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Introduction

Ce mémoire examine les réflexions apportées par Werner


Heisenberg quand au rôle de la physique moderne dont le changement de
la pensée humaine, et l'ensemble de concepts et des thèses
philosophiques très anciennes. Heisenberg est un physicien-philosophe,
durant toute sa carrière, il avait été préoccupé par les implications de la
physique moderne sur le langage et la logique classique d’un côté, et sur
la théorie de la connaissance d’un autre côté. La philosophie a influencé la
pensée de Heisenberg, il croyait à un rapport solide entre la physique et la
philosophie, ce rapport indique que les résultats scientifiques ne peuvent
être compréhensibles que sous le discours philosophique. C'est pourquoi
son œuvre Physique et philosophie dévoile le rapport entre la philosophie
et la physique. Cette dernière a révolutionné la base de la pensée
philosophique sous la lumière des nouveaux exploits.

Dans Physique et philosophie Heisenberg a mis en évidence le rôle


du langage ordinaire pour décrire la nature ainsi les lois de la physique
classique dans la simplification de la réalité. Mais après l'avènement de la
physique moderne depuis le siècle précédent, elle nous a permis de
découvrir qu'il y a des aspects de la nature impossible de les décrire ou les
simplifier à l'aide des concepts de la physique classique, ou avec l'héritage
philosophique représenté par le langage et la logique formelle,
finalement, les concepts de la philosophie idéaliste, se sont fortement
bouleversés. Dans Physique et philosophie, Heisenberg avait révélé
l'ampleur des répercussions impliquées par la physique moderne sur la
philosophie. Il va tenter de réunir entre le discours scientifique et
2
philosophique, et Il semblerait que ce rapprochement entre la philosophie
et la science est devenu la priorité du XX siècle.

En fait, il y a un rapport entre la physique et la philosophie qui


pourra être vu comme un cas particulier, la physique possède une
spécificité parmi les sciences de la nature, avec sa constitution comme
science exacte, et par son lien à l'expérience quantifiée et par la
formulation mathématique de ses grandeurs et de ses lois. C'est sous sa
forme ingénieuse et ses relations étroites avec la nature, qu'elle pose des
problèmes particuliers à la philosophie, par le moyen de susciter des
problèmes d'interprétations, concernant la réalité et la structure des
concepts, en interrogeant la vérité1. Les philosophes des sciences
s'interrogent sur ce rapport entre physique et philosophie, pourquoi la
physique avait une place primordiale au sein de la philosophie ?

Il est assez bien admis aujourd'hui chez les historiens des sciences et
les épistémologues, que la physique tout comme les autres sciences, n'est
pas étrangère de la philosophie. La physique tout en étant autonome par
rapport à la philosophie, y touche cependant de près. Ses élaborations
conceptuelles et théoriques posent le problème du fonctionnement de la
pensée et de la signification de ses objets de la pensée, mais le problème
fondamental est celui du rapport entre ces représentations symboliques
abstraites et le monde matériel des phénomènes physiques2. Malgré leur
relative indépendance, la physique et la philosophie ont à voir l'une avec
l'autre, par la rationalité de leur approche et de leur objet. La physique se

1
Michel Paty, La physique et la philosophie, le discours philosophique, volume 4 de
l'encyclopédie philosophique universelle, Paris, 1998. p 2.
2
Ibid., p, 5.

3
préoccupe de décrire et d'expliquer le monde, la philosophie se préoccupe
d'exprimer des significations, leurs propos ne peuvent être indifférents
l'un de l'autre3.

Historiquement, la physique était en prise directe avec le discours


philosophique jusqu'à Newton. Descartes a considéré la philosophie
comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la
physique et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres
sciences. Les conditions intellectuelles d'une pensée physique autonome
par rapport à la théologie et à la métaphysique s'étaient cependant
lentement mises en place à la faveur des transformation amorcées dès la
fin du Moyen-âge chez les maîtres scolastiques, des écoles de Paris et
d'Oxford au XIV, et à la Renaissance, des concepts et des grandeurs
qualifiables, d'une réflexion ontologique s'en détachèrent à mesure
qu'elles étaient pensées comme concepts physiques4.

La physique classique a fortifié la part de la métaphysique et les


questions de l’essence et du finalisme, ces questions ils ont été
immédiatement rejetés dès la constitution de la physique moderne. Cette
dernière a impliqué un changement des éléments de l'analyse
épistémologique qui pourront être communs à des positions
philosophiques différentes, en particulier, ceux qui concernent la
description de contenu de concept, comme c'est le cas par exemple, avec
la signification physique de l'espace et du temps de la relativité. La
différence avec la mécanique newtonienne se manifeste au niveau des
interprétations des significations, voir le sens attribué en mécanique
3
Ibid., p, 8.
4
Ibid., p, 2-3.

4
quantique, à la fonction d'onde, aux probabilités, aux relations
d’indéterminations. Certainement, ils y auraient des répercussions sur un
ensemble de concepts philosophiques très anciens comme : réalité,
matière, temps, espace, causalité, objectivité, et logique. La physique
moderne a soulevé un problème philosophique très ancien, c'est le
problème de la réalité, et sur ce point majeur que se manifeste la grande
différence, car ce problème ne se pose pratiquement pas en physique
newtonienne, puisque les objets que celle-ci manipule sont supposés réels
masses, ressort, pendule, planètes, satellite, etc 5.

En mécanique quantique, les physiciens s'interrogent sur les lois


physiques du monde microscopique, comme l'électron et les particules
élémentaires. Ces objets sont très étranges et bizarres car ils ne
s'adaptent pas avec nos connaissances antérieures depuis la physique de
Newton, ainsi avec le langage et les mots ordinaires. Les objets étudiés par
la physique newtonienne sont supposés réels indépendamment de
l'observateur. De plus, la description de leurs mouvements ou de leurs
états dans un cadre spatio-temporel, est tenue pour être exhaustive. Par
contre en mécanique quantique, toute mesure effectuée sur un système
physique perturbe inévitablement celui-ci. Par conséquent, la matière, la
lumière et leurs interactions ne peuvent être décrites par un aspect
unique, mais soit selon l’aspect corpusculaire, soit selon l’aspect
ondulatoire6. En effet, nos connaissances en physique théorique et
expérimentale sont profondément bouleversées, et le concept d'une
vérité objective, déterminée, et universelle commence à se détériorer, car

5
Mustapha Oldache, Tayeb Belarbi, et Chams Eddine Khiari, Le concept de réalité en
physique une étude épistémologique, revu algérienne de physique, volume 2, numéro 1. Publié
en ligne le 12 février 2015. p, 1.
6
Ibid.

5
il n’aura désormais aucun sens, surtout après l'avènement de la
mécanique quantique au début du siècle précédent, et l’apparition du
concept de «fonction d'onde» et le principe d'indétermination. En
physique quantique les particules n'existent pas en tant que corps
matériels, mais ils existeraient d'après une onde de matière. par
conséquent la physique moderne a soulevé une question philosophique
angoissante : Qu'est-ce qui existe réellement ? 7

Nous ne voulons pas entrer dans les détails de la physique moderne,


parce qu'elle nécessite un langage technique, et ce n’est pas notre but de
le faire, mais nous voulons exposer ses implications philosophiques,
puisque nous avons parlé d’une sorte de parenté entre les deux domaines,
d'autre part, les exploits récents de la physique ayant remis en question,
des thèses philosophiques et une tendance épistémologique considéraient
comme irréfutables.

Certainement, le bouleversement épistémologique dû par la


physique moderne, a indiqué que les théories en physique ne peuvent
être érigées sur une base métaphysique abstraite, autrement dit, une
théorie en physique n'est pas une entité de nature absolue et
intemporelle ; elle se présente à un moment donné de l'état du savoir,
succédant à d'autres, et remplacée ultérieurement à son tour. Elle met en
jeu le «système» dans chaque époque, et à chaque nouveau problème
abordé. C’est ainsi que chaque système va engendrer un ensemble de
répercussions épistémologiques, scientifiques, éthiques et théologiques.

7
Ibid.

6
Étant donné que ce mémoire serait consacré de mettre en évidence
les répercussions philosophiques de la physique moderne, nous devons
d'abord préciser la problématique de la manière suivante : Comment la
physique moderne, a changé le parcours philosophique du XX siècle ?

Pour le savoir, il faut diviser ces répercussions selon trois étendus,


l’étendu épistémologique, l'épistémologie un terme formé récemment,
signifie la théorie de la connaissance, l'étude critique des sciences, de
leurs contenus, et de leurs processus d'élaboration. Comme nous l'avons
indiqué dans les lignes précédentes, la physique moderne a changé la
structure de l’épistémologie, selon laquelle on peut décrire le monde
objectivement, les choses existent même si nous fermons nos yeux et
nous bouchons nos oreilles. Ceci nous rappelle la fameuse citation
d'Einstein : « j'aime que la lune existe derrière moi, même si j'ai fermé
mes yeux et j'ai tourné mon dos ». Cette tendance épistémologique
cherche le déterminisme des résultats scientifiques, idéaliser la
connaissance, et simplifier les mots et les termes de notre langage. À cet
égard, comment les exploits de la mécanique quantique et de la relativité,
ont formellement changé la connaissance humaine ? Dans le cadre de la
relativité est-il possible d'un système de référence spatio-temporel
universel ? Est-ce que l'ensemble de concepts a priori formé par Kant,
peuvent-ils surmonter le fléau révolutionnaire de la physique moderne ?
Pourquoi l'indéterminisme est devenu une réalité irréfutable en physique?
Quelles sont les implications linguistiques ? Pouvons-nous parler d'une
clarification logique dans la physique moderne ? Toutes ces questions
touchent les fondements de la théorie de la connaissance, qu’on va
l’exposer dans le premier chapitre.

7
La deuxième étendu c’est l’étendu scientifique. La physique
moderne a créé une nouvelle perspective concernant la structure de la
matière, elle avait dévoilé ses parties les plus sombres, surtout, après la
naissance de la physique nucléaire. À quoi consiste donc, la nouvelle
structure de la matière ? Comment la nouvelle structure aurait permis de
changer l'ancienne thèse philosophique, selon laquelle l'atome est l'ultime
particule élémentaire ? Quels sont les nouveaux engins techniques ? La
naissance de la physique nucléaire réussi-t-elle de résoudre les
complexités dela structure de la matière ?

Il est quasiment faux de limiter les conséquences philosophiques de


la physique moderne, uniquement sur l'épistémologie et la science, mais
ils sont d’une ample portée, pour qu'ils se heurtent aux fondements
éthiques et théologiques, le troisième et dernier étendu, c’est l’étendu
éthique et théologique. Effectivement, la physique moderne a
profondément remué les mœurs, surtout avec l'invention des armes
atomiques après la deuxième guerre mondiale. Le régime politico-
international était lui aussi infecté. Comment donc la physique moderne
a-t-elle ébranlé la structure intrinsèque des mœurs ? Est ce que ce
changement va servir la science et l'humanité ? L’énergie atomique
pouvait être utile si nous parvenons de maîtriser la technologie nucléaire
pour la bonne cause ? Quel est le nouveau rôle délégué au scientifique à
l'intérieur de ce changement ?

Finalement la physique moderne se heurte aux fondements


théologiques. Quelle est la place de la religion au sein de la physique

8
moderne ? Est-ce-que l'homme moderne conservera-t-il sa confiance
envers la Religion ?

Au mérite de Heisenberg, on doit aussi ajouter qu'il est le plus grand


philosophe des grands physiciens du XX siècle. Prix Nobel de physique en
1932, créateur avec Bohr, Born, et Jordan de la mécanique quantique, est
aussi le découvreur des célèbres relations d'indétermination. Convaincu
de la validité de la relativité et de la mécanique quantique, Heisenberg
mène une lutte farouche aux tenants des idées orthodoxes en physique,
en démontrant les limites inhérentes de la physique classique. Il est
évident que Heisenberg, lui même accusé d'être un juif blanc (Weiss Jude)
contaminant la pensée allemande avec une vision dégénérée de la
physique, n'a pas toujours été en mesure d'exprimer ouvertement sa
pensée. C’est pourquoi afin de saisir la conception philosophique
définitive de Heisenberg, nous avons préféré de focaliser notre analyse sur
ses idées développées après la seconde guerre mondiale, notamment
celles exposées dans « Physique et philosophie » (1955-1956).

9
Premier étendu

La physique moderne et ses répercussions


épistémologiques

Je pense qu’il vaut mieux dire toute suite que personne ne comprend la
mécanique quantique, si vous le pouvez, évitez de vous dire : « Mais
comment peut-il en être ainsi ? » sinon vous serez submergé, noyé, entrainé
vers un gouffre dont personne encore n’a réussi à échapper. Personne ne
sait comment il peut en être ainsi.
Richard Feynman

10
Chapitre I :

La déstabilisation du déterminisme scientifique et la


clarification logique du langage classique au cours du
congrès de Copenhague

En 1927 lors d'un congrès Solvay resté célèbre, les grands


physiciens de l'époque se sont rencontrés autour des problèmes posés par
la mécanique quantique. L'interprétation de Copenhague de cette
nouvelle mécanique avait des implications énormes sur l'épistémologie et
le langage. Au cours de ce congrès un paradoxe se manifeste, concernant
la description des phénomènes atomiques avec les termes ordinaires de
physique classique. Les concepts de la physique classique, forment le
langage pour que nous décrivions les événements et les expériences de la
vie journalière. Ces concepts sont fortement difficiles à remplacer. Or
Heisenberg, quand il était entré en conflit avec le courant traditionaliste,
attaché aux idées orthodoxes de la physique, comme, Planck, et Einstein, il
a démontré que l'application de ces concepts est limitée par les relations
d'incertitude.8

Pour comprendre ce paradoxe, Heisenberg a cité l’exemple


suivant. En physique newtonienne nous pouvons mesurer la position et la
vitesse d'une planète dont nous allons étudier le mouvement et déduire
de cette observation les cordonnées de la quantité de mouvement de
cette planète et toutes les autres propriétés du système. C'est ainsi que

8
Heisenberg W, Physique et philosophie, éditions Albin Michel, la collection «sciences
d'aujourd'hui», est dirigé par André George, Traduit de l'anglais par Jacqueline Hadamard,
France, 1971, p, 35.
11
l'astronome peut prévoir les propriétés successives du système, comme
par exemple le moment exact d'une éclipse lunaire.9

Nous pouvons qualifier ce processus d’un « Déterminisme » (Die


beschtimung). En effet, le déterminisme est érigé sur l'idée d'une
clarification logique, autrement dit, quand le physicien décrit les lois et les
objets de la nature, ses lois s’adaptent parfaitement avec les mots et les
termes du notre langage, et il n'y aura pas une certaine ambiguïté
concernant le sujet étudié, et par conséquent nous parvenons à la vérité
objective et absolue. Par contre la théorie quantique a bouleversé cette
base épistémologique. Supposons que nous intéressions au mouvement
d'un électron dans une chambre Wilson, et par une observation, nous
parvenons à déterminer la position et la vitesse de l'électron. Or les
relations d'incertitude de Heisenberg, nous enseignent que ce
déterminisme comportera probablement des erreurs plus fortes vu les
difficultés de l'expérience.10

Toutes les tentatives faites par les physiciens afin de prouver ou


approuver une certaine approche déterministe dans la théorie quantique
est définitivement impossible (Unmöglischkeit). Les résultats dans cette
nouvelle physique se traduisent selon la fonction de probabilité (Die
Warscheinlichkeit), l'erreur expérimentale ne représente pas, du moins
jusqu'à un certain point, une propriété de l'électron, mais le fait que nous
avons une connaissance incomplète de cet électron, déficience qui est
également exprimée dans la fonction de la probabilité 11.

9
Ibid., p, 36.
10
Ibid., p, 36
11 Ibid., p, 37.

12
En mécanique quantique notre connaissance sera profondément
perturbée, car le résultat de toute mesure n'est prédictible qu'avec une
probabilité donnée, c'est-à-dire d'une façon non certaine, cela signifie,
que notre connaissance à l'égard de l'électron et du mécanisme atomique
est certainement floue.12 Alors qu’en physique classique, la connaissance
ne tenait pas aux relations d'incertitude, Par conséquent, la théorie
quantique a radicalement bouleversé cette confiance épistémique.

Quand le physicien tente d'observer l'électron dans une chambre


Wilson, il devait tenir compte de la fonction de probabilité, la probabilité
ne représente pas en elle même le déroulement du phénomène dans le
temps, elle représente une « Tendance » (Die streben) des phénomènes et
de notre connaissance de ces phénomènes13. En effet, la tendance ne
peut nous offrir une image claire et définie sur le sujet étudié ou observé,
mais uniquement une image approximative du sujet (Die Annäherung).
C’est comme si nous essayions de le décrire, mais nous ne parvenons pas
de le faire, parce que nous ne pouvons pas comprendre les lois physiques
de l'électron on utilisant les termes et les mots du langage ordinaire.

L’une des étranges implications de cette nouvelle mécanique, est


que l’identification de l'objet observé est loin d’être atteint, car l'électron
se comporte, tantôt comme une onde, tantôt comme une particule, il ne
ressemble à rien de ce que nous pouvons imaginer. C’est pourquoi les

12
Françoise Balibar, Michel Crozon, Emmanuel Farge, Physique moderne,édition Messidor/La
Farandole, Collection « la science & les hommes », est dirigé par Paul Brouzeng, Paris, 1991, p,
49.
13
Physique et philosophie, op.cit., p, 38.

13
physiciens ayant utilisé le terme onde-particule, afin de décrire l'électron
à l'aide des notions qui nous sont familières.14

Par contre en physique classique, l’objet de l’étude est discernable,


donc il est indubitablement identifiable, c’est pour cette raison la
connaissance pouvait être idéalisée. Quand l'astronome observe une
planète et au fur et à mesure il note les lois physiques de cette planète, il
n'a pas besoin d'observer la planète une deuxième fois, or en théorie
quantique la connaissance ne peut suivre cette démarche. Heisenberg
explique que même si nous parvenons d’inventer un microscope utilisant
les rayons Gamma, avec une précision très élevée de mesure, et avec une
longueur d'onde inférieure à la dimension de l'atome, nous sommes
incapable d’atteindre une connaissance idéale concernant l'électron :

« L'électron a pu être pratiquement au repos avant l'observation,


mais au cours de cette observation, il a fallu qu'il passe au moins un
quantum lumineux de rayons Gamma dans le microscope, et ce quantum
a forcément été dévié par l'électron, par conséquent, l'électron a été
poussé par le quantum lumineux, il a changé de quantité de mouvement
et de vitesse, et on peut montrer que l'incertitude sur ce changement est
juste assez grande pour garantir la validité des relations d'incertitude ».15

À vrai dire, l'électron ne se comporte pas comme une planète, le


dispositif de mesure en physique classique n'altère pas la scène de
l'observation. Or en mécanique quantique, ce dispositif altéra la réalité de
l'électron, parce que l'électron est passé d’un stade non-excité vers un

14
Physique moderne, op-cit, p, 45.
15
Physique et philosophie, p, 40.

14
stade excité. Heisenberg constate qu'il n'existe aucun moyen de déceler
l'orbite de l'électron autour du noyau, le dispositif de mesure a dû
arracher l'électron de l'atome et l'on pourra jamais l'observer, c'est tout
simplement, parce qu'il n’y avait pas d'orbite :

« L’observation montrera l'électron sur sa trajectoire s'écartant de


l'atome. D'une façon tout à fait générale, il n'existe aucun moyen pour
décrire ce qui se passe entre deux observations consécutives [...] il a dû
décrire une trajectoire ou une orbite quelconque, même s'il est peut-être
impossible de la connaître.»16

Nous pouvons donc constater, le degré de la déstabilisation de la


situation depuis l'époque de Newton, où le scientifique pouvait aisément
observer et conserver les informations venant de la nature, ainsi son
contact avec elle ne perturbera pas la vérité, mais en physique quantique,
le moindre contact avec la nature est devenu un élément de confusion.
L'impossibilité de décrire l'électron entre deux observations consécutives,
indique une déficience épistémologique, nous sommes incapables
d’établir une connaissance complète concernant l'électron. Heisenberg
insiste sur le fait, que la fonction de probabilité dévoile la faiblesse du
langage ordinaire, car elle ne pouvait pas nous fournir une clarification
logique sur le phénomène atomique, et par conséquent l'objectivité sera
perdue :
« Nous ne pouvons rendre complètement objectif le résultat d'une
observation, nous ne pouvons pas décrire ce qui «se passe» entre cette
observation et la suivante».17

16
p 41.
17
p, 44.

15
Le terme «ce qui se passe» (Was ist passieren) explique une
situation non-objective, parce que « ce qui se passe », dépend de notre
manière de l'observer. Or la physique classique nous permet de déduire
des lois idéales de l'objet observé d'une manière que lois pourront être
objectives, car l'observation n'altère pas le sujet observé. Donc, établir
une connaissance universelle et générale n'est plus envisageable dans la
théorie quantique.

Pour comprendre ce bouleversement qui avait ébranlé notre


connaissance, Heisenberg analyse dans « Physique et philosophie », la
fameuse expérience de Young, baptisée, l'expérience "Des deux trous"
(Die erfahrung von zwei löchen). Cette expérience stipule qu’au moment
où l'électron passe à travers la plaque (écran noir avec deux petits trous),
celui-ci se trouve au même instant dans les deux trous du cache, en
d’autres mots, l'électron est délocalisé en deux lieux de l'espace différent.
La délocalisation (Die unörtlischkeit) est une caractéristique inconcevable
en mécanique classique. À cet égard, nous déclarons que l'électron doit
forcément passer soit par le premier, soit par le deuxième trou, ceci
implique une contradiction. Cette expérience montre très clairement, que
le concept« fonction de probabilité » ne permettait pas de décrire ce qui
se passe entre deux observations.18

En théorie quantique, il est impossible de parler d'un cas pur de la


connaissance, puisque le processus d'observation dépend de
l'observateur, autrement dit, il existe un rapport direct entre l'observateur
et l'observé, car au moment de l'observation (observer l'électron avec un
dispositif de mesure) une interaction a eu lieu, cette interaction ne
18
pp, 45-46.

16
décrivait pas l'électron objectivement, vu les relations d'incertitude ; si
nous connaissons la vitesse, nous n’avons aucune idée sur sa position, et
vice-versa. Selon Heisenberg, l'expérience est gérée par la fonction de
probabilité dans la théorie quantique. Cette probabilité représente une
sorte de tendance :

« La fonction de probabilité combine des éléments objectifs et des


éléments subjectifs, elle contient des énoncés sur la possibilité ou sur les
tendances les plus probables ».19

C’est pourquoi qu’il attesta, que notre connaissance reste incomplète


dans le domaine quantique :

« C’est pour cette raison qu'on ne peut en général prévoir avec


certitude le résultat de l'observation ; ce qu'on peut annoncer, c'est la
probabilité d'un certain résultat de l'observation, laquelle peut se vérifier
en répétant un grand nombre de fois l'expérience ».20

Heisenberg pousse son analyse de cette nouvelle mécanique


encore plus loin. Il avait déclaré que la fonction de probabilité, elle même
ne peut être stable, en continuité, (Zusammenhang) mais en discontinuité
(Unterbrechen). D’une manière que l'observation change la fonction de
probabilité à chaque observation, elle choisit entre tous les phénomènes
possibles celui qui a eu lieu en fait :

« Étant donné que par l'observation, notre connaissance du système


a changé de façons discontinue, sa représentation mathématique a

19
p, 48.
20
p, 49.

17
également subit un changement discontinu, et nous parlons de «saut
quantique», quand on utilise le vieil adage «la Nature ne fait pas des
sauts », comme point de départ pour critiquer la théorie quantique, nous
pouvons répliquer que notre connaissance peut certes changer de façon
soudaine».21

L'interprétation de Copenhague, a poussé Heisenberg de faire la


distinction entre la signification de deux verbes, « Comprendre »
(Verstehen) et « Décrire » (Beschreiben), ce sont deux actions distinctes.
Dans ce contexte, la théorie quantique a changé les conditions classiques
de la physique, à savoir de nous fournir une interprétation exacte de la
nature. La situation est tout à fait similaire à une photographie, elle ne
rend compte que des couleurs et des formes d'un feu d'artifice, sans
toutefois donner d'informations sur les bruits et les odeurs qui
caractérisent ce spectacle. Elle laisse ainsi de côté d'autres aspects du
phénomène22. En effet, Heisenberg remarqua que la nature se mit
également de perdre de plus en plus sa signification vivante après
l'avènement de la physique moderne, en particulier, la physique
quantique :

« Le terme «description» de la nature se mit à perdre sa


signification vivante, et frappante de la nature».23

21 p, 50.
22
Mélanie Frappier, Langage, physique et philosophie : un regard sur la pensée de Werner
Heisenberg, Mémoire présenté à la faculté des études supérieur de l'Université Laval pour
l'obtention du grade de maître arts, Août 1999.p,34.
23
Heisenberg W, La nature dans la physique contemporaine, traduction de Ugné Karvelis,
Paris, Gallimard, 1962,p,14.
18
Ces remarques faites à propos la possibilité de la physique de
décrire les phénomènes naturels. Néanmoins, il est évident que la
physique quantique a changé le point d’appuie épistémologique selon
lequel, la plupart des physiciens et les épistémologues, croyaient que
cette science pouvait effectivement décrire ou expliquer la nature. Après
l'élaboration de la nouvelle mécanique, la majorité des physiciens refusent
désormais cette idée, selon laquelle la physique peut nous offrir une
véritable explication des phénomènes naturels. Cette conviction
aujourd'hui est largement répandue, elle se reflète même dans le
langage :

« Nous remplaçons de plus en plus dans notre vocabulaire


l'expression "explication de la nature" (Naturerklärung) par celle de
"description de la Nature" (Naturbeschreibung) ».24

D'après tous ces résultats abordés par Heisenberg, pouvons-nous


donc parler d'une connaissance idéale, d'une description objective du
monde ? En physique classique ceci est valable, nous pourrons bien
décrire le monde, tout au moins en partie, sans nous faire en rien
intervenir nous-mêmes :

« Nous savons que la ville de Londres existe, que nous puissions la


voir ou non. L'on peut dire que la physique classique est justement cette
idéalisation, nous permettant de parler de fractions du monde sans que

24Heisenberg W, Les problèmes philosophiques de la science nucléaire, traduction de F.C.


Hayes, London, 1952, p,34.
19
notre personne entre en jeu. Le succès remporté par cette thèse ont
conduit à l'idée générale d'une description objective du monde ».25

Pourtant l'interprétation de Copenhague nous enseigne que le fait


de l'idéalisation des connaissances n’a aucune crédibilité. Le mécanisme
atomique ne fonctionne pas selon les lois classiques, vu la fonction de
probabilité, et les lois d'incertitude. Heisenberg a rendu compte, que
l'introduction des termes classiques du langage ordinaire dans les
phénomènes quantiques, nous mène directement vers une confusion
épistémologique. Les mots et les termes classiques ne s'ajustent pas pour
une bonne description du mécanisme atomique. Par conséquent, ils ne
pouvaient pas nous donner une clarification logique de la nature :

« C'est pourquoi l'on a parfois suggéré qu'il faudrait s'écarter


totalement des concepts classiques et qu'un changement révolutionnaire
des concepts utilisés pour décrire les expériences pourrait peut-être nous
ramener à une description non statistique et complètement objective de
la nature ». 26

Nous pouvons donc déduire, que les résultats de l'interprétation de


Copenhague ont considérablement bouleversé et même supprimer la
confiance épistémique enfouie dans l’esprit du scientifique depuis
l'époque de Newton. Le rêve d’élever une connaissance pure,
déterministe, et objective, semble impossible dans le cadre de la théorie
quantique. Cela signifie que nous ne pouvons pas parler de la simplicité de
la nature, ou d’une compréhension intègre (Vollverstandlichkeit) des

25Physique et philosophie, p, 51.


26 p, 52.

20
phénomènes extérieurs. Les lois physiques de l'électron, ont contredit
cette thèse philosophique.

21
Chapitre II :

Le bouleversement des concepts a priori et la


philosophie idéaliste

Dans « Physique et philosophie », Heisenberg a exposé l’échelle


évolutive de la connaissance humaine en analysant méticuleusement les
enjeux de l’histoire des sciences, et la genèse du système cognitif. Cette
évolution est ascendante depuis la Grèce antique jusqu’au XVIII siècle. Il
fallait noter, qu’il n’a pas voulu faire de l’histoire, plutôt de mettre sous la
lumière des faits concrètes les implications épistémologiques de la
physique moderne. En effet, selon le physicien, cette évolution va
entrainer la chute de l’idéalisme philosophique, et pour le savoir nous
devons suivre sa méthode.

La connaissance humaine a traversé des étapes très importantes


depuis l'époque de la Grèce antique, jusqu'à la renaissance, après la
physique classique avec ses grands noms, Descartes, Galilée, Newton, et
enfin, la physique moderne. Ce développement représente une sorte de
chaînon, car chaque étape est bien liée à la précédente et à la suivante. Au
cours de l’Antiquité, les yeux de philosophe étaient fixés sur l'âme
humaine et sur les relations avec Dieu.27 La connaissance scientifique de
l’Antiquité fut systématisée et organisée par Aristote, qui créa le schéma
qui allait fonder la vision occidentale de l’univers pendant deux milles, il
accorda en effet beaucoup plus d’importance aux questions concernant
l’âme humaine et la contemplation de la perfection divine qu’aux

27
Physique et philosophie, p, 84.

22
investigations portantes sur le monde matériel.28 Par contre, depuis la
renaissance en Italie la situation n'est plus la même. Pendant cette
période, les hommes commencent à se délivrer de l’influence d’Aristote et
de l’Eglise, et montrent à nouveau de l’intérêt pour la nature. A la fin du
XV siècle la nature fut étudiée, et des expériences furent entreprises pour
vérifier les notions d’origine spéculative et l’intérêt pour les
29
mathématiques se fut grandissait. Le premier philosophe de cette
nouvelle période, était René Descartes, son système philosophique fut le
plus important qui a hautement servi à l'évolution de la pensée
scientifique. Dans son « Discours de la méthode », il tenta de découvrir
une base complètement nouvelle pour le raisonnement philosophique
ancien. Il avait pris le doute comme la pierre angulaire à sa méthode, il
jeta le doute sur ce que nos sens nous dictent à propos des résultats de
notre raisonnement, et il arriva finalement à sa célèbre phrase, "cogito,
ergo sum" « je pense donc je suis ».30

Le cogito cartésien, ce postulat indique que la connaissance


humaine devrait premièrement connaitre la vérité sur l'existence du
« Moi », si nous voulons savoir l’ultime vérité concernant Dieu. Cette base
philosophique est radicalement différente de celle des anciens
philosophes grecs. Avec ce nouveau système philosophique, le point de
départ du processus de la connaissance n'est plus une substance ou un
principe transcendantal, autrement dit, de res extensa au res cogitan, de
l’extérieur vers l’intérieur, mais de res cogitan au res extensa, de
l’intérieur vers l’extérieur.

28
Capra Fritjof, Le Tao de la physique, Edition Sand 1985, p 21-22.
29
Ibid.
30
Physique et Philosophie, p 85.

23
L'invention de la mécanique classique a poussé l'évolution de la
connaissance humaine, les sciences sont devenues beaucoup plus
expérimentales, et d'après les lois de la mécanique classique, l'homme
pouvait parfaitement décrire le monde sans mentionner Dieu ou nous
même. Autrement dit, les lois newtoniennes pouvaient exhaustivement,
nous informer sur le monde extérieur, sans avoir recours à une cause
transcendantale. Ainsi l'image de Dieu commence à se dégrader dans le
discours scientifique, et de perdre son influence sur la connaissance
humaine.31

Cette nouvelle possibilité va être une condition primordiale des


sciences expérimentales en générale. Ce développement a donné
naissance aux deux sortes de réalisme ; le premier est le Réalisme
métaphysique, représenté par le système cartésien, qui proclame que le
monde à savoir les choses étendues existe. Le deuxième est le Réalisme
pratique impliqué par la mécanique classique, qui proclame, que l'homme
est capable de décrire les différentes formes de la réalité d'une manière
objective, c’est-à-dire, il pouvait savoir le moindre détail de la nature sans
la procédure de la vérification32. Cette tendance, croit à la simplicité et la
lucidité compréhensive de la nature. À cet égard, ce réalisme nous mène à
une possibilité de prédire les résultats de toute expérience relativement
simple, appliquée dans un domaine de recherche spécifique. Heisenberg
semble admettre dans Tradition in science « la Tradition dans la science »,
que les applications pratiques de la physique puissent confirmer au
physicien qu'il a bien compris une partie de la nature :

31
Ibid., pp, 86-88.
32
Ibid., p, 91.

24
« Cela est probablement une forte motivation derrière les
applications de la science, le scientifique est besoin d'une confirmation
venant d'un jugement empirique ».33

Le réalisme pratique a engendré ce qu'on appelle le « Réalisme


dogmatique », il dénonça qu'il n'existe pas de postulat concernant le
monde matériel qui ne puisse être rendu universelle. Heisenberg
considère que la physique classique s’adhère avec ce réalisme. Cependant,
il fallait souligner qu’il ne s’impose pas aux sciences expérimentales,
comme le cas avec le réalisme pratique. Or ce réalisme a joué un rôle très
important dans le passé, depuis la Grèce antique jusqu'à Descartes, il a
laissé ses séquelles, même les grands physiciens de l'époque moderne, ils
ont été sous l’emprise du réalisme dogmatique. Quand Einstein a déclaré
au cours de l’interprétation de Copenhague que Dieu ne joue pas aux dés
(Der Gott spielen nicht auf würfel), ainsi de remettre en doute cette
interprétation, il l'a fait, en fait, en se réfèrent à un réalisme dogmatique34.

Einstein a immédiatement su, que les lois quantiques ayant


bouleversé la thèse du déterminisme épistémologique dans la nature. Il a
inlassablement essayé d’ajuster la nouvelle physique avec l’approche
déterministe, mais sans succès, il disait :
« Tous mes efforts pour ajuster le fondement théorique de la
physique à ce nouveau type de connaissance ont totalement échoué. C’est
comme si le sol s’était dérobé sous mes pieds, sans qu’aucun fondement
solide soit visible quelque part, sur lequel on aurait pi construire. »35

33
Heisenberg W, Tradition dans la science, traduction des textes allemands de Peter Heath,
New York, SeaburyPress, 1983, p,7.
34
Physique et philosophie, p, 92.
35
Schilpp Paule, Albert Einstein philosophe et scientifique, p 45.

25
C’est pour cette raison que les partisans de cette tendance du
réalisme, croyaient à la simplicité de la nature, et qu'ils n'existaient pas
des lois qui ne peuvent être rendues universelles et objectives, étant
donné que le grand architecte Dieu avait imprégné le déterminisme dans
sa création. Descartes fut lui-même influencé par ce genre de réalisme,
lorsqu'il disait « Dieu ne peut nous avoir trompés ». Donc, les adeptes de
ce réalisme, confirment que la connaissance humaine et les bases des
sciences expérimentales doivent être érigées sur le réalisme
dogmatique.36

La physique moderne a poussé encore d’avantage l'évolution de la


connaissance, vers une nouvelle situation moins objective et moins
déterministe. Par exemple ; les lois du mécanisme atomique discrédites la
simplicité de la nature. Si nous posons la question suivante : « Sur quelle
orbite l'électron se déplace t-il autour du noyau ?» les lois quantiques sont
extrêmement vagues est trop étroites pour une description objective et
claire de la nature. Les relations d'incertitude ont fortement bouleversé la
thèse philosophique suivante ; la connaissance fondée sur l'expérience,
nous conduit directement sur les bords d’une vérité déterminante, ou à
une clarification logique.37 Selon Heisenberg, la théorie quantique a
impliqué l’altération du terme « Comprendre » (Verstehen). Il expliqua
cette nouvelle situation dans « The concept of "Understanding" in
Theoretical Physics » « Le concept Comprendre dans la physique
théorique » :

36
Physique et philosophie, p, 92.
37 Ibid., pp, 95-96

26
« Nous avons compris un groupe de phénomènes, quand nous avons
trouvé les bons concepts pour décrire un phénomène ».38

Trouver les bons concepts afin de décrire les phénomènes, semble


une tâche quasi impossible après l'avènement de la théorie quantique, vu
la complexité des phénomènes quantique d'une part et la simplicité des
concepts d'autre part. La simplicité des concepts, signifie des concepts
abstraits et généraux. Dans « Across the Frontiers » « Traverser la
frontière », Heisenberg analyse le processus de l'abstraction :

« Abstraction représente la possibilité de considérer un objet ou un


groupe d'objet sous un angle de vue comme dépourvu de toutes ses
propriétés ».39

Le processus d'abstraction s'avère d'une importance cruciale afin


de comprendre les phénomènes. Les concepts abstraits forment une sorte
de récipient pour organiser et clarifier nos informations venant de
l'extérieur. Par exemple en physique classique ; les concepts «vitesse» et
«position» sont indépendants, autrement dit, le physicien peut calculer la
vitesse d'un objet sans que la position soit altérée, donc ces deux concepts
forment une pure abstraction, puisque ils ne sont pas liés l'un par rapport
à l'autre, et nous pourrons confirmer que la vitesse et la position sont bien
définies. Or le processus est totalement différent dans la théorie
quantique, car les relations d'incertitude stipulent ; si nous déterminons la

38
Heisenberg W, Le concept "Comprendre" dans la physique théorique, in Gesammelt
Werke, p, 337.
39Heisenberg W, Traversé la frontière, traduction de Peter Heath, 1990, p, 71.

27
position, nous ne pouvons pas déterminer la vitesse, et vice-versa, elles ne
sont plus définies dans le cadre de la théorie quantique.40

Par conséquent, le processus d'abstraction n'est plus applicable


dans la théorie quantique, parce que parler d'un cas pur de la
connaissance (Rein fall von weiβheit) n’est plus valable. Les relations
d'incertitude ont vacillé l'idéalisation des concepts, celle-ci est parmi les
plus lourdes implications épistémologiques de la physique moderne, car le
fait de l’abstraction et l'idéalisation des concepts, est considéré la
condition nécessaire dans les sciences, si nous voulons vraiment
comprendre la nature. Heisenberg a expliqué cette situation dans « The
Philosophical Background of Modern Physics » « L'arrière-plan
philosophique de la physique moderne » :

« Le succès de la mécanique de Newton était très persuasif, pendant


des siècles la science a suivi les deux chemins frayés par Galilée ; l’isolation
et l'idéalisation de phénomène, sous les conditions précises et
soigneusement établit pour une mesure correcte ».41

Ceci démontre la faiblesse de nos concepts classiques, et en


d'autre part, l'impossibilité d'idéaliser ou d’isoler le phénomène
quantique, dévoile les limites profondes de nos connaissances, pour une
parfaite clarification logique :

40Physique et philosophie, p, 96.


41Heisenberg W, L'arrière-plan philosophique de la physique moderne, in Gesammelt Werk, p,
336.
28
« La physique moderne nous rappelle là l'ancienne sagesse qui veut
que, si l'on insiste pour ne jamais dire de choses erronées, il faille garder le
silence ».42

Ces résultats ayant entrainé la dislocation des fondements de la


philosophie idéaliste. Kant le fondateur de l'idéalisme allemand, a traité la
question de la connaissance dans son fameux ouvrage "Critique de la
raison pure". Il a divisé la structure de la connaissance humaine, et il
croyait à un ensemble de concepts a priori. Dans son livre intitulé « Le
concept Comprendre dans la physique théorique », Heisenberg analyse la
philosophie idéaliste de Kant. En fait, il était influencé par la pensée
Kantien. Selon le physicien, la compréhension est rendue possible parce
qu'il existe dans notre esprit des structures innées correspondantes aux
structures sous-jacentes aux phénomènes de la nature :

« Si la simplicité sera un critère indispensable afin de former les


concepts et de se référer aux faits, alors ceci nous permettra de dire : Oui,
cela est le même que celle-ci. Nous sommes en train de lier le problème
concerné avec d'autre avait le même rapport, et si un concept avait la
capacité de combiner une diversité de phénomènes sous un certain
aspect, sous lequel il peut être le « même » ou très proche, alors le
concept est définitivement accepté. Comprendre signifie, l'adaptation de
note conception de la pensée à un certain nombre de phénomènes, ou de
découvrir dans le phénomène une structure sous-jacente, laquelle elle se
corresponde à une structure innée fondamentale ».43

42Physique et philosophie, p, 97.


43Le concept « Comprendre » dans la physique théorique, op-cit, p, 337.

29
Avant d’exposer les implications de la physique moderne sur le
système des concepts a priori formé par Kant, Heisenberg a analysé la
méthode kantienne qui se repose sur subdivision de la connaissance
humaine. Cette analyse est très importante afin de déceler les
répercussions épistémologiques.

La philosophie kantienne prévoit qu'une large partie de notre


connaissance est a priori et non tirée de l'expérience. Il distingue donc,
entre la connaissance « empirique » et la connaissance « a priori ». Il est
vrai que toute connaissance venait de l'expérience, mais l'expérience nous
enseigne qu'elle ne soit pas différente dans l'avenir. Par exemple, le
jugement suivant ; « Le soleil se lève tous les matins » signifie que nous ne
connaissons pas d'exception à cette règle dans le passé et que nous nous
attendons à ce qu'elle demeure vraie dans l'avenir, c'est ce qu'on appelle
un « jugement prononcé avec généralité complète » (Urteil spricht mit
ganzheit allgemein aus), il est forcément a priori. Dans la philosophie
kantienne ce jugement est appelé un jugement analytique (Analytisch
Urteil). Si un enfant a appris l'arithmétique en jouant aux billes, il n'a pas
besoin de revenir plus tard à l'expérience pour vérifier que deux plus deux
font quatre.44 Au côté de jugement analytique, on a le jugement
synthétique (Synthetisch Urteil), c’est la deuxième forme de la
connaissance, elle est empirique en générale et non a priori. Or, Kant a
démontré qu’un jugement synthétique peut être a priori. Il considère que
l’espace et le temps comme des jugements synthétiques dans le cadre
d'une connaissance a priori, Il donne les arguments métaphysiques
suivants :

44Physique et philosophie, p, 98.

30
* L'espace n'est pas un concept empirique abstrait, car l'espace est
présupposé (Vor-aussetzen) quand on réfère des sensations à quelques
choses externes.
* L'espace est une représentation a priori (Vor standlisch) nécessaire à
toutes les perceptions externes, car nous ne saurions imaginer qu'il n'y à
pas d'espace bien que nous puissions imaginer qu'il n'y ait rien dans
l'espace.
*L'espace n'est pas un concept discursif ou global des relations des choses
en général, car il n'existe qu'un seul espace.
* L'espace est présenté comme grandeur infinie donnée qui embrasse en
elle toutes les parties de l'espace, par conséquent l'espace n'est pas un
concept mais une forme d'intuition (Anschaulich).

Kant a considéré, non seulement l'espace et le temps comme des


concepts a priori, mais aussi la loi de causalité et le concept de substance.
Il tenta ensuite d'inclure la loi de conservation de la matière et loi de
gravitation. En mathématique, il mit la géométrie euclidienne dans le
cercle des connaissances a priori. Cependant, sous les exploits atomiques
de la physique moderne, aucun physicien ne sera prêt de suivre Kant ou
de faire confiance à son système philosophique idéal.45

En effet, la théorie de la relativité que nous allons exposer plus


tard, avait totalement discrédité les « jugements synthétiques a priori » et
la conception universelle de l’espace-temps. Des caractéristiques
entièrement nouvelles ont été mis en évidence dont on ne voit rien dans
les formes a priori. Mais nous voulons dans cette partie faire part de

45 p, 99-100.

31
l'analyse aux implications de la théorie quantique sur les concepts a priori.
Afin de mettre en évidence ces implications, Heisenberg a comparé la
doctrine de Kant avec la physique quantique. En théorie quantique et la
physique des particules, la loi de causalité a été totalement annihilée, ainsi
la loi de conservation de la matière.46 Dans « La nature de physique
contemporaine », Heisenberg aurait donné une approche révolutionnaire
concernant la loi de causalité, le mot « Cause » (Die Ursache) est presque
absent dans son vocabulaire. Il constate que ce mot, n'a plus en physique
moderne un sens général de celui donnaient par les penseurs de
l'Antiquité et du Moyen-âge :

« Dans les philosophies anciennes, le terme causa avait une


signification bien plus générale qu'il ne l'a aujourd'hui. En se référant à
Aristote, la Scolastique par exemple parlait de quatre formes de "cause".
On y trouve la causa formalis, qu'aujourd'hui on appellerait la structure ou
le contenu conceptuel d'une chose, la causa materialis, c'est-à-dire la
matière dont est faite une chose, la cause finalis, qui est le but d'une
chose et enfin la cause efficiente. Seule la cause efficiente correspond à
peu près à ce que nous désignons aujourd'hui par le terme de cause ».47

Dans « Physique et philosophie » Heisenberg a exposé la loi de


causalité, il affirme que les découvertes de la physique actuelle n'ont pas
été prévues par la philosophie kantienne. Kant était convaincu que ces
concepts seraient « les prolégomènes (Die vorbemerkung) à toute
métaphysique future qui se présenterait comme science »48.

46
p, 100.
47 Heisenberg W, La nature dans la physique contemporaine, p 40.
48 Physique et philosophie, p 101.

32
La loi de causalité stipule que chaque phénomène observé, nous
supposons qu'il existe un phénomène précédent dont le premier doit
s'ensuivre d'après une règle, cette règle est l’édifice épistémologique et
scientifique de tous savoirs. Or Heisenberg a remis cet édifice en doute en
posant la question suivante : Est-ce vrai en physique atomique ?

« Prenons un atome de radium, lequel peut émettre une particule


Alpha à un instant qu'il nous est impossible de prévoir tout ce que nous
pouvons dire, c'est que cette émission se produira en moyenne tous les
deux mille ans. Donc quand nous observons l'émission, nous ne
recherchons effectivement pas un phénomène antérieur dont doit
s'ensuivre l'émission d'après une règle ».49

Heisenberg a constaté que la méthode scientifique a été


profondément changée depuis Kant, Connaître le phénomène précédent
est impossible dans la théorie quantique :

« Nous savons que la découverte d'un phénomène précédent cause


de l'émission à un instant donné, est impossible. L'autre réponse est que
nous connaissons le phénomène précédent, mais pas avec une précision
parfaite, nous savons quelle sont les forces dans le noyau atomique qui
sont responsables de l'émission de la particule Alpha, mais cette
connaissance comprend l'incertitude introduite par l'interaction entre le
noyau et le reste du Monde. Pour savoir pourquoi la particule Alpha a été
émise à cet instant particulier, il nous faudrait connaître la structure
microscopique de monde entier y compris nous-mêmes, ce qui est

49 p, 101-102.

33
impossible, et par conséquent, les arguments de Kant pour le caractère a
priori de la loi de causalité ne s'appliquent plus ».50

Nous remarquons à cet égard, que la théorie quantique et la


physique atomique, ont entrainé des conséquences profondes sur les
concepts a priori formuler par Kant, cela signifie la dislocation total des
fondements de la philosophie idéaliste. Même aussi le système cognitif, et
les thèses psychogenèse antérieures, selon laquelle, il existait une
connaissance innée.

La notion classique de causalité n'avait qu'une portée limitée


d'application, c'est un coup fatal contre l'idéalisme, étant donné que la
physique moderne a changé le postulat kantien sur la possibilité d’un
jugement synthétique a priori, et l'a fait passer du rang de postulat
métaphysique à celui de postulat pratique. Et par conséquent, les
« jugements synthétiques a priori », ayant donc le caractère d'une vérité
relative.

Nous voulons laisser les concepts de « temps » et de l’« espace»


dans la partie de la relativité, car les implications philosophiques et
épistémologiques de la relativité touchent directement ces deux concepts.
Il fallait souligner aussi que le concept « Causalité » n’est plus applicable
même dans les autres branches scientifiques. En biologie moderne, en
particulier la « bactériologie », l’étude microscopique de la bactérie «
Escherichia coli » a montré qu’elle pouvait réaliser des opérations, dont les
usines ou les laboratoires les plus avancés, échouent de les reproduire.
L'étude de cette bactérie a dévoilé qu'elle pouvait aussi se multiplier d'une

50
p, 102.

34
façon aléatoire, sans que le bactériologue identifie la cause de cette
multiplication51.

Dans « Physique et philosophie » Heisenberg n’hésitait pas de


sortir du cercle de la physique expérimentale vers les autres sciences,
pour démontrer que les concepts, « espace » et « temps » ne sont plus
applicables même dans les autres branches, comme en Zoologie. Selon
Heisenberg, le biologiste autrichien Conard Lorenz, spécialiste dans
« l'éthologie »,52 avait comparé les concepts a priori avec le
comportement qu'on appel chez les animaux le « comportement inné ».
Lorenz a déduit pour certains animaux primitifs, l'espace et le temps
soient différents de ce que Kant appelait notre « intuition pure » (Unsere
rein anschauung).53

On conclure ainsi, que les concepts a priori ne pouvaient en aucun


cas représenter une connaissance abstraite, universelle, ou générale, mais
uniquement des vérités relatives.

Quoi qu’il en soit Heisenberg a rendu compte, que la physique


moderne, nous enseigne qu'il n’y aura aucune vérité ou un principe
inattaquable. Tous les concepts et les mots formés dans le passé, depuis la
Grèce antique jusqu'à Kant, ne sont pas vraiment définis. Peut-être qu'ils
sont utiles à un instant donné, or il est quasiment faux de les voir comme
universel dans une large variété d'expériences, parce qu’ils ont
effectivement limité :

51
Saint Sernin Bertrand, Andler Daniel, Fagot-Largeault Anne, Philosophie des sciences Tome I,
Gallimard, France, 2002, Collection Folio essais, p, 457
52
L’étude des comportements des animaux.
53
Physique et philosophie, p, 105.

35
« Nous savons souvent qu'on peut les appliquer à une large variété
d'expériences intérieurs ou extérieurs, mais nous ne connaissons
pratiquement jamais avec précision les limites de leur domaine
d'application. Cela est vrai même pour les concepts les plus simples et les
plus généraux comme « existence » et « espace-temps ». Par conséquent,
on ne pourra jamais parvenir par la raison pure à une vérité absolue ».54

Dans ce contexte, les physiciens ont pris conscience que le système


des concepts et les notions classiques, ainsi les thèses philosophiques
antérieures, sont très fragiles de surmonter le fléau révolutionnaire de la
physique moderne. Dans ce cas, il fallait abandonner l’idée philosophique
d’une connaissance inattaquable ou inébranlable, idée qui sera plus
évidente avec l’invention de la relativité.

54
p, 106.

36
Chapitre III :

L'invention de la relativité et la dislocation du langage


de la mécanique classique

L’invention de la relativité est considérée comme une tournure


décisive au cours de l’histoire de la physique. Dans « Physique et
philosophie », Heisenberg, a exposé par détail la genèse de cette théorie,
en analysant ses implications philosophiques.

La relativité représente la deuxième Crise épistémologique et


linguistique en physique, en obligeant les physiciens d’abandonner cet
idéal d'un système de référence absolu (Unbedingt referanz system). La
relativité restreinte était apparue dans le cadre des recherches sur
l'électrodynamique des corps en mouvement, l'un des plus importants
domaines du siècle précédent. Les physiciens étaient pris avec de sérieux
problèmes, quand à la propagation de la lumière. Depuis l'époque de
Newton, les physiciens croyaient que la lumière est portée par une
substance chimique hypothétique l’éther, supposaient donc, que les ondes
lumineuses pouvaient être considérées comme onde élastique d'une
substance très légère à laquelle on donnait le nom d'éther, substance
invisible et impalpable qui remplissait le récipient sous vide ainsi que
l'espace.55

Cependant les physiciens ont resté réticents sur la valeur de cette


substance et son vrai rôle concernant les mouvements des corps, et
55
Langage, physique et philosophie, op.cit., pp, 84-85.
Physique et philosophie, pp, 135-136.
37
d’ailleurs, l'idée que les ondes électromagnétiques pouvaient être une
réalité en elles-mêmes indépendantes de toute substance, ne vint pas aux
physiciens de l'époque. Donc la question qui se pose et qui représente une
énigme à résoudre : Comment une onde lumineuse se propageait-elle
56
dans l'éther en déplacement ? Maxwell avait en effet démontré la
nature ondulatoire de celle-ci et demeurait convaincu, comme tous les
scientifiques de l'époque, qu'une onde ne pouvait pas se déplacer que
dans un milieu matériel.

Valider l'authenticité de l'éther parait quasi-impossible, car la


vitesse des corps est généralement très petite par rapport à la vitesse de
la lumière. La première expérience est menée par le physicien Américain
Michelson en 1881, les résultats étaient négatifs et non précis. Reprit par
les deux physiciens Morley et Miller en 1904, les résultats sont tout à fait
inattendus, parce que l'ordre de grandeur estimé n'existe pas.57 Que s'est
t-il vraiment passé dans cette célèbre expérience au cours de l'histoire de
la physique ?

Afin d'obtenir des effets plus importants, il semblerait préférable de


faire les expériences avec des corps ayant une vitesse très élevée. La Terre
tourne autour du soleil à une vitesse d'environ trente Kilomètre par
seconde, donc si l'éther était immobile par rapport au soleil et il ne se
déplace pas avec la Terre, ce mouvement rapide de l'éther par rapport à la
Terre devait se manifester par un changement de la vitesse de la lumière,
et cette vitesse devait être différente à la direction dans laquelle se
déplace l'éther. Il fallait faire des calculs extrêmement précis sur

56
Physique et philosophie, pp, 136-137.
57
p, 137.

38
l'interférence de deux faisceaux lumineux se déplaçant parallèlement et
perpendiculairement au mouvement de la terre. Ce changement au cours
de l'expérience n'est pas manifesté.58

Entre autres le physicien néerlandais Hendrik Lorenz, formula en


1904 une équation permettant de prédire les résultats de différentes
expériences en considérant d'une part, que les corps en mouvement
rapetissaient, et en d'autre part qu'il existait dans les différents systèmes
de référence, des temps "relatifs" remplaçant le temps absolu. En ce
moment même nous constatons que les concepts « Temps » (Die Zeit) et
« Espace » (Der Raum) du langage classique ont manifesté des signes de
faiblesse. Ce qui a été constaté par Heisenberg dans « Langage et réalité »
(Sprache und Wirklischheit) :

« Le langage ordinaire était basé sur les concepts archaïques du


temps et de l'espace, et cet langage offre un sens non ambigu concernant
les résultats communicatives de la mesure. Mais maintenant l'expérience
avait bien montré que l'ancien concept n'est plus applicable ».59

Le pas décisif a été réalisé avec Albert Einstein quand il a écrit


l'article de la relativité restreint en 1905. Cet article a entrainé l'abandon
de la notion éther, et qu'il fallait faire la distinction entre temps « absolu »
et temps « relatif » :

« Par exemple, la substance éther pouvait être rejetée, elle aussi,


étant donné que tous les systèmes de référence qui subissent un

58
p, 138.
59
Heisenberg W, Langage et réalité, in Gesammelt Werk, Band II. p, 174.

39
mouvement de translation uniforme les uns par rapport aux autres sont
équivalents pour décrire ce qui se passe dans la nature. Le postulat selon
lequel il existait une substance éther, immobile par rapport à un seul de
ces systèmes, n'avait pas de sens, et il était beaucoup plus simple de dire
que les ondes lumineuses se propagent dans le vide». 60

Einstein a fixé le temps « apparent » de la transformation de Lorenz,


comme étant le temps « réel » (Die EchtZeit), ce changement va
révolutionner les fondements de la physique. En effet, ce changement a
bouleversé les notions et les concepts du langage ordinaire, puisque ce
nouveau phénomène, il ne peut pas être décrit avec les termes classiques
transmis depuis Newton, car les mots habituels liés à l’espace-temps, sont
restés depuis toujours une pure idéalisation, et ils ne s'adaptent pas en
effet avec la nouvelle situation. La relativité restreinte a incité les
physiciens de redéfinir la notion « simultanéité » (Gleichzeit).61 Dans la
physique classique, nous pouvons affirmer que deux événements se
déroulent en des endroits différents qu'ils sont simultanés. En vérité, la
notion simultanéité était considérée comme le fondement d'une
connaissance idéale, cependant, la relativité restreinte a secoué ce
fondement.

Selon la physique classique, imaginons un train dont un de ses


wagons est équipé à chacune de ses extrémités une porte dont l'ouverture
est déclenchée par une photo détectrice lorsque ce dernier capte de la
lumière. Au centre de ce wagon se trouve une ampoule éteinte, et un
premier observateur. Le train entre alors dans une gare sur le quai de

60 Physique et philosophie, p, 174.


61
Langage, physique et philosophie, op-cit, p, 85.

40
laquelle se trouve un second observateur. Exactement au moment où il
passe à la hauteur de la personne sur le quai de la gare, le passager du
train allume l'ampoule provoquant ainsi l'ouverture des deux portes de
son wagon. Selon les lois classiques de la physique, quelle que soit la
vitesse à laquelle arrive le train les deux observateurs affirmeront la
même chose : les deux portes s’ouvrent simultanément. La relativité
restreinte prévoit le même résultat, mais la différence se manifeste
lorsque nous approchons à la vitesse de la lumière. Si nous faisons
l'expérience une deuxième fois avec un train qui cour à la vitesse de la
lumière, lorsque le passager allume l'ampoule exactement au moment où
il passe à la hauteur de l'observateur qui est sur le quai, le passager dans
le train affirmera de nouveau que les deux portes se sont ouvertes au
même moment. Par contre, l'observateur sur le quai de la gare affirmera
que la porte arrière de wagon s'est ouverte avant la porte de devant. Pour
l'observateur sur le quai, les deux événements ne sont pas en
simultanéités. 62

Nous ne voulons pas entrer d'avantage dans les détails de la


relativité restreinte, mais notre recherche consiste de mettre en évidence
les limites des concepts et les lois classiques à un certain niveau. Dans
« Physique et philosophie » Heisenberg a fait une analyse plus détaillée en
expliquant d'avantage cette expérience d'une manière différente. Il
constate que la relativité restreinte avait des conséquences lourdes sur la
mécanique et le langage classique :

« Quand deux événements se produisent simultanément en un


même point de l'espace, nous disons qu'ils coïncident ; ce terme est
62 Ibid., p, 86.

41
totalement dépourvu d'ambiguïté. Imaginons maintenant trois points
dans l'espace en ligne droite, de sorte que le point du milieu est à égale
distance des deux points extrêmes. Si deux événements se passent aux
deux points extrêmes à des instants tels que les signaux lumineux partant
des événements coïncident quand ils atteignent le point du milieu, nous
pouvons définir ces deux événements comme simultanés, cette définition
est plus étroite que la première. Une de ses conséquences les plus
importantes est que, quand deux événements sont simultanés pour un
observateur, ils peuvent ne pas l'être pour un autre si celui-ci se déplace
par rapport au premier».63

Nous constatons que la notion « simultané » est dotée d’un sens


très différent avec les lois de la relativité restreinte quand en s’écartant du
langage ordinaire. Heisenberg confirme que la relativité restreinte a créé
une sorte d'ambiguïté (Zweisinn) à l'égard du mot « simultanéité ». Dans la
vie journalière le sens du mot simultané, peut nous donner une
clarification logique, or il reste limiter uniquement aux événements qui
n'atteignent pas la vitesse de la lumière ou très proche, quand à la vitesse
de la lumière le sens n'est plus le même. Les événements qui se passent
avec une vitesse proche de celle de la lumière, ils ne sont plus simultanés
pour deux observateurs. Donc, la physique moderne exige un ajustement
de nos concepts du langage ordinaire, comme ; simultanéité, temps, et
espace :

63 Physique et philosophie, p, 144.

42
« En théorie de la relativité, les physiciens ont essayé de changer la
signification des mots de la physique classique et de rendre ces mots plus
précis, de manière qu'ils s'adaptent avec la nouvelle situation ».64

Quant au temps, nous ne pouvons pas aussi parler d'un temps


absolu dans le cadre de la théorie de la relativité, étant donné que chaque
système spatial avait son propre horloge. Via la relativité générale,
Einstein avait changé le concept «espace » d'une façon très radicale, il
fallait souligner que ce concept est basé sur le concept de la gravité connu
depuis Newton. Dans la physique classique, la gravité est une force qui
agit à distance, Einstein, a bouleversé ce fondement épistémologique,
quand il a parvenu de percer le mystère du concept «inertie» (Die
ruhekraft). En fait, la relativité générale a transformé les deux concepts,
« gravité » et « inertie ». Einstein avait adopté la thèse qui dénonce que
les forces de gravitation sont influencées par les propriétés de l'espace,
autrement dit, les forces de gravitation sont produites par les masses des
corps célestes, la gravitation est liée à l'espace, donc les propriétés de
l'espace sont formées par les masses.65 Par conséquent, l'espace n'est plus
un concept idéal et universel de la physique classique :

« L’on exprime parfois cela en disant que l'idée d'espace absolu


avait été abandonnée ».66

La relativité générale non seulement elle a démontré les limites des


concepts «espace» et «temps», mais aussi les limites de la géométrie
Euclidienne. Einstein se trouva dans l’obligation de lier les lois de la

64 p, 145.
65 p, 151-152.
66
p, 149.

43
relativité restreinte avec le formalisme mathématique de la géométrie de
Reimann. En revanche, on ne doit pas considérer la géométrie d'Euclide
comme erronée, parce qu’elle nous donne des mesures et des résultats
corrects sur un espace plat (Der Ebenraum) mais pas dans un espace
courbe (Der Beugenraum) 67.

La relativité a dévoilé les limites du langage classique, car les


phénomènes à l’intérieure de cette théorie ne peuvent être
compréhensibles selon le langage ordinaire. C’est pourquoi qu’on dit que
la mécanique newtonienne parait inutile quand nous approchons à la
vitesse de la lumière, or il fallait garder dans l'esprit que la mécanique et
le langage classique ne sont pas tout à fait erronés, mais l’apparition des
nouveaux phénomènes très compliqués à notre entendement, ils seront
incapables de nous fournir une clarification logique, nous devons donc les
remplacer par un langage plus développé, qui pourrait s'adapter avec les
nouvelles découvertes.

En physique classique, les concepts de temps et de l’espace sont


indépendants, et ils sont abstraits et idéals. Cependant, la relativité a
infligé le deuxième coup fatal à l'idéalisme, par la liaison entre ces deux
concepts. Le temps est lié à l'espace et vice-versa, nous ne pouvons donc
parler d'une connaissance idéale comme dans le cadre de la mécanique
quantique.

Dans « Physique et philosophie », Heisenberg a analysé la théorie de


la relativité, parce qu’elle avait secoué non seulement la philosophie, mais

67 p, 152-153.

44
aussi la théologie. Evidemment, elle a soulevé des questions
philosophiques et théologiques très anciennes, à savoir la finitude ou
l'infinitude de l'espace ? Le temps est t-il éternel ou créé ? Qu'existait-t-il
avant le début des temps ? Qu'arrivera t-il à la fin des temps 68 ?

Aristote croyait à la finitude de l’espace, il est lié aux corps, il n'y


aura pas d'espace là où il n’y aura pas de corps. De son coté, Kant a
considéré la question de l’infinitude et la finitude de l’espace parmi les
Antinomies de la raison, difficile de trouver une réponse logique
satisfaisante. L'espace ne peut pas être fini, car nous sommes incapables
d'imaginer une finitude à l'espace, quel que soit le point de l'espace
atteint, nous pouvons toujours imaginer que l'on puisse le dépasser, et en
même temps l'espace ne peut être infini, car il est une chose que nous
pouvons l'imaginer, sinon on n’aurait pas créé ce mot.

Par conséquent, les résultats apportés par la théorie de la relativité,


ont résolu l'antinomie de l'espace. Finalement la géométrie à quatre
dimensions «espace-temps», nous a informé la manière de distribution
des galaxies dans l'espace. Les observations astronomiques récentes
basées sur les principes de la relativité générale suggèrent que l'espace est
fini, seulement qu'en parcourant l'univers toujours dans la même
direction l'on reviendrait finalement à son point de départ. En ce qui
concerne le temps, la relativité a révolutionné l’idée philosophique selon
laquelle le temps et l’univers n’avaient pas de commencement. En fait,
beaucoup d'observation indiquent qu’il y une origine à l'univers, il y a
environ quatre milliards d'années, à cette époque l'univers était concentré

68
p, 155.

45
en un espace bien plus petit que maintenant et depuis l'univers était en
expansion.69

69
p, 156-159.

46
Chapitre IV : Nouvelle réalité et langage bouleversé

Dans « Physique et philosophie » Heisenberg avait constaté qu'il


existe une certaine hiérarchie des théories en physique (Die rangordnung).
Au bas de l'échelle, on trouve les théories phénoménologiques purement
formelles, lesquelles ne font que décrire et prédire des événements
physiques. On peut retracer cette hiérarchisation depuis l'époque de
Newton. En fait, les sciences n'ont pas cessé de se développer à partir de
cette époque, selon Heisenberg le développement des systèmes en
physique a impliqué une nouvelle réalité.

Heisenberg a commencé par le premier système, « Le système


newtonien », ce système inclus un groupe de définitions et d'axiomes liés
entre eux de telle manière qu'ils forment ce qu'on pourrait appeler «un
système fermer» (Geschlosen systeme), il est représenté par un ensemble
de symboles mathématiques. Ce système assure qu'aucune contradiction
interne ne puisse s'y produire. Considérer comme le plus ancien, il est
fondé sur un ensemble de concepts, pouvant décrire une structure
éternelle de la nature, structure indépendante des valeurs particulières de
l'espace ou de temps.70

Le deuxième système a été formé au cours du XIX siècle, avec la


thermodynamique, ce système utilise un certain nombre de concepts qui
n'ont pas de contrepartie dans d'autres branches de la physique, comme
par exemple ; la chaleur, la chaleur spécifique, l'entropie, l'énergie libre.

70
Physique et philosophie, pp, 109-110.
47
Le concept central de cette interprétation est le concept de probabilité, en
liaison étroite avec le concept « entropie ».71

Le troisième système fermé qui sera discuté plus tard, a pris forme
définitive au cours de la première décennie du XX siècle grâce aux travaux
de Lorenz, Einstein, Minkowski. Ce système comprend la relativité,
l'optique, et le magnétisme.72

Le quatrième et le dernier système c’est la théorie quantique, qui se


présente comme l'apogée de l'évolution en physique pendant le XX siècle.
Ces quatre systèmes ayant une relation étroite, mais il y avait une rupture
profonde avec l'héritage classique. L'événement qui à élargie de plus
d'avantage cette rupture, c'était l'unification entre la théorie quantique et
la chimie dès le début du XX siècle, et les lois chimiques sont devenues
irréductibles (irreduzien) pour les introduire dans le cadre de la physique
classique.
Depuis le siècle précédent, l'étude chimique est devenue plus ample
et plus vaste. Les physiciens ont constaté de nouveaux éléments dans la
structure chimique du mécanisme atomique, qui ne peuvent être
compréhensibles quand en employant les lois classiques. Afin de donner
une description qualitative des lois de la chimie, il fallait formuler un
système de concepts beaucoup plus large, car les éléments chimiques ont
montré dans leurs comportements, un degré de stabilité qui manque
totalement dans les systèmes mécaniques.73 C’est une autre preuve
expérimentale qui indique que le processus d’idéalisation des
connaissances défendu par la physique classique, a perdu son valeur de
71
P 117-118.
72
P 118-119.
73
P 121-122.
48
scientificité. D’un autre côté, l’idéalisation dans laquelle nous parlons du
monde comme étant entièrement séparé de nous, n'est plus viable. La
théorie quantique ne nous permet pas d'effectuer une description
complètement objective de la nature, vu les interactions chimiques à
l'intérieur de la matière, ceci expose un lien trop complexe des
phénomènes. Le monde n'est plus le monde de la physique classique, un
monde simple et compréhensible, qu’on peut abstraire ses lois physiques.
Par conséquent, le mécanisme atomique nous enseigne que nous ne
pourrons pas obtenir une complète clarification logique.

Le développement de la théorie quantique nous a appris qu'on doit


plutôt décrire les choses de la manière suivante ; les lois de la mécanique
newtonienne peuvent être utilisées pour décrire les phénomènes
apparents de la nature, autrement dit, ils sont très pratiques dans le
monde «macroscopique», comme les corps célestes. Mais si nous les
utilisons pour décrire les phénomènes extrêmement minuscules qui
appartenaient au monde «microscopique» comme
« l’électromagnétisme » ou le « saut quantique », elles nous mènent à un
déficit épistémologique :

« Mais les phénomènes électromagnétiques ne peuvent être décrits


de façon adéquate par les concepts de la mécanique newtonienne, donc
les expériences sur le champ électromagnétiques et sur les ondes
lumineuses, ainsi que leur analyse théorique par Maxwell, Lorenz,
Einstein, ont conduit à un nouveau système fermé ».74

74
p, 115.
49
La théorie quantique a impliqué une nouvelle situation selon
laquelle, aucun système fermé qui inclut un ensemble d'axiomes et de
définitions, ne pourrait être idéalisé, étant donné que les progrès
scientifiques dans toutes les spécialités ne peuvent être satisfaits par
l'utilisation des lois connues pour expliquer de nouveaux phénomènes.
Donc, il fallait abandonner cette confiance démesurée qui s’achever
souvent par un déterminisme scientifique, celle qui a accompagné les
travaux et les recherches scientifiques depuis Newton75 :

« Quand nous représentons un groupe de liens par un ensemble


fermé cohérent de concepts, d'axiome, de définitions et de lois, ensemble
qui à son tour, est représenté par un formalisme mathématique, nous
avons en fait isolé et idéalisé ce groupe de liens dans un but de
clarification. Mais même si nous avons ainsi obtenu la complète
clarification, nous ne savons pas avec quelle exactitude l'ensemble de
liens décrit la réalité ».76

Certainement, les implications de la théorie quantique ayant


entrainé un glissement de terrain, car les résultats scientifiques dans
chaque domaine sont loin d’être absolus. Ainsi la connaissance idéale, a
parvenu à son terme avec la physique actuelle, ce qu’on peut l’appeler
une mutation épistémologique radicale selon laquelle la vérité scientifique
ne soit plus perçue d’une manière fixiste. Nous pouvons donc déduire, que
le système fermé a perdu son statut d’universalité, un statut qui était
privilégié par Newton, cette universalité est limitée par les expériences et
les nouvelles découvertes.

75
Ibid.
76
p, 130.

50
Cette nouvelle réalité philosophique nécessite un nouveau langage
plus développé et qui n’a rien en commun avec le langage ordinaire, et en
même temps, elle devrait réussir où l’ancien langage a échoué.

Dès le Début de cette partie, nous avons exposé les difficultés


techniques que le langage classique a fait face, il n’est plus possible
désormais d’expliquer ou clarifier certains phénomènes, car la nature
n'est plus la nature simple et compréhensible de la physique classique,
ainsi la vérité sera moins objective et moins certaine à l'égard du
mécanisme atomique. Heisenberg a défendu cette réalité incertaine au
cours de l'interprétation de Copenhague, il aurait mené une lutte farouche
contre le courant traditionnel, qui croyait à la réalité déterministe. C’est
pour cette raison, que les concepts du langage ordinaire ne seront qu’un
jargon, mais pas dans la description des événements de la vie journalière,
Alors les physiciens doivent développer un nouveau système linguistique.
Dans « Physique et philosophie » Heisenberg confirma cette nouvelle
réalité que la physique moderne a imposée :

« En théorie quantique, les physiciens ont été assez rapidement


contraints d'apprendre que les termes employés en physique classique, ne
décrivaient pas la nature qu'avec imprécision, que leur applicabilité était
limitée par les lois quantiques et qu'il fallait donc être prudents dans leur
emploie ».77

La relativité a bouleversé le langage classique, les concepts comme


«espace» «temps» «simultanéité», semblent moins objectives et précis, ils

77 Physique et philosophie, p, 145.

51
sont pratiquement très limités, c’est pourquoi ils ne peuvent être des
concepts abstraits ou idéals. A cet égard, il fallait se focaliser un peu plus
sur les implications de la théorie quantique sur le langage. Il en est vrai
que nous avons mentionné certaines implications, mais dans ce contexte
de notre analyse, les implications seront plus flagrantes, car le vacillement
du langage à cause des nouveaux exploits, va entrainer des implications
plus profondes et plus choquantes sur notre logique quotidienne.

Le langage joue en physique comme toutes les autres formes de


compréhension humaine, un rôle très important, raison pour laquelle les
sciences ne pourront se développer, si les scientifiques n'auront pas la
possibilité d'échanger leurs idées et de partager les résultats de leurs
observations. Selon Heisenberg, le langage n'est pas uniquement un
moyen de communication, mais il est aussi un outil nécessaire au
développement de la pensée humaine :

« La race humaine a formé son langage durant l'ère préhistorique


en tant que moyen pour exprimer ses idées et en tant que base pour la
pensée ».78

En physique le premier langage utilisé était le langage ordinaire


(Die gewöhnliche Sprache) celle que nous utilisons dans la vie journalière.
Heisenberg a constaté que l'acquisition du langage de la vie quotidienne,
se procède après avoir entendu plusieurs fois un mot et de l’utiliser à
quelques reprises. Les concepts et les mots seront bien définis dans leurs
références. C'est ainsi que les jeunes enfants n'apprennent pas le sens des

78 p, 223.

52
mots à partir des définitions fournies par un dictionnaire, mais lorsqu’ils
observent l'adulte faire usage de la langue et essayer de l'imiter. L'enfant
auquel on donne un jouet en prononçant le mot « Balle », utilisera peut
être initialement ce mot pour désigner toutes les choses qu'il désire
obtenir. Or Heisenberg a remarqué que les réactions négatives ou
positives de l'entourage restreindre peu à peu l'usage de ce mot à un
certains objets, pour former un concept de ce qu'est une balle.79 Même si
le langage ordinaire avait une simplicité très nette, il se peut qu’il se
trouve de tant de difficultés dont l’établissement de la référence entre le
concept et l'objet qu'il désigne. Dans « Philosophie, le manuscrit de 1942 »
Heisenberg expliqua cette imprécision :

« Les limites entre les choses qu'on peut appeler "balles" et


celles auxquelles ce nom ne convient pas ne sont en général jamais
tracées de manière entièrement nette ».80

Heisenberg illustre d’autres exemples pour mettre en évidence les


limites du langage ordinaire. Comme par exemple le mot chaud (Warm),
en hiver, combien de fois avons-nous dit en rentrant dans une maison
après une longue marche à l'extérieur, « Qu'il fait chaud dans cette
pièce!», alors qu'une personne n'étant pas sortie de l'appartement affirme
qu'il y fait froid ! La polysémie (Vielsinnig) entraine une certaine
imprécision. Dans « Physique et philosophie » Heisenberg explique
d'avantage cette crise linguistique :

79
Langage, physique et philosophie, op-cit, p, 73.
80
Philosophie, le manuscrit de 1942, p, 256.

53
« Naturellement, chacun sait que les mots ne sont pas aussi
clairement définis qu'ils paraissent l'être au premier abord et que le
domine où ils s'appliquent est borné : par exemple, nous pouvons parler
d'un morceau de fer ou d'un morceau de bois, mais pas d'un morceau
d'eau, le mot «morceau» s'applique pas aux liquides». 81

C'est pourquoi Heisenberg insiste sur le fait, que le langage s’élève


sur une base incertaine (Unsicher grund), « l'édifice du langage doit
finalement toujours s'élever sur une base incertaine».82 C'est ainsi que la
logique s’intervienne. La logique est une profession qui consiste de
clarifier et préciser le contenu des propositions formulées par le langage.
Avec le développement de la logique aristotélicienne, le langage aurait
atteint le degré d'une précision et d'abstraction qui sera la base de tout
langage scientifique :

« Pour donner une base solide à la pensée scientifique, Aristote


a commencé dans sa logique, à analyser les formes du langage, la
structure formelle des conclusions et déductions, indépendamment de
leur contenu. Il est ainsi parvenu à un degré d'abstraction et de précision
qui avait été jusque-là inconnu de la philosophie grecque, contribuant
ainsi de façon immense à la clarification et la création d'un ordre dans nos
méthodes de pensée ».83

81
Physique et philosophie, p223.
82 Langage et réalité, op-cit, p, 275.
83 Physique et philosophie, pp, 224-225.

54
Cela signifie, que le langage ordinaire demeure illimité à l'égard de
quelques phénomènes naturels, ainsi il reste vague sur certains point, et il
nous empêche de développer la science exacte :

« Il est évident que les concepts du langage ordinaire, avec

leur imprécision et le vague de leur définition, ne permettraient jamais de


telles déductions multiples ».84

Depuis la Grèce antique, l'assimilation entre langage et logique


était nécessaire. Selon Heisenberg, le langage seul est incapable de nous
offrir une précision nette du monde extérieur, alors la logique pourrait
bien accomplir ce chemin de clarification, afin de jeter les fondements non
seulement de notre pensée, mais aussi la base des sciences. Évidemment,
cet achèvement (Ergänzung) a atteint son plus haut point avec la
mécanique de Newton, Ce qu'il avait noté :

« Depuis qu'il y a trois cents ans, Isaac Newton a écrit son


célèbre ouvrage, les principes mathématiques de la philosophie naturel, et
cette précision et achèvement du langage ordinaire à travers un schème
mathématique sera toujours perçue comme la base d'une science exacte
propre du terme ». 85

Dans tous les domaines scientifiques, il fallait employer le langage


avec une précision si nous voulons utiliser un langage ordinaire, c’est-à-
dire un langage de la vie journalière. Heisenberg insiste sur une relation

84 p, 227.
85 Langage et réalité, p, 278.

55
assez forte et certaine entre les noms et les concepts, chaque nom doit se
référer à son propre concept. Ceci ne peut être réalisable sans l'aide des
mathématiques :

« En physique théorique, nous essayons de comprendre des

groupes de phénomènes en introduisant des symboles mathématiques


pouvant se lier aux faits, c'est à dire aux résultats des mesures, comme
symboles, nous utilisons des noms qui mettent en évidence leur
corrélation avec la mesure rattachant ainsi les symboles au langage [...]
c'est ainsi que l'ensemble mathématique représente le groupe de
phénomènes, dans la mesure où la corrélation entre symbole et mesure
est valable ».86

Cependant, Heisenberg avoue que le langage ne pouvait décrire


une réalité idéale, étant donné que les sciences se développent aux fils
des siècles ainsi nos connaissances scientifiques. Par exemple, l'apparition
de nouveaux domaines en physique comme la « thermodynamique » et
l' « électromagnétisme », furent développés afin de décrire certains
phénomènes irréductibles qui ne peuvent être compréhensibles par les
notions et les concepts de la mécanique newtonienne :

« Mais les sciences en même temps que s'accroissent les


connaissances scientifiques, le langage s'enrichit, de nouveaux termes
sont introduits et les anciens termes sont appliqués à un domaine qui
s'élargit, ou d'une façon qui diffère du langage ordinaire».87

86 Physique et philosophie, p, 228.


87 p, 229.

56
En effet, depuis l'avènement de la physique moderne, la relativité
a bouleversé les concepts «temps» «espace » et «simultanéité» du
langage ordinaire, et la théorie quantique a secoué le concept du
« déterminisme ». Cette révolution dans la physique, exige la formation
d’un autre langage plus précis et plus clair dû aux phénomènes quantique,
puisque ils ne pourraient être décrits en aucun cas avec les termes
classiques. Heisenberg a remarqué cette nécessité, non dans Physique et
philosophie seulement, mais aussi dans « Langage et réalité »:

« Dans la description des événements du domaine du plus petit (Im


kleinsten Bereich), chaque relation qui est analysée et représentée
mathématiquement dans la théorie quantique refuse le langage ordinaire
ou le langage de la physique classique dans une telle mesure que même
des physiciens de la trempe d'Einstein n'ont pas été disposés jusqu'à la fin
de leur vie, à s'accommoder de cette nouvelle situation ».88

Dès la découverte du phénomène quantique par Max Planck, la


thèse selon laquelle les corps émettent les chaleurs en continuité n'est
plus acceptée. Selon la loi de Planck, la matière émet les rayons lumineux
en discontinuité (Quanta), cette discontinuité n'est pas représentée dans
la physique classique. Après l'expérience du photo-électrique mené par
Einstein, il aurait déduit que la lumière possède deux images
représentatives (onde-particule). L'expérience de Young mentionnée
plutôt corrobore cette réalité. Les résultats de cette expérience ont
montré que l'électron s'agit tantôt comme particule, tantôt comme une
onde, ceci a créé une sorte d'ambiguïté linguistique. A vrai dire, l'électron
ne ressemble à rien de ce que nous pouvons le comparer, c'est pourquoi
88
Langage et réalité, p, 287.
57
les physiciens l'ont qualifié d'onde-particule (Partikul-Welle). La deuxième,
expérience du chambre Wilson, a permis Heisenberg de distinguer la
faiblesse du langage ordinaire, vu qu’elle est engendrée une certaine
imprécision sur le concept «trajectoire» (Der Weg)89.Heisenberg explique
cette nouvelle réalité dans « La partie et le tout » :

« En mécanique quantique, la notion de trajectoire n'existait


même pas, en mécanique ondulatoire, un faisceau de matière étroit et
orienté pouvait certes exister [...] nous avions toujours dit : on peut
observer la trajectoire d'un électron dans la chambre de Wilson. Mais
peut-être n'était-ce pas tout à fait cela que l'on observait réellement.
Peut-être ne pouvait-on apercevoir qu'une suite discontinue de position
».90

L’approche indéterministe formulée par Heisenberg a approfondie


l’ambiguïté et l’imprécision d’un ensemble de concepts come «vitesse»
«position» «trajectoire» du langage ordinaire. La vitesse et la position ne
sont plus bien définies dans le cadre de la théorie quantique. Il nous est
impossible de savoir les deux en même temps, plus la vitesse est connue,
plus la position sera méconnue, et vice-versa. Dans « Physique et
philosophie » Heisenberg a mis en évidence ce même problème avec le
concept « température » :

« En thermodynamique classique, le concept «température»


semble décrire une caractéristique objective de la réalité, et de la matière.
Dans la vie quotidienne il est très facile de définir à l'aide d'un

89Physique et philosophie, p, 237.


90Heisenberg W, La partie et le tout, traduction de Paul Kessler, Éditions Albin Michel, Paris,
1972, pp, 112-113.
58
thermomètre ce que nous voulons dire lorsque nous déclarons qu'un
morceau de matière est à une certaine température. Mais quand nous
essayons de définir ce que pourrait vouloir dire la température d'un
atome, nous nous trouvons devant une situation bien plus délicate, même
en physique classique. En fait, il nous est impossible de lier ce concept
température de l'atome avec une propriété bien définie de l'atome et il
nous faut le lier, du moins partiellement à notre connaissance insuffisante
de l’atome ».91

Effectivement, la théorie quantique a impliqué une situation


paradoxale, parce que la condition de la science nécessite un langage
précis et exact, pour que nous puissions transmettre sans ambiguïté
(Deutlisch) aux autres chercheurs nos observations. Or au niveau
atomique, le langage et les concepts classiques se trouvent limités. Vu
cette situation, la physique moderne a poussé les physiciens d'utiliser un
langage ambigu plutôt que non ambigu, Heisenberg explique cette
complexité par l'introduction du concept «Complémentarité » par Bohr :

« Dans le premier cas, l'on peut dire que le concept de

complémentarité introduit par Bohr dans l'interprétation de la théorie


quantique a encouragé les physiciens à utiliser un langage ambigu plutôt
que non ambigu, à utiliser les concepts d'une manière plutôt vague en
conformité avec le principe d'incertitude ».92

L'utilisation des images opposées comme onde-particule, signifie


l'inexactitude du notre langage, inexactitude qui dévoile son incapacité de

91 Physique et philosophie, p, 239.


92 p, 238.

59
saisir les phénomènes de la théorie quantique. Donc, il fallait utiliser un
nouveau langage qui puisse s'adapter avec la nouvelle situation. Ce
nouveau langage nécessite le développement d'une logique qui n'aura
aucun rapport avec la logique classique. C’est ce qui a été réalisé au cours
des années trente, cette logique nommée la logique quantique, étudiée
par Birkhoff et Von Neumann. Heisenberg constate que la logique
quantique est très bizarre parce qu’elle compromet sérieusement la
logique classique, en inversant de fond en comble notre mode de pensée,
et jusqu'à aujourd'hui les physiciens trouvent des difficultés à l'utiliser.93

La logique quantique est radicalement différente de la logique


aristotélicienne. La logique d’Aristote stipule la fait que toute affirmation,
ou bien vrai, ou bien fausse, principe de «la tiers exclue» comme par
exemple ; il y a ici une table ou «il n y pas de table ici entre ces deux
affirmations il n'y aura pas bien évidemment une troisième,94 or la théorie
quantique, a bouleversé ce fondement. L'expérience des deux trous de
Young ; lorsque l'électron traverse une plaque photographique avec deux
trous, l'électron est délocalisé, autrement dit, il a traversé les deux en
même temps, et par conséquent on ne peut pas déclarer que l'électron
soit passé par le premier trou ou le deuxième trou, mais par les deux en
même temps. Cette situation a obligé Weizsäcker, d’introduire le concept
de «degré de vérité». Ce nouveau concept s'élève à 1 pour une affirmation
vraie est descend à 0 pour un énoncé faux. Il peut toutefois prendre une
valeur intermédiaire. Par exemple un degré de vérité de 0,5 indique
qu'une affirmation a autant de chance d'être vraie que d'être fausse. Il

93 p, 241.
94 Ibid.

60
existe donc en mécanique quantique des situations que l'on pourrait
qualifier « d'intermédiaire »95, Heisenberg explique cette étrange réalité :

« L’atome est dans la moitié gauche ou l'atome est dans la moitié


droite, est appelé complémentaire de ces affirmations. Pour chaque
affirmation complémentaire, la question de savoir si l'atome est à gauche
ou à droite n'est «pas décidée». Mais le terme «pas décidée» n'est
aucunement équivalent au terme «pas connu», elle indique une situation
complémentaire».96

D'après ces résultats induits par la logique quantique, Weizsäcker


a délimité les différents niveaux du langage. Il existe trois niveaux ; le
premier niveau se réfère aux objets, le deuxième niveau se réfère aux
atomes, le troisième niveau traite les affirmations portantes sur les
affirmations faites sur les objets.97

Nous remarquons ici jusqu’à quel degré la logique moderne est très
difficile à contourner par l'esprit humain, car nos modes de pensées ne
peuvent s'adapter avec ce principe, puisque nous pensions d'une manière
classique. Ces conséquences linguistiques ont obligé les physiciens
d'utiliser un langage vague et imprécis, plutôt que précis, puisque dans le
domaine quantique les physiciens ne traitent pas des objets réels, mais
uniquement des objets qui forment un monde de potentialité et de
probabilité.

95Langage, physique et philosophie, op-cit, p, 98


Physique et philosophie, p, 244.
96Physique et philosophie, p, 245.
97Langage, physique et philosophie, p, 99.

61
Deuxième étendu

La physique moderne et ses répercussions scientifiques

Il est faux de croire que le rôle de la physique consiste à découvrir ce qu’est


la nature. La physique a pour objet ce que nous pouvons dire de la nature.

Niles Bohr

62
Chapitre V :
L'invention de la physique nucléaire

Dans « Physique et philosophie », Heisenberg a exposé l’histoire


évolutive des sciences atomiques, en revenant aux racines des systèmes
philosophiques anciens, depuis le philosophe grecque de Milet Thalès,
jusqu'à la physique moderne. Selon Heisenberg, il fallait connaitre les
enjeux historiques et méthodologiques de chaque époque, si nous voulons
connaitre comment le concept matière a-t-il évolué ?

Historiquement, le terme matière n’est pas récent, il est très


ancien, par contre, notre perspective à l’égard de ce concept va subir un
radical changement, à cause des nouveaux exploits expérimentaux, ces
exploits sont dus par le développement scientifique accéléré et l’essor
technologique, surtout dans la branche de la science atomique. L’essor
technique a entrainé l’apparition de nouveaux équipements de mesure,
c’est ainsi que nos connaissances envers la structure de la matière seront
révolutionnées. Heisenberg a remarqué cette profonde tournure au cours
de l’histoire des sciences, cependant, il admet qu’il existe une sorte de
similitude entre le concept ancien et le concept moderne de la matière, or
cette ressemblance ne pouvait être intègre, parce qu’il y avait une
dissemblance très frappante au niveau épistémique. Heisenberg aurait
décelé cette dissemblance en s’appuyant sur sa méthode comparative
entre le système philosophique hellénique et la physique moderne. 98

98
Physique et philosophie, p, 79.

63
L'avènement de la physique moderne à l'aube du XX siècle, a
esquissé un modèle tout à fait inattendu concernant la structure de la
matière. Depuis la Grèce antique, le concept matière a pris bien des
aspects, et les divers systèmes philosophiques ont lui attribué des
interprétations variées. Dans le système philosophique aristotélicien, la
matière a été envisagée comme une sorte "potentia". Elle n'existe qu'à
l'aide de la forme, elle n'est pas précise, comme l'eau ou l'air, et elle n'est
pas le vide, mais une sorte de substance non définie.99 Dans le système
philosophique cartésien, la matière a été envisagée comme étant le
contraire de l'esprit, il y avait deux aspects complémentaires de l'univers
«matière» et «esprit». Ce qui est nouveau dans la philosophie de
Descartes, s'est que la matière a perdu son lien végétatif de la philosophie
aristotélicienne. Cependant, la méthode scientifique a subi des variations
radicales après Descartes, les sciences sont devenues beaucoup plus
proche à l’expérience, et au fur et à mesure notre conception ancienne de
la matière va subir aussi des transformations. Dans « Physique et
philosophie » Heisenberg a remarqué cette évolution majeure :

« Les nouveaux principes de méthode en science expérimentale et


surtout en mécanique, excluant toute possibilité que les phénomènes
concrets aient leur source dans les forces spirituelles, la matière pouvait
être considérée comme une réalité en soi, indépendante de l'esprit et
toute puissance surnaturelle ».100

En effet, ce changement serait primordial, afin de découvrir


d’autres parties inexploitables dans la matière. L'évolution des sciences

99
Physique et philosophe, p, 192.
100
Ibid., p, 193.

64
expérimentales avait émancipé la matière de sa nature substantive
métaphysique, désormais elle est un simple sujet d'étude. Les physiciens
peuvent faire des tests sur sa composition et sa structure. La physique
moderne représente l’apogée de cette révolution scientifique, surtout
avec la fusion entre la physique et la chimie. Les physiciens et les chimistes
se partageaient désormais les résultats de leurs recherches. Selon
Heisenberg la révolution scientifique, ne consiste pas dans l'emploie de la
méthode expérimentale, mais dans la qualité de l'expérience :

« Depuis L'époque de Galilée, la méthode fondamentale des sciences


de la nature a été l'expérience, c'est cette méthode qui a permis de passer
de l'expérience générale à l'expérience spécifique, et de dégager de la
nature des phénomènes caractéristiques par lesquels on pourrait étudier
se lois d'une façon plus direct».101

L'étude expérimentale va permettre aux physiciens d'analyser


soigneusement la structure de la matière, en se basant sur la méthode
expérimentale. La physique moderne a révolutionné la perspective
scientifique, étant donné que l'homme devrait établir un lien étroit avec la
nature, s’il voulait étudier objectivement les lois de l’atome. Le fait de
rendre l'expérience spécifique plus importante que l'expérience générale,
fut un pas considérable, car ceci a permis l'unification entre la physique et
la chimie. Cette unification ne tarde pas de procréer un nouvel ensemble
de concepts, vont avoir un retentissement sur notre approche ancienne
de la matière, Heisenberg a noté ce changement :

101
Ibid., p, 194.

65
« Aux tout premiers jours des sciences expérimentales modernes,

c'était là l'objet de la chimie, et cette tentative amena assez rapidement


au concept d'élément chimique ; ébullition, combustion, dissolution.
L'introduction de ces concepts fut la première grande étape vers la
compréhension de la structure de la matière».102

La physique moderne, a fourni aux physiciens une image


complètement différente de la matière, en particulier la «physique des
particules». Il existe un certains nombre de variété de substance, ces
substances seront réduites à un nombre relativement petit «les
éléments». Cela allait autoriser les physiciens d'établir un certain ordre
parmi les phénomènes chimiques. L'étape suivante vers la clarification
structurale de la matière, fut la découverte de la loi « Conservation de la
masse », cette loi est d’une portée chimique :

« Quand l'élément carbone se transforme par combustion en

bioxyde de carbone, la masse de bioxyde est égale à la somme des masses


de carbone et d'oxygène avant la combustion ».103

Selon ce principe, l'image de la structure de la matière commence


a se changé, puisque les physiciens pouvaient réduire la matière à une
quantité. Entre temps, d’autres éléments chimiques ont été isolés, et les
physiciens ont découvert qu'ils existaient de très nombreuses sortes de
matière. Cela signifie, que la structure réelle nécessite des efforts
beaucoup plus avancés. Dans ce contexte, nous pouvons considérer le
phénomène de la «radioactivité» découvrit par le physicien français Henri
102
Ibid., p, 195.
103
Ibid., p, 196.

66
Becquerel, comme une preuve probante sur la richesse et la complexité de
cette structure :

« Ces forces en fait trouvées dans le processus radioactif découvert en


1896 par Becquerel. Les recherches successives de Curies, de Rutherford
et d'autres révélèrent la transmutation des éléments pendant le processus
radioactif ».104

Le phénomène de la radioactivité fut un pas décisif afin de


résoudre les énigmes de la matière. En effet, ce phénomène a révélé une
forte réaction du noyau atomique, après un certain moment, le noyau se
désintègre et émet des rayons lumineux, les rayons alpha, bêta, et
gamma. Ces résultats indiquent une énergie très puissante enfouie dans la
matière. Par conséquent, ce phénomène serait la clé pour ôter la voile sur
une nouvelle structure. Heisenberg considère la découverte de Rutherford
comme une étape révolutionnaire, puisqu’elle avait mis les premiers traits
de cette nouvelle structure:

« Les expériences de Rutherford sur la diffraction des rayons alpha


eurent comme résultat le modèle nucléaire de l'atome proposé en
1911».105

L'expérience de Rutherford fut célèbre dans l'histoire de la


physique. Le physicien a illuminé un nouvel élément dans la matière, c’est
le «noyau». Les implications de cette découverte sont énormes, parce que
la thèse philosophique ancienne de philosophe grec Démocrite, selon

104
Ibid., p, 197.
105
Ibid.

67
laquelle l'atome est l'ultime particule élémentaire se fut discréditée.
L'atome n'est plus l'objet le plus minuscule dans la nature, le noyau est
plus minuscule, et il dissimule la totalité des secrets de l'atome. La
découverte de Rutherford a ouvert le chemin vers une nouvelle
perspective sur la structure de la matière :

« La caractéristique la plus importante de ce modèle bien connu est la


séparation de l'atome en deux parties bien distinctes, le noyau et les
couches électroniques qui l'entourent, le noyau n'occupe au milieu de
l'atome qu'une fraction extrêmement petite de l'espace occupé par
l'atome ».106

Heisenberg envisage le noyau comme étant le cerveau de la


matière. Il contenait toute la masse avec sa charge électrique négative et
positive. Il fallait souligner que la séparation entre noyau et couche
électronique a fait de l'élément chimique le composant primordial de la
matière. Ces éléments chimiques seront l'étude fondamentale pour les
chimistes dans les années qui suivent. Les recherches chimiques sur la
matière indiquent qu'il y existait une forte liaison chimique due à
l'interaction des couches électroniques extérieures et les énergies de cette
interaction. Pourtant Heisenberg corrobore que le comportement
chimique de l'atome est déterminé par le noyau :

« Il faut changer le noyau si l'on veut changer les propriétés

chimiques ».107

106
Ibid.
107
Ibid., p, 198.

68
Une possibilité d’un changement quelconque des propriétés
chimiques, n'était pas envisageable dans le passé, or nous allons assister
dans les lignes qui suivent, que les techniques et les engins hautement
développés par la physique moderne, ayant rendu cette possibilité
envisageable. Il en est clair que la nouvelle structure de la matière
contredit fortement les lois classiques de la physique. Comme nous l'avons
indiqué dans le quatrième chapitre, les physiciens ce furent obligés
d'abandonner les concepts et les mots du langage ordinaire, afin de
résoudre les énigmes du mécanisme atomique. Il paraît que le
développement du langage est insuffisant, car il faut aussi que les moyens
scientifiques se développent. Ce qui a été réalisé quand les physiciens ont
rendu compte que la matière inclut une diversité d’éléments et des
propriétés chimiques. Selon Heisenberg l’intervention de la chimie fut une
initiative très intéressante vers une clarification de la structure de la
matière, en suivant deux voies :

« A partir de cette base, l'on pouvait tenter d'étendre l'analyse de la

structure de la matière en suivant deux voies opposés : soit étudier


l'interaction des atomes, leur relation avec des unités plus grandes comme
les molécules, ou les cristaux, soit de pénétrer dans l'unité finale de la
matière par l'étude du noyau et de ses composantes ».108

La recherche scientifique va conserver ces deux voies, entre autre


la théorie quantique va jouer un rôle primordial dans ces deux
domaines. Les physiciens ont remarquaient qu'ils y avaient une attraction
et une répulsion entre les électrons et les noyaux, les électrons sont

108
Ibid., p, 199.

69
attirés par le noyau, et les électrons les plus éloignés du noyau avaient
une tendance de passer d'un atome à un autre lorsque ces deux atomes
sont proches, cet échange créé une liaison, c’est ainsi que nous assistons à
la naissance de la molécule. En fait, Un grand nombre d'atomes pouvaient
s'amalgamer plus ou moins étroitement par un échange perpétuel
d’électron lointain.109 En réalité, cette interaction et répulsion, seraient
indescriptibles d'après les lois newtoniennes, donc il fallait employer les
lois de la mécanique quantique. Il y avait deux types de liaison entre
atome, la première c'est la liaison ionique :

« L'atome passe d'un atome à un autre pour remplir une case


restante, les deux atomes sont finalement chargés et fortement lié ce que
les physiciens appellent des ions ».110

La deuxième liaison, nous montre le même électron tourne autour


des deux noyaux, les chimistes appellent cette liaison, « liaison de
valence». Selon Heisenberg, ces deux types de liaisons ont fourni aux
physiciens et aux chimistes une diversité de groupe d'atome. Cette
diversité de groupement, semble être responsable de toutes les structures
compliquées de la matière massive. 111

Cependant, Heisenberg considère la deuxième voie la plus


prometteuse, elle nous a permis de pénétrer dans l'unité finale de la
matière par l'étude du noyau et ses composants, c'est la méthode où la
théorie quantique allait prouver sa supériorité. Cette voie va pousser les
physiciens de sillonner d’avantage le mécanisme de l'atome, non

109
Charles-Noël Martin, L’heur H à t-elle- sonné dans le monde ? Bernard Grasset, Paris, 1955, p, 36.
110
Physique et philosophie, p, 200.
111
Ibid.

70
seulement le noyau, mais de mettre en évidence les particules
élémentaires, ce sont des minuscules atomes plus petits que le noyau.

Depuis la découverte du noyau atomique par Rutherford, les


physiciens se disposaient d'une seule méthode, c'était l’émission des
rayons alpha, par la transmutation des noyaux radioactifs. Or l’invention
de l'accélérateur artificiel des protons à l'aide d'un équipement à haute
tension, « l'accélérateur des particules » (Die Partikul beschleunigung),
dans les années trente, fut considérée comme un atout pour exploiter au
maximum le noyau atomique, et une clarification approchée de la
structure de la matière. Finalement, ce qui aurait été réalisé par le
physicien John Cockcroft en 1928 fut éminent, il a suggéré que les protons
pouvaient être accélérés par un champ électrostatique, et les protons très
rapides ainsi obtenus, pourraient servir à bombarder les noyaux de divers
atomes.112 Des calculs théoriques fondés sur la nouvelle théorie quantique
ont montré que les protons de Cockcroft devaient être capables de
vaincre le champ électrique fortement répulsif s'opposant comme une
barrière, à leur pénétration à l'intérieur du noyau.

En 1932, en collaboration avec Walton, Cockcroft réussi de


provoquer des transmutations nucléaires à l'aide de son faisceau de
protons. C’est ainsi que le noyau avait été finalement pénétré. Par
conséquent, cette découverte a donné naissance à une nouvelle branche
en physique expérimentale, c’est la «Physique nucléaire». Selon

112Heinz Pagels, L’univers quantique des quarks aux étoiles, Nouveau horizons, l'édition
originale a été publié aux États Unis sous le titre «The Cosmic Code», traduit de l'Americain par
Jacques Corday, Paris, 1985 Inter Editions p, 196
71
Heisenberg, l'invention de cette nouvelle branche, guidera les physiciens
vers une compréhension qualitative de la structure du noyau.113

113
Physique et philosophie, p, 204
L'univers quantique, p, 197.

72
Chapitre VI : Une nouvelle perspective sur la structure
de la matière

Il en est évident que la physique nucléaire a permis aux physiciens


de découvrir la vraie structure du noyau. Il est composé de deux sortes de
particules élémentaires ; les protons chargés d’une énergie positive et les
neutrons, chargés d’une énergie négative. Le nombre des protons est
stable mais pas les neutrons. Ils existent des noyaux avec un nombre de
neutrons élevé, ils constituèrent ce qu'on appelle les «isotopes» :

« Le noyau normal de carbone, par exemple, comprend six


protons et six neutrons, il existe d'autres noyaux de carbone, moins
fréquents, que l'on appelle des isotopes et qui consistent en six protons et
sept neutrons ».114

En effet, la physique nucléaire avait mis les physiciens sur une voie
menant vers la structure et la forme réelle du noyau atomique, ce qui était
impossible avant la naissance de la théorie quantique. En fait, l’atome est
composé par trois briques fondamentaux, proton, neutron, et électron.
Dans « Physique et philosophie » Heisenberg s'interrogea sur la nature de
ces trois briques, est ce qu'elles sont vraiment des unités indestructibles
substantifiés de la matière ? Sont-elles des atomes au sens de Démocrite?
115

Les physiciens n’ont trouvé une solution à ce problème


philosophique jusqu’à l'invention d’un futur accélérateur de particule le

114
Physique et philosophie, p, 205.
115
Ibid., p, 206.

73
"Cyclotron" construit par Lawrence en Californie vers 1930. Le cyclotron
permit les physiciens d'explorer d’autres côtés de la matière, le monde
microscopique subatomique. L'engin a poussé la découverte de la
structure atomique au-delà du noyau. Entre autres, l'essor inouï de la
physique nucléaire dès la fin de la deuxième guerre mondiale, permettra
la construction d’un accélérateur plus puissant. Ce qui était fait avec la
construction de la nouvelle génération d'accélérateur, le "Cosmotron",
apparu dès 1952 à New York. Le résultat fournit par ce nouvel
accélérateur dépasse largement les espérances des physiciens. Grâce à
des faisceaux de protons de très haute énergie, les physiciens venaient de
découvrir des formes de matière inconnues, et le monde subatomique fut
un vaste océan insondable. Cette nouvelle forme de la matière a été
nommée les «Hadrons». Ces Hadrons ont montré la fausseté de axiome
qui stipule que l'atome est indestructible (Unzertörtbar). En même temps,
ces Hardons ont dévoilé la multiplicité des particules, qu’ils ne pouvaient
être unitaires,116 Heisenberg a mis l’accent sur cette nouvelle réalité :

« Les expériences faites à l'aide du rayonnement cosmique ou des

grands accélérateurs ont révélé de nouvelles caractéristiques


intéressantes de la matière. Outre les trois briques fondamental de la
matière, électron, proton, neutron, l'on découvert de nouvelles particules
élémentaire pouvant se créé dans ces processus à ultra-énergie et qui
disparaissent après un bref laps de temps ».117

Ces résultats révélèrent que les trois briques fondamentaux sont


stables, mais pas les autres particules. la plupart des Hadrons sont
116
L’univers quantique, op-cit, pp, 197-199.
117
Physique et philosophie, p, 209.

74
extrêmement instables. À cet égard, Heisenberg remarqua que ces
expériences dévoilent la mutabilité de la matière (Veränderlichkeit).118 A
cet égard, Nous pouvons donc confirmer, que les répercussions
scientifiques, ayant une influence directe sur l'épistémologie, car la thèse
philosophique ancienne ; l'atome est l'ultime particule élémentaire ou elle
est un élément indestructible, n'est plus admissible :

« La thèse de plusieurs systèmes philosophiques du passé était que


la substance ou matière ne pouvait être détruite. Mais en physique
moderne, de nombreuses expériences ont montré que des particules
élémentaires, par exemple des positrons et des électrons, pouvaient
disparaître et se transmuer en rayonnement, cela signifie-t-il que
l'expérience moderne a prouvé que les vieux systèmes philosophiques
étaient faux ».119

Quoi qu’il en soit, la physique moderne, surtout la physique


nucléaire, a esquissé un modèle tout à fait révolutionnaire concernant la
structure de l’atome avec ses lois et son mécanisme. La découverte des
«Hadrons» représente un nouveau degré d'organisation de la matière. Les
physiciens ont espéré que la construction des accélérateurs de particules,
et l'exploration de l'infiniment petit, va nous révéler une structure simple,
et non complexe. En revanche, la découverte des Hadrons a anéanti cet
espoir, plus que nous pénétrons dans le plus petit, plus que la nature
deviendra plus complexe. Dans « Physique et philosophie » Heisenberg
expose cette complexité, quand les physiciens se trouvaient dans

118
Ibid., p, 210.
119
Ibid., p, 148.
75
l’obligation de décrire les formes nouvelles de la matière à l'aide des
symboles et des équations mathématiques.120

120 Ibid., pp, 211-213

76
Troisième étendu

La physique moderne et ses répercussions Éthiques et


Théologiques

Tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire


Murray Gell-man

77
Chapitre VII : Le bouleversement du système éthique

Dans le premier étendu, nous avons exposé les implications


épistémologiques, l'idéalisme, les concepts a priori, le langage, et la
logique. Dans le deuxième étendu les implications scientifiques, la
physique moderne avait changé radicalement la structure de la matière,
grâce aux équipements hautement développés. Dans ce troisième et
dernier étendu, nous allons discuter les implications terribles de la
physique actuelle sur les mœurs. Comment le système éthique ancien se
fut bouleversé à cause de la révolution de la physique moderne ?

Dans le dernier chapitre du livre « Physique et philosophie »,


Heisenberg avait juxtaposé les implications éthiques et théologiques. On
peut dire qu'elles représentaient la phase finale de l’ensemble de
répercussions philosophiques de la physique moderne. Les
bouleversements éthiques et théologiques semblent les plus importants,
parce que selon Heisenberg, c'est le philosophe qui devrait dans ce
contexte s’intervenir. Tout d'abord, il fut rendu compte que la physique
moderne a entièrement remis en doute un ensemble de traditions et de
cultures, car désormais, la nouvelle physique n'est pas enseignée
uniquement dans le monde occidental, mais aussi dans le monde oriental ;
le Japon, la Chine, et la Russie. Il avoue qu’elle a amorcé une révolution
non seulement scientifique, mais une révolution économique, technique,
industrielle, et sociale :

« L'amélioration des instruments, l'invention de nouveaux


dispositifs techniques ont fourni la base d'une connaissance empirique

78
toujours plus précis de la nature, ces progrès et, pour finir la formulation
mathématique des lois de la nature ont ouvert la voie à de nouvelle
applications techniques, par exemple : l'invention du télescope a permis
aux astronomes de mesurer avec plus de précision le mouvement des
étoiles, permettant ainsi un progrès considérable de l'astronomie et de la
mécanique ».121

En effet, La physique moderne a concrétisé l’approche cartésienne


« l’homme maître de la nature ». Elle a réussi de réaliser ce désir cartésien,
vu que l'homme aurait maintenant acquis une quasi-domination sur les
phénomènes naturels avec l'aide des instruments techniques et
technologiques, de plus, grâce à la technologie quantique, il a découvert
les côtés les plus énigmatiques de la nature. Heisenberg remarqua que les
limites de cette révolution, sont au delà de nos espérances, puisqu’elle a
permis à l'homme, d'utiliser les forces naturelles qui ont été méconnues
dans le passé, et les interprétées suivant un ensemble d’équations
mathématiques :

« L'immense succès de cet agrégat de science et de technique


conduisit à une forte prépondérance des nations et communautés où
prospérait ce genre d'activité humaine [...] il est indubitable que cette
civilisation a changé fondamentalement les conditions de vie sur notre
globe».122

Il en est vrai que la nouvelle physique avait des avantages


inestimables, pourtant, Heisenberg ne tarde pas de dévoiler sa face

121
Physique et philosophie, p, 251.
122
Ibid., p, 252.
79
cachée. L’invention des armes atomiques a bien bouleversé de fond en
comble le système éthique. Il fallait donc se mettre en garde, car nous
sommes devant une étape charnière, c’est un risque qui pourrait
déclencher une transmutation radicale des conditions naturelles de la
vie. Heisenberg constate, que nous ne pourrons pas contourner les
changements éthiques si nous ne prêtons pas attentions aux changements
politiques à l’échelle internationale, les deux sont en fait liés :

« Il est évident que l'invention des armes nouvelles et surtout des


armes thermonucléaires a changé fondamentalement la structure
politique du Monde ». 123

Le rapport entre les armes nucléaires et le système politique, va


créer un changement des préceptes moraux, car désormais, la possibilité
d'une guerre à grande échelle est devenue une tentative de suicide,
autrement dit, dans une guerre nucléaire, il n’y aura pas de vainqueur,
ainsi les pays puissants vont essayer d'acquérir la force nucléaire et
l’utiliser comme un moyen de pression sur les pays faibles militairement,
dans le but de maintenir l’équilibre et le régime national. Heisenberg
n'accepte pas cette approche géopolitique, selon lui les partisans de la
technologie nucléaire cherchent de mettre en évidence ses avantages
mais pas ses inconvénients:

« Malheureusement, ce point de vue simpliste est bien trop


optimiste, au contraire, l'absurdité de la guerre thermonucléaire peut en

123
Ibid., p, 254.
80
première approximation, agir comme un stimulant à la guerre à petite
échelle ».124
La situation a entrainé un déséquilibre de force entre deux camps,
le premier avait des armes classiques, le deuxième avait des armes
nucléaires. Peut-être que cette équation éloigne la possibilité d'une guerre
à grande échelle, en revanche, cette scène entraine un effondrement
éthique aigue :

« Cette situation poussera à leur tour les autres nations à déclarer


que, au cas où de petites guerres leur seraient infligées par des
agresseurs, elles auraient effectivement recours aux armes nucléaires, de
sorte que le danger subsiste visiblement».125

Effectivement, le monde a subit ce chamboulement, l'invention


des armes nucléaires, a empêché la possibilité d'une guerre à grande
échelle, puisque il n’y aura pas un vainqueur, vu que les nations sont en
force égale. Il parait que Heisenberg voulait faire allusion à la guerre froide
(Der kaltkrieg). Enfin de compte, la paix réelle n’existe pas (Der Echt
Friedheit) mais c’est une paix revêtit par la peur et le risque d'être dévasté
par l’autre.
Cependant, cette scène implique un deuxième risque plus grave que
le premier, selon lequel la force nucléaire est justifiée pour une nation
particulière, mais injustifiée pour une autre. C'est comme si c'était chaque
nation se voit dans le droit chemin, mais pas l'autre. Ce risque va
déclencher une course vers l’armement plus affreux que la course dont
nous avons connu avant la première guerre mondiale. L’invention des

124
Ibid.
125
Ibid., p, 255.
81
armes nucléaires est permise sous prétexte d’un pseudo légitime de
défense. Chaque nation cherche d’être une puissance nucléaire pour se
défendre. Heisenberg affirme que cette situation est dramatisante à
l'échelle morale et historique, parce que l’humanité sera toujours menacé
par cet équilibre macabre, la guerre pourrait d’être déclenchée à
n’importe quel moment, à condition que les politiciens et les gouvernants
seraient prêt à renoncer à une partie de leurs droits :

« Ce n'est donc peut-être pas faire preuve d'un excès de pessimisme


que de dire que l'on ne parviendra à éviter une grande guerre que si tous
les groupes politiques sont prêts à renoncer à une partie de leurs
droits».126

Il fallait souligner aussi que la physique nucléaire a impliqué une


sorte d’influence politique sur la science et les scientifiques. C’est sur ce
point capital, que le scientifique doit changer son attitude éthique
ancienne, selon laquelle le travail du scientifique est limité dans le
laboratoire, qu’il devait rester loin du débat politique entre les nations.
Heisenberg insiste sur le fait, que le comportement éthique du
scientifique doit nécessairement changé, il nous a mis devant un
dilemme :

« L'influence politique de la science est devenue beaucoup plus


forte qu'elle ne l'était avant la deuxième guerre mondiale et ce fait a
imposé au scientifique et surtout à l'atomiste une double responsabilité :
soit il peut prendre au gouvernement du pays une part active en rapport
avec l'importance de la science pour la communauté, il aura alors
126
Ibid.
82
finalement à faire face à la responsabilité de décisions d'un poids énorme,
décisions qui dépassent de loin le petit cercle du travail de recherche ou
universitaire, soit il peut volontairement se retirer de toute participation
aux décisions politiques, il sera alors quand même responsable des fausses
décisions qu'il aurait peut-être pu empêcher ».127

Heisenberg considère que le scientifique doit assumer ses


responsabilités, il avait un fardeau sur ses épaules, d'une part, il devrait
remplir sa fonction, et d'autre part, il devrait tenir compte de l’impact des
résultats de ses recherches, en particulier, ce qui fait partie de domaine
nucléaire. Il fallait qu’il prenne sa précaution, en informant le
gouvernement de son pays concernant les conséquences
cauchemardesques d'une probable guerre nucléaire. Evidemment, le
changement radical du comportement de scientifique ne peut voir le jour,
seulement lorsqu’il décide de prendre une décision de participer aux
conventions mondiales. Selon lui, cette attitude est une preuve d'une
bonne intention, c'est le droit chemin vers la paix réelle, une paix
inconditionnée (Die Unbedingt Friedheit). Alors que la paix conditionnée,
ne pouvait être qu’illusoire, parce qu'elle est relative, elle est préférable
pour certains mais pas pour d’autres :

« Mais quiconque parle en faveur de la paix est forcément


soupçonné de ne parler que du genre de paix que lui ou son groupe trouve
le meilleur, ce qui se serait naturellement entièrement dépourvu de
valeur».128

127
Ibid., p, 256.
128
Ibid., p, 257.
83
Cependant, il y avait une deuxième solution, elle sera plus
plausible et fructueuse que la première, elle consiste dans le travail en
équipe (GemeinSchafftAbeit). Il est hautement nécessaire, pour les
gouvernements de créer les conditions adéquates, afin de favoriser la
coopération internationale dans le domaine nucléaire :

« De jeunes scientifiques de nombreux pays ont la possibilité de se


réunir dans des instituts de recherche où règne une grande activité en
physique moderne, et le travail en commun sur des problèmes
scientifiques délicats stimulera la compréhension mutuelle ».129

Heisenberg a opté le travail mutuel, si le scientifique ne


parviendrait pas à convaincre son gouvernement, puisque il n'avait pas
l'autorité de le faire, alors il ne reste que la négociation entre les
scientifiques, ça sera le meilleure atout. La négociation, y sera primordiale
et décisive, afin de créer les bonnes conditions qui vont maintenir le
travail en commun, elle se résulté à établir des fortes relations
diplomatiques entre les pays. Le travail mutuel pourrait être une
condition inévitable, si le gouvernement de chaque nation s’invertie pour
construire des laboratoires en communs, dans le but d'unifier les efforts et
nos idées dans le domaine nucléaire. Selon Heisenberg le dialogue et la
seul issue restante, si nous voulons conserver les préceptes moraux et
l'intégrité du système éthique, mais le plus important, la préparation des
générations future :

129
Ibid.
84
« Mais il n'est guère douteux que l'échange d'idées entre jeunes
scientifiques de différents pays et entre différents générations de chaque
pays aidera à prendre pied sans trop de tensions dans le nouvel état de
choses où se créera l'équilibre entre les vieilles forces traditionnelles».130

Il fallait noter que cette nouvelle approche éthique exigée par


Heisenberg, ne se limite pas seulement à la technologie nucléaire mais
tous les domaines et les spécialités, le scientifique devrait faire un acte de
bonne volonté. Les recherches scientifiques seraient infructueuses si
chacun de nous se compte sur ses propres connaissances et il ne prend
pas en considération que son propre effort, ce phénomène peut-on
l’appeler un comportement solipsiste, désormais, cette solipsisme n'est
plus accepté dans la physique moderne. Il semble que les discussions
entre les chercheurs et les scientifiques nécessitent l'esprit d'un
philosophe, car les résultats des recherches scientifiques ne peuvent être
rendus fructueux sans avoir une forte relation avec les autres, ce
comportement peut-on l’appeler l’altruisme. C’est pourquoi Heisenberg
affirme que le scientifique devrait être aussi un philosophe.

Finalement, nous constatons jusqu'à présent, le degré des


bouleversements impliqués par la physique actuelle, un bouleversement
qui avait infecté non seulement le régime politique international, mais
aussi le système éthique. Heisenberg considère l'invention des armes
nucléaires dès la deuxième guerre mondiale, a causé une chute morale,
entre temps, il fallait évoquer encore une fois le devoir philosophique.

130
Ibid. p, 258.
85
Chapitre VIII: Les bouleversements théologiques

Bien que la chute éthique soit évitable, il parait qu'elle est quasi-
impossible concernant les bouleversements qui ont touché le système
théologique depuis le XIX siècle. Dans « Physique et philosophie »,
Heisenberg expose le conflit sans merci entre l'église et la science depuis
le Moyen-âge, l’église a exercé violemment la censure contre les
scientifiques, et elle les avait condamnés à chaque fois qu’ils bâtissent leur
discours sur la raison et les preuves scientifiques :

« Ou bien l'on peut faire remarquer que les controverses


théologiques du XVI siècle avaient provoqué un mécontentement général
envers les problèmes qui ne pouvaient être vraiment réglés pas la raison
et qui étaient exposés aux luttes politiques de l'époque, et que ce
mécontentement favorisait l'intérêt pour les problèmes qui se trouvaient
être entièrement en dehors des luttes théologiques ».131

Évidemment, le conflit entre le discours scientifique et le discours


théologique n'est pas récent. Comme nous l'avons mentionné dans le
premier chapitre, l'essor scientifique, surtout, la physique de Galilée et
Newton, avait permis les scientifiques de décrire les moindres détails de la
nature sans se référer à une force métaphysique ou un facteur
transcendantal. À cet égard, les problèmes théologiques des pseudo-
problèmes qui doivent être immédiatement exclus au cours de la
recherche scientifique et l’étude empirique des phénomènes, puisqu'ils
dépassent les conditions sensibles. L’époque où la physique classique

131
Ibid., p, 260.
86
impose son hégémonie, il existe deux sources de révélation, la Bible et la
nature. La monté de l'esprit expérimental, a rendu la révélation divine
moins fiable :

« On parle de deux sortes de révélations de Dieu ; l'une était


inscrite dans la Bible, et l'autre avait à être découverte dans le grand livre
de la nature. Les saintes écritures avaient été écrites par l'homme, donc
étaient sujettes à l'erreur, alors que la nature était l'expression directe des
intention de Dieu ».132

Heisenberg conclu que les partisans de la science, n'ont plus


confiance à une vérité qui ne pouvait être vérifiable expérimentalement,
alors pour quelle raison négligeons-nous la nature la seul source fiable, si
nous voulons vraiment découvrir la vérité ? :

« L'aspect de la réalité évolua ensuite vers ce que nous pouvons


percevoir par nos sens, ce que nous pouvons voir et toucher devint la
réalité primordiale ».133

Vers la fin du XIX siècle et le début du XX siècle une nouvelle


autorité se mit en place, c’est l'autorité de discours scientifique, tandis
que le discours théologique avait perdu son influence au sein de ces
changements. Nous pouvons donc affirmer, que l'homme est devenu
profondément positiviste et matérialiste. La science expérimentale a
rendu à la matière sa valeur par les succès apportés. Par conséquent, la
thèse enseignée par la religion, si nous accordons trop d'attention au
monde matériel, nous perdrons le lien avec les valeurs essentielles de la
132
Ibid., p, 261.
133
Ibid., p, 263
87
vie humaine, n'est plus acceptable sous la lumière de la physique actuelle.
Heisenberg explique ce nouveau point de vue adopté par l'homme, il
accordait plus de confiance à la science plutôt qu’à la religion. La science a
prouvé sa supériorité grâce à sa rentabilité de dominer et de comprendre
la nature. Cela signifie, le changement de l’attitude de l'homme, elle n’est
plus idéaliste, elle se bascule vers le pragmatisme :

« En même temps, l'attitude humaine envers la nature passa


d'une attitude contemplative à une attitude pragmatique ». 134

Ce changement n'est pas limité à la physique, mais il s’est déferlé


sur les autres branches. Cette transformation a engendré aussi une
mutation épistémologique, parce que désormais la connaissance sera liée
à l'usage pratique. Heisenberg déduit que la science a totalement dominé
l'esprit et la pensée de l'homme à l'égard de la religion, la théologie
n’avait plus le droit de quitter l’église et le monastère. L'homme moderne
est devenu plus matérialiste perceptible et hédoniste, la vraie
connaissance cette qui devrait être soumise aux sens :

« La matière était la réalité primordiale et le progrès scientifique


était dépeint comme une croisade de conquête du monde matériel ».

Cette domination de la matière a changé certaines croyances


théologiques très anciennes, comme l'apparition de la vie sur terre :

« La vie devait s'expliquer comme processus physico-chimique


gouverné par les lois naturelles et complètement déterminé par la

134
Ibid.
88
causalité. Le concept darwinien d'évolution fournissait d'amples preuves
étayant cette interprétation ».135 En un mot, Heisenberg atteste que la
science a vaincu la religion :

« La confiance dans la méthode scientifique et la pensée


rationnelle remplaça toutes les autres sauvegardes de l'esprit humain».136

La détérioration de la religion, avait un lien évident avec les


implications épistémologiques que nous avons analysé plus. En effet, nous
avons discuté, le bouleversement de l'idéalisme, sous les exploits de la
physique moderne, l'idéalisme se fut discrédité à jamais. Certainement,
ces résultats ayant un rapport très fort avec la religion, étant donné le
système théologique est fondé sur une base idéaliste. Les sciences
expérimentales, en particulier la physique moderne, ont prouvé que
l'idéalisme nous éloigne de la réalité. Heisenberg a remarqué, que certains
concepts théologiques comme âme, esprit humain, Dieu, ayant perdus
leurs valeurs significatives, puisque ils nous mènent à des contradictions :

« Il est vrai que nous nous rendrons également compte que ces
concepts ne sont pas bien définis au sens scientifique et que leur
application peut conduire à divers contradiction».137

Certes, la confiance excessive de l’homme vis-à-vis la science, a


entrainé des conséquences éthiques, car la tendance « Sceptique »
s’intensifie largement (Skeptizismus) depuis le début du XX siècle, surtout
à l'égard des concepts de la religion et de la transcendance :

135
Ibid., p, 264.
136
Ibid., p, 265.
137
Ibid., p, 269.
89
« La physique moderne a beaucoup renforcé ce scepticisme ;
mais en même temps, elle a appliqué ce scepticisme à la surestimation des
concepts scientifiques précis, à une vue trop optimiste du progrès en
général».138

Quoi qu’il en soit, Heisenberg ne s’arrête pas de ôter le voile sur


les méfaits de la physique moderne uniquement, parce qu’il n’avait pas
omit son côté positif. Selon lui la physique moderne a mené à une
ouverture spirituelle dans certaines régions de l'Asie. Elle a été d'une aide
inestimable dans ce continent, les asiatiques ont cherché de réconcilier les
anciennes traditions de l’Asie orientale avec les nouveaux courants de
pensée. Par exemple, au Japon la théorie quantique a apporté une
certaine parenté entre les idées philosophiques traditionnelles de
l'Extrême Orient et le contenu philosophique de la théorie quantique.139
Dans ce contexte Heisenberg a remarqué les liens étroits entre les notions
de la philosophie orientale et la physique quantique :

« L’importance contribution du Japon à la théorie de la physique,


depuis le dernière guerre, indique peut-être une certaine parenté entre
les idées philosophiques traditionnelles de l’Extrême Orient et la
substance philosophique de la théorie quantique ».

138
Ibid., p, 271.
139
Ibid.
90
Conclusion :

Dans la perspective épistémologique de la physique classique, il y a


un déterminisme concrétisé par un réalisme naïf et une extériorité entre
le sujet chercheur et l'objet étudié. Cette épistémologie est par excellence
impersonnelle elle a servi comme fondement pour construire la norme de
l'objectivité. La physique quantique implique une révolution à l'égard de
cette base épistémologique. L’expérience pratique, l'accumulation des
observations, ont une place centrale dans la physique classique. Par
contre la physique quantique présuppose une recherche scientifique de la
nature qui se soustrait de plus en plus à l'expérience. Le règne de
l'expérience avait été éliminé dans l'épistémologie de la physique
quantique. Le principe d'indétermination de Heisenberg, a impliqué une
vérité non objective de la nature. En effet, les lois de l'indétermination ont
amorcé une mutation épistémologique majeure, puisqu’ils ont modifié la
valeur de l'objectivité. Cela signifie, que la science en générale ne peut
nous offrir une explication définitive de la nature, et que nos
connaissances seront limitées à un certain niveau. Cette limite était
ancrée par la physique moderne, la raison ne peut atteindre à la vérité
absolue.

On ne doit pas considérer cette limite comme étant négative dans


physique actuelle, mais la limitation de nos connaissances permet
l’ouverture vers l’autre, et une complémentarité enrichissante, et par
conséquent la physique moderne nous enseigne que chaque théorie
scientifique reste incomplète, et la méthode scientifique devait
reconnaître ses propres limites.

91
L'avènement de la physique moderne a dévoilé les limites de la
connaissance humaine. La connaissance ne pourrait plus être idéalisée ou
universalisée, de plus, elle reste incomplète, loin de nous informer de la
moindre parcelle de nature. La physique moderne n'avait pas l’attention
de dire qu’est-ce-que la nature, ou de définir les lois qui gouvernent
l'univers, mais uniquement d'exprimer ce qui est possible d'être exprimé,
en tenant compte des limites épistémologiques. Ce que le physicien
danois Niels Bohr atteste :

« Il est faux de croire que le rôle de la physique est de découvrir ce


qu'est la nature. Elle a seulement pour objet ce que nous pouvons en dire
».140

Dans ce mémoire nous avons insisté sur la pensée de Heisenberg, et


son équation la plus célèbre dans la physique moderne, le principe
d' « indétermination », parce qu'elle dépouille les faiblesses
épistémologiques et linguistiques de la raison humaine d’une face
générale. Simultanément, ce principe, est une preuve imminente que la
connaissance humaine reste toujours limitée. Même les plus grands
physiciens de tous les temps comme Einstein, n'ont pas pu accepter les
lois de la mécanique quantique, non par ce qu'elle est fausse, mais parce
qu’ils ont cru qu'elle est incomplète. A la fin de 1926, Einstein a écrit à
Max Born, un collègue de Heisenberg et son assistant dont la formulation
du principe d'indétermination : « Certes, la mécanique quantique
s'impose, mais une voix intérieure me souffle qu'il ne s'agit pas encore de

140
Adrian Lemeni, Le principe d’indétermination dans la physique quantique et ses implications
épistémologiques, article sur internet, pp, 2-5.

92
la réalité. La théorie dit beaucoup de choses, mais elle ne nous dévoile en
rien le secret de Vieillard ».141

La réaction d'Einstein est tout à fait acceptable pour un homme


convaincu de l’approche déterministe dans la nature, et à la vérité
universelle. C’est un homme qui aime voir les choses d'une manière
simple et compréhensible, il aimait penser que la lune est juste derrière
lui, même s'il aurait fermé les yeux et tourné son dos. Sa réaction, a
entrainé un conflit tumultueux entre les adhérents de la philosophie
déterministe en physique, et les adhérents de la physique moderne, la
philosophie indéterministe, Heisenberg était un indéterministe convaincu.
Il est considéré, comme l'une des images de la modernisation en physique
théorique et expérimentale. En réalité, ses idées l’ont mis dans une
situation très délicate et même fatale, surtout après la montée du nazisme
en 1933. Le courant fondamentaliste ésotérique a accusé Heisenberg
d'altérer, ce qu'on appelle « La science aryenne ». Les relations
d'incertitude ont ébranlé la connaissance intuitive (Anschauung weiβheit),
à l’égard connaissance précaire et obscure (Undeutlisch weiβheit). Malgré
que sa vie a été menacée, puisqu'il est considéré comme un enseignant
juive, Heisenberg a décidé de rester en Allemagne avec Max Planck et
Erwin Schrödinger, A cette époque, il ne peut pas garantir sa survie.142

Le conflit entre Einstein et Heisenberg, se manifeste dans la


détérioration du déterminisme scientifique et linguistique au cours de
l'interprétation de Copenhague. En 1935, Einstein a rédigé, un article, avec
Boris Podolsky, et Nathan Rosen. L'article est resté célèbre, intitulé

141
L’univers quantique, op-cit, p, 82.
142
Langage, physique et philosophie, op-cit, pp, 25-26.
93
« EPR ». Durant époque Einstein aurait entré en conflit non seulement
avec Heisenberg, mais aussi avec Niels Bohr, dans le but de défendre la
tradition. Einstein a tenté de démontrer l'invalidité de la théorie
quantique, jusqu'à la fin de ses jours. Cela montre l’ampleur des
répercussions épistémologiques et linguistiques.143

Quoi qu'il en soit, la physique moderne a totalement changé


l’approche philosophique ancienne, selon laquelle l’homme peut atteindre
la vérité absolue par la raison pure. Nous avons vu que la philosophie
kantienne fut a attesté ce jugement. Or, le système kantien a été mis en
difficulté par la physique quantique, la nouvelle physique stipule que
l'expérience même n’est pas totalement fiable dans le monde
microscopique. Cette réalité, va sérieusement gêner ceux qui cherchent
de dévoiler les secrets de l'existence. En revanche, la physique moderne
nous donne une très bonne leçon, elle nous enseigne premièrement que
la raison humaine doit reconnaitre ses propre limites et ses propres
capacités, elle ne doit espérer d’atteindre une clarification logique intègre
de la nature et ses phénomènes. Deuxièmement, les limites de la raison
indiquent que la science sera toujours en évolution. En fait, elle nous
rappelle l’ancien adage socratique : « Tout ce que je sais c'est que je ne
sais rien ».

143
Le principe d’indétermination dans la physique quantique et ses implications
épistémologiques, op-cit, p, 5.
94
Table des matières
Introduction .................................................................................... 2
Premier étendu .............................................................................. 10
La physique moderne et ses répercussions épistémologiques .... 10
Chapitre I : ................................................................................ 11
La déstabilisation du déterminisme scientifique et la
clarification logique du langage classique au cours du
congrès de Copenhague ....................................................... 11
Chapitre II : ............................................................................... 22
Le bouleversement des concepts a priori et la philosophie
idéaliste ..................................................................................... 22
Chapitre III : .............................................................................. 37
L'invention de la relativité et la dislocation du langage de
la mécanique classique .......................................................... 37
Chapitre IV : Nouvelle réalité et langage bouleversé ....... 47
Deuxième étendu .......................................................................... 62
La physique moderne et ses répercussions scientifiques ............. 62
Chapitre V : .............................................................................. 63
L'invention de la physique nucléaire .................................... 63
Chapitre VI : Une nouvelle perspective sur la structure de
la matière .................................................................................. 73
Troisième étendu .......................................................................... 77
La physique moderne et ses répercussions Éthiques et
Théologiques ................................................................................ 77
Chapitre VII : Le bouleversement du système éthique .... 78
Chapitre VIII: Les bouleversements théologiques............. 86
Conclusion : .................................................................................. 91
Bibliographie ................................................................................ 97

95
96
Bibliographie

Les œuvres de Heisenberg

❖ Les problèmes philosophiques de la science nucléaire, traduction, F.


C. Hayes, London, 1952. (1ère éd. 1935).

❖ La Nature dans la physique contemporaine, traduction de Ugné


Karvelis, Gallimard, Paris, 1962.(1ère éd. 1953).

❖ Physique et philosophie, traduction de l'anglais par Jacqueline


Hadamard, Edition Albin Michel, Paris, 1971.(1ère éd. 1956).

❖ Language et réalité (Sprache und Wirlischheit in Der modern


physik), in GesammeltWerk, Band II. (1èreéd, 1960).

❖ L'arrière plan philosophique de la physique moderne, in


GesammeltWerke, Band II. (1ère éd, 1964).

❖ La partie et le tout, (Der teilund Der ganz), traduction de Paul


Kessler, édition Albin Michel, 1972.(1ère éd, 1969).

❖ Le concept "Comprendre" dans la physique théorique, in Gesammelt


Werke, Band III.(1ère éd, 1969).

❖ Traversé la frontière (Schritte über Grenzen) traduction de Peter


Heath, Woodbridge, 1990. (1ère éd, 1971).

❖ Tradition dans la science, traduction des textes allemands de Peter


Heath, New York, 1983.(1ère éd, 1977).

❖ Gesammelt Werke, Les textes originaux de Heisenberg traduit à


l'anglais, éditeurs Walter Blum, 3 Volume.

97
Autres œuvres consultées

❖ Langage physique et philosophie, un regard sur la pensée de Werner


Heisenberg, Mémoire présenté à la faculté des études supérieur de
l'Université Laval pour l'obtention du grade de maîtres arts, Août 1999.
❖ Physique moderne, Edition Messidor/La Farandole, Collection « la
science & les hommes, dirigé par Paul Brouzeng, Paris, 1991
❖ L'heure H a-t-elle sonné pour le monde ?, Bernard Grasset, Paris,
1955
❖ L'univers quantique des quarks aux étoiles, Nouveau horizons,
l'édition originale a été publié aux États Unis sous le titre «The Cosmic
Code», traduit de l'Américain par Jacques Corday, Paris, 1985 Inter
Editions.
❖ Philosophie des sciences,Tome I, Gallimard, France, 2002,
Collection Folio essais.

98
Article consultés

❖ Michel Paty, Philosophie et physique, in Jean-François Mattéi(éd.),


LeDiscours philosophique, volume 4 de l'Encyclopédie philosophique
universelle, Presses Universitaires de France, Paris, 1998, chap. 123, p.
2104-2122.

❖ Mustapha Oldache, Chams-Eddine Khiari et Tayeb Belarbi,Le


concept de réalité en physique quantique, Dpt. Physique, Laboratoire de
Didactique des Sciences, ENS-Kouba, B.P. 92, 16050 Kouba Département
de Psychologie et des Sciences de l’Education, Université d’Alger 2, 16006
Bouzaréah.

❖ Adrien Lemani, Le dans principe de l'indétermination la physique


quantique et ses implications épistémologique. TEO, ISSN 2247-4382 55
(2), 49-58, 2013

99
M. Mahdi Zrig écrivain et épistémologue tunisien.

100

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