Vous êtes sur la page 1sur 5

Intro 

:
Les romans ont presque tous un personnage principal. Il s’agit du personnage autour duquel
s’organise l’action, à qui il arrive des problèmes et qui va les résoudre tout au long du récit. La
première apparition du protagoniste est souvent un élément clé du roman et l’on y retrouve des
schémas classiques. Il est par exemple commun pour les auteurs d’attendre quelques pages voir
quelques chapitres avant de faire arriver leur protagoniste dans l’intrigue, comme le fait Flaubert dans
Mme Bovary où Emma n’apparait pas avant le chapitre 3. De même, c’est au 4ème chapitre du livre
premier du Rouge et du Noir que le personnage principal est présenté. Tout ce que l’on en sait est qu’il
est le fils d’un charpentier et qu’il étudie le latin. Alors, lorsqu’il est en train de lire sur les poutres de
la scierie de son père, celui-ci vient lui annoncer que monsieur de rénal, le maire, veut l’engager
comme précepteur. C’est alors l’occasion de nous présenter le héros dans un portrait en situation.
Dans une lecture linéaire il s’agira de comprendre comment le romancier introduit son
personnage principal.
Partie 1 : Julien dans un monde hostile
Dès la première rencontre avec notre personnage on découvre un julien étranger du monde dans lequel
il vit.

« il appela Julien deux ou trois Appels répétés Ni les appels répétés de son
fois » Bruit ambiants (scie et voix père ni le bruit ambiant, celui
« bien plus que le bruit de la amplifiée par l’adjectif terrible) de la scie et de la voix de son
scie » 2 mondes : le monde réel et le père amplifiée par l’adjectif
« l’empêcha d’entendre la monde de son livre terrible ne semblent arriver aux
terrible voix de son père » oreilles de Julien, absorbé dans
un autre monde, celui de son
livre.
« celui-ci sauta lestement sur Bonds inhumains du père qui Tout ce qui l’entoure lui
l’arbre soumis à l’action de la parait monstrueux semble hostile. Son père
scie, et de là sur la poutre apparait comme un monstre
transversale qui soutenait le Répétition de violent : force du face à lui : ses bonds sont
toit » père impressionnante inhumains et pourtant
« un coup violent (…) un paraissent pour lui insignifiants
deuxième coup aussi violent » Supériorité physique du père comme le montre l’adverbe
« son père le retint de la main sur Julien lestement, ses coups sont aussi
gauche comme il tombait » marqués d’une force physique
impressionnante montrée par la
répétition de l’adjectif violent.
Enfin sa force tranche avec
julien notamment lorsqu’il le
retient puisqu’il est placé en
position de supériorité sur son
fils.
« des leviers de la machine en Leviers sujet de briser : D’autre part l’univers
action, qui l’eussent brisé » personnifiée, figure mécanique de la scierie semble
monstrueuse lui aussi dangereux pour Julien.
La machine, par la synecdoque
de ses leviers, leviers sujet de
briser, prends la forme d’un
monstre qui n’aurait aucun mal
à le détruire.
« Eh bien, paresseux ! […] à la La prise de parole du père ne
bonne heure. » vient que renforcer l’image
rustre et violente que vous
avions de lui par l’usage d’un
vocabulaire simple et de
nombreuses interjections.
« Eh bien, paresseux ! » Appellation péjorative et L’appellation paresseux pour
paradoxale pour nous qui désigner julien nous parait
(connaissons julien comme un paradoxale à nous qui étudions
héros énergique) étudions un un texte, mais elle témoigne
texte bien du mépris du père pour
qui seule la besogne physique
est considérable.
« tes maudits livres, pendants Opposition entre les livres et le Renforce cette vision en
que tu es de garde à la scie » travail à la scie soulignant l’exaspération du
père et la supériorité qu’il
Maudits, adjectif péjoratif donne au travail à la scie face
qualifiant livres aux livres.
« quand tu vas perdre ton Rip la religion En plus du travail intellectuel,
temps chez le curé » le père méprise la religion,
qu’il qualifie de perte de temps.
Là-dessus il se révèle lui aussi
séparé de la société de son
temps, société de la
restauration, où la religion
occupait une place essentielle.
« étourdi pas la force du coup, Julien est dans une position de Julien, dont la faiblesse
et tout sanglant, se rapprocha faiblesse évidente qui attise la physique avait déjà été mis en
de son poste officiel » pitié valeur , nous apparait
maintenant dans une situation
attisant la pitié : tout sanglant il
se résigne à obéir à son père en
gardant le silence.
« il avait les larmes aux yeux, Verbe adorer donne une Pourtant, la douleur qui nous
moins à cause de la douleur dimension religieuse. parait très importante puisque
physique que pour la perte de qu’elle fit saigner Julien, ne
son livre qu’il adorait » représente rien pour lui à coté
de la perte de son livre.
Son amour fou pour cet
ouvrage prend presque la
dimension d’une religion par
l’emploi du verbe adorer.
« Descends » Opposition avec son père L’opposition avec son père est
renforcée par leur place l’un à
l’autre : julien, intellectuel, est
assis sur une poutre,
surplombant son père rustre et
au sol.
« «  Descends, animal, que je te Vocabulaire simple, impératif Seconde intervention du père
parle » » et animal désignant julien qui n’est pas cité mais qui est
reconnaissable par son
vocabulaire simple et grossier.
L’appellation animal et
l’impératif descends témoigne
en plus de son mépris pour les
travaux intellectuels, un mépris
pour son propre fils, qu’il
déshumanise.
« une longue perche pour Adjectif longue souligne la Le choix de la perche à noix
abattre les noix » distance entre julien et son père souligne la rusticité du
Outil rustique personnage et son mépris pour
son fils qui passe de garçon à
animal à fruit.
De plus l’adjectif longue
souligne la distance séparant
Julien de son père
« Dieu sait ce qu’il va me Discours indirect libre L’insertion des pensées de
faire ! » Crée une proximité entre le Julien relève du discours
lecteur et Julien indirect libre. C’est un procédé,
Place Julien en victime permettant de créer une
proximité entre les lecteurs et
le héros auquel Stendhal a
recours de nombreuses fois tout
au long du livre.
Exclamation Ici, l’inquiétude de Julien le
place en victime passive de la
violence de son père. Il prend
la figure de l’anti-héros plus
que celle du héros en attisant la
pitié.
« il regarda tristement » Passif Sa passivité quant à la
« c’était celui de tous qu’il Superlatif disparition de son livre qui lui a
affectionnait le plus » causé une vive douleur, douleur
renforcée par le superlatif,
renforce sa détresse.
« le Mémorial de St-Hélène » Le livre tant adoré est enfin
nommé. Ce nom nous apporte
deux informations cruciales : le
père de Julien est bel et bien
ignorant du monde qui
l’entoure puisqu’il dit à son fils
d’aller lire un livre pro-
napoléon chez le curé alors
qu’on est sous la restauration,
et que Julien à un attrait
puissant pour Napoléon

Partie 2 : La description de Julien

« il avait » Imparfait Alors que dominait le passé


simple on passe maintenant à
l’imparfait ce qui suggère que
l’on passe de l’action à la
description
« il avait les joues pourpres et Image attirant la pitié Mais la transition est discrète et
les yeux baissés » ne rompt pas avec la phrase
précédente puisque nous y
retrouvons un Julien rouge
(avant par le sang, maintenant
par les joues) au même regard
(il regardait tristement et a
maintenant les yeux baissés) 
« un petit jeune homme (…) Opposition de l’apparence de L’aspect physique de Julien
faible en apparence (...) Julien à son père l’oppose à son père. Il est
délicat » qualifié par les adjectifs petit,
faible et délicat : il n’a rien
d’un bucheron ni de son
monstrueux père.
« De grands yeux noirs, qui, Grands yeux tranchant avec L’adjectif grands qualifiant les
dans les moments tranquilles, petit jeune homme yeux de Julien tranche avec
annonçaient de la réflexion et petit qui le qualifiait de façon
du feu, étaient animés en cet Superlatif : haine la plus féroce générale fait de ses yeux un
instant de l’expression de la point d’attention pour le
haine la plus féroce » lecteur. Ceux-ci révèlent un
caractère puissant voir
menaçant dans le superlatif la
plus féroce.
« joues pourpres (…) yeux Couleurs faisant écho au titre On peut remarquer un écho des
noirs » couleurs de Julien au titre de
l’œuvre : joues pourpres donc
rouges et yeux noirs.
« avec des traits irréguliers » Les traits de julien font aussi
écho à son caractère dont
l’auteur fait une description en
creux : ses traits irréguliers
suivent son irrégularité en
amour notamment que le
lecteur découvrira dans le récit
« un nez aquilin » Aquilin : de l’aigle Son nez aquilin, évoque les
rapaces qui se jettent sur
chaque opportunité de dévorer
leur proie, comme le fait julien
avec Mathilde ou bien, pour
rester dans le début du roman,
avec le curé
« de grands yeux (…) Ses yeux suffisent pour nous
annonçaient de la réflexion et résumer un personnage ayant :
du feu, (…à de la haine » réflexion : des capacités
intellectuelles
feu : une très grande passion,
haine : des sentiments très
développés et une sorte de rejet
du monde autour de lui.

« se soit distinguée par une Adjectifs mettant en valeur la Le romancier dresse le portrait
spécialité plus saisissante » singularité de Julien d’un personnage qui ne
ressemble en rien à un héros,
sauf dans son aspect singulier.
Les adjectifs distinguée et
saisissante annoncent un
personnage hors du commun,
toujours différents des autres.
« plus de légèreté que de Caractéristiques du héros On peut néanmoins établir
vigueur « son air extrêmement romantique quelques correspondances entre
pensif et sa grande pâleur » le physique de Julien et celui
du héros romantique
traditionnel : sa légèreté, son
air pensif et sa pâleur
notamment.
« qu’il ne vivrait pas ou qu’il Rapprochement entre ne pas Le rapprochement entre ne pas
vivrait pour être une charge à vivre et vivre sans rapporter à vivre et vivre sans rapporter à
sa famille » sa famille sa famille et l’emploi du mot
Charge : mot péjoratif charge, très péjoratif, se
rapportant à Julien à cause de
son air pensif montre la
cupidité du père qui ne
considère ses enfants que
comme un moyen de gagner de
l’argent et sa négligence des
qualités intellectuelles
« Objet des mépris de tous à La dernière phrase exprime une
maison, il haïssait ses frères et haine pour le monde dans
son père ; dans les jeux du lequel il vit, à la fois sa propre
dimanche, sur la place maison et son village. On sent
publique, il était toujours en ce héros qui a dû traverser le
battu. » ridicule et la violence naitre un
désir de vengeance sur le
monde.

Conclusion :
Ainsi, Stendhal nous présente un héros pas comme les autres. En marge du monde qui
l’entoure, de son père, du travail physique, de sa ville, et des tendances politiques, Julien Sorel
apparait comme un personnage faible et délicat ayant un caractère marqué, puissant, voir inquiétant et
des capacités intellectuelles impressionnantes. Un héros en marge de sa société, c’est aussi ce que
propose Flaubert dans Mme Bovary où Emma, la protagoniste, victime d’insatisfaction chronique est
sans cesse en quête du bonheur.

Vous aimerez peut-être aussi