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L’infécondité peut être définie comme l’impossibilité pour une femelle de mettre au
monde des produits vivants et viables. Cette définition englobe l’infertilité stricto sensu
(c’est-à-dire l’impossibilité d’être fécondée), la mortalité embryonnaire et les
avortements. Il s’agit d’un motif de consultation dont la fréquence augmente
notablement avec le développement des élevages canins, de la cynophilie et la valeur
économique croissante des chiens de race pure. C’est une préoccupation majeure des
éleveurs professionnels ou amateurs, une déception chez de nombreux maîtres
souhaitant une descendance à leur animal préféré et il importe que le vétérinaire sache
désormais répondre à leur attente. Pour préciser l’origine de l’infécondité, le clinicien doit
s’appuyer sur les commémoratifs et plus particulièrement sur la fréquence et la durée des
chaleurs, le refus ou l’acceptation de la saillie. Dosages hormonaux, frottis vaginaux,
tests biologiques, analyses bactériologiques, virologiques et imagerie médicale sont
souvent nécessaires.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 L’infécondité peut être définie comme l’impossibilité
pour une femelle de mettre au monde des produits
¶ Impubérisme 2
vivants et viables. Cette définition englobe le refus
Manifestations cliniques de la puberté 2
d’accouplement, l’infertilité stricto sensu (c’est-à-dire
Étude clinique 3
l’impossibilité d’être fécondée), la mortalité embryon-
Traitement de l’impubérisme lié à l’insuffisance
naire et les avortements.
en hormones gonadotropes 4
Le praticien est confronté aux cas cliniques suivants :
¶ Anœstrus 5 • la chienne n’a jamais manifesté cliniquement d’acti-
Étude clinique 5 vité sexuelle : c’est l’impubérisme ;
Traitement de l’anœstrus 6 • après quelques cycles normaux, la chienne ne pré-
¶ Hyperœstrie 8 sente plus aucune manifestation sexuelle, c’est
Étude clinique 8 l’anœstrus ;
Possibilités thérapeutiques 8 • les chaleurs ont un rythme irrégulier avec des inte-
¶ Chaleurs régulières 10 rœstrus raccourcis, c’est l’hyperœstrie ;
Refus de la saillie 10 • la chienne présente des chaleurs normales en fré-
Accouplement non suivi de gestation 13 quence et en durée mais l’on observe :
C un refus de la saillie ;
¶ Infertilité en élevage 15
C un accouplement non suivi de gestation.
Infécondité liée à la conduite de l’élevage 16
Un développement spécial est enfin consacré aux
Infécondité d’origine génétique 16
problèmes particuliers rencontrés dans les collectivités :
Infécondité liée au comportement en collectivité 16
l’infertilité en élevage.
¶ Conclusion 17 L’étude de ces diverses manifestations cliniques de
l’infertilité de la chienne faisant appel très souvent à la
mesure des concentrations sanguines des hormones
Tableau 1.
Concentration sanguine des hormones ovariennes en fonction des différentes phases du cycle sexuel.
Anœstrus Proœstrus Œstrus Métœstrus
Œstradiol < 10 pg/ml 10-60 pg/ml
< 35 pmol/ml 35-200 pmol/ml
Progestérone < 1 ng/ml < 2 ng/ml 2-20 ng/ml 20-60 ng/ml
< 3,5 nmol/ml 3,5-7 nmol/ml 7-20 nmol/ml 70-150 nmol/ml
ovariennes, il nous semble judicieux d’en rappeler les En règle générale, les chiennes de races petites ou
valeurs normales en fonction des différentes phases du naines ont une puberté plus précoce (de 5 à 6 mois)
cycle sexuel (Tableau 1). que les chiennes de grandes races (de 15 à 16 mois) ou
les races géantes (de 18 à 24 mois).
Malnutrition et exercice physique intense peuvent
■ Impubérisme retarder la puberté.
La vie en collectivité peut à l’inverse être à l’origine
La puberté se définit comme l’acquisition de la de pubertés précoces en raison d’un phénomène
fonction de reproduction et correspond chez la chienne d’entraînement lié aux phéromones émises par une ou
aux premières chaleurs. plusieurs chiennes en chaleurs. Enfin, les femelles de
Étape importante pour une lice destinée à la repro- race berger allemand ont généralement, malgré leur
duction, la puberté peut avoir des manifestations taille, leurs premières chaleurs vers 5 mois.
classiques ou atypiques, voire ne pas apparaître et c’est
alors l’impubérisme. Problèmes particuliers observés
Pour éviter toute confusion entre puberté atypique et à l’occasion des premières chaleurs
impubérisme, nous étudierons successivement la
puberté sous ses différentes manifestations cliniques. Regroupées sous le vocable de « pubertés atypiques »,
on distingue les chaleurs silencieuses, les chaleurs
interrompues « à rebond » et les chaleurs persistantes.
Manifestations cliniques de la puberté
Chaleurs silencieuses
« Chaleurs » Elles sont ainsi qualifiées lorsqu’elles ne sont pas
Elles se manifestent cliniquement par l’apparition détectées par le maître, soit en raison de son inexpé-
brutale d’un œdème vulvaire accompagné d’écoule- rience en la matière, soit en raison d’une symptomato-
ments sanguins qui attirent les mâles, initialement logie fruste : œdème vulvaire discret ; faibles pertes
chassés par la femelle. sanguinolentes ; pas ou peu d’excitation ni d’attirance
Alors que l’œdème vulvaire augmente jusqu’au des mâles.
dixième jour, l’écoulement sanguin devient progressi- Les facteurs favorisants sont la vie en appartement
vement discret, voire séreux. avec isolement des congénères et plus encore l’absence
Autour du dixième jour, la chienne accepte le mâle de mâle.
pendant 4 ou 5 jours, puis refuse l’accouplement alors Une sécrétion d’œstradiol par les follicules ovariens
que l’attirance du mâle persiste jusqu’au vingtième jour légèrement inférieure à la normale limite l’expression
(fin des chaleurs). clinique des chaleurs mais peut être suffisante pour
Cependant, 25 % des chiennes présentent des cha- permettre l’ovulation. Le diagnostic repose alors sur
leurs qui ne sont pas exactement conformes à ce l’apparition d’une lactation de pseudogestation et/ou
schéma-type et l’on peut observer : peut être confirmé par la réalisation de frottis vaginaux
• un œdème discret et un écoulement sanguin à peine tous les 15 jours et le dosage de la progestéronémie
perceptible ; tous les mois [1].
• à l’opposé, un écoulement sanguin voisin de En raison de cette éventualité, lors de consultation
l’hémorragie permanente pendant 20 jours ; pour impubérisme le praticien doit s’assurer par inter-
• une acceptation de la saillie au début des chaleurs rogatoire et examens complémentaires que la chienne
puis un refus, ou au contraire un refus jusqu’au n’a jamais eu de chaleurs « silencieuses ».
seizième ou dix-septième jour avant l’acceptation. Chaleurs interrompues avec « rebond »
Cela n’implique pas une pathologie sous-jacente,
tout au plus des risques de mauvaise synchronisation Pendant 8 à 10 jours, on note un œdème vulvaire,
ovulation/saillies et d’infertilité « apparente ». un écoulement sanguin, une attirance des mâles, une
saillie exceptionnellement acceptée, puis tout s’arrête
brutalement.
Âge d’apparition de la puberté
Deux à 10 semaines plus tard, on observe une réap-
On note de grandes variations selon les races et à parition des chaleurs avec un cycle normal sur 20 jours.
l’intérieur de chaque race selon les individus. Si l’on suit ces chaleurs, les frottis vaginaux attestent
Dans certaines espèces, il y a une relation directe d’un prœstrus qui n’évolue pas jusqu’à la kéra-
entre le poids corporel et l’âge de la puberté. Dans tinisation.
l’espèce humaine, la jeune fille doit avoir atteint 80 % Pour des raisons à ce jour non élucidées, on observe
de son futur poids adulte. Le rapport est de 50 % chez conjointement une légère élévation de la progestéroné-
les ruminants et de 30 % chez la rate. mie de l’ordre de 4 à 6 ng/ml, mais qui s’arrête à ces
Dans l’espèce canine, il y a un lien évident entre valeurs. De ce fait, les follicules dégénèrent sans ovula-
précocité et format. tion, ce qui provoque un anœstrus immédiat.
Dosage T4 et cortisol
sanguins
l’œstradiol reste nul ou à une valeur de 2 pg ; en Provoquer la maturation folliculaire [3, 8-10]
présence d’ovaires, il augmente de 2 à 40 pg.
L’absence d’ovaires ayant pour conséquence une Deux protocoles peuvent être envisagés :
absence de progestérone plasmatique et de ce fait une • gonadotrophine sérique : pregnant mare serum gona-
absence de rétrocontrôle négatif de cette hormone sur dotrophin (PMSG) (Folligon®) à la posologie de
l’hypothalamus, l’aplasie ovarienne s’accompagne de 20 UI/kg tous les jours pendant 9 jours par injection
valeurs élevées de FSH et de LH. On peut donc dia- sous-cutanée ;
gnostiquer une anovarie par dosage de la LH et l’on • follicule stimulating hormone (FSH) (Humégon®) à la
trouve alors des valeurs de l’ordre de 25 ng/ml (nor- dose de 0,5 UI/kg par voie intramusculaire tous les
male autour de 1 ng/ml). jours pendant 9 jours.
Enfin, une laparotomie exploratrice ou une cœlios- Il est inutile de prolonger le traitement au-delà de
copie apportent un diagnostic de certitude. 9 jours. Si le résultat escompté n’est pas obtenu, il
Les hormones thyroïdiennes et le cortisol plasmati- convient de revoir le diagnostic. Les frottis vaginaux
que sont les témoins éventuels d’un dysfonctionne- sont indispensables pour contrôler la kératinisation.
ment hormonal susceptible d’entraîner un impubérisme
secondaire à une hypothyroïdie ou un hypercorticisme. Déclencher l’ovulation
L’examen du caryotype permet d’éliminer un syn- Celle-ci peut être obtenue, soit avec des prolans
drome XXX (non-disjonction d’un chromosome X), hypophysaires, soit avec des analogues des hormones
anomalie observée chez une femme sur 1 000, plus rare hypothalamiques. Sont ainsi utilisées :
chez la chienne, et qui se traduit par un silence sexuel • l’human chorionic gonadotrophin (hCG) (gonadotro-
total sans aucune anomalie physique. phine chorionique Endo®) en injection intramuscu-
Si toutes ces hypothèses peuvent être levées, on peut laire unique, une fois la kératinisation obtenue et
conclure à une insuffisance en hormones gonadotropes uniquement si elle est obtenue, à la posologie de
hypophysaires et un protocole thérapeutique peut être 50 UI/kg ;
proposé avec des chances de succès. • la GnRH (Receptal®) qui peut être utilisée à la place
Les différentes hypothèses étiologiques de l’impubé- de l’hCG à la posologie de 0,5 µg/kg par voie intra-
risme permettent d’établir une démarche diagnostique musculaire et également en injection unique.
(Fig. 2).
Contrôler l’ovulation
Traitement de l’impubérisme
lié à l’insuffisance en hormones Il convient ensuite de vérifier le résultat du traite-
ment. Les frottis vaginaux doivent présenter des images
gonadotropes de métœstrus et la progestéronémie doit être supérieure
Le traitement est limité à celui de l’insuffisance en à 15 ng/ml.
hormones hypophysaires. L’objectif est de provoquer la S’il en est autrement, la stimulation a échoué et il est
maturation folliculaire puis de déclencher l’ovulation. judicieux de reconsidérer le diagnostic.
■ Anœstrus
Étude clinique
Définition
L’intervalle entre deux œstrus peut être très variable
(de 5 à 12 mois) selon les chiennes ; seule la régularité
des cycles doit être considérée, toute irrégularité étant
pathologique.
On parle donc d’anœstrus lorsque, après un ou
plusieurs cycles apparus à intervalles réguliers, on
observe une absence totale de manifestations de « cha-
leurs » chez une chienne alors que l’on a bien contrôlé
l’exactitude des commémoratifs par frottis vaginaux et
dosages hormonaux.
Il convient de tenir compte de la possibilité de
chaleurs silencieuses ou d’expression clinique presque Figure 3. Kyste lutéinique après exérèse (cliché Dr
imperceptible, et de ne pas les confondre avec un Fontbonne).
anœstrus.
Étiologie
Un bilan endocrinien est à réaliser de façon systéma-
Pour établir l’étiologie d’un anœstrus qui détermine tique :
les possibilités thérapeutiques, il faut établir une • une hyperprogestéronémie (supérieure à 2 ng/ml
anamnèse complète, un examen clinique minutieux et au-delà de 4 mois après les dernières chaleurs)
avoir recours à des explorations complémentaires : témoigne de la présence de kystes lutéaux (Fig. 3) ou
examen biochimique du sang, dosages hormonaux, de tumeur ovarienne à rechercher par échographie,
imagerie médicale [6, 11, 12]. cœlioscopie (Fig. 4) ou laparotomie exploratrice ;
L’hyperlipidose, liée ou non à l’obésité, provoque un • si la progestéronémie est normale, c’est-à-dire infé-
anœstrus consécutif à un trouble de la synthèse du rieure à 2 ou 3 ng/ml, le dosage du cortisol plasma-
cholestérol qui entre dans la structure des hormones tique et de la thyroxine s’imposent pour éliminer
gonadiques. Une hypercholestérolémie doit donc être ou diagnostiquer une hypothyroïdie ou un hyper-
recherchée. corticisme [13-15].
Une origine iatrogène, avec les mêmes produits que Dans certaines races (lévriers, chiens de traîneau), il
ceux que nous avons évoqués à propos de l’impubé- peut être utile de doser la testostérone plasmatique.
risme, est relativement fréquente. En effet, des éleveurs peu scrupuleux utilisent les
Anœstrus
Dosage de la
progestéronémie
Progestéronémie Progestéronémie
> 2 ng/ml < 2 ng/ml
Échographie Dosage T4 et
ovarienne cortisol
Dosage
testostéronémie
Bilan lipidique
Valeurs Hyperlipidose
normales Trouble dans la synthèse du cholestérol
structure des hormones sexuelles
androgènes à des fins de dopage et provoquent une Nous utilisons pour notre part le protocole mis au
imprégnation androgénique qui induit un anœstrus point par Fontbonne à l’École nationale vétérinaire
difficilement réversible [16]. d’Alfort utilisant un analogue des prostaglandines, le
Enfin, si toutes ces hypothèses sont infirmées, cloprosténol (Estrumate®), à la posologie de 2 µg/kg, en
l’anœstrus est la conséquence d’une insuffisance en injection sous-cutanée, une fois par jour pendant
hormones gonadotropes (Fig. 5). 8 jours. Une prémédication est conseillée pour éviter
ou minimiser les effets secondaires des prostaglandines
Traitement de l’anœstrus (vomissements, diarrhée, tachycardie) : butylsco-
Anœstrus consécutif polamine/noramidopyrine (Estocelan®), 1 ml/10 kg
à une hyperprogestéronémie 15 minutes avant l’injection de cloprosténol.
Lorsque l’échographie a mis en évidence un proces-
Trois protocoles peuvent être utilisés.
sus kystique ou tumoral sur un seul ovaire, il est
Van Haaften et al. [3] préconisent l’association
possible de pratiquer une ovariectomie unilatérale pour
bromocriptine/PMSG : bromocriptine 20 µg/kg per os
matin et soir jusqu’au prœstrus, puis PMSG à j1-j3- conserver la fertilité de la chienne.
j5 du prœstrus à la posologie de 20 UI/kg.
Concannon [10] propose les prostaglandines naturel- Anœstrus consécutif à une hypothyroïdie
les F2 (Dinoprost®) pendant 5 jours à la dose de 0,5 µg/
kg/j ; c’est ce protocole qui est généralement utilisé Quand la cause de l’anœstrus est une hypothyroïdie,
aujourd’hui. aussi bien primaire que secondaire, on prescrit de la
lévothyroxine sodique (Forthyron®), une fois par jour, avec une pompe osmotique permettant la réalisation
par voie orale, à la posologie de 0,02 ml/kg de poids d’implants sous-cutanés à raison de 1,9 µg/kg/j.
corporel. L’expérimentation portait sur 24 femelles beagle.
Le traitement ne doit jamais être interrompu. Les Dix-huit d’entre elles sont entrées en œstrus après
chaleurs réapparaissent entre 4 et 6 mois après le début 13 jours de traitement et neuf gestations ont été
du traitement. obtenues.
Concanon et al. [21, 22] expérimentent également la
Anœstrus consécutif à une triptoréline mais par voie intramusculaire à raison de
hypertestostéronémie 1 µg/kg toutes les 8 heures pendant 3 jours. Ils obtien-
Un seul protocole a été publié, celui de Shille et nent 80 % d’œstrus en 10 à 16 jours et 80 % de
al. [17] : gestations.
• diéthylstilbestrol à la dose de 5 mg/kg per os par jour La GnRH en injection pulsatile ou continue consti-
pendant 5 jours ; tue donc une voie de recherche intéressante en matière
• à j5, hCG, 50 UI/kg par voie intramusculaire ; d’induction de l’œstrus chez la chienne mais, indépen-
• à j14 et j16, FSH, 1 UI/kg par voie intramusculaire ; damment du fait que les produits expérimentés ne sont
• à j20 : saillie ou insémination. pas encore commercialisés, leur coût et leurs conditions
Il obtient ainsi sept gestations sur sept femelles d’utilisation les rendent souvent inaccessibles à la
greyhound traitées pendant 20 jours après l’arrêt de la pratique vétérinaire courante.
testostérone et une gestation sur cinq femelles traitées Antiprolactines
à partir de 30 jours après l’arrêt de la testostérone.
Les alcaloïdes antiprolactiniques utilisés pour le
Anœstrus par hyperlipidose tarissement de la sécrétion lactée et commercialisés
Une thérapeutique hypolipémiante associée à un avec pour indication majeure le traitement des lacta-
régime alimentaire (aliments diététiques hypocalori- tions de pseudogestation ont eu pour effet secondaire
ques) peut parfois rétablir la situation. Il est en tout cas de raccourcir l’interœstrus des chiennes ainsi traitées.
essentiel de prescrire un tel régime lorsqu’une chienne À partir de cette observation, il était logique de
obèse est destinée à la reproduction. s’interroger sur leur mode d’action et d’expérimenter
ces molécules dans l’induction de l’œstrus.
Anœstrus par insuffisance en hormones Le rôle des voies dopaminergiques dans le méca-
gonadotropes nisme de contrôle de la sécrétion des gonadotrophines
n’est pas démontré chez la chienne et deux hypothèses
Gonadotrophines exogènes [18] sont avancées.
Les premières tentatives d’induction de l’œstrus ont La prolactine exercerait pendant l’anœstrus une
logiquement fait appel aux gonadotrophines exogènes inhibition de la sécrétion de LH et sa suppression par
et de nombreux auteurs conseillent le protocole sui- les antiprolactines amplifierait la libération de LH ; il
vant : n’y a pas cependant de corrélation entre les taux
• PMSG : 20 UI/kg par voie sous-cutanée ou intramus- sanguin de LH et prolactine pendant l’anœstrus, ce qui
culaire pendant 9 jours, ou 40 UI/kg tous les 3 jours, n’est pas en faveur de cette hypothèse.
trois fois de suite ; Plus vraisemblablement, les antiprolactines exerce-
• hCG : si la kératinisation des cellules vaginales est raient un effet stimulateur direct, à la fois sur la
obtenue, il est alors pratiqué une injection unique libération des gonadotrophines et sur le tissu ovarien
d’hCG à la dose de 500 à 1 000 UI par animal. (développement folliculaire).
Avec ce protocole, le proœstrus est observé dans Trois molécules ont été expérimentées : la bromo-
80 % des cas. Il est suivi d’un œstrus de courte durée criptine, la métergoline et la cabergoline.
avec ovulation constatée par laparotomie, mais la Bromocriptine [3]. L’unique publication relative à
gestation n’est obtenue que dans 30 % et 50 % des cas. cette molécule dans l’indication qui nous préoccupe
Ces résultats semblent être améliorés en remplaçant décrit un traitement de longue durée expérimenté sur
la PMSG par la FSH (Humégon®) à raison d’une injec- quatre chiennes en début d’anœstrus avec administra-
tion intramusculaire de 0,5 UI/kg/j pendant 9 jours. tion orale biquotidienne de 20 µg/kg de bromocriptine,
L’intérêt de ces traitements est essentiellement de le traitement devant être poursuivi jusqu’au prœstrus
relancer l’activité ovarienne et de permettre la fertilité suivant, soit entre 40 et 50 jours. L’intervalle interœs-
avec les cycles ultérieurs. tral serait alors réduit de moitié. Il convient cependant
de ne pas oublier les effets secondaires particulièrement
Gonadolibérines désagréables de ce produit (nausées, vomissements,
La GnRH hypothalamique est à l’origine de la libé- anorexie) qui, associés à la durée du traitement et à son
ration des prolans hypophysaires FSH et LH, et elle a coût, décourageraient les maîtres.
donc fait l’objet d’études comme méthode d’induction Métergoline [23]. Handja Kusuma et Tainturier utili-
de l’œstrus. sent sur dix chiennes la métergoline injectable (non
Cain et al. [9, 19] ont utilisé la GnRH naturelle. Sa commercialisée) à la dose de 1 mg/kg par voie intra-
sécrétion physiologique étant pulsatile, l’expérimenta- musculaire tous les 3 jours, le traitement étant initié
tion a été réalisée avec une pompe automatique injec- entre 90 et 160 jours après les précédentes chaleurs. Ils
tant de 75 à 500 ng/kg en 2 secondes toutes les obtiennent un prœstrus en 16 jours, une ovulation sur
90 minutes pendant 6 à 12 jours. Huit femelles beagle toutes les chiennes et une gestation sur neuf d’entre
ont ainsi été traitées et six d’entre elles ont mené une elles.
gestation normale. Elles avaient présenté un prœstrus Cabergoline [18, 24, 25]. Buff, Fontbonne et Guérin
de 3 à 6 jours après le début du traitement, et un utilisent cette molécule sur 50 chiennes de races
œstrus entre le onzième et le seizième jour. différentes en anœstrus prolongé (de 8 mois à 2 ans).
Un agoniste de la GnRH, la D-TRIP-5 GnRH ou La cabergoline est administrée per os pendant 3 semai-
triptoréline (Lutrelin®) [20] a également été expérimenté nes, en dehors des repas, à la posologie de 5 µg/kg, soit
Hyperœstrie
Kystes folliculaires
Leur traitement est très aléatoire. S’il s’agit d’une lice
reproductrice, on peut tenter d’obtenir leur régression
en recherchant leur lutéinisation par injection de 750
à 1 500 UI d’hCG. Les résultats sont très décevants.
Lors de lésions unilatérales, l’ovariectomie de l’ovaire
affecté permet parfois de régler le problème.
Refus de la saillie
Il est relativement fréquent en médecine vétérinaire
canine d’être consulté pour une chienne qui n’accepte
pas le mâle et refuse la saillie organisée par le maître
lorsqu’elle est en chaleurs.
En dehors d’une incapacité ou d’une inexpérience de
l’étalon qui sortent du cadre de cet article, cet échec de
l’accouplement imputable à la femelle peut être la
conséquence de problèmes physiques, comportemen-
taux, mais le plus souvent sont liés au mauvais choix
de la date par l’éleveur.
Étude clinique
Problèmes physiques
La saillie génératrice de douleur chez la femelle
motive alors son refus.
Il peut s’agir de quelque chose de tout à fait anodin,
comme ce que l’on observe chez les femelles de races à
long poil ou à fourrure épaisse (terriers, bobtails,
afghans...). Des poils, en effet, s’intercalent entre le
pénis du mâle et la vulve de la femelle, ne permettant
pas l’intromission. Il suffit parfois de tondre la région
vulvaire pour régler le problème.
La douleur instantanée ou mémorisée par la chienne
entraîne un refus d’accouplement notamment l’arth-
rose vertébrale, une hernie discale. Le chevauchement
du mâle est mal supporté, la chienne se dérobe (teckels,
pékinois, bassets).
Des malformations vulvaires rendent la pénétration
impossible :
• hypoplasie vulvaire, anomalie de taille et de position
(colley) ;
• vulve « barrée » : position horizontale de la vulve
(berger picard) ;
• dermite des plis vulvaires : la suppuration observée
est accompagnée de léchage permanent, d’œdème Figure 11. Double vagin (clichés Dr Péchereau).
rendant impossible l’accouplement ; A. Fibroscopie.
• entropion vulvaire : excès de peau entraînant un B. Vaginographie.
véritable enfouissement des lèvres de la vulve ; les
mictions sont difficiles, l’urine stagne dans les plis et
favorise les pullulations bactériennes.
Il en va de même d’anomalies vaginales congénitales Sténose ou atrésie vaginale (Fig. 10), double vagin
ou acquises. (Fig. 11) peuvent également être mis en évidence lors
Outre la persistance de l’hymen qui rend le premier de refus de saillie.
coït douloureux, des épaississements congénitaux ou La ptose vaginale (Fig. 12) liée à une sécrétion
acquis empêchent la vulve de se dilater lors de l’intro- excessive d’œstradiol se traduit par l’apparition d’un
mission du pénis. repli de muqueuse sur le plancher du vagin qui peut
% chiennes
30 %
Acceptation du mâle
20 %
19 %
18 %
13 %
10 %
7%
6%
3%
3%
Figure 12. Ptose vaginale.
1 2 3 4 5 6 7 8 910 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Jours de chaleurs
% cumulé 3 6 19 38 66 84 91 97100
“ Point essentiel
Échographie ovarienne
• Elle nécessite un échographe avec des ondes de
fréquence de 7,5 à 12 MHz, et demande Figure 17. Détermination du moment de l’ovulation par
technicité et entraînement de la part de échographie.
l’utilisateur. A. Follicules ovariens avant l’ovulation (astérisque).
• Les ovaires se situent en regard du pôle caudal B. Disparition des follicules après ovulation (astérisque).
du rein et au-dessous.
• La chienne doit être installée en décubitus
chaleurs) ou anormalement tardive (après le seizième
latéral droit pour rechercher l’ovaire gauche (le jour), ces examens doivent être entrepris dans les 2 ou
plus facile à trouver) et inversement pour l’autre 3 jours qui suivent le début des chaleurs et poursuivis
ovaire. jusqu’à la fin (toutes les 48 heures par exemple).
• Les ovaires sont difficilement visibles en Plus exceptionnellement, mais de nombreuses obser-
anœstrus sauf en présence de kystes lutéiques ou vations le prouvent, certaines lices recherchent et
de tumeur. acceptent le mâle en dehors du moment de fécondabi-
lité, c’est-à-dire soit nettement avant, soit nettement
après, voire refusent l’accouplement au moment
demande une précision beaucoup plus grande en raison opportun. Il faut en tenir compte et être prêt à inter-
du temps de survie limité des spermatozoïdes après venir en réalisant une insémination artificielle en
.
décongélation. Ils peuvent être proposés également semence fraîche.
lorsqu’une chienne refuse la saillie ou lorsqu’une saillie
n’a pas été suivie de gestation (cf. infra). Solution thérapeutique
Pour ne pas être surpris par des chiennes à ovulation C’est en effet l’insémination artificielle en semence
anormalement précoce (à partir du troisième jour des fraîche qui va permettre de résoudre la plupart de ces
400 40
300 30
50
200 20
25
FSH
100 10
Folliculine Progestérone
LH
Échec de Accouplement
l'accouplement non suivi de
(cf. supra) gestation
Échec de la fécondation
Dyssynchronisme ovulation/saillie
Figure 19. Infertilité liée à l’étalon.
Le dyssynchronisme ovulation/saillie est responsable A. Bonne qualité : concentration correcte, pas de formes anor-
de l’échec dans 80 % des cas. Il n’y a pas eu, comme males.
précédemment, refus de la saillie mais acceptation à B. Mauvaise qualité : oligospermie, tératospermie.
une période de non-fécondabilité. La solution à propo-
ser est bien sûr le suivi des chaleurs suivantes avec
frottis vaginaux, dosage de progestéronémie et éven- Il faut également s’assurer de la réalité de l’accouple-
tuellement insémination artificielle. ment incriminé comme stérile. En effet, il n’est pas
suffisant de laisser ensemble les « partenaires » pendant
Responsabilité de l’étalon
2 ou 3 jours, il faut également être sûr qu’une saillie
L’étalon peut aussi être en cause : une azoospermie, complète a bien eu lieu et avec accolement.
une oligospermie, une insuffisance de vitalité des
spermatozoïdes, peuvent expliquer les échecs. Il est Infection vulvovaginale
indispensable de réaliser un spermogramme sur le mâle Les vulvites entraînent essentiellement des refus de
suspect et/ou de changer de mâle à la saillie suivante saillie en raison de la douleur provoquée lors de l’intro-
(Fig. 19). mission du pénis. Lors de vaginites, la chienne accepte
L’hypothyroïdie est considérée comme une cause des défauts nutritionnels affectent plus la lactation que
possible de défaut de gestation en l’absence de tout la gestation.
autre signe clinique. Ce dysfonctionnement thyroïdien Ont été impliqués dans l’infécondité les protéines,
peut être d’origine héréditaire et il faut attirer l’atten- les acides gras essentiels, le phosphore, l’iode, le zinc et
tion du propriétaire sur la possible transmission à la la vitamine A, mais il convient de souligner que seule
descendance. Le problème est différent si l’hypothyroï- la carence ou au contraire l’excès de vitamine A ont des
die est consécutive à une thyroïdite auto-immune effets nettement démontrés.
secondaire à une maladie infectieuse (toux de chenil, Plus que la malnutrition, la suralimentation est
par exemple). Un traitement adapté de cette dysendo- parfois cause d’infertilité par perturbation des métabo-
crinie peut restaurer la fertilité. lismes hormonaux, notamment celui des acides gras
Enfin, un hypolutéinisme préjudiciable à la poursuite précurseurs d’hormones stéroïdes. L’insuffisance hépa-
de la gestation peut apparaître pendant les premiers tique qui résulte de ces états pléthoriques ralentit le
mois et entraîner la résorption fœtale. Il convient d’être catabolisme des œstrogènes et la surcharge graisseuse
vigilant aux chaleurs suivantes, de contrôler la proges- bloque le métabolisme de la vitamine A.
téronémie après la saillie et de corriger son éventuelle Enfin, c’est plutôt sur le plan hygiénique ou sur la
chute par administration de progestérone. bonne conservation des produits que l’on peut être
Origine traumatique. Des traumatismes violents ou amené à trouver des troubles de la reproduction liés à
des interventions chirurgicales majeures sont responsa- l’alimentation. Il est classique de dire que le « micro-
bles d’avortements d’une partie ou de la totalité de la bisme d’élevage » fait son nid dans la gamelle du chien
portée. en provoquant une infécondité d’origine infectieuse.
Origine iatrogène. L’état de gestation entraîne de
nombreuses modifications physiologiques telles qu’une Avortements infectieux [26, 29, 30]
diminution de la motricité gastro-intestinale, des Outre une mauvaise gestion du moment de l’accou-
variations dans la filtration glomérulaire rénale, des plement, c’est probablement une des causes principales
différences dans le métabolisme enzymatique hépati-
d’infertilité, surtout en élevage canin et d’autant plus
que, etc.
que l’effectif est important.
Ces modifications ont des conséquences sur la phar-
Les bactéries et virus classiquement responsables de
macologie (absorption, élimination, transformation) des
mortinatalité peuvent également être à l’origine de
médicaments qui peuvent devenir néfastes, voire
résorptions embryonnaires précoces et donc d’infertilité
toxiques.
apparente.
Par ailleurs, il vaut mieux parler de membrane
Au premier rang de ces affections, il faut citer l’her-
placentaire plutôt que de « barrière » placentaire puis-
pès virose, la brucellose, la mycoplasmose, mais aussi
que, quel que soit le type de placentation (endothélio-
choriale chez la chienne), il y a passage de les colibacilles, les streptocoques, les staphylocoques
médicaments à travers le placenta. La perméabilité impliqués dans le « microbisme d’élevage » et qui
placentaire est fonction de la nature du produit, de sa provoquent successivement ou simultanément selon le
posologie, de la fréquence et de la durée cas infertilité, avortements, mortinatalité ou septicémie
d’administration. néonatale.
On peut définir une constante de diffusion dépen-
dant de la liposolubilité de la molécule, elle-même
inversement proportionnelle à son degré d’ionisation : ■ Infertilité en élevage [26]
potentiels inhibant la libido. Mais depuis la généralisa- Encore faut-il être rigoureux dans le moindre détail
tion des techniques d’insémination artificielle, ce type de la réalisation de chacune d’entre elles.
d’infécondité n’est plus un obstacle à l’élevage. La Des problèmes particuliers sont observés en élevage
réflexion peut même être poussée plus loin, si l’on et, l’étiologie infectieuse y étant relativement fréquente,
considère qu’il y a une corrélation élevée entre ardeur une collaboration étroite vétérinaire, éleveur et labora-
sexuelle et agressivité d’une part, et que d’autre part la toire spécialisé est indispensable.
demande en chiens dociles et soumis va se générali- .
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Dumon C. Infécondité chez la chienne. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Vétérinaire,
Pathologie de la reproduction, 1600, 2009.