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Depuis 1950, la prison de Château-Thierry se consacre à la prise en charge de détenus atteints de maladies
psychiatriques. • © Amandine Rouve / FTV
Mollement, l’air un peu hagard, "Boubou" serre les mains de ceux qu’il croise
sur la coursive. C’est un vieux monsieur, dont les nombreux tatouages ont un
peu pâli. Incarcéré à Château-Thierry depuis vingt ans, Boubou fait partie des
quelques détenus qui ont élu domicile dans la prison. En délicatesse avec la
société, ils trouvent ici une forme d’équilibre qu’ils ne veulent plus quitter et
finissent toujours par revenir. L’étage de l’aile qui les héberge a même été
surnommé "Papiland", en référence à leur âge avancé. Le benjamin de la
prison, silhouette haute et démarche pas très assurée, rentre de balade au
même moment. Il vient tout juste de fêter ses dix-neuf ans.
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"Ce que l'on regarde ici, c’est la pathologie et seulement ça", confie une
surveillante. L’instabilité psychique et la dangerosité des comportements qui
en découle dictent la répartition, les protocoles, les activités des prisonniers.
Sur les 59 détenus psychiatriques de la maison centrale, on compte une
majorité de profils schizophrènes et paranoïaques. Presque tous sont
condamnés à de lourdes peines. Considérés comme responsables de leurs
actes par la justice, ils devront les purger en détention.
Le week-end, elles sont une le matin et une le soir. "Seule pour tout gérer, c’est
trop compliqué", lâche l’une d’elle. Leur rôle est pourtant primordial : à Château-
Thierry, les infirmières distribuent les médicaments individuellement aux
détenus à chaque repas, un système qui permet de surveiller la prise des
traitements et d’éviter les trafics. Leur passage constitue aussi un contact
quotidien qui permet de prévenir les moments difficiles des détenus et un
repère pour ces hommes qui en manquent.
Les infirmières préparent les médicaments dans des tubes étiquetés à leurs noms, qu'elles distribueront ensuite
individuellement à chaque détenu pour surveiller la prise de traitement. • © Amandine Rouve / FTV
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Côté psychiatrie aussi, on manque d’effectifs. Deux psychiatres consacrent
chacun deux matinées par semaine à la prison. Deux psychologues
interviennent aussi. Le week-end, pas de garde, il n’y a personne, regrettent les
infirmières. En cas d’urgence, ce sont les hôpitaux alentours qui prennent le
relai. Le personnel admet les difficultés d’un fonctionnement qui semble
difficile à systématiser. Les rendez-vous obligatoires ont lieu une fois par mois
et des séances supplémentaires sont programmées sur demande, mais
beaucoup de détenus auraient besoin de plus.
Un établissement vétuste
Construit en 1850, le bâtiment a vieilli. Sols usés, peintures écaillées, certains
espaces portent lourdement les traces du temps, comme la rotonde centrale
qui dessert les quatre ailes de l’établissement. Château-Thierry est une petite
prison. Ici, pas de coursives interminables, mais des couloirs courts aux portes
rose clair qui se détachent sur les murs ternes, un peu tâchés.
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Sols usés, peintures écaillées, certains espaces portent lourdement les traces du temps. • © Amandine Rouve /
FTV
Dans l’aile réservée au centre de détention, cette structure ancienne est une
chance : les anciens dortoirs de 12 m² qui abritaient à l’origine quatre à cinq
personnes sont devenus des cellules individuelles. Elles contrastent avec
celles de la maison centrale, de 6,70 m² seulement, alors que la norme
recommande aujourd’hui un espace de 9 m². Au fil des ans, des petits travaux
de modernisation ont été opérés, comme l’installation de téléphones
individuels dans les cellules, qui s’accompagne de quelques anecdotes :
certaines familles se plaignent désormais de coups de téléphone incessants.
Le système électrique, pas assez performant, est en cours de réfection.
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L'intérieur d'une cellule où certains travaux ont été effectués au fil des années. • © Amandine Rouve / FTV
Dans les étages, on trouve des salles communes repeintes et claires, plus
accueillantes que les hébergements. Certains espaces comme le centre
d’accueil thérapeutique ont aussi bénéficié d’un coup de jeune et pourront
bientôt accueillir des activités artistiques ou des ateliers de cuisine. Les
locaux, dont la structure n’a jamais été modifiée, impliquent surtout plus de
promiscuité qu’ailleurs. Les détenus sont répartis dans différents espaces,
mais les frontières restent floues. Quatre cellules réservées font office de
quartier "arrivants". Le parloir, qui voit passer peu de visiteurs, est encore
commun et ne laisse place à aucune intimité.
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Le centre pénitentiaire bénéficie par ailleurs d'espaces plus accueillant comme la bibliothèque. • © Amandine
Rouve / FTV
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Des cellules sont réservées aux nouveaux arrivants. Ils y restent deux semaines afin d’établir un premier
diagnostic sur leur pathologie et leur comportement. • © Amandine Rouve / FTV
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Le petit jardin a été aménagé au sein de la prison pour permettre aux détenus d'avoir des activités extérieures. •
© Amandine Rouve / FTV
Le travail et les études sont aussi très encouragés. "On va les chercher", affirme
la directrice, qui insiste sur la volonté de faire progresser le parcours de
chacun. La prison prend aussi des mesures plus sommaires comme la gratuité
des lessives pour aider au quotidien ces détenus qui ont du mal à se prendre
en charge et souffrent souvent d’incurie. L’établissement s’illustre par sa
souplesse face à ces hommes inadaptés à la règle commune, avec un
objectif : trouver le juste équilibre, un peu de calme au milieu d’une tempête qui
persiste. Une infirmière le résume en ces mots : "ici, on soigne, on ne guérit
pas."
C’est un lien un peu à part qui se noue entre ces murs anciens, trop anciens,
qu’il faut aujourd’hui rebâtir. Un grand plan de rénovation de 20 millions d’euros
annoncé au début de l’année devrait permettre de moderniser la prison. Un
projet important, qui permettra de rattraper les normes actuelles, mais la
nouvelle inquiète autant qu’elle réjouit. On craint plus de machines,
d’automatismes, de systématisation, de bruit dans ce lieu au calme fragile, où
tout se gère au cas par cas. Le personnel de la prison devrait voir se préciser
les contours du projet dans les mois à venir. Comme toujours, il s’adaptera.
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