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LE LABYRINTHE
ET LE MIROIR
LE CINÉMA DE JOÃO CÉSAR MONTEIRO
FRANCESCO GIARRUSSO
LABCOM.IFP
Communication, Philosophie et Humanités
Unité de recherche
Université de Beira Intérieur
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LE LABYRINTHE
ET LE MIROIR
LE CINÉMA DE JOÃO CÉSAR MONTEIRO
FRANCESCO GIARRUSSO
LABCOM.IFP
Unité de recherche en communication,
philosophie et sciences humaines
Université de Beira Interior
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Le labyrinthe et le miroir
Le cinéma de João César Monteiro
Auteur
Francesco Giarrusso
Editeur LabCom.IFP
www.labcom-ifp.ubi.pt
Collection
ARS
Direction
Francisco Paiva
conception graphique
Cristina Lopes
ISBN
978-989-654-280-1 (papier)
978-989-654-282-5 (pdf)
978-989-654-281-8 (epub)
Dépôt légal
407099/16
Dessin
impression à la demande
Covilha, 2016
Indice
Préface 5
introduction 9
régimes 77
chemins du bricoleur : textes, peintures et cinéma dans le centão montéirien 2.5. Le 120
Conclusion 287
bibliographie 297
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culture ou, pour paraphraser Maria Velho da Costa dans une interview
publiée sur le DVD de Silvestre, « culture authentique ». «ÿOh Evaristo,
tu as çaÿ?ÿ» Demander, c'est marcher. Vous marchez toujours d'un point
à un autre. João César Monteiro ne se contente pas de déambuler dans
l'espace, il enroule aussi ses souliers en lui-même, parmi Max Monteiro,
Jean Watan, João de Deus, João Vuvu..., les différents pseudonymes qui
animent son esprit, c'est-à-dire qu'ils activer son corps pour le parti qui renversera l'ordre.
Mais pour marcher et subvertir, il faut de la nourriture. Ses différents
alter ego sont des hommes de plaisirs simples mais raffinés. João, le
César Monteiro du cinéma, croyait aussi à une pureté des formes obtenue
à partir d'une pauvreté des moyens - une riche pauvreté des moyens,
c'est-à-dire. C'est pour lapider la métaphore bachtinienne que Francesco
Giarrusso invoque pour, comme le policier d' À Flor do Mar, nous montrer
les voies qui instancient le régime dialogique chez João César Monteiro.
En effet, la figure de la citation apparaît, à travers et dans son écriture,
comme un acte organique de déglutition, de digestion et d'évacuation
d'une matière nutritive donnée. Presque tous les films de César Monteiro
proposent des banquets où le rituel du manger et du boire enveloppe les
sens d'une langueur pantagruélique. Manger, boire et même parler. Tout
se savoure longtemps, mais tout finit aussi par être retourné et transformé pour être expuls
D'un côté la bouche, de l'autre le cul. "Oh oh oh oh / Ru-ru-ru / Papinhas
dans le cul / Je les ferais, tu les mangerais". La grand- mère de Veredas ,
qui serre le bébé contre sa poitrine en fredonnant le baratin, place le
régime dialogique montéirien sous le signe d'un régime alimentaire voire
excrémentiel qui « police » le chemin qui va de la bouche au cul. Le texte
montéirien est un corps sans centre (le vagabond affamé dans son
labyrinthe culturel) qui grignote ça et là, plus ou moins indistinctement,
cherchant sans avidité cette nouvelle unité plurielle.
Lorsqu'il dit que « LE CINÉMA C'EST L'UE », César Monteiro ne se limite
pas à paraphraser Flaubert et son « Madame Bovary, c'est moi ». Ce n'est
pas exactement un régime d'identification ou encore moins un mode
d'écriture biographique. Au contraire, par cette affirmation, Monteiro veut
dire qu'il se fait moins dans les personnages et leurs accidents
anecdotiques que dans la surface des images qu'il signe. Le soi de Monteiro est le soi onto
Luis Mendonça
Lisbonne, le 21 juin 2015
Francesco Giarrusso 9
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Pour Bachtin, il n'y a donc pas d'énoncé isolé des autres énoncés : tous
les textes sont caractérisés par des formules anonymes congénitales à
la langue elle-même, par des citations conscientes ou inconscientes, par
des fusions et des inversions d'autres textes. Le dialogisme se définit
donc comme la relation qui s'établit entre les énoncés, notion qui
contient déjà embryonnairement à la fois le concept de transtextualité,
défini comme « l'ensemble des catégories générales ou transcendantes
[…] auquel appartient chaque texte spécifique »2 [Genette , 1982ÿ: 7],
comme l’interdiscursivité, qui explique « les rapports que chaque texte
[…] entretient avec l’ensemble des énoncés (ou discours) inscrits dans
la culture correspondante et ordonnés, non seulement idéologiquement,
mais aussi par registres et niveaux »3 [Sègre, 1984ÿ: 111]. Avec
précautions, nous appliquerons au cinéma les interprétations
linguistiques que l'on peut déduire des recherches bachtiniennes. Nous
analyserons l'œuvre de Monteiro comme une unité textuelle plurielle,
composée de voix et d'images multiformes dans laquelle se fait entendre
l'écho d'autres amas textuels ou discursifs des innombrables galaxies de référence. Pour c
En effet, l'acte de lecture ne peut se passer de l'expérience que le lecteur/
spectateur a d'autres textes : il implique un parcours régressif,
1. La traduction italienne du texte original est : « Ogni parola concrete (enunciazione), infatti, trova
il suo oggetto, verso il quale tend, semper, per così dire, già nominato, discuto, valutato, avvolto in
una foschia che lo oscura oppure, au contraire, nella luce delle parole già dette su di eso. C'est
avviluppato et penetrato da pensieri generali, da punti di vista, da valutazioni et accenti altrui. […]
L'enunciazione viva, qui est née consciemment à un certain moment historique dans un
environnement socialement déterminé, non può non toccare migliaia di ili dialogici vivi.
2. Le texte français original est : « l'ensemble des catégories générales, ou transcendantes […] dont
relève chaque texte singulier ».
3. Le texte original en italien est : « i rapporti che ogni testo, orale o scritto, intrattiene con tutti gli
enunciati (ou discorsi) inscrit dans les ordinati culturellement et idéologiquement correspondants,
oltre che per registi e livelli ».
Francesco Giarrusso 13
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4. Le texte original en italien est : « che un testo può intrattenere con gli orientamenti sociali e
culturali, più o less visibili, più o less ravvisabili, propri del contesto di appartenenza ».
5. La traduction italienne du texte original est la suivante : « only pluridiscorsività rispetto alla
lingua letteraria riconosciuta […], cioè rispetto al centro chemicalo della vita ideological-verbale ».
Francesco Giarrusso 15
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4. Voir la citation de Sir Thomas Browne apud Curtius, 1979ÿ: 323 : des bas de la nature.
[Sûrement les Athées savaient combiner et lire ces Lettres mystiques mieux que nous Chrétiens,
qui regardons plus négligemment ces Hiéroglyphes communs et dédaignons de tirer la Divinité
des fleurs de la Nature.]
5. Comme l'écrit Serge Daney [1994ÿ: 159], « la vérité du cinéma, c'est l'enregistrement ; s'en éloigner,
c'est quitter le domaine du cinéma ». « Le cinéma [capture] vingt-quatre fois par seconde une situation simultanée
(« in presentia »), celle de la réalité présentée devant la caméra » [Daney, 1993ÿ: 177]. De plus,
comme il l'affirme lui-même, on peut comprendre « le cadrage comme une coupe à vif, comme
un bistouri-œil, comme un rectangle chirurgical » [Daney, 1994ÿ: 84], dont l'action consiste en la
re-production de l'expérience que nous avons du monde. L'image cinématographique n'est pas
une copie de la réalité, mais une re-présentation de l'expérience que nous en avons, dans la
mesure où l'image reprend notre être au monde, le fait renaître et revivre à l'écran. L'image est la
mise en forme de notre expérience du réel, c'est la projection de nos perceptions de celui-ci.
Pour cette raison, nous pensons que la capacité d'enregistrer le cinéma ne doit pas être abjurée,
même si elle peut parfois être confondue avec l'effet de réalité que peut évoquer l'image
cinématographique. Comme nous le verrons plus loin, Monteiro critique également le caractère
mimétique et parasitaire d'un certain type de cinéma illusionniste, car, comme il le répète si
souvent, l'image n'est pas le reflet du monde mais un monde qui se mire et s'objective, se
révélant à l'homme l'essence de votre relation avec votre environnement. [Les citations originales
en français sont : « la vérité du cinéma c'est l'enregistrement ; en sortir c'est sortir du cinéma »,
« le cinéma captait en vingt-quatre fois une situation simultanée (« in presentia »), celle de la réalité disposée devant la c
6. Le texte français original est : « une langue ni un langage. C'est une masse plastique, une matière
a-signifiante et a-syntaxique, une matière non linguistiquement formée, bien qu'elle ne soit pas
amorphe et soit formée sémiotiquement, esthétiquement, pragmatiquement.
7. Le texte français original est : « Ce n'est pas une énonciation, ce ne sont pas des exprimés. C'est
un énonzable.
8. A ce propos, Deleuze affirme : « L'image-mouvement est un objet, c'est la chose même appréhendée
dans le mouvement comme une fonction continue. L'image-mouvement est la modulation de l'objet
lui-même. […] Car la modulation est l'opération du Réel, en tant qu'elle constitue et ne cesse de
reconstituer l'identité de l'image et de l'objet » [Deleuze, 1985ÿ: 41-42]. Et il poursuit : « D'une part,
l'image-mouvement exprime un tout qui change » ( processus de différenciation) et « [d'autre part,
l'image-mouvement comporte des intervalles » ( processus de spécification) : « ces images
composées -mouvement […] constituent un matériau de signalisation qui comporte des
caractéristiques de toutes sortes, visuelles et sonores, intensives, affectives, rythmiques, tonales, voire verbales (orales et é
Francesco Giarrusso 19
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Cette conception donne lieu à une double réflexion qui prouve, une fois
de plus, la pertinence de la similitude entre Liber Naturae et le dispositif
cinématographique.
par l'auteur.) [Les extraits originaux sont : « L'image-mouvement, c'est objet, c'est la même saisie dans
le mouvement comme fonction continue. L'image-mouvement, c'est la modulation de l'objet lui-même.
[…] Car la modulation est l'opération du Réel, en tant qu'elle constitue et nécessite de reconstituer
l'identité de l'image et de l'objet », « D'une part, l'image-mouvement exprime un tout qui change », «
D'autre part, l'image-mouvement comporte des intervalles » et « Ces composés de l'image-mouvement,
[...] constituant une matière signalétique qui comportement des traits de toute sorte, visuels et
sonores, intensifs, affectifs, rythmiques, tonaux et mêmes veraux (oraux et écrits). »]
9. Pour un approfondissement de ce sujet concernant les apports théoriques sur les phénoménologies
au cinéma, voir l'essai « Phénoménologies du cinéma » de Paulo Filipe Monteiro dans Grilo ; Monteiro
(dir.), 1996ÿ: 61-112.
10. La traduction anglaise du texte original est : « parce qu'il occupait l'esprit, l'œil et la main ensemble et ainsi
la concentration a aidé ».
11. La traduction anglaise du texte original est : « Dieu est le dictateur, sous lequel les hommes saints écrivent ». Les
italiques dans le texte sont de l'auteur.
12. Le texte latin original est : « unus scilicet scriptus intus, qui est Dei aeterna ars et sapientia, et alius scriptus foris,
scilicet mundus sensibilis ».
13. Bien que les paroles de Monteiro aient des connotations apparemment banales, nous ne pouvons manquer de
mentionner sa conception de l'homme et sa profonde nature divine, en particulier en ce qui concerne l'acte créateur. «
"Dieu est mort", proclamait Nietzsche, mais il faut chercher Dieu dans l'homme, ou plutôt : l'homme doit se dépasser, il
doit être "plus qu'un homme dans un monde d'hommes", comme Malraux de 'La Condition Humaine'. Or, comment
l'homme peut-il dépasser les limites de sa condition ? Par la création, dit Garnier, selon Nietzsche, ou par ses actions, si
l'on préfère, dans la mesure où celles-ci peuvent être inculquées intérieurement dans la mémoire des autres hommes. « Si
nulle ne pense à moi je cesse d'exister », nous avoue le vers de Jules Supervielle. [João César Monteiro, 1961 in Nicolau
(org.), 2005ÿ: 80].
Francesco Giarrusso 21
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14. La version italienne du texte original est : « un mezzo attivo di conoscenza della realtà ».
15. En ce qui concerne le caractère visuel et visionnaire du cinéma (à travers lequel il semble restituer
au spectateur l'expérience de la lecture du livre du monde) et sa corrélation avec la pensée humaine,
lisez les deuxième et troisième chapitres de O Homem imaginé par João Mário Grilo, dont nous
présentons ici un bref extrait : « Je dirai simplement, alors, que le cinéma nous apprend à voir la vision.
Le penser et le vérifier – « deleuziennement » – comme le début d'un autre style de pensée.
Matériellement, le cinéma n'est rien d'autre que la perception d'une perception (d'une pensée qui se
traduit par une perception et en est matériellement inséparable). L'invention d'un point de vue
et à distance, avec tout ce que cela implique : philosophiquement, politiquement et surtout conceptuellement.
[Grilo, 2006ÿ: 18]. Les italiques dans le texte sont de l'auteur.
16. La version italienne du texte original est la suivante : "sono possibili la realizzazione dei processi comunicativi e
l'elaborazione di nuove informazioni".
17. Le texte original en italien est : « di cui il cinema riproduce, e forse ampliica, il requisite di leggibilità ».
Francesco Giarrusso 23
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18. La version italienne du texte original est : « cominci a funzionare come generatore di senso (penser
congegno) ».
19. La version italienne du texte original est la suivante : « per testo intendiamo in senso lato qualsiasi
comunicazione registrata in un dato sistema segnico ».
Voir à cet égard la définition du texte donnée par Vítor Manuel de Aguiar e Silva [1990ÿ: 186] : « Le texte
est un ensemble permanent d’éléments ordonnés et articulés, dont la co-présence, l’interaction et la
fonction sont régies par un certain système signe Le texte est la réalisation concrète, dans une situation
communicationnelle donnée et avec un objectif donné, d'un système sémiotique ; le texte est une entité
topologiquement et/ou temporellement délimitée ; le texte a une organisation interne qui le configure
comme un tout structurel. Conformément à cette conception du texte comme entité sémiotique, on peut
parler de texte filmique, de texte pictural, de texte musical, etc., sans, comme on le prétend parfois, un
usage abusif du terme « texte ».
20. La version italienne du texte original est : « il tutto è più della somma delle parti ».
21. La version italienne du texte original est : « solo l'intero conduce alla chiarezza ».
Francesco Giarrusso 25
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22. La version italienne du texte original est la suivante : « Dopo aver assimilato l'experienza della
linguistique, la semiotica si rivolge alla culturologia.
23. Par analogie avec le concept de biosphère développé par Vladimir Ivanoviÿ Vernadskij, Jurij
Michajloviÿ Lotman définit la sémiosphère comme « un continuum sémiotique , rempli de formations
de différents types, placées à divers niveaux d'organisation » [Lotman : 1985, 56]. Puis il ajoute : «
L'ensemble de l'espace sémiotique peut en fait être considéré comme un mécanisme unique (sinon
comme un organisme). Ce ne sera donc pas telle ou telle brique qui jouera un rôle primordial, mais le
« grand système » appelé la sémiosphère. La sémiosphère est cet espace sémiotique en dehors
duquel la sémiosis ne peut exister. […] [S]ommant une série d'actes sémiotiques particuliers, l'univers
sémiotique ne sera pas obtenu. Au contraire, seule l'existence de cet univers - c'est-à-dire de la
sémiosphère - rend réel chaque acte de signe. [Lotman, 1985ÿ: 58]. [Les versions italiennes des extraits originaux sont : « un c
sémiotique pieno di formazioni di divers type collocato a vari livelli di organzazione » et « Tutto lo
spazio semiotico si può considerare infatti com unico meccanismo (s'il ne s'agit pas d'un organisme).
Ad avere a ruolo primaire non sarà allora question ou quel mattone, mais la sémiosphère chiamato du
« grand système ». La sémiosphère est quello espace sémiotique al di fuori del quale n'est pas
possible l'esistenza della semiosi. […] [S]ommando una serie di atti semiotici particolari, non si otterrá
l'universo semiotico. Au contraire, libérer l'esistenza de cet univers - sur la sémiosphère - le rend
realtà il singolo atto segnico.
24. Dans ce même contexte, il est intéressant de mentionner la définition du texte que Cesare Segre
donne [Enciclopédia Einaudi, Vol.17, 1989ÿ: 152 (devise « texte »)] : « Le mot textus est consolidé
relativement tard dans le latin langue (avec Quintilien [Institutio oratoria, IX, 4, 13]) comme participe passé de texere utilisé dan
sens figuré : métaphore qui considère l'ensemble linguistique du discours comme un tissu ».
Francesco Giarrusso 27
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25. La version anglaise du texte original est : « to copy the original text inscrit dans le livre de mémoire […].
Le poète est à la fois scribe et copiste ».
26. Les extraits italiens du texte original sont : « punti di vista sul mondo » et « forme della sua
interpretazione verbale ».
27. Jorge Luís Borges [« El Aleph » en 1984ÿ: 627] ajoute quelques observations sur la nature de la
Aleph : « Pour la Kabbale, cette lettre signifie l' En Soph, la divinité pure et illimitée ; on a également
dit qu'il avait la forme d'un homme qui pointe vers le ciel et la terre, pour indiquer que le monde
inférieur est le miroir et la carte du supérieur; pour Mengenlehre , c'est le symbole des nombres
transinis, dans lesquels le tout n'est pas plus grand qu'aucune des parties. [Le texte original en
espagnol est : « Para la Cábala, esa letter signifie el En Soph, la unlimited y pura divinidad ; On dit
aussi qu'il a la forme d'un homme qui marque le ciel et la terre, pour indiquer que le monde inférieur
est le miroir et est la carte du supérieur ; pour la Mengenlehre, c'est le symbole des nombres transinis,
dans lesquels le tout n'est pas plus grand que certaines des parties.
28. Le texte original en espagnol est : « el lugar donde están, sin confuse, all places of the world,
seen from all angles ».
29. Le texte original en espagnol est : « un eje de innumerables relaciones ».
30. La version italienne du texte original est : « una reciprocal assimilazione ovvero un lavoro che
ognuno dei partners svolge su di sé ».
Francesco Giarrusso 29
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La pratique montéirienne, offre une unité beaucoup plus subtile. Les films
ne se limitent pas à constituer une mémoire matérielle de l'univers culturel de
Monteiro, un catalogage ou un archivage de la culture, mais lui permettent
de rétablir sa singularité : le travail montéirien vise à établir la
le rapport de l'auteur à lui-même à travers la jonction de ces logoi dispersés
qui ont caractérisé son parcours culturel tout au long de sa vie. La
fragmentation tend vers l'unification ; cependant, celle-ci ne s'effectue pas
entre les intrigues dialogiques des films mais chez le cinéaste lui-même,
tandis que l'union de ces fragments s'obtient par leur subjectivation dans
l'acte de les retravailler et de les insérer dans son œuvre. De même que
l'organisme, pour assimiler les substances qu'il ingère, doit détruire leur
unité organique et les transformer en matière nutritive unitaire, de même
Monteiro s'empare des éléments étrangers, leur donnant une unité en lui et par lui.
31. La traduction en portugais est : « pour que la plume [l'écriture] donne forme aux idées recueillies
à partir des lectures ».
32. Encore une fois, la comparaison de l’œuvre montéirienne avec des textes proprement
littéraires manifeste aussi sa pertinence dans la définition des hypomnèmes élaborée par
Michel Foucault [2006ÿ: 135], selon laquelle « [eux] étaient consignés citations, fragments
d’œuvres, des exemples et des actions dont on a été témoin ou dont on a lu le récit, des
réflexions ou des débats qui ont été entendus ou qui sont venus à l'esprit. Ils constituaient
une mémoire des choses lues, entendues ou pensées ; ils les offraient, comme un trésor
accumulé, à relire et à méditer davantage. » | Pour une description complète des caractéristiques des hypomnème
33. Protagoniste du film Levian Wives (Foolish Wives, 1921), interprété et réalisé par Erich
von Stroheim.
Francesco Giarrusso 31
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34. Pour une réflexion plus attentive et précise, voir la distinction que Lotman [1999, 41-42] opère entre
l'espace de la sémiotique de la culture et la réalité, dont la frontière dépasse les limites du langage.
L'espace extraculturel, selon le système philosophique kantien, coïncide avec la réalité noumène, c'est-à-
dire avec le monde extrinsèque à la culture (ou à la réalité phénoménale, selon la terminologie kantienne)
conçu comme un espace sémiotique dans lequel plusieurs langues s'entrecroisent dans un tracé nombre
potentiellement infini de textes dans des textes.
35. Cette phrase, inspirée d'un extrait de la nouvelle de Borges, « La Bibliothèque de Babel » [1984ÿ: 466]
– « La Bibliothèque est une sphère dont le centre plein est un hexagone quelconque, dont la circonférence
est inaccessible » [« La Biblioteca es una sphere cuyo centro cabal es cualquier hexagono, cuya
circumferencia es inaccesible »]que(les italiques
l'univers dedans le texte
Borges sont avec
présente de l'auteur.)
celui de–,Monteiro,
révèle ensurtout
nuce les affinités
à cause
de l'extraordinaire répertoire dialogique . typologies que nous propose l'auteur argentin et qui, parfois,
nous aideront dans l'exégèse de l'œuvre montéirienne.
36. La version italienne du texte original est : « Come in matematica, dove si chiama conine l'insieme di
punti che appartengono nello stesso tempo allo spazio interno e a quello esterno ».
Bien que les deux auteurs soviétiques accordent une égale importance à la notion
de frontière, conçue comme un point de tangence vers lequel tendent au moins
deux consciences, il serait opportun de se pencher sur cette question. Pas
exactement parce que nous voulons ici investiguer les analogies et les divergences
qui caractérisent les deux systèmes théoriques, mais parce que nous pensons
qu'il est intéressant de mettre en évidence la manière dont ils se complètent, offrant
une vision plus complète des approches possibles de l'analyse dialogique.
Si Bachtin [2001aÿ: 20] soutient que « [la] sphère culturelle n’a pas de territoire
intérieur : tout est orienté vers les frontières, […] [c’est pourquoi] chaque acte
culturel vit essentiellement des frontières »39, Lotman, pour sa part, Au lieu de
cela, il se concentre sur les processus qui se déroulent au sein des sujets qui
participent au dialogue, favorisant l'étude des modalités par lesquelles les
partenaires se rapportent à l'intérieur et à l'extérieur de l'espace sémiotique
(sémiosphère). A cela s'ajoute le rôle prépondérant que Bachtin attribue à la
dimension temporelle et donc au roman comme genre littéraire « doté d'une
intrigue qui se développe dans le temps »40 [Bachtin apud
Salvestroni in Lotman, 1985ÿ: 41], ou plutôt, dont les événements se matérialisent
dans le chronotope41. Ce n'est pas par hasard que les essais de poétique historique, proposés
37. Des extraits de la version italienne du texte original sont : « La funzione di ogni conine e pellicola
– dalla membrane della cellula viva alla biosphere, […] è quella dilimite la pénétration e iltrare e
trasformare ciò che è esterno in interno » et "non comunicazioni esterne in comunicazioni".
38. Des extraits de la version italienne du texte original sont : « l'individuo si trova tutto e comunque
al conine » et « l'evento di vita del testo, la sua essenza originale, scorre semper lungo il conine di due
prendre conscience ».
39. La version italienne du texte original est la suivante : « La sfera culturale non ha un territorio
interna : this is tutta disposed ai conini, […] ogni atto culturale vive essenziemente ai conini ».
40. La version italienne du texte original est : « doto di un intreccio che si sviluppa nel tempo ».
41. « Dans le chronotope littéraire, la fusion des éléments spatiaux et temporels s'opère dans un tout pourvu
Francesco Giarrusso 33
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dans leur étude des formes du temps dans le roman42, ils utilisent «
comme matériau le développement des variétés de genre du roman
européen, qui commence dans le soi-disant 'roman grec' jusqu'au
roman de Rabelais »43 [Bachtin, 2001a : 232] , esquissant une
conception linéaire et unidirectionnelle du temps, dont les phases
s'enchaînent successivement, « ad ininitum » [Bachtin, 1976ÿ: 228].
Cette position théorique est complétée par celle de Lotman, qui
remplace le principe temporel diachronique par le principe spatial44 , plaçant ainsi la d
Cette perspective ne fait que privilégier l'étude des interactions entre
les parties qui composent le système, les mécanismes de
désintégration et de réorganisation par lesquels s'effectue l'échange
d'informations. Tout cela se traduit par la révélation des relations
osmotiques entre les consciences dialogiques, qui, pour leur
développement dynamique, ont besoin « d'une autre conscience qui,
se niant, cesse d'être 'autre', dans la même mesure que le sujet culturel, créant de nou
de sens et de concret. Ici le temps devient dense et compact et devient artistiquement visible ;
l'espace intensifie et pénètre le mouvement du temps, de l'intrigue, de l'histoire. Les éléments du
temps se manifestent dans l'espace, auquel le temps donne sens et mesure. […] On peut dire
crûment que le genre littéraire et ses variétés sont même déterminés par le chronotope, en précisant
que le principe directeur du chronotope littéraire est le temps. [Bachtin, 2001aÿ: 231-232]. [“Nel
cronotopo letterario il y a une fusion de connotati spaziali e temporali in un tutto dotato di senso e
di concretezza. Il tempo qui si fa dense et compact et astucieusement visibleÿ; lo spazio si intensiica
e si immette nel moviment del tempo, dell'intreccio, della storia. Je connotati le temps s'il se
manifeste dans l'espace, moment auquel le temps donne sens et misura. […] Si je pouvais diriger
le senza ambagi che il genere letterario e le sue varietà sono determinati proper dal chronotropo,
avec la précision que le principe directeur du chronotopo letterario est il tempo.
42. Lire l'essai « Le forme del tempo e del cronotopo nel romanzo » dans Bachtin, 2001aÿ: 231-405.
43. La version italienne du texte original est la suivante : « come materiale lo sviluppo delle varietà
di genere del romanzo europeo, a cominciare dal cosiddetto 'romanzo greco' e per inire col romanzo di Rabelais ».
44. Remarquons comment la conception spatiale lotmanienne, contrairement à la conception
temporelle de Bachtin, implique aussi la déinition de l'intrigue. « Lotman (1970, p. 281) oppose le
texte sans intrigue, qui maintient l'ordre spatial d'un modèle donné du monde, au texte avec
intrigue : « le mouvement de l'intrigue, c'est-à-dire l'événement, est le dépassement de la limite
interdite soutenue par la structure sans intrigue ». Dès lors, « l'intrigue est 'l'élément révolutionnaire'
par rapport à 'l'image du monde' » ; et le ou les moments clés de l'intrigue sont ceux où la
transgression s'accomplit : « l'intrigue peut se focaliser sur l'épisode principal, qui est l'intersection
de la frontière topologique principale avec sa structure spatiale » [Segre, 1984ÿ: 22] . [«Lotman
(1970, p. 281) contreppone il texto senza intreccio, che maintene l'ordine spaziale di un dato modello
del world, al texto a intreccio: “il moviment dell'intreccio, cioè l'avvenimento, è il superamento del
limite interdite sostenuto dalla struttura senza intreccio ». Di fazança, « l'intreccio est 'l'elemento
rivoluzionario' par rapport au 'cadre du monde' » ; et le moment, le momenti chiave dell'intreccio
sono quelli in cui la transgressione è compiutaÿ: "l'intreccio si può concentrée nell'episodio
principale, che è l'intersezione del principale topologico limit con la struttura spaziale".]
un autre, cesse d'être lui-même »45 [Lotman, 1985ÿ: 127]. Ainsi, si, d'une part,
ce processus d'assimilation réciproque amène chaque partenaire à
la perte de sa spécificité, en revanche, favorise la création de quelque chose de
nouveau, dont l'existence se répercute sur un double plan temporel : dans le
passé, réactivant des lectures droguées par le temps ou générant des liens
jusque-là inédits, et dans le présent, puisqu'il établit de nouvelles relations avec
les éléments qui l'entourent. Ainsi, le système topologique élaboré par Lotman
se configure comme un réseau de relations, dont les fils se brisent et
s'entremêlent dans un processus continu de nouvelles intersections, capables
de rapprocher le passé et le présent dans un plan synchronique, ou plutôt panchronique. .
Dans ce bref préambule, nous avons voulu montrer les constellations théoriques
qui nous guideront dans cette phase de la recherche. Souvent, comme le
suggère Umberto Eco [2004aÿ: 27], le chemin le plus long est même le plus sûr,
non seulement parce qu'une fois le but atteint, on se retrouve plus riche en
expériences du fait de la variété des lieux visités, mais surtout parce qu'un site
devient plus familier si l'on retrace les étapes nécessaires pour y parvenir.
45. La version italienne du texte original est : « di un'altra coscienza che, autonegandosi, cessi di
essere 'altra' nella stessa misura in cui il soggetto culturale, creando nuovi testi nel process di
scontro con un altro, cessez di essere se steso ».
46. À notre avis, ces mots, prononcés par Monteiro dans son article « O Quente e o Frio.
Le Rideau déchiré d'Alfred Hitchcock " pour exprimer la fonction de synthèse exercée par le générique
du film d'Hitchcock qui y est analysé, conviennent également aux images initiales de La Comédie
de Dieu, au point de justifier leur réutilisation, étant donné qu'elles préfigurent les mouvements et
les interactions entre les textes et les langues qui peuplent l'univers montéirien.
Francesco Giarrusso 35
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Tout aussi révélatrices sont les lectures au second degré capables d'inclure
et de transcender le champ sémantique lié aux interprétations antérieures.
Dans ce cas, l'image du péritexte de A Comédia de Deus ne renvoie pas
exclusivement au rôle d'auteur/atorial de Monteiro, mais à son œuvre dans
la mesure où « [tout le monde] est partout et tout est tout. Chaque chose
est toutes choses . _ _ On en déduit ainsi la consubstantialité de l'auteur à
l'œuvre, entendue comme son émanation directe, et les capacités de l'Un à
se manifester dans la multiplicité48. En outre, l'image de l'espace extra-
atmosphérique met en évidence le caractère relationnel sur lequel l'univers
est fondé, dans lequel, souscrivant aux paroles de Plotin [Enéadas, V.8.4
apud Borges, «ÿHistoria de la eternidadÿ» en 1984ÿ:ÿ355], «ÿ[ le] soleil est
toutes les étoiles; et chaque étoile est toutes les étoiles et le soleil. »49
47. La version espagnole du texte original grec est la suivante : « Todos están en todos parte, y todo es todo.
Chaque chose est toutes les choses ».
48. L'insistance sur le caractère sacré, loin d'être un simple artifice rhétorique, est ici corroborée par l'hagionymie
à laquelle nous conduit le personnage incarné par Monteiro - comme nous le démontrerons plus loin - et surtout
par les vers de l' Intonatio do Vespro della Beata Vergine de Monteverdi : « Deus in adiutorium meum intende. /
Domine, ad adiuvandum me festin. / Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto. / Sicut erat in principio, / et nunc, et
semper, / et in saecula saeculorum. / Amen. Alléluia." [Dieu, viens à mon aide. / Seigneur, aide-moi et sauve-
moi. / Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. / Comme il en était au commencement, / maintenant et pour
toujours / et aux siècles des siècles.
/ Amen. Alléluia].
49. La version espagnole du texte grec original est : « El sol es todos las estrellas y cada estrella es todos las
estrellas y el sol ».
50. Le texte original en espagnol est : « El Universo (que otros llaman la Biblioteca) ».
51. Borges [« La Biblioteca de Babel » in 1984ÿ: 471] affirme que la bibliothèque est infinie étant donné qu'« il
n'est pas illogique de penser que le monde est infini. Ceux qui la considèrent comme limitée postulent que dans
des endroits lointains les couloirs, les escaliers et les hexagones peuvent inconcevablement cesser – ce qui est
absurde. Celui qui l'imagine sans limites oublie qu'il a le plus de livres possible. En fait, bien que la bibliothèque
soit complète et sur les étagères il y a "toutes les variantes qui permettent les vingt-cinq signes orthographiques"
[« La Biblioteca de Babel » in Borges, 1984ÿ: 470] le nombre de ces combinaisons est infini : « Si un éternel
voyageur traversait [la bibliothèque] dans n’importe quelle direction, il vérifierait après des siècles que les
mêmes volumes se répètent dans le même désordre (qui, répété, serait un ordre : l'Ordre)." [« La Bibliothèque
de Babel » in Borges, 1984ÿ: 471]. Ceci valide l'hypothèse de la pluralité du cosmos et donc de l'existence d'un
nombre infini et simultanément illimité d'univers.
[Les extraits originaux en espagnol sont : « no es ilológico pense que el mundo es ininito. Quienes le juge limité,
postule que dans des endroits éloignés les couloirs et les escaliers et les hexagones peuvent inconcevablement
césar – ce qui est absurde. Quienes lo imaginan sin límites, oubliant qu'ils ont le nombre possible de livres », «
toutes les variations qui permettent les symboles orthographiques veinticinco »
Francesco Giarrusso 37
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Le trope du ciel comme livre, qu'il soit lié à l'image plotinienne ou à la vision
eschatologique présente dans les écrits prophétiques et apocalyptiques de la
–, toujours
Bible52 – surtout les textes de saint Jean, en tout cas, met la lisibilité
l'accent
de la sur
voûte céleste. Peu importe que le trope ait pour référent le Liber Naturae ou les
Saintes Écritures , ce qui nous importe est de vérifier la nature signique, le
principe cosmique de l'« Un par l'Autre » par lequel, reprenant les paroles de
Plotin, « tout est plein de signes »53 [Ennéades, II.3.7 apud Blumenberg, 2009ÿ:
41]. Malgré cela, la vision plotinienne est encore insuffisante pour expliquer
l'image sidérale comme un complexe de textes. Nonobstant les ainités
constitutives profondes, les signes dont se compose le ciel néoplatonicien
apparaissent immuables au sein d'un système clos et autosuffisant
contrairement au caractère transformateur de l'univers de Monteiro.
54. Conformément à la position de Gregory Bateson [1980ÿ: 18], nous sommes également en désaccord
avec la conviction largement acceptée selon laquelle une chose est définie par ce qu’elle est censée
être en elle-même « et non par sa relation avec d’autres choses ». . [Le texte anglais original est : « not
by its relation to other things ».]
55. Le texte original en anglais est : « holding together the starishes and sea anemones and redwood
forest and human persons ».
56. Voir à ce propos un bref extrait de l’entretien avec Claude Lévi-Strauss [Caruso apud Eco, 2004aÿ:
6] dans lequel il critique la position théorique défendue par Eco dans Opera Aberta : « Il y a un livre
très remarquable d’un compatriote le vôtre, l' Oeuvre Ouverte, qui défend justement une formule que je
ne peux en aucun cas accepter. Ce qui détermine qu'une œuvre est une œuvre n'est pas le fait qu'elle
soit ouverte, mais fermée. Une œuvre est un objet doté de propriétés précises, que l'analyse doit
préciser, et qui peut être entièrement défini à partir de ces propriétés. Et quand Jakobson et moi avons
essayé de faire une analyse structurale d'un sonnet de Baudelaire, nous ne l'avons certainement pas
traité comme une œuvre ouverte dans laquelle on pourrait trouver tout ce que les temps ultérieurs pourraient avoir.
Francesco Giarrusso 39
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Il est évident que l'idée d'une seule langue idéale, capable d'exprimer
la réalité, est une illusion théorique. Du développement de la culture,
compris comme la prolifération de textes qui se redoublent, à la
compréhension de la réalité extraculturelle, c'est-à-dire du monde qui
s'étend au-delà des limites d'une langue donnée, il est nécessaire
qu'il y ait un dialogue entre, au moins, deux consciences individuelles
et deux langages indépendants l'un de l'autre. Chaque construction
intellectuelle, qu'il s'agisse d'un simple processus de communication
ou d'une création artistique, « est un acte d'échange et suppose
toujours un 'autre' partenaire pour sa réalisation »57 [Lotman, 1985ÿ:
124]. L'espace sémiotique montéirien se caractérise par son
polyglotisme, par l'accumulation de textes hétérogènes qui, pour
fonctionner, ont toujours besoin d'un élément étranger, étranger : un autre texte ou un
Que le texte implique toujours une activité interprétative de la part du
lecteur est une réalité incontestable, surtout en ce qui concerne la
sémiose dialogique. Mariapia Comand, en parfaite harmonie avec Bachtin, écrit que
introduit en elle, mais comme un objet qui, une fois créé par l'auteur, avait la rigidité, pour ainsi dire, d'un cristal :
notre fonction se bornait à expliciter ses propriétés ». [“C'è un livre molto notevole di a suo compatriot, l'Opera
tight, il quale difende appunto una formula che no can résoluly accettare. Quel che fa un'opera sia un'opera, no è
il suo essere tight mail suo essere chiusa. Un'opera è un oggetto dotato di proprietà precise, che spetta all'analisi
individuare, and che può essere entirement deinita in base a tali proprietà. Et quand Jacobson et io abbiamo
cercato di fare un'analisi strutturale di a sonetto di Baudelaire, no l'abbiamo traite certainement de venir un'opera
tight in cui potessimo trovare tutto quello che le successif ci avessero messo inside, ma come un oggetto che ,
una volta creato dall'autore, aveva la rigidity, per così dire, di un cristallo: onde la nostra funzione si riduceva a
mettere in luce le proprietà.”]
57. La version italienne du texte original est la suivante : « è un atto di scambio e presuppone semper un 'altro'
partner per la sua realizzazione ».
58. La version italienne du texte original est la suivante : « il lettore, il quale è anch'esso un 'altro testo' ».
59. Ces notions ont été développées et traitées principalement dans le sous-chapitre « La parola nella poeme e la
parola nel romanzo » in Bachtin, 2001aÿ: 83-108.
60. Le texte original en italien est : « l'enunciazione dialogica si costruisce own sull'interlocutore […] dans un sens
simple : perché è orientata verso di lui […], perché l'arena dell'incontro è rappresentata dall'orizzonte soggettivo
dell'ascoltatore et perché le 'sfondo percepttivo' de la quête'ultimo risulta essere
63. Le texte original en français est : « l'interprétant n'est jamais singulier, il est série : le sens d'une citation
est inini, il est ouvert à la succession des interprétants ».
64. Le texte original en italien est : « un corredo selezionato e ristretto di conoscenze che non tutti i membri di
una data cultura posseggono ».
Francesco Giarrusso 41
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65. La version italienne du texte original est : « uno afferra loosento le sillabe, l'altro parole intere,
il terzo anche il senso ».
66. La version italienne du texte original est : « Non tutti infatti sono capaci di leggere e di intendere
le occulte sentenze che sono scritte ».
67. Le texte original en anglais est : « mécanisme qui élargit, met à jour, développe ou complète le
contenu exprimé dans un texte ».
68. Ces énoncés s’apparentent sans doute au concept de sémiosis illimitée élaboré par Peirce –
sur lequel nous reviendrons plus tard – et permettront d’introduire la définition de la citation,
entendue comme signe interdiscursif, formulée par Compagnon [1979ÿ: 59-61 ].
69. Le texte original en italien est : « riempire spazi di non-detto o di già-detto rimasti per così dire in bianco ».
70. Comme le suggère Eco à propos du sujet des conditions du bonheur, nous renvoyons à Austin, How to do
things with words, Oxford, Clarendon, 1962 et à Searle, Speech act, London-New York, Cambridge University
Press, 1969.
71. Le texte original en italien est : « condizioni di felicità, testually stabilite ». Les italiques dans le texte proviennent du
auteur.
72. Les extraits originaux en italien sont : « sceneggiature comuni » et « regole per l'azione pratice ». Les
italiques dans le texte sont de l'auteur.
Francesco Giarrusso 43
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73. Bien que les termes « auteur » et « lecteur » soient fréquemment utilisés au cours de l'analyse, il
est important, comme le soutient souvent Eco dans Lector in fabula, de souligner que « [l]a
coopération textuelle est un phénomène qui prend placer […] entre deux stratégies textuelles, pas
entre deux sujets individuels. [2004aÿ: 63]. [“La cooperazione testuale est un phénomène qui se
réalise […] tra due strategie testuali, non tra due soggetti individuali.”]
74. Eco rappelle également que les cadres dits iconiques appartiennent aussi à la gamme la plus
large des cadres intertextuels. En fait, les schèmes de l'iconographie ne sont rien d'autre que des
cadres visuels intertextuels [2004aÿ: 81]. À cet égard, voir les définitions de l'iconographie et de
l'iconologie et, en particulier, la tentative d'Erwin Panofsky d'étudier les stéréotypes figuratifs du
cinéma, en s'intéressant notamment à l'analyse des processus migratoires de certains motifs
traditionnels dans l'iconographie de l'histoire de l'art à Hollywood. production, à l'époque du cinéma
muet [Medium and Style in Motion Picture in D. Denby (ed.), Awake in the Dark. An Anthology of
American Film Criticism, 1915 to Present, New York, Vintage Books, 1977, p. 30-48]. Panofsky a été
l'un des premiers savants à appliquer la méthode iconologique au cinéma et à analyser les processus
d'échange de thèmes et de motifs entre différents contextes culturels et le rôle de la « mémoire
sociale », théorisée par son maître Aby Warburg dans Mnemosyne, dont The projet consistait en la
création d'un atlas iconographique dans lequel il était possible de déterminer les migrations des thèmes iconographiques cla
En ce qui concerne la méthode iconologique de Panofsky, il identifie trois niveaux de sens différents :
le premier, pré-iconographique, consiste en la simple reconnaissance des formes dans l'espace
artistique ; le second, défini comme le niveau iconographique, traite de l'étude des relations établies
entre les motifs artistiques d'une œuvre et les thèmes, concepts et significations d'une tradition
culturelle donnée ; le troisième, appelé niveau iconologique, consiste en l'analyse des valeurs
symboliques, dont la compréhension dépend de l'interprétation des corrélations qui s'établissent
entre les « concepts intelligibles et les formes visuelles qu'ils prennent dans chaque cas particulier
» [« intelligible concepts et la forme visible qu'ils prennent dans chaque cas particulier. »] [Meaning
in the Visual Arts, Chicago, University Of Chicago Press, 1982, p. 32].
Pour un approfondissement de la question concernant les études d'iconologie menées par Panofsky,
voir par exemple : Studies in Iconology : Humanistic Themes in the Art of the Renaissance, Boulder,
Westview Press, 1972 et Meaning in Visual Art, Chicago, Presse de l'Université de Chicago, 1982.
Le cadre, défini par Eco [2004a : 80] comme « un texte virtuel ou une
histoire condensée » 75, est configuré comme une structure de
données dont la fonction est de présenter une situation stéréotypée.
En plus du cadre76, dont il est synonyme, le cadre comprend une série
d'informations : «ÿ[a]quelques-uns se réfèrent à ce qu'on peut
s'attendre à voir en conséquence[, tandis que] d'autres se réfèrent à
ce qu'il convient de faire si ces attentes sont non confirmé »77 [Minsky
apud Eco : 2004a, 80], esquissant, dans les deux cas, une certaine
représentation du monde responsable de notre compréhension et de
notre interaction avec lui. En d'autres termes, l'interprétation d'un texte
ne peut en aucun cas se passer de la connaissance de tous ces
systèmes sémiotiques qui font de l'expérience du lecteur le dépôt de ses compétences i
Elle identifie et range en écho, dans un système hiérarchique, quatre
cadres inférentiels : les grands cadres, appelés fabules préfabriquées,
les cadres motifs, les cadres situationnels et les topoi rhétoriques proprement dits78 .
En tout cas, malgré les différences évidentes qui les distinguent, il est
d'un intérêt remarquable d'observer comment chacun d'eux est, à sa
manière, caractérisé par la récursivité, par la répétition de certains
schémas narratifs et par un héritage iconographique et axiologique spécifique.
Loin de pouvoir offrir une vision exhaustive et systématique des
différentes typologies inférentielles, on ne peut manquer de souligner
les affinités qu'elles présentent avec le concept plus large de genre79,
considéré par Silva [1983ÿ: 400] comme « un phénomène d'
hypercodage, c'est-à-dire , un phénomène de spécification et de
complexité des normes et conventions existantes »80. Nous entendons
ici souligner le caractère dialogique des genres en tant que prototypes socialement part
75. Le texte original en italien est : « un testo virtuale o una storia condensata ». Les italiques dans le texte sont de l'auteur.
76. Sur la notion de cadre , voir aussi Beccaria (éd.), 1994ÿ: 322-323.
77. La version italienne du texte original est la suivante : « Alcune concernono ciò che qualcuno può
aspettarsi che accada di acheinza. Altre riguardano quello che si deve fare se queste aspettative non sono confermate.
78. Pour une définition précise des différentes typologies, dont Eco expose les principales
caractéristiques, voir Eco, 2004aÿ: 82-83.
79. Pour une première orientation sur le concept de genre, lire les définitions présentées dans le
Dictionary of Narratology [1987ÿ: 187-189] et la bibliographie respective relative à la devise « genre ».
récit".
80. Sur le concept d' hypercodage , l'auteur propose de consulter Eco, Trattato di semiotica generale,
Milano, Bompiani, 1975, p. 180-190 et 335-337.
Francesco Giarrusso 45
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81. La version italienne du texte original est : « speciici temi culturali vengono incorporati in
archetipi […] più universali ».
82. Le texte original en italien est : « luoghi mentali ».
83. Le texte original en italien est : « testualità della cultura ».
84. Les versions italiennes des extraits originaux sont : « Ad ogni passo c'è una 'citazione' o un
'riferencing' a ciò che ha detto una determinata persona, a un 'si dice' oa un 'tutti dicono', alle
parole del own interlocutor, alle proprie parole dette prima, al giornale, alla delibera, al document,
al libro, ecc. et « Ogni parola concrete (enunciazione) […] trova il suo oggetto, verso il quale tend,
toujours, per così dire, già nominato, discussion, valutato, avvolto in una foschia che lo oscura
oppure, al contrario, nella luce delle parole già dette su di eso.
85. Le texte français original est : « contexte historique, social, culturel, etc., unique ».
Bachtin [apud Todorov, 1981b : 45] écrit : « L'énoncé (le travail verbal) comme un tout non
répétable, historiquement unique et individuel. […] Les entités du langage, étudiées par la
linguistique, sont en principe reproductibles dans un nombre illimité d'énoncés […]. Les entités
de la communication verbale – les énoncés complets – sont non reproductibles (bien qu'on
puisse les citer) et sont liées les unes aux autres par des relations dialogiques. [« L'énoncé
(l'œuvre verbale) comme un tout non réitérable, historiquement unique et individuel. […] Les
entités de la langue, étudiées par la linguistique, sont principiellement reproductibles dans un
nombre illimité d'énoncés […]. Les entités de la communication verbale – les entiers invoqués –
sont non reproductibles (bien qu'on puisse les citer) et sont liées entre elles par des relations dialogiques.
86. Le texte français original est : « langage dans sa totalité concrète et vivante ».
Francesco Giarrusso 47
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87. Citons à cet égard les propos de Todorov [1981bÿ: 42], qui déclare qu’une telle discipline « n’a
d’abord pas de nom (sinon : sociologie) mais qu’il [Bachtin] appellera dans ses écrits ultérieurs
metalingvistika , un terme que, pour éviter toute confusion possible, je [c'est-à-dire Todorov] traduirais
par translinguistique. Le terme actuellement en usage qui correspondrait le plus à ce que Bachtin avait
en vue serait probablement pragmatique ; et on peut dire, sans exagération, que Bachtin est le fondateur
moderne de cette discipline. [« Au début, ne porte pas de nom (au moins que ce ne soit : la sociologie)
mais qu'il appellera dans ses derniers écrits metalingvistika, terme que, pour éviter une confusion
possible, je traduirai par translinguistique. Le terme actuellement en usage qui correspondrait le plus
idèlement à ce qu'a en vue Bachtine sera probablement pragmatique ; et l'on peut dire sans exagération
que Bachtine est le fondateur moderne de cette discipline. »] Les italiques dans le texte sont de l'auteur.
88. En russe, le terme slovo, comme le souligne Todorov [1981bÿ: 44], est polysémique et peut signifier,
entre autres, soit « parole », soit « discours ».
89. La version italienne du texte original est : « tendenza verso l'oggetto ».
Pour Bachtin, il n'y a pas d'énoncés isolés : dans chaque discours, dans
chaque mot, divers « langages » sociaux se rencontrent et s'entremêlent,
chacun avec sa propre voix et sa propre vision du monde. Le langage se
configure alors comme un phénomène pluridiscursif, plurivoque,
caractérisé par la fusion ou inversion axiologique-sémantique du « déjà
dit », c'est-à-dire de tout ce qui est connu de « l'opinion générale ». Le dialogisme, compris
90. La version italienne du texte original est la suivante : « la lingua est tutta saccheggiata, penetrata
da intenzioni et accentuata. La langue, pour la coscienza que j'ai vécue, n'est pas un système de
forme normative, mais une opinion concrète et pluridiscorsiva dans le sud du monde. Tutte le parole
hanno l'aroma di una professione, di un genere, di una current, di un partito, di un'opera, di un uomo,
di una generazione, di un'età, di un giorno e di un'ora. Ogni parola ha l'aroma del contesto and dei
contesti nei quali esse ha vissuto la sua vita piena di tensione socialeÿ; tutte le parole et tutte le forme sono abitate da intenz
91. L'analyse la plus détaillée menée par Bachtin sur la notion d'hétérologie se trouve dans le
chapitre « La parola nel romanzo » in Bachtin, 2001aÿ: 67-230.
92. La version italienne du texte original est la suivante : « present in forma tight o nascosta una
notivole quota di comprese parole altrui, trasmesse in vario modo. Le territoire méridional
d'énonciation quasi ogni induit une interaction intense et beaucoup de parole elle-même et cela
altrui, un processus de délimitation ou d'illumination dialogique réciproque.
Francesco Giarrusso 49
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96. Par « parole autoritaire », Bachtin entend toutes les expressions qui peuvent remonter aux
autorités du passé, aux « pères » d'une culture donnée. Le mot autoritaire est un mot déjà «
reconnu dans le passé », un mot dont « la structure sémantique est immobile et morte, car
réalisée et univoque, son sens se satisfait à la lettre et se pétrifie » [Bachtin, 2001aÿ: 151] [ « la
structure sémantique est immobile et morte, poiché est compiuta et univoque, il suo senso
soddisfa alla lettera e si pietriica »]. Mais si le mot faisant autorité a besoin de guillemets, se
distinguant dans le corps du texte comme une citation des hautes sphères de la culture savante,
le «mot intérieurement convaincant» «dans le processus de son assimilation positive est
étroitement lié au« mot lui-même ' » [Bachtin, 2001aÿ: 153-154] [« dans le processus de son
assimilation positive si intreccia strettamente con la 'propria parola' »] du locuteur, se mêlant à
lui dans l'horizon axiologique-verbal du nouvel utilisateur. Pour une présentation plus détaillée
des notions de « parole faisant autorité » et de « parole intérieurement convaincante », nous renvoyons à Bachtin, 2001a
97. En fait, l'élaboration théorique menée par Bachtin se concentre principalement sur l'étude de
la stylistique textuelle, c'est-à-dire des imbrications et des fusions entre les divers idéologèmes sociaux.
Comme l'écrit Bachtin [2001aÿ: 170] : « La forme la plus caractéristique et la plus claire de cette
illumination interne dialogique réciproque des langues est la stylisation ». ["La forma più
caratteristica e chiara di questa reciprocates illuminazione internally dialogizzata delle lingue è la
stilizzazione."] (Les italiques dans le texte sont de l'auteur.) En d'autres termes, l'intérêt de
Bachtin réside dans l'analyse des processus par lesquels les consciences linguistiques
s'absorbent, donnant lieu à de nouvelles conceptions verbales du monde.
98. Pour mieux comprendre la genèse et surtout les différents sens des expressions « linguistique
du texte » et « théorie du texte », voir note 6 in Silva, 1983ÿ: 563-564.
99. Qu'il suffise de citer Kristeva [1969ÿ: 145], selon laquelle « le mot (le texte) est un croisement
de mots (de textes) dans lequel on lit au moins un autre mot (texte) ». [« le mot (le texte) est un
croisement de mots (de textes) où on lit au moins un autre mot (texte) ».] Je voudrais aussi
souligner le fait que Kristeva parle de l'intertextualité comme une « écriture-lecture », concept
que Compagnon proposera encore dans son étude de la citation. Cette brève note est uniquement
destinée à servir de mémo pour les chapitres suivants.
Francesco Giarrusso 51
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100. Le texte original en français est : « tout texte se construit comme mosaïque de citations, tout
texte est absorption et transformation d'un autre texte ».
101. Le texte français original est : « souvenir entendu dans le sens banal de 'critique des sources' ».
Francesco Giarrusso 53
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103. Comme l'affirme Dällenbach lui-même, le terme « autotextualité » est issu de l'appareil
terminologique développé par Gérard Genette.
104. Voir les définitions des hypogrammes [1983ÿ:ÿ25ÿ; 39; 42-65ÿ; 123-130ÿ; 212-213 (18)] et
hypotexte [1979ÿ: 80] présenté par Riffaterre.
105. Le texte français original est : « ses mailles phoniques pour devenir un canevas ».
106. L'affinité entre théorie anagrammatique et intertextualité a fait l'objet de réflexions, par exemple,
également par Kristeva, « Recherches pour une sémanalyse » [1969ÿ: 174-207] et Laurent Jenny, «
La stratégie de la forme » in AA.VV. , 1979, p. 23-24.
107. Le texte français original est : « ne peut pas être regardé comme le sous-ensemble d'une
'totalité' encore non reconnue. Tout texte englobe, et est englobé. Tout texte est un produit produit.
108. Comme le suggère Silva [1983ÿ: 633], Bloom expose sa théorie de l’angoisse et de l’influence
interpoétique dans plusieurs ouvrages, parmi lesquels on rappelle The Anxiety of Influence. A Map
of Misreading, New York, Oxford University Press, 1975, et Poetry and Repression, New Haven –
Londres, Yale University Press, 1976.
Francesco Giarrusso 55
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109. Ce ne sont là que quelques-uns des concepts inventés par Bloom pour expliquer les
relations interpoétiques entre précurseurs et successeurs. Pour mieux comprendre le sens
des termes Clinamen, Tessera, Kenosis, Demonization, Askesis et Apofrades utilisés par
Bloom, 1991, voir les pages introductives du sous-chapitre « Synopsis : six proportions of revision », p. 25-27.
110. En sens inverse de cette interprétation de la parodie, nous présentons les propos de Silva [1983ÿ:
632 (148)], qui écrit que, bien que la parodie contredise « toujours, comme le dit Paul Zumthor, « la
situation originelle du texte reproduit ' […] ne disqualifie pas et ne lacère pas toujours le texte parodié :
dans les poèmes héro-comiques, par exemple, un texte épique célèbre est souvent parodié pour
disqualifier les personnages et les actions du poème héro-comique et non pour disqualifier l'intertexte.
La parodie ne fonctionne pas toujours, ni nécessairement, comme un facteur de contestation d'un
code littéraire obsolète ou anachronique, puisqu'elle peut fonctionner à l'inverse comme un facteur
d'opposition aux tentatives d'innovation, favorisant ainsi la stabilité, voire l'immobilité du système littéraire.
Cette citation corrobore la polysémie que peut revêtir un même terme selon le cadre théorique dans
lequel il est employé, rendant explicite une fois de plus la précarité terminologique caractéristique de
l'analyse dialogique.
111. Bien que dans son essai il traite en particulier du phénomène de répétition/intertextualité dans les
médias de masse, Eco soutient que ce phénomène appartient toujours à « l'histoire de la créativité
artistique » [Eco, 2004bÿ: 139] [« la storia della creatività artistique »] .
Francesco Giarrusso 57
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112. Comme l'indique l'édition portugaise de Sugli specchi e altri saggi (Des miroirs et autres
essais, Lisbonne, Difel, 1989), cet essai, « L'innovazione nel seriale », « rassemble l'intervention
dans l'accord La Ripetitività e la serializzazione nel cinema e nella televisione [Répétitivité et
sérialisation au cinéma et à la télévision] (organisée en juillet 1983 à Urbino, actuellement publiée
sous le titre "Tipologia della Ripetizione" dans L'immagine al plurale ['Typologie de la répétition'
dans L'image au pluriel ], organisée par Francesco Casetti, Venise, Marsilio, 1984) et une
conférence à Reggio Emilia, 'L'innovazione nel seriale' ['Innovation en série'], tenue à l'Institut Bani le 25 novembre 1983.
113. Le texte original en italien est : « Differenziazione organizzata, polycentrismo, irregolarità regolata ».
114. Le texte français original est : « tout rapport entre deux présumés ». Les italiques dans le texte sont de l'auteur.
115. Le texte français original est : « certains cas particuliers de l'intertextualité, tels l'échange de répliques
entre deux interlocuteurs, ou la conception élaborée par Bachtine de la personnalité humaine ».
116. Remarquez comment, chez Todorov, le terme de dialogisme est même remplacé par la notion d'intertextualité,
alors que cette dernière est plus adéquate, comme son étymologie le suggère, pour désigner uniquement les
relations entre textes et non entre énoncés. Cela ne fait qu'exacerber l'indétermination du cadre conceptuel qui,
depuis quelque temps déjà, perturbe l'analyse dialogique.
Francesco Giarrusso 59
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117. Pour un bref aperçu des différentes interprétations du concept de discours, voir aussi Silva,
1983ÿ: 568-574.
118. L'indétermination terminologique ne concerne pas seulement les définitions de l'énoncé et du
discours, mais aussi celle qui concerne la phrase. Comme l'observe Silva [1983ÿ: 565-566 (11)], les
termes « phrase » et « énoncé » sont également victimes de la polysémie endémique qui caractérise les études linguistiques.
Pour qu'il y ait plus de clarté et d'unanimité dans le glossaire utilisé, Silva propose d'adopter la
convention terminologique selon laquelle « 'énoncé' est utilisé comme la réalisation factuelle,
l'occurrence empirique (token) de la 'phrase' entendue comme un entité du plan émique (type)
» [Silva, 1983ÿ: 566 (11)]. Dans ce même but, par exemple, le Dizionario di lingustica [Beccaria (org.),
1994ÿ: 268-269] désambiguïse les deux concepts en fonction des différentes valeurs sémantiques
attribuées, respectivement, à l'énoncé (dont la valeur réside dans le sens) et à la phrase (dont la
valeur sémantique est le sens). Pour mieux comprendre la question, voir la devise « phrase » dans
le Dizionario di lingustica [1994ÿ: 323-325] et les définitions présentées, par exemple, par les
grammaires traditionnelles, génératives ou structuralistes. Là encore, on tend à différencier la
phrase, comme « unité de base de la syntaxe » [« unità basilare della synthassi »], de l'énoncé,
entendu comme « élément de base de la pragmatique » [« elemento di base della pragmatica” [“elemento
di base della pragmatica”] ]. « En termes saussuriens, on pourrait dire que la phrase représente une
unité de langue, tandis que l'énoncé représente un acte de parole ; dans le contexte génératif, seule
la phrase a un statut théorique, en tant qu'élément autour duquel se structure la compétence du
locuteur, avec l'attribution conséquente de l'énoncé à l'exécution. [Beccaria (org.), 1994ÿ: 324] [“In
termini saussuriani, si potrebbe dire che la phrase rappresenta un'unità della langue, mentre
l'enunciato, un atto di parole; dans une portée générative, en libérant la phrase il y a un statut théorique, en tant qu'élément in
119. Voir, par exemple, la similitude entre cette définition du discours et la définition proposée par
Cesare Segre dans l' Encyclopédie Einaudi, Vol. 17, 1989ÿ: 19.
120. Les extraits originaux en français sont : « ensemble de signes formels, dégagés par des
procédures, étagés en classes, combinés en structures et en système » et « manifestation de la
langue dans la communication vivante ».
121. Voir comment le concept d’énonciation chez Oswald Ducrot et Jean-Marie Schaeffer [1995ÿ:
603] explicite également la distinction « entre la phrase, entité linguistique abstraite, utilisable dans
une multitude de situations différentes, et l’ énoncé , réalisation particulière d'une phrase par un
émetteur donné, dans des circonstances spatiales et temporelles précises. ["entre la phrase, entité
linguistique abstraite, qui peut être employée dans une ininité de situations différentes, et l'énoncé,
réalisation particulière d'une phrase par un sujet parlant déterminé, en tel endroit, à tel moment."]
(Les italiques dans le texte sont de l'auteur.) Si, à ce stade de notre exposé, l'énonciation s'applique
à la dichotomie discours-énoncé, nous ne pouvons négliger les multiples applications auxquelles
elle est soumise. Dans ce cas, l'énoncé est défini comme « l'événement historique constitué par le
fait qu'un énoncé a été produit, c'est-à-dire qu'une phrase a été exécutée » [Ducrot ; Schaeffer,
1995ÿ: 603]. ["L'événement historique constitue par le fait qu'un été produit, c'est-à-dire qu'une phase a été réalisée".]
122. Le texte français original est : « L'énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue
par un acte individuel d'utilisation.
123. Le texte français original est : « acte de parole ».
124. Voir, par exemple, à propos de la définition du discours présentée par Todorov, 1981a : 49 : «
Un discours n'est pas fait de phrases, mais de phrases prononcées, voire plus brièvement,
d'énoncés. Or l'interprétation de l'énoncé est, d'une part, déterminée par la phrase énoncée et,
d'autre part, par sa propre énonciation. Cette énonciation comprend un locuteur qui énonce, un
destinataire auquel on s'adresse, un temps et un lieu, une parole qui précède une autre qui suit ;
en un mot, un contexte d'énonciation.
Francesco Giarrusso 61
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126. Le texte original en italien est : « La zona del testo può parzially allargarsi su quella degli
enunciati, ma non viceversa.
127. A cet égard, Silva [1983ÿ: 562-563], reprenant les propos de Lotman [La struttura del testo
poetico, Milano, Mursia, 1972, p. 67-69], mentionne également les propriétés formelles spécifiques
de chaque texte sémiotique, c'est-à-dire qu'il énumère et expose les traits qui le caractérisent et
le définissent comme tel : ce sont l'expressivité, la délimitation et la structuralité.
Francesco Giarrusso 63
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128. Sur l'orientation théorique de la linguistique textuelle, voir Ducrot ; Schaeffer, 1995ÿ: 494-500.
En ce qui concerne les différents noms qui lui sont donnés et les différences qui subsistent entre la
linguistique textuelle, la grammaire textuelle et la théorie textuelle, voir la note 6 dans Silva, 1983ÿ: 563-564.
129. À cet égard, nous renvoyons à Pike, Kenneth L. ; Pike, Evelyn, Texte et Tagmeme, New York,
Ablex, 1983ÿ; Pike, Kenneth L., Talk, Thought, and Thing: The Emic Road Toward Conscious
Knowledge, Arlington, Summer Institute of Linguistics, 1993; et Pike, Kenneth L., Linguistic concepts:
An introduction to tagmemics, Lincoln, Nebraska, University of Nebraska Press, 1982.
130. Sur cette question, voir Petöi, János S. ; van Dijk, Teun A. (orgs), Grammars and Descriptions:
Study in Text Theory and Text Analysis, Berlin, Walter de Gruyter GmbH & Co. KG, 1977; van Dijk,
Teun A., Texte et contexte. Explorations in the semantics and pragmatics of discourse, Londres,
Longman, 1977 et Petöi, János S., Text Vs Sentence Continued, Amsterdam, John Benjamins
Publishing Company, 1981.
131. Le texte original français est : « textes bien formés et textes mal formés, textes 'grammaticaux'
et textes 'non grammaticaux' ».
132. Concernant la définition de la paraphrase, voir Einaudi Encyclopedia, Vol. 17 (Littérature - Texte): 156.
133. Écrivent Ducrot et Schaefer [1995, 498] : « Le seul domaine dans lequel les 'grammaires
textuelles' ont dépassé les préliminaires théoriques est celui de l'analyse narrative : bien qu'en règle
générale elles se bornent à reformuler dans leur vocabulaire. résultats obtenus par l'analyse
thématique. [« Le seul domaine où les 'grammaires textuelles' sont allées au-delà des prolégomènes
théoriques est celui de l'analyse du récit : encore se sont-elles en général nées à reformuer dans leur
vocabulaire les résultats obtenus par l'analyse thématique. ”]
134. Le texte français original est : « Marqueurs linguistiques de la textualisation (généralement
résumés sous la notion de cohésion textuelle) ». Les italiques dans le texte sont de l'auteur.
Francesco Giarrusso 65
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135. La version italienne du texte original est : « una concrete opinione pluridiscorsiva sul mondo ».
Francesco Giarrusso 67
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138. Par viscosité, on entend les influences que des mots ou des phrases exercent sur les textes
dans lesquels ils sont insérés, étant des allusions ou des imitations de textes antérieurs. La
viscosité se présente comme un phénomène spéculaire d'intertextualité, ne se référant pas à des
textes spécifiques mais à des galaxies linguistiques où il n'est pas possible de discerner les sources d'origine. Voir Segre,
Tout cela se traduit par l'investigation du texte montéirien, compris soit « comme
absorption et réponse à un autre texte »139 [Kristeva, 1969ÿ:ÿ149], soit comme une
construction hybride140 dans laquelle il est possible d'observer la présence
simultanée de voix et consciences sociales en lutte constante.
territoire d'énonciation »141 [Bachtin, 2001aÿ: 168]. Ici donc, le caractère bifrontal
du dialogisme prédit, pour des raisons méthodologiques évidentes, le clivage
analytique entre deux domaines distincts et à la fois complémentaires, dont l'objet
d'étude est représenté, d'une part, par la transtextualité, définie comme « l'ensemble
des catégories générales ou transcendantes […] auxquelles appartient chaque texte
spécifique » [Genette, 1982ÿ:ÿ7]142 et, d’autre part, par la notion d’interdiscursivité,
qui explique « les relations que chaque texte, oral ou écrit , maintient avec tous les
énoncés (ou discours) inscrits dans la culture correspondante et ordonnés, non
seulement idéologiquement, mais aussi par registres et niveaux »143 [Segre, 1984ÿ:
111].
À notre avis, c'est exactement l'espace théorique dans lequel rechercher les lieux,
les formes, les fonctions, les degrés et la visibilité à travers lesquels s'exprime le
réseau dialogique, dont l'intrigue ne fait que matérialiser la propre physionomie de
Monteiro et son attitude envers le monde. Tout se passe comme si l'analyse
dialogique permettait d'explorer en profondeur l'univers montéirien, la carte de ses
relations dialogiques, révélant l'essence de son auteur comme cela arrive à celui qui
a conçu le monde pendant des années et qui, peu avant de mourir, s'est retrouvé
devant l'image. propre visage [“Épilogue” dans
Borges, 1984ÿ: 854]144 .
139. Le texte français original est : « comme absorption de et réplique à un autre texte ».
140. Pour Bachtin [2001aÿ: 166] l’hybridation « [est] le mélange de deux langues sociales au sein d’un
même énoncé, la rencontre de deux consciences linguistiques différentes, séparées par un temps ou
par une différenciation sociale (ou les deux), une rencontre qui se déroule dans l'arène de cette
énonciation. ("C'est le mélange de langues sociales all'internes à une seule énonciation, la rencontre
de la coscienze linguistique diverse, séparée de l'un'epoca ou de la differenziazione sociale (celle de
l'entrée), incontro che avviene nell' arena di questa énoncer. »)
141. La version italienne du texte original est : « sul territorio dell'enunciazione ».
142. Le texte français original est : « l'ensemble des catégories générales, ou transcendantes […] dont
relève chaque texte singulier ».
143. Le texte original en italien est : « i rapporti che ogni testo, orale o scritto, intrattiene con tutti gli
enunciati (ou discorsi) inscrit dans les ordinati culturellement et idéologiquement correspondants,
oltre che per registi et livelli ».
144. Le passage de Borges tiré de l'« Épilogue » d' El Hacedor est : « Un homme se donne pour tâche
de concevoir le monde. Au fil des ans, il peuple un espace d'images de provinces, de royaumes, de
montagnes, de baies, de bateaux, d'îles, de poissons, d'habitations, d'instruments, d'étoiles,
Francesco Giarrusso 69
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les chevaux et les gens. Juste avant de mourir, il découvre que ce patient labyrinthe de lignes trace
l'image de son visage. [« Un homme propose la tâche d'esquisser le monde. A lo largo de los años
puebla un espace avec des images de provinces, royaumes, montagnes, baies, navires, îles, pièces,
pièces, instruments, étoiles, chevaux et personnes. Juste avant de mourir, découvrez que ce patient
labyrinthe de lignes apporte l'image de son visage.
145. Le texte original en espagnol est : « L'hecho esthétique requiert la conjonction du lecteur et du texte
et n'existe qu'alors. […] Empieza pour exister quand un lecteur l'ouvre.
146. Le texte français original est : « jamais l'œuvre comme objet ne verrait le jour ».
147. Le texte original en anglais est : « est quelque chose qui représente pour quelqu'un quelque chose
à quelque égard ou capacité ».
148. Le texte français original est : « il n'y a pas de signe sans quelqu'un à qui il fait signe ».
149. Le texte original en italien est : « a cui il segno dà origine nella mente dell'interprete ».
150. À cet égard, voir aussi CS Peirce, 1338.
151. Le texte original en anglais est : « the translation of a sign into another system of sign ».
152. Selon Eco [2004aÿ: 38-39] : « Tout signe interprète un autre signe, et la condition fondamentale de la
sémiosis est précisément cette condition de régression infinie. Selon cette perspective, tout interprétant d'un
signe donné, étant à son tour un signe, devient une construction métasémiotique transitoire et, seulement à
cette occasion, agit comme explicans par rapport à l' explicatum interprété , devenant à son tour interprétable
par un autre signe qui agit. comme vos explicans. [Ogni segno interprète un autre segno et la condition de
base du semiosi est elle-même la condition de régression infinie. In questa prospective ogni interpretant di
un dato segno, with its own turn un segno, diventa construction of transitoire metasemiotics and, in
quell'occasione, only in quell'occasione, agisce come explicans rispetto all'explicatum interpretato, ma
diventa the own turn interpretable da un altro segno che agisce manger vos explications.”]
153. Comme le renforce Eco [2004aÿ: 31], se référant à la pensée de Peirce, le mot « idée » ne doit pas être
compris selon le sens platonicien du terme, « mais dans le sens où nous disons qu'un homme comprend
l'idée de un autre homme » [Peirce : 2.228]. ["Je veux dire dans le sens où nous disons qu'un
l'homme attrape l'idée d'un autre homme ».
154. Le texte original en italien est : « Ogni segno interprets un altro segno ».
155. Le texte original anglais est le suivant : « all the facts know about its object ».
156. Selon Eco [2004bÿ: 324], « nous élaborons des signes pour rendre compte des objets du monde ; mais
l'objet, en tant qu'il stimule la formation de l'expression (pour Peirce, le representamen) est un Objet
Dynamique (si l'on veut, la chose elle-même), dont nous n'avons jamais la représentation complète par le signe.
Representamen configure ( et fait référence à) un Objet Immédiat (nous pouvons l'appeler signification,
contenu). L'objet immédiat affiche l'objet dynamique uniquement sous un certain profil. Or le problème se
pose quand on demande quel est l'objet immédiat d'un signe, et la réponse de Peirce est qu'on ne peut le
définir qu'à travers un autre signe, dit l' interprétant du premier. cette seconde
Francesco Giarrusso 71
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Selon nous, c'est précisément dans cet espace théorique que l'analyse
dialogique de l'œuvre de Monteiro trouve l'une de ses performances
les plus fructueuses. Il ne pouvait en être autrement. La vision
dynamique et processuelle avec laquelle nous affrontons la réalité
sémiotique examinée ici (par opposition à la conception statique du
système telle qu'elle était comprise par la perspective structuraliste)
s'inscrit dans le système multiforme de l'univers montéirien : un
véritable labyrinthe157, dont le caractère rhizomatique se manifeste la
pluridimensionnalité des plans sémiotiques qui le composent et dans
lesquels les interprétants des signes qui y sont disséminés prolifèrent,
se superposent. Mais si le lecteur interprète le texte en parcourant les
nœuds et articulations [Eco, 2004aÿ: 67] du réticule tracé par la
stratégie auctoriale, alors la lecture d'un texte au caractère dialogique
marqué suppose une interprétation beaucoup plus complexe que la
précédente, puisqu'il est orienté simultanément sur plusieurs fronts.
Dans ce cas, la coexistence de micro-unités textuelles ou linguistiques
complique l'interprétation du texte, non seulement en raison des difficultés liées à sa rec
plus bas dans la chaîne des interprétants.
En substance, aux idées que le texte génère et véhicule dans l'esprit
des destinataires se joignent celles que les fragments dialogiques
produisent comme expressions signiques de second degré, ayant pour
objet le representamen d'une construction sémiotique antérieure et
transitoire. Cependant, cette concaténation régressive, qui fait de chaque expression la
signe se présente à nouveau comme un representamen qui renvoie à un Objet Immédiat, qui à son tour
peut être interprété par un autre signe, et ainsi de suite. [“Noi elaboriamo segni per rendere ragione di
oggetti del mondo, ma l'oggetto in como stimola la formazione dell'espressione (per Peirce, il
rapresentamen ) è Oggetto Dinamico (se vogliamo, la cosa in sé), qualcosa di cui non abbiamo mai piena
rappresentazione attraverso il segno. Il representamen configure (et rinvias) un Oggetto Immediato
(possiamo chiamarlo signiicato, contenuto). L'Oggetto Immediato présente l'Oggetto Dinamico solo sotto
un certain proilo. Cependant, le problème se pose lorsque vous avez besoin de savoir ce que vous devez
faire immédiatement, et la réponse de Peirce est lorsque vous ne pouvez le définir que pour franchir une
deuxième ligne, avec l' interprète du cousin . Cette seconde question de segno se présente à nouveau
comme une représentation qui rinvias un Oggetto Immédiat, il quale a proper turn può essere interpretato
da un altro segno, and così via all'ininito.”]
157. Comme le rappelle Paul Zumthor [in AA.VV., 1979ÿ: 116] une des étymologies probables du mot «
labyrinthe » est, selon Evrard l’Allemand, labour intus, littéralement « le travail qui se fait dedans ».
Il est intéressant de noter que ce sens renvoie en quelque sorte à la métaphore de la manducation et de la
digestion, sur laquelle nous nous sommes concentrés dans le sous-chapitre 1.1 en parlant du travail
dialogique effectué par Monteiro dans son œuvre.
un signe dans un autre signe, si elle peut faire penser à une possible
équivalence158 entre les éléments appartenant à une même chaîne
sémiotique, elle envisage aussi des occurrences où entre chacune
de ses composantes existe une distance non remplie et indéfinie.
En d'autres termes, rien n'empêche de remplacer le sens d'un signe
par un autre qui peut lui être associé, étant donné que l'un et l'autre
renvoient, indistinctement, à la capacité ou à des aspects spécifiques
de l'Objet Dynamique de départ. En effet, pour reprendre un exemple
d'Eco [1984ÿ: 108], qu'il s'agisse du mot « chat » ou de son image,
les deux signes désignent un animal de la même espèce. Par
ailleurs, les significations ou interprétants « sont des données
objectives » [Eco, 1984ÿ: 108] interchangeables, qui ne dépendent
pas des individus car déconnectées de toute représentation
subjective [Eco, 1984ÿ: 108], étant vérifiables et partageables par
tous au sein » cette bibliothèque immense et idéale dont le modèle théorique est l'en
Mais si, comme nous l'avons dit jusqu'ici, les sens propres à une
expression de signe sont, théoriquement, interchangeables au sein
d'une même chaîne sémiotique, sans nuire pour autant à son
interprétation finale, il n'en va pas de même dans les cas où la même
expression a lieu dans deux différents systèmes sémiotiques, que nous appellerons
et S2. La greffe ou l'hybridation d'un même élément textuel et
linguistique t dans plusieurs unités sémiotiques détermine la fin de
l'identité dénotative elle-même, donnant lieu à une aberration logique
déconcertante160. En fait, la coexistence d'une même expression
dans S2 et S1 en fait à la fois un signe et un objet en soi, établissant,
comme nous le verrons bientôt, une relation tout à fait analogue à celle qui s'établit e
158. Comme le soutient Eco [1984, 107], inspiré de la théorie de Peirce, le processus d'interprétation d'un
signe crée dans l'esprit du destinataire une chaîne de signes qui sont équivalents les uns aux autres.
159. Le texte original en italien est : « di quella immensa e ideale library il cui modello theory è
l'enciclopedia ».
160. Voir l'explication donnée par Compagnon [1979ÿ: 83], qui explique les raisons pour lesquelles la
logique n'admet pas l'existence de la citation. Comme l'écrit le même [1979ÿ: 83], la logique refuse la
coexistence au sein d'un même discours ou mot de deux valeurs différentes (langage-objet et métalangage
ou dénotation et connotation), puisque leur imbrication et leur confusion provoquent une série de erreurs
et jeux de mots, détruisant l'univocité présumée du langage et l'interprétation du monde.
Francesco Giarrusso 73
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163. Voir, par exemple, la définition qu’Augustin d’Hippone [apud Compagnon, 1979ÿ: 59] donne
du signe : « Signum este enim res, praeter speciem quam ingerit sensibus, aliud aliquid ex se
faciens in cogitationem venire ». ["Le signe est quelque chose qui nous fait penser à autre chose
que l'impression que la chose elle-même a sur nos sens."]
164. Le texte français original est : « la trace de l'incitation ».
Francesco Giarrusso 75
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Comme il ressort de ce que nous avons dit jusqu'ici, le sens d'une relation
dialogique a tendance à être pluriel, c'est-à-dire qu'au sens original du
segment (pas encore réutilisé) s'ajoutent les valeurs de sens que le segment
acquiert à du moment qu'il est transféré dans un autre segment, un autre
système sémiotique. En appliquant le triangle de Peirce au signe
dialogique165 [Compagnon, 1979ÿ: 61-62], l'objet correspond au at de S1,
le signe at de S2 et les interprétants aux valeurs de répétition, c'est-à-dire à
toutes les représentations mentales que t de S2 engendre et traduit dans
l'esprit des interprètes du lien qu'il établit avec t de S1. Cela signifie que le
sens propre du phénomène dialogique, comme de toute autre expression
de signe, réside dans la chaîne des interprétants, dans les valeurs de
répétition que le volet dialogique active lorsqu'il met en contact les deux
systèmes S2 et S1 [Compagnon, 1979] : 70; 72]. Comme on l'a dit à plusieurs
reprises, elles sont potentiellement illimitées, en l'occurrence parce que la
reprise d'une unité textuelle ou linguistique dans un contexte inédit conduit
à la formation d'interprétations toujours nouvelles ; parce que la greffe
apporte avec elle toutes les motivations qui ont déterminé sa greffe ; et
enfin parce que pour comprendre un interprétant il faut qu'il soit traduit dans un autre signe, e
Il se trouve aussi que l'illimitation et l'indéfinition de l'encyclopédie,
entendue comme la totalité des interprétations inscrites dans une culture
donnée [Eco, 1984ÿ:ÿ109], dépendent aussi de l'action transformatrice du
temps, de son devenir imparable, où rien ne reste comme avant. .
« Héraclite a dit […] que personne ne se baigne deux fois dans le même fleuve.
Personne ne se baigne deux fois dans le même fleuve parce que les eaux
changent, mais le plus terrible est que nous ne sommes pas moins fluides que le fleuve .
Borges, 2008ÿ: 22]. La rotation des saisons change l'apparence des corps, non
165. Il est important de souligner que Compagnon applique la théorie de Peirce à la littérature et au langage tout court.
Comme nous le verrons dans les paragraphes suivants, nous utiliserons également ces outils théoriques dans
le domaine cinématographique, en les adaptant à l'œuvre de Monteiro.
166. Le texte original en espagnol est : « Heráclito dijo […] que nadie baja dos veces al mismo río. Nadie baja
parfois almismo río parce que les eaux changent, mais elles sont plus terribles que nous nous ne sommes pas
moins fluides que le fleuve. Ce thème constitue l'un des nœuds centraux de la pensée de Borges. Voir à cet
égard dans Otras inquisiciones la présente citation tirée de l'essai « Nueva refutación del tiempo » [in Borges,
1984ÿ: 771] dans lequel Borges exprime la même conception du temps : « Le temps est un fleuve qui m'emporte,
mais je suis le fleuve; c'est un tigre qui me déchire, mais je suis le tigre; c'est un feu qui me consume, mais je
suis le feu. [« El tiempo est un fleuve qui m'arrache, mais je suis le fleuve ; tu es un tigre qui me détruit, mais je
suis le tigre; es un fuego qui me consume, mais yo soy el fuego.”]
167. Le texte original en espagnol est : « Chaque fois que nous lisons un livre, le livre a
changé, la connotation des mots est différente. De plus, les livres sont chargés du passé.
[…] Les lectores sont allés enrichir le livre. Si nous lisons un vieux livre, c'est comme ça
que nous le lisons tout le temps qui s'est écoulé depuis le jour où il a été écrit et nous.
Francesco Giarrusso 77
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168. Compagnon [1979ÿ: 69] compare les composantes de la relation dialogique à la dénotation et à
la connotation d’un signe puis les identifie au sens propre et figuré d’un trope. Une telle
reconsidération tient au fait que la relation d'interaction propre au trope est plus efficace, en ce qui
concerne l'explication du phénomène dialogique, que le substitut impliqué dans le couple dénotation-
connotation. A ce propos, voir également les chapitres « Valeur d'usage et valeur d'échange » et « Sens et dénotation »
[Compagnon, 1979ÿ: 82-86].
169. Le texte français original est : « Il s'agit d'une démarche d'éclaireur ».
170. Voir l'étymologie et la définition que Compagnon [1979ÿ: 73-74] donne au verbe « interpréter »
et les différences par rapport à son synonyme « comprendre ».
« qui fait et [celui de] qui voit ce qui a été fait »171 [Daney, 1993ÿ: 288],
privilégiant le partage d'une expérience, d'un espace commun pour jouir
de ce qu'on ne peut jamais posséder172 .
171. Le texte français original est : « celui qui fait et celui qui voit ce qui a été fait ».
172. Comme le soutient Giorgio Agamben [2011ÿ: XIV], la critique, même si ce terme s’applique ici à
l’exégèse du travail montéirien, « se situe dans le détachement » [« si situa nella scollatura »], dans
l’écart entre la pleine possession de l'objet et de son savoir, favorisant leur rencontre, leur unité. «
Extérieurement, cette situation critique peut s'exprimer dans la formule selon laquelle elle ne représente
ni ne connaît, mais connaît la représentation. A l'appropriation sans conscience et à la conscience
sans jouissance, la critique oppose le plaisir de l'indisposable et la possession de l'indispensable. [2011ÿ: XIV]
[“Aux alentours, cette situation critique cette situation qui s'exprime dans cette formule secondo la
quale this non rappresenta né conosce, ma conosce la rappresentazione. All'appropriazione senza
coscienza e alla coscienza senza godimento, le critique s'oppose à il godimento di ciò che no può
essere posseduto et il possesso di ciò che che no può essere goduto.”]
173. Le texte original en italien est : « il n'est pas toujours facile de distinguer la metatestualità di
Genette dalla sua […] ipertestualità ».
Francesco Giarrusso 79
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utilisés par Genette dans le domaine littéraire, les appliquant, avec les
adaptations nécessaires, au cinéma.
Il existe cinq typologies de relations transtextuelles. La première,
l'intertextualité, consiste en « la relation de coprésence entre deux ou
plusieurs textes »175 [Genette, 1982ÿ: 8]. Il comprend la citation (récupération
littérale d'une certaine portion textuelle), le plagiat et l'allusion.
Le deuxième type de transtextualité, appelé paratexte, consiste en la relation
établie entre le texte lui-même et tout ce qui l'entoure : tous ces dispositifs
qui, d'une manière ou d'une autre, fournissent un cadre au texte et que l'on
appelle péritexte (titres, sous-titres, préfaces, introductions , etc.).
174. Le texte français original est : « comme de classes étanches, sans communication ni
recouvrements réciproques ».
175. Le texte français original est : « une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes ».
forme qui n'est pas celle du commentaire »176 [Genette, 1982ÿ: 11-12].
Genette identifie deux modalités de relation hypertextuelle, associables
respectivement à deux opérations distinctes : d'une part, on trouve la
transformation, relation de simple transposition formelle d'un texte
unique et spécifique, par laquelle à partir d'un hypotexte A, un hypertexte
B est obtenu par des opérations qui agissent directement sur la structure expressive ou d
Généralement, et de manière non exhaustive, de telles opérations de
transformation agissent par simple réduction ou augmentation
quantitative, par inversion parodique des formes expressives ou par une
mise à jour du contenu textuel. D'autre part, on trouve l'imitation,
opération dans laquelle la médiation d'un modèle formel abstrait de
genre ou de style est requise et qui, par extrapolation, dérive de
l'hypotexte de référence par la médiation d'un modèle textuel ou d'un
modèle formel ou thématique. typologie générique.
Ces opérations peuvent assumer différentes fonctions, définies par le
terme régime. Il y en a essentiellement trois. Il y a le régime ludique,
sans intentions agressives ou moqueuses par rapport au texte source.
Dans le cas d'une transformation on parle de parodie, dans le cadre
d'une imitation il s'agit d'un pastiche. Il y a le régime satirique, modalité
hypertextuelle agressive par rapport à l'hypotexte de référence, où la
transformation ou l'imitation est associée à une intention destructrice
par rapport au modèle textuel. Dans le cadre de ce régime, en présence
d'une transformation on parle de déguisement burlesque, dans le cadre
d'une imitation une caricature aura lieu. Enfin, nous avons le régime
sérieux, dans lequel on retrouve toutes les pratiques hypertextuelles
non envisagées par les régimes précédents, et par lequel le processus
textuel est orienté vers la transposition, dans le cas d'une transformation, et vers la contre
Cela s'applique à la littérature, bien qu'il puisse également être utilisé
dans l'œuvre de Monteiro. En tout cas, pour compliquer un peu plus son
application, intervient le caractère omni-complet du cinéma, capable
d'englober les différents langages. En effet, en tant qu'art visuel, le cinéma peut
176. Le texte original en français est : « un texte B ([…] hypertexte) à un texte anterior A ([…] hypotexte)
sur fanl il se greffe d'une manière qui n'est pas celle du commentaire ». Les italiques dans le texte sont de l'auteur.
Francesco Giarrusso 81
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une question d'attention, de séquence et de rigueur. Et c'est pourquoi la poésie est une morale. Et
c'est pourquoi le poète est poussé à rechercher la justice par la nature même de sa poésie. […]
Même s'il ne parle que de pierres ou de brises, l'œuvre de l'artiste vient toujours nous dire ceci : Que
nous ne sommes pas que des animaux harcelés dans la lutte pour la survie mais que nous sommes,
de droit naturel, héritiers de la liberté et de la dignité d'être. » [Dans Arte Poétique III, Sophia de Mello
Breyner Andresen]. À Monteiro, la littérature, comme l'art en général, n'est pas l'exposition d'un froid
savoir encyclopédique, mais exprime une forte valeur éthique, dans laquelle « la parole est une
option morale, une conscience nue, une hypothèse de la vérité » [João César Monteiro, 1974aÿ: 130],
par lequel le metteur en scène/poète est amené à remplir sa mission : révéler à l'homme sa nature
profonde, en lui montrant, à travers son œuvre, l'essence de la vie et sa juste relation avec le monde. Mais la littérature ne se
Sophia de Mello Breyner Andresen est la prise de conscience de l'impossibilité de pouvoir enregistrer
de la poésie sur pellicule. En fait, ce qui devient poétique dans le documentaire, ce ne sont pas les
vers récités par le poète mais l'embarras de réaliser cette impossibilité [João César Monteiro, 1974aÿ:
115]. C'est bien plus qu'un film sur la poétesse Sophia. Il questionne la nature du cinéma, son sujet
et la relation qu'il établit entre l'image, la poésie et la vie.
2. Le texte original en français est : « les hommes, les maisons et les rues, en les débarrassant de
l'artiice qu'il considérait comme l'un des ennemis de l'art ».
3. Le texte français original est : « la vérité de la vie derrière l'apparence ».
4. Le texte français original est : « découvrir la beauté dans la vie même, et non pas embellir. Car il
croyait que la vie et que les êtres sont beaux. Il ne s'agissait pas de rajouter du beau, plus que de
rechercher dans la réalité la marque du 'doigt de Dieu'ÿ: une lumière, un visage."
[João César Monteiro, 1974aÿ: 120], car ce qui compte pour lui, c’est « la
, transformer
présence même du réel […] cette splendeur de la présence des choses »5
« l'acte de tirer en pure contingence » [João César Monteiro, 1974aÿ: 115].
Images et sons, donc, sans aucun tergiversation : le verbe contribue à la
construction du film et le mot devient le protagoniste, avec les corps
plongés dans le paysage de l'Algarve. Monteiro enregistre les vers de
Sophia, s'approprie les paroles du poète, même si la reproposition des
textes ne se réduit jamais à une simple exposition de sa poétique. A vrai
dire, Monteiro ose aller plus loin et interroge la relation entre poésie/
réalité, mot/image à la lumière de leur reproduction à l'écran, montrant,
dès le départ, quelques-unes des modalités par lesquelles la littérature se
manifeste dans le texte cinématographique. De plus, le court documentaire
présente l'une des principales stratégies intertextuelles par lesquelles
Monteiro s'approprie les mots et/ou les textes des autres : la citation.
Défini comme « une relation de co-présence entre deux ou plusieurs
textes »6 [Genette, 1982ÿ: 8], il constitue, comme nous aurons l'occasion
de le constater, la forme privilégiée grâce à laquelle le réseau dialogique est engagé dans le
5. Ces mots sont prononcés dans le film par la poétesse Sophia et appartiennent à son œuvre Arte Poética III.
6. Le texte français original est : « une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes ».
Francesco Giarrusso 85
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7. Comme l'écrivent les responsables de la restauration du film dans la note d'introduction de la version
DVD du film, "Fragmentos de um Filme Esmola / A Sagrada Família a été tourné par JC Monteiro en 1972 et
1973. Cependant, dans les quatre années suivantes années, l'auteur a continué à travailler dessus, faisant
des changements répétés. Autant qu'on puisse en voir, il existe au moins trois versions successives : une
première version assemblée peu après le tournage ; une deuxième version, éditée entre 1974 et 1975, dans
laquelle le générique et la scène du couple nu sont introduits à la fin ; et un troisième, à partir de 1977, sans
la scène susmentionnée et avec la plupart des plans légèrement plus courts. La localisation des négatifs
originaux n'étant pas connue, la restauration du film a dû être réalisée à partir du rare matériel positif
connu, provenant de la collection de l'Institut du Cinéma, de l'Audiovisuel et du Multimédia.
Ce matériel comprend une copie presque complète de la deuxième version et une copie incomplète de la troisième.
[…] L'option de base de cette restauration consistait à récupérer la seule version complète subsistante,
c'est-à-dire la seconde parmi celles citées ci-dessus. Dans celui-ci, un vide d'environ 21 secondes a été
comblé, dans le plan séquence où toute la famille est réunie dans la pièce, qui a été reproduit à partir du
matériel de la troisième version.
Francesco Giarrusso 87
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qualité sonore interne subjective, le texte extrait du parti pris des choses de
Francis Ponge, enregistré dans A Sagrada Família - Fragmentos de um Filme
Esmola, explique une autre procédure par laquelle les macro-unités de la
citation se manifestent dans le corpus montéirien .
Dans ce cas, la référence intertextuelle est doublement faussée, soit par le
caractère extradiégétique de la citation, soit par l'étrangeté de la voix citante
par rapport au récit. Ici, l'imbrication de la référence littéraire accentue la
distance entre les pistes visuelles et sonores, nous montrant la discontinuité
du texte filmique et l'artificialité des procédés rhétoriques visant à sa
dissimulation. La durée du plan et sa coïncidence avec la citation de Ponge
mettent en évidence les limites textuelles qui le séparent du continuum
narratif du film, soulignant les coupures, les sauts, le caractère fragmentaire
du texte cinématographique compris comme un collage de parties physiques
séparées [Stam, 1981ÿ: 170]. Par ailleurs, la confrontation entre l'unité
narrative de « l'orange » de Ponge et les autres séquences purement
diégétiques de A Sagrada Família montre comment le rapport mot-image
peut, aussi et surtout, exclure l'empathie émotionnelle et la participation
mécanique du spectateur, lui barrer la route. , comme Monteiro l'avait
précédemment déclaré à une autre occasion, « toute identification avec le
film, […] [pour qu'il prenne conscience du fait] que la chambre noire n'est
plus le vieil allié de son désir d'évasion » [ João César Monteiro , 1969 dans
Nicolau (org.), 2005ÿ: 104].
Mais l'effet de distanciation ne vient pas seulement de la divergence
audiovisuelle avec laquelle le segment littéraire est re-proposé, et encore
moins du déplacement extradiégétique de la citation ; au contraire,
l'aliénation est fréquemment réalisée dans la diégèse à travers les paroles prononcées sur le te
Prenons par exemple la scène de A Sagrada Família dans laquelle Maria
(Manuela de Freitas), filmée en plan moyen de profil, récite en son direct un
fragment tiré d' Ulysse de James Joyce. Encore une fois, la durée du plan
correspond à la durée de la citation, bien que dans ce cas la distance entre
le mot et l'image dépende du refus de l'actrice d'adhérer au personnage. Il
n'y a pas d'identification, la représentation de l'actrice est bannie de la scène
au profit d'une récitation autocontemplative où le geste de répétition semble
se manifester à l'image par elle.
Francesco Giarrusso 89
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Chemins, 1977
Francesco Giarrusso 91
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9. À cet égard, nous renvoyons aux propos de Monteiro [entretien de Rodrigues da Silva,
1992 in Nicolau (org.), 2005ÿ:ÿ361], qui déclare : « C’est une explosion purement lyrique. C'est un peu rêveur.
A ce moment-là, on ne sait plus très bien où on en est : si dans le rêve, si dans la réalité.
Francesco Giarrusso 93
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10. Le texte original en italien est : « Non bisogna dimenticare, d'altronde, che nell'immagine
quello che è semper invisibile è il senso.
Francesco Giarrusso 95
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11. La version anglaise du texte original est : « a concrete element of the action ».
12. Le texte français original est : « crée l'événement, mais dans un espace vide d'événement ».
13. Le texte français original est : « un rapport indirect libre ».
14. À propos du concept d'image audiovisuelle, Deleuze [1985ÿ: 334] écrit : « Ce qui constitue l'image
audiovisuelle, c'est une disjonction, une dissociation du visuel et du sonore, chacun
À ce stade, et compte tenu de tout ce que nous avons exposé autour des
relations intertextuelles hétéromédiales et de leur caractère anti-
illusionniste, le moment est venu de s'attarder sur le film qui, plus que
tout autre, explique la relation disjonctive entre le visuel et le sonore du
groupe : Blanche-Neige (2000). Ce film, aux côtés d'une kammermusik,
représente la dernière étape de la réflexion montéirienne sur la nature du
dispositif cinématographique et son rapport à la littérature. Avec Blanche-Neige
Monteiro met en pratique une double opération de distanciation, sanctionnant
à la fois la fin de « l'idéologie de la reconnaissance, le spectateur se voyant
refuser toutes les possibilités d'identification à l'objet filmique » [João César
Monteiro, 1970a in Nicolau (org.), 2005 : 131], ou l'idée que le cinéma « est
un simple reflet du monde, d'une situation historique, d'un
héautonome, mais en même temps une relation incommensurable ou « irrationnelle » qui les lie les uns
aux autres, sans former un tout, sans, le moins du monde, se proposer d'être ensemble. C'est une
résistance qui vient de la chute du schéma sensori-moteur et qui sépare l'image visuelle et l'image
sonore, mais les place, en plus, dans un rapport non totalisant. [Le texte français original estÿ: "Ce qui
constitue l'image audio visuelle, c'est une disjonction, une dissociation du visuel et du sonore, chacun
héautonome, mais en même temps un rapport incommensurable ou 'irrationnel' qui les lie l' un à l'autre,
sans former un tout, sans proposer le moindre tout. C'est une résistance issue de l'écroulement du
schème sensori moteur, et qui sépare l'image visuelle et l'image sonore, mais les met d'autant plus
dans un rapport non totalisable.
15. En paraphrasant les mots d'Eco [2004bÿ: 39], on peut dire que l'image du cinéma illusionniste « est
un signe fictif non pas parce que c'est un signe prétendu ou un signe qui communique des choses qui
n'existent pas […] mais parce qu'il fait semblant ne pas être un signe. ["è segno ittizio non perché sia
un segno into o un segno che communique cose inesistenti [...] ma perché inge di non essere un segno."]
Francesco Giarrusso 97
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une société précise dont il était condamné à donner une image ou une
reproduction. C'est plutôt un effet et un produit de la réalité. [João César
Monteiro, 1970b in Nicolau (org.), 2005ÿ: 135].
Branca de Neve commence par deux cartes blanches, dont l'écriture en
bleu préfigure l'obscurité dans laquelle Monteiro imagine le mouvement de
la parole, le pèlerinage verbal des personnages qui errent entre eros et
thanatos. De plus, comme l'affirme Goethe [1993ÿ: 193], la proximité du
noir avec le bleu est notoire, cette couleur singulière presque imperceptible
à l'œil, capable de concilier l'excitation avec un sentiment de paix, l'énergie
avec la froideur caractéristique de l'ombre. comme « l'amour [qui] préfère
aimer la haine froide et dure ». Le silence initial est comblé par les notes de la pièce pour pian
de Rossini, tandis que le générique repose sur une tapisserie romantique
du XIXe siècle, dont l'atmosphère chaleureuse se dissipe dans la glace des
photographies de Robert Walser, auteur du poème dramatique
Schneewittchen (Blanche-Neige) mis en scène par Monteiro. Les images
deviennent vite insupportables, comme si la rétine ne supportait pas le
blanc éblouissant qui enveloppe le corps sans vie de Walser. L'œil fatigué
perd progressivement de sa sensibilité, la candeur du paysage n'est plus
supportable. La lumière réfléchie par l'épaisse couche de neige est
maintenant absorbée par le visage inerte de Walser et l'obscurité de la
pièce. Enfin, l'œil s'abandonne, se détend, devient plus réceptif, se replie
sur son intériorité, loin de tout stimulus ou contact avec le monde extérieur.
Si nous nous sommes particulièrement attachés au prologue du film de
Monteiro, c'est parce que nous considérons que la citation photographique
du cadavre de Walser est très éloquente, surtout en raison de la possibilité
qu'elle nous offre de sonder, si la fonction d'aliénation de l'image
(photographique) dans le texte filmique, ou la relation qui unit l'image au
monde référent. Le montage des photographies de Walser met l'accent sur
l'unité-photogramme dont se compose le récit cinématographique, mettant
en évidence le caractère discontinu du processus de production
cinématographique [Stam, 1981ÿ: 170], dont l'effet illusoire de mouvement,
on le sait, est construit à partir de la succession de vingt-quatre «
photographies » par seconde. Par ailleurs, la coupure abrupte qui sépare
chacune des photographies de Walser, caractérisée par un changement d'échelle sensible qu
Blanche-Neige, 2000
Francesco Giarrusso 99
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16. Le texte original en italien est : « 'il fuori tempo della morte' ».
17. La version italienne du texte original est : « imbalsamarlo sotto (sopra) delle bende di pellicola transparente ».
18. La traduction anglaise du texte original allemand est : « distraught and sad […]. Car les sanglots
sont la mélodie de la loquacité de Walser.
perçu, comme le font ceux qui marquent un sceau avec l'anneau »19
[Aristote, De Memoria, 450a 30]. L'extrait cité d'Aristote, qui évoque
inévitablement sa métaphore de « la cire [qui] reçoit l'empreinte de
l'anneau sans le fer ni l'or »20 [Aristote, De Anima, 424a 20], n'est pas
un simple procédé rhétorique mais la preuve de la relation profonde
que les paroles de Blanche-Neige entretiennent avec la théorie psychologique du Stagir
En effet, comme Aristote [De Memoria, 450a] attribue à l'impression de
la chose perçue le terme de dessin (ÿÿÿÿÿÿÿÿÿ), de même Blanche-
Neige utilise le même mot pour désigner la sensation que lui cause le
récit du Prince.
Et ce dessin intérieur élaboré à distance, ou plutôt, en l'absence de la
chose perçue, cette image dont le Prince est le seul témoin et
intermédiaire, renvoie à un autre aspect de la théorie aristotélicienne
du fantôme, en l'occurrence étroitement liés au fonctionnement du langage.
Pour Aristote [De Anima, 420b] tous les sons présents dans la nature
ne sont pas des voix, puisque par voix on entend un son accompagné
« par quelque fantôme » (ÿÿÿÿ ÿÿÿÿÿÿÿÿÿ ÿÿÿÿÿ). Le langage humain
se distingue des sons émis ou provoqués par les autres êtres vivants
par les images mentales qui accompagnent la voix comme un « son significatif » (ÿÿÿÿÿ
En effet, à chaque émission sonore est associée une signification, une
image que la voix convoque et véhicule depuis l'âme. La voix, ainsi
conçue, est le signe des passions ou des sensations qui résident dans
notre imaginaire, c'est le vestige audible des images intérieures, du désir qui anime notr
corps.
Mais l'obscurité quasi totale des images ne se limite pas à mettre en
lumière le potentiel imaginatif du mot, son rôle d'intermédiaire comme
intermédiaire entre le visible et l'invisible ; elle exacerbe surtout le
caractère fantasmatique de l'image cinématographique. Les voix
désincarnées des personnages impliqués dans l'ombre accentuent
l'articialité de l'image, ou plutôt, démystifient le dispositif de mise en scène, révélant son
22. Voir la citation inversée tirée des vers de la Séquence III de la poésie Cinéma de Carlos
de Oliveira présente dans le péritexte du film : « Bien qu'il s'agisse d'une humanité très
humaine, le réalisateur profite de l'erreur pour s'excuser auprès du spectateur , ici et
maintenant transformé en spectacle. Le vers original de Carlos de Oliveira est : « le spectacle
se transforme / éventuellement / en spectateur lui-même ».
23. La traduction portugaise est : « le vrai ilme est quelque part ».
24. Le texte français original est : « présence effective d'un texte dans un autre ».
26. A cet égard, nous renvoyons aux paroles prononcées par Monteiro au début du film : « A cette
époque, nous vivions extrêmement mal. Nous pensions faire des films et, tout juste rentrés de
Londres, avec nos mauvaises têtes dûment trompées, nous étions tout à fait l'image de
l'Enthusiast. C'était en 1965 et de nombreuses innocences seraient pourtant bafouées. Ce pays,
messieurs, est un gouffre dans lequel on tombe, un cul dont on ne peut pas sortir. En tout cas,
un film, même informe, inachevé comme un mort-né, est le présage de notre propre histoire, la
projection silencieuse de nos fantômes. C'est tout : passons à autre chose sans regrets.
27. Le texte français original est : « par une opération mentale ».
28. Le texte français original est : « pour n'en conserver […] que la signification ou le mouvement
d'ensemble, qui reste le seul objet du texte réduit ».
29. Le texte français original est : « résumé simulé d'un texte imaginaire ».
isolée, éloignée d'un axe syntagmatique originel, pour ainsi dire oubliée, rendant
impossibles les pratiques de lecture horizontales et linéaires.
Le régime dialogique invite donc le spectateur à une lecture verticale, capable de
capter les stratifications textuelles afin qu'il puisse reconnaître les anomalies qui
interrompent le développement narratif linéaire. Et, pour Riffaterre [1979ÿ: 86], ce
sont même « des anomalies sémantiques dans la linéarité [qui] obligent [le lecteur]
à chercher une solution dans la non-linéarité »31 ,
le forçant à regarder en dehors du texte par une lecture « à distance »
[Corti, 1997ÿ: 15], c’est-à-dire non pas en présence, mais en absence.
Pour comprendre cette notion, on peut retrouver la théorie des anagrammes,
développée par Saussure, selon laquelle l'ordre des éléments qui les composent
s'organise, « non pas tant [dans] une succession [diachronique] linéaire que
30. Comme l'affirme André Parente [2000ÿ: 27], l'usage de la terminologie de la dérivation
sémiologique n'est pas adéquat pour les études cinématographiques, aussi avons-nous opté au
départ pour la sémiotique de la culture, dont les postulats théoriques permettent de surmonter les
difficultés de la sémiologie approche par rapport au cinéma. En fait, nous n'utilisons ici les termes
« syntagmatique » et « paradigmatique » que d'un point de vue métaphorique, exprimant l'idée
spatiale qui sous-tend le fonctionnement sémiotique de la citation.
31. Le texte français original est : « les anomalies sémantiques dans la linéarité le forcent à chercher
une solution dans la non-linéarité ».
[dans] une sorte d'axe vertical, une sortie qui mène à un autre texte »32
[Impolski, 1998ÿ: 17]. Cette chaîne de « textes dans les textes », dont la
citation de Murnau représente l'un des exemples les plus emblématiques,
jointe aux nombreuses références littéraires, musicales,
cinématographiques et picturales disséminées dans l'œuvre
montéirienne, présente quelques-unes des caractéristiques du
hiéroglyphe, tel qu'il est défini par Iampolski. De plus, ce concept aide
à comprendre l'action débilitante de l'extrait intertextuel par rapport au
texte qui l'incorpore, permettant de sonder les modalités par lesquelles
la mimesis filmique est suspendue. Le hiéroglyphe est conçu comme
un environnement multidimensionnel, dont l'essence est d'accumuler
une chose sur une autre et dont « l'intention [est] de détruire la
transparence sémiotique des éléments »33 qui le composent. De même,
selon Iampolski, l'intertextualité « superpose texte sur texte, sens sur
sens, transformant essentiellement l'écriture en hiéroglyphe »34
[Iampolski, 1998ÿ: 27 ; 28], provoquant une rupture dans l'homogénéité
du texte et introduisant des fragments autonomes dotés de sens, qui violent la logique na
De plus, la référence à Nosferatu permet d'introduire une autre
métaphore textuelle récurrente dans les études sur l'intertextualité.
L'insertion concrète de la figure du vampire rend visible, pour ainsi dire,
l'hétérogénéité des matériaux à travers lesquels se construit l'œuvre
montéirienne, matérialisant pour la première fois l'idée de palimpseste
et la stratification textuelle qui la sous-tend. Le palimpseste est constitué
de différents systèmes de signes et de pratiques significatives
hétérogènes par la superposition de différents corps textuels, dont les
interprétations impliquent une véritable compréhension, au sens le plus
profond du terme, au sens d'arrêter, de lier, de relier entre eux les différents textes : les v
32. La version anglaise du texte original russe est la suivante : « L'ordre des éléments utilise des anagrammes
pour organiser moins une succession linéaire qu'une sorte d'axe vertical, une sortie qui mène à un autre texte ».
33. La version anglaise du texte russe original est : « intention to destroy the semiotic transparent of the
éléments constitutifs ».
34. La version anglaise du texte original russe est la suivante : « superpose texte sur texte, sens sur sens,
transformant essentiellement l'écriture en hiéroglyphe ».
35. Il est intéressant de noter l'imagerie souterraine et le lien sémantique entre Le Bassin de John Wayne
et A Sagrada Família – Fragments d'un film d'aumône, dont les liens ne s'épuisent pas seulement
dans la forte charge anarchiste et subversive qui traverse les deux films, mais résident également
dans la citation homomédiale de certaines images d'archives de la Seconde Guerre mondiale. Une
fois de plus, les troupes nazies redeviennent un emblème du pouvoir oppressif et coercitif exercé
par la société, étant, dans le cas spécifique de Fragmentos, représentées par l'institution de la famille.
36. Le texte français original est : « toute citation est encore – au fond ou de surcroît ? - une métaphore".
Concernant la définition de la métaphore élaborée par Pierre Fontanier, dans laquelle il ressort,
selon Compagnon [1979ÿ:ÿ19], la proximité ou l’adhésion à la citation : « [pour] présenter une
idée sous le signe d’une autre, plus surprenante ou mieux connu, qui, d'ailleurs, n'est lié au
premier que par un autre lien que celui d'une certaine conformité ou analogie. [Présenter une idée
sous le signe d'une autre idée plus frappée ou plus connue, qui, d'ailleurs, ne tient à la première
par aucun autre lien que celui d'une certaine conformité ou analogie.]
37. Le texte grec original est : « ÿÿÿÿÿÿÿÿ ÿ'ÿÿÿÿÿ ÿÿÿÿÿÿÿÿ ÿÿÿÿÿÿÿÿÿ ÿÿÿÿÿÿÿ ».
38. Le texte original en italien est : « dittatura della cosmetica sulle immagini, quella che agita il
mondo attuale con le sue mimetiche idolatrie cheap ».
39. Le texte français original est : « une aventure de la perception, une fazon de voir le monde,
de trop loin ou de trop près, un art d'accommoder le regard, d'inventer les distances qu'il faut
pour trouver are sujet ».
40. Le texte français original est : « Voyager et non pas s'évader ou fuir. Voyager, c'est savoir
qu'il faut un mais pour avoir une chance de jouir du voyage lui-même, qui est d'être 'entre' […] .
Pareil pour les films : les plans, ce sont les cahots des wagons. Voir des films, voyager : pour
les autres aussi, le public normal […]. Mais ils sont devenus touristes (voyages consommateurs) ».
41. Le texte français original est : « mais celui à qui on demande seulement d'acheter et que, dans le
meilleur des cas, on peut guider dans le surchoix du consommable ».
42. Voir, à cet égard, les propres mots de Monteiro [entretien de Rodrigues da Silva, 1992 in Nicolau
(org.), 2005ÿ: 357-358], selon lequel l'image télévisée « n'a pas d'épaisseur. Il n'a pas de côté physique
et ne produit pas non plus de battement de cœur. Il n'y a pas de systole et de diastole, pas de rythme
interne. C'est quelque chose de codifié, c'est ce que j'appelle l'esthétique du criquet, un truc sautillant. Ça ne bouge pas.
Bien que cet énoncé nous permette d'affronter le thème du sacré dans le
cinéma de Monteiro, nous suivrons pour le moment d'autres voies
exégétiques, en nous concentrant sur certaines des procédures de
perturbation narrative sémantique caractéristiques de la praxis montéirienne .
Tout d'abord, dans Le Bassin de John Wayne, il n'y a pas de personnage
qui assume le rôle de protagoniste : les événements s'accumulent sans
qu'il y ait une véritable conséquence narrative qui fasse du personnage
la machine-qui-
-le désir, autour duquel se construit l'histoire. On assiste à une véritable
dissociation de la personnalité, à un morcellement du sujet, multiple et
disjoint, dont le polyglotisme confirme d'ailleurs l'alternance babélique
des noms dans laquelle se meut le corps de Monteiro. De Henrique à
João de Deus, personnages diégétiques, en passant par Max Monteiro et
Jean Watan, noms avec lesquels il signe sa participation en tant
qu'acteur, Monteiro empêche le spectateur de coller au film, le tient à
distance, lui rend difficile avoir un accès émotionnel à l'histoire. Le
Bassin de John Wayne ne vise pas à atteindre et à maintenir la cohérence
dramatique : la psychologie est bannie de l'évolution comportementale
des personnages et, plus encore, du mélange entre théâtre et cinéma, de
l'échange réciproque de matières - il suffit de penser à la représentation
« cinématographique » de l'œuvre strindbergienne ou en lisant le
scénario original du film comme s'il s'agissait du texte d'un spectacle
théâtral – corrobore, une fois pour toutes, l'enseignement straubien sur
l'impossibilité de raconter une histoire à travers des images [João César
Monteiro, 1974aÿ: 98 ] et le refus du cinéma « onirique-hypnotique »
compris comme récit d'évasion petit-bourgeois [João César Monteiro,
1970a in Nicolau (org.), 2005ÿ: 131]. Monteiro subvertit les règles du bon
sens : la turpilloquie et les actes obscènes présents dans le film servent à « dégager quelq
43. Le texte original en français est : « Le sens est invisible, mais l'invisible n'est pas le contradictoire
du visible : le visible a lui-même une membrure d'invisible, et l'in-visible est la contrepartie secrète
du visible, il ne paraît qu'en lui ». Les italiques dans le texte sont de l'auteur.
44. Le texte original en italien est le suivant : « 'la phase orale o cannibalica dell'evoluzione della
libido', in cui l'io aspire to incorporesi il proprio oggetto divorandolo ».
45. Le texte latin original est : « Repetamus autem et retractemus, et ut cibos tame ac prope liquefactos
demittimus, quo facilius digerantur, ita lectio non cruda, sed multa iteratione mollita et velut confecta,
memoriae imitationique tradatur ».
46. Le texte original en italien est : « succedaneo di un phantasmagoria di piacere, una igurazione
phantasmagoria oggettivata sullo schermo, capace di delineare una phantasmagoria visiva, simulacrale ».
47. Le texte original en italien est : « Perché l'antecedente diventi segno del consequenti occorre che
l'antecedente sia potentiellement présent et percepibile tandis que le conséquent doit essere
nécessairement l'assentiment ». Les italiques dans le texte sont de l'auteur.
2.4. Les chemins du bricoleur : textes, peintures et cinéma dans le centão montéirien
Monteiro le met sous nos yeux. Pour lui, « l'art ne doit pas chercher à se situer
dans la culture, mais dans la réalité »48 [Marcos Uzal in d'Allonnes (org.), 2004ÿ:
261], étant donné qu'il s'agit d'une forme de construction anthropologique,
constituant le matériau de de quoi l'être humain est fait. Il nous suffit de rappeler
les paroles prononcées par la poétesse Sophia dans le documentaire homonyme :
« Dire que l'œuvre d'art fait partie de la culture est quelque chose d'un peu savant et artificiel.
L'œuvre d'art fait partie de la réalité et est destinée, accomplissement, salut et vie »49 .
La littérature est conçue comme l'art de la libre invention, comme un mode de
vie qui ne vise pas la représentation ou la reproduction de la réalité dans laquelle nous vivons.
Ceci est compris par Monteiro comme un véritable modus vivendi capable
d'interrompre le continuum de la vie quotidienne pour créer des modes de vie
alternatifs50. La poésie et la littérature sont quelque chose capable de sonder
les profondeurs de l'être, essayant d'annihiler les limites mortelles de l'existence
humaine pour la placer dans une dimension mythopoïétique : l'essence ultime et
la plus profonde des arts comme poiesis, création et invention.
Tout cela se manifeste surtout à travers les citations, mais si, d'une part, elles
constituent une forme complémentaire dans les relations avec celui qui s'assume
comme un véritable maître, d'autre part, il est intéressant de noter comment
dans la greffe des différents segments cités Monteiro entrevoit le pouvoir, non
pas de conserver la mémoire, mais de la purifier, de la sortir du contexte
dégradant de notre société, celle-ci étant « la seule puissance dans laquelle
réside encore l'espoir que quelque chose puisse survivre cette fois » 51 [Benjamin dans Iampolski, 1
En ce sens, les références intertextuelles présentes dans les films immédiatement
après le 25 avril acquièrent pour Monteiro une valence politique sans précédent,
avec l'intention de sauver moralement la culture de ces terres et l'imagination de
ces personnes qui pendant des décennies ont été oubliées par les Salazar.
régime. Comme l'observe Fernando Cabral Martins [in Nicolau (org.), 2005ÿ: 294],
malgré la
48. Le texte français original est : « l'art ne doit pas chercher à se placer dans la culture mais dans le réel ».
49. Les mots de Sophia de Mello Breyner Andresen appartiennent à son œuvre Arte Poética III.
50. Voici l'interview de Manuel Gusmão réalisée par Ana Isabel Santos Strindberg et João Nicolau, dont il est
possible d'entendre un extrait dans les extras de l'édition complète de l'œuvre de João César Monteiro en DVD,
par Madragoa Filmes.
51. La traduction anglaise de l'original russe est : « le seul pouvoir dans lequel réside encore l'espoir que
quelque chose puisse survivre à cet âge ».
En d'autres termes, que dois-je faire avec cette épéeÿ? souligne les
chemins que Monteiro a déjà parcourus et qu'il parcourra dans le
développement de sa poétique de la discontinuité, notamment en ce qui
concerne les films intermédiaires et qui précèdent Mémoires de la Maison
Jaune. Si, comme dans les trois films précédents52, la citation intervient
dans la construction diégétique de Que Farei Eu com Esta Espada?, en la
structurant comme un collage dans lequel les différents plans ou blocs narratifs favorisent l
Fernando Cabral Martins in Nicolau (org.), 2005ÿ: 293], on peut aussi
52. Nous nous référons aux films Sophia de Mello Breyner Andresen, Who Waits for
Dead Shoes Dies Barefoot et Fragments of a Film Alms – The Holy Family.
Pour notre étude, nous ne nous focaliserons pas sur la relation que
l'objet transtextuel établit avec les interprétants, mais nous insisterons,
une fois de plus, sur la relation établie entre lui et le texte hôte. Il n'est
pas question ici de sonder les fonctions remplies par les extraits, car
ceux-ci peuvent varier selon les systèmes et les contextes des
segments textuels auxquels ils sont destinés, étant « des pratiques
éphémères et empiriques pour lesquelles il n'existe pas de catalogue
exhaustif possible »53 [Compagnon, 1979ÿ: 99]. Au contraire, on entend
ici suivre un critère exclusivement formel qui, comme le suggère
Compagnon [1979ÿ: 99-100], garantit une plus grande efficacité dans
l'étude des relations entre les systèmes S1 (A1, T1) et S2 (A2, T2)54 . En fait, la valeur de
53. Le texte français original est : « pratiques éphémères et empiriques dont il n'y a pas de
cataloge exhaustif possible ».
54. A1 représente l'auteur du système original S1 et T1 le texte du même auteur. Il en va de
même pour le système S2 où A2 indique l'auteur citant et T2 le texte cité du système S1.
55. Bien que Compagnon se réfère au concept de citation, nous considérons qu'il est opportun
d'examiner la notion de valeur de répétition qui y est impliquée, applicable également au contexte
plus large de la transtextualité. L'auteur français écrit : « si l'on adopte une définition formelle de
la citation comme acte de discours (un énoncé répété et un énoncé répétitif), comme un
mécanisme simple et positif qui relie deux textes ou deux systèmes, l'indice de leurs valeurs de
répétition, qui sont les interprétants des relations élémentaires et binaires entre les deux
systèmes. Ainsi, une fonction de citation est un interprétant de la relation multipolaire S1 (A1, T1)
- S2 (A2, T2), un centroïde de valeurs de répétition simples, chacune étant affectée de son propre
coefficient ; et les grandes fonctions historiques de citation, qui sont traditionnellement
répertoriées, coïncident avec la dominance de telle ou telle valeur de répétition simple sur les
autres : une fonction est une hiérarchie spécifique de valeurs de répétition » [Compagnon, 1979ÿ:
99-100]. Et plus encore : « Si l'on voulait organiser les quatre grandes valeurs de répétition de la
citation, de la plus imaginaire à la plus symbolique, leur ordre serait celui-ci : l'image, le schéma,
l'index et, enfin, le symbole. (fixation de l'emblème, entièrement imaginaire)." [Compagnon, 1979ÿ:
336]. [Les textes originaux en français sontÿ: "si l'on s'en tient à une déinition formelle de la
citation comme acte de discours (un énoncé répété et une énonciation répétant), comme
mécanisme simple et positif qui repose sur deux textes ou deux systèmes , sur la disposition de
la table de ses valeurs de répétition qui sont les interprétants des relations élémentaires et
binaires entre les deux systèmes. Alors, une fonction de la citation est un interprète de la relation
multipolaire, S1 (A1, T1) - S2 (A2, T2), un barycentre de valeurs simples de répétition, chacune
étant affectée d'un coefficient propre ; et les grandes fonctions historiques de la citation qui sont
traditionnellement des records, coïncidant avec la dominance de telle ou telle des valeurs simples
de répétition sur les autres : une fonction est une hiérarchie spécifique des valeurs de répétition
» et « Si l'on voulait ranger les quatre grandes valeurs de répétition de la citation de la plus
imaginaire à la plus symbolique, leur ordre serait celui-ciÿ: l'image, le diagramme, l'indice et, pour inir, le symbole (étant m
56. Le texte français d'origine est : « toutes concurremment existant ».
57. Le texte français original est : « forme encore moins explicite et moins littérale ».
58. Contes traditionnels portugais, Vol. III, Lisbonne, Iniciativas Editoriais, 1956, p. 557-581.
59. La transformation omise est celle dont l'élément naturel est l'eau. Dans la première version,
l'homme et Branca-Flor deviennent batelier et mulet ; dans la deuxième version, le garçon se
transforme en poisson et la fille en ruisseau, tandis que dans la troisième version l'homme est
une rivière et Branca-Flor une anguille.
60. Les vers tirés de la troisième version (L'île de la sorcière) du cycle Branca-Flor sont respectivement :
« Je vends des noix, j'achète de l'ail ; / J'achète de l'ail, je vends des noix. / Quand je vends des noix,
j'achète de l'ail ; / J'achète de l'ail, je vends des noix » et « Tim, tim, tim, / Joue la messe, / Le prêtre va à
l'autel. / Tim, tim, tim, / Viens à la messe, / Le prêtre va à l'autel. [Ferreiraÿ; Oliveira (orgs.), III vol., 1956, p. 575-576].
En fait, Veredas est construit comme une mosaïque de textes d'autrui dans laquelle
l'acte de narration ne consiste plus, comme le dit Roland Barthes [1971ÿ: 143-
144], « en faisant mûrir une histoire […] [, en] soumettant l'enchaînement des
épisodes à un ordre naturel (ou logique) […], mais en juxtaposant, purement et
simplement, des morceaux itératifs et mouvants »61. Déjà « il n'y a pas continuité,
mais contiguïté ; il n'y a pas d'évolution, mais des juxtapositions, en un mot des
échos » [Lopes, 1978] où légendes et récits quotidiens, musiques traditionnelles
(transmontana et alentejo) et savantes (extrait de la 7e Symphonie de Bruckner ),
litanies vernaculaires et mythologies anciennes .
La rhapsodie montéirienne brouille les sources, les contamine, donnant lieu à un
nouvel hypertexte, dont le sens ne se réduit pas, naturellement, à la somme des
blocs individuels. Les particularités de ces contaminations résident dans ce que
Genette [1982ÿ: 56] appelle « l’ambiguïté de l’approximation, tour à tour extravagante
et pertinente de manière amusante »62 et dans l’influence que chacun de ces textes
exerce sur l’autre, se débarrassant d’une nouvelle interprétation lumière sur les
hypotextes respectifs. Nous sommes confrontés à ce type de transformation, à la
frontière entre les régimes ludiques et sérieux, mieux connus sous le terme de
centão. Cette « contamination additive »63 porte sur l’accumulation et la
concaténation d’unités textuelles hétérogènes, en l’occurrence non plus utilisées
comme citations mais comme matière première pour la constitution d’un texte qui
semble le plus cohérent possible [Genette, 1982ÿ: 54].
61. Le texte français original est : « à faire mûrir une histoire […], soumettre la suite des épisodes
à un ordre naturel (ou logique) […]. more à juxtaposer purement et simplement des morceaux
itératifs et mobiles ».
62. Le texte français original est : « l'ambigüité du rapprochement, à la fois saugrenu et
cocassement pertinent ».
63. Le texte français original est : « additif de contamination ».
64. L'ambiguïté vient du fait que le centão peut mêler à la fois des pratiques hypertextuelles et des
opérations proches de l'intertextualité, se caractérisant parfois par des régimes qui oscillent
son art combinatoire. Ici, la répétition de ce qui a déjà été dit n'est pas une simple
répétition mais un instrument de réminiscence, c'est une re-production anthologique
et non un ensemble de fleurs fanées dans un herbier.
Il fait d'abord l'objet d'une transposition dans laquelle on voit les altérations de
l'hypotexte comme faisant clairement partie d'une stratégie bien conçue, centrée
avant tout sur des transformations d'ordre formel.
En fait, à A Mão do Finado , il y a de légers changements thématiques, comme le
remplacement des pommes à opium par des oranges, le changement du statut
social du marchand qui devient idalgo ou la réduction du nombre d'îles, de trois à
deux. En revanche, les transpositions formelles sont beaucoup plus nombreuses :
le récit du récit d'A Mão do Finado est réduit en supprimant la partie finale du récit,
qui va du meurtre des plus anciennes îles du marchand par la main du voleur, aux
noces de la benjamine de l'île avec le petit prince, personnage totalement omis dans
la version cinématographique.
68. Le texte français original est : « qui constitue l'exact contraire de la réduction par suppression massive ».
Sylvestre, 1982
73. Le texte original en italien est : « calco iconico della durata, della percorribilità dello spazio ».
74. Le texte original en italien est : « L'austerità e il rigore della concezione dell'inquadraturta
rimanda […] al Beato Angelico : si pensi, aproposo degli interni, all'Annunciazione, affresco,
dopo il 1438 (Firenze, convent di San Marco) ou all'Annunciazione, tavola, dopo il 1433-34
(Cortona, Museo Diocesiano). Toujours per como riguarda gli interni, nous pourrions
rimandare anche à Domenico Veneziano, Annunciazione della Vergine, tavola, 1440 ca.
(Cambridge, Fitzwilliam Museum), les Dirk Bouts, L'ultima cena, tavola, 1464-67 (Lovanio, Eglise St. Pierre).
75. Ce groupe est composé, outre les longs métrages Veredas et Silvestre, des courts métrages A Mãe (1978-
1979), Les Deux soldats (1979) et L'Amour des trois grenades.
76. Ismail Xavier [1984ÿ:ÿ127] rappelle qu’entre les années 1960 et 1970 les rédacteurs des
« Cahiers du Cinéma » entendaient par « ‘système de représentation dominante’ […] le
système établi par la narration réaliste et le découpage classique, au sein du décor de règles
de vraisemblance », dont l'intention était de donner au spectateur une impression de réalité
qui puisse favoriser la croyance en l'image photographique comme copie fidèle de la réalité représentée.
Dans Shoes, film dans lequel Monteiro fait siens les mots de Godard,
« le cinéma est un escroc », il montre les scènes réalisées dans les
premiers tournages de 1965, les projetant pour que le spectateur
perçoive immédiatement le caractère fictionnel des images. . Monteiro
rend visible l'acte de projection à partir duquel le cinéma prend forme
et brise l'effet de réalité avec l'ostentation de la matérialité dont se
compose la machine cinématographique. Une approche analogue est
présente, par exemple, dans Le Mépris (Le mépris, 1963), dans lequel
Godard « incorpore le principe brechtien selon lequel l'art doit révéler
les principes de sa construction » [Stam, 1981ÿ: 31]. Le film révèle le
support de production lui-même, la caméra, démystifiant tous les
trucs et effets utilisés pour le réaliser. Ce faisant, Godard, dont
Monteiro prend pour modèle la pratique anti-illusionniste, prive
l'image du pouvoir hypnotique que le cinéma de transparence lui
attribuait, mettant en évidence sa nature de code, dont il faut
déconstruire le la logique et le système de règles afin que puisse être
révélé le caractère matériel, c'est-à-dire de fabrication, et donc non naturaliste, du disp
Comme l'affirme Godard, l'image n'est pas la réalité (« ce n'est pas
une image juste, c'est justement une image »77) et la narration
filmique ne reproduit pas le continuum de l'existence, car la vie ne se
présente jamais à nos yeux comme une segmentation cohérente
d'une histoire linéaire. Seule la fragmentation spatio-temporelle peut
nous restituer une portion de réalité exempte de l'idéologie dominante
qui fait de l'écran le reflet dans lequel le spectateur se reconnaît et
les valeurs que notre culture bourgeoise nous inculque. Le spectacle
cinématographique tend à masquer les interstices, les points de
jonction, la discontinuité du monde, produisant une image rassurante
et jouissive, sans aucun obstacle, pour le spectateur avide d'histoires.
Mais rien de tout cela n'est qu'une illusion, une nécessité induite par
l'économie du spectacle contre laquelle se lance justement Godard
pour combattre son hégémonie. Il a une prédilection pour le fragment,
privilégie l'unité-photogramme, les passages de plans abrupts, opte pour la constructi
77. Le texte français original est : « ce n'est pas une image juste, c'est juste une image ».
Toujours à Monteiro, comme nous l'avons dit plus haut, nous trouvons une
propension à la fragmentation, bien que dans seulement deux cas, elle
apparaisse dans une conception narrative explicite et déclarée. Par exemple,
Shoes "a 14 scènes et peut (ne devrait pas) être divisé en deux parties, comprenant chacune se
[João César Monteiro, 1974aÿ: 129]. La déconnexion est également exacerbée
par l'intervention dans la bande sonore d'un fragment musical de Webern,
dont la fonction est de relier les deux moitiés dont le film est composé.
Dans ce cas, la musique extradiégétique offre, comme cela arrive parfois
chez Godard, une nouvelle possibilité de juxtaposition, créant un contrepoint
à l'image au lieu de simplement la commenter ou l'accompagner. En effet,
alors que le film sonore classique présente le son comme un simple double
de la représentation de l'image, ici les pistes sonores et visuelles s'opposent
pour rendre impossible toute lecture transparente du texte filmique. La
musique d'Anton Webern n'est pas disposée, pour ainsi dire, sur le plan
horizontal de la succession narrative, mais se superpose à l'image, donnant
naissance à une couche verticale de sens multiples.
Un autre film de la première phase de l'œuvre montéirienne caractérisé par
la fragmentation est A Sagrada Família. A l'origine, le projet consistait en la
réalisation d'un film 16 mm, en noir et blanc, composé majoritairement de
vingt-trois très longs plans, dont la durée aurait dû atteindre la durée d'un
long métrage standard si, pour paraphraser Monteiro lui-même, il avait n'avait
pas encore une fois gâché sa vie [João César Monteiro, 1974aÿ: 56].
Malheureusement, comme le film souffrait d'énormes problèmes de
production en raison du peu de soutien financier reçu du CPC, Monteiro a décidé de
78. Le texte français original est : « l'art n'est pas le relet du réel, mais le réel de ce relet ».
un peuple qui reprend les vers de Fernando Pessoa, était l'auteur le plus
furieux et le plus dissonant du nouveau cinéma portugais !79 [in Augusto
M. Seabra (org.), 1988ÿ: 142-144]
79. Le texte original en italien est : « è il più insolito oggetto cinematograico del PREC. […] Insolito
per il modo in cui mette insieme la inzione ei riferimenti culturali, […] Il titolo, il 'leit-motiv' principal,
est colto in Fernando Pessoa : « 'Che farò io con questa spada ?' / L'alzasti e si è fatto ». Sono versi
di O Conde D. Henrique, une poésie de Mensagem, seul livre de Pessoa publié dans vita dell'autore.
[…] Dans l'univers surprenant et immense de la poétique de Pessoa, Message est le résultat le plus
important de sa version occultiste et nazionaliste. […] cette version nationaliste insère directement
Pessoa dans l'une des forti traditions culturelles en portugais : il sebastianista messianismo. […]
Paradossalement, il nazionalismo che intendeva legittimare la vocazione imperiale viene trasigurato
in un proposito di rifondazione. […] La mythologie Strana, pour une rivoluzione qui se proclame
socialiste ! Tellement plus insolita poiché l'auteur dell'operazione, colui che intention di incontrare
un popolo che richiami i versi di Fernando Pessoa, was il più arrabbiato and dissonant autor del nuovo cinema portoghese!
80. Monteiro a écrit ses premiers articles sur le cinéma dans les années 1960, en collaboration
principalement avec Vítor Silva Tavares, à l'époque fondateur du supplément culturel du « Jornal
do Fundão » devenu plus tard autonome sous le nom de « & etc », la maison d'édition maison à
travers laquelle Monteiro publiera une grande partie de ses écrits. Dans ces années-là, Monteiro se
nourrit littéralement de cinéma, sa nourriture quotidienne est la production américaine classique et
la Nouvelle Vague. Il est stimulé par une véritable soif de découverte qui le pousse à tout imaginer :
il est un vrai cinéphile et vit le cinéma comme un acte d'amour. Mais pas seulement. A l'époque, la
pratique de la critique cinématographique représentait surtout une sorte de militantisme contre le régime, dans lequel les fil
Son expérience de critique est fondamentale pour son activité de réalisateur, au point de déclarer
Pour notre analyse, dans ce cas, le nom de Godard peut être compris
avec une signification métonymique très précise en tant que membre
éminent des « Cahiers » et exposant d'une certaine façon de penser
et de faire du cinéma. Dans ce cas, le modèle n'est pas constitué par
l'œuvre d'un auteur unique, mais par l'attitude d'une entité collective,
d'un groupe de cinéastes dont les débuts au cinéma ont été précédés d'une intense act
Monteiro marche dans les pas de Godard et de ses confrères, partage
son parcours formateur, lui aussi est le ciné-fils de cette génération
de cinéastes qui a réussi – comme le dit Monteiro [1974aÿ: 119],
faisant écho à François Truffaut81 – « à sentir tout le cinéma ce [avait] fait » jusque-là.
son appartenance à la « première génération de cinéastes cultivés existant au Portugal » [João César
Monteiro, 1974aÿ: 119], c'est-à-dire de cinéastes qui, au cours de ces années, ont réussi à visualiser la
majeure partie de la production mondiale, comme cela s'est produit avec Paulo Rocha, Fernando
Lopes , Alberto Seixas Santos et António-Pedro Vasconcelos, considérés par Monteiro lui-même
comme les seuls capables d'échapper à la bêtise artistique, ce qui les distinguait des autres cinéastes
du Cinema Novo appelés sarcastiquement "Macedos & C." [João César Monteiro, 1974aÿ: 117] du nom
du réalisateur de Sete Balas para Selma (1967), un film fortement critiqué pour sa trahison morale par
rapport au Cinéma Novo. Le style de son écriture est particulièrement mordant, incisif, imprégné de
constantes références littéraires et cinématographiques, attentif et rigoureux dans la langue. L'écriture
de Monteiro termine sa vie, elle est son miroir : il ne se limite pas à la simple critique ou à la présentation
de ses projets cinématographiques ; de ceux-ci transpire leur amour de la littérature, leur profonde
dissidence par rapport à la société portugaise, la mesquinerie et le mensonge de nombre de leurs
confrères cinéastes mais, surtout, ils manifestent leur force morale dans la conduite de leur combat
cinématographique pour obtenir la victoire du précité « le bloc allié du cinéma » dont il se sentait membre.
81. La citation qui fait allusion aux propos de François Truffaut est la suivante : « J'appartiens à une
génération de cinéastes qui ont décidé de faire des ilms après avoir vu Citizen Kane. [J'appartiens à
une génération de cinéastes qui ont décidé de faire des films après avoir vu Le Monde à vos pieds.]
Bien que la différence de sujet et de contexte dans lequel les phrases ont été prononcées soit évidente,
nous ne pouvons manquer de souligner le rôle énorme que cineilia a joué dans la formation des
cinéastes des nouveaux postes vacants et l'influence qu'elle a exercée sur la façon dont ils considéraient
l'art cinématographique et votre l'histoire. À cet égard, nous renvoyons à l'extrait extrait de l'entretien
de João César Monteiro par Emmanuel Burdeau [1999 in Nicolau (org.), 2005ÿ: 444-445], dans lequel le
cinéaste lui-même déclare : « Moi, cinématographiquement, j'appartiens à la génération de la Nouvelle
Vague. J'ai suivi le même itinéraire : les critiques, André Bazin, les Cahiers. J'ai rencontré des cinéastes de la Nouvelle Vague : T
Mais surtout, je suivais les films qu'ils faisaient. J'ai vu À bout de souffle en 1960, à Paris, et pour moi
ça a été un choc.
82. Les versions italiennes des extraits originaux sont : « Copiare […] è un'arte » et « O meglio dire,
bisogna farne un'arte : proprio perché così si preventrebbe di cadere nello stereotipo e nel freezeto ».
83. Le texte original en espagnol est : « lo que llamamos creación […] is a mezcla de olvido y
recuerdo de lo que hamos read ».
84. Les versions italiennes des extraits originaux sont : « imitazione servile » et « imitazione che è
indizio di maestria ».
85. La spirale est une figure omniprésente dans l'œuvre de Monteiro. À cet égard, nous renvoyons à
un extrait d'un entretien avec Monteiro [entretien de Rodrigues da Silva, 1992 in Nicolau (org.), 2005ÿ:
362] sur O Último Mergulho, ou plutôt, sur les raisons qui l'ont conduit à choisir le musique de Bach
pour compléter le film. À la question de l'intervieweur, "Pourquoi ce Bach ?", Monteiro répond :
« Pourquoi Bach, pourquoi ce Bach et pourquoi joué par Glenn Gould ? Car la construction du film
est en spirale. La spirale est un peu la ligne du vertige, du tourbillon. C'est une ligne baroque par
excellence. Il n'a ni début ni im. C'est comme un poussin (poussin femelle) qui se déplie, je me
promène dans ces choses. C'est comme le yo d'Ariane. La nana, en elle-même, ne m'intéresse pas beaucoup.
Cela m'intéresse en tant qu'io d'Ariane. Gould, c'est aussi une première approche de Bach joué par
lui. Parce que c'est une musique entraînante. En fait, Gould fredonne. C'est l'arrivée au bout du
chemin. Ah, quand je vous parle en première approximation, je veux dire en première approximation
des Variations Goldberg, qui entreront désormais dans tous mes films. Pas exactement l' Aria, mais les variations.
De plus, la spirale apparaît également dans le mouvement de rotation des galaxies présent dans les
premiers titres de A Comédia de Deus et As Bodas de Deus (1999).
86. Le texte français original est : « les choses défavorisées, mais à un autre niveau : il ya retour dans
la différence, non ressaisissement dans l'identité […]. La spirale règle la dialectique de l'ancien et du
nouveau ; grace à elle, nous ne sommes pas contraintes de penser : tout est dit, ou : rien n'a été dit,
mais plutôt rien n'est premier et cependant tout est nouveau. Les italiques dans le texte sont de l'auteur.
87. Pour une analyse exhaustive du concept, voir André Bazin, Qu'est-ce que le cinéma ? , Paris, Les
Éditions Du Cerf, 1975 (traduction portugaise, O que é o Cinema ? , Lisbonne, Livros Horizontes, 1992, p. 91-117).
88. Le texte français original est : « des découpes dont chacune détient une puissance
démonstrative suffisante. Même chose chez Eisensteinÿ: le film est une contiguïté d'épisodes,
dont chacun est absolument signiiant, esthétiquement parfaitÿ; c'est un cinéma à vocation anthologique ».
89. Le texte français original est : « hiéroglyphe où se liront d'un seul regard […] le présent, le
passé et l'avenir ».
90. Voir, par exemple, la scène dans laquelle Sílvia/Silvestre révèle à sa sœur son intention de rejoindre
l'armée du roi pour partir à la recherche de son père, Dom Rodrigo : « - Donne-moi des armes et des
chevaux, / Comme les guerres pour moi être. - Tu as les cheveux longs, / Ma sœur, ils te reconnaîtront. -
Avec des cisailles à découper / Close-cut sera.” - Tu as l'air timide, / Ma sœur, ils te reconnaîtront. - Quand
je suis avec des hommes / Je ne poserai pas les yeux par terre. - Tu as un visage très blanc, / Ma sœur, ils
te reconnaîtront. - Dans les trois jours du chemin, / Ces soleils te brûleront. - Tes épaules sont hautes, /
Sœur, ils te reconnaîtront. - Que les armes soient lourdes / Que les épaules descendent. - Tu as des seins
très hauts, / Ma sœur, ils te reconnaîtront. - Je vais rétrécir mes seins / Dans mon cœur. - Tu as des mains
très douces, / Ma sœur, elles te connaîtront. - Il viendra le vent et la pluie / Ils deviendront durs. - Vous
avez des hanches larges, / Mes sœurs, elles vous reconnaîtront. - Passez sous un jupon, / Les hommes ne
les verront jamais. - Tu as de petits pieds, / Ma soeur, ils te reconnaîtront. - Je les mettrai en bottes, / Ils ne sortiront jamais. - Tu aur
un homme / Avec ma lance à la main. - Vous y prendrez l'amour, / Mes sœurs, elles vous connaîtront. - Ceux
qui me parlent d'amour, / Ils le paieront cher. - Tu as un nom de femme, / Sœur, ils te connaîtront. - Je
m'appellerai Silvestre / On me prendra pour un homme. / Venez armes et chevaux / Les guerres seront pour moi.
91. "Qui est celui-ci qui apparaît comme l'aube du jour, beau comme la lune, brillant comme le soleil, redoutable
comme une armée de bannières?"
92. « Maintenant je suis nu devant les étoiles » dans Pobre de Pedir (1931) de Raúl Brandão.
à la situation dans laquelle il se trouve, faisant fi par ses propos ambivalents et ses
gestes disgracieux des règles courtoises de l'étiquette et de la décence. Son langage
dérange les bonnes mœurs et enfreint les mœurs, convoquant à l'écran un type de
communication que les normes verbales officielles censurent normalement.
Mais il n'y a pas que Dom Paio qui intègre les principes de la basse matérielle et corporelle.
Chez Silvestre , nous vérifions la présence de deux autres thèmes appartenant à la
sphère grotesque-populaire, à savoir, le thème de la prostituée94 et le banquet.
93. La version italienne du texte original est : « immagini del corpo, del mangiare e del bere, dei
bisogni naturali e della vita sessuale ».
94. Une figure récurrente du cinéma de Monteiro. Sa première apparition remonte à l'époque de
What Will I Do with This Sword ?, puis à travers Memories of the Yellow House, The Last Dive, A
Comédia de Deus, Le Bassin de John Wayne et The Wedding of God, jusqu'au dernier Vai -e -Vient.
Dans le premier cas, nous trouvons une synthèse substantielle des deux thèmes.
La scène en question est celle des deux sœurs prostituées qui rivalisent
pour jouir du corps du jeune Silvestre. Ici, les plaisirs de la chair coïncident
avec ceux de la bouche, montrant une table pleine de nourriture, dont la
présence, voilée soulignée par les deux femmes, renvoie à une métaphore
sexuelle explicite, dans laquelle le corps devient une sorte de nourriture
pour satisfaire les besoins sexuels. appétits.
Sylvestre, 1982
Sylvestre, 1982
Comme nous avons voulu le démontrer, Silvestre est le premier film dans
lequel Monteiro incorpore et unifie, en plus des différents segments
textuels que nous avons déjà évoqués, des phénomènes linguistiques
hétérogènes. Elle rapproche ce qui est éloigné et sépare ce qui est
traditionnellement uni, libérant la matière du monde des conventions
unilatérales auxquelles l'enchaîne l'idéologie dominante. Une telle
inversion axiologique prend l'ironie parodique du grotesque et prend les
caractéristiques de la chimère, dont la nature, comme on le sait depuis l'Antiquité, renvoie
[Bachtin, 2001bÿ: 121], reproduisant dans le domaine linguistique les
mêmes propriétés osmotiques du centão.
En quelque sorte, Monteiro clôt, avec Silvestre, le premier macro
-chapitre95 de son œuvre – un chapitre expérimental d'inspiration
majoritairement godardienne, où le cinéma est le révélateur du mensonge.
95. Comme déjà mentionné, ce macro-chapitre est divisé en deux sous-groupes : le premier comprend les films
composé d'unités de bloc, Sophia, Sapatos, A Sagrada Família et Que Farei Eu com Esta Espada?,
qui sert de transition vers le deuxième sous-groupe, celui des films fantastiques-populaires. Dans ce
cas, similarité et continuité reposent principalement sur les typologies des transformations
transtextuelles. En ce qui concerne l'interdiscursivité, il est important de souligner le rôle central
joué par Silvestre, le film avec lequel, en fait, commence le processus d'hybridation axiologico-
linguistique, qui trouvera sa réalisation la plus complète à partir de la trilogie de Dieu. Notre tentative
taxonomique répond donc à deux principes complémentaires mais non contradictoires – celui de la
et celui de l'interdiscursivité
–, transtextualité grâce à laquelle peuvent se créer des situations dans
lesquelles un même film peut appartenir simultanément à deux groupes différents. Pour éviter les
malentendus, nous préciserons toujours la méthodologie adoptée pour diviser les films de Monteiro
en groupes. Évidemment, notre tentative répond à une exigence purement heuristique dans le but
d'une meilleure compréhension du travail montéirien et il est important de rappeler qu'il ne s'agit là
que d'une des hypothèses d'analyse possibles pour faire face à sa complexité.
96. La version italienne du texte original est : "barriere si dissolvono fra le cose, i fenomeni ei valori
cominciano a mescolarsi e a scomparire"
97. Dans le texte, la citation est en français. Une traduction en portugais sera : « Commence
par le plus bas / s'épaissit sur les mots obscènes et froids ».
98. Le texte français original est : « Monteiro insiste de manière quasi maniaque sur le
cérémonial du repas (le découpage et la préparation du poisson, l'apprentissage de la saveur
des melons or encore l'arrivée au dîner de Sara déguisée en Callas au début du film),
transigurant ce repas par sa mise en scène extravagante. L'homme perturbe le rituel, plus, paradoxalement, il le nourr
La situation dans The Last Dive est bien plus grave . Dans ce cas, la
nourriture est associée au thème de la fête, à la consommation
excessive d'alcool, à la liberté effrénée des moments de dissipation
festive où le rire et la danse sont suivis de la nuit de sexe passée par
Elói (Henrique Canto e Castro) et Samuel (Dinis Neto Jorge) en compagnie de trois prosti
La misère des personnages, le contexte dégradé et abject dans lequel
se déroulent de nombreuses actions du film renvoient à un monde
périphérique, loin des dynamiques hégémoniques de la haute culture.
La marginalité d’ O Último Mergulho rime en quelque sorte avec celle
de Silvestre, dont le titre renvoie, comme l’observe Monteiro, [entretien
avec Adelino Tavares da Silva, 1982 in Nicolau (org.), 2005ÿ: 326] à ce
qui « naît et grandit ». ' en marge des cultures. C'est-à-dire qu'il pousse
sauvagement, sans avoir été semé. Dans le cas d' O Último Mergulho,
"pour citer une vieille phrase de Matias Ayres ("tout art a un peu de
grossièreté"), il s'agissait de ne pas vouloir enlever le côté grossier et
grossier du film" en parfaite harmonie avec l'environnement dans lequel
se déroule une partie de l'histoire : "la pute la plus sordide de Lisbonne,
celle où l'on peut attraper des maladies et trouver la faune la plus
marginale" [entretien avec João César Monteiro de Rodrigues da Silva, 1992 à Nicolau (or
Last Dive est couvert d'une veine licencieuse et prosaïque inédite, dont
l'apogée est atteinte dans les premières lignes du film. Les deux
protagonistes, après s'être mis "quelques tasses dans le ventre",
rentrent chez eux pour un dîner frugal. Ici commence la scène la plus
ordinaire et grossière du film, dans laquelle la femme d'Elói (Teresa
Roby), alitée à cause d'une maladie rhumatismale, insulte continuellement
son mari en raison de sa conduite immorale et du peu d'attention et de
soins qu'il lui consacre. L'obscénité des propos de la femme, prononcés
hors ligne, est inhabituelle : « [n]jamais dans un film portugais on n'a
entendu une langue aussi débridée » [João Bénard da Costa in Maria João Madeira (org.)
Merde et pisse servent de préambule au dîner que les deux hommes
s'apprêtent à consommer. La femme insulte son mari, "mon gros
bâtard", et se plaint du fait qu'il n'est jamais à la maison, ne rentrant
qu'à l'aube après avoir passé toute la nuit "dans les verres" et avec "les putes".
Alors que les deux mangent et boivent dans un silence absolu, la femme
ne cesse d'offenser Elói : « Tu ne peux pas non plus être un homme pour
moi. Tu ne penses qu'aux putes, mon con de coquin ! Pensez-y, vous, ma
grande pute, ma grande pute, vous avez ruiné la meilleure chatte
d'Alcobaça. La vieille femme maudit son mari, invoque le châtiment de
Dieu et supplie Notre-Dame d'être soulagée de sa douleur. Le sacré et le
profane, la nourriture et les excréments, la bouche et les orifices du corps
(rectum/vagin) se confondent, donnant lieu à des incongruités
sémantiques d'une charge explosive remarquable, qui trouveront bientôt l' habitat idéal pou
Elói, après avoir offert à Samuel son île d'Esperança, "la meilleure
chatte du quartier", déambule en compagnie des deux autres
prostituées, Ivone (Rita Blanco) et Rosa Bianca (Francesca Prandi),
dans la nuit lisboète, entre danses , et cadeaux. Ici, l'ambiance festive
se caractérise également par la dégradation grotesque des symboles
religieux, comme les représentations de saint Antoine, dont la
présence est entrecoupée d'images où prévaut une faible corporéité :
le groupe qui s'arrête pour manger et boire quelque chose dans le
village et Esperança qui sort des toilettes publiques après avoir satisfait ses besoins p
Mais la forme grotesque-carnavale assumée par Monteiro, responsable
de l'unification d'éléments hétérogènes, de l'ambivalence contradictoire
et scandaleuse du monde ouvert à la matière vivante de la réalité,
trouve sa synthèse dans la seconde partie du film. Les protagonistes,
épuisés par leurs errances nocturnes, se dirigent vers une pension
insipide appelée « 25 de Abril » pour passer les dernières heures de
la fête à faire l'amour. Elói chante une chanson ordinaire, tandis que
Samuel et les trois putains le suivent, montant les escaliers en
traînant les pieds. Une fois les chambres payées, Elói accompagne
Samuel et Esperança puis repart avec Ivone et Rosa Bianca. Le
registre grave de la séquence est marqué par la chanson chantée par
Ivone ("laver la crica, sentir le savon...) pendant qu'elle lave ses
parties intimes, et par la question qu'elle pose au miroir, demandant
s'il y a un plus belle chatte du monde » que la sienne. Du coup, nous
sommes allés dans la chambre de Samuel et Esperança. Les deux,
cadrés en plan moyen, regardent droit devant eux alors qu'ils
commencent à se caresser tout en "regardant la caméra comme s'ils
étaient devant un miroir, un miroir qui est elle (caméra) et nous (spectateurs)" [ João B