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Licence de Musicologie
Enseignement à distance
Introduction générale
à l’histoire de la musique
Devoir autocorrectif
Muriel Boulan
Préambules
Le cours proposé par Raphaëlle Legrand pose les bases de la réflexion historique en
musique – outils, méthodes, enjeux, rapports aux autres disciplines historiques – et brosse un
panorama rapide de l’histoire de la musique.
Il est nécessaire de compléter cette lecture par d’autres lectures, d’approfondir les
concepts généraux et de fixer les grandes lignes stylistiques de l’histoire de la musique en
multipliant les recherches annexes et les écoutes à l’appui de la synthèse chronologique.
La bibliographie suivante ne se substitue pas à celle du cours, elle la complète. Les
astérisques indiquent les lectures à faire en priorité.
ADLER, Guido, « Umfand, Methode und Ziel der Musikwissenschaft », Vierteljahresschrift für,
Musikwissenschaft, vol. I, 1885, p. 5-20.
COOK, Nicholas, Musique, une très brève introduction, traduit de l’anglais par Nathalie Gentili,
Paris, Éditions Allia, 2006 (1/1998 : Music: A very short introduction), 157 p.
*PROST, Antoine, « Le temps de l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, Paris, Le Seuil, 1996,
p. 101-123.
B. Panorama
COLETTE, Marie-Noëlle, POPIN, Marielle, VENDRIX, Philippe, Histoire de la notation du Moyen Âge
à la Renaissance, Paris, Minerve et Centre d’études supérieures de la Renaissance, 2003,
206 p.
***
Par ailleurs, feuilleter diverses histoires de la musique, pas seulement francophones, pour
comparer les approches et les découpages chronologiques.
Ce document est un devoir autocorrectif. Il se compose d’un sujet suivi de son corrigé.
Il ne doit en aucun cas être envoyé à la correction.
Sujet
1)
3)
4)
Cet exercice d’entraînement prendra la forme d’un plan détaillé avec introduction et
conclusion entièrement rédigées. Le développement présentera les arguments sous forme non
rédigée. Les titres des parties et sous-parties seront clairement explicités.
Dans chaque sous-partie, assurez-vous qu’il y a toujours au moins un argument et son
exemple. Ne cumulez les exemples que s’ils sont variés (par exemple des exemples d’époques
différentes pour une problématique donnée sur l’ensemble de l’histoire de la musique).
Le développement contiendra nécessairement des références littéraires et musicales dûment
référencées. Attention au plagiat : ne recopiez rien de nulle part (ouvrage ou internet) qui ne
soit correctement cité, référencé.
Complément de lecture :
Simon LAFLAMME, « Continuité et ruptures en histoire », Anthropologica, 23-1, janvier 1981,
p. 35-38.
[Attention néanmoins, la pensée de l’histoire a évolué depuis près de 40 ans !]
Texte intégral téléchargeable à cette adresse :
https://www.researchgate.net/publication/307513321_Continuite_et_ruptures_en_histoire
Sur votre brouillon, commencer par définir tous les termes/concepts/expressions, circonscrire
les champs, donner quelques exemples précis, spécifiquement musicaux ou musicologiques,
que vous pouvez associer à chacun d’eux :
- Périodisation
> Réfléchir aux spécificités des périodisations propres à chacune des « histoires » évoquées ci-
dessus, réfléchir aux différents types de périodisation et la manière dont elles prennent en
compte les ruptures et les continuités.
- Ruptures/ Continuités
> Réfléchir à ce qui fait rupture et ce qui fait continuité entre les grandes périodes historiques,
tous champs d’étude confondus : styles, genres, notation, écriture, langage, compositeurs,
lieux, publics…
> Rechercher tous les termes qui peuvent être associés à ce couple, par exemple
tradition/modernité, héritage/révolution, permanence/changement, norme/écart stylistique
Se demander si les ruptures empêchent les continuités, si les deux termes sont
nécessairement opposés etc.
CORRIGÉ
1re partie – Travail d’approfondissement du cours [10 points]
2. Qu’est-ce que la New Musicology ? Quel musicologue est à l’origine de ce tournant pris
par la musicologie ? [1 point]
Avec la publication en 1985 de son ouvrage Contemplating Music: Challenges to Musicology,
Joseph Kerman déclenche un important débat sur l’état de la musicologie, réflexion qu’il avait
ouverte cinq ans plus tôt déjà avec son article « How We Got into Analysis, and How to Get
Out »1. Conséquence d’un excès d’objectivité, selon lui, la musicologie traditionnelle pâtit
d’une approche traditionnelle centro-centrée sur la musique, qui oublie jusque l’expérience
esthétique même. Le musicologue engage ses pairs à réintroduire une part de subjectivité, à
considérer la musique dans son contexte culturel et social, à faire appel à d’autres domaines
y compris dans le cadre même de l’analyse, devenue trop « sèche ».
La New Musicology, qui découle de cela et qui fait encore débat aujourd’hui, considère la
musique dans un contexte plus large, prône l’apport d’autres disciplines – outils, méthodes,
approches – et fait alors la part belle à de nouveaux champs d’étude, à commencer par
l’anthropologie de la musique et l’ethnomusicologie, les cultural studies et la sociologie de la
musique, les gender studies… Ces domaines sont désormais des branches pleinement acquises
à la musicologie. On y a intégré plus récemment la psychologie de la musique, la didactique
de la musique, la sémiologie musicale, l’iconographie musicale…
1 Article disponible sur JSTOR, dans les ressources en ligne de Sorbonne Université.
4. Sans recopier le cours, expliquer cette affirmation de Paul Veyne : « L’histoire est un
roman vrai » (1971). [1 point].
Un roman est un récit en prose qui met en scène des personnages de fiction, évoluant au gré
d’aventures imaginaires.
Ce qu’indique la formulation aux abords contradictoires de Paul Veyne, c’est que l’écriture de
l’histoire se fonde sur des faits et des personnages réels, mais qu’elle engage un processus
narratif qui ne peut se confondre avec une réalité purement objective.
Si la méthodologie historique implique une mise à distance des faits et un regard qui tend vers
l’objectivité la plus stricte, l’historien opère nécessairement une sélection des faits, il les met
en relation et les interprète selon un angle d’approche qu’il a choisi, à une époque donnée,
dans un pays donné, dans un courant de pensée historique donné, constituant par là-même
une sorte d’intrigue et de trame narrative dont les codes sont en fait ceux du roman. Tout cela
influe sur le récit historique qui ne peut être, au mieux, qu’« une » vérité.
Paul Veyne développe ainsi son propos :
« Les faits n’existent pas isolément, en ce sens que le tissu de l’histoire est ce que
nous appellerons une intrigue, un mélange très humain et très peu « scientifique »
5. Qu’est-ce que l’épitaphe de Seikilos ? Donner le titre de deux autres pièces de la même
époque. [0,5 point]
Il s’agit d’un poème mis en musique par le poète grec Seikilos, à destination de sa femme. Ce
poème a été retrouvé en 1883, gravé et surmonté de symboles musicaux, sur une colonne qui
ornait une tombe près d’Éphèse. Il est daté de la fin du IIe siècle avant J.-C.
Deux « hymnes delphiques à Apollon » ont été découverts peu après, à Delphes, en 1893, lors
de l’exploration du « Trésor des Athéniens ». Ces deux pièces musicales dateraient
respectivement de -138 et -128, dates auxquelles elles auraient été interprétées lors de deux
Pythaïdes (des processions rituelles d’Athéniens se rendant à Delphes).
L’image montre deux lignes de texte en latin surmontées de symboles graphiques inclinés vers
la droite, qui semblent correspondre à chacune des syllabes du texte. Il s’agit de neumes
primitifs, alignés, sans aucune indication de hauteur relative (ni ligne ni décalages des neumes
les uns par rapport aux autres). Cet extrait manuscrit (sur parchemin) peut donc se situer aux
alentours des IXe et Xe siècles.
2)
Cet extrait est postérieur au précédent. Il s’agit d’une écriture en neumes qui, cette fois ci,
s’attache à définir au mieux les hauteurs. On observe une ligne apparente en rouge, qui
désigne le « fa » (on voit la lettre F à gauche). L’indication « c » également à gauche, suggère
une seconde ligne colorée, dont la couleur a été effacée par le temps (jaune).
Dans la deuxième « portée », on devine une ligne pâle en noir. En fait, quatre lignes sont
tracées tout du long, dont deux en couleur. Cela correspond à la notion neumatique sur portée
fixée par Gui d’Arezzo au Xe siècle.
Il s’agit ici d’un manuscrit du XIIe siècle qui présente le graduel « Locus iste », pour la dédicace
d'une église.
3)
Ce troisième passage montre des neumes sur portées de six lignes tracées en rouge.
La notation rouge de certains groupes de notes correspond aux passages en binaire.
Ceci est caractéristique de l’Ars subtilior à la seconde moitié du XIVe siècle. Il s’agit d’un
extrait du Codex de Chantilly, une pièce de Solage, cf. en haut de la page.
4)
Enfin, on observe dans cette quatrième partition une notation très différente des
précédentes. Alors que les neumes restent encore employés dans la dernière section de la
pièce, l’extrait montre une notation dite « blanche », avec 5 lignes toujours tracées en rouge
(toujours au sens, comme avant, notamment l’extrait précédent). Ces notes blanches
remplacent les neumes auparavant dessinés en signes noirs pleins. Les notes noires
remplacent les notes précédemment colorées en rouge et sont donc plus rapides que les
« blanches » qui les entourent. Cette notation nouvelle, pas encore totalement émancipée
des traditions anciennes, est la marque d’une première moitié de XVe siècle.
10. Associer aux indications suivantes une ville, une époque, un genre ou un répertoire
particulièrement concernés et au moins un compositeur ou personnalité musicale. [2
points]
1) Neue Musik : Darmstadt, « Nouvelle musique », école dite de Darmstadt, post-1945,
Boulez, Berio, Maderna, Stockhausen, Xenakis…
2) Gewandhaus : Leipzig, salle de concert particulièrement à l’honneur à l’époque romantique
et associée à Mendelssohn (qui en est le chef d’orchestre de 1835 à 1848), genres
orchestraux ou incluant l’orchestre (symphonie, concerto, air d’opéra…).
3) Salle des Menus Plaisirs : Paris, musique d’orchestre (symphonies, concertos, airs de
concerts et extraits d’opéras...), François-Antoine Habeneck, violoniste et surtout chef
d’orchestre, qui créée la Société des concerts du Conservatoire dont la saison se tient dans
la salle des Menus Plaisirs, dite salle des concerts du Conservatoire.
4) King’s Theatre : Londres, second Baroque, opéra, Georg Friedrich Haendel.
Remarques méthodologiques
Il n’y a jamais de plan unique par sujet, la proposition suivante en est une parmi d’autres.
Le corrigé s’appuie volontairement sur de nombreuses citations d’historiens et de
musicologues (plus qu’attendu pour une simple dissertation), dans l’idée d’un prolongement
du cours. Certaines méritent d’être apprises par cœur, pour nourrir d’autres réflexions sur des
problématiques plus ou moins proches. Reformuler, s’approprier et questionner les autres
permettra de même d’appuyer ces futures argumentations.
Comme indiqué dans le sujet du devoir, les articles mentionnés se trouvent pour la plupart
dans le Moodle Sorbonne du cours associé.
Proposition d’introduction
L’histoire de la musique constitue l’une des branches de l’histoire générale. Si les prémices
d’un discours sur la musique des générations passées remontent au début du XVIe siècle, la
discipline se forge au long du XIXe siècle et établit son autonomie avec les écrits de Guido Adler
en 1885, la naissance de la musicologie et la création des premières sociétés musicales
savantes (GfM, 1868 ; RMA, 1874 ; AMI, 1908). Ses objets et ses méthodes, d’abord
empruntées à l’histoire générale ou à la philologie, s’affinent. Le récit historique gagne en
rigueur et en analyse, se détachant d’une accumulation de faits ou d’une galerie de portraits
au profit d’une analyse de ces faits, des évolutions stylistiques et d’une connaissance plus fine
du passé musical.
L’une des principales difficultés auxquelles l’historien est confronté tient au caractère
insaisissable d’un temps continu, formé d’une succession ininterrompue d’événements, dont
il est impossible de rendre compte en totalité. L’historien opère une sélection de ces faits et,
pour en cerner l’importance, les relations et les interactions, les insère dans des cadres
préétablis qui fixent, entre des ruptures fortes, des entités bornées. Ces entités temporelles
closes, par leur cohérence interne, forment un appui au travail de l’historien.
Plusieurs questionnements émergent alors : les ruptures sont-elles évidentes ? Les
bornes adoptées unanimes ? Dans quelle mesure un changement de catégorisation influe-t-il
sur le discours historique et inversement ? Ces ruptures qui sous-tendent des changements
stylistiques majeurs ne cachent-elles pas des continuités à plus grande échelle ? L’unité
stylistique de chacune des périodes usuelles est-elle indiscutable ?
[Annonce de la 1re partie] La nécessité de fractionner le temps de l’histoire musicale
repose avant tout sur une structuration de ce temps en périodes stylistiquement cohérentes,
séparées par des ruptures franches, internes ou externes à la musique. [Annonce de la 2 e
partie] Mais le caractère arbitraire et subjectif est rapidement opposé à ce processus de la
périodisation. Loin d’une conséquence négative, la conscience des problèmes permet une
vision plus riche des phénomènes musicaux, sociaux, culturels… qui agissent en parallèle.
[Annonce de la 3e partie] Finalement, comprendre que l’histoire est multiple, les temporalités
plurielles et les points de vue géographiques comme ceux de l’historien variés, fait dialoguer
à profit ces ruptures et ces continuités.
I. Une histoire « en tranches* » : une succession de périodes que séparent des ruptures
franches
*Jacques LE GOFF, Faut-il vraiment découper l’histoire en tranches ?, 2014.
L’historien Antoine Prost résume en quelques mots les enjeux principaux de la question :
« La périodisation permet de penser à la fois la continuité et la rupture. Elle affecte
d’abord l’une et l’autre à des moments différents : continuité à l’intérieur des
périodes, ruptures entre elles. Les périodes se suivent et ne se ressemblent pas ;
périodiser, c’est donc identifier des ruptures, prendre parti sur ce qui change,
ou moins étroitement interdépendants. […] Ils s’expliquent les uns par les autres. Le tout rend
compte des parties. » – Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire
« Pour construire l’autonomie de chacune de ces périodes, on peut se fonder sur des critères
internes à la musique, en s’appuyant notamment sur des aspects stylistiques, formels,
harmoniques, etc., qui y sont constants, ou des critères externes comme des traits considérés
comme caractéristiques des modes de pensée et d’action d’une génération, des événements
historiques marquants […] ou des périodes déjà découpées dans d’autres domaines, en
particulier dans l’histoire de l’art. » – Jean-Jacques NATTIEZ, « Histoire ou histoires de la
musique », p. 21-22.
- Renaissance et Humanisme
- Époque baroque : basse continue omniprésente, rhétorique des affects
« Par-delà les particularités d'époques et d'écoles, la musique des années 1600-1750 présente une
cohérence esthétique, due à la jonction de deux tendances en soi autonomes. D'une part l'esprit
concertant (stile concertato) implique dialogue, mouvement, contraste, spatialité, sensualité,
couleur. D'autre part, l'intention rhétorique (stile recitativo ou rappresentativo) rend la musique
parlante, éloquente, expressive, imprégnée de pathos » – Jacques VIRET
- Seconde moitié du XVIIIe siècle : retour initial à une simplicité et un naturel en rupture avec
la période précédente. Style galant, symétrie, mélodie accompagnée, basse d’Alberti,
simplification du langage harmonique.
- Romantisme comme époque de l’Artiste, du Héros au centre de la création.
II. Des ruptures arbitraires, qui relèvent de l’objet étudié et du choix de l’historien
Les périodes comme « unités factices », se méfier de « la période toute faite, refroidie », celle
pourtant pédagogiquement bien utile !, viser la « périodisation vive », celle de l’historien en
action – Antoine PROST, « Les temps de l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, p. 118 et p. 116.
- véritable début du Moyen Âge musical avec la réforme de Grégoire le Grand ? Dans ce cas,
plus tard que le début du Moyen Âge « historique »
- transition Baroque/Classique
1750 : mort de Bach, soit, mais nouvelle manière d’écrire (style galant) en germe dès les
années 1740, une nouvelle école symphonique en pleine éclosion à Mannheim à la même
époque et une basse continue qui perdure dans les compositions ou les usages jusqu’à la fin
du siècle (sonates avec basse continue de CPE Bach, récitatifs d’opéras, direction des
symphonies depuis le clavecin)
b) Des ruptures internes aux périodes, parfois encore plus radicales que les ruptures
entre les périodes
- Changement radical de la transmission orale de la musique à l’apparition de la notation
musicale au cœur de l’époque médiévale (Gui d’Arezzo), puis la révolution de l’impression au
début de la Renaissance. Ce sont des ruptures socio-culturelles qui révolutionnent la diffusion
et la conservation de la musique.
- Apparition de la polyphonie au milieu du Moyen Âge.
- 1870 en France avec la création de la SNM et la guerre franco-prussienne.
a) Des ruptures qui, en creux impliquent des ressemblances et des continuités entre
les périodes
« Le découpage périodique comporte toujours une part d’arbitraire. En un sens, toutes les
périodes sont des « périodes de transition ». L’historien qui souligne un changement en
définissant deux périodes distinctes est obligé de dire sous quels aspects elles diffèrent, et, au
moins en creux, de façon implicite, plus souvent explicitement, sous quels aspects elles se
ressemblent. » – Antoine PROST, « Le temps de l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, p. 101-
123.
Continuités esthétiques, permanences de langages et aussi continuités plus spécifiques de
genres. Si l’on peut assez précisément dater les débuts de l’opéra, du concerto, de la
symphonie, du quatuor à cordes, ces genres majeurs ont traversé les époques et perdurent
encore de nos jours. De même, le lied enjambe les année 1750 à Mahler et Strauss.
Penser les continuités par-delà les périodes minimise de manière bénéfique les ruptures
parfois artificielles (et inversement).
d) périodisation vs périodisations
Des ruptures remises en cause dès lors qu’on envisage d’autres types de découpages, ou parce
que d’autres découpages s’imposent :
- histoire à l’échelle des générations.
- histoire par siècle : découpage longtemps adopté, puis supplanté par la périodisation
« actuelle », elle-même à son tour de plus en plus remise en cause pour un retour à la relative
neutralité d’une histoire par siècle. Pour autant, les changements de siècles ont toujours
suscité une part d’angoisse dans l’imaginaire collectif et forgé des ruptures virtuelles (pensons
au passage à l’an 2000 et au bug informatique tant redouté), Brigitte François Sappey
s’interroge sur les tournants de siècles en musique (La musique au tournant des siècles, Paris,
Fayard, 2015).
- histoires par genre (par exemple : Simon P. KEELE éd., The Cambridge Companion the
Concerto, Cambridge, Cambridge University Press, 2005 ; Michel CHION, Le Poème
symphonique et la musique à programme, Paris, Fayard, 1993).
- histoire des institutions (nombreuses histoires des opéras, des théâtres, des sociétés
orchestrales…).
Proposition de conclusion
Si le fractionnement du temps est une opération nécessaire et préalable au récit historique,
aucun choix n’est neutre. La périodisation communément admise en histoire de la musique
ne l’est qu’en surface, elle est sinon remise en cause, du moins sans cesse discutée. Tout
comme l’objet historique prend son sens par la question que lui pose l’historien, les ruptures
ou les continuités font sens en fonction de l’objet étudié et de l’approche choisie. L’historien
se dévoile autant par sa sélection des faits que par son interprétation de la chronologie.
À la tendance structuraliste d’une histoire qui isole les périodes les unes des autres, mais
à laquelle on échappe rarement, s’oppose une histoire héritée de la New Musicology, qui
bénéficie des apports d’autres disciplines, d’autres regards, d’autres méthodes, adapte les
bornes en fonction de l’objet, et dont les récits se combinent pour une histoire plurielle. Le
résultat d’une extrême richesse en est par exemple l’Encyclopédie pour le XXIe siècle dirigée
par Jean-Jacques Nattiez. Plus encore, dans cette lignée, les tenants post-modernes d’une
micro-histoire, centrée sur de courtes périodes, s’émancipent d’un temps orienté, de la
nécessité de trouver causes et effets, au profit d’un approfondissement du contexte social et
culturel. C’est cette conception achronique dont parle Jean-Jacques Nattiez (Ibid., « Histoire
ou histoires de la musique ? », p. 32-34). Elle interroge encore à un autre niveau cette dualité
entre arbitraire et nécessité d’un fractionnement du temps.