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UFR DE MUSIQUE ET MUSICOLOGIE

Licence de musicologie à distance


Introduction générale à l’histoire de la musique
Devoir autocorrectif
Muriel Boulan
Cours d’Histoire de la musique (UE 1)
Licence 1re année – Semestre 1

Document protégé par les droits d’auteur, propriété


de l’université. Diffusion et reproduction interdites.
UFR de Musique et Musicologie
Faculté des Lettres de Sorbonne Université

Licence de Musicologie
Enseignement à distance

Introduction générale
à l’histoire de la musique

Devoir autocorrectif
Muriel Boulan

Licence 1re année – Semestre 1


UE 1 Musique en contexte
Introduction générale à l’histoire de la musique
Devoir autocorrectif – M. Boulan

Préambules

Le cours proposé par Raphaëlle Legrand pose les bases de la réflexion historique en
musique – outils, méthodes, enjeux, rapports aux autres disciplines historiques – et brosse un
panorama rapide de l’histoire de la musique.
Il est nécessaire de compléter cette lecture par d’autres lectures, d’approfondir les
concepts généraux et de fixer les grandes lignes stylistiques de l’histoire de la musique en
multipliant les recherches annexes et les écoutes à l’appui de la synthèse chronologique.
La bibliographie suivante ne se substitue pas à celle du cours, elle la complète. Les
astérisques indiquent les lectures à faire en priorité.

Consulter absolument aussi le Moodle de mon cours en présentiel. Vous y trouverez


notamment les lectures référencées avec astérisques ci-dessous, ainsi que des documents sur
l’évolution de la notation musicale et de nombreux exemples audio accompagnant le
panorama général. Les chapitres y sont dévoilés semaines après semaine, au rythme du cours
donné en présence.

Bibliographie complémentaire du cours


A. Introduction à l’histoire de la musique

ADLER, Guido, « Umfand, Methode und Ziel der Musikwissenschaft », Vierteljahresschrift für,
Musikwissenschaft, vol. I, 1885, p. 5-20.

*BENT, Margaret, « Le métier de musicologue », Musiques. Une encyclopédie pour le


XXIe siècle, volume 2 : « Les Savoirs musicaux », Jean-Jacques Nattiez éd., Paris, Actes Sud,
2004 (1/Enciclopedia della musica. Il Sapere musicale : 2002), p. 611-627.

BONNECHERE, Pierre, Profession historien, Montréal, Presses de l’université de Montréal, 2008,


70 p.
Texte intégral en ligne : https://books.openedition.org/pum/443.

COOK, Nicholas, Musique, une très brève introduction, traduit de l’anglais par Nathalie Gentili,
Paris, Éditions Allia, 2006 (1/1998 : Music: A very short introduction), 157 p.

DAHLHAUS, Carl, Fondements de l’histoire de la musique, présenté et traduit de l’allemand par


Marie-Hélène Benoit-Otis, Arles, Actes Sud, 2013 (1/1977 : Grundlagen der
Musikgeschichte), 287 p.

KERMAN, Joseph, Contemplating music. Challenges to Musicology, Cambridge (Mass.), Harvard


University Press, 1985.

Licence de Musicologie 1re année – Introduction générale à l’histoire de la musique


1
MEEÙS, Nicolas, « Épistémologie d’une musicologie analytique », Musurgia, XXII/3-4, Paris,
Eska, 2015, p. 97-114.

*NATTIEZ, Jean-Jacques, « Histoire ou histoires de la musique ? », Musiques. Une encyclopédie


pour le XXIe siècle, vol. 4 : « Histoires des musiques européennes », Jean-Jacques Nattiez
éd., Paris, Actes Sud, 2006 1/Enciclopedia della musica. Storica della musica europa :
2004), p. 19-49.

*NATTIEZ, Jean-Jacques, Profession musicologue, Montréal, Presses de l’université de


Montréal, 2007, 72 p.
Texte intégral en ligne : https://books.openedition.org/pum/204?format=toc.

*NATTIEZ, Jean-Jacques, « Musicologie historique, ethnomusicologie, analyse : une


musicologie générale est-elle possible ? », Itamar (1) 2008. Revista de investigación
musical : territorios para el arte, Rivera Mota, Valencia Universidad de Valencia, 2009,
p. 333-355.

PISTONE, Danièle, « Musicologie », Encyclopédia universalis, [1980 et ajouts bibliographiques


postérieurs], http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/musicologie/.

*PROST, Antoine, « Le temps de l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, Paris, Le Seuil, 1996,
p. 101-123.

*VENDRIX, Philippe, « Les conceptions de l’histoire de la musique », Musiques. Une


encyclopédie pour le XXIe siècle, vol. 2 : « Les Savoirs musicaux », Jean-Jacques Nattiez éd.,
Paris, Actes Sud, 2004 (1/Enciclopedia della musica. Il Sapere musicale : 2002), p. 628-648.

B. Panorama

Sur l’histoire de la notation :

APEL, Willi, La Notation de la musique polyphonique, traduit de l’anglais par Philippe de


Navarre, Sprimont, Mardaga, 1998 (1/1942 : The Notation of Polyphonic Music (900-1600).

COLETTE, Marie-Noëlle, POPIN, Marielle, VENDRIX, Philippe, Histoire de la notation du Moyen Âge
à la Renaissance, Paris, Minerve et Centre d’études supérieures de la Renaissance, 2003,
206 p.

***

Par ailleurs, feuilleter diverses histoires de la musique, pas seulement francophones, pour
comparer les approches et les découpages chronologiques.

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Introduction générale à l’histoire de la musique
Devoir autocorrectif – M. Boulan

Ce document est un devoir autocorrectif. Il se compose d’un sujet suivi de son corrigé.
Il ne doit en aucun cas être envoyé à la correction.

Sujet

1re partie – Travail d’approfondissement du cours [10 points]

Répondre brièvement aux questions suivantes. Ces questions servent de complément au


cours, vous ne trouverez donc pas forcément les réponses dans le fascicule de cours.
Le Moodle présentiel et ses lectures est une première base de travail.
Avant de regarder les réponses, pensez vos recherches comme préparation de fiches de
révision.

1. Date et auteur de la première biographie de Bach. En quoi est-elle significative ?


[0,5 point]
2. Qu’est-ce que la New Musicology ? Quel musicologue est à l’origine de ce tournant pris
par la musicologie ? [1 point]
3. Qu’est-ce qu’une source (définition et exemples en musique) ? [1 point]
4. Sans recopier le cours, expliquer cette affirmation de Paul Veyne : « L’histoire est un
roman vrai » (1971). [1 point]
5. Qu’est-ce que l’épitaphe de Seikilos ? Donner le titre de deux autres pièces de la même
époque. [0,5 point]
6. Qu’est-ce que l’organum à vocalises ? À quelle époque cela correspond-il ? Quel(s)
compositeur(s) peut-on y associer ? [1 point]
7. Que sont les psalmodie antiphonale et psalmodie responsoriale ? [0,5 point]
8. Décrire chacun des quatre extraits suivants d’un point de vue de la notation et, d’après
leurs caractéristiques, les situer chronologiquement. [2 points]
À observer sur écran d’ordinateur (pour les couleurs et la netteté des images)

1)

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3
2)

3)

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Introduction générale à l’histoire de la musique
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4)

9. Qu’est-ce que l’Harmonice Musices Odhecaton ? Que représente-t-il dans l’histoire de


la musique ? [0,5 point]
10. Associer aux indications suivantes une ville, une époque, un genre ou un répertoire
particulièrement concernés et au moins un compositeur ou personnalité musicale.
[2 points]
1) Neue Musik ; 2) Gewandhaus ; 3) Salle des Menus Plaisirs ; 4) King’s Theatre

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2e partie – Préparation à la dissertation [10 points]
Sujet (annale de janvier 2017)

Tout comme l’histoire des Arts, l’histoire de la littérature ou l’Histoire, l’histoire


de la musique s’articule et se pense entre ruptures et continuités. Vous
expliciterez cette affirmation en mettant en relation les questions de
périodisation avec l'évolution musicale des styles, des genres, des langages, de
la notation ou tout autre point qui vous semble pertinent. Vous n’oublierez pas
de questionner le rapport entre histoire de la musique et histoire générale.

Cet exercice d’entraînement prendra la forme d’un plan détaillé avec introduction et
conclusion entièrement rédigées. Le développement présentera les arguments sous forme non
rédigée. Les titres des parties et sous-parties seront clairement explicités.
Dans chaque sous-partie, assurez-vous qu’il y a toujours au moins un argument et son
exemple. Ne cumulez les exemples que s’ils sont variés (par exemple des exemples d’époques
différentes pour une problématique donnée sur l’ensemble de l’histoire de la musique).
Le développement contiendra nécessairement des références littéraires et musicales dûment
référencées. Attention au plagiat : ne recopiez rien de nulle part (ouvrage ou internet) qui ne
soit correctement cité, référencé.

Conseils d’organisation et de rédaction


Une introduction comprend toujours les quatre parties suivantes :
1. Une ou deux phrases d’accroche, en évitant les entrées en matière trop généralisantes de
type : « De tous temps la musique… »
2. La présentation du sujet et la définition des termes, si possible sans recopier
intégralement le sujet s’il dépasse une ligne, mais en le reformulant.
3. L’exposé du fil conducteur, de la problématique, du questionnement central que
soulève l’énoncé du sujet.
4. La présentation du plan, en évitant les lourdeurs stylistiques d’une annonce brute
« dans une première partie », « dans une deuxième partie »…
Le développement, soigneusement rédigé et relu lors de l’examen, présente une
démonstration claire et progressive, sans redites, répétitions, retours en arrière.
À chaque idée ou argument doit correspondre un exemple concret.
Une dissertation n’est pas le lieu d’avis personnels ni de jugements de valeur. Toujours se
rappeler qu’un travail rigoureux reste le plus objectif possible, il s’appuie sur des faits, des
sources, des travaux de musicologues, historiens, philosophes, scientifiques reconnus.
- 3 parties ne sont pas toujours nécessaires (souvent bienvenues), 2 ou 4 peuvent
convenir.
- Un plan dialectique (« oui-non-mais ») n’est pas obligatoire, tous les sujets ne se
prêtent pas à une telle organisation. Un plan chronologique peut convenir aussi pour
un sujet d’histoire de la musique. Un plan paramétrique aussi.

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Introduction générale à l’histoire de la musique
Devoir autocorrectif – M. Boulan

La conclusion se présente en deux temps :


1. Récapitulatif des grandes idées du développement qui viennent former une réponse
synthétique au questionnement initial.
2. Ouverture, compléments, autres questionnements que pourraient soulever le sujet
une fois développé.

Pistes de travail autour du sujet

Complément de lecture :
Simon LAFLAMME, « Continuité et ruptures en histoire », Anthropologica, 23-1, janvier 1981,
p. 35-38.
[Attention néanmoins, la pensée de l’histoire a évolué depuis près de 40 ans !]
Texte intégral téléchargeable à cette adresse :
https://www.researchgate.net/publication/307513321_Continuite_et_ruptures_en_histoire

Sur votre brouillon, commencer par définir tous les termes/concepts/expressions, circonscrire
les champs, donner quelques exemples précis, spécifiquement musicaux ou musicologiques,
que vous pouvez associer à chacun d’eux :

- Histoire des Arts


- Histoire de la littérature
- Histoire (c’est-à-dire Histoire générale)
- Histoire de la musique
> Réfléchir aux champs de recoupement, aux différents découpages, aux événements qui ont
des répercussions dans les divers champs, aux événements qui forment des ruptures
communes, des ruptures propres.

- Périodisation
> Réfléchir aux spécificités des périodisations propres à chacune des « histoires » évoquées ci-
dessus, réfléchir aux différents types de périodisation et la manière dont elles prennent en
compte les ruptures et les continuités.

- Ruptures/ Continuités
> Réfléchir à ce qui fait rupture et ce qui fait continuité entre les grandes périodes historiques,
tous champs d’étude confondus : styles, genres, notation, écriture, langage, compositeurs,
lieux, publics…
> Rechercher tous les termes qui peuvent être associés à ce couple, par exemple
tradition/modernité, héritage/révolution, permanence/changement, norme/écart stylistique
Se demander si les ruptures empêchent les continuités, si les deux termes sont
nécessairement opposés etc.

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- Histoire
Y a-t-il une histoire ou des histoires ? S’interroger sur l’objet traité, sur qui l’écrit, sur les
questions de sphères géographiques, d’époque à laquelle l’histoire est écrite, sur le point de
vue de l’auteur…

S’interroger enfin sur les différentes écritures de l’histoire et de l’histoire de la musique,


feuilleter, emprunter en bibliothèques divers ouvrages et comparer les découpages, les types
d’approche, les points de vue, les dates prises comme repères etc.

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Introduction générale à l’histoire de la musique
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CORRIGÉ
1re partie – Travail d’approfondissement du cours [10 points]

1. Date et auteur de la première biographie de Bach. En quoi est-elle significative ?


[0,5 point]
Johann Nikolaus Forkel (1749-1818) publie en 1802 à Leipzig Über Johann Sebastian Bachs
Leben, Kunst und Kunstwerke, soit Sur la vie, l’art et l’œuvre de Jean-Sébastien Bach.
Ce qui fait de cet ouvrage un ouvrage fondateur de l’histoire des compositeurs et par là-même
de l’histoire de la musique et de la musicologie, c’est son contenu fondé sur des données
avérées, fiables, de première main, transmises directement à Forkel par deux des fils Bach :
Carl Philipp Emanuel et Wilhelm Friedemann. On a conservé la trace de leurs nombreux
échanges épistolaires.

2. Qu’est-ce que la New Musicology ? Quel musicologue est à l’origine de ce tournant pris
par la musicologie ? [1 point]
Avec la publication en 1985 de son ouvrage Contemplating Music: Challenges to Musicology,
Joseph Kerman déclenche un important débat sur l’état de la musicologie, réflexion qu’il avait
ouverte cinq ans plus tôt déjà avec son article « How We Got into Analysis, and How to Get
Out »1. Conséquence d’un excès d’objectivité, selon lui, la musicologie traditionnelle pâtit
d’une approche traditionnelle centro-centrée sur la musique, qui oublie jusque l’expérience
esthétique même. Le musicologue engage ses pairs à réintroduire une part de subjectivité, à
considérer la musique dans son contexte culturel et social, à faire appel à d’autres domaines
y compris dans le cadre même de l’analyse, devenue trop « sèche ».
La New Musicology, qui découle de cela et qui fait encore débat aujourd’hui, considère la
musique dans un contexte plus large, prône l’apport d’autres disciplines – outils, méthodes,
approches – et fait alors la part belle à de nouveaux champs d’étude, à commencer par
l’anthropologie de la musique et l’ethnomusicologie, les cultural studies et la sociologie de la
musique, les gender studies… Ces domaines sont désormais des branches pleinement acquises
à la musicologie. On y a intégré plus récemment la psychologie de la musique, la didactique
de la musique, la sémiologie musicale, l’iconographie musicale…

3. Qu’est-ce qu’une source (définition et exemples en musique) ? [1 point]


Lire le chapitre « Les sources de l’histoire » de : BONNECHERE, Pierre, Profession historien,
Montréal, Presses de l’université de Montréal, 2008, 70 p.
Texte intégral en ligne : https://books.openedition.org/pum/443.
Une source est un document qui sert à l’historien pour reconstituer des faits. Les sources
peuvent être écrites ou orales et l’on s’appuie également sur des sources dites « muettes »
telles que des vestiges archéologiques. Une source établit un lien direct entre le chercheur et
l’objet de la recherche, tandis que le terme document est plus général. Ces sources peuvent

1 Article disponible sur JSTOR, dans les ressources en ligne de Sorbonne Université.

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être de première main ou indirectes (une lettre est une source directe, une biographie citant
cette lettre est de deuxième main). Les sources écrites se subdivisent en sources officielles,
administratives, juridiques, et sources littéraires.
Une source constitue un document brut, qui est analysé d’abord en tant que tel avant d’être
interprété pour son contenu. L’historien commence par aborder l’objet en lui-même de
manière scientifique avec une méthodologie élaborée par Charles-Victor Langlois et Charles
Seignobos dans leur Introduction aux études historiques (1898). Il en fait ainsi la critique
externe (indications matérielles telles que taille du document, matériau, état du document),
la critique interne (cohérence entre le contenu et les informations matérielles, notamment la
datation ou l’auteur), la critique de provenance et, enfin, la critique de destinataire.
Texte intégral de Langlois et Seignobos en ligne :
http://classiques.uqac.ca/classiques/langlois_charles_victor/intro_etudes_historiques/seign
obos_etudhisto.pdf
https://books.openedition.org/enseditions/273?lang=fr
Si les partitions semblent des sources évidentes pour le musicologue, il faut distinguer les
manuscrits des éditions, qui ne livrent pas les mêmes informations. Une peinture rupestre, un
instrument de musique retrouvé dans des fouilles archéologiques constituent des documents
sur la vie musicale des premiers temps. Plus proche de nous, un programme de concert, les
archives de théâtres, opéras, salles de concerts, les archives notariées, les inventaires après
décès, les registres du dépôt légal, les correspondances, les critiques de journaux constituent
des sources pour l’historien de la musique. Les enregistrements d’ethnomusicologues, les
premiers enregistrements qui témoignent de compositeurs jouant ou dirigeant leurs œuvres,
n’importe quel enregistrement pour l’histoire de l’interprétation, les archives radiophoniques
et télévisuelles (voir l’INA), de même que des tableaux, des enluminures ou des sculptures
viennent également apporter des informations essentielles au musicologue – pas seulement
à l’historien de la musique. Ce ne sont que des exemples.

4. Sans recopier le cours, expliquer cette affirmation de Paul Veyne : « L’histoire est un
roman vrai » (1971). [1 point].
Un roman est un récit en prose qui met en scène des personnages de fiction, évoluant au gré
d’aventures imaginaires.
Ce qu’indique la formulation aux abords contradictoires de Paul Veyne, c’est que l’écriture de
l’histoire se fonde sur des faits et des personnages réels, mais qu’elle engage un processus
narratif qui ne peut se confondre avec une réalité purement objective.
Si la méthodologie historique implique une mise à distance des faits et un regard qui tend vers
l’objectivité la plus stricte, l’historien opère nécessairement une sélection des faits, il les met
en relation et les interprète selon un angle d’approche qu’il a choisi, à une époque donnée,
dans un pays donné, dans un courant de pensée historique donné, constituant par là-même
une sorte d’intrigue et de trame narrative dont les codes sont en fait ceux du roman. Tout cela
influe sur le récit historique qui ne peut être, au mieux, qu’« une » vérité.
Paul Veyne développe ainsi son propos :
« Les faits n’existent pas isolément, en ce sens que le tissu de l’histoire est ce que
nous appellerons une intrigue, un mélange très humain et très peu « scientifique »

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de causes matérielles, de fins et de hasards ; une tranche de vie, en un mot, que


l’historien découpe à son gré et où les faits ont leur liaisons objectives et leur
importance relative […] Le mot d’intrigue a l’avantage de rappeler que ce
qu’étudie l’historien est aussi humain qu’un drame ou un roman, Guerre et Paix
ou Antoine et Cléopâtre. […] Quels sont donc les faits qui sont dignes de susciter
l’intérêt de l’historien ? Tout dépend de l’intrigue choisie ; en lui-même, un fait
n’est ni intéressant ni le contraire. […] Le fait n’est rien sans son intrigue. » – Paul
Veyne, Comment on écrit l’histoire, 1971, p.46-47.

5. Qu’est-ce que l’épitaphe de Seikilos ? Donner le titre de deux autres pièces de la même
époque. [0,5 point]
Il s’agit d’un poème mis en musique par le poète grec Seikilos, à destination de sa femme. Ce
poème a été retrouvé en 1883, gravé et surmonté de symboles musicaux, sur une colonne qui
ornait une tombe près d’Éphèse. Il est daté de la fin du IIe siècle avant J.-C.
Deux « hymnes delphiques à Apollon » ont été découverts peu après, à Delphes, en 1893, lors
de l’exploration du « Trésor des Athéniens ». Ces deux pièces musicales dateraient
respectivement de -138 et -128, dates auxquelles elles auraient été interprétées lors de deux
Pythaïdes (des processions rituelles d’Athéniens se rendant à Delphes).

6. Qu’est-ce que l’organum à vocalises ? À quelle époque cela correspond-il ? Quel(s)


compositeur(s) peut-on y associer ? [1 point]
Autrement appelé organum « fleuri », l’organum à vocalises, à deux voix, constitue
l’aboutissement du genre de l’organum. Au départ pièce pour deux voix – diaphonie – qui
évoluent note contre note en intervalles parallèles (les voix bougent en même temps),
l’organum « parallèle », marque les débuts de la polyphonie du IXe siècle au milieu du
XIe siècle. La voix principale, ou teneur, énonce un fragment de plain-chant. La voix composée
est dite voix organale. L’organum fleuri est à son apogée au début de l’École Notre-Dame, au
XIIe siècle. La voix organale s’émancipe de la teneur et devient très mélismatique, espaçant
d’autant chaque note de la teneur. Les principaux compositeurs de cette époque sont Léonin
puis Pérotin. On dépasse 2 pour 3, voire 4 voix (on parle de duplum, triplum et quadriplum).
L’organum à vocalises disparaît à la fin du XIIIe siècle.

7. Que sont les psalmodie antiphonale et psalmodie responsoriale ? [0,5 point]


Ces termes réfèrent à deux modes de récitation, de chant, plus justement de « psalmodie »
du chant grégorien. La psalmodie antiphonale fait alterner deux chœurs (plutôt deux moitiés
de l’assemblée) tandis que la psalmodie responsoriale fait alterner soliste (qui énonce les
versets) et chœur (l’assemblée, qui constitue alors le répons). Ces deux modes de récitation
donneront naissance aux antienne et répons.

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8. Décrire chacun des quatre extraits suivants d’un point de vue de la notation et, d’après
leurs caractéristiques, les situer chronologiquement. [2 points]
1)

L’image montre deux lignes de texte en latin surmontées de symboles graphiques inclinés vers
la droite, qui semblent correspondre à chacune des syllabes du texte. Il s’agit de neumes
primitifs, alignés, sans aucune indication de hauteur relative (ni ligne ni décalages des neumes
les uns par rapport aux autres). Cet extrait manuscrit (sur parchemin) peut donc se situer aux
alentours des IXe et Xe siècles.

2)

Cet extrait est postérieur au précédent. Il s’agit d’une écriture en neumes qui, cette fois ci,
s’attache à définir au mieux les hauteurs. On observe une ligne apparente en rouge, qui
désigne le « fa » (on voit la lettre F à gauche). L’indication « c » également à gauche, suggère
une seconde ligne colorée, dont la couleur a été effacée par le temps (jaune).
Dans la deuxième « portée », on devine une ligne pâle en noir. En fait, quatre lignes sont
tracées tout du long, dont deux en couleur. Cela correspond à la notion neumatique sur portée
fixée par Gui d’Arezzo au Xe siècle.
Il s’agit ici d’un manuscrit du XIIe siècle qui présente le graduel « Locus iste », pour la dédicace
d'une église.

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3)

Ce troisième passage montre des neumes sur portées de six lignes tracées en rouge.
La notation rouge de certains groupes de notes correspond aux passages en binaire.
Ceci est caractéristique de l’Ars subtilior à la seconde moitié du XIVe siècle. Il s’agit d’un
extrait du Codex de Chantilly, une pièce de Solage, cf. en haut de la page.

4)

Enfin, on observe dans cette quatrième partition une notation très différente des
précédentes. Alors que les neumes restent encore employés dans la dernière section de la
pièce, l’extrait montre une notation dite « blanche », avec 5 lignes toujours tracées en rouge
(toujours au sens, comme avant, notamment l’extrait précédent). Ces notes blanches
remplacent les neumes auparavant dessinés en signes noirs pleins. Les notes noires
remplacent les notes précédemment colorées en rouge et sont donc plus rapides que les
« blanches » qui les entourent. Cette notation nouvelle, pas encore totalement émancipée
des traditions anciennes, est la marque d’une première moitié de XVe siècle.

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9. Qu’est-ce que l’Harmonice Musices Odhecaton ? Que représente-t-il dans l’histoire de
la musique ? [0,5 point]
L’Harmonice Musices Odhecaton est un recueil de 96 chansons profanes à 3 et 4 voix publiées
en 1501 à Venise par l’imprimeur Ottaviano dei Petrucci. Un demi-siècle après l’invention des
caractères mobiles et l’impression de la Bible par Gutemberg, il s’agit de la première
impression musicale à caractères mobiles. Celle-ci consiste en un procédé néanmoins primitif
d’impression en trois passages : texte, portées et enfin musique. Les caractères mobiles qui
associent portée et hauteur reviennent à l’éditeur parisien Pierre Attaingnant en 1528, à
l’occasion de ses Chansons nouvelles.

10. Associer aux indications suivantes une ville, une époque, un genre ou un répertoire
particulièrement concernés et au moins un compositeur ou personnalité musicale. [2
points]
1) Neue Musik : Darmstadt, « Nouvelle musique », école dite de Darmstadt, post-1945,
Boulez, Berio, Maderna, Stockhausen, Xenakis…
2) Gewandhaus : Leipzig, salle de concert particulièrement à l’honneur à l’époque romantique
et associée à Mendelssohn (qui en est le chef d’orchestre de 1835 à 1848), genres
orchestraux ou incluant l’orchestre (symphonie, concerto, air d’opéra…).
3) Salle des Menus Plaisirs : Paris, musique d’orchestre (symphonies, concertos, airs de
concerts et extraits d’opéras...), François-Antoine Habeneck, violoniste et surtout chef
d’orchestre, qui créée la Société des concerts du Conservatoire dont la saison se tient dans
la salle des Menus Plaisirs, dite salle des concerts du Conservatoire.
4) King’s Theatre : Londres, second Baroque, opéra, Georg Friedrich Haendel.

2e partie – Préparation à la dissertation [10 points]


Sujet (annale janvier 2017)

Tout comme l’histoire des Arts, l’histoire de la littérature ou l’Histoire, l’histoire


de la musique s’articule et se pense entre ruptures et continuités. Vous
expliciterez cette affirmation en mettant en relation les questions de
périodisation avec l'évolution musicale des styles, des genres, des langages, de
la notation ou tout autre point qui vous semble pertinent. Vous n’oublierez pas
de questionner le rapport entre histoire de la musique et histoire générale.

Remarques méthodologiques
Il n’y a jamais de plan unique par sujet, la proposition suivante en est une parmi d’autres.
Le corrigé s’appuie volontairement sur de nombreuses citations d’historiens et de
musicologues (plus qu’attendu pour une simple dissertation), dans l’idée d’un prolongement
du cours. Certaines méritent d’être apprises par cœur, pour nourrir d’autres réflexions sur des
problématiques plus ou moins proches. Reformuler, s’approprier et questionner les autres
permettra de même d’appuyer ces futures argumentations.

Licence de Musicologie 1re année – Introduction générale à l’histoire de la musique


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Introduction générale à l’histoire de la musique
Devoir autocorrectif – M. Boulan

Comme indiqué dans le sujet du devoir, les articles mentionnés se trouvent pour la plupart
dans le Moodle Sorbonne du cours associé.

Proposition d’introduction
L’histoire de la musique constitue l’une des branches de l’histoire générale. Si les prémices
d’un discours sur la musique des générations passées remontent au début du XVIe siècle, la
discipline se forge au long du XIXe siècle et établit son autonomie avec les écrits de Guido Adler
en 1885, la naissance de la musicologie et la création des premières sociétés musicales
savantes (GfM, 1868 ; RMA, 1874 ; AMI, 1908). Ses objets et ses méthodes, d’abord
empruntées à l’histoire générale ou à la philologie, s’affinent. Le récit historique gagne en
rigueur et en analyse, se détachant d’une accumulation de faits ou d’une galerie de portraits
au profit d’une analyse de ces faits, des évolutions stylistiques et d’une connaissance plus fine
du passé musical.
L’une des principales difficultés auxquelles l’historien est confronté tient au caractère
insaisissable d’un temps continu, formé d’une succession ininterrompue d’événements, dont
il est impossible de rendre compte en totalité. L’historien opère une sélection de ces faits et,
pour en cerner l’importance, les relations et les interactions, les insère dans des cadres
préétablis qui fixent, entre des ruptures fortes, des entités bornées. Ces entités temporelles
closes, par leur cohérence interne, forment un appui au travail de l’historien.
Plusieurs questionnements émergent alors : les ruptures sont-elles évidentes ? Les
bornes adoptées unanimes ? Dans quelle mesure un changement de catégorisation influe-t-il
sur le discours historique et inversement ? Ces ruptures qui sous-tendent des changements
stylistiques majeurs ne cachent-elles pas des continuités à plus grande échelle ? L’unité
stylistique de chacune des périodes usuelles est-elle indiscutable ?
[Annonce de la 1re partie] La nécessité de fractionner le temps de l’histoire musicale
repose avant tout sur une structuration de ce temps en périodes stylistiquement cohérentes,
séparées par des ruptures franches, internes ou externes à la musique. [Annonce de la 2 e
partie] Mais le caractère arbitraire et subjectif est rapidement opposé à ce processus de la
périodisation. Loin d’une conséquence négative, la conscience des problèmes permet une
vision plus riche des phénomènes musicaux, sociaux, culturels… qui agissent en parallèle.
[Annonce de la 3e partie] Finalement, comprendre que l’histoire est multiple, les temporalités
plurielles et les points de vue géographiques comme ceux de l’historien variés, fait dialoguer
à profit ces ruptures et ces continuités.

I. Une histoire « en tranches* » : une succession de périodes que séparent des ruptures
franches
*Jacques LE GOFF, Faut-il vraiment découper l’histoire en tranches ?, 2014.

L’historien Antoine Prost résume en quelques mots les enjeux principaux de la question :
« La périodisation permet de penser à la fois la continuité et la rupture. Elle affecte
d’abord l’une et l’autre à des moments différents : continuité à l’intérieur des
périodes, ruptures entre elles. Les périodes se suivent et ne se ressemblent pas ;
périodiser, c’est donc identifier des ruptures, prendre parti sur ce qui change,

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dater le changement et en donner une première définition. Mais, à l’intérieur
d’une période, l’homogénéité prévaut. […] La périodisation identifie continuités et
ruptures. Elle ouvre la voie à l’interprétation. Elle rend l’histoire sinon déjà
intelligible, du moins pensable. » – Antoine PROST, « Le temps de l’histoire », Douze
leçons sur l’histoire, Paris, Le Seuil, 1996, p. 115.

a) Une nécessité de penser l’histoire en la fractionnant


- « [O]n ne peut embrasser la totalité sans la diviser » – Antoine PROST, « Le temps de
l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, p. 114.
- « La périodisation segmente le cours de l’histoire pour rendre les faits pensables. Ce
découpage est la base de toute interprétation historique. » – Olivier LÉVY-DUMOULIN,
« Périodisation », Encyclopedia Universalis.
- Une continuité impossible à appréhender en tant que telle : « Découper l’histoire en
périodes, c’est […] substituer à la continuité insaisissable du temps une structure signifiante. »
– Antoine PROST, « Les temps de l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, p. 115.

b) Une périodisation traditionnelle fondée sur des articulations franches, communes


à l’Histoire générale ou propres à la musique
L’historien « doit trouver les articulations pertinentes pour découper l’histoire en périodes ».
– Antoine PROST, « Les temps de l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, p. 115.
- ruptures communes à l’histoire générale :
. 1830 (« Trois Glorieuses », Hernani de Victor Hugo, La Liberté guidant le peuple de Delacroix,
La Fantastique de Berlioz) – mais début de siècle très largement discuté comme transition non
franche entre deux époques
. 1914 généralement admise comme frontière entre le post-romantisme et la musique dite
moderne, avec la création du Pierrot lunaire de Schoenberg (1912), du Sacre du printemps à
Paris (1913)
- ruptures propres :
Baroque/classicisme : 1750 (mort de Bach), 1752-54 (querelle des Bouffons)
- ruptures par rejet du passé et émergence de nouveaux genres/styles :
. Renaissance/Baroque : monodie accompagnée comme réponse à la trop grande complexité
polyphonique et contrapuntique de la période précédente ; seconda prattica et apparition de
la basse continue (Monteverdi, 5e livre de Madrigaux, 1605) ; naissance de l’opéra (1601)
. Baroque/Classicisme, années 1740-1750 : avènement de la symphonie, de la musique de
chambre, retour à une mélodie accompagnée (style galant), apparition et essor par ailleurs du
pianoforte
. Seconde école de Vienne, sérialisme et rejet de la tonalité

c) Continuités et cohérences internes aux périodes


« il faut trouver [des découpages] qui aient un sens en identifient des ensembles relativement
cohérents » – Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, p. 114.
« la période […] signale que la simultanéité dans le temps n’est pas juxtaposition accidentelle,
mais relation entre des faits d’ordres divers. Les différents éléments d’une période sont plus

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ou moins étroitement interdépendants. […] Ils s’expliquent les uns par les autres. Le tout rend
compte des parties. » – Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire
« Pour construire l’autonomie de chacune de ces périodes, on peut se fonder sur des critères
internes à la musique, en s’appuyant notamment sur des aspects stylistiques, formels,
harmoniques, etc., qui y sont constants, ou des critères externes comme des traits considérés
comme caractéristiques des modes de pensée et d’action d’une génération, des événements
historiques marquants […] ou des périodes déjà découpées dans d’autres domaines, en
particulier dans l’histoire de l’art. » – Jean-Jacques NATTIEZ, « Histoire ou histoires de la
musique », p. 21-22.

- Renaissance et Humanisme
- Époque baroque : basse continue omniprésente, rhétorique des affects
« Par-delà les particularités d'époques et d'écoles, la musique des années 1600-1750 présente une
cohérence esthétique, due à la jonction de deux tendances en soi autonomes. D'une part l'esprit
concertant (stile concertato) implique dialogue, mouvement, contraste, spatialité, sensualité,
couleur. D'autre part, l'intention rhétorique (stile recitativo ou rappresentativo) rend la musique
parlante, éloquente, expressive, imprégnée de pathos » – Jacques VIRET
- Seconde moitié du XVIIIe siècle : retour initial à une simplicité et un naturel en rupture avec
la période précédente. Style galant, symétrie, mélodie accompagnée, basse d’Alberti,
simplification du langage harmonique.
- Romantisme comme époque de l’Artiste, du Héros au centre de la création.

II. Des ruptures arbitraires, qui relèvent de l’objet étudié et du choix de l’historien
Les périodes comme « unités factices », se méfier de « la période toute faite, refroidie », celle
pourtant pédagogiquement bien utile !, viser la « périodisation vive », celle de l’historien en
action – Antoine PROST, « Les temps de l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, p. 118 et p. 116.

a) Des « moments » de transition plus que des ruptures franches


Des ruptures relatives : par exemple, pas de disparition soudaine de la basse continue, qui
perdure encore jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, dans le répertoire (CPE Bach, récitatifs de Mozart)
comme dans la pratique (rôle du Kapellmeister, basse continue en renfort des exécutions de
symphonies, encore indiquée dans les symphonies londoniennes de Haydn) !

Des ruptures réelles mais rarement indiscutables :

- véritable début du Moyen Âge musical avec la réforme de Grégoire le Grand ? Dans ce cas,
plus tard que le début du Moyen Âge « historique »

- passage du Moyen Âge à la Renaissance


. 1492 ?
. Milieu du XVe siècle avec la généralisation des repos incluant la tierce ?
. 1545-1563 : Concile de Trente : rupture dans l’écriture, les styles et genres musicaux ?

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. 1501 : Harmonice Musices Odhecaton gravé par Ottavio Petrucci : rupture dans la
transmission et la diffusion de la musique ?
. Vision actuelle d’une rupture plus précoce à la charnière des XIVe et XVe siècles, à l’heure de
la Guerre de cent ans, après Machaut, la disparition de l’isorythmie et l’émergence des
générations franco-flamandes

- passage de la Renaissance à l’époque baroque


1580 (cf. Palisca) ?
1600 : Euridice de Jacopo Peri à Florence ?
1605 : Monteverdi et la seconda prattica ?
1607 : Orfeo de Claudio Monteverdi à Mantoue ?

- transition Baroque/Classique
1750 : mort de Bach, soit, mais nouvelle manière d’écrire (style galant) en germe dès les
années 1740, une nouvelle école symphonique en pleine éclosion à Mannheim à la même
époque et une basse continue qui perdure dans les compositions ou les usages jusqu’à la fin
du siècle (sonates avec basse continue de CPE Bach, récitatifs d’opéras, direction des
symphonies depuis le clavecin)

- quelle place pour Beethoven ? pour les trois décennies 1800-1830 ?

- transition musique moderne/contemporaine


1894 : Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy ?
1909 : début de l’atonalité avec Erwartung de Schoenberg ?
1913 : création du Sacre du printemps à Paris par les ballets russes ?
1924 : début du sérialisme avec la Suite pour piano op. 25 de Schoenberg ?

b) Des ruptures internes aux périodes, parfois encore plus radicales que les ruptures
entre les périodes
- Changement radical de la transmission orale de la musique à l’apparition de la notation
musicale au cœur de l’époque médiévale (Gui d’Arezzo), puis la révolution de l’impression au
début de la Renaissance. Ce sont des ruptures socio-culturelles qui révolutionnent la diffusion
et la conservation de la musique.
- Apparition de la polyphonie au milieu du Moyen Âge.
- 1870 en France avec la création de la SNM et la guerre franco-prussienne.

c) Un risque d’isolation des périodes et d’un discours auto-centré


Antoine Prost : « la clôture de la période sur elle-même interdit d’en saisir l’originalité. »
La période ne peut se comprendre qu’avec recul, en tant qu’elle s’insère dans une chronologie
plus vaste.

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III. Les temporalités de l’histoire

a) Des ruptures qui, en creux impliquent des ressemblances et des continuités entre
les périodes
« Le découpage périodique comporte toujours une part d’arbitraire. En un sens, toutes les
périodes sont des « périodes de transition ». L’historien qui souligne un changement en
définissant deux périodes distinctes est obligé de dire sous quels aspects elles diffèrent, et, au
moins en creux, de façon implicite, plus souvent explicitement, sous quels aspects elles se
ressemblent. » – Antoine PROST, « Le temps de l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, p. 101-
123.
Continuités esthétiques, permanences de langages et aussi continuités plus spécifiques de
genres. Si l’on peut assez précisément dater les débuts de l’opéra, du concerto, de la
symphonie, du quatuor à cordes, ces genres majeurs ont traversé les époques et perdurent
encore de nos jours. De même, le lied enjambe les année 1750 à Mahler et Strauss.
Penser les continuités par-delà les périodes minimise de manière bénéfique les ruptures
parfois artificielles (et inversement).

b) Un constant retour sur le passé : « retour à » et continuités à distance


- Retour à l’Antique : musique mesurée à l’antique, référence aux modes rythmiques et
harmoniques des Grecs à la Renaissance, époque privilégiée d’inspirations : Aïda de Verdi.
- Retours à Bach et attraits de la fugue : Mendelssohn, Brahms, Busoni, Chostakovitch.
- Néoclassicismes (à dessein employé au pluriel) du Groupe des Six, de Stravinski (Pulcinella),
de Prokofiev (Symphonie classique).
- Retours au Moyen Âge : Tannhäuser de Wagner et l’art des Minnesänger.
- Plain-chant et modalité ancienne prônés par les Français dans le dernier quart du XIXe siècle.

c) Des temporalités « superposées »


- Une Histoire qui s’articule et se pense en plusieurs niveaux : 1. une vision de la longue durée
qui dégage des tendances structurelles dans l’évolution de la société (voir Lévi-Strauss et les
trois temps de Fernand Braudel) et 2. une échelle du temps court, celui de la politique, des
événements superficiels, celui de l’« histoire » traditionnelle. Les temps longs de la modalité
puis de la tonalité, par exemple.
- Des temporalités propres aux objets étudiés (genres, styles musicaux, institutions…), aux
pays, aux cultures, aux sociétés…
« La temporalité moderne, c’est aussi la découverte de la non-simultanéité dans la
simultanéité, ou encore de la contemporanéité de ce qui n’est pas contemporain. » […]
« chaque objet historique a sa périodisation propre » – Antoine PROST, « Les temps de
l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, p. 118.
« Si l’on veut conserver à la démarche braudélienne sa fécondité, il faut en retenir l’intention
et la démarche plus que l’aboutissement. L’important est de tenir compte de la temporalité
propre à chaque série de phénomènes dans la recherche de leur articulation. Les diverses
séries de phénomènes n’évoluent pas au même pas. Chacune a son allure propre, son rythme
spécifique qui la caractérise en lien avec d’autres traits caractéristiques. Il est essentiel, pour

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comprendre leur combinaison, de hiérarchiser ces temporalités inégales. » – Antoine PROST,
« Les temps de l’histoire », Douze leçons sur l’histoire, p. 122.
À chaque pays sa temporalité, son évolution, ses ruptures : 1789 et sa révolution sont par
exemple signifiants en France, moins signifiants en Italie ou en Allemagne. Dans la France
musicale fleurissent un grand nombre de pièces de circonstance, la musique religieuse se voit
bouleversée par la dissolution des maîtrises des cathédrales, il n’en est pas de même dans les
pays avoisinants.

d) périodisation vs périodisations
Des ruptures remises en cause dès lors qu’on envisage d’autres types de découpages, ou parce
que d’autres découpages s’imposent :
- histoire à l’échelle des générations.
- histoire par siècle : découpage longtemps adopté, puis supplanté par la périodisation
« actuelle », elle-même à son tour de plus en plus remise en cause pour un retour à la relative
neutralité d’une histoire par siècle. Pour autant, les changements de siècles ont toujours
suscité une part d’angoisse dans l’imaginaire collectif et forgé des ruptures virtuelles (pensons
au passage à l’an 2000 et au bug informatique tant redouté), Brigitte François Sappey
s’interroge sur les tournants de siècles en musique (La musique au tournant des siècles, Paris,
Fayard, 2015).
- histoires par genre (par exemple : Simon P. KEELE éd., The Cambridge Companion the
Concerto, Cambridge, Cambridge University Press, 2005 ; Michel CHION, Le Poème
symphonique et la musique à programme, Paris, Fayard, 1993).
- histoire des institutions (nombreuses histoires des opéras, des théâtres, des sociétés
orchestrales…).

Proposition de conclusion
Si le fractionnement du temps est une opération nécessaire et préalable au récit historique,
aucun choix n’est neutre. La périodisation communément admise en histoire de la musique
ne l’est qu’en surface, elle est sinon remise en cause, du moins sans cesse discutée. Tout
comme l’objet historique prend son sens par la question que lui pose l’historien, les ruptures
ou les continuités font sens en fonction de l’objet étudié et de l’approche choisie. L’historien
se dévoile autant par sa sélection des faits que par son interprétation de la chronologie.
À la tendance structuraliste d’une histoire qui isole les périodes les unes des autres, mais
à laquelle on échappe rarement, s’oppose une histoire héritée de la New Musicology, qui
bénéficie des apports d’autres disciplines, d’autres regards, d’autres méthodes, adapte les
bornes en fonction de l’objet, et dont les récits se combinent pour une histoire plurielle. Le
résultat d’une extrême richesse en est par exemple l’Encyclopédie pour le XXIe siècle dirigée
par Jean-Jacques Nattiez. Plus encore, dans cette lignée, les tenants post-modernes d’une
micro-histoire, centrée sur de courtes périodes, s’émancipent d’un temps orienté, de la
nécessité de trouver causes et effets, au profit d’un approfondissement du contexte social et
culturel. C’est cette conception achronique dont parle Jean-Jacques Nattiez (Ibid., « Histoire
ou histoires de la musique ? », p. 32-34). Elle interroge encore à un autre niveau cette dualité
entre arbitraire et nécessité d’un fractionnement du temps.

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Introduction générale à l’histoire de la musique
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Le questionnement des approches et des méthodes tout comme du rapport au temps


bénéficie au récit historique, qui s’enrichit et se renouvelle sans cesse

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AC 19 – HM L1 S1 – DV 18 - MB

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