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Céline Walkowiak

Francis Blanquart

Réussir
l’école du socle
En faisant dialoguer
et coopérer les disciplines

Préface de Nathalie Mons


Direction éditoriale : Sophie Courault
Édition : Sylvie Lejour
Coordination éditoriale : Maud Taïeb
Correction : Laurence Petit, Christine Grall
Composition : Myriam Dutheil

© 2013 ESF éditeur


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Directeur de publication  : Antoine Duarte
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ISBN 978-2-7101-2969-1
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sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Pédagogies
Collection dirigée par Philippe Meirieu

L a collection PÉDAGOGIES propose aux enseignants, formateurs, animateurs,


éducateurs et parents, des œuvres de référence associant étroitement la réfle­
xion théorique et le souci de l’instrumentation pratique.
Hommes et femmes de recherche et de terrain, les auteurs de ces livres ont, en
effet, la conviction que toute technique pédagogique ou didactique doit être
référée à un projet d’éducation. Pour eux, l’efficacité dans les apprentissages et
l’accession aux savoirs sont profondément liées à l’ensemble de la démarche éduca-
tive, et toute éducation passe par ­l’appropriation d’objets culturels pour laquelle il
convient d’inventer sans cesse de nouvelles médiations.
Les ouvrages de cette collection, outils d’intelligibilité de la « chose éducative  »,
donnent aux acteurs de l’éducation les moyens de comprendre les situations
auxquelles ils se trouvent confrontés, et d’agir sur elles dans la claire conscience
des enjeux. Ils contribuent ainsi à introduire davantage de cohérence dans
un domaine où coexistent trop souvent la géné­rosité dans les intentions et
l’improvisation dans les pratiques. Ils associent enfin la force de l’argumentation et
le plaisir de la lecture.
Car c’est sans doute par l’alliance, sans cesse à renouveler, de l’outil et du sens
que l’entreprise éducative devient vraiment créatrice d’humanité.

Pédagogies/Outils  : des instruments de travail au quotidien pour les enseignants,


formateurs, étudiants, chercheurs. L’état des connaissances facilement accessible.
Des grilles méthodologiques directement utilisables dans les pratiques.

*
**
Voir la liste des titres disponibles dans la collection « Pédagogies »
en fin d’ouvrage et sur le site www.esf-editeur.fr
Remerciements

N  ous remercions toute l’équipe du collège de Loos-en-Gohelle, pour la richesse des


échanges pédagogiques tout au long de ces années de travail ensemble.
Un grand merci tout particulièrement à Marie-Andrée Vanhove et à Pascal Thomas, pour
leur relecture attentive de notre manuscrit.
Nous remercions tous les chefs d’établissement et les équipes qui nous ont fait
confiance, ainsi que messieurs Jean-Marc Desprez et Jean-Marc Doré pour leur soutien.
Nous sommes très reconnaissants aux Cahiers pédagogiques d’avoir toujours valorisé
notre travail sur le terrain et tout particulièrement à Jean-Michel Zakhartchouk, pour
l’attention qu’il a toujours portée à notre réflexion.
Nous remercions également Philippe Meirieu d’avoir cru en notre travail ainsi
que Sylvie Lejour, notre éditrice, pour ses conseils avisés.
Table des matières

Préface de Nathalie Mons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9


Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

1 Établir un calendrier et une stratégie


de mise en place du socle commun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Des problématiques communes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Les trois axes de la mise en place :
pilotage, réflexion et formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Déterminer une stratégie de mise en œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Les instances d’appui :
conseils pédagogiques et conseils de classe,
référents pour la mise en place et district . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

2 Se former aux changements de pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35


Un changement de pratiques
avec les chefs d’établissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Un changement de pratiques pour les enseignants . . . . . . . . . . 36
De nouveaux besoins de formation pour les enseignants . . . . 37
Une appropriation de la réflexion pédagogique
sur le terrain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Des besoins de concertation nouveaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

3 Repenser l’acte d’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51


L’évaluation, une entrée délicate dans le socle commun . . . . . . 51
Le changement de pratiques d’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Une évaluation à plusieurs mains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Pratiquer une évaluation motivante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

5
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

4 Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe . . . . . 67


Articuler regards experts et regards transversaux . . . . . . . . . . . . 68
Les pratiques de maîtrise de la langue
dans un établissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
Un apprentissage transversal : l’oral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
5 Construire la mobilisation des ressources nécessaires
à la construction des compétences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Un état des lieux des comportements d’élèves
face à la mobilisation des ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
La concertation indispensable des équipes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
Des dispositifs pédagogiques pertinents
pour construire une culture active . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Des stratégies pour apprendre à mobiliser les acquis . . . . . . . . 97
Repérer les apprentissages invisibles,
entre les disciplines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
6 Construire la citoyenneté et l’autonomie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Des compétences à construire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Des séquences d’enseignement interdisciplinaires
pour construire une citoyenneté active . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Des dispositifs pédagogiques pour construire
l’autonomie des élèves dans les apprentissages . . . . . . . . . . . . . 114
7 Outiller les équipes
pour mettre en place les pratiques communes . . . . . . . . . . . . . . 125
Relier en toute transparence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
Harmoniser sans unifier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
Mettre en valeur les spécificités disciplinaires
à travers des actions interdisciplinaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
La parole collégiale :
une parole qui a besoin de repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
8 Construire les attitudes attendues dans le socle . . . . . . . . . . . . 145
Des attitudes indissociables des apprentissages . . . . . . . . . . . . 145
Identifier les attitudes attendues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
Des activités de classe
qui construisent les attitudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
Les remédiations sur les attitudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

6
Table des matières

9 Prendre en charge autrement


les difficultés des élèves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
Porter un regard global
sur les parcours d’apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Mettre en place le travail d’équipe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
Déterminer des stratégies de remédiation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Une autre pédagogie
pour construire des compétences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
Différencier encore et toujours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
10 Enseigner des stratégies aux élèves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
La place de l’« Apprendre à apprendre »
dans la construction des compétences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Des méthodes d’apprentissages à construire . . . . . . . . . . . . . . . 184
De la différenciation dans les méthodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
11 Communiquer sur les nouvelles pratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
Une culture propre à chaque établissement . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
Communiquer avec les élèves et leurs parents . . . . . . . . . . . . . . 205
Construire la continuité pédagogique
école-collège-lycée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Le CRAP-Cahiers pédagogiques
et le socle commun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

7
Préface

C    et ouvrage de deux enseignants, Céline Walkowiak et Francis Blanquart,


   apporte un double éclairage précieux à la fois sur ce qui apparaîtra
certainement rétrospectivement comme une des politiques phares en
éducation de ce début de millénaire et sur une thématique bien souvent
ignorée pour ne pas dire niée, le problème des difficultés de mise en
œuvre des réformes.
L’ouvrage s’attache en effet à nous expliquer par le menu détail
comment, dans un établissement ordinaire, une équipe pédagogique a
réussi à mettre en place la réforme du socle commun de connaissances et
de compétences, là où, dans la même période, tant d’équipes peinaient
à faire devenir réalité cet engagement politique crucial. Avec la politique
du socle commun de connaissances et de compétences, nous sommes
en effet au cœur de l’engagement que la Nation s’impose à elle-même en
termes de construction d’un commun éducatif dû à chacun de nos enfants.
Par le socle commun, le pays s’engage à apporter à chaque jeune au sortir
de la scolarité obligatoire un bagage intellectuel qui lui permettra à la fois
de poursuivre sa formation tout au long de la vie mais aussi de s’insérer
harmonieusement dans notre société. Cela ne signifie pas qu’au final, tous
les enfants doivent suivre un parcours scolaire identique jusqu’à la fin de
leurs études mais que, dans une société moderne démocratique, au moins
au sortir de la scolarité, chacun dispose de ce socle de compétences et
connaissances sans lequel la vie en société pourra s’avérer difficile. C’est
un engagement fort que la Nation s’est imposé par la loi d’orientation de
2005. Mais il faut bien constater qu’en 2013, ce vœu reste pieux. Les élites
politiques et administratives ont d’abord assez étrangement oublié cette
disposition fondamentale de la loi Fillon.
Lorsqu’enfin, plusieurs années plus tard, des consignes nationales
ont été données, la politique a eu du mal à se faire une place dans les
établissements. Car cette politique dérange. De fait, comme le montrent
remarquablement les auteurs, cette réforme oblige à réviser radicalement
le fonctionnement pédagogique des établissements, elle oblige à passer
d’une organisation qui juxtapose les classes et les enseignements à
l’organisation d’un collectif pédagogique fort rare dans les établissements
français.
Au-delà de cette analyse centrée sur cette politique démocratique
incontournable du début de notre millénaire, l’ouvrage a aussi le mérite
de mettre en lumière les difficultés de la mise en place d’une réforme.

8
En se focalisant sur ce que les politologues appellent la phase de « mise
en œuvre » d’une politique, les auteurs rompent avec la vision enchantée
et mécaniste des politiques publiques qui prévaut encore largement en
France. Car notre pays et son élite politico-administrative, contrairement
à d’autres contextes nationaux, dans une vision très hiérarchique et verti-
cale de l’action publique, ont longtemps nié le rôle essentiel des acteurs
de terrain dans la fabrication des réformes. Il suffisait, pensait-on et pense-
t-on encore toujours, de concevoir une politique idéale depuis Paris et
l’administration centrale pour qu’elle soit mise en œuvre mécaniquement.
Cette vision réductionniste de l’action publique a fait perdre à notre
pays de précieuses décennies. Car une politique ne se décrète pas, elle se
pense aussi en termes d’accompagnement, de formation et d’adhésion
des acteurs de terrain. De façon provocante, on pourrait dire que ce sont
les enseignants en toute fin de la chaîne de décision qui sont les acteurs
principaux de la fabrication des politiques en ce sens où ce sont eux qui
dessinent la réalité des réformes éducatives en décidant de se conformer
aux injonctions nationales ou de les ignorer, ou encore de les mettre en
œuvre mais pour atteindre d’autres objectifs que ceux qui sont prescrits
nationalement. Les recherches scientifiques ou les rapports des inspec-
tions générales ont mis en évidence de façon récurrente ces problèmes
d’ineffectivité ou de détournements de politiques.
Les deux auteurs de l’ouvrage nous invitent donc à prendre au sérieux
les difficultés de cette phase cruciale des politiques. Ils décrivent quels
sont les leviers sur lesquels les équipes pédagogiques – et non le seul chef
d’établissement – peuvent s’appuyer pour collectivement faire bouger
un établissement. L’établissement, présenté par les auteurs, a le mérite
d’être tout à fait ordinaire, les auteurs ne nous racontent pas l’histoire
d’une expérimentation certes stimulante mais souvent non généralisable.
Ils nous racontent une histoire ordinaire qui peut se reproduire dans tous
les établissements. Les leviers d’une bonne conduite du changement sont
clairement énoncés.
Prendre au sérieux le temps dans toute réforme, c’est-à-dire prendre
le temps de se réunir, d’échanger, de ne pas tomber d’accord, d’essayer,
d’échouer et de recommencer…Le temps est une dimension bien souvent
oubliée en politique scolaire, or elle est cruciale plus que dans tous
secteurs d’action publique, ne serait-ce que parce que les apprentissages
scolaires se construisent dans le temps.
Le second levier d’une conduite du changement réussie, les auteurs
le montrent bien, réside dans le principe de participation des acteurs de
terrain et leur appropriation des instruments d’action publique. Ce sont

9
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

eux qui construisent au final les politiques, il faut donc leur laisser la capa-
cité de remodeler selon leur besoin des outils qui sont proposés nationa-
lement. Tant qu’ils ne trahissent pas l’esprit et les objectifs de la réforme,
ils doivent pouvoir recréer les instruments mis à leur disposition pour se
les approprier.
Enfin le troisième levier du changement réside dans la formation qui
permet de donner les outils de l’action – les auteurs montrent bien qu’il
faut développer dans le socle commun une nouvelle expertise. Au-delà des
outils et des recettes, la formation, parce qu’elle permet de comprendre
les objectifs d’une réforme, lui donne aussi sens. C’est là un des moteurs
premiers de l’action des acteurs de terrain.
À partir de ces leviers du changement, les auteurs montrent bien
comment leur équipe pédagogique a pu s’approprier le socle commun  :
décliner une conception des compétences, travailler au dialogue des
disciplines, entrer dans le travail en équipe, évoluer vers une conception
de l’évaluation davantage motivante, créer de nouvelles rencontres avec
les parents… Presque un miracle au pays de l’éducation. Un miracle et
c’est là certainement un des points les plus intéressants de cette expé-
rience qui est partie d’une attention portée aux élèves en difficulté. C’est
en cherchant à aider ces élèves marginalisés dès le plus jeune âge que
les enseignants, comme le disent les auteurs, se sont aidés eux-mêmes
et ont réinventé leur école. Un beau projet démocratique.

Nathalie Mons
Professeur de sociologie, spécialiste des politiques éducatives,
Université de Cergy-Pontoise

10
Introduction

C   et ouvrage a été écrit dans un contexte de «  refondation de l’école  » et de


  concertation nationale. Il a fallu conjuguer expériences antérieures et projec-
tions vers un futur proche mais indéterminé, et avancer dans la rédaction, dans
l’attente de la nouvelle loi d’orientation et de programmation, tout en maintenant
l’authenticité et la cohérence de la réflexion présentée dans cet ouvrage.
Les réflexions des auteurs sont cependant fondées sur un travail de terrain
au quotidien, et l’éclairage qu’ils apportent sur l’approche par compétences et
sur l’enjeu pour les élèves de l’intégration du socle commun dans les pratiques
de classe ne peut être remis en question. Faire dialoguer les disciplines dans un
établissement scolaire reste un enjeu de taille.
Nous nous sommes intéressés au socle commun de connaissances et de
compétences dès sa présentation aux équipes enseignantes en 2007, notamment
parce que nous avions en charge, deux heures par semaine, en binôme, la dizaine
d’élèves décrocheurs de troisième de notre établissement, dans une option interne
que nous avions créée pour lutter contre le « décrochage » de ces élèves, et que
nous étions à la recherche d’entrées didactiques différentes pour les remettre au
travail.
L’approche par compétences a retenu notre attention et le livret de compétences
nous a semblé un outil pédagogiquement intéressant, pour cibler les acquis de
ces élèves, et pour mettre en place une évaluation qui les stigmatiserait moins
que le système de notation habituel. Après avoir commencé par traduire ce LPC
en termes compréhensibles par les élèves, puisqu’il nous semblait essentiel que
les élèves soient acteurs du développement de leurs compétences, nous les avons
encouragés à aller voir l’ensemble de leurs enseignants pour recueillir les validations
des compétences acquises. Mais loin d’être fructueuse, cette récolte de compétences
a été plutôt mince, parce que personne ne travaillait à l’époque par compé-
tences, que les items à valider étaient mal identifiés, et que nos collègues pensaient
de plus que les compétences sélectionnées étaient trop complexes pour être maîtri-
sées par nos élèves en grande difficulté. Voilà la première entrée du socle commun
dans notre établissement  : par un constat d’échec et par la prise de conscience
que ce socle de compétences ne pourrait être mis en place sans une concertation
commune majeure sur nos enseignements et sur les apprentissages des élèves.

11
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Comme nous étions en 2007, nous n’étions pas dans l’urgence de la validation
certificative, ce qui nous a donné du temps pour convaincre nos collègues de la
nécessité de tenter, d’innover, de prendre le temps d’analyser les échecs et les
réussites des actions que nous mettions en place, de comprendre les spécifici-
tés de l’évaluation par compétences et de nous former aux pédagogies actives
induites par la mise en place du socle.
C’est l’ensemble de l’établissement qui s’est efforcé d’intégrer le socle commun
dans les pratiques ordinaires du collège  : enseignants, personnels de direction
et personnels de la vie scolaire, mais également les élèves et leurs parents.
Les premières années, nous avons pris connaissance des contenus disciplinaires
des uns et des autres, dans tous les niveaux, en croisant nos programmes et en
dévoilant nos pratiques de classe et de discipline. Nous avons réfléchi à la meilleure
façon de mettre en place la transversalité attendue pour certaines compétences,
en harmonisant notamment les critères de réussite pour une évaluation commune
maîtrisée, et en dotant de contenu d’apprentissage certains items construisant
la posture d’apprenant des élèves. Nous avons abordé, par le biais de stratégies de
remédiation, les difficultés d’acquisition des élèves et la prise en charge commune
des items lacunaires que nous estimions prédictifs de réussite pour l’ensemble
des apprentissages. Nous avons enfin orienté notre réflexion vers la mobilisa-
tion des ressources construites à travers la résolution de tâches complexes qui
permettent de mettre les élèves en situation de prouver qu’ils ont des compé-
tences. Et surtout qu’ils sont compétents.
Sur cinq ans, la physionomie de l’établissement a changé, pour passer d’un
collège où l’on enseigne, à un collège où l’on apprend. Un établissement comme
tant d’autres, sans moyens particuliers.
Grâce aux formations variées que nous avons assurées dans les établissements
de la région, nous avons pu prendre la mesure de l’ensemble des problématiques
rencontrées par les équipes enseignantes sur le terrain. Par les discussions que
nous avons eues avec des chefs d’établissement et des enseignants sur le terrain,
nous avons perçu la marge d’autonomie des établissements.
Articuler la mise en œuvre du socle à la culture de l’établissement, en utilisant
les leviers qui enclenchent le changement de pratiques attendu, constitue un
changement majeur qui doit être porté par les équipes sur le terrain. C’est toute
la complexité de cette mise en œuvre : ouvrir la discussion pédagogique dans les
établissements, porter sur les problématiques communes un regard global qui
propose des situations adaptées au public d’élèves, faire une place à l’approche
par compétences.
Pour cerner les entrées possibles dans le socle commun, nous avons tendu
l’oreille aux doléances des collègues, en proposant, pour chaque obstacle
ou chaque difficulté, une réponse collégiale, qui croise les expertises et nous

12
Introduction

permette d’avancer ensemble dans la réflexion pédagogique. Nous avons cherché,


dans les difficultés d’apprentissage des élèves, non seulement des solutions, mais
aussi des réponses à nos propres difficultés d’enseignement.
Nous avons procédé de la même façon pour bâtir cet ouvrage. Pour chaque
problématique abordée, nous proposons une réponse collégiale, basée sur les
analyses des difficultés des élèves, en termes de compétences. Toujours à la
recherche d’un regard global sur les acquis des élèves, nous avons cherché des
pistes de réponses dans l’entre-deux disciplinaire, là où l’expertise enseignante
s’exerce peu, du fait du cloisonnement des enseignements.
C’est là la particularité de notre démarche : faire dialoguer les disciplines pour
créer des passerelles entre les savoirs et permettre aux élèves de mobiliser les
savoirs, savoir-faire et attitudes construites dans toutes les disciplines.
Chaque chapitre interroge la façon dont les pratiques communes peuvent
répondre aux problématiques récurrentes des établissements et proposent
des analyses de terrain. Des outils sont aussi présentés, pour ancrer dans le
concret les discours que nous défendons, même s’ils ne sont que des exemples
à adapter, et non des modèles reproductibles. Chaque établissement est unique
et a à construire de nouvelles pratiques adaptées à ses propres particularités.
La complexité du socle commun est due à la responsabilisation collective
des équipes sur le terrain. C’est l’ensemble d’une équipe qui met le socle commun
en œuvre dans un établissement, avec une cohérence forte attendue, pour
permettre à cet outil pédagogique de répondre aux difficultés d’apprentissage
et de formation des élèves. S’il ne reste, en définitive, qu’un bilan certificatif à la fin
de la scolarité obligatoire sur des compétences que l’on n’aura pas explicitement
construites avec les élèves, c’est qu’on sera passé à côté de quelque chose, d’une
occasion unique d’apprendre à travailler ensemble dans les établissements, pour
fédérer nos expertises professionnelles autour de l’acquisition des connaissances
et des compétences de tous les élèves.
Le socle commun est un outil pédagogique puissant, dont il faut écrire
ensemble le mode d’emploi. La liberté pédagogique qu’il laisse aux équipes est
un atout pour répondre aux besoins spécifiques de chaque public d’élèves, tout en
construisant ensemble une culture scientifique, humaniste, linguistique et civique
qui rende nos élèves autonomes et acteurs de leur parcours de formation.

13
1
Établir un calendrier
et une stratégie de mise en place
du socle commun

L   es réflexions qui suivent s’adressent à la fois aux équipes de direction et aux
  équipes enseignantes. Le socle commun demande, en effet, à être mis en place
et intégré, d’un point de vue structurel, dans les pratiques de l’établissement,
mais nécessite aussi une mise en œuvre pédagogique dans les pratiques
d’enseignement. Les deux axes de cette intégration imposent une approche
systémique de cette problématique, puisqu’ils interagissent à l’intérieur de cette
entité qu’est un établissement scolaire.
Les chefs d’établissement impulsent et encadrent une réflexion pédagogique
interdisciplinaire, dont ils perçoivent bien l’enjeu dans la personnalisation des
réponses aux besoins spécifiques de chaque élève. Mais ce sont les enseignants
qui possèdent les cartes du changement. Une collaboration forte entre l’équipe
de direction et les personnels enseignants est indispensable pour une mise en
place effective et efficace du socle commun. Le travail en équipe et le changement
de pratiques s’inscrivent dans un projet commun, comme le projet d’établisse-
ment, par exemple, et permettent de répondre aux problématiques suivantes :
– Comment piloter pour donner une cohérence globale et rendre le projet du
socle plus efficient ?
– Comment rendre la structure plus adaptée aux pédagogies associées au
travail par compétences, qui demandent notamment une plus grande auto-
nomie et prise de décision des élèves dans leurs apprentissages ?
– Quels freins les chefs d’établissement rencontrent-ils dans les établissements ?
– Comment peuvent-ils répondre aux inquiétudes et demandes de leurs
enseignants ?
La simplification de la validation devrait faciliter le travail de validation
certificative des équipes, puisqu’il n’y aura plus que les domaines de compé-
tences à valider, mais cela ne remet nullement en cause la construction des
compétences à évaluer. Les items deviennent donc ce qu’ils ont toujours été  :
des contenus d’apprentissage.

15
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Des problématiques communes


Les problématiques des chefs d’établissement
Les préoccupations des chefs d’établissement concernant le socle commun
sont finalement assez proches de celles des enseignants. Ce qui montre bien que
la mise en œuvre de ce socle relève d’un enjeu systémique qui oblige les différents
acteurs de la vie d’un établissement à réfléchir ensemble à la construction et à
l’évaluation de ce bagage indispensable de compétences. Le relevé des actions,
interrogations, problématiques et freins rencontrés est issu d’un questionnement
d’une centaine de chefs d’établissement et des formations assurées depuis cinq
ans avec les enseignants. Les préoccupations des uns et des autres se sont affinées
pédagogiquement les dernières années, mais l’avancée des réflexions d’équipe
reste très variable, selon les établissements et le temps qui y a été consacré.

Une prise de risque à effets instantanés

Les chefs d’établissement appréhendent plus sereinement les enjeux et les apports
des nouvelles pratiques induites par le socle commun, parce qu’ils n’ont pas à
les mettre en œuvre directement avec les élèves. C’est la prise de risque, inhérente
à tout changement et innovation pédagogiques, qui freine les enseignants souvent
très consciencieux, et qui les empêche de lancer les élèves dans une activité qu’ils
n’ont pas l’impression de maîtriser complètement.

Un état des lieux


L’intégration du socle commun dans les établissements s’est faite selon
plusieurs entrées :
– l’organisation de demi-journées d’information ;
– des réunions d’équipe pour la répartition par discipline des items, qu’ils
soient disciplinaires ou transversaux ;
– le choix d’un outil numérique qui ne soit pas que certificatif, et qui permette
un suivi de la construction des compétences sur les quatre niveaux de la
scolarité. Ce choix a été problématique pour les chefs d’établissement,
qui sont soucieux de ne pas multiplier les outils informatiques auprès des
équipes, et qui ont essayé de concilier l’outil officiel de validation certifica-
tive et un outil d’évaluation par compétences plus formatif ;
– des demi-journées banalisées ont été accordées pour permettre aux équipes
de valider les items des élèves de troisième. Ces séances de validation empi-
rique et arbitraire ont mis très mal à l’aise les enseignants qui ont perçu
l’absurdité du travail qu’ils étaient en train d’effectuer, quand les pratiques
n’avaient pas été adaptées pour répondre à une évaluation pertinente

16
Établir un calendrier et une stratégie de mise en place

des items. Ces séances ont parfois agi comme un électrochoc et ont poussé
certaines équipes à s’intéresser de plus près à cette nouvelle évaluation,
à s’accorder en équipe interdisciplinaire sur les critères de réussite, et
à en préparer en amont les apprentissages ;
– les parents ont parfois été informés, l’évaluation par compétences a
parfois été inscrite dans les modalités d’évaluation du règlement intérieur,
les élèves ont plus ou moins pris connaissance du contenu de ce livret
de compétences ;
– certains chefs d’établissement se sont concertés, de leur côté, lors des
réunions de district, et ont organisé des formations de référents, avec
des enseignants volontaires issus des différents établissements, afin de
mutualiser les réflexions et les outils créés et d’insuffler une dynamique
de réseau.

Harmoniser les pratiques transversales


L’axe primordial est celui de l’harmonisation des pratiques d’équipe pour les
items transversaux et la mise en place de la transversalité induite par le socle.
Le LPC est un livret interdisciplinaire, les équipes qui ont à charge de le valider sont
interdisciplinaires, et il n’est pas inscrit dans les pratiques ordinaires des établis-
sements de faire dialoguer ensemble les disciplines sur des contenus d’appren-
tissage ou d’évaluation. Les chefs d’établissement s’interrogent encore parfois
sur la façon d’accorder les enseignants sur le nouveau vocabulaire introduit dans
les pratiques.
• Quel sens donner à la compétence ? (Et cette problématique est bien un frein
dans certaines équipes, si la notion de compétence n’est pas clarifiée pour tous)
• Comment organiser le travail des équipes autour du livret ?
• Une compétence est-elle évaluable par l’ensemble d’une équipe pédago-
gique, ou peut-on déléguer la validation collégiale à une personne ?
• Comment accompagner les enseignants dans le changement, au quotidien
et dans la structure même de l’établissement ?
• Qui impliquer dans les points d’étape d’une année scolaire ?
• Comment utiliser les conseils pédagogiques, les conseils de classe ou
les conseils d’enseignement ?
• Faut-il travailler en réunion collégiale ou par ateliers ?
• Comment fédérer et par quel biais ?
• Quel temps de concertation faut-il accorder aux équipes et comment le
rendre efficace et efficient dans la mise en œuvre sur le terrain ?
Les chefs d’établissement ont la charge de devoir impulser et encadrer
cette réflexion d’équipe, tout en étant conscients que les pratiques induites par

17
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

le socle commun ne se mettront pas en place sans les enseignants. Et le conseil


pédagogique est à ce titre tout à fait adapté à la réflexion des équipes ensei-
gnantes sur les choix pédagogiques de l’établissement. C’est en quelque sorte
un pouvoir partagé entre les enseignants et les équipes de direction.

Les problématiques des enseignants


Les inquiétudes des enseignants se cristallisent essentiellement, dans un
premier temps, sur l’interprétation des injonctions officielles, les enjeux de ces
nouvelles pratiques, l’articulation de ce socle commun avec les programmes
disciplinaires de chacun et la mise en œuvre effective, tant au niveau des appren-
tissages que de l’évaluation des compétences. La notion de compétences inter-
roge aussi les enseignants, qui apprécient peu de devoir manipuler, enseigner et
évaluer une chose définie par un terme aussi flou. Sont regrettés paradoxalement
à la fois le manque et la masse d’outils mis à disposition.

Des inquiétudes sur le changement de pratiques


• Comment mettre en place l’interdisciplinarité inhérente au socle commun,
sans s’ingérer dans les différents cours et pratiques disciplinaires ?
• Comment se servir des items du socle commun comme fil conducteur dans
les apprentissages ?
• Sur quelles actions ? Des cours, des évaluations, des projets ?
• Comment s’approprier le livret de compétences sur tous les niveaux de
la scolarité du collège, pour construire les compétences dans la durée,
avec tous les élèves ?
• Comment appréhender au mieux les enjeux du socle commun ?
Ces réflexions sur les pratiques d’apprentissage sont également accompa-
gnées d’interrogations sur l’évaluation. Comment et quand évaluer les items du
socle ? Cela reste la première question pour les équipes qui ne parviennent pas
toujours à percevoir l’intégration de ce nouveau mode d’évaluation dans la classe
et qui s’interrogent sur la façon de mettre concrètement en œuvre les évaluations
de compétences. La question de la progressivité des apprentissages de la sixième
à la troisième est centrale. Les équipes confondent encore parfois validation et
évaluation, et se demandent donc à quelle cadence évaluer (alors que la question
ne se pose pas quand il s’agit d’évaluations chiffrées) et à partir de quel moment
on peut raisonnablement valider dans le LPC.

Des inquiétudes pour articuler évaluations chiffrées


et évaluations de compétences
La cohabitation de l’évaluation traditionnelle chiffrée et des compétences
plongent les équipes dans une interrogation légitime. Les équipes enseignantes,
comme les chefs d’établissement, s’interrogent sur l’intérêt de faire perdurer

18
Établir un calendrier et une stratégie de mise en place

un système d’évaluation chiffré qui empêche une véritable discussion sur les
compétences des élèves. De façon un peu étonnante, les équipes s’interrogent
aussi sur l’arbitraire d’un socle commun qui ne serait pas cadré nationalement,
dans les niveaux d’exigence attendus, ou de la difficulté d’évaluer objectivement de
la maîtrise d’une compétence, alors que ces questions peuvent tout aussi bien
se poser pour l’attribution de notes.
La question de l’harmonisation des pratiques d’évaluation, notamment en ce
qui concerne les items transversaux, est au cœur des discussions. La difficulté
d’évaluer certains de ces items interroge les équipes, qui n’identifient dans le
libellé ni contenus disciplinaires précis, ni pratiques courantes d’établissement
permettant une évaluation pertinente. C’est le cas de la participation à des débats,
dans la compétence de maîtrise de la langue, qui reste un item délicat à construire
et à évaluer individuellement et de façon pertinente. Ou de l’item de compréhen-
sion de l’actualité, dans la compétence humaniste, qui nécessite une réactivité
dans les séances de cours. Les équipes ont enfin des préoccupations plus terre
à terre, en ce qui concerne l’évaluation, mais qui restent tout aussi légitimes. Qui
évalue quoi  ? Et sur quel support recueille-t-on et centralise-t-on les différentes
évaluations disciplinaires ou transversales ?

Des inquiétudes liées à la validation certificative


Les équipes qui se sont investies les premières dans cette mise en œuvre du
socle commun reportent assez vite leurs priorités sur les actes d’enseignement,
plutôt que sur celui de la validation. Et cette tendance devrait se confirmer et
se généraliser, si une mise en œuvre du socle pédagogique est enclenchée dans
les établissements. Mais le questionnement autour de la validation certificative
reste foisonnant et varié, malgré la simplification de la validation certificative :
• À partir de combien d’évaluations peut-on considérer un item comme acquis ?
• Dans combien de disciplines différentes ?
• À quel seuil mettre le niveau d’exigence attendu ?
• Doit-on valider tout au long de l’année, ou lors de « conseils de socle » ?
• Combien faut-il d’items dans un domaine, pour qu’il soit validé dans le LPC ?
• Qui prend cette décision ? Qui saisit les validations ?
• Peut-on valider de façon certificative avant la fin de la classe de troisième ?
• Peut-on revenir sur la validation d’un item ?
• Comment valider de façon collégiale les items des compétences transver-
sales, notamment de citoyenneté et d’autonomie ?
Les différents acteurs de cette validation s’interrogent également sur la démar-
che à suivre en cas d’évaluations contradictoires.
• Que décider si le cas se présente ?
• Faut-il revoir le niveau d’exigence de chacun ?

19
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

• Comment gérer les différents regards évaluateurs sur une même compé-
tence, si elle est évaluée en transversalité ou en interdisciplinarité ?
• Quand peut-on être sûr qu’une compétence est définitivement acquise ?
Derrière tous ces questionnements se profile l’inquiétude des enseignants
de ne pas être justes dans leur évaluation, de ne pas réussir à se mettre d’accord
entre eux, alors que la pratique de terrain montre pourtant, notamment dans les
conseils de classe, que les équipes parviennent presque toujours à un consensus
sur l’évaluation collégiale du travail et du comportement d’un élève, malgré des
attentes disciplinaires différentes. Pourquoi ce consensus serait-il possible quand
il s’agit de connaissances, et ne le serait-il pas pour des attestations de compétences ?

Des inquiétudes liées à la prise en charge


des difficultés d’acquisition des élèves
L’accompagnement des élèves en difficulté est une préoccupation majeure
des équipes, tant d’un point de vue structurel que pédagogique.
• Quelle structure de remédiation et quelles aides proposer aux élèves en mal
d’acquisition de compétences ?
• Comment utiliser le livret de compétences, dans ses paliers intermédiaires
(le palier 2, mais également le suivi de la construction des compétences
en sixième, cinquième et quatrième) pour individualiser les parcours
d’apprentissage et d’évaluation des élèves ?
• Comment gérer cette différenciation ?
• Quelle remédiation peut-on externaliser en dehors de la classe ?
• Comment aider les enseignants à l’intégrer dans la classe ?
À travers ces dernières problématiques, on perçoit les grands enjeux du socle
commun que sont la personnalisation des parcours et la prise en charge des
difficultés des élèves. La différenciation de la pédagogie effraye les enseignants,
qui en mesurent mal la charge supplémentaire de travail ou qui refusent le besoin
de formation qu’elle implique.

Des inquiétudes pour utiliser avec pertinence


cet outil de liaison et de communication
• Quelle communication mettre en place autour de ce socle, entre les diffé-
rents acteurs de la vie éducative, mais également avec les élèves eux-mêmes
et leurs parents ?
• Comment rendre le LPC compréhensible aux élèves, afin d’en faire un outil
formatif d’auto-évaluation ? Il n’est pas sûr que la feuille d’attestation donnée
aux familles en cas d’acquisition du socle réponde à ces problématiques.
• Quelle lisibilité donner aux parents dans le suivi de la construction des
compétences, année après année, tout au long de la scolarité au collège ?

20
Établir un calendrier et une stratégie de mise en place

• Comme utiliser le LPC dans la liaison intercycle ? Cet axe de réflexion inté-
resse à la fois les personnels de direction et les enseignants, notamment
dans le cadre de la continuité des apprentissages entre l’école primaire
et le collège, d’une part, et entre le collège et le lycée, d’autre part.
• Comment faire le lien entre les paliers 2 et 3, autour de la continuité
des apprentissages et apporter une aide ciblée et pertinente dès l’entrée
en sixième, pour les élèves qui entrent au collège sans la validation du palier 2 ?
• Comment utiliser le LPC pour faire le lien et établir un suivi pédagogique
en première année de lycée professionnel ?
• Comment partir de l’analyse des compétences lacunaires pour mettre en
place l’aide personnalisée en seconde ?
Face à l’arrivée de cet outil dans les établissements, les équipes se sont trou-
vées démunies. La méconnaissance de l’outil les a empêchées d’en percevoir
les atouts pour la prise en charge des difficultés des élèves. Le socle commun,
de par son contenu interdisciplinaire et transversal, demande une réflexion
d’équipe, autant pour sa mise en place structurelle, que pour sa mise en œuvre
pédagogique. Dans les établissements où l’on a aperçu cet axe systémique,
et où les équipes se sont assises autour d’une table pour réfléchir aux apports
du changement de pratiques dans la résolution de problèmes scolaires récurrents,
le socle commun apparaît comme un outil pertinent pour fédérer les apprentis-
sages des élèves et les enseignements des enseignants.

Les trois axes de la mise en place : pilotage, réflexion et formation


Les chefs d’établissement que nous avons rencontrés sont souvent très
en demande de collaboration étroite avec les équipes enseignantes. En effet,
ils ont pu expérimenter et comprendre qu’une simple information sur une
réforme de cette ampleur ne suffisait pas et, même, était contre-productive.
Plutôt que d’exploiter les spécificités et de croiser les différents regards selon les
disciplines, ce type d’information a pour effet d’exacerber les dissonances. Il leur
faut donc trouver les leviers pour enclencher le changement de pratiques induit
par l’approche par compétences. Ce changement de pratiques permet d’impulser
une dynamique de réflexion et d’innovation, afin de réunir les équipes autour
d’axes de travail fédérateurs.
Les équipes ont de leur côté souvent pris un mauvais départ, puisqu’elles
ont abordé le socle par l’axe de la validation. Même si cette entrée dans le travail
par compétences était obligatoire pour obliger les équipes à changer leurs modes
de fonctionnement, elle a fourvoyé les équipes qui ont agi dans l’urgence. Elle les
a notamment empêchées de percevoir la pertinence du socle commun comme outil
pédagogique capable d’apporter un certain nombre de réponses aux problèmes

21
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

actuels de l’école. Cet axe de la validation certificative et sommative, certes obli-


gatoire, n’est qu’une partie du problème, et de surcroît, la moins intéressante.
Ce n’est que le bilan de tout ce qui aura été mené, en termes d’apprentissage et
d’évaluation, les quatre années précédentes.
Le socle commun nécessite un mouvement synchronisé de l’ensemble des
acteurs d’un établissement, élèves compris. Sa mise en œuvre est donc systé-
mique, c’est-à-dire que les structures nécessitent une adaptation aux nouveaux
changements et besoins pédagogiques.

Le pilotage de cette mise en place


Cette mise en place systémique est à planifier sur plusieurs années : au mini-
mum deux ou trois années, ce qui est déjà beaucoup, à l’échelle d’un établissement
scolaire. Elle est conçue à partir de leviers déterminés par le chef d’établissement
et le conseil pédagogique, selon la culture, la composition de l’équipe enseignante
et éducative, et le public d’élèves de l’établissement.
C’est la connaissance globale et affinée de l’établissement qui permettra
au chef d’établissement de déterminer les leviers les plus pertinents pour conju-
guer et dynamiser les forces en présence. La mise en place du socle est propre
à chaque collège, même si les chefs d’établissement peuvent mener une réflexion
de district, avec les établissements voisins, afin de mutualiser les réponses à des
problématiques communes. À charge du chef d’établissement, en concertation
avec le conseil pédagogique, de développer ce qui relève du pilotage, c’est-à-dire
de déterminer une stratégie de validation des domaines et des compétences géné-
rales, au moment de la validation certificative.
Il est en effet indispensable de libérer les enseignants des problématiques de
la validation, pour leur permettre de s’attacher aux problématiques pédagogiques
que sont la prise en charge des difficultés d’acquisitions des élèves, la différencia-
tion des réponses pédagogiques aux besoins spécifiques de chacun, la mobilisa-
tion des ressources en situation de résolution de problème ou encore le croisement
des regards disciplinaires autour de compétences communes. L’enjeu du socle
commun est de parvenir à intégrer ces pédagogies actives dans les pratiques de
chacun et de tous, au sein d’un établissement, et c’est sur ces questions que doit
se concentrer la réflexion analytique et innovante des enseignants. Le second
axe de pilotage, qui est celui de la réflexion pédagogique dans l’établissement,
permettra de déterminer les besoins en formation des équipes, pour accompagner
le changement de pratiques, ce qui constitue le troisième axe de pilotage.

Enclencher et guider la réflexion pédagogique


Développer la réflexion pédagogique, autour des grandes pratiques d’ensei-
gnement bousculées par l’introduction du socle commun, est une action qui

22
Établir un calendrier et une stratégie de mise en place

a rarement été jugée prioritaire ces dernières années, quand on a plutôt essayé de
gérer une urgence de plus en plus contraignante. Les établissements qui se sont
cependant accordé ce temps de réflexion sont maintenant les plus avancés dans
la mise en œuvre pédagogique et effective du socle commun. C’est un temps qui
existe rarement tel quel dans les établissements, parce qu’on a pris l’habitude de
la discussion pédagogique en formation disciplinaire, encadrée par des formateurs
ou des inspecteurs, et non en équipe de classe, au sein même de l’établissement.
Or c’est bien ce changement d’éclairage qu’exige le socle commun, et c’est bien
une réflexion globale et transversale, autour de l’acte d’apprendre, d’enseigner
et d’évaluer qu’il faut enclencher dans les équipes sur le terrain.
• Comment donc enclencher et encadrer cette réflexion dans les établisse-
ments ?
• Sur quel sujet, polémique ou non, faire travailler les équipes ?
• Comment valoriser la parole de chacun ?
• Comment éviter l’opposition de valeurs, qui bloque inéluctablement la mise
en œuvre du socle commun, pour construire une réflexion commune qui
intègre toutes les opinions ?
C’est à toutes ces questions que doivent répondre les chefs d’établissement,
s’il est vrai qu’ils sont les premiers pédagogues d’un établissement.

Un sujet de réflexion collégiale : les pratiques d’évaluation


L’évaluation est un sujet primordial dans un établissement. Et il est rarement
abordé en tant que sujet de réflexion et d’analyse de pratiques. Quelles modalités
d’évaluation mettons-nous chacun en œuvre dans nos cours  ? Comment valori-
sons-nous les réussites des élèves ? Notre évaluation est-elle formative et peut-elle
aider l’élève à progresser ? Comment va-t-on articuler le double système d’évalua-
tion, chiffrée et par compétences ? L’arrivée de l’approche par compétences dans
les pratiques d’évaluation va exacerber les différentes valeurs de correcteurs en
jeu dans un même établissement. Mais s’entendre et s’écouter, se soumettre
à l’analyse des autres sont des pratiques extrêmement formatrices. On peut
proposer aux équipes de réfléchir, par exemple, à la pratique maîtrisée et
concertée d’une évaluation motivante.
Ce thème, lié à celui de l’évaluation formative, bien que ne portant pas explici-
tement le bandeau « socle commun », fera avancer la réflexion sur la valorisation
de ce que les élèves savent faire, plutôt que sur la stigmatisation de ce qu’ils ne
savent pas.
Cette réflexion peut être encadrée par le chef d’établissement lui-même, par
les corps d’inspection, dans une approche transversale et pluridisciplinaire, ou
organisée en ateliers autour de différents thèmes, dans un souci de délégation
participative. Tout dépend de la capacité des équipes à dialoguer, mais il est fort

23
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

à parier que la dernière solution sera la plus appréciée, si l’on arrive à cadrer
les échanges pour ne pas sombrer dans l’opposition figée des valeurs ou dans
la dérive contestataire.

Le croisement des contenus disciplinaires


pour les items transversaux
Les équipes ont également à installer la transparence interdisciplinaire
induite dans les items transversaux du socle commun. Or, comment croiser les
programmes disciplinaires si l’on n’accepte pas de se dévoiler ? Comment organi-
ser l’évaluation collégiale sur des items communs, sans transparence dans ce que
font les uns et les autres. L’opacité des pratiques est souvent de mise sur ce point.
Prendre le temps pour que chacun montre ce qu’il enseigne et ce qu’il évalue,
et pourquoi pas comment il l’enseigne et comment il l’évalue, est indispensable.
Pas de mise en œuvre pédagogique du socle commun sans transparence didactique.
Montrer ses progressions annuelles au reste de l’équipe de classe est le
moyen le plus efficace de mettre en place la reliance des apprentissages autour
de thématiques d’enseignement communes. Les temps de réflexion existent dans
les établissements, mais il faut les consacrer à cette mise en œuvre pédagogique :
journée de solidarité, conseils pédagogiques, conseils d’enseignement interdis-
ciplinaires, journées de prérentrée, ou heure blanche inscrite dans les emplois
du temps.

Les besoins de formation


Le socle commun fait émerger des besoins en formation transversale. Les offres
de formation transversale existent dans les plans académiques mais les enseignants
qui y participent viennent d’établissements différents. Le retour sur formation est
donc limité à la seule personne qui a participé au stage. Quand cette formation
est réalisée avec une équipe sur le terrain, elle permet de doter l’établissement
d’outils et de réflexions qui agissent directement sur le quotidien des classes
car ils seront compris et partagés par l’ensemble de l’équipe. Cette formation,
encadrée par des formateurs extérieurs, permet l’instauration d’une parole collec-
tive respectueuse et efficace, et s’appuie sur un programme de formation établi
conjointement par l’équipe de direction et les enseignants. Ce contrat tripartite sera
l’aboutissement d’un travail collégial du conseil pédagogique, par exemple.
Les besoins de formation identifiés peuvent concerner l’intégration du dispositif
des tâches complexes dans les pratiques de classe, la prise en charge des difficultés
d’acquisition de compétences des élèves à travers une pédagogie de la remédia-
tion, qui analyse les causes d’erreurs et qui implique l’élève dans sa formation,
ou la différenciation de la pédagogie à travers toutes ces nouvelles pratiques de
classe. À travers ces trois grandes thématiques pourront être proposés des apports
en formation sur les corrections différenciées, le travail en groupe d’apprentissage,

24
Établir un calendrier et une stratégie de mise en place

les profils d’apprentissage et de mémorisation des élèves, ou encore les impacts


de l’approche par compétences sur la dynamique motivationnelle.
Toutes ces formations, réparties sur plusieurs années, à la demande
des équipes enseignantes, selon les besoins qui surgiront au cours de la mise
en œuvre, permettront aux équipes de se former à l’analyse de pratiques
et à l’autoformation, individuelle ou collective. L’approche systémique est donc
bien une approche globale, qui part du LPC pour arriver à l’individualisation
du regard collectif porté sur les besoins d’un élève par une équipe enseignante
formée à cette prise en charge des difficultés scolaires. Mais cela ne se fera
pas sans réflexion ni formation.

Déterminer une stratégie de mise en œuvre


Une stratégie de validation
Trouver une stratégie de validation, qui enclenche les nouvelles pratiques
au lieu de les figer, protège les enseignants du piège des croix dans les cases.
La réflexion des équipes se repositionne alors en amont sur des apprentissages
et des évaluations qui répondent aux problématiques de l’approche par compé-
tences.

La validation d’un domaine


• Sur quel principe de validation d’un domaine mettre les équipes d’accord ?
• Comment croiser et accorder les avis et regards sur les compétences
acquises ou non par un élève ?
Valider le domaine LIRE de la compétence de maîtrise de la langue répond
à des exigences de contenus d’enseignement que l’on retrouve dans les libellés
des items qui constituent ce domaine. Savoir lire, c’est lire tout type de texte,
en en dégageant les éléments explicites et implicites, en adaptant son mode
de lecture et en utilisant ses connaissances sur la langue.
Un domaine est validé pour des élèves qui ont prouvé qu’ils maîtrisaient,
à la fois dans la discipline d’apprentissage et dans des disciplines mobilisatrices,
les items qui le constituent. Ce principe de validation, qui est en fait un principe
pédagogique, va en effet orienter la réflexion des enseignants vers la mobilisation
et l’utilisation à bon escient des ressources construites et évaluées.
Ce principe a le mérite de croiser avec pertinence le regard expert des disci-
plines qui construisent les compétences, avec celui des disciplines qui les utilisent.
C’est une stratégie qui s’applique par exemple très bien à l’évaluation de la maîtrise
de la langue. Une fois les items construits et évalués dans le cours de français,
il est très pertinent que les autres disciplines puissent porter un regard évalua-
teur sur la façon dont les élèves utilisent ce qu’ils ont appris. Cela leur indique de

25
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

plus très fortement l’importance accordée à la maîtrise de la langue dans toutes


les disciplines et dans toutes les situations de communication, qu’elles soient
écrites ou orales.

La validation d’une compétence générale


La question du niveau d’exigence attendu pour la validation des domaines
se posera également pour celle d’une compétence générale. Il sera difficile d’attes-
ter de la maîtrise d’une compétence générale avec un domaine non validé. Mais
il est important de proposer, aux élèves les plus en difficulté, des évaluations
différenciées de ces domaines lacunaires, afin de ne pas empêcher la validation
d’un socle commun qui serait acquis dans son ensemble.

Les cartes de compétences


Les élèves les plus fragiles risquent en effet de ne pas valider le socle commun
sans une différenciation des évaluations proposées. Ce risque existe, malgré une
remise au travail effective et des efforts fournis dans la construction des compé-
tences. Le livret de compétences contient en effet, pour ces élèves, trop de champs
variés d’apprentissages et rend impossible toute compensation disciplinaire. Or
il faut bien que les équipes enseignantes aient en tête l’ampleur des compétences
exigées dans l’ensemble des disciplines et l’impact sur la validation du socle
quand un domaine entier n’est pas acquis.
Il ne s’agit nullement de « donner » le socle à des élèves qui n’ont pas les compé-
tences attendues, mais de chercher s’il n’existe pas d’autres supports, méthodes ou
principes d’évaluation à leur proposer pour nous prouver qu’ils ont ces compétences.
Notre expérience nous a montré que ces élèves peinent, en général, à acquérir
les items des compétences de langues étrangères, les domaines concernant les outils
mathématiques et les items d’autonomie. Mais il faut prendre conscience qu’un élève
qui a tout validé, sauf le domaine des mathématiques, n’aura pas son socle. Quelle
image lui donne-t-on de la prise en compte des efforts effectués dans l’ensemble
des disciplines si cette scolarité se solde sur un échec ? Aucune compensation entre
les compétences n’est possible, mais un élève qui a travaillé sérieusement tout
au long de sa scolarité, et qui a prouvé qu’il avait des compétences dans la plupart
des champs évalués, ne peut quitter le collège sur un sentiment d’échec, parce
qu’il lui manque une seule compétence. C’est ignorer le reste de ses acquis. C’est
pour cela que, sans galvauder le niveau d’exigence attendu dans la maîtrise d’une
compétence, ou les évaluations expertes que nous leur donnons, il est nécessaire de
réfléchir à cette problématique de la validation certificative, pour les élèves en décro-
chage scolaire. Des cartes de compétences, liées aux apprentissages attendus dans
les lycées professionnels, selon les vœux d’orientation de ces élèves, peuvent être
une réponse appropriée. Il faut pour cela croiser les apprentissages fondamentaux
de ces filières et les attendus en termes de compétences professionnelles avec les
items du socle commun, tout en imaginant un contenu d’apprentissage dispensé

26
Établir un calendrier et une stratégie de mise en place

dans le cadre d’un programme de remédiation visant à consolider les acquis néces-
saires à la voie d’orientation professionnelle demandée.
Prenons l’exemple de l’orientation dans les filières de la restauration.

Carte de compétences pour les élèves en grande difficulté


Métier : restauration
Parcours de formation après la troisième : Bac pro tertiaire

Qualités requises Items du socle correspondants

Autonomie C7 : Autonomie et planification


Sens de l’organisation du travail

Créativité C7 : Manifester créativité

Hygiène C6 : Connaître les comportements favorables


à sa santé et à sa sécurité

Résistance physique C7 : Mobiliser à bon escient ses capacités


motrices dans le cadre d’une pratique
adaptée à son potentiel

Enseignements professionnels Compétences à acquérir


Compétences attendues

Commercialisation C1 : Adapter son mode de parole


à la situation de communication

S’adapter au client C1 : Rédiger un texte bref


en respectant des consignes
C1 : Participer à un débat

Préparer C7 : S’investir dans un projet collectif


un argumentaire de vente

Organisation C7 : Mobiliser à bon escient ses capacités


et animation d’une équipe motrices dans le cadre d’une pratique
adaptée à son potentiel

Évaluer le coût et calculer C6 : Savoir utiliser quelques notions


le prix des prestations économiques et budgétaires de base
C3 : Maths

27
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Enseignements généraux Compétences à acquérir


Compétences attendues

SVT : Nutrition, aliments Programme de quatrième

Maths : Proportionnalité Outils mathématiques


C3 : Connaître et utiliser les nombres entiers,
décimaux et fractionnaires
C3 : Mener à bien un calcul selon des modalités
adaptées : calcul mental, à la main,
à la calculatrice, avec un ordinateur

Droit du travail C6 : Connaître quelques notions juridiques


et environnement juridique de base

Les qualités transversales requises dans les métiers de la restauration sont l’autonomie,
le sens de l’organisation, le respect des règles d’hygiène, la créativité et une certaine
résistance physique. Or on peut faire correspondre les items du socle de la compétence
d’initiative et d’autonomie, à savoir l’autonomie, la prise d’initiative, la manifesta-
tion de créativité, l’adaptation de son potentiel physique à la tâche demandée, et dans
la compétence de citoyenneté, l’item de santé et de sécurité.
Des compétences plus disciplinaires apparaissent à travers la lecture des programmes
d’enseignement de cette filière. On demande en effet aux élèves de savoir s’adapter au
client, d’organiser un argumentaire de vente, et de savoir évaluer le coût de prestations.
Les compétences de maîtrise de la langue et des outils mathématiques correspondent
à ces exigences, si l’on adapte un peu les apprentissages, pour les élèves décrocheurs, à
qui l’on veut continuer de proposer une offre de formation jusqu’à la fin de la scolarité
obligatoire.
Le programme de SVT de quatrième peut être réactivé en ce qui concerne les aliments
et la nutrition, afin de préparer les enseignements généraux de la filière. En maths,
on insistera sur les règles de la proportionnalité, et l’on pourra raccrocher ces élèves
en géographie en les faisant travailler, par la différenciation de la pédagogie, sur
des spécialités culinaires des régions de France ou du monde.

Au second trimestre de la classe de troisième, il devient utopique, pour


des élèves qui ont depuis longtemps perdu pied à l’école, de mettre en place
des remédiations sur les contenus disciplinaires de la classe de troisième. Mais
il n’est pas trop tard pour leur proposer des évaluations différenciées des compé-
tences qui constitueront pour eux le bagage indispensable dans le projet de vie
et de formation qu’ils se seront construit.

28
Établir un calendrier et une stratégie de mise en place

Une planification des validations certificatives


Une planification de la validation certificative, sur les trois trimestres
de la classe de troisième, est pertinente pour aider à créer une lisibilité dans
les avancées des élèves et pour pouvoir mettre en place les accompagnements
personnalisés nécessaires. Cela permet en plus d’intégrer plus facilement la vali-
dation des items transversaux dans les différents conseils de classe et de ne pas
surcharger davantage les équipes avec des séances de validation en fin d’année.

La validation anticipée en classe de quatrième


Si la validation anticipée de certains items non complexifiables était justi-
fiée avant la simplification annoncée du processus, elle est plus délicate quand
il s’agit de domaines entiers de compétences. Il est donc important de vérifier que le
domaine qu’on validera ainsi de façon anticipée soit conforme au niveau d’exigence
attendu à la fin de la classe de troisième.
Par exemple, dans la compétence de maîtrise de la langue française, on peut
considérer que l’item « Reproduire un texte sans erreur et avec une présentation
adaptée  » peut être évalué dès qu’on en a observé la maîtrise, alors que l’item
«  Repérer les informations dans un texte à partir des éléments explicites et des
éléments implicites nécessaires » devra bien être évalué sur des textes proposant
une complexité de compréhension adaptée à la classe de troisième, et tenir compte
du degré d’implicite exigible à la fin de la scolarité obligatoire. Si l’on tient de plus
comme principe pédagogique de travailler la mobilisation des ressources en tâche
complexe, on voit bien que cela demandera un temps d’apprentissage et une
maturité qu’il est déraisonnable de valider avant la fin de la classe de quatrième.
Il est par contre très pertinent, pour certains items transversaux notamment,
d’envisager la construction des ressources en classe de quatrième, et d’en évaluer
la mobilisation autonome en classe de troisième. C’est le cas par exemple du
domaine DIRE de cette même compétence. En effet, construire ces compétences
d’oral dès la classe de quatrième facilite leur évaluation lors de l’entretien d’histoire
des arts, à la fin de la classe de troisième.

Des leviers à identifier


Les chefs d’établissement font donc le choix d’un certain nombre de leviers
pour enclencher un changement de pratiques chez les enseignants et les élèves,
en faisant coïncider les points d’étapes annuels dans un établissement et
les échéances programmées dans la mise en œuvre du socle commun. Réfléchir
à cette corrélation avec les points d’étapes, lors de réunions de district avec
les autres chefs d’établissement du bassin, permet, face à une population aux
problématiques le plus souvent communes, de mutualiser les outils créés. Des
réflexions pédagogiques sont à mener dans les établissements sur de grandes
problématiques d’enseignement comme l’évaluation, la différenciation de la

29
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

pédagogie, la prise en charge de la difficulté scolaire, ou l’autonomie attendue dans


le travail personnel.
Certains établissements choisissent d’entrer dans cette mise en œuvre grâce
aux réunions de liaison entre l’école primaire et la sixième et d’utiliser les PPRE
passerelles pour enclencher la réflexion et le changement de pratiques chez les
enseignants. C’est le cas notamment des établissements ECLAIR ayant fait le choix
de préfets des études du premier degré. D’autres chefs d’établissement font le
choix de créer des « quatrièmes pilotes », avec une équipe enseignante volontaire
pour expérimenter des pratiques nouvelles. Cette solution semble rassurer les
équipes et peut se répercuter très rapidement sur les pratiques mises en œuvre
dans les autres classes.
Le choix de travailler sur l’ensemble du niveau quatrième peut être également
un levier intéressant, qui permet de travailler en amont de la validation certificative,
pour la construction des compétences à valider.
D’autres établissements entrent par le biais des épreuves communes, géné-
ralement organisées dans certaines disciplines, en proposant des évaluations
communes de compétences.
Utiliser les différents projets existants pour évaluer les acquis construits par
compétences permet de rassurer les équipes et de leur montrer que tout n’est pas
à refaire, même si une seconde phase d’affinement pédagogique est nécessaire
pour répondre à tous les enjeux de l’approche par compétences. Entrer dans
le socle par l’axe de l’évaluation permet en effet aux enseignants de se rendre
compte très rapidement de la nécessité d’adapter les apprentissages aux spécifi-
cités de l’évaluation par compétences.

Les instances d’appui : conseils pédagogiques et conseils de classe,


référents pour la mise en place et district
Le conseil pédagogique :
une instance stratégique pour le socle
Les conseils pédagogiques apparaissent dans la loi de 2005, tout comme
les PPRE, conjointement à la mise en place du socle commun. Ils ne sont pas
encore utilisés, dans la plupart des établissements, à leur juste valeur, alors qu’il
s’agit d’un outil de discussion collégiale, de concertation et de prise de décision
pédagogique très pertinent. Bien que n’étant qu’une instance consultative, elle
est néanmoins le lieu de travail de l’équipe de direction et des enseignants autour
des grandes problématiques d’enseignement. Le conseil pédagogique est convo-
qué selon les besoins d’une équipe. C’est dans ce cadre que peut être construite
la transversalité des enseignements. Le conseil pédagogique peut avoir en charge
plusieurs missions indispensables dans le calendrier de la mise en place du socle.

30
Établir un calendrier et une stratégie de mise en place

• Déterminer la stratégie de validation certificative à la fin de la troisième,


ainsi que le calendrier des différentes évaluations collégiales proposées
dans les conseils de classe.
• Déterminer les contenus d’apprentissage de certains grands items trans-
versaux, comme ceux d’autonomie, par exemple, ou ceux concernant la
pratique de l’oral.
Le conseil pédagogique rassemblant des enseignants de tous les pôles et
de tous les niveaux, il est le lieu idéal pour réfléchir à la construction et à l’éva-
luation de ces items transversaux sur les quatre années du collège. À ce conseil
de construire le squelette et l’enveloppe du socle commun. Même s’il n’est pas
l’unique préoccupation des équipes actuellement, le socle commun canalise
les attentes de la communauté éducative, et il faut lui consacrer le temps que
nécessite l’enclenchement à long terme du changement de pratiques.
Le conseil pédagogique doit mener une réflexion collégiale sur la prise en
charge des difficultés des élèves, sur les possibilités de différenciation péda-
gogique, sur la gestion du travail personnel des élèves, ou sur les pratiques
d’évaluation en place dans l’établissement. Quels coefficients applique-t-on dans
les différentes disciplines, quelle valorisation des réussites des élèves est-elle
mise en place  ? Ne pervertit-on pas parfois le rôle de l’évaluation, en l’agitant
comme une sanction ? Toutes ces questions, bien que ne portant pas la mention
« Socle commun », amènent les enseignants à analyser leurs rapports à l’évalua-
tion formative, ce qui permet de positionner l’évaluation par compétences dans
une perspective plus pédagogique, et non plus uniquement certificative. Tout
l’enjeu de ces discussions, qui doivent être cadrées pour ne pas déraper, sera
de bousculer les équipes, ensemble, sur les pratiques mises en œuvre au sein
d’un même établissement. Elles seront parfois houleuses, mais elles ne sont pas
à craindre, ni à éviter, car elles sont au cœur des nouvelles problématiques.

Les conseils de classe


Étant par excellence le lieu de la parole collégiale, le conseil de classe semble
le lieu idéal pour les discussions d’équipe autour des compétences des élèves.
Mais pour faire une place à l’évaluation par compétences, il faut réduire celle
de l’évaluation chiffrée. En faisant disparaître des bulletins, et des documents
distribués en conseil de classe, les moyennes générales des élèves, on centre la
discussion autour des compétences. En effet, privés d’un indicateur d’analyse,
les enseignants sont obligés de s’appuyer sur d’autres. Quand un élève a 11
de moyenne générale, on ne peut s’empêcher de penser qu’il est moyen. On
voit bien comment la compensation des disciplines, dans la moyenne générale,
empêche les équipes enseignantes d’appréhender avec précision les difficultés
des élèves. Et dire qu’un élève a progressé, parce qu’il a augmenté sa moyenne
de 12,3 à 12,7, est aberrant quand on prend en compte l’arbitraire inhérent à

31
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

une notation chiffrée et l’absence des élèves à certains devoirs. Une moyenne
générale ne nous dit rien que le comportement d’apprenant d’un élève. Le conseil
de classe peut repérer les domaines de compétences en souffrance pour les élèves
les plus fragiles et proposer une prise en charge de ces difficultés pour le trimestre
suivant. Il peut de plus se prononcer sur l’évaluation collégiale de certains items
transversaux, pour lesquels les critères de réussite ont été préalablement expo-
sés, en début de conseil, pour permettre à chacun d’appuyer son expertise sur
des critères communs à tous. Un document simple et fonctionnel permet à un
enseignant, responsable de la prise de notes pendant le conseil, de garder trace
de toutes ces discussions autour des besoins des élèves. Ce document aidera
le professeur principal à mettre en place, par la suite, ce qui aura été préconisé par
le conseil de classe.

Des référents pour le socle commun


Dans les établissements ECLAIR, ce sont les préfets des études qui ont endossé
le rôle de coordonnateurs de la mise en place du socle, ce qui correspond aux
missions qui leur sont attribuées. En effet, la transversalité et l’interdisciplina-
rité demandent un minimum d’organisation et de communication structurelle,
ne serait-ce que pour synthétiser les réflexions menées dans les divers conseils
pédagogiques ou ateliers de travail, ou créer les outils nécessaires à la concer-
tation d’équipe. Il est donc intéressant qu’un binôme d’enseignants, issus de
pôles différents, prenne en charge ce travail de mise en place de la transversalité.
À la différence de la concertation pédagogique, qui fait partie de la mission
des enseignants, c’est là une surcharge de travail, au bénéfice de l’ensemble
de l’établissement, qui doit être reconnue.

Le district
Les chefs d’établissement peuvent s’appuyer sur les réflexions menées en
réunions de district, avec les autres chefs d’établissement des collèges envi-
ronnants. Les problématiques sont communes, puisque le public d’élèves est
souvent identique. Des actions de district peuvent être mises en place, avec des
enseignants volontaires dans tous les collèges. Cela permet une discussion péda-
gogique décontextualisée de la vie quotidienne et des problèmes spécifiques d’un
établissement, et offre le recul nécessaire aux enseignants souhaitant enclencher
un changement dans leurs propres pratiques, notamment dans les établissements
offrant une forte résistance. La possibilité de mutualiser les outils ou les activités
pédagogiques, et d’échanger autour de l’analyse des pratiques engagées, est une
autoformation efficace.
Une réflexion autour des compétences de citoyenneté et d’autonomie, un peu
délaissées dans les établissements au niveau des contenus d’apprentissage, est

32
Établir un calendrier et une stratégie de mise en place

pertinente, surtout en concertation avec les enseignants des lycées professionnels ou


généraux du district. Elles permettent d’agir en effet directement sur le climat scolaire.
Le socle commun est un outil de terrain, et c’est avec les partenaires locaux,
internes et externes, qu’il faut envisager et travailler sa mise en œuvre, notamment
dans la continuité des apprentissages et l’harmonisation des critères d’évaluation.

33
2
Se former
aux changements de pratiques

C   e chapitre s’adresse autant aux chefs d’établissement, qui impulsent la


  dynamique de réflexion, qu’aux formateurs qui assurent des formations locales
avec l’ensemble de l’équipe d’un établissement, ou aux enseignants qui sont au
cœur de la réflexion à mener sur ces changements de pratiques et de sa mise
en œuvre sur le terrain.

Un changement de pratiques avec les chefs d’établissement


Rien ne changera dans un établissement si le chef d’établissement n’est pas
partie prenante du changement de pratiques.

Une dynamique à impulser


Les chefs d’établissement sont confrontés à la nécessité d’apporter à leur
équipe des formations à la fois disciplinaires et transversales pour accompagner
le changement de pratiques, et pour répondre aux nouvelles problématiques
d’enseignement. La mise en œuvre du socle commun doit être appréhendée
de façon raisonnable et raisonnée, tout en étant accompagnée d’une réflexion
importante sur les pratiques d’enseignement qui en découlent. Le positionne-
ment des enseignants et des élèves face aux apprentissages est repensé, dans
sa globalité. Le socle commun induit des réflexions croisées entre une mise
en place locale, dont l’impulsion est à la charge des personnels de direction
dans le cadre de l’autonomie des établissements, et une mise en place globale
qui réponde à des injonctions nationales.

Une réflexion sur les structures


Les chefs d’établissement ont à organiser le temps de concertation nécessaire
à la mise en place de la transversalité, à la réflexion sur les changements
de pratiques d’évaluation, et donc d’enseignement, à l’intégration de l’approche

35
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

par compétences dans les habitudes de l’établissement, à l’organisation de


la communication avec les élèves et leurs parents sur ces nouveaux enjeux.
Une réflexion est donc à mener sur des emplois du temps qui permettent aux
disciplines de se rencontrer ou qui prévoient la prise en charge ponctuelle
de certaines difficultés d’acquisition de compétences. Pour que les structures
d’aide deviennent des structures de prise en charge des difficultés des élèves,
et non plus de prise en charge des élèves en difficulté, elles doivent être souples,
mouvantes et réactives, ce qui nécessite la gestion de flux mouvants d’élèves
et un partenariat étroit avec la vie scolaire. Face à ces changements énoncés,
il appartient aux chefs d’établissement de rassurer, de convaincre, de persuader
et de fédérer puisqu’ils sont en effet les garants de cette mise en place locale et
au quotidien.

Un changement de pratiques pour les enseignants


Un ciment dans la vie de l’établissement
Tous les moments de la vie d’un établissement sont à repenser à la lumière
du socle commun, sans en faire l’obsession de tout enseignement, mais sans en
réduire non plus l’enjeu à une séance de « croix », en fin d’année de troisième.
Il faut intégrer la construction et l’évaluation des compétences :
– dans les enseignements disciplinaires ;
– dans les conseils pédagogiques ;
– dans les conseils de classe ;
– dans les projets et les sorties ;
– à travers les aides apportées aux apprentissages des élèves ;
– dans les évaluations communes ;
– en créant des liens avec la vie scolaire et le CDI ;
– en liaison avec les écoles primaires et le lycée ;
– à travers la communication avec les parents ;
– dans les projets d’établissement et les demandes de formation.
Le socle devient, de fait, un objectif commun, un ciment du projet d’établis-
sement. Mais parallèlement à ces réflexions locales, les enseignants font face
à la diversité des discours disciplinaires sur l’intégration des compétences dans
les pratiques, sur l’investissement à avoir dans les apprentissages transversaux
et dans l’articulation des items du socle avec les programmes disciplinaires.
Cette diversité, bien que légitime, est souvent source de confusion et empêche
les équipes de trouver un fonctionnement commun et satisfaisant pour tous.
Le socle peut fédérer, ou au contraire accentuer, les dissonances au sein d’une
équipe, s’il n’est pas appréhendé par les axes communs.

36
Se former aux changements de pratiques

De nouveaux enjeux
La stratégie bâtie par les personnels de direction et les enseignants, après
une analyse des enjeux et besoins, consolide la culture commune des différents
acteurs d’un établissement. C’est en cela que réside la nouveauté : une équipe sur
le terrain, face à un public d’élèves, qui met en place l’apprentissage, l’évaluation
et la validation des items du LPC. Le socle commun pose donc une problématique
complexe. Seule une approche systémique, qui tienne compte de l’ensemble
des pratiques des uns et des autres dans un établissement, pourra articuler
le pilotage, la réflexion pédagogique et les demandes de formation, afin d’en opti-
miser l’interaction et ainsi rendre plus efficientes les mesures mises en œuvre.
La stabilité des équipes éducatives est certainement un atout important, au moins
au début de la mise en place du socle commun, et il faut veiller à communiquer
les stratégies transversales et interdisciplinaires, chaque année, aux nouveaux
arrivants. La culture de l’établissement va en effet en être renforcée, comme pour
la prise en charge de l’enseignement de l’histoire des arts, très variable selon les
établissements.
Il est en effet courant, quand on rencontre des équipes en formation, de
demander «  Comment est organisée l’histoire des arts, chez vous  ?  ». Le socle
commun offre un cadre national plus rigide, puisque le LPC est immuable, mais
on voit se multiplier cependant, de la même façon, les stratégies de mises en place.

De nouveaux besoins de formation pour les enseignants


Ces nouvelles pratiques induites par le socle commun font ainsi naître de
nouveaux besoins en formation pour les enseignants. L’approche par compétences
a en effet ses particularités pédagogiques, sinon, valider le LPC à la fin de la scola-
rité obligatoire se résumerait à faire des croix pour attester ou non d’apprentissages
plus ou moins construits en cours d’année.

Les formations locales


Les formations locales, demandées par les établissements, semblent mieux
adaptées que celles offertes dans les plans de formation académiques. En effet,
il s’agit de mener une réflexion de terrain en équipe, et il est peu productif,
du point de vue de la mise en place, de se former dans un cadre décontextua-
lisé des problématiques de son établissement ou du district. Il faut au contraire
une formation de proximité, qui réponde aux besoins précis et ponctuels d’une
équipe, en tenant compte de la culture de l’établissement, des forces en présence,
des appuis et des alliances possibles. Des formations à initiative locale donc,
plutôt que les stages dans les plans académiques de formation. Ou en tout cas,
une articulation des deux.

37
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Encore faut-il que le contrat tripartite, entre les chefs d’établissement,


les équipes et les formateurs soit clairement formulé, et que les équipes n’aient
pas l’impression qu’on les force à se former, parce qu’elles sont incompé-
tentes ou complètement ignorantes sur le sujet. Encore faut-il que les forma-
teurs parviennent à trouver une entrée de formation qui permette de mettre
au travail une équipe interdisciplinaire. Car l’enjeu est bien là  : aborder une
réflexion pédagogique globale, sans craindre le groupe interdisciplinaire. Effacer
momentanément les spécificités disciplinaires pour rapprocher des professionnels
de l’enseignement. Il faut alors convaincre les équipes de la nécessité de travailler
en toute transparence, d’ouvrir les portes et de mettre à disposition les contenus
d’apprentissage, de permettre la mobilisation de ressources construites dans
sa discipline dans une autre discipline.
L’approche par compétences nous demande de nous interroger sur des problé-
matiques générales et transversales d’enseignement et d’apprentissage. En dépla-
çant l’éclairage porté sur l’acte d’apprendre, on demande aux enseignants de se
positionner autrement face aux apprentissages.
Enclencher ensemble cette réflexion, c’est :
– se mettre en confiance ;
– accepter de se fragiliser le temps du changement de pratiques ;
– s’interroger ;
– essayer et innover ;
– se confronter au regard et à l’expertise des autres ;
– s’initier à l’analyse réflexive, sans jamais stigmatiser telle ou telle pratique.
C’est découvrir ce que les élèves vivent et apprennent, heure après heure, tout
au long d’une journée, d’une semaine ou d’une année, passées au collège.

Une première phase de formation


La mise en œuvre du socle commun s’envisage raisonnablement en plusieurs
phases : les premières phases ont pour objectif de cadrer la réflexion transversale
et d’initier les équipes à l’analyse réflexive, en les aidant à évaluer la pertinence
des outils ou des actions innovantes mises en œuvre. C’est suite à cette analyse
réflexive qu’il sera intéressant, dans une seconde phase, de déterminer les apports
en formation nécessaires pour aider les équipes à prolonger cette mise en œuvre.

La mise en place de la transversalité


La première phase peut être centrée sur la découverte des problématiques
disciplinaires des uns et des autres. Rien de tel que la lecture par tous des préam-
bules de tous les programmes disciplinaires, pour avoir un bon aperçu de ce qui
préoccupe les collègues, quand on parle de compétences. La première approche
est donc transversale. Proposer aux équipes d’appréhender le socle commun

38
Se former aux changements de pratiques

par cette entrée a le mérite de les confronter ensemble aux problématiques


de l’approche par compétences, et donc d’envisager des solutions communes qui
fassent consensus. Cela est efficace si toutefois on cible bien des problématiques
pédagogiques. Choisir un outil numérique commun, par exemple, action que l’on
peut considérer comme prioritaire pour répondre aux besoins d’un outil dématé-
rialisé, est important pour rassurer les équipes et organiser la parole collégiale,
mais cela n’enclenchera nullement le changement de pratiques attendu, tant
que la distinction entre évaluation et validation ne sera pas claire pour tous et que
l’approche par compétences ne sera pas intégrée aux pratiques des enseignants.

Cibler des actions pédagogiques


Demander aux équipes d’écrire des épreuves communes par compétences,
disciplinaires ou interdisciplinaires, est une action très efficace pour enclencher
la mise en œuvre. Cela oblige les enseignants à :
– croiser le référentiel de compétences avec les contenus des programmes ;
– déterminer des niveaux d’exigence et des critères de réussite ;
– prévenir les élèves et leurs parents de ce nouveau type d’évaluation ;
– planifier les apprentissages en amont.
On est bien dans une approche systémique qui allie le pédagogique et
le structurel. Un retour sur l’écriture et sur les échecs et les réussites des élèves
sera primordial pour prendre conscience qu’une succession de questions ne
répond pas du tout aux attentes d’une évaluation de compétences et que l’évalua-
tion a obligé les élèves à utiliser des connaissances ou procédures qui n’avaient
pas été envisagées, voire pas enseignées. Cela permet aussi de se rendre compte,
dans le cas d’épreuves communes par compétences, que l’on n’a pas les mêmes
valeurs de correcteurs selon les disciplines, et surtout, en ce qui concerne les
items transversaux, de réaliser qu’on utilise parfois dans plusieurs disciplines
le même vocabulaire dans des acceptions différentes. Tout cela permet d’envi-
sager les apprentissages des élèves dans leur globalité et de percevoir les
dissonances disciplinaires qui sont des sources involontaires de confusion et de
difficultés pour nos élèves.

Dans notre expérimentation au collège, nous avions écrit, dès 2008, des évalua-
tions transdisciplinaires. Nous voulions en effet voir si nos élèves étaient capables de
réutiliser des connaissances enseignées dans diverses disciplines, sans que cette disci-
pline soit explicitement identifiée. À l’époque, « transdisciplinaire » nous semblait le
terme approprié et nous entendions, dans ses résonances, les notions de « transfert »,
de « transparence » et de « transversalité ». Nous avions choisi d’entrer par l’axe de
l’évaluation, ce qui était déjà plus en adéquation avec une approche pédagogique, plus
que celui de la validation. Comme il nous semblait important de choisir un support
d’évaluation suffisamment complexe, pour couvrir plusieurs champs disciplinaires,
nous avons écrit des évaluations d’histoire des arts : un tableau de peinture à analyser,

39
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

une photographie d’actualité, une construction hydraulique, un opéra, etc. Ces évalua-
tions transdisciplinaires étaient imparfaites et insatisfaisantes, puisqu’elles présentaient
une succession de questions disciplinaires. Les élèves y répondaient sans percevoir le sens
attendu par les réponses, et cela nous a paru très vite tout à fait insuffisant pour attester
de la maîtrise d’une compétence.
Mais ces évaluations transdisciplinaires ont été le levier qui a enclenché le change-
ment de pratiques parce qu’elles nous ont confrontés aux problèmes pédagogiques liés
au travail et à l’évaluation par compétences. Elles nous ont obligés à nous interroger,
lors de la séance de correction collective que nous avions organisée, sur la lisibilité
de nos consignes, sur les niveaux d’exigences que nous attribuions à un item commun,
sur l’harmonisation des critères de réussite attendus. Nous nous étions dévoilés au
regard des autres, dans nos valeurs de correcteurs et dans nos spécificités disciplinaires.
Nous n’étions pourtant pas très loin de l’idée de tâches complexes et de la mobilisation
des ressources interdisciplinaires, dont nous n’avons découvert la pertinence que plus
tard. Nous venions par contre de découvrir la nécessité d’une concertation pédagogique
interdisciplinaire autour des compétences transversales et interdisciplinaires du LPC.

Réfléchir aux spécificités de l’évaluation par compétences


Pour faire une place à l’évaluation par compétences, il s’agit de bien en perce-
voir les spécificités par rapport à l’évaluation chiffrée habituelle. Les enseignants
sur le terrain s’interrogent sur les niveaux d’exigence attendus pour le socle
commun. C’est le «  niveau minimum exigible  » qui perturbe les équipes, qui
y voient un nivellement par le bas, une réduction des exigences, alors que travailler
par compétences ne cesse au contraire de faire monter le niveau réel des appren-
tissages, pour l’ensemble des élèves. C’est un malentendu à clarifier.
Le socle commun constitue un ensemble de ressources «  indispensables  »
à faire acquérir à l’ensemble des élèves, alors que les programmes sont un horizon
« souhaitable » à faire acquérir à un plus grand nombre possible. En introduisant
le socle commun dans nos critères de jugement sur les performances des élèves,
nous nous sommes dotés de filets de sécurité. En lettres, par exemple, il était
difficile de motiver certains élèves sur l’ensemble de l’année, avec comme unique
perspective la préparation et l’obtention du DNB. Certains élèves ne l’auront pas
et le savent très bien dès le début de la troisième. Travailler les compétences
du socle permet de leur offrir un nouvel horizon d’attente, et les amène parfois,
de façon surprenante, à obtenir le brevet des collèges.
Les premières grilles d’aide à l’évaluation, disponibles sur le site Eduscol
dès 2007, déclinaient les niveaux d’exigence des compétences du socle en trois
niveaux de construction : cycle d’adaptation, cycle central et cycle d’orientation.
Ces grilles ont permis aux équipes qui les ont utilisées de comprendre qu’une
compétence se construit dans la durée, qu’il n’est possible de porter un regard
évaluateur certificatif que si les apprentissages ont été menés sur l’ensemble de
la scolarité.

40
Se former aux changements de pratiques

L’appropriation du référentiel
Lors d’une activité de formation, on peut laisser un moment d’appropriation
du référentiel par les enseignants, pour faire le lien entre les programmes disci-
plinaires et les pratiques de classe de chacun. La seule lecture du référentiel du
socle ne suffit pas, il faut passer par un croisement du référentiel du socle et des
programmes, pour identifier les items qui relèvent de nos programmes, de nos
pratiques de classe ou d’établissement. Si un temps d’appropriation des compé-
tences transversales est nécessaire, un autre temps d’appropriation du référentiel
par les équipes disciplinaires est indispensable. L’acquisition des compétences
du socle commun doit en effet être intégrée dans les progressions annuelles
disciplinaires.
Pour la technologie par exemple, les items à évaluer pour le socle constituent
un mini-programme par rapport aux référentiels de connaissances et de capacités
des programmes de technologie. En effet, un peu moins de la moitié des items
de technologie relèvent de l’évaluation du socle commun et nécessitent donc
d’être évalués en situation de mobilisation inédite.
D’autres disciplines, comme les lettres par exemple, intègrent la construction
et l’évaluation des items de la C1 et de la C5 dans une progression spiralaire,
puisque la lecture, de textes patrimoniaux ou autres, l’écriture et l’oral sont
des domaines de compétences qui traversent les enseignements de maîtrise de
la langue et de constitution d’une culture humaniste. Les supports pourront être
différents cependant, qu’il s’agisse du niveau attendu pour le socle commun
ou celui du DNB, à la fin de la troisième.
Vient ensuite le moment de la répartition des items en équipe.
• Chacun prend en charge les items qui correspondent à ses enseignements
disciplinaires, et pour lesquels il faudra mettre en place une évaluation disci-
plinaire par compétences.
• Restent alors les compétences transversales. Il y aura donc aussi une distri-
bution de certains apprentissages transversaux en concordance avec les
pratiques professionnelles de chacun. Il ne s’agit pas en effet de s’engager
de façon utopique dans l’évaluation d’items qui ne correspondent pas à des
pratiques réelles de classe. Et cette répartition n’est pas figée et évoluera
certainement d’une année sur l’autre, en fonction des choix faits lors de
la constitution des progressions disciplinaires. Ce temps d’appropriation
sera aussi un temps d’interrogation et de réflexion, à cause de l’adaptation
nécessaire et des changements de pratiques plus ou moins importants.
À chacun de reconnaître dans les libellés des items des pratiques courantes
(concernant la pratique de l’oral, le travail de groupe, l’utilisation des
TICES). Il est fort à parier cependant que plusieurs enseignants travailleront
et évalueront des items communs. À charge alors pour eux d’harmoniser

41
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

leurs niveaux d’exigence et leurs critères de réussite de l’item. C’est bien en


cela que la transparence est indispensable.
• Les items qui resteront orphelins seront ceux qui poseront des problé-
matiques intéressantes d’enseignement. Il sera alors temps de doter
de contenu d’apprentissage ces items, pour la troisième, mais également
pour les paliers intermédiaires que sont les cycles d’adaptation et central,
afin de ne pas porter un regard évaluateur sur des apprentissages que l’on
n’a pas enseignés. C’est aussi la question des nouveaux enseignements
induits par le LPC.

Une seconde phase de formation :


des situations d’apprentissages adaptées

L’exemple des tâches complexes


Ce n’est que dans une seconde phase de formation que la réflexion pédagogique
s’oriente vers les situations d’apprentissage des compétences, et notamment vers un
dispositif pédagogique comme la tâche complexe. Travailler les tâches complexes en
formation est un levier qui permet de fédérer l’attention de tous les enseignants,
puisque cette notion a fait son apparition dans toutes les disciplines et se profile
notamment dans les nouvelles moutures des épreuves du DNB. Quand on travaille
par tâche complexe, on conçoit mieux le niveau exigible minimum à faire acquérir :
ce n’est pas un niveau minimum dans la mise en œuvre des programmes, mais
bien un niveau minimal dans la maîtrise de la compétence mobilisée pour résoudre
un problème donné. En effet, une compétence peut être développée jusqu’à un
niveau expert, mais c’est bien le niveau minimum qui est exigé à la fin de la scola-
rité obligatoire.

Par exemple, pour l’item de la C5 « Mobiliser ses connaissances pour comprendre un fait
d’actualité », on ne peut raisonnablement demander aux élèves qu’ils maîtrisent des données
de géopolitique pour comprendre les flux migratoires de clandestins, mais on peut exiger d’eux
qu’ils mobilisent ce qu’ils savent de la division Nord/Sud pour comprendre ce qui pousse
les clandestins à quitter leur pays dans des conditions aussi effroyables et pour un eldorado
bien peu enviable.

Il apparaît très vite aux équipes que, si elles introduisent dans les pratiques
une réelle approche par compétences, il va falloir mettre en œuvre de nouveaux
dispositifs pédagogiques. En effet, l’évaluation par compétences n’est pas
une évaluation classique de connaissances ou d’exercices d’application, ni même
une évaluation par objectif.

42
Se former aux changements de pratiques

La pédagogie de projet
On peut s’appuyer sur les projets existant déjà dans les établissements pour
enclencher la réflexion sur l’évaluation des compétences mobilisées par les élèves
dans ce cadre. En effet, dans tous les établissements, il y a souvent des projets
planifiés sur tous les niveaux. Or, bien qu’étant des dispositifs d’apprentissage
pertinents pour l’ensemble des élèves, ils ne sont souvent pas évalués à la hauteur
des apprentissages construits. L’approche par compétences nécessite en effet que
l’élève soit en mesure de faire des choix et de prendre des décisions, de mettre
en œuvre une stratégie personnelle. C’est à cela qu’on verra s’il est compétent
pour résoudre un problème donné. Or la mise en action induite par la pédagogie
de projet permet cette prise de décision et surtout son évaluation par l’ensei-
gnant. Les projets construits dans les établissements ne mettent pas tous en
œuvre une véritable pédagogie de projet, comme on peut le constater dans
l’exemple présenté ci-dessous. Mais ils sont un levier très important pour montrer
aux équipes enseignantes qu’il existe déjà, dans les pratiques, des dispositifs
pertinents pour enclencher une réflexion sur l’approche par compétences.

Nous avions commencé par travailler, avec l’ensemble des disciplines, et sur les quatre
niveaux, autour d’une exposition sur les Jeux olympiques prêté au collège par le conseil
général. Chaque élève disposait d’un dossier pluridisciplinaire, qu’il devait remplir
sur la semaine en s’aidant de l’exposition et en faisant diverses recherches dans différentes
disciplines. Le dossier (une feuille A3 pliée en deux) est en effet un outil qui est devenu
courant depuis que nous travaillons par compétences. Il permet d’évaluer l’autonomie
d’un élève et son investissement dans le travail demandé, et de lui laisser une marge
de liberté dans la réponse aux consignes données à l’intérieur. Sur la quatrième page,
on trouve toujours une grille d’évaluation par compétences (souvent une dizaine
d’items, disciplinaires et transversaux), ainsi que leurs critères de réussite. Les élèves,
déboussolés les premières fois, ont vite apprivoisé cet outil de travail.
L’approche n’était plus alors transdisciplinaire, puisque les élèves savaient très
précisément ce qu’ils devaient faire en histoire (en sixième, préparer une affiche
présentant les JO dans l’Antiquité ; en troisième, présenter les JO de 1936, les
JO pendant la guerre froide et les attentats de Munich en 1972), en technologie
(en sixième, préparer la fiche technique du vélo de course), en français (en sixième, créa-
tion de la « Une » d’un journal sur les Jeux paralympiques ; en troisième, l’évolution
de l’image des JO à travers le temps), etc. Les disciplines et les savoirs étaient clairement
identifiés, et cohabitaient, le temps d’une exposition, dans un même dossier autour
d’une thématique commune.

En multipliant ce genre d’actions croisées, on fait une place à l’approche


par compétences dans les pratiques de chacun, en contournant le problème
de l’ingérence disciplinaire. Par la suite, on peut proposer aux équipes de créer
des projets autour des apprentissages interdisciplinaires ou transversaux du socle,
notamment pour construire les items transversaux « orphelins » ou non enseignés.

43
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Le socle commun nous demande par exemple d’évaluer les compétences d’oral des
élèves, mais quels apprentissages cohérents dispensons-nous pour les construire ?
Comment construisons-nous l’autonomie, le travail collectif, l’orientation, la culture
humaniste, la démarche scientifique et surtout la mobilisation interdisciplinaire des
différentes ressources disciplinaires  ? L’enjeu pédagogique du socle commun se
situe au croisement des disciplines, qu’il faut relier pour que les élèves apprennent
à visualiser les tâches demandées dans leur globalité.

Une appropriation de la réflexion pédagogique sur le terrain


Les valeurs du métier
En formation, nous présentons tout d’abord aux collègues le socle commun
comme un outil extrêmement pertinent pour le repérage et la prise en charge des
élèves en difficulté. C’est en touchant aux valeurs d’enseignant que nous réussis-
sons à les convaincre de la nécessité de donner sa chance à cet outil pédagogique.
On a en effet trop souvent présenté le socle commun comme une grille dans
laquelle il fallait faire des croix, ce qui n’est absolument pas pédagogique et ne
relève donc pas, pour les enseignants, de leur mission.
Or le socle permet :
– de rénover et d’affiner ses pratiques pédagogiques ;
– de donner une lisibilité dans la difficulté scolaire et d’intervenir avant qu’elle
ne se transforme en lacunes persistantes ;
– de hausser le niveau des apprentissages en les reliant et en leur donnant un
sens nouveau ;
– de montrer l’utilité et la pertinence d’une analyse fine de l’ensemble des
acquis de l’école primaire, grâce au palier 2, pour anticiper les difficultés
d’adaptation des élèves arrivant en sixième, créant ainsi une continuité
pédagogique essentielle ;
– d’établir à la fin de la scolarité obligatoire un bilan très professionnel,
personnel et précis des acquis réels de nos élèves.
Tous ces axes de réflexion justifient le temps passé à réinterroger nos pratiques.
Avec l’intégration du socle dans les pratiques quotidiennes de l’établissement se
présente la possibilité de développer, en équipe, une réflexion pédagogique
commune. Les enseignants seront alors volontaires pour un apport en formation,
non pas parce qu’ils se sentent incompétents dans leur enseignement, mais parce
qu’ils perçoivent les ouvertures et les outils que le socle commun va leur donner
pour la prise en charge des difficultés des élèves, quelles qu’elles soient. Or c’est
bien la préoccupation première des enseignants  : parvenir à aider tous leurs
élèves. C’est une valeur partagée par tous.

44
Se former aux changements de pratiques

Agir au lieu de subir

Le socle commun n’est certainement pas le seul outil pédagogique pertinent


pour fédérer le travail des équipes autour des parcours d’apprentissage des élèves,
mais c’est celui qui nous est imposé à tous par la loi d’orientation de 2005.
On peut de plus interroger dans ce contexte de mise en œuvre les deux dernières compé-
tences de l’enseignant : « Travailler en équipe », ainsi que « Se former et innover ».

Une réflexion d’équipe sur les changements pédagogiques attendus


Les nouveaux besoins de formation, ou de concertation dépendront de l’avan-
cée de la réflexion pédagogique d’équipe. Mais il est certain qu’une formation
sera nécessaire, pour répondre aux interrogations légitimes des équipes sur ces
pédagogies liées à l’approche par compétences.
• Quelle aide apporter aux élèves en difficulté d’acquisition de compétences,
par exemple ?
• Comment aider les élèves à acquérir ou à consolider leurs acquis, afin qu’ils
puissent les mobiliser quand ils en ont besoin ?
• Comment comprendre ce qui les met en difficulté ?
• Quelle pédagogie de la remédiation mettre en œuvre ? Et dans quelle struc-
ture ?
• Comment prendre en compte les différents rythmes d’apprentissage dans
la classe ?
Un apport en formation sur les difficultés d’apprentissage des élèves, sur
les profils cognitifs, sur les stratégies de mémorisation peut être éclairant,
face à ces nouvelles problématiques. Comment intégrer la métacognition dans
les analyses des erreurs et des difficultés des élèves, pour y répondre avec
pertinence  ? Comment différencier les séances de correction, qui vont être les
premières des remédiations ? La pédagogie différenciée est une réponse indispen-
sable à intégrer dans les classes.

Une nécessaire formation


sur des pratiques pédagogiques exigeantes
Le socle commun va permettre enfin à la pédagogie différenciée, aux groupes
d’apprentissages, à l’analyse des erreurs et à la métacognition, de faire leur entrée
de façon massive dans les classes et dans les pratiques courantes. Ces pratiques
vont devenir des aides, pour gérer l’hétérogénéité des rythmes des élèves (et non
plus de leurs capacités), plutôt que des contraintes.

45
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

• Différencier sa pédagogie va permettre d’être attentif à la construction des


compétences de chacun.
• Le travail de groupe, en groupes de besoins, de mutualisation entre pairs
ou de confrontation, ainsi que l’auto-évaluation, en plus d’être des items
transversaux du LPC, deviennent des dispositifs pédagogiques pertinents
dans l’approche par compétences.
• Un apport sur la dynamique motivationnelle peut intéresser les équipes,
afin de comprendre comment et pourquoi l’approche par compétences va
jouer sur la motivation et la mise au travail de tous les élèves.
• On peut être formés à analyser finement les sources de confusion et
d’erreurs des élèves, et apprendre à leur donner des conseils qui les aident
à surmonter leurs difficultés.
• Les équipes vont se former au travail et à l’évaluation par tâche complexe.
Ce dispositif, qui laisse une liberté de cheminement de l’élève et qui l’invite
à mobiliser des ressources diverses, disciplinaires, interdisciplinaires ou
transversales, place l’enseignant dans une autre posture d’enseignement,
qu’il faut explorer.
• Un apport en formation sur l’évaluation formatrice et formative doit
permettre aux enseignants d’une même équipe de repenser ensemble
l’acte d’évaluation.
Ces formations peuvent être planifiées sur deux ou trois ans, pour accom-
pagner au fur et à mesure le changement de pratiques des enseignants, et non
pour les écraser sous un apport théorique inopportun, si la mise en œuvre péda-
gogique du socle commun n’est pas enclenchée à l’échelle de l’établissement.
Car ces pratiques nouvelles ne seront efficaces que si elles deviennent le quotidien
régulier des élèves, dans toutes les situations d’apprentissage et dans toutes les
disciplines. Les chefs d’établissement auront certainement le souci de concilier
les demandes de formation des équipes et leur présence devant les élèves. C’est
pour cela que la planification de cette formation sur plusieurs années peut être une
réponse appropriée.

Des besoins de concertation nouveaux


Le temps de concertation
Sur cinq années, une soixantaine d’heures de concertation, de réflexion et de
formation d’équipe ont été nécessaires, pour enclencher le changement de pratiques
à l’échelle de notre établissement, considérer le socle commun comme mis en œuvre,
et l’approche par compétences introduite dans les pratiques d’enseignement et
d’apprentissage des enseignants et des élèves.

46
Se former aux changements de pratiques

Ont été utilisées :


– des journées de prérentrée ;
– des journées de solidarité ;
– des veilles de brevet quand le collège était centre d’examen ;
– des conseils pédagogiques ;
– des réunions organisées sur l’heure blanche, inscrite à l’emploi du temps
des enseignants et des classes pour permettre le travail en interdisciplinarité.
Les réunions ont été programmées comme des séances d’information, de forma-
tion, de réflexion, de travail en atelier pour créer des outils, présenter et analyser
des pratiques innovantes.
Ont toujours été présents lors de ces réunions le chef d’établissement, la
CPE, la documentaliste, les assistants d’éducation et l’ensemble des enseignants
volontaires pour réfléchir ensemble à ces nouvelles problématiques. Le temps
de concertation existe dans les établissements scolaires. Il n’est juste pas toujours
utilisé pour discuter pédagogie et croisements disciplinaires. Il est important
de le consacrer à la mise en place d’une transparence dans les progressions
annuelles, les contenus d’apprentissage de chaque discipline, les méthodes
d’évaluation, les barèmes et coefficients utilisés, les niveaux d’exigence attendus
par chacun, les valeurs d’enseignement et d’évaluation.

L’analyse de pratiques
La dernière phase de formation est en fait une phase d’autoformation, possible
grâce à la mise en place de la transversalité et de la transparence nécessaires
à la construction des compétences du socle. Les équipes échangent et analysent
des pratiques nouvelles.
Il est possible par exemple de faire ce travail sur les tâches complexes. Une
fois qu’ont été posés en équipe interdisciplinaire les attributs du concept de tâche
complexe, il est intéressant que chacun cherche, dans ses propres pratiques, des
activités qui sont des tâches complexes ou qui y ressemblent, afin d’appréhen-
der au mieux le travail ou l’évaluation par compétences. L’interdisciplinarité est
en soi très formatrice. Travailler à plusieurs disciplines autour d’un projet inter-
disciplinaire oblige chacun à se dévoiler, à expliciter les démarches entreprises,
à présenter ses spécificités disciplinaires. On peut apprendre à travailler en groupe
avec les enseignants d’EPS, ou leur demander d’apporter des exemples d’éva-
luations formatives. On peut apprendre à travailler par tâche complexe avec les
enseignants de technologie ou de SVT, travailler la mémorisation avec
les enseignants d’éducation musicale, prendre conscience des capacités de lecture
et d’écriture de nos élèves avec les enseignants de français.
Pratiquer régulièrement dans les établissements des échanges et des analyses
de pratiques est fondamental pour la construction d’une culture commune. Que

47
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

le socle soit commun aux enseignants, avant de l’être aux élèves. Que les ensei-
gnants ouvrent leur porte à d’autres collègues, pour comprendre les probléma-
tiques d’apprentissage des élèves, les différences de comportement de ces derniers
d’un cours à l’autre. Il est préférable d’ailleurs que l’observation par un pair soit
faite par un collègue d’une autre discipline, pour se prémunir des jugements de
valeur, et se concentrer sur une analyse transversale des pratiques pédagogiques.
Les cours interdisciplinaires sont également un moment de coformation important,
puisqu’il est nécessaire, à ce moment-là, d’accorder et d’harmoniser les pratiques
disciplinaires pour atteindre un objectif commun.

Un plan de formation en dix-huit heures


Une fois que le changement de pratiques sera enclenché, les enseignants
pourront poursuivre leur formation, en déterminant eux-mêmes les axes de forma-
tion dont ils auront besoin. Certains établissements choisiront de poursuivre
la mise en place d’une interdisciplinarité élargie à tous les pôles de compétences,
d’autres axeront leur demande de formation sur la prise en charge des élèves en
difficulté, sur la construction de l’autonomie chez les élèves ou sur la construction
des compétences civiques et sociales pour agir sur le climat scolaire, ou encore
sur la continuité des apprentissages, en termes de compétences, entre l’école
et le collège. Mais il s’agit bien d’une formation d’équipe, face à un public en
besoins spécifiques. C’est par le conseil pédagogique que les enseignants pour-
ront transmettre ces besoins et leur planification à leur hiérarchie.
Quand nous intervenons en formation dans d’autres établissements que
le nôtre, nous commençons par convaincre les équipes de la pertinence du LPC en
tant qu’outil formatif et pédagogique. Nous travaillons ensuite avec eux à la mise
en place de la transversalité indispensable au positionnement de la parole collé-
giale, lors des instances évaluatrices. Nous aidons les équipes notamment à doter
les items transversaux de contenus d’apprentissage pour les quatre niveaux de
la scolarité au collège et à harmoniser les critères de réussite sur lesquels
s’appuiera l’évaluation collégiale. Nous les aidons aussi à construire des documents
de travail pour les conseils de classe, moment et lieu clé dans l’évaluation transver-
sale du socle commun.
Nous travaillons ensuite avec eux sur la notion de tâches complexes, en les
aidant à repérer, dans ce qu’ils proposent déjà aux élèves, ce qui s’approche d’une
tâche complexe. Certains établissements choisissent d’ailleurs à ce stade de créer
des tâches complexes interdisciplinaires, ce qui complique un peu l’écriture mais
qui est un levier d’une redoutable efficacité pour aider les équipes à accorder
leurs exigences et pour mettre en place la transparence indispensable au dialogue
des disciplines.
Nous finissions par réfléchir, avec les équipes, sur la pédagogie de la remédia-
tion, qui ne peut se contenter de proposer une XIe fois les mêmes apprentissages

48
Se former aux changements de pratiques

à des élèves en difficulté, mais qui doit, au contraire, cibler et comprendre la cause
des échecs pour y répondre de façon personnalisée.
Le plan de formation suivant est celui que nous proposons aux établissements
dans lesquels nous intervenons au moins douze ou dix-huit heures dans une année.

Plan de formation pour dix-huit heures

Dates Apports en formation

En amont Rencontre avec les chefs d’établissement, les préfets des études
et certains enseignants volontaires pour déterminer les leviers possibles
et cibler la culture de l’établissement
Questionnaire sur les actions déjà mises en place

J1 Activité de formation permettant de mettre à jour et de prendre


en compte l’ensemble des représentations des collègues,
avant d’entamer le travail de formation
Les spécificités de l’évaluation par compétences
Enclencher en équipe une réflexion « philosophique » sur un acte délicat
Bouleverser les certitudes liées à l’évaluation
Articuler notes/compétences
Mettre en place la transparence sur les pratiques d’évaluation
dans un même établissement
Les différents types d’évaluation : l’évaluation formative,
l’auto-évaluation…
La mise en place de la transversalité et la construction des C1, C6 et C7
(maîtrise de la langue, citoyenneté et autonomie dans les apprentissages)

J2 Les pédagogies actives


Les postures d’aide de l’enseignant
La mise en activité des élèves
L’approche par compétences et la dynamique motivationnelle
L’approche par compétences et la métacognition
Exemples de pédagogies actives à présenter
Les tâches complexes
Les groupes d’apprentissage (l’hétérogénéité des élèves
comme richesse de la différenciation pédagogique)
La pédagogie de projet
Pour appréhender la notion de tâche complexe avec des équipes
interdisciplinaires
• À partir de textes théoriques, faire établir les attributs du concept
de tâche complexe
• Demander à chacun de chercher dans sa discipline une activité
qui relève de ce concept
• Lors de la présentation à l’équipe complète, rechercher les résonances
interdisciplinaires pour identifier les passerelles pouvant aider
à la construction du savoir chez les élèves et prendre conscience
de la mobilisation de ressources interdisciplinaires

49
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

J3 Accompagnement des élèves dans les apprentissages :


la différenciation de la pédagogie
Apports en formation possibles
Place de l’erreur
L’entretien d’explicitation
Profils d’apprentissages
La mémorisation
La mobilisation des ressources
Les apprentissages invisibles entre les disciplines
Activités de formation possibles
Lister les difficultés récurrentes des élèves
et les doléances récurrentes des enseignants
Les traduire en termes de difficultés d’apprentissage
Faire construire des activités qui construisent
les compétences déficientes

Il ne s’agit pas de traiter de façon exhaustive tous les axes cités dans le plan
de formation ci-dessus, mais de faire des choix qui répondent aux besoins d’une
équipe sur le terrain.
Quand nous repartons, les équipes ont en main les leviers pour une mise
en œuvre pédagogique du socle commun, qui s’appuie sur le dialogue entre les
disciplines, sans perdre de vue que l’interdisciplinarité sans disciplines affirmées
n’est qu’un cadre vide.

50
3
Repenser l’acte d’évaluation

P   arce qu’il introduit un changement dans les pratiques d’évaluation, le socle


  commun oblige les enseignants à repenser en équipe ces pratiques, afin
d’harmoniser et d’articuler les différentes évaluations portées sur les acquis
des élèves. Parce que c’est un acte important, qu’il soit ou non lié à l’obtention
du DNB, l’obligation de pratiquer une évaluation mal maîtrisée a suscité beaucoup
d’inquiétudes  : au niveau des spécificités même de cette évaluation, au niveau
de son articulation avec l’évaluation chiffrée ou en ce qui concerne l’harmonisation
relative avec un niveau national commun.
On peut rassurer les équipes en montrant l’aspect formatif de cette évaluation
et son impact fort sur la motivation et la remise au travail des élèves.
Parce que l’évaluation des items transversaux du socle amène les regards
évaluateurs à se croiser et parfois à se confronter, il est important de poser un bilan,
dans les établissements, des évaluations nombreuses et éparses proposées aux
élèves, afin d’en faire émerger les dysfonctionnements et cacophonies, intenables
dans une logique de transparence interdisciplinaire et transversale.
Évaluer est en effet un acte délicat, constitutif du métier d’enseignant et de
l’acte d’enseigner.

L’évaluation, une entrée délicate dans le socle commun


Une conception bouleversée de l’évaluation
C’est parce que le socle commun touche à l’acte d’évaluation, et qu’il impose,
qui plus est, une évaluation transparente, qu’il génère tellement d’inquiétudes
et de critiques dans les établissements.
En effet, évaluer est habituellement un acte disciplinaire qui relève de la seule
expertise de l’enseignant concerné. À chacun d’instaurer la transparence néces-
saire pour les élèves et leurs parents. Mais ce n’est que très exceptionnellement
que cette transparence est envisagée vis-à-vis des collègues, qu’ils soient de la
même ou d’une autre discipline. Évaluer était jusqu’à présent un acte solitaire.
Or c’est justement cette conception de l’évaluation que le socle commun vient

51
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

bouleverser. Une conception qui accepte mal de faire cohabiter différents regards
évaluateurs sur un même apprentissage.
Faire se rencontrer les équipes sur le thème de l’évaluation permet pourtant :
– de se poser au cœur du problème de l’intégration du socle commun dans les
pratiques ;
– de confronter les valeurs de correcteurs des enseignants et les conceptions
de l’acte d’évaluation ;
– d’obliger chacun à clarifier son rapport à la note et à se positionner face à
l’évaluation formative ;
– de prendre conscience des pratiques d’évaluation motivante, d’évaluations
différenciées, d’évaluations formatrices ou formatives, d’évaluations parfois
perverties et utilisées en tant que sanction ;
– de se rendre compte de l’incohérence et de la dissonance des évaluations
portées sur le travail d’un élève ;
– de se mettre à la recherche d’une cohérence visible par les élèves et leurs
parents.

Une concertation nécessaire sur les pratiques d’évaluation


Cette confrontation n’est ni à craindre, ni à éviter, car elle est incontournable, si
l’on vise une réelle mise en œuvre du socle commun et des pratiques transversales
et interdisciplinaires qui en découlent. Mais elle est à cadrer pour aider les équipes
à progresser dans leur réflexion. Ce sujet peut être le thème principal d’un conseil
pédagogique. Plusieurs pistes de réflexion peuvent être alors proposées aux ensei-
gnants, répartis en ateliers  : comment valoriser un élève lors d’une évaluation  ?
Comment différencier les évaluations pour les élèves les plus fragiles ? Quelle lisibilité
donne-t-on à nos élèves et à leurs parents dans la lecture de nos évaluations ? Que
fait-on déjà ? Comment orienter ces pratiques existantes vers l’évaluation par compé-
tences, si ce n’est en intégrant l’évaluation au processus d’apprentissage, à travers
des activités qui permettent à l’élève de justifier ses choix et son raisonnement.

A-t-on vraiment besoin d’un cadre national plus ferme ?


L’une des inquiétudes des enseignants face à l’évaluation des items du socle
commun est de perdre une certaine «  justice  » dans l’évaluation, si les équipes
ont à déterminer elles-mêmes le niveau d’exigence attendu dans la maîtrise d’un
item, ainsi que les critères de réussite permettant d’attester cette maîtrise. Comme
si une évaluation, portée par le regard expert d’un enseignant ou d’une équipe
enseignante, avait besoin d’un cadre national ! Comme si les notes attribuées aux
évaluations des élèves depuis toujours ne portaient pas intrinsèquement la même
contradiction  ! Comme si les programmes nationaux ne donnaient pas assez de
garanties à l’homogénéisation des attentes et des exigences !

52
Repenser l’acte d’évaluation

Attester de la maîtrise d’une compétence


dans une discipline de transfert
Accepter le fait qu’un élève ait une compétence, sans avoir pourtant fourni
le travail attendu dans la discipline d’apprentissage, n’est pas toujours facile, et
certains enseignants sont heurtés par cette ingérence dans leur propre champ de
compétences. Mais, comment refuser la validation d’un item à un élève qui aurait
prouvé, au travers d’un projet ou d’une activité dans une autre discipline, qu’il a la
maîtrise d’une ressource, pourtant non observée dans la discipline d’apprentissage ?
Cette idée doit faire son chemin, et il vaut mieux expliquer et cadrer cette
mobilisation interdisciplinaire plutôt qu’elle soit subie comme une ingérence dans
les champs d’apprentissage des différentes disciplines. C’est aussi en cela que
le socle commun induit un changement de posture dans l’évaluation des compé-
tences des élèves.

Le changement de pratiques d’évaluation


L’articulation des notes et des compétences
Les acquis des élèves sont à présent évalués de deux façons : par l’attribution
de notes et la validation de compétences. Évaluer ces acquis selon les spécificités
de chacune de ces évaluations permet d’en exploiter les atouts, dans une perspec-
tive complémentaire, et non de les amoindrir, en les mettant en concurrence. Les
notes ne semblent pas en voie de disparition, et les deux évaluations ne sont pas
incompatibles. Chacune d’elles porte en effet un regard différent sur le travail de
l’élève. Que nous dit finalement un bulletin de compétences, que ne nous dit pas
une moyenne de notes ?

Ce que disent ou ne disent pas les notes


• Une même note peut refléter des performances différentes.
• Une note ne dit pas ce que l’élève sait ou ne sait pas faire exactement.
• Une note ne valorise pas toujours les réussites des élèves, puisqu’un 8/20
sera toujours perçu comme une note insuffisante en dessous de la moyenne,
alors que l’élève a quand même réussi à obtenir 8 points, et donc à produire
ou à répondre à certaines questions.
• Une moyenne générale ne nous dit rien sur le profil d’un élève.
• Une moyenne générale ne nous dit rien sur les progrès précis de l’élève
à cause de la compensation des disciplines.
• Une moyenne ne rend pas compte des absences des élèves aux évaluations.
• Deux élèves ayant une même moyenne générale peuvent avoir des profils
et des comportements d’apprenants complètement opposés.

53
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

• Une moyenne générale ne sert qu’à classer les élèves les uns par rapport
aux autres.
Cependant, certains points attribués dans le barème peuvent permettre de
valoriser une qualité supérieure dans l’exécution d’une production, chose qui ne
sera pas possible avec l’évaluation par compétences, à moins de fonctionner avec
différents niveaux de performance, ou de travailler sur les niveaux d’exigence
d’une compétence à différents niveaux de classe.
Mais les « mauvaises » notes à répétition ont un effet destructeur sur la perte
de l’estime de soi et sur la démotivation, à un âge où l’élève est en train de poser
les bases de sa personnalité d’adulte. Réfléchissons à ce que nous faisons quand
nous rendons de «  mauvaises notes  » à un élève, à longueur de journée. Que
sommes-nous en train de construire ?

Ce que dit le bulletin de compétences


Nous ne parlons pas ici de l’outil LPC, mais d’un bulletin établi par les équipes
sur des compétences développées en transversalité (l’autonomie dans les appren-
tissages, le travail de groupe, la construction de la démarche d’investigation en
sciences, la construction de l’autonomie en lecture, etc.).
Un tel bilan de compétences permet :
– de dresser un portrait d’apprenant assez précis, puisque la compensation
des disciplines n’est plus possible ;
– d’agir sur un domaine ou un champ d’apprentissage repéré ;
– de regrouper des informations pédagogiques, transversales ou interdiscipli-
naires, sur une difficulté ciblée ;
– de valoriser les réussites de l’élève et leur remise au travail ;
– d’introduire l’auto-évaluation et le recul cognitif dans les pratiques de classe ;
– d’informer l’élève sur ces difficultés et de dresser avec lui une feuille de
route des progrès attendus ;
– d’étayer la discussion pédagogique entre collègues, avec les élèves, avec
leurs parents ;
– de porter un regard global sur l’investissement de l’élève dans toutes les
structures de l’établissement.
Les familles ont l’habitude des bulletins de compétences depuis l’école
maternelle et l’école primaire. Ces outils de communication, s’ils sont lisibles
par les familles, aident à percevoir l’avancée des acquis des élèves et à agir sur
leurs points faibles, tout en s’appuyant sur leurs points forts. Les parents ne
sont attachés aux notes que parce qu’on ne prend pas le temps de leur présenter
l’évaluation par compétences. Encore une fois, la transparence s’impose. En tout
cas, plus l’approche par compétences et l’évaluation qui en découle entrent dans
les pratiques de classe, et plus le bulletin de notes devient obsolète, puisqu’il ne

54
Repenser l’acte d’évaluation

reflète plus l’intégralité des apprentissages et des évaluations pratiquées au cours


du trimestre.

Des spécificités pour chacune des évaluations


Comment articuler ces deux types d’évaluation, pour rendre l’analyse des
acquis des élèves la plus précise et pertinente possible ?
On peut spécialiser chacune des évaluations, en chiffrant l’acquisition des
ressources, c’est-à-dire des connaissances et des procédures, et en évaluant
par compétences la mobilisation de ces mêmes ressources en situation complexe.
Les deux évaluations cohabitent alors. Le problème sera de réfléchir à la façon de
communiquer sur ce second type d’évaluation, puisque les moyennes de notes sur le
bulletin ne refléteront pas la mobilisation effective ou non des ressources enseignées.
Si l’on prend comme exemple l’évaluation de la compréhension d’un texte,
on peut poser des questions au fil du texte, comme à l’épreuve du DBN, et noter
les réponses apportées par les élèves, mais on peut aussi, par une question
ouverte, évaluer la compréhension du texte dans sa globalité, comme le demande
finalement l’ensemble du domaine LIRE de la compétence de maîtrise de la langue.
La compréhension générale d’un texte relève finalement d’une évaluation binaire :
le texte est compris dans son ensemble, ou ne l’est pas. La notation chiffrée n’a
pas sa place dans l’évaluation de cet item de lecture : elle n’est tout simplement
pas un outil adapté. La même démonstration pourrait être faite pour les démarches
scientifique ou technologique, d’investigation, ou de résolution de problème.
Si l’on ne travaille pas avec un bulletin de compétences, on ne donne donc aucune
visibilité sur l’avancée des acquisitions de ces compétences.

Une complémentarité à instaurer


Les deux types d’évaluation peuvent aussi s’articuler en tandem : une même
activité peut faire l’objet d’une note et d’une évaluation par compétences, comme
l’entretien oral d’histoire des arts, par exemple. Cela revient à évaluer à la fois par
objectif et par compétences. Beaucoup d’activités pratiquées dans les différentes
disciplines peuvent aussi se prêter très facilement à cette double évaluation,
comme une production écrite en cours de français, par exemple.
Ces évaluations peuvent également s’imbriquer : on peut en effet décider de ne
chiffrer une production qu’à partir du moment où le niveau minimal de la compé-
tence est atteint. Le niveau attendu dans la maîtrise de la compétence est alors
fixé arbitrairement à la moitié des points, ce qui revient à ne pas chiffrer l’insuf-
fisance et à encourager les élèves à retravailler leurs productions tant qu’il n’est
pas possible d’attribuer une note satisfaisante. Si l’on reprend l’exemple d’une
production écrite en français, une rédaction est chiffrée quand l’objectif global
d’écriture est atteint. On peut alors à la fois évaluer par compétences et noter les
procédures attendues et mises en œuvre dans la production demandée.

55
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Les spécificités de l’évaluation par compétences


Puisqu’il s’agit d’affiner les spécificités de chacune des deux évaluations,
cernons les particularités de l’évaluation par compétences.

Évaluation de compétences ou évaluation par compétences ?

Les deux termes sont utilisés souvent de façon interchangeable, sans que la distinc-
tion entre les deux soit clairement posée. Mais l’hésitation entre les deux termes
montre en même temps l’ampleur du changement de pratiques à effectuer. Ne faut-il
pas, en effet, accompagner les équipes pour passer d’une évaluation de compé-
tences à une évaluation par compétences des acquis attendus ?

Une réflexion à mener en amont de l’évaluation


Tout d’abord, une évaluation de compétences est binaire. Un item est acquis
selon les critères de réussite préétablis, ou ne l’est pas. Une compétence est maîtri-
sée et exploitable par les élèves au niveau exigible attendu, ou ne l’est pas. Le
« en cours d’acquisition » sert parfois de prétexte aux enseignants pour ne pas se
prononcer sur des acquis aux niveaux d’exigence mal déterminés. Or, l’évaluation
par compétences, en tâches ou en productions complexes, amène paradoxalement
les enseignants à baliser étroitement le champ de l’évaluation et à s’interroger :
– Les élèves sont-ils prêts à être évalués ?
– Ai-je enseigné ce que j’évalue ?
– Les critères de réussite sont-ils clairs pour les élèves ?
– Ne suis-je pas en train de complexifier mes notions au moment de l’évalua-
tion ?
– Quelles traces les procédures utilisées vont-elles laisser dans la production
demandée ?
– Ma consigne va-t-elle lancer les élèves dans l’activité, sans formater la
production attendue et les stratégies déployées ?
– Les élèves vont-ils mobiliser ce que je veux évaluer ?
– Tous les prérequis attendus sont-ils maîtrisés par les élèves ?
– Quels vont être les obstacles qui vont les gêner dans le déroulement de la
tâche demandée ?
– Suis-je en mesure de leur apporter une aide pertinente pour franchir ces
obstacles ?
– Les élèves seraient-ils capables de réutiliser ces acquis dans un autre
contexte, voire une autre discipline ?
L’évaluation du socle commun, parce qu’elle ne doit laisser aucun élève sur
le bord de la route, amène les enseignants à se poser ces questions.

56
Repenser l’acte d’évaluation

L’évaluation de la mobilisation des ressources


L’évaluation par compétences évalue à la fois l’acquisition des ressources et
leur mobilisation. C’est dans cette dialectique que l’évaluation par compétences
peut s’articuler avec l’évaluation chiffrée. On vérifie tout d’abord la maîtrise des
ressources, c’est-à-dire des connaissances et des procédures, ce qui correspond
déjà à ce qui se pratique dans les classes, avec les évaluations chiffrées. Mais on
évalue également la mobilisation de ces ressources acquises dans des situations
complexes inédites, ce qui relève alors de l’évaluation par compétences. Et il est
fréquent d’avoir alors à évaluer la combinaison de ressources pouvant avoir été
construites dans d’autres disciplines. D’où une certaine complexité à laquelle
il faut préparer les élèves, si l’on veut qu’ils mobilisent leurs ressources en toute
autonomie.

L’évaluation différenciée
L’évaluation différenciée comme une alternative au décrochage
Le socle commun va permettre la réflexion d’équipe sur l’évaluation différenciée,
pratiquée régulièrement à l’école primaire, et quasi inexistante dans les pratiques
d’évaluation du collège. En effet, la notation chiffrée s’accommode mal de la diffé-
renciation de l’évaluation, puisqu’elle classe les élèves les uns par rapport aux
autres et qu’elle nécessite donc de les interroger sur des supports identiques, avec
un nombre de questions figé. Or l’évaluation par compétences, parce qu’elle évalue
chacun en prenant appui sur ses stratégies personnelles, peut varier les supports
d’évaluation, tant que les objectifs d’apprentissage sont les mêmes pour tous.
Malgré cela, l’évaluation différenciée se heurte à des positionnements de valeur,
toujours rattachés à cette drôle d’idée de la « justice de l’évaluation », comme s’il
était juste d’évaluer un élève sur des connaissances ou des capacités qu’il n’a
pas encore acquises, ou sur des attitudes que l’école ne l’a pas aidé à construire.
L’évaluation différenciée doit donc trouver une entrée dans les pratiques.

Il peut être intéressant de cibler certains élèves très fragiles, afin de permettre une
réflexion des enseignants sur le sujet et de viser une intégration progressive dans
les pratiques. Certains élèves, arrivant en classe de sixième, sans avoir acquis le palier 2,
ont besoin de cet aménagement de l’évaluation, au risque d’être broyés dès le premier
trimestre de sixième par la machine scolaire. Comment en effet pourraient-ils être
évalués au même rythme et sur les mêmes supports que les autres élèves, alors qu’il est
attesté officiellement qu’ils n’ont pas acquis le bagage minimum nécessaire à la sortie
de l’école primaire ? Loin de les aider à progresser, on risque au contraire d’accen-
tuer le phénomène de déscolarisation et de régression, en les excluant implicitement
des activités de la classe.
Cette évaluation différenciée est également pertinente en classe de troisième, pour les
élèves en décrochage scolaire. Pourquoi devrait-on continuellement mettre en évidence

57
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

leur manque de préparation au DNB, alors qu’il est possible de mettre en valeur
les compétences dont ils disposent et qu’il sera nécessaire pour eux de maîtriser dans
les parcours de formation professionnels qu’ils ont choisis ?

Il est plus facile d’accompagner un élève dans la construction de ses compé-


tences, à son rythme et selon ses besoins, que de devoir reconstruire son image
d’apprenant détruite par des années de mauvaises notes et de constat d’insuf-
fisance, d’incompétence ou d’inefficacité. Tout élève a des compétences et peut
apprendre. L’éducabilité de tous est un postulat au socle commun.

L’évaluation différenciée pour consolider le groupe-classe


L’évaluation différenciée est au cœur de la personnalisation des parcours.
Elle n’est pas pertinente dans toutes les situations, mais elle permet d’apporter
une réponse aux élèves malmenés par un système scolaire uniforme et incapable
d’adaptation aux difficultés ou aux performances de chaque élève.
C’est parce que l’évaluation par compétences permet d’introduire plus faci-
lement la notion de différenciation qu’il faut profiter de l’introduction du socle
commun pour faire bouger les représentations des enseignants sur l’acte d’évaluer.
Pour être efficace, la mise en place d’une évaluation différenciée doit être une
décision prise en équipe, puisqu’il serait vain qu’elle soit appliquée dans certaines
disciplines et pas dans d’autres. C’est l’ensemble d’une équipe qui décide de
personnaliser le regard porté sur le travail et les difficultés d’un élève. C’est
l’ensemble d’une équipe qui accompagne la construction des compétences, en
portant un regard global sur l’élève.
C’est également toute la classe qui accepte la différenciation comme un dispo-
sitif pédagogique parmi d’autres. On peut proposer aux élèves d’être évalués
selon différents niveaux de maîtrise de la compétence, ce qui permet, dans une
même classe et sur une même consigne d’activité, de valoriser toutes les produc-
tions d’élèves, qu’elles soient l’œuvre d’élèves en difficulté, ou au contraire
le résultat d’une combinaison experte de ressources par les meilleurs élèves.
Ce qui compte, dans la différenciation, c’est que l’ensemble des élèves d’une
classe travaillent la même notion en même temps. C’est aussi en ancrant les
apprentissages dans un vécu collectif qu’on permet à chacun de se les approprier.

En cours de français en classe de troisième, l’enseignante propose, en lecture autonome,


le conte philosophique de Marguerite Yourcenar, Comment Wang Fo fut sauvé.
L’écrivain a elle-même travaillé sur une version pour la jeunesse de ce texte, ce qui fait
que la version pour la jeunesse est proposée, dans un objectif de différenciation, aux
élèves les plus en difficulté, alors que les autres lisent le conte dans sa version classique.
L’évaluation de lecture porte sur le message implicite véhiculé par le conte. L’évaluation
est la même pour tous les élèves. C’est le support de lecture qui a été différencié et cette

58
Repenser l’acte d’évaluation

différenciation a mis sur un pied d’égalité tous les élèves face au texte littéraire et à
l’évaluation de sa compréhension.

L’évaluation différenciée, une évaluation qui a fait ses preuves

De nombreuses autres expérimentations ont été menées sur ce thème, comme par
exemple les ceintures de couleur selon les niveaux de maîtrise de la compétence. La
différenciation de l’évaluation parvient toujours à recréer le lien entre les élèves et
leurs apprentissages. Ce n’est pas sur la pertinence de ce type d’actions qu’il faut
réfléchir, mais bien sur les freins qui empêchent les enseignants d’accepter cette
évolution de l’évaluation.

Une réinterrogation des pratiques de classe,


à la lumière de l’évaluation par compétences
Quels dispositifs d’évaluation pertinents peut-on proposer à nos élèves,
pour évaluer la maîtrise des compétences du socle commun  ? Les évaluations
de connaissances ou d’applications de procédures sont insuffisantes si l’on
veut mettre l’élève en situation de prouver qu’il est compétent, c’est-à-dire qu’il
est capable de faire des choix et d’utiliser des ressources face à une situation-
problème donnée.
Introduire les tâches complexes
Proposer des résolutions de tâches complexes aux élèves est plus approprié,
car cela permet de confronter les élèves à un problème à résoudre, avec une
consigne ouverte qui appelle des choix que l’on doit justifier. Une compétence
s’évalue en effet dans l’action et dans la prise de décision. Or la tâche complexe
laisse justement une liberté de cheminement aux élèves et un choix stratégique
à faire dans les ressources dont ils disposent, pour résoudre le problème donné.
La production attendue doit donc permettre d’observer les choix des élèves
et les procédures mises en œuvre. Une explicitation du travail effectué par
les élèves eux-mêmes, à l’oral ou à travers une auto-évaluation, peut accompagner
la production attendue.
Concevoir une évaluation par compétences ne relève donc plus du même
schéma intellectuel pour l’enseignant, que pour la création d’une évaluation de
connaissances. Celui-ci doit interroger l’activité proposée, afin de déterminer en
amont les prérequis nécessaires à sa réalisation, ainsi que la liste des connais-
sances, capacités et attitudes que l’élève choisira de mobiliser. Dans la plupart des
disciplines, on pratique déjà des activités qui s’apparentent aux tâches complexes.
Mais a-t-on enclenché la réflexion qui permettra que tous les élèves soient en
réussite face à des tâches qui sont plus complexes que ce à quoi ils sont habitués ?

59
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Qu’est-ce qu’une tâche complexe ?

Si l’on définit le concept de tâche complexe par ses attributs, à savoir une liberté
accordée aux élèves dans la stratégie personnelle mise en œuvre, une mobilisation
de ressources face à un problème donné et un enseignant en posture d’accompa-
gnateur et de guide dans la construction des compétences, on peut alors relever
un certain nombre d’activités pédagogiques déjà proposées aux élèves dans les
pratiques de classe : lire ou écrire un texte devient alors une tâche complexe, ainsi
que travailler en groupe, mettre au point un protocole expérimental ou préparer un
exposé sur un thème donné.

Évaluer la mobilisation des items transversaux


Plus la consigne sera ouverte et plus l’autonomie des élèves sera grande pour
déployer des stratégies de résolution, notamment dans le choix de ressources
interdisciplinaires ou transversales, de la même façon que les tâches complexes
rencontrées dans la vraie vie décloisonnent l’utilisation des champs disciplinaires.
C’est la pédagogie de projet qui ouvrira le plus le monde de l’école sur la vraie
vie. Elle permet de proposer en effet aux élèves de réelles situations de réflexion
et de planification des démarches à accomplir, dans une durée qui va permettre
le déroulement et le réajustement de stratégies. Elle permet une évaluation des
élèves à la fois en réflexion et en action. Elle ne formate pas la réponse attendue
et construit l’autonomie des élèves dans les apprentissages. Un porte-vues de
travaux produits sur l’année et dans plusieurs disciplines, comme un porte-vues
d’histoire des arts par exemple, permet également cette évaluation des compé-
tences des élèves si elle est accompagnée d’une présentation orale qui permet
de justifier les choix et d’expliquer les liens et échos entre les œuvres présentées.

Nous avons déjà eu une discussion avec des collègues autour de la note d’oral attri-
buée dans les moyennes disciplinaires, en fonction de la participation orale des élèves.
À quelles compétences correspond exactement cette note ? Sur quels critères de réussite
repose-t-elle ? Si l’on discute avec les collègues, on se rend compte qu’il s’agit davantage
de valoriser l’investissement de certains élèves dans le cours, et non d’une réelle évalua-
tion des compétences d’oral mises en œuvre. Qu’une note d’investissement dans le cours
soit attribuée aux élèves qui le dynamisent et le font fonctionner semble juste.
Mais cette note ne peut plus évaluer un « oral », qui est construit et évalué dans
la compétence 1 de maîtrise de la langue, à travers quatre items qui en cernent très
précisément la problématique d’apprentissage. Le domaine DIRE couvre le champ
d’apprentissage des techniques de prise de parole à l’oral, et s’acquiert par des situations
d’apprentissages proposées dans différentes disciplines. Il s’agit donc bien plus que d’une
note de « participation orale ».

60
Repenser l’acte d’évaluation

Une évaluation à plusieurs mains


Le socle commun multiplie les regards évaluateurs sur les acquis des élèves,
grâce aux compétences transversales et à la mobilisation des acquis d’une disci-
pline à l’autre. Ces acquis sont donc toujours évalués de façon disciplinaire,
à travers des situations de classe permettant la mise en action des élèves, mais
on se doit également de les évaluer au travers d’actions interdisciplinaires,
permettant d’en vérifier l’intégration dans les ressources propres de l’élève. Si
l’on veut cerner et clarifier toutes ces notions voisines de l’interdisciplinarité, on
peut dire que le socle commun met en œuvre des pratiques d’évaluation collégiales,
transversales, interdisciplinaires, sachant que les termes «  pluridisciplinaire  » et
« transdisciplinaire » apparaissent également dans différents textes officiels liés au
socle commun.

L’évaluation collégiale
Elle est associée à l’évaluation sommative, attendue dans le cadre de la vali-
dation certificative à la fin de la classe de troisième, et entérine les évaluations
de l’ensemble de la communauté enseignante et éducative. Mais cette évaluation
collégiale a sa place, en tant qu’évaluation formative, à tous les autres moments
de bilans proposés dans une scolarité au collège.
La parole du conseil de classe relève de cette collégialité car elle pose un
regard global sur le travail et les acquis d’un élève. Cette prise en charge globale
permet une autre approche des difficultés scolaires, en tenant compte du compor-
tement d’apprenant d’un élève, de ses points forts et de ses points faibles.
Le conseil de classe, qui réfléchit à présent en termes de compétences, guide l’élève
dans la construction du socle commun, en repérant des domaines de compétences
en souffrance et en proposant des stratégies de remédiation progressives et enca-
drées. Le socle commun étant un outil d’analyse fine des parcours et des stratégies
d’apprentissage des élèves, il doit être utilisé comme tel.

Construire ensemble au fur et à mesure


le bulletin de compétences

Il ne s’agit pas de multiplier de façon déraisonnable le nombre d’items à évaluer


au moment du conseil de classe, mais bien de planifier l’évaluation collégiale
de certains items transversaux  : l’équipe enseignante peut suivre alors de façon
régulière la construction de l’autonomie d’un élève, du respect mutuel ou d’inves-
tissement dans des projets collectifs et individuels, pour ne pas se contenter d’une
validation certificative en troisième qui constate un manque de compétences, sans
jamais avoir suivi leur construction au cours de la scolarité des élèves au collège.

61
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

L’évaluation collégiale est aussi pertinente pour certains items transversaux,


notamment dans les compétences de citoyenneté et d’autonomie, si les critères
de réussite des items ont été posés préalablement. Il est en effet important
que cette parole collégiale repose sur des évaluations de compétences perti-
nentes, sachant que la validation empirique se fait toujours au détriment des
élèves les plus en difficulté.

La transversalité
Elle concerne les apprentissages communs à toutes les disciplines et se
construit donc dans la concertation. En effet, les équipes ont besoin de réfléchir
ensemble à l’harmonisation des niveaux d’exigence attendus dans la maîtrise de
ces compétences communes, afin que l’évaluation en soit renforcée et ne perde de
son efficacité par un morcellement des attentes et des critères de réussite.
Sur quels critères compte-t-on valider ou non les items d’oral de la compétence
de maîtrise de la langue, par exemple, lors de l’entretien d’histoire des arts ou lors
de présentation orale de stages faits en entreprise, comme cela se pratique dans
beaucoup d’établissements ? Et à quel moment, dans quelle discipline ou à travers
quels projets interdisciplinaires avons-nous permis aux élèves de construire ces
compétences ? Toutes ces questions ne peuvent être évitées si l’on veut mettre en
place une évaluation transversale forte, qui soude les équipes et aide les élèves,
par une cohérence affichée, à construire les compétences attendues.

Les évaluations interdisciplinaires


Elles se situent au croisement des disciplines. L’entretien d’histoire des arts,
par exemple, qui vérifie les acquis des élèves construits dans plusieurs disciplines
autour de thématiques ou d’œuvres communes, est une évaluation interdiscipli-
naire. On remarquera qu’elle est à la fois évaluée par notes et par compétences.
L’élève doit prouver qu’il est capable d’identifier et de relier ce qu’il a appris dans
toutes les disciplines pour comprendre l’enjeu esthétique et artistique d’une
œuvre d’art. La compétence humaniste contient en effet un certain nombre d’items
qui vont vérifier cette capacité des élèves à mettre en relation des apprentissages
fractionnés, autour de thématiques fédératrices. C’est certainement la compé-
tence qui induit la plus grande interdisciplinarité, ou, tout au moins, le plus grand
croisement disciplinaire. Elle ouvre d’ailleurs la porte à l’ensemble des disciplines
puisque les technosciences contribuent à la compréhension des œuvres d’art.
En technologie par exemple, certaines parties du programme sont consacrées
à l’évolution de l’objet technique. L’évaluation interdisciplinaire a donc pour objec-
tif de vérifier que les élèves ont bien intégré à leurs ressources propres les diffé-
rents acquis disciplinaires, et que ces derniers sont effectivement mobilisables
face à une situation complexe à résoudre.

62
Repenser l’acte d’évaluation

Quel que soit le dialogue interdisciplinaire que l’on instaure dans les établis-
sements, le socle nécessite une transparence dans les pratiques d’évaluation
des enseignants d’une même équipe de classe, afin notamment de travailler avec
les élèves sur des critères de réussite explicites et en leur apprenant à identifier
et à mobiliser les ressources dont ils vont avoir besoin.

Pratiquer une évaluation motivante


Prendre des risques sans risques
L’école n’est-il pas un lieu où on doit prendre des risques sans risques  ? Et
c’est bien d’une énorme prise de risque qu’il s’agit, pour l’enfant ou l’adolescent
qui joue dans chaque évaluation son identité. La plupart des enseignants sont tout
à fait conscients des dégâts causés par les mauvaises notes sur des personnalités
en construction, mais semblent tiraillés entre ces réflexions et des injonctions
certificatives, qui n’imposent finalement pas grand-chose en termes d’évaluations,
si ce n’est la présence de notes dans les classes à examen. Or les notes, qui ne sont
utiles que pour comparer et classer les élèves les uns par rapport aux autres, sont
parfois un facteur destructeur ou pervers dans les parcours d’apprentissage et de
formation au collège.
Certains enseignants nous disent craindre de tromper les élèves sur leurs
capacités réelles en les « surnotant », et de leur faire croire qu’ils pourront aller en
seconde générale, alors que ces derniers ont souvent un projet d’orientation voulu
et construit vers une seconde professionnelle.
À travers ce genre de remarques, on perçoit bien la difficulté d’individualiser
les approches pédagogiques en fonction des parcours des élèves. On peut d’ail-
leurs s’étonner que seule la moyenne générale soit prise en compte pour inter-
roger les projets d’orientation des élèves, alors qu’on dispose maintenant d’un
bilan de compétences précis qui semble plus parlant, en termes d’orientation,
qu’une moyenne générale. On préfère donc détruire la confiance de l’adolescent
qui est en face de nous, en ses capacités et ses compétences, pour ne pas se
soustraire à une exigence nationale instaurée par les différents programmes
disciplinaires, plutôt que de l’accompagner dans sa formation et de l’aider à tirer
le meilleur de lui-même.
C’est sur ce point que le socle permet également de replacer les priorités.
Le socle commun définit en effet ce qui est indispensable pour tous, notamment
en termes de compétences, c’est-à-dire savoir utiliser ce qu’on a appris à l’école
pendant quatre ans, alors que les programmes définissent un horizon souhaitable
par la plupart. Cette articulation des attentes est d’autant plus nécessaire à maîtri-
ser qu’il faut, pour que le groupe-classe fonctionne, que l’horizon à atteindre dans
les apprentissages soit le même pour tous les élèves dans la classe.

63
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Évaluer en donnant de la valeur au travail des élèves


Une expérimentation a été menée, dans notre établissement, dans une classe
de quatrième, autour de l’évaluation. Il a été en effet demandé aux enseignants
de la classe de pratiquer une évaluation motivante. Cette expérimentation visait
tout autant à analyser les pratiques des élèves que celles des enseignants.
Le cahier des charges de la classe ne développait pas les aspects de cette évalua-
tion, puisqu’il était souhaité que chacun puisse garder sa liberté pédagogique et
qu’on puisse observer les évaluations qui allaient être proposées aux élèves. Une
heure supplémentaire était cependant ajoutée à l’emploi du temps de la classe :
cette heure, appelée «  heure de discussion pédagogique  » était encadrée par
quatre adultes, deux enseignants, la documentaliste et un assistant d’éducation,
qui aidaient les élèves à analyser les erreurs commises dans les évaluations de
la semaine et à retravailler pour améliorer leurs performances. La classe est compo-
sée de vingt-sept élèves : dix élèves sont très à l’aise avec les apprentissages, et
dix-sept sont en difficulté scolaire plus ou moins grande. L’hétérogénéité dans la
constitution de la classe est un facteur important puisque l’une des approches
développées dans toutes les disciplines est la mutualisation entre pairs et le travail
en groupe d’apprentissage. À la fin du premier trimestre, on recense les différentes
pratiques d’évaluation motivante mises en œuvre par les enseignants de la classe.
• Certains enseignants permettent l’amélioration des productions, soit avec
l’aide des outils référents, soit grâce à des guides d’amélioration.
• Dans d’autres disciplines, ce sont les aides ou « coups de pouce » donnés
lors de la résolution de tâches complexes qui vont aider l’élève à mener
à bien la tâche demandée. Les élèves peuvent utiliser le cours s’ils en ont
besoin, ou des fiches d’aide préparées par l’enseignant ou d’autres élèves
lors de séances de révision, à condition de ne pas obtenir plus de 15/20 dans
la notation du contrôle.
• D’autres enseignants mettent l’accent sur la préparation en classe des
évaluations, avec des interrogations orales avant le contrôle ou avec un
modèle d’exercice au tableau.
• Les stratégies d’évaluation motivante varient selon la place de l’apprentis-
sage des leçons dans le déroulé du cours. Certains sont obligés de pallier
le manque d’apprentissages à la maison, soit par le contournement de la
difficulté en laissant libre accès aux cahiers et classeurs, soit par l’appren-
tissage des leçons en classe.
• La réflexion sur l’erreur est souvent valorisée.
• Certains enseignants utilisent enfin les bonus et coefficients pour valoriser
certaines réussites des élèves. C’est aussi une forme d’évaluation motivante,
mais qui différencie davantage la notation que l’évaluation. La construction du
recul cognitif de l’élève, par rapport à ses productions, est alors moins efficiente.

64
Repenser l’acte d’évaluation

Lors du conseil d’enseignement de cette classe, au mois de septembre, des


inquiétudes avaient émergé sur le problème de la justice de l’évaluation moti-
vante, pour les élèves qui réussissaient brillamment les évaluations, sans bénéfi-
cier d’aides particulières.
Comment ajuster les notes au sein de la classe, pour ne pas dévaloriser ni
survaloriser les réussites des uns et des autres  ? Comment valoriser également
l’excellence ? Cette inquiétude est légitime et pertinente, car traiter conjointement
le problème de la difficulté scolaire avec celui de l’excellence des meilleurs élèves
permet d’instaurer une véritable différenciation des supports et des attentes dans
une même classe et de dynamiser les apprentissages. C’est parce que nous avons
à cœur d’aider nos élèves les plus en difficulté, et de nourrir intellectuellement
les meilleurs élèves que nous parvenons à différencier notre pédagogie, simple-
ment et modestement dans la classe.

Pas toujours facile de se remettre au travail

Dès qu’un élève s’est remis au travail, il est beaucoup plus facile, pour un ensei-
gnant, de l’accompagner dans ses apprentissages. Quand un élève en difficulté, en
passe de décrochage, accepte de retravailler une production, il acquiert une notion
du sens de l’effort et une compétence d’exploiter un brouillon, qui lui faisaient
défaut. L’un des effets secondaires indésirables de cette évaluation motivante
est de générer un sentiment d’anxiété chez certains élèves qui avaient arrêté de
travailler, faute de résultats concluants, qui se remettent au travail, mais pâtissent
de plusieurs années de décrochage et de lacunes. Il est important de les suivre pas
à pas et de les remettre en confiance, parce que cette remise au travail, volontaire
et dynamique, génère, en cas d’échecs répétés, un sentiment d’impuissance et de
découragement très anxiogène pour l’élève.

Le rôle de l’auto-évaluation
Être capable de définir ses points faibles et ses points forts, en termes d’appren-
tissage, cibler des items en souffrance pour demander de la remédiation, participer
à l’écriture de la feuille de route délivrée chaque trimestre par le conseil de classe,
voilà autant d’indicateurs qui prouvent que les élèves sont en train de construire
le recul cognitif nécessaire, pour une véritable autonomie dans les apprentissages.
En effet, comprendre les raisons de ses échecs et de ses réussites est un facteur
fort de motivation, ou plutôt ne pas les comprendre entraîne irrémédiablement
de la démotivation pour les apprentissages.
Or l’évaluation par compétences, parce qu’elle met en exergue les critères
de réussite et les ressources à mobiliser permet une analyse des causes d’échec
avec les élèves. Cela permet de construire une conception de l’intelligence, qui ne

65
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

repose plus sur des savoirs innés, mais bien sûr des stratégies d’apprentissage,
de mémorisation et de résolution de problèmes complexes.
Faire comprendre cela aux élèves en difficulté, c’est leur permettre d’avoir
prise sur les apprentissages. Cela redonne donc un sens à leur présence à l’école.
Le collège doit en effet être un lieu d’apprentissage et de formation pour tous, pour
construire des compétences communes, même si c’est parfois de façon différente.

66
4
Travailler et évaluer
la maîtrise de la langue en équipe

L   a maîtrise de la langue est la première des compétences dans le livret du socle
  commun, et elle confirme, à travers les items qui la composent, l’importance
de la maîtrise de la langue comme outil de communication et d’interaction avec
le monde. Les spécificités plus littéraires des programmes de lettres se situent
dans la compétence 5, qui cible, pour sa part, les composantes fondamentales de
la culture humaniste.
La maîtrise de la langue française est une compétence à la fois disciplinaire,
basée sur les enseignements de français, et à la fois transversale à tous les autres
enseignements. C’est la seule compétence transversale à posséder ce double
statut, dont il est important de clarifier les attentes et exigences de chacun, afin
d’articuler au mieux les regards experts des enseignants de lettres et les regards
transversaux des autres disciplines.

Une réponse aux constats de carence

La prise en charge interdisciplinaire de la mobilisation des acquis langagiers est


une réponse appropriée aux constats et doléances des enseignants de toutes les
disciplines, qui en déplorent souvent la non-maîtrise par les élèves. Le socle commun
permet d’identifier très clairement les acquis des élèves, de déterminer ce qui
relève d’acquis ou de prérequis, et de donner aux équipes un levier pour construire
ensemble chez les élèves, la rigueur et l’attention portée à la maîtrise de la langue,
dans toutes les situations de communication.

Cette réflexion, enclenchée en équipe pluridisciplinaire, permet de faire émer-


ger les prérequis attendus par chacun, dans les pratiques de lecture, d’écriture
et d’oral, et de baliser les apprentissages transversaux à mener, pour que la
maîtrise de la langue ne soit plus un obstacle à l’évaluation d’autres compétences
disciplinaires. Les évaluations de compétences n’étant pas compensables, il ne
faut pas en effet que la non-maîtrise de la langue française empêche les élèves de
prouver qu’ils ont d’autres compétences. La mobilisation en situation de transfert,

67
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

dans d’autres disciplines, des apprentissages menés pour la maîtrise de la langue


française est donc bien l’enjeu essentiel de cette transversalité.
Elle peut devenir un axe majeur du projet d’établissement, et un enjeu dans
l’ensemble des apprentissages.

Articuler regards experts et regards transversaux


Les exigences du diplôme national du brevet
à l’épreuve de français et celles du socle commun
Cette compétence oblige les équipes à coordonner un regard évaluateur expert,
qui est celui des enseignants de lettres, et un regard « utilisateur », celui des ensei-
gnants des autres disciplines. D’autres domaines de compétences ont cette particu-
larité, comme le domaine « Outils mathématiques » de la compétence scientifique,
ou certains domaines de la compétence de maîtrise des TICES, qui articulent, entre
autres, le regard expert de la technologie et celui des disciplines mobilisatrices.
Le socle commun ne se situe pas au niveau des exigences disciplinaires de fran-
çais, liées à l’obtention du diplôme national du brevet (DNB). C’est une évaluation
de la mobilisation des ressources de la langue, pour la mise en action de compé-
tences de lecture, d’écriture et d’oral, inhérentes à toute situation de communica-
tion et à tout apprentissage.

Voici un exemple qui nous semble éclairant pour distinguer deux niveaux d’exigence
attendus, pour le DNB en français et pour la validation de la compétence 1 du socle
commun. Si l’on travaille les expansions du nom, avec des élèves de troisième, et plus
particulièrement les adjectifs qualificatifs, il sera indispensable de revoir les fonctions des
adjectifs pour préparer les élèves à l’épreuve du DNB. C’est en effet une question classique
qui peut être posée aux élèves. Mais dans le cadre du socle commun, ce qui importe, ce n’est
pas que les élèves soient capables d’identifier ces différentes fonctions. La plupart des adultes
maîtrisant tout à fait la correction de la langue ont oublié depuis longtemps les appellations
expertes grammaticales.
Le socle commun exige des élèves qu’ils soient capables d’accorder correctement les adjectifs
qu’ils utilisent dans les textes qu’ils produisent afin de prouver qu’ils « utilisent leurs capa-
cités de raisonnement, leurs connaissances sur la langue, et qu’ils sachent faire appel à des
outils variés pour améliorer leur texte » (item du domaine ÉCRIRE, de la compétence 1).
Cet exemple permet de déterminer clairement ce qui relève des apprentissages de français, à
savoir l’apprentissage des fonctions grammaticales et des accords des adjectifs dans les textes
étudiés, et ce qui peut être attendu dans les autres disciplines, à savoir le respect des accords
essentiels de la phrase.

C’est bien la notion de compétence qui aide les enseignants à distinguer ce qui
relève de la construction de connaissances et de ressources, et ce qui relève de
leur mobilisation.

68
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe

Construire la légitimité de l’évaluation transversale


Il s’agit donc bien d’une légitimité d’évaluation, qui, tout en étant partagée, doit
être différente, selon qu’elle est une évaluation de la maîtrise, ou une évaluation de
la mobilisation des ressources construites. On peut considérer, par exemple, qu’un
élève a acquis un item de la compétence langagière lorsque deux évaluations positives
ont été posées, une par l’enseignant de lettres et une par un enseignant d’une autre
discipline. Cela dit, les enseignants d’une même équipe ont besoin d’harmoniser leurs
attentes pour la maîtrise de la langue. Si certains critères transversaux d’évaluation
sont déterminés, à partir de l’expertise des enseignants de lettres, sur la mobilisation
qui peut être attendue, on dote les équipes d’un guide qui les aidera dans l’évaluation
des pratiques langagières mises en œuvre, à travers les différents cours.

Exemple de critères de réussite pour la compétence 1


pouvant servir de base d’évaluation pour l’ensemble des disciplines

Items Critères de réussite


Lire

Adapter son mode L’élève adopte la bonne posture de lecteur,


de lecture selon le type de textes proposés.
à la nature L’élève est capable de lire un texte de façon globale
du texte proposé ou en étant à la recherche d’éléments précis.
et à l’objectif poursuivi Trois types de lectures à développer et à évaluer :
• Lecture silencieuse : l’élève est capable de pratiquer
une lecture qui va lui permettre de relever un certain
nombre d’éléments qui lui sont demandés.
Cet item concerne également la lecture de textes
numériques (sites, diaporamas, etc.) à la recherche
d’éléments de réponse, dans le cadre de la résolution
d’une tâche complexe, par exemple.
• Lecture à haute voix : on attend une lecture fluide,
d’un texte simple et court, sans hésiter sur les mots
et en respectant la ponctuation.
• Lecture-plaisir : l’élève est capable de lire
jusqu’au bout un livre qu’il s’est choisi pour lui-même.

Utiliser ses capacités C’est surtout sa non-acquisition qui va être repérée


de raisonnement, par les enseignants et signalée en vue d’une remédiation.
ses connaissances Cet item concerne notamment la constitution d’un capital
sur la langue, lexical précis et spécifique à chaque discipline.
savoir faire appel
à des outils appropriés
pour mieux lire

Dégager, par écrit Cet item, évaluable dans toutes les disciplines,
ou oralement, implique une reformulation de ce qui a été lu,
l’essentiel d’un texte lu pour en vérifier la compréhension.

69
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Items Critères de réussite

Lire
Repérer les informa- Pour l’explicite, il s’agit d’aider les élèves à repérer
tions dans un texte les éléments du texte qui vont en construire le sens.
à partir des éléments L’implicite sera surtout travaillé dans les disciplines
explicites et du pôle humaniste.
des éléments Cet item permet d’identifier des difficultés,
implicites nécessaires qui peuvent être prises en charge de façon disciplinaire
ou transversale.

Manifester Toutes les disciplines, par les différents types de textes,


sa compréhension de discours et de sujets qu’elles proposent, contribuent
de textes variés, à la construction et à l’évaluation de cet item.
par des moyens divers Des textes narratifs, descriptifs, explicatifs et argumentatifs.
Des textes documentaires.
Des textes scientifiques.
Des textes historiques.
Des textes sur support numérique.
Des articles de journaux.
Calibrage des textes supports de l’évaluation :
20 ou 30 lignes, niveau de langue courant,
difficulté courante de la vie de tous les jours en troisième.

Écrire
Reproduire un texte C’est l’item qui permet l’évaluation des traces écrites
sans erreur et avec dans les classeurs ou cahiers.
une présentation
adaptée

Écrire lisiblement Il ne s’agit pas de l’exercice de dictée, mais bien de la dictée


un texte, sous la dictée de traces de cours, de compte rendu ou de synthèse.
ou spontanément, Niveau d’exigence :
en respectant Les textes écrits doivent être compréhensibles par le lecteur,
l’orthographe avec une orthographe qui respecte les accords fondamentaux
et la grammaire de la phrase (sujet-verbe, accords du pluriel, conjugaison
des verbes) et une ponctuation qui construise l’enchaînement
des phrases. Concernant la lisibilité de l’écriture, les mots
doivent être segmentés correctement et la graphie lisible.
Tout enseignant, même non expert de la discipline,
peut proposer une évaluation positive ou non de cet item.

Rédiger un texte bref, Un texte bref est constitué au minimum de 5 phrases


cohérent et ponctué, ponctuées et correctement reliées les unes aux autres.
en réponse Le texte évalué doit présenter une organisation
à une question et une cohérence du propos.
ou à partir Dans les disciplines littéraires, les écrits attendus
de consignes peuvent être des rédactions, des résumés de livres lus,
données des comptes rendus, des argumentations diverses.
Dans les disciplines scientifiques, les textes évalués
peuvent être des narrations de recherche en mathématiques,
des récits d’expérience en technologie, en physique ou en SVT.

70
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe

Attention, cet item est souvent un pré-acquis dans


les évaluations, alors que certains types d’écrits codifiés
(exemple : le récit d’expérience) n’ont été enseignés
par personne.
Cet item permet d’évaluer la compréhension de consignes
(puisque l’item spécifique sur la compréhension de consignes
a disparu, alors qu’il s’agit d’un apprentissage prédictif
de réussite pour l’ensemble des disciplines). S’il n’est pas
acquis, cet item doit faire l’objet de remédiation.

Utiliser ses capacités Il est intéressant que toutes les disciplines travaillent
de raisonnement, avec l’enseignant de français, pour aider les élèves
ses connaissances à améliorer les productions écrites.
sur la langue, savoir • Faire travailler le brouillon et son amélioration.
faire appel à des outils • Apprendre aux élèves à relire et à corriger
variés pour améliorer une production écrite : grammaire, orthographe
son texte et ponctuation.
• Apprendre aux élèves à analyser leurs erreurs
et à se méfier de celles qui sont récurrentes.
• Faire utiliser régulièrement un correcteur orthographique.
• Inciter à recourir régulièrement au dictionnaire
pour employer le mot juste.

S’exprimer à l’oral

Formuler clairement Il s’agit d’évaluer la qualité d’une intervention orale


un propos simple ponctuelle et spontanée. Cette évaluation
par compétences doit remplacer la note de participation orale
souvent donnée à la fin du trimestre.

Développer de façon C’est un item à évaluer lors d’exposés ou d’entretiens oraux,


suivie un propos comme celui d’histoire des arts.
en public sur De nombreuses disciplines pratiquent et évaluent cet item,
un sujet déterminé lors d’exposés ou de revues de projets en technologie,
par exemple.

Participer à un débat, Cet item peut être évalué soit lors d’échanges spontanés
à un échange verbal au sein de la classe, soit lors d’une rencontre avec
un intervenant extérieur.
L’évaluation de cet item peut aussi être pratiquée lors
de l’observation d’un échange entre élèves dans le cadre
d’un travail de groupe.
Les critères d’évaluation peuvent être :
• une circulation équilibrée de la parole lors de l’échange ;
• une correction du vocabulaire utilisé entre les élèves ;
• un échange d’arguments ;
• une écoute attentive lors de la prise de parole des autres.

71
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Items Critères de réussite


S’exprimer à l’oral

Adapter sa prise L’élève connaît les registres de langue (familier, courant,


de parole à la situation soutenu) et choisit celui qui convient dans les situations
de communication suivantes :
• lors d’entretiens oraux (histoire des arts ou orientations
spécifiques) ;
• lors d’exposés ;
• lors d’une prise de parole en classe ;
• lors d’une prise de parole dans le groupe ;
• dans sa façon générale de s’exprimer dans l’enceinte
de l’établissement.
L’élève fait la différence entre la langue de la maison
et de la rue, la langue de l’école et la langue des écrivains.
Cet item peut être travaillé en mettant les élèves dans
des situations de prise de parole spécifiques (jeux de rôle, par
exemple) : devenir médiateur culturel dans un musée, préparer
un discours électoral lors des élections de délégués, etc.

Cette réflexion transversale permet de mettre à jour des malentendus pédago-


giques dans les prérequis de maîtrise de la langue. Elle permet de confronter les
attentes des uns et des autres.

Lors de la correction collective d’une évaluation interdisciplinaire, nous nous étions


rendu compte que les exigences orthographiques des uns et des autres pouvaient être très
variées, et que celles des collègues non experts étaient parfois plus élevées que celles des
enseignants experts de la discipline. En effet, certains collègues étaient dans l’attente
d’une perfection orthographique, que n’attendaient pas les enseignants de lettres, dans le
cadre d’une production personnelle.

Les collègues des autres disciplines proposent une analyse intéressante


des difficultés langagières des élèves, puisqu’ils les perçoivent dans un contexte
de mobilisation. Les savoirs qui devraient être construits ne le sont pas suffisam-
ment, s’ils ne sont pas intégrés aux ressources propres de l’élève et disponibles
dans toutes les situations de communication. Réciproquement, l’expertise des
enseignants de lettres, sur les textes proposés à la lecture dans les autres disci-
plines, peut être pertinente. Il est en effet difficile d’évaluer les compétences de
lecteur des élèves quand on n’est pas enseignant de lettres, et ils sont parfois mis
involontairement en difficulté, face à des textes trop complexes pour leur niveau
de lecture, ou sans l’étayage nécessaire à leur compréhension.

72
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe

Les exigences de la société

Les grilles Eduscol qui aident les enseignants à la mise en œuvre du socle commun,
par la description de pistes possibles d’évaluation, préconisent l’évaluation d’une
« orthographe socialement acceptable ». Cette expression, qui fait sourire les collè-
gues en formation, à cause de l’imprécision qu’elle apporte, recentre bien cependant
le débat sur les exigences du socle commun. Toute la question est de savoir si notre
société est permissive ou au contraire intransigeante avec les orthographes incor-
rectes, et de savoir où et quand elle pose son seuil de tolérance.

Travailler le transfert de compétences


Les élèves ont beaucoup de mal à maintenir leur attention sur la langue, dans
toutes les situations de communication. Un enseignant de lettres est toujours
étonné de constater le manque d’attention de ses propres élèves, dont il connaît
bien l’orthographe habituelle, dans les écrits faits dans les autres disciplines. Que
ce soit dans le paragraphe argumenté d’histoire, ou dans les synthèses ou récits
d’expérience demandés dans les disciplines scientifiques ou technologiques,
l’enseignant de français constatera, chez les élèves fragiles, la disparition de la
ponctuation, c’est-à-dire de la structure du texte, et des accords fondamentaux
de la phrase. Comme si l’effort à fournir pour construire ce texte était impossible,
alors que l’élève est déjà en mobilisation d’autres compétences.
Car finalement, en français au collège, le texte produit est son propre sujet
d’étude et toute l’attention de l’élève est concentrée sur la correction de la langue.
Or, dans les autres disciplines, le texte est un outil de communication, c’est-à-dire
un support de réflexion et d’analyse d’autres compétences.

L’alignement d’apprentissages grammaticaux en langues vivantes et en français peut


aider les élèves à donner du sens à certaines tournures enseignées. Si le gérondif est revu
en français la semaine où il est enseigné en espagnol et en latin, les élèves comprendront
plus facilement les liens entre les langues latines, d’une part, et les usages d’un même
procédé grammatical dans différentes langues, d’autre part.
L’utilisation des connecteurs logiques, dans le paragraphe argumenté d’histoire, ou
dans d’autres écrits argumentatifs, est un point de grammaire de textes étudié en cours
de français. Mais les élèves transfèrent rarement seuls les outils construits en français
dans les textes produits ailleurs.
Tout simplement parce qu’ils n’y pensent pas. Tout simplement parce que ces outils
n’ont pas encore été intégrés à leurs ressources langagières propres. Et elles ne le seront
que si on les guide dans cette mobilisation interdisciplinaire des acquis de langue.

C’est en mettant en évidence, pour les élèves, la prise en charge transversale


de la maîtrise de la langue qu’on donnera toute sa valeur à cette compétence

73
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

langagière. C’est en comprenant l’importance de la correction de la langue


dans toutes les situations d’apprentissage et d’évaluation que les élèves lui
accorderont l’attention nécessaire. Cette transversalité ne réduit pas l’influence
des enseignants de lettres sur la langue, bien au contraire, elle les positionne dans
un rôle d’expert, et contribue à tisser des liens entre les disciplines, autour d’un
outil de communication commun et fondateur.

Les pratiques de maîtrise de la langue dans un établissement


Une transparence dans les pratiques langagières
Réfléchir en équipe sur la prise en charge des apprentissages transversaux de
maîtrise de la langue, que ce soit pour l’écriture ou la lecture, suppose d’interroger
préalablement les collègues sur les pratiques langagières quotidiennes mises en
place au sein de leurs cours.
• Quels sont les types de textes proposés à la lecture  ? De quelle longueur
sont-ils  ? De quel niveau de langue relèvent-ils  ? La lecture est-elle faite
silencieusement, à haute voix par les élèves ou par le professeur ? Qu’est-ce
que les enseignants attendent des différents types de lecture ?
• Quels sont les types d’écrits que les élèves ont à produire ? Quelles exigences
syntaxiques, lexicales et grammaticales sont attendues ?
• Quelles pratiques orales ont cours dans les classes  ? Comment sont-elles
évaluées ? Et sur quels critères de réussite ?

Des attentes
Concernant les types d’écrit attendus, seuls les collègues de français et d’histoire
travaillent sur des textes longs et articulés. Les enseignants des autres disciplines
attendent cependant, en troisième, des réponses rédigées de quelques phrases
reliées les unes aux autres, et argumentées. En ce qui concerne la grammaire de
phrase, l’agencement attendu est celui du « sujet, verbe, complément », avec une
proscription parfois des pronoms, pour lutter contre l’imprécision des réponses.
L’exigence orthographique se porte souvent sur le vocabulaire spécifique vu dans
les leçons. En sixième, les exigences se limitent à une ou deux phrases simples
juxtaposées. On constate que l’écrit se complexifie en même temps que la pensée.
La lecture des textes est soit faite par l’enseignant, soit par des élèves volon-
taires. La lecture autonome silencieuse n’est donc jamais travaillée comme elle
peut l’être en cours de français, à partir d’un relevé des éléments implicites
et explicites qui permettent de construire le sens du texte. Les élèves sont pour-
tant évalués souvent à partir de cette lecture silencieuse, imposée en évaluation,
qui devient donc alors un prérequis non enseigné.

74
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe

Si les apprentissages de lecture spécifiques ne peuvent être pris en charge


par les collègues des disciplines qui les mobilisent, elles peuvent l’être dans le
cadre du cours de français et de l’apprentissage de la lecture de tout type de
textes (item 1 de la compétence 1 « Adapter son mode de lecture à la nature du
texte proposé et à l’objectif poursuivi  »). Ces apprentissages «  invisibles  » sont
cependant à identifier en équipe, et à intégrer dans les progressions annuelles
des disciplines concernées.
Les pratiques langagières ne sont pas toujours liées à des spécificités disci-
plinaires, mais peuvent dépendre aussi des affinités de l’enseignant avec ces
pratiques. En effet, dans un établissement, l’enseignant d’arts plastiques appuie
ses cours sur des lectures documentaires ou de critiques, alors que dans un autre
établissement, l’enseignant de la même discipline ne proposera presque jamais de
textes à lire à ses élèves. La transversalité de la compétence 1 du socle ne s’ins-
crit pas dans les pratiques artificielles, mais elle s’évalue dans un premier temps
sur des pratiques de classe qui existent déjà, et qui sont donc à recenser.
Dans un second temps de réflexion, les équipes peuvent réfléchir ensemble
à la façon de coordonner au mieux ces apprentissages transversaux, pour aider
tous les élèves à les construire. C’est en fait l’autonomie des élèves, dans ces
pratiques langagières, qui est attendue, et le décloisonnement de ces pratiques
peut permettre aux élèves de les acquérir.

Une réflexion à enclencher sur ces pratiques


Dans les établissements, les pratiques langagières mises en œuvre ne sont
pas toujours basées sur une réflexion approfondie. La lecture à haute voix des
textes ou des consignes, par le professeur, lors d’évaluations notamment, semble
inopportune aux collègues. Or cette lecture faite par l’adulte est essentielle dans
la compréhension de l’activité pour beaucoup d’élèves. Ne peut-on pas accepter
une progressivité dans cette construction de l’autonomie de lecture  ? Seules
les épreuves écrites du DNB, à la fin de la troisième, exigent une autonomie
absolue de lecture des textes et des consignes. C’est d’ailleurs bien à cette auto-
nomie que les préparent durant toute l’année les enseignants de troisième. Mais
cette autonomie est-elle possible et raisonnable les années antérieures ? Est-elle
en tout cas exigible si elle n’est pas construite explicitement, au travers d’acti-
vités transversales ou disciplinaires  ? Si l’on écoute ce que nous disent les
professeurs du premier degré, les élèves qui entrent en sixième n’ont pas acquis
cette autonomie dans la lecture de consignes. Et nous voudrions l’évaluer à la fin
de la troisième, en espérant qu’elle se soit construite toute seule entre-temps  ?
Cela repose le problème de la construction de l’autonomie, que nous traitons
dans un autre chapitre, mais la lecture autonome est bien un critère fondamental
dans les apprentissages.

75
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Un écueil à éviter

Une réflexion sur la pertinence des ressources externes que nous donnons à nos
élèves, quelle que soit la discipline, notamment pour les aider à la résolution des
tâches complexes, est à mener. En effet, ces ressources externes deviennent rapi-
dement des obstacles, voire des handicaps pour les élèves qui ne savent pas les
exploiter. Si l’on donne, par exemple, l’adresse d’un site Internet proposant des
informations exploitables par les élèves, il faut s’assurer que les élèves seront
capables de naviguer sur ce site et de sélectionner rapidement l’information inté-
ressante, et qu’ils ne risquent pas au contraire de perdre un temps précieux à lire
tous les mots du document, du premier au dernier, sans être capables d’en identifier
la ressource pertinente à la résolution du problème.
C’est un écueil classique dans nos pratiques, surtout quand on commence à propo-
ser aux élèves la résolution de tâches complexes : on pense les aider, en s’appuyant
sur des prérequis de lecture et de sélection de l’information qu’ils n’ont pas. Cette
remarque est valable pour les textes donnés sous un format papier.

Les types d’écrits : le français au service des autres disciplines


Les écrits demandés aux élèves dans les diverses disciplines relèvent de
ce que nous appelons les « apprentissages invisibles » et se situent souvent dans
le « no man’s land disciplinaire », puisqu’on les évalue sans que jamais personne
ne les ait réellement enseignés. L’intégration de l’approche par compétences dans
les pratiques a permis de faire émerger ces problématiques d’apprentissage et
la notion de prérequis mobilisés dans la résolution de tâches complexes.

Lors d’une discussion en équipe, dans une classe de quatrième, l’enseignant de


technologie explique qu’il évalue la démarche d’investigation des élèves à travers un
récit d’expérience. L’enseignante de français lui demande alors si les élèves ont appris
à écrire ce récit d’expérience, pour lequel on attend un texte rédigé et construit d’une
dizaine de lignes. Ni l’enseignant de technologie, par manque de temps, ni l’enseignante
de lettres, par manque de lisibilité transversale, n’a pris en charge cet enseignement.
Or le récit d’expérience est un récit codifié qui, pour être un support pertinent d’évalua-
tion, doit être maîtrisé par les élèves.
C’est ce genre de prérequis qui pose problème aux élèves les plus fragiles, qui, n’ayant
pas les compétences de maîtrise de la langue pour produire l’écrit attendu, ne peuvent
prouver s’ils ont ou non des compétences technologiques. L’enjeu est donc de taille pour
les élèves comme pour les enseignants. Le guide présenté ci-dessous, élaboré conjoin-
tement par les enseignants de français et de technologie, a été proposé aux élèves de
quatrième lors d’une heure interdisciplinaire, préparant l’évaluation de technologie.
Le vocabulaire proposé pour les différentes étapes de la démarche d’investigation est
un vocabulaire travaillé en cours de français lors d’une séquence sur le roman policier.
L’objectif de ce guide d’écriture est d’accompagner les élèves dans les étapes du récit et de
leur fournir un vocabulaire précis et adapté pour chacune de ces étapes.

76
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe

Comment rendre compte d’une expérience en technologie, à l’écrit ?

Item du socle commun évalué :


C3 : présenter la démarche suivie, les résultats obtenus, communiquer à l’aide d’un langage
adapté.
Consigne : vous devez rédiger, à l’écrit, le compte rendu d’une expérimentation menée
en groupe, pour analyser le fonctionnement de l’élément chauffant d’un appareil élec-
trique et en déduire les causes probables des pannes. Ce texte devra être organisé
selon les étapes proposées dans le guide d’écriture et utiliser un vocabulaire adapté.
Plan d’intervention (suivre les étapes pour organiser le propos et utiliser le vocabulaire
proposé ci-dessous).
• Observation de l’appareil défectueux. Le décrire et présenter ce qui ne fonctionne pas
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

• Formulation d’hypothèses
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

• Récit de l’expérience effectuée (dire ce qu’on fait sur l’objet, en utilisant le vocabulaire
technique)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

• Raisonnement : expliquer quelle est, selon votre recherche, la panne exacte.


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Vocabulaire technique à utiliser : Effet Joule, résistance chauffante, matériau,


conducteur, caractéristique, tension

Vocabulaire de la démarche d’investigation pour relater les différentes étapes de


l’expérience

Observer Poser des hypothèses Expérimenter Raisonner


remarquer poser comme hypothèse mesurer déduire
constater que calculer prouver
examiner penser que tester conclure
détecter estimer effectuer percevoir
décrire formuler utiliser proposer
distinguer peut-être obtenir formuler
repérer il est possible que constater exploiter
observer supposer remarquer confirmer/infirmer
noter utilisation du conditionnel vérifier démontrer
identifier

77
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Certains élèves en difficulté, en étant accompagnés ainsi dans la mobilisation de compé-


tences de maîtrise de la langue, ont pu prouver qu’ils avaient des compétences en tech-
nologie. Les meilleurs élèves ont produit des textes de grande qualité, tant au niveau de
la structuration du texte et de l’emploi d’un vocabulaire adapté. Cette mobilisation inter-
disciplinaire du vocabulaire permet de plus d’enrichir le capital lexical des élèves, puisque
multiplier les occurrences d’un mot, dans des situations variées, est un moyen efficace
de les aider à intégrer le vocabulaire nouveau dans leurs ressources propres.

L’expérience menée en technologie est réitérable dans les autres disciplines.


Elle nécessite en amont une discussion entre les enseignants de français et les
enseignants des autres disciplines, pour identifier les difficultés d’écriture des
élèves, qui ne soient pas qu’orthographiques ou syntaxiques, mais qui soient
bien des difficultés de production de textes spécifiques. Proposée en classe
de quatrième, cette activité interdisciplinaire contribue à construire l’autonomie
attendue en classe de troisième.
Prendre en charge ces écrits permet de hausser le niveau des apprentissages
transversaux et aider les élèves à devenir compétents.

La lecture : toutes les disciplines au service du français


Faire lire les œuvres du patrimoine à tous les élèves relève toujours un peu
d’une gageure, et travailler pendant plusieurs semaines sur une œuvre litté-
raire que toute la classe n’a pas lue est très frustrant et peu efficace en termes
de construction d’acquis. Construire une autonomie de lecteur aux élèves non
lecteurs est un pari que nous relevons, par un travail permanent sur les représen-
tations des élèves associées à la lecture et sur la manipulation de tous les types
de textes. Créer un lien avec la lecture et faire en sorte que les élèves de troisième
quittent le collège en se connaissant en tant que lecteurs et en ayant gardé un lien,
même ténu, avec les livres nous semblent des enjeux primordiaux pour assurer un
garde-fou indispensable dans la vie future d’adulte et de citoyen de nos élèves.
C’est pourquoi nous proposons plusieurs entrées disciplinaires dans les textes
et les livres, afin de sensibiliser le maximum d’élèves.

Proposer des entrées différentes dans les œuvres littéraires


Comment étayer, pour les élèves non lecteurs, la lecture des œuvres du patri-
moine inscrites dans les programmes de français ? L’étude de ces œuvres s’appuie
sur le prérequis incontournable que les œuvres ont été lues préalablement par
les élèves. Mais comment faire lire quelqu’un qui ne sait ou qui ne veut pas lire ?
Ces textes offrent un degré de complexité non négligeable pour un élève de collège
n’ayant aucune habitude de lecture à la maison. Quel paradoxe alors que celui
de l’enseignant de lettres qui, en essayant de partager une passion des textes
et de l’acte de lecture, se voit obligé d’imposer à ses élèves la lecture de textes
complexes, pour lesquels ils ne perçoivent, au premier abord, aucun intérêt  !

78
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe

De la même façon qu’il n’est pas difficile d’enseigner à un bon élève, il n’est fina-
lement pas difficile de faire lire un élève lecteur. Mais comment faire avec tous les
autres ? C’est l’introduction de l’enseignement décloisonné de l’histoire des arts
qui nous a montré une entrée pertinente dans les textes littéraires. C’est en effet
par les réécritures d’une même œuvre d’art, ou par les échos se répercutant d’art
en art, à l’intérieur d’une même thématique, que l’on peut parvenir à accompagner
les élèves les moins lecteurs, dans l’approche et l’analyse des œuvres patrimoniales.

Étudier en même temps, en français et en éducation musicale, Roméo et Juliette


de William Shakespeare et la comédie musicale West Side Story permet aux élèves
d’appréhender ces œuvres à travers le dialogue interdisciplinaire mis en place, et
de comprendre la structure de l’œuvre et la construction des personnages à travers
leur déclinaison et leurs variations.
Une approche intéressante des œuvres théâtrales du patrimoine littéraire consiste
à engager, avec les élèves, une réflexion sur la mise en scène de ces textes, en collabora-
tion, à travers des projets interdisciplinaires, avec des disciplines comme l’art plastique,
pour la scénographie, la technologie, pour la gestion des contraintes techniques liées
à des choix de mises en scène, ou l’EPS pour la création de chorégraphies d’art du cirque
qui accompagnent et illustrent le texte mis en scène. Si ces textes ont de plus fait l’objet
d’adaptation en livrets d’opéra, cela permet d’inclure l’éducation musicale à la lecture
et à l’étude de ces textes.
Nous menons chaque année un projet interdisciplinaire lié à la mise en scène d’un
spectacle vivant. Nous avons déjà travaillé par exemple avec les élèves autour de la mise
en scène du Mariage de Figaro de Beaumarchais et de sa transposition en opéra par
Mozart. Quand tous les élèves, même les non-lecteurs affirmés et assumés, se mettent
à lire volontairement et scrupuleusement le texte de Beaumarchais, au fil des didascalies
du texte, pour proposer une motorisation des décors et un choix d’éclairages appropriés
à la mise en valeur du texte, nous pouvons alors évaluer avec pertinence leur connais-
sance des œuvres du patrimoine.

Développer une posture de lecteur


Développer des compétences de lecture revient à travailler une posture de
lecteur, et ne peut se faire sans une réflexion régulière et progressive avec les
élèves sur les représentations associées à l’acte de lecture et sur les freins qui
les empêchent de pratiquer une lecture-plaisir autonome. Une motivation intrin-
sèque se manifeste chez de jeunes enfants qui ne savent pas lire, quand ils sont
entourés de lecteurs, et les attire vers cet objet si particulier et si hermétique qu’est
le livre. C’est cette motivation qui est à développer chez des élèves non lecteurs,
qui, attirés par l’objet livre mis en valeur à travers différentes actions, s’essayeront
plus facilement à l’acte de lecture-plaisir. Pour ce faire, toute lecture est autorisée,
et le CDI devient le lieu de rencontres et de discussions autour de l’acte de lecture.
Comment faire revenir au CDI, par exemple, les élèves décrocheurs, à la fois des
apprentissages et de la lecture ? La bande dessinée, les comics ou mangas sont

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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

des supports de lecture pertinents au collège si, appréhendés dans leur spécifi-
cité et leur modernité, ils permettent de faire revenir à la lecture des élèves non
lecteurs. L’agencement du CDI a été repensé pour pouvoir offrir à ces élèves une
ergonomie favorable à l’activité de lecture, ainsi que le calme et l’éclairage néces-
saire, pendant une heure prévue dans l’emploi du temps, pour les plus réticents.

Créer une vitrine de librairie


Construire des postures intellectuelles, des attitudes inhérentes à la maîtrise
de compétences, demande parfois un détour par la production d’objets concrets
et tangibles. La pédagogie de projet permet alors de familiariser les élèves à une
posture intellectuelle, en les familiariser avec des objets ou en exacerbant leur
créativité.

Pour réconcilier les élèves non lecteurs avec l’objet-livre, nous les impliquons dans
le renouvellement du fonds du CDI. Les élèves d’une classe de quatrième sont chargés
de recenser les livres, documents et revues en lien avec les apprentissages menés dans
toutes les disciplines, en classe de quatrième. Cela les oblige à la fois à manipuler les
ouvrages présents dans les rayons du CDI, mais également à avoir un recul analytique
sur les apprentissages menés. Pendant que certains élèves établissent ce recensement,
d’autres élèves présentent aux enseignants de toutes les disciplines les ouvrages existant
au CDI, qui concernent leurs apprentissages disciplinaires, et leur demandent de passer
commande d’un ou deux nouveaux ouvrages ou revues.
Une fois ce travail mené, les élèves rencontrent un libraire avec lequel ils analysent diffé-
rentes vitrines de librairies, et ce, dans le but de construire leur propre vitrine, puisque
nous avons au collège plusieurs supports matériels, dans le hall ou certains couloirs,
adaptés à un tel projet.
L’objectif annoncé aux élèves de quatrième est de présenter cette vitrine aux élèves
de CM2 lors de leur visite du collège au mois de juin, afin de leur présenter les différentes
spécificités des disciplines enseignées. La préparation de cette vitrine permet également
de travailler avec les élèves à la création de volumes pour donner du relief à l’exposition
des livres, de travailler en arts plastiques la scénographie de la vitrine, d’aborder dans
une situation de transfert les problématiques d’éclairage traitées en technologie, et de
réfléchir, avec l’agent responsable de la sécurité du collège, aux différentes contraintes
liées aux montages électriques dans un lieu public. Grâce à ces différents apprentissages,
des compétences, indépendantes des compétences de lecture, sont exploitées, pour créer
une familiarité autour de l’objet-livre.

La familiarité avec la lecture et les lieux qui la valorisent est à construire au


collège, avant que certains élèves, qui ont peu de livres à la maison, ne quittent
le système scolaire obligatoire. Il y a en effet peu de chances qu’ils créent ce lien
avec la lecture ensuite par eux-mêmes. C’est bien la notion de bagage minimum
inscrite dans le socle commun qui est interrogée à travers cette problématique
d’enseignement. L’enjeu est de taille, car un individu qui a un rapport régulier
et varié avec tous les types de textes continue à se former dans sa vie d’adulte

80
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe

et de citoyen. Motiver à la lecture est donc un enjeu essentiel pour la maîtrise de


la langue française. C’est l’une des clés de la réussite de nos élèves.

Un apprentissage transversal : l’oral


Des compétences pas toujours enseignées
Les compétences d’oral ont pris un poids nouveau dans les enseignements
du collège, depuis qu’elles constituent, d’une part, à elles seules, un domaine de
la compétence de maîtrise de la langue, et parce qu’il existe, d’autre part, mainte-
nant au collège, à l’issue de la scolarité obligatoire, un entretien oral d’histoire des
arts, indispensable à l’obtention de DNB. C’est-à-dire que ces compétences mobi-
lisées lors de cette présentation orale, et qui n’étaient abordées par la majorité des
élèves qu’en classe de première lors de l’épreuve anticipée de français du bacca-
lauréat, relèvent maintenant d’un apprentissage qui incombe aux enseignants
du collège, puisqu’il est difficilement envisageable de confronter nos élèves à
ce type d’épreuve sans les y avoir préparés. L’épreuve orale d’histoire des arts
nous oblige donc à construire de façon progressive et transversale les compé-
tences du domaine DIRE de la compétence 1. L’oral étant pratiqué dans toutes les
disciplines, c’est à la fois son enseignement et son évaluation qui sont à la charge
de tous les enseignants.

En observant des élèves de DP3 présenter le compte rendu oral d’un travail mené
autour des métiers, nous avons identifié un certain nombre de lacunes dans leurs
pratiques d’oral.
Quand ils présentent un travail qu’ils ont mené, individuellement ou en groupe,
les élèves lisent ce qui est projeté sur leur diaporama.
Ils ne parviennent pas à se détacher de leurs notes, qu’ils ont souvent trop ou pas assez
rédigées.
Ils ne posent pas correctement le ton de leur voix et tournent souvent le dos à leur public.
Ils enchaînent les étapes de leur propos sans transition, et sans explicitation du plan suivi.
Ils peinent à répondre aux questions du public sans être déstabilisés.

Et il est difficile de leur en tenir rigueur, puisque ce sont des défauts que l’on
retrouve chez les adultes qui n’ont pas une pratique régulière de l’oral et que,
de surcroît, nous n’avons généralement pas construit avec eux les compétences
nécessaires pour un exposé clair, ou que nous ne leur avons pas offert suffisam-
ment de situations d’entraînement.
Or de la même façon qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit d’évaluer les élèves
sur une notion sans leur avoir laissé le temps de la structurer, de l’intégrer et de
s’entraîner aux procédures qu’elle mobilise, de même il semble difficile d’évaluer
les élèves sur leurs compétences d’oral sans avoir proposé un apprentissage

81
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

régulier et progressif. Il est possible de préparer en transversalité l’entretien


individuel d’histoire des arts dès la classe de quatrième, en proposant aux élèves
des situations de travail qui leur apprennent à relier les enseignements dispensés
dans plusieurs disciplines autour d’une même thématique, et surtout de produire
un exposé oral, qui s’appuie sur un support maîtrisé, qu’il soit numérique ou non.
Construire dès la classe de quatrième ces compétences permet une évaluation
pertinente et surtout positive en classe de troisième.

L’intérêt des analyses de pratiques

Multiplier les analyses de pratiques enrichit les questionnements pédagogiques


et accélère le changement de pratiques. Il est intéressant d’ouvrir les portes des
classes et d’inviter des collègues ou d’autres élèves à observer certaines séances
de classe ou certaines productions de nos élèves. Le regard extérieur d’une tierce
personne permet en effet d’identifier des zones de lacunes transversales, que l’on
a du mal à mettre parfois à jour dans nos propres enseignements, puisque notre
regard expert nous empêche de décomposer des procédures automatisées dans les
apprentissages que nous dispensons.

Un outil : le logiciel de présentation


(type diaporama)
L’outil numérique devient alors un support de construction de la compétence,
et non plus seulement un support d’évaluation. C’est en remarquant que les élèves
ne parviennent pas à différencier ce qu’ils projettent de ce qu’ils disent que nous
avons pris conscience du potentiel pédagogique d’un outil numérique comme
le diaporama, qui différencie clairement ce qui est projeté dans la diapo de ce qui
est dit en notes. C’est dans cette optique que nous utilisons cet outil, dès la classe
de quatrième, en préparant notamment des diaporamas préremplis, qui aident
les élèves à structurer leur propos. Le diaporama devient donc un outil transver-
sal pour toutes les disciplines. Dans l’exemple présenté ci-dessous, il est utilisé
en technologie, lors d’une présentation orale d’expérience, en classe de quatrième, et a
été établi en collaboration avec l’enseignant de technologie et l’enseignant de français.

Un exemple en technologie
Consigne  : vous devez, en binôme, présenter les résultats de votre recherche, grâce
à un diaporama.
Il ne faut pas lire à l’oral ce qui est écrit sur la diapo projetée (puisque le public qui
vous écoute sait lire aussi). Sur la diapo, on note les titres des idées principales.
Et à l’oral, on les explique.

82
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe

Diapo écrite Oral

Diapo 1

Noter le problème à résoudre Présenter les membres du groupe


Inventer un titre à l’expérience Reformuler et expliquer la consigne
de la situation-problème

Diapo 2

Phases d’observation Décrire l’appareil défectueux


et de formulation d’hypothèses Expliquer ce qui ne fonctionne pas
Croquis annoté de l’appareil Formuler des hypothèses

Diapo 3

Phase d’expérience En utilisant le vocabulaire technique,


Au choix : faire le récit de l’expérience menée
– Liste du matériel utilisé, avec photo
– Photo d’une étape de l’expérience
– Croquis qui relate l’expérience
– Quelques phrases pour décrire
l’expérience menée, accompagnées
par un schéma et son diagramme
fonctionnel

Diapo 4

Phase de présentation des résultats Faire une conclusion en expliquant


Énumérer les causes possibles de la panne la ou les solutions envisagées

Inventer une ou deux questions que l’auditoire pourrait poser pour préparer la réponse.
Questions
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Réponses
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Auto-évaluation

Mes points faibles :

Mes points forts :

83
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Grâce à des pratiques communes utilisant régulièrement cet outil numérique,


les élèves développent leurs compétences d’oral et se familiarisent avec ce
nouveau type d’évaluation. Leur aisance à l’oral se constate à la fin de la classe
de troisième lors de l’entretien officiel d’histoire des arts. Mais pour parvenir à
une validation certificative de compétences, des oraux d’entraînement se sont
multipliés dans l’établissement, générant des modifications d’emplois du temps,
comme ceux imposés par la programmation d’épreuves communes écrites ou de
brevets blancs. Sur les deux dernières années de leur scolarité au collège, les
élèves ont pu travailler leurs compétences d’oral lors :
– de projets interdisciplinaires (relevant soit de thématiques d’histoire des
arts, soit de projets à forte dominante technologique) ;
– de concours académiques ;
– d’entretiens blancs d’histoire des arts ;
– d’entretiens suite à un stage en entreprise.
Chaque élève a été confronté au moins à quatre entretiens oraux avant de se
présenter à l’entretien certificatif d’histoire des arts. C’est à ce prix qu’on interroge
des candidats maîtrisant parfaitement, dans leur grande majorité, les compé-
tences d’oral nécessaires à la réussite de cette épreuve.

Un changement de pratiques
aussi dans les crédits d’enseignements

Du matériel de prise de son et de filmage a été acheté dans l’établissement, sur


des crédits interdisciplinaires, puisque les changements de pratiques mis en œuvre
ont amené de nouveaux besoins, notamment dans l’analyse des pratiques d’oral
des élèves : se filmer, s’observer et s’auto-évaluer sont en effet des actions inhérentes
au développement des compétences d’oral attendues dans la future vie profession-
nelle des élèves.

84
5
Construire la mobilisation
des ressources nécessaires
à la construction des compétences

I   ntégrer le socle commun dans les pratiques nécessite de permettre aux élèves
  d’actionner et de prouver la maîtrise de leurs compétences. La seule observa-
tion de compétences décontextualisées, qui ne répondent pas à la volonté de
résoudre un problème donné, ne suffit pas à prouver qu’un élève est compétent.
Être compétent, c’est en effet savoir mobiliser et combiner des ressources à bon
escient. C’est donc d’abord :
– identifier les ressources adaptées à la problématique posée ;
– être conscient qu’on en dispose et qu’on est en mesure de les utiliser ;
– avoir des indices de récupération pour les retrouver dans sa mémoire
et dans un classement des savoirs le plus souvent associés à une discipline ;
– les combiner à d’autres ressources, puisque les situations-problèmes de la
vie réelle ne nécessitent que rarement l’utilisation d’une ressource unique.

Un état des lieux des comportements d’élèves


face à la mobilisation des ressources
Analyser et comprendre les échecs des élèves
Quand on propose aux élèves, pour la première fois, une résolution de tâche
complexe, que ce soit en apprentissage, ou pire, en évaluation, ils sont complè-
tement déstabilisés  : cela démontre leur faible entraînement pour ce genre
d’activités. Ils sont tout d’abord perplexes, puis embêtés par l’absence de ques-
tionnement précis, en colère parfois de n’être pas plus guidés dans la démarche
à mettre en œuvre. Car les élèves ne s’y trompent pas  : l’approche par compé-
tences demande du travail et de la réflexion de leur part. Ce n’est plus l’enseignant
qui détermine la démarche de résolution pour un problème qu’il a lui-même posé
et qui n’interpelle finalement que peu les élèves.
Les évaluations nationales de CM2 proposent chaque année un exercice
complexe qui nécessite que les élèves croisent des compétences de français et de

85
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

mathématiques (comprendre un tableau de données pour approfondir la compré-


hension d’un texte documentaire, par exemple). Cet exercice pose problème aux
élèves, qui, bien que maîtrisant les différentes ressources à mobiliser, comme cela
est démontré à travers d’autres tâches simples, sont déstabilisés par une consigne
ouverte qui les oblige à combiner plusieurs ressources, en faisant appel, notam-
ment, à la maîtrise de différents types de langage, comme des textes, des tableaux
de données, des horaires, etc.
Si l’on propose ces mêmes exercices à nos élèves de sixième, on observe
la même complexité à manipuler des documents variés, pour en extraire une informa-
tion précise qui vienne éclairer ou approfondir la compréhension d’un texte support.
Les élèves n’aiment pas, parce qu’ils n’y sont pas formés, avoir le choix
et gèrent mal la surcharge cognitive d’informations, puisqu’ils ne disposent pas
de stratégies pour lui faire face. C’est bien une compétence à construire avec
eux, et il faut prendre conscience qu’ils ne la maîtrisent pas quand ils arrivent au
collège, ou s’ils la maîtrisent, elle est en tout cas perturbée, à l’arrivée au collège,
par le changement d’échelle et le cloisonnement disciplinaire renforcé.

Construire les notions de problématique et de consigne ouverte


Face à une tâche complexe, les élèves ont tout d’abord à comprendre et à
s’approprier la problématique. Cette notion de problématique est donc à construire
avec eux, afin qu’ils la différencient bien d’une simple question à laquelle il faut
répondre directement. Quand on prépare avec les élèves de troisième l’entretien
d’histoire des arts, on perçoit bien cette complexité pour eux de cerner la notion
de problématique ou d’objet d’étude, et d’y relier les œuvres à présenter et
à analyser. Il s’agit pourtant bien d’un critère essentiel pour réussir le passage au
lycée. Les élèves doivent apprendre à répondre à une consigne ouverte, qui les
lance dans une activité de recherche ou de résolution de problème sans en forma-
ter le résultat attendu.
Les élèves n’aiment pas les consignes ouvertes et préfèrent suivre un question-
nement fermé, même quand ils n’en connaissent pas toutes les réponses.

Que l’on tente une expérience : proposez aux élèves, pour accompagner un extrait
de l’émission télévisuelle de vulgarisation scientifique C’est pas sorcier, diffusée sur
France 3, deux questionnaires, l’un avec des questions fermées suivant le déroulé du docu-
mentaire, et l’autre proposant deux ou trois questions ouvertes demandant aux élèves de
restituer ce qu’ils ont compris et retenu des thèmes principaux abordés dans l’émission.
La quasi-totalité des élèves choisissent le questionnaire fermé, alors qu’il est manifeste-
ment moins bien adapté au débit et au rythme soutenu de la transmission des informa-
tions dans l’émission. Les élèves préfèrent écrire à toute vitesse, se laissant submerger
par le nombre et l’enchaînement des questions. La prise de notes est au final inutilisable
et les élèves n’ont pas compris grand-chose à la problématique générale abordée.

86
Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences

Seuls deux ou trois élèves préfèrent regarder l’émission et restituer ensuite, à leur
rythme, ce qu’ils ont compris et structuré. Est-ce un manque d’auto-évaluation et de
recul face aux activités proposées ? Sont-ils rassurés par un questionnement qui les
accompagne pas à pas dans la démarche, sans lisibilité globale de ce qu’ils sont en train
de faire et de construire ? Cet exemple est symptomatique de ce que les élèves vivent,
heure après heure, dans nos cours, sans lisibilité réelle des objectifs d’apprentissage que
nous poursuivons.

Savoir faire des choix et utiliser les ressources dont on dispose


Être compétent, c’est être autonome dans ses apprentissages et savoir établir
des stratégies pour répondre aux problématiques posées. Or les élèves sont dému-
nis face à cette approche des savoirs. Les questions essentielles à se poser sont
donc « Comment construisons-nous cette autonomie dans les apprentissages ? »,
« Comment leur apprenons-nous à transférer les ressources construites dans des
situations plus éloignées de celles d’apprentissage ? ».

Les élèves que nous avons observés, face aux premières tâches complexes interdiscipli-
naires qui leur étaient soumises, réagissent de plusieurs façons, mais rares sont ceux qui
mènent directement à bien la résolution du problème. La problématique posée est celle
de l’esclavage en classe de quatrième et on attend que les élèves soient capables d’utiliser
ce qu’ils ont construit autour du concept d’esclavage lors des cours d’histoire et de fran-
çais. Pour préparer l’évaluation, une carte mentale a été construite pour les aider à cette
structuration interdisciplinaire.
Au départ, la majorité des élèves ne comprend pas la problématique formulée et
a besoin qu’elle soit reformulée et explicitée par l’enseignant. Mais c’est plus la présen-
tation générale de l’activité qui les déroute que la problématique en elle-même. Certains
élèves, parmi les plus en difficulté, restituent l’intégralité de leur cours d’histoire, sans
aucun lien réel avec la problématique posée. Cela peut être interprété de deux façons :
l’expression d’une angoisse face à une activité sur laquelle ils n’ont aucune prise, mais
avec la volonté de prouver aux enseignants qu’ils avaient bien appris leurs leçons.
Ou alors, l’incapacité pour eux d’utiliser une ressource connue et mémorisée, mais dans
une situation décontextualisée.
Dans les deux cas, on réalise que les élèves seront incapables de réussir ces tâches
complexes sans un apprentissage construit et progressif de la mobilisation des ressources,
et notamment sans un travail avec eux sur un apprentissage utile et utilisable des leçons.
Certains élèves parviennent cependant à répondre à la problématique posée, en choisis-
sant les savoirs acquis dans l’une ou l’autre des disciplines. Un nombre restreint d’élèves
parvient à combiner les ressources des deux disciplines. C’est alors aux enseignants
d’accepter que les ressources attendues ne soient pas toutes mobilisées, et que les élèves
puissent mettre en œuvre des stratégies compensatoires.

Au bout d’un trimestre, les élèves auxquels on a présenté régulièrement


des tâches complexes dans toutes les disciplines commencent à comprendre
les enjeux de ce type d’activités et à relier les différents savoirs disciplinaires.

87
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Eux aussi perçoivent les intérêts de l’interdisciplinarité et y adhérent souvent très


fortement, puisqu’elle donne du sens et une dynamique nouvelle aux appren-
tissages. Ils ont néanmoins besoin qu’on leur donne l’autorisation d’utiliser
une ressource construite dans une autre discipline et c’est par une discussion
constante des enseignants et de leurs élèves, autour des savoirs construits
ailleurs, à un autre moment, par un autre enseignant, que l’on parvient à faire vivre
concrètement ce dialogue des disciplines.

Une vision morcelée par l’école

Les élèves de troisième demandent, en préparant leur entretien d’histoire des arts
autour de Roméo et Juliette, pièce étudiée dans le cadre du cours de français par
exemple, s’ils peuvent parler de ce qu’ils ont appris sur la pièce de Shakespeare avec
le professeur d’anglais. Ces paroles d’élèves montrent bien les efforts à fournir pour
reconstruire, dans leur esprit, une vision globale du monde, morcelée par l’école, et
pour leur apprendre à intégrer, de façon solide et stable, ce qu’ils apprennent, dans
un bagage de ressources accessibles et mobilisables à tout instant.

Comme il est très délicat déontologiquement d’évaluer quelque chose qui


n’a pas été enseigné, il faut donc construire, à travers une progression collégiale
et réfléchie, cette mobilisation des ressources. Certains enseignants sont déçus
d’avoir proposé plusieurs fois des tâches complexes, évaluées par compétences,
à leurs élèves et de s’apercevoir que les résultats sont plus que médiocres. La
mobilisation doit être enseignée, pour que les élèves soient capables d’intégrer
dans leurs ressources propres les savoirs, savoir-faire et savoir-être. Développer
des compétences demande du travail et de l’entraînement.

Un entraînement indispensable

Il ne suffit pas de courir, recevoir et renvoyer la balle, ou d’apprendre les règles du jeu
par cœur, pour pouvoir rencontrer convenablement des équipes adverses lors d’un
tournoi de sport. Il faut auparavant de nombreux matchs d’entraînement, encadrés
et guidés par un entraîneur, qui pratique en quelque sort l’équivalent d’une évalua-
tion formative.
L’arbitre, quant à lui, pratique le jour du match une évaluation certificative.

88
Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences

La concertation indispensable des équipes


Rendre visibles les ressources construites
Cette réflexion à mener concerne les enseignants d’une même classe, d’un
même niveau, toutes disciplines confondues. Comment en effet exiger des élèves
qu’ils fassent des ponts ou des liens entre les disciplines, si nous-mêmes, ensei-
gnants, n’avons pas fait de même auparavant. Comment donc parvenir à créer
cette lisibilité dans les enseignements, indispensable à la mise en place d’un
travail transversal et interdisciplinaire ?

Nous avions testé dans notre établissement l’utilisation d’un cahier de transfert,
transporté de cours en cours par les élèves, ayant pour objectif de faire apparaître les
compétences construites à travers les différents enseignements, dans le but, en théorie,
qu’un autre enseignant de la classe puisse repérer un transfert de compétences possible,
et mettre en place une mobilisation interdisciplinaire de ces mêmes ressources.
Bien que les enseignants aient soutenu l’expérimentation et tenté de remplir ce cahier
à chaque heure de cours, cet outil n’a jamais vraiment fonctionné, parce qu’il représen-
tait, d’une part, un outil supplémentaire à gérer dans la classe, et que nous étions déjà
débordés par les fiches de suivi, cahiers de liaison, cahiers d’appel ou de textes, et, d’autre
part, parce que le transfert de compétences se construit difficilement dans la réactivité
et la spontanéité et nécessite une réflexion et une discussion pédagogique plus poussées.
C’est donc plutôt dans le cadre de discussions formelles ou informelles que nous avons appris
à connaître les contenus disciplinaires, les objectifs et les contraintes de chaque discipline.

La transparence des progressions annuelles


Connaître le contenu pédagogique des enseignements des collègues est une
étape essentielle dans la mise en œuvre pédagogique du socle commun. C’est
par la mise à disposition, voire l’affichage des progressions annuelles de chacun,
par classe et par discipline, que devient envisageable une réflexion transver-
sale et interdisciplinaire sur les contenus d’apprentissage. Cette transparence
des contenus permet en effet de choisir, en toute connaissance de cause, les
apprentissages disciplinaires que l’on souhaite aligner dans une période, pour en
renforcer la construction, ou, au contraire, que l’on souhaite décaler dans le temps
pour permettre une mobilisation et une évaluation en transfert des ressources
construites et évaluées dans une discipline.
Quels que soient les choix pédagogiques faits par l’équipe enseignante,
il en résulte alors de réelles discussions et concertations autour de la construction
des compétences. Les élèves sont sensibles à cette liaison des apprentissages,
qu’ils soient menés en parallèle ou réactivés pour servir dans un autre contexte.
Cette transparence interdisciplinaire permet la hausse des apprentissages,
les passerelles entre les savoirs et agit directement sur la motivation des élèves.
Elle est le moyen le plus efficace pour enclencher et cadrer le dialogue entre les

89
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

disciplines et pour orienter les discussions sur des enjeux pédagogiques qui
permettent de porter un regard global sur les réussites et les échecs des élèves.

Se débarrasser des œillères pour décloisonner les disciplines

Nous sommes toujours surpris, quand nous assurons dans d’autres établissements
des formations autour de la mise en œuvre pédagogique du socle commun, d’entendre
des phrases comme « Dans ma discipline, travailler comme cela n’est pas possible »,
« Moi, j’ai des contenus à transmettre », « Moi, je fais déjà cela depuis longtemps », etc.
Ces phrases, nous ne les entendons plus dans notre établissement, depuis que nous
avons pris conscience, en travaillant ensemble régulièrement sur des séquences d’ap-
prentissage communes, que nous avions tous des contenus disciplinaires à construire
et des contraintes inhérentes à notre discipline. Une fois ce constat établi, le travail
en équipe devient plus efficace, et permet, en travaillant ensemble sur les prérequis
attendus par tous, de combler les failles qui séparent et isolent les disciplines.

Construire une progressivité dans la mobilisation des acquis


La mobilisation de ressources, construites le plus souvent dans plusieurs disci-
plines, est difficile pour les élèves, qui ont intégré ces savoirs en les cloisonnant.
Les élèves ayant du recul face aux apprentissages sont capables de mobiliser les
ressources adéquates, sans trop savoir d’ailleurs pourquoi ni comment, mais pour
un élève en difficulté, ayant peu d’autonomie et de prise d’initiative, cela revient
finalement à remettre en cause l’ordre établi par le cloisonnement disciplinaire,
imposé par les emplois du temps et les programmes.
Si l’on considère que la mobilisation interdisciplinaire des ressources est le
dernier degré attendu dans la maîtrise des compétences au collège, il est donc
nécessaire d’aider tous les élèves à parvenir à ce niveau de compétences, puisqu’il
est indispensable que tous les élèves soient capables d’utiliser le bagage mini-
mum de connaissances et de compétences qui constituent le socle commun.

Cette mobilisation demande donc une progressivité dans les apprentissages, à établir
en équipe : en classe de sixième, on peut faire prendre conscience aux élèves qu’ils ont
besoin, pour résoudre un problème complexe, de savoirs associés dans leur esprit à
d’autres disciplines.
En classe de cinquième ou de quatrième, on peut leur apprendre à lister les ressources
mobilisables, ou à retrouver, dans une liste de ressources contenant des ressources para-
sites, celles qui seront pertinentes pour la résolution du problème proposé.
L’objectif à atteindre est que les élèves d’une classe de troisième aient acquis une certaine
autonomie dans le choix et la mobilisation de ressources.

Il faudra aussi prendre en compte l’importance de la formulation des consignes,


qui est un facteur déterminant pour permettre l’appropriation du problème par les

90
Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences

élèves. C’est cette traduction des problématiques en ressources mobilisables qui


doit être enseignée progressivement aux élèves. Décloisonner, relier, apprendre à
transférer, recontextualiser, pour devenir compétent. Seul le travail d’équipe des
enseignants, basé sur une concertation forte et une transparence dans les progres-
sions annuelles et les contenus disciplinaires de chacun, peut influer les pratiques
vers cet axe d’enseignement des compétences.

Faire de la validation une stratégie pédagogique

Poser, comme principe d’acquisition d’un item, une évaluation attendue dans
la discipline d’apprentissage et une évaluation en situation de mobilisation, permet
de faire de ce principe une stratégie pédagogique. En effet, pour satisfaire cette
stratégie, les équipes cherchent les situations de transfert, et donc élargissent leur
vision pédagogique en croisant les champs disciplinaires d’apprentissage.
Ce transfert de compétences peut se manifester par une mobilisation de l’item
dans la discipline première, mais à un moment différé de celui de l’apprentissage,
dans une autre discipline, ou lors d’un projet qui nécessitera une mobilisation plus
éloignée du contexte d’apprentissage.

Des dispositifs pédagogiques pertinents


pour construire une culture active
Le socle commun amène les enseignants à conceptualiser l’approche par
compétences en même temps qu’ils l’expérimentent sur le terrain. C’est à la fois
un frein pour des enseignants qui n’aiment pas présenter aux élèves des activités
dont ils ne maîtrisent pas intégralement le déroulé, mais cela redonne par ailleurs
un souffle à l’analyse de pratiques, activité professionnelle très formatrice et fédé-
ratrice pour construire un travail d’équipe sur le terrain. Certains dispositifs péda-
gogiques sont pertinents pour appréhender, tant du point de vue des enseignants
que des élèves, la mobilisation et la combinaison des ressources.

Les tâches complexes :


des activités forcément interdisciplinaires
Il s’agit de profiter de cette ouverture de réflexion et de concertation, amenée
par le socle commun, pour trouver des solutions aux problèmes récurrents rencon-
trés par les élèves et les enseignants. Les élèves ne savent pas mobiliser ce que les
enseignants ont construit avec eux ? Apprenons-leur à mobiliser ces ressources !
Le sujet est complexe, puisqu’il est finalement difficile de savoir pourquoi un élève
ne parvient pas à se créer un bagage de ressources qui devrait l’aider à résoudre
efficacement les problèmes qui se posent à lui.

91
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Le transfert de compétences, un objectif indispensable

Le transfert de compétences est un sujet délicat et controversé. Et pourtant, le véri-


table enjeu de nos enseignements est là : si les élèves ne sont pas capables d’utiliser
ce que nous leur apprenons, heure après heure, tout au long d’une année scolaire,
voire d’une scolarité, qu’il s’agisse de connaissances, de savoir-faire et d’attitudes,
quel est le sens de nos enseignements ?

Certains établissements sont entrés dans la problématique du socle commun


par la création de tâches complexes interdisciplinaires. Cette approche peut
sembler hasardeuse au premier abord, puisqu’elle combine la notion de tâche
complexe, mal maîtrisée pour l’instant pour la majorité des collègues, et celle
d’interdisciplinarité, très mal perçue et instituée dans les établissements. Mais
c’est justement parce que cette approche va confronter les équipes sur un terrain
purement pédagogique, qu’elle va bousculer efficacement les représentations des
uns et des autres et aider à la constitution d’une réflexion pédagogique commune.
Il s’agit bien entendu de guider les équipes dans cette création d’activités,
sans préciser au départ si elles serviront de supports d’apprentissage ou d’éva-
luation, et ce, afin d’éviter d’y ajouter les difficultés et crispations liées à toute
situation d’évaluation commune. Comment donc parvenir à croiser les contenus
disciplinaires autour d’une consigne et d’une production attendue commune,
qui permettent d’évaluer, à travers des indicateurs perceptibles, la maîtrise de
certaines compétences par les élèves ?
• On peut relever, à travers les programmes ou les projets menés régulière-
ment dans les établissements, un certain nombre de scénarios d’activités,
qui mobilisent des ressources diverses et qui, par leur dimension interdis-
ciplinaire, permettent aux équipes de croiser leurs enseignements. Il est en
effet primordial, quand on veut bâtir une interdisciplinarité solide, d’ancrer
fortement les créations d’équipes sur les contenus disciplinaires.
• Une fois la thématique d’apprentissage ou d’évaluation déterminée, on
liste les ressources disciplinaires mobilisables, et on vérifie que cette liste
ne contient pas de prérequis non acquis afin, le cas échéant, de prévoir les
coups de pouce qui seront nécessaires aux élèves les plus fragiles.
• Une correspondance est établie entre cette mobilisation de ressources et
les items du socle commun correspondants. La consigne et la production
attendue doivent être suffisamment explicites pour lancer les élèves dans la
mobilisation attendue, sans pour autant formater leur stratégie de résolution.
Ces scénarios s’appuient souvent sur trois grandes thématiques définies par
les programmes et les items du socle commun  : l’histoire des arts, la démarche

92
Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences

scientifique et technologique et l’interaction avec le monde. Cette dernière théma-


tique englobe les items d’éducation civique et de citoyenneté, de développement
durable, d’éducation aux médias et d’orientation, mais peut s’appuyer également
sur les thèmes de convergences et sur toute démarche argumentative. À travers
ces thématiques, on crée des actions interdisciplinaires, qui vont permettre de
mobiliser chez les élèves des ressources relevant de champs d’apprentissage
variés. L’histoire des arts est un enseignement pertinent pour apprendre aux élèves
à relier leurs apprentissages, autour de l’analyse d’une œuvre d’art. Les thèmes
de convergence constituent, pour les disciplines scientifiques, autant d’appuis,
souvent oubliés, pour travailler ensemble.

Tâches complexes interdisciplinaires


et itinéraires de découverte

On nous fait souvent la remarque, en formation, que les tâches complexes inter-
disciplinaires ressemblent très fortement à ce qui avait été mis en place dans les
itinéraires de découverte, il y a quelques années. Et il est vrai que les IDD, quand ils
ont été conservés, sont des cadres parfaits pour développer des compétences avec
les élèves. D’ailleurs, les enseignants gardent le plus souvent un très bon ressenti
de ces IDD, qui leur avaient permis de travailler en interdisciplinarité, parfois même
en binôme sur des heures communes, et d’aborder autrement les apprentissages
avec les élèves, avec des pratiques pédagogiques différentes.

Voici quelques exemples de scénarios interdisciplinaires :


– mener une enquête historique ;
– éduquer les élèves aux médias (un item de la compétence 5 exprime expli-
citement cette notion de mobilisation de ressources, puisqu’il évalue la
capacité des élèves à «  Utiliser leurs connaissances pour comprendre un
fait d’actualité ») ;
– leur faire créer un roman-photo ou des carnets de voyage pour évaluer leurs
compétences lors d’une sortie scolaire ;
– travailler l’analyse filmique ou celle d’une exposition d’art contemporain (la
compréhension et l’analyse d’une performance d’art contemporain mobili-
sant en effet un grand nombre de ressources) ;
– faire écrire aux élèves une nouvelle historique les obligeant à mobiliser des
ressources historiques, techniques, scientifiques pour ancrer le récit dans
un contexte réaliste et sans anachronisme, préparer une rencontre avec un
auteur ou un dessinateur de bande dessinée.
Ces scénarios, que nous proposons aux enseignants en formation, stimulent
suffisamment les créativités pour lancer les collègues dans une écriture collective

93
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

de tâches complexes interdisciplinaires qu’ils proposeront ensuite à leurs élèves,


première étape dans la mise en œuvre de ces nouvelles pratiques.

Les équipes rencontrées ont choisi de travailler autour de thèmes aussi variés que les
dangers de l’alcool et des conduites addictives, la compréhension d’articles de journal,
la lecture d’images, l’analyse de films vus au cinéma, de monuments architecturaux ou
d’expositions d’art contemporain, la pollution de l’eau, la recherche d’énergies renou-
velables, ou l’enrichissement du capital lexical des élèves, que ce soit en français ou en
langues étrangères, grâce à un partenariat avec l’EPS.
Certaines équipes construisent des enquêtes ou font écrire des nouvelles historiques, dont
l’action se situe par exemple au siècle des Lumières, et qui nécessitent la mobilisation de
ressources disciplinaires diverses.
Toutes ces tâches complexes, en confrontant les élèves à la complexité des situations rencon-
trées dans la vie courante, les préparent à la mobilisation des acquis construits au collège.

La qualité des tâches complexes interdisciplinaires créées par les équipes, ainsi
que l’impact sur la motivation et l’adhésion des élèves nous semblent le gage le
plus sûr de la pertinence de cette approche interdisciplinaire des compétences.
Les élèves ont toujours adhéré à ces activités et les enseignants ont pu constater
que ces situations d’apprentissage permettent aux élèves en difficulté d’exploiter
leurs compétences et influent fortement leur motivation face aux apprentissages.

Les cours interdisciplinaires


En combattant le cloisonnement disciplinaire habituel, les cours interdiscipli-
naires rendent concrète la mobilisation des ressources, car les élèves, à travers
l’interaction des enseignants présents ensemble devant eux, sont témoins du
dialogue entre les disciplines, qui devient alors très concret.
Nous avons suivi une classe de quatrième qui a une heure interdisciplinaire
inscrite à l’emploi du temps. Durant cette heure, tous les enseignants de la classe
sont libres d’intervenir en binôme ou plus devant les élèves, pour construire des
passerelles entre les disciplines ou les faire dialoguer. Les cours ou séquences
présentés aux élèves dans cette heure abordent des problématiques communes
repérées dans la construction des compétences, et insistent sur la mobilisation
des ressources d’une discipline à l’autre. Nous allons présenter quelques-uns
de ces cours en ciblant notre analyse sur la construction de la mobilisation
et du transfert par les élèves.

Mobiliser ses acquis pour comprendre les textes littéraires

Lors de la lecture d’une nouvelle de science-fiction, « Cycle de survie », de Richard


Matheson, l’enseignante de français constate que la majorité des élèves de la classe
ne comprend pas l’implicite de la fin du texte. En effet, le personnage de cette nouvelle

94
Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences

est seul sur terre et un certain nombre d’indices permettent au lecteur de le comprendre
au fur et à mesure de la lecture. À la fin, les mots « nuage » et « champignon » orientent
l’interprétation du lecteur vers une fin apocalyptique, conséquence d’une explosion
atomique. Mais les élèves ne décodent pas ces indices finaux, alors que, lors de la correc-
tion, il s’avère qu’ils savent tous que l’explosion atomique s’accompagne d’un nuage en
forme de champignon. Ce n’est donc pas le manque de connaissances qui pose problème,
dans ce cas, mais bien la mobilisation de ressources extérieures au cours de français pour
dévoiler le sens d’un texte. Les élèves non lecteurs ne comprennent pas que les livres
leur parlent du monde qui les entoure et qu’une mobilisation de toutes les ressources
interdisciplinaires possibles est nécessaire pour comprendre les histoires qu’ils lisent,
qu’il s’agisse de connaissances historiques, scientifiques, technologiques ou culturelles.
Forts de ce constat, un cours interdisciplinaire est programmé : il a pour objectif
de bousculer les élèves sur leur cloisonnement disciplinaire et de les obliger à mobiliser
des acquis d’une discipline pour construire le sens d’un texte littéraire. Le cours inter-
disciplinaire réunit les enseignants de lettres et de technologie et le texte support proposé
aux élèves est un extrait du Voyage sur la lune de Cyrano de Bergerac.
Dans ce texte datant du xviie siècle, l’auteur décrit un mystérieux objet appartenant
aux habitants de la lune qui permet, quand on l’accroche aux oreilles, de pouvoir
écouter des livres lus par des voix célestes pendant qu’on se balade. En gros, il ne s’agit
ni plus ni moins que d’un baladeur. Or les élèves de la classe ont étudié, en technologie,
l’évolution de certains objets techniques, et notamment celle du baladeur. L’objectif
pédagogique de cette séance est donc de leur faire mobiliser leurs connaissances tech-
niques et historiques pour comprendre qu’un tel objet n’existe pas à l’époque de Cyrano,
et ne peut encore moins être créé puisque les techniques qui lui sont associées, comme
l’enregistrement des voix, entre autres, n’existent pas encore. Il s’agit donc, suite
à cette mobilisation de connaissances techniques, de percevoir tout l’enjeu esthétique
et littéraire de ce texte et d’apprécier le regard précurseur et visionnaire de Cyrano
de Bergerac. Les élèves réagissent favorablement à cette séance, notamment parce
que la présence des deux enseignants devant eux les interpelle et leur permet
de comprendre l’enjeu de cette mobilisation interdisciplinaire.

S’approprier la démarche de mobilisation


Chaque enseignant est garant de ses savoirs disciplinaires, non plus avec un
objectif d’apprentissage, mais bien de mobilisation. Les élèves doivent comprendre
ce qu’on essaie de construire à travers ce type de séances  : en effet, la phase
d’appropriation de cette démarche de mobilisation est indispensable, puisque ce
sont les élèves, en autonomie, qui doivent ensuite reproduire ce mouvement intel-
lectuel qui consiste à aller chercher dans leurs ressources propres celles qui seront
utiles à la résolution du problème proposé.

Durant cette heure interdisciplinaire inscrite à l’emploi du temps, les élèves ont travaillé
avec les enseignants de lettres et d’histoire pour mettre en place le cadre historique d’une
nouvelle policière dont l’action se situe au xviiie siècle.
Ils ont créé, avec les enseignants de langue, un petit lexique anglais/espagnol/allemand,
qui juxtapose les expressions courantes dans les trois langues.

95
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Ils ont travaillé, avec les enseignants de lettres, d’anglais, de technologie et la documenta-
liste, sur les dangers d’Internet et l’utilisation raisonnée des nouveaux médias.
Ils ont travaillé la scénographie d’un spectacle vivant, en mobilisant des ressources
construites dans les cours de français, d’éducation musicale, d’espagnol, d’EPS et de
technologie.
Ils ont construit des compétences d’analyse filmique, avec les enseignants de lettres
et d’éducation musicale, en analysant comment une bande sonore soutient les étapes
d’une narration.
Ils ont construit la notion de courant artistique, avec les enseignants de lettres
et d’anglais, autour de Bram Stoker et du mouvement fantastique et gothique anglais
au xixe siècle.
Ils ont appris à reconnaître, dans l’écriture de bandes dessinées, des techniques
d’écriture littéraire vues en cours de français, comme le retour en arrière, l’ellipse
ou les points de vue du narrateur.

Tous ces cours ont été programmés, dans l’heure prévue, en parallèle des
apprentissages disciplinaires menés. Cette programmation a été possible parce
qu’avait eu lieu au préalable une concertation des enseignants autour de leurs
progressions annuelles. Cette concertation avait permis la prise de « rendez-vous
interdisciplinaires » autour d’apprentissages communs. On peut en effet décider
d’aligner ou au contraire de décaler les séquences disciplinaires concernées,
l’essentiel étant de prévoir des temps de rencontres interdisciplinaires, pour
apprendre aux élèves à mobiliser les acquis construits.
La concertation d’équipe porte alors sur ce que les élèves vont apprendre
et construire tout au long de l’année. Ce dialogue des disciplines contribue à
instaurer, dans les pratiques des élèves, ces passerelles entre les apprentissages
et à construire une culture active et dynamique qui leur permette d’interagir avec
le monde.

Mobilisation de ressources et culture active


L’ajout de la notion de «  culture  » en octobre  2012 dans le libellé du socle
commun ne nous a pas du tout étonnés puisque depuis cinq ans, toutes les actions
que nous mettons en place contribuent à la constitution d’une culture active
et dynamique chez nos élèves.
Notre première approche interdisciplinaire des compétences s’est en effet
appuyée sur les compétences d’histoire des arts, et il nous est apparu assez vite
que les items de la compétence scientifique et technologique en étaient le pendant
culturel. Au fil des ans et des actions, un troisième axe culturel nous a semblé
important à construire, qu’on pourrait dire « d’interaction avec le monde », dans
lequel nous avons inscrit des items liés à la construction d’une pensée argumenta-
tive écrite et orale, à la capacité de débattre, de comprendre l’actualité et d’acquérir
des notions de développement durable.

96
Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences

Ces trois axes définissent bien les contours d’une culture à faire acquérir à
tous les élèves et c’est grâce à l’activation de leurs acquis dans tous les champs
de compétences du socle commun que cette culture va devenir effective et vivante.
Travailler par compétences développe bien la culture, si l’on définit celle-ci, non
comme un savoir livresque à acquérir, mais comme la mise en relation des savoirs
divers pour appréhender une situation nouvelle. En effet, les différentes cultures
enseignées à l’école, qu’elles soient humaniste, scientifique, technologique ou
civique, vont être des ressources pour la résolution de tâches complexes inédites,
et vont permettre aux élèves d’appréhender des problèmes relevant d’un transfert
de compétences plus éloigné de la situation d’apprentissage.
Le dialogue des disciplines, dans le lien très étroit qu’il tisse avec la constitu-
tion d’une culture disponible, contribue à créer des intelligences, par le dévelop-
pement chez les élèves d’une pensée complexe.

Des stratégies pour apprendre à mobiliser les acquis


Une fois que les élèves ont perçu l’enjeu de la mobilisation de leurs acquis,
il reste encore à les entraîner et à leur donner des stratégies pour qu’ils aient
prise sur ce nouveau type d’apprentissage. Sinon, on conforte l’hétérogénéité
des élèves entre ceux qui savent intuitivement utiliser leurs ressources et ceux
qui n’ont pas assez de recul cognitif pour déployer des stratégies de résolution
autonomes.

Faire comprendre l’enjeu de la mobilisation


On vérifie que les élèves ont acquis les savoirs ou savoir-faire nécessaires.
En effet, si la compréhension et la mémorisation des ressources sont inopérantes,
la mobilisation est compromise. Cette phase est donc aussi un levier important
pour motiver les élèves dans les apprentissages et leur faire prendre conscience
que les ressources non acquises ne pourront pas être utilisées pour résoudre
le problème posé. Cela montre comment le recul cognitif aide à la construction
des compétences. On ne peut en effet attendre des élèves qu’ils soient auto-
nomes dans leurs apprentissages s’ils ne comprennent pas les fonctionnements
et dysfonctionnements des méthodes à employer.

La structuration des acquis


On aide les élèves à structurer les différents acquis disciplinaires autour de
thématiques communes, afin de les intégrer consciemment à leurs ressources
internes. L’objectif va être d’aider les élèves à conceptualiser ces apprentissages,
pour en faire des outils utilisables lors de la résolution de problèmes. Les cartes
mentales, par exemple, permettent cette synthèse, sur un même document, des

97
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

différents apports disciplinaires autour d’une thématique commune. La carte


mentale est de plus un outil intéressant pour remédier aux difficultés des élèves
puisqu’elle permet de rendre visibles les représentations erronées, les associa-
tions fausses ou les zones de confusion des élèves. Bien utilisée, elle devient en
effet la véritable carte de la construction mentale d’une notion par chaque élève.

Apprendre à utiliser ce qui a été appris

Les phases de structuration sont essentielles si l’on veut préparer une mobilisation
des ressources, sans toutefois tomber dans le formatage et la rigidité des stratégies.
Les élèves apprennent ainsi à décontextualiser leurs acquis pour les conceptuali-
ser lors des phases de structuration, et à les recontextualiser dans des situations
de résolution. C’est ce va-et-vient entre les savoirs disciplinaires et la manipulation
des notions dans des contextes différents, entre le local et le global, qui rendront
les ressources mobilisables.
Les élèves en difficulté apprennent souvent leurs leçons par cœur, comme une
poésie, d’un seul bloc figé dans la mémoire. Le manque d’analyse et d’appropria-
tion, dans cette phase de mémorisation, empêche l’élève de récupérer le savoir dont
il a besoin, au risque que l’édifice fragile de ses connaissances ne s’écroule comme
un château de cartes. Il est donc impératif d’apprendre aux élèves à apprendre de
façon à pouvoir utiliser ce qui a été appris.

La combinaison des ressources


Combiner les ressources mobilisées, sans ployer sous le poids de la surcharge
cognitive, est une autre difficulté pour les élèves. Il ne suffit pas en effet de savoir
mesurer, planter un clou, lire un plan ou scier une planche pour être capable de
construire une cabane en bois. Il faut être capable de combiner ces différents
savoirs et savoir-faire.
C’est à ce moment que l’automatisation des procédures de base permet de
libérer de l’espace mental. Il est important que les élèves le comprennent. Le socle
commun ne permet pas qu’on laisse un élève en difficulté d’acquisition de compé-
tences livré à lui-même. Or c’est bien l’autonomie dans les apprentissages qui est
visée, une autonomie souvent constatée chez les élèves qui réussissent à l’école,
mais rarement enseignée à ceux qui ne réussissent pas.

Un entraînement indispensable
Intégrer les acquis et les réinvestir nécessitent des entraînements, pour
permettre aux élèves de manipuler les notions, si possible à travers des tâches
complexes les obligeant à reproduire ce mouvement intellectuel de recherche
et de mobilisation de ressources. La situation d’évaluation qui sera proposée,

98
Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences

à l’issue de cet entraînement, devra être proche de ces situations d’apprentissage.


L’objectif n’est pas en effet de mettre les élèves en difficulté, mais de les confronter
à une certaine complexité afin de leur apprendre à appréhender, en étant armés,
des situations réelles de résolution de problème, et en étant en position de pouvoir
choisir, dans un arsenal d’outils et de stratégies, ceux et celles qui lui sembleront
le mieux adaptés et efficaces.

Les élèves utiliseront peut-être des stratégies compensatoires pour pallier des manques
de connaissances ou de savoir-faire. Il est important de leur montrer que ces stratégies
compensatoires sont souvent associées à une perte de temps ou d’efficacité. Mais elles
peuvent être aussi le signe d’une réelle stratégie personnelle de résolution de problème.
Il faut alors les faire expliciter par l’élève à la classe, pour travailler ce recul cognitif
indispensable à la construction des compétences.
Prenons l’exemple de la conception d’un élément d’un objet technique : son apparente
simplicité est souvent le résultat d’une réflexion approfondie lors de sa conception,
qui va permettre de gagner du temps, en utilisant moins de matériaux ou d’outils lors
de sa fabrication. Un élève peut choisir d’utiliser ses connaissances propres, notamment
en ce qui concerne les outils mathématiques, pour éviter la manipulation d’appareils
de contrôle prescrits dans un protocole expérimental, ou de proposer, en compte rendu
d’expérience, un croquis annoté aussi explicite que le texte d’explication attendu.
Dans une évaluation de compétences, l’enseignant est ouvert à toute démarche de réso-
lution et évalue les compétences mobilisées, même si elles diffèrent de celles qui étaient
attendues. Parce que, dans ce cas-là, une vraie mobilisation spontanée de ressources
est mise en œuvre.

La majorité des élèves utilisent mal les acquis qu’ils ont pourtant. Cette mobi-
lisation des compétences est donc un prolongement logique des apprentissages
disciplinaires et transversaux. Or, étant nous-mêmes devenus des experts dans
notre discipline, nous sommes parfois confrontés à la difficulté d’analyser ce
processus de mobilisation, puisque nous avons automatisé la plupart des ensei-
gnements que nous dispensons. C’est bien à une déconstruction de nos propres
compétences que nous devons procéder, pour pouvoir enseigner à nos élèves
la construction des leurs.

Repérer les apprentissages invisibles, entre les disciplines


L’explicitation par les élèves des stratégies qu’ils ont mises en œuvre fait émerger
des zones cachées de difficultés entre les différents apprentissages disciplinaires.

Repérer les zones de difficultés cachées


La résolution de tâches complexes implique en effet la mobilisation de
ressources transversales ou interdisciplinaires, considérées souvent comme des

99
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

prérequis par les enseignants qui souhaitent construire ou évaluer, à un instant


précis, d’autres acquis. Mais si ces prérequis ne sont pas maîtrisés par les élèves,
ils empêchent une résolution correcte de la tâche demandée. Cet éclairage des
zones d’ombre est essentiel dans l’analyse de leurs erreurs et dans l’élaboration
de réponses appropriées à leurs besoins.

Prenons l’exemple des différents types d’écrits exigés par les enseignants dans toutes les
disciplines : des récits d’invention, des synthèses, des comptes rendus d’expérience, des
paragraphes argumentés, des narrations de recherche. Tous ces écrits sont construits,
voire codifiés, et les attentes des enseignants des disciplines sont assez exigeantes,
puisque ce sont ces écrits qui vont permettre l’évaluation de compétences purement
disciplinaires.
Or l’écriture de tout type de texte, que ce soit pour soi-même ou pour autrui, comme
outil de communication et d’interaction au monde, relève bien de l’enseignement
du français et peut être travaillée en transversalité. La prise en charge de ces prérequis,
dans le cadre d’activités transversales, a pour objectif de faire produire aux élèves des
écrits suffisamment longs et construits pour que les autres compétences visées puissent
être correctement évaluées. Nous sommes en effet dans un système scolaire forte-
ment axé sur la rédaction et la lecture de textes : il ne faut pas que ce soit le manque
de maîtrise de la langue qui empêche l’évaluation des autres compétences. Il ne s’agit
absolument pas de contourner le problème et d’ignorer la difficulté, mais bien d’appor-
ter des apprentissages supplémentaires et transversaux pour pallier ces difficultés.

Anticiper et prendre en charge les difficultés


Pour anticiper le repérage et la prise en charge de ces apprentissages invi-
sibles, l’enseignant, quand il crée une tâche complexe, liste les ressources qu’il
pense devoir être mobilisées, en tenant compte des différentes possibilités de
cheminement intellectuel de l’élève, et en s’assurant que les prérequis attendus,
notamment transversaux, pourront être mobilisés, sans réactivation préalable.
S’il n’anticipe pas ces risques d’écueil, il devra mettre en place des activités
de remédiation qui apporteront, a posteriori, aux élèves l’étayage dont ils auraient
eu besoin pour résoudre le problème demandé. C’est une autre façon de prendre
en charge ces zones de manque, et elle peut être efficace si elle s’accompagne
d’une analyse des erreurs et d’une auto-évaluation.

L’équipe enseignante peut repérer, par exemple, une difficulté de construction de


la perspective historique par les élèves. Cette compétence, essentielle dans le cadre
de l’histoire des arts, ne peut être appréhendée que de façon interdisciplinaire puisque
c’est justement le cloisonnement qui empêche les élèves de mettre les savoirs en perspec-
tive dans une même époque.
Dans notre établissement, nous avons installé une frise historique interdisciplinaire
dans le hall d’entrée. Cette frise est composée de plusieurs fils tendus sur les murs qui
sont alloués chacun à une époque historique. Un fil est réservé aux événements, un fil

100
Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences

aux personnages, un autre aux œuvres d’art et artistes et un dernier pour les décou-
vertes scientifiques et technologiques. Chaque enseignant demande à ses élèves de créer
des affiches présentant des événements, personnages, artistes, œuvres ou découvertes vus
en classe, et les accroche sur la frise. Cela permet aux élèves d’avoir une vision globale
des événements et personnages marquants d’une époque.

Ce problème des prérequis interdisciplinaires se posera également dans


le pôle scientifique, avec la mobilisation attendue et nécessaire d’outils mathéma-
tiques dans les autres disciplines scientifiques. En technologie, la mobilisation des
règles de proportionnalité est indispensable quand on travaille avec des échelles
différentes, et c’est ce type d’item qui, non acquis, empêche la construction des
compétences qui les utilisent. On peut faire lister par les collègues de sciences les
outils mathématiques qui vont être mobilisés dans leurs séquences d’apprentis-
sages, afin de créer une lisibilité dans ces zones d’ombre entre les enseignements.
La transparence dans les progressions disciplinaires des uns et des autres permet
aussi de cibler la consolidation ou la réactivation nécessaires de certains outils
mathématiques, utilisés en transversalité.
Leur ancrage dans la réalité d’une autre discipline permet de plus aux élèves
de leur donner un autre usage et de construire une autre perception des savoirs.
Ces apprentissages transversaux, situés dans le non man’s land disciplinaire, ne
sont pas si nombreux. Mais ils sont le plus souvent prédictifs de réussite. Or c’est
le dialogue des disciplines qui permet de visualiser les branches de ce réseau
complexe. La prise en charge des apprentissages transversaux, à travers des
séquences d’apprentissages disciplinaires, ou interdisciplinaires, permet alors une
hausse sensible de la qualité des productions chez tous les élèves.

101
6
Construire la citoyenneté et l’autonomie

L   es deux dernières compétences du socle commun sont paradoxalement celles


  qui ont le moins intéressé les enseignants, puisqu’elles n’interrogeaient
pas directement les apprentissages disciplinaires. Pourtant, ce sont celles pour
lesquelles les apprentissages sont les plus difficiles à appréhender, à cause juste-
ment de l’absence de référence aux programmes disciplinaires. Les équipes ont
donc eu tendance, dans les établissements, à les valider sans indicateurs prédé-
terminés, sur des critères plus ou moins définis et pertinents. Mais plus on avance
dans la construction des compétences, et dans la mise en place des dispositifs
pédagogiques qui en découlent, et plus on se heurte au problème de l’autonomie
des élèves dans les apprentissages, et de la construction d’une citoyenneté active,
qui relève d’apprentissages au quotidien.
Nous avons regroupé ces deux dernières compétences générales dans un
même chapitre, car elles sont souvent associées dans l’esprit des enseignants.
Mais elles relèvent toutes deux d’approches différentes, tant au niveau de
la construction que de l’évaluation. Elles ne sont finalement semblables que dans
l’imprécision des représentations des élèves, et la difficulté des enseignants
à envisager leur construction, en termes de connaissances, de capacités et
d’attitudes, dans les apprentissages quotidiens.
Elles sont souvent considérées comme des prérequis aux apprentissages, alors
qu’elles devraient en être aussi les finalités.

Des compétences à construire


De quelle autonomie parlons-nous ?
Il est important de clarifier les attentes et les représentations des enseignants
sur ces compétences, ainsi que celles des personnels de direction ou de la vie
scolaire. Même si toutes tendent à mettre en avant l’investissement des élèves
dans leurs apprentissages et l’instauration d’un climat scolaire propice aux
apprentissages. C’est en cela que les deux compétences citoyenneté et autonomie
sont intimement liées, non dans les approches qu’elles nécessitent, mais dans les
résultats vers lesquels elles convergent.

103
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Les personnels de direction ou ceux de la vie scolaire attendent, en termes


d’autonomie, que les élèves soient capables de se déplacer dans l’établissement
sans générer de perturbations, ou qu’ils soient suffisamment autonomes pour
se rendre sur un lieu de stage, ou à la journée «  Portes ouvertes  » d’un autre
établissement, afin qu’ils ne choisissent pas leur parcours d’orientation en fonc-
tion des lignes de bus. Les enseignants et la vie scolaire attendent des élèves qu’ils
soient ponctuels et assidus et qu’ils aient leur matériel, c’est-à-dire que l’élève ait
une gestion des contingences extérieures aux apprentissages.
Mais la principale autonomie à construire, à travers des pratiques de classe,
n’est-ce pas surtout une autonomie dans les apprentissages, qui permette aux
élèves de mobiliser à bon escient les ressources dont ils ont besoin, de mener
une recherche efficace et de communiquer à l’écrit ou à l’oral sur les démarches
mises en œuvre ? Et une autonomie qui permette de planifier le travail à la maison,
à gérer son temps et son matériel  ? Cette autonomie dans les apprentissages
relève bien des enseignements de tous. C’est elle qui permettra aux élèves
de trouver une motivation intrinsèque pour les apprentissages demandés, de
prendre des initiatives, et de s’investir dans leur parcours de formation. Grâce à
cette autonomie, nous agirons tous sur le climat scolaire, car un élève qui trouve
sa place dans l’établissement participe davantage au monde qui l’entoure.

Transformer des prérequis en finalités d’apprentissage


Quelles connaissances, capacités et attitudes l’élève a-t-il à articuler les unes
aux autres pour construire cette compétence d’autonomie ?

Les connaissances indispensables au développement de l’autonomie


• Se connaître lui-même, en tant qu’apprenant. Cette connaissance de soi lui
permettra de prendre des initiatives et de se positionner. D’où l’intérêt de
développer l’auto-évaluation et le recul cognitif chez des élèves en difficulté
d’apprentissage, qui se découragent, faute de prise sur leurs apprentissages.
• Être capable d’un recul cognitif sur les apprentissages  : il est important
que l’élève sache que l’erreur est au cœur des apprentissages, qu’on
apprend en essayant et en se trompant, et que chaque élève développe des
stratégies d’apprentissage et de mémorisation qui lui sont propres. L’élève a
besoin d’intégrer très intimement cette information pour pouvoir s’épanouir
et apprendre au collège, et ce malgré des échecs et des difficultés d’acquisition.
• Connaître les objectifs à atteindre et les ressources à disposition. Pour être auto-
nome, l’élève a besoin de se faire une représentation claire de la tâche à accomplir.

Les capacités indispensables au développement de l’autonomie


• Savoir s’auto-évaluer  : les élèves autonomes sont ceux qui savent quand
un travail est achevé, ce qu’ils ont besoin d’approfondir ou de retravailler.

104
Construire la citoyenneté et l’autonomie

Ce recul sur leur propre production est à construire avec les élèves, tout
au long de la scolarité au collège.
• Essayer, tester, conjecturer  : que ce soit à travers la résolution de tâches
complexes ou à travers la pédagogie de projet, l’élève prend conscience
que certaines activités requièrent de lui des compétences de recherche
et d’inventivité des solutions. C’est dans cette marge de liberté qui lui est
laissée que l’élève peut exercer son autonomie.
• Savoir mener une recherche, sur des supports papier ou numériques, trouver
des informations en s’appuyant sur des personnes ressources, que ce soit
les enseignants ou les autres membres du groupe, savoir élaborer des proto-
coles expérimentaux.
• Communiquer sur les résultats obtenus. Cette étape, que l’on retrouve expli-
citée dans le dernier item de la démarche scientifique et technologique de
la compétence 3, a une portée plus globale sur l’ensemble des apprentis-
sages. Nos élèves doivent être capables de présenter oralement ou par écrit
les démarches mises en œuvre, ainsi que les résultats obtenus, quelle que
soit l’activité demandée.

Les attitudes indispensables au développement de l’autonomie


• Être actif  : les compétences ne peuvent s’évaluer que dans l’action.
Les équipes enseignantes seront bien en peine d’évaluer les compétences
d’un élève qui reste passif dans les activités demandées. Ce critère d’éva-
luation relève donc bien de la responsabilité des élèves et doit être un
fondement de la relation pédagogique. Cela dit, les enseignants doivent
multiplier les occasions de cette mise en action et en autonomie des élèves.
Cela relève de leur responsabilité dans ce même contrat pédagogique.
• Être à l’écoute des autres : cette attitude s’exerce lors des travaux de groupe
et dans la relation qu’un élève va construire avec le groupe-classe.
• Gérer son temps et son travail.
• Avoir confiance en soi et s’investir  : ces deux attitudes vont de concert.
Un élève ne s’investit dans une activité demandée que s’il est suffisamment
en confiance pour mettre en jeu ses compétences. Cette attitude est fonda-
mentale à travailler, car elle remet des élèves décrocheurs au travail.
Les attitudes sont des leviers très importants dans l’acte de remédiation,
car elles permettent de travailler avec les élèves démotivés sur les postures atten-
dues, conjointement à un apprentissage des savoirs et les savoir-faire.
L’autonomie ne se construit donc pas d’elle-même et nécessite des appren-
tissages qui permettent sa construction. Il y a bien un basculement des repré-
sentations à opérer  : l’autonomie ne peut plus être seulement un prérequis
indispensable aux apprentissages, mais devient bien aussi une finalité de tout

105
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

apprentissage. Ce qui nécessite une concertation d’équipe sur cette problé-


matique et une réflexion autour des pratiques de classe des uns et des autres.
En effet, dès lors que l’on prend en charge la construction de l’autonomie chez tous
les élèves, une progressivité dans les apprentissages s’impose.

Une progressivité de la sixième à la troisième

Quelle autonomie à l’entrée en sixième ?


Quelle autonomie attendons-nous de nos élèves quand ils arrivent en sixième ?
Les représentations des enseignants sont très imprécises. Nous attendons de nos
élèves qu’ils soient capables de préparer leur sac, de noter leurs devoirs dans leur
agenda et de les faire à la maison dans le temps imparti, tout en sachant se repérer
dans l’établissement, en identifiant les personnes ressources.
Mais en ce qui concerne l’autonomie dans les apprentissages, seule la compré-
hension autonome des consignes semble être attendue. Comme si l’on faisait
table rase de tout le reste, et notamment de tout ce que les professeurs des écoles
ont construit, en termes d’autonomie. Tout simplement parce que les enseignants
du second cycle n’ont qu’une idée très vague de ce que les élèves qui leur arrivent
sont capables de faire en autonomie. Ce qui fait que non seulement nous ne nous
appuyons pas sur ce qui a été construit dans le cycle inférieur, mais en plus,
nous déconstruisons l’autonomie construite en imposant aux élèves des façons de
travailler cloisonnées dans des disciplines qui interagissent très peu les unes entre
les autres. Ainsi, en n’explicitant pas les attentes de tous en termes d’autonomie,
nous condamnons nos élèves les plus fragiles à devenir dépendants de chacun
d’entre nous. On isole et cloisonne alors qu’il faudrait rendre transparent et réunir.

Quelle place pour les enseignants dans la construction de l’autonomie ?

En ce qui concerne l’autonomie, ne nous contentons-nous pas, le plus souvent,


d’évaluer une autonomie que l’élève a construite seul ou en dehors de l’école  ?
Les attentes des enseignants à ce sujet sont souvent contradictoires. L’autonomie
est considérée comme un prérequis indispensable aux apprentissages, ce qui
pénalise irrémédiablement les élèves non autonomes. Quand on demande aux
élèves quelle est la personne qui leur a appris à apprendre une leçon, les réponses
les plus courantes sont « Mes parents, ma maîtresse de telle classe à l’école primaire,
personne  ». Les enseignants du collège ne sont cités que très rarement dans
les réponses, ce qui nous renvoie quand même à nos responsabilités sur ce sujet.
Ne confondons-nous pas autonomie et solitude ? Voire abandon.

106
Construire la citoyenneté et l’autonomie

L’autonomie attendue à la fin de la scolarité obligatoire


Les enseignants ont quatre années pour former leurs élèves à l’autonomie
attendue pour le palier 3 du socle commun. On n’attend en effet pas la même
autonomie d’un élève de sixième ou de cinquième et d’un élève de troisième, que
ce soit au niveau du travail à la maison ou de la mobilisation des ressources pour
résoudre des tâches complexes. Si l’on interroge les enseignants de collège sur
l’autonomie attendue au lycée, à l’entrée en seconde, ils répondent pour la plupart
«  une autonomie totale dans les apprentissages  ». Mythe ou réalité  ? Si c’est
le cas, comment cette autonomie totale attendue pourrait-elle se construire
pendant les deux mois d’été qui séparent la fin de la classe de troisième de la
rentrée en seconde, puisque les enseignants de collège n’ont jamais préparé leurs
élèves à une autonomie totale.

Quelle autonomie construire donc avec nos élèves au collège ?


• Une autonomie dans les apprentissages  : quel genre d’apprenant sont-
ils  ? Préfèrent-ils prendre des notes sous forme de textes, ou de cartes
conceptuelles  ? Connaissent-ils leurs points forts et leurs points faibles  ?
En orthographe, par exemple. Sont-ils capables d’utiliser correctement un
brouillon, sans le recopier à l’identique lors de la production finale, mais en
étant capables de tester plusieurs solutions avant de choisir celle qui leur
semble la plus appropriée ? Ont-ils la posture d’apprenant adéquate, c’est-
à-dire se mettent-ils rapidement au travail en arrivant en classe, gèrent-ils
leur temps, connaissent-ils leurs propres stratégies d’apprentissage et ont-
ils des méthodes de travail, qui leur permettent d’avoir un recul cognitif sur
leurs apprentissages ?
• Une connaissance d’eux-mêmes, de leurs stratégies efficientes, de leurs
réussites et de leurs zones de difficulté, de leurs goûts de lecteurs.
• Une autonomie dans la prise de parole : à quel moment, dans nos apprentis-
sages laissons-nous nos élèves s’entraîner à la prise de parole et à l’exposé
oral de leur travail ? Quand les entraînons-nous à l’épreuve orale d’histoire
des arts à la fin de la troisième ?
• Une autonomie dans la résolution des tâches complexes  : a-t-on appris
à nos élèves ce qu’est une problématique ? À traduire en tâches à accom-
plir la consigne de travail  ? À identifier les ressources disciplinaires ou
transversales nécessaires à la résolution de la tâche ? À combiner plusieurs
ressources entre elles, surtout quand elles sont issues de disciplines diffé-
rentes  ? Sont-ils capables de mener une recherche efficace qui réponde
à la demande formulée ?
• Une autonomie dans la planification du travail : à quel moment apprenons-
nous à nos élèves à planifier des révisions de brevet blanc ? À apprendre

107
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

une leçon d’histoire, de français, de mathématiques ou de langues ? Toutes


les leçons s’apprennent-elles de la même façon  ? Savent-ils planifier leur
travail personnel, en utilisant de façon pertinente leur plage de liberté ?
• Un investissement dans le travail, qu’il soit individuel ou collectif.
• Une autonomie dans les contingences extérieures aux apprentissages
pour qu’ils viennent en cours avec ce qu’il faut pour travailler correctement,
individuellement et en groupe.
Il nous faut construire ensemble cette autonomie attendue à la fin de la scolarité
obligatoire. On ne peut évaluer un élève sur quelque chose qu’on ne l’a pas aidé à
construire. Certains élèves ont besoin de plus d’aide que d’autres, parce qu’ils sont
seuls à la maison dans leurs apprentissages. Paradoxalement, les élèves les plus
autonomes dans les apprentissages sont certainement ceux qui sont accompagnés
depuis longtemps, en dehors de l’école, dans la construction de cette autonomie.

Les représentations de la citoyenneté au collège


Si l’on interroge les enseignants sur la construction et l’évaluation des compé-
tences civiques et sociales, on arrive bien à un consensus sur le fait que les
enseignants ont en charge la construction de cette citoyenneté, mais les axes
d’apprentissage restent très imprécis, sauf pour les enseignants d’éducation civique
qui s’appuient sur un programme de connaissances à faire acquérir aux élèves.
Le premier critère de réussite évoqué est le respect des règles de la classe
et du règlement intérieur du collège. Tous les élèves valident cette compétence,
sauf ceux qui dérogent régulièrement à la règle. Mais si l’on approfondit un peu
plus la réflexion sur cette compétence, apparaît alors la nécessité de créer une
conscience vis-à-vis de ces règles, et notamment :
– d’avoir conscience que les droits dont nous disposons sont issus de conquêtes ;
– de connaître, grâce à des lectures, les différences dans les modes de vie
et de pensée des uns et des autres, pour pouvoir les accepter. C’est par
exemple par la pratique régulière du roman que les élèves apprennent
à fréquenter des focalisations différentes et à appréhender le point de vue
de l’autre ;
– d’être ouvert aux autres ;
– d’être ouvert au monde ;
– d’agir en protecteur de la planète.
Des capacités sont également attendues :
– être capable de discuter et de débattre ;
– assumer des responsabilités dans le groupe ;
– savoir travailler avec les autres, notamment lors de travaux de groupe ;
– être capable de discuter avec un adulte, avec un autre élève.

108
Construire la citoyenneté et l’autonomie

Ces critères montrent bien que la construction d’une citoyenneté active doit
s’ancrer dans les apprentissages quotidiens des élèves et dans les pratiques couran-
tes de classe. Au-delà d’un règlement à respecter, c’est une conscience à construire.

Des séquences d’enseignement interdisciplinaires


pour construire une citoyenneté active
Quand les équipes se sont intéressées aux compétences sociales et civiques,
elles ont surtout réparti les items et harmonisé les critères d’évaluation pour avoir
une certaine cohérence.
Or, alors que certains de ces items relèvent de contenus disciplinaires inscrits
dans les programmes d’éducation civique, la validation de cette compétence inter-
roge également les élèves sur la mobilisation de connaissances, de capacités et
d’attitudes qui permettent l’expression de la citoyenneté dans des situations variées.
• Les élèves sont-ils en effet capables de mobiliser leurs connaissances
civiques pour interagir avec le monde qui les entoure ?
• Comment allons-nous, nous, enseignants, évaluer le respect mutuel ?
• Comment allons-nous le construire ?
• À travers quelles actions pédagogiques allons-nous former nos élèves aux
réflexes citoyens induits dans les libellés des items de la compétence 6 ?
Il s’agit donc bien de recentrer la réflexion sur la construction de ces items
et sur leur activation réelle à travers nos apprentissages.

Plusieurs citoyennetés à construire


Comment cibler, en équipe, des thématiques d’enseignement qui, si elles
se situent dans la sphère de réflexion des élèves, sont porteuses de sens et les
aident à acquérir progressivement la citoyenneté attendue à la fin de la scolarité
obligatoire ?
Trois grands axes dans la citoyenneté peuvent être abordés avec les élèves,
au cours de leur scolarité au collège :
• La citoyenneté dans le microcosme qu’est le collège, et le « vivre ensemble »
qui dépasse le cadre du collège.
• La citoyenneté dans leur future vie d’adulte, quand ils seront insérés dans
une société régie par des lois, des droits et des devoirs. C’est le « vivre dans
la nation et la société ». C’est la citoyenneté évaluée par les items d’éduca-
tion civique de la compétence 6.
• La citoyenneté dans le monde, qui concerne l’éducation aux médias et le déve-
loppement d’un esprit critique, et qui permet d’englober et de mettre en pers-
pective la réflexion enclenchée dans le pôle scientifique sur le développement
durable : c’est être « citoyen du monde », selon l’expression antique.

109
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Des projets interdisciplinaires sont à bâtir, en croisant les programmes autour


de ces problématiques identifiées, pour les quatre niveaux de classe. Ces projets
se nourrissent des contenus disciplinaires de plusieurs disciplines pour déve-
lopper les compétences civiques des élèves, en enclenchant une réflexion qui les
ouvre au monde qui les entoure.

Un projet pour mieux vivre ensemble et accepter les autres


Nous avons choisi de travailler autour de la problématique des clandestins, car nous
pouvions accueillir au collège la pièce Ticket, de Jack Souvant, qui a pour cadre
scénique un camion et qui place les spectateurs dans la peau de clandestins en transfert
vers Calais. Cette problématique est d’actualité dans notre région et il nous semble
important de combattre les préjugés et idées reçues de nos élèves, en leur faisant mobi-
liser leurs connaissances de géographie sur les flux migratoires, et en développant, par
la pratique de la focalisation interne dans un roman de jeunesse ou dans des ateliers
d’écriture, l’empathie nécessaire à toute compréhension de l’autre. En montrant à
nos élèves que ces clandestins sont les victimes d’un fonctionnement mondial, nous
souhaitons combattre la peur de l’autre et la xénophobie qui en découle. Le projet a été
construit selon le schéma suivant.

Exemple de projet lié au « vivre ensemble »


Classe : troisième
Disciplines concernées : français, géographie, CDI, musique, anglais
Thème : les clandestins
Objectifs de la séquence :
– Faire comprendre aux élèves que les clandestins sont des victimes, comprendre quels
sont leur motivation et leur flux.
– Faire changer les élèves de point de vue, les mettre dans la « peau » de clandestins.

Les différents apprentissages disciplinaires menés


Discipline Apprentissages Compétences travaillées

Français Lecture du livre de jeunesse C1 : Lecture de textes variés


Le Temps des miracles, C5 : Établir des liens
d’Anne-Laure Bondoux entre les œuvres étudiées
Lecture d’articles de presse C5 : Être capable d’utiliser
autour de la problématique ses connaissances pour
Travail autour du lexique lié comprendre l’actualité
à cette problématique C5 : Avoir des repères relevant
Préparation à la représentation de la culture artistique :
théâtrale de Ticket, débat avec œuvres scéniques
le metteur en scène et les acteurs

CDI Serious game C5 : Mobiliser ses connaissances


du Haut Commissariat pour comprendre un fait
aux réfugiés d’actualité

110
Construire la citoyenneté et l’autonomie

Discipline Apprentissages Compétences travaillées

Éducation Étude de Clandestino, C5 : Connaître et pratiquer


musicale de Manu Chao diverses formes
West Side Story d’expression artistique
L’identité et l’immigration illégale C5 : Avoir des connaissances
et des repères relevant
de la culture artistique

Géographie Les flux mondiaux migratoires C5 : Lire et employer différents


Les flux Nord-Sud langages
C5 : Avoir des connaissances
relevant de l’espace :
Les grands ensembles
physiques et humains,
les grands types
d’aménagement
dans le monde

Anglais Les clandestins, vus d’Angleterre C5 : Mobiliser ses


West Side Story : connaissances
le rêve américain/Rêve d’exil pour comprendre un fait
d’actualité

Enseignements Savoir écouter et réagir C5 : Avoir des repères


transversaux dans une conférence de culture civique :
Développer des valeurs citoyennes La mondialisation
et les flux de personnes
C1 : Participer à un débat,
à un échange verbal
C6 : Comprendre l’importance
du respect mutuel
et accepter les différences

D’autres actions peuvent être envisagées, sachant qu’il est pertinent qu’au
moins un projet citoyen soit mené par an et par niveau dans un établissement.

Les nouveaux modes de communication


Il s’agit d’apprendre à nos élèves à distinguer la sphère privée de la sphère
publique : à l’heure des réseaux sociaux, il nous semble en effet que l’école doit se
pencher sur l’usage que les élèves ont de ces nouveaux modes de communication,
et les aider à se prémunir contre les dangers d’Internet.

La séquence de travail proposée aux élèves, en partenariat avec le français, la technologie


et le CDI, s’appuie sur une campagne d’information diffusée il y a quelques années, à
partir de courts-métrages montrant une mère de famille laissant entrer chez elle, avec
le sourire, une call-girl, un pédophile et des néonazis. Suite au décryptage de ces vidéos,

111
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

nous avons travaillé à partir de blogs d’élèves, avec leur autorisation, afin d’analyser
et de vérifier avec eux qu’ils respectaient bien les droits à l’image et ne prenaient aucun
risque sur la toile.
L’enseignante de lettres pensait pouvoir également s’appuyer sur ces productions
personnelles d’élèves pour aborder l’écriture autobiographique au programme de
troisième. Mais la pauvreté des textes mis en ligne par les élèves a révélé que ce nouveau
mode de communication n’était pas vraiment l’équivalent des « journaux intimes
d’autrefois » et se résumait la plupart du temps à un album photo présentant des adoles-
centes aux poses lascives, comme les mannequins des magazines.
Cette activité nous a permis de faire prendre conscience aux élèves que la Toile est un lieu
public, et que publier une photo de soi sur Internet revient à l’afficher sur les murs de
la ville, voire davantage. Nous avons constaté que cette conscience des dangers encourus
n’est pas construite dans l’esprit des élèves, qui pensent être protégés et perçoivent peu
les conséquences de certains de leurs actes.

L’éducation aux médias


Trois items y font référence dans le socle commun. Deux items de la compé-
tence humaniste qui demandent de «  Mobiliser ses connaissances pour donner
du sens à l’actualité » et de « Manifester sa curiosité pour l’actualité et pour les
activités culturelles ou artistiques » et un item de la compétence de citoyenneté
qui demande de « Connaître le fonctionnement et le rôle de différents médias ».
Les références et indications pour l’évaluation données dans le décret du 11 juillet
prônent le développement de l’esprit critique, c’est-à-dire de «  savoir évaluer
la part de subjectivité d’un discours, d’un récit ou d’un reportage, de savoir
distinguer un argument rationnel d’un argument d’autorité, d’être capable de
hiérarchiser l’information et de se construire son opinion personnelle ».

C’est à cette tâche que nous nous attelons, en équipe interdisciplinaire, dans une classe
de quatrième, à laquelle nous avons inscrit dans l’emploi du temps une heure d’analyse
des stratégies d’apprentissage (pour construire l’autonomie) et d’éducation aux médias
(pour construire la citoyenneté).
Cette séquence interdisciplinaire nous permet d’aborder le rôle du langage et de l’argu-
mentation, à travers l’analyse de débats télévisés ou radiophoniques (les élèves ayant
des difficultés à suivre une discussion sans support visuel, nous les faisons écouter des
extraits d’interviews radiophoniques, sur des thèmes d’actualité, avec prise de notes sous
forme de cartes heuristiques). Apprendre aux élèves à résister aux manipulations de la
publicité ou de toute autre propagande est une façon de développer leur esprit critique.
Nous les faisons aussi travailler sur les préjugés et les stéréotypes, afin de leur apprendre
à les reconnaître et à se prémunir, à long terme, contre toute forme de populisme.
Durant cette heure, les élèves travaillent avec la documentaliste, les enseignants de
lettres, de technologie ou d’histoire-géographie, ainsi qu’un assistant d’éducation,
responsable d’un projet « Éducation à l’image ».

112
Construire la citoyenneté et l’autonomie

Le point de vue de l’autre


Réfléchir au « point de vue » de l’autre, à travers des romans ou des films jouant
sur les différentes focalisations d’un même événement, permet de développer le
regard citoyen des élèves. Programmés en classe de quatrième ou de troisième,
ces apprentissages relèvent du cours de français, à travers la notion de points de
vue littéraires.
L’entrée dans la notion se fait à la fois par la lecture de textes et d’images et par
l’écriture. En effet, faire écrire des textes aux élèves les obligeant à se mettre dans
la « peau » d’un autre personnage leur fait côtoyer des pensées et des sentiments
en lien avec la situation vécue. Un roman de jeunesse sur l’obésité, le racisme,
ou toute autre discrimination, permet aux élèves de passer «  de l’autre côté du
miroir », et de ressentir l’empathie nécessaire à toute compréhension de l’autre.
On peut compléter cette séance de lecture et d’écriture par un travail autour de
tableaux mettant en scène des mises en abîme qui obligent à décoder le point
de vue mis en scène, ou de cartes de géographie ne mettant pas la France au
centre du monde. Travailler le point de vue de l’autre avec des personnalités en
construction et très centrées sur elles-mêmes, comme le sont souvent les adoles-
cents, est une façon d’articuler la construction de l’altérité à celle de l’individualité.

Le développement durable
Apprendre aux élèves à développer des réflexes citoyens liés au développe-
ment durable permet d’intégrer à part entière les disciplines scientifiques dans
la construction des compétences civiques. Le socle commun relie en effet l’item
de développement durable à la compétence scientifique. Mais le développement
durable est aussi présent dans la compétence humaniste, à travers l’item « Avoir
des connaissances et des repères relevant de la culture civique », ce qui conforte bien
les équipes dans leur volonté de relier le développement durable à la citoyenneté.

Nous avons travaillé avec les élèves sur l’amélioration écologique de notre collège,
puisqu’il nous semble plus pertinent, dans une approche citoyenne, de travailler sur des
bâtiments anciens que sur du neuf.
Ce projet, qui allie la technologie, la physique, le français et la vie scolaire a comme
objectifs terminaux de faire produire aux élèves une charte de comportement citoyen
et écologique dans le collège (tri des déchets recyclables, limitation de l’utilisation
du papier, usage d’un cahier de brouillon, éco-conception) et d’identifier, sur une
maquette d’une aile du collège les zones de déperdition de chaleur, afin de proposer au
conseil général des améliorations, comme par exemple des récupérateurs d’eau de pluie
pour alimenter les chasses d’eau ou l’isolement de certains endroits du collège.
Nous voulions, par cette action, développer chez nos élèves des compétences physiques
et technologiques qui leur permettent de mener plus tard, de façon autonome, une
réflexion écologique sur leur propre logement.

113
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Toutes ces actions interdisciplinaires ont pour objectif de rendre vivante la


citoyenneté de nos élèves, au sein du collège et en préparation de leur vie d’adulte
et de citoyen. La mobilisation des savoirs construits permet une activation de ces
savoirs en situation concrète. Or une compétence se développe en effet dans
l’action. La citoyenneté, par l’interaction qu’elle induit avec les autres, ne peut
se construire autrement.

Des dispositifs pédagogiques pour construire


l’autonomie des élèves dans les apprentissages
Pour évaluer l’autonomie des élèves, une réflexion est nécessaire à la fois sur
les critères de réussite de cette compétence et sur la construction de cette autono-
mie, au quotidien, au travers des pratiques de classe. La question à se poser n’est
donc plus « Les élèves sont-ils autonomes ? », mais « De quelle autonomie avons-
nous besoin pour travailler avec les élèves ? ».
• D’une autonomie dans la mobilisation des ressources face à une tâche
complexes à résoudre.
• D’une autonomie dans la recherche documentaire.
• D’une autonomie dans le travail personnel, qui ne soit pas une solitude face
aux apprentissages à la maison.
C’est la non-maîtrise de ces autonomies qui démotive les élèves et les éloigne
parfois irrémédiablement des apprentissages. C’est cette non-maîtrise qui accen-
tue le malentendu didactique entre des élèves qui ne parviennent pas à utiliser les
savoirs qu’ils ont construits et les enseignants qui ne comprennent pas pourquoi
les savoirs qu’ils ont construits ne sont d’aucune aide pour ces élèves. Il ne s’agit
donc plus de constater une autonomie construite par d’autres et ailleurs, mais bien
de construire au sein de la classe et du collège, à travers les activités de classe,
une autonomie qui permettra aux élèves de s’investir dans leurs apprentissages.

Ne pas confondre autonomie et abandon…

Réinterrogeons nos pratiques de classe à la lecture de la construction de cette autono-


mie dans les apprentissages. Ne mettons pas sur le même plan la mise en activité plus
ou moins guidée de certains dispositifs pédagogiques, comme le cours dialogué, par
exemple, et la construction d’une autonomie qui permette progressivement à l’élève
de reproduire seul une résolution de problèmes, voire de résoudre seul des problèmes
inédits. En quoi les cours que nous dispensons permettent-ils aux élèves de devenir
autonomes face aux savoirs que nous construisons  ? De quelle autonomie seront-
ils capables, face à nos savoirs, savoir-faire et savoir-être enseignés  ? Il ne faut pas
confondre autonomie et abandon, au risque que les prérequis acquis à l’extérieur de
l’école ne participent à une sélection lors des validations des compétences.

114
Construire la citoyenneté et l’autonomie

Autoriser l’autonomie
Pas de construction d’autonomie sans autonomie. Mettre les élèves en auto-
nomie suppose que la séance a été construite dans cet objectif et va permettre la
construction des notions ciblées. La pédagogie de projet, par exemple, développe
l’autonomie des élèves car c’est une pédagogie participative qui met les compé-
tences de l’élève au cœur de la résolution de problème.

Nous avons créé au collège une option interne pour les élèves de troisième en décrochage
scolaire. L’option est proposée à une dizaine d’élèves de troisième, deux heures par
semaine, et est assurée par deux enseignants qui interviennent en binôme. Les disciplines
de ces enseignants importent peu au départ, même s’il est préférable que soient associés
des enseignants de pôles différents, et ce, afin de couvrir plus largement les besoins des
élèves et les champs d’action que va mettre en œuvre la pédagogie de projet. La prise en
charge différenciée de ces élèves est nécessaire pour leur permettre de rester scolarisés
au sein de l’établissement jusqu’à la fin de la troisième et pour leur faire acquérir les
compétences indispensables à la validation du socle commun. Or les compétences les plus
difficiles à acquérir, pour ces élèves en grande difficulté, sont généralement la pratique
d’une langue étrangère (compétence 2), la maîtrise des outils mathématiques (compé-
tence 3), et les compétences d’autonomie et d’initiative (compétence 7), puisque ce sont
des élèves peu autonomes et investis dans les apprentissages.
Nous nous sommes pendant plusieurs années interrogés sur les contenus d’apprentis-
sage à dispenser lors de ces deux heures hebdomadaires : nous nous sommes appuyés sur
des enseignements de VSP (vie sociale et professionnelle), sur des exercices de mathé-
matiques et de français donnés lors de l’épreuve du CFG (Certificat de formation géné-
rale). Nous avions alors l’impression de colmater les brèches d’un bateau qui coule avec
des rustines, et de n’aider en rien nos élèves à développer les compétences attendues à
la fin de la scolarité obligatoire.
C’est seulement quand nous avons commencé à utiliser la pédagogie de projet,
à l’intérieur de l’option, que le rapport des élèves aux apprentissages a changé. Quel
qu’il soit, le projet proposé doit permettre une planification sur l’année, impliquer
les élèves dans des démarches d’investigation ou de résolution de problème, développer
le travail d’équipe et confronter les élèves au monde extérieur à travers des partena-
riats qui leur apporteront une autre vision sur leur travail. Les élèves, s’ils ont un rôle
attribué, n’en reconnaîtront que mieux ce qui est attendu d’eux. C’est parce que la
solution est entre leurs mains qu’ils développent cette autonomie indispensable à la mise
en œuvre de compétences qui permettent de parvenir au bout de la tâche demandée.

L’autonomie qui se développe par la pédagogie de projet remotive les élèves


et leur redonne confiance en leurs compétences. La planification de la tâche sur
le long terme, le travail d’équipe et la recherche d’une solution qui n’existe pas
au départ sont les leviers pour construire une autonomie qui se répercutera sur
le reste des apprentissages. Les enseignants sont là pour construire le cadre et
pour guider les élèves dans leur démarche de résolution. La pédagogie de projet,
au contraire de la pédagogie magistrale ou de la pédagogie du conférencier, place

115
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

les enseignants aux côtés des élèves à la recherche d’une solution qui n’est pas
prédéterminée. C’est dans l’intervalle de cet accompagnement par les enseignants
que se développe l’autonomie des élèves.

Enseigner l’autonomie dans les apprentissages


Il existe bien plusieurs types d’autonomie, mais celle qui intéresse avant tout les
enseignants est l’autonomie des élèves dans les apprentissages  : un élève doit être
capable d’exploiter ce qu’il a construit en classe, pour résoudre des problèmes variés,
dans le cadre scolaire ou la vie de tous les jours. À nous d’enrichir, d’une part, ce capital
de ressources, et à apprendre aux élèves, d’autre part, à les utiliser correctement.
Il ne s’agit donc pas tant de remettre en cause nos enseignements, que de les
prolonger jusqu’à ce que les notions travaillées entrent dans les ressources propres
de l’élève et lui permettent de décoder et d’appréhender le monde qui l’entoure.

Les tâches complexes et l’autonomie dans la mobilisation des ressources


Les tâches complexes permettent aux élèves de prouver qu’ils ont des compé-
tences et surtout, qu’ils sont compétents. L’autonomie des élèves se manifeste
en effet dans les postulats suivants  : être capable de choisir une démarche de
résolution, de mobiliser seuls les ressources dont ils ont besoin, de produire une
production qui sera plus ou moins imposée, et d’avancer d’eux-mêmes dans la
construction de la notion ciblée, grâce au dispositif pédagogique mis en place par
l’enseignant.
Les enseignants, qui sont peu habitués à ce type d’activités, craignent, à juste
titre, que leurs élèves ne parviennent seuls au bout de l’activité. C’est donc bien
l’autonomie, ou plutôt la non-autonomie dans les apprentissages qui est poin-
tée. Loin d’abandonner ou de renoncer aux tâches complexes, c’est au contraire
cette autonomie qu’il faut construire, par un entraînement régulier dans toutes
les disciplines, et par une explicitation avec les élèves du travail attendu dans ce
genre d’activités, afin qu’ils aient une représentation claire de la démarche à mettre
en œuvre.
Une progressivité dans la complexification de ces activités est nécessaire. On
peut en effet apprendre dès la sixième à lire une consigne, non plus en travaillant
le vocabulaire, ce qui se fait souvent en aide personnalisée avec les élèves qui
ont des difficultés de compréhension, mais en identifiant avec eux la liste des
ressources dont ils auront besoin pour répondre à cette consigne. Cela les aide à
entrer dans cette logique d’exploitation de ressources. En évaluation, on peut tout
à fait envisager de donner aux élèves la liste des ressources dont ils auront besoin.
Dans le cycle central, on peut travailler avec des ressources parasites, c’est-à-dire
faire choisir, dans une liste préétablie, les ressources nécessaires à la résolution
du problème.

116
Construire la citoyenneté et l’autonomie

Et c’est seulement quand on aura mené cet apprentissage qu’on pourra exiger
de nos élèves de troisième qu’ils soient autonomes et qu’ils soient capables de
mobiliser, dans une tâche complexe, les connaissances, procédures et attitudes
nécessaires à sa résolution.

Faire des tâches complexes sans le savoir

Si la tâche complexe est un dispositif pédagogique clairement identifié dans


certaines disciplines, elle laisse encore démunis les enseignants qui se demandent
parfois s’ils ne seraient pas comme Monsieur Jourdain, à en faire sans le savoir.
Alors qu’elle est assez clairement définie dans les disciplines scientifiques, elle
garde des contours plus imprécis dans d’autres disciplines. Pourtant, lire ou écrire
un texte, n’est-ce pas en soi une tâche complexe ? Les enseignants de lettres savent
bien qu’il leur faut développer chez leurs élèves des compétences de lecteur auto-
nome, puisqu’ils seront, de toute façon, seuls face à un texte littéraire ou à un sujet
d’écriture, lors des sessions d’examen. C’est aux enseignants d’interroger leurs
programmes disciplinaires et leurs pratiques personnelles afin d’identifier dans un
premier temps ce qui relève ou ressemble à une tâche complexe.

Le travail de groupe
Paradoxalement, c’est dans le travail de groupe que les élèves vont développer
leur autonomie individuelle, qu’elle soit de pensée, de parole et d’action, et vont
construire des compétences transversales qui seront exploitables dans toutes les
disciplines. Faire travailler en groupe les élèves permet de développer leur auto-
nomie, car l’enseignant n’est plus la ressource première de l’élève. C’est vers ses
pairs qu’il va se tourner, et c’est ensemble qu’ils construiront la notion ciblée.
Mais comme tout dispositif pédagogique, il demande d’être maîtrisé, tant au
niveau de la constitution des groupes que des objectifs suivis. Il s’agit bien de
groupes d’apprentissages, dont la constitution dépend des objectifs poursuivis,
et non selon la répartition géographique des élèves dans la classe, ou les affinités.
Il nécessite une adhésion de la part des élèves, qui doivent accepter de travailler
ensemble :
– pour confronter leurs idées ;
– pour enrichir leurs représentations ;
– pour se répartir les étapes d’un travail long ;
– pour surmonter ensemble une difficulté précise.
Le groupe de mutualisation permet par exemple de faire reformuler par
les meilleurs élèves certaines notions mal comprises par d’autres. À la différence
des enseignants qui ne sont plus dans un processus d’apprentissage et ont
automatisé un certain nombre de procédures qu’ils enseignent, ces élèves trouvent

117
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

parfois les mots justes pour expliquer aux autres les schémas de pensée mises en
œuvre. Les élèves en difficulté, par cette mutualisation, prennent conscience que
les bons élèves ont des stratégies efficaces de travail, et les meilleurs élèves, par
cette métacognition développée avec leurs camarades, consolident l’ancrage des
savoirs dans leurs ressources propres.
Comme dans la pédagogie de projet, les élèves, s’ils ont un rôle précis dans
le groupe, trouvent plus facilement une entrée dans les apprentissages demandés et
se font une représentation plus nette de la tâche attendue. Ils sont tour à tour secré-
taire de séance, gestionnaire du temps, documentaliste, manipulateur dans certaines
disciplines, et tous peuvent être désignés rapporteur à l’oral du travail de groupe.
Le choix de ces rôles est établi par l’enseignant qui, selon les activités, peut choisir
de s’appuyer sur les compétences des élèves, ou au contraire de les développer.
Il est intéressant de lier davantage cette répartition des rôles à une auto-
évaluation des élèves, qui déterminent alors eux-mêmes leurs points forts et leurs
points faibles. Ils entrent en effet plus facilement dans l’activité s’ils en conçoivent
la finalité pédagogique. Un temps de structuration par l’enseignant est nécessaire,
à la fin de l’activité, pour aider les élèves, après la phase de recherche, à vérifier
et à organiser le savoir construit.

Au collège, nous nous sommes dotés de groupes d’apprentissage différents selon les
objectifs pédagogiques poursuivis. Les groupes sont constitués par le professeur principal
et distribués à l’ensemble de l’équipe enseignante de la classe. Les élèves sont répartis :
– en groupes de mutualisation quand on a besoin qu’ils mutualisent leurs stratégies
(un élève qui a des stratégies, un élève plus intuitif mais qui n’est pas au travail,
un élève consciencieux mais qui manque de stratégie et un élève en plus grande difficulté
et souvent démotivé) ;
– en groupes de confrontation quand ils ont besoin de chercher ensemble (on met
ensemble les élèves qui ont de l’assurance, et ensemble les élèves plus timides, afin que
chacun se sente en confiance dans le groupe et puisse exposer son point de vue) ;
– en groupes de différenciation (on regroupe les meilleurs élèves, à qui on propose de
l’approfondissement et des parcours d’excellence, on regroupe les élèves qui ont besoin
d’un étayage plus prononcé dans les activités et ceux pour lesquels il est indispensable de
différencier les supports ou les approches pour construire la notion ciblée par le cours).
Les élèves connaissent les trois types de groupes et leur finalité, ce qui permet de gagner
du temps dans la logistique de ce genre d’activité. Ils se connaissent et ont appris à
travailler ensemble. Il y a une mise au travail très rapide des élèves, et une efficacité
dans les apprentissages qui, de l’avis de l’ensemble des enseignants, permet de « gagner
du temps ». Cette réflexion est d’autant plus intéressante qu’elle vient à contre-courant
des idées reçues des enseignants sur le travail de groupe, négligé le plus souvent par
« manque de temps ». Le travail de groupe devient alors un dispositif de classe qui accom-
pagne au plus près les finalités pédagogiques de l’enseignant et les besoins des élèves.

118
Construire la citoyenneté et l’autonomie

Construire l’autonomie demande du temps, mais ce temps accordé aux élèves


dans les recherches faites en classe est compensé, puisqu’il y a une répercussion
sur les méthodes de travail et l’ensemble des apprentissages. D’où la nécessité de
réfléchir et de travailler en équipe de classe sur la construction de cette autonomie.
Une fois construite, cette autonomie permet aux enseignants d’individualiser
plus facilement les réponses aux besoins de certains élèves, et amène naturel-
lement la différenciation de la pédagogie tant appréhendée par les enseignants.

Les avantages du travail de groupe

Ce dispositif pédagogique effraye parfois les enseignants qui ont l’impression


de perdre la main sur les apprentissages. Un travail de groupe génère plus de bruit,
à cause des discussions et des déplacements des élèves dans la classe. En laissant
libre la parole des élèves entre eux, on craint parfois la dérive vers le bavardage ou
l’agitation. Or le travail de groupe s’apprend, et on remarque que les classes qui ont
l’habitude de travailler de cette façon se mettent très rapidement au travail, gèrent le
niveau sonore de leur discussion, ainsi que l’application des consignes et l’exécution
des tâches demandées.
Les enseignants craignent également que les élèves en difficulté se reposent entiè-
rement sur les meilleurs et que le travail fourni et évalué ne soit pas représentatif
des compétences de chacun. Or le travail de groupe, par le changement de configu-
ration didactique qu’il propose, permet aux élèves les plus en difficulté de participer
à une partie des apprentissages et des activités. Il leur offre une tribune pour
qu’ils puissent s’exprimer plus facilement à travers la parole du groupe.
En ce qui concerne l’évaluation des travaux, il est intéressant de jumeler l’évaluation
collective avec une évaluation individuelle de ce que chacun aura construit dans
cette activité collective.

Une autonomie dans la prise de parole


Les compétences d’oral, bien qu’ayant toujours été sous-jacentes dans les
enseignements, sont devenues explicitement évaluables, notamment à travers
la maîtrise du domaine DIRE de la compétence de maîtrise de la langue du socle
commun, et par l’épreuve d’histoire des arts à la fin de la scolarité obligatoire.
Les élèves ne sont plus confrontés pour la première fois à un examen oral à la fin
de la classe de première, mais bien à la fin de leur scolarité au collège. Il incombe
donc aux enseignants de développer ces compétences orales et d’en faire, non
pas un handicap, mais une force sur lesquelles les élèves puissent s’appuyer pour
présenter leur démarche de résolution, leur travail de recherche ou leur réflexion
autour de telle ou telle problématique.
Être autonome dans cette prise de parole orale, c’est être capable :
– de mobiliser les ressources nécessaires au travail demandé ;

119
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

– d’organiser le propos qu’on présente ;


– de construire un support d’exposé qui permette le déroulement de l’argu-
mentation ;
– de se détacher de ses notes ;
– de maîtriser suffisamment son propos pour pouvoir répondre aux questions
du jury.
Il est important aussi d’apprendre aux élèves à ne pas lire ce qu’ils exposent sur
leurs supports, qu’il s’agisse d’affiches ou de logiciels de présentation numérique.
Un diaporama, par la dichotomie qu’il propose entre ce qui est projeté et ce qui est
préparé dans les notes, permet de construire avec les élèves cette compétence de
répartition des informations. Un entraînement régulier, une analyse de prestations
filmées sont les clefs du progrès des élèves.
La prise de parole est un véritable domaine de compétences à construire, pour
apprendre aux élèves à présenter une démarche de résolution ou de recherche,
à exprimer un ressenti et à argumenter sur des notions précises.
Les ressources à mobiliser sont telles qu’on prend conscience que les élèves ne
pourront accéder à l’autonomie dans ce domaine sans un apprentissage régulier et
transversal. C’est un défi à relever en équipe. C’est notamment par l’organisation
de débats ou de tables rondes autour de problématiques variées, dans toutes les
disciplines, que les élèves construisent une aisance dans les échanges verbaux.

Au collège, nous disposons régulièrement les tables du CDI en grand cercle afin
de proposer aux élèves des tables rondes sur l’actualité, sur leurs représentations de la
lecture, de la citoyenneté, sur leurs pratiques des réseaux sociaux, ou de certains appren-
tissages précis. Ces pratiques régulières ont appris aux élèves à débattre et à discuter
ensemble ou avec des intervenants extérieurs. C’est une autre façon de prendre la parole,
plus libre qu’en classe, moins frontale et moins risquée. Plus autonome.

L’autonomie dans la recherche documentaire


Si on les interroge sur l’autonomie attendue à l’entrée au lycée, les enseignants
ciblent assez massivement l’autonomie dans la recherche documentaire. Cette auto-
nomie est à rapprocher de l’autonomie dans la mobilisation des ressources externes.
En effet, il est fréquent que l’on mette à la disposition de nos élèves de collège des
ressources externes, sous format papier ou numérique, qu’ils s’avèrent incapables
d’exploiter correctement. Qu’attendons-nous exactement de nos élèves ?
– qu’ils soient capables d’exploiter des mots clés pertinents dans une
recherche libre ;
– d’utiliser des moteurs de recherche ou des systèmes de classement ;
– de repérer les informations exploitables ;
– qu’ils dégagent une interprétation propre des données relevées dans
plusieurs sites.

120
Construire la citoyenneté et l’autonomie

Cette méthodologie de la recherche s’apprend. Elle s’enseigne donc. Si on


lance une recherche en classe de sixième sur un héros de l’Antiquité, les élèves,
après plusieurs minutes de recherche autonome, concluent qu’« Il n’y a rien sur
Internet  ». Comme il est peu probable qu’il n’y ait en effet «  rien  » sur Ulysse,
on peut en déduire que les élèves de sixième ne savent pas mener une recherche
sur Internet. Comment comptons-nous donc construire cette compétence transver-
sale, durant leur scolarité au collège, pour qu’ils soient complètement autonomes
à l’entrée en seconde ?

En classe de quatrième, nous proposons une activité de recherche aux élèves, avec
un document de suivi de cette recherche. L’objectif de la séance de travail n’est pas tant
le résultat de la recherche que la façon dont les élèves vont la mener en salle pupitre.
Le thème de la recherche est « La préciosité au xviie siècle », un courant littéraire
volontairement mal connu, voire inconnu des élèves, leur laissant peu de marge pour
la mobilisation de ressources internes. C’est donc bien la compétence d’exploitation
de ressources externes qui va être travaillée. Le document demande aux élèves de rele-
ver les différents mots clés utilisés et de se prononcer sur leur pertinence. Il demande
ensuite aux élèves d’indiquer les idées relevées dans chaque site consulté et d’en faire
une synthèse à la fin de la recherche

Les élèves, suite à cette activité, ont perçu l’importance des mots clés et
la nécessité de consulter plusieurs sites pour enrichir une information. Ils se sont
rendu compte que certains sites, bien qu’ayant une présentation attirante, leur
fournissaient peu d’informations exploitables, alors que d’autres étaient plus
lisibles et compréhensibles. Ils ont également perçu la nécessité d’être capable
de porter un regard critique sur une information.

La gestion du travail personnel :


une autonomie à enseigner à l’entrée au collège
Quand on interroge les enseignants de collège sur l’autonomie prérequise
à l’entrée en sixième, ils sont beaucoup à citer une autonomie dans le travail à
la maison. Or les élèves n’ont pas tous eu un véritable apprentissage de la gestion
du travail personnel à l’école élémentaire, puisque les textes officiels ne le préco-
nisent pas explicitement.
A-t-on appris aux élèves à apprendre une leçon d’histoire, de mathématiques,
à mémoriser du vocabulaire en langue étrangère, à retenir des procédures ? Quand
on accompagne certains élèves en soutien, études ou autres aides aux devoirs,
on s’aperçoit qu’ils apprennent toutes leurs leçons comme des poèmes, c’est-à-
dire les mots de la première ligne de la leçon, puis ceux de la seconde, etc. Et c’est
en effet ainsi qu’on leur demande souvent à l’école primaire d’apprendre leurs
leçons, pour qu’ils engrangent des structures de phrases correctes et qu’ils déve-
loppent ainsi leur capital lexical. Mais en même temps, cela fige la mémorisation

121
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

et ne permet, la plupart du temps, aucune mobilisation ponctuelle et pertinente


qui suppose un remaniement ou une déconstruction de la structure de la leçon.
Même s’il est indispensable d’apprendre par cœur certaines ressources,
comme le vocabulaire spécifique, les tables de calcul ou la conjugaison, afin de
créer des automatismes et de libérer de l’espace-mémoire, cet apprentissage des
leçons n’est plus suffisant au collège, puisque ce qui a été appris ne peut être
alors mobilisé et transféré en dehors d’une « récitation » mot à mot. Si l’on change
un mot dans la consigne de restitution, c’est l’ensemble de l’apprentissage de
l’élève qui s’effondre. On leur reprochera alors de ne pas apprendre leurs leçons,
ce qui est faux. Ils sont juste incapables d’utiliser ce qu’ils ont appris. On confor-
tera alors également ces élèves dans l’idée qu’ils sont nuls et qu’apprendre ne
sert à rien. C’est leur façon d’apprendre qui ne leur sert à rien, mais leur a-t-on
appris à faire autrement ?
Nous développerons plus longuement l’approche collective que l’on peut
avoir dans les établissements sur l’apprentissage des leçons dans le chapitre qui
y est consacré. L’apprentissage de méthodes aide en effet à l’autonomie, même
si, décontextualisé des apprentissages de la classe, il n’aide souvent en rien
l’élève quand celui-ci est en autonomie. Il faut donc plutôt interroger dans nos
pratiques quotidiennes, disciplinaires et transversales, ce qui construit l’autonomie
des élèves dans la gestion de leur travail personnel, et repérer les moments dans
la classe où nous allons en poser les jalons.

Trouver et prendre le temps de construire cette autonomie

Commencer la mémorisation des éléments clés d’une leçon en classe, sur les
dix dernières minutes de notre cours n’est-il pas plus pertinent que de conti-
nuer à nous escrimer sur des apprentissages non appris  ? Jusqu’où devons-
nous accepter l’externalisation de cet apprentissage des leçons, au lieu de
le considérer comme une phase de structuration inhérente à notre cours  ? Le
temps joue contre nous, et les semaines qui passent, dans une année scolaire,
obligent à maintenir un rythme d’apprentissage lié au recouvrement de l’inté-
gralité des programmes. N’est-ce pas un objectif hors de propos, de «  finir son
programme  » quand la moitié des élèves le parcourent en courant sans avoir
le temps de rien intégrer à leurs ressources propres  ? Peut-on enfin passer
d’un collège qui enseigne à un collège où l’on apprend  ? Il ne s’agit nullement
de dire qu’il ne faut pas traiter l’intégralité des programmes disciplinaires, au
profit de la construction de compétences vides de connaissances. Il s’agit juste
de reposer la question en termes de concepts transférables à construire. Nos
enseignements ne se contentent plus de répondre à la question des savoirs à
faire acquérir mais aussi de l’activation de ces savoirs dans les ressources propres
des élèves. De cette activation des ressources dépend le degré d’autonomie de
chaque élève.

122
Construire la citoyenneté et l’autonomie

Apprendre à planifier les échéances de la classe de troisième :


une compétence d’autonomie à construire
À l’autre extrémité de la scolarité au collège, il y a le DNB et la nécessité pour
les élèves de troisième de gérer tout au long de l’année les révisions des différents
brevets blancs et des épreuves finales, ainsi que la préparation de leur entretien
oral d’histoire des arts.
Pour les enseignants de collège et de lycée, le constat est le même : les élèves
ne savent pas planifier les révisions, ni utiliser de façon pertinente l’autonomie qui
leur est laissée dans l’organisation de ces révisions. Ces remarques récurrentes
ne montrent-elles pas un manque dans les apprentissages transversaux ? Est-ce
si facile de planifier, pour un élève de troisième, quinze jours de révisions, dans
trois disciplines différentes  ? N’est-il pas du ressort des équipes enseignantes
d’apprendre aux élèves à s’organiser, d’engager avec eux une réflexion autour
d’une planification, qui utilise correctement les zones de révision, en y alternant
les savoirs disciplinaires et en facilitant le travail de la mémoire par des regroupe-
ments qui favorisent la structuration ?
Personne ne sous-estime l’effort demandé aux élèves pour se préparer aux
épreuves ponctuelles du brevet des collèges. Mais on considère souvent qu’il est
de la responsabilité de l’élève d’assumer seul la responsabilité de ces révisions.
Oui, si l’autonomie a été construite préalablement au cours des quatre années de
la scolarité au collège. Oui, si chaque élève, se connaissant suffisamment en tant
qu’apprenant, est capable d’organiser ses révisions en fonction de ses points forts
et de ses points faibles. Parfois, il suffit juste de distribuer aux élèves un planning
vierge et de leur demander d’organiser leurs révisions. On dote alors les élèves
d’une feuille de route qu’ils ont eux-mêmes créée. Une fois l’analyse faite de cette
planification, il est rare que les élèves ne s’y tiennent pas.
Ce travail peut être enclenché d’ailleurs dès l’école primaire, avant les cycles
d’évaluation ou les évaluations nationales, pour lesquelles la masse de leçons
à revoir peut être importante, même en CE1. Travailler l’autonomie donne prise aux
élèves sur leurs apprentissages à la maison.
L’autonomie dans les apprentissages n’est pas un prérequis sur lequel
s’appuyer, même si certains élèves l’acquièrent par eux-mêmes. Les doléances
des enseignants en matière d’autonomie des élèves sont nombreuses  : elles
reflètent une zone invisible dans les apprentissages. C’est une compétence sur
laquelle tout le monde s’appuie sans que personne ne la construise réellement,
ou alors sans cohérence d’ensemble. Elle est la clé de la réussite des élèves
et mérite une réflexion collégiale dans les établissements. La construction de
l’autonomie, comme celle des autres compétences transversales, est l’un des
sujets de conversation entre les disciplines dans ce dialogue complexe qu’exige
le socle commun.

123
7
Outiller les équipes
pour mettre en place
les pratiques communes

G   râce au socle commun, une réflexion pédagogique d’équipe s’engage dans


  les établissements au sujet de la construction et l’évaluation des compé-
tences partagées. En effet, si une approche systémique semble incontournable
dans une première phase de la mise en place du socle commun, une seconde
phase d’affinement pédagogique doit être proposée aux équipes, pour faciliter la
mise en réseau didactique et pédagogique des enseignements dispensés.
Ce sont les nouvelles pratiques communes, comme la collégialité, la transver-
salité ou l’interdisciplinarité, qui donnent ses spécificités au socle commun, et
instaurent de nouveaux liens entre les apprentissages fondamentaux enseignés
dans les différentes disciplines. L’enjeu est de taille, car ces nouvelles pratiques
ont pour objectif de proposer une approche globale de la culture scolaire, en
combattant le cloisonnement des savoirs qui empêche les élèves d’appréhender
et de résoudre les problèmes dans leur complexité et d’exercer leur esprit critique
sur les choix faits. C’est bien le monde que l’école veut appréhender et les situa-
tions de classe proposées aux élèves doivent s’orienter vers cette finalité.
Toutes ces pratiques pluridisciplinaires ne seraient cependant que des coquilles
vides sans des acquis disciplinaires solides et maîtrisés. Elles ont besoin d’être
outillées, même s’il faut protéger les équipes de grilles de compétences indigestes
et chronophages, qui n’intègrent en aucune façon le socle commun dans les dispo-
sitifs pédagogiques de classe. La simplification de la validation permettra sans
doute aux équipes de se recentrer sur des problématiques plus pédagogiques et
de considérer les items comme des contenus d’apprentissage à construire, plus
que comme des cases à cocher.
Des outils communs peuvent aider à instaurer une transparence dans les
contenus disciplinaires. Ces outils doivent être simples et lisibles par tous.
Nous présentons quelques outils que nous avons créés et utilisés. Il est
souhaitable que les équipes se les approprient et les adaptent à la culture de leur
établissement. Ils peuvent par contre servir d’exemples à analyser dans le cadre

125
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

d’une réflexion collégiale ou d’une formation. Même si le référentiel du socle


commun évolue, les outils de dialogue entre les disciplines restent d’actualité.

Relier en toute transparence


Le socle commun entraîne une mise en relation des différents savoirs discipli-
naires. Or cette mise en relation ne peut se faire sans une transparence dans les
enseignements dispensés à un même élève. Cette transparence des pratiques et
des contenus n’existe pas souvent sur le terrain. Elle est pourtant source de moti-
vation pour les équipes enseignantes et contribue à l’élaboration d’une cohérence
des apprentissages, pour l’élève comme pour sa famille.

Trouver un consensus sur la notion de compétence


L’intégration du socle commun dans les pratiques d’évaluation au collège a
amené un questionnement autour des spécificités des disciplines. En effet, l’éva-
luation partagée d’items communs appréhende les acquis des élèves dans leur
globalité, et exacerbe les harmonies ou des cacophonies disciplinaires.

Quand nous avons voulu présenter le socle commun à nos collègues, en 2007, nous
avons commencé par lire tous les préambules des programmes disciplinaires et ce,
pour comprendre comment chaque discipline définissait le terme de « compétence ».
Cette lecture nous a fait prendre conscience que le panel d’acceptions relevées allait
être un frein à la mise en mouvement des équipes, parce que, face au flou des défini-
tions, certaines équipes préféreraient attendre que tout soit plus clair. C’est pour cette
raison que, dans nos formations, nous avons préféré employer très rapidement le terme
de « ressource » qui, en englobant des savoirs, des capacités, des attitudes, des savoir-faire
ou savoir-être, permet un consensus.

Même si certaines équipes que nous rencontrons ont encore besoin d’être
rassurées sur cette définition de la compétence, cette problématique commence
à être dépassée, au profit d’une réflexion plus pédagogique sur ce que l’on
construit en termes de compétence.
L’objectif est-il en effet que nos élèves aient des compétences ou qu’ils soient
compétents ?

Une transparence dans les progressions annuelles


Mettre à disposition d’une équipe les différentes progressions annuelles disci-
plinaires est un moyen efficace, dans un établissement, de faire émerger des axes
communs d’enseignement et d’évaluation. Le moment de cet échange est important.
Un conseil d’enseignement interdisciplinaire peut être programmé à la fin de l’année,
pour permettre aux équipes d’enclencher des pistes de travail, qui pourront être

126
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes

reprises et affinées l’année suivante. C’est fin juin que les rendez-vous interdisci-
plinaires sont donnés, avant que chacun ne programme et ne planifie ses ensei-
gnements.
Cette transparence dans les progressions annuelles est fondamentale pour
une mise en œuvre pédagogique du socle commun  ; de plus, son objectif doit
être présenté clairement aux équipes. On ne peut en effet obliger un enseignant
à donner sa progression annuelle à ses collègues et c’est une pratique tout
à fait inhabituelle, jusqu’à présent, dans les établissements. Cette mise à plat
des progressions nécessite un temps d’accompagnement et de discussion péda-
gogique. Le temps imparti à ce conseil d’enseignement interdisciplinaire doit être
au minimum de trois heures. On peut même envisager de lui consacrer une journée
entière, lors de la journée de solidarité, par exemple.

En classe de quatrième, la transparence dans les progressions annuelles influence


certains choix pédagogiques d’équipe, qui consistent soit à aligner certains appren-
tissages, soit, au contraire, à les décaler dans le temps pour travailler leur réinvestis-
sement.
Par exemple, au premier trimestre, l’enseignante de lettres choisit d’attendre que
les enseignements d’histoire, concernant le xviiie siècle, aient été faits, avant d’aborder
les philosophes des Lumières. Cette première approche historique aide en effet les élèves
à acquérir des connaissances qu’ils pourront réinvestir dans la compréhension des
textes littéraires. L’axe fédérateur des enseignements, lors de cette première période,
est la présentation aux élèves de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, par
les enseignants de toutes les disciplines, à partir de planches illustrant les apprentissages
dispensés ou, au moins, la discipline enseignée. Cette présentation pluridisciplinaire
se fera sur une semaine, pour donner plus de sens à ces activités.
L’évaluation de transfert consiste à faire écrire aux élèves une nouvelle policière
historique, située au xviiie siècle et mobilisant des ressources relevant de toutes les
disciplines. En effet, lors de leurs recherches préalables, les élèves s’enquièrent auprès
de l’enseignant de technologie du type d’éclairage et des moyens de transport utilisés
à l’époque, ou, auprès de l’enseignant de SVT, des connaissances de l’époque sur l’ana-
tomie et les techniques opératoires de la police.
Un autre projet interdisciplinaire, autour de la mise en scène d’un spectacle vivant,
est programmé en fin d’année. Parce qu’il rassemble quatre disciplines, il faut le temps
que chacune ait abordé ses apprentissages disciplinaires, avant de proposer aux élèves
une situation de mobilisation dans laquelle ces acquis seront réinvestis et évalués.

Ces actions, simples à mettre en place, sont porteuses d’un sens fort pour
les élèves car elles combattent le cloisonnement disciplinaire et aident les élèves
à relier les savoirs. Que ce soit par des tableaux distribués à chacun ou affichés
en salle des professeurs, cette transparence dans les apprentissages doit devenir
un guide important dans la planification pédagogique des nouvelles pratiques.
Cette lisibilité permet également de savoir qui enseigne quoi et à quel moment,

127
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

sur quel support et de quelle façon. Autant de questions essentielles quand on met
en place une construction commune des compétences du socle.

La mobilisation des outils mathématiques ou scientifiques


dans le pôle scientifique
Créer une lisibilité dans les ressources des élèves permet de repérer les aides
ou coups de pouce dont auront besoin les élèves les plus fragiles, lors de la réso-
lution de tâches complexes, et d’anticiper ainsi les difficultés de mobilisation.
Le tableau suivant détaille les acquis mathématiques mobilisés en classe de
troisième. On perçoit nettement la mobilisation d’outils construits antérieurement,
et donc considérés comme des prérequis pour les apprentissages de la classe de
troisième. Mais les élèves sont-ils tous capables de mobiliser des acquis construits
une année antérieure, sans rafraîchissement des notions ?

Utilisation des outils mathématiques


en technologie en classe de troisième

Technologie

Organisation et gestion de données


Des acquis de cinquième : représentation et traitement de données
(effectifs, fréquences, classes, histogramme, diagramme, tableur).
Des acquis de quatrième : proportionnalité (produit en croix, représentation graphique),
traitement de données (moyenne, moyenne pondérée).
Des acquis de troisième : notion de probabilités.
Nombres et calculs
Des acquis de quatrième : calcul numérique (+, x, –, : sur les relatifs).
Géométrie
Des acquis de quatrième : Pythagore.
Des acquis de troisième : trigonométrie (cos, sin, tan), Thalès, agrandissement réduction,
angles inscrits, angles au centre, sphère, sections planes.
Grandeurs et mesures
Des acquis de cinquième : longueurs, masses, durées, angles, aires
(parallélogramme, triangle, disque).
Volumes, prismes
Des acquis de quatrième : aires et volumes (cône, pyramide, vitesse moyenne).
Des acquis de troisième : aires (sphères, πR) et volumes (boules).
Changements d’unités et vitesse moyenne (v=d/t).

La création de tâches complexes interdisciplinaires


Si l’on veut accompagner les enseignants dans la création de tâches complexes
interdisciplinaires, il faut insister sur l’importance de lister les différentes
ressources disciplinaires mobilisables, autour d’une thématique commune.

128
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes

Le document suivant, présenté avec un exemple concret de tâche complexe


interdisciplinaire, permet d’éviter aux équipes de se perdre dans les écueils
d’une interdisciplinarité mal maîtrisée.

Une séance interdisciplinaire en quatrième

Classe : Disciplines :
quatrième français, technologie
Thème : Le baladeur de Cyrano

Ressources mobilisables Compétences évaluées


Français : lecture du texte. C1 : Repérer les informations
Repérage des champs lexicaux, mobilisation dans un texte à partir des éléments
de ce qui a été travaillé en classe concernant explicites et des éléments implicites
la description. Reconnaissance de l’objet nécessaires.
décrit. C3 : Objets techniques : associer
Associer un contexte historique au xviie siècle l’utilisation d’un objet à une
(notamment des inventions). époque, une région. Repérer des
Technologie : évolution de l’objet technique. évolutions de solutions techniques.
Situer dans le temps différentes C5 : Situer des événements, des œuvres
découvertes techniques littéraires ou artistiques, des décou-
(stockage de l’électricité, transmission vertes scientifiques ou techniques,
de l’information, électricité, enregistrement des ensembles géographiques.
des voix). C5 : Être sensible aux enjeux esthétiques
et humains d’un texte littéraire.

Consigne Production attendue


Pourquoi l’objet décrit par Cyrano Une frise chronologique à compléter
de Bergerac est-il surprenant à son époque ? et un texte explicatif et technique,
répondant à la question posée
dans la consigne.

Aides, organisation
Deux heures de cours interdisciplinaires :
– Travail de groupe pour mener à bien la tâche demandée.
– Correction et ouverture vers l’enjeu esthétique du texte littéraire
et le regard précurseur de l’auteur.
Texte support : extrait de l’Histoire comique des États et Empires de la Lune
de Cyrano de Bergerac.
Schéma à partir des mots et expressions relevés pour décrire l’objet.
Ressources externes utilisables : le cahier de technologie.

Ce document, par la démarche d’écriture et de réflexion qu’il impose aux enseignants,


permet de canaliser la tâche complexe écrite en interdisciplinarité et de l’ancrer sur
des ressources disciplinaires précises. La difficulté reste dans l’écriture de la consigne,
qui doit guider les élèves dans la mobilisation de ressources attendues sans formater

129
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

la réponse à la problématique posée, ainsi que dans les aides apportées aux élèves
les plus fragiles.
Et, pour les élèves, l’enjeu est qu’ils parviennent à traduire cette situation-problème
en ressources à mobiliser. Dans le cas de cette activité, il s’agit de compétences de
lecture, pour identifier les éléments du texte qui sont importants à la compréhension
de la problématique, de compétences de perspective historiques, des connaissances sur
l’évolution des objets et sur les techniques qui y sont associées.

Faire travailler les enseignants sur la création d’évaluations communes de


compétences, et sur leur correction, lance les équipes dans le vif du sujet pédago-
gique, en les asseyant à une même table autour des productions des élèves.
Inclure les élèves au processus de la mise en place du socle commun est en
effet un excellent moyen de faire dialoguer les enseignants autour de vraies problé-
matiques pédagogiques. La confrontation autour de l’acte d’évaluation va mettre
à nu les valeurs de correcteur. On réalise alors que ces valeurs, si fondatrices du
métier d’enseignant, ne sont pas forcément partagées par les autres membres de
l’équipe. C’est une expérience qui bouleverse les conceptions que l’on a de l’exer-
cice de notre métier, et qui nous oblige à accepter que d’autres enseignants, tout
aussi compétents que nous, puissent en avoir d’autres.
C’est une phase de déconstruction de nos préjugés, indispensable à la mise en
place d’un travail d’équipe opérant. Et se posent alors les questions de la vision
globale posée sur le travail d’un élève, sur son parcours de formation, et sur l’aide
que l’école va lui apporter pour qu’il puisse donner le meilleur de lui-même et
construire une confiance dans les apprentissages qui lui permettra de se former
tout au long de sa vie professionnelle et citoyenne.

Harmoniser sans unifier


Il n’est pas question d’unifier les pratiques, et de remplacer les programmes
disciplinaires par un socle commun qui n’évaluerait que des compétences trans-
versales. Nous ne sommes pas devenus des «  enseignants du socle  », et nous
devons garder nos spécificités disciplinaires, pour apporter un regard enrichissant
sur les pratiques communes.

Le lexique
Arrêtons-nous sur les pratiques langagières d’un établissement. On utilise dans
toutes les disciplines des mots courants, des mots liés à l’abstraction de la pensée
et du vocabulaire spécifique. Or un certain nombre de mots abstraits et courants
sont employés avec des acceptions différentes dans des contextes différents,
ce qui peut être source de difficulté et de confusion pour les élèves les plus fragiles.
L’idée n’est nullement d’unifier les sens donnés à ces mots, puisque le monde
qui nous entoure les utilise dans toute leur richesse polysémique, mais de faire

130
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes

prendre conscience aux élèves de ces différents sens. La majorité des élèves n’a
que peu conscience de nos spécificités disciplinaires et se contente d’enchaîner
les heures de cours, en associant un enseignant à une salle et à un horaire, sans
percevoir les conceptions ou démarches propres à chacune de nos disciplines.

Le vocabulaire des consignes

Nous avons relevé, avec les collègues de toutes les disciplines, une liste de mots
que nous utilisons dans nos enseignements avec des sens différents, ou dans des
contextes qui en modifient l’emploi.
Voici le lexique commun que nous nous sommes créé, comme base de notre réflexion
collégiale sur l’enrichissement du capital lexical de nos élèves. Cette liste n’est qu’un
échantillon du vocabulaire abstrait qui pose problème aux élèves en difficulté dans la
compréhension des consignes. Elle ne demande qu’à être enrichie.
«  Activité, développement, champ, ton, tonalité, discours, support, sujet, phrase,
ensemble, parallèle, classe, hypothèse, milieu, but, centre, racine, suite, différence,
fraction, complément, propriété, charge, contrainte, énergie, étiquette, dépression,
créneau, plan, point, nature, objet. »
À partir de cette liste de mots, les enseignants demandent aux élèves de retrouver
les disciplines dans lesquelles ils sont utilisés, et d’écrire des consignes discipli-
naires mettant en valeur les différents sens du mot. Les élèves, en binôme, doivent
ensuite aller interroger leurs enseignants sur le sens exact de ces mots dans leur
discipline. Seule une prise en charge transversale de certaines difficultés permet
de sortir des ornières de certaines difficultés scolaires.

La réflexion collégiale enclenchée sur le lexique commun a pour objectif d’identifier


les causes des difficultés des élèves à comprendre en autonomie des consignes, et s’in-
terroge sur l’utilisation de mots porteurs de malentendus lexicaux entre les enseignants
qui les utilisent et les élèves qui ne les comprennent pas. Or les malentendus sur les
mots engendrent des malentendus sur la compréhension du monde et la polysémie reste
un chantier qui doit être pris en charge de façon transversale, dans les établissements.

Les critères prédéterminés pour une évaluation transversale maîtrisée

Grille d’évaluation d’items du socle commun


dans l’entretien d’histoire des arts

Compétences du socle Critères de réussite Acquis


C1 : Adapter son mode Lecture fluide du texte ou poème présenté :
de lecture à la nature – ne bute pas sur les mots ;
du texte proposé – respecte la ponctuation et la mise en vers ;
et à l’objectif poursuivi. – lit à haute et intelligible voix.

131
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Compétences du socle Critères de réussite Acquis

C1 : Écrire lisiblement un texte, Un effort a été fait sur l’orthographe


sous la dictée dans le diaporama.
ou spontanément,
en respectant
l’orthographe
et la grammaire.

C1 : Développer de façon suivie Le propos de l’élève est organisé


un propos en public et mobilise des ressources pertinentes.
sur un sujet déterminé. L’élève peut expliquer comment il a travaillé.
Il peut expliquer les difficultés qu’il a
rencontrées dans la préparation
de son entretien.
Il utilise un vocabulaire précis et varié.
Il parvient à différencier ce qu’il a écrit
dans son diaporama et ce qu’il dit au jury.

C1 : Adapter sa prise L’élève s’exprime dans un registre


de parole à la situation de langue courant, avec un langage correct.
de communication. Il s’adresse correctement au jury,
sans insolence ou timidité excessive.

C5 : Établir des liens entre Il est capable de présenter d’autres œuvres
les œuvres (littéraires, du même artiste, ou d’autres artistes
artistiques) pour mieux ayant travaillé sur la même thématique
les comprendre. ou dans le même courant artistique,
ou des œuvres antérieures ayant inspiré
l’œuvre présentée.
L’élève a mis l’œuvre étudiée en relation
avec d’autres œuvres.

C5 : Situer des événements, L’élève connaît le contexte historique


des œuvres littéraires de l’œuvre présentée.
ou artistiques, Il comprend le positionnement de l’artiste
des découvertes par rapport à cette période.
scientifiques
ou techniques,
des ensembles
géographiques.

C5 : Connaître et pratiquer L’élève analyse justement l’œuvre présentée


diverses formes et comprend son enjeu, ses spécificités.
d’expression à visée
artistique.

C5 : Être sensible aux enjeux L’élève est capable d’exprimer


esthétiques et humains ce qu’il ressent par rapport à elle.
d’une œuvre artistique.

132
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes

C7 : Être autonome L’élève a utilisé le système


dans son travail : de tutorat mis à sa disposition.
savoir l’organiser, L’élève s’est choisi tout seul
le planifier, l’anticiper, un sujet qui le motivait.
rechercher et sélectionner Il a sélectionné des informations pertinentes
des informations utiles. lors de sa recherche et de son travail
de préparation.

C7 : Manifester créativité, L’élève montre une certaine motivation


curiosité, motivation. pour l’œuvre présentée.
Il présente un travail soigné qui reflète
un certain investissement dans le travail
à la maison.

C7 : S’impliquer L’élève a eu le temps de finir son exposé.


dans un travail individuel. Il a prévu les supports appropriés
à son discours.
Il a visiblement répété son entretien.
Avis demandé au tuteur pour la préparation
de l’entretien.

Les critères de réussite ont été déterminés en équipe lors d’un conseil
pédagogique. Ils sont à la fois un guide pour les élèves, qui savent très précisé-
ment ce que le jury attend d’eux, et pour les enseignants, dans cette évaluation
à la fois interdisciplinaire et transversale de compétences.
Ce genre de document est un levier pour aider les équipes à évaluer ensemble
par compétences. Comme il s’agit d’une épreuve nouvelle, apparue en même temps
que le socle commun, les enseignants n’y ont pas attaché des habitudes tenaces
en matière de notation et d’apprentissages cloisonnés. Il faut donc profiter de cet
appel d’air et éviter que cet entretien ne redevienne une épreuve orale détournée
d’histoire, ou de français, ou de musique, ou d’arts plastiques, mais qu’elle garde
bien toute sa spécificité interdisciplinaire, en y intégrant toutes les disciplines,
autant dans les apprentissages ou dans le suivi des élèves, que dans l’évaluation.

La constitution des groupes d’apprentissage permanents


Ce dispositif pédagogique fonctionne efficacement, si l’on abandonne l’idée
préconçue que seuls les bons élèves travaillent en groupe. C’est souvent dans ces
situations d’apprentissage que les élèves les plus en difficulté se révèlent, parce
qu’on leur offre alors une marge d’autonomie et qu’on les libère d’un questionne-
ment dialogué qui, en les enfermant dans un cadre trop rigide, les met en difficulté.
Cette organisation des travaux de groupe doit recevoir l’aval des enseignants
de la classe, qui disposent alors d’un outil pédagogique prêt à l’emploi, et
variable selon les objectifs poursuivis. C’est dans la confrontation avec les pairs

133
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

que la construction des compétences s’avère être la plus efficiente et personnelle.


Travailler en groupe ne doit donc plus faire peur, même si la classe est plus bruyante,
puisque ce sont alors les élèves qui travaillent à construire leurs compétences.

Mettre en valeur les spécificités disciplinaires


à travers des actions interdisciplinaires
Il y a, dans l’interdisciplinarité, un paradoxe à maîtriser : c’est qu’elle ne fonctionne
réellement et de façon efficace que si les spécificités disciplinaires sont exacerbées.
Les enseignants, qui ont toujours en tête le programme de leur discipline à suivre et
à respecter jusqu’au bout, n’accepteront de s’en écarter temporairement que si les
actions mises en œuvre permettent une mobilisation et une valorisation des ressources
disciplinaires et des démarches de travail et de pensée qui lui sont associées.
L’interdisciplinarité sans les disciplines n’est qu’une enveloppe vide et les
projets interdisciplinaires, qui vont permettre le dialogue des disciplines, sont
étayés par les contenus à faire acquérir dans les disciplines concernées.

Croiser les enseignements disciplinaires


Apprentissages disciplinaires évalués
en mobilisation dans le projet « Spectacle vivant »
L’opéra Carmen, de Georges Bizet

Lettres Éducation Technologie EPS Espagnol


musicale
Lettres : Étude Les décors Arts du cirque Portrait
Lecture de l’opéra motorisés et et de physique
et étude de Bizet les machineries la jonglerie. et moral
de la nouvelle et de la vie du d’un opéra. Écriture de Carmen
Carmen, compositeur. Comment faire d’une choré- (vêtements).
de Mérimée. La mise correspondre graphie en lien Portrait
Objectifs en musique mise en scène avec le thème physique
de la séquence : du drame et contraintes de l’opéra. du torero
Lire un récit et de la techniques ? Acrogym : Escamillo
complexe. séduction. Transfert de enchaînement (vêtements).
Les personnages Le personnage la domotique de figures La
de Carmen de Carmen. appliquée à à 2, 3 ou 4. tauromachie.
et Don José. Chants la machinerie Cirque :
Une histoire en groupe d’une scène jonglerie,
d’amour de certains airs. de spectacle. équilibre.
tragique.
Le passage
de l’écriture
romanesque
à l’écriture
théâtrale
du livret.

134
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes

Apprentissages interdisciplinaires (HDA)


Le mythe de Carmen et sa réécriture à travers les arts.
Les caractéristiques et contraintes de mise en scène d’un spectacle vivant.

Ce que nous attendons des élèves, c’est qu’ils croisent ces différents appren-
tissages disciplinaires, dans une perspective d’histoire des arts, pour parvenir
à cerner les problématiques de réécriture d’une œuvre d’art et d’échos littéraires
et artistiques, ainsi que les contraintes et les apports de la mise en scène pour un
spectacle vivant. Ce sont en effet des compétences majeures dans la compréhen-
sion de la dimension culturelle du monde.

Combiner les apports disciplinaires


Quand nous créons une séquence interdisciplinaire d’apprentissage, nous
prévoyons en même temps l’évaluation de transfert qui permettra de vérifier que
les élèves sont capables de combiner plusieurs ressources, issues de disciplines
différentes, pour résoudre un problème donné. En classe de sixième, par exemple,
une séance d’analyse filmique est construite par les enseignants de français et
d’éducation musicale. L’objectif visé est de montrer aux élèves comment la bande
sonore soutient la narration du récit.
Les élèves ont travaillé en français et en musique sur le film Himalaya, l’enfance
d’un chef. En français, ils comparent le point de vue du récit dans le film d’Éric Valli et
dans le livre de jeunesse d’Évelyne Brisou-Pellen, ainsi que la chronologie établie dans
la narration. En musique, ils étudient les musiques du monde. Lors d’un cours interdisci-
plinaire, réunissant les deux enseignants et les élèves, une scène, présentant un suspense
dans la narration et la musique, est analysée. Il s’agit de montrer aux élèves comment
la caméra du réalisateur manipule le spectateur pour créer un effet de suspense,
et comment la musique accompagne la narration, dans l’installation de ce suspense.
L’évaluation transdisciplinaire, prévue une semaine plus tard, demande aux élèves,
à partir de dessins issus de la fresque finale peinte par l’un des personnages, de restituer
les étapes du récit en adoptant le point de vue du peintre, et d’y adjoindre la musique
et les voix qui sembleraient adaptées à chaque étape de ce récit.
Trois items sont évalués. Les deux premiers items correspondent à des pratiques
disciplinaires à mobiliser, et le dernier item est un item interdisciplinaire permettant
de vérifier que l’élève parvient à combiner les deux ressources pour mettre en œuvre
une compétence d’analyse filmique.

Grille d’évaluation
Items du socle commun évalués Niveau d’acquisition
C1 : Rédiger un texte bref en respectant des consignes.
C5 : Connaître et pratiquer diverses formes d’expression
à visée artistique (travail d’écoute).
C5 : Comprendre l’enjeu esthétique d’une œuvre artistique.

135
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Respecter les spécificités disciplinaires pour des compétences communes


La mise en place de toutes les pratiques transversales ne sera efficace et
effective que si les spécificités disciplinaires sont respectées, voire renforcées
par l’interdisciplinarité. Il y a donc un équilibre à trouver, entre ce que chacun va
concéder à la communauté éducative et ce que cette communauté doit garantir
à chacun comme spécificités disciplinaires. L’intérêt du travail interdisciplinaire
est en effet aussi de valoriser les spécificités disciplinaires.

Quand nous nous sommes intéressés à la construction et à l’évaluation des items de la


démarche scientifique et technologique, nous avons cherché tout d’abord le possible transfert
de compétences d’une discipline à l’autre. Nous avons essayé d’harmoniser les démarches
d’investigation mises en œuvre dans les quatre disciplines scientifiques et technologiques.
Il nous semblait en effet important que les enseignants du pôle scientifique s’accordent sur
les critères d’évaluation d’items dont ils allaient avoir l’évaluation partagée. Nous avons
travaillé avec les enseignants de deux districts, ce qui fait que les conclusions auxquelles nous
sommes parvenus ne relèvent pas du concours de circonstances.
Il s’est avéré en effet très difficile de parvenir à un accord satisfaisant sur les critères
d’évaluation de la démarche scientifique et technologique. Les enseignants de mathé-
matiques, de SVT, de physique-chimie et de technologie ne parvenaient pas non plus à
un consensus sur l’évaluation d’un dessin ou d’un croquis. Pour certains, il s’agissait
d’un dessin à main levée, pour d’autres d’une schématisation, etc. Les démarches mises en
œuvre dans les différentes disciplines scientifiques n’accordent pas la même importance
aux différentes étapes de l’investigation. Et certaines étapes, comme la présentation des
résultats, nécessitent un vocabulaire spécifique ou un mode de restitution codifié qu’il est
difficile de transférer d’une discipline à l’autre. En effet, la démarche de recherche mathé-
matique n’est pas la démarche de recherche en SVT, ni celle développée en technologie.

Il faut cependant aborder avec les élèves ces différentes conceptions de l’investi-
gation, pour ne pas accentuer leur difficulté à se faire une représentation de la tâche
attendue dans les différentes disciplines. Or le meilleur moyen de travailler ces
différences, c’est de les appréhender ensemble, de concert, à travers des activités
qui permettront aux élèves de les mettre en regard et de percevoir leur singularité.
Ces actions transversales donnent l’occasion aux enseignants d’apprendre
à se connaître et à faire cohabiter leurs différences disciplinaires. Les collègues
d’un même établissement ne connaissent pas, la plupart du temps, les contenus
disciplinaires des autres disciplines enseignées et les pratiques pédagogiques
mises en place dans les autres cours. Ils n’ont aucune vision de ce que leurs élèves
sont capables ou incapables de faire ailleurs. Ils ne connaissent rien des pratiques
d’évaluation mises en œuvre par leurs collègues.
Or cette situation n’est plus tenable avec l’arrivée d’un socle qui exige une
construction et une évaluation partagées de compétences. Il faut donc clarifier
le malentendu auprès des équipes  : de la même façon que le socle commun
n’est pas un nivellement par le bas des enseignements, mais bien une hausse

136
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes

des apprentissages des élèves, de la même façon, le socle commun n’induit pas
un effacement des disciplines, derrière une harmonisation terne et réductrice
des exigences, mais est bien la participation de toutes les disciplines, avec leurs
exigences et leurs particularités propres à la construction d’un bagage minimum
commun pour les élèves à la fin de la scolarité obligatoire.

La parole collégiale : une parole qui a besoin de repères


Les équipes, qu’elles soient enseignante, éducative, ou de direction, ont besoin
d’une feuille de route pour programmer et encadrer sur plusieurs années le chan-
gement de pratiques collégial attendu par la mise en place systémique et pédago-
gique du socle commun. Certaines actions doivent être programmées rapidement,
pour permettre aux équipes d’avancer dans la réflexion, et d’autres actions deman-
deront un temps de concertation et de formation plus long et régulier, pour un
affinement des pratiques qui s’adaptent davantage à l’approche par compétences.
La seconde phase est indispensable pour intégrer en profondeur le travail et
l’évaluation par compétences dans les habitudes de l’établissement. Si l’on se
contente d’une mise en place superficielle, rien ne permettra la mise en œuvre des
pédagogies plus actives qui placent l’élève au centre de ses apprentissages. Il est
par exemple déraisonnable de penser que les pratiques changeront parce qu’on
aura doté l’établissement d’un outil numérique d’évaluation par compétences,
même si le choix de cet outil est une action à programmer et à faire pour fédérer
les équipes autour d’outils communs.

Une application intéressante : Nexev

Nous avons travaillé longtemps avec une application nommée Nexev et développée
par Yann Marsault, un enseignant de mathématiques en poste dans l’académie de
Guyane. Cet outil nous avait séduits, parce qu’il avait été créé spécifiquement pour
soutenir des pratiques d’évaluation qui relèvent d’une véritable approche par compé-
tences. L’interface de Nexev n’était donc pas spécialement adaptée au livret de
compétences du socle commun, mais comme elle demandait aux enseignants d’asso-
cier un choix de compétences à une évaluation, elle nous a semblé plus formative,
pour entrer dans le changement de pratiques, que les autres applications qui propo-
saient le référentiel de compétences du LPC, à valider par des croix, en cas d’acquisition.
Nexev permettait aussi de regrouper les élèves, non plus par groupe-classe, mais
selon des besoins identifiés de compétences, et de changer l’arborescence des items
pour les reclasser selon les processus intellectuels mis en œuvre lors de la mobilisation
des acquis évalués.
Cet outil numérique a amené l’équipe à prendre en compte les spécificités de l’éva-
luation par compétences et à en percevoir les enjeux, en termes de personnalisation
des parcours et des réponses aux besoins de remédiation des élèves.

137
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Donner un cadre à la mise en place du socle commun :


feuille de route possible
Nous proposons une feuille de route possible pour enclencher la mise en
place du socle commun, en s’appuyant sur les temps forts et obligatoires de la vie
d’un établissement. Cette feuille de route est un exemple possible de planifica-
tion. Son intérêt réside dans la recherche de correspondance entre les temps forts
obligatoires d’une année scolaire et des évaluations possibles de compétences.
Cette feuille de route commence en janvier, puisque la préparation d’une année
scolaire commence à ce moment-là de l’année précédente, et qu’il est important,
dans le cadre de la mise en place du socle commun, d’engager une réflexion sur
les nouveaux besoins induits par le changement de pratiques, et sur les moyens
d’y répondre.
• Janvier-Février  : Les établissements reçoivent la Dotation Horaire Globale.
Les chefs d’établissement ont alors à répartir les moyens, et à planifier le
temps de concertation et de travail commun qu’ils mettront à la disposition
des équipes. Les stages en entreprise des élèves de troisième, programmés
à différents moments de l’année selon les établissements, offrent la possibi-
lité de faire rédiger des rapports de stage et d’organiser des entretiens oraux
(comme ce qui se fait dans le cadre du CFG) permettant de proposer une
évaluation différenciée des domaines ÉCRIRE et DIRE de la compétence de
maîtrise de la langue française.
• Mars  : Les conseils de classe du second trimestre identifient, en classe de
troisième, les domaines de compétence en souffrance des élèves afin de leur
proposer des évaluations de compétences différenciées, et d’éviter ainsi que
certains élèves ne valident pas le socle commun, à la fin de l’année, à cause
d’un domaine en souffrance (le plus souvent, le problème se posera pour le
domaine des outils mathématiques, ou pour la compétence de langue vivante
étrangère). Dans les autres niveaux, il s’agit de mettre en place la remédiation
transversale nécessaire pour accompagner les élèves jusqu’à la fin de l’année
et consolider les fondamentaux. Lors de la réunion parents-professeurs du
second trimestre, il est intéressant d’informer précisément les parents sur les
domaines de compétences en souffrance et sur les stratégies de remédiation
mises en place, à travers l’écriture par exemple, de feuilles de route person-
nalisées qui donnent des conseils méthodiques assez précis.
• Avril : Un entretien blanc d’histoire des arts peut être organisé. Cela permet
de commencer à évaluer, en mobilisation, les items du domaine DIRE de la
compétence de maîtrise de la langue, ainsi que ceux relevant de la consti-
tution d’un document support présenté au jury (diaporamas numériques,
affiches, dossiers, etc.), les items de la compétence humaniste liés à
l’histoire des arts (et pour les élèves en difficulté dans le pôle humaniste,

138
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes

cet entretien oral, s’il est accompagné dans la préparation, représente


une véritable évaluation différenciée de compétences), ainsi que les items
d’autonomie et d’investissement dans un projet individuel.
Un conseil pédagogique organisé à cette période peut statuer sur les différentes
stratégies de validation certificative.
• Mai  : Les épreuves officielles d’histoire des arts permettront de terminer
les évaluations de compétences ciblées par cette épreuve, ainsi que toutes
celles liées à différents projets interdisciplinaires organisés dans le cadre
de la construction des compétences. Il est à noter que la remontée du LPC
début juin a surpris les premières années les équipes qui avaient planifié des
évaluations au mois de juin.
• Juin  : Les conseils de classe et l’officialisation des projets d’orientation
permettent aux équipes de se prononcer sur la maîtrise du domaine
Orientation de la compétence d’autonomie. En effet, si le conseil de classe
se prononce favorablement pour les projets d’orientation présentés, c’est
bien que les élèves ont prouvé la maîtrise de ces compétences.
La validation du LPC peut se faire lors des conseils de classe du troisième
trimestre, bien que certains établissements préfèrent organiser des «  conseils
de socle  », pour différencier les deux temps. Le conseil de classe constitue
logiquement le lieu le mieux adapté pour qu’une équipe se prononce sur les
acquisitions de compétences des élèves en fin de scolarité obligatoire. Mais il faut
que l’approche par compétences soit suffisamment intégrée dans les pratiques
de tous pour que la discussion autour des compétences s’organise naturelle-
ment et n’allonge pas le temps des conseils de classe de façon déraisonnable.
Externaliser cette validation collégiale peut donc être judicieux dans un premier
temps, si les conseils de socle ne se résument pas à une validation à la volée sur
le logiciel officiel, mais permettent une réelle discussion pédagogique autour de
la validation des compétences des élèves. Il sera intéressant, à terme, de réfléchir
à la possibilité de donner un bulletin de compétences intermédiaire, à la fin de
chaque année, aux familles et à l’équipe enseignante de l’année suivante.
Le mois de juin est le moment idéal pour convoquer des conseils d’enseigne-
ment par pôles, afin de réfléchir en équipe interdisciplinaire restreinte, ou même
plus élargie, sur la construction des items transversaux, et d’inscrire la continuité
des apprentissages dans la logique des quatre années du collège. C’est lors de ces
conseils qu’il est intéressant de demander à chacun de présenter ses progressions
annuelles disciplinaires prévues pour l’année suivante, afin de programmer des
projets interdisciplinaires ou encore de repérer les apprentissages invisibles,
dans les entre-deux disciplinaires. En effet, le dialogue et le croisement des
regards disciplinaires donnent du sens aux apprentissages cloisonnés des élèves,
et permettent de travailler la dynamique motivationnelle.

139
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Il est intéressant de réfléchir aux outils (porte-vues d’évaluation, livret de


compétences formatif, outil numérique ouvert sur l’extérieur, référentiel réécrit
pour les élèves, grilles d’auto-évaluation) que l’on proposera aux élèves, pour
accompagner le changement de pratiques des enseignants.
C’est lors de la constitution des emplois du temps que le chef d’établissement
pourra intégrer des plages de concertation, indispensables maintenant pour
les équipes. L’inscription d’une heure blanche à l’emploi du temps, c’est-à-dire
une heure en milieu de journée, pendant laquelle aucun cours n’est programmé,
garantit aux enseignants le temps de concertation dont ils auront besoin au cours
de l’année suivante.
C’est également au moins de juin qu’arrivent dans les établissements les livrets
de compétences du palier 2 des élèves de CM2. Repérer dès cet instant les élèves
n’ayant pas acquis le palier 2, permet de proposer dès la première semaine de
septembre un accompagnement personnalisé sur des items jugés prédictifs de
réussite à l’entrée en sixième.
•  Septembre  : Les journées de prérentrée doivent proposer des conseils
d’enseignement interdisciplinaires, afin de relancer (ou de lancer) la dynamique
transversale posée fin juin. Les conseils d’enseignement disciplinaires restent
primordiaux, mais ne sont pas suffisants à eux seuls, dans la nouvelle dynamique
créée par le socle commun.
Il s’agira essentiellement de planifier les évaluations communes par compé-
tences, qui ne sont pas des évaluations programmées du socle, et de se mettre
d’accord sur la planification des contenus d’apprentissage déterminés pour
certains items transversaux. Toute cette organisation est possible si a eu lieu, en
amont, une réflexion cadrée sur ces problématiques. C’est lors de conseils péda-
gogiques, de temps de concertation programmés pendant la journée de solidarité
ou sur des réunions de travail ponctuelles, que, en plénière ou par ateliers, les
équipes auront réfléchi à la construction pédagogique des compétences.
Le socle commun doit être présenté rapidement en début d’année aux élèves,
afin de les rendre acteurs de ce changement de pratiques. Cela peut être fait
en heure de vie de classe par les professeurs principaux. Les parents devront
également être informés. La mise en place d’ateliers de remédiations, en sixième,
sur certains items prédictifs de réussite permet d’accompagner tout de suite
les élèves les plus fragiles.
Fin septembre, il est intéressant de tenir un conseil de classe diagnostique, afin
de mutualiser ce que chacun connaît des profils d’apprenants des élèves, et de
cibler tout de suite les points forts et les points faibles de chacun, afin de guider
au mieux les élèves dans leurs apprentissages. Ce conseil diagnostique ne porte
aucun jugement sur le travail des élèves, mais met en commun les observations
des enseignants, pour mieux anticiper les difficultés des élèves.

140
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes

• Octobre-Novembre : Les équipes peuvent travailler sur les items des compé-
tences transversales, afin de les doter de contenu d’apprentissage. La
remédiation transversale peut être proposée aux élèves dont on a repéré,
après une première période, les difficultés d’apprentissage. Elle peut être
intégrée à l’accompagnement éducatif, aux heures dédiées à l’aide dans
les différents niveaux, aux PPRE, ou dans les plages de liberté des élèves,
à condition d’avoir proposé une formation aux assistants d’éducation pour
la prise en charge des activités de remédiation établies par les enseignants.
Il sera cependant nécessaire d’encadrer l’externalisation des aides appor-
tées par une réflexion sur la différenciation au sein de la classe.
• Décembre  : Les premiers conseils de classe peuvent se prononcer sur la
maîtrise des compétences d’autonomie, de respect du règlement, la motiva-
tion des élèves, ainsi que leur investissement dans les activités proposées
dans l’établissement.
Pour que la mise en place du socle commun se fasse au niveau de l’ensemble
de l’établissement, il faut que chaque temps fort de la vie de cet établissement
soit repensé en termes de construction et d’évaluation de compétences. Le socle
commun débarque dans les établissements et prend de la place.
Minimiser les changements qu’il implique supprime la possibilité de l’utiliser
comme un outil fédérateur des pratiques pédagogiques variées proposées aux élèves.

Les conseils de classe


Des lieux de réflexion sur les difficultés d’apprentissage des élèves
Les conseils sont des moments clefs de réflexion collégiale dans une année
scolaire et ils doivent être refondés pour faire une place à l’évaluation par compé-
tences. Il s’agit de remplacer le constat posé sur le travail des élèves par une
réflexion commune autour de leurs difficultés et des moyens possibles de les
accompagner dans cette acquisition de compétences.

À propos de la « moyenne »

Pour aider à cette intégration de l’évaluation par compétences dans les conseils de
classe, il est conseillé de supprimer la moyenne générale inscrite sur le bulletin  :
en effet, privés de cet indicateur majeur d’analyse globale du travail d’un élève,
les enseignants sont obligés d’appuyer leur évaluation sur d’autres indicateurs,
présents notamment dans les différentes appréciations, pour porter un regard collégial
plus attentif à la construction des compétences de chaque élève. Il est également inutile
de distribuer des listes de moyennes, qui n’apportent aucune indication, en terme
de compétences, et ne présentent, comme grille de lecture, que des chiffres auxquels
on peut tout faire dire.

141
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Le conseil de classe est le lieu où le regard collégial se focalise sur chaque parcours
d’apprentissage, repère les domaines de compétences en souffrance et propose des
« conseils » (le mot semble approprié) pour que l’élève puisse progresser.
Plus qu’un lieu de validation certificative (ce qui n’est justifié qu’au dernier
trimestre de la classe de troisième), il doit être le lieu de la réflexion collégiale
sur les parcours et profils d’apprenants des élèves. Une feuille de route peut
être rédigée par le conseil de classe, pour aider l’élève à affronter ses difficultés
et à planifier ses efforts, afin qu’il ne s’épuise pas ni ne se décourage. C’est
en quelque sorte un contrat de progrès qui est proposé à l’élève et à sa famille.
Le conseil de classe établit les stratégies de remédiation nécessaires pour le
trimestre suivant, en ciblant des prédictifs de réussite ou les processus intellec-
tuels en souffrance gênant la construction de différentes compétences.

Des lieux d’évaluation collégiale


C’est aussi le lieu approprié pour l’évaluation collégiale de certains items
transversaux, notamment des compétences de citoyenneté et d’autonomie. Il serait
inopportun que le conseil de classe évalue des items disciplinaires ou même inter-
disciplinaires. Il est en effet préférable qu’il statue sur un certain nombre d’items,
relevant d’une évaluation globale de comportement d’apprenant des élèves.

Évaluation collégiale des compétences de citoyenneté et d’autonomie


Respect du règlement et autonomie dans les apprentissages

Noms S’investir Être autonome Connaître et respecter


des dans un dans son travail les règles
projet de la vie collective
élèves individuel

Avoir tenu Avoir Se mettre Faire Assiduité Respect


compte son rapidement le travail et des autres
des conseils matériel au travail demandé ponctualité (élèves
du premier pour en classe à la et adultes)
conseil travailler maison

Cette évaluation collégiale, lors des conseils de classe, est tout à fait possible,
si un travail préalable de concertation et d’harmonisation des critères de réussite
a été fait, en tenant compte des niveaux d’exigence attendus selon le niveau
de classe et des situations d’apprentissages proposées pour construire ces items.

142
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes

L’évaluation collégiale ne peut se faire sur des prérequis non enseignés. Elle se
serait alors qu’un constat de compétences acquises par certains élèves, par eux-
mêmes ou en dehors de l’école, et donc également le constat de non-acquisition
de compétences non enseignées dans le cadre scolaire. Cette évaluation n’a aucun
sens. On ne peut évaluer que ce que l’on a enseigné.
Et c’est bien cette question cruciale, au cœur du changement de pratiques,
qui se pose, notamment pour les items d’autonomie dans les apprentissages,
d’auto-évaluation des élèves ou d’implication dans des projets individuels et
collectifs. En somme, tous les items qui relèvent de la compétence d’autonomie
et d’initiative.
• L’item «  S’investir dans un projet individuel  » a été évalué positivement,
à chaque palier intermédiaire, aux élèves ayant tenu compte des remarques
du conseil de classe antérieur. En effet, il a semblé important aux ensei-
gnants de valoriser les efforts fournis dans ce sens. Il est, de plus, difficile
de trouver des projets individuels avant la classe de troisième, le seul projet
individuel étant finalement le parcours d’apprentissage de tout élève.
• L’item d’autonomie est ici évalué selon trois critères prédéterminés collégia-
lement : avoir son matériel, se mettre au travail rapidement et faire le travail
demandé à la maison. Cette grille est un outil très pertinent de discussion
avec les élèves, après le conseil de classe, et permet de les mettre face à ce
qui leur est reproché. C’est en insistant sur le parcours personnel de chaque
élève, sur sa responsabilité face aux choix et stratégies qu’il met en œuvre ou
qu’il évite de mettre en œuvre, qu’on parvient à rendre les élèves acteurs de
leur parcours de formation et donc autonomes dans leurs apprentissages.
• L’item de respect des règles de la vie collective est évalué, par le conseil
de classe, sur des indicateurs observables en classe  : l’assiduité et la
ponctualité, ainsi que le respect des autres, sachant que le bavardage en
classe empêche l’évaluation positive de ce dernier critère.
Ce critère d’évaluation interpelle d’ailleurs les élèves, qui doivent accepter
l’idée que les bavardages en classe sont nuisibles aux apprentissages et qu’ils
témoignent d’un manque de respect de l’enseignant et des autres élèves. Le socle
commun est bien utilisé alors comme un levier pour changer les pratiques des
élèves, en traduisant leur comportement en termes de compétences. C’est bien le
changement de posture attendu des élèves, qui deviennent responsables de leurs
apprentissages à chaque fois qu’ils franchissent la porte du collège.

Le rôle du professeur principal :


un chef d’orchestre de toutes les voix disciplinaires
Le professeur principal se fait l’écho de la parole collégiale auprès des élèves
et de leurs parents. Comme il le faisait déjà. Mais avec des outils construits

143
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

par l’ensemble de l’équipe, qui lui permettent d’étayer au mieux son argumentaire.
C’est lui qui est chargé de mettre en place le suivi personnalisé que le conseil
de classe aura décidé, en coordonnant les différents points de vue sur les besoins
d’accompagnement des élèves. Il représente l’ensemble de l’équipe lors de
la validation certificative avec le chef d’établissement. Mais en aucun cas, il n’a
le pouvoir de valider seul une compétence transversale sans l’accord de
l’ensemble de l’équipe enseignante. Il synthétise les différents axes de croise-
ments disciplinaires et anime les réunions d’équipe autour des pratiques interdis-
ciplinaires d’enseignement. Comme un coordonnateur interdisciplinaire, devenu
indispensable avec le changement de pratiques enclenché. Avec le socle commun,
il est important de redéfinir ses missions et d’intégrer cet axe nouveau qu’est
la gestion de la transversalité.

144
8
Construire les attitudes
attendues dans le socle

D   ans la définition de la compétence qui avait accompagné la présentation du


  socle commun en 2005, on précisait qu’une compétence était une combi-
naison de connaissances, de capacités et d’attitudes. L’attitude a d’abord été le
« parent pauvre » de la compétence, plus difficile à appréhender dans les séances
de cours que les connaissances ou les capacités. Et pourtant, il s’avère que les
attitudes sont au cœur de la construction des compétences, bien que les élèves
comme les enseignants aient peu de recul sur leur enseignement.

Des attitudes indissociables des apprentissages


Si l’on interroge les attentes des enseignants vis-à-vis de leurs élèves,
apparaissent des attitudes déterminantes pour les apprentissages et la maîtrise
des savoirs disciplinaires, et qui ne restent souvent qu’à l’état de prérequis,
sans constituer réellement des problématiques d’apprentissages.
• Comment tout d’abord repérer les attitudes induites par certains libellés d’items ?
• Et à quelle notion des programmes les faire correspondre ?
• Quelles situations de classe pertinentes proposer aux élèves pour les
construire sciemment ?
• Comment faire d’une attitude un sujet d’évaluation ?
• Comment ne pas se contenter d’évaluer des attitudes construites en dehors de
l’école et par d’autres personnes que les enseignants en charge de la classe ?

Les attitudes dans le socle


Les attitudes présentes dans le socle commun sont soit clairement explicitées,
soit induites par les libellés mêmes de certains items.
Dans la compétence de maîtrise de la langue, l’item «  Manifester, par des
moyens divers, sa compréhension de textes variés » suppose que les élèves soient
des lecteurs autonomes capables de pratiquer diverses lectures. De la même
façon, l’item «  Utiliser ses capacités de raisonnement, ses connaissances sur

145
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

la langue, savoir faire appel à des outils variés pour améliorer son texte » induit,
en plus de la mobilisation de connaissances et de procédures, une posture face à
la correction orthographique, et nécessite que les élèves soient en volonté d’amé-
liorer leur propre production. Or c’est justement l’absence de cette posture qui
est souvent constatée, pour des élèves qui, bien qu’ayant des compétences, se
refusent ou ne parviennent pas à les exploiter.
«  Pratiquer une démarche scientifique ou technologique, résoudre des
problèmes » implique des attitudes et des postures propres aux disciplines scien-
tifiques et technologiques.
En ce qui concerne les compétences informatiques attendues, le domaine inti-
tulé « Adopter une attitude responsable » et plus particulièrement l’item « Faire
preuve d’esprit critique face à l’information et à son traitement » font appel à des
attitudes à construire pour armer les élèves face aux nouveaux médias.
L’item «  Comprendre l’importance du respect mutuel et accepter les diffé-
rences » est une combinaison de connaissances et d’attitudes.
Quant à l’autonomie et à l’initiative, elles nécessitent quatre attitudes à dévelop-
per et à évaluer : « S’engager dans un projet individuel », « S’intégrer et coopérer
dans un projet collectif », « Manifester créativité, curiosité, motivation » et « Assumer
des rôles, prendre des initiatives et des décisions ». Ces compétences sont indisso-
ciables des apprentissages et c’est bien quand les élèves ne les maîtrisent pas qu’ils
sont en difficulté.

Les attitudes : un enjeu pédagogique essentiel

Dans la compétence humaniste, des items comme « Être sensible aux enjeux esthé-
tiques et humains d’un texte littéraire ou d’une œuvre artistique » nécessitent à la fois
l’évaluation de capacités et d’attitudes. Ces items ont parfois plongé les équipes ensei-
gnantes dans la perplexité, car comment évalue-t-on, dans le cadre scolaire, « la sensi-
bilité ressentie face à une œuvre littéraire ou artistique » ? Et cependant, quels enjeux
pédagogiques pour nos enseignements, s’ils parviennent à développer la sensibilité
littéraire et artistique de tous nos élèves ! Et quel recoupement avec les programmes !
N’est-ce pas d’ailleurs, à travers ces items de démarche d’investigation, de sensibilité
à l’histoire des arts et d’ouverture et d’interaction au monde que se révèle l’essence
même du socle commun de connaissances et de compétences ? La principale raison
de le défendre et de le mettre en œuvre ? Les items qui induisent les attitudes, bien
qu’étant les plus complexes à construire, permettent de donner un sens nouveau aux
apprentissages et de développer des compétences qui ouvriront aux élèves un accès
au monde qui les entoure. Mais de la même façon qu’une compétence sans connais-
sances n’est qu’une coquille vide, une attitude sans connaissance ou capacité n’est
qu’un reflet trompeur de la compétence attendue. Mimer n’est pas faire. Travailler
les attitudes ne revient donc pas à ignorer les savoirs fondamentaux, mais bien à les
ancrer dans les ressources propres de l’élève grâce une posture qui les consolidera.

146
Construire les attitudes attendues dans le socle

Les enseignants reconnaissent d’ailleurs facilement, chez les élèves, les attitudes
propices ou néfastes aux apprentissages. Mais c’est autre chose de les aborder
dans nos pratiques en toute connaissance de cause.

Des prérequis à enseigner


Pour porter une évaluation certificative sur des attitudes, on peut commencer
par déterminer des critères d’évaluation observables dans différentes activités.
Par exemple, l’item « Manifester de la curiosité, de la motivation, de la créativité »
est souvent évalué, dans les établissements, à partir de la participation des élèves
aux clubs, ou à certaines actions organisées au sein de l’établissement. Mais cette
validation certificative ne fait que constater la mobilisation d’attitudes sans que
l’on sache ni comment ni à quel moment de sa scolarité l’élève les a construites.
Le socle ne sert alors qu’à un bilan certificatif. Il faut donc se dégager de ces indi-
cateurs terminaux et recentrer la réflexion sur les apprentissages développant ces
attitudes dans la classe, pour tous les élèves.

Si l’on analyse les consignes des activités que nous proposons aux élèves, nous constatons
que certaines consignes mobilisent, en technologie, par exemple :
– Des connaissances : « Connaître les processus de réalisation d’un objet technique. »
– Des capacités : « Réaliser tout ou partie du prototype ou de la maquette d’un objet
technique. »
– Des attitudes : « Observer des règles élémentaires de sécurité. »
Ou en français :
– Des connaissances : « Quelles sont les valeurs des temps utilisés dans le texte ? »
– Des capacités : « Identifiez et relevez dans le texte le champ lexical dominant. »
– Des attitudes : « Choisissez, dans le réseau de lecture proposé, un livre que vous lirez
à la maison et faites en une restitution.
La dernière consigne nécessite que l’élève ait construit une posture de lecteur auto-
nome, et qu’il sache faire le choix d’un livre qui lui plaise et qui convienne à son niveau
de lecture. Or cette posture nécessite un apprentissage progressif, sinon certains élèves
quitteront le collège, à la fin de la scolarité obligatoire, en ayant la même posture
qu’en arrivant quatre ans plus tôt, sans qu’une évolution sur leur rapport à la lecture
n’ait été observée.

D’autres items, relevant de l’autonomie et de l’initiative, traversent les diffé-


rents apprentissages disciplinaires et conditionnent la posture d’apprenant des
élèves, clef de tout apprentissage. Un item comme « Manifester créativité, curiosité
et motivation  » s’évalue facilement pour tout élève impliqué dans son parcours
de formation et dans la vie de l’établissement. Il interroge par contre notre capa-
cité à travailler les motivations intrinsèques des élèves, et à évaluer des compé-
tences que nous n’avons pas explicitement enseignées. Il semble donc préférable
de ne pas externaliser systématiquement de la classe les activités qui agissent

147
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

sur la dynamique motivationnelle, mais au contraire, si l’on veut un impact sur


les apprentissages de classe, de les intégrer au déroulement du cours.

Construire la motivation de façon durable

Certaines situations de classe peuvent susciter ponctuellement la motivation de tous


les élèves, mais cette motivation est aussi à construire et à inscrire dans la durée.
L’enthousiasme des élèves face à nos enseignements n’est pas un prérequis. En leur
redonnant une place d’apprenant dans l’établissement et en combattant l’exclusion
dans les apprentissages par une différenciation qui permette aux élèves de progres-
ser et d’être en situation de réussite et par une bienveillance qui les accompagne
pas à pas, on peut remotiver des élèves décrocheurs, qui, en venant au collège
pour y travailler, développent les attitudes attendues.

Identifier les attitudes attendues


Une posture intellectuelle à construire
Au lieu d’analyser les échecs des élèves en difficulté, penchons-nous sur
les réussites de nos meilleurs élèves et essayons de comprendre quelles attitudes
ils mettent en œuvre dans la réalisation des activités que nous leur proposons.
Les meilleurs élèves sont capables d’adapter leur profil cognitif aux différents
enseignements, ce qui leur facilite l’entrée dans les notions abordées. Mais ils
sont aussi capables de prendre la bonne attitude au bon moment, pour se plonger
entièrement dans une activité, et ce, malgré la fragmentation des apprentissages
disciplinaires, heure après heure.
Ce que vise le socle commun, c’est la construction d’une démarche intel-
lectuelle, qui construise l’autonomie et l’investissement des élèves dans leur
parcours de formation. Or cette démarche fait souvent défaut aux élèves les plus
en difficulté, puisqu’elle implique une certaine confiance en soi et une connais-
sance de ces capacités, ainsi qu’une posture d’apprenant solide et maîtrisée.
Cette exigence intellectuelle face au travail effectué est nécessaire dans la
démarche scientifique, notamment lors de la confrontation des résultats obtenus
avec ceux qui étaient attendus, mais elle s’exerce aussi à travers une certaine
vigilance dans l’utilisation d’Internet, un esprit critique face aux moyens de
communication, et même une correction orthographique qui suppose une relec-
ture critique et une marge d’amélioration des productions rendues. Construire
cette attitude permet de donner du sens aux apprentissages et d’orienter
les efforts fournis vers une amélioration tangible des productions des élèves les
plus fragiles.

148
Construire les attitudes attendues dans le socle

L’entretien oral d’histoire des arts est un support intéressant d’évaluation d’attitudes,
puisqu’il va permettre de mesurer l’investissement des élèves dans une épreuve où
la marge d’autonomie est grande et où l’élève doit prendre des initiatives, notamment
dans les établissements qui ont mis en place un système de tutorat pour accompagner
l’élève dans cette démarche personnelle.
Cela permet également d’évaluer, en plus des capacités et des connaissances à mobiliser
et à combiner, la curiosité et la créativité. Lors de cet entretien, l’élève peut exprimer son
ressenti par rapport aux œuvres étudiées et expliquer les choix qu’il a faits, que ce soit
pour les œuvres présentées ou les supports choisis pour étayer son exposé oral.

Construire les attitudes permet de hausser la qualité des productions des


élèves, puisqu’on développe alors les notions d’esprit critique et d’amélioration,
indispensables à tout progrès.

Les attitudes propices aux apprentissages


Un enseignant interrogé sur les compétences d’autonomie attendues à la
fin de la scolarité obligatoire parle d’«  attitudes propices au travail  ». À travers
cette parole d’enseignant, et derrière cette attente ainsi verbalisée, c’est toute la
posture d’apprenant qui est sollicitée chez nos élèves et c’est bien la non-acqui-
sition de cette posture qui revient en priorité dans les doléances des enseignants
quand on les interroge sur les difficultés récurrentes des élèves. Mais quelle
est la marge de manœuvre des enseignants, dans la construction de cette mise au
travail ? Une évaluation formative, qui développe l’analyse des erreurs et accepte
une amélioration des productions, contribue efficacement à dynamiser la moti-
vation des élèves et à construire avec eux cette attitude d’exigence intellectuelle
et ce dépassement de ses propres capacités.
• Apprendre à faire un brouillon, une esquisse, un croquis à main levée, avant
la finalisation de la production, doit devenir pour les élèves une habitude de
travail, une attitude face à une démarche de recherche.
• Apprendre à s’auto-évaluer est une attitude à faire acquérir aux élèves,
pour qu’ils se méfient de leurs points faibles et qu’ils soient capables de
s’appuyer sur leurs points forts. Qu’ils connaissent leurs réactions face aux
apprentissages, leurs zones de démotivation face à l’échec et les raisons
pour lesquelles ils travaillent. Pour la dictée du brevet, à l’épreuve de fran-
çais, les préparer à se méfier de leurs fautes récurrentes peut compléter
efficacement un entraînement sur des textes inconnus.
• Connaître les activités qui les mettent en réussite et leur montrer comment
transférer ces réussites.
• Prendre conscience des stratégies inefficaces mises en œuvre et de leur
part de responsabilité dans les échecs. Mais les élèves n’accèdent à cette

149
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

analyse de leurs stratégies que s’ils sont accompagnés dans cette réflexion,
inscrite dans cette démarche d’analyse de pratiques.

Dans une classe de quatrième, nous avons inscrit à l’emploi du temps une heure
de débriefing en fin de semaine dont l’objectif est de permettre, dans le cadre de la classe,
une analyse et une mutualisation des stratégies de mémorisation et d’apprentissage des
uns et des autres. Grâce au travail mené dans cette heure, les élèves prennent conscience
que les « bons élèves » le sont, non pas de façon innée, mais parce qu’ils appliquent
des stratégies efficaces, ce qui fait accéder d’une part les « bons » élèves à un autre niveau
de maîtrise de la compétence, en leur permettant de les verbaliser, et qui donne prise
d’autre part aux autres élèves sur des problèmes qu’ils pensent souvent insolubles.

Remettre un élève au travail

Remettre au travail certains élèves produit parfois des résultats collatéraux impré-
visibles. Nous voulons raconter l’histoire de Kevin, un élève comme il y en a tant
d’autres, qui avait arrêté de travailler en arrivant au collège, trop découragé par
les mauvaises notes qu’il recevait à longueur de journée et de discipline, et par le
travail qui lui était demandé. Pour Kevin, le choix est fait  : mieux vaut être traité
de fainéant que de nul. Son attitude face au travail relevant d’une stratégie de
protection et d’évitement, elle générait beaucoup de colère et de violence en cours.
En discutant de longs moments avec lui en heure de débriefing, et en le réconci-
liant tout doucement avec les apprentissages, par le biais de dispositifs divers et
variés comme la dictée à l’adulte ou l’évaluation formative, et par la patience et la
bienveillance de l’ensemble de l’équipe, nous avons fini par le remettre au travail.
Quelle angoisse alors pour lui, qui ne dissocie pas son Moi propre de la tâche qu’il
produit et qui prend toute mauvaise note comme une affirmation de sa nullité. Nous
retrouvons Kevin en pleurs un jour du second trimestre. Il nous dit, en larmes, que
ses stratégies d’apprentissages sont vraiment trop nulles et qu’il n’y arrivera jamais.
Il demande si c’est possible qu’il soit évalué par compétences plutôt que par notes.
En fait, Kevin est en train de changer d’attitude face au travail, il est en train de
devenir un élève apprenant, et de prendre confiance dans les adultes qui l’entourent,
étant même capable de savoir quelle évaluation va lui permettre de progresser.
Kevin a fini l’année avec les encouragements, et bien que ses acquis restent fragiles,
il a repris confiance dans l’école et goût dans ses apprentissages.

L’évaluation d’attitudes au collège


L’évaluation d’attitudes est plus délicate que l’évaluation de connaissances.
Elle peut être difficilement notée, alors qu’elle s’évalue correctement par compé-
tences. Elle semble difficile à séparer d’une auto-évaluation des élèves. Cette
auto-évaluation, justifiée et validée par l’équipe enseignante en conseil de classe,
est simple à mettre en place. Elle est possible sur tous les niveaux de classe.
Lors de la préparation du conseil de classe, les élèves peuvent se positionner sur
les items suivants :

150
Construire les attitudes attendues dans le socle

• L’investissement dans un projet individuel. On donne comme critère de réus-


site aux élèves le fait d’avoir tenu compte ou non des remarques faites lors
du premier conseil de classe.
• La collaboration en projet collectif, notamment lors des travaux de groupe.
• L’autonomie dans le travail, en leur donnant trois critères de réussite précis :
le fait d’avoir toujours son matériel, une mise au travail rapide en classe,
et le travail demandé fait à la maison.
• Le respect des autres, dans toutes les situations du «  Vivre ensemble  »,
ce qui couvre aussi bien les situations de classe que le comportement des
élèves au sein de l’établissement.
En s’auto-évaluant sur ces items et d’après les critères de réussite donnés,
ce sont bien leurs attitudes que les élèves interrogent. Leurs réponses le montrent :
« On m’a dit d’être plus actif et je l’ai fait.  » «  En arts plastiques, je manque de
créativité », « Je mets toujours dix ou quinze minutes à me mettre sérieusement
au travail en classe », « Je me mets rapidement au travail en classe, sauf quand
je suis fatiguée », « Je suis impulsif et je n’aime pas les ordres, ce qui fait que je
suis toujours dans les embrouilles », « J’oublie de faire mon travail car je ne prends
pas toujours le temps de le noter dans mon agenda ».
L’utilisation d’un porte-vues, matérialisé ou numérique, comme dossier d’éva-
luation peut être un outil pertinent. Selon son contenu, il sera possible d’évaluer,
à travers les productions présentées, un certain nombre d’attitudes, nécessaires
à leur réalisation. On peut demander aux élèves d’y présenter des productions
analysées et améliorées, ainsi que les différents projets personnels de l’élève,
comme la préparation de l’entretien d’histoire des arts, les stages faits en entre-
prise, et les recherches menées dans le cadre du projet d’orientation. L’important
est de pouvoir reposer l’évaluation de ces attitudes sur des productions perti-
nentes produites dans le cadre de la classe.

Des activités de classe qui construisent les attitudes


Les attitudes traversent les activités de classe, qui contribuent à leur construc-
tion progressive, au lieu de les considérer comme des prérequis indispensables.
En effet, comme toutes les compétences, développer une attitude et l’intégrer
à ses ressources propres se fait sur la durée.

Une progressivité nécessaire


Les attitudes ont besoin d’être adaptées à la maturité des élèves, tout en leur
offrant de nouveaux horizons, selon leur niveau de classe. Si l’on prend l’exemple
du travail personnel des élèves, on remarque que les enseignants ont en tête, quel
que soit le niveau de classe, les indicateurs qu’ils associent à la classe de sixième,

151
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

avec par exemple la gestion de l’agenda, ou la préparation du sac à la maison.


Mais si l’on réfléchit, à partir des indicateurs d’autonomie attendus au lycée, et
que l’on considère la classe de troisième, non plus comme l’aboutissement du
collège, mais comme la classe préparatoire à la seconde, on réalise que notre
conception du travail personnel à la maison n’a pas évolué depuis la classe de
sixième, à la différence de nos élèves qui ont grandi et mûri et qui n’entendent plus
les discours que nous leur tenons, à cause de leur caractère répétitif et immuable.
Pourquoi donc ne pas offrir à nos élèves de troisième de nouveaux horizons,
rafraîchis, sous forme d’environnement numérique de travail, qui leur permettent
d’avoir accès à des forums de discussion autour de leurs apprentissages, avec
leurs camarades ou leurs enseignants, et qui leur apprennent à planifier un travail
non pas uniquement en tenant compte de la date butoir, mais bien du temps
personnel de l’élève, disponible pour sa réalisation  ? Cela permet de réinjec-
ter un peu de nouveauté et de modernité dans la gestion du travail personnel,
et de recentrer la dynamique et l’intérêt naturel des adolescents pour les réseaux
de communication vers leurs apprentissages. On ne peut avoir les mêmes
exigences tout au long du collège, dans les attitudes mises en œuvre par les élèves,
sans avoir réfléchi en équipe, auparavant, à la progressivité de ces exigences.

Changer le rapport à l’évaluation

Construire des attitudes intellectuelles ancrées sur les valeurs de culture humaniste
n’est pas si simple que cela, surtout quand elles se heurtent à un autre système
de valeurs inhérentes à l’école, qui est celui de la notation et du calcul des points.
Pour preuve cette discussion entre des élèves et un inspecteur chargé de recueillir
les pratiques d’histoire des arts mises en œuvre dans différents établissements :
L’inspecteur, à la fin d’une discussion avec un groupe de « bons » élèves sur leur
préparation de l’épreuve d’histoire des arts, leur pose la question suivante :
« Et que vous a apporté l’histoire des arts, cette année ?
– Des points pour le brevet. »
Fin de la discussion. La réaction des élèves est tout à fait adéquate avec leur percep-
tion de nos enseignements. Elle est dissonante par contre avec les objectifs d’ensei-
gnement que nous poursuivons. Pour changer cet état d’esprit, il faut changer
le rapport à l’évaluation. Or le travail par compétences rend les élèves plus dispo-
nibles pour d’autres types de communication et d’analyse du travail effectué.

Le travail de groupe

Le travail de groupe est un dispositif pertinent pour construire des attitudes,


notamment à travers les différents rôles que l’on attribue aux élèves. Comme dans
toute approche par compétences, on peut choisir, selon les activités et les besoins

152
Construire les attitudes attendues dans le socle

de la classe, de s’appuyer sur les compétences des élèves et dans ce cas, on donne
à un élève un rôle qui ne le mettra pas en difficulté et qui lui permettra d’exploiter
ses compétences, ou au contraire, on peut positionner les élèves sur des rôles
mettant en œuvre des compétences qui leur font défaut. L’objectif est alors de
construire ces compétences lacunaires.
Chaque élève du groupe a un rôle bien défini :
• Un secrétaire de séance, chargé de prendre en notes le suivi des discussions
du groupe, ainsi que la production attendue, si elle est écrite.
• Un documentaliste, qui est chargé de mener les différentes recherches,
qu’elles soient sur des supports matérialisés ou numériques, sur des
notions que le groupe a identifiées.
• Un expérimentateur, dans certaines disciplines, notamment scientifiques ou
technologiques.
• Un gestionnaire de tâches, qui doit organiser le travail, le répartir et gérer le
temps imparti à l’activité.
• Un rapporteur à l’oral qu’il vaut mieux désigner à la fin de l’activité, parmi tous les
membres du groupe, pour mobiliser davantage leur attention durant l’activité.
Les prestations orales du groupe sont filmées et analysées ensuite. Quand
on voit la difficulté qu’ont les adultes à accepter l’analyse de leurs pratiques par
un groupe de pairs, on peut penser qu’il s’agit d’une attitude indispensable à
construire dès le collège, pour que ces pratiques très formatrices soient perçues
avec moins de violence dans la vie professionnelle.

Paroles d’élèves de quatrième

Quand on interroge les élèves sur ce qu’ils apprécient ou non dans le travail de
groupe, ils nous parlent en fait d’attitudes :
– J’aime le travail de groupe car on partage nos idées.
– Les élèves peuvent parler de leurs connaissances et communiquer.
– On ne réfléchit pas tout seul.
– Quand on est plusieurs à travailler, on a plusieurs idées.
– Ça permet d’avoir d’autres avis.
– On peut dire notre façon de penser.
– On travaille à plusieurs en organisant comme on veut notre travail.
– On découvre les idées des autres et de nouveaux points de vue.
– C’est pratique si quelqu’un sait quelque chose que les autres ne savent pas.
– J’aime bien mais je ne sais pas pourquoi.
–Moi, j’aime pas le travail de groupe car tout le monde ne travaille pas pareil
et on est trop tenté de bavarder.

153
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Le récit suivant porte sur un travail de groupe en cours de technologie : l’activité


est une tâche complexe qui consiste à chercher des solutions techniques pour automatiser
un portail. Chaque groupe a un carnet de bord, dans lequel le secrétaire du groupe
doit faire figurer les différentes recherches menées, les hypothèses formulées, ainsi que
leur validation ou invalidation, des croquis de solutions techniques envisagées, ainsi
que leur justification. Si les élèves ont des questions à poser à l’enseignant, ils doivent
les formuler par écrit, ce qui permet de réduire le nombre de questions, notamment
en éliminant toutes les questions impulsives des élèves, et en les forçant à utiliser
les ressources du groupe. Chaque élève s’inscrit dans un rôle et en est responsable.
Cela lui permet de développer consciemment les attitudes associées à chaque fonction.

Les jeux de rôle dans les tâches complexes


La pratique de l’imitation est peut-être négligée, dans la construction des
attitudes, ce qui est dommage quand on connaît la propension des enfants à imiter,
à se déguiser, à se mettre dans la peau d’un autre. Cela dit, même si « l’habit ne fait
pas le moine » et qu’une attitude seule ne rend pas compétent, elle peut être une
entrée intéressante dans les activités d’apprentissage. Ce qui est important, c’est
d’accompagner l’élève dans ce changement de posture, qui lui permette de passer
du statut d’enfant ou d’adolescent à celui d’écolier ou de collégien, et de s’investir
pleinement dans son « métier » d’apprenant.
La phase «  provocante  » ou «  déclenchante  » des situations-problèmes, ou
la consigne des tâches complexes, permettent de proposer un rôle à l’élève  :
aventurier, explorateur, chercheur, scientifique, inventeur, écrivain, journaliste.
Ce changement de « peau » est une aide au changement de posture et à la construction
de compétences et d’attitudes associées.
Les « jeux de rôle » ne négligent nullement les apprentissages fondamentaux
au profit d’activités « ludiques » qui écarteraient les élèves de la notion de travail
et d’effort, surtout dans les plus grandes classes du collège. Ils contribuent au
contraire à la construction de compétences explicitement analysées et travail-
lées avec les élèves, dans un objectif de progressivité. Face à la mobilisation des
ressources, l’identification dans un rôle peut être une aide apportée aux élèves les
plus fragiles. Du point de vue des enseignants, l’écriture de la consigne de la tâche
complexe scénarisée va donner le ton dans les attitudes :
• Si l’on donne comme consigne  : «  Vous êtes un journaliste…  », on induit
chez les élèves que la production attendue sera un article de presse ou une
interview. Il est nécessaire bien sûr que ce type de production écrite ait été
travaillé avec les élèves, ou qu’ils aient du moins des modèles de référence.
• Si l’on dit aux élèves  : «  Vous êtes un technicien de maintenance  », on
suppose que la production attendue est un rapport des tests effectués sur
l’objet technique à étudier, ce qui correspond à un récit d’expérience, dans
lequel transparaît la démarche d’investigation mise en œuvre, à savoir

154
Construire les attitudes attendues dans le socle

l’observation de l’objet, la formulation d’hypothèses, la manipulation en


vue de valider ou d’invalider ces hypothèses, ainsi qu’une conclusion qui
tire des conséquences, grâce à la mobilisation de connaissances, sur les
phénomènes observés.
Ce dispositif d’apprentissage ou d’évaluation permet d’associer un type d’écrit
ou de production à une activité proposée.

Une dignité retrouvée dans les apprentissages

Dans le concours de technologie auquel nous avons inscrit nos élèves de troisième
en décrochage scolaire, des rôles sont attribués à chaque membre de l’équipe  :
un chef d’équipe dont le rôle est de planifier et de vérifier que la répartition du travail
sur l’année ne laisse de côté aucun des axes du concours, un ingénieur motoriste, un
concepteur 3D, un responsable de la communication et un responsable du concept
et du design de l’équipe.
En cours d’année, dans le cadre de la réflexion obligatoire sur l’éco-conception, nous
faisons intervenir devant nos élèves un chercheur en physique. La rencontre entre ce
chercheur et nos élèves en grande difficulté scolaire parle d’elle-même :
– Bonjour, je suis enseignant chercheur et maître de conférences à l’université de…,
dans le domaine de…
– Moi, c’est Bryan, je suis ingénieur motoriste.
– Dylan, responsable des sponsors, etc.
Les élèves se présentent spontanément en citant leur rôle dans l’équipe. Et nous
comprenons ce jour-là qu’il s’agit pour eux beaucoup plus que d’un rôle. C’est
leur responsabilité et leurs compétences dans l’équipe, et de façon plus large, dans
l’établissement. Ce sont leurs lettres de noblesse, et il est vrai que cette année-là,
cette valorisation de leurs compétences dans le cadre de ce concours a permis de
remettre certains élèves décrocheurs au travail et d’obtenir une obtention inespérée
du DNB.

Les remédiations sur les attitudes


Si les attitudes influent sur la posture à prendre dans les apprentissages, pour-
quoi ne pas aborder la difficulté scolaire par ces attitudes, et montrer aux élèves
l’efficacité d’une posture adéquate ? L’entrée par les attitudes permet en effet de
traiter globalement certaines difficultés scolaires et aide parfois davantage les
élèves que le découpage et la multiplicité des procédures à maîtriser pour être
en réussite. Cela dit, il est important de bien montrer aux élèves que les attitudes
seules ne suffisent pas à la maîtrise des compétences et que les connaissances
et les savoir-faire y sont tout autant indispensables. Les attitudes ne seraient-
elles donc pas un moyen efficace de contourner la difficulté scolaire et de proposer

155
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

une approche globale des apprentissages, qui ne mette pas tout de suite en diffi-
culté les élèves les plus fragiles ?

Faire de la démarche scientifique ou technologique


une démarche d’enquêteur
Apprendre aux élèves à déployer une démarche d’investigation dans les
disciplines scientifiques et technologiques est l’un des enjeux du socle commun,
et c’est en quelque sorte un pendant à l’histoire des arts travaillée plus spécifique-
ment dans le pôle humaniste.
La démarche est décomposée, dans le socle commun, en quatre items, qui
correspondent aux quatre étapes nécessaires à sa mise en œuvre :
• Être capable tout d’abord de rechercher, d’extraire et d’organiser l’informa-
tion utile.
• Savoir ensuite réaliser, manipuler, mesurer ou calculer.
• Raisonner, argumenter et démontrer.
• Et enfin présenter la démarche suivie, les résultats obtenus en sachant
communiquer à l’aide d’un langage adapté.
Les élèves peuvent être mis en difficulté dès la première étape, s’ils ne
parviennent pas à extraire des documents donnés les informations utiles. L’une
des prises en charge possibles de cette difficulté est de travailler, en remédiation
décontextualisée, ou en séance de correction dans la classe, la lecture prospective
de plusieurs types de documents. Mais rien ne prouve que les élèves ayant travaillé
ponctuellement sur cette difficulté seront capables de transférer la compétence
acquise dans une situation inédite. De plus, les mêmes élèves seront peut-être mis
en difficulté par la manipulation attendue, plus certainement encore par le raison-
nement ou par la présentation des résultats. Et quand les élèves auront travaillé
séparément les différentes étapes de cette compétence, il n’est pas sûr qu’ils aient
construit le sens de ce travail mené. Alors que travailler cette démarche d’inves-
tigation, en parallèle avec la démarche de l’enquêteur dans les romans policiers,
dans le cadre d’une séquence interdisciplinaire français/technologie permet aux
élèves de donner du sens à ce qu’ils sont en train de faire.

En séance interdisciplinaire, on diffuse certains extraits du film Mort sur le Nil, adapté
du roman d’Agatha Christie. Ces extraits choisis montrent comment Hercule Poirot,
après avoir observé la scène du crime, procède à des relevés d’indices ou à des interroga-
toires, confronte ses différentes hypothèses aux indices, et finit par exposer à l’ensemble
des suspects le raisonnement qui l’a conduit à identifier le coupable. Les élèves font immé-
diatement le parallèle avec la démarche d’investigation et la reproduisent sans problème
lors de la séance suivante en technologie, en recherchant la cause probable de la panne
sur une cafetière électrique. Comme dira d’ailleurs un élève à la fin de son compte rendu
oral : « Le coupable, c’est le matériau de la résistance électrique ! »

156
Construire les attitudes attendues dans le socle

La construction de cette posture permet aux élèves les plus en difficulté de


dérouler les quatre étapes de la démarche d’investigation, sans en avoir forcément
la maîtrise parfaite de chacune, en s’appuyant sur une représentation qu’ils se font
de ce qu’ils doivent faire, et de parvenir au bout de leur raisonnement, grâce à une
posture d’enquêteur qui n’est pas incompatible, dans un premier temps d’appren-
tissage, avec la démarche scientifique ou technologique.

Enclencher une réflexion sur les attitudes à construire


Être un lecteur autonome qui sait choisir un livre et mener à terme sa lecture
est une autre attitude à construire absolument avant la fin de la scolarité obliga-
toire. Nous acceptons dans un premier temps la posture de non-lecteur de certains
élèves, à partir du moment où elle est interrogée et remise en question.

La séance interdisciplinaire est menée par l’enseignante de lettres, avec la documenta-


liste, et l’enseignant de technologie qui interviendra lors d’une séance pour interroger
les nouveaux modes de lecture, et notamment le livre numérique. La première séance,
avec une classe identifiée comme moins lectrice que les autres par le logiciel de prêt
du CDI, a pour objectif de faire émerger les représentations des élèves autour de
la lecture, afin de mieux les appréhender, voire les combattre.
Un premier constat est posé. Certains élèves sont non lecteurs, mais il s’agit pour eux
maintenant d’identifier pourquoi. Les élèves sont installés en table ronde au CDI. Cette
disposition fait partie intégrante du dispositif pédagogique mis en place, pour faciliter
le débat et l’émergence des idées. Un élève tire une carte contenant une question sur
les habitudes de lecture des élèves et la pose à un autre élève de l’assemblée. Celui-ci y
répond, puis on affine ou complète sa réponse avec les suggestions des autres partici-
pants. Les questions posées sont du genre : « Aimes-tu lire dans ton bain ? », « As-tu déjà
lu un livre dont tu as vu l’adaptation filmique ? », « Si tu pouvais changer la fin d’un
roman, quelle fin changerais-tu et comment ? », etc. Les élèves discutent, échangent, les
lecteurs se dévoilent, les lecteurs s’interrogent.
Les séances suivantes consistent à leur faire connaître leurs goûts en matière de récit,
notamment en s’appuyant sur le type de films qu’ils aiment voir, pour qu’ils soient
ensuite capables de choisir un livre dont ils pourront mener la lecture à son terme,
et si possible, avec plaisir.
Les échecs sont acceptés tant qu’ils sont analysés. Un élève nous dit, après la lecture du
Dracula, de Bram Stocker, que le grand nombre de descriptions dans le roman l’ont
empêché de se faire une image mentale correcte du cadre et des personnages du roman
et l’ont démotivé dans sa lecture. Cette auto-évaluation régulière permet aux élèves
de déterminer ce qui a gêné leur lecture et de combattre l’idée arrêtée du « J’aime pas
lire ». La documentaliste a réparti le budget du CDI, pour le renouvellement du fonds,
entre les élèves d’une classe de non-lecteurs. Après avoir identifié avec elle les nouveaux
besoins du CDI, les élèves sont allés dans une librairie effectuer les achats, ont recouvert
les livres et les ont lus pour en faire des bandeaux de librairie. Le logiciel de fréquen-
tation et de prêt du CDI a montré une fréquentation croissante du lieu par ces élèves,
avec des emprunts réguliers de livres pour la lecture-plaisir. L’objectif, qui était de faire
une place au livre dans leur quotidien, est atteint.

157
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Intégrer ce genre de séquences interdisciplinaires dans les progressions


de français, ou dans un programme d’apprentissage transversal, est pertinent,
car le rejet de la lecture par certains élèves en difficulté, notamment au moment
de l’adolescence où la marge de liberté s’accroît, souvent au détriment des temps de
lecture, n’est pas un phénomène irrémédiable. Les élèves, par ce genre d’actions,
reprennent contact avec l’objet-livre et recommencent à fréquenter le CDI, si celui-
ci est un véritable lieu d’échanges et de réflexions autour de tous les types de
lecture. Ce lieu doit pouvoir aussi être un refuge dans la journée, un endroit calme
où l’on peut avoir accès à l’information, ainsi qu’à son planning de travail pour la
journée. Il s’agit bien alors de construire des attitudes tournées vers les apprentis-
sages, dans un lieu d’apprentissage ouvert à la diversité des besoins.
On peut donc développer l’investissement des élèves dans les apprentissages
en travaillant les attitudes. Les élèves qui adhérent bien aux activités de classe
sont ceux qui sont capables de prendre la posture et de déployer les attitudes
attendues : se mettre par exemple en posture de lecteur, en posture d’investiga-
tion scientifique ou en posture de recherche. Construire ces attitudes permet aussi
de réduire la part d’affectif que met tout élève dans son travail, et d’apprendre
à travailler, non plus pour les autres, mais pour soi. Cela consolide donc la moti-
vation intrinsèque, plus durable et moins susceptible d’être brisée par les échecs
occasionnels, voire successifs.
Par le travail sur les attitudes, tout élève peut retrouver sa place d’apprenant
au collège. Un élève qui sait pourquoi il vient est déjà en situation de réussite.
L’expertise pédagogique des enseignants, et l’analyse des difficultés d’apprentis-
sage, peut alors se faire plus sereinement.

158
9
Prendre en charge autrement
les difficultés des élèves

L   e socle commun impose un bilan certificatif à la fin de la scolarité obligatoire,


  notamment à travers le livret personnel de compétences à renseigner pour
chaque élève. En ciblant des apprentissages disciplinaires ou transversaux, il
confronte les équipes enseignantes à un bilan qui, bien que n’étant pas un indi-
cateur de la qualité de leurs enseignements, en pose quand même les limites,
à travers les acquisitions ou non-acquisitions des élèves. Il interroge la part de
responsabilités de chacun. L’élève a-t-il suffisamment travaillé pour construire
les compétences attendues à la fin de la scolarité obligatoire  ? Mais a-t-il reçu
l’accompagnement dont il avait besoin au moment où il en avait besoin ? Les aides
aux apprentissages proposées aux élèves n’ont, de plus, pas toutes comme objec-
tif de construire les compétences. L’approche par compétences exige que l’on pose
un regard global sur les difficultés des élèves, non plus exclusivement en termes
de savoirs acquis ou non acquis, mais également en termes de ressources pouvant
être utilisées ou non. Or les difficultés sont multiples :
• Certains rencontrent des difficultés d’apprentissage et ont besoin qu’on leur
donne des stratégies  ; d’autres peinent à s’organiser et ont besoin qu’on
leur donne des méthodes. Les deux difficultés sont d’ailleurs liées, puisque
établir une stratégie, c’est choisir des méthodes appropriées.
• Certains rencontrent des difficultés de mémorisation qui rendent leur travail
personnel à la maison inefficace et engendrent une démotivation progres-
sive ; d’autres ont des difficultés de compréhension et ont besoin qu’on varie
les approches et qu’on les aide à construire les inférences nécessaires. Les
deux difficultés sont liées puisque la mémorisation n’est efficace que si la
leçon est comprise et peut être restituée.
• D’autres enfin ont du mal à utiliser des acquis qu’ils maîtrisent pourtant
dans des tâches simples. Ces derniers ont besoin de travailler la mobilisation
de leurs ressources, et surtout leur combinaison.
• La plupart des élèves ne savent pas analyser leurs erreurs et ont besoin de
travailler le recul cognitif pour devenir autonomes dans leurs apprentissages.

159
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Ce panel de besoins spécifiques impose de bien connaître les élèves qu’on a en


face de soi. Moins évident pour des enseignants de collège que pour des profes-
seurs des écoles, qui ont une vision plus globale des points forts et des points
faibles des élèves. C’est ce regard global que les équipes de classe ont besoin de
reconstituer, en conciliant les différents points de vue et analyses.

À propos de l’externalisation de l’aide

Il est important de ne pas externaliser les aides apportées aux élèves, ne serait-ce
que parce qu’on peut s’interroger sur l’efficacité des apprentissages décontextuali-
sés et sur le transfert que les élèves en font sur les apprentissages de classe. C’est
au sein de la classe, par le biais de la pédagogie différenciée, que doivent être
proposés les aides et accompagnements, pendant l’heure de correction par exemple.
Ce changement de pratiques est de taille, puisqu’au collège on a l’habitude,
ne serait-ce que par les heures d’aide inscrites aux emplois du temps, d’externaliser
la prise en charge des difficultés scolaires. Cela demande une réflexion sur la gestion
des cinquante minutes imparties à un cours, ainsi que sur la progression dans les
programmes avec les élèves que nous laissons sur le bord de la route.
La multiplicité des aides apportées à l’extérieur des cours est souvent un indicateur
de la non-différenciation des pratiques de classe. Ce temps externalisé pourrait par
contre être utilisé pour mener des entretiens d’explicitation avec les élèves, autour
de l’analyse de leurs erreurs et sur les stratégies improductives qu’ils ont mis en
place lors d’une activité. Cette approche demande une formation des enseignants et
nécessite un temps individualisé plus difficile à trouver en classe entière. Elle donne
pourtant une prise plus efficace aux élèves sur leurs apprentissages.

Porter un regard global sur les parcours d’apprentissage


Reconstituer ensemble le regard unique du professeur des écoles
Ce regard se trouvera renforcé et enrichi par les multiplicités des points de vue
et des spécialités disciplinaires.
Au collège, en gagnant en expertise disciplinaire, nous avons perdu en expertise
pédagogique globale. En devenant l’enseignant d’une seule discipline, nous avons
parfois délaissé certaines pratiques professionnelles transversales. En automatisant
les procédures que nous enseignons, nous avons oublié comment les déconstruire et
comprendre les difficultés de construction de nos élèves les plus fragiles. En fermant
les portes de nos classes, nous avons brisé les passerelles entre les savoirs.
Nous devrions pourtant être plus à même de comprendre les difficultés
des élèves, plus précis dans leur identification, plus armés pour les contrer, si
l’on parvient à recréer un regard global sur les apprentissages de chaque élève.
Si cette analyse globale n’est pas effective, on risque d’avoir une évaluation

160
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves

imparfaite des acquis des élèves. Un dialogue entre les expertises est à mettre
en place, pour conjuguer les regards experts d’une discipline et les regards non
experts des autres enseignants, pour pointer les zones de difficultés d’apprentis-
sage et pour mutualiser les observations et les pratiques, afin d’être plus efficaces
dans les réponses apportées.
Un élève ne peut multiplier exponentiellement les zones de difficultés d’une
discipline à l’autre. Ce sont souvent les mêmes qui l’empêchent de construire les
savoirs, et il est important de les repérer et de cibler les actions d’accompagnement
sur les items qui seront estimés prédictifs de réussite par l’ensemble de l’équipe.

Début octobre, nous organisons un conseil diagnostique. L’objectif de ce conseil n’était


pas de poser un bilan sur les apprentissages, comme peut le faire le conseil de classe, mais
de lister et de mutualiser les observations que chacun a pu faire durant ce premier mois
sur chaque élève. La communication étant ce qu’elle est dans les établissements, il est
fréquent de découvrir, lors du premier conseil de classe, des informations sur les élèves
qui auraient été bien utiles pour différencier les approches avec un élève dyslexique, un
malentendant ou un élève ayant des difficultés d’attention ou de comportement. Les
observations des enseignants qui ont suivi un élève les années précédentes permettent de
dresser un portrait d’apprenant plus affiné dès le début de l’année. Ce conseil diagnos-
tique s’appuie également sur des questionnaires proposés aux élèves et visant à établir
leur profil cognitif dominant, leurs stratégies d’apprentissages des leçons, leur cadre de
travail à la maison, ainsi que leur propre estimation de leurs points forts et leurs points
faibles. Toutes ces données ont été recoupées lors de ce conseil diagnostique sur une fiche
intégrée au dossier de l’élève.

Diagnostic personnalisé

Compétence 1 : maîtrise de la langue

Écrire Lire Dire


Compétence 2 : Apprentissages des langues vivantes

Compétence 3 : Démarche scientifique et technologique

Compétence 4 : Diagnostic informatique

161
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Stratégies d’apprentissage
Mémorisation Aides Profil cognitif
des leçons à l’apprentissage dominant
Comportement de lecteur et fréquentation du CDI

Comportement d’apprenant
Comportements Leviers pour aider Disciplines
lors de travaux de groupe l’élève à entrer préférées
dans les apprentissages
Bilan vie scolaire
Absences Retards Comportement

Une approche bienveillante qui cherche


les points forts des élèves pour s’y appuyer
Ce conseil diagnostique contribue à traiter avec bienveillance la difficulté
scolaire. Tout élève est là pour apprendre et a le droit de rencontrer des difficultés
dans ses apprentissages. Tout élève a également des compétences et l’on se doit
d’en tenir compte pour l’aider à progresser. Cette personnalisation des réponses
pédagogiques exige de bien connaître l’élève et de porter un regard bienveillant
sur sa scolarité. Il y a peu d’élèves qui, sentant ce regard attentif et exigeant sur
leurs compétences, ne se mettent en peine de les exploiter.
Une première recherche de ces points d’appui peut être menée lors des commis-
sions de liaison CM2/sixième, au moment de l’écriture des PPRE passerelles : il est
en effet intéressant de lister à ce moment, avec les professeurs des écoles, les
points forts des élèves en difficulté. Sachant qu’un élève entrant au collège sans
le palier 2 du socle commun est forcément en difficulté par rapport aux autres,
s’appuyer sur ses points forts, en créativité ou en EPS, pour valoriser ses réussites,
sera un pendant indispensable pour empêcher un décrochage précoce. On peut
apprendre, par ces discussions, qu’un élève en très grande difficulté de maîtrise
de la langue a une graphie parfaite et sait recopier sans aucune erreur un texte au
tableau. Il sera possible de le valoriser en le désignant référent pour photocopier
ses cahiers lors de l’absence d’un camarade.
Donner des rôles dans la classe est une pratique courante à l’école primaire,
qui doit évoluer au collège vers la distribution de rôles dans les apprentissages. Le
travail de groupe est un dispositif pédagogique qui permet cette responsabilisation
de chacun pour que le travail de tous avance. Il est en effet important de ne jamais

162
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves

donner l’impression à un élève que le cours serait le même sans lui et que la classe
peut se passer de ses services.

Conjuguer les regards


Regards enseignants et regards éducatifs
Comment articuler, avec les analyses des enseignants, les analyses de ceux
qui interviennent en dehors de la classe, mais qui participent cependant au quoti-
dien des élèves dans l’établissement  : professeurs documentalistes, assistants
d’éducation, CPE, COP, et personnel de direction.
Si le collège devient un lieu d’apprentissage pour tous les élèves, quelles que
soient leurs ambitions et leurs compétences, alors tous les lieux de l’établisse-
ment deviennent des lieux dans lesquels les apprentissages des élèves peuvent
être observés.
La fréquentation du CDI par les élèves, sur leurs heures de liberté ou à la
récréation, est un indicateur pertinent de l’investissement des élèves dans la vie
de l’établissement et dans leurs apprentissages  : c’est en effet un lieu central
pour développer un certain nombre de compétences transversales et pour évaluer
le rapport de chaque élève avec l’objet-livre et tout type de lecture, compétence
primordiale à construire avant la fin de la scolarité obligatoire. En effet, un élève
qui garde un contact avec la lecture pourra continuer à se former et à s’infor-
mer dans sa vie future. Par contre, il sera très difficile pour un élève qui n’a pas
construit ce rapport à la lecture en quittant le collège, de le construire de lui-même
par la suite, surtout s’il s’oriente vers un cursus court de formation. L’analyse de la
fréquentation du CDI, quantitative et qualitative, ainsi que le nombre et la nature
des emprunts, sont des révélateurs intéressants du comportement d’apprenant
d’un élève. Elle permet de repérer que beaucoup d’élèves, en difficulté dans la
maîtrise de la langue et notamment dans la lecture des œuvres du patrimoine
imposées par les programmes de français, sont cependant des lecteurs assidus
et autonomes dans leurs choix de lecture et il est de ce fait injuste de leur repro-
cher d’être non lecteurs. D’autres élèves, qui mènent sans difficulté les lectures
imposées en classe, ne lisent que ce qu’on leur impose et ne possèdent aucune
autonomie dans le choix de lectures personnelles. De la même façon, le compor-
tement d’apprenant des élèves en salle d’étude et leur capacité à se mettre au
travail en autonomie et à aider les autres élèves dans certaines activités, ou au
contraire à solliciter les aides mises à disposition, témoignent d’une posture
d’apprenant dont l’équipe enseignante doit tenir compte dans ses bilans de fin
de trimestre ou d’année. L’intégration de ces paramètres dans l’évaluation globale
des compétences des élèves oblige à prendre en compte de nouveaux indicateurs
pour décider de l’acquisition d’une compétence. Les professeurs documentalistes
et les assistants d’éducation ont bien leur place dans les conseils de classe,

163
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

ainsi que dans les réunions parents-professeurs, notamment pour démentir


auprès de certains parents des propos d’élèves justifiant leur manque de travail
ou d’investissement dans l’établissement : « On ne peut pas travailler en perma-
nence, il y a trop de bruit », « Le CDI est toujours fermé et il n’y a que des vieux
livres  !  » Beaucoup de CDI proposent des concours, ou des actions autour de
thèmes variés. Beaucoup de salles de permanence sont de vrais lieux d’études et
d’entraide. Ce sont des lieux de vie et d’apprentissage centraux dont les élèves
doivent comprendre l’importance.

Regards experts et non experts


La position d’expert dans notre discipline nous empêche parfois d’appréhender
les difficultés que les élèves rencontrent dans la construction des notions que nous
enseignons. Nous nous sommes tous déjà sentis démunis devant les difficultés
d’un élève, parce que nous ne comprenons pas ce qu’il ne comprend pas.
C’est dans ce cadre que le groupe d’apprentissage peut être une réponse
pertinente, puisque les élèves qui ont compris, étant eux-mêmes encore dans une
démarche d’apprentissage, et non d’automatisation, sont capables d’expliquer
les démarches à appliquer à un élève plus en difficulté. La métacognition est inté-
ressante pour ces « bons » élèves aussi, qui consolident leurs acquis par ce recul
cognitif, et apprennent à « parler » de leurs savoirs. Ils accèdent ainsi à un degré
de compétence supérieur.
L’analyse collégiale des domaines de compétences en souffrance enrichit la
réflexion sur la prise en charge des difficultés scolaires. En identifiant des groupes
de difficultés, on peut entrevoir des axes de remédiation transversale possibles,
autour de la mémorisation, du repérage spatio-temporel, de l’identification et la
catégorisation des notions, du manque de vocabulaire qui empêche la compréhen-
sion des consignes, ou sur la difficulté que les élèves ont à se faire une représen-
tation précise de la tâche attendue. Autant d’axes qui nous donnent une lisibilité
plus approfondie de ce qui empêche les élèves d’apprendre. Accompagner des
élèves dans l’apprentissage des leçons permet de comprendre ce qui les empêche
de faire le travail demandé, en autonomie à la maison.
Mais c’est aussi se rendre compte de la surcharge cognitive qui leur est
imposée, de la difficulté d’apprendre certaines leçons trop longues ou pas assez
comprises pour être mémorisées de façon efficace, du manque de clarté de
certaines consignes, ou du manque de lisibilité dans les ressources sur lesquelles
les élèves sont censés s’appuyer pour mener à bien le travail demandé. Pour
chaque élève qui n’a pas fait son travail à la maison, outre la question de la moti-
vation, demandons-nous s’il était en capacité de le faire.

164
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves

Mettre en place le travail d’équipe


Le conseil de classe : une véritable instance pédagogique
Au conseil de classe du premier trimestre, avec une équipe enseignante volontaire, nous
avons essayé d’écrire une feuille de route personnalisée, pour chaque élève rencontrant des
difficultés dans ses apprentissages. L’exercice s’est révélé complexe, dès lors qu’on voulait éviter
de donner des conseils d’ordre mentaliste, du genre « Apprends tes leçons ».
Quelles clefs donner aux élèves et à leurs parents, pour affronter cette solitude des élèves
face au travail à faire à la maison ? Quels conseils donner à une mère d’élève qui demande,
en conseil de classe, que faire pour aider son enfant trop lent en classe, certainement à cause
d’un profil plus réflexif, mais tout à fait à l’aise quand il a suffisamment de temps pour termi-
ner l’activité attendue ? Silence et perplexité de l’équipe enseignante qui n’a pas vraiment
de solutions à proposer.
Cela interroge notre statut de professionnel de l’enseignement, si l’on est incapable, en équipe,
de donner des conseils qui aident l’élève à progresser. Nous avons donc préparé chacun de notre
côté des fiches-méthodes pour apprendre une leçon dans notre discipline. La feuille de route
présentée en exemple est celle d’un élève qui était en rupture avec les apprentissages, mais que
l’équipe a toutefois réussi à remettre au travail, même si le tout reste fragile.

Extraits de la feuille de route pour le second trimestre

Discipline Conseils donnés


Histoire- Revoir ta méthode d’apprentissage des leçons. (Tu apprends, mais tu as du
géographie mal à mobiliser ce que tu sais.)
T’aider de la fiche-méthode pour les leçons d’histoire.
Relire les leçons avec quelqu’un qui puisse t’expliquer ce que tu n’as pas compris.

Éducation Ne te décourage pas aussi vite.


musicale Tu dois organiser tes devoirs, dans l’ordre des priorités et te donner un délai
pour chaque exercice.
Il faut vérifier que le travail est fait.

Physique- Relire le cours la veille.


chimie Faire sérieusement les exercices.

SVT Plus d’attention en classe.


Apprendre les définitions du cours et les réciter à quelqu’un.

Français Continue à lire régulièrement comme tu le fais.


Force-toi à écrire régulièrement quelques phrases tous les jours,
pour reprendre contact avec l’écrit.

Technologie Tu dois utiliser les résultats des diverses expériences


comme informations pour appuyer tes hypothèses de départ,
lors de tes premières observations. Ne pas négliger les remarques
de ton groupe qui vont aussi alimenter vos conclusions.
Ne pas apprendre les leçons à la maison en écoutant de la musique.
Essayer de transposer les cours sous forme de schémas, quand c’est possible.
Ne jamais rendre copie blanche. Toujours essayer de répondre à toutes les questions.

165
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Identifier les domaines de compétences en souffrance, pour proposer des


programmes d’accompagnement pour le trimestre suivant, permet au conseil
de classe de suivre au plus près les élèves dans leur parcours de formation et de
personnaliser les aides apportées. Le conseil de classe devient le lieu où l’on pose,
à chaque trimestre, un regard sur les avancées et progrès de chaque élève et sur
les besoins qui lui sont spécifiques.

Le conseil pédagogique,
pour repérer les zones de difficultés interdisciplinaires
Le conseil pédagogique est le lieu idéal pour s’interroger sur les « apprentis-
sages invisibles », situés dans le no man’s land interdisciplinaire et mis en lumière
par la transversalité de certaines compétences. Ces apprentissages sont souvent
considérés comme des prérequis par chacun mais ne sont réellement enseignés
par personne. Or les élèves les plus fragiles ne peuvent affronter seuls ces appren-
tissages délaissés, qui constituent de fait souvent des zones de difficultés invi-
sibles et donc non identifiées par les enseignants aux enseignements cloisonnés.
Ces apprentissages transparaissent particulièrement à travers les doléances des
enseignants, qui déplorent la non-maîtrise par certains élèves de prérequis indis-
pensables à leurs enseignements disciplinaires.
Ces constats concernent souvent les productions écrites, à partir desquelles les
collègues évaluent des compétences relevant de leur discipline et qui, faute d’être
maîtrisées, ne permettent pas de suivre le cheminement de la pensée de l’élève.
La plupart des évaluations proposées au collège se basent sur des supports écrits,
qui mettent les élèves qui les maîtrisent mal en incapacité de prouver qu’ils ont
d’autres compétences.
C’est l’exemple déjà cité de l’enseignant de technologie qui demande à ses élèves
de rédiger un récit d’expérience sans que ce type de textes ait été abordé d’une
façon ou d’une autre, dans son cours ou en cours de français avec les élèves. Dans
un premier temps, lors de la séance de correction, un document de guidage, avec les
étapes du récit attendues et le vocabulaire à utiliser peut être donné aux élèves qui
n’ont pas réussi à produire l’écrit attendu. Mais cette activité relève finalement davan-
tage d’un apprentissage de classe, avec l’ensemble des élèves, que d’une remédiation
proprement dite, après l’évaluation. D’autres productions écrites ou orales peuvent
être appréhendées de la sorte avec d’autres disciplines, lors des revues de projet en
technologie par exemple ou lors de la rédaction des dossiers de recherche en SVT, de
paragraphes argumentés en histoire, de synthèse dans différentes disciplines, ou de
narration de recherche en mathématiques. Le changement de pratiques enclenché
par le socle commun et l’approche par compétences ont fait émerger de nouveaux
besoins d’enseignement, dans l’entre-deux disciplinaires. Les prendre en charge, de
façon transversale, entraîne de fait une hausse du niveau des apprentissages, et non
un nivellement par le bas, comme il l’a été reproché parfois au socle commun.

166
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves

La remédiation en partenariat
avec un professeur des écoles
La prise en charge de la difficulté scolaire implique pour les enseignants une
déconstruction de leurs compétences, de l’automatisation de leurs savoirs, pour
comprendre les incompréhensions des élèves. Or il est parfois difficile, voire
impossible, pour les experts d’une discipline au collège, de retrouver les étapes
de la construction de certaines compétences, sans compter que la formation
initiale des enseignants du second degré n’aborde pas ces premières étapes
des apprentissages de l’élève. D’où l’intérêt de travailler en partenariat, quand
cela est possible, avec des enseignants du premier degré. Travailler ensemble,
professeurs des écoles et enseignants du collège, est possible, en dehors de la
journée institutionnelle de liaison, et permet de croiser des expertises différentes
sur les difficultés scolaires. Ce partenariat peut être mis en place dans le cadre
de l’accompagnement éducatif au collège. Dans les collèges ECLAIR, certains
chefs d’établissement ont fait le choix de choisir des préfets des études issus du
premier degré, notamment pour encadrer le travail d’équipe en classe de sixième.
Bien que cette démarche soit extrêmement pertinente pour la prise en charge des
difficultés que les élèves de sixième rencontrent à l’entrée au collège, ces préfets
déplorent parfois de n’être pas assez écoutés par les enseignants, qui n’acceptent
pas toujours l’analyse qui est faite de leurs pratiques par un intervenant extérieur
au collège, même quand il s’agit d’un enseignant du premier degré qui possède
une réelle expertise sur les zones de difficulté issues de la liaison entre l’école
élémentaire et le collège.

Un cas de partenariat

Lors d’une discussion informelle à la cantine avec l’une des institutrices de CM2
de la ville, nous avions appris qu’un certain nombre d’élèves, scolarisés au collège
en classe de sixième, continuaient à venir la consulter chez elle le soir, pour qu’elle
les aide dans leurs devoirs. Cela nous a interrogés sur la qualité et l’encadrement
que nous étions en mesure, au collège, de leur apporter dans ce travail, s’ils éprou-
vaient le besoin d’aller consulter leur institutrice de l’année précédente.
Nous avons donc proposé à ce professeur des écoles de venir travailler avec nous
au collège, une heure par semaine, dans le cadre de l’accompagnement éducatif,
et d’encadrer avec nous les élèves en grande difficulté, afin de pouvoir mutualiser
nos analyses et nos pratiques sur la prise en charge de cette grande difficulté.
Même si les professeurs des écoles n’ont pas à devenir les spécialistes de la difficulté
scolaire au collège, un tel partenariat a surtout permis de mettre au jour l’absence
de différenciation dans les enseignements au collège, que ce soit dans le travail
personnel donné à la maison, dans les apprentissages menés en classe, et surtout
dans les évaluations proposées aux élèves arrivant sans le palier 2 au collège.

167
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Les difficultés et les besoins de formation


des enseignants
Pour un enseignant, interroger ses pratiques d’accompagnement ou de prise
en charge de certaines difficultés scolaires revient parfois à se heurter à un constat
d’échec, d’inefficacité, voire d’incompétence. C’est d’autant plus violent que c’est
au cœur du métier d’enseignant. Comment aider un élève à construire les notions
que nous lui enseignons ? Comment avoir prise sur la motivation de nos élèves et
les aider à lutter contre le découragement lié à toute situation récurrente d’échec ?
Il sera difficile pour les enseignants de progresser sur ces axes sans formation sur
les processus et les profils d’apprentissages, ou sur la dynamique motivationnelle.
En effet, se demander, face à la difficulté scolaire, si l’élève a une bonne représen-
tation de la tâche demandée, s’il n’a pas un profil d’apprentissage réflexif qui le
ralentisse dans les activités de classe et le mette en difficulté, prendre en charge le
découragement d’un élève en l’aidant à ne pas investir tout son Moi dans un devoir
à la maison, aider un élève à trouver sa stratégie de mémorisation, lui donner
une chance de prouver ses compétences à l’oral, le réconcilier avec sa langue
maternelle par la dictée à l’adulte, l’aider à retrouver ses marques à l’école et
dans la classe, lui donner des rôles de plus en plus complexes, évaluer par palier,
en différenciant les aides apportées, organiser un travail de groupe qui permette
aux élèves d’apprendre, de confronter et de mutualiser, toutes ces pratiques
demandent, pour être utilisées, à être connues.
C’est en aidant un élève à comprendre ses causes d’échecs et de réussite, en
l’aidant à construire une conception de l’intelligence qui ne relève pas de l’inné et en
donnant un sens à sa présence à l’école que l’on peut l’aider à surmonter ses difficul-
tés et à se remettre au travail. C’est agir sur les leviers de la motivation intrinsèque.

Déterminer des stratégies de remédiation


Même s’il est préférable de ne pas traiter hors de la classe les difficultés
rencontrées par les élèves dans le cadre du cours, il est parfois indispensable
d’externaliser des remédiations transversales, qui relèvent de plusieurs champs
de compétences.
De plus, la prise en charge des élèves en difficulté dans toutes les disciplines
est plus problématique que celle des élèves présentant des profils plus littéraires
ou scientifiques, et qu’il faut soutenir dans l’un des pôles de compétences. Comme
il serait déraisonnable et inefficace de travailler en remédiation tous les items
qui posent problème aux élèves en difficulté globale, des stratégies de remédia-
tion peuvent être proposées par les équipes enseignantes, notamment lors des
conseils de classe, ce qui permet de passer d’un constat d’échec à une perspective
de progrès.

168
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves

Le socle commun permet donc alors d’être utilisé comme un outil décompo-
sable qui permet de cibler, selon les profils des élèves et les difficultés prioritaires
à prendre en charge, des items estimés prédictifs de réussite par l’ensemble de
l’équipe. Il s’agit en effet de ne pas se contenter de relever les items non acquis,
mais d’identifier parmi ceux-ci ceux qui semblent essentiels pour poursuivre les
apprentissages. C’est en étant utilisé comme un guide dans la personnalisation des
réponses apportées aux besoins spécifiques des élèves, au moment et au niveau
de complexité dont ils en ont besoin, que le socle commun sera le plus pertinent.

Analyse des paliers 2 et PPRE passerelles


L’arrivée des paliers 2 dans les établissements, en fin d’année scolaire, est
à faire coïncider avec la journée de liaison et de rencontre entre les enseignants
de sixième et les professeurs des écoles de CM2. Comme pour le palier 3 du socle
commun, le palier 2 contient des items qui, lorsqu’ils sont non acquis à la fin
de l’école primaire, annoncent des difficultés scolaires incontournables, à prendre
en charge dès l’entrée au collège, avant qu’elles ne se figent en lacunes scolaires.
Si l’on analyse la compétence de maîtrise de la langue du palier 2, l’on constate
un nombre plus important d’items que dans le palier 3, notamment à cause d’une
décomposition plus grande des compétences en procédures ou connaissances
à faire acquérir. Ce palier 2 donne en effet un aperçu beaucoup plus précis des
acquis des élèves pour les savoirs fondamentaux. Si l’on constate qu’un élève,
dans le domaine GRAMMAIRE, n’a pas acquis l’item concernant la nature et
la fonction des mots, est-il judicieux de le placer dès le début de l’année dans
un groupe de travail qui abordera cette problématique de langue qui risque de
n’avoir que peu de répercussions sur le reste des apprentissages ? Le choix peut
être fait au contraire de cibler des compétences à la transversalité plus large, afin
d’accompagner l’élève sur l’ensemble de ses apprentissages et de l’empêcher de
se marginaliser dans la classe trop rapidement. C’est alors un dispositif de préven-
tion du décrochage qui est implicitement mis en place dès la classe de sixième,
pour éviter que certains élèves, arrivant au collège sans la maîtrise des fondamen-
taux attendus, ne soient broyés par la machine scolaire.

Quelques items ont retenu notre attention, notamment parce que leur prise en charge,
dans le cadre des PPRE passerelles, contribue à la construction de la posture d’appre-
nant attendue au collège.
Trois items ont été sélectionnés sur les vingt-neuf constituant la compétence de maîtrise
de la langue française : deux items du domaine LIRE, « Lire seul et comprendre un
énoncé ou une consigne » et « Lire avec aisance à haute voix ou silencieusement un
texte ». Les PPRE passerelles créés lors de la journée de liaison répartissent les élèves
qui n’ont pas acquis ces items dans des ateliers d’aide personnalisée, tous tournés vers
la construction de compétences. L’atelier compréhension de consignes permet de traiter
une difficulté transversale à toutes les disciplines et prédictive de toute réussite scolaire.

169
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Quant à l’atelier de lecture à haute voix, il met les élèves non lecteurs, par le biais d’une
pédagogie de projet, en posture de « donneurs de voix » pour l’enregistrement d’albums
de jeunesse à destination d’une école maternelle de la ville. Cette approche des difficultés
de lecture a pour objectif de créer un lien plus fort entre ces élèves non lecteurs et l’objet-
livre et de les mettre en situation de réussite et de valorisation de cette réussite

Aide Personnalisée sixième


« Donneurs de voix »

Compétences du palier 2 à faire acquérir

C1 : Lire avec aisance (à haute voix, silencieusement) un texte.

Profil d’élèves : élèves non lecteurs

Liste d’élèves identifiés grâce à l’analyse des paliers 2 et la concertation


avec les professeurs des écoles lors de la journée de liaison.

Descriptif pédagogique de l’action

Objectif : Enregistrement numérique des voix d’élèves sur des albums de jeunesse
– Lecture et entraînement.
– Partenariat avec une donneuse de voix professionnelle.
– Critères de réussite d’une bonne lecture à haute voix.
– Enregistrement en salle pupitre.

Évaluation de l’atelier de remédiation

Progrès attendus :
– Une lecture plus fluide.
– Une prise de confiance en soi.
– Un lien avec l’objet-livre et le CDI.

Un item du domaine ÉCRIRE, « Copier sans erreur un texte », a été retenu, pour aider
les élèves arrivant en sixième à adapter la rapidité de leur écriture au temps consacré
à la trace écrite au collège. La prise en charge de cette compétence d’écriture a pour
objectif de permettre aux élèves de prendre correctement l’intégralité de la trace écrite
du cours, notamment en travaillant l’empan visuel qui permet de photographier un mot
en entier ou à évaluer la taille d’un mot sur une ligne. En rentrant à la maison avec
des cours correctement calligraphiés, on a plus de chance de l’apprendre correctement
et on enraye ainsi une spirale de l’échec liée à une lenteur d’écriture.

170
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves

En ce qui concerne les outils mathématiques, les items « Calculer mentalement


en utilisant les quatre opérations » et « Utiliser les unités de mesures usuelles » ont été
retenus, puisqu’ils correspondent à des difficultés récurrentes des élèves, qui empêchent
l’automatisation de procédures usuelles et gênent la poursuite des apprentissages.
Deux autres ateliers, relevant de la construction de l’autonomie ont été mis en place au
collège : un atelier « Estime de soi », qui travaille autant à construire la prise de parole
orale que le droit à l’erreur, et un atelier « Apprentissage des leçons » proposé aux élèves
qui ne parviennent pas à faire face aux exigences du collège en ce qui concerne le travail
personnel à la maison.

Il est intéressant que les PPRE passerelles établis par la commission de liai-
son ciblent à la fois les difficultés des élèves, mais également les points d’appui
possibles pour valoriser le travail de ces élèves et les entrées possibles dans les
apprentissages. Certains élèves, en difficulté dans les apprentissages, manifestent
cependant beaucoup de créativité en éducation musicale ou en arts plastiques,
ou possèdent des compétences exploitables en cours de technologie ou d’EPS.
Il est alors aberrant de ne pas s’appuyer sur ces points forts pour relancer une
dynamique d’apprentissage qui a tendance à se centrer uniquement sur les savoirs
fondamentaux de français et de mathématiques.

Des programmes de remédiation personnalisés


En listant les difficultés récurrentes des élèves dans les différentes disciplines,
et en y faisant correspondre les items du socle commun, on fait apparaître, de
fait, les compétences prédictives de réussite pour l’ensemble des apprentis-
sages. Les difficultés identifiées sont partout les mêmes et, comme les doléances
des enseignants, elles correspondent souvent à des difficultés transversales.
Lors des conseils de classe, il est alors possible d’établir pour les élèves les plus
fragiles des parcours de remédiation, sur différents items prédictifs de réussite ou
sur des opérations mentales nécessaires à la construction des compétences.

La compréhension de consignes
La difficulté à comprendre des consignes en autonomie déboussole les ensei-
gnants, qui pourtant différencient les approches et travaillent régulièrement cette
compétence essentielle à la poursuite des apprentissages. Plusieurs remarques
sur cette difficulté. Les élèves qui entrent au collège en sixième n’ont pas spécia-
lement acquis une autonomie effective dans la compréhension des consignes de
classe, bien que l’item du palier 2 demande de lire et de comprendre SEUL une
consigne ou un énoncé. La première des causes identifiées par les enseignants est
le manque de vocabulaire, qui empêche les élèves d’accéder à l’action préconisée
par la consigne, que ce soit un vocabulaire disciplinaire spécifique, ou des mots
plus abstraits, sur lesquels certains élèves n’ont pas de prise et ne parviennent
pas à associer une réalité qui leur permette de se lancer dans la tâche attendue.

171
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Il s’agit essentiellement des verbes d’action comme « Relever, identifier, distinguer,


compléter, etc. ».
Décoder des consignes ne relève cependant pas que de compétences lexicales.
Les problématiques de représentations de la tâche, de prise d’initiative et de
confiance en soi, de droit à l’erreur mettent tout autant un élève en difficulté face
à une consigne. Cette autonomie dans la lecture de consignes est nécessaire à la
fin de la scolarité obligatoire, notamment lors des épreuves ponctuelles du DNB.
C’est avant cela que cette compétence doit être construite, dans le temps et selon
le rythme de chaque élève. Une progressivité semble s’imposer.

La perspective historique
L’épreuve orale d’histoire des arts, à la fin de la troisième, a révélé les difficul-
tés des élèves à faire des liens entre les événements, les personnages, les œuvres
ou les découvertes techniques et scientifiques d’une même époque.

Lors d’une séance de remédiation organisée dans le cadre de l’accompagnement éducatif,


avec un groupe d’une vingtaine d’élèves de cinquième, de quatrième et de troisième, nous
déroulons dans un couloir une grande frise chronologique de plusieurs mètres. Les élèves,
en groupe mélangeant les niveaux de classe, disposent d’une cinquantaine d’illustrations
devant être replacées sur la frise.

Titre de la remédiation
Créer une perspective historique

Niveau concerné : Cycle central, troisième.


Difficulté diagnostiquée : Les élèves ne parviennent pas à construire une représentation
mentale de l’époque sur laquelle ils travaillent.
Item et compétence du socle correspondants
C5 : Situer des événements, des œuvres littéraires ou artistiques, des découvertes
scientifiques ou techniques, des ensembles géographiques.
Descriptif de l’activité mise en place :
Replacer sur une frise chronologique contenant les grands repères attendus au brevet
des événements, personnages, créations artistiques et découvertes scientifiques
ou techniques d’une même époque.
Groupes de six élèves (deux élèves de cinquième, deux élèves de quatrième, deux élèves
de troisième, pour permettre la mutualisation des connaissances liées aux périodes
historiques correspondant au niveau de classe des élèves).

Corpus d’images

Époques Antiquité Moyen Âge La Renaissance xviie siècle xviiie siècle xixe siècle xxe siècle

Monuments Colisée Château fort Châteaux Versailles Rococo Opéra Building


Via Appia Cathédrale de la Loire Garnier Opéra
Temple grec de Sydney
Pyramides

172
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves

Époques Antiquité Moyen Âge La Renaissance xviie siècle xviiie siècle xixe siècle xxe siècle

Vêtements Légionnaire Armure François I er


Louis XIV Un Costume Jeans
romain Vêtement Robe à sans-culotte de dandy Maillots
Sénateur grec de femme balconnet de bain
de la Fraise et congés
noblesse payés
Fermeture
à glissière
Inventions Roue Imprimerie Télescope Fontaines Pommes Électricité Ordinateur
Collier Thermomètre Dissection de terre (1830) Avion
de traction Montgolfière Locomotive Téléphone
Machine à vapeur
(1803) Cinéma
à vapeur (les frères
Télégraphe Lumière)
Spoutnik
(1957)
Vaccin
et antibio-
tiques
Artistes  Vases Tapisseries Léonard Molière L’Encyclo- V. Hugo Picasso
ou œuvres de la Dame de Vinci La Laitière pédie Van Gogh
à la licorne La Joconde de Vermeer Mozart Delacroix
Contes
de fées
Bosch
Personnages  César Charlemagne François Ier Louis XIV Révolution Napoléon Poilus
historiques Pharaon Christophe Galilée française Bombe
Colomb Shakespeare Déclaration atomique
Vikings des droits
de l’homme

L’activité proposée aux élèves est bien une tâche complexe. Elle les oblige à discuter
et à argumenter en groupe, à mobiliser un certain nombre de savoirs, à aller vérifier
leurs ressources, à combiner des éléments de réponse pour pouvoir positionner correcte-
ment les illustrations sur la frise chronologique.
Les élèves positionnent certaines vignettes de façon étonnante : l’autoportrait de Picasso
est placé en préhistoire. Il faut croire que les élèves perçoivent inconsciemment les
influences de l’art brut sur la peinture de Picasso ! Un groupe d’élèves hésite à situer
l’explosion atomique entre le xvie ou le xviie siècle. On peut s’interroger sur les repré-
sentations qu’ils associent à cette image. Globalement, mise à part l’imagerie associée au
Moyen Âge qui est bien maîtrisée, les élèves ont des repères très confus, voire inexistants
sur lesquels s’appuyer pour construire une perspective historique qui les aide dans les
différents apprentissages, que ce soit à l’intérieur du pôle humaniste, mais également en
technologie pour l’évolution des objets techniques ou pour tout ce qui concerne l’histoire
des sciences en règle générale.
Cela explique la difficulté d’amener parfois les élèves à comprendre l’enjeu esthé-
tique et littéraire de certaines œuvres (compétence attendue dans le pôle humaniste),
alors que les élèves n’ont finalement pas vraiment de représentations mentales fiables
des évolutions de l’humanité. Suite à ce travail, une frise historique interdisciplinaire
a été installée dans le hall du collège. Chaque mur de ce hall est réservé à une période
historique et contient cinq fils sur lesquels les enseignants peuvent venir accrocher

173
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

des travaux d’élèves présentant les grands événements historiques, les personnages
et artistes, les œuvres d’art ou les découvertes techniques et scientifiques associés à
chaque période. La frise historique se construit tout au long de l’année, grâce à l’inter-
vention de toutes les classes et de toutes les disciplines et permet d’associer visuellement
les différents repères à connaître. Ce dialogue interdisciplinaire, non chronophage
sur le temps de cours, est de plus un outil intéressant pour mettre en valeur les appren-
tissages liés à l’histoire des arts.

D’autres items prédictifs de réussite peuvent être travaillés en remédiation trans-


versale  : la maîtrise des règles de conversion, la lecture et l’écriture de tout type
de textes ou encore l’autonomie dans le travail personnel à la maison. L’évaluation
des compétences impose aux enseignants de se poser la question des prérequis
indispensables à leurs enseignements et à agir en tenant compte de la transversalité
de certains de ces prérequis.

Travailler les processus intellectuels


Quid des processus intellectuels ou opérations mentales ? La question ne doit-
elle pas se poser à un moment dans la prise en charge des difficultés d’apprentis-
sage ? N’est-il pas possible de classer les items du socle commun, non plus selon
leur arborescence disciplinaire ou thématique, mais selon les opérations mentales
mises en œuvre : la mémorisation, l’identification et la catégorisation, le repérage
spatio-temporel, l’analyse, la synthèse, la capacité à faire des rapprochements ou
encore la créativité ? Regrouper ces items n’aide-t-il pas à construire les postures
d’apprenant attendues ?
• Le processus de mémorisation intervient, par exemple, lors de l’évaluation
d’items de langue étrangère, dans la compétence 2, qui nécessite l’apprentis-
sage par cœur de formules lexicales. Mais elle est indispensable aussi en mathé-
matiques, pour l’item de calcul de la compétence 3, ou en histoire, pour l’item
de la compétence 5 évaluant la maîtrise des repères historiques. Donner aux
élèves des techniques efficaces de mémorisation relève des apprentissages
cognitifs à dispenser. On peut rappeler à ce sujet que certains socles euro-
péens ont intégré une compétence supplémentaire, concernant l’«  apprendre
à apprendre » et la mise en œuvre de stratégies personnelles de travail.
• La capacité à identifier et à catégoriser est indispensable, notamment
pour la résolution de tâches complexes, qui nécessite l’identification des
ressources à mobiliser. Cette mobilisation pose problème aux élèves les plus
fragiles parce qu’ils analysent mal la situation-problème proposée et iden-
tifient difficilement les connaissances et procédures à mettre en œuvre. Les
activités grammaticales et orthographiques, tout comme certaines activités
scientifiques ou technologiques, nécessitent d’être capables d’identifier
un fait de langue ou un élément et de retrouver sa catégorisation, pour
comprendre son fonctionnement. Intégrer une réflexion sur les opérations

174
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves

mentales dans la prise en charge de la difficulté scolaire contribue à accen-


tuer les liens entre les différents savoirs disciplinaires, et à donner prise aux
élèves sur leurs apprentissages.

Une autre pédagogie pour construire des compétences


Aider les élèves à construire des compétences nécessite de connaître et
d’enseigner en respectant les spécificités de l’approche par compétences et se
distingue donc en cela du soutien scolaire. Cela nécessite tout d’abord d’identifier
ce qui fait obstacle à l’acquisition de ces compétences. Certains élèves auront
en effet du mal à acquérir des connaissances ou à reproduire des procédures
enseignées. La prise en charge de ces difficultés relève alors de ce qui se fait tradi-
tionnellement en soutien scolaire, notamment en français ou en mathématiques,
où, grâce à des exercices d’entraînement ou des tâches simples, on donne aux
élèves les plus fragiles plus de temps pour acquérir les notions visées.
Mais l’approche par compétences met en relief une autre difficulté d’appren-
tissage, moins explicitement révélée auparavant, et qui concerne la mobilisation
par les élèves des ressources construites en classe. Apprendre aux élèves à iden-
tifier et utiliser les ressources adéquates donne du sens aux situations de classe
proposées.
Cela ne peut cependant se faire sans un recul cognitif des élèves sur leurs
productions, ni sans une discussion pédagogique avec eux autour des stratégies
mises en œuvre.

Une approche globale contre le découpage


et l’isolement des procédures
La situation complexe d’apprentissage est un dispositif pédagogique adapté
à la construction des compétences, parce qu’elle oblige les élèves à envisager
la résolution du problème en partant de la production à atteindre, et à mettre
en place les stratégies adéquates pour y parvenir. Les apports des enseignants
se déterminent au fur et à mesure du cheminement des élèves et en fonction des
besoins apparus dans la situation à résoudre.
Les connaissances et les procédures, acquises au préalable, ne sont donc plus
isolées mais, comme dans toute situation de vie réelle, combinées les unes aux
autres. D’où une certaine complexité à gérer pour les élèves.

Si l’on prend comme exemple la compétence de correction orthographique, c’est-à-dire


la capacité des élèves à corriger leur propre production pour obtenir, comme le socle
le demande, une « orthographe socialement acceptable », l’on comprend que la remédia-
tion ne peut que s’appuyer sur les productions d’élèves à améliorer et ne peut procéder,
comme les primo-apprentissages de l’école primaire, ou les apprentissages de classe

175
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

grammaticaux au collège, en saucissonnant les notions à acquérir. Et cela pour la simple


raison que le réseau des connexions syntaxiques, grammaticales et lexicales est devenu
plus complexe, en adéquation avec la pensée des élèves.

Il est en effet très décourageant pour un élève en difficulté en orthographe


d’avoir à utiliser un autre temps verbal que celui qu’il a revu en remédiation ou en
classe, et d’être, de ce fait, toujours en échec.
L’approche par compétences tend plutôt à apprendre aux élèves à repérer leurs
erreurs récurrentes et à connaître les ressources pour les corriger par eux-mêmes.
Poser en début d’année, en cours de français, des diagnostics d’écriture et créer
des guides de relecture et de correction répond mieux aux besoins transversaux de
maîtrise de la langue. Cette approche ne réduit en rien la part faite en classe aux
apprentissages fondamentaux. Elle permet juste une différenciation indispensable
pour stabiliser les orthographes les plus abîmées.

Des objectifs d’excellence en réponse aux difficultés des élèves


Lors de la validation du socle commun, à la fin de la classe de troisième,
les compétences les plus problématiques pour les élèves en difficulté sont la
compétence de maîtrise d’une langue étrangère, la compétence scientifique,
notamment à cause du domaine «  Outils mathématiques  » et la compétence
d’autonomie et d’initiative. Si l’on analyse de plus près ce constat, il se révèle
être cohérent avec le comportement d’apprenant et les difficultés récurrentes
de ce type d’élèves, souvent en décrochage plus ou moins assumé. Et ce sont
toujours ces trois compétences qui, quels que soient les dispositifs pédagogiques
mis en place dans le cadre des cours, empêchent les élèves les plus fragiles de
valider l’ensemble du socle commun. Or cette situation ne peut être une fatalité,
reconduite d’année en année, en renforçant ce même constat d’impuissance des
équipes enseignantes comme des élèves concernés. Le socle, à la différence
des programmes, doit de plus être acquis par tous les élèves, en fin de scolarité
obligatoire.

Nous avons créé une option interne, la DS2 (découverte stage deux heures par semaine),
alignée avec le latin et la DP3 (découverte professionnelle en 3e), qui s’adresse à la quin-
zaine d’élèves de l’établissement en décrochage scolaire, ou en passe de le devenir. Cette
douzaine d’élèves constituait chaque année le pourcentage d’échec à l’obtention du
brevet des collèges. Comme nous ne travaillons que par compétences avec ces élèves, nous
espérerions au moins pouvoir leur garantir, à l’issue de leur année passée à travailler
leurs compétences, la validation du socle commun. Mais les champs d’apprentissages
couverts par le socle restent trop larges pour ces élèves en grande difficulté, qui, bien
qu’ayant prouvé, par le biais d’une différenciation des apprentissages ou des supports
d’évaluation qu’ils possèdent un nombre important de compétences, ne parviennent à
valider la totalité des compétences générales attendues.

176
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves

Forts de ce constat, nous avons donc décidé de mettre en œuvre, dans le cadre de ces
deux heures inscrites à l’emploi du temps des élèves en grande difficulté de troisième,
une pédagogie de projet sur l’année qui permette de couvrir les champs d’apprentissages
leur faisant défaut. Il nous fallait pour cela un projet relevant plus du pôle scientifique
et leur permettant de prendre des initiatives et de prouver une certaine autonomie
notamment dans la planification du travail à mener. Les élèves ont été inscrits à un
concours académique et national dont le règlement imposait aux élèves de concevoir et
de fabriquer une mini-formule 1.
Cela a permis de prouver qu’ils étaient capables de mener une démarche technolo-
gique, de prendre des mesures, de faire des calculs, d’utiliser les règles de conversion
(Compétence mathématique). Le règlement stipulait que chaque équipe présenterait
son projet devant un jury de professionnels pendant cinquante minutes (Domaine oral
de la compétence de maîtrise de la langue), dont une première partie en anglais (ce
qui correspond à un item de la compétence de langue vivante étrangère). Les élèves ont
travaillé en groupe et en autonomie le jour de la finale, ont pris des initiatives après
discussion et accord de l’ensemble de l’équipe (Compétence d’autonomie et d’initiative).
Ils ont de plus manipulé des logiciels de conception numérique, de traitement de textes et
des logiciels de présentation (Compétence informatique).
Seul un projet sur l’année pouvait permettre de couvrir autant de champs de compé-
tences et parvenir à motiver les élèves décrocheurs sur l’ensemble de l’année. Comme
le dit un de ces élèves, au jury, le jour du concours : « Au début, ça ne nous intéressait
pas trop, mais après, on a compris que ce n’était pas comme le reste des cours. Et là, ça
nous a accrochés. »

Différencier encore et toujours


Et si c’était ce que le socle nous disait au quotidien  ? Face à l’avancée des
évaluations des items des différentes compétences, et avec en regard terminal
la validation du socle commun, comment gérer les différents parcours et rythmes
d’apprentissage qui se dessinent ? Et comment faire, avec ces élèves que les cours
antérieurs dispensés n’ont pas aidé dans la construction des compétences ? Quelle
analyse porter sur leurs erreurs et quelles aides proposer ?

Des besoins différents


Alors que certains élèves peinent dans l’acquisition des connaissances et
devront travailler leurs stratégies d’apprentissage, d’autres ont besoin d’apprendre
à activer les schèmes de la mobilisation de ces ressources acquises : être capable,
en décodant une consigne, d’identifier les ressources nécessaires, de hiérarchiser
les phases de la résolution de problème et les différentes procédures et de les
combiner les unes avec les autres, avoir l’attitude adéquate et savoir analyser
les choix et erreurs commises lors de la résolution. Construire des compétences
amène les enseignants à envisager sous cet angle les difficultés d’acquisition des
élèves et à enclencher une différenciation des aides apportées, qui ne fractionne
en rien l’intégrité du groupe-classe face à une même notion travaillée.

177
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Des réponses différentes

C’est dans cette optique de différenciation que se dessine le bulletin de compé-


tences, qui ne peut se contenter d’être une impression papier du LPC, ni une attes-
tation finale globale pour les élèves sans difficulté apparente.

La place des parents dans les apprentissages :


un sujet de heurt idéologique

Dans notre option interne, la DS2, créée dans notre collège pour encadrer les élèves
de troisième en décrochage scolaire, les élèves n’ont jamais de travail à la maison
et laissent leur cahier dans la classe. Interdiction absolue de le reprendre à la
maison, au risque de ne jamais le voir réapparaître. Et l’autonomie, dans tout cela ?
Comme gérer cette absence régulière de matériel de certains élèves, ainsi que leur
manque total de travail à la maison ? Et le rôle des parents ? N’est-ce pas leur rôle
d’offrir à leur enfant le cadre propice de travail à la maison et de leur apprendre
gérer leurs affaires de classe ?

Quand on discute entre collègues de ces sujets, on se heurte très vite à des position-
nements de valeur, quasiment immuables. Pour certains collègues, c’est aux parents
d’adapter, à la maison, la différenciation des approches, pas à l’enseignant dans
sa classe, ni dans le travail qu’il donne à la maison. Ces discours sont contes-
tables, comme tout ce qui tend à externaliser les apprentissages hors de la classe
et de l’établissement, et engage notre responsabilité face à nos enseignements.

Dans l’option DS2, il arrive toujours dans l’année un moment où les élèves viennent
à l’interclasse demander à reprendre leur cahier chez eux, pour prolonger un travail
commencé. C’est le pari à relever, pour ces élèves en décrochage : donner l’envie
d’apprendre et par cette envie, changer leurs habitudes et attitudes liées à l’école.

Repenser l’ensemble de nos pratiques en termes de différenciation revient


à se poser la question des approches et des supports d’apprentissage, des évalua-
tions et du travail personnel exigé pour chaque élève. De la même façon qu’on
ne peut exiger le même travail personnel, que ce soit en temps ou en complexité
des activités proposées, d’un élève qui n’a pas acquis le palier 2 en arrivant au
collège, ou d’un élève qui ne peut être suivi correctement à la maison, il est peut-
être déraisonnable de s’entêter à demander le même travail à tous les élèves
et à le sanctionner quand il n’est pas fait. Les élèves ont des profils et des envies
différents et si l’on peut exiger une autonomie totale dans le travail personnel à la
fin de la classe de troisième pour les élèves qui s’orientent vers un lycée général
ou technologique, il est peut-être plus constructif de travailler autrement avec
les élèves en décrochage ou en grande difficulté, notamment en encadrant
le travail personnel au sein de l’établissement, voire dans la classe. Cette

178
Construire les attitudes attendues dans le socle

différenciation ne sera acceptée par tous, enseignants comme élèves, que si elle
est pratiquée en toute transparence, dans une discussion pédagogique exigeante
qui détermine des paliers de progression et assure un suivi régulier des démarches
entreprises par l’élève.

179
10
Enseigner des stratégies aux élèves

A   ccompagner les élèves dans la construction des compétences met en lumière


  leur manque de méthodes d’apprentissages, ou leur utilisation de straté-
gies inefficaces. Que l’on choisisse, comme levier pour enclencher la réflexion
sur les compétences, l’accompagnement des difficultés, la tâche complexe, la
pédagogie de projet, ou la construction de l’autonomie, il apparaît incontournable
de s’interroger sur les stratégies que les élèves déploient aux différentes étapes
des processus d’apprentissage, et de les aider à construire des méthodes de
travail qui soient efficaces et qui les aident à progresser. La difficulté scolaire
s’accompagne souvent de découragement, voire de décrochage, car les élèves
qui en souffrent ne sont pas forcément des élèves qui ne travaillent pas à la
maison ou en classe. Ce sont surtout, avant d’être des élèves qui ne travaillent
plus, des élèves qui travaillent de façon inefficace et non productive, voire contre-
productive.
Une réflexion d’équipe autour de ces stratégies est nécessaire pour mettre au jour
les pratiques des élèves et de repérer leurs besoins. En partant de leurs productions,
de leurs habitudes et de leurs méthodes, on met en place un accompagnement qui
est transférable d’une discipline à l’autre, et qui ne se contente pas de dispenser une
méthodologie trop éloignée des pratiques ordinaires des élèves pour être intégrée
à leurs ressources propres. Nous avons tous nos stratégies et nos supports privilégiés
d’expression. À nous d’essayer de varier les approches et les supports des notions
que nous enseignons, pour les rendre accessibles à tous les élèves. Apprenons-leur à
connaître les supports qui les mettent en réussite et ceux qui les mettent en difficulté.
Apprenons-leur à apprendre et à se connaître en tant qu’apprenant.

La place de l’« Apprendre à apprendre »


dans la construction des compétences
Une huitième compétence
Le traité de Lisbonne contient une huitième compétence «  Apprendre
à apprendre », qui n’a pas été retenue dans l’arborescence du socle commun de
2005, mais qui semble incontournable, dès lors que l’on commence à travailler
par compétences. Cette compétence est définie, dans ce traité, comme étant « liée

181
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

à l’apprentissage, à la capacité à entreprendre et organiser soi-même un apprentis-


sage à titre individuel ou en groupe, selon ses propres besoins, à avoir conscience
des méthodes ».
Pour les enseignants, réfléchir au degré d’acquisition d’une compétence,
à la mobilisation des ressources que cela induit, aux obstacles cognitifs qui
empêchent les élèves d’utiliser des savoirs qu’ils ont pourtant, à la difficulté de
certains élèves à mémoriser des connaissances fondamentales, au manque d’auto-
nomie et d’initiative des élèves dans les activités proposées, amène à se poser la
question de la façon dont l’école construit les stratégies d’apprentissage, de l’école
primaire au lycée. Cette compétence « cognitive » est implicitement ancrée dans la
mise en œuvre du socle commun, car elle permet l’articulation des connaissances
et des compétences, ainsi que le développement d’une intelligence autonome.

Un malentendu entre enseignants et élèves


Lors d’une activité de coformation dans notre propre établissement, nous inter-
rogeons les enseignants sur ce qu’ils attendent de l’apprentissage d’une leçon,
ainsi que du travail personnel donné aux élèves. La synthèse des réponses montre
que la mémorisation pure est minoritaire dans les exigences des enseignants, qui
attendent plutôt que l’élève, par son travail personnel, soit capable de mobiliser
ce qui a été construit en classe, voire de transférer ces nouveaux acquis dans une
autre situation. Il y a là un malentendu pédagogique avec les élèves, qui eux,
considèrent qu’apprendre une leçon, c’est l’apprendre par cœur, et qui mémorisent
des leçons de SVT ou d’histoire, comme des poèmes, séquence de mots après
séquence de mots, rendant inexploitables ces acquis figés, impossibles à mobiliser
dans une autre situation que celle de mémorisation. Il est primordial de dissiper
ce malentendu sur l’acte d’apprendre, et d’apprendre à apprendre à nos élèves,
en explicitant les objectifs de restitution s’il s’agit de connaissances, d’application
pour les procédures ou de mobilisation pour les compétences.
Voici la synthèse de l’activité de formation proposée à nos collègues d’une
classe de quatrième :

Question posée aux enseignants :


Quand je dis aux élèves d’apprendre une leçon,
qu’est-ce que j’attends d’eux ?
Comprendre
S’approprier le contenu du cours.
Comprendre ce qu’ils font, le but de l’exercice.
Comprendre ce qui a été écrit dans le cahier (définitions, idées générales, exemples).
Ne pas commettre de contresens.
Repérer les mots importants de la leçon.

182
Enseigner des stratégies aux élèves

Acquérir des ressources


• Des connaissances
Mots de vocabulaire et définitions.
Vocabulaire scientifique adéquat et son sens (pas de « par cœur », avec ses propres
mots).
Des formules, des automatismes.
• Des compétences
Une connaissance de soi et de ses capacités.
Repérer, identifier des phénomènes musicaux.
Savoir situer, dater.
Savoir annoter un schéma, dessin, avec des annotations précises (les mêmes que celles
du cours mais pas à la même place).
Des habiletés motrices.
Reformuler, expliquer
Être capable d’expliquer une notion vue en classe.
Remobiliser, transférer
Savoir utiliser ses connaissances pour résoudre un problème.
Utiliser ses connaissances à bon escient.
Être capable de suivre le même raisonnement que celui fait en classe.
Refaire la même chose sur un exercice différent.
Être capable de mobiliser des notions vues en classe pour répondre à une question.
Savoir utiliser les compétences associées à la leçon.
Savoir réutiliser ce qui a été vu en cours.
Savoir réutiliser les notions en situation complexe.
Intégrer les nouveaux acquis comme ressources.
Faire le lien possible avec la vie quotidienne.
Apprendre à apprendre
Être acteur de son apprentissage (faire d’autres exercices, élargir avec des recherches
personnelles).
Être autonome et responsable.
Avoir une posture de mise au travail (physique et mentale).
Savoir expliquer un mécanisme (avec ses mots).
Avoir compris et savoir expliquer.

Si l’on interroge les collègues sur les objectifs pédagogiques du travail donné
à la maison, les premières réponses sont :
– préparer les apprentissages,
– prolonger les apprentissages,
– transférer les apprentissages.
Ensuite seulement viennent :
– s’entraîner et automatiser les procédures enseignées,
– mémoriser les acquis.
Pour les élèves, le travail personnel se réduit à la mémorisation par cœur des
leçons écrites en classe. Ils sont incapables de donner un autre objectif aux devoirs

183
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

donnés à la maison, et certainement pas la structuration des connaissances atten-


due par les enseignants, en vue d’une mobilisation dans une situation nouvelle
de classe, qu’elle soit d’apprentissage ou d’évaluation. Le malentendu persiste.
Il doit être clarifié dans la relation pédagogique de l’élève à ses apprentissages,
car il est à la source des difficultés rencontrées lors de la résolution de tâches
complexes. Les élèves ont du mal à mobiliser des savoirs, qu’ils ont pourtant
pour la plupart acquis, parce qu’ils les ont appris d’une façon figée et isolée qui
empêche toute mobilisation et interaction ultérieures, dans la discipline d’appren-
tissage comme dans une autre discipline. L’approche par compétences pose donc
bien ce problème de ces apprentissages en autonomie des élèves, et de la néces-
sité de les former à cette autonomie.

Des élèves qui travaillent, mais inefficacement

Nous encadrons une remédiation sur l’acte d’apprendre avec des élèves de
quatrième. En discutant avec Allan, nous apprenons qu’il copie chaque propriété
de maths qu’il doit apprendre, jusqu’à ce qu’il ait rempli deux copies doubles. C’est
une technique d’apprentissage qui lui vient de ses parents. Non seulement elle est
chronophage, mais de plus inutile, car Allan, après ses deux copies doubles, et bien
que sachant par cœur sa propriété de maths, ne sait toujours pas l’utiliser dans
les exercices d’application. Il a pourtant travaillé à la maison, mais tout ce travail
semble bien vain.

Des méthodes d’apprentissages à construire


La question de l’autonomie dans le travail personnel à la maison se pose dans
les mêmes termes que celle des activités pédagogiques mises en œuvre dans la
classe. Trop souvent, nous nous contentons de donner un travail sans nous assurer
que les objectifs pédagogiques soient clairs, que les méthodes de travail soient
acquises et que les élèves soient tout simplement en capacité de le faire. Ce travail
donné est souvent moins réfléchi, alors qu’il s’adresse à des élèves en autonomie,
et qu’il faudrait au contraire s’assurer que le désétayage nécessaire à la réalisation
de l’activité soit effectif.
Les élèves arrivent en sixième sans que la gestion du travail personnel ait
été systématiquement enseignée, puisque le travail personnel à l’école primaire
est appréhendé de façon très variable selon les enseignants du premier degré.
Il est donc bien du ressort des équipes enseignantes de sixième d’apprendre aux
élèves à apprendre, et à l’ensemble des enseignants du collège d’accompagner
cet apprentissage, en fonction des nouveaux besoins qui apparaissent au fil des
niveaux de classe. Instaurer un dialogue pédagogique, entre les enseignants,

184
Enseigner des stratégies aux élèves

entre les enseignants et les élèves, entre les enseignants et les parents des élèves,
permet de faire émerger les représentations des uns et des autres sur la gestion du
travail personnel, et d’en clarifier les attentes.

Construire le travail personnel à la maison


Quand on demande aux élèves qui leur a appris à apprendre une leçon,
la plupart désignent leurs parents. Quelques-uns évoquent un enseignant du
premier degré. Très peu citent leurs enseignants de collège. On peut s’interroger
sur l’absence de prise en charge de ces enseignements par des professionnels de
l’éducation, et par l’abandon de tout un pan des apprentissages à des personnes
qui n’en ont pas forcément les compétences. N’est-ce pas aux enseignants
de proposer des activités qui facilitent l’apprentissage des leçons, qui aident les
élèves à la manipulation des notions, à leur répétition, à l’intégration du vocabu-
laire indispensable à la construction de concepts ? Et n’est-il pas de notre respon-
sabilité de nous préoccuper de l’avenir des acquis que nous construisons, et
de poursuivre nos apprentissages jusqu’à la construction de compétences ?

Le difficile consensus sur le rôle des parents…

Depuis cinq ans que nous travaillons dans notre établissement à la mise en place du
socle, nous avons appris à confronter nos valeurs d’enseignants et de correcteurs,
et malgré des positionnements parfois opposés, nous nous sommes prouvé que
tous agissaient dans l’optique d’aider les élèves à apprendre et à grandir. Qu’on
soit sceptique sur la pertinence de l’évaluation chiffrée, ou au contraire de celle par
compétences, qu’on croie en l’efficacité pédagogique de la punition ou de la colle,
qu’on préfère croire en l’autonomie et en la responsabilisation des élèves, toutes les
pratiques mises en place dans l’établissement sont bienveillantes et visent à aider
les élèves à grandir, souvent malgré eux. Elles sont toutes compatibles et les ensei-
gnants peuvent dialoguer, sans être forcément d’accord.
Mais il est un point qui continue à cristalliser les divergences et qui bloque encore la
création d’une parole collégiale qui intègre toutes les opinions : le rôle des parents
dans la scolarité de leur enfant. Or ce point est central dans la prise en charge
des difficultés d’apprentissage des élèves et dans la construction de l’autonomie.
Les parents sont-ils un pendant nécessaire à la construction de ces compétences,
sans lesquels les apprentissages de classe ne peuvent être effectifs  ? Ou au
contraire, l’école doit-elle être capable de faire sans les parents, quand ils ne peuvent
être présents aux côtés de leur enfant, et est-il alors de son ressort d’assumer la
construction de ces compétences indispensables à la future vie de citoyen ? Le débat
reste ouvert. À chacun d’interroger ses convictions.

Des apprentissages disciplinaires


Une fois déterminé et explicité l’objectif du travail donné, on peut enclencher
avec les élèves une réflexion qui aboutira à la proposition de plusieurs stratégies

185
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

pouvant être efficaces pour l’activité demandée. En français par exemple, la ques-
tion de l’apprentissage des leçons est d’actualité jusqu’en troisième, car même
pendant les révisions de brevet, les élèves continuent à se demander ce qu’il faut
apprendre dans cette discipline. Ils se réfugient souvent derrière l’idée fausse
que le français n’est pas une discipline à leçons, pour éviter de se confronter à la
difficulté d’acquisition des notions au programme, et surtout de leur mobilisation
face à un texte littéraire inconnu. Il est intéressant de leur montrer que selon les
évaluations, le travail de révision n’est pas le même.

La fiche suivante est distribuée à des élèves de quatrième, pendant une activité prévue
en début d’année, avant la première évaluation de connaissances programmée.
Elle contient deux extraits de cours, sur deux types de connaissances différentes, qui vont
amener deux types d’évaluations différentes :
– Un cours sur les points de vue du récit : l’élève n’a pas besoin d’apprendre par cœur
les définitions. Il suffit qu’il sache les reformuler avec ses propres mots et, surtout,
qu’il parvienne à les identifier dans un texte. Il y a cependant un travail de mémo-
risation à faire sur les termes spécifiques, « interne, externe, omniscient », qu’il faut
connaître.
– Une fiche-outil sur les terminaisons du passé simple, qu’il faut connaître, mais qu’il
faut être également capable de mobiliser en production.
Chaque extrait de cours est accompagné d’extraits de l’évaluation qui sera donnée pour
vérifier la maîtrise de ces savoirs. Un tableau d’analyse demande aux élèves de réfléchir
à la façon d’apprendre efficacement ces leçons, en fonction des objectifs d’évaluation.

Comment apprendre une leçon en français ?


Exemple n° 1

Le cours à apprendre

Les points de vue du récit


Le point de vue externe : le narrateur est extérieur à l’histoire et à tous les personnages.
Il nous rapporte les faits vus de l’extérieur, sans y apporter de commentaires.
Le lecteur en sait alors moins que les personnages.
Le récit est à la troisième personne du singulier.
Le point de vue interne : on vit l’histoire à travers le regard d’un personnage.
On connaît donc toutes ses pensées, sensations et sentiments.
Le lecteur en sait autant que les personnages.
Le récit peut être à la première ou troisième personne.
Le point de vue omniscient : le narrateur, extérieur à l’histoire, a un savoir illimité
sur toutes les pensées et actions des personnages. Il connaît tout de tous les personnages,
leur passé comme leur avenir. L’auteur peut intervenir directement pour s’adresser au lecteur.
Le lecteur en sait plus que les personnages.
Le récit est à la troisième personne du singulier.

186
Enseigner des stratégies aux élèves

L’évaluation
Indique, pour chacun des textes suivants, le point de vue adopté par le narrateur
et justifie ta réponse.
Texte 1 : Un homme de 35 ans, en deuil, au visage mortellement pâle, descendit.
Sur le perron, de taciturnes serviteurs élevaient des flambeaux. Sans les voir, il gravit
les marches et entra. C’était le comte d’Athol. Chancelant, il monta les blancs escaliers
qui conduisaient à cette chambre où, le matin même, il avait couché dans un cercueil
de velours et enveloppé de violettes, son épouse, Véra.
Point de vue : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Texte 2 : Il se jeta sur un fauteuil et se mit à réfléchir. Tout à coup, comme dans un éclair,
il se rappela les paroles qu’il avait proférées dans l’escalier, le jour où Basil avait fini la toile.
Oui, il s’en souvenait parfaitement. Il avait formulé un vœu insensé : rester toujours jeune,
tandis que vieillirait le portrait. Garder l’éclat de sa beauté, tandis que le visage peint
sur la toile assumerait le fardeau de ses passions et de ses péchés.
Point de vue : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Texte 3 : Ce fut vers la fin du cinquième ou sixième mois de sa retraite que le prince Prospero
gratifia ses mille amis d’un bal masqué de la plus insolite magnificence. Mais d’abord
laissez-moi vous décrire les salles où il a eu lieu. Il y en avait sept, une enfilade impériale.
Point de vue : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La préparation de l’évaluation
Que dois-tu être capable de faire pour réussir l’évaluation ?

Comment peux-tu te préparer ?

Exemple n° 2

Le cours à apprendre
Fiche-outil sur la conjugaison du passé simple
Personnes GR 1 + aller GR 2 + certains verbes du GR 3 + être Tenir + venir
groupe 3 comme prendre, et avoir et leurs compo-
faire, voir, dire sés

Je ai is us ins

Tu as is us ins

Il/Elle/On a it ut int

Nous âmes îmes ûmes înmes

Vous âtes îtes ûtes întes

Ils/Elles èrent irent urent inrent

187
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

L’évaluation
Consignes : tous les passés simples du texte suivant sont faux. Corrige-les :
Candide viva jusqu’à l’âge de dix-sept ans dans le château d’un baron allemand
qui était un de ses parents. Il y fus heureux. Tous étaient aimables avec lui.
Toute son enfance, il se promenit dans le parc, écoutat les leçons de son maître et surtout,
dévorit des yeux Mademoiselle Cunégonde, qu’il trouvait extrêmement belle. Mais, un jour,
il déplaisa au Baron qui le jetit dehors. Il faisait froid. La neige tombait. Il prena le chemin
de la ville, mais il n’avait pas d’argent et souffrait de la faim. C’est alors que deux hommes
habillés de bleu lui offrèrent à boire et à manger. Candide, qui avait un esprit des plus
simples, croya qu’ils le prenaient en pitié.

La préparation de l’évaluation

Que dois-tu être capable de faire pour réussir l’évaluation ?

Comment peux-tu te préparer ?

Ce travail peut être mené dans toutes les disciplines qui se heurtent aux difficultés
d’apprentissage des leçons à la maison. On peut aussi distribuer une fiche-méthode
pour chaque discipline, à faire remplir à la fois aux enseignants et aux élèves, afin
de confronter les méthodes mises en œuvre avec les méthodes attendues.
Cette analyse des représentations est un point de départ pour une discussion
pédagogique autour des apprentissages et peut se prolonger par l’élaboration
de fiches-méthodes par discipline, remises lors des conseils de classe ou des
réunions parents-professeurs, selon les besoins spécifiques des élèves.

Des apprentissages transversaux


Apprendre aux élèves à identifier dans une leçon ce qu’il faut apprendre par
cœur, de ce qu’il faut être capable de reformuler, ou d’identifier dans un document,
est un apprentissage qu’il faut mener en transversalité, pour que les méthodes
construites s’inscrivent dans une réalité quotidienne des élèves. Construire avec
eux les bases d’un travail personnel efficace peut en effet faire l’objet d’une
séquence transversale de travail, en mettant face aux élèves des enseignants dont
les disciplines mettent en œuvre des méthodes de travail similaires ou, au contraire,
des disciplines aux méthodes divergentes, pour des objectifs d’apprentissage diffé-
rents. Nous avons travaillé avec nos élèves sur la création d’une méthode d’appren-
tissage qui les aide à repérer les objectifs essentiels d’une leçon et à mémoriser
les savoirs, dans une perspective de mobilisation ultérieure. Plusieurs étapes sont
à respecter pour un apprentissage efficient :
• Avant la première lecture de la leçon : se demander ce que l’on sait déjà sur
le sujet, et quel type d’évaluation va être proposé.
• Après une première lecture : une première reformulation sur le sujet principal.
Les premières zones d’incompréhension.

188
Enseigner des stratégies aux élèves

• Le lexique de la leçon : noter les mots importants, à définir avec sa propre


formulation. Chercher les mots que l’on ne connaît pas. Copier les mots
importants que l’on ne retient pas.
• Le plan de la leçon. Recopier les grands titres.
• Repérer ce qui est important : les phrases qui donnent les idées essentielles.
Les groupes de mots importants. Les mots-clefs. Les exemples qui plaisent.
• Noter ce qu’on ne comprend pas, pour demander à l’enseignant, à un assis-
tant d’éducation ou à un camarade.
• Une fois ce travail d’analyse achevé  : faire le bilan de ce qui a été retenu
et bien compris. Imaginer quelques questions qui pourraient être posées
dans l’évaluation. Chercher dans quelle autre discipline on peut réutiliser ce
qui a été appris.

À propos des idées importantes de la leçon

Il est à noter que les enseignants donnent fréquemment comme conseil de repérer
les grands thèmes importants de la leçon. Mais cela ne suppose-t-il pas de bien
la comprendre ? Quelle complexité, pour un élève en apprentissage de différencier
ce qui est important de ce qui ne l’est pas ! Mettre en rouge, ou souligner suffit-il
à hiérarchiser, dans l’esprit des élèves les notions les unes par rapport aux autres ?
Quelle place faire à l’exemple qui illustre l’idée, quand on sait l’impact qu’il a sur
l’ancrage des savoirs pour les élèves et quelle difficulté on a parfois à leur faire diffé-
rencier ensuite l’idée de l’exemple !

La mutualisation des stratégies entre les élèves


Quand on travaille le recul cognitif avec les élèves, il est important qu’ils
comprennent que les « bons élèves » le sont parce qu’ils développent des straté-
gies efficaces de travail, qu’il ne s’agit nullement de prédisposition, ni de « gènes
familiaux  ». Les enseignants ont en effet parfois à combattre ces idées reçues,
fortement ancrées dans l’esprit des élèves, et qui leur permettent de se reposer
sur une causalité externe pour expliquer leurs échecs.
Travailler sur une conception de l’intelligence basée sur des stratégies et des
compétences permet d’agir sur l’un des leviers essentiel de la motivation intrin-
sèque de tout apprenant, en lui montrant ce dont il est capable.
Il est donc intéressant, en début d’année, et lors de bilans intermédiaires,
de les interroger sur les pratiques de travail personnel. Les questions posées
aux élèves portent sur :
– leurs disciplines préférées, qui sont souvent celles où ils se sentent le plus
à l’aise dans les apprentissages ;

189
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

– leur profil cognitif dominant : comprennent-ils mieux quand les explications


sont écrites au tableau, quand elles sont présentées sous forme de schémas
ou de tableaux, ou quand le professeur explique à l’oral ?
– leur profil d’apprentissage  : aiment-ils travailler sur des activités qu’ils
maîtrisent bien, ou préfèrent-ils en découvrir de nouvelles ? Sont-ils impul-
sifs ou au contraire réflexifs  ? Aiment-ils être guidés dans leurs apprentis-
sages, ou préfèrent-ils des consignes ouvertes qui les laissent libres de leur
choix ?
– leur stratégie de mémorisation  : écrivent-ils pour retenir  ? Répètent-ils  ?
Sont-ils immobiles ou en mouvement quand ils mémorisent quelque chose ?
– leurs conditions de travail à la maison  : à quelle heure se mettent-ils au
travail le soir ? Apprennent-ils en écoutant de la musique ?
Leur demander pour finir de raconter un cours qu’ils ont bien compris permet
de repérer les activités qui les mettent en situation de réussite. Ces questionnaires
n’ont d’intérêt que s’ils sont communiqués et analysés avec le reste de l’équipe
enseignante, mais surtout s’ils servent de sujet de discussion entre les élèves
d’une même classe. Ils permettent également de constituer, en début d’année,
des groupes d’apprentissage axés sur la mutualisation, en intégrant, dans chacun
de ces groupes :
– un élève qui a des stratégies d’apprentissage efficaces ;
– un élève qui a des stratégies, mais pas le courage de les mettre en œuvre ;
– un élève consciencieux et travailleur en manque de stratégie ;
– un élève en difficulté plus importante de compréhension.
À la question posée, «  comment vérifies-tu que tu sais une leçon  ?  », les
réponses des élèves d’une classe de quatrième se classent en trois catégories :
• Les absences de stratégies : (« Je ne vérifie pas », « Je n’apprends pas mes
leçons », « J’ai retenu quelques mots »).
• Les élèves qui répètent et ceux qui récitent (la frontière étant difficile
à situer entre ces deux types de stratégies). Des variantes existent  : ceux
qui répètent leur leçon dans leur tête, qui se la récitent à eux-mêmes ou à
une tierce personne. Les élèves qui récitent à leurs parents sont ceux qui
sont le plus en difficulté, d’où une certaine incompréhension pour eux de
l’échec qui en découle. Les élèves les plus en réussite travaillent souvent en
autonomie.
• Les élèves qui élaborent des stratégies plus complexes  : ceux qui refor-
mulent, ceux qui refont les exercices, ceux qui préparent des textes à trous,
ceux qui imaginent les questions posées à l’évaluation.
C’est surtout l’axe de reformulation qui est à développer, que ce soit sous
forme de textes, mais également sous d’autres formes de restitution, comme

190
Enseigner des stratégies aux élèves

des croquis, des tableaux ou des cartes mentales, parfois plus porteuses de sens
pour certains élèves. Ces activités de reformulation sont à intégrer dans les pratiques
de classe, sous des formes variées, afin qu’elles deviennent des habitudes de travail
pour les élèves et qu’ils puissent les réexploiter, en autonomie, chez eux.

Des méthodes d’apprentissage


pour construire les notions en classe
Brouillon et recul cognitif : une approche transversale
Un constat est posé  : les élèves de collège ne savent pas faire de brouillon.
Quand ils en font, la production finale en est souvent une réplique quasi identique.
Pourtant, faire un brouillon, le retravailler, l’améliorer, être capable de déplacer
une idée, de changer un exemple, ne sont-ils pas des indicateurs pertinents de
l’autonomie d’un apprenant ?
Ce sont en tout cas les exigences attendues par les enseignants au lycée. Le
brouillon est donc un outil sous-estimé au collège, rarement enseigné en tant
qu’outil cognitif, et pourtant déterminant dans la construction des compétences.
En effet, écrire un texte, quel qu’il soit, implique un travail préalable au brouillon,
appliquer une démarche d’investigation suppose des essais, des analyses et des
réajustements, redonner une place à l’erreur dans les apprentissages suppose une
analyse de celles-ci, et donc une trace de ces erreurs. Le brouillon est le reflet en
mouvement de la pensée en train de se construire, des hésitations des élèves, de
leurs erreurs. Il peut s’agir de textes, d’esquisses, de croquis à main levée. Toutes
les ébauches de réflexion ont une place dans les apprentissages.
Or nous avons finalement, au collège, peu de recul sur les brouillons de nos
élèves, parce que nous ne prenons pas le temps de cet apprentissage transver-
sal. Nos élèves doivent apprendre à utiliser stylos surligneurs et crayons de bois,
à découper, à mettre en valeur les idées des textes dont ils veulent garder trace.
Ces brouillons sont pour les enseignants des indicateurs précieux des améliora-
tions portées par les élèves sur leur propre production. Ils sont, au même titre que
les productions finales, à évaluer dans une perspective formative.
Reste donc à construire avec les élèves la notion de brouillon utile, plutôt que
de dispenser une méthodologie figée du brouillon, qui serait difficile à établir pour
l’ensemble des disciplines, et contradictoire avec la recherche d’une personnali-
sation des stratégies des élèves. Différentes utilisations du brouillon sont à faire
découvrir, que ce soit pour organiser des idées avant une phase de rédaction, ou
pour libérer la mémoire de mots-clefs ou de dates mémorisées. À nous de leur faire
découvrir différentes formes possibles de brouillons, comme la recherche d’idées
sous forme de cartes mentales, par exemple.
Apprendre à apprendre, c’est aussi apprendre à se tromper, à chercher, à
prendre des risques. Mener avec les collègues et les élèves une réflexion sur

191
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

les brouillons est une autre façon d’aborder la construction des compétences
d’autonomie et d’initiative. Encore un prérequis à construire ensemble, pour qu’il
devienne un véritable outil d’apprentissage pour les élèves.

La structuration des savoirs pour une mobilisation efficace


L’introduction des tâches complexes dans les activités de classe a montré que
les élèves sont souvent démunis face à la mobilisation des ressources nécessaires
à leur résolution. Cette difficulté est centrale dans la construction des compé-
tences. Comment donc aider ces élèves à structurer leurs acquis, pour être ensuite
capables de les raviver, grâce à des indices de récupération, et d’adapter leur utili-
sation à une situation différente de celle d’apprentissage ? Comment rendre dispo-
nibles, à tout moment, les différents savoirs disciplinaires intégrés aux ressources
propres de chaque élève ?
Une structuration des notions semble indispensable. Nos élèves comprennent
alors que les connaissances ou procédures enseignées sont destinées à être
exploitées dans d’autres situations, voire dans d’autres disciplines. Demander par
exemple aux enseignants des disciplines scientifiques ou technologiques de lister
les outils mathématiques mobilisés dans leur discipline, ainsi que le moment où
ils seront exploités, permet de rendre transparente, avec les élèves, cette mobilisa-
tion. Tout apprentissage tend vers sa mobilisation, et un savoir acquis sans que sa
mobilisation soit visible, perd l’intérêt induit dans tout apprentissage.

Déconstruire pour complexifier

La conceptualisation des notions est une activité souvent proposée dans les forma-
tions d’adultes. Après avoir fait émerger les représentations du groupe de stagiaires
et les avoir mis en action, dans une activité destinée à bouleverser ces représen-
tations initiales, on procède à un temps de structuration des nouveaux acquis.
Ce dispositif de formation est tout à fait adaptable en classe avec des élèves et indis-
pensable dans l’appropriation des nouveaux savoirs enseignés.
Les élèves restent en effet marqués par les enseignements menés en école primaire,
sans doute parce qu’il s’agit de leurs premiers apprentissages, et parce qu’ils sont
liés à un affectif plus grand. Il est donc souvent difficile, pour un enseignant de
collège, de faire évoluer ou de complexifier ces notions, fortement ancrées dans les
ressources propres des élèves.
Si l’on interroge, par exemple, les représentations des élèves de troisième sur la
poésie, on voit surgir le champ lexical de la récitation, du dessin, de la fête des mères,
c’est-à-dire une conception de la poésie telle qu’elle est enseignée à l’école primaire,
voire maternelle, que n’ont jamais réussi à détrôner trois années de cours de lettres
au collège, au profit d’une conception plus littéraire de ce type de textes.
Il est donc fondamental de déstructurer les premiers apprentissages pour permettre
leur complexification.

192
Enseigner des stratégies aux élèves

La carte heuristique est à ce titre un outil intéressant, car elle permet de donner
une lisibilité dans l’organisation mentale des élèves. Elle permet aussi de confron-
ter les représentations de l’enseignant et celles des élèves sur un même thème,
et de mettre en lumière certains malentendus didactiques difficiles à identifier
si l’on ne visualise pas clairement les attentes de chacun.

Lors d’une séance de structuration en quatrième, en cours de français, sur les acquis
des élèves à la fin d’une séquence sur le siècle des Lumières, chaque élève mobilise et
organise ce qu’il a appris, sous forme de carte mentale. Les élèves mêlent naturellement,
sans que cela leur soit suggéré, ce qu’ils ont appris en cours de français à ce qu’ils ont
appris en cours d’histoire. La carte mentale permet donc une liaison interdisciplinaire
naturelle, puisque l’élève mobilise tout ce qu’il sait sur un thème, faisant fi des frontières
des disciplines.
La carte mentale permet aussi d’inscrire sur un support lisible les connexions que l’élève
fait entre les savoirs, les fausses associations qu’il met en œuvre, les confusions et les
erreurs qu’il construit inconsciemment. C’est un outil pertinent dans la prise en charge
de la difficulté scolaire car elle permet de voir, dans une moindre mesure, ce qui se passe
dans la tête de l’élève, et de lui montrer les objectifs d’une structuration efficace.
Un élève se rend compte, lors de cette activité, que sa carte est très mal organisée, par
rapport à celle de son voisin de table. Il en déduit de lui-même que c’est mal structuré
dans son esprit.

Cette approche de la structuration des savoirs est importante quand on veut


construire avec les élèves des stratégies qui leur donnent prise sur leurs appren-
tissages. Intégrer le vocabulaire nouveau, les procédures et savoirs automatisés,
les processus d’identification et de catégorisation, être capable de hiérarchiser les
informations et de les classer selon une arborescence qui permet leur mobilisa-
tion, c’est créer des connexions multiples dans un réseau de savoirs conséquent
et complexe.
Aider l’élève à mettre en place des stratégies, c’est lui permettre de choisir
consciemment et dans un but précis une sélection de méthodes ou de procédures
qui l’aidera à résoudre le problème donné. C’est lui donner la clef de ses appren-
tissages.

De la différenciation dans les méthodes


Dès lors que l’on travaille les stratégies personnelles des élèves, il est
nécessaire de différencier les apprentissages, en fonction des besoins des
élèves, qui sont tous différents. Le parcours d’apprenant d’un élève est bien un
parcours individualisé, qui demande à être pris en charge comme tel, plus
que son parcours d’apprentissage qui doit répondre aux exigences du socle
commun et des programmes disciplinaires nationaux.

193
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Une auto-évaluation régulière


Comme il s’agit de construire des stratégies personnelles à chaque élève,
il est intéressant de proposer des auto-évaluations régulières aux élèves, sur tout
type d’apprentissage, afin de développer leur propension à interroger et à remettre
en question leurs pratiques, ainsi que leur capacité d’adaptation aux différents
supports ou situations proposés. Ces pratiques d’auto-évaluation, quasi inexis-
tantes dans les enseignements au collège, à part dans certaines disciplines comme
l’EPS, sont pourtant essentielles dans la connaissance que l’élève doit avoir de ses
compétences, de ses points forts et de ses points faibles.
Les élèves, en étant sollicités régulièrement sur différents axes d’apprentis-
sages, développent un recul cognitif qui leur permet d’avoir une réflexion sur
leurs pratiques et, de fait, d’en changer pour élaborer des véritables stratégies
efficientes. Voici quelques exemples d’auto-évaluations pouvant être pratiquées
dans un cadre transversal :
• Un relevé des stratégies d’apprentissage des élèves, ainsi qu’une auto-
évaluation de leur évolution en cours d’année.
• Des auto-évaluations autour de lectures autonomes, issues de réseau de
lecture et ce, afin de développer la connaissance que les élèves ont de leurs
intérêts.
• Une auto-évaluation avant chaque conseil de classe, avec une justification
personnelle de l’élève sur ses acquisitions ou non-acquisitions. Le conseil de
classe peut se positionner ensuite sur cette auto-évaluation pour la valider ou
l’invalider. On implique de cette façon les élèves dans l’évaluation de leur travail.
• Une auto-évaluation de groupe, lors des travaux de groupe.
• Une auto-évaluation suite aux projets menés dans la classe.
• L’auto-évaluation peut également être pratiquée comme levier pour amélio-
rer le climat de travail dans certains cours. On demande en effet à certains
élèves de s’auto-évaluer à l’issue de certaines séances, sur ce qu’il a
appris durant l’heure et ce, afin de mettre l’élève face aux conséquences
d’un comportement perturbateur.
Les élèves adhèrent généralement bien aux pratiques d’auto-évaluation,
même s’il est important d’en construire le sens et l’impact sur les apprentissages.
Sinon les élèves n’y voient que des questionnaires à remplir, sans en comprendre
l’intérêt pédagogique. L’impact sur le développement de stratégies personnelles
est pourtant tangible, et contribue à construire cette autonomie si nécessaire aux
apprentissages.
Voici un exemple de fiche d’auto-évaluation avant un conseil de classe du
second trimestre :

194
Enseigner des stratégies aux élèves

Auto-évaluation pour le second trimestre


Respect du règlement et autonomie dans les apprentissages
Le conseil de classe va évaluer les trois compétences suivantes.
Penses-tu les avoir acquises ?

Compétences Autonomie : Autonomie :   Citoyenneté : connaître  


évaluées s’investir dans être autonome   et respecter les règles  
un projet   dans son travail de la vie collective
individuel

Critères Avoir tenu Avoir son Se mettre Faire Assiduité Respect


de réussite compte matériel rapide- le travail et ponctualité des autres
des conseils pour ment demandé (élèves
du premier travailler au travail à la et adultes)
conseil en classe maison

Acquis/Non
acquis

Justification

De quelles aides aurais-tu besoin au troisième trimestre,


pour progresser ?

Disciplines Tes difficultés

Des besoins différents


La différenciation de la pédagogie ne concerne pas que les apprentissages
au programme. Elle peut aussi s’appliquer à la métacognition. Tous les élèves n’ont
en effet pas les mêmes besoins ni les mêmes profils d’apprentissage, et enclen-
cher une réflexion sur ce sujet permet aux enseignants d’intégrer cette réflexion
transversale dans leurs pratiques disciplinaires.

En heure de discussion pédagogique, nous accompagnons pendant deux semaines


les élèves de quatrième dans les révisions des épreuves communes d’histoire-géographie.
Nous commençons par établir avec les élèves un relevé des notions à revoir et des
repères à apprendre. Très rapidement, les élèves se rendent compte qu’ils n’ont pas tous
les mêmes besoins pour mener à bien ces révisions.

195
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Les élèves les plus en difficulté ont besoin d’être accompagnés dans la reformulation
des idées essentielles de la leçon, dans leur appropriation et dans la mémorisation
d’éléments clés. Les élèves plus à l’aise préfèrent s’interroger mutuellement sur leurs
connaissances et créent des questionnaires sur les leçons pour les élèves plus en difficulté.

Accompagner les élèves dans la construction de ces compétences transver-


sales et de ces stratégies d’apprentissage demande des moyens. Plusieurs ensei-
gnants peuvent intervenir en coenseignement sur la même heure, ce qui permet de
mieux organiser cette différenciation des activités et de rendre la charge de travail
moins lourde, dans un premier temps, pour les enseignants. Le regroupement
interniveaux peut être intéressant quand on travaille sur un niveau d’acquisition
de la compétence précis. En effet, certains élèves de troisième peuvent travailler
avec des élèves de quatrième, s’ils ont besoin de consolider certains apprentis-
sages fondamentaux. Ce type de regroupement permet de travailler avec un élève
au plus près de ce pour lequel il a besoin d’aide, et non plus en fonction de son
niveau de classe.

Des méthodes personnelles à chacun


Certains élèves découvrent avec les cartes heuristiques un outil qui leur donne
prise sur leurs apprentissages et, de ce fait, les remotive. C’est en effet un outil
multifonctionnel, qui facilite la mémorisation, peut être un support pertinent lors
d’un travail de groupe, permet de se représenter la globalité d’une thématique et
de visualiser des zones invisibles de confusions et d’erreurs.
Montrer aux élèves que chacun doit trouver ses méthodes d’apprentissage
ouvre un accès à une autonomie parfois insoupçonnée chez certains élèves
décrocheurs. Travailler avec un cahier d’aide personnalisé, dans lequel un élève
garde ses brouillons, reformule les leçons qu’il apprend sous forme de schémas,
de tableaux ou de cartes mentales, selon ce qui lui convient le mieux, permet de
suivre l’élève dans ses démarches et d’en discuter avec lui. L’entretien d’explici-
tation reste un dispositif pédagogique efficace, même s’il demande du temps de
prise en charge individualisée.

Certains élèves se découvrent des compétences d’oral qu’ils souhaitent consolider. Nous
avons des élèves de troisième qui, lors de revues de projet en technologie, ou en prépara-
tion à l’entretien d’histoire des arts, nous demandent à être filmés pour procéder ensuite,
en groupe, à l’analyse de leur prestation. Nous nous sommes d’ailleurs équipés au collège
de matériel de prise de son convenable, puisque celles des caméras que nous utilisions ne
permettaient pas une analyse pertinente du travail des élèves. On perçoit dans ces achats
le reflet des changements de pratiques opérés au collège par les enseignants comme par
les élèves, grâce au travail de compétences.

196
Enseigner des stratégies aux élèves

Apprendre pour finir à chaque élève de troisième à planifier des révisions


du brevet répond aux exigences des enseignants du lycée qui les recevront
deux mois plus tard. On peut leur faire remplir un planning de révisions sur les
deux ou trois dernières semaines avant le brevet des collèges, non seulement
pour qu’ils prennent conscience de la masse de travail à fournir, mais égale-
ment pour qu’ils recensent et qu’ils organisent le temps qu’ils comptent dédier
à ces révisions.
Les élèves ne savent pas planifier des révisions : c’est une doléance classique des
enseignants, que l’on entend jusqu’au lycée. Or, comme beaucoup de doléances, ne
correspond-elle pas à un prérequis non enseigné ? On demande à un enfant de CE1 de
réviser tout son cahier de leçons, en orthographe, grammaire, conjugaison et mathé-
matiques, la semaine qui précède les évaluations nationales. Mais on ne lui apprend
pas à les planifier sur cette semaine, à répartir les différents apprentissages pour
faciliter le travail de la mémoire, par association de certaines leçons, ou au contraire
en séparant des apprentissages trop proches qui risquent d’être confondus.
La planification du travail personnel n’est pas enseignée à l’école élémentaire,
ni au collège, ni au lycée. Une prise en charge transversale, à un moment de la
scolarité obligatoire, serait certainement nécessaire.

197
11
Communiquer
sur les nouvelles pratiques

S   i le socle commun est un outil pédagogique, le livret de compétences est avant
  tout un outil de communication sur les acquis des élèves à différents stades
de la scolarité obligatoire. Or cet outil, au départ lourd et complexe, a été mal
compris par les enseignants et peu expliqué aux élèves et à leurs parents.
La simplification annoncée du LPC est donc une bonne chose, si elle allège
le travail des enseignants lors de la phase de certification, et qu’elle rend le livret
plus lisible et compréhensible par tous. Mais il faut espérer que cette simplification
n’entraînera pas une perte d’efficacité de l’outil pédagogique, notamment par une
validation « à la louche » des élèves qui ne semblent pas présenter de difficultés
scolaires, mais dont on n’aura pas évalué rigoureusement la capacité à exploiter
leurs compétences.

Une culture propre à chaque établissement


Depuis 2005, les nouveaux axes d’apprentissage, liés à la mise en œuvre
du socle commun ou à l’histoire des arts, ont induit une approche transversale
et interdisciplinaire de certains enseignements. Les chefs d’établissement ont une
marge d’autonomie pour ajuster ces nouvelles pratiques à la culture de l’établisse-
ment. En prenant appui sur les forces en présence et en tenant compte des zones
de réticences, ils peuvent orchestrer les divergences d’opinions, qui ne sont pas
forcément contre-productives dans le débat pédagogique, tant que ces discus-
sions viennent nourrir une réflexion d’équipe sur les dispositifs pédagogiques
à mettre en œuvre. La mise en place de cette transversalité a en quelque sorte
rendu plus visibles le profil et la culture de chaque établissement.

199
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Des cultures d’établissement différentes

Les enseignants remplaçants racontent et diffusent les différences de pratiques


observées d’un établissement à l’autre. En effet, là où les variations de fonc-
tionnement ne concernaient auparavant que les carnets de correspondance,
le système et la hiérarchie des sanctions, le déroulement des conseils de classe et
les coutumes concernant la réunion plénière de prérentrée, elles concernent aussi
les stratégies de mise en œuvre de nouveaux apprentissages interdisciplinaires.
Le socle commun impose des nouvelles variables et contraint les enseignants à
fédérer leurs enseignements autour d’un axe pédagogique commun. Il s’agit en
effet de mettre en place une validation collégiale de compétences, dont certaines
obligent à un croisement des enseignements, de pratiquer une concertation inter-
disciplinaire sur certains apprentissages transversaux, ainsi que sur leur évalua-
tion partagée et de mettre en place une personnalisation des réponses aux besoins
spécifiques des élèves. C’est toute cette variable pédagogique qui diffère d’un
établissement à l’autre et qui exacerbe, beaucoup plus qu’auparavant, la culture
d’un établissement.

Intégrer les enseignants arrivants :


un mode d’emploi de l’établissement
Les documents d’accueil des enseignants arrivants, remplaçants ou nouvelle-
ment nommés, existent déjà dans les établissements. Il peut donc être intéressant
d’y intégrer le fonctionnement pédagogique des nouveaux axes d’enseignements
transversaux, dont la mise en œuvre du socle commun et de l’histoire des arts,
ainsi que les passerelles existantes entre les disciplines. Ce document peut
présenter plusieurs axes représentatifs du travail d’équipe mis en place, notam-
ment dans le cadre des conseils pédagogiques :
• La stratégie de validation certificative. Quand considérer qu’un domaine du
socle est acquis et quand valider l’ensemble d’une compétence générale ?
• Quels moments et quels lieux pour la validation certificative ? Les conseils de
classe ? Des conseils de socle ? Des temps de concertation spécifiques ? Une
validation progressive intégrée aux pratiques ordinaires des enseignants ?
• Quel outil numérique pour l’évaluation par compétences, autre que le LPC,
outil certificatif officiel ?
• Quelle culture des conseils de classe ? Des réunions parents-professeurs ?
• Quelles évaluations communes de compétences ?
• Quelles actions pédagogiques proposées pour la construction de la citoyen-
neté, de l’éducation au développement durable, des compétences d’oral, ou
de l’autonomie des élèves dans leur travail personnel ?

200
Communiquer sur les nouvelles pratiques

• Quelle prise en charge du décrochage de certains élèves  ? Une structure


de remédiation externe, des assistants d’éducation dans les classes lors
de certaines activités nécessitant une différenciation des objectifs ou de
l’encadrement, des PPRE passerelles en sixième, des options interne d’alter-
nance pour les troisièmes en rupture scolaire ?
• Quels dispositifs pédagogiques particuliers pratiqués dans l’établissement ?
Par exemple, des heures interdisciplinaires à l’emploi du temps des élèves,
des projets interdisciplinaires programmés pour l’évaluation de certaines
compétences, des groupes d’apprentissages en œuvre dans certaines disci-
plines, un tutorat pour l’épreuve orale d’histoire des arts, des tutorats entre
élèves, etc.
• Quel temps de concertation pour les enseignants  ? Existe-t-il des heures
blanches, des temps de formation propres à l’établissement, par le biais de
formation d’initiative locale, par exemple ?
• Quelles expérimentations en cours dans l’établissement ?
Ce document d’accueil, ainsi constitué, n’est pas celui d’un collège idéal. C’est
celui d’un collège, comme tant d’autres, qui a réussi à concentrer ses énergies
et ses forces d’action vers l’accompagnement personnalisé des élèves et vers le
dialogue des disciplines.

L’arrivée dans un établissement

Arriver dans un établissement est un événement complexe à vivre, car il faut affron-
ter le contact nouveau avec les élèves, qui cherchent rapidement à savoir qui ils
ont en face d’eux, tout en décodant le fonctionnement et la culture de l’établisse-
ment dans lequel on arrive. Plus les établissements vont développer de stratégies
propres, plus l’adaptation à ces stratégies va être primordiale. De plus, un ensei-
gnant qui arrive dans un établissement se trouve confronté à des choix d’équipe,
notamment en ce qui concerne la construction des compétences transversales, la
préparation de l’épreuve d’histoire des arts, ou l’évaluation collégiale, auxquels
il n’aura pas directement participé et qu’il devra rapidement intégrer, s’il veut lui-
même s’intégrer au travail d’équipe.

Un document commun à tous :


le projet d’établissement

Le projet d’établissement est une vitrine de la pédagogie menée et des objec-


tifs spécifiques de chaque établissement. Il reste encore trop un document propre
aux chefs d’établissement, alors qu’il est la synthèse des actions menées sur le
terrain par les enseignants.

201
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Si le socle commun n’a pas à devenir un axe spécifique de ce projet d’établis-


sement, il doit par contre le traverser de part en part, en filigrane de toutes les
actions menées et recensées. C’est bien alors le gage d’une mise en œuvre effec-
tive du socle sur l’ensemble de l’établissement.
Plusieurs axes, classiquement inscrits dans les projets d’établissement,
peuvent intégrer les nouvelles pratiques induites par la mise en œuvre du socle
commun et l’approche par compétences :
• En ce qui concerne l’évaluation des élèves  : la pratique d’évaluations
diagnostiques, permettant l’individualisation des parcours de remédiation
ou d’excellence, l’intégration effective de l’évaluation par compétences dans
les pratiques d’évaluation de l’établissement, la pratique à tous les niveaux
d’une évaluation motivante, la différenciation des évaluations en classe de
sixième, pour les élèves arrivant sans la maîtrise du palier 2 du socle, ou en
classe de troisième, pour combattre le décrochage scolaire qui menace les
élèves les plus fragiles, toutes ces évaluations contribuent à faire avancer
la réflexion et à combattre l’incohérence des pratiques, au détriment d’un
regard global sur les acquis des élèves.
• En ce qui concerne le suivi individualisé des élèves, peuvent être recensés,
s’ils contribuent à l’acquisition ou à la consolidation des compétences des
élèves, l’accompagnement éducatif, les remédiations proposées, qu’elles
soient externalisées ou intégrées aux séances de correction, les PPRE passe-
relles, les différents ateliers d’aide personnalisée, sous toutes les formes,
les dispositifs anti-décrochage, la collaboration avec des enseignants du
premier degré pour la prise en charge des difficultés liées à la liaison entre
l’école élémentaire et le collège.
Toutes ces prises en charge existent déjà de fait dans les établissements.
Le projet d’établissement peut être un moyen de définir des objectifs communs
explicites et de permettre l’évaluation de leur impact sur les acquisitions de
compétences.

Des documents de communication


propres à l’établissement
Une fiche-projet, qui fait apparaître les compétences
Même s’il est inutile de multiplier des outils de communication, quelques
documents bien pensés peuvent soutenir le changement de pratiques attendu.
Les fiches-projets, qui existent déjà dans les établissements, sous des formes
variées, et qui sont à remplir et à rendre à l’équipe de direction lors d’un projet,
de la venue d’un intervenant extérieur ou d’une sortie scolaire, doivent faire appa-
raître la construction et l’évaluation des compétences du socle, à côté des objec-
tifs pédagogiques souvent déjà précisés. Il ne s’agit nullement d’une ingérence

202
Communiquer sur les nouvelles pratiques

dans les enseignements, mais d’une transparence dans les apprentissages et


dans la construction des compétences attendues par l’action menée.

Lors d’une sortie dans le port de Dunkerque, avec une classe de quatrième, nous avons
cherché à évaluer explicitement le transfert de compétences et la mobilisation de connais-
sances acquises dans le cadre du cours de géographie. Nous avons commencé par lister les
notions construites en classe à propos du port de Rotterdam, pour demander aux élèves
une production finale, à savoir un dépliant touristique du port de Dunkerque, qui prou-
verait la mobilisation de ces connaissances dans la compréhension du fonctionnement
du port visité. C’est bien le transfert de connaissances et de compétences qui est visé
et ces axes pédagogiques, ainsi que les compétences du socle commun évaluées,
sont inscrits dans le document de présentation du projet, aux côtés de son financement
et de son organisation matérielle.

Ces actions mobilisent en effet les acquis des élèves, et il serait dommage
de ne pas en profiter pour les évaluer en situation de mobilisation réelle.

Une fiche-navette pour communiquer


sur les besoins de remédiation des élèves
Dans le cadre d’une remédiation externalisée, proposée à certains élèves
en difficulté d’acquisition repérée, il est important de garder une trace des actions
menées avec les élèves pour lesquels on décide d’externaliser un apprentissage à un
moment donné, afin de pouvoir en mesurer l’impact sur les apprentissages de classe.
La fiche-navette suivante essaie de rendre cette communication entre structure
externalisée et classe plus efficiente.

Fiche-navette de remédiation

Besoins diagnostiqués Items du socle concernés


Niveau d’exigence attendu

Activité de remédiation

Documents à prévoir

Compte rendu de l’heure de remédiation


Points explicités après entretien avec l’élève.
Apports disciplinaires ou méthodologiques.
Observations faites sur le comportement d’apprenants de certains élèves.
Auto-évaluation de l’élève.

203
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Ces remédiations ponctuelles, proposées dans les heures de liberté des élèves,
nécessitent la création d’un document permettant une visibilité de ces disponi-
bilités. Il s’agit en effet de répertorier, en début d’année, les plages disponibles
dans les emplois du temps des élèves et de prévenir les parents, par le biais du
carnet de correspondance, que des remédiations pourront être ponctuellement
proposées aux élèves, selon leurs besoins et difficultés. Voici un exemple de cet outil
de travail, à distribuer à l’ensemble des enseignants.

Plages disponibles pour la remédiation


en quatrième/troisième (extrait)

Jour Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi


Heure

M1 troisième 1 quatrième 2 quatrième 3 (S2) quatrième 3 quatrième 3


(libres en S1 et (hispanisants) quatrième 2 (S2)
remédiations quatrième 3 (S2) (non-latinistes)
français, HG,
maths en S2) troisième 2 (non- quatrième 1
latinistes) troisième 3
(remédiations
français, HG,
maths en S2)

M2 quatrième 1
(germanistes)
quatrième 3 (S2)

M3 troisième 3
(non-
latinistes)
troisième 4
(non-
latinistes)

M4 quatrième 1 quatrième 2 troisième 1


(hispanisants) (non-
troisième 1 latinistes
(non-latinistes)
troisième 2
(non-latinistes)

Ce document permet de prendre connaissance des disponibilités des élèves et


de leur proposer une aide ou un tutorat spécifique sur une compétence lacunaire
ciblée.

204
Communiquer sur les nouvelles pratiques

Il existe encore d’autres moyens de communiquer en équipe dans les établisse-


ments et nous en avons présenté dans d’autres chapitres : la transparence dans les
progressions annuelles, l’harmonisation des critères de réussite pour l’évaluation
des items transversaux, la concertation autour des objets d’étude proposés pour
l’entretien oral d’histoire des arts. Même s’il est inutile de multiplier les outils, au
risque de diluer l’information et de perdre la cohérence transversale, il est impor-
tant que les enseignements et les actes pédagogiques de chacun soient connus et
compris par tous.

Communiquer avec les élèves et leurs parents


Travailler les compétences du socle commun,
en transparence avec les élèves
La transparence dans les enseignements, nécessaire dans la mise en œuvre
du socle commun, l’est autant dans les relations de l’élève avec ses apprentis-
sages. Si l’on forme les élèves à l’approche par compétences et si on leur présente
globalement les compétences attendues à la fin de la scolarité obligatoire, on
les implique davantage dans leur parcours de formation. Il est essentiel qu’ils
comprennent qu’ils sont évalués désormais selon un double système d’évaluation,
et qu’ils perçoivent les spécificités de cette nouvelle évaluation, qu’ils connaissent
de l’école élémentaire. Le changement de pratiques, induit par l’approche par
compétences, est aussi attendu pour les élèves, qui ont à faire face aux tâches
complexes qu’on leur propose dans toutes les disciplines, et à la mobilisation
des ressources qui en découle. Ils ont également à faire face à la transversalité
des apprentissages, et à un nouveau type d’évaluation binaire, qui évalue autant
la mobilisation effective de leurs connaissances, qu’un certain nombre de
capacités ou d’attitudes attendues.
• Qu’attendre donc, concrètement, d’un élève qui travaille par compétences ?
• La compréhension d’une consigne ouverte, qui nécessite l’identification des
savoirs nécessaires.
• La capacité à faire des choix stratégiques.
• Une combinaison de différentes ressources.
• Une réflexion cognitive et une verbalisation autour des démarches de
résolution entreprises, ainsi qu’une analyse des résultats obtenus.
• Une interrogation des erreurs commises.
• La capacité à travailler selon divers dispositifs de recherche ou d’échanges.
Il est donc indispensable de présenter le livret personnel de compétences aux
élèves, à leur arrivée en sixième au collège, mais également au début de chaque
année scolaire, et notamment en début de troisième, pour leur donner une lisi-
bilité assez nette dans les attentes liées à la validation des compétences. Cette

205
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

présentation peut être faite, en heure de vie de classe, par exemple. Il est, à notre
avis, inutile d’insister sur le détail des items, même si certains items, à la portée
interdisciplinaire ou prédictifs de réussite, comme les items de la compétence
de maîtrise de la langue française, ceux qui constituent la démarche scientifique
et technologique, les items d’histoire des arts ou ceux de la compétence d’auto-
nomie et d’initiative, qui relèvent du parcours personnel de l’élève, peuvent être
« décodés », pour que les élèves en perçoivent bien l’enjeu.
Il est surtout important que les élèves comprennent qu’il existe dans le livret
des compétences disciplinaires et des compétences transversales. Qu’ils sachent
également en quoi l’évaluation par compétences se différencie et complète l’éva-
luation chiffrée traditionnelle. Les élèves doivent construire une représentation
des compétences, qui associe ressources disciplinaires et mobilisation en tâche
complexe. C’est déjà le premier des apprentissages de cette mobilisation.

Qu’est-ce qu’une compétence pour les élèves ?


Si l’on interroge des élèves de collège sur leurs représentations de la compétence,
on constate qu’elles s’affinent entre la classe de sixième et celle de troisième, ce qui
montre bien que la notion est complexe à construire, mais qu’elle évolue et se clarifie
quand le travail par compétences est effectif dans un établissement.
En fin d’année de classe de sixième, à la question « Qu’est-ce qu’une compétence ? »,
les élèves répondent :
– Une leçon acquise.
– Quelque chose que l’on doit savoir faire.
– C’est quelque chose pour juger son travail.
– C’est une phrase qui montre notre niveau.
– C’est une consigne à laquelle on doit obéir.
– C’est une case pour cocher qui sert à savoir si je sais la compétence.
– Des choses que l’on a quand on travaille bien.
La notion est donc très floue. Elle est bien associée à l’évaluation de ce que les élèves
savent faire, mais ils ne semblent pas impliqués dans leur construction.
À la même question, des élèves de troisième répondent :
– C’est quelque chose qu’on est capable de faire.
– Réussir à acquérir quelque chose.
– C’est un geste que tu réussis correctement et qu’on te valide.
– Un savoir-faire acquis.
– C’est des choses qu’on a vues en cours et qui sont validées dans plusieurs matières.
– C’est quelque chose quand on a réussi un travail.
– C’est une chose qui prouve qu’on a fourni l’effort de réussir.
– Quelque chose qui n’est pas une leçon que l’on ne peut pas apprendre dans un cahier.
– Il faut avoir toutes les compétences pour le brevet.
– C’est une chose qui permet d’évaluer sans note.
– Une acquisition d’« atouts » ou de connaissances.
– Une compétence, c’est une chose qui est validée par plusieurs professeurs quand
elle est acquise.
– C’est ce qui aide à savoir ce que nous sommes capables de faire.

206
Communiquer sur les nouvelles pratiques

Comme on peut le constater, les réponses des élèves de troisième montrent


une implication plus forte dans la construction des compétences, puisque c’est bien
eux qui doivent en prouver l’acquisition. Le double système d’évaluation semble
également accepté. La transversalité ou l’interdisciplinarité de certaines compé-
tences sont perçues. La mobilisation des ressources est visible dans l’utilisation
des mots «  geste à réussir  », «  atouts ou connaissances  », «  absence de leçons
à apprendre »

Il est également possible de distribuer dans chaque discipline un référentiel


contenant une sélection d’items travaillés au cours de l’année, afin de donner une
lisibilité aux élèves dans la construction et l’évaluation progressive de ces items.
Ces référentiels contiennent à la fois les items disciplinaires relevant de la disci-
pline en question, et les items transversaux travaillés à travers les pratiques de
classe. Il est intéressant de laisser une place pour que l’élève inscrive les activités
qui lui ont permis de travailler les dites compétences.
Voici un exemple de référentiel distribué en classe de français en quatrième.
Le choix de l’enseignante a été de lister les critères de réussite de chaque item,
afin que les élèves comprennent comment ils sont évalués. Les items sélectionnés
correspondent à la fois à l’articulation des programmes de français et du socle
commun, et aux pratiques de classe mises en œuvre par l’enseignante.

Référentiel français quatrième (extraits)

Compétences du socle commun Critères de réussite Acquis


travaillées en cours de français
COMPÉTENCE 1 : La maîtrise de la langue française
Lire

Adapter son mode de lecture Lecture d’un texte inconnu, d’une dizaine
à la nature du texte proposé de lignes, en registre courant.
et à l’objectif poursuivi. L’élève a une lecture fluide (sans buter
sur les mots et en respectant la ponctuation)
et expressive (en mettant le ton).

Utiliser ses capacités de raison- Reconnaître le type de texte proposé.


nement, ses connaissances S’appuyer sur les indices d’un texte
sur la langue, savoir faire appel pour construire le sens (temps verbaux,
à des outils appropriés connecteurs spatio-temporels, pronoms
pour mieux lire. et autres substituts lexicaux, chronologie).
Savoir se repérer dans un texte
à la chronologie bouleversée (retours
en arrière, anticipations, ellipses).
Repérer les champs lexicaux dominants
du texte.

207
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Dégager, par écrit ou oralement, Comprendre le sens général d’un texte lu,
l’essentiel d’un texte lu. d’une émission entendue, d’une exposition
vue, d’un discours audiovisuel,
d’un conférencier lors d’une rencontre.
Être capable de le reformuler
avec ses propres mots.

Comprendre un texte à partir Comprendre et reformuler les idées explicites


de ses éléments explicites et implicites d’un texte.
et des éléments implicites Utiliser la chronologie d’un récit
nécessaires. pour en comprendre le sens.

Manifester sa compréhension Savoir lire plusieurs types de textes


de textes variés, par des moyens dans toutes les disciplines
divers. et sur des thèmes variés.

Écrire

Reproduire un texte sans erreur Copier un texte sans faute.


et avec une présentation adaptée. Recopier un cours au tableau sans faute.

Écrire lisiblement un texte, Écrire un texte sous la dictée


sous la dictée ou spontanément, (traces de cours, synthèses de cours).
en respectant l’orthographe Écrire spontanément des textes courts.
et la grammaire.

Rédiger un texte bref, cohérent Écrire un texte narratif, descriptif


et ponctué, en réponse avec des dialogues, d’une vingtaine de lignes.
à une question ou à partir Écrire une courte explication d’un phénomène,
de consignes données. un texte organisé en paragraphes,
la suite d’un texte, une lettre simple
pour expliquer ou justifier un point de vue.
Savoir améliorer ses textes
à partir des remarques données.

[...]

COMPÉTENCE 4 : Maîtrise des techniques de l’information et de la communication

C2-7 Je mets mes compétences S’investir dans un projet de groupe.


informatiques au service Contribuer à l’avancement d’un projet
d’une production collective. transversal.

C3-1 Je sais modifier la mise Utiliser un traitement de texte.


en forme des caractères
et des paragraphes, paginer
automatiquement [...]

[...] [...] [...]

208
Communiquer sur les nouvelles pratiques

COMPÉTENCE 5 : La culture humaniste

Avoir des connaissances Situer un texte ou une œuvre à l’intérieur


et des repères relevant d’un genre (récit, poésie, théâtre).
de la culture littéraire : Connaître des auteurs et des œuvres.
Œuvres littéraires du patrimoine.

Relevant de la culture artistique : Savoir analyser une image, un tableau,


œuvres picturales, musicales, une photographie, un film.
scéniques, architecturales ou
cinématographiques du patrimoine.

[...] [...] [...]

COMPÉTENCE 6 : Compétences sociales et civiques

Connaître le fonctionnement Comprendre le fonctionnement


et le rôle de différents médias. de la presse écrite.

COMPÉTENCE 7 : Autonomie et initiative

Être autonome dans son travail : Planifier son travail sur la semaine.
savoir l’organiser, le planifier, Élaborer un dossier, faire des recherches
l’anticiper, rechercher et sélec- au CDI ou sur Internet.
tionner des informations utiles. Rectifier une erreur en suivant des conseils.
Faire un brouillon efficace.

Identifier ses points forts Apporter ses compétences en travail


et ses points faibles de groupe.
dans des situations variées. Savoir expliquer aux autres.
Identifier les domaines où on a besoin d’aide.
Savoir s’auto-évaluer avant les conseils
de classe.

S’engager dans un projet Faire un exposé.


individuel. Travailler sur son orientation : PDMF.
Tenir compte des remarques
du conseil de classe.

S’intégrer et coopérer S’investir dans les projets menés en classe


dans un projet collectif. (projet opéra, etc.).
Savoir travailler en équipe.
Prendre l’avis des autres, échanger.
Savoir se répartir les rôles.
Savoir constituer un groupe.
Savoir profiter du travail de groupe
(avis des autres, gain de temps, partage
des compétences).

209
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Présenter le double système d’évaluation aux parents


Il est important que les parents comprennent l’articulation de ce double système
d’évaluation, ainsi que l’intérêt de l’approche par compétences et son égale impor-
tance à l’évaluation chiffrée traditionnelle. Faire prendre conscience aux parents
qu’avoir acquis un item dans une discipline ou lors d’un projet est aussi, voire plus
complexe, pour un élève, qu’avoir une bonne note à un contrôle de connaissances
est primordial pour faire une place à ce nouveau type d’évaluation au collège.
Or il n’est pas facile de communiquer sur les acquisitions du socle commun
avec les parents, à cause de la complexité des libellés de certains items, de la
transversalité de certaines compétences et l’approximation parfois des critères
de réussite pour certains items. Imprimer de façon prématurée, avant la fin de
l’année, un bulletin de compétences non retravaillé, directement à partir du LPC
ou de tout autre logiciel d’évaluation par compétences, ne risquerait qu’affoler les
parents, puisque les compétences se construisent dans la durée, que les rythmes
d’acquisition des élèves sont variables et que les enseignants ne sont pas encore
toujours au point sur le changement de pratiques que cela nécessite.
Pourtant, un bulletin de compétences s’impose, dès lors que l’approche par
compétences est intégrée aux pratiques des enseignants, puisque les moyennes
de notes ne vont plus être représentatives de l’ensemble du travail mené dans
la classe. Elles seront pertinentes pour l’évaluation de connaissances, voire de
certaines procédures, mais inadaptées à l’évaluation de la mobilisation en tâche
complexe.
Le conseil pédagogique peut être l’endroit idéal pour se pencher sur cette
problématique, et pour créer au sein de l’établissement, un bulletin de compé-
tences qui soit le reflet du changement de pratiques enclenché.

Un bulletin de compétences à la fin d’un projet


On peut envisager de remplir un bulletin de compétences, après un projet,
disciplinaire ou interdisciplinaire, ou une série d’activités mettant en œuvre des
compétences et ayant permis leur évaluation. Ce bulletin correspond en quelque
sorte à une moisson de compétences, à un moment donné. Il est important de
le rattacher aux contenus d’apprentissages dispensés et de montrer aux parents
comment la mobilisation des acquis a été observée.

Le bulletin de compétences suivant a été distribué aux parents suite à un projet d’his-
toire des arts en quatrième, incluant cinq disciplines. Les élèves ont travaillé pendant
deux semaines en groupes et ateliers de compétences, et ont présenté une prestation
alliant plusieurs arts et un entretien oral pendant lequel ils défendaient les choix qu’ils
avaient effectués pour répondre à la consigne de l’activité.
Ce projet a permis de pratiquer l’évaluation d’un grand nombre d’items. Ils sont
répertoriés et classés dans le bulletin selon trois axes : les items disciplinaires travaillés

210
Communiquer sur les nouvelles pratiques

dans le cadre de la classe, les items mobilisés dans une perspective interdisciplinaire
pendant le projet et les items transversaux liés à la pédagogie de projet proposée.
Le projet portait cette année-là sur l’étude de la nouvelle Carmen, de Mérimée et sur
son adaptation en opéra par Bizet, avec toutes les contraintes techniques et artistiques
liées à la mise en scène d’un spectacle vivant. Les disciplines concernées étaient le fran-
çais, l’éducation musicale, l’espagnol, la technologie et l’EPS.

Évaluation des acquis construits lors le projet

Items du socle Critères de réussite Acquis


Items construits et évalués dans le cadre des cours disciplinaires

C5 : Connaissances relevant de la culture L’élève est capable de lire


littéraire : œuvres littéraires la nouvelle de Mérimée, en étant
du patrimoine. accompagné, de comprendre
sa structure et la construction
des personnages.

C5 : Situer des événements, L’élève est capable de situer


des œuvres littéraires ou artistiques, l’œuvre dans son contexte
des découvertes scientifiques historique.
ou techniques, des ensembles Il connaît quelques éléments
géographiques. autobiographiques de Mérimée
et de Bizet et est capable
de les situer chronologiquement.

C5 : Connaître et pratiquer diverses Il connaît les caractéristiques


formes d’expression à visée de l’écriture narrative et celles
littéraire. de l’écriture théâtrale.
Il est capable de transposer
un passage de l’histoire
dans une forme narrative
ou théâtrale.

C5 : Connaître et pratiquer diverses L’élève interprète un air d’opéra


formes d’expression artistique. en jouant sur la formation
C5 : Connaissances relevant (soliste/chœur).
de la culture artistique. Il connaît le titre de l’œuvre,
du compositeur, des dates.

C5 : Connaissances relevant de la culture Il situe la Carmen de Carlos


artistique. Saura.
C2 : Parler en continu. Il sait parler de l’historique
du flamenco et des différentes
étapes de la corrida.
Il est capable de s’exprimer
de manière audible sur un sujet
qu’il connaît (prononciation,
accentuation, intonation).

211
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Items transversaux
C7 : Être autonome dans son travail : Planifier le travail à faire,
savoir l’organiser, le planifier, en classe, dans les ateliers
l’anticiper, rechercher et sélectionner de préparation, à la maison.
des informations utiles. Cet item est évaluable à travers
le carnet de mise en scène.

C7 : S’intégrer et coopérer Une répartition dans les groupes,


dans un projet collectif. qui exploite au mieux
les compétences de chacun.
La répartition du travail
et l’investissement
dans le travail de groupe.
Une assiduité impeccable,
pour ne pas freiner le travail
des autres membres du groupe.
C7 : Manifester créativité, curiosité, L’élève est motivé et à participer
motivation. activement au projet.
Il a fait preuve de créativité
et a su se détacher des guides
et aides des enseignants.
C7 : Assumer des rôles, Les élèves prennent la main
prendre des initiatives sur le projet, mettent en valeur
et des décisions. leurs idées.

L’évaluation sur l’entretien oral

Items du socle Critères de réussite Acquis


C1 : Développer un propos Les élèves ont réussi à construire
en public sur un sujet un diaporama qui différencie texte écrit
déterminé. et parole dite.
Les élèves ne lisent pas leurs notes.
Les élèves s’expriment clairement.
Ils ont préparé leur entretien.
Ils se sont bien réparti la parole
dans le groupe.
Ils parviennent à justifier les choix
de mise en scène.
C1 : Adapter sa prise Les élèves s’adressent au jury clairement
de parole à la situation et correctement.
de communication. Ils sont capables de répondre
aux questions posées.
C1 : Écrire lisiblement un texte, Il y a eu un effort de fait au niveau
sous la dictée ou de l’orthographe dans le diaporama
spontanément, en présenté au jury.
respectant l’orthographe
et la grammaire.

212
Communiquer sur les nouvelles pratiques

Items du socle Critères de réussite Acquis

C3 : Démarche Analyse du carnet de mise en scène


technologique. et du cahier des charges.

Rechercher, extraire L’élève repère un problème de liaison


et organiser l’information déjà étudié sur la maquette de portail
utile. automatique.

Réaliser, manipuler, L’élève pratique des mesures.


mesurer, calculer, L’élève réalise un croquis de la pièce
appliquer des consignes. à fabriquer.
L’élève réalise sa pièce en toute sécurité.

Raisonner, argumenter, L’élève a bien tenu compte


pratiquer une démarche des contraintes de mise en scène.
expérimentale ou Il a répondu à ces contraintes
technologique, démontrer. par des choix techniques appropriés.
L’élève détermine les phases
de fabrication de sa solution.

Exploiter les résultats : L’élève explique son montage et le mode


de fixation qu’il a choisi.

Présenter la démarche L’élève explique les degrés de liberté


suivie, les résultats obtenus, du décor, ceux qu’il doit supprimer.
communiquer à l’aide Il justifie les assemblages utilisés,
d’un langage adapté. les dimensions reportées sur le dessin.
L’élève utilise la représentation en 3D
de sa réalisation pour justifier les formes
et les dimensions de sa réalisation.

C5 : Être sensible aux enjeux Il comprend la symbolique


esthétiques et humains du personnage de Carmen
d’un texte littéraire. et le tragique de l’histoire d’amour.

C5 : Établir des liens entre Il connaît la trame narrative de l’œuvre


les œuvres (littéraires, et est capable de voir les variations
artistiques) pour mieux avec celle de l’opéra.
les comprendre.
Il est capable de présenter
les personnages principaux de la nouvelle
et voir les similitudes et les différences
avec les caractères de l’opéra.

C4 : Organiser la composition Les élèves ont construit un diaporama


d’un document, prévoir qui illustre bien leur propos
sa présentation en et qui présente clairement
fonction de sa destination. les axes travaillés.

213
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Bulletins de compétences à la fin d’une année


Un bulletin de compétences n’est pertinent que s’il apporte une évaluation
complémentaire au bulletin de notes traditionnel. Il n’est indispensable qu’une
fois que le changement de pratiques est opéré, mais il peut être aussi un levier
pour enclencher ou renforcer ce changement de pratiques. Les moyennes de notes
deviennent rapidement insuffisantes et non représentatives de l’ensemble du
travail mené en classe, dès lors que les élèves sont confrontés à des situations de
classe évaluées par compétences. Cela dit, l’impression du LPC ou de tout autre
référentiel de compétences, sans appréciation ou explicitation des situations
de classe mises en œuvre, ne peut permettre une véritable discussion avec les
familles sur les compétences des élèves.
Il est préférable de cibler des items transversaux, représentatifs de l’investis-
sement de l’élève dans son parcours d’apprenant et qui viennent compléter l’éva-
luation chiffrée du travail à chaque trimestre. Les items suivants sont intéressants
à commenter dans un bulletin de compétences :
• Évaluer l’autonomie : « S’intégrer et coopérer dans un projet collectif », item
qui évalue la capacité des élèves à travailler en groupe les uns avec les autres
et à gérer toutes les problématiques induites par ce dispositif pédagogique.
• « Manifester créativité, curiosité, motivation », item qui permet de valoriser
tout investissement des élèves dans les apprentissages dans le cadre de
la classe ou de l’établissement, notamment dans un lieu d’apprentissage
comme le CDI.
• « Être autonome dans son travail », item qui évalue la construction de l’auto-
nomie dans les apprentissages.
• «  Identifier ses points forts et ses points faibles dans des situations
variées  », item qui participe à la construction du recul cognitif nécessaire
à tout apprentissage.
• Évaluer une démarche scientifique ou technologique. Ce domaine de compé-
tences relève typiquement de l’approche par compétences et mérite qu’on
pose, sur son évaluation, un regard interdisciplinaire spécifique, cohérent et
concerté entre les disciplines qui contribuent à sa construction.
• Évaluer certains items de maîtrise de la langue  : «  Manifester, par des
moyens divers, sa compréhension de textes variés », item qui permet d’éva-
luer l’autonomie de lecteur des élèves, et leur capacité à garder un contact
avec l’acte de lire après la scolarité obligatoire.
L’évaluation de ces items, dans un bulletin de compétences remis en fin
d’année aux parents, est possible si elle s’appuie sur des pratiques de classe
quotidiennes et sur un fonctionnement de l’établissement qui permet l’évaluation
des apprentissages transversaux. Ce bulletin intègre également les appréciations

214
Communiquer sur les nouvelles pratiques

du professeur documentaliste, sur les pratiques de lecture spontanée des élèves,


et celles des assistants d’éducation, témoins du comportement d’apprenant des
élèves en salle d’étude. C’est en cela qu’il est à la fois un levier et un reflet du
changement de pratiques des enseignants, comme des élèves.

Nous présentons les bulletins de compétences de deux élèves de quatrième, au profil


différent, et pour lesquels le bulletin de compétences apporte une évaluation complé-
mentaire pertinente de celle du bulletin de notes. Les appréciations ont été portées sur
ce bulletin par le professeur principal, après consultation des autres enseignants de
la classe. Il a été remis en mains propres aux parents en fin d’année scolaire, afin de
pouvoir en expliciter les enjeux et en justifier les appréciations.
Le premier bulletin présenté est celui d’un élève dont la moyenne générale est au-dessus
de 16/20, sans difficulté d’apprentissage particulière, mais qui est peu actif en classe,
qui se complaît parfois dans une certaine langueur et une passivité qu’il revendique,
et qui ne voit pas pourquoi il investirait son énergie dans des activités de classe qui ne
correspondent pas à ses représentations des apprentissages.

La quatrième 2 est une classe dans laquelle les enseignants ont mis en place
cette année plusieurs actions et projets interdisciplinaires. Ces projets, menés en
groupe, ont fait l’objet d’évaluations de compétences, et ont pour objectif de faire
travailler les élèves autrement en leur apprenant notamment à utiliser ce qu’ils
apprennent en classe dans des situations différentes.

Bulletin de compétences

Compétences développées Appréciations de l’équipe enseignante

Travail de groupe A. semble désemparé en activité de groupe et se contente


souvent de travailler seul, sans utiliser les possibilités
de mutualisation entre élèves. On a l’impression
que ces activités lui conviennent mal, et pourtant,
il s’agit de compétences importantes à développer.

Manifester de la curiosité, Il n’a pas semblé adhérer aux projets interdisciplinaires


de la créativité proposés. Il a fait ce qu’il avait à faire, parce que
et de la motivation c’est un élève consciencieux, mais en avouant y trouver
peu d’intérêt. C’est dommage, car il avait la possibilité
d’exprimer ses talents créatifs sous plusieurs formes
et à plusieurs reprises.

Être autonome A. est tout à fait autonome dans son travail personnel,
dans son travail mais devra faire attention à être capable de mobiliser
toutes ses ressources dans des situations variées, qui
demandent parfois une prise d’initiative plus marquée.
En étude, le comportement d’A. reste passif. Il ne se met
au travail ponctuellement que si on le lui répète,
sinon il rêvasse, attendant que le temps passe.

215
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Compétences développées Appréciations de l’équipe enseignante


Construire A. semble avoir oublié qu’il est aussi en classe
une démarche scientifique pour construire des compétences scientifiques
et technologiques. Il faudra travailler sérieusement
sur ce point l’année prochaine.
Devenir un lecteur autonome A. est un lecteur qui connaît ses goûts et est capable
de se confronter à tous les types de lecture
Par contre, son attitude au CDI a changé durant l’année :
Avant il empruntait beaucoup, mais maintenant,
il se contente de venir à la récréation en « touriste »,
sans être finalement très impliqué et constructif.
Savoir A. reconnaît mettre parfois un peu de temps
s’auto-évaluer à se mettre au travail en classe : il semble souvent fatigué
et le verbalise. Il est cependant parfois vite défaitiste
et ne cherche pas à analyser plus finement la cause
de ses difficultés

Ce bulletin, complémentaire des évaluations chiffrées de connaissances et de


procédures, témoigne du comportement d’apprenant que l’élève met en œuvre au
sein de l’établissement. Pour les parents de cet élève, à qui les « félicitations » ont
été refusées, malgré une moyenne générale au-dessus 16/20, le bulletin a permis
de prendre conscience de l’attitude de leur enfant face au travail et de soutenir
l’équipe enseignante dans son refus des félicitations. Le changement de pratiques
est aussi à enclencher chez les parents.
Le second bulletin présenté est au contraire celui d’une élève en grande diffi-
culté, qu’il est difficile de valoriser si l’on s’en réfère au seul bulletin de notes. Le
bulletin de compétences souligne pourtant un investissement dans certains axes
d’apprentissage et donne une autre appréciation du travail de cette élève.

Bulletin de compétences

Compétences développées Appréciations de l’équipe enseignante


Travail de groupe K. participe au travail de groupe en se proposant
de prendre des notes, mais elle reste en retrait
dans l’échange et la confrontation d’idées.
Manifester de la curiosité, K. peut être intéressée et très attentive en classe,
de la créativité et de la motivation comme elle peut se désintéresser des activités de classe
et s’isoler. Elle a prouvé à plusieurs reprises qu’elle était
capable de s’investir dans les projets de classe. Il faudra
être plus régulière sur ce point l’année prochaine.
Être autonome K. doit approfondir ses stratégies d’apprentissages.
dans son travail Ce travail sera plus efficace si elle est volontaire.
Son comportement s’est néanmoins nettement
amélioré au fil de l’année en salle d’étude.
Elle a su prouver qu’elle savait se mettre au travail
et tirer profit de l’organisation de l’étude pour
travailler en groupe avec certains camarades.

216
Communiquer sur les nouvelles pratiques

Compétences développées Appréciations de l’équipe enseignante


Construire La démarche d’investigation n’est pas du tout acquise
une démarche scientifique et devra être travaillée très sérieusement l’année
prochaine.
Devenir Les compétences de lecture seront à développer
un lecteur autonome l’année prochaine, car K. n’a pas toujours lu
les œuvres obligatoires au programme.
Mais elle fréquente cependant d’elle-même
très souvent le CDI et y emprunte beaucoup de livres
pour son plaisir personnel. Ce qui est très bien
et encourageant.
Savoir K. reconnaît ne pas travailler. Elle a du mal à identifier
s’auto-évaluer ce qui empêche la compréhension dans certaines
disciplines. Il faudra affiner cette analyse l’année
prochaine.

Même lorsqu’ils sont en adéquation avec l’évaluation des acquis du bulletin de


notes, les bulletins de compétences apportent toujours une évaluation pertinente
de l’exploitation que les élèves font de leurs compétences et de leur comporte-
ment d’apprenant sur le lieu d’apprentissage qu’est le collège. Ils sont d’une lisi-
bilité pertinente pour les parents et permettent d’enclencher une autre discussion
pédagogique avec les élèves, centrée, non plus sur leurs seuls résultats, mais
aussi sur leurs stratégies cognitives.

Des réunions parents-professeurs-élèves interdisciplinaires


Si l’on pousse encore plus loin cette logique de l’évaluation globale des acquis
des élèves, il est pertinent de réorganiser les réunions parents-professeurs, et
de combattre, comme dans les pratiques de classe, le cloisonnement des avis,
afin de donner plus de cohérence au bilan posé sur le travail et le comportement
d’un élève.

Dans une classe de quatrième, nous avons proposé aux parents des élèves de les rencon-
trer, non pas successivement et en rendez-vous individuels, mais collectivement en
équipe interdisciplinaire. L’objectif de ces rencontres est de montrer la cohérence des
enseignements dispensés et la légitimité de l’évaluation collégiale portée.
Plusieurs dispositifs de rencontre ont été expérimentés.
Au premier trimestre, l’équipe enseignante reçoit chaque élève, accompagné de ses
parents. Ce type de rencontre ne permet cependant pas de discussion individuelle avec
les enseignants et réduit la part d’intimité recherchée par certains parents. Mais cela
permet de donner une forte impression de concertation et de collaboration entre les
disciplines. La feuille de route, préparée en amont et complétée avec les conseils donnés
par les enseignants, est donnée aux parents à cette occasion.
Au deuxième trimestre, chaque élève et ses parents sont reçus par une équipe
restreinte d’enseignants, constituée d’un représentant par pôle (un enseignant du pôle
scientifique, un enseignant du pôle humaniste, un enseignant du pôle linguistique, un

217
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

représentant de la vie scolaire ou l’enseignant d’EPS). Les différents pôles disciplinaires


ou transversaux sont alors représentés et la discussion peut s’engager, plus personnel-
lement et plus finement autour du travail de l’élève. La feuille de route est écrite avec
l’élève et ses parents, dans un souci de mutualisation des informations sur le travail
de l’élève et dans l’esprit du contrat de progression parfois mis en place dans certains
établissements. Cela permet d’intégrer les parents à la recherche des leviers pour aider
l’élève dans ses apprentissages.
Au troisième trimestre, un parcours entre les différents pôles de compétences est proposé
à l’élève et à sa famille, selon les besoins des élèves (Un pôle scientifique, un pôle huma-
niste, un pôle linguistique, un pôle stratégies d’apprentissage et un pôle vie scolaire).
Le bulletin de compétences est remis aux parents à cette occasion.
La professeur-documentaliste, l’assistant d’éducation référent du niveau de classe, la
CPE et le principal-adjoint participent à ces réunions, qui ont eu un impact fort sur
la présence des parents au collège. Trois réunions ont été organisées dans l’année, et
à chaque fois, la quasi-totalité des parents s’est déplacée pour discuter avec l’équipe
enseignante.

Ces réunions permettent de parler compétences avec les parents, de leur


apprendre à lire un bulletin de compétences et de leur expliquer comment l’éva-
luation par compétences complète l’évaluation chiffrée.

Une évaluation par compétences à présenter aux parents

Lors des formations que nous assurons sur la mise en place du socle commun et de l’ap-
proche par compétences, les enseignants nous font souvent part de la responsabilité
des parents dans la suprématie des notes à l’école. D’après eux, ce sont les parents
qui les réclament et qui en posent la légitimité. C’est certainement vrai, puisque
les parents, quand ils ne sont pas enseignants eux-mêmes, ne connaissent que les
notes, comme barème d’évaluation des acquis. Ils ont cela dit été habitués à l’école
maternelle et à l’école élémentaire à la remise de bulletins de compétences à la fin
des années scolaires. Mais il est essentiel de leur expliquer les spécificités de ce
nouveau système d’évaluation au collège, et c’est notamment lors des réunions-
parents-professeurs qu’il est possible de présenter les changements de pratiques
induits par le socle commun.

Construire la continuité pédagogique


école-collège-lycée
Croiser les pratiques entre école élémentaire et collège
La liaison autour des paliers 2 et 3 du socle commun permet de reposer la ques-
tion de la continuité des apprentissages et des niveaux à construire dans la maîtrise
des compétences. Elle repose la question des pédagogies mises en œuvre, aux

218
Communiquer sur les nouvelles pratiques

différents niveaux de la scolarité d’un élève, et des mutualisations possibles


autour de ces pédagogies. Au collège, la mise en œuvre du socle commun a appelé
une différenciation plus grande des objectifs et des supports, comme il est de
mise à l’école élémentaire, même si les problématiques du collège ne sont pas les
mêmes, notamment à cause du cloisonnement des apprentissages et de la gestion
du temps des séances consacrées aux différentes disciplines.
C’est donc bien à un échange de pratiques que doivent aboutir ces journées de
liaison institutionnalisées et non au simple constat du niveau des élèves, en vue de
la future constitution des classes de sixième. C’est autour des acquis des élèves,
ou plutôt de leur non-acquisition qu’il faut se pencher ensemble, enseignants du
premier et du second degré.
Ce travail de liaison est également pertinent avec le palier 3 du socle commun
et l’accueil des élèves de seconde. Utiliser ce livret de compétences comme un
diagnostic précis des acquisitions et non-acquisitions des élèves aiderait les
enseignants du lycée à organiser les apprentissages de l’aide personnalisée, dès
la rentrée. Il est en effet inutile de reposer un diagnostic qui a été posé, en tant que
bilan certificatif, deux mois auparavant.
Des formations à initiative locale peuvent être un lieu d’échanges de pratiques
pertinent entre les acteurs des différents degrés de la scolarité des élèves. Ces
formations peuvent être organisées :
• autour de thèmes comme la différenciation pédagogique, dans les appren-
tissages, comme dans l’évaluation. Le partenariat avec des professeurs des
écoles a mis en lumière le manque de différenciation, notamment dans les
pratiques d’évaluation, pour des élèves arrivant au collège sans la validation
du palier 2, c’est-à-dire sans les acquis attendus à la fin de l’école primaire.
Ne pas différencier avec eux revient à les condamner à un échec rapide et à
un décrochage scolaire inéluctable.
• autour de projets de liaison qui rendent effective la continuité des apprentis-
sages. Plusieurs thématiques peuvent alors être envisagées : l’éducation au
développement durable, l’histoire des arts, la construction de la citoyenneté.
À l’école primaire, comme au collège, des compétences sont construites sur
ces grandes thématiques, et il est intéressant de coordonner les appren-
tissages pour permettre la consolidation, ou la mobilisation de ressources
acquises dans un autre niveau.
Lors de ces séances de formation communes, il est important de montrer aux
professeurs des écoles l’analyse qui sera faite des paliers 2 du LPC et l’utilisation
de leur expertise sur les acquis des élèves à la fin de l’école élémentaire. La stra-
tégie de mise en œuvre du socle commun au collège doit être connue des écoles
environnantes, pour une harmonisation relative dans la construction des compé-
tences et dans le choix des objets d’études privilégiés dans l’axe de liaison.

219
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Plusieurs rencontres ont eu lieu entre les enseignants du collège et les professeurs du
premier degré.
– Pour construire les activités pédagogiques mises en œuvre dans les PPRE passerelles,
au premier trimestre de sixième.
– Pour programmer un projet d’histoire des arts, entre les élèves de CM2 et les élèves de
sixième. La manière la plus naturelle de travailler la continuité des apprentissages nous
a semblé de travailler ensemble sur la construction de certaines compétences.
– Pour réfléchir ensemble à la construction de l’autonomie dans le travail personnel.

Construire dès le CM2 les habitudes de travail du collège

À travers ces projets de liaison, les élèves de CM2 deviennent coutumiers des lieux
et des pratiques du collège. Ils peuvent ainsi bénéficier de certains atouts du CDI ou
des salles pupitres. Cette appropriation des lieux permet de gagner du temps à la
rentrée de sixième, habituellement consacrés à leur découverte.

L’analyse des LPC : un outil de liaison


À l’entrée en sixième
Comment utiliser ces livrets du palier 2 qui arrivent en fin d’année scolaire,
dans les établissements, intégrés la plupart du temps aux dossiers scolaires des
élèves ? Comment mettre en place des stratégies d’aide personnalisée, en tenant
compte des informations que ces livrets recèlent ? Avons-nous vraiment besoin de
ce nouvel outil ? Nous apporte-t-il une autre expertise que celles des professeurs
des écoles qui ciblent, traditionnellement, dans les journées de liaison, les élèves
les plus en difficulté en maths ou en français ?
Tout d’abord, le livret du palier nous informe sur les compétences acquises ou
non par les élèves, et ne fait donc pas double emploi avec les évaluations natio-
nales de CM2, qui posent une autre évaluation, ponctuelle, sur l’acquisition des
savoirs fondamentaux. Ensuite, il contient un grand nombre d’items, dans tous les
domaines d’apprentissage, ce qui le rend à la fois difficile à utiliser sans un travail
d’analyse préalable, mais ce qui le rend également très pertinent dans l’analyse
précise et exhaustive des acquis des élèves.
Plusieurs analyses et utilisations du palier 2 sont possibles :
• On isole les livrets des élèves qui n’ont pas validé le palier 2 et on relève
les items lacunaires afin de mettre en place, dès la rentrée, la remédiation
nécessaire. Cette méthode nécessite cependant une organisation straté-
gique de l’aide apportée si l’on ne veut pas submerger un élève déjà en
difficulté d’aides à répétition sur tous les contenus d’apprentissages qui lui
font défaut.

220
Communiquer sur les nouvelles pratiques

• On sélectionne, en amont, dans le livret palier 2, les items prédictifs de


réussite pour une scolarité au collège, et on monte des ateliers de remé-
diation au contenu pédagogique adapté à la construction des compétences
lacunaires. Les élèves en difficulté sont ensuite répartis dans les différents
ateliers, et en changent à chaque période, selon leurs difficultés d’appren-
tissage. En ciblant certaines compétences transversales, on apporte aux
élèves l’étayage nécessaire à la construction d’une posture d’apprenant.
L’objectif poursuivi est d’aider à l’intégration de ces élèves dans les appren-
tissages de la classe, plutôt qu’accentuer leur marginalisation par des aides
extérieures à la classe.

À l’entrée en seconde
Le palier 3 n’est pas encore l’outil de liaison qu’il pourrait être. C’est en effet un
outil intéressant dans l’analyse des besoins des élèves, notamment pour mettre
en place l’aide personnalisée. Mais les enseignants du lycée n’en perçoivent pas
encore l’intérêt, notamment parce que la validation globale des compétences
générales, dans les livrets qu’ils reçoivent, empêche toute analyse fine des items
lacunaires. La simplification annoncée de la validation ne va malheureusement
pas inverser cette tendance. Mais on peut espérer une appropriation de cet outil
de liaison par les équipes qui reçoivent les nouveaux arrivants, notamment par le
biais des bulletins de compétences.
C’est donc aux enseignants du lycée de cibler les items qui leur semblent
prédictifs de réussite, afin d’accompagner les élèves les plus fragiles dans l’acqui-
sition de ces compétences lacunaires, à l’entrée en seconde. L’autonomie dans
les apprentissages reste l’item essentiel pour une bonne adaptation au fonction-
nement du lycée. C’est donc autour de cet item que peut se construire la liaison :
gestion et planification du travail personnel, compétence de recherche documen-
taire, lecture autonome, stratégies d’apprentissages adaptées.
Des rencontres organisées entre collégiens de troisième et lycées de seconde
sont aussi des supports pertinents d’échanges et de liaison : le partenariat inter-
cycle aide toujours les élèves les plus jeunes à grandir et les plus âgés à formaliser
leurs savoirs. Certains lieux ou apprentissages évoluent entre le collège et le lycée
et méritent d’être appréhendés lors de ces rencontres : l’organisation des salles de
sciences, le choix d’un parcours d’EPS, la découverte du CDI du lycée, par exemple,
autant de changements pour les élèves de collège qu’il peut être intéressant
d’anticiper. Il suffit parfois de proposer de nouveaux horizons pour remotiver et
remettre au travail des élèves de troisième blasés par les quatre années de fonc-
tionnement identique du collège.

221
Conclusion

E   n cinq ans, la physionomie de notre établissement a changé. Les emplois du


  temps des enseignants contiennent tous une heure blanche, réservée à la
concertation ou aux cours interdisciplinaires, ciblés sur des compétences transver-
sales à construire et à faire acquérir. Ces cours sont proposés sur tous les niveaux
et sont assumés par un binôme ou un trinôme d’enseignants de disciplines variées.
Les élèves connaissent le livret de compétences et ont pris la mesure de
l’importance de sa validation.
La différenciation de la pédagogie est effective dans beaucoup de situations
d’apprentissage et les difficultés des élèves sont appréhendées dans une perspec-
tive transversale par une équipe enseignante bienveillante. L’acte d’évaluation est
plus réfléchi et cohérent.
Nous avons appris à dialoguer ensemble et à faire entrer en résonance, le plus
efficacement possible, nos enseignements. Par cette fédération des approches,
nous nous sommes créé le cadre de travail dont nous avions besoin. Nous avons
fait une place à la discussion pédagogique dans notre quotidien. La force de cette
réflexion est d’être issue de la conjugaison de toutes les opinions de l’établisse-
ment, et parce que nous avons appris à analyser nos réussites et nos échecs, elle
nous permet de consolider chaque jour la culture de l’établissement et contribue
à donner une image plus forte aux élèves et à leurs parents de la cohérence péda-
gogique mise en œuvre au collège.
Le socle commun est un outil indispensable pour mettre les équipes en
réflexion, au sein d’un même établissement, sur les pratiques pédagogiques
induites par l’approche par compétences. La mise en place d’une transversalité,
qui relie les savoirs et concourt à la construction des compétences, permet de
créer une lisibilité dans les apprentissages.
Le socle commun est l’occasion de repenser nos enseignements dans une
logique de construction de compétences, c’est-à-dire d’intégration des savoirs
fondamentaux dans les ressources propres de l’élève, disponibles pour une mobi-
lisation face à des situations complexes.
Le socle lance les équipes à la recherche d’une cohérence dans l’évaluation
des acquis d’un élève, à travers un regard collégial qui prend en compte la globalité
de ses acquisitions de compétences et sa posture d’apprenant.

223
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Il amène la différenciation des approches et la personnalisation de la prise en


charge des difficultés des élèves. Il interroge la place de la métacognition et des
stratégies d’apprentissages dans la construction des compétences.

Le socle commun est l’occasion de faire dialoguer les disciplines et de mutua-


liser les dispositifs pédagogiques. Il permet d’instaurer une transparence dans
les progressions de chacun, afin d’aider les élèves, comme les enseignants, à
faire des passerelles entre les savoirs. Il cimente les actions dans un établisse-
ment. Il permet de connaître plus précisément les acquis des élèves. Il donne une
cohérence à l’enseignement secondaire et offre une entrée dans la motivation et
l’investissement des élèves face à leur parcours de formation.

Le socle commun a été décrié par les équipes sur le terrain parce qu’il n’a pas
été compris et surtout parce qu’on a fait entrer les équipes par l’axe de la validation
au lieu de les aider à appréhender les spécificités de l’approche par compétences
et à repenser l’acte d’évaluation. On reproche parfois au socle commun d’être un
grand fourre-tout de connaissances, de capacités et d’attitudes, entre lesquelles
les équipes ne perçoivent pas toujours les liens, ni l’articulation avec les contenus
des programmes disciplinaires. Mais n’est-ce pas parce qu’on a minimisé le chan-
gement de pratiques nécessaire pour construire avec les élèves des compétences
qui les rendent plus aptes à utiliser les acquis de l’école ? Parce qu’on a essayé
de faire croire aux équipes qu’on le faisait déjà ? Que c’était la responsabilité des
élèves s’ils n’étaient pas compétents ?

L’énorme malentendu pédagogique sur le socle commun a cristallisé toutes les


difficultés de l’école, à la fois d’apprentissage et d’enseignement. Nous avons déjà
connu plusieurs réécritures du référentiel de compétences depuis 2005, mais cela
n’a jamais remis en question le changement de pratiques que nous avions engagé.
La réécriture de quelques items, la refondation de la logique des compétences
générales ne sont pas un problème quand on a intégré l’approche par compé-
tences dans ses pratiques de classe et d’établissement. Un ajustement suffit. Les
réécritures possibles du livret ne sont donc pas à craindre, si elles ne remettent pas
en cause la notion de compétence et de transversalité.

C’est le changement de pratiques professionnelles individuelles et communes


induit par le socle commun qui importe, en permettant d’apporter de nouvelles
réponses aux problématiques complexes de l’école.

Notre nouvelle mission d’enseignant est d’amener la majorité des élèves entre
la maîtrise du nécessaire et du souhaitable. L’intégration de l’approche par compé-
tences, dans les pratiques de classe, permet de hausser le niveau des appren-
tissages puisque cette approche implique qu’on apprenne aux élèves à utiliser
ce qu’on leur apprend. Elle permet de connaître précisément les acquis des élèves
et donc de cibler mieux les zones de difficultés d’apprentissages. En parallèle

224
Conclusion

de l’individualisation des parcours, qui est une réponse au décrochage scolaire,


c’est aussi la cohérence des enseignements et des apprentissages qui est en jeu.

Il nous faut en effet relier nos enseignements pour construire avec nos élèves
une culture vivante, qui mette en action les élèves, et insuffler un dynamisme des
parcours de formation. Le socle commun est un outil pertinent de discussion entre
les enseignants et les élèves, autour de leurs acquis et de leurs difficultés d’ap-
prentissage. Il fait du collège un lieu où l’on vient tous les jours pour apprendre,
grandir et se former à être des citoyens responsables.

225
Le CRAP-Cahiers pédagogiques
et le socle commun

Partenaire pour cet ouvrage, le CRAP (Cercle de recherche et d’action pédago-


giques) est un mouvement pédagogique ouvert à tous les acteurs de l’école, de
la maternelle à l’université. Il défend les valeurs de l’éducation nouvelle. Il milite
pour une réelle démocratisation et transformation de l’école, et une transformation
profonde du métier d’enseignant. C’est en toute indépendance que le CRAP prend
position sur les réformes qui sont mises en œuvre et réclame celles qui lui semblent
indispensables. C’est ainsi qu’il a approuvé et défend l’idée du socle commun dont
il est question dans ce livre. Il fait d’ailleurs partie d’un collectif d’organisations qui
milite pour le socle commun « promesse démocratique » (voir le blog http://socle-
commun2012.wordpress.com/).
La revue du mouvement, les Cahiers pédagogiques, est publiée depuis 1945.
Elle est le produit d’un travail bénévole avec un souci constant de qualité « pro ».
Elle combine la réflexion des enseignants de terrain sur leur pratique et les contri-
butions des chercheurs (Philippe Meirieu en a été l’’un des rédacteurs en chef ).
Le CRAP organise des formations et des colloques, et notamment des rencontres
d’été ou régionales. Occasion de réfléchir ensemble et de produire des outils et des
séquences pédagogiques.
D’ailleurs, Jean-Michel Zakhartchouk, au nom du CRAP, a organisé une forma-
tion autour de la pédagogie différenciée dans le cadre du socle commun au collège
dont il est question dans ce livre. Et les auteurs sont des membres actifs de l’asso-
ciation.
CRAP-Cahiers pédagogiques
10, rue Chevreul, 75011 Paris
e-mail : cahier.peda@wanadoo.fr
site : www.cahiers-pedagogiques.com

Publications autour du socle commun et des compétences


Dossier spécial « Quel socle commun ? » n° 439, décembre 2005 (une réflexion
de fond et des contributions essentielles de chercheurs et de praticiens).
Téléchargeable sur le site.

227
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines

Deux hors-série numériques téléchargeables


• Le socle commun, mais comment faire ?
Le travail par compétences s’appuie également sur des années de pratiques
rassemblées par la revue et qui nous donnent des indications sur le «  comment
faire ».
• Le travail par compétences, balises et boussoles, actes du colloque.
Des applications directes du socle commun et du travail par compétences dans
les disciplines scolaires :
– en éducation physique ;
– en histoire-géographie ;
– dans les pratiques documentaires.
• Des numéros qui aident à la mise en place du socle :
– n° 491 : Évaluer à l’heure des compétences ;
– n° 495 : La maîtrise de la langue ;
– n° 503 : La pédagogie différenciée.

Des ouvrages en partenariat


• Avec ESF éditeur : Socle commun et compétences, pratiques pour le collège,
Annie Di Martino et Anne-Marie Sanchez, 2011.
• Avec le CRDP d’Amiens, dans la collection « Repères pour agir, Dispositifs » :
– Travail par compétences et socle commun, Jean-Michel Zakhartchouk et
Rolande Hatem, 2009.
– Éduquer à la citoyenneté, construire les compétences sociales et civiques,
Laurent Fillion, 2012.
À paraître dans la collection « Repères pour agir » : un ouvrage sur l’enseigne-
ment des sciences et le socle commun ; et un autre sur l’évaluation.

228
Dans la collection Pédagogies

ADMINISTRER, GÉRER, ÉVALUER LES SYSTÈMES ÉDUCATIFS


Une encyclopédie pour aujourd’hui
Sous la direction de Jean-Jacques Paul

À L’ÉCOLE DE L’INTELLIGENCE
Comprendre pour apprendre
Jean-Yves Fournier

À L’ÉCOLE DES BANLIEUES


Gérard Chauveau, Éliane Rogovas-Chauveau

APPRENDRE À PENSER, PARLER, LIRE, ÉCRIRE


Acquisition du langage oral et écrit
Laurence Lentin

APPRENDRE AVEC LES PÉDAGOGIES COOPÉRATIVES


Démarches et outils pour l’école
Sylvain Connac

APPRENDRE ENSEMBLE, APPRENDRE EN CYCLES


Classes maternelles et primaires avec la Maison des Trois Espaces

APPRENDRE ET ÊTRE
Langage, littérature et expérience de formation
Jorge Larrosa

APPRENDRE… OUI, MAIS COMMENT ?


Philippe Meirieu

L’APPRENTI-CITOYEN
Une éducation civique et morale pour notre temps
Georges Roche

L’AUTORITÉ ÉDUCATIVE DANS LA CLASSE


Douze situations pour apprendre à l’exercer
Bruno Robbes

L’AUTORITÉ EN ÉDUCATION
Sortir de la crise
Gérard Guillot

AUTORITÉ ET DISCIPLINE À L’ÉCOLE


Maria Teresa Estrela

229
AUTORITÉ OU ÉDUCATION ?
Entre savoir et socialisation : le sens de l’éducation
Jean Houssaye

BANLIEUES : LES DÉFIS D’UN COLLÈGE CITOYEN


Jacques Pain, Marie-Pierre Grandin-Degois, Claude Le Goff

LE CHOIX D’ÉDUQUER
Éthique et pédagogie
Philippe Meirieu

LES CLASSES RELAIS


Un dispositif pour les élèves en rupture avec l’école
Élisabeth Martin, Stéphane Bonnéry

LES COMPÉTENCES TRANSVERSALES EN QUESTION


Bernard Rey

COMPRENDRE ET AIDER LES ÉLÈVES EN ÉCHEC


L’instant d’apprendre
Emmanuelle Plantevin-Yanni

CONSTRUIRE LA FORMATION CEPEC


Sous la direction de Pierre Gillet

COURANTS ET CONTRE-COURANTS
DANS LA PÉDAGOGIE CONTEMPORAINE
Daniel Hameline

DE L’APPRENTISSAGE À L’ENSEIGNEMENT
Pour une épistémologie scolaire
Michel Develay

DÉBUTER DANS L’ENSEIGNEMENT


Témoignages d’enseignants, conseils d’experts
Coordonné par Jean-Luc Ubaldi

DE L’ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE
À LA CULTURE TECHNIQUE
Yves Deforge

DE LA FORMATION AU MÉTIER
Savoir transférer ses connaissances dans l’action
Louis Toupin

LA DÉMOCRATIE AU LYCÉE
Robert Ballion

230
LA DÉMOCRATISATION DE L’ENSEIGNEMENT AUJOURD’HUI
Gabriel Langouët

DES ENFANTS ET DES HOMMES


Littérature et pédagogie 1 : la promesse de grandir
Philippe Meirieu

DÉVELOPPER LA CAPACITÉ D’APPRENDRE


Jean Berbaum

DÉVELOPPER LA PRATIQUE RÉFLEXIVE


DANS LE MÉTIER D’ENSEIGNANT
Professionnalisation et raison pédagogique
Philippe Perrenoud

DEVENIR COLLÉGIEN
L’entrée en classe de sixième
Olivier Cousin, Georges Felouzis

DICTIONNAIRE DES INÉGALITÉS SCOLAIRES


Coordonné par Jean-Michel Barreau

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
De la planification à ses organisateurs cognitifs
François Victor Tochon

DIX NOUVELLES COMPÉTENCES POUR ENSEIGNER


Invitation au voyage
Philippe Perrenoud

L’ÉCOLE À L’ÉPREUVE DE L’ACTUALITÉ


Enseigner des questions vives
Coordonné par Alain Legardez et Laurence Simonneaux

L’ÉCOLE FACE AUX PARENTS


Analyse d’une pratique de médiation
Patrick Bouveau, Olivier Cousin, Joëlle Favre-Perroton

L’ÉCOLE HORS L’ÉCOLE


Soutien scolaire et quartiers
Sous la direction de Dominique Glasman

L’ÉCOLE, MODE D’EMPLOI


Des « méthodes actives » à la pédagogie différenciée
Philippe Meirieu

231
L’ÉCOLE POUR APPRENDRE
Jean-Pierre Astolfi

L’ÉDUCATION CIVIQUE AUJOURD’HUI :


DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE
Georges Roche avec Y. Basset, J.-M. Fayol-Noireterre, M. Langanay,
C. Paillole, G. Bach

ÉDUCATION ET FORMATION :
NOUVELLES QUESTIONS, NOUVEAUX MÉTIERS
Sous la direction de Jean-Pierre Astolfi

ÉDUCATION ET PHILOSOPHIE
Approches contemporaines
Sous la direction de jean Houssaye

L’ÉDUCATION FACE À LA VIOLENCE


Vers une éthique de la gestion de la classe
Yannick Joyeux

L’ÉDUCATION, SES IMAGES ET SON PROPOS


Daniel Hameline

ÉDUQUER CONTRE AUSCHWITZ


Histoire et mémoire
Jean-François Forges

ÉLÈVES À PROBLÈMES, ÉCOLES À SOLUTIONS ?


Cécile Delannoy

ÉLÈVES ET PROFESSEURS : RÉUSSIR ENSEMBLE


Outils pour les professeurs principaux
et les équipes pédagogiques
Jean-Luc Guillaumé

ÉMILE, REVIENS VITE…


ILS SONT DEVENUS FOUS
Philippe Meirieu, Michel Develay

ENCYCLOPÉDIE DE L’ÉVALUATION
EN FORMATION ET EN ÉDUCATION
André de Peretti, Jean Boniface,
Jean-André Legrand

ENFANTS EN SOUFFRANCE, ÉLÈVES EN ÉCHEC


Ouvrir des chemins
Francis Imbert

232
ENFANTS PERDUS, ENFANTS EXCLUS
Andréa Canevaro

L’ENFANT PHILOSOPHE, AVENIR DE L’HUMANITÉ


Ateliers AGSAS de réflexion sur la condition humaine (ARCH)
Jacques Lévine avec la collaboration de Geneviève Chambard,
Michèle Sillam, Daniel Gostain

ENSEIGNANT ET COMÉDIEN, UN MÊME MÉTIER ?


Edmée Runtz-Christan

L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL AUJOURD’HUI


Dominique Raulin

ENSEIGNER À L’ÉCOLE MATERNELLE


Quelles pratiques pour quels enjeux ?
Jacqueline Pillot

ENSEIGNER : AGIR DANS L’URGENCE,


DÉCIDER DANS L’INCERTITUDE
Philippe Perrenoud

ENSEIGNER, SCÉNARIO POUR UN MÉTIER NOUVEAU


Philippe Meirieu

ENTRER DANS L’ÉCRIT AVEC LA LITTÉRATURE DE JEUNESSE


Laurence Pasa, Serge Ragano, Jacques Fijalkow

L’ENTRETIEN D’EXPLICITATION
en formation initiale et en formation continue
Pierre Vermersch

L’ENVERS DU TABLEAU
Quelle pédagogie pour quelle école ?
Philippe Meirieu

L’ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE,
AUTONOMIE LOCALE ET SERVICE PUBLIC
Jean-Louis Derouet, Yves Dutercq

L’ÉVALUATION EN QUESTIONS
Charles Delorme et le CEPEC

L’ÉVALUATION, RÈGLES DU JEU


Des intentions aux outils
Charles Hadji

233
L’ÉVALUATION SCOLAIRE, MYTHES ET RÉALITÉS
Michel Barlow

FAIRE L’ÉCOLE, FAIRE LA CLASSE


Philippe Meirieu

LA FINLANDE : UN MODÈLE ÉDUCATIF POUR LA FRANCE ?


Paul Robert

FOOTBALL : UN TERRAIN IDÉAL POUR L’ÉDUCATION


Michel Amram, Emmanuel Audusse

LE GUIDE JURIDIQUE DES ENSEIGNANTS


Écoles, collèges et lycées de l’enseignement public
Laurent Piau

L’IMPOSSIBLE MÉTIER DE PÉDAGOGUE


Praxis ou poièsis. Éthique ou morale
Francis Imbert

L’INCONSCIENT DANS LA CLASSE


Transferts et contre-transferts
Francis Imbert et le Groupe de Recherche en Pédagogie Institutionnelle

INNOVER AU CŒUR DE L’ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE


Monica Gather Thurler

INNOVER POUR RÉUSSIR


Sous la direction de Charles Hadji

JE EST UN AUTRE
Pour un dialogue pédagogie-psychanalyse
Jacques Lévine, Jeanne Moll

LES MATHÉMATIQUES AU LYCÉE


Clés pour une réussite
Sylviane Gasquet

MÉDIATIONS, INSTITUTIONS ET LOI DANS LA CLASSE


Francis Imbert et le Groupe de Recherche en Pédagogie Institutionnelle

LA MÉTACOGNITION, UNE AIDE AU TRAVAIL DES ÉLÈVES


Coordonné par Michel Grangeat,
sous la direction de Philippe Meirieu

MÉTIER D’ÉLÈVE ET SENS DU TRAVAIL SCOLAIRE


Philippe Perrenoud

234
MÉTIER IMPOSSIBLE
La situation morale des enseignants
Pascal Bouchard

1914-1998, LE TRAVAIL DE MÉMOIRE


Dossier pédagogique sous la direction du Parc de la Villette
Jean-François Forges

MILLE ET UNE PROPOSITIONS PÉDAGOGIQUES


Pour animer son cours et innover en classe
André de Peretti, François Muller

MOTIVATION, PROJET PERSONNEL, APPRENTISSAGES


Monique Croizier

MOTS POUR MAUX À L’ÉCOLE PRIMAIRE


Enseigner, c’est possible !
Élisabeth Godon

LA NEUVILLE : L’ÉCOLE AVEC FRANÇOISE DOLTO


SUIVI DE DIX ANS APRÈS
Fabienne d’Ortoli et Michel Amram

LES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES


EN FORMATION INITIALE ET EN FORMATION CONTINUE
Daniel Hameline

L’ORGANISATION DU TRAVAIL,
CLÉ DE TOUTE PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE
Philippe Perrenoud

ORTHOGRAPHE : À QUI LA FAUTE ?


Danièle Manesse, Danièle Cogis,
Michèle Dorgans, Christine Tallet

LA PÉDAGOGIE À L’ÉCOLE DES DIFFÉRENCES


Fragments d’une sociologie de l’échec
Philippe Perrenoud

PÉDAGOGIE ALTERNATIVE EN FORMATION D’ADULTES


Éducation pour tous et justice sociale
Rémi Casanova, Sébastien Pesce

PÉDAGOGIE : DICTIONNAIRE DES CONCEPTS CLÉS


Apprentissage, formation et psychologie cognitive.
Françoise Raynal, Alain Rieunier

235
PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE : DES INTENTIONS À L’ACTION
Philippe Perrenoud

LA PÉDAGOGIE ENTRE LE DIRE


ET LE FAIRE
Le courage des commencements
Philippe Meirieu

LA PÉDAGOGIE : UNE ENCYCLOPÉDIE POUR AUJOURD’HUI


Sous la direction de Jean Houssaye

PÉDAGOGUE ET RÉPUBLICAIN : L’IMPOSSIBLE SYNTHÈSE ?


Philippe Lecarme

PENSER L’ÉDUCATION
Notions clés en philosophie de l’éducation
Coordonné par Alain Vergnioux

PETITE ENFANCE :
ENJEUX ÉDUCATIFS DE 0 À 6 ANS
Coordonné par Nicole Geneix
et Laurence Chartier

PEUT-ON FORMER LES ENSEIGNANTS ?


Michel Develay

LES POLITIQUES ET L’ÉCOLE


Entre le mensonge et l’ignorance
Maurice Niveau

LES POLITIQUES SCOLAIRES MISES EN EXAMEN


Onze questions en débat
Claude Lelièvre

POUR MIEUX APPRENDRE


Conseils et exercices pour élèves de lycées, étudiants, adultes
Jean Berbaum

POUR UNE DÉONTOLOGIE DE L’ENSEIGNEMENT


Gilbert Longhi

POUR UNE ÉTHIQUE DE L’INSPECTION


Dominique Sénore

POUR UNE PÉDAGOGIE DE LA PAROLE


De la culture à l’éthique
Claude Lagarde avec Annie Laporte, Joël Molinario, Christian Picard

236
POUR UNE SOCIÉTÉ ÉDUCATIVE
Une réflexion syndicale sur l’école et la société
Unsa Éducation – Textes rassemblés par Dominique Lassarre

PRATIQUES DE L’ENTRETIEN D’EXPLICITATION


Sous la direction de Pierre Vermersch et Maryse Maurel

PREMIERS PÉDAGOGUES : DE L’ANTIQUITÉ À LA RENAISSANCE


Sous la direction de jean Houssaye

PRÉPARER UN COURS
Tome 1 : Applications pratiques
Alain Rieunier

PRÉPARER UN COURS
Tome 2 : Les stratégies pédagogiques efficaces
Alain Rieunier

PRÉVENIR LES SOUFFRANCES D’ÉCOLE


Pratique du Soutien au Soutien
Jacques Lévine, Jeanne Moll

PROFESSEURS ET ÉLÈVES : LES BONS ET LES MAUVAIS


Jean Houssaye

QUAND L’ÉCOLE PRÉTEND PRÉPARER À LA VIE…


Développer des compétences ou enseigner d’autres savoirs  ?
Philippe Perrenoud

QU’EST-CE QUE LA PÉDAGOGIE ?


Le pédagogue au risque de la philosophie
Michel Soëtard

QUESTIONS DE SAVOIR
Gabrielle Di Lorenzo

QUESTIONNER POUR ENSEIGNER ET POUR APPRENDRE


Le rapport au savoir dans la classe
Olivier Maulini

RADIOGRAPHIE DU PEUPLE LYCÉEN


Pour changer le lycée
Coordonné par Roger Establet

LES RUSES ÉDUCATIVES


Cent stratégies pour mobiliser les élèves
Yves Guégan

237
LA SAVEUR DES SAVOIRS
Disciplines et plaisir d’apprendre
Jean-Pierre Astolfi

SAVOIRS SCOLAIRES ET DIDACTIQUES DES DISCIPLINES


Une encyclopédie pour aujourd’hui
Sous la direction de Michel Develay

SE CONSTRUIRE DANS LE SAVOIR


À l’école, en formation d’adulte
Odette Bassis

LES SCIENCES DE L’ÉDUCATION, UN ENJEU, UN DÉFI


Bernard Charlot avec la collaboration de la CORESE,
J. Gautherin, J. Hédoux et A. Tuijnman

SOCLE COMMUN ET COMPÉTENCES


Pratiques pour le collège
Annie Di Martino et Anne-Marie Sanchez

STIMULER LA MÉMOIRE
ET LA MOTIVATION DES ÉLÈVES
Une méthode pour mieux apprendre
jean-Philippe Abgrall

SYSTÈME, PERSONNE ET PÉDAGOGIE


Une nouvelle voie pour l’Éducation
Georges Lerbet

VIOLENCES ENTRE ÉLÈVES, HARCÈLEMENTS ET BRUTALITÉS


Les faits, les solutions
Dan Olweus

VIVRE ENSEMBLE, UN ENJEU POUR L’ÉCOLE


Francis Imbert et le Groupe de Recherche en Pédagogie Institutionnelle

Y A-T-IL UNE VIE APRÈS L’ÉCOLE ?


Georges Snyder

Pour tous les autres titres de notre catalogue, voir notre site :
www.esf-editeur.fr

238

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