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Le rectangle de la crise économique de la covid-19 et la limite du marché ?

Research · June 2020

DOI: 10.13140/RG.2.2.11730.99529

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Kere Safilidin
University of Bordeaux
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U Le rectangle de la crise économique de la covid-19 et la limite du
marché ?
SAFILIDIN KERE—- (Juin 2020)
Introduction.
Le monde est en train de vivre l’une des
plus graves crises de l’histoire de l’humanité
surtout en ce qui concerne les effest sur
l’économie mondiale. Elle a montré dès son
apparition en décembre 2019 à Wuhan, les
failles de l’ordre mondial actuel et les organ-
ismes supranationaux nés depuis le siècle
dernier, censé protéger le monde d’une crise.
En effet, elle a mis à nu les limites de la ca-
pacité des gouvernements à protéger leurs
populations et leurs économies malgré les
progrès scientifiques et technologiques spec-
taculaires. La panique a été générale, allant
de la stigmatisation de la communauté asi-
atique à l’annonce d’une catastrophe sur le
continent africain en passant par l’absence
de traitement et de consensus entre les
spécialistes de la santé. Avant la crise, très
peu de personne pensait que ça pourrait être
si catastrophique. On avait plus ou moins
confiance à notre système économique sans
trop penser aux risques du libéralisme. Pou-
vons nous faire confiance au marché pour se
protéger d’une part et d’autre part construire
un monde meilleur pour les générations fu-
tures ?
La mondialisation et le libre-échange
en question ?
Cette crise a remis en cause la mondialisa-
tion prônée par tous et les différentes théories
du libre-échangisme d’Adam Smith (1776) et
David Ricardo (1817) à la nouvelle théorie
du commerce internationale (Krugman, 1979
; Brander, 1981 ; Melitz, 2003 ; etc). Pour
faire face à la crise sanitaire, les gouverne-
ments ont confiné les 2/3 de l’humanité et
fermé les frontières contrairement à l’idée fon-
damentale de la mondialisation et du libre-
échange. Selon le libre échange, chaque pays
gagnerait à importer les produits dont il est
moins doté et exporter les produits dont il plus
doté. Le covid-19 a remis en question cette
logique de gain dans les échanges commer-
ciaux surtout pour les matériels médicaux. Il
n’est pas possible pour les pays moins dotés
d’importer ces produits. On a assisté à une
”guerre des masques” entre les pays.
Il n’était plus question de se rappeler des
avantages du libre échange ou de la mondi-
alisation comme la baisse des inégalités en-
tre les pays, l’innovation, la baisse des prix
pour le consommateur,la croissance ou de
faire attention aux effets néfastes du protec-
tionnisme. La solution sûre pour faire face
à la crise, était de compter sur ses propres
moyens. Pour le coup, l’OMS prévoit une
baisse des échanges commerciaux entre 12
et 35% pour 2020.
L’échec du marché et de l’état
gendarme ?
La plus grande leçon à tirer de cette crise est
sans doute l’inefficacité du marché dans son
fonctionnement et sa capacité de résilience
face aux crises d’une telle envergure. Il est
peut-être tant de remettre l’humain au cœur
du développement économique à la place du
capital et du marché. L’état gendarme et le
marché sont-ils à la hauteur de la conjoncture
économique mondiale ? Si oui, ne devraient-
ils pas être capable de répondre à la pau-
vreté qui est très élevée depuis longtemps
dans les pays en développement et qui est
en augmentation en Europe ? Elle s’est en-
core aggravée en cette période de crise san-
itaire et économique. Pourquoi ne trouvent-
ils pas de solution aux réchauffements clima-
tiques ? Peut-on faire confiance à l’état gen-
darme et au marché pour nous sortir de la sit-
uation actuelle ? Toutes ces questions mon-
trent que le capitalisme n’a pas atteint son ob-
jectif et la main invisible est en ”panne”.
Malheureusement, la logique capitaliste et
néolibérale ont entrainé une fragilisation des
hôpitaux publics. Si en Europe il manquait
des tests et des masques, aux Etats Unis, il
fallait payer pour se faire tester au début de
la pandémie. Elle a également permis aux en-
treprises de profiter de cette crise en augmen-
tant le prix des masques et du gel hydroal-
coolique même en situation crise. En Afrique
les PAS ont détruit le service public des pays
dans sa globalité, obligeant ainsi ces derniers
à dépendre de l’aide extérieure pour résoudre
les crises sanitaires qu’ils connaissent depuis
très longtemps. Le pari de la confiance aux
marchés a encore montré ses faiblesses, invi-
tant le président français à reconnaitre le bien-
fait de l’état providence en ces termes ”Notre
Etat providence ne sont pas des coûts ou des
charges mais des biens précieux, des atouts
indispensables quand le destin frappe”. Il re-
connait que certains services ne peuvent pas
être soumis aux lois du marché.
L’impact de cette crise ne se limitent pas
seulement aux secteurs de la santé, elle a
affecté significativement la demande et l’offre
des biens et services qui sont les socles
du marché et de notre système économique
actuel.
La crise économique.
Pour illustrer la crise économique qui se des-
sine et le rectangle de la crise économique, il
faut partir de la définition même d’un marché
en économie qui est le lieu de rencontre en-
tre l’offre et la demande des biens et ser-
vices. La demande est une fonction négative
(une pente négative) du prix c’est-à-dire la de-
mande de biens et services baissent lorsque
les prix augment, et inversement. Quant à
l’offre, elle augmente avec le prix donc une
fonction positive du prix. Autrement dit les en-
treprises sont davantage motivées à produire
lorsque les prix sont hauts, et inversement. Au
lieu de rencontre entre la droite de la demande
et celle de l’offre, s’établie une quantité et un
prix qui est l’équilibre du marché (graphique
1).
Figure 1: Le marché
Le choc d’offre.
Lorsqu’il y’a une crise comme le choc pétrolier
qu’on a observé dans les années 1973 et
1979, ou encore une catastrophe naturelle
qui impacte l’offre de matières premières,
cela entraine une augmentation des coûts
de productions. Les entreprises se trouvent
dans l’incapacité de produire et l’offre de bi-
ens et de services est affectée. On par-
lera alors d’une crise de l’offre. On assiste
à une baisse de l’offre et le déplacement de
la droite de l’offre vers la gauche entrainant
ainsi une hausse des prix et une diminution
de la quantité (graphique 2). On peut à court
Figure 2: Une baisse de l’offre
ou moyen terme avoir une spirale inflation-
niste : une augmentation de prix entraine
une augmentation des coûts de production
(en terme de salaires ou de prix de matière
de première) pour les entreprises qui vont
décider d’augmenter les prix des biens et ser-
vices par la suite.
Le choc de la demande.
En cas de choc négatif (une baisse) sur la de-
mande causée par la pauvreté, le chômage
de masse, une épargne par précaution suite
à une crise de confiance en l’avenir, la droite
de la demande se déplace vers la gauche. On
aura alors une baisse des prix et des quan-
tités à l’équilibre (graphique 3). Une baisse
de la demande signifie une baisse de chiffre
d’affaire pour les entreprises qui vont essayer
de diminuer les charges en mettant certains
employés au chômage, Cela va diminuer le
pouvoir d’achat puis la demande et accentuer
la crise.
 Figure 3: Une baisse de la demande
Le rectangle de la crise.
L’arrêt des activités est sans doute le facteur
déclencheur de la crise. En effet, le con-
finement par définition consiste à une baisse
significative de l’activité économique c’est-
à-dire pas de production ni de vente donc
pas d’offre. D’autre part, le confinement
et la panique a stoppé brutalement la con-
sommation parce que les gens étaient plus
préoccupés par leur survie. Cette baisse de la
consommation et de la demandent s’explique
aussi par les pertes d’emploi, la pauvreté et
l’augmentation de l’épargne de précaution. La
crise économique provoquée par la covid-19 a
eu un choc sur les deux courbes (la demande
et l’offre), qui se déplacent simultanément
vers la droite pour donner un nouvel équilibre
avec une quantité très inférieure. Les deux
équilibres forment alors un rectangle qui illus-
tre la crise économique. Cette double crise
Figure 4: Une baisse de l’offre
ou rectangle de la crise est le plus grand défis
pour les Etats et les organisations suprana-
tionales. Si elle est pour le moment sur la
sphère réelle, elle peut se tranformer facile-
ment à la sphère financière via l’endettement.
Et l’Afrique ?
Si l’Afrique n’a pas connu la catastrophe
annoncée sur le plan sanitaire, la crise
économique et social affectera beaucoup de
pays sur le continent. Si ces pays n’ont pas
choisi le confinement strict, c’est sans doute
à cause de la pauvreté et de la structure de
leurs économies dominées par le secteur
informel. Au regard du nombre des victimes
sur le continent, on peut avoir une note de
satisfaction sur la gestion de la pandamie.
Sur le plan économique, les économies
africaines souffraient d’un manque
d’investissements. Le manque à gagner
pour l’investissement privée, les IDE et les
transferts de fonds1 est très important.
Les mesures prises par certains gouverne-
ments sont très insuffisants pour supporter
la crise. Le moratoire sur la dette permettra
de déplacer le problème de la soutenabilité
pour certains pays durant la crise mais ne
pourra pas aider les gouvernements à faire
des relances budgétaires. Par ailleurs, il faut
ajouter que la diversité des économies et
l’écart qui existe entre les pays sur la dette
compliquerait ce moratoire.
Si la FED a un plan de soutien pour
l’économie américaine, et la BCE pour
l’Europe, on peut se demander quel est
le plan de la BCEAO pour l’UEMOA ? La
question de l’indépendance des économies
africaines est une fois de plus d’actualité.
L’Afrique va une fois de plus se tourner vers
le FMI et la Banque Mondiale pour continuer
son cheminement vers le développement.
Pour quels résultats ?
Cependant, Un moratoire ou un plan de
soutien ne pourra aider ces pays sans des
résolutions préalables contre la mal gouver-
nance des ressources, la corruption et les
crises socio-politiques.
1
Selon l’African Institute of Remittances (AIR)
en 2017, les transferts de fonds de la diaspora a
atteint 65milliars de dollars soit plus que le double
de l’aide au développement.
 En conclusion.
Pour conclure, la crise sanitaire et la crise
économique ont montré que notre système
économique est peut être au bout du souf-
fle. Dans le monde d’après, il faudra que
le système libéral intègre beaucoup plus
d’humanisme, de social et d’écologie dans
son fonctionnement. Mieux, l’Etat doit repren-
dre sa place et jouer pleinement son rôle de
garant du bien-être des populations. A partir
de 2020, il faudrait plus que l’état providence
pour remettre les économies en marche. Il
faudra une intervention importante de l’Etat
dans l’économie soutenu par les banques
centrales sans passer par les banques com-
merciales qui ne sont que le moteur de la
logique du marché. Il s’agira d’une part de
soutenir significativement la demande par des
investissements publics massifs et des trans-
ferts pour les ménages pauvres. D’autre part,
il faudra aider les entreprises pour éviter les
pertes d’emplois.

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