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RÉVOLUTION, 1780-1850
La frontière intérieure
Roger Dupuy (dir.)
Pouvoir local et Révolution s'interroge sur les limites d'une centralisation dont Tocqueville avait fait
la logique profonde et déterminante d'une Révolution surgie pour briser les privilèges des corps
intermédiaires et des provinces et permettre ainsi l'édification d'une Nation homogène de citoyens
libres et égaux en droits. Mais cette centralisation, même apparemment triomphante sous la
Convention et, a fortiori, sous l'Empire, continue de se heurter à une sorte de frontière intérieure,
celle des communautés d'habitants, surtout rurales, qui ont leur propre vie politique. Toute carrière
y dépend de l'origine locale des individus, de l'ancienneté des familles, de l'influence des parentèles
et clientèles mais aussi du talent des personnes et du contrôle des sources locales de la richesse.
Peut-on considérer l'existence de cette autonomie relative des communautés rurales comme
l'origine véritable des insurrections de l'Ouest ? Comment s'articulent ces terroirs politiques avec
ces nouveaux intermédiaires que sont les différentes catégories de notables ? Dans quelle mesure
la démocratisation de la vie politique et son aboutissement, le suffrage universel, ont-ils pu
modifier cette frontière ? Autant de questions majeures posées durant ce colloque qui a donc milité
pour accélérer et amplifier la réhabilitation historiographique, déjà amorcée, de la politique au
village.
Soutiens à la numérisation
Roger Dupuy, Jean-Pierre Jessenne, François Lebrun et al.
Prologue
Roger Dupuy
Introduction
Pouvoir et centralisation sous l'Ancien Régime
Daniel Ligou
Les États de Bourgogne au XVIII siècle e
Guy Saupin
La distribution du pouvoir politique à Nantes à la fin de l'Ancien
Régime
Cynthia Bouton
Les syndics des villages du bassin parisien des années 1750 à la
Révolution
Débat
Claude Nières
Les obstacles provinciaux au centralisme et à l'uniformisation en
France au XVIII siècle e
Christian Kermoal
L'apprentissage administratif et politique des paysans à travers le
fonctionnement des généraux de deux paroisses trégorroises :
Ploubezre et Bourbriac
Débat
Permanences
Jocelyne George
Pouvoir local ou “intérêt local” ?
Pierre Ardaillou
L'église, l'école et la mairie : les enjeux du pouvoir local dans le pays
de Caux des années 1840
Exemples étrangers
Anna-Maria Rao
Pouvoir local et Révolution dans l'Italie jacobine et napoléonienne
Eliseu Toscas
Les rapports entre l'État et les pouvoirs locaux en catalogne (1780-
1850) : bilan des recherches
Conclusions
Jean-Pierre Jessenne
Élément de conclusion I
Jocelyne George
Élément de conclusion II
Roger Dupuy
Élément de conclusion III
Prologue
Roger Dupuy, Jean-Pierre Jessenne, François Lebrun, Colin Lucas et Michel Voyelle
p. 7-9
TEXTE AUTEURS
TEXTE INTÉGRAL
1Ce colloque, organisé par l'Université de Rennes 2 (Centre de
recherche sur les sociétés rurales traditionnelles de l'Ouest
Armoricain, URA-CNRS 1022) se propose d'étudier, à partir du
renouvellement des travaux sur les communautés paysannes (Y.-
M. BERCÈ, J.-P. GUITTON, J.-P. JESSENNE, G. LEVI, M. EDELSTEIN,
D. HUNT, P. JONES, J. SKINNER, Ε. WEBER, etc.) et la socio-histoire
des villes J.-P. GARDEN, Cl. NIÈRES, etc.), l'évolution du pouvoir
local pendant la période révolutionnaire et la première moitié du
XIX siècle.
e
4. Stabilisation, réaction et
suffrage universel (1800-1850)
(France et hors-France) :
12Les conditions locales de la stabilisation consulaire et
impériale ? “Sanoir Pars” et suffrage censitaire ? Les limites locales
de la réaction (1815-1848) ? Le problème des élites de
substitution. Les limites de la deuxième expérience de suffrage
universel ? Etc…
AUTEURS
Roger Dupuy
Comité scientifique
Du même auteur
Du même auteur
Du même auteur
Du même auteur
p. 11-16
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 VOVELLE Michel, La découverte de la politique, géopolitique de la
révolution française, Édit. la d (...)
cause, que ce siècle n'a plus connu, avant la Grande Peur de 1789,
aucune jacquerie véritable. Il y a des manifestations de rebellion à
l'encontre de l'autorité seigneuriale, ou monarchique, qui peuvent
aller jusqu'à l'émeute locale, mais on n'assiste plus aux puissants
soulèvements provinciaux du siècle précédent. Et quand on
connaît la faiblesse des moyens permanents de coercition de la
monarchie, hors Paris et les frontières, on ne peut qu'en déduire
l'adhésion globale à la monarchie absolue de l'immense majorité
de la population du royaume et donc de la paysannerie.
7Outre les manifestations épisodiques de loyalisme monarchique
des communautés d'habitants, en tant que telles (délibérations,
lettres…), il nous semble que la fonction de légitimation, surtout
dans le monde rural, est essentiellement assurée par l'Église. Par
ses prières dominicales qui associent étroitement la prospérité de
la communauté à celle du souverain, par les cérémonies
exceptionnelles qu'elle organise, jusqu'au fond des campagnes,
pour célébrer les temps forts des règnes successifs, l'Église
participe à la consolidation interne du régime. Elle confirme, en
permanence, la transcendance divine de la monarchie absolue.
8Les événements du printemps 1789 vont substituer un nouveau
type de transcendance à l'ancien, la volonté générale de la Nation
à la monarchie absolue de droit divin, et l'Église est à nouveau
invitée à lui conférer la même sacralité que celle qu'elle prodiguait
à l'Ancien Régime, avec le problème délicat que suscite, sous la
Constituante et sous la Législative, la cohabitation de la Nation et
du Roi et donc la nécessité, pour le clergé, de se déjuger quant à
la suprématie antérieure du roi. La question de la Constitution
civile du clergé et du serment prend donc, dès juillet 1790, une
importance fondamentale, car elle pose implicitement le problème
de la légitimation du pouvoir. On comprend mieux ainsi,
l'acharnement instinctif des “patriotes” contre les prêtres
réfractaires dont l'attitude signifiait la remise en cause de la
légitimité de la Nation. Face aux municipalités nouvelles et
surtout aux gardes nationales, vecteurs de l'élan des Fédérations
par lequel s'affirme l'adhésion des patriotes locaux à la nouvelle
transcendance, le refus du serment en signifie le rejet. La chapelle
écartée, la lande abritée où communient les partisans du prêtre
réfractaire, deviennent les temples de l'ancienne transcendance où
l'on exalte les valeurs et les fidélités qu'elle cautionnait. Ce ne
sont pas les instances du pouvoir local qui ont suscité les raisons
de l'affrontement, mais elles se voient sommées de prendre parti
et si elles dénoncent le prêtre réfractaire, il leur faudra affronter la
majeure partie de la communauté qui, dans l'Ouest, prend fait et
cause pour son curé légitime.
3 FURET François, OZOUF Mona, Dictionnaire critique de la Révolution
Française, Flammarion, Paris 19 (...)
AUTEUR
Roger Dupuy
Du même auteur
Daniel Ligou
p. 19-31
TEXTE AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1“Quant à l'administration politique de la Province, elle est régie
par États dont la convocation générale se fait régulièrement de
trois en trois ans, le plus souvent au mois de may à moins que les
affaires de la Cour ou du gouvernement ne fassent avancer ou
retarder la convocation”… “Les États s'assemblent par permission
du Roy et se tiennent en présence du gouverneur et, en son
absence, par l'un des lieutenants généraux du gouvernement ”.
Ainsi s'exprime, en 1699, l'Intendant François Ferrand dans le
Mémoire sur la province qui fait partie de la collection
documentaire que le duc de Beauvilliers avait réclamée aux
commissaires départis pour l'instruction” du duc de Bourgogne,
héritier présomptif du trône.
2Il est évidemment impossible, en quelques pages, de traiter
l'ensemble du problème posé par le maintien et l'activité de ces
États. Quelques mots d'abord de “géographie politique”, car, il y a,
en fait trois Bourgogne : la Bourgogne “ducale”, les “comtés
adjacents”, Auxonne, Auxerrois, Charolais, Bar sur Seine,
Mâconnais et les “pays de l'Ain”, Bresse, Bugey, Valromey, Gex,
annexés en 1603 auxquels se joint, en 1781, la “généralité” de
Trévoux. Cet ensemble fait partie de la généralité de Bourgogne et
du “gouvernement militaire” du même nom. Par contre, la
Bourgogne du ressort du Parlement de Dijon exclut trois comtés,
Auxerre, Bar et Mâcon qui dépendent de Paris et celle des États ne
comprend pas les “pays de l'Ain” qui échappent au système étant
pays d'élections avec des ébauches d'assemblées, aux pouvoirs
restreints, mais qui ont tendance à s'accroître.
3Primitivement, les États ne regroupaient que les cinq “ ” de le
Bourgogne des ducs, Dijon, Autun, Chalon, Auxois, “Montagne”
(Châtillon sur Seine), les comtés ayant une administration
autonome, avec des “États particuliers” à Auxonne, Charolais et
Mâconnais, Auxerre et Bar ne connaissant pas cette institution. La
tendance, à l'époque moderne, a été l'incorporation des comtés
dans la Bourgogne des États. Auxerre est “uni et incorporé” en
1639, Auxerre en 1668, Bar en 1721, le Charolais en 1751. Seuls
subsistent, en 1789, les “petits États” ou “États particuliers” du
Mâconnais. Cette incorporation amène la suppression des
Élections à Auxerre et à Bar, tandis que le Mâconnais, jusqu'à la
Révolution française, reste à la fois pays d'États et pays
d'élections, ce qui paraissait paradoxal aux contemporains eux-
mêmes. Jusqu'à leur annexion, les comtés “députaient” aux “États
généraux” de la Province, et leur “incorporation” donnait lieu à de
longues négociations, suivies d'un véritable “traité” fixant les
rangs et places de chacun.
4Ajoutons que nul part la carte écclésiastique ne correspondait à
la carte administrative, que les limites des bailliages et celles des
“recettes”,(circonscriptions financières) étaient parfois différentes,
que le bailliage d'Auxerre s'étendait jusqu'à la Loire, que des
paroisses de l'Auxois et du comté d'Auxerre relevaient des
bailliages de Troyes et de Villeneuve le Roi, que les frontières
entre Mâconnais et Brionnais (bailliage secondaire d'Autun) étaient
mal fixées, que les enclaves étaient multiples et qu'il existait des
“terres de surséance” entre Bourgogne, Champagne, et généralité
de Paris.
5Comme partout sous l'Ancien Régime, les États groupaient
Clergé, Noblesse et Tiers État. Le nombre des “députés” aux États
a évidemment varié, mais, après l'incorporation du Charolais, en
1751, il est demeuré à peu près fixe. Le Clergé comprenait les
quatre évêques bourguignons, MM. d'Autun qui s'affirmait
“président né”, de Chalon, Auxerre et Mâcon auxquels s'était
ajouté en 1731, leur collègue de Dijon. Aucun des évêques dont le
siège était extérieur à la Bourgogne (Langres, malgré quelques
timides tentatives, Besançon, Nevers, Clermont) n'y siégeait, pas
plus que les prélats ayant autorité sur les pays de l'Ain (Belley,
Lyon, Genève-Annecy, puis, après 1742, Saint-Claude). Si la
primauté autunoise était admise, on discutait encore, en 1789,
sur les places respectives de Chalon, Auxerre et Dijon, tandis que
le droit de séance du prélat mâconnais qui ne venait jamais et se
contentait de présider ses “États particuliers” était contesté.
S'ajoutaient 19 abbés parmi lesquels Citeaux et St Benigne de
Dijon se disputaient la primauté, mais desquels Cluny était exclu,
14 députés des Chapitres cathédraux et collégiaux, 12 prieurs
non réguliers, 72 prieurs claustraux et députés des abbayes, enfin
les “députés des comtés”.
6Entrait dans la Chambre de la Noblesse tout noble ayant 100 ans
de noblesse, propriétaire de fief ayant haute justice dans le duché
et exerçant le métier des armes, ce qui excluait les magistrats. La
Chambre s'autorecrutait en désignant, à chaque session, deux
“commissaires” chargés d'examiner les titres des postulants.
L'“élu” sortant de charge présidait et les membres s'asseyaient
“sans garder aucun rang”.
7Le Tiers État comprenait des “députés des villes qui ont droit
d'entrée aux assemblées”. Ce sont Dijon, dont le maire est
président et qui désigne trois députés, les villes “ de la
grande roue” — 9 en 1600, 13 en 1789 – qui en désignent deux et
siègent dans un ordre très précis, les villes de la “ petite roue” dont
le nombre a fort varié autour d'une quarantaine et dont certaines
n'ont qu'un député, d'autres en ont deux, d'autres enfin, ont un
“député alternatif”, roulant sur 4 ou 5 communautés (Charolais,
ancien comté d'Auxonne). Bar désignait 3 députés, le Mâconnais
était représenté par un député “alternatif” des quatre villes du
comté, plus un officier de l'élection. Mais, quelle que soit son
importance, chaque ville n'avait qu'une voix. Le ou les députés
étaient théoriquement élus par l'ensemble des habitants mais, en
fait, le maire et les échevins monopolisaient ta représentation.
8Une des fonctions des États était l'élection des “Élus” qui
formaient la “commission intermédiaire”, et, en fait,
administraient la Province pendant l'intervalle des sessions et les
Alcades, qui réunis trois semaines avant celles-ci, faisaient des
“remarques”. Les élus étaient 7 (un clerc, choisi alternativement
parmi les évêques, les abbés et les doyens, un gentilhomme choisi
par la Chambre, deux Élus du Tiers, un maire de la “grande roue”
désigné en alternance et le maire de Dijon, deux magistrats de la
Chambre des Comptes, et l'“élu du Roi” qui, à partir de 1758 fut
un Trésorier de France) mais ne représentaient que 5 voix, les
deux représentants de la Chambre des Comptes et les deux
membres du Tiers n'en ayant qu'une. Quant aux sept alcades,
deux représentaient le Clergé, deux la Noblesse, trois le Tiers – un
maire de la Grande roue, un maire de la petite, un représentant
des “comtés”.
9Les États sont convoqués par le Roi, en fait, c'est le gouverneur
qui qui envoie les invitations. C'est lui qui préside, assisté des
commissaires du Roi, le Premier Président et l'Intendant. Ils sont
encadrés, d'un côté par les évêques “ en rochet et camail”, de
l'autre par les lieutenants généraux, l'élu de la Noblesse et les
deux Trésoriers de France, tous assis sur des “ fauteuils”. Nobles
et clercs ont droit à des sièges “à dossier”. Le tiers siège “dans le
fond du théatre”, mais le maire de Dijon a “un siège distingué de
ceux des autres députés”.
10La session s'ouvre par un discours du plus ancien Trésorier de
France qui présente les lettres patentes de convocation, puis
interviennent le gouverneur, le premier président, enfin
l'Intendant qui présente sa “commission” et fait des “ réquisitions
conformes aux ordres de la Cour”, c'est-à-dire d'ordre financier.
Après quoi, chaque Chambre se réunit en “assemblée particulière”
et ne communique avec les autres que par “députations”, deux
membres nommés par le Président de la Chambre, l'évêque
d'Autun, l'élu sortant de la Noblesse, le maire de Dijon. Les
négociations sont évidemment interminables. Pendant ce temps,
on désigne les élus et les alcades. Quand tout est fini, se réunit la
“Chambre de la Conférence” dans laquelle on vote par ordre. Si au
moins deux Chambres sont d'accord, il y a “décret” qui est
renvoyé aux Élus pour exécution. Après les États, les nouveaux
élus, escortés des syndics de Bresse et de Bugey, effectuent à
Versailles le “voyage d'honneur”, sont reçus par le Roi et les
ministres et leur remettent le “Cahier de Doléances”.
11Le personnel des États s'est amplement développé au cours du
XVIII siècle, au fur et à mesure que grandit leur activité. En effet,
e
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1La ville de Nantes, qui regroupe une population de 70 000 à
80 000 habitants dans les dernières décennies de l'Ancien
Régime, est dirigée par un corps de ville qui s'est substitué à
l'ancien Conseil médieval des bourgeois en 1565. L'encadrement
administratif provincial, qui reposait sur l'équilibre des tutelles
des gouverneurs et des cours souveraines, complété par les
interventions des États de Bretagne, a été profondément remanié
après l'introduction d'une intendance, en 1689. L'installation du
subdélégué Mellier comme maire de Nantes, de 1720 à 1729, a
clos cette phase de transition en ouvrant celle de la
bureaucratisation de la vie municipale. L'élite sociale nantaise, se
sentant concernée par la gestion des affaires publiques, a
finalement accepté cette domination protectrice du commissaire
du Conseil, même si des divergences de vue se sont parfois
exprimées.
2Toutefois, le renouvellement profond du débat politique au
niveau national, né de l'impossible rencontre entre les tentatives
réformatrices des ministres et le désir de participation à la vie
politique ressenti de plus en plus vivement dans l'élite sociale, ne
pouvait que déstabiliser le modèle nantais tant vanté par les
intendants en plein cœur du XVIII siècle. Le centralisme éclairé de
e
I. LA DÉSIGNATION DU
CORPS DE VILLE
A- LA PRÉSÉLECTION DES ÉDILES
DANS UNE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
OUVERTE
4Depuis la transformation du Conseil des bourgeois en
municipalité en 1565, la ville de Nantes est principalement
administrée par un bureau servant composé d'un maire et de dix
échevins, réduits à six à partir de 1584, aidés d'un procureur du
roi syndic, d'un greffier et d'un miseur.
5La légitimité du bureau de ville provient de deux sources
différentes depuis la restriction des privilèges politiques par Henri
IV, en 1598. La municipalité procède à la fois de l'assemblée
générale des habitants chargée d'établir une sélection sur la base
de trois candidats pour un poste et du pouvoir royal qui se
réserve le choix définitif. Si les nominations se font dans les
bureaux du secrétariat d'État à la Maison du roi puisque la
Bretagne fait partie de son département depuis 1750, celles-ci
sont toujours influencées sinon commandées par les
appréciations de l'intendant et du gouverneur de ville, ce dernier
demeurant l'intermédiaire officiel pour toutes les opérations
électorales.
1 SAUPIN (G.), Nantes au XVII siècle. Vie politique et société
e
537. BORDES (M.), L'administration provinci (...)
Β- LA PRÉSERVATION DU
PRINCIPE DE COOPTATION
8 AM Nantes, BB 106, f. 1-4, séances des 20 04 et 30 04 1778.
C- L'INFLUENCE DE L'ARBITRAGE
ROYAL
18 FRÉVILLE (H.), L'intendance de Bretagne (1689-1790), Rennes,
1953, t. 3, p. 194, 199-200. En 1786, (...)
Β- LE CORPS DE VILLE ET LE
GÉNÉRAL DU COMMERCE
29La défense des intérêts du commerce nantais est assurée par le
Général du commerce, institution corporative coutumière que les
négociants ont perfectionné au XVIII siècle pour éviter la mise en
e
Pendant les trois quarts du XVIII siècle, les intendants n'ont pas
e
37 ADLA C 336
40La plus grosse opération d'urbanisme, approuvée le 13
novembre 1779, qui a abouti au lotissement de la colline
surplombant le port de la Fosse, a été soumise aux aléas des
tensions nées d'une direction tricéphale associant J.J. Graslin,
receveur général des fermes de la ville et concepteur du projet, le
bureau de ville et son architecte-voyer, l'intendant et son
subdélégué35. Les initiatives du promoteur ont été à la base de
toutes les étapes successives de la réalisation ; le bureau de ville,
dépassé par le débordement de son énergie, étant seulement en
position de répondre favorablement ou non à ses propositions 36.
Graslin a bénéficié du soutien permanent de l'intendance avec
laquelle il a entretenu une correspondance abondante dont le ton
simple et amical souligne la convergence de vues. Le bureau de
ville, fatigué de son activisme et de ses critiques contre les plans
de son voyer, a même été jusqu'à se plaindre que les lettres
destinées au commissaire royal soient communiquées directement
à son partenaire qui en tirait ensuite parti dans son harcèlement
de la municipalité37.
38 AM. Nantes, BB 110, f. 33-35, séance du 25 02 1786, f. 39-43,
séance du 13 03, f. 46, séance du 27 (...)
41 A.N.H. 512
C- LE CORPS DE VILLE ET LA
TUTELLE DES ÉTATS DE
BRETAGNE
49 FRÉVILLE (H.), op.cit., t. 3, p. 53-66.
CONCLUSION
53Dans les dernières décennies de l'Ancien Régime, la vie
politique nantaise illustre les limites de la centralisation
administrative d'une monarchie théoriquement encore absolue. Le
corps de ville et le général du commerce, qui sont les deux
instances supérieures de pouvoir local, appartiennent
incontestablement aux institutions représentatives, même si la
base sociale qui légitime le Consulat est plus étroite que celle qui
sélectionne la municipalité. Le gouvernement, qui dispose du
droit ultime de désigner les édiles, ne cherche pas à gêner la libre
reproduction de l'oligarchie en place. Cette mansuétude est sans
doute la récompense du loyalisme politique traditionnel et de
l'alliance étroite passée avec l'intendance depuis 1716, la
bureaucratisation de la vie municipale n'ayant plus soulevé de
protestations dans l'élite dirigeante après 1729.
54Malgré la démonstration de l'efficacité du couple intendance-
Conseil dans les crises de 1779-1782 où le bureau de ville a dû
affronter le Parlement et la Chambre des comptes, les progrès des
idées liées au thème de la souveraineté nationale expliquent en
même temps le flottement du gouvernement central et la
réorientation du corps de ville qui accepte de se placer en 1783-
84 sous le contrôle partiel des États de Bretagne, affaiblissant
ainsi la position d'un intendant désemparé devant cette érosion
finale de son audience. Cette déstabilisation, qui se traduit par
des hésitations idéologiques nettement visibles dans un projet de
réforme municipale de 1785-86, se poursuit jusqu'en 1788 où le
bureau de ville soutient le Parlement contre la réforme
Lamoignon. C'est pourtant ce même principe de consultation de la
nation à travers les États généraux ou provinciaux qui provoque la
clarification politique inévitable inaugurée par la révolution
municipale qui s'amorce à Nantes à partir de novembre 1788.
NOTES
1 SAUPIN (G.), Nantes au XVII siècle. Vie politique et société urbaine,
e
21-223.
35 Ibid., p. 134-157.
37 ADLA C 336
38 AM. Nantes, BB 110, f. 33-35, séance du 25 02 1786, f. 39-43,
séance du 13 03, f. 46, séance du 27 03, f. 49, séance du 1 04, f. 59-
62, 22 04, f. 127-132, 23 09 1786. DD 225-229 et II 164.
41 A.N.H. 512
47 Ibid., p. 275-319.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14286/img-1.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14286/img-2.jpg
AUTEUR
Guy Saupin
Université de Nantes
Du même auteur
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1 The Flour War : Gender, Class, and Community in Late Ancien
Régime French Society (University Park (...)
Bassin Parisien.
6 ISAMBERT, Recueil des anciennes lois françaises, t. 19.
M. BERTRANDY-LACABANE, Brétigny-sur-Orge,(...)
18 Ibid, p. 41.
23 p. 189.
19On trouve une situation différente dans une autre partie dans ce
pays de grande culture qui est le Vexin français : le village de
Cormeilles-en-Vexin.28 Beaucoup plus grand que Mézières (188
feux en 1760 ; 215 en 1789 ; et 814 habitants en 1790),
Cormeilles avait une économie plus diversifiée et la communauté
d'habitants nomma des syndics plus divers. Quatorze des syndics
(sur 30) étaient laboureurs ou fermiers ; dix-sept faisaient autre
chose : trois manouvriers, un cordonnier, un tailleur, un tonnelier,
un maçon, un arpenteur, un charcutier, un blatier, un vigneron, un
farinier et deux cabaretiers. Sept payaient moins de 10 livres pour
la taille ; treize payaient plus de 50 livres et un payait plus de
2000 livres, soit 34 % de la taille (voir la graphique pour
Cormeilles). En plus, chaque année on nomma un syndic différent,
sauf en 1788-1789 où on élit Jean Louis Toussaint Caffin, un
fermier de seigneurie et farinier comme syndic municipal. Il était
syndic perpétuel à partir de 1782, et fut élu député en 1789. On
voit que la communauté d'habitants de Cormeilles nommait
comme syndics des hommes très divers, la plupart jouissant d'une
certaine aisance (surtout pendant la période 1766-1776, quand
tous les syndics, sauf deux, payaient entre 50 livres et 200 livres
pour la taille et 1788-1789). Mais les syndics ne représentaient
pas la totalité de la société de Cormeilles parce que deux tiers des
feux payaient moins de 10 livres (66.6 % en 1759, 64.9 % en
1773, et 66.5 % en 1789) et un quart moins de 2 livres. Par
contre, aucun syndic ne payait moins de 2 livres et seulement
23 % payait moins de 10 livres. Trente-trois pour cent des syndics
payaient entre 50 livres et 200 livres, tandis qu'un pourcentage
plus petit (11.3 % en 1759, 10.8 % en 1773, et 9.3 % en 1789) des
habitants payait plus de 50 livres. Tout le monde savait signer. On
voit donc un processus de nomination qui est plus volatile qu'à
Mézières et où les laboureurs et fermiers n'avaient pas réussi à
accaparer le poste de syndic.
29 AD Val-d'Oise, C 183, 259-263.
NOTES
1 The Flour War : Gender, Class, and Community in Late Ancien
Régime French Society (University Park, PA, 1993).
18 Ibid, p. 41.
23 p. 189.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14287/img-1.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14287/img-2.jpg
AUTEUR
Cynthia Bouton
Débat
p. 71-72
TEXTE
TEXTE INTÉGRAL
Mardi matin
1Le débat souligne la diversité des situations dans les deux
provinces évoquées par Daniel LIGOU et Guy SAUPIN.
Georges FOURNIER rappelle qu’États et villes du Languedoc
constituent encore un autre cas de figure et que les villes, par
exemple, se dressent contre une tutelle jugée excessive des États
provinciaux alors que Guy SAUPIN vient de nous montrer que
Nantes, vers 1780, souhaite un contrôle des États et que
l’Intendant n’ose plus présenter son subdélégué comme candidat
à la mairie de la ville. J.-P. JESSENNE constate que les campagnes
ne semblent pas représentées aux États de Bourgogne :
D. LIGOU se demande si le droit à une représentation effective est
véritablement ressenti comme essentiel par des paysans qui
visiblement acceptent de l’être par quelques chanoines et
seigneurs. G. SAUPIN revient sur le lâchage final de l’intendant par
la ville de Nantes et Versailles pour y voir le symptôme d’un
centralisme en perte de vitesse. N. HAMPSON se demande si la
présence aux États de Bourgogne était considérée comme
gratifiante et donc recherchée ? D. LLGOU le croit dans la mesure
où nobles, chanoines et villes y tiennent absolument, ne serait-ce
qu’une fois tous les 12 ans, comme certaines villes qui viennent y
siéger à tour de rôle. Ph. GUIGNET contribue à accroître la variété
des cas d’espèce en rappelant que pour les États de la Flandre
Wallonne, la noblesse et le clergé s’estiment écrasés
numériquement par les députations des villes et exigent une plus
forte représentation parce que chargés de défendre également les
intérêts des paysans. Et ces États considèrent le roi de France
comme le successeur des comtes de Hainaut et devant respecter
comme tel les coutumes et libertés de la province. Et si en
Brabant, on se soulève contre Joseph II, c’est qu’il n’a pas
respecté la coutume comme l’y contraignaient les stipulations de
la “Joyeuse entrée”.
Claude Nières
p. 73-92
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 Conf. le jugement de bien des historiens, par exemple Francis FURET,
M. OZOUF Dictionnaire critiqu (...)
2En France, le pouvoir détenu depuis des siècles par le roi, s'est
renforcé jusqu'à faire coïncider l'État et un individu 2. Ici, la nation
“ne fait pas corps” mais : “réside tout entière en la personne du
roi”3. Ce pouvoir suprême exercé en principe au bénéfice de tous
qui a évolué vers une forme qualifiée d'absolue, bientôt
soupçonnée de despotisme est réglé, c'est-à-dire contenu par des
principes et des normes qui ne dépendent pas de lui. Au cours
des siècles, la monarchie a développé un appareil d'État central et
provincial de plus en plus élaboré conduisant à la formation, à la
fin du XVII siècle et au XVIII siècle, de ce que l'on a appelé une
e e
6Dès lors, au fur et à mesure que le temps passait, que les demi
mesures échouaient, que les difficultés en particulier financières
s'accroissaient, la politique centralisatrice et unificatrice, même
limitée, rencontra en province davantage d'entraves, de limites,
généra de plus fortes oppositions des couches sociales
concernées, des ordres privilégiés, des institutions provinciales et
locales. Oppositions d'autant plus fortes que les agents du
pouvoir monarchique étaient souvent alliés aux détenteurs des
pouvoirs locaux. Philippe Guignet le souligne “ les repères
idéologiques classiques sont inopérants pour appréhender les
attitudes politiques d'une province – il s'agit ici de la Flandre, de
la Wallonie et du Hainaut – enracinée dans le particularisme ”. Il
ajoute : “la culture politique des provinces était réfractaire à
l'introduction d'une réforme uniformisatrice8. Certes, il s'agit des
provinces nouvellement rattachées au royaume, des pays d'États,
mais nous pouvons penser qu'ailleurs la culture politique des
édiles locaux, des corps y était tout autant hostile. Il me semble
que le pouvoir royal absolu n'était acceptable que dans la mesure
ou il s'exerçait sans toucher fondamentalement aux
particularismes, aux privilèges, autrement il devenait de plus en
plus suspect de tyrannie. C'est bien ce que pensaient les
parlementaires qui diffusaient dans l'opinion des critiques souvent
infondées sur la politique royale et qui renforçaient les craintes de
ceux qu'inquiétait l'évolution monarchique.
7En plusieurs domaines, les souverains prirent des décisions qui
touchaient aux libertés et privilèges des villes et des provinces.
8Le premier concernait la sécurité intérieure et extérieure du
royaume. Pendant des siècles, la plupart des villes, à l'abri de
murailles, avaient assuré leur défense et concouru à celle des
provinces où elles étaient implantées. A plusieurs titres, cette
situation était dommageable aux intérêts du royaume : les villes
ainsi protégées pouvaient présenter un danger en se révoltant,
elles ne possédaient pas ou plus de valeur stratégique à un
moment où l'évolution des techniques obligeait à des choix.
Aussi, très tôt, le souverain profita des occasions pour abattre les
murailles de cités révoltées et pour rendre obsolètes celles des
autres. En même temps, il conçut une protection aux frontières
terrestres et maritimes du royaume dont Vauban fut le plus grand
réalisateur. Cette politique, menée patiemment, pensée au niveau
de l'État, était favorable aux villes “démilitarisées” qui pouvaient
disposer des fossés inutiles, ouvrir les portes, utiliser les tours a
maints usages. Elle avantageait le commerce, les constructions,
l'installation de jardins, de promenades et de ce fait rencontrait
l'approbation des citadins mais, en même temps, la perte des
murs faisait craindre celle des privilèges fiscaux qui s'y
attachaient. Les habitants de l'intra muros, plus particulièrement,
les notables, redoutaient la menace des faubourgs populeux, des
paysans en colère dont les portes et les murs les protégeaient
plus ou moins. Enfin, tours, murs et portes étaient les éléments
significatifs de leur existence et ils y tenaient. C'est pourquoi, ici
ou là nous trouvons des réticences envers la politique royale et
une lenteur d'exécution dont beaucoup de villes sont encore le
témoignage. Néanmoins, sauf cas extrêmes, le Pouvoir n'exerça
pas de fortes pressions pour supprimer les défenses urbaines. Il
n'en fut pas de même pour les cités qu'il voulait défendre et
auxquelles il imposa, quelque fut l'avis des habitants, un système
de défense lourd de conséquences pour l'urbanisme citadin et
l'économie de ces cités. L'installation des arsenaux du Ponant à
Brest, Rochefort, Lorient et Cherbourg, illustre bien cette
politique. Rares furent les villes qui s'opposèrent avec succès aux
projets des ingénieurs des fortifications. En Bretagne, ce fut le cas
de Saint-Malo qui ne voulut point, pour des raisons économiques,
que fut créé un grand port militaire englobant Saint-Servan.
9 Édit du 27 juillet 1766.
26Jean Meyer13 a bien montré qu'ils ont su, dans la seconde partie
du siècle, s'adapter à l'affaiblissement du pouvoir royal, lié certes
à la personnalité des souverains mais aussi aux hésitations, aux
rivalités des contrôleurs généraux et secrétaires d'État, à l'attitude
des princes du sang, des frères du roi. En même temps qu'ils
devenaient les observateurs privilégiés des changements, ils ne
cessaient d'informer le pouvoir et tentaient de négocier plus que
d'imposer ses choix.
27Les intendants n'étaient pas les seuls à pouvoir agir sur place au
nom du roi. Les procureurs du roi, qui faisaient fonction
d'officiers de justice et de police locaux, représentaient le
procureur général dans les villes et villages. Ils constituaient, eux
aussi, un extraordinaire réseau de renseignements et de
surveillance. Ils pouvaient utilement renforcer sur place l'action
des intendants dans la mesure où une rivalité ou une divergence
ne les opposaient point. Or, on sait par exemple, qu'après 1760,
le Procureur général du Parlement de Paris passa par dessus la
tête du Contrôleur général des Finances pour s'adresser
directement à ses substituts.
28En vérité, le système politique, mais aussi la pratique politique
limitaient les possibilités du centralisme. Outre le fait que le
pouvoir central aussi bien que provincial était - sous le roi -
partagé et souvent disputé. L'habitude qui consistait à surajouter
les agents de la centralisation à ceux qui existaient auparavant
n'arrangeait pas les choses. Au fur et à mesure que le temps
passait des pouvoirs écrans se constituèrent qu'il devenait
nécessaire de contrôler. Ces anciens pouvoirs relais, au premier
chef les Parlements et les Cours souveraines, possédaient, à la
fois, les instruments de la centralisation et les moyens de s'y
opposer.
14 KAPLAN, en donne de nombreux exemples, cf. op. cit. notre 17.
33L'on sait trop que les Parlements et les États devinrent au cours
du XVIII siècle des obstacles à la politique monarchique pour qu'il
e
l'E.H.E.S.S., 1990.
327 p.
AUTEUR
Claude Nières
Du même auteur
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1 MINOIS (G.), La Bretagne des prêtres en Trégor d'ancien
Régime, Brasparts, 1987, p. 222-223.
5Le lien avec l'étude du pouvoir local à la Révolution est direct, les
personnes admises au sein des généraux de paroisses vont
participer à l'élaboration des charges pour les députés du Tiers
pour les États de Bretagne (novembre 1788 à mars 1789) puis à la
rédaction des cahiers de doléances pour les États généraux de
1789. En février 1790, elles se retrouvent majoritairement élues
dans les premières assemblées municipales révolutionnaires.
1. LE FONCTIONNEMENT DES
GÉNÉRAUX DE PAROISSES :
3 DUPUY (Α.), Études sur l'administration municipale en Bretagne au
XVIII siècle, Paris, Rennes, 18 (...)
e
A - ASPECTS NORMATIFS : LE
FONCTIONNEMENT THÉORIQUE
5 Je compte 40 arrêts du Parlement de Bretagne à ce sujet entre
1644 et 1776 ; la liste n'est probab (...)
12 Ibid, p. 590.
16Le cadre ainsi tracé s'est mis en place au cours du 18 siècle et,
e
Β - ASPECTS PRATIQUES : LE
FONCTIONNEMENT AU QUOTIDIEN
17Les généraux des paroisses de Bourbriac et Ploubezre nous ont
laissé un nombre de délibérations qui permettent l'approche
comparative d'un fonctionnement réel. Dans l'ensemble le cadre
général souhaité par le Parlement de Bretagne est respecté. Les
différences de détail sont néanmoins nombreuses.
16 MINOIS (G.), “Le rôle politique des recteurs de campagne en
Basse-Bretagne (1750-1790)” dans A.B.P (...)
1788.
23Chaque sujet est alors annoncé puis débattu. Leur nombre est
très variable par séance : couramment 2 ou 3 à Bourbriac 25, 6 à
Ploubezre le 9 octobre 178526. D'une manière générale les débats
laissent peu de traces dans les comptes rendus. Il est
habituellement stipulé que les délibérateurs se sont conférés
ensemble27 mais leurs décisions sont annoncées d'une voix
unanime28. Il faut un cas particulier pour retrouver trace de
délibérations plus houleuses où semble-t-il les consignes de
modération du Parlement de Bretagne sont oubliées. C'est le cas,
en 1788, à Bourbriac lorsque le coût des réparations nécessaires à
l'église conduit le général à décider une mise en vente des arbres
du cimetière. Deux délibérateurs, Charles Phelippe et Bernard Le
Bonté, protestent contre leur exploitation et refusent de
signer attendu qu'ils sont nécessaires pour la décoration et qu'ils
ne dépérissent pas29.
30 L'enquête Maggiolo sur la population sachant signer en 1786-
1790 donne un chiffre inférieur à 20 % (...)
2. L'AFFIRMATION
POLITIQUE DES PAYSANS
DÉLIBÉRATEURS
A - LA PRÉSENCE DES NOBLES ET
DES PRÊTRES
27Les nobles ne participent pas en personne aux assemblées du
général. Des exemples contraires ont pu se produire mais de
manière très ponctuelle. Ils se comptent probablement sur les
doigts d'une seule main pour le Trégor entier de 1770 à 1790.
Leurs officiers seigneuriaux, juges et procureurs fiscaux, les y
représentent.
33 20 G Non classé Ploubezre, 14 mai 1775.
31Une forte latitude est donc laissée aux paysans des deux
paroisses pour délibérer seuls ; ceci se produit à 22 reprises
(66,67 % des cas) à Bourbriac et 27 fois (33,33 % des cas) à
Ploubezre. Le tableau ci après donne la répartition des sujets
traités selon que les paysans soient seuls ou non. Je reprends, à
fin de comparaison, la classification des délibérations trégorroises
proposée par Georges Minois pour tout le 18 siècle39. J'y ajoute
e
3. LA RECHERCHE DU
POUVOIR LOCAL
A) UNE BASE LARGE
42Si on cherche à situer fiscalement ceux qui, à Bourbriac comme
à Ploubezre, ont été membre du général de la paroisse, il apparaît
que la base de recrutement est assez étendue. Bien sûr, les plus
forts imposés participent à la vie paroissiale mais le spectre est
large et des cotes assez basses sont également appelées à
délibérer. Les personnes les moins aisées des deux paroisses sont
néanmoins écartées. Par rapport à la population capitée, il faut
passer le cap des 42 % moins imposés à Bourbriac et celui des
46 % à Ploubezre, pour espérer siéger au général.
12 Ibid, p. 590.
1788.
35 20 G Non classé Ploubezre, cahier de trois pages sur feuille volante.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14291/img-1.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14291/img-2.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14291/img-4.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14291/img-5.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14291/img-6.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14291/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 270k
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URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14291/img-9.jpg
AUTEUR
Christian Kermoal
Du même auteur
TEXTE
TEXTE INTÉGRAL
Mardi après-midi
1N. HAMPSON remercie Cl. NIÈRES pour la richesse de sa
contribution mais constate d'emblée que tous les États centralisés
ne se sont pas écroulés, qu'il y a donc bien une spécificité
française, d'autant que la France était le modèle de l'absolutisme !
Pour J.-P. JESSENNE, la communication de Cl. NIÈRES serait un peu
trop négative car la monarchie semble avoir conservé, jusqu'en
1788, une capacité de proposition qui traduit une vision assez
claire des réalités socio-politiques. G. FOURNIER constate qu'en
Languedoc ce n'est pas l'Intendant qui est dénoncé par l'opinion
mais les États qui veulent arracher au parlement de Toulouse
certaines de ses prérogatives et donc s'allient avec l'Intendant
pour bénéficier de l'appui réglementaire du Conseil du roi. Du
coup, en Languedoc, comme dans la Provence d'EMMANUELLI, le
développement de l'autorité du roi est perçu comme lié aux
ambitions des États et le parlement continue d'apparaître comme
le seul rempart de la province contre le despotisme ministériel.
Cl. NIÈRES a pu vérifier que l'exemple des États du Languedoc sont
la référence permanente de ceux de Bretagne. F. LEBRUN se
demande si l'efficacité de la commission intermédiaire est
vraiment apparue comme exemplaire à l'opinion bretonne dans la
mesure où l'on n'en parle guère dans la ci-devant province en
1789 et 1790. S. BIANCHI s'interroge sur le soi-disant échec des
réformes tentées par Calonne car les Cahiers de doléances, dans
la région parisienne, en parlent favorablement et que les
administrateurs des districts ont souvent fait leurs premières
armes dans les commissions intermédiaires des assemblées
provinciales installées par le contrôleur général.
Ph. GUIGNET vivement intéressé par les termes du débat se permet
de relever deux absences dans la synthèse proposée par
Cl. NIÈRES. Tout d'abord le monde des corporations qui joue
toujours un rôle essentiel dans le nord du royaume sous la
houlette des magistrats des bonnes villes le plus souvent
composés non pas de marchands mais de robins soucieux de
ménager les intérêts populaires. Ces corporations constituent un
soubassement qui stabilise la société urbaine. De même, on ne
peut faire l'impasse d'une religion, à laquelle le roi est
profondément attaché et qui imprègne sa vision organiciste du
royaume dont il est la tête légitime. Or croire véritablement à
l'enseignement de l'Église catholique, apostolique et romaine c'est
partager des valeurs de charité militante dont on est convaincu
qu'elles sont encore capables de répondre aux misères d'ici-bas,
cela n'incite guère à partager l'optimisme béat de la plupart des
philosophes et cela vous oblige à conserver l'autorité qu'on vous a
confiée pour la plus grande gloire de Dieu et le salut temporel et
spirituel du royaume. A cela s'ajoute l'effet Tocqueville, c'est-à-
dire qu'un système socio-politique en décomposition se dégrade
encore plus rapidement dès qu'on s'obstine à vouloir le réformer.
Cl. NIÈRES se déclare convaincu de la nécessité de prendre en
compte cet humanisme catholique post-tridentin toujours vivace,
mais il n'en reste pas moins vrai que l'on a rappelé Necker et que
la monarchie devait trouver une solution politique à la crise
budgétaire.
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1Ce travail s'inspire largement d'un travail de dépouillement des
procès-verbaux des assemblées d'élection des députés et de
rédaction des Cahiers de Doléances des communautés rurales du
bailliage de Nancy que nous avons accompli dans le cadre de
notre thèse de doctorat sous la direction combien bienveillante de
M. le professeur François LEBRUN. Ces procès figurent en avant-
propos des Cahiers de Doléances publiés par J. Godfrin dans la
collection des Documents inédits sur l'histoire économique de la
Révolution française tome IV.
2Nous avons utilisé les résultats du dépouillement de ces procès
pour les interpréter en fonction de la problématique proposée par
le colloque, problématique qui s'est imposée également à nous
par les résultats auxquels nous avons aboutis à savoir l'idéologie
qui sous-tend au choix des présidents et surtout des députés :
celui-ci préconise-t-il une rupture totale ou même partielle avec
les structures de l'ancien régime ou au contraire pérennise-t-il
une certaine continuité avec les structures anciennes de la société
française qui prévalaient encore vers cette du XVIII siècle.
e
1 NIVEAU DE L'ANALYSE :
er
PRÉSIDENTS D'ASSEMBLÉES
ET DÉPUTÉS DE PAROISSES
A) LES PRÉSIDENTS
D'ASSEMBLÉE : PRÉPONDÉRANCE
DES MAIRES ET PERMANENCES
IDÉOLOGIQUES :
B) LES DÉPUTÉS
11Leur choix répond beaucoup plus aux aspirations des
populations, c'est un choix délibéré, par conséquent plus
significatif. Nous les avons recensé dans un tableau récapitulatif
en fonction de leur appartenance professionnelle (Tableau 2).
2 NIVEAU D'ANALYSE : LA
e
PARTICIPATION DES
PAYSANS AUX
ÉLECTIONS (Tableau I)
24Mais peut-être faudrait-il se détromper au sujet de cette
majorité silencieuse même si les Doléances paysannes sont
circuitées. Certains indices nous permettent malgré tout d'accèder
à la conscience paysanne et de comprendre le processus qui a
amené les masses, en l'occurrence paysannes, à participer à ce
vaste mouvement révolutionnaire et déceler, à travers ces indices,
l'existence ou les limites d'une conscience collective
révolutionnaire ?
25-Le comptage des signatures révèle un taux de participation
très élevé aux élections. En effet la participation des ruraux aux
élections a été massive, la moyenne se situant autour de
cinquante pour cent par rapport au nombre de feux (c'est-à-dire
les chefs de famille âgées de vingt cinq et plus, inscrits aux rôles
des impositions). Dans certaines paroisses, cependant, le taux de
participation dépasse de loin la moyenne et atteint des
proportions inespérées dans nos sociétés modernes : Sexey-aux-
Forges enregistre le taux de participation le plus élevé : 99 % ;
Villers-les-Moivrons 91,5 %, 88,5 % à Custines et 84 % à Messein.
26Ceci s'explique par le fait que les élections constituent une
grande nouveauté dans une période marquée par l'absolutisme et
l'absence de consultations.
27Mais il y a plus que cet attrait fascinant et prometteur des
élections. C'est qu'au printemps 1789, l'univers mental des
paysans a largement évolué ; ainsi leur présence aux assemblées
électorales n'est pas toujours de la simple figuration ni toujours
une caution pour authentifier l'acte notarial. Sous l'impulsion
d'éléments divers, la pensée du paysan devient plus active, sa
conscience mue.
Tableau I : Aspects matériels dans la rédaction des cahiers primaires du
bailliage de Nancy
Agrandir Original (jpeg, 856k)
Agrandir Original (jpeg, 826k)
Agrandir Original (jpeg, 872k)
Agrandir Original (jpeg, 827k)
Agrandir Original (jpeg, 480k)
14 Ibid., p. 23.
36Mais l'on peut rétorquer que l'opinion qui émane des Cahiers de
Doléances est l'opinion d'une étroite classe sociale, plutôt
moyenne et petite bourgeoise, “pelliculaire” qui sait lire et écrire.
“Faudrait-il en faire, cependant malgré l'ampleur du témoignage à
l'échelle de tout le royaume, un document limité à ceux qui
régissent” ? A. Dupront relève l'équivoque : “document moyen par
excellence, c'est-à-dire intermédiaire entre les rédacteurs… et la
masse environnante qui participe aux assemblées de paroisses et
de communautés, le cahier de doléances peut être un texte
d'analyse infiniment précieux des rapports d'une expression
écrite avec la transmission par voie orale, des abus, attentes
ou “doléances”. Son analyse permet, au moins, de tracer une
tendance”22
37Alors, à cette phase initiale de la Révolution, de quelle nature
serait cette tendance ?
38La tendance générale évolue certes vers un changement. Mais il
faut malgré tout distinguer des paliers divergents :
chez les notables locaux représentants du pouvoir et des
structures de l'Ancien Régime, la tendance idéologique est à la
continuité du système, une continuité que masque une
tendance réformatrice. Ces notables ne se démarquent pas
foncièrement de l'Ancien Régime. Ils entendent, par
l'acquisition de charges politiques, mieux profiter de la manne
du pouvoir ; de tendance conservatrice, c'est grâce à eux qu'il
y a perpétuité dans le système longtemps après la Révolution
plutôt qu'une rupture brutale23.
Les masses paysannes de leur côté, font dans ces assemblées
l'apprentissage des Lumières et subissent une sorte
d'acculturation politique. Ainsi s'opère une certaine
métamorphose au niveau de la mentalité collective où va
germer une force de revendication devenue instinctive,
marquée par une nette volonté de démarcation par rapport
aux structures féodales de l'Ancien Régime.
39C'est cette divergence dans les principes qui fait apparaître cet
antagonisme fondamental de la Révolution entre le peuple et les
dirigeants révolutionnaires, d'où ce refuge dans le vote censitaire
à court terme et cette permanence dans les structures par la suite,
longtemps après la Révolution grâce à ces éléments conservateurs
qui détiennent le pouvoir à l'échelle locale.
24 Cl. MAZAURIC. Quelques voies nouvelles par l'histoire politique de
la Révolution Française. In AHR (...)
4 Ibid. p. 23.
14 Ibid., p. 23.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14294/img-1.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14294/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 132k
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14294/img-3.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14294/img-4.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14294/img-5.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14294/img-6.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14294/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 480k
AUTEUR
Rachida Tlili-Sellaouti
Université de Tunis 1
Le rôle des autorités locales
normandes et saxonnes dans
le début de la Révolution et
dans la révolte paysanne de
1790
Steffen Sammler
p. 135-151
TEXTE BIBLIOGRAPHIE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1. INTRODUCTION
1 Cf. le résumé chez H. BERDING, “Französische Revolution und sozialer
Protest in Deutschland”, in :(...)
2. LES TENTATIVES DE
RÉFORME ADMINISTRATIVE
ET LEURS CONSÉQUENCES
POUR LE MONDE RURAL À LA
FIN DE L'ANCIEN RÉGIME
LA NORMANDIE
7La réforme de l'administration provinciale est soigneusement
étudiée dans les travaux de Pierre Renouvin, et pour la Normandie
dans ceux de Félix Mourlot, Ernest Lebègue, Georges Cœuret ou
Marc Bouloiseau qui sont d'ailleurs restés trop longtemps
méconnus.
5 Cf. Rolf REICHARDT, Die revolutionäre Wirkung der Reform der
Provinzialverwaltung in Frankreich 17 (...)
LA SAXE
6 Cf. les recherches en cours de Christine LEBEAU (Strasbourg); “Beispiel
eines Kulturtransfets zwis (...)
A - L'AUTORITÉ ROYALE
25A la différence de la Normandie où un certain nombre des
paroisses adressent leur cahier soit directement aux députés élus
aux États Généraux soit, pour un grand nombre d'entre eux, aux
deux autorités à la fois, le Roi et les députés formant une Nation
assemblée – en suivant la proposition de Jacques Guillaume
Thouret dans son cahier modèle – nous trouvons dans la Saxe, au
début de la révolte, qu'une seule autorité, le Prince Électeur.
L'image du Prince Électeur est entourée de légendes. Les paysans
ont cru que le prince – dans d'autres récits son frère – voyageait
anonymement dans le pays pour apprendre la situation du peuple
opprimé par ses seigneurs et par les commis de l'État et décrèter
sur place l'abolition des droits féodaux. Pendant la révolte de
1790, on peut cependant remarquer un changement d'attitude à
l'égard du Prince Électeur sous l'influence des pamphlets
distribués par des artisans radicaux des villes et des bourgs.
26Concernant l'image du “bon roi”, nous trouvons des points
communs avec un certain nombre des cahiers de doléances
normands qui se réfèrent à Henri IV dont le vis-à-vis allemand,
sur le plan national, est Fréderic L, Barberousse, qui est devenu
pour les militants d'une unification allemande au XIX siècle, le
e
B - LE SEIGNEUR ET LA
SEIGNEURIE
27La loi sur la reforme de l'administration Provinciale a
certainement contribué a une réduction de l'autorité du seigneur –
surtout si on regarde l'article sur le remplacement du seigneur-
patron en tant que président de l'assemblée municipale en cas
d'absence par le syndic municipal et non par le curé ou un autre
seigneur-qui n'a pas d'équivalent dans la Saxe. Mais les révoltes
antiseigneuriales dans le bocage normand en 1789 aussi bien que
dans la Saxe en 1790 montrent bien des points communs. Plus
qu'un seigneur particulier c'est la seigneurie comme système qui
est contestée à travers ses employés, indispensables pour son
bon fonctionnement, les administrateurs, les juges seigneuriaux,
les gardes-chasses. Ce sont surtout ces employés qui sont
contestés et en conséquence menacés et maltraités dans les
révoltes contre le gibier et les marches contre les châteaux.
C - LE PASTEUR PROTESTANT
28Les pasteurs protestants ont joué un rôle plus important dans
la répression de la révolte que dans son animation. Nous trouvons
parmi les clercs qui, dans la hierarchie protestante sont inférieure
au “Pasteur”, les “Diakons” quelques personnages qui ont soutenu
la révolte. Les paysans étaient encouragés, en particulier, par les
sermons du “Diakon” Sillig qui prévoyait dans un avenir très
proche, la fin du monde annoncée par les événements qui se
déroulaient en France. Les paysans en ont tiré leurs propres
conclusions en déclarant qu'une fin du monde à la française était
bien souhaitable. Après le déclenchement des troubles ruraux en
août 1790, la direction de l'église protestante à Dresde, la
“Oberkonsistorium”, a élaboré un mandement qui demande aux
paysans de se soumettre sous leurs autorités et annonce des
peines capitales aux meneurs de la révolte. De plus les pasteurs
étaient obligés de faire lecture de l'édit du Prince Électeur contre
les révoltés accompagnée d'une offre de 100 Talers pour toute
information qui permettra l'arrestation des meneurs. Les pasteurs
étaient obligés de fournir des informations sur des étudiants et
des “Winkeladvokaten” (hommes de loi autodidactes) qui ont
traversé les villages et éventuellement demandé d'être logés et
nourris.
29Les pasteurs ont excercé dans beaucoup de paroisses, à l'aide
des sermons et des entretiens, une influence profonde sur le
syndic paroissial et les notables des villages. Ils ont empêché, à
l'aide de ces derniers, que la population se joigne aux révoltés des
villages voisins.
D - LE SYNDIC PAROISSIAL
30Le rôle important que le syndic municipal a joué dans ce
processus de la politisation des paysans normands entre 1787 et
1789 paraît beaucoup plus significatif en comparaison avec les
événements qui se sont déroulés en même temps en Saxe. Dans
l'Électorat le “Dorfrichter” (syndic paroissial) continue à excercer
ses fonctions. Très souvent nommé par le seigneur il reste coincé
entre ce dernier et la communauté.
31Même si nous trouvons au centre de la révolte, dans la
“Lommatzscher Pflege”, un certain nombre des syndics
paroissiaux qui ont pris la tête de la révolte – parfois comparable
aux révoltes bocagères de 1789 sous la pression massive des
habitants – la majorité de leurs confrères dans ces paroisses qui
n'étaient pas au cœur de la révolte ne se montrent pas favorables
à une agitation venue des communes voisines, moins encore de la
part du menu peuple des villes.
32Dans la poursuite des événements ils contribuent souvent à la
répression de la révolte en dénoncant les meneurs et en
participant d'une manière active à l'arrestation de ces derniers.
E - L'HOMME DE LOI
33En étudiant le monde des hommes de loi, on peut adopter la
proposition faite par Roger Charrier sur une distinction nécessaire
entre différents groupes d'hommes de loi à la fin de l'ancien
régime. Pour la Saxe, il faut souligner la différence entre un
homme de loi qui exerce ses fonctions dans l'administration d'État
ou d'une seigneurie et son confrère qui excerce un travail libéral
et qui est pour cette raison à la recherche des clients. Parmi ces
derniers nous trouvons parfois les meneurs de la révolte. A coté
des avocats, nous trouvons aussi des greffiers de petites villes,
mais plus fréquement encore des étudiants en droit et des
notaires-autodidactes, qui sont appellés “Winkeladvokaten”. Ces
derniers font souvent partie des couches inférieures de la
population des villes et bourgs, comme le cordier Christian-
Benjamin Geissler, le marchand-commis Christian August Werner,
ou parfois même des journaliers qui ont profité de leur capacité
intellectuelle pour gagner un peu d'argent avec des conseils
juridiques.
34Ce sont surtout ces derniers qui sont recherché par les autorités
pendant la repression de la révolte et qui ont payé le prix,
dénoncés par des syndics paroissiaux, comme le cordier Geissler,
l'auteur d'un manifeste inspiré par les événements français, qui
est resté plus de 15 ans en prison.
35Les avocats qui ont soutenu la cause des paysans étaient
également poursuivis comme meneurs de la révolte, même s'ils
n'étaient pas emprisonnés comme l'ont été plus de 150 paysans,
ils étaient interdit dans l'exercice de leur profession et donc dans
l'incapacité de gagner leur vie.
4. LA CONCLUSION
36Nous avons vu que dans deux régions avec un certain nombre
de problèmes communs, le pouvoir a choisi sur le plan de
l'administration régionale et locale des solutions nettement
différentes en France. La réforme de l'administration provinciale a
contribué à une ouverture de l'accès au pouvoir local pour une
plus grande partie de la population. En Saxe, à l'opposé, le
gouvernement est resté hostile aux tentatives de réforme et a joué
avec succès la carte de la répression à l'égard des paysans. A la
différence de la France, le système politique est conservé jusqu'à
la fin des années trente. Pour une réforme comparable à celle de
la France des années 1787/88 il fallait non seulement de
l'expérience de la révolte de 1790 et des guerres napoléoniennes
mais vaincre celle de la révolution de 1830 qui est devenu enfin le
“point of no return” pour le gouvernement saxon qui brise
finalement la résistance des “Junker” qui ne voulaient pas accepter
jusqu'à cette date une abolition imposée par l'État avec
indemnisation mais négocier des contrats particuliers plus
favorables pour eux avec leur tenanciers.
12 La distinction entre “capitalisme paysan” et “capitalisme bourgeois”
dans le monde rural était pro (...)
PRO MEMORIA14
14 Le texte est conservé aux Archives d'État de la Saxe, Loc. 30749, Blatt
1.
Pour une notice biograp (...)
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE
L'idée pour cette communication est née à partir d'une recherche en
cours sur les “cahiers de doléances” des paroisses rurales de la
Normandie en 1789, en gardant en vue la perspective comparative avec
ma région natale, la Saxe. Je renonce ici a une présentation des sources
utilisées, qui sont pour la Saxe surtout des actes judiciaires conservées
aux Archives d'État à Dresde et ne donne que quelques titres
bibliographiques.
14 Le texte est conservé aux Archives d'État de la Saxe, Loc. 30749,
Blatt 1.
Pour une notice biographique sur Christian Benjamin Geiẞler cf. H.
Schmidt, “Christian Benjamin Geissler. Ein Beitrag zur Geschichte der
Bauernunruhen des Jahres 1790”, in : Νeues Archiv für Sächsische
Geschichte und Altertumskunde. Bd. 28, Dresden 1907.
AUTEUR
Steffen Sammler
Du même auteur
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1 En dehors des travaux de Georges FOURNIER, professeur à
Toulouse, et Jean Pierre JESSENNE. Certes (...)
11Si l'on compare aux élections pour la garde nationale 21, aux
juges de paix et aux élections primaires de canton pour la même
année, on trouvera des chiffres plus considérables, autour de
60 %22. Mais, là encore, les éléments font défaut pour
l'interprétation. A titre d'hypothèse nous écrirons qu'un actif sur
deux a participé à l'élection du premier maire, pour 10 % des
communes étudiées…
23 Mennecy sous la Révolution, Amatteis, 1989, 316 pages,
chapitre 2.
12On ne peut évoquer ici les conflits qui ont opposé des factions
dans les villages pour la conquête de la municipalité et du pouvoir
local. Les affaires remarquables par leur ampleur départementale,
voire nationale, concernent les communes de Mennecy 23 de Ris
Orangis24 et de Rungis25 Si elles présentent des significations,
quant à la nature du pouvoir municipal – et de la garde nationale
—, on doit souligner en même temps leur caractère exceptionnel,
non exemplaire du fonctionnement d'un système 26. Ces conflits
renvoient donc à l'ensemble des premiers maires que nous
sommes en mesure d'analyser partiellement.
27 Étude non achevée à partir des rôles de taille et de FicIII Seine
et Oise aux Archives Nationales.
13Sur 237 communes nous avons retrouvé 228 noms soit près de
96 % des cas avec quelques localités où la source n'est pas tout à
fait fiable. Les documents se contredisent parfois et il faut rester
prudent lorsque le nom seul est avancé. A partir des rôles de taille
et des registres paroissiaux, il est possible de retrouver la
fonction sociale et des indications de revenus, à rapprocher de la
composition socio professionnelle27 des paroisses pour
comprendre la représentativité de l'implantation des premiers
maires de nos régions.
14La situation sociale est indiquée pour plus de 50 % des noms,
avec toute la marge d'incertitude qui tient aux indications de
“laboureur” ? “propriétaire” ? “vigneron” ? “artisan” ?… Le niveau de
taille est connu dans une soixantaine de cas. Les âges et la
situation familiale, nécessaires cependant pour une étude
approfondie, n'ont pas été pris en compte.
28 Jean-Pierre JESSENNE, Pouvoir au village et Révolution, PUF,
1987.
4 AD Essonne, série C, récapitulatif des rôles de tailles pout 1786 pour
les élections de Corbeil et Montlhéry, avec les chiffres de journaliers,
fermiers, artisans et commerçants. La composition des terroirs est
donnée à partir des plans d'intendance par Mireille TOUZERY,
Dictionnaire des paroisses fiscales de la généralité de Paris, thèse de
l'EHESS, décembre 1991, volume 2.
19 La population totale est donnée pat les ADYvelines, ILM 443, les
feux dans les rôles de tailles de 90 au Caran et aux ADEssonne,
dans Paroisses et communes de France, édition du CNRS, 1974, 921
pages ; les listes d'actifs au Caran, FlcIII Seine-et-Oise, avec de
précieuses indications sur la profession, l'âge, les impôts payés.
20 Position critique de Patrice GUÉNIFFEY dans sa thèse de l'EHESS,
soutenue en 1989 sur les élections de 1790 à 1792, chapitre 6,
“Citoyens actifs et passifs”, pages 174 à 198.
42 A Chilly et Villejust le maire est cité dès 1789 avant le curé, mais
c'est l'inverse à Wissous, Igny, Palaiseau, Bièvres et Marcoussis,
Archives Nationales, FlcIII Seine et Oise.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14298/img-1.jpg
AUTEUR
Serge Bianchi
I.H.R.F.
Du même auteur
Les sociétés populaires à travers leurs procès-verbaux, Éditions du Comité des travaux
historiques et scientifiques, 2018
La Garde nationale entre Nation et peuple en armes, Presses universitaires de Rennes,
2006
La mise en place des
administrations locales dans
le Pas-de-Calais en 1790 :
adhésions et conflits
Jean-Pierre Jessenne
p. 169-192
TEXTE NOTES NOTES DE FIN AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1Dans un colloque dont les objectifs sont très clairement de
restituer l'épisode révolutionnaire et ses effets sur le pouvoir local
dans une perspective séculaire, je propose une étude qui
privilégie un épisode ponctuel, l'année 1790, qui s'inscrit dans un
cadre départemental, et qui opte délibérément pour une mise en
relation des diverses collectivités territoriales, même si les villages
seront au centre de l'étude. Une opportunité documentaire, une
observation historiographique et un postulat méthodologique
justifient ce choix.
1 Les documents originaux se trouvent aux Archives
départementales du Pas-de-Calais, série 2 L. J'ai (...)
LA NOUVELLE PYRAMIDE
INSTITUTIONNELLE ET LES
ASPIRATIONS DES
COLLECTIVITÉS
VILLAGEOISES
Agrandir Original (jpeg, 222k)
adressées aux districts dans les jours qui suivent entre la mi-
septembre et le début octobre la plupart des municipalités
établissent leurs réponses, très majoritairement soignées, souvent
détaillées. Avant la fin de l'année, la plupart sont revenues à
l'administration départementale. Le district de Boulogne, pourtant
hostile au choix d'Arras comme chef-lieu, atteste, en octobre
1790, le fort investissement des collectivités villageoises dans le
système municipal ; il souligne que la suppression de certaines
communes, souhaitée par le Comité de Constitution, risque de
soulever des difficultés ; “Les habitants des campagnes se sont à
l'envie les uns des autres empressés d'organiser des municipalités
pour devenir les égaux des maires et officiers municipaux de la
ville. A présent qu'ils ont joui de la faveur d'être décorés des
mêmes attributs qu'eux, croirait-on qu'ils s'en verront frustrés
sans murmure ?”18.
16Que la greffe politico-administrative ait bien pris parce qu'elle
coïncide avec l'aspiration à l'autogouvernement des collectivités
villageoises n'est pas pour autant un gage de consolidation du
régime. Encore faut-il que dans l'enveloppe institutionnelle ainsi
tissée, les modes de dévolution et de répartition du pouvoir local
soient à la fois reconnus par les citoyens et conformes au projet
politique et social des constituants, c'est-à-dire un système
censitaire qui repose sur la conjugaison de la participation et de
l'exclusion politiques des Français.
APPLICATION D'UNE
CITOYENNETÉ SÉLECTIVE ET
HÉGÉMONIES :
ACCEPTATION INITIALE ET
Évolution
19 Questionnaire, district de Boulogne, canton d'Hardinghem, Villes
et villages, Op. cit., T. Il, p. (...)
LA MISE À L'ÉPREUVE DU
SYSTÈME : ENTRE PRISE DE
DISTANCE ET
RENFORCEMENT DES
ENGAGEMENTS
33La mise à l'épreuve tient d'abord au fait que les administrations
élues se trouvent en première ligne pour assumer les retombées
et les enjeux de la politique mise en œuvre par la Constituante.
Parmi les multiples questions en suspens, je n'ai retenu comme
test sommaire de l'attitude des nouvelles administrations que
celle des droits seigneuriaux. La région n'est pas un secteur de
système seigneurial écrasant ; toutefois, les procès entre
communautés et seigneurs se sont multipliés dans les dernière
décennies de l'Ancien Régime et l'Est du département a été le
théâtre de vigoureux mouvements anti-seigneuriaux dès le
printemps 1789. Enfin la prise d'autonomie collective face à
l'autorité seigneuriale sous l'égide des grands fermiers qui ont
majoritairement opté pour le “parti communautaire” s'est
clairement manifesté dans les municipalités. Que deviennent alors
les revendications ?
34On peut interpréter comme un signe de confiance légaliste la
quasi-absence de troubles antiseigneuriaux dans les premiers
mois de 1790, au moment où s'embrasent de nombreuses
régions.
33 Discours devant le directoire du district d'Arras, cité par
E. LECESNE, Arras sous la Révolution.
17 A.N DIV bis 14; juillet 1790, villages de Busnes, Saint-Venant, Saint-
Floris.
NOTES DE FIN
1 dont 19 avocats et 11 autres professions judiciaires ou notaires.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14299/img-1.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14299/img-2.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14299/img-3.jpg
AUTEUR
Jean-Pierre Jessenne
Université de Lille III
Du même auteur
Traduction de Monique Barasch
p. 193-207
TEXTE NOTES AUTEURS
TEXTE INTÉGRAL
1Bien que nous ayons des études sur les cahiers de doléances, sur
les troubles agraires, sur la garde nationale, les clubs, le serment
du clergé et la chouannerie, nous manquons d'études
comparables sur les élections. Pourtant, les élections étaient
précisément les moyens par lesquels le pouvoir politique se
transmettait. En comparant les statistiques et les cartes de la
participation électorale à celles créés par Roger Dupuy et Timothy
Tackett, nous pouvons faire pour la Bretagne une espèce de
“géopolitique de la Révolution française ” comme Michel Vovelle l'a
fait pour la France.
2Comment la Révolution fut-elle accueillie en Bretagne ? Est-ce
évident qu'elle sera un foyer de résistance ? ou bien a-t-elle
embrassé la Révolution avec enthousiasme ? Les campagnards
étaient-ils incapables de conscience politique ? ou y-avait-il une
“précoce politisation des campagnes bretonnes” ? Au préalable,
les villes étaient-elles des “bastions bleus” entourées de
“campagnes blanches” ? Les différences en participation électorale
correspondent-elles à la frontière linguistique de Saint-Brieuc-
Vannes, et peut-on opposer une Basse-Bretagne bretonnante et
“bleue” à une Haute-Bretagne gallo et “blanche” ? Je vais répondre
à ces questions en étudiant les premières élections municipales et
cantonales de 1790 ainsi que celles de juin 1791 dans tous les
cinq départements bretons. Il s'agit d'une étude de la
participation, de la géographie et de la sociologie électorale. Pour
1791, je vais chercher les corrélations entre le vote et le clergé
assermenté ainsi que la diffusion des clubs jacobins. Je vais
conclure en comparant la cartographie du vote et celle de
l'insurrection de mars 1793.
1 Jacques GODECHOT, “Les Municipalités du Midi Avant et Après la
Révolution”, in Annales du Midi (19 (...)
21En dépit du manque d'un rapport très net entre le vote et les
mouvements paysans, les documents électoraux révèlent les
revendications paysannes. L'assemblée électorale du Morbihan a
demandé à l'Assemblée nationale de supprimer le domaine
congéable, de restituer les terrains vains et vagues aux
communautés et de ne pas obliger les communes au rachat des
droits féodaux. Tout en défendant la clôture, elle mettait en doute
le droit des ci-devant seigneurs qui ont afféagé certains terrains.
Les procès-verbaux montrent une lutte pour le pouvoir entre les
campagnards et les citadins. Comme signe de trouble futur,
Saint-Avé a exprimé “le vœu général” que “la Religion Catholique,
Apostolique et Romaine soit décrétée la seule dominante en
France”8.
22Qui a détenu le pouvoir ? Quel est le poids du clergé parmi les
élus ? Comment la Bretagne diffère-t-elle du reste du pays ? Tout
d'abord, il y a une grande différence entre le rôle du bas clergé
dans le bureau des assemblées électorales et son poids parmi les
élus. Dans le Morbihan, le clergé représente un minimum de 39 %
des présidents et de 25 % des secrétaires, mais seulement 6 % des
électeurs du second degré.
9 A.D. Côtes-d'Armor 1 L 371 ; A.D. Finistère 10 L 75 ; A.D. Ille-et-Vilaine
L 346 ; A.D. Morbihan L (...)
AUTEUR
Melvin Edelstein
Du même auteur
Monique Barasch (Traducteur)
Participation électorale et
abstention pendant la
Révolution française
Patrice Gueniffey
p. 209-223
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1 Concernant le détail des taux de participation, cf. P. GUENIFFEY Le
nombre et la raison. La Révolu (...)
8 Si la direction des corporations tomba à Lyon dans les mains d'une
oligarchie très étroite (M. GAR (...)
NOTES
1 Concernant le détail des taux de participation, cf. P. GUENIFFEY Le
nombre et la raison. La Révolution française et les élections, Paris, Éd.
de l'EHESS, 1993.
8 Si la direction des corporations tomba à Lyon dans les mains d'une
oligarchie très étroite (M. GARDEN, Lyon et le Lyonnais au
XVIII siècle, Paris, Flammarion, 1975, p. 312-317), presque partout
e
l'assemblée générale conserva ses droits (voir l'ouvrage déjà cité sur les
corporations de Nantes, et pour l'Auvergne, J.-B. BOUILLET, Histoire des
communautés des arts et métiers de l'Auvergne, Clermont-Ferrand,
1857).
381 et p. 511-556.
Fichie
image/jpeg, 293k
r
AUTEUR
Patrice Gueniffey
E.H.E.S.S. Paris
Du même auteur
TEXTE
TEXTE INTÉGRAL
Mercredi matin
1F. LEBRUN remercie S. SAMMLER d’avoir donné un témoignage
spectaculaire de l’influence quasi immédiate des évènements de
1789 dans l’espace allemand et constate le rôle visiblement
déterminant de la presse dans le déclenchement de la
revendication paysanne en Saxe. S. SAMMLER rappelle le taux
d’alphabétisation élevée des campagnes saxonnes à la fin du
XVIII siècle
e
et l’efficacité d’un enseignement primaire déjà
développé.
Mercredi après-midi
4PH. GUIGNET complète l’intervention de S. BLANCHI en donnant un
autre exemple de Municipalité double, celle du Blanc sur les deux
rives de la Vienne, à la limite du Poitou et du Berry, dont le pont
détruit en 1525 ne sera reconstruit qu’en 1860, et qui vit deux
municipalités élues en 1790. C’est dire que cette dualité n’a pas
toujours pour origine des rivalités de clans à fondement socio-
professionnels. A J.-P. JESSENNE il se permet une explication au
faible taux de participation électorale, en 1790, dans les villes
d’Artois et à Lille comme l’avait déjà constaté L. TRENARD. C’est
que vient de disparaître dans ces villes, en quelques mois, le
système hospitalo-caritatif hérité du modèle hispano-tridentin
mis en place au début du XVII siècle et qui fonctionnait toujours
e
p. 228-238
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
Agrandir Original (jpeg, 663k)
LE PERSONNEL MUNICIPAL
ET SON ATTITUDE
4Une évolution du personnel municipal se produit dans certaines
communautés qui voient des habitants plus modestes ou plus
favorables aux transformations politiques exercer des
responsabilités mais ce n'est pas la règle générale dans les petites
communes. En effet la plupart des villages comptent peu
d'hommes susceptibles d'exercer les fonctions municipales et,
contrairement à ce qui se passe dans les communautés plus
importantes ou plus diversifiées socialement, les mêmes
personnes, d'assez modestes agriculteurs le plus souvent, se
relaient dans les différentes fonctions. Mais la politique de salut
public provoque un accroissement du travail des responsables
municipaux qui se sentent parfois complètement débordés par “la
multiplicité des affaires”. Le mauvais gré de leurs administrés
aggrave leurs difficultés ; ne parvenant pas à faire face aux
exigences de l'État révolutionnaire, ils ont peur d'être accusés de
négligence, voire de mauvaise volonté, et adressent des messages
pathétiques aux administrations du district et du département.
Néanmoins, ceux qui sont au pouvoir tentent d'accomplir
consciencieusement leur devoir et de protéger leurs concitoyens
des aléas de la situation politique. La lecture des registres de
délibérations des conseils municipaux montre que les
responsables locaux ont deux types de discours, l'un à usage
externe et l'autre à usage interne.
3 Cf. carte.
5 A.C. d'Entrechaux 1 D 1.
LA RÉSISTANCE AUX
EXIGENCES DE L'ÉTAT
RÉVOLUTIONNAIRE
6Le discours à usage externe des autorités municipales ne doit
pas faire illusion : en fait, elles n'arrêtent pas de se battre contre
la mauvaise volonté de leurs administrés. Elles ont beau
s'employer à les convaincre de leurs devoirs, la répétition des
proclamations démontre que c'est en vain.
7Ce mauvais gré concerne d'abord les impôts qui rentrent mal en
dépit de tous les efforts déployés.
8Le 16 février 1793, la municipalité d'Entrechaux affirme, avec un
optimisme forcé : “Vous payerez volontiers ce que vous devez à
une République qui anéantira les méchants et récompensera les
bons citoyens…”. Le 16 décembre, elle déplore dans une nouvelle
proclamation sur les sommes dues à la Nation le manque de
civisme des habitants : “Vous semblez insensibles à la voix de la
Patrie… le receveur nous dit qu'il va employer tous les moyens
que la loi a mis à son pouvoir”. Il semble que ce qui inquiète le
plus les autorités municipales c'est le risque encouru par la
communauté à cause de sa mauvaise volonté.
9Le même problème se pose pour les déclarations de grains et de
fourrage et les réquisitions qui sont régulièrement évoquées dans
les registres des délibérations municipales à partir de l'été 1793.
Fin août 1793, la municipalité d'Entrechaux informe ses
concitoyens qu'elle a été rappelée à l'ordre par le district et que si
cela continue il faudra qu'elle se décide à sévir. Un mois plus tard,
elle rappelle que l'accaparement est un crime capital, qu'il faut
déclarer ce que l'on détient et que les fausses déclarations seront
punies. En octobre, des visites domiciliaires sont annoncées mais,
à la fin du mois, la municipalité reçoit un arrêté des représentants
en mission signé Fréron, Paul Barras, Pomme l'Américain, Lamure,
concernant les communes coupables de négligence dans
l'exécution des réquisitions. Affirmant : “le manque de pain tue la
liberté… il faut que la liberté triomphe de l'égoïsme des
accapareurs comme de la barbarie des tyrans… ”, les représentants
rappellent que le département de Vaucluse doit fournir le
huitième de la récolte de chaque habitant en blé et la moitié en
foin et en avoine, ils menacent les perturbateurs d'être traduits
devant le tribunal révolutionnaire des Bouches-du-Rhône comme
contre-révolutionnaires. La municipalité répond qu'elle s'occupe
de faire appliquer cet arrêté, mais les proclamations suivantes
prouvent qu'elle a toujours autant de difficultés.
6 A.C. d'Entrechaux 1 D 1.
10Elle n'a pas plus de succès avec les jeunes gens qui doivent
partir aux armées bien qu'elle les ait mobilisés et équipés, ils
rechignent à rejoindre leur corps puis ne pensent qu'à
l'abandonner. En janvier 1795 les autorités municipales
continuent de les exhorter : “Ne soyez pas sourd à la voix de la
patrie… vous nous épargnerez le désagréable de prendre des
mesures rigoureuses contre vous”6.
7 Cf. carte.
L'ATTACHEMENT À LA
RELIGION TRADITIONNELLE
9 DUPUY (Roger), “De la Révolution à la Chouannerie”, Flammarion, 1988.
2 Cf. carte.
3 Cf. carte.
5 A.C. d'Entrechaux 1 D 1.
6 A.C. d'Entrechaux 1 D 1.
7 Cf. carte.
10 A.C. d'Entrechaux 1 D 1.
11 A. C. d'Entrechaux 1 D 1.
12 Cf. carte.
AUTEUR
Martine Lapied
Du même auteur
La révolution française au carrefour des recherches, Presses universitaires de Provence,
2003
L’engagement politique des femmes dans le sud-est de la France de l’Ancien Régime à la
Révolution, Presses universitaires de Provence, 2019
Les comités de surveillance et la Terreur dans le Vaucluse et les Bouches du Rhône in
Justice et politique : la Terreur dans la Révolution française, Presses de l’Université Toulouse 1
Capitole, 1997
Pouvoir jacobin et sociétés
populaires dans l'Ouest
intérieur
Christine Peyrard
p. fr239-247
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 “Les sociétés populaires”, n° spécial des AHRF, sept-oct. 1986, n° 266,
p. 363-544. R. HUARD (s. d (...)
AUTEUR
Christine Peyrard
Université de Provence
Du même auteur
TEXTE
TEXTE INTÉGRAL
p. 253-266
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 A. COCHIN, L'esprit du Jacobinisme. Une interprétation sociologique de
la Révolution française, ré (...)
AUTEUR
Jacques Bernet
Du même auteur
CITERPARTAGER
CITÉ PAR
p. 267-278
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 Arch. parle., t. LXVI, p. 24. Souligné par nous.
3Il s'agira moins, ici, d'étudier le fonctionnement du pouvoir local que de voir si,
effectivement, celui-ci adhéra pleinement à la politique jacobine, ou s'il ne connut pas
quelque tentation contre-révolutionnaire, ou du moins émancipatrice.
***
4Le Puy-de-Dôme mérite-t-il l'éloge qu'en fit Couchon à l'Assemblée ? En réalité, il fut
agité par un mouvement de contestation envers le pouvoir central, et ce, à partir du
printemps 1793, même si sort plus proche et fervent député le croyait acquis à la
République.
5La population, dans son ensemble, ainsi que la municipalité de Clermont, avaient
approuvé la Montagne. Mais, le département commençait à connaître une certaine
agitation sous la double influence de Lyon entrée en rébellion et de l'opposition du
Directoire composé de bourgeois aisés et de notables tels le procureur général d'Albiat,
le juge Barre, le président du tribunal du district Dijon de Saint-Mayard, Directoire qui
manifesta une désapprobation certaine vis-à-vis du pouvoir montagnard, ce qui aboutit
à la dissidence.
6La “fermentation” prit forme à partir du mois de mai, s'articulant autour de 3 thèmes :
le conflit Girondins/Montagnards d'une part, la Constitution d'autre part, enfin, la levée
en masse.
7En mai, plusieurs Conseils généraux montrèrent une certaine inquiétude face aux
évènements parisiens qui se manifestaient tant à la Convention qu'au sein des masses
populaires. Ils critiquèrent le conflit Girondins/Montagnards y voyant un danger pour la
République. C'est ainsi que le Conseil général de la commune de Riom, sous la
présidence du maire Chapsal exprima ses craintes et ses critiques dans la délibération
du 26 mai 17932.
8« Les dissensions, les querelles privées qui s'élèvent chaque jour dans le sein de la
Convention, la mésintelligence qui règne parmi ses membres, les dénonciations
mutuelles qu'occasionne l'esprit de parti entre les représentants de la Nation
scandalisent depuis longtemps toutes les communes de France. Elles sentent tous les
maux d'une machine que ces divisions funestes ont enfantée et qu'une constitution et
des lois peuvent seules faire cesser. Le Conseil général, à la réquisition du procureur de
la Commune, a unanimement arrêté de faire sans délai une adresse à la Convention,
expositive du mécontentement général et des malheurs que produit chaque jour le
défaut de lois constitutionnelles ».
9Un texte de la même teneur, sous forme de pétition, fut rédigé également le 26 mai à
Clermont3 ; soumis le 27 aux sections, celles-ci l'approuvèrent. On désigna deux
commissaires afin d'aller la présenter à l'Assemblée : Barre et Saint-Mayard, qui
retrouvèrent d'Albiat déjà à Paris. La lecture eut lieu le 4 juin, accueillie par des
applaudissements : “Il est temps qu'une Constitution solennellement discutée par vous
et librement acceptée par le peuple fasse cesser l'esprit d'anarchie qui, formé dans votre
sein, s'est propagé dans toutes les sections de la République. Plus de désunion,
citoyens, plus de passions ! plus d'intérêts privés ! donnez-nous promptement une
constitution digne d'un peuple qui veut être libre. Les citoyens de Clermont-Ferrand
vous déclarent qu'ils la veulent et que, membres d'une nation souveraine, avec tous les
Français ils ont droit de se la procurer par des représentants fidèles à leur
mandat ». Étaient donc visés les Montagnards qui avaient participé à freiner
l'élaboration de la nouvelle Constitution. Paradoxalement, c'est à l'occasion de la lecture
de cette pétition que Couthon demanda que Clermont fût décrété comme ayant bien
mérité de la patrie.
10Il est difficile de se faire une idée précise de l'attitude du pouvoir local à l'égard des
“journées parisiennes” des 31 mai et 2 juin. Toutefois, les commissaires du Puy-de-
Dôme, Barre, Saint-Mayard et d'Albiat avaient été témoins des évènements. De retour à
Clermont, ils firent part de leurs impressions, de l'attitude ambigüe, selon eux, de
Couthon, qui avait affirmé que la Convention était libre et qui, malgré tout, appuya
l'arrestation des 22 députés girondins.
5 F. MEGE, op. cit, p. 73. Voici la lettre jointe et adressée aux administrateurs de Lyon le
22 juin (...)
6 id., p. 77.
juillet 1793.
13 ibid., t. VI p. 155.
19Déjà sur son chemin de Paris à Clermont, au cours d'une étape à Nevers, Couthon
envoyait à ses collègues du Comité de Salut Public une lettre dénonçant d'Albiat 13 : “un
agent de nos fédéralistes a écrit à Clermont la lettre la plus incendiaire et propre à
éloigner les citoyens du désir de se lever contre les rebelles du Lyon... Il n'y a pas un
instant à perdre pour s'assurer de ce petit intrigant. Il se nomme d'Albiat, ci-devant
procureur du roi à la ci-devant sénéchaussée de Clermont, nous vous ferons passer les
pièces de conviction ».
21La lutte contre les résistants s'opéra selon trois directions : la reconquête de l'esprit
public, la chasse aux suspects, la “cure révolutionnaire” après la reprise du Lyon.
16 ibid.
24Ils insistèrent sur la nécessaire régularité des réunions des corps constitués, dans un
souci démocratique d'ouverture, ces derniers se voyant tenus de siéger en permanence,
et ce, dans le cadre de séances publiques 18 : “Chaque jour à 6 heures du soir, il y aura
assemblée générale et publique des corps constitués et de la Société populaire, dans
laquelle se discuteront, en présence du peuple, les diverses mesures de sûreté publique
qui auront été prises et pourront être présentées ».
19 id., L 468.
20 id., L 299.
21 id., L 301.
22 id
23 ibid
25Du 30 août au 6 septembre, on procéda à la mise en état d'arrestation de 25
personnes compromises ou suspectes, considérées comme ayant partie liée avec le
“fédéralisme” lyonnais, la plupart appartenant à la bourgeoisie aisée ou au milieu des
notables. Parmi eux, d'Albiat arrêté dès le 30 août 19, Dijon de Saint-Mayard et
Barre « prévenus d'avoir empêchés... des citoyens de se lever et de déférer aux
réquisitions réitérés »20. Ajoutons Noyer, juge au tribunal de district 21, Rabusson-
Lamothe22, Chabrol, capitaine des grenadiers de la garde nationale23.
26Un arrêté de Couthon du 20 septembre interdit aux citoyens domiciliés dans les villes
de se retirer à la campagne, accusés d'y égarer le peuple 24 : « ... Ils répandent à longs
traits le poison qui les dévore, corrompent l'esprit public et portent chez le paisible
cultivateur le trouble et le découragement ».
28 id.
31On procéda à l'arrestation d'une partie des autorités urbaines. Dans une lettre au
Comité de Salut Public datée du 16 novembre, Couthon annonçait que le Directoire et
qu'un certain nombre de membres du Conseil du département : “sont à la commission
de justice populaire”... “Les agents infidèles s'étaient coalisés avec ceux de Lyon dans
l'espérance de former ici une nouvelle Vendée”28.
31 ibid.
32 ibid.
33Enfin, annulation de toutes les mesures prises par l'ancien Directoire, en particulier
relativement aux émigrés et aux suspects (arrêté du 26 novembre) 30. Aussi les
municipalités devront-elles de nouveau mettre les scellés et séquestrer les biens de tous
ceux qui avaient été portés sur la liste des émigrés. Ils seraient examinés et jugés par le
nouveau Directoire31. Elles devront annuler les certificats de civisme visés par l'ancien
Directoire : “ceux qui en ont obtenu seront tenus de s'en procurer de nouveaux qui
seront visés par le Directoire en exercice et par le Comité de surveillance ”32.
34Épuration, mais aussi vigilance quant à la tenue en bonne et due forme des réunions
des autorités. C'est ainsi, par exemple, que Couthon et Maignet prirent un arrêté, le 26
novembre, destiné à compléter les places vacantes du Conseil de la Commune de
Riom33 : “Le citoyen maire a dit que la multiplicité des affaires de la commune exigeait
la parfaite intégralité des membres du Conseil général ; que cependant leur nombre
diminuait chaque jour, quoique les opérations dont il se trouvait chargé ne fissent
qu'augmenter” (furent nommés un substitut du procureur de la commune et cinq
citoyens aux places vacantes).
***
35 id.
36 ibid.
39Les pouvoirs locaux freinèrent néanmoins le vandalisme. Il est vrai que déjà depuis le
21 novembre, Robespierre avait amorcé le coup de barre anti-déchristianisateur 39.
Ainsi, à Riom, le conseil de la commune fit surseoir à la démolition de deux clochers
sous prétexte d'attendre l'arrivée du représentant Roux-Fazillac 40. A Clermont, les
délégués de Châteauneuf-Randon eux-mêmes suggérèrent à la municipalité l'idée de
faire examiner par des experts si la démolition du clocher de la cathédrale ne risquait
pas de porter préjudice à la tour adjacente41.
***
40Le Puy-de-Dôme, en 1793, avait ceci d'original qu'il représentait, par le truchement
de Couthon, un baromètre de la politique jacobine.
NOTES
5 F. MEGE, op. cit, p. 73. Voici la lettre jointe et adressée aux administrateurs de Lyon le 22 juin :
“Nous vous faisons passer cinquante exemplaires d'une adresse que nous nous proposons
d'envoyer à la Convention nationale, après avoir recueilli les signatures des administrateurs de
notre département qui, nous l'espérons, seront nombreuses. Vous verrez dans cette adresse quel
est l'esprit du département du Puy-de-Dôme. Comme vous, nous voulons détruire le monstre de
l'anarchie qui nous dévore et forcer la Convention à nous donner promptement une constitution,
sans laquelle nous ne pouvons espérer de voir naître l'ordre de la sûreté publique ».
6 id., p. 77.
1793.
12 ibid.
13 ibid., t. VI p. 155.
16 ibid.
19 id., L 468.
20 id., L 299.
21 id., L 301.
22 id
23 ibid
28 id.
31 ibid.
32 ibid.
35 id.
36 ibid.
AUTEUR
Martine Braconnier
Du même auteur
p. 279-292
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1Pour mieux comprendre la Terreur, trop longtemps perçue
comme un phénomène purement politique, parisien, œuvre d'une
minorité de sans-culottes, il importe de renverser la vapeur en
partant du terrain, des réactions de la masse des Français, des
ruraux.
1 Une trentaine de registres déposés aux archives départementales de la
Vienne (dépôts)
3 Celle de Vouneuil sur Vienne surtout, arch. dép. Vienne, L suppl. 63.
ARTISANS ET ACTEURS DE LA
TERREUR RURALE
5Dès 1793, la Vienne, en bordure de l'insurrection vendéenne, est
particulièrement touchée par les mesures d'exception liées aux
menaces pesant sur la République et à la conjoncture politique.
Mais c'est la loi du 14 Frimaire qui bouleverse l'organisation des
pouvoirs locaux dans le sens d'une centralisation très poussée où
les représentants en mission, les agents nationaux des districts et
des municipalités d'une part, le réseau parallèle des comités de
surveillance et des sociétés populaires d'autre part constituent les
rouages essentiels de la machine “terroriste”. Au delà de cet
organigramme général et théorique qu'en est-il sur le terrain ?
5 C. ALLEN, François-Pierre Ingrand, représentant en mission dans la
Vienne, Mémoire de maîtrise, Po (...)
7 Idem, chap. 4.
12On est frappé par l'intense activité des municipalités qui vont
supporter l'essentiel des tâches résultant de la guerre ; partout la
fréquence des réunions s'accélère. En moyenne, dans l'échantillon
examiné, on se réunit au moins une fois par semaine (68 réunions
à Bonnes en 16 moins de mars 93 à juillet 1794), plus durant les
périodes “chaudes”, comme en mai 93 au moment de l'avancée
vendéenne et de la première levée en masse où à Bonnes, “ vu le
danger… on ne désemparerait pas la chambre commune, jour et
nuit en permanence continuelle ”14. C'est là pour l'essentiel que se
gère la vie quotidienne des ruraux pendant la Terreur.
15 S. ALLERIT, La Révolution à Neuville et dans son canton, mémoire de
maîtrise, Poitiers, 1989, chap (...)
3 Celle de Vouneuil sur Vienne surtout, arch. dép. Vienne, L suppl. 63.
7 Idem, chap. 4.
26 Voir notamment les analyses et les textes publiés par R. PETIT, Les
arbres de la liberté h Poitiers et dans la Vienne, Poitiers, 1989.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14312/img-1.jpg
Fichie
image/jpeg, 158k
r
AUTEUR
Jacques Péret
Université de Poitiers
Du même auteur
TEXTE
TEXTE INTÉGRAL
Jeudi matin
1D'emblée, J.-P. JESSENNE souligne le contraste entre la période
89-90 évoquée la veille, où l'on assistait à une sorte
d'homogénéisation du pouvoir local, désormais élu et organisé de
façon identique aux trois niveaux qui le composent, et la période
93-94 aboutissant à une superposition d'instances nouvelles
surtout au niveau des municipalités désormais surveillées par les
sociétés populaires et les comités de surveillance auxquels
s'adressent directement les représentants en mission. Il y a donc
éclatement du pouvoir à la base accompagné de l'élimination des
notables mais aboutissant aussi à réactiver des luttes de clan. Il
demande à J. BERNET la nature des relations entre Sociétés
populaires et Comités de surveillance, à M. BRACONNIER si les
représentants en mission ne suspectent pas, a priori, les pouvoirs
locaux légalement mis en place et à J. BERNET si, dans la Vienne,
on peut observer comme dans le Pas-de-Calais une coloration
sociale croissante de la politique des représentants en mission ?
p. 297-323
TEXTE NOTES AUTEURS
TEXTE INTÉGRAL
1 Le 24 mars 1790, Thouret dans son discours à la Constituante sur la
réorganisation du pouvoir judi (...)
1. L'APPLICATION DES
TEXTES DE LOI DANS LES
MINUTES DE LA JUSTICE DE
PAIX
4La première partie de la communication présente le bilan actuel
de l'application des textes législatifs évoqués dans les actes de
cette juridiction.
5Ces textes ont été regroupés en plusieurs thèmes suivant qu'ils
concernent :
1. l'évolution du pouvoir des juges de paix
2. la relation au passé
3. l'agriculture et les échanges
4. la finance et la monnaie
5. la politique
6. la famille
1.2.2. La Coutume
18La coutume est mentionnée plusieurs fois, jusqu'en 1796, le
plus souvent à propos de questions relatives à l'âge des majorités
et aux communautés qui sont traitées suivant la “coutume orale
de cette ville d'Ébreuil” ou “la coutume du Bourbonnais”. Cette
dernière est également citée à l'occasion d'un droit de passage
réclamé pour effectuer des réparations.
1.2.4. La dîme
5 Michel VOVELLE, La Découverte de la Politique, Éd. La Découverte,
Paris, 1993, p. 76
9 Titre I, section 4, article 14; Titre II, articles 18, 24, 26, 28.
1.5.3.2.
39En 1795, 6personnes sont traduites en correctionnelle pour
avoir appelé à la messe en sonnant les cloches, contrevenant ainsi
à l'article 7 de la loi du 21 février 1795 (3 ventôse an III).
1.5.3.3.
40En 1796, ces mêmes cloches sont sonnées “ à l'effet d'attrouper
les habitants…pour les conduire dans un bois et en chasser les
marchands”. “Considérant que les lois défendent de troubler
l'ordre public” le juge condamne les accusés conformément à
l'article 153 du code des délits et des peines.
2.3.2.2. Et la particule ?
97On peut suivre les aléas du problème du “de” à travers plusieurs
exemples. Nous ne retiendrons ici que deux d'entre eux :
40 En tant que tel, il est appelé à signer tous les actes des procès
auxquels il assiste. Les plaideu (...)
3 Titre IV art.48
4 Titre III art.9 à 13
9 Titre I, section 4, article 14; Titre II, articles 18, 24, 26, 28.
10 “La loi désirée par les propriétaires est adoptée le 4 avril 1795…
Surtout on exclut les métayers du mécanisme même de la hausse. Les
conflits sur les cheptels se terminent donc sur un échec juridique pour
les exploitants et singulièrement pour les métayers, considérés à
nouveau comme de simples dépositaires de bétail et non comme des
agents économiques ayant accès au marché.” S. ABERDAM et M-C. AL
HAMCHARI, op.cit.
11 Article 4.
12 Article 9
13 Article 5
14 Articles 1 & 2.
16 Article 6 de la section 2.
17 Après les travaux de L. BIDEAU sur le personnage (“Pierre MOLETTE,
conspirateur royaliste, 1791-1804” in Bulletin de la Société
d'Émulation du Bourbonnais, mars et juin 1804), on pourra
consulter COQUARD C., “Quand l'évènement révolutionnaire rencontre la
justice de paix”, D.E.A., 1992, Université Paris I.
22 Ce n'est qu'à partir du mois de décembre que, dans la majorité des
cas, on trouve la formulation complète dans tous les actes des deux
justices de paix. Une grande hésitation semble saisir les rédacteurs de
ces documents quant à l'emploi de l'ensemble de la formule avant le
début de 1794.
27 On trouve même un acte qui porte, dans son incipit la traduction du
nouveau calendrier : “Audience du vingt frimaire ou dix Xbre vieux
style 1793 tenue par le juge de paix…”.
35 Entre février 1794 et mai 1795, la commune est citée 34 fois : elle
est appelée “Mont sur Bellenaves” à 33 reprises. Par contre, évoquée 15
fois entre juin et septembre 1795, elle ne reçoit son appellation
“laïque” qu'en 6 occurences.
40 En tant que tel, il est appelé à signer tous les actes des procès
auxquels il assiste. Les plaideurs ne sont appelés à apposer leur
signature (quand ils savent le faire) que dans le cas des procès-
verbaux.
AUTEURS
Claude Coquard
Claude Durand-Coquard
Municipalités élues,
municipalités nommées : le
pouvoir à Vannes de 1790 à
1815
Bertrand Frélaut
p. 327-343
TEXTE ANNEXES NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1A la fin de l'ancien régime, les luttes sont vives entre les
privilégiés et le tiers-état pour prendre le contrôle des
communautés de ville : à Vannes, comme dans les autres villes
bretonnes, la bourgeoisie des négociants et des marchands est
avide de pouvoir. Les questions que l'on peut se poser touchent
au degré de changement apporté par la Révolution dans la
désignation des municipalités, leur composition, leur pouvoir
véritable. Tel est l'objet de cette étude. Comment se sont
déroulées les élections municipales ? Comment furent nommés les
maires et les conseillers municipaux ? Quels hommes participaient
au pouvoir municipal sous la Révolution et l'Empire ? Disposaient-
ils d'un véritable pouvoir local ou n'étaient-ils que de simples
exécutants du pouvoir central ? Autant d'interrogations qui
guideront notre démarche. A travers l'analyse des municipalités
qui se succèdent à Vannes de 1790 à 1815, nous découvrons une
“étude de cas” qui permet une synthèse de l'histoire du pouvoir
municipal à cette époque.
2Quatre types de municipalités se suivent pendant ces vingt-cinq
ans, non sans quelque complexité :
De janvier 1790 à octobre 1793, des municipalités de 40
personnes élues au suffrage censitaire.
Pendant la Terreur et la Convention thermidorienne, ces
équipes sont directement nommées par les représentants du
peuple.
De novembre 1795 à juillet 1800 siègent des municipalités
cantonales de 5 membres seulement, élues au suffrage
indirect.
Enfin, pendant le Consulat et l'Empire, Vannes possède des
municipalités de 30 membres nommés directement par
Napoléon Bonaparte.
I. LES MUNICIPALITÉS
CENSITAIRES DE 1790-1793
1 Jacques GODECHOT, Les institutions de la France sous la
Révolution et l'Empire, Paris, PUF, 1968,
25Floréal an V
Subsistances et finances
Police municipale
Correspondance, domaines nationaux et d'émigrés
Guerre
26Floréal an VI
Rédaction des arrêtés de la correspondance
Prisons et hôpitaux
Police, organisation des bureaux, surveillance des commis,
biens d'émigrés
Guerre et Garde nationale
ANNEXE
Tableau récapitulatif des réunions et des présences pour la période 1790-
1815.
Agrandir Original (jpeg, 649k)
NOTES
1 Jacques GODECHOT, Les institutions de la France sous la Révolution et
l'Empire, Paris, PUF, 1968,
8 En l'an II, 81 réunions, moyenne des présents : 18,2. En l'an III, 60
réunions du conseil général avec une moyenne de 20,” de présents.
11 GODECHOT, page 598.
14 idem
p. 345-361
TEXTE BIBLIOGRAPHIE AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1Assez lucide et désintéressé pour ne plus s'émouvoir désormais
des retournements, reniements et aléas de toute vie politique,
l'observateur au regard froid qui aurait considéré la ville de Rouen
en 1801, au sortir de ces douze ans de révolution et de
république, aurait pu se dire que, tous comptes faits, rien n'avait
vraiment changé. Par dessus tempêtes et tourments, chaque
chose paraissait avoir finalement repris sa place.
2Sixième ville du royaume de France en 1789 avec ses 70 à
75 000 habitants intra-muros, derrière Paris, Lyon, Marseille,
Bordeaux et Nantes, Rouen l'était encore en 1801 sous le consulat
de Bonaparte. La brève et temporaire diminution de sa population
constatée en l'an IV, n'avait pas eu de conséquences et, si l'on en
croit le premier recensement de 1801 – tenu pour sérieux – et les
dénombrements intermédiaires, Rouen rassemblait plus de
80 000 habitants en ces débuts de la République consulaire.
L'activité portuaire y était en plein marasme mais la tendance au
recul, on y avait déjà été sensible avant 1789 quand Le Havre
imposait sa concurrence victorieuse : la ruine du commerce
havrais à partir de 1793 n'avait cependant pas relancé le trafic
d'un port presque laissé à l'abandon hors les relations fluviales et
maritimes proches. Mais l'activité de banque, de négoce, de
finance, elle, avait retrouvé son dynamisme ; épaulé par une
production manufacturière solide, elle avait repris sa force après
les années d'atonie consécutives à l'abandon de la réglementation
jacobine qui l'avait encouragée. Les cotonnades portaient encore
la production la plus dynamique, et entre 1800 et 1803, on créera
16 filatures hydrauliques dans l'agglomération rouennaise ; quant
aux métiers du bâtiment, réactivés par la commande publique et
l'ambition de pierre des nouveaux riches comme des anciennes
dynasties locales, ils s'apprêtaient à connaître une belle décennie
de prospérité.
3Ville par excellence de rente et d'administration en 1789, Rouen
l'était tout autant en 1801. Le Préfet Beugnot occupe le ci-devant
hôtel de l'Intendance et réunit autour de lui les nouveaux notables
qui seront bientôt, au regard de la liste départementale qu'on met
en chantier, parmi les 600 plus imposés, ceux qui présentent le
plus de mérites et dont la notoriété honore le nouveau régime.
Dès maintenant Beugnot rassemble le gratin du négoce, de la
banque et de l'entreprise au sein de la Chambre de commerce
rénovée. Mais qui en 1789, hormis quelques aristocrates dont
plusieurs sont ralliés ou envoie de l'être, composait le gotha de la
ville de Rouen sinon ces mêmes négociants, propriétaires et gens
de pouvoir, qui venaient déjà en tête sur les listes, imprimées,
affichées, publiées, de la contribution patriotique de 1789 ?
4Autrefois la ville tirait de la grasse campagne normande, du Pays
de Caux, du Bray et du Vexin, tout ce qui était nécessaire à la
prospérité et à l'opulence de ses nantis : hommes et femmes, des
travailleurs et des domestiques; les impôts et les rentes, le
bénéfice commercial et le profit tiré de la manufacture dispersée
qui travaillait pour l'exportation, affluaient. Rouen expédiait dans
son plat pays de banlieue et de campagne, ses nourrissons, ses
commis qui donnaient des ordres et levaient taxes et impôts, ses
gendarmes qui tenaient le grand chemin et puis avec le coton en
balle et les outils, les objets qui faisaient la consommation
nouvelle des ruraux contre les traditions rurales qui se défaisaient
depuis un siècle. La ville fixait les normes culturelles de la vie des
bourgs et des hameaux et, dans son séminaire, formait aussi
prêtres et desservants des paroisses. Mais à travers cet échange
inégal Rouen, comme toutes les villes métropoles, encadrait un
vaste domaine campagnard et forestier qu'on exploitait
sereinement avec le souci d'en préserver les capacités de
reproduction.
5En va-t-il autrement en 1801 ? La manière ou le rapport des
forces seront-ils inversés ? Certes non. Quelques changements
cependant : moins de prêtres ; surtout moins de curés qui sont
pour la plupart des revenants : 43 sur 51 sont d'anciens non-
jureurs et parmi eux 17 ci-devant émigrés que le nouvel
archevêque concordataire Etienne-Hubert Cambacérès, frère du
Consul, véritable “préfet violet” reprend en mains avec
détermination. Pour le reste, on travaille comme on le faisait,
accordant cependant plus de temps à la pomme de terre qui
occupe plus de place dans le manse et dans les jardins de la cour-
masure. Quant au coton en balle ou en fil, qu'importe que son lieu
d'origine et son coût ait changé puisque le prix payé pour sa
transformation au regard du travail fourni, demeure presque
identique ; qui le contrôle ce tarif sinon les mêmes marchands-
fabricants qui de surcroît proposent aussi de travailler le lin ?
Quant aux impôts, quoiqu'ils soient différemment perçus et plutôt
plus lourds pour les moins modestes, quant aux rentes,
rassemblées sous une dénomination unique mais de volume
comparable et versées à terme échu selon le contrat, quant aux
ordres qui viennent toujours de la ville par l'intermédiaire de ceux
qui dans le bourg s'en font les relais comme les maires, qui dira
que le nouveau régime en a nettement effacé la rigueur ou allégé
la contrainte ?
6Au demeurant, la grande ville, elle-même, est toujours basée,
rive droite, au dos de la même boucle de la Seine, entre Robec et
Cailly, sur les mêmes terrasses étagées au pied des versants du
plateau cauchois, mal reliée par le même pont de bateaux
brinquebalant dans la marée, à l'industrieux faubourg Saint-Sever
qu'on projette toujours d'aménager. Vers 1800, Rouen paraît
toujours aussi sale, obscure, nauséabonde, empestée, “gothique”
pour tout dire, telle que l'ont décrite Arthur Young en 1787,
Coquebert de Montbret se rendant en Angleterre et en Irlande en
1789, Miss Williams en 1791. Toujours le même contraste entre
les beaux hôtels de l'Ouest et du Nord de la ville, entre les
espaces monumentaux plutôt mal entretenus et les dangereux
quartiers populaires de l'est. Même différence entre les actives et
populeuses rues de commerce du centre et les amas de venelles
aux entrepôts putrides, proches des quais ou occupant les
espaces bâtis intercalaires.
7Y est-on moins instruit qu'autrefois comme les pessimistes le
prétendent ? Pourtant dans les classes ouvertes à l'étage ou dans
les petites pensions qui ont remplacé écoles paroissiales ou
communales, maisons d'école et collège, des maîtres et des
maîtresses – ce sont quelquefois les mêmes que naguère,
renforcés ou remplacés par d'autres qui leur sont identiques –
accueillent des masses d'élèves. On attend l'ouverture de ce qui
sera le Lycée tandis que se survit l'École centrale. Aux
prestigieuses mais devenues peu actives sociétés académiques et
de pensée ont succédé cercles bourgeois qui réunissent les
hommes influents et associations publiques aux visées plus
utilitaristes. Beugnot a reconstitué l'Académie mais c'est à la
Société d'Émulation de la Seine-Inférieure, créée, en 1792, sur les
décombres des anciennes structures de sociabilité plus ou moins
savantes, que se retrouvent manufacturiers et techniciens,
administrateurs et savants les plus en vue. Dans les boutiques où
l'on s'arrachait, en 1789, les brochures et le seul organe de
presse, Les affiches de Normandie de Milcent, on peut acquérir
le Journal de Rouen qui en a pris la suite et que Beugnot
transforme en Journal de la Préfecture, ou bien encore
l'insipide Chronique qui se survivra jusqu'en 1810. Des livres
encore, car l'imprimerie demeure prospère, mais des brochures,
plus guère !
8Et puis les rouennaises et rouennais du populaire, de l'atelier et
de la boutique, n'ont guère changé, même vestimentairement.
L'endogamie de résidence et l'homogamie sociale paraissent
encore s'imposer comme devant, c'est-à-dire comme les a
décrites J.P. Bardet pour le XVIII siècle. Après 1793, on a profité
e
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
Sources :
– Délibérations municipales de la ville de Rouen, Arch. mun. (Bibl. m.
de Rouen), Série D, Y1 à Y11, passim et D 3/2 sur la réunion des
faubourgs à la ville.
1969.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14320/img-1.jpg
Légend Plan de Rouen avec le projet général des ouvrages pour l'amélioration du port
e et l'agrandissement de la ville par F.-L. Lamandé. 1795.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14320/img-2.jpg
AUTEUR
Claude Mazauric
Du même auteur
p. 365-376
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1Pour montrer les relations Paris/Province/Paris à travers un
réseau de notables, nous avons fait le choix du département de
l'Ardèche qui députa aux États-généraux en mars 1789 un jeune
avocat protestant, François-Antoine Boissy d'Anglas. En 1826, ce
dernier mourait pair de France après avoir effectué un parcours
politique “singulier” mais “exemplaire”. En suivant sa trajectoire
nous avons assisté à la mise en place d'un réseau de notabilités,
que nous avons pénétré. Nous avons observé son fonctionnement
pendant toute la phase de transition.
1 L. BERGERON G., CHAUSSINAND-NOGARET, Les Grands notables de
l'Empire, Éditions C N R S, Paris, 197 (...)
5Nous avons constaté en premier lieu que quinze des vingt noms
cités sur la liste de la Loge d'Annonay se retrouvaient parmi les
quarante-huit de la seconde liste. En second lieu, demeurent sur
la liste des Trente quatre noms de la liste de la Loge et cinq de
celle de 1788. Que sur la liste des Soixante, nous retrouvions six
noms figurant sur la liste de la Loge et huit noms de la liste de
1788. Que sur la liste des membres du collège électoral de
Tournon, six noms de la Loge et sept noms de la liste de 1788
étaient toujours présents. Que deux membres sur les huit
présentés au Corps législatif en 1808 étaient présents déjà en
1788 et l'un des deux figurait sur la liste de la Loge. Enfin que sur
la liste départementale, qui comprenait six-cent-quatre-vingt-
trois électeurs dont deux-cent-soixante-treize pour
l'arrondissement de Tournon, nous retrouvions dix membres de la
Loge et onze signataires de la liste de 1788. Rappelons que vingt
années s'étaient écoulées, la mort avait dû éclaircir les rangs. Mais
tout au long de ces vingt ans, nous avons constaté que l'armature
de la notabilité avait perduré. C'est en ce sens qu'il nous paraît
possible de parler du triomphe des élites bourgeoises de 1789.
6Boissy était donc personnellement lié à une importante
proportion des hommes qui exerçaient en Ardèche l'hégémonie
culturelle et politique et l'influence déterminante. Nous avons
calculé le nombre des membres de chaque liste avec qui il était en
relation étroite depuis 1788 :
liste des Trente : 9 = le tiers
liste des Soixante : 20 = le tiers
liste du collège électoral de Tournon : 15 = plus de la moitié
liste des membres présentés au Corps législatif = plus des
deux tiers
6 Le lecteur peut en prendre connaissance à la fin de cette
communication.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14322/img-1.jpg
Légend
Carte n° 2 : Correspondance reçue entre prairial au III et fructidor au V.
e
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14322/img-2.jpg
Légend
Carte n° 3 : Correspondance reçue entre 1816 et 1826
e
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14322/img-3.jpg
AUTEUR
Christine Le Bozec
Du même auteur
p. 377-391
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1 G. LEWIS, The second Vendée. The continuity of counter-revolution in
the departement of the Gard ( (...)
I. PRÉALABLES
MÉTHODOLOGIQUES
2 La Lozère apparaît, au regard de dépouillements moins systématiques
conduits aux Archives National (...)
1 - ESSAI DE CARTOGRAPHIE
10L'hostilité active se concentre au nord des gorges du Tarn, qui
marquent aussi la frontière entre la communauté protestante
concentrée dans les Cévennes, et la majorité catholique. Zone de
contact, les gorges du Tarn abritent les villages les plus
farouchement attachés à la “religion de leurs pères”, et fourniront
cinquante-deux martyrs à la guillotine. En mai 1793, répondant à
l'appel à l'insurrection lancé par Marc-Antoine Charrier, ancien
député aux États Généraux et désormais à la tête de la Contre-
Révolution dans les montagnes du Midi, les habitants de La
Malène et de Laval-du-Tarn traversent le Causse de Sauveterre
pour rejoindre l'Armée Chrétienne du Midi qu'il a mise sur pied.
L'administration départementale, chassée de Mende, est réfugiée
à Florac, capitale de la Lozère protestante ; elle dépêche un
bataillon pour aller arrêter les paysans révoltés ; le bataillon est
majoritairement constitué de protestants. Trompés par un
subterfuge, cinquante-deux paysans sont arrêtés et conduits à
Florac, où la plupart périront le 11 juin, jour de foire, après la
condamnation sans appel de l'accusateur public, Dalzan, lui aussi
protestant.
6 Voir l'ouvrage de l'abbé J. B. DELON, La Révolution en Lozère, Mende,
1922 ; ainsi que P. CABANEL,(...)
véritable maître du pays : ce sont les prêtres qui font les élections,
choisissent le candidat, indiquent aux fidèles, au cours du prône,
comment voter ! Si une solide chrétienté s'érige sur les cendres de
la décennie révolutionnaire en Lozère, la démocratisation
progressive de la vie politique alimente le cléricalisme jusqu'au
lendemain de la seconde guerre mondiale.
29La Révolution ne bouleverse pas seulement un “ordre” paysan
par ses réformes, elle correspond à une brutale invasion de l'État
dans des communautés paysannes rétives à toute forme d'autorité
extérieure. Les conditions locales, tout comme dans les vallées
pyrénéennes, ont favorisé une autonomie et un particularisme que
la monarchie, même absolue, n'avait pu effacer. Ailleurs, les
prétentions centralisatrices d'une révolution qui veut moderniser
l'État ont pu s'inscrire dans une évolution de longue durée. Pas ici.
Tout comme le code forestier de 1827 déchaînera la révolte des
communautés pyrénéennes et la guerre des Demoiselles, la
Révolution se heurte à une farouche résistance dans ces hautes
terres du “Sud profond”.
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NOTES
1 G. LEWIS, The second Vendée. The continuity of counter-revolution in
the departement of the Gard (1789-1815), Oxford, 1978.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14324/img-1.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14324/img-2.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14324/img-3.jpg
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URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14324/img-6.jpg
AUTEUR
Valérie Sottocasa
Du même auteur
Les brigands, Presses universitaires de Rennes, 2013
Mémoires affrontées, Presses universitaires de Rennes, 2004
Révolution et religion dans le sud du Massif central : sensibilités populaires en terre de
frontière religieuse in Clergés, communautés et famille des montagnes d’Europe , Éditions de la
Sorbonne, 2005
Débat
p. 393-396
TEXTE
TEXTE INTÉGRAL
Jeudi après-midi
1Cl. PETITFRÈRE demande aux deux intervenants si, en dépassant le
seul cadre des deux cantons étudiés, on peut esquisser une
typologie de l'origine socio-professionelle des juges de paix ?
Cl. COQUARD précise que les deux dossiers exposés étaient les
plus complets et que l'un des deux juges est bien l'ancien bailli
seigneurial qui est aussi notaire. Il a succédé à un vicaire, élu en
90, mais qui n'est resté que quelques mois. Il est élu en 91, mais
le p. v. fait état de 8 voix en sus des présents et il y a donc
contestation, ce qui ne l'empêche pas d'exercer. Il est réélu sans
problème et son gendre lui succède en 93, mais ce gendre est
jugé trop avancé et on le remplace après thermidor. Le nouveau,
un dénommé Jouhandeau a été assesseur depuis 1790. L'autre
juge était un gros propriétaire foncier, sans formation juridique
particulière. Il apparaît comme un personnage très modéré
constamment reconduit, sans élection véritable.
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 Circulaire envoyée aux districts publiée par Pierre CARON, (éd.)
dans Le commerce des céréales. In (...)
21 Cf., Arch. nat. F20 295 pour la circulaire de rappel et F20 296
pour le dossier Maine-et-Loire.
21On l'a vu, cent quarante-deux districts ont envoyé des états par
communes. Cent vingt-six ne laissent en rien supposer que leur
liste pourrait n'être pas exhaustive mais seize déclarent que la
leur est incomplète, le district de Bernay, dans l'Eure, dénonçant
même nommément ses neuf municipalités défaillantes sur cent
soixante-douze “comme rebelles à la loy”23. Ces lacunes
annoncées d'emblée ne sont cependant pas toutes de même
ampleur et, dans quatre districts, elles ne représentent que 10 %
du total des communes. De sorte qu'en ajoutant ces derniers aux
cent vingt-six affirmant ou laissant entendre que leur état est
complet, on arrive à un corpus de cent trente districts répondant,
selon eux, au moins pour 90 % de leurs communes.
22Le district dans ses limites de l'an II servant de cadre territorial,
on peut en confronter les réponses avec d'autres enquêtes
chronologiquement proches sur les moulins. Avec certes une
marge d'approximation car les limites des communes ont parfois
varié et il n'est pas toujours aisé de déceler les moulins recensés
de ce fait successivement dans deux communes différentes. En
outre, les réponses sont souvent des tableaux, documents dont la
mise au net est propice aux erreurs de copie.
23L'enquête de l'an II étant une enquête nationale, on se tournera
d'abord vers l'enquête déjà mentionnée qui a été lancée en 1808
sur la totalité du territoire de l'empire. Mais son exploitation se
heurte à deux difficultés. La première est qu'une partie seulement
des préfets a fourni des états par communes. Il est vrai qu'on les
avait invités à détailler leurs réponses par “arrondissemens
communaux” et que ceux qui s'en étaient tenus aux
arrondissements entendus comme subdivision du département
s'étaient conformés à la lettre des instructions du ministre. La
seconde difficulté est qu'ils devaient dénombrer non pas les
moulins mais les “tournants” c'est-à-dire les ensembles
travaillants des moulins, roues ou jeux d'ailes et paires de meules
correspondantes. Or, les moulins à eau avec deux tournants
étaient fréquents, il y en avait aussi à trois et parfois plus. Les
préfets n'ont pas tous répondu de la même manière : les uns ont
compté les tournants, d'autres les moulins, d'autres encore les
moulins et les tournants et certains n'ont visiblement pas su faire
la distinction entre les deux. Mais, comme il n'est pas de tournant
sans moulin, toute commune déclarée avec un tournant est
supposée avoir un moulin.
24 Ainsi, dans le district de Lons-le-Saulnier (Jura), un tiers des
communes ayant au moins un moulin (...)
15 Arch. nat., F20 291, Finistère, district de Morlaix, extrait d'une lettre
des administrateurs du district du 3 ventôse an II (21 février 1794) fait
par les bureaux de la Commission des subsistances et
approvisionnements de la République.
21 Cf., Arch. nat. F20 295 pour la circulaire de rappel et F20 296 pour
le dossier Maine-et-Loire.
26 Arch. nat. F20 294 : Aisne, Eure, Loiret, Oise, Seine, Seine-et-Marne
et Seine-et-Oise. Le modèle d'"État des moulins actuellement en
activité” comportait les rubriques suivantes : “Noms des communes.
Noms des meuniers. Dénomination particulière des moulins. Nature
des moulins à eau, [à] vent. Quantité de farine qu'ils peuvent moudre
par jour. Par qui employés le plus ordinairement. Observations. ”
30 Cf., pour l'an II, F20 291 dossier Eure, pour l'an X, F20 294 dossier
Eure et, pour l'enquête de 1808, F20 295, dossier Eure, “État des
moulins à farine […]” du département, daté du 30 janvier 1809.
33 Cinq communes sur les sept connues dans le district de Bernay pour
avoir plus de moulins en 1809 qu'en l'an II (mais neuf municipalités
n'avaient pas répondu en l'an II), six communes sur huit dans le district
de Pont-Audemer.
34 1) Creuse, district d'Aubusson : 6 communes sans moulin selon la
réponse de 1810 en avaient entre 3 et 5 en l'an II ; il est douteux que
toutes ces communes aient perdu tous leurs moulins entre temps ; de
ce défaut de la réponse de 1810 résulte que doit être considérée
comme incertaine la situation de 4 communes apparaissant sans
moulin en l'an II et en 1810.
2) Pas-de-Calais, district de Saint-Pol : pour 9 des communes
manquantes en l'an II, on ne dispose pas non plus des réponses à
l'enquête de 1790.
35 La distribution des taux d'incertitude est donnée ci-après par ordre
croissant. On a mis entre crochets la date de l'enquête qui a servi de
point de comparaison avec celle de l'an II, lorsque ce n'est pas celle du
31 décembre 1808. : Bouches-du-Rhône, Salon ; Creuse, Evaux ; Eure,
Pont-Audemer ; Haute-Marne, Joinville ; Nord, Lille ; Oise, Crépy [an
X] ; Pas-de-Calais, Boulogne et Calais [1790] ; Seine-et-Oise, La-
Montagne-du-Bon-Air (Saint-Germain-en-Laye) [an X] : taux de 0 % -
Eure, Bernay : 1,2 %. - Oise, Compiègne [an X] : 1,5 %. - Creuse,
Bourganeuf : 2 %. - Finistère, Ville-sur-Aône (Châteaulin) : 3,3 %. -
Doubs, Quingey : 3,7 %. - Aube, Ervy : 4 %. - Seine-et-Marne, Meaux
[an X] : 4,2 %. - Nièvre, Moulins-la-République (Moulins-Engilbert) :
5,4 %. - Bas-Rhin, Barr (ex-district de Benfeld) : 6 %. - Vienne,
Lusignan : 6,6 %. - Loiret, Orléans [an X] : 6,8 %. - Haute-Marne, Saint-
Dizier : 8 %. - Jura, Dole ; Nièvre, Corbigny : 8,5 %. - Pas-de-Calais,
Saint-Pol [1790] : 8,6 %. - Aube, Arcis : 8,8 %. - Creuse, Aubusson :
9,2 %. - Seine-et-Oise, Dourdan [an X] : 9,6 %. - Seine-et-Oise, Mantes
[an X] : 10,3 %. - Doubs, Ornans : 12,8 %. - Ain, Montluel et Pont-de-
Vaux ; Paris, Franciade (Saint-Denis) [an X] : 13,5 %. - Oise, Senlis [an
X] : 16,6 %. - Creuse, La Souterraine : 17,1 %. - Ain, Mont-Ferme
(Saint-Rambert) : 21,9 %. - Orne, L'Aigle : 22,2 %. - Hautes-Pyrénées,
Argelès : 25,4 %. - Landes, Mont-de-Marsan : 27,4 %. -Aisne, Égalité-
sur-Marne (Château-Thierry) [an X] : 29,1 %. - Paris, Bourg-de-l'Égalité
(Bourg-la-Reine) [an X] : 36,6 %. - Oise, Breteuil [an X] : 39,4 %. -
Landes, Saint-Sever : 52,6 %.
36 Éditions La Découverte, Paris 1993. Voir en particulier le chapitre 8,
“Battre les cartes” p. 297-344.
AUTEUR
Claude Gindin
Élections et comportement
électoral sous le Directoire,
1795-1799
Malcom Crook
p. 415-428
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1On commence par cette longue citation car elle incarne
parfaitement le verdict de la plupart des historiens sur les
élections de la période directoriale. En m'appuyant sur mes
propres recherches dans une vingtaine de départements, aussi
bien que sur des monographies locales, je vais démontrer
l'importance inattendue de l'expérience électorale de cette
époque.
2Malgré le progrès des travaux sur l'histoire électorale des
premières années de la Révolution, celle du Directoire reste
toujours relativement méconnue en même temps que méprisée.
On a besoin de plus d'études sur les élections directoriales mais,
pour vraiment les comprendre, il faut également les réinsérer
dans le contexte plus large de la décennie révolutionnaire. En ce
qui concerne le niveau de participation, souvent jugé “dérisoire” à
la fin des années 1790, une comparaison avec les taux faibles
enregistrés en 1791 et 1792 est tout à fait révélatrice. Quant à la
pratique électorale des années 1790 finissantes, on découvre un
fort processus de politisation, accompagné des innovations
comme les candidatures déclarées jusqu'alors refusées.
L'ouverture de la compétition électorale ne dure pas longtemps,
mais l'immixtion croissante du pouvoir exécutif dans les élections
constitue encore une nouveauté, qui souligne son absence
étonnante dans la période antérieure. A emprunter les mots
suggestifs à Patrice Gueniffey, spécialiste des élections sous la
monarchie constitutionnelle :
2 P. GUENIFFEY, Le nombre et la raison. La Révolution française et
les élections (Paris, 1993), p. 5 (...)
“La vie politique sous le Directoire peut sembler prosaïque ou, si l'on
veut, médiocre : elle représente pourtant les premiers pas de
l'apprentissage de la démocratie (au sens moderne)” 2.
I
3Les élections législatives du Directoire, qui nous intéressent ici
pour la plupart, restent indirectes. Comme par le passé, la grande
masse des citoyens (quelques cinq millions d'hommes adultes
payant un impôt direct quelconque) ne peut participer qu'au stade
primaire. A partir de l'an V (1797), ils sont invités à s'assembler au
chef-lieu de canton, le premier germinal (la fin de mars), afin
d'élire leurs électeurs de deuxième degré à raison d'un électeur
pour 200 citoyens. Le 20 germinal (avril), s'ouvrent les
assemblées secondaires ou départementales où s'élisent le
personnel départemental et députés nationaux, achevant ainsi le
processus électoral à deux “étages”.
4Retrouver le niveau de participation au stade primaire ou
cantonal, qui nous concerne principalement, n'est pas du tout
facile car, tout le long de la Révolution, on se sert des assemblées
comme mécanisme électoral. Dans ces réunions on choisit une
série de personnel, commençant par un président, secrétaire et
scrutateurs d'assemblée, à travers de multiples scrutins à la
recherche des majorités absolues. Pour ma part je vais privilégier
le premier tour de scrutin pour les électeurs de deuxième degré,
mais il me faut avouer que tous les historiens ne sont pas
d'accord sur l'importance à lui accorder. Le vote initial pour
former le bureau d'assemblée est souvent plus significatif parce
qu'il dévoile les rapports de force entre les factions ou partis en
présence. Toutefois, les procès-verbaux d'élection, quand ils ne
font pas défaut, enregistrent plus fréquemment les scrutins pour
les électeurs que pour la composition du bureau de ces
assemblées électorales.
3 PFISTER, Les assemblées électorales dans le département de la
Meurthe, le district, les cantons et (...)
9Ce niveau plus élevé d'intérêt est répété aux élections primaires
et municipales suivantes, des années V et VI (1797 et 1798). En
l'an V les taux de participation sont, en général, plus forts dans
les départements “royalistes”, où l'on fait de grands efforts afin de
mobiliser “les honnêtes gens”. Le niveau d'assistance est même
plus élevé dans la Haute-Garonne, où royalistes et républicains
s'affrontent sur un pied d'égalité6. En l'an VI (1798), par contre,
l'affluence est plutôt marquée dans les départements
“républicains” : dans les Basses-Alpes et l'Aude, ou dans la
Meurthe et la Meuse on assiste deux fois plus nombreux que
l'année précédente, tandis que les citoyens de l'Orne et la Sarthe
boudent les urnes7. Cette fois-ci, on observe une forte
mobilisation de jacobins, organisés en clubs ou cercles
constitutionnels8. Cependant, comme en l'an V, les députés élus
aux Conseils législatifs en l'an VI sont frappés d'exclusion par le
Directoire exécutif, menacé de leur opposition. Cette méfiance
gouvernementale vis-à-vis du verdict des assemblées électorales
explique sans doute les scores lamentables un peu partout dans
les primaires de l'an VII (1799).
Agrandir Original (jpeg, 827k)
II
12 G. FOURNIER, “Les incidents électoraux dans la Haute-Garonne,
l'Aude, l'Hérault, pendant la Révolu (...)
Sources :
(a) Grandes villes :
AM Bordeaux K5-11, Procès-verbaux d'élection, ans IV-VII (1796-99) ;
AM Brest 1 K7-19 ; AD Marne Supplément Ε 5875-6 ; AM Marseille K3
9-11 ; AM Toulon L586-8 ; AM Toulouse 1 K13-16 ; Derobert-
Ratel, Institutions et vie municipale à Aix-en-Provence, p. 605 ; C.
Aimond, Histoire de Bar-le-Duc (ré-éd., Bar-le-Duc, 1982) ; et
Clémendot, Le département de la Meurthe.
(b) Petites villes/villages :
AD Côte-d'Or L275-8, procès-verbaux d'élection, ans IV-VII (1795-
99) ; AD Haute-Garonne L 249-56 ; AD Alpes-Maritimes, Vence III Kl ;
et Clémendot, Le département de la Meurthe.
16En l'an VII, la campagne électorale est plus muette, à la suite des
efforts directoriaux pour disperser clubs et associations de tous
côtés. Mais les traces de l'organisation partisane des élections
persistent : on visite, on arrose de vin, on offre des dîners et on
fait circuler des listes19. Cette politisation naissante trouve et un
appui et un reflet dans la presse provinciale de l'époque. Avant les
élections à la Convention en 1792, on est étonné de trouver si peu
d'avis spécifiques en ce qui concerne les citoyens à élire à la
législature. Il faut bien sûr choisir des hommes patriotes et
probes, mais les journalistes n'osent pas aller au delà de ces
exhortations générales. Encore une fois, cette réticence
commence à s'atténuer sous le Directoire. Dans les journaux de
Toulouse, tels L'anti-terroriste, on retrouve un commentaire
engagé qui discute ouvertement les mérites des individus à élire
ou à omettre20.
21 Archives départementales des Bouches-du-Rhône L271-2,
Procès-verbaux d'élection, an V-VI (1797-179 (...)
18En général, quand on sait que le jeu est fait et le scrutin perdu
d'avance, on s'absente complètement des assemblées
électorales23. Par contre, dans le cas où le résultat n'est pas aussi
clair, tout le monde assiste au début de la séance. Puis, dès que
l'élection du bureau d'assemblée indique une nette majorité pour
un des partis en place, la faction minoritaire quitte la salle pour se
réunir ailleurs en assemblée scissionnaire. On laisse ainsi le choix
des électeurs de deuxième degré entre les mains des assemblées
départementales, qui se scindent souvent à leur tour après la
vérification d'une députation ou l'autre 24. Ces scissions ne sont
pas inconnues aux premières années de la Révolution mais, sous
le Directoire, on en assiste à leur prolifération spectaculaire qui
reflète l'intense concurrence, sinon le pluralisme politique de cette
époque25.
III
19L'institution des candidatures en l'an V semble annoncer
l'arrivée d'une culture politique qui engloberait la compétition et
la division dans la vie électorale. La classe politique, pourtant,
refuse de laisser développer une telle innovation qui menace
l'existence de la République, ou plutôt sa propre emprise
administrative. Identifiant son avenir avec celui de la Révolution
elle-même, et voulant se perpétuer au pouvoir, les directoriaux
interviennent de plus en plus dans les affaires des assemblées
électorales. En revanche, c'est l'absence de cette intervention
pendant les premières années de la Révolution qui doit nous
étonner. Un gouvernement faible ne disposait pas d'agents locaux
pour préparer ou diriger les élections de cette époque. Le vrai
tournant se situe encore une fois en l'an V avec la mise en place, à
côté des administrations centrales et cantonales, des
commissaires du Directoire qui présentent des possibilités
interventionnistes bientôt exploitées.
26 M. JUSSELIN, L'administration du département d'Eure-et-Loire
pendant la Révolution (Chartres, 1935 (...)
28 Ibid., p. 281.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14330/img-1.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14330/img-2.jpg
AUTEUR
Malcom Crook
Du même auteur
La Révolution française : l’âge d’or des élections in La révolution française au carrefour des
recherches, Presses universitaires de Provence, 2003
Pouvoir central, pouvoir
local et population : le
Roussillon sous le Directoire
Kåre TØnnesson
p. 429-442
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 D. WORONOFF, La République bourgeoise de Thermidor à Brumaire
1794-1799, Paris, 1972, p. 53-55.
●
5On sait que la constitution de 1795 priva les communes au-
dessous de 5 000 habitants de leur municipalité, qui fut
transposée au niveau du canton ; les districts furent abolis. Dans
chacune des communes une assemblée communale nomma un
agent et un adjoint pour former l'administration municipale de
canton, dont le président sera nommé par l'assemblée primaire du
canton. Les assemblées primaires choisissent de même les juges
de paix et les hommes qui, réunis en assemblée électorale,
nommeront les cinq membres de l'administration départementale
ou centrale (ainsi que les députés du département au Corps
législatif). Le principe appliqué dans la Constitution directoriale
du renouvellement partiel par élections annuelles fut appliqué
aussi aux administrations centrales et municipales.
6Il importe de souligner qu'il ne s'agit pas ici d'un système
d'autonomie locale, les élus n'étant pas censés exprimer ou
exécuter la volonté de leurs concitoyens, mais leur imposer celle
du gouvernement. Pour s'assurer que ce sera fait, le Directoire
nomme près de chaque administration et tribunal un
commissaire, qui ne doit pas administrer mais surveiller les
administrateurs, requérir l'exécution de la loi et des ordres
supérieurs, et rapporter régulièrement – les commissaires
municipaux au commissaire central et celui-ci au Directoire.
7L'établissement, au début de l'an IV, de la nouvelle
administration et du corps des 10 000 commissaires ne put
manquer de rencontrer beaucoup de difficultés dans tous les
départements. Dans les Pyrénées-Orientales la mise en marche de
l'administration centrale ne posa pas de problème. Les cinq
administrateurs nommés par l'assemblée électorale se réunirent
dès le 8 brumaire, et nommèrent commissaire central le citoyen
Vaquer, un avoué de Perpignan, membre du directoire du
département en l'an III ; leur choix fut confirmé par le Directoire.
3 AN AFIII 300 L'administration centrale au Ministre de l'intérieur,
9.pIuv.VI. Un état nominatif av (...)
15 Op.cit., p. 156.
25 ADY L 987.
AUTEUR
Kåre TØnnesson
Du même auteur
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 Les cartes générales de la France Directoriale reflètent ces
incertitudes ; Lynn HUNT (“The politi (...)
LE CADRE ADMINISTRATIF,
POLITIQUE, ÉCONOMIQUE
5 Pour les chiffres de population, nous prenons comme référence le
recensement de l'an VIII, car il (...)
(Juillet 1798).
CLASSE POLITIQUE ET
SOCIÉTÉ CIVILE COMMENT
INTERPRÉTER LES LUTTES
LOCALES ?
35 Voir notamment, de Paul MONTARLOT, “Les députés de Saône-et-
Loire aux assemblées de la Révolution (...)
41 id., 3L3.
31L'un des principaux signataires de ce texte est Lazare Garchery,
ex-constituant, correspondant officieux du ministre de l'Intérieur
François de Neufchateau. Grand propriétaire résidant sur le
canton de Dettey, limitrophe tant du canton de Montcenis que du
canton de Toulon, il s'est heurté à l'hostilité de Félix Finance dans
les circonstances suivantes. Ayant sollicité des troupes auprès de
l'administration centrale pour poursuivre des brigands qui
auraient désolé les territoires des cantons de Dettey, Toulon-sur-
Arroux, Issy-l'évêque, et Gueugnon, Garchery se voit rétorquer
par Finance que cette demande de réquisition est tout à fait
abusive ; la force publique est détournée de ses missions d'intérêt
général pour servir à la défense des intérêts privés de quelques
grands propriétaires. Il n'y a pas de brigandage sur le territoire de
ces cantons ; les notables veulent simplement que leurs
propriétés soient gardées41.
42 AN, F1 cIII (Saône-et-Loire, 8).
CONCLUSION
47 AN, FlbII (Saône-et-Loire, 27) Pétition du 9 pluviôse an 8
(Janvier 1800) : 25 signataires.
néo-jacobins”, p. 495-558.
(Juillet 1798).
41 id., 3L3.
AUTEUR
Bernard Gainot
Du même auteur
La plume et le sabre, Éditions de la Sorbonne, 2002
p. 463-470
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1En 1837, une loi définissant pour la première fois les attributions
des municipalités, les limite à “l'intérêt local”, leur refusant toute
prétention politique. “Le conseil municipal peut exprimer son vœu
sur tous les objets d'intérêt local. Il ne peut faire ni publier
aucune protestation, proclamation ou adresse ”, stipule l'article 24
du texte législatif. Depuis 1789, le fait et le droit s'entrechoquent
pour en arriver à cette exclusion.
1 Paul BASTID, Sieyès et sa pensée, Genève, Slatkine, 1939, reprints
1978, p. 90.
1830-1848 : LE COMPROMIS
LIBÉRAL : UNE
REPRÉSENTATION SANS
POUVOIR
5 Ch.-H. POUTHAS, Guizot pendant la Restauration, Paris, Plon Nourrit.
1923.
AUTEUR
Jocelyne George
Du même auteur
TEXTE NOTES AUTEURILLUSTRATIONS
TEXTE INTÉGRAL
1 Victor HUGO, Choses vues, 30juillet 1848, Édition Gallimard-Folio,
1972, p. 351.
4Pour mener à bien cette étude, nous avons choisi les communes
rurales de l'arrondissement du Havre, c'est à dire l'ouest du Pays
de Caux. Le nombre de communes y est importante : plus de 110.
Pays de grandes cultures, d'habitat éclaté en clos-masures isolés
par leur rideau d'arbres, à la structure sociale inégalitaire 9. le Pays
de Caux semble à première vue le lieu de tous les conservatismes.
On y chercherait en vain trace de cette “République des Jacques”,
apparue ici et là durant la Seconde République. André Siegfried
analysera plus tard avec brio, cette attitude d'acceptation des
régimes successifs, au nom de la primauté des intérêts
électoraux, et dressera un portrait du paysan cauchois indifférent
aux débats politiques et méfiant à l'égard de toutes les
idéologies10. L'occasion est toute trouvée de chercher à vérifier et
comprendre cette impression d'immobilisme à la lumière de
l'année 1848 et, plus particulièrement, de la vie des municipalités.
Celles-ci sont-elles restées spectatrices des événements
nationaux ou ont-elles connu aussi, à leur échelle, une
révolution ?
LES DÉBUTS DE LA
RÉPUBLIQUE AU VILLAGE
11 Jean LEGOY, Le Peuple du Havre et son histoire. Du négoce à
l'industrie, 1800-1914. La vie politiq (...)
12 DSM, 3 M 581.
35 Ainsi, pour le Morvan, Marcel Vigreux note lors des élections “la
rentrée en scène et même l'offen (...)
19Quant aux adjoints, on retrouve l'écart avec les maires déjà noté
pour les professions : le pourcentage des revenus inférieurs à
1 000 francs est déjà nettement plus fort (27,5 %). Ici, ce sont plus
des trois quarts, dont le revenu est inférieur à 2 000 francs.
Chargé d'aider le maire, de le suppléer si besoin, l'adjoint n'a pas
besoin d'être placé par sa fortune à la tête de la communauté
villageoise.
37 M. AGULHON et alii, op. cit., p.70.
L'ABSENCE DE
CHANGEMENTS
38 Cf. note 10.
22Une fois ces maires décrits, revenons à la Question de départ :
l'adoption du suffrage universel a-t-elle fait émerger une nouvelle
génération d'édiles locaux ou a-t-on affaire aux mêmes que sous
la Monarchie bourgeoise ? Les chiffres sont sans appel : 76, soit
66,6 % des maires étaient déjà là avant février. La faiblesse du
renouvellement ne fait pas de doute. Ce sont les maires choisis
par le pouvoir en place avant la Révolution, que les conseillers se
sont empressés de conforter dans leur position. Pour les adjoints,
le changement est un peu plus important : 44 % sont nouveaux à
ce poste. On peut y voir le signe d'une plus grande indépendance
vis à vis des maires. Avant février, ils étaient nommés, en général,
avec l'accord ou selon le choix de ces derniers. Dorénavant, le
conseil peut imposer qui il veut au maire, d'où peut-être ce plus
fort taux de renouvellement. Pour les maires, le plus étonnant
dans cet immobilisme, est la reconduction, dans le même temps,
d'un fort pourcentage de ceux qui avaient été nommés après
février : sur vingt-huit nouveaux maires, treize ont été élus, soit
46 %. Il faudrait, de plus, tenir compte des deux maires
provisoires élus adjoints. C'est donc plus de la moitié des
nominations faites par Deschamps, qui ont trouvé grâce auprès
des électeurs. André Siegfried faisait de l'acceptation du pouvoir
en place un trait de la mentalité cauchoise 38, ce que semble
confirmer ce parti pris de voter pour les maires nommés par les
régimes successifs. Les élections de 1848 sont loin d'avoir permis
l'émergence d'hommes neufs : ils sont à peine un sur cinq.
39 A. SIEGFRIED, op. cit., p. 241. Son père, Jules Siegfried, candidat
républicain, avait échoué face (...)
43 ADSM, 6 M 89.
26Là aussi, l'étude cas par cas des communes permet de retrouver
la trace de ces luttes d'influence, opposant plusieurs clans et se
focalisant sur les questions de gestion communale. Prenons
l'exemple de Sausseuzemare, près de Goderville : une dénommée
Catherine Brindel y est en septembre 1848 poursuivie par le maire
devant le tribunal correctionnel pour injures et diffamation à la
sortie de la messe. Elle l'aurait traité de “voleur” et de “scélérat”,
ainsi que l'ensemble du conseil municipal 45. Le peu
d'empressement du juge de paix de Goderville, dans un premier
temps, à donner suite à cette plainte jette un éclairage sur les
conflits du village. Ce magistrat, dans une lettre au procureur,
excuse la conduite de l'accusée, estimant que les élections ont été
probablement irrégulières. Celle-ci et une partie du village
reprochent au maire de s'enrichir avec les fonds destinés à
l'entretien des chemins. L'affaire se finira par une amende de
seize francs, prononcée en correctionnelle46.
47 A.N., F 1c III Seine-Inférieure 6, Rapports préfectoraux,
Élections de 1831 à 1877.
inexistant ?
COMMUNES ET CONFLIT
RELIGIEUX
50 Nous avons dépouillé essentiellement deux titres, le Progressif
cauchois (cf. note 19) et le Journ (...)
12 DSM, 3 M 581.
départementales.
31 Maurice AGULHON, Louis GIRARD, Jean-Louis ROBERT, William SERMAN
et collaborateurs, Les Maires en France du Consulat à nos jours, Paris,
Publications de la Sorbonne, 1986, p.78 et 97.
35 Ainsi, pour le Morvan, Marcel Vigreux note lors des élections “la
rentrée en scène et même l'offensive des châtelains légitimistes de la
grande noblesse propriétaire”. Cf. Marcel Vigreux, Paysans et notables
du Morvan au XIX siècle, Clamecy, 1987, p. 269.
e
41 ADSM, 3 M 1339.
43 ADSM, 6 M 89.
48 WEBER, La fin des terroirs, op. cit. Notons que Weber n'a pas
généralisé sa thèse d'une politisation tardive à l'ensemble du territoire
français, mais l'a présentée pour les régions restées les plus reculées, à
l'opposé donc d'un Pays de Caux largement ouvert sur l'extérieur. Du
même, voir aussi dans l'ouvrage Ma France (op. cit.), le chapitre 7 “La
Deuxième République, la politique et le paysan” et le chapitre 8
“Comment la politique vint aux paysans”, où il nuance sa position.
L'approche ethnologique, qui met en avant ces conflits entre clans, est
celle qui conduit à situer le plus tard la politisation. Cf.
Pierre VALLIN, Paysans rouges du Limousin. Mentalité et comportement
politique à Compreignac et dans le nord de la Haute-Vienne, 1870-
1914, Paris, L'Harmattan, 1985.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14337/img-1.jpg
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/14337/img-2.jpg
AUTEUR
Pierre Ardaillou
Agrégé d'histoire
Du même auteur
Les Républicains du Havre au XIX siècle (1815-1889), Presses universitaires de Rouen et
e
du Havre, 1999
Chapitre 1. Quels républicains ? in Les Républicains du Havre au XIX siècle (1815-1889),
e
1999
Pouvoir local et Révolution
dans l'Italie jacobine et
napoléonienne
Anna-Maria Rao
p. 497-507
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1Les études récentes sur l'Italie jacobine et napoléonienne ont
décidément privilégié une approche de longue durée, laissant
plutôt de côté le thème, qui avait passionné l'historiographie des
années 1950 sur la période, du “jacobinisme” italien, abordé dans
le temps court du “triennio” 1796-1799. Dans cette approche de
longue durée, qui considère globalement la période des années
1780 aux premières décennies du XIX , c'est incontestablement le
e
18Mais les royalistes ne furent pas les seuls à recourir à leurs liens
de famille et à leurs clientèles, les intégrant au service de l'État.
Un mémoire très intéressant sur le plan des mentalités et des
pratiques fut envoyé le 12 avril 1806 à Napoléon par un des
“jacobins” napolitains réfugiés à Paris depuis 1799, Michele
Carnevale, originaire de la Calabre Ultérieure, qui soumettait à
l'empereur un plan de répression de la criminalité et du
brigandage dans cette province, entièrement fondé sur le réseau
de ses “connaissances”, sans besoin de soldats, mais tout
simplement par l'aide des amis qu'il avait dans son lieu de
naissance : “soixante familles dans les différents villages, avec qui
j'ai des liens de parentèle, soutendront mon entreprise, qui
connaissent tous les endroits les plus cachés, et tous les fripons
qui dérangent”21. Parentèle et connaissance étaient donc des
moyens plus efficaces de contrôle que le pouvoir de l'État. Mais ce
fut justement à la force militaire que l'État napoléonien eut
recours contre le brigandage en Calabre et ailleurs dans le
Royaume de Naples : ce qui ne fit que rendre endémique le
phénomène.
22 J. DAVIS, “La fin du Royaume de Murat à Naples (1814-1815)”, in La
fin de l'Europe napoléonienne. (...)
11 Ivi, p. 70.
AUTEUR
Anna-Maria Rao
Dipartimento di Discipline Storiche, Università di Napoli-Federico II
Du même auteur
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 Ce travail a été possible grâce à l'aide financière de la Fundació
Jaume Bofill et de la C.I.R.I.T (...)
PRÉMISSES ET HYPOTHÈSES
DES RECHERCHES2
1. Les collectivités locales ne sont pas des unités sociales
homogènes et harmoniques : on constate toujours à l'intérieur
de la collectivité une distribution inégale des ressources et des
rapports de pouvoir.
2. Mais cela n'implique pas qu'à l'intérieur de la collectivité le
pouvoir soit monopolisé par une unique instance : dans
chaque collectivité il n'y a pas un unique pouvoir local mais
différents pouvoirs locaux (de nature sociale, économique,
idéologique, politique).
3. Le pouvoir politique n'est pas une simple émanation, plus ou
moins indirecte, du pouvoir économique ou la simple
condensation de la relation que les plusieurs classes sociales
peuvent entretenir entre elles.
4. Mais cela ne doit pas s'interpréter dans le sens de postuler que
le monde politique est absolument indépendant du milieu
socio-économique et qu'il est vidé d'un quelconque contenu
social. En définitive, le pouvoir politique c'est une sphère
relativement autonome des processus économiques.
5. La “structure du pouvoir local” et la “politique locale”
constituent un champ social spécifique. Dans la période
étudiée, par exemple, les collectivités jouissent d'un certain
degré d'autonomie, d'une capacité de décision dans nombre
de domaines (démographique, social, économique, culturel et
politique). D'autre part, l'appareil politique local n'est pas un
simple rouage de l'État, il n'est jamais une image réduite,
miniaturisée de la politique nationale.
6. Mais, on l'a déjà dit, l'autonomie dont jouit la collectivité est
toujours relative, de façon qu'aucune collectivité ne peut être
analysée en marge de la société englobante et, concrètement,
l'étude de la structure du pouvoir local ne peut pas faire
abstraction des instances politiques situées hors de la
collectivité et qui ont une influence sur celle-ci. On peut
parfaitement se rendre compte de l'importance de cette
problématique : la consolidation de l'État libéral implique,
entre bien d'autres choses, la progressive intégration des élites
de pouvoir local et régional dans une structure nationale.
7. Mais, la sphère politique locale constituant un camp social
spécifique jaloux de son autonomie et, comme l'État – dans la
période étudiée – tente de centraliser ou d'élargir de façon
constante son aire d'influence et d'intervention dans les
affaires locales, on doit envisager les rapports entre la
communauté et l'État comme des rapports de force.
8. De cette façon, le Conseil municipal est un rouage clef de
l'appareil de l'État et, en même temps, constitue le cadre
politique local où se cristallise le rapport de forces qui règne
dans la collectivité. Le Conseil municipal peut devenir un
élément de base qui peut influencer ce même rapport de
forces : car le pouvoir politique ne joue pas exclusivement
dans le sens de reproduire des rapports sociaux déterminés,
au contraire, dans certaines conjonctures, il peut aussi jouer
comme un facteur de changement social.
9. Le pouvoir n'est pas une donnée intemporelle, il n'a pas
toujours la même signification historique. Les agents
concernés, les instances de pouvoir n'ont pas toujours le
même type de relation, ni le même contenu sociologique non
plus.
5 Ma thèse de Doctorat, sur les rapports entre l'État et les pouvoirs
locaux en Catalogne, est centr (...)
2Du fait que les rapports de force entre l'État et les pouvoirs
locaux ont été longtemps niés pour une grand partie de
l'historiographie espagnole, l'analyse systématique de ces
rapports-là en Catalogne n'en est qu'à son début 3. Dans une
perspective d'histoire comparée, et afin que les résultats soient
plus susceptibles de généralisation, on a choisi trois collectivités
très différentes : Barcelone, Sarrià et Masquefa, urbaine la
première, rurales pour les deux autres 4. Les périodes étudiées
sont assez diverses : d'une part, ont été privilégiés le milieu du
XIX siècle en ce qui concerne Sarrià et Masquefa, et d'autre part le
e
libéral.
5 Ma thèse de Doctorat, sur les rapports entre l'État et les pouvoirs
locaux en Catalogne, est centrée sur la période 1780-1860.
AUTEUR
Eliseu Toscas
Les municipalités
languedociennes à l'épreuve
de la Révolution (1780-1800)
Georges Fournier
p. 521-536
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1 . Georges FOURNIER, Démocratie et vie municipale en Languedoc du
milieu du XVIIIe au début du XIXe (...)
“L'Essence de la Constitution des païs d'État est la liberté, dont l'un des
plus légitimes usages est l'avantage qu'ont les habitants des
Communautés de choisir eux-mêmes leurs administrateurs qui sont en
même temps leurs représentants dans les assemblées des trois ordres
qui forment le corps politique de cette partie de la nation” 2
AUTEUR
Georges Fournier
Université de Toulouse-Le Mirail
Du même auteur
p. 537-555
TEXTE BIBLIOGRAPHIE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1. POURQUOI UNE
CONTRIBUTION
LINGUISTIQUE À L'HISTOIRE
DE LA CENTRALISATION ?
1.1. UN REGARD SOUS INFLUENCE
AMBIANTE…
1A écouter les analyses d'historiens dans ce colloque,
centralisation et pouvoir local semblent se réduire implicitement
au problème de “l'autorité politico-administrative”. Or, si notre
problématique pose comme élément fondamental cette
intégration nationale qu'a soulignée R. Dupuy en ouvrant nos
travaux, il faut s'interroger profondément sur les notions même
de centralisation et de pouvoir (local). Le discours dominant en
France, même dans l'activité scientifique, semble considérer
évidente la notion de centralisation de la France, de deux façons :
1. On projette une vision nationaliste sur un passé interprété de
façon à en réduire la diversité et à y trouver la continuité de la
constitution légitime de l'état-nation1 “France”. Ce procédé a
été critiqué grâce à des historiens ou des sociologues inscrits
en faux contre ce nationalisme centraliste (S. Citron, H. Le Bras
et E. Todd, A. Fierro-Domenech, G. Noiriel…). Leurs arguments
sont souvent convaincants, et on a l'impression, par ex., que
l'histoire de France enseignée est aussi un subtil
endoctrinement au nationalisme français “républicain” 2. On a
pu écrire dans un ouvrage pourtant consacré aux dangers
d'une subversion anti-française dans certains mouvements
régionalistes qu'il faut admettre que “sans vouloir mettre en
cause les mérites de l'enseignement traditionnel (…) [celui-ci]
a pu donner l'impression que, dès les origines, la France
possédait déjà une espèce d'unité virtuelle organisée autour
de la capitale et de sa langue3 et que les particularités
régionales étaient purement fortuites et accidentelles ” (J-C.
Rivière 1984 p. 7-8)4.
2. On “constate” qu'il est trop tard, que les particularismes
régionaux sont morts ou moribonds, que la centralisation de
la France est un fait “objectif”, ce qui permet idéologiquement
de ne pas remettre en question le principe centraliste sur
lequel l'État est fondé (ainsi le droit de l'individu et du groupe
à sa langue et sa culture spécifiques est toujours exclu par la
France des textes juridiques internationaux qu'elle signe). Mais
on se limite à l'apparence politico-administrative. Et si l'on
regrette les outrances passées du centralisme, telle la chasse
au “patois”, on n'en remet pas pour autant le présent en
question. A. Fierro-Domenech, dans un ouvrage pourtant
consacré à critiquer une vision centraliste de l'histoire de
France, écrit “Aujourd'hui, les différents dialectes d'oc
paraissent près de l'extinction” (p. 157) sans citer de source.
2. QUELQUES PISTES : DE LA
LÉGISLATION LINGUISTIQUE
D'ANCIEN RÉGIME À LA
POLITIQUE LINGUISTIQUE
RÉVOLUTIONNAIRE ET POST-
RÉVOLUTIONNAIRE
9C'est dans le domaine juridico-législatif des ressources
normatives que politique et planification linguistiques sont
opérées au premier chef par l'État. Le panorama juridique le plus
complet concernant les langues en France est l'œuvre d'un Maître
des Requêtes au Conseil d'état (D. Latournerie 1983). Cet article
est déjà un peu ancien, puisqu'entre temps, par ex., un ajout
aussi important que celui de la mention du français “langue de la
République” à la Constitution actuelle est intervenu. De plus, il
n'envisage pas les pratiques linguistiques, s'en tenant aux textes
légaux. Mais l'auteur y analyse notamment les décisions de justice
et les interprétations des textes ou de leur absence par les
tribunaux compétents (jurisprudence qui constitue une
planification et donc une politique implicite). C'est un document
précieux trop peu connu.
10Je donnerai quelques pistes pour montrer la complexité des
phénomènes à traiter, notamment si l'on essaye de confronter les
actes de pouvoir politique et les pratiques.
3. ÉVALUER LE PRÉSENT
POUR ÉVALUER LE PASSÉ
21Où en est la centralisation linguistique et culturelle française
aujourd'hui, c'est-à-dire quels sont les effets réels produits par
cette histoire ? Commencer à répondre à cette question permettra
sans doute de mieux mesurer, sélectivement, l'importance des
faits du passé.
4. PERSPECTIVES POUR
L'HISTOIRE DE LA
CENTRALISATION
30Pour conclure, deux choses : 1) la centralisation effective
(“planification”) ne provient pas nécessairement directement de
décisions politiques précises dans un champ donné. Alors que la
Révolution est citée comme l'époque de la naissance d'une
véritable centralisation linguistique, on se rend compte que dans
ce domaine, le pouvoir étatique fut particulièrement inefficace,
que c'est par d'autres voies, conséquences indirectes d'autres
actions étatiques, et plus tardivement, que la population fut plus
ou moins contrainte de se franciser, en continuation élargie d'un
phénomène sociologique existant sous l'ancien-régime, lequel
n'avait en matière de planification linguistique que des ambitions
limitées.
312) Il faut s'entendre sur ce que l'on appelle “centralisation”. On
voit bien qu'avec l'homogénéisation publique superficielle et la
diversité ethnologique subsistant dans les pratiques privées, il y a
deux niveaux. Que le pouvoir politico-administratif, la vie
publique, soient centralisés, cela n'empêche pas les
comportements profonds de rester diversifiés. Beaucoup de
communications à ce colloque l'ont montré, à propos du
fonctionnement effectif des instances administratives (états
d'ancien-régime, syndics, municipalités…). Les Français restent au
fond attachés à certaines pratiques régionales et locales
identitaires diverses (linguistiques, culturelles, etc.), mais se
comportent d'une façon approchant et respectant la “norme”
idéale nationale dans la vie publique. Le point essentiel est à mes
yeux l'articulation entre les deux niveaux. Car le barrage que le
centralisme instaure produit une tension grave entre les
structures étatiques et les structures anthropologiques. Grave
parce que la nécessaire dialectique entre ces deux niveaux
fonctionnels, entre l'Un canalisateur et le pluriel dynamique, est
empêchée au seul soutien du un étatique ce qui produit une
fragilisation du tissu social, maintes fois dénoncée par les
ethnologues, en appuyant une identité voulue homogène et
exclusive, mais superficielle, en accentuant les inégalités-puisque
le traitement égalitaire de situations différentes est une forme
d'inégalité qui renforce l'inégalité (B. Poche 1989, G. Gosselin
1989). Tant qu'on n'envisage qu'un bout de la chaîne, un certain
nombre de faits historiques ou sociaux paraissent incohérents. Je
ne cherche pas à minimiser les réalités de la centralisation, mais à
souligner, au contraire, ses modalités sélectives de réalisation,
son incapacité à mettre en pratique l'ensemble des
fonctionnements démocratiques et sociétaux vitaux. On
comprend que le modèle fédératif, souvent présenté comme
l'alternative à l'ornière centraliste sans tomber dans celle des
enfermements ethnico-nationalistes ou anti-démocratiques (J. de
Munck 1992), ait été régulièrement et dès la Révolution proposé
en France. On comprend aussi que la France n'ait pas pu éviter
une certaine décentralisation administrative (Dayries 1986).
32Mon exposé, je l'espère, aura apporté aux historiens un
éclairage utile, et peut-être réussi à montrer l'intérêt éthique,
théorique et méthodologique d'une rencontre interdisciplinaire au
moins pour la question qui nous occupe ici. C'est qu'elle touche
au fond à l'une des questions-clé pour l'ensemble des sciences de
l'homme, la dialectique de l'identité et de l'altérité (cf. G. Jucquois
1991). Il y a là, je crois, des perspectives pour avancer dans la
définition, l'histoire et l'analyse de ce phénomène majeur qu'est la
centralisation en France, et, au-delà, de l'aménagement politique
des sociétés.
BIBLIOGRAPHIE
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BIBLIOGRAPHIE
ACHARD P., La sociologie du langage, Paris, PUF, 1993.
ALVAREZ-PEREIRE F., Ethnolinguistique, Paris, Selaf, 1982.
AUBAGUE L., “Les stratégies de résistance des langues précolombiennes
au Mexique” in Glottopolitique, Langages n° 83, Paris, Larousse, 1986,
p. 111-116.
DOI : 10.3406/lgge.1986.2500
AUTEUR
Philippe Blanchet
Maître de Conférences en Linguistique française Université de Haute Bretagne
Du même auteur
TEXTE
TEXTE INTÉGRAL
p. 560-568
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1R. Dupuy a voulu une conclusion à plusieurs voix qui soit l'écho
de la multiplicité des approches conjuguées au cours du colloque
dont il fut l'initiateur. Cette démarche contraint à un
développement forcément limité et impose, plutôt qu'un illusoire
bilan, un relevé sélectif des points forts retenus par chacun, fut-
ce au prix de quelques répétitions.
2Pour ma part, je retiens d'abord trois enseignements des
communications et discussions portant sur la fin de l'Ancien
Régime. Peu d'exposés furent consacrés spécifiquement à la
ruralité pré-révolutionnaire, mais les évocations nombreuses
laissent pressentir la diversité de l'organisation du pouvoir au
village ; cette diversité oblige à beaucoup de précautions dans la
communication entre les chercheurs tant la terminologie utilisée
pour désigner les fonctions peut recouvrir des pratiques
différentes. En second lieu, il se dégage une tendance quasi
générale à l'oligarchisation des corps de ville ; cette
oligarchisation est également observable dans les campagnes,
mais, à en juger par les cas des syndics d'Ile-de France, des
“Généraux de paroisse” du Trégorrois ou des municipalités
languedociennes, elle est nuancée par la moindre uniformité du
recrutement des administrateurs villageois et de la mise sous
tutelle des institutions collectives. Au total, les réflexions
convergent vers la réévaluation de l'influence des
dysfonctionnements du système des pouvoirs locaux sur la crise
de l'État monarchique. Les exemples proposés ayant surtout porté
sur des pays d'États, la crise se présente comme une disjonction
dans la collaboration entre les agents de l'autorité monarchique,
les États provinciaux, les corps de ville et les administrateurs des
collectivités villageoises. Avec une acuité et sous des formes
variées, s'opère un redéploiement plus ou moins conflictuel dans
les partenariats, selon l'exemple nantais présenté par G. Saupin :
dans les années 1780, la municipalité cesse de privilégier l'action
concertée avec l'intendant et se rapproche des États de Bretagne.
Ce redéploiement se nourrit à des sources multiples notamment
l'exacerbation des tensions autour des enjeux classiques de la
relation entre les pouvoirs locaux et la monarchie (fiscalité,
urbanisme), la mise en cause des rôles respectifs par les multiples
projets de réforme et, probablement aussi, les difficultés
qu'éprouvent les détenteurs de fonctions intermédiaires,
subdélégués, consuls ou mayeurs, responsables villageois, à
exercer leur rôle décisif de relais dans la mesure où ils sont de
plus en plus tiraillés entre des pouvoirs concurrents. Le processus
contribue à ce que C. Nières a appelé le “collapsus” de l'État, c'est
à dire son incapacité, face à la coagulation des contradictions, à
remplir sa fonction fondamentale de règlement des conflits.
1 Notons que le caractère restrictif de cette vision institutionnelle s'affirme
avec évidence à la c (...)
AUTEUR
Jean-Pierre Jessenne
Du même auteur
Nationales, communautaires, bourgeoises ? in La plume et le sabre, Éditions de la
Sorbonne, 2002
Préface in Dans le tourbillon de la Révolution, Presses universitaires de Rennes, 2016
Les études rurales britanniques et françaises : histoires comparatives, échelles territoriales
et chronologies in Ruralité française et britannique, XIIIe-XXe siècles , Presses universitaires de
Rennes, 2005
Élément de conclusion II
Jocelyne George
p. 569-571
TEXTE AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1La notion de pouvoir local doit être délivrée du caractère
secondaire qui lui est encore habituellement attribuée, résultat
d'une construction historique mystificatrice. L'idée existe que le
pouvoir local résulterait de la démocratisation progressive du
pouvoir central, qu'il serait absent sous l'Ancien Régime, naîtrait
durant la Révolution, aurait été refusé sous l'Empire et se serait
ensuite progressivement étendu pour parvenir à l'idéal républicain
avec la loi de 1884. En fait, la notion de pouvoir local – sur
l'origine de laquelle il faudrait déjà s'interroger car elle n'a pas
l'évidence qu'on lui prête – est étroitement liée à celle de pouvoir
central. Elle en est constitutive. A chaque forme d'État correspond
une expression locale dont la législation est édifiée sous la
pression sociale avec le souci de contenir ou de désamorcer celle-
ci.
2En France, une donnée médiévale est déterminante : la
communauté d'habitants qui peut regrouper plusieurs paroisses.
Lorsqu'en 1793, elle est baptisée “commune” par la Convention,
elle a derrière elle une longue histoire féodale et monarchique
marquée par les révoltes paysannes. A la veille de 1789, cette
communauté paraît étiolée, dominée par le seigneur accaparée
par une oligarchie bourgeoise urbaine. Pourtant, de façon
inattendue, une révolution municipale contraint le nouvel État
naissant à la reconnaître sauf à être affaibli dans sa lutte au
sommet. Dans la hâte, la communauté est identifiée à la paroisse
et, du coup, surgissent 44 000 municipalités. Ce grand nombre
qui n'a pas fini de poser des problèmes, surtout à ceux qui
inquiète toujours l'extension de la démocratie, fut-il depuis réduit
à 36 000, caractérise l'État libéral à la française.
3On peut considérer la période entre 1789 et 1850 – date limite
de notre colloque-, comme celle de l'hésitante construction de cet
État, dont le concept est bien démodé aujourd'hui. L'État libéral
est d'abord un État gendarme qui vise à la centralisation,
reconnue comme le mode de contrôle le plus efficace. Certes, la
bourgeoisie a remplacé l'aristocratie aux commandes mais celle-
ci approuve le centralisme maintenant qu'il lui profite.
L'anticléricalisme de cette bourgeoisie est aussi une spécificité de
son État. Ailleurs, le communautés locales n'ont pas contesté avec
la même vigueur les élites civiles et religieuses. Sa révolution
ayant été contrée par l'Église, la bourgeoisie française a en effet
été poussée à laïciser le pouvoir local. Elle a ainsi opposé le maire
au curé, transférant au premier les attributions civiles du second,
amoindrissant l'emprise sacerdotale et créant un pôle
d'opposition. La Révolution n'étant pas seulement bourgeoise
mais aussi populaire, l'État libéral doit prendre en compte des
aspirations démocratiques. L'autonomie communale – autre
expression sur l'origine de laquelle il conviendrait également de
s'interroger – est un mythe puissant qui s'exprime concrètement
par la revendication de l'élection de représentants locaux à
l'image de celle des représentants nationaux.
4Comment intégrer cette communauté et son désir de
représentation dans l'État libéral en construction ? Passé le rêve de
la société de propriétaires de 1790, de citoyens de 1792,
Bonaparte confisque la rêve à son usage strictement personnel et,
fort pessimiste sur les hommes, veut faire de la commune une
simple circonscription administrative, base d'un système
hiérarchisé devant aboutir à lui-même, le Premier consul consacre
l'idéal rationnel d'unité des révolutionnaires libéraux et récupère
l'autorité monarchique.
5Quant à la liberté, elle doit être à nouveau défendue par les
libéraux, surtout contre les aristocrates de retour qui assimilent
les libertés communes au pouvoir seigneurial ou qui veulent
restaurer le pouvoir clérical. De 1814 à 1830, les libéraux mis à
l'écart réfléchissent intensément à cet élément essentiel du
gouvernement de la France que sont les communes. Napoléon en
a réduit les ressources financières au profit d'un État central qui
tire néanmoins sa force de leur cohésion et ce leur acceptation de
son autorité. Lorsque l'une et l'autre font défaut comme en 1814
et en 1830, les autorités de Paris et leurs envoyés dans les
départements ne peuvent plus tenir le pays. Les hommes
politiques libéraux, au premier plan Guizot et Thiers, sont très
attentifs au statut de la commune. Le contrôle administratif et
policier de la population ne leur paraît pas suffisant, ils
recherchent l'équilibre social, prenant définitivement en compte
l'aspect conflictuel de la communauté, accru par l'industrialisation
qui se répand. Ils se résolvent pour cela à reconnaître comme
légitime l'élection de représentation. Après la Révolution de juillet,
il faut passer aux actes. Un compromis libéral est adopté en
1831 : le maire est nommé, ce qui préserve l'autorité de l'État, les
conseillers municipaux sont élus à un suffrage censitaire bas, ce
qui préserve l'équilibre social. La loi de 1837 confirme la tutelle
préfectorale et circonscrit l'activité du maire et du conseil
municipal. La contestation politique est ainsi déviée vers la
querelle de clocher. A partir de là, l'institution est acceptée. La
revendication se focalise sur l'extension du droit de vote. En
1848, la conquête du suffrage universel identifie électeur national
et électeur municipal. Passé le recul relatif du Second Empire qui
conserve l'élection du conseil municipal au suffrage universel mais
nomme le maire, la loi de 1884 reprend la compromis établi en
1831 et 1837 : tutelle du préfet, limitation des compétences
municipales, élection des conseillers qui, sauf à Paris, choisissent
désormais le maire parmi eux. L'infériorité communale a fini par
être intériorisée. Le mouvement communaliste de la fin du second
empire apparaît comme une dernière résistance, mal connue et
jugulée avec la violence que l'on sait.
6La loi de 1884 ouvre une période de stabilité de l'État libéral à la
française. Ce régime sera remis en cause, en 1940, par Vichy qui
revient sur le principe électif. Après 1944, commence une autre
période d'élaboration où s'opère le passage à un État néo-libéral.
En même temps que celui-ci se décentre dans un cadre européen,
il renforce la centralisation. Après l'échec répété des tentatives de
réduction du nombre des communes par fusion, le nouveau
compromis est choisi. Par le biais des impératifs financiers, les
attributions de communes mais aussi celles des départements
sont diminuées au profit de la région et de l'État, alors que
s'opère un transfert des charges sur les municipalités et les
conseils généraux qui doivent pallier la fin de l'État-providence,
dernier avatar de l'État libéral.
AUTEUR
Jocelyne George
Du même auteur
p. 572-577
TEXTE AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
1J.-P. JESSENNE, tout en soulignant la remise en cause du
centralisme bourbonien, regrette, avec raison, l'approximation
conceptuelle d'un colloque qui embrassait à la fois et pour la
seule France, les États de Bourgogne, la Ville de Nantes, l'Aubrac
contre-révolutionnaire, la totalité des villes et communautés
rurales du Languedoc, des communes rurales du Haut Comtat et
toutes celles des Pyrénées-Orientales, sans oublier deux paroisses
du Trégor profond sous l'Ancien Régime. Il faut donc rapidement
définir une typologie des instances politiques relevant du pouvoir
local, tout en privilégiant le niveau le plus élémentaire, celui des
communautés d'habitants auxquelles doit être réservée la notion
même de pouvoir local. J. GEORGE nous propose, elle, une lecture
globale de l'emprise croissante de l'État, devenu libéral, sur les
instances inférieures d'un pouvoir politique qu'il confisque dans
sa totalité, n'abandonnant aux notables des conseils municipaux
et encore sous le contrôle des préfets, que l'administration
quotidienne des besoins immédiats des communautés, car ceux
de l'État transitent désormais par des corps spécialisés de
fonctionnaires. C'est ce qu'elle appelle le compromis de 1831,
dans la mesure où l'élection du conseil municipal assure,
théoriquement, une représentativité plus effective de la
population. En fait, c'est la “Sanior pars” qui continue d'assumer la
représentation et la communication de P. ARDAILLOU prouve, du
moins pour le pays de Caux, que le suffrage universel n'entame
guère ce monopole. Est-ce à dire que l'individualisation de la
politique, exaltée par l'État libéral et qui s'incarne désormais dans
la consultation électorale périodique des citoyens, va éliminer les
comportements collectifs et solidaires traditionnels ? D'autant
qu'ils seraient également remis en cause par l'inéluctable
ouverture des campagnes au marché national ! C'est ce qu'a
souvent estimé une historiographie régionale classique limitant
l'approche de ce qu'elle appelait la politisation du monde rural. A
l'étude méthodique des consultations électorales. Sans nier les
conséquences de la démocratisation et du “Marché”, sans
mésestimer les l'approche ainsi privilégiées, ne faut-il pas
s'interroger sur les modalités de la résistance des anciennes
pratiques politiques sans pour autant les taxer, a priori,
d'attavisme, d'ignorance et de fanatisme superstitieux ? Et donc
prendre en compte “Marché” et démocratisation à la lumière de la
réalité complexe et mouvante d'une strate sociale élémentaire,
tissée par une histoire particulière, immergée dans une
promiscuité conviviale ou haineuse, avec ses réseaux complexes
de notoriété et d'influence, son statut de la richesse, le tout
définissant sa conception du pouvoir et des obligations qui lui
incombent.
2La confirmation et la proclamation de l'existence d'une strate
élémentaire du politique nous paraît à la fois correspondre au
vœu de classification typologique de J.-P. JESSENNE et constituer la
conclusion majeure d'un colloque qui nous invite à y voir une
sorte de frontière intérieure dessinée par les équilibres subtiles ou
les affrontements violents entre les exigences uniformisantes de
l'État, quel qu'il soit, et les logiques particularistes des
communautés “primaires”. D'autres considérations pouvant être
également retenues, il nous a paru plus clair de les ramasser sous
une série de rubriques allant à l'essentiel.
UNE FRONTIÈRE
INTÉRIEURE OU LA
RÉHABILITATION DU
POUVOIR LOCAL
3La strate élémentaire des communautés d'habitants constitue
une sorte de plasma social duquel la quasi totalité du reste de la
Société, à un moment ou à un autre, est issu. Cette couche
première est constituée, en 1780, par près de 80 % de la
population du royaume, et si l'on s'en tient à une sorte de
perspective braudélienne horizontale, c'est là que se situe le
phénomène statistique le plus lourd, quantitativement parlant.
Sans pousser trop loin le paradoxe sur l'identité effective de la
véritable “grande politique”, il faut donc réhabiliter ce niveau
initial, mêmes si les sources qui permettent de l'appréhender sont
moins nombreuses et moins loquaces que celles concernant les
multiples aspects de l'autre politique. L'Histoire du pouvoir local
s'identifierait donc à celle de cette frontière intérieure impalpable,
mouvante et pourtant réelle, constamment redessinée par les
rapports de forces nés du renforcement ou de l'affaiblissement
des autorités supérieures et de leur capacité à se faire obéir.
4Communications et débats ont fait surgir l'identité des
comportements des municipalités rurales que ce soit dans le haut
Comtat, en Champagne, en Poitou ou dans les Pyrénées-
Orientales. Partout elles ont tenu un double langage pour écarter
ou retarder réquisitions, épurations et arrestations. Beaucoup s'en
sont tenues à un légalisme prudent finissant par exécuter
partiellement, tout en déplorant les maux qui accablaient leurs
administrés, les décrets et arrêtés dont on les harcelait.
Permanence donc d'une solidarité locale que l'on retrouve, sous
une autre forme, en avril 1848, quand les villages normands
décrits par TOCQUEVILLE, allaient voter en rang, sous la houlette de
leurs prêtres et de leurs notables. Cette unanimité disciplinée ne
serait pas tant l'aveu d'une soumission révérencielle aux
notabilités que l'expression d'une solidarité communautaire
réaffirmée et que P. GUENIFFEY a repérée dans beaucoup de
scrutins ruraux de 1790 et 1791. En fait, en 1848, l'éthique
contractuelle et solidaire de la communauté l'emporte encore sur
les conséquences mal perçues d'une démocratisation qui ne doit
pas inciter à lâcher la proie, même modeste, pour une ombre trop
incertaine.
LES LIMITES DU
CENTRALISME BOURBONIEN
ET SON IMPLOSION (ÉTÉ-
AUTOMNE 1789)
5Le leitmotiv jubilatoire de N. HAMPSON après chaque
communication du premier jour aboutissait à constater l'extrême
diversité institutionnelle de l'Ancien Régime vers 1780, difficile à
concilier avec l'hypothèse d'un centralisme conquérant.
L'Intendant n'est plus ce qu'il était, la communication de
G. SAUPIN le confirme ainsi que le bilan tenté par Cl. NIÈRES. En
Provence, mais surtout en Languedoc et en Bretagne, la
monarchie se heurte au niveau intermédiaire du pouvoir provincial
(États, cours souveraines) qui prétend sauvegarder les libertés et
privilèges de ses concitoyens. Les mots patriote et patriotisme
sont souvent utilisés pour signifier la solidarité active des
communautés d'habitants, surtout les villes, avec ces instances
intermédiaires dans leur combat contre le “despotisme ministériel
“. Avec un bémol cependant, dans la mesure où G. FOURNIER nous
rappelle que les communautés languedociennes se méfient autant
du despotisme de leurs États que de celui des ministres.
6Ce qui est apparu également, c'est l'écroulement brutal de cet
étage intermédiaire du pouvoir provincial, intendants compris. La
discussion a prouvé que, même en Bretagne, on ne regrette guère
l'efficacité administrative et politique de la Commission
intermédiaire des États. Il y a comme une implosion de tout cet
étage provincial qui semble due à deux séries convergentes de
considérations : d'abord la violence et la généralité du sentiment
anti-aristocratique dans tout le royaume mais aussi l'assurance
pour les robins roturiers de trouver des places dans la nouvelle
administration locale et dans les tribunaux où l'on sera débarrassé
de la concurrence nobiliaire. Et de fait, l'étage intermédiaire des
pouvoirs provinciaux est aboli au bénéfice de deux structures de
remplacement, d'une part les Assemblées législatives successives
qui transfèrent dans la capitale la prise en compte et la défense
des intérêts locaux, d'autre part la hiérarchie des administrations
locales superposées : Département, District et municipalités des
grandes villes, ces dernières existant déjà, mais avec moins de
pouvoirs, sous l'Ancien Régime. Le départ entre politique et
administration n'est pas clairement établi, dans la mesure où la
Garde nationale, vecteur du patriotisme et bras armé de la Nation
et aux ordres des municipalités. Mais l'accusation de Fédéralisme
dont Montagnards et sans-culottes flétrissent la protestation des
Départements contre le coup de force du 2 juin 1793, tend à
prouver que la gauche parisienne voit dans ces administrateurs de
département un avatar de l'ancienne robinocratie parlementaire
acquise aux aristocrates et donc une sorte de résurrection de
l'ancien pouvoir provincial. Cela signifie donc le rejet par la
Convention montagnarde de la compétence politique des
Administrations départementales…
DU ROYAUME DÉSUNI À LA
NATION DIVISÉE
7Au moment même où l'Assemblée Constituante unifie le fameux
“agrégat in constitué de peuples désunis” pour en faire l'ensemble
rationnel des 83 départements, au moment où l'élan des
Fédérations milite pour fusionner les anciennes provinces en une
Nation unique et unanime dans son adhésion à la Constitution, la
dynamique de l'abolition des privilèges et des droits de l'homme
engendre des divisions entre partisans, adversaires et déçus de la
Révolution. La population parait tiraillée entre deux logiques
unificatrices, celle unanimiste de la Nation et celle épuratoire de la
Révolution. Dans notre perspective, il s'agit de savoir si ces enjeux
nationaux passionnent véritablement nos communautés
d'habitants ou si les nouveaux clivages ne sont pas utilisés pour
réactiver des antagonismes antérieurs comme dans la Lozère de
V. SOTTOCASA ? Il semblerait que les communautés prennent parti
en faveur des changements que si les objectifs des patriotes
recoupent leurs propres revendications, ainsi la remise en cause
du système seigneurial ou l'hostilité aux dîmes dans certaines
régions. Du coup, les cahiers de doléances apparaissent comme la
charte explicite des changements souhaités; ce qui explique les
réticences ultérieures à accepter des exigences, comme la réforme
du clergé ou les levées d'hommes, non seulement absentes des
cahiers mais contraires à leur esprit communautaire. Nous
retrouvons la thématique des “Résistances à la Révolution” qui
nous apparaît comme devant être englobée dans celle, plus large,
des résistances communautaires aux exigences assimilatrices de
l'État et tout particulièrement de l'État montagnard (1793-94) qui
ne peut tolérer le refus des levées d'hommes quand les despotes
coalisés menacent d'engloutir la Révolution. La division n'est plus
tolérable et devant l'obstination bornée de ces paysans, il ne reste
plus que l'intimidation terroriste des représentants en mission ou
l'exécution militaire pure et simple. Reste à savoir quels types de
communauté ont subi les violences de la guerre civile ? Dans
quelle mesure elles ont été effectivement déchirées par cette
guerre ou si les affrontements n'ont fait qu'opposer les
communautés unanimes à des soldats venus d'ailleurs ? Enfin
cette guerre n'a-t-elle pas pris un visage particulier du fait de son
immersion dans le milieu spécifique de la politique locale ? Et la
vie politique locale elle-même, a dû en subir le contre-coup, mais
avec les transpositions imposées par le système indigène de
représentations. C'est ce que laissait entendre la communication
de M. LAPIED et plus encore celle de V. SOTTOCASA. Reste à
expliquer la permanence et la vitalité, dans certaines régions, d'un
courant néo-jacobin dont on sait que, sous certaines conditions, il
peut s'implanter véritablement dans les campagnes.