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L'INTERPRÉTATION
DES FILMS
A .
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RE À RIT
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ARMAND COLIN
le même éditeur
Du même auteur chez
: e lai Ber ala, Michel Marie et Marc Vernet.
Esthétique dufilm,4° éd, 2016, avec rer 16, avec Michel Marie.
tique du cinémas 3° éd, 20
Dictionnaire théorique et cri
avec Michel Marie.
L'Analyse des films, 3° éd., 2015,
éd., 2011.
Les Théories des cinéastes, 2°
L'Image, 3° éd,, 2011. |
e, 2° éd., 2010.
Le Cinéma et la mise en scèn
wWww.armand-colin.com
Avant-propos
Homointerpretans 11
1. Prologue: ce que dit une scène de film 11
2. L'interprétation est permanente et inévitable 16
2.1 Interpréter c'est comprendre 16
2.2 Savoir et pouvoir 21
2.3 Le sensoriel etl'intellectuel 25
3. L'interprétation est toujours risquée et douteuse 27
3.1 La diversité des intentions 27
3.2 L'interprétation fictionnelle : fabriquer du sens 30
3.3 Lexemple de la reconstruction de films 36
4. Place de l'interprétation dans le geste critique 38
4.1 Interprétation et analyse. Le détail 38
4.1.1 Interprétation et analyse 38
4.1.2 Le statut du détail 40
4.2 Interprétation etcritique 43
47
Approches de l’art d'interpréter
ND
Mairie de Paris
Table des matières 249
Bibliothèque du cinéma
Homo interpretans
Homo interpretans | 13
ventionnellement sur
donner uneexistence sensorielle à un morceall noté con crip-
ent de donner des pres
du papier, mais d'expliquer sonsens, et corrélativem
igner la complexité de ce
tions sur son rendu sonore. On ne saurait trop soul
n peut utiliser les ressources
processus courant: il y a d'abord la conviction quo
essante d'un phéno-
du langage pour rendre compte de manière adéquate etintér
e autres, que pour expliquer
mène non verbal, la m usique. On peut noter, entr
HéCQUrS à des
ce morceau de musique datant de plus d'un siècle, l'interprète a
la biographie du
considérations techniques (de doigté par exemple) mais aussià
isables est vaste
compositeur, voire à sa psychologie. La gamme des donnéesutil
ce
et diverse : du plus objectif(tel trait sera plusfacile à rendre si on passele pou
à tel endroit) au plusincertain (Chopin était-il « très viril », commel'affirmela
mère — à rebours d'une image convenuede ce compositeur ?).
Symétriquement,il y a la convictioninverse,et tout aussi étonnante, que ces
phrases d'explication vont pouvoir se matérialiser en sons, par l'intermédiaire
d'un corps quiles traduira en gestes instrumentaux. Du texte écrit à l'exécution
du morceau, on est passé par un stade intellectuel, plus ou moins verbalisé,
qui est censé être un intermédiaire utile — voire nécessaire — à ce passage.Ici,
l'interprétation ajoute moins qu'elle ne cherche à être juste. La pianiste qui veut
jouerbien le prélude de Chopin doit travailler sa technique digitale, mais aussi
faire une enquête : quesignifient au juste ces notations conventionnelles qui ne
disent, à elles seules, que des hauteurs de son et des durées ? Commentlesfaire
parler ? Et surtout, comment lesfaire parler sans parler à leur place ? L'interprète
ajoute, mais il doit se souvenir qu'il ajoute, et confronter ses ajouts à un respect
de principe de l'intention qu'on peut supposer dansce qu'il interprète.
On n'est pas très loin ici d'un des sens les plusfréquents du terme « interpré-
tation », celui qui désigne l'opération permettant de passer d'une langue à une
autre. Les problèmes sont largement les mêmes si je veux rendre en français
un texte écrit en russe, en coréen ou en arménien, je devrai d'abord savoir
lire
cett € langue de $
départ(comme le pianiste doit savoirlire la partition), c'est-à-dire
4 ue Jje
E devrai
devrai êtr
é e capable defairj e du sens (expression que no
us aurons à ques-
onner) dans cette langue. ]
de transférer un « e devrai posséder un code technique permettant
é sd or n
d'usa Once d'unelangue à l'autre (dictionnaire, grammaire, règles
8€, Mais aussi connaissa
aura toujour s un mom Ent ice suffisante du contexte) : pourfinir, toutefois,il y
où je devrai y mettre du mien, pour choisir entre plu-
sieurs solutions c elle quiÏ me
Paraît
Î ra la meilleure — au nom de critèr
es variables
14 | L'interprétation
des films
entre lesquels j'aurai dû aussi préalablement choisir, fût-ce inconsciemment. (Je
°J
Homo interpretans 15
Queconclure de ce premier examen ? |
En premierlieu, que la notion d'interprétation est large, et Vaut pour des
activités très diverses,allant du plus banal au plus spécialisé, pouvant mobiliser
des techniques élaborées ou le simple sens commun,et concernant dessitua-
tions et des objets de nature très variable. Et d'autre part, quelle est une activité
constante del'esprit : nousinterprétons sans cesse ce qui nousarrive, que ce soit
dans nos relations interpersonnelles, dans nos activités et nos affects, dans nos
rencontres avec des « œuvres del'esprit » (au sensle plus large). Comme la prose
pour Monsieur Jourdain, l'interprétation est ce que nousfaisons journellement,
sans forcémentle savoir, et le plus souvent sans y penser. « Puisse Dieu [me]
donner la faculté de pénétrer ce que tout le monde a sousles yeux ! », disait le
philosophe Ludwig Wittgenstein! : c'est, sil'on veut, le paradoxe de l’inter-
prétation, qui nous donne à tâche de comprendre ce quiest là, devant nous
et ne nous demande rien — et en même temps, exige de nous que nousen fas-
sions quelque chose. L'événement quotidien dénué de sens, comme l'œuvre d'art
énigmatique qui melaisse entendre qu'elle m'ouvre un univers caché. appellent
l'un et l'autre ma participation, mon intelligence, ma culture et mon imagination,
pourleur donner un sens, c'est-à-dire les interpréter.