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Cours ST042
La résistance
des matériaux
La méthode des
déplacements
Olivier DECK
La résistance des matériaux – Méthode des déplacements
Cette méthode, comme son nom l’indique, permet d’atteindre directement les valeurs des
déplacements des extrémités des barres d’une structure. Elle ne sera, en général, mise en œuvre que si
la structure contient un grand nombre de poutres ou un degré d’hyperstaticité élevé. En outre, c’est
une méthode structurée et on peut automatiser l’analyse et les calculs pour une structure quelconque
et aussi complexe que possible. Cet aspect systématique de résolution fait qu’elle est utilisée dans les
codes de calcul de dimensionnement des structures.
1. Introduction ....................................................................................................................................... 3
1. Introduction
La méthode des déplacements est une méthode permettant de résoudre des problèmes hyperstatiques,
au même titre que la méthode des forces. Les deux méthodes aboutissent évidemment aux mêmes
résultats et reposent sur les mêmes hypothèses. En particulier, dans les deux méthodes, on négligera
les déformations associées aux efforts tranchants et aux efforts normaux dans la mesure ou l’énergie
de déformation associée à ces efforts est très inférieure à l’énergie de déformation associée aux
moments fléchissants.
Dans la méthode des forces, on considère que les inconnues du problème sont des efforts (efforts
inconnues des liaisons) et on applique le principe des travaux virtuels pour générer un nombre
d’équations identique au nombre d’inconnues. Dans la méthode des déplacements, on considèrera que
les inconnues du problème sont les déplacements des nœuds (deux déplacements et une rotation
possibles pour chaque nœud) et on utilisera également le principe des travaux virtuels afin de générer
un nombre d’équations identique au nombre d’inconnues.
D’un point de vue opérationnel, on verra que la méthode des déplacements est bien adaptée lorsque le
degré d’hyperstatisme est élevé. En effet, une structure hyperstatique est une structure qui a une
surabondance d’appuis et de liaisons, i.e. une surabondance de nœuds contraints en déplacements
(déplacements ou rotations empêchées). Quand on raisonne en terme d’efforts, le nombre d’inconnues
augmente avec le degré d’hyperstatisme. Au contraire, lorsqu’on raisonne en terme de déplacements,
le nombre d’inconnues a plutôt tendance à diminuer avec le degré d’hyperstatisme.
Le principe de la méthode des déplacements consiste à décomposer l’état d’équilibre d’une structure
en appliquant le principe de superposition. Ce dernier peut être appliqué dans la mesure où on
suppose un comportement élastique et linéaire de la structure. Si on considère une structure
isostatique ou hyperstatique sollicitée par un chargement extérieur, cette dernière va atteindre un état
d’équilibre déformé. D’une part les nœuds de la structure vont se déplacer (translation et rotation),
d’autre part les poutres inscrites entre ces nœuds vont se déformer. Conceptuellement, on peut
envisager que l’état d’équilibre final est atteint après deux étapes successives. Dans une première
étape, on bloque les déplacements et rotations de tous les nœuds de la structure. Seules les poutres
chargées subiront alors une déformée. Dans un second temps, on relâche les blocages : les nœuds
subiront des déplacements et rotations identiques à ceux de l’état d’équilibre final et les poutres
subiront une déformée additionnelle associée à ces déplacements. A chacune de ces deux étapes, va
correspondre des efforts intérieurs au niveau des nœuds de la structure. L’idée de la méthode des
déplacements est alors de considérer que les efforts intérieurs induits par la première étape sont
connus (nœuds bloqués ; les résultats associés à cette étape sont tabulés) et que le problème se réduit
alors à calculer l’influence de la seconde étape (déplacement des nœuds). Pour cela, il convient de
calculer la valeur de ces déplacements.
La méthode des déplacements est historiquement plus récente que la méthode des forces. C’est à
partir des années 20 qu’est apparue l’idée d’étudier des assemblages de poutres en prenant comme
inconnues principales les déplacements des nœuds. Cette approche aboutie à une formulation
matricielle de type F = K. U, avec F le vecteur effort aux nœuds, U le vecteur déplacement des nœuds et
K la matrice de rigidité de la structure.
En mécanique des structures, il est souvent nécessaire de distinguer le repère global, des repères
locaux. Le repère global est unique et s’applique à l’ensemble de la structure. C’est dans ce repère que
sont généralement exprimées les inconnues de liaison. Les repères locaux évoluent dans la structure.
Ils sont définis de manière unique pour chaque élément poutre du modèle. On oriente toujours le
repère local de telle manière que l’axe x soit orienté selon l’axe de la poutre et de telle manière que le
repère x, y soit un repère direct. Les efforts intérieurs dans les poutres sont toujours exprimés dans les
repères locaux. La Figure 1 représente pour un portique la différence entre ces deux types de repères.
C’est ainsi que l’effort normal dans la poutre AB correspond à un effort selon Y dans le repère global et
selon x dans le repère local de la poutre. L’effort normal dans la poutre BC correspond à un effort selon
x dans le repère local de BC et selon X dans le repère global.
En revanche, on observe qu’il n’y a pas de différence à exprimer un moment fléchissant ou une
rotation dans le repère local ou global, pourvu que les deux soient directs.
y
B x C
y
x
y x
y Repère Global
x
A D
Figure 1 : Définition du repère global de la structure et des repères locaux associés à chaque poutre.
L’exemple présenté en introduction revient à constater que lorsqu’on s’intéresse à une poutre simple IJ,
chargée uniquement à ses extrémités, alors il existe une relation linéaire entre les déplacements des
nœuds (deux déplacements et une rotation par nœud) et les efforts aux nœuds (deux efforts et un
moment par nœud). Cette relation est exprimée par la matrice de rigidité de la poutre (Équation 1).
Cette matrice est un résultat fondamental car elle s’applique à toutes les poutres. On prendra
simplement garde d’ajuster la longueur « L » utilisée dans la matrice à la longueur réelle de la poutre
(idem pour S, E et I). On remarquera également que cette matrice est définie par rapport au repère local
de la poutre.
D’une manière plus générale, si on considère une poutre horizontale IJ chargée par un chargement
extérieur p(x) et appartenant à une structure plus complexe, alors la poutre va passer d’une position
horizontale non déformée à une position déformée. A l’état d’équilibre, les nœuds I et J de la poutre
auront subi des déplacements (ui, vi, θi et uj, vj, θj exprimés dans le repère local) sous l’influence du
chargement p(x) et du chargement s’exerçant sur le reste de la structure. Si on isole la poutre IJ, on
peut alors considérer qu’elle est sollicitée par des efforts intérieurs Nij, Vij, Mij au nœud I et Nji, Vji, Mji
au nœud J (exprimés dans le repère local) permettant d’assurer son équilibre statique. Alors, le
principe de superposition permet d’écrire que les efforts aux nœuds (Nij, Vij, Mij, Nji, Vji, Mji) sont égaux
aux efforts induits par le déplacement des nœuds (ui, vi, θi et uj, vj, θj) calculés avec la matrice de rigidité
PLUS les efforts induits par le chargement extérieur p(x) lorsque la poutre est considérée bi-encastrée
(déplacements des nœuds nuls). Le principe de cette décomposition est illustré sur la Figure 2.
=
y
Influence du déplacement
des noeuds dans le repère local ui uj Déplacement des noeuds
x
u u
K.( i , vi , θi, j, vj , θj) selon l'axe x
y
vi vj +
y
ui θi
⇒ x
Déplacement des noeuds
J selon l'axe y
θj
vi
I
uj vj
x
y
θi θj
+
I J Rotation des noeuds
x
+
Influence du chargement extérieur,
en considérant des déplacements nuls des noeuds
(N0ij, V0ij, M0ij, N0ji, V0ji, M0ji)
V0ij V0ji
p(x)
N0ji
⇔ N0ij
M0ij M0ji
⎡ Nij ⎤ ⎡ ⎡ Nij0 ⎤
⎢ ⎥ ⎡ ui ⎤ ⎢ ⎥
ES / L 0 0 −ES / L 0 0 ⎤⎢ ⎥
⎢ Vij ⎥ ⎢ ⎥⎢ vi ⎥ ⎢⎢ V ij0 ⎥
⎥
⎢ ⎥ ⎢ 0 12EI / L3 6EI / L2 0 −12EI / L3 6EI / L2 ⎥ ⎢ ⎥
⎢ Mij ⎥ ⎢ θi ⎥ ⎢ Mij0 ⎥
0 6EI / L2 4EI / L 0 −6EI / L2 2EI / L ⎥ . ⎢
⎢ ⎥=⎢ ⎥⎢ ⎥+⎢ ⎥
⎢ Nji ⎥ ⎢ −ES / L 0 0 ES / L 0 0 ⎥⎢ uj ⎥ ⎢ N0ji ⎥
⎢ ⎥ ⎢ ⎢ ⎥
0 −12EI / L3 −6EI / L2 0 12EI / L3 −6EI / L2 ⎥ ⎢ v j ⎥⎥ ⎢
⎢ Vji ⎥ ⎢ ⎥⎢ V 0ji ⎥
⎢ ⎥ 0 6EI / L2 2EI / L 0 −6EI / L2 4EI / L ⎦ ⎢ ⎢ ⎥
⎢⎣ Mji ⎥ ⎣ θj ⎥ ⎢ M0ji ⎥
⎦ ⎢⎣ ⎥⎦
⎣ ⎦
Équation 1
Nij = ES / L.(ui − u j )
Vij = 6EI / L2 .(θi + θ j ) + 12EI / L3 .(vi − v j )
Mij = 4EI / L.θi + 2EI / L.θ j + 6EI / L2 .(vi − v j )
Nji = −ES / L.(ui − u j )
Vji = −6EI / L2 .(θi + θ j ) − 12EI / L3 .(vi − v j )
Mji = 2EI / L.θi + 4EI / L.θ j + 6EI / L2 .(vi − v j )
Dans cette relation le vecteur (Nij, Vij, Mij, Nji, Vji, Mji) correspond au vecteur efforts intérieurs aux
nœuds et le vecteur (ui, vi, θi, uj, vj, θj) correspond au vecteur déplacement des nœuds. On voit par
ailleurs apparaître un second terme en (N0ij, V0ij, M0ij, N0ji, V0ji, M0ji) qui correspond à l’influence du
chargement de la poutre (en plus de celui aux nœuds). Ce second terme est nul dans le cas d’une
poutre uniquement chargée aux nœuds. Il est indépendant de la matrice de rigidité et sa justification
est précisée au paragraphe 2.6.
On considère une poutre IJ (Figure 2 ; cadre du milieu, 1er schéma à droite), chargée uniquement aux
nœuds et où les deux nœuds I et J sont caractérisés par des déplacements imposés (respectivement ui
et uj) de telle manière que les autres déplacements des nœuds soient nuls (vi = θi = vj = θj =0).
La poutre subit donc un allongement égal à uj – ui, auquel correspond une déformation uniforme dans
la poutre égale à (uj – ui)/Lij. L’application de la loi de Hook (comportement élastique linéaire des
matériaux) permet alors de calculer l’effort normal dans la poutre : N = E.S.(uj – ui)/Lij, avec E le module
de Young et S la section, ce qui correspond à l’expression de l’Équation 1.
En l’absence de déplacements v et de rotation θ des nœuds, ces déplacements sont également nuls sur
la poutre et les moments fléchissants et les efforts tranchants sont nuls sur la poutre.
L’application du PFS conduit alors immédiatement à la relation Nij = -Nji = - E.S.(uj – ui)/Lij
On considère une poutre IJ (Figure 2 ; cadre du milieu, 2e schéma à droite) chargée uniquement aux
nœuds et où les deux nœuds I et J sont caractérisés par des déplacements imposés (respectivement vi
et vj) de telle manière que les autres déplacements des nœuds soient nuls (ui = θj = ui = θj =0 ; ).
Les déplacements imposés vi et vj vont conduire à un cisaillement et une flexion de la poutre. Les
efforts tranchants et les moments fléchissants sont donc certainement non nuls dans la poutre et il
existera des efforts Vij, Mij, Vji, Mji non nuls aux extrémités. L’objectif est donc de calculer la relation
entre ces efforts extérieurs et les déplacements imposés vi et vj, sachant que par ailleurs θi = θj =0.
Afin de tenir compte des hypothèses relatives aux déplacements, il faut calculer les déplacements de la
poutre. On appliquera pour cela la formule EI.y"(x) = Mf(x). Dans cette expression, la flèche y(x) est
exprimée dans le repère local de la poutre (d’où le signe positif dans l’équation). On calcule alors dans
un premier temps le moment fléchissant sur la poutre :
On obtient alors :
Nous avons pour le moment utilisé deux conditions limites en déplacement (θi = 0 et vi ≠ 0). Il faut
utiliser les autres conditions limites pour obtenir les relations cherchées. En particulier, on écrira que :
⎧ M L2 V L3 ⎧ EI
⎧⎪ y(L) = v j ⎪− ij + ij = −EI.(v i − v j )
⎪ 2 ⎪⎪Vij = 12 3 .(v i − v j )
⇒ 6 ⇒ L
⎨ ⎨ ⎨
⎩⎪ y '(L) = θ j = 0 ⎪M = 6 EI .(v − v )
2
⎪ Vij
L
−M
⎪⎩ ijL + =0 ⎪⎩ ij
2 L2 i j
⎧ EI
⎧⎪Vij + Vji = 0 (équilibre des efforts selon y) ⎪⎪Vji = −12 3 .(v i + v j )
⇒ L
⎨ ⎨
⎪⎩Mij + Mji + Vji.L = 0 (équilibre des moments en I) ⎪M = 6 EI .(v + v )
⎪⎩ ji L2 i j
La méthode est strictement identique au cas précédent. On considère une poutre IJ (Figure 2 ; cadre du
milieu, 3e schéma à droite) chargée uniquement aux nœuds et où les deux nœuds I et J sont
caractérisés par des rotations imposées (respectivement θi et θj) de telle manière que les autres
déplacements des nœuds soient nuls (ui = vi = uj = vj =0).
Les déplacements imposés θi et θj vont conduire à un cisaillement et une flexion de la poutre. Les
efforts tranchants et les moments fléchissants sont donc certainement non nuls dans la poutre et il
existera des efforts Vij, Mij, Vji, Mji non nuls aux extrémités. L’objectif est donc de calculer la relation
entre ces efforts et les rotations imposées θi et θj, sachant que par ailleurs vi = vj =0.
Afin de tenir compte des hypothèses relatives aux déplacements, il faut calculer les déplacements de la
poutre. On appliquera pour cela la formule EI.y"(x) = Mf(x). On calcule alors dans un premier temps le
moment fléchissant sur la poutre :
On obtient alors :
Nous avons pour le moment utilisé deux conditions limites en déplacement (θi ≠ 0 et vi = 0). Il faut
utiliser les autres conditions limites pour obtenir les relations cherchées. En particulier, on écrira que :
⎧ M L2 V L3 ⎧ EI
⎧⎪ y(L) = v j = 0 ⎪− ij + ij = −EIL.θi ⎪⎪Vij = 6 2 .(θi + θ j )
⎪ 2 6 L
⎨ ⇒ ⎨ ⇒ ⎨
⎪⎩ y '(L) = θ j ⎪ VijL2 ⎪M = 4 EI .θ + 2 EI .θ
⎪⎩−MijL + 2 = −EI.(θi − θ j ) ⎪⎩ ij L i L j
⎧ EI
⎧⎪Vij + Vji = 0 (équilibre des efforts selon y) ⎪⎪Vji = −6 2 .(θi + θ j )
⇒ L
⎨ ⎨
⎩⎪Mij + Mji + Vji.L = 0 (équilibre des moments en I) ⎪M = 2 EI .θ + 4 EI .θ
⎪⎩ ji L i L j
Dans l’Équation 1, les efforts appliqués aux nœuds (Nij, Vij, Mij, Nji, Vji, Mji) sont calculés par application
du principe de superposition, en fonction de la matrice de rigidité de la poutre, des déplacements des
nœuds (ui, vi, θi et uj, vj, θj) et d’un second terme (N0ij, V0ij, M0ij, N0ji, V0ji, M0ji). Ce second terme permet
de tenir compte de l’influence d’un chargement extérieur additionnel aux efforts appliqués aux nœuds
(Figure 3). Dans le cas d’une poutre sans chargement extérieur, le second terme est nul. Dans le cas
d’un chargement non nul, les efforts (N0ij, V0ij, M0ij, N0ji, V0ji, M0ji) sont donnés dans la Figure 4.
V0ij V0ji
p(x) p(x)
⇔ N0ij
M0ij
N0ji
M0ji
Figure 3 : Signification des efforts N0ij, V0ij, M0ij, N0ji, V0ji, M0ji pour une poutre AB.
Figure 4 : Valeur des efforts N0ij, V0ij, M0ij, N0ji, V0ji, M0ji pour les chargements usuels.
Les étapes de sa mise en œuvre sont résumées ci-après puis détaillées dans les sections suivantes.
L’objectif de cette étape est de définir les déplacements et rotations possibles de chaque nœud. Ces
déplacements sont exprimés dans le repère GLOBAL de la structure. En général, on observe qu’un
nœud ne possède que trois degrés de liberté possibles (deux déplacements et une rotation). C’est le
cas lorsqu’un nœud n’appartient qu’à une seule poutre. C’est également le cas lorsqu’un nœud
appartient à plusieurs poutres ET que la liaison entre ces poutres est un encastrement. Il peut arriver
qu’il soit nécessaire de définir davantage de degrés de libertés au niveau d’un nœud lorsque le nœud
appartient à plusieurs poutres ET que la liaison entre ces poutres n’est pas un encastrement. En
particulier, lorsque cette liaison est une rotule (ce qui est le plus fréquent en dehors de
l’encastrement), il convient d’utiliser un degré de liberté en rotation pour chaque poutre.
Le nombre de degrés de liberté se simplifie par ailleurs au niveau des liaisons externes de la structure.
Au niveau d’un encastrement (on parle ici d’une liaison externe), il n’y a aucun degré de liberté car
tous les déplacements sont bloqués. Au niveau d’une liaison rotule, il n’y a qu’un degré de liberté en
rotation. Enfin, au niveau d’un appui simple, il n’y a que 2 degrés de libertés, un en rotation et un
déplacement.
Le nombre de degrés de liberté se simplifie enfin en considérant l’hypothèse que les poutres
conservent une longueur constante. Cette hypothèse revient à négliger l’influence des déformations
associées à l’effort normal et à considérer une hypothèse de petits déplacements (pour des grands
déplacements, la flexion d’une poutre est également associée à des déplacements). Cette hypothèse
permet de déduire que le déplacement axial des deux nœuds d’extrémité d’une poutre sont égaux (ui
= uj).
La Figure 5 présente quelques exemples de structures, avec un bilan des degrés de liberté
indépendants. Ces degrés de liberté indépendants correspondent aux inconnues cinématiques. Sous
l’hypothèse que ces inconnues en déplacements soient évaluées, il sera alors possible d’en déduire les
efforts intérieurs au niveau des extrémités des poutres au moyen de la matrice de rigidité (Équation 1).
Si une structure est caractérisée par un nombre N d’inconnues cinématiques indépendantes (degrés de
liberté), il convient alors d’identifier un nombre identique d’équations indépendantes permettant de
calculer ces inconnues. Ces équations s’obtiennent en appliquant le principe des travaux virtuels.
Contrairement à la méthode des forces qui consistait à considérer une structure virtuelle chargée par
un effort virtuel, on considèrera ici une structure virtuelle subissant un champ de déplacement virtuel.
L’application du principe des travaux virtuels dans la méthode des déplacements est très efficace à
condition des respecter l’approche suivante :
L’application du principe des travaux virtuels permettra d’écrire que le travail des efforts extérieurs de
la structure réelle dans le champ de déplacement de la structure virtuelle est égal à l’énergie de
déformation calculée à partir des contraintes de la structure réelle dans le champ de déformation de la
structure virtuelle.
Dans la mesure où le champ de déplacement virtuel considéré est rigidifiant, les déformations
virtuelles sont nulles sur toutes les poutres et limitées à la rotation des nœuds. Le calcul de l’énergie
de déformation se simplifiera alors au calcul du travail des moments fléchissants à l’extrémité des
poutres. Autrement dit, les N équations cherchées ne feront intervenir que les moments fléchissants.
Pour expliciter la méthode, nous prendront l’exemple de la structure (Figure 6) caractérisée par trois
degrés de liberté indépendants : UB = UC, θB, θC. On considère que la structure est chargée par un effort
horizontal F au niveau du nœud B et que les deux poutres sont identiques (longueur L, inertie I et
module de Young E).
Avant d’appliquer le principe des travaux virtuels, il convient de constater que si le système est en
équilibre statique, alors n’importe quel sous-système l’est également. Il est donc possible d’isoler
chaque poutre et chaque nœud de la structure. La Figure 6 représente cette étape réalisée de manière
systématique sur chaque poutre et chaque nœud. L’orientation des efforts Nij, Vij, Nji, Vji aux extrémités
d’une barre ij dépendent du choix du repère local. On a vu que les efforts Nij, Vij, Mij représentent
l’action du nœud i sur la poutre ij. Pour des raisons d’équilibre statique, les efforts -Nij, -Vij, -Mij
représentent alors les actions de la poutre ij sur le nœud i.
Par ailleurs, si les efforts Nij, Vij, Mij, Nji, Vji, Mij correspondent bien à des efforts intérieurs à la structure
considérée, il convient de remarquer qu’ils sont exprimés selon des conventions de signe différentes.
Si l’orientation du repère local correspond également au sens de parcours dans la structure pour
calculer les efforts de cohésions, alors Nij, Vij, Mij sont égaux à l’opposé des efforts de cohésion et Nji,
Vji, Mij sont égaux aux efforts de cohésion.
-MAB
Décomposition de la structure en nœuds et -VAB -NAB
poutres. A
XA
YA MA
Remplacement des liaisons extérieures par des
efforts.
Identification des différents efforts agissants sur
les poutre ou les nœuds.
Figure 6 : Décomposition d’une structure entre poutre et nœuds et représentation de tous les efforts agissants sur les nœuds ou sur
les poutres lorsqu’on les isole.
Lorsqu’on est en présence d’un degré de liberté en rotation au niveau d’un nœud (nœuds B et C pour
l’exemple étudié), l’application du principe des travaux virtuels revient à considérer une structure
virtuelle géométriquement identique à la structure réelle et à considérer une rotation virtuelle du seul
nœud étudié de la structure virtuelle.
Si on considère une rotation virtuelle du nœud B (Figure 7), alors seuls les moments –MBC et –MBA
travailleront. On a ici le choix de considérer que ces efforts sont des efforts extérieurs ou intérieurs.
On peut d’abord considérer que ces efforts sont des efforts intérieurs (ce qu’ils sont en réalité). Dans
ce cas, il faut remarquer que la section tourne d’une quantité -φ* pour passer de l’extrémité de la
poutre AB au nœud B, puis d’une quantité φ* pour passer du nœud B à l’extrémité de la poutre BC. Par
ailleurs le moment fléchissant vaut Mf = MBA à l’extrémité de la barre AB et Mf = -MBC à l’extrémité de
la barre AB (cf. remarque précédente concernant l’équivalence entre les efforts aux nœuds et les efforts
de cohésion). En conséquence, le travail des efforts intérieurs vaut MBC.φ* + MBA.φ*. Pour ce champ de
déplacement, le travail des efforts intérieurs doit être égal au travail des efforts extérieurs (nul ici) et
on en déduit alors l’équation : MBC + MBA = 0
On peut également considérer que ces efforts sont des efforts extérieurs (ce qui sera plus simple par la
suite). Dans ce cas, cela revient à substituer la structure réelle par un ensemble de sous-structures
sollicitées par des efforts extérieurs et la somme –MBC.φ* –MBA.φ* correspond à l’énergie de déformation
des contraintes de la structure réelle dans le champ de déformation de la structure virtuelle. Pour ce
champ de déplacement, le travail des efforts extérieurs doit être égal au travail des efforts intérieurs
(nul ici) et on en déduit alors l’équation : MBC + MBA = 0. Cette approche se révèle plus simple dans la
mesure où la rotation est identique pour les deux moments, contrairement au premier cas où il faut
observer que la rotation de la section a un signe opposé lorsqu’on se place au niveau des efforts
intérieurs.
Cette application du principe des travaux virtuels permet en réalité de retrouver un résultat plus
aisément démontrable par application du PFS. Il suffit en effet d’isoler le nœud B et d’écrire l’équilibre
des moments par rapport au centre du nœud (point où tous les efforts sont concourants). On retrouve
immédiatement le résultat MBC + MBA = 0
Φ* -VBC
-MBC MBC VBC
Φ* F -NBC
C
-VBA NBC
B
-MBA
-NBA
C
B
MBA
VBA NBA
Figure 7 : Application du PTV à la structure réelle, en considérant une rotation virtuelle du nœud B.
Si on considère une rotation virtuelle du nœud C (Figure 8), alors seul le moment fléchissant –MCB
travaillera et la quantité –MCB.φ* correspond au travail des efforts considérés extérieurs. Le travail des
efforts intérieurs est alors nul pour ce déplacement virtuel. D’où la seconde équation : MCB = 0. On
retrouve également ce résultat immédiatement en isolant le nœud C et en appliquant le PFS.
Φ* Φ*
C
C
NCB -MCB
-VCB
A A
Figure 8 : Application du PTV à la structure réelle, en considérant une rotation virtuelle du nœud C.
D’une manière générale, lorsqu’on est en présence d’un degré de liberté en rotation, on se contentera
d’isoler le nœud concerné et d’appliquer le PFS, ce qui permet d’aboutir à une équation qui ne fait
intervenir que les moments agissant sur le nœud.
Il existe deux techniques pour trouver des équations indépendantes associées à des degrés de liberté
en déplacement. La première, à-priori simple, nécessite uniquement d’écrire l’équilibre statique d’une
sous-partie de la structure. Sa difficulté consiste à bien choisir la sous-structure isolée. La seconde, à-
priori plus complexe, est en réalité plus systématique et nécessite d’appliquer le principe des travaux
virtuels.
L’idée de cette technique est d’écrire l’équilibre statique de la structure en terme d’efforts selon une
direction particulière. La sous-structure et la direction de projection des efforts doivent être choisis de
telle manière qu’ils ne fassent intervenir aucun effort normal et aucun effort de liaison inconnu.
La condition sur l’effort normal s’explique par le fait qu’on a supposé que les poutres étaient de
longueur constante. En conséquence, l’application stricte de la matrice de rigidité aboutit à la
conclusion que les efforts normaux sont nuls, ce qui n’est évidemment pas vrai. Autrement dit, on ne
peut pas utiliser simultanément deux hypothèses incompatibles. Soit on considère que les poutres
peuvent varier en longueur, ce qui conduit à un nombre plus élevé de degrés de liberté et la possibilité
d’utiliser la matrice de rigidité faisant intervenir les efforts normaux, soit un considère des poutres de
longueur constante, ce qui conduit à une réduction des degrés de liberté et l’impossibilité d’utiliser la
matrice de rigidité faisant intervenir les efforts normaux.
Pour la structure étudiée, on isolera par exemple la poutre BC est les nœuds B et C. L’écriture de
l’équilibre statique de cette sous-structure selon l’axe global X donne (Figure 6) :
-VBA + F =0
Cette équation ne fait intervenir que les inconnues en déplacement du problème. On remarquera ici
que l’axe de projection X utilisé correspond à la direction du degré de liberté en déplacement UB. Cela
donne l’idée que cette équation est bien associée à ce degré de liberté. La seconde technique permet
de faire ce lien plus rigoureusement.
Si on considère un déplacement virtuel U* du nœud B (Figure 9), alors il va se produire une rotation -
U*/L (rotation dans le sens indirect) de la barre AB au niveau des nœuds A et B. Tels que représentées,
chaque barre et chaque nœud peuvent être appréhendés comme un corps rigide subissant des efforts
extérieurs Nij, Vij, Mij, Nji, Vji, Mji. Il n’y a alors aucune déformation dans la structure et le travail des
efforts intérieurs est nul. Le seul travail correspond alors au travail des efforts et moments extérieurs à
chaque barre. Concernant les moments, la quantité -MBA.U*/L - MAB.U*/L correspond au travail des
moments extérieurs exercés sur chaque barre de la structure réelle dans le champ de déplacement de
la structure virtuelle. En effet, seules les extrémités de la barre AB subissent une rotation d’intensité
-U*/L. Concernant les efforts, la quantité F.U* correspond au travail des efforts extérieurs de la
structure réelle dans le champ de déplacement de la structure virtuelle. En conséquence, l’application
du PTV permet d’obtenir l’équation :
-MBA/L - MAB/L + F = 0
Cette équation, à première vue différente de celle précédemment obtenue est en réalité identique. On
remarque qu’on n’a pas tenu compte du travail des efforts de cisaillement VBA (sur le nœud B) et -VBA
(sur la poutre AB). En réalité ces efforts travaillent, mais leur somme s’annule car ils auraient alors
conduit à rajouter la quantité -VBA.U* + VBA.U* = 0 au travail des efforts extérieurs ; ce qui aboutit au
même résultat.
U*
F B C
-VBA -N
BA
U* -MBA
MBA
B C NBA
U*/L VBA
U*/L
VAB
U*/L U*/L
A NAB
MAB
-MAB
-VAB -NAB
A
La résolution d’un problème hyperstatique par la méthode des déplacements consiste donc à :
Les résultats obtenus sont alors l’expression analytique ou numérique des déplacements et rotations
des nœuds. Il est alors possible de calculer les efforts intérieurs dans la structure. Pour cela, on
réutilise l’Équation 1. Appliquée à une barre IJ quelconque, il est possible désormais de calculer la
valeur des efforts Nij, Vij, Mij, Nji, Vji, Mji. En conséquence, il est possible de calculer les efforts intérieurs
dans n’importe quelle section de la poutre. Il suffit en effet d’isoler une partie de la poutre concernée
(Figure 10).
Vij Vji
I J Nji
Nij
Mij Mji
Vij V(x)
I N(x)
Nij
Mij Mf(x)
Figure 10 : Lorsqu’on isole une poutre et qu’on connaît les efforts s’exerçant à ses extrémités, il est alors possible de calculer le
torseur de cohésion à une abscisse quelconque.
3.4. Exemple
Dans l’exemple traité (Figure 6), on a donc identifié qu’il existait 3 degrés de liberté θB, θC et UB = UC =
U. Il faut donc écrire trois équations indépendantes correspondant respectivement à l’application du
principe des travaux virtuels en considérant des champs de déplacement virtuels rigidifiants
caractérisés par une rotation virtuelle des nœuds B puis C et un déplacement virtuel du nœud B.
Comme vu précédemment (section 0) l’application du principe des travaux virtuels en considérant une
rotation virtuelle des nœuds est équivalente à écrire l’équilibre des moments agissant sur le nœud
considéré, d’où les deux équations suivantes :
U* U*
Équation 3 −MAB . − MBA . + F.U* = 0 ⇒ − MAB − MBA + F.L = 0
L L
Les trois équations ne font intervenir que les Moments MAB, MBA, MBC, MCB qui peuvent par ailleurs
s’exprimer en fonction des inconnues cinématiques UB, θB, θC (repère global). Pour ce faire, on utilisera
l’Équation 1. On fera alors attention que dans l’expression de la matrice de rigidité, les déplacements
uA, vA sont exprimés dans le repère local de la barre considérée.
⎧ 2EI 6EI
⎪MAB = θB + 2 UB +MOAB
⎪ L L
⎪ 4EI 6EI
⎪⎪MBA = L θB + 2 UB +MBA
O
Équation 4 L
⎨
⎪M = 4EI θ + 2EI θ + MO
⎪ BC L B L C BC
⎪
⎪M = 2EI θ + 4EI θ + MO
⎪⎩ CB L B L C CB
Dans cette expression, le moments M0AB, M0BA, M0BC, M0CB correspondent aux moments induits par le
chargement de chaque poutre considérée bi-encastrée. Ces quatre moments sont nuls ici car les
efforts extérieurs n’agissent que sur les nœuds. En remplaçant l’expression des moments MAB, MBA,
MBC, MCB dans les 3 équations obtenues par application du PTV (Équation 2 et Équation 3), on obtient :
On observe par ailleurs que le système d’équation peut s’écrire sous forme matricielle de type F = K. U,
avec F le vecteur effort aux nœuds, U le vecteur déplacement des nœuds et K la matrice de rigidité de
⎧0⎫ ⎧ 4L L 3 ⎫ ⎧θB ⎫
⎪ ⎪ 2EI ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪
la structure : ⎨0⎬ = 2 ⎨ L 2L 0 ⎬ . ⎨θC ⎬
⎪F ⎪ L ⎪ 6 0 6 /L ⎪ ⎪ ⎪
⎩ ⎭ ⎩ ⎭ ⎪ ⎩UB ⎪
⎭