : "Les films d'Eric Rohmer m'ont


appris comment filmer une conversation"
Alain Lorfèvre
Journaliste service Culture

Publié le 25-04-2022 à 15h44 - Mis à jour le 26-04-2022 à 19h05

©Berlinale

Après dix ans passés dans l’anonymat l’autoproduction, le cinéaste japonais Ryusuke
Hamaguchi connaît, depuis 2015, une reconnaissance internationale. Il est devenu un
habitué des grands festivals : on a vu ses films à Cannes, Venise et Berlin.

Fin mars, il a été couronné de l'oscar du meilleur film étranger <


https://www.lalibre.be/culture/cinema/2022/03/28/ocars-2022-un-palmares-ultra-
consensuel-OY6BZD36ZJDRBBHGZZ67EOELMU/ > pour Drive My Car <
https://www.lalibre.be/culture/cinema/2022/03/02/drive-my-car-une-grande-
adaptation-dune-nouvelle-de-murakami-nommee-a-loscar-du-meilleur-film-etranger-
XSB6DZJEXNAVVILJGD3G3LTPPM/ > , prix du scénario lors de sa présentation au

https://www.lalibre.be/culture/cinema/2022/04/25/ryusuke-hamaguchi-les-films-deric-rohmer-mont-appris-comment-filmer-une-conversation-QTYZDRL3VZF7… 1/4
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Festival de Cannes 2021, et sorti en Belgique le 2 mars. Sort dans la foulée, ce 27 avril,
Contes du hasard et autres fantaisies <
https://www.lalibre.be/culture/cinema/2021/03/19/ryusuke-hamaguchi-un-rohmer-
nippon-a-berlin-46IKQCCQ25H3FIEJFH3XN5WBLA/ > , Grand Prix du Jury au Festival de
Berlin 2021. Un film à sketchs qui décline en trois histoires une série de coïncidences
amoureuses. Nous avions dialogué à distance, l'an dernier, avec le réalisateur de 43 ans.

Les trois récits qui forment Contes du hasard et autres fantaisies sont-ils le fruit de
votre imagination ou des histoires vécues ?

C’est un mélange des deux. Ce sont parfois des bribes de conversations d’amis ou que
j’ai pu entendre par hasard. Le premier récit, qui se déroule en partie dans un café, est
inspiré d’une conversation que j’ai entendue dans un café entre une femme et un
homme. Cela a mis en route mon imagination. Ils parlaient de l’ancien petit ami de la
femme et j’ai fantasmé sur leur histoire à partir de ce que j’entendais.

Qu’est-ce qui vous intéressait dans le format court ? Le fait que ça évoque le format
littéraire de la nouvelle ?

Je souhaitais à l’origine réaliser des courts métrages parce que ce format permet de
travailler dans une économie bien plus souple, de retrouver une liberté d’expérimenter
qu’on n’a pas forcément sur des budgets plus importants. Mais le format court a peu
d’opportunité de diffusion. J’ai eu la chance de rencontrer Mary Stephen, qui était la
monteuse d’Eric Rohmer. C’est elle qui m’a suggéré l’idée de rassembler plusieurs films
courts pour en faire un programme long, permettant une sortie dans des conditions
normales.

C’est effectivement votre film le plus rohmérien, un réalisateur auquel on vous associe
souvent. Qu’est-ce qui rend Eric Rohmer pertinent aux yeux d’un réalisateur japonais
de votre génération ?

Je me place plus du point de vue du cinéphile. Rohmer est mon réalisateur favori au
sein de la Nouvelle Vague. Il se trouve qu’il admirait deux réalisateurs que je respecte
également : Howard Hawks et John Cassavates. Hawks est un metteur en scène très
formaliste, avec un travail rigoureux sur la structure de ses films et la direction
artistique, tandis que Cassavetes est plus basé sur le naturalisme et les spontanéité. On
peut trouver des traces de ces deux influences dans les films de Rohmer. Il se situe
entre les deux, selon moi. J’ai eu la chance de rencontrer sa monteuse, Mary Stephen,
qui m’a confirmé qu’il cherchait un équilibre entre les influences d’Hawks et de
Cassavetes. Rohmer a établi quelque chose de fondamental pour moi et que son
cinéma m’a appris : comment mettre en scène des personnages qui dialoguent
constamment. Ses films m'ont appris comment filmer une conversation.

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Vous avez souvent travaillé par le passé avec des acteurs non professionnels. Cette
fois-ci, vous avez fait appel à des comédiens professionnels, par ailleurs très connus
au Japon.Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

La relation aux acteurs est ce qui m’intéresse le plus dans mon travail. Je souhaite
d’abord préciser que c’est formidable de travailler avec des non professionnels. De
nombreux classiques du cinéma ont été tourné avec des amateurs. Cela fait sens selon
moi. Qu’est-ce que jouer sinon simuler ? Si l’on n’a pas appris à simuler un rôle, on paraît
plus naturel. Ce genre de personne devant la caméra apporte une profondeur
particulière. Elle joue sans idée ou technique préconçue. Mais j’ai pris conscience de la
nécessité de travailler avec des professionnels pour lesquels le contrat par rapport au
public est plus clair et est d’emblée accepté. C’est un peu un dilemme.

Cela change-t-il votre manière de travailler avec les comédiens ?

Je dirais que non. La nature du réalisme que je cherche demeure la même et exige
autant de travail dans les deux cas. Tout repose sur la confiance entre les comédiens et
vous. Il faut organiser autant de répétition.

Dans le deuxième segment, vous parvenez à tourner une scène de sexe purement
suggérée par les mots. Vouliez-vous tourner une scène de sexe sans montrer le sexe ?

Je voulais montrer qu'on peut atteindre une relation profonde grâce à la puissance des
mots. La sexualité est une façon d’atteindre le bonheur, Le rapport sexuel débouche
souvent sur une sorte de vide, de déception. Se rapprocher de l’autre à travers les mots
permet finalement d’accéder à cette fusion de façon beaucoup plus intense.Le résultat
est vraiment le fruit du travail de l'actrice Katsuki Mori. C’est la première fois qu’elle
obtient un rôle de cette importance. Elle a préparé cette scène avec intensité. Durant le
montage, j’ai vu à quel point elle s’améliorait prise après prise. Je pense que ce qu’elle
dit dans cette scène l’affecte. Elle exprime que ce que cherchent les deux personnages
est plus profond que la relation charnelle.

Vos décors urbains apparaissent dépeuplés. Est-ce un choix esthétique ou une raison
économique ?

Economique, d’abord, je l’avoue car nous n’avions pas de budget pour engager des
figurants. Nous tournions aussi durant la pandémie. Nous avons aussi choisi des lieux
avec peu de passage.

Vous avez travaillé de façon indépendante et pour le cinéma commercial. Quelle


économie préférez-vous ?

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Les deux ont leurs avantages et économies. Pour ce film-ci, c’était en mode
indépendant. J’ai joui de la confiance de mon producteur Satoshi Takata. En travaillant
avec une petite équipe, on bénéficie de plus de flexibilité. Et j’ai le loisir de suivre mon
intuition durant le tournage, malgré les contraintes budgétaires. Sur les tournages plus
commerciaux, il y a plus d’interlocuteurs concernés. Même avec un budget confortable,
il faut tenir compte de tous les intervenants. Cela implique plus de discussions. Il faut
être très sûr de soi et de ses intentions. Le principal bénéfice est qu’on peut s’appuyer
sur les compétences d’un plus grand nombre de personnes.

On ne peut s'empêcher de vous posez la question : souhaiteriez-vous tourner un jour


en Europe ou aux Etats-Unis ?

Absolument ! Si une opportunité se présentait, ce serait avec plaisir. J'ai d'ailleurs


envisagé de tourner un film en France, mais ce projet n'a pas abouti. J'ai écrit quatre
Contes du hasard supplémentaires et l'un d'eux se déroule en France.

Traduction : Mihiko Hamai

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