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Réussir L'école Du Socle
Réussir L'école Du Socle
Francis Blanquart
Réussir
l’école du socle
En faisant dialoguer
et coopérer les disciplines
www.esf-editeur.fr
ISBN 978-2-7101-2969-1
ISSN 1158-4580
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Pédagogies
Collection dirigée par Philippe Meirieu
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en fin d’ouvrage et sur le site www.esf-editeur.fr
Remerciements
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Table des matières
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Le CRAP-Cahiers pédagogiques
et le socle commun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
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Préface
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En se focalisant sur ce que les politologues appellent la phase de « mise
en œuvre » d’une politique, les auteurs rompent avec la vision enchantée
et mécaniste des politiques publiques qui prévaut encore largement en
France. Car notre pays et son élite politico-administrative, contrairement
à d’autres contextes nationaux, dans une vision très hiérarchique et verti-
cale de l’action publique, ont longtemps nié le rôle essentiel des acteurs
de terrain dans la fabrication des réformes. Il suffisait, pensait-on et pense-
t-on encore toujours, de concevoir une politique idéale depuis Paris et
l’administration centrale pour qu’elle soit mise en œuvre mécaniquement.
Cette vision réductionniste de l’action publique a fait perdre à notre
pays de précieuses décennies. Car une politique ne se décrète pas, elle se
pense aussi en termes d’accompagnement, de formation et d’adhésion
des acteurs de terrain. De façon provocante, on pourrait dire que ce sont
les enseignants en toute fin de la chaîne de décision qui sont les acteurs
principaux de la fabrication des politiques en ce sens où ce sont eux qui
dessinent la réalité des réformes éducatives en décidant de se conformer
aux injonctions nationales ou de les ignorer, ou encore de les mettre en
œuvre mais pour atteindre d’autres objectifs que ceux qui sont prescrits
nationalement. Les recherches scientifiques ou les rapports des inspec-
tions générales ont mis en évidence de façon récurrente ces problèmes
d’ineffectivité ou de détournements de politiques.
Les deux auteurs de l’ouvrage nous invitent donc à prendre au sérieux
les difficultés de cette phase cruciale des politiques. Ils décrivent quels
sont les leviers sur lesquels les équipes pédagogiques – et non le seul chef
d’établissement – peuvent s’appuyer pour collectivement faire bouger
un établissement. L’établissement, présenté par les auteurs, a le mérite
d’être tout à fait ordinaire, les auteurs ne nous racontent pas l’histoire
d’une expérimentation certes stimulante mais souvent non généralisable.
Ils nous racontent une histoire ordinaire qui peut se reproduire dans tous
les établissements. Les leviers d’une bonne conduite du changement sont
clairement énoncés.
Prendre au sérieux le temps dans toute réforme, c’est-à-dire prendre
le temps de se réunir, d’échanger, de ne pas tomber d’accord, d’essayer,
d’échouer et de recommencer…Le temps est une dimension bien souvent
oubliée en politique scolaire, or elle est cruciale plus que dans tous
secteurs d’action publique, ne serait-ce que parce que les apprentissages
scolaires se construisent dans le temps.
Le second levier d’une conduite du changement réussie, les auteurs
le montrent bien, réside dans le principe de participation des acteurs de
terrain et leur appropriation des instruments d’action publique. Ce sont
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
eux qui construisent au final les politiques, il faut donc leur laisser la capa-
cité de remodeler selon leur besoin des outils qui sont proposés nationa-
lement. Tant qu’ils ne trahissent pas l’esprit et les objectifs de la réforme,
ils doivent pouvoir recréer les instruments mis à leur disposition pour se
les approprier.
Enfin le troisième levier du changement réside dans la formation qui
permet de donner les outils de l’action – les auteurs montrent bien qu’il
faut développer dans le socle commun une nouvelle expertise. Au-delà des
outils et des recettes, la formation, parce qu’elle permet de comprendre
les objectifs d’une réforme, lui donne aussi sens. C’est là un des moteurs
premiers de l’action des acteurs de terrain.
À partir de ces leviers du changement, les auteurs montrent bien
comment leur équipe pédagogique a pu s’approprier le socle commun :
décliner une conception des compétences, travailler au dialogue des
disciplines, entrer dans le travail en équipe, évoluer vers une conception
de l’évaluation davantage motivante, créer de nouvelles rencontres avec
les parents… Presque un miracle au pays de l’éducation. Un miracle et
c’est là certainement un des points les plus intéressants de cette expé-
rience qui est partie d’une attention portée aux élèves en difficulté. C’est
en cherchant à aider ces élèves marginalisés dès le plus jeune âge que
les enseignants, comme le disent les auteurs, se sont aidés eux-mêmes
et ont réinventé leur école. Un beau projet démocratique.
Nathalie Mons
Professeur de sociologie, spécialiste des politiques éducatives,
Université de Cergy-Pontoise
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Introduction
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Comme nous étions en 2007, nous n’étions pas dans l’urgence de la validation
certificative, ce qui nous a donné du temps pour convaincre nos collègues de la
nécessité de tenter, d’innover, de prendre le temps d’analyser les échecs et les
réussites des actions que nous mettions en place, de comprendre les spécifici-
tés de l’évaluation par compétences et de nous former aux pédagogies actives
induites par la mise en place du socle.
C’est l’ensemble de l’établissement qui s’est efforcé d’intégrer le socle commun
dans les pratiques ordinaires du collège : enseignants, personnels de direction
et personnels de la vie scolaire, mais également les élèves et leurs parents.
Les premières années, nous avons pris connaissance des contenus disciplinaires
des uns et des autres, dans tous les niveaux, en croisant nos programmes et en
dévoilant nos pratiques de classe et de discipline. Nous avons réfléchi à la meilleure
façon de mettre en place la transversalité attendue pour certaines compétences,
en harmonisant notamment les critères de réussite pour une évaluation commune
maîtrisée, et en dotant de contenu d’apprentissage certains items construisant
la posture d’apprenant des élèves. Nous avons abordé, par le biais de stratégies de
remédiation, les difficultés d’acquisition des élèves et la prise en charge commune
des items lacunaires que nous estimions prédictifs de réussite pour l’ensemble
des apprentissages. Nous avons enfin orienté notre réflexion vers la mobilisa-
tion des ressources construites à travers la résolution de tâches complexes qui
permettent de mettre les élèves en situation de prouver qu’ils ont des compé-
tences. Et surtout qu’ils sont compétents.
Sur cinq ans, la physionomie de l’établissement a changé, pour passer d’un
collège où l’on enseigne, à un collège où l’on apprend. Un établissement comme
tant d’autres, sans moyens particuliers.
Grâce aux formations variées que nous avons assurées dans les établissements
de la région, nous avons pu prendre la mesure de l’ensemble des problématiques
rencontrées par les équipes enseignantes sur le terrain. Par les discussions que
nous avons eues avec des chefs d’établissement et des enseignants sur le terrain,
nous avons perçu la marge d’autonomie des établissements.
Articuler la mise en œuvre du socle à la culture de l’établissement, en utilisant
les leviers qui enclenchent le changement de pratiques attendu, constitue un
changement majeur qui doit être porté par les équipes sur le terrain. C’est toute
la complexité de cette mise en œuvre : ouvrir la discussion pédagogique dans les
établissements, porter sur les problématiques communes un regard global qui
propose des situations adaptées au public d’élèves, faire une place à l’approche
par compétences.
Pour cerner les entrées possibles dans le socle commun, nous avons tendu
l’oreille aux doléances des collègues, en proposant, pour chaque obstacle
ou chaque difficulté, une réponse collégiale, qui croise les expertises et nous
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Introduction
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Établir un calendrier
et une stratégie de mise en place
du socle commun
L es réflexions qui suivent s’adressent à la fois aux équipes de direction et aux
équipes enseignantes. Le socle commun demande, en effet, à être mis en place
et intégré, d’un point de vue structurel, dans les pratiques de l’établissement,
mais nécessite aussi une mise en œuvre pédagogique dans les pratiques
d’enseignement. Les deux axes de cette intégration imposent une approche
systémique de cette problématique, puisqu’ils interagissent à l’intérieur de cette
entité qu’est un établissement scolaire.
Les chefs d’établissement impulsent et encadrent une réflexion pédagogique
interdisciplinaire, dont ils perçoivent bien l’enjeu dans la personnalisation des
réponses aux besoins spécifiques de chaque élève. Mais ce sont les enseignants
qui possèdent les cartes du changement. Une collaboration forte entre l’équipe
de direction et les personnels enseignants est indispensable pour une mise en
place effective et efficace du socle commun. Le travail en équipe et le changement
de pratiques s’inscrivent dans un projet commun, comme le projet d’établisse-
ment, par exemple, et permettent de répondre aux problématiques suivantes :
– Comment piloter pour donner une cohérence globale et rendre le projet du
socle plus efficient ?
– Comment rendre la structure plus adaptée aux pédagogies associées au
travail par compétences, qui demandent notamment une plus grande auto-
nomie et prise de décision des élèves dans leurs apprentissages ?
– Quels freins les chefs d’établissement rencontrent-ils dans les établissements ?
– Comment peuvent-ils répondre aux inquiétudes et demandes de leurs
enseignants ?
La simplification de la validation devrait faciliter le travail de validation
certificative des équipes, puisqu’il n’y aura plus que les domaines de compé-
tences à valider, mais cela ne remet nullement en cause la construction des
compétences à évaluer. Les items deviennent donc ce qu’ils ont toujours été :
des contenus d’apprentissage.
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Les chefs d’établissement appréhendent plus sereinement les enjeux et les apports
des nouvelles pratiques induites par le socle commun, parce qu’ils n’ont pas à
les mettre en œuvre directement avec les élèves. C’est la prise de risque, inhérente
à tout changement et innovation pédagogiques, qui freine les enseignants souvent
très consciencieux, et qui les empêche de lancer les élèves dans une activité qu’ils
n’ont pas l’impression de maîtriser complètement.
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Établir un calendrier et une stratégie de mise en place
des items. Ces séances ont parfois agi comme un électrochoc et ont poussé
certaines équipes à s’intéresser de plus près à cette nouvelle évaluation,
à s’accorder en équipe interdisciplinaire sur les critères de réussite, et
à en préparer en amont les apprentissages ;
– les parents ont parfois été informés, l’évaluation par compétences a
parfois été inscrite dans les modalités d’évaluation du règlement intérieur,
les élèves ont plus ou moins pris connaissance du contenu de ce livret
de compétences ;
– certains chefs d’établissement se sont concertés, de leur côté, lors des
réunions de district, et ont organisé des formations de référents, avec
des enseignants volontaires issus des différents établissements, afin de
mutualiser les réflexions et les outils créés et d’insuffler une dynamique
de réseau.
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Établir un calendrier et une stratégie de mise en place
un système d’évaluation chiffré qui empêche une véritable discussion sur les
compétences des élèves. De façon un peu étonnante, les équipes s’interrogent
aussi sur l’arbitraire d’un socle commun qui ne serait pas cadré nationalement,
dans les niveaux d’exigence attendus, ou de la difficulté d’évaluer objectivement de
la maîtrise d’une compétence, alors que ces questions peuvent tout aussi bien
se poser pour l’attribution de notes.
La question de l’harmonisation des pratiques d’évaluation, notamment en ce
qui concerne les items transversaux, est au cœur des discussions. La difficulté
d’évaluer certains de ces items interroge les équipes, qui n’identifient dans le
libellé ni contenus disciplinaires précis, ni pratiques courantes d’établissement
permettant une évaluation pertinente. C’est le cas de la participation à des débats,
dans la compétence de maîtrise de la langue, qui reste un item délicat à construire
et à évaluer individuellement et de façon pertinente. Ou de l’item de compréhen-
sion de l’actualité, dans la compétence humaniste, qui nécessite une réactivité
dans les séances de cours. Les équipes ont enfin des préoccupations plus terre
à terre, en ce qui concerne l’évaluation, mais qui restent tout aussi légitimes. Qui
évalue quoi ? Et sur quel support recueille-t-on et centralise-t-on les différentes
évaluations disciplinaires ou transversales ?
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• Comment gérer les différents regards évaluateurs sur une même compé-
tence, si elle est évaluée en transversalité ou en interdisciplinarité ?
• Quand peut-on être sûr qu’une compétence est définitivement acquise ?
Derrière tous ces questionnements se profile l’inquiétude des enseignants
de ne pas être justes dans leur évaluation, de ne pas réussir à se mettre d’accord
entre eux, alors que la pratique de terrain montre pourtant, notamment dans les
conseils de classe, que les équipes parviennent presque toujours à un consensus
sur l’évaluation collégiale du travail et du comportement d’un élève, malgré des
attentes disciplinaires différentes. Pourquoi ce consensus serait-il possible quand
il s’agit de connaissances, et ne le serait-il pas pour des attestations de compétences ?
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Établir un calendrier et une stratégie de mise en place
• Comme utiliser le LPC dans la liaison intercycle ? Cet axe de réflexion inté-
resse à la fois les personnels de direction et les enseignants, notamment
dans le cadre de la continuité des apprentissages entre l’école primaire
et le collège, d’une part, et entre le collège et le lycée, d’autre part.
• Comment faire le lien entre les paliers 2 et 3, autour de la continuité
des apprentissages et apporter une aide ciblée et pertinente dès l’entrée
en sixième, pour les élèves qui entrent au collège sans la validation du palier 2 ?
• Comment utiliser le LPC pour faire le lien et établir un suivi pédagogique
en première année de lycée professionnel ?
• Comment partir de l’analyse des compétences lacunaires pour mettre en
place l’aide personnalisée en seconde ?
Face à l’arrivée de cet outil dans les établissements, les équipes se sont trou-
vées démunies. La méconnaissance de l’outil les a empêchées d’en percevoir
les atouts pour la prise en charge des difficultés des élèves. Le socle commun,
de par son contenu interdisciplinaire et transversal, demande une réflexion
d’équipe, autant pour sa mise en place structurelle, que pour sa mise en œuvre
pédagogique. Dans les établissements où l’on a aperçu cet axe systémique,
et où les équipes se sont assises autour d’une table pour réfléchir aux apports
du changement de pratiques dans la résolution de problèmes scolaires récurrents,
le socle commun apparaît comme un outil pertinent pour fédérer les apprentis-
sages des élèves et les enseignements des enseignants.
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a rarement été jugée prioritaire ces dernières années, quand on a plutôt essayé de
gérer une urgence de plus en plus contraignante. Les établissements qui se sont
cependant accordé ce temps de réflexion sont maintenant les plus avancés dans
la mise en œuvre pédagogique et effective du socle commun. C’est un temps qui
existe rarement tel quel dans les établissements, parce qu’on a pris l’habitude de
la discussion pédagogique en formation disciplinaire, encadrée par des formateurs
ou des inspecteurs, et non en équipe de classe, au sein même de l’établissement.
Or c’est bien ce changement d’éclairage qu’exige le socle commun, et c’est bien
une réflexion globale et transversale, autour de l’acte d’apprendre, d’enseigner
et d’évaluer qu’il faut enclencher dans les équipes sur le terrain.
• Comment donc enclencher et encadrer cette réflexion dans les établisse-
ments ?
• Sur quel sujet, polémique ou non, faire travailler les équipes ?
• Comment valoriser la parole de chacun ?
• Comment éviter l’opposition de valeurs, qui bloque inéluctablement la mise
en œuvre du socle commun, pour construire une réflexion commune qui
intègre toutes les opinions ?
C’est à toutes ces questions que doivent répondre les chefs d’établissement,
s’il est vrai qu’ils sont les premiers pédagogues d’un établissement.
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à parier que la dernière solution sera la plus appréciée, si l’on arrive à cadrer
les échanges pour ne pas sombrer dans l’opposition figée des valeurs ou dans
la dérive contestataire.
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dans le cadre d’un programme de remédiation visant à consolider les acquis néces-
saires à la voie d’orientation professionnelle demandée.
Prenons l’exemple de l’orientation dans les filières de la restauration.
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Les qualités transversales requises dans les métiers de la restauration sont l’autonomie,
le sens de l’organisation, le respect des règles d’hygiène, la créativité et une certaine
résistance physique. Or on peut faire correspondre les items du socle de la compétence
d’initiative et d’autonomie, à savoir l’autonomie, la prise d’initiative, la manifesta-
tion de créativité, l’adaptation de son potentiel physique à la tâche demandée, et dans
la compétence de citoyenneté, l’item de santé et de sécurité.
Des compétences plus disciplinaires apparaissent à travers la lecture des programmes
d’enseignement de cette filière. On demande en effet aux élèves de savoir s’adapter au
client, d’organiser un argumentaire de vente, et de savoir évaluer le coût de prestations.
Les compétences de maîtrise de la langue et des outils mathématiques correspondent
à ces exigences, si l’on adapte un peu les apprentissages, pour les élèves décrocheurs, à
qui l’on veut continuer de proposer une offre de formation jusqu’à la fin de la scolarité
obligatoire.
Le programme de SVT de quatrième peut être réactivé en ce qui concerne les aliments
et la nutrition, afin de préparer les enseignements généraux de la filière. En maths,
on insistera sur les règles de la proportionnalité, et l’on pourra raccrocher ces élèves
en géographie en les faisant travailler, par la différenciation de la pédagogie, sur
des spécialités culinaires des régions de France ou du monde.
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une notation chiffrée et l’absence des élèves à certains devoirs. Une moyenne
générale ne nous dit rien que le comportement d’apprenant d’un élève. Le conseil
de classe peut repérer les domaines de compétences en souffrance pour les élèves
les plus fragiles et proposer une prise en charge de ces difficultés pour le trimestre
suivant. Il peut de plus se prononcer sur l’évaluation collégiale de certains items
transversaux, pour lesquels les critères de réussite ont été préalablement expo-
sés, en début de conseil, pour permettre à chacun d’appuyer son expertise sur
des critères communs à tous. Un document simple et fonctionnel permet à un
enseignant, responsable de la prise de notes pendant le conseil, de garder trace
de toutes ces discussions autour des besoins des élèves. Ce document aidera
le professeur principal à mettre en place, par la suite, ce qui aura été préconisé par
le conseil de classe.
Le district
Les chefs d’établissement peuvent s’appuyer sur les réflexions menées en
réunions de district, avec les autres chefs d’établissement des collèges envi-
ronnants. Les problématiques sont communes, puisque le public d’élèves est
souvent identique. Des actions de district peuvent être mises en place, avec des
enseignants volontaires dans tous les collèges. Cela permet une discussion péda-
gogique décontextualisée de la vie quotidienne et des problèmes spécifiques d’un
établissement, et offre le recul nécessaire aux enseignants souhaitant enclencher
un changement dans leurs propres pratiques, notamment dans les établissements
offrant une forte résistance. La possibilité de mutualiser les outils ou les activités
pédagogiques, et d’échanger autour de l’analyse des pratiques engagées, est une
autoformation efficace.
Une réflexion autour des compétences de citoyenneté et d’autonomie, un peu
délaissées dans les établissements au niveau des contenus d’apprentissage, est
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Se former
aux changements de pratiques
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Se former aux changements de pratiques
De nouveaux enjeux
La stratégie bâtie par les personnels de direction et les enseignants, après
une analyse des enjeux et besoins, consolide la culture commune des différents
acteurs d’un établissement. C’est en cela que réside la nouveauté : une équipe sur
le terrain, face à un public d’élèves, qui met en place l’apprentissage, l’évaluation
et la validation des items du LPC. Le socle commun pose donc une problématique
complexe. Seule une approche systémique, qui tienne compte de l’ensemble
des pratiques des uns et des autres dans un établissement, pourra articuler
le pilotage, la réflexion pédagogique et les demandes de formation, afin d’en opti-
miser l’interaction et ainsi rendre plus efficientes les mesures mises en œuvre.
La stabilité des équipes éducatives est certainement un atout important, au moins
au début de la mise en place du socle commun, et il faut veiller à communiquer
les stratégies transversales et interdisciplinaires, chaque année, aux nouveaux
arrivants. La culture de l’établissement va en effet en être renforcée, comme pour
la prise en charge de l’enseignement de l’histoire des arts, très variable selon les
établissements.
Il est en effet courant, quand on rencontre des équipes en formation, de
demander « Comment est organisée l’histoire des arts, chez vous ? ». Le socle
commun offre un cadre national plus rigide, puisque le LPC est immuable, mais
on voit se multiplier cependant, de la même façon, les stratégies de mises en place.
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Se former aux changements de pratiques
Dans notre expérimentation au collège, nous avions écrit, dès 2008, des évalua-
tions transdisciplinaires. Nous voulions en effet voir si nos élèves étaient capables de
réutiliser des connaissances enseignées dans diverses disciplines, sans que cette disci-
pline soit explicitement identifiée. À l’époque, « transdisciplinaire » nous semblait le
terme approprié et nous entendions, dans ses résonances, les notions de « transfert »,
de « transparence » et de « transversalité ». Nous avions choisi d’entrer par l’axe de
l’évaluation, ce qui était déjà plus en adéquation avec une approche pédagogique, plus
que celui de la validation. Comme il nous semblait important de choisir un support
d’évaluation suffisamment complexe, pour couvrir plusieurs champs disciplinaires,
nous avons écrit des évaluations d’histoire des arts : un tableau de peinture à analyser,
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une photographie d’actualité, une construction hydraulique, un opéra, etc. Ces évalua-
tions transdisciplinaires étaient imparfaites et insatisfaisantes, puisqu’elles présentaient
une succession de questions disciplinaires. Les élèves y répondaient sans percevoir le sens
attendu par les réponses, et cela nous a paru très vite tout à fait insuffisant pour attester
de la maîtrise d’une compétence.
Mais ces évaluations transdisciplinaires ont été le levier qui a enclenché le change-
ment de pratiques parce qu’elles nous ont confrontés aux problèmes pédagogiques liés
au travail et à l’évaluation par compétences. Elles nous ont obligés à nous interroger,
lors de la séance de correction collective que nous avions organisée, sur la lisibilité
de nos consignes, sur les niveaux d’exigences que nous attribuions à un item commun,
sur l’harmonisation des critères de réussite attendus. Nous nous étions dévoilés au
regard des autres, dans nos valeurs de correcteurs et dans nos spécificités disciplinaires.
Nous n’étions pourtant pas très loin de l’idée de tâches complexes et de la mobilisation
des ressources interdisciplinaires, dont nous n’avons découvert la pertinence que plus
tard. Nous venions par contre de découvrir la nécessité d’une concertation pédagogique
interdisciplinaire autour des compétences transversales et interdisciplinaires du LPC.
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Se former aux changements de pratiques
L’appropriation du référentiel
Lors d’une activité de formation, on peut laisser un moment d’appropriation
du référentiel par les enseignants, pour faire le lien entre les programmes disci-
plinaires et les pratiques de classe de chacun. La seule lecture du référentiel du
socle ne suffit pas, il faut passer par un croisement du référentiel du socle et des
programmes, pour identifier les items qui relèvent de nos programmes, de nos
pratiques de classe ou d’établissement. Si un temps d’appropriation des compé-
tences transversales est nécessaire, un autre temps d’appropriation du référentiel
par les équipes disciplinaires est indispensable. L’acquisition des compétences
du socle commun doit en effet être intégrée dans les progressions annuelles
disciplinaires.
Pour la technologie par exemple, les items à évaluer pour le socle constituent
un mini-programme par rapport aux référentiels de connaissances et de capacités
des programmes de technologie. En effet, un peu moins de la moitié des items
de technologie relèvent de l’évaluation du socle commun et nécessitent donc
d’être évalués en situation de mobilisation inédite.
D’autres disciplines, comme les lettres par exemple, intègrent la construction
et l’évaluation des items de la C1 et de la C5 dans une progression spiralaire,
puisque la lecture, de textes patrimoniaux ou autres, l’écriture et l’oral sont
des domaines de compétences qui traversent les enseignements de maîtrise de
la langue et de constitution d’une culture humaniste. Les supports pourront être
différents cependant, qu’il s’agisse du niveau attendu pour le socle commun
ou celui du DNB, à la fin de la troisième.
Vient ensuite le moment de la répartition des items en équipe.
• Chacun prend en charge les items qui correspondent à ses enseignements
disciplinaires, et pour lesquels il faudra mettre en place une évaluation disci-
plinaire par compétences.
• Restent alors les compétences transversales. Il y aura donc aussi une distri-
bution de certains apprentissages transversaux en concordance avec les
pratiques professionnelles de chacun. Il ne s’agit pas en effet de s’engager
de façon utopique dans l’évaluation d’items qui ne correspondent pas à des
pratiques réelles de classe. Et cette répartition n’est pas figée et évoluera
certainement d’une année sur l’autre, en fonction des choix faits lors de
la constitution des progressions disciplinaires. Ce temps d’appropriation
sera aussi un temps d’interrogation et de réflexion, à cause de l’adaptation
nécessaire et des changements de pratiques plus ou moins importants.
À chacun de reconnaître dans les libellés des items des pratiques courantes
(concernant la pratique de l’oral, le travail de groupe, l’utilisation des
TICES). Il est fort à parier cependant que plusieurs enseignants travailleront
et évalueront des items communs. À charge alors pour eux d’harmoniser
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Par exemple, pour l’item de la C5 « Mobiliser ses connaissances pour comprendre un fait
d’actualité », on ne peut raisonnablement demander aux élèves qu’ils maîtrisent des données
de géopolitique pour comprendre les flux migratoires de clandestins, mais on peut exiger d’eux
qu’ils mobilisent ce qu’ils savent de la division Nord/Sud pour comprendre ce qui pousse
les clandestins à quitter leur pays dans des conditions aussi effroyables et pour un eldorado
bien peu enviable.
Il apparaît très vite aux équipes que, si elles introduisent dans les pratiques
une réelle approche par compétences, il va falloir mettre en œuvre de nouveaux
dispositifs pédagogiques. En effet, l’évaluation par compétences n’est pas
une évaluation classique de connaissances ou d’exercices d’application, ni même
une évaluation par objectif.
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Se former aux changements de pratiques
La pédagogie de projet
On peut s’appuyer sur les projets existant déjà dans les établissements pour
enclencher la réflexion sur l’évaluation des compétences mobilisées par les élèves
dans ce cadre. En effet, dans tous les établissements, il y a souvent des projets
planifiés sur tous les niveaux. Or, bien qu’étant des dispositifs d’apprentissage
pertinents pour l’ensemble des élèves, ils ne sont souvent pas évalués à la hauteur
des apprentissages construits. L’approche par compétences nécessite en effet que
l’élève soit en mesure de faire des choix et de prendre des décisions, de mettre
en œuvre une stratégie personnelle. C’est à cela qu’on verra s’il est compétent
pour résoudre un problème donné. Or la mise en action induite par la pédagogie
de projet permet cette prise de décision et surtout son évaluation par l’ensei-
gnant. Les projets construits dans les établissements ne mettent pas tous en
œuvre une véritable pédagogie de projet, comme on peut le constater dans
l’exemple présenté ci-dessous. Mais ils sont un levier très important pour montrer
aux équipes enseignantes qu’il existe déjà, dans les pratiques, des dispositifs
pertinents pour enclencher une réflexion sur l’approche par compétences.
Nous avions commencé par travailler, avec l’ensemble des disciplines, et sur les quatre
niveaux, autour d’une exposition sur les Jeux olympiques prêté au collège par le conseil
général. Chaque élève disposait d’un dossier pluridisciplinaire, qu’il devait remplir
sur la semaine en s’aidant de l’exposition et en faisant diverses recherches dans différentes
disciplines. Le dossier (une feuille A3 pliée en deux) est en effet un outil qui est devenu
courant depuis que nous travaillons par compétences. Il permet d’évaluer l’autonomie
d’un élève et son investissement dans le travail demandé, et de lui laisser une marge
de liberté dans la réponse aux consignes données à l’intérieur. Sur la quatrième page,
on trouve toujours une grille d’évaluation par compétences (souvent une dizaine
d’items, disciplinaires et transversaux), ainsi que leurs critères de réussite. Les élèves,
déboussolés les premières fois, ont vite apprivoisé cet outil de travail.
L’approche n’était plus alors transdisciplinaire, puisque les élèves savaient très
précisément ce qu’ils devaient faire en histoire (en sixième, préparer une affiche
présentant les JO dans l’Antiquité ; en troisième, présenter les JO de 1936, les
JO pendant la guerre froide et les attentats de Munich en 1972), en technologie
(en sixième, préparer la fiche technique du vélo de course), en français (en sixième, créa-
tion de la « Une » d’un journal sur les Jeux paralympiques ; en troisième, l’évolution
de l’image des JO à travers le temps), etc. Les disciplines et les savoirs étaient clairement
identifiés, et cohabitaient, le temps d’une exposition, dans un même dossier autour
d’une thématique commune.
43
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Le socle commun nous demande par exemple d’évaluer les compétences d’oral des
élèves, mais quels apprentissages cohérents dispensons-nous pour les construire ?
Comment construisons-nous l’autonomie, le travail collectif, l’orientation, la culture
humaniste, la démarche scientifique et surtout la mobilisation interdisciplinaire des
différentes ressources disciplinaires ? L’enjeu pédagogique du socle commun se
situe au croisement des disciplines, qu’il faut relier pour que les élèves apprennent
à visualiser les tâches demandées dans leur globalité.
44
Se former aux changements de pratiques
45
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
46
Se former aux changements de pratiques
L’analyse de pratiques
La dernière phase de formation est en fait une phase d’autoformation, possible
grâce à la mise en place de la transversalité et de la transparence nécessaires
à la construction des compétences du socle. Les équipes échangent et analysent
des pratiques nouvelles.
Il est possible par exemple de faire ce travail sur les tâches complexes. Une
fois qu’ont été posés en équipe interdisciplinaire les attributs du concept de tâche
complexe, il est intéressant que chacun cherche, dans ses propres pratiques, des
activités qui sont des tâches complexes ou qui y ressemblent, afin d’appréhen-
der au mieux le travail ou l’évaluation par compétences. L’interdisciplinarité est
en soi très formatrice. Travailler à plusieurs disciplines autour d’un projet inter-
disciplinaire oblige chacun à se dévoiler, à expliciter les démarches entreprises,
à présenter ses spécificités disciplinaires. On peut apprendre à travailler en groupe
avec les enseignants d’EPS, ou leur demander d’apporter des exemples d’éva-
luations formatives. On peut apprendre à travailler par tâche complexe avec les
enseignants de technologie ou de SVT, travailler la mémorisation avec
les enseignants d’éducation musicale, prendre conscience des capacités de lecture
et d’écriture de nos élèves avec les enseignants de français.
Pratiquer régulièrement dans les établissements des échanges et des analyses
de pratiques est fondamental pour la construction d’une culture commune. Que
47
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
le socle soit commun aux enseignants, avant de l’être aux élèves. Que les ensei-
gnants ouvrent leur porte à d’autres collègues, pour comprendre les probléma-
tiques d’apprentissage des élèves, les différences de comportement de ces derniers
d’un cours à l’autre. Il est préférable d’ailleurs que l’observation par un pair soit
faite par un collègue d’une autre discipline, pour se prémunir des jugements de
valeur, et se concentrer sur une analyse transversale des pratiques pédagogiques.
Les cours interdisciplinaires sont également un moment de coformation important,
puisqu’il est nécessaire, à ce moment-là, d’accorder et d’harmoniser les pratiques
disciplinaires pour atteindre un objectif commun.
48
Se former aux changements de pratiques
à des élèves en difficulté, mais qui doit, au contraire, cibler et comprendre la cause
des échecs pour y répondre de façon personnalisée.
Le plan de formation suivant est celui que nous proposons aux établissements
dans lesquels nous intervenons au moins douze ou dix-huit heures dans une année.
En amont Rencontre avec les chefs d’établissement, les préfets des études
et certains enseignants volontaires pour déterminer les leviers possibles
et cibler la culture de l’établissement
Questionnaire sur les actions déjà mises en place
49
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Il ne s’agit pas de traiter de façon exhaustive tous les axes cités dans le plan
de formation ci-dessus, mais de faire des choix qui répondent aux besoins d’une
équipe sur le terrain.
Quand nous repartons, les équipes ont en main les leviers pour une mise
en œuvre pédagogique du socle commun, qui s’appuie sur le dialogue entre les
disciplines, sans perdre de vue que l’interdisciplinarité sans disciplines affirmées
n’est qu’un cadre vide.
50
3
Repenser l’acte d’évaluation
51
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
bouleverser. Une conception qui accepte mal de faire cohabiter différents regards
évaluateurs sur un même apprentissage.
Faire se rencontrer les équipes sur le thème de l’évaluation permet pourtant :
– de se poser au cœur du problème de l’intégration du socle commun dans les
pratiques ;
– de confronter les valeurs de correcteurs des enseignants et les conceptions
de l’acte d’évaluation ;
– d’obliger chacun à clarifier son rapport à la note et à se positionner face à
l’évaluation formative ;
– de prendre conscience des pratiques d’évaluation motivante, d’évaluations
différenciées, d’évaluations formatrices ou formatives, d’évaluations parfois
perverties et utilisées en tant que sanction ;
– de se rendre compte de l’incohérence et de la dissonance des évaluations
portées sur le travail d’un élève ;
– de se mettre à la recherche d’une cohérence visible par les élèves et leurs
parents.
52
Repenser l’acte d’évaluation
53
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
• Une moyenne générale ne sert qu’à classer les élèves les uns par rapport
aux autres.
Cependant, certains points attribués dans le barème peuvent permettre de
valoriser une qualité supérieure dans l’exécution d’une production, chose qui ne
sera pas possible avec l’évaluation par compétences, à moins de fonctionner avec
différents niveaux de performance, ou de travailler sur les niveaux d’exigence
d’une compétence à différents niveaux de classe.
Mais les « mauvaises » notes à répétition ont un effet destructeur sur la perte
de l’estime de soi et sur la démotivation, à un âge où l’élève est en train de poser
les bases de sa personnalité d’adulte. Réfléchissons à ce que nous faisons quand
nous rendons de « mauvaises notes » à un élève, à longueur de journée. Que
sommes-nous en train de construire ?
54
Repenser l’acte d’évaluation
55
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Les deux termes sont utilisés souvent de façon interchangeable, sans que la distinc-
tion entre les deux soit clairement posée. Mais l’hésitation entre les deux termes
montre en même temps l’ampleur du changement de pratiques à effectuer. Ne faut-il
pas, en effet, accompagner les équipes pour passer d’une évaluation de compé-
tences à une évaluation par compétences des acquis attendus ?
56
Repenser l’acte d’évaluation
L’évaluation différenciée
L’évaluation différenciée comme une alternative au décrochage
Le socle commun va permettre la réflexion d’équipe sur l’évaluation différenciée,
pratiquée régulièrement à l’école primaire, et quasi inexistante dans les pratiques
d’évaluation du collège. En effet, la notation chiffrée s’accommode mal de la diffé-
renciation de l’évaluation, puisqu’elle classe les élèves les uns par rapport aux
autres et qu’elle nécessite donc de les interroger sur des supports identiques, avec
un nombre de questions figé. Or l’évaluation par compétences, parce qu’elle évalue
chacun en prenant appui sur ses stratégies personnelles, peut varier les supports
d’évaluation, tant que les objectifs d’apprentissage sont les mêmes pour tous.
Malgré cela, l’évaluation différenciée se heurte à des positionnements de valeur,
toujours rattachés à cette drôle d’idée de la « justice de l’évaluation », comme s’il
était juste d’évaluer un élève sur des connaissances ou des capacités qu’il n’a
pas encore acquises, ou sur des attitudes que l’école ne l’a pas aidé à construire.
L’évaluation différenciée doit donc trouver une entrée dans les pratiques.
Il peut être intéressant de cibler certains élèves très fragiles, afin de permettre une
réflexion des enseignants sur le sujet et de viser une intégration progressive dans
les pratiques. Certains élèves, arrivant en classe de sixième, sans avoir acquis le palier 2,
ont besoin de cet aménagement de l’évaluation, au risque d’être broyés dès le premier
trimestre de sixième par la machine scolaire. Comment en effet pourraient-ils être
évalués au même rythme et sur les mêmes supports que les autres élèves, alors qu’il est
attesté officiellement qu’ils n’ont pas acquis le bagage minimum nécessaire à la sortie
de l’école primaire ? Loin de les aider à progresser, on risque au contraire d’accen-
tuer le phénomène de déscolarisation et de régression, en les excluant implicitement
des activités de la classe.
Cette évaluation différenciée est également pertinente en classe de troisième, pour les
élèves en décrochage scolaire. Pourquoi devrait-on continuellement mettre en évidence
57
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
leur manque de préparation au DNB, alors qu’il est possible de mettre en valeur
les compétences dont ils disposent et qu’il sera nécessaire pour eux de maîtriser dans
les parcours de formation professionnels qu’ils ont choisis ?
58
Repenser l’acte d’évaluation
différenciation a mis sur un pied d’égalité tous les élèves face au texte littéraire et à
l’évaluation de sa compréhension.
De nombreuses autres expérimentations ont été menées sur ce thème, comme par
exemple les ceintures de couleur selon les niveaux de maîtrise de la compétence. La
différenciation de l’évaluation parvient toujours à recréer le lien entre les élèves et
leurs apprentissages. Ce n’est pas sur la pertinence de ce type d’actions qu’il faut
réfléchir, mais bien sur les freins qui empêchent les enseignants d’accepter cette
évolution de l’évaluation.
59
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Si l’on définit le concept de tâche complexe par ses attributs, à savoir une liberté
accordée aux élèves dans la stratégie personnelle mise en œuvre, une mobilisation
de ressources face à un problème donné et un enseignant en posture d’accompa-
gnateur et de guide dans la construction des compétences, on peut alors relever
un certain nombre d’activités pédagogiques déjà proposées aux élèves dans les
pratiques de classe : lire ou écrire un texte devient alors une tâche complexe, ainsi
que travailler en groupe, mettre au point un protocole expérimental ou préparer un
exposé sur un thème donné.
Nous avons déjà eu une discussion avec des collègues autour de la note d’oral attri-
buée dans les moyennes disciplinaires, en fonction de la participation orale des élèves.
À quelles compétences correspond exactement cette note ? Sur quels critères de réussite
repose-t-elle ? Si l’on discute avec les collègues, on se rend compte qu’il s’agit davantage
de valoriser l’investissement de certains élèves dans le cours, et non d’une réelle évalua-
tion des compétences d’oral mises en œuvre. Qu’une note d’investissement dans le cours
soit attribuée aux élèves qui le dynamisent et le font fonctionner semble juste.
Mais cette note ne peut plus évaluer un « oral », qui est construit et évalué dans
la compétence 1 de maîtrise de la langue, à travers quatre items qui en cernent très
précisément la problématique d’apprentissage. Le domaine DIRE couvre le champ
d’apprentissage des techniques de prise de parole à l’oral, et s’acquiert par des situations
d’apprentissages proposées dans différentes disciplines. Il s’agit donc bien plus que d’une
note de « participation orale ».
60
Repenser l’acte d’évaluation
L’évaluation collégiale
Elle est associée à l’évaluation sommative, attendue dans le cadre de la vali-
dation certificative à la fin de la classe de troisième, et entérine les évaluations
de l’ensemble de la communauté enseignante et éducative. Mais cette évaluation
collégiale a sa place, en tant qu’évaluation formative, à tous les autres moments
de bilans proposés dans une scolarité au collège.
La parole du conseil de classe relève de cette collégialité car elle pose un
regard global sur le travail et les acquis d’un élève. Cette prise en charge globale
permet une autre approche des difficultés scolaires, en tenant compte du compor-
tement d’apprenant d’un élève, de ses points forts et de ses points faibles.
Le conseil de classe, qui réfléchit à présent en termes de compétences, guide l’élève
dans la construction du socle commun, en repérant des domaines de compétences
en souffrance et en proposant des stratégies de remédiation progressives et enca-
drées. Le socle commun étant un outil d’analyse fine des parcours et des stratégies
d’apprentissage des élèves, il doit être utilisé comme tel.
61
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
La transversalité
Elle concerne les apprentissages communs à toutes les disciplines et se
construit donc dans la concertation. En effet, les équipes ont besoin de réfléchir
ensemble à l’harmonisation des niveaux d’exigence attendus dans la maîtrise de
ces compétences communes, afin que l’évaluation en soit renforcée et ne perde de
son efficacité par un morcellement des attentes et des critères de réussite.
Sur quels critères compte-t-on valider ou non les items d’oral de la compétence
de maîtrise de la langue, par exemple, lors de l’entretien d’histoire des arts ou lors
de présentation orale de stages faits en entreprise, comme cela se pratique dans
beaucoup d’établissements ? Et à quel moment, dans quelle discipline ou à travers
quels projets interdisciplinaires avons-nous permis aux élèves de construire ces
compétences ? Toutes ces questions ne peuvent être évitées si l’on veut mettre en
place une évaluation transversale forte, qui soude les équipes et aide les élèves,
par une cohérence affichée, à construire les compétences attendues.
62
Repenser l’acte d’évaluation
Quel que soit le dialogue interdisciplinaire que l’on instaure dans les établis-
sements, le socle nécessite une transparence dans les pratiques d’évaluation
des enseignants d’une même équipe de classe, afin notamment de travailler avec
les élèves sur des critères de réussite explicites et en leur apprenant à identifier
et à mobiliser les ressources dont ils vont avoir besoin.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
64
Repenser l’acte d’évaluation
Dès qu’un élève s’est remis au travail, il est beaucoup plus facile, pour un ensei-
gnant, de l’accompagner dans ses apprentissages. Quand un élève en difficulté, en
passe de décrochage, accepte de retravailler une production, il acquiert une notion
du sens de l’effort et une compétence d’exploiter un brouillon, qui lui faisaient
défaut. L’un des effets secondaires indésirables de cette évaluation motivante
est de générer un sentiment d’anxiété chez certains élèves qui avaient arrêté de
travailler, faute de résultats concluants, qui se remettent au travail, mais pâtissent
de plusieurs années de décrochage et de lacunes. Il est important de les suivre pas
à pas et de les remettre en confiance, parce que cette remise au travail, volontaire
et dynamique, génère, en cas d’échecs répétés, un sentiment d’impuissance et de
découragement très anxiogène pour l’élève.
Le rôle de l’auto-évaluation
Être capable de définir ses points faibles et ses points forts, en termes d’appren-
tissage, cibler des items en souffrance pour demander de la remédiation, participer
à l’écriture de la feuille de route délivrée chaque trimestre par le conseil de classe,
voilà autant d’indicateurs qui prouvent que les élèves sont en train de construire
le recul cognitif nécessaire, pour une véritable autonomie dans les apprentissages.
En effet, comprendre les raisons de ses échecs et de ses réussites est un facteur
fort de motivation, ou plutôt ne pas les comprendre entraîne irrémédiablement
de la démotivation pour les apprentissages.
Or l’évaluation par compétences, parce qu’elle met en exergue les critères
de réussite et les ressources à mobiliser permet une analyse des causes d’échec
avec les élèves. Cela permet de construire une conception de l’intelligence, qui ne
65
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
repose plus sur des savoirs innés, mais bien sûr des stratégies d’apprentissage,
de mémorisation et de résolution de problèmes complexes.
Faire comprendre cela aux élèves en difficulté, c’est leur permettre d’avoir
prise sur les apprentissages. Cela redonne donc un sens à leur présence à l’école.
Le collège doit en effet être un lieu d’apprentissage et de formation pour tous, pour
construire des compétences communes, même si c’est parfois de façon différente.
66
4
Travailler et évaluer
la maîtrise de la langue en équipe
L a maîtrise de la langue est la première des compétences dans le livret du socle
commun, et elle confirme, à travers les items qui la composent, l’importance
de la maîtrise de la langue comme outil de communication et d’interaction avec
le monde. Les spécificités plus littéraires des programmes de lettres se situent
dans la compétence 5, qui cible, pour sa part, les composantes fondamentales de
la culture humaniste.
La maîtrise de la langue française est une compétence à la fois disciplinaire,
basée sur les enseignements de français, et à la fois transversale à tous les autres
enseignements. C’est la seule compétence transversale à posséder ce double
statut, dont il est important de clarifier les attentes et exigences de chacun, afin
d’articuler au mieux les regards experts des enseignants de lettres et les regards
transversaux des autres disciplines.
67
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Voici un exemple qui nous semble éclairant pour distinguer deux niveaux d’exigence
attendus, pour le DNB en français et pour la validation de la compétence 1 du socle
commun. Si l’on travaille les expansions du nom, avec des élèves de troisième, et plus
particulièrement les adjectifs qualificatifs, il sera indispensable de revoir les fonctions des
adjectifs pour préparer les élèves à l’épreuve du DNB. C’est en effet une question classique
qui peut être posée aux élèves. Mais dans le cadre du socle commun, ce qui importe, ce n’est
pas que les élèves soient capables d’identifier ces différentes fonctions. La plupart des adultes
maîtrisant tout à fait la correction de la langue ont oublié depuis longtemps les appellations
expertes grammaticales.
Le socle commun exige des élèves qu’ils soient capables d’accorder correctement les adjectifs
qu’ils utilisent dans les textes qu’ils produisent afin de prouver qu’ils « utilisent leurs capa-
cités de raisonnement, leurs connaissances sur la langue, et qu’ils sachent faire appel à des
outils variés pour améliorer leur texte » (item du domaine ÉCRIRE, de la compétence 1).
Cet exemple permet de déterminer clairement ce qui relève des apprentissages de français, à
savoir l’apprentissage des fonctions grammaticales et des accords des adjectifs dans les textes
étudiés, et ce qui peut être attendu dans les autres disciplines, à savoir le respect des accords
essentiels de la phrase.
C’est bien la notion de compétence qui aide les enseignants à distinguer ce qui
relève de la construction de connaissances et de ressources, et ce qui relève de
leur mobilisation.
68
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe
Dégager, par écrit Cet item, évaluable dans toutes les disciplines,
ou oralement, implique une reformulation de ce qui a été lu,
l’essentiel d’un texte lu pour en vérifier la compréhension.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Lire
Repérer les informa- Pour l’explicite, il s’agit d’aider les élèves à repérer
tions dans un texte les éléments du texte qui vont en construire le sens.
à partir des éléments L’implicite sera surtout travaillé dans les disciplines
explicites et du pôle humaniste.
des éléments Cet item permet d’identifier des difficultés,
implicites nécessaires qui peuvent être prises en charge de façon disciplinaire
ou transversale.
Écrire
Reproduire un texte C’est l’item qui permet l’évaluation des traces écrites
sans erreur et avec dans les classeurs ou cahiers.
une présentation
adaptée
70
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe
Utiliser ses capacités Il est intéressant que toutes les disciplines travaillent
de raisonnement, avec l’enseignant de français, pour aider les élèves
ses connaissances à améliorer les productions écrites.
sur la langue, savoir • Faire travailler le brouillon et son amélioration.
faire appel à des outils • Apprendre aux élèves à relire et à corriger
variés pour améliorer une production écrite : grammaire, orthographe
son texte et ponctuation.
• Apprendre aux élèves à analyser leurs erreurs
et à se méfier de celles qui sont récurrentes.
• Faire utiliser régulièrement un correcteur orthographique.
• Inciter à recourir régulièrement au dictionnaire
pour employer le mot juste.
S’exprimer à l’oral
Participer à un débat, Cet item peut être évalué soit lors d’échanges spontanés
à un échange verbal au sein de la classe, soit lors d’une rencontre avec
un intervenant extérieur.
L’évaluation de cet item peut aussi être pratiquée lors
de l’observation d’un échange entre élèves dans le cadre
d’un travail de groupe.
Les critères d’évaluation peuvent être :
• une circulation équilibrée de la parole lors de l’échange ;
• une correction du vocabulaire utilisé entre les élèves ;
• un échange d’arguments ;
• une écoute attentive lors de la prise de parole des autres.
71
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
72
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe
Les grilles Eduscol qui aident les enseignants à la mise en œuvre du socle commun,
par la description de pistes possibles d’évaluation, préconisent l’évaluation d’une
« orthographe socialement acceptable ». Cette expression, qui fait sourire les collè-
gues en formation, à cause de l’imprécision qu’elle apporte, recentre bien cependant
le débat sur les exigences du socle commun. Toute la question est de savoir si notre
société est permissive ou au contraire intransigeante avec les orthographes incor-
rectes, et de savoir où et quand elle pose son seuil de tolérance.
73
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Des attentes
Concernant les types d’écrit attendus, seuls les collègues de français et d’histoire
travaillent sur des textes longs et articulés. Les enseignants des autres disciplines
attendent cependant, en troisième, des réponses rédigées de quelques phrases
reliées les unes aux autres, et argumentées. En ce qui concerne la grammaire de
phrase, l’agencement attendu est celui du « sujet, verbe, complément », avec une
proscription parfois des pronoms, pour lutter contre l’imprécision des réponses.
L’exigence orthographique se porte souvent sur le vocabulaire spécifique vu dans
les leçons. En sixième, les exigences se limitent à une ou deux phrases simples
juxtaposées. On constate que l’écrit se complexifie en même temps que la pensée.
La lecture des textes est soit faite par l’enseignant, soit par des élèves volon-
taires. La lecture autonome silencieuse n’est donc jamais travaillée comme elle
peut l’être en cours de français, à partir d’un relevé des éléments implicites
et explicites qui permettent de construire le sens du texte. Les élèves sont pour-
tant évalués souvent à partir de cette lecture silencieuse, imposée en évaluation,
qui devient donc alors un prérequis non enseigné.
74
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe
75
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Un écueil à éviter
Une réflexion sur la pertinence des ressources externes que nous donnons à nos
élèves, quelle que soit la discipline, notamment pour les aider à la résolution des
tâches complexes, est à mener. En effet, ces ressources externes deviennent rapi-
dement des obstacles, voire des handicaps pour les élèves qui ne savent pas les
exploiter. Si l’on donne, par exemple, l’adresse d’un site Internet proposant des
informations exploitables par les élèves, il faut s’assurer que les élèves seront
capables de naviguer sur ce site et de sélectionner rapidement l’information inté-
ressante, et qu’ils ne risquent pas au contraire de perdre un temps précieux à lire
tous les mots du document, du premier au dernier, sans être capables d’en identifier
la ressource pertinente à la résolution du problème.
C’est un écueil classique dans nos pratiques, surtout quand on commence à propo-
ser aux élèves la résolution de tâches complexes : on pense les aider, en s’appuyant
sur des prérequis de lecture et de sélection de l’information qu’ils n’ont pas. Cette
remarque est valable pour les textes donnés sous un format papier.
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Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe
• Formulation d’hypothèses
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
• Récit de l’expérience effectuée (dire ce qu’on fait sur l’objet, en utilisant le vocabulaire
technique)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
78
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe
De la même façon qu’il n’est pas difficile d’enseigner à un bon élève, il n’est fina-
lement pas difficile de faire lire un élève lecteur. Mais comment faire avec tous les
autres ? C’est l’introduction de l’enseignement décloisonné de l’histoire des arts
qui nous a montré une entrée pertinente dans les textes littéraires. C’est en effet
par les réécritures d’une même œuvre d’art, ou par les échos se répercutant d’art
en art, à l’intérieur d’une même thématique, que l’on peut parvenir à accompagner
les élèves les moins lecteurs, dans l’approche et l’analyse des œuvres patrimoniales.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
des supports de lecture pertinents au collège si, appréhendés dans leur spécifi-
cité et leur modernité, ils permettent de faire revenir à la lecture des élèves non
lecteurs. L’agencement du CDI a été repensé pour pouvoir offrir à ces élèves une
ergonomie favorable à l’activité de lecture, ainsi que le calme et l’éclairage néces-
saire, pendant une heure prévue dans l’emploi du temps, pour les plus réticents.
Pour réconcilier les élèves non lecteurs avec l’objet-livre, nous les impliquons dans
le renouvellement du fonds du CDI. Les élèves d’une classe de quatrième sont chargés
de recenser les livres, documents et revues en lien avec les apprentissages menés dans
toutes les disciplines, en classe de quatrième. Cela les oblige à la fois à manipuler les
ouvrages présents dans les rayons du CDI, mais également à avoir un recul analytique
sur les apprentissages menés. Pendant que certains élèves établissent ce recensement,
d’autres élèves présentent aux enseignants de toutes les disciplines les ouvrages existant
au CDI, qui concernent leurs apprentissages disciplinaires, et leur demandent de passer
commande d’un ou deux nouveaux ouvrages ou revues.
Une fois ce travail mené, les élèves rencontrent un libraire avec lequel ils analysent diffé-
rentes vitrines de librairies, et ce, dans le but de construire leur propre vitrine, puisque
nous avons au collège plusieurs supports matériels, dans le hall ou certains couloirs,
adaptés à un tel projet.
L’objectif annoncé aux élèves de quatrième est de présenter cette vitrine aux élèves
de CM2 lors de leur visite du collège au mois de juin, afin de leur présenter les différentes
spécificités des disciplines enseignées. La préparation de cette vitrine permet également
de travailler avec les élèves à la création de volumes pour donner du relief à l’exposition
des livres, de travailler en arts plastiques la scénographie de la vitrine, d’aborder dans
une situation de transfert les problématiques d’éclairage traitées en technologie, et de
réfléchir, avec l’agent responsable de la sécurité du collège, aux différentes contraintes
liées aux montages électriques dans un lieu public. Grâce à ces différents apprentissages,
des compétences, indépendantes des compétences de lecture, sont exploitées, pour créer
une familiarité autour de l’objet-livre.
80
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe
En observant des élèves de DP3 présenter le compte rendu oral d’un travail mené
autour des métiers, nous avons identifié un certain nombre de lacunes dans leurs
pratiques d’oral.
Quand ils présentent un travail qu’ils ont mené, individuellement ou en groupe,
les élèves lisent ce qui est projeté sur leur diaporama.
Ils ne parviennent pas à se détacher de leurs notes, qu’ils ont souvent trop ou pas assez
rédigées.
Ils ne posent pas correctement le ton de leur voix et tournent souvent le dos à leur public.
Ils enchaînent les étapes de leur propos sans transition, et sans explicitation du plan suivi.
Ils peinent à répondre aux questions du public sans être déstabilisés.
Et il est difficile de leur en tenir rigueur, puisque ce sont des défauts que l’on
retrouve chez les adultes qui n’ont pas une pratique régulière de l’oral et que,
de surcroît, nous n’avons généralement pas construit avec eux les compétences
nécessaires pour un exposé clair, ou que nous ne leur avons pas offert suffisam-
ment de situations d’entraînement.
Or de la même façon qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit d’évaluer les élèves
sur une notion sans leur avoir laissé le temps de la structurer, de l’intégrer et de
s’entraîner aux procédures qu’elle mobilise, de même il semble difficile d’évaluer
les élèves sur leurs compétences d’oral sans avoir proposé un apprentissage
81
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Un exemple en technologie
Consigne : vous devez, en binôme, présenter les résultats de votre recherche, grâce
à un diaporama.
Il ne faut pas lire à l’oral ce qui est écrit sur la diapo projetée (puisque le public qui
vous écoute sait lire aussi). Sur la diapo, on note les titres des idées principales.
Et à l’oral, on les explique.
82
Travailler et évaluer la maîtrise de la langue en équipe
Diapo 1
Diapo 2
Diapo 3
Diapo 4
Inventer une ou deux questions que l’auditoire pourrait poser pour préparer la réponse.
Questions
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Réponses
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Auto-évaluation
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Un changement de pratiques
aussi dans les crédits d’enseignements
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Construire la mobilisation
des ressources nécessaires
à la construction des compétences
I ntégrer le socle commun dans les pratiques nécessite de permettre aux élèves
d’actionner et de prouver la maîtrise de leurs compétences. La seule observa-
tion de compétences décontextualisées, qui ne répondent pas à la volonté de
résoudre un problème donné, ne suffit pas à prouver qu’un élève est compétent.
Être compétent, c’est en effet savoir mobiliser et combiner des ressources à bon
escient. C’est donc d’abord :
– identifier les ressources adaptées à la problématique posée ;
– être conscient qu’on en dispose et qu’on est en mesure de les utiliser ;
– avoir des indices de récupération pour les retrouver dans sa mémoire
et dans un classement des savoirs le plus souvent associés à une discipline ;
– les combiner à d’autres ressources, puisque les situations-problèmes de la
vie réelle ne nécessitent que rarement l’utilisation d’une ressource unique.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Que l’on tente une expérience : proposez aux élèves, pour accompagner un extrait
de l’émission télévisuelle de vulgarisation scientifique C’est pas sorcier, diffusée sur
France 3, deux questionnaires, l’un avec des questions fermées suivant le déroulé du docu-
mentaire, et l’autre proposant deux ou trois questions ouvertes demandant aux élèves de
restituer ce qu’ils ont compris et retenu des thèmes principaux abordés dans l’émission.
La quasi-totalité des élèves choisissent le questionnaire fermé, alors qu’il est manifeste-
ment moins bien adapté au débit et au rythme soutenu de la transmission des informa-
tions dans l’émission. Les élèves préfèrent écrire à toute vitesse, se laissant submerger
par le nombre et l’enchaînement des questions. La prise de notes est au final inutilisable
et les élèves n’ont pas compris grand-chose à la problématique générale abordée.
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Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences
Seuls deux ou trois élèves préfèrent regarder l’émission et restituer ensuite, à leur
rythme, ce qu’ils ont compris et structuré. Est-ce un manque d’auto-évaluation et de
recul face aux activités proposées ? Sont-ils rassurés par un questionnement qui les
accompagne pas à pas dans la démarche, sans lisibilité globale de ce qu’ils sont en train
de faire et de construire ? Cet exemple est symptomatique de ce que les élèves vivent,
heure après heure, dans nos cours, sans lisibilité réelle des objectifs d’apprentissage que
nous poursuivons.
Les élèves que nous avons observés, face aux premières tâches complexes interdiscipli-
naires qui leur étaient soumises, réagissent de plusieurs façons, mais rares sont ceux qui
mènent directement à bien la résolution du problème. La problématique posée est celle
de l’esclavage en classe de quatrième et on attend que les élèves soient capables d’utiliser
ce qu’ils ont construit autour du concept d’esclavage lors des cours d’histoire et de fran-
çais. Pour préparer l’évaluation, une carte mentale a été construite pour les aider à cette
structuration interdisciplinaire.
Au départ, la majorité des élèves ne comprend pas la problématique formulée et
a besoin qu’elle soit reformulée et explicitée par l’enseignant. Mais c’est plus la présen-
tation générale de l’activité qui les déroute que la problématique en elle-même. Certains
élèves, parmi les plus en difficulté, restituent l’intégralité de leur cours d’histoire, sans
aucun lien réel avec la problématique posée. Cela peut être interprété de deux façons :
l’expression d’une angoisse face à une activité sur laquelle ils n’ont aucune prise, mais
avec la volonté de prouver aux enseignants qu’ils avaient bien appris leurs leçons.
Ou alors, l’incapacité pour eux d’utiliser une ressource connue et mémorisée, mais dans
une situation décontextualisée.
Dans les deux cas, on réalise que les élèves seront incapables de réussir ces tâches
complexes sans un apprentissage construit et progressif de la mobilisation des ressources,
et notamment sans un travail avec eux sur un apprentissage utile et utilisable des leçons.
Certains élèves parviennent cependant à répondre à la problématique posée, en choisis-
sant les savoirs acquis dans l’une ou l’autre des disciplines. Un nombre restreint d’élèves
parvient à combiner les ressources des deux disciplines. C’est alors aux enseignants
d’accepter que les ressources attendues ne soient pas toutes mobilisées, et que les élèves
puissent mettre en œuvre des stratégies compensatoires.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Les élèves de troisième demandent, en préparant leur entretien d’histoire des arts
autour de Roméo et Juliette, pièce étudiée dans le cadre du cours de français par
exemple, s’ils peuvent parler de ce qu’ils ont appris sur la pièce de Shakespeare avec
le professeur d’anglais. Ces paroles d’élèves montrent bien les efforts à fournir pour
reconstruire, dans leur esprit, une vision globale du monde, morcelée par l’école, et
pour leur apprendre à intégrer, de façon solide et stable, ce qu’ils apprennent, dans
un bagage de ressources accessibles et mobilisables à tout instant.
Un entraînement indispensable
Il ne suffit pas de courir, recevoir et renvoyer la balle, ou d’apprendre les règles du jeu
par cœur, pour pouvoir rencontrer convenablement des équipes adverses lors d’un
tournoi de sport. Il faut auparavant de nombreux matchs d’entraînement, encadrés
et guidés par un entraîneur, qui pratique en quelque sort l’équivalent d’une évalua-
tion formative.
L’arbitre, quant à lui, pratique le jour du match une évaluation certificative.
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Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences
Nous avions testé dans notre établissement l’utilisation d’un cahier de transfert,
transporté de cours en cours par les élèves, ayant pour objectif de faire apparaître les
compétences construites à travers les différents enseignements, dans le but, en théorie,
qu’un autre enseignant de la classe puisse repérer un transfert de compétences possible,
et mettre en place une mobilisation interdisciplinaire de ces mêmes ressources.
Bien que les enseignants aient soutenu l’expérimentation et tenté de remplir ce cahier
à chaque heure de cours, cet outil n’a jamais vraiment fonctionné, parce qu’il représen-
tait, d’une part, un outil supplémentaire à gérer dans la classe, et que nous étions déjà
débordés par les fiches de suivi, cahiers de liaison, cahiers d’appel ou de textes, et, d’autre
part, parce que le transfert de compétences se construit difficilement dans la réactivité
et la spontanéité et nécessite une réflexion et une discussion pédagogique plus poussées.
C’est donc plutôt dans le cadre de discussions formelles ou informelles que nous avons appris
à connaître les contenus disciplinaires, les objectifs et les contraintes de chaque discipline.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
disciplines et pour orienter les discussions sur des enjeux pédagogiques qui
permettent de porter un regard global sur les réussites et les échecs des élèves.
Nous sommes toujours surpris, quand nous assurons dans d’autres établissements
des formations autour de la mise en œuvre pédagogique du socle commun, d’entendre
des phrases comme « Dans ma discipline, travailler comme cela n’est pas possible »,
« Moi, j’ai des contenus à transmettre », « Moi, je fais déjà cela depuis longtemps », etc.
Ces phrases, nous ne les entendons plus dans notre établissement, depuis que nous
avons pris conscience, en travaillant ensemble régulièrement sur des séquences d’ap-
prentissage communes, que nous avions tous des contenus disciplinaires à construire
et des contraintes inhérentes à notre discipline. Une fois ce constat établi, le travail
en équipe devient plus efficace, et permet, en travaillant ensemble sur les prérequis
attendus par tous, de combler les failles qui séparent et isolent les disciplines.
Cette mobilisation demande donc une progressivité dans les apprentissages, à établir
en équipe : en classe de sixième, on peut faire prendre conscience aux élèves qu’ils ont
besoin, pour résoudre un problème complexe, de savoirs associés dans leur esprit à
d’autres disciplines.
En classe de cinquième ou de quatrième, on peut leur apprendre à lister les ressources
mobilisables, ou à retrouver, dans une liste de ressources contenant des ressources para-
sites, celles qui seront pertinentes pour la résolution du problème proposé.
L’objectif à atteindre est que les élèves d’une classe de troisième aient acquis une certaine
autonomie dans le choix et la mobilisation de ressources.
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Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences
Poser, comme principe d’acquisition d’un item, une évaluation attendue dans
la discipline d’apprentissage et une évaluation en situation de mobilisation, permet
de faire de ce principe une stratégie pédagogique. En effet, pour satisfaire cette
stratégie, les équipes cherchent les situations de transfert, et donc élargissent leur
vision pédagogique en croisant les champs disciplinaires d’apprentissage.
Ce transfert de compétences peut se manifester par une mobilisation de l’item
dans la discipline première, mais à un moment différé de celui de l’apprentissage,
dans une autre discipline, ou lors d’un projet qui nécessitera une mobilisation plus
éloignée du contexte d’apprentissage.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences
On nous fait souvent la remarque, en formation, que les tâches complexes inter-
disciplinaires ressemblent très fortement à ce qui avait été mis en place dans les
itinéraires de découverte, il y a quelques années. Et il est vrai que les IDD, quand ils
ont été conservés, sont des cadres parfaits pour développer des compétences avec
les élèves. D’ailleurs, les enseignants gardent le plus souvent un très bon ressenti
de ces IDD, qui leur avaient permis de travailler en interdisciplinarité, parfois même
en binôme sur des heures communes, et d’aborder autrement les apprentissages
avec les élèves, avec des pratiques pédagogiques différentes.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Les équipes rencontrées ont choisi de travailler autour de thèmes aussi variés que les
dangers de l’alcool et des conduites addictives, la compréhension d’articles de journal,
la lecture d’images, l’analyse de films vus au cinéma, de monuments architecturaux ou
d’expositions d’art contemporain, la pollution de l’eau, la recherche d’énergies renou-
velables, ou l’enrichissement du capital lexical des élèves, que ce soit en français ou en
langues étrangères, grâce à un partenariat avec l’EPS.
Certaines équipes construisent des enquêtes ou font écrire des nouvelles historiques, dont
l’action se situe par exemple au siècle des Lumières, et qui nécessitent la mobilisation de
ressources disciplinaires diverses.
Toutes ces tâches complexes, en confrontant les élèves à la complexité des situations rencon-
trées dans la vie courante, les préparent à la mobilisation des acquis construits au collège.
La qualité des tâches complexes interdisciplinaires créées par les équipes, ainsi
que l’impact sur la motivation et l’adhésion des élèves nous semblent le gage le
plus sûr de la pertinence de cette approche interdisciplinaire des compétences.
Les élèves ont toujours adhéré à ces activités et les enseignants ont pu constater
que ces situations d’apprentissage permettent aux élèves en difficulté d’exploiter
leurs compétences et influent fortement leur motivation face aux apprentissages.
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Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences
est seul sur terre et un certain nombre d’indices permettent au lecteur de le comprendre
au fur et à mesure de la lecture. À la fin, les mots « nuage » et « champignon » orientent
l’interprétation du lecteur vers une fin apocalyptique, conséquence d’une explosion
atomique. Mais les élèves ne décodent pas ces indices finaux, alors que, lors de la correc-
tion, il s’avère qu’ils savent tous que l’explosion atomique s’accompagne d’un nuage en
forme de champignon. Ce n’est donc pas le manque de connaissances qui pose problème,
dans ce cas, mais bien la mobilisation de ressources extérieures au cours de français pour
dévoiler le sens d’un texte. Les élèves non lecteurs ne comprennent pas que les livres
leur parlent du monde qui les entoure et qu’une mobilisation de toutes les ressources
interdisciplinaires possibles est nécessaire pour comprendre les histoires qu’ils lisent,
qu’il s’agisse de connaissances historiques, scientifiques, technologiques ou culturelles.
Forts de ce constat, un cours interdisciplinaire est programmé : il a pour objectif
de bousculer les élèves sur leur cloisonnement disciplinaire et de les obliger à mobiliser
des acquis d’une discipline pour construire le sens d’un texte littéraire. Le cours inter-
disciplinaire réunit les enseignants de lettres et de technologie et le texte support proposé
aux élèves est un extrait du Voyage sur la lune de Cyrano de Bergerac.
Dans ce texte datant du xviie siècle, l’auteur décrit un mystérieux objet appartenant
aux habitants de la lune qui permet, quand on l’accroche aux oreilles, de pouvoir
écouter des livres lus par des voix célestes pendant qu’on se balade. En gros, il ne s’agit
ni plus ni moins que d’un baladeur. Or les élèves de la classe ont étudié, en technologie,
l’évolution de certains objets techniques, et notamment celle du baladeur. L’objectif
pédagogique de cette séance est donc de leur faire mobiliser leurs connaissances tech-
niques et historiques pour comprendre qu’un tel objet n’existe pas à l’époque de Cyrano,
et ne peut encore moins être créé puisque les techniques qui lui sont associées, comme
l’enregistrement des voix, entre autres, n’existent pas encore. Il s’agit donc, suite
à cette mobilisation de connaissances techniques, de percevoir tout l’enjeu esthétique
et littéraire de ce texte et d’apprécier le regard précurseur et visionnaire de Cyrano
de Bergerac. Les élèves réagissent favorablement à cette séance, notamment parce
que la présence des deux enseignants devant eux les interpelle et leur permet
de comprendre l’enjeu de cette mobilisation interdisciplinaire.
Durant cette heure interdisciplinaire inscrite à l’emploi du temps, les élèves ont travaillé
avec les enseignants de lettres et d’histoire pour mettre en place le cadre historique d’une
nouvelle policière dont l’action se situe au xviiie siècle.
Ils ont créé, avec les enseignants de langue, un petit lexique anglais/espagnol/allemand,
qui juxtapose les expressions courantes dans les trois langues.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Ils ont travaillé, avec les enseignants de lettres, d’anglais, de technologie et la documenta-
liste, sur les dangers d’Internet et l’utilisation raisonnée des nouveaux médias.
Ils ont travaillé la scénographie d’un spectacle vivant, en mobilisant des ressources
construites dans les cours de français, d’éducation musicale, d’espagnol, d’EPS et de
technologie.
Ils ont construit des compétences d’analyse filmique, avec les enseignants de lettres
et d’éducation musicale, en analysant comment une bande sonore soutient les étapes
d’une narration.
Ils ont construit la notion de courant artistique, avec les enseignants de lettres
et d’anglais, autour de Bram Stoker et du mouvement fantastique et gothique anglais
au xixe siècle.
Ils ont appris à reconnaître, dans l’écriture de bandes dessinées, des techniques
d’écriture littéraire vues en cours de français, comme le retour en arrière, l’ellipse
ou les points de vue du narrateur.
Tous ces cours ont été programmés, dans l’heure prévue, en parallèle des
apprentissages disciplinaires menés. Cette programmation a été possible parce
qu’avait eu lieu au préalable une concertation des enseignants autour de leurs
progressions annuelles. Cette concertation avait permis la prise de « rendez-vous
interdisciplinaires » autour d’apprentissages communs. On peut en effet décider
d’aligner ou au contraire de décaler les séquences disciplinaires concernées,
l’essentiel étant de prévoir des temps de rencontres interdisciplinaires, pour
apprendre aux élèves à mobiliser les acquis construits.
La concertation d’équipe porte alors sur ce que les élèves vont apprendre
et construire tout au long de l’année. Ce dialogue des disciplines contribue à
instaurer, dans les pratiques des élèves, ces passerelles entre les apprentissages
et à construire une culture active et dynamique qui leur permette d’interagir avec
le monde.
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Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences
Ces trois axes définissent bien les contours d’une culture à faire acquérir à
tous les élèves et c’est grâce à l’activation de leurs acquis dans tous les champs
de compétences du socle commun que cette culture va devenir effective et vivante.
Travailler par compétences développe bien la culture, si l’on définit celle-ci, non
comme un savoir livresque à acquérir, mais comme la mise en relation des savoirs
divers pour appréhender une situation nouvelle. En effet, les différentes cultures
enseignées à l’école, qu’elles soient humaniste, scientifique, technologique ou
civique, vont être des ressources pour la résolution de tâches complexes inédites,
et vont permettre aux élèves d’appréhender des problèmes relevant d’un transfert
de compétences plus éloigné de la situation d’apprentissage.
Le dialogue des disciplines, dans le lien très étroit qu’il tisse avec la constitu-
tion d’une culture disponible, contribue à créer des intelligences, par le dévelop-
pement chez les élèves d’une pensée complexe.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Les phases de structuration sont essentielles si l’on veut préparer une mobilisation
des ressources, sans toutefois tomber dans le formatage et la rigidité des stratégies.
Les élèves apprennent ainsi à décontextualiser leurs acquis pour les conceptuali-
ser lors des phases de structuration, et à les recontextualiser dans des situations
de résolution. C’est ce va-et-vient entre les savoirs disciplinaires et la manipulation
des notions dans des contextes différents, entre le local et le global, qui rendront
les ressources mobilisables.
Les élèves en difficulté apprennent souvent leurs leçons par cœur, comme une
poésie, d’un seul bloc figé dans la mémoire. Le manque d’analyse et d’appropria-
tion, dans cette phase de mémorisation, empêche l’élève de récupérer le savoir dont
il a besoin, au risque que l’édifice fragile de ses connaissances ne s’écroule comme
un château de cartes. Il est donc impératif d’apprendre aux élèves à apprendre de
façon à pouvoir utiliser ce qui a été appris.
Un entraînement indispensable
Intégrer les acquis et les réinvestir nécessitent des entraînements, pour
permettre aux élèves de manipuler les notions, si possible à travers des tâches
complexes les obligeant à reproduire ce mouvement intellectuel de recherche
et de mobilisation de ressources. La situation d’évaluation qui sera proposée,
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Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences
Les élèves utiliseront peut-être des stratégies compensatoires pour pallier des manques
de connaissances ou de savoir-faire. Il est important de leur montrer que ces stratégies
compensatoires sont souvent associées à une perte de temps ou d’efficacité. Mais elles
peuvent être aussi le signe d’une réelle stratégie personnelle de résolution de problème.
Il faut alors les faire expliciter par l’élève à la classe, pour travailler ce recul cognitif
indispensable à la construction des compétences.
Prenons l’exemple de la conception d’un élément d’un objet technique : son apparente
simplicité est souvent le résultat d’une réflexion approfondie lors de sa conception,
qui va permettre de gagner du temps, en utilisant moins de matériaux ou d’outils lors
de sa fabrication. Un élève peut choisir d’utiliser ses connaissances propres, notamment
en ce qui concerne les outils mathématiques, pour éviter la manipulation d’appareils
de contrôle prescrits dans un protocole expérimental, ou de proposer, en compte rendu
d’expérience, un croquis annoté aussi explicite que le texte d’explication attendu.
Dans une évaluation de compétences, l’enseignant est ouvert à toute démarche de réso-
lution et évalue les compétences mobilisées, même si elles diffèrent de celles qui étaient
attendues. Parce que, dans ce cas-là, une vraie mobilisation spontanée de ressources
est mise en œuvre.
La majorité des élèves utilisent mal les acquis qu’ils ont pourtant. Cette mobi-
lisation des compétences est donc un prolongement logique des apprentissages
disciplinaires et transversaux. Or, étant nous-mêmes devenus des experts dans
notre discipline, nous sommes parfois confrontés à la difficulté d’analyser ce
processus de mobilisation, puisque nous avons automatisé la plupart des ensei-
gnements que nous dispensons. C’est bien à une déconstruction de nos propres
compétences que nous devons procéder, pour pouvoir enseigner à nos élèves
la construction des leurs.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Prenons l’exemple des différents types d’écrits exigés par les enseignants dans toutes les
disciplines : des récits d’invention, des synthèses, des comptes rendus d’expérience, des
paragraphes argumentés, des narrations de recherche. Tous ces écrits sont construits,
voire codifiés, et les attentes des enseignants des disciplines sont assez exigeantes,
puisque ce sont ces écrits qui vont permettre l’évaluation de compétences purement
disciplinaires.
Or l’écriture de tout type de texte, que ce soit pour soi-même ou pour autrui, comme
outil de communication et d’interaction au monde, relève bien de l’enseignement
du français et peut être travaillée en transversalité. La prise en charge de ces prérequis,
dans le cadre d’activités transversales, a pour objectif de faire produire aux élèves des
écrits suffisamment longs et construits pour que les autres compétences visées puissent
être correctement évaluées. Nous sommes en effet dans un système scolaire forte-
ment axé sur la rédaction et la lecture de textes : il ne faut pas que ce soit le manque
de maîtrise de la langue qui empêche l’évaluation des autres compétences. Il ne s’agit
absolument pas de contourner le problème et d’ignorer la difficulté, mais bien d’appor-
ter des apprentissages supplémentaires et transversaux pour pallier ces difficultés.
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Construire la mobilisation des ressources nécessaires à la construction des compétences
aux personnages, un autre aux œuvres d’art et artistes et un dernier pour les décou-
vertes scientifiques et technologiques. Chaque enseignant demande à ses élèves de créer
des affiches présentant des événements, personnages, artistes, œuvres ou découvertes vus
en classe, et les accroche sur la frise. Cela permet aux élèves d’avoir une vision globale
des événements et personnages marquants d’une époque.
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
Ce recul sur leur propre production est à construire avec les élèves, tout
au long de la scolarité au collège.
• Essayer, tester, conjecturer : que ce soit à travers la résolution de tâches
complexes ou à travers la pédagogie de projet, l’élève prend conscience
que certaines activités requièrent de lui des compétences de recherche
et d’inventivité des solutions. C’est dans cette marge de liberté qui lui est
laissée que l’élève peut exercer son autonomie.
• Savoir mener une recherche, sur des supports papier ou numériques, trouver
des informations en s’appuyant sur des personnes ressources, que ce soit
les enseignants ou les autres membres du groupe, savoir élaborer des proto-
coles expérimentaux.
• Communiquer sur les résultats obtenus. Cette étape, que l’on retrouve expli-
citée dans le dernier item de la démarche scientifique et technologique de
la compétence 3, a une portée plus globale sur l’ensemble des apprentis-
sages. Nos élèves doivent être capables de présenter oralement ou par écrit
les démarches mises en œuvre, ainsi que les résultats obtenus, quelle que
soit l’activité demandée.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
Ces critères montrent bien que la construction d’une citoyenneté active doit
s’ancrer dans les apprentissages quotidiens des élèves et dans les pratiques couran-
tes de classe. Au-delà d’un règlement à respecter, c’est une conscience à construire.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
D’autres actions peuvent être envisagées, sachant qu’il est pertinent qu’au
moins un projet citoyen soit mené par an et par niveau dans un établissement.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
nous avons travaillé à partir de blogs d’élèves, avec leur autorisation, afin d’analyser
et de vérifier avec eux qu’ils respectaient bien les droits à l’image et ne prenaient aucun
risque sur la toile.
L’enseignante de lettres pensait pouvoir également s’appuyer sur ces productions
personnelles d’élèves pour aborder l’écriture autobiographique au programme de
troisième. Mais la pauvreté des textes mis en ligne par les élèves a révélé que ce nouveau
mode de communication n’était pas vraiment l’équivalent des « journaux intimes
d’autrefois » et se résumait la plupart du temps à un album photo présentant des adoles-
centes aux poses lascives, comme les mannequins des magazines.
Cette activité nous a permis de faire prendre conscience aux élèves que la Toile est un lieu
public, et que publier une photo de soi sur Internet revient à l’afficher sur les murs de
la ville, voire davantage. Nous avons constaté que cette conscience des dangers encourus
n’est pas construite dans l’esprit des élèves, qui pensent être protégés et perçoivent peu
les conséquences de certains de leurs actes.
C’est à cette tâche que nous nous attelons, en équipe interdisciplinaire, dans une classe
de quatrième, à laquelle nous avons inscrit dans l’emploi du temps une heure d’analyse
des stratégies d’apprentissage (pour construire l’autonomie) et d’éducation aux médias
(pour construire la citoyenneté).
Cette séquence interdisciplinaire nous permet d’aborder le rôle du langage et de l’argu-
mentation, à travers l’analyse de débats télévisés ou radiophoniques (les élèves ayant
des difficultés à suivre une discussion sans support visuel, nous les faisons écouter des
extraits d’interviews radiophoniques, sur des thèmes d’actualité, avec prise de notes sous
forme de cartes heuristiques). Apprendre aux élèves à résister aux manipulations de la
publicité ou de toute autre propagande est une façon de développer leur esprit critique.
Nous les faisons aussi travailler sur les préjugés et les stéréotypes, afin de leur apprendre
à les reconnaître et à se prémunir, à long terme, contre toute forme de populisme.
Durant cette heure, les élèves travaillent avec la documentaliste, les enseignants de
lettres, de technologie ou d’histoire-géographie, ainsi qu’un assistant d’éducation,
responsable d’un projet « Éducation à l’image ».
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
Le développement durable
Apprendre aux élèves à développer des réflexes citoyens liés au développe-
ment durable permet d’intégrer à part entière les disciplines scientifiques dans
la construction des compétences civiques. Le socle commun relie en effet l’item
de développement durable à la compétence scientifique. Mais le développement
durable est aussi présent dans la compétence humaniste, à travers l’item « Avoir
des connaissances et des repères relevant de la culture civique », ce qui conforte bien
les équipes dans leur volonté de relier le développement durable à la citoyenneté.
Nous avons travaillé avec les élèves sur l’amélioration écologique de notre collège,
puisqu’il nous semble plus pertinent, dans une approche citoyenne, de travailler sur des
bâtiments anciens que sur du neuf.
Ce projet, qui allie la technologie, la physique, le français et la vie scolaire a comme
objectifs terminaux de faire produire aux élèves une charte de comportement citoyen
et écologique dans le collège (tri des déchets recyclables, limitation de l’utilisation
du papier, usage d’un cahier de brouillon, éco-conception) et d’identifier, sur une
maquette d’une aile du collège les zones de déperdition de chaleur, afin de proposer au
conseil général des améliorations, comme par exemple des récupérateurs d’eau de pluie
pour alimenter les chasses d’eau ou l’isolement de certains endroits du collège.
Nous voulions, par cette action, développer chez nos élèves des compétences physiques
et technologiques qui leur permettent de mener plus tard, de façon autonome, une
réflexion écologique sur leur propre logement.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
Autoriser l’autonomie
Pas de construction d’autonomie sans autonomie. Mettre les élèves en auto-
nomie suppose que la séance a été construite dans cet objectif et va permettre la
construction des notions ciblées. La pédagogie de projet, par exemple, développe
l’autonomie des élèves car c’est une pédagogie participative qui met les compé-
tences de l’élève au cœur de la résolution de problème.
Nous avons créé au collège une option interne pour les élèves de troisième en décrochage
scolaire. L’option est proposée à une dizaine d’élèves de troisième, deux heures par
semaine, et est assurée par deux enseignants qui interviennent en binôme. Les disciplines
de ces enseignants importent peu au départ, même s’il est préférable que soient associés
des enseignants de pôles différents, et ce, afin de couvrir plus largement les besoins des
élèves et les champs d’action que va mettre en œuvre la pédagogie de projet. La prise en
charge différenciée de ces élèves est nécessaire pour leur permettre de rester scolarisés
au sein de l’établissement jusqu’à la fin de la troisième et pour leur faire acquérir les
compétences indispensables à la validation du socle commun. Or les compétences les plus
difficiles à acquérir, pour ces élèves en grande difficulté, sont généralement la pratique
d’une langue étrangère (compétence 2), la maîtrise des outils mathématiques (compé-
tence 3), et les compétences d’autonomie et d’initiative (compétence 7), puisque ce sont
des élèves peu autonomes et investis dans les apprentissages.
Nous nous sommes pendant plusieurs années interrogés sur les contenus d’apprentis-
sage à dispenser lors de ces deux heures hebdomadaires : nous nous sommes appuyés sur
des enseignements de VSP (vie sociale et professionnelle), sur des exercices de mathé-
matiques et de français donnés lors de l’épreuve du CFG (Certificat de formation géné-
rale). Nous avions alors l’impression de colmater les brèches d’un bateau qui coule avec
des rustines, et de n’aider en rien nos élèves à développer les compétences attendues à
la fin de la scolarité obligatoire.
C’est seulement quand nous avons commencé à utiliser la pédagogie de projet,
à l’intérieur de l’option, que le rapport des élèves aux apprentissages a changé. Quel
qu’il soit, le projet proposé doit permettre une planification sur l’année, impliquer
les élèves dans des démarches d’investigation ou de résolution de problème, développer
le travail d’équipe et confronter les élèves au monde extérieur à travers des partena-
riats qui leur apporteront une autre vision sur leur travail. Les élèves, s’ils ont un rôle
attribué, n’en reconnaîtront que mieux ce qui est attendu d’eux. C’est parce que la
solution est entre leurs mains qu’ils développent cette autonomie indispensable à la mise
en œuvre de compétences qui permettent de parvenir au bout de la tâche demandée.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
les enseignants aux côtés des élèves à la recherche d’une solution qui n’est pas
prédéterminée. C’est dans l’intervalle de cet accompagnement par les enseignants
que se développe l’autonomie des élèves.
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
Et c’est seulement quand on aura mené cet apprentissage qu’on pourra exiger
de nos élèves de troisième qu’ils soient autonomes et qu’ils soient capables de
mobiliser, dans une tâche complexe, les connaissances, procédures et attitudes
nécessaires à sa résolution.
Le travail de groupe
Paradoxalement, c’est dans le travail de groupe que les élèves vont développer
leur autonomie individuelle, qu’elle soit de pensée, de parole et d’action, et vont
construire des compétences transversales qui seront exploitables dans toutes les
disciplines. Faire travailler en groupe les élèves permet de développer leur auto-
nomie, car l’enseignant n’est plus la ressource première de l’élève. C’est vers ses
pairs qu’il va se tourner, et c’est ensemble qu’ils construiront la notion ciblée.
Mais comme tout dispositif pédagogique, il demande d’être maîtrisé, tant au
niveau de la constitution des groupes que des objectifs suivis. Il s’agit bien de
groupes d’apprentissages, dont la constitution dépend des objectifs poursuivis,
et non selon la répartition géographique des élèves dans la classe, ou les affinités.
Il nécessite une adhésion de la part des élèves, qui doivent accepter de travailler
ensemble :
– pour confronter leurs idées ;
– pour enrichir leurs représentations ;
– pour se répartir les étapes d’un travail long ;
– pour surmonter ensemble une difficulté précise.
Le groupe de mutualisation permet par exemple de faire reformuler par
les meilleurs élèves certaines notions mal comprises par d’autres. À la différence
des enseignants qui ne sont plus dans un processus d’apprentissage et ont
automatisé un certain nombre de procédures qu’ils enseignent, ces élèves trouvent
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
parfois les mots justes pour expliquer aux autres les schémas de pensée mises en
œuvre. Les élèves en difficulté, par cette mutualisation, prennent conscience que
les bons élèves ont des stratégies efficaces de travail, et les meilleurs élèves, par
cette métacognition développée avec leurs camarades, consolident l’ancrage des
savoirs dans leurs ressources propres.
Comme dans la pédagogie de projet, les élèves, s’ils ont un rôle précis dans
le groupe, trouvent plus facilement une entrée dans les apprentissages demandés et
se font une représentation plus nette de la tâche attendue. Ils sont tour à tour secré-
taire de séance, gestionnaire du temps, documentaliste, manipulateur dans certaines
disciplines, et tous peuvent être désignés rapporteur à l’oral du travail de groupe.
Le choix de ces rôles est établi par l’enseignant qui, selon les activités, peut choisir
de s’appuyer sur les compétences des élèves, ou au contraire de les développer.
Il est intéressant de lier davantage cette répartition des rôles à une auto-
évaluation des élèves, qui déterminent alors eux-mêmes leurs points forts et leurs
points faibles. Ils entrent en effet plus facilement dans l’activité s’ils en conçoivent
la finalité pédagogique. Un temps de structuration par l’enseignant est nécessaire,
à la fin de l’activité, pour aider les élèves, après la phase de recherche, à vérifier
et à organiser le savoir construit.
Au collège, nous nous sommes dotés de groupes d’apprentissage différents selon les
objectifs pédagogiques poursuivis. Les groupes sont constitués par le professeur principal
et distribués à l’ensemble de l’équipe enseignante de la classe. Les élèves sont répartis :
– en groupes de mutualisation quand on a besoin qu’ils mutualisent leurs stratégies
(un élève qui a des stratégies, un élève plus intuitif mais qui n’est pas au travail,
un élève consciencieux mais qui manque de stratégie et un élève en plus grande difficulté
et souvent démotivé) ;
– en groupes de confrontation quand ils ont besoin de chercher ensemble (on met
ensemble les élèves qui ont de l’assurance, et ensemble les élèves plus timides, afin que
chacun se sente en confiance dans le groupe et puisse exposer son point de vue) ;
– en groupes de différenciation (on regroupe les meilleurs élèves, à qui on propose de
l’approfondissement et des parcours d’excellence, on regroupe les élèves qui ont besoin
d’un étayage plus prononcé dans les activités et ceux pour lesquels il est indispensable de
différencier les supports ou les approches pour construire la notion ciblée par le cours).
Les élèves connaissent les trois types de groupes et leur finalité, ce qui permet de gagner
du temps dans la logistique de ce genre d’activité. Ils se connaissent et ont appris à
travailler ensemble. Il y a une mise au travail très rapide des élèves, et une efficacité
dans les apprentissages qui, de l’avis de l’ensemble des enseignants, permet de « gagner
du temps ». Cette réflexion est d’autant plus intéressante qu’elle vient à contre-courant
des idées reçues des enseignants sur le travail de groupe, négligé le plus souvent par
« manque de temps ». Le travail de groupe devient alors un dispositif de classe qui accom-
pagne au plus près les finalités pédagogiques de l’enseignant et les besoins des élèves.
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Au collège, nous disposons régulièrement les tables du CDI en grand cercle afin
de proposer aux élèves des tables rondes sur l’actualité, sur leurs représentations de la
lecture, de la citoyenneté, sur leurs pratiques des réseaux sociaux, ou de certains appren-
tissages précis. Ces pratiques régulières ont appris aux élèves à débattre et à discuter
ensemble ou avec des intervenants extérieurs. C’est une autre façon de prendre la parole,
plus libre qu’en classe, moins frontale et moins risquée. Plus autonome.
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
En classe de quatrième, nous proposons une activité de recherche aux élèves, avec
un document de suivi de cette recherche. L’objectif de la séance de travail n’est pas tant
le résultat de la recherche que la façon dont les élèves vont la mener en salle pupitre.
Le thème de la recherche est « La préciosité au xviie siècle », un courant littéraire
volontairement mal connu, voire inconnu des élèves, leur laissant peu de marge pour
la mobilisation de ressources internes. C’est donc bien la compétence d’exploitation
de ressources externes qui va être travaillée. Le document demande aux élèves de rele-
ver les différents mots clés utilisés et de se prononcer sur leur pertinence. Il demande
ensuite aux élèves d’indiquer les idées relevées dans chaque site consulté et d’en faire
une synthèse à la fin de la recherche
Les élèves, suite à cette activité, ont perçu l’importance des mots clés et
la nécessité de consulter plusieurs sites pour enrichir une information. Ils se sont
rendu compte que certains sites, bien qu’ayant une présentation attirante, leur
fournissaient peu d’informations exploitables, alors que d’autres étaient plus
lisibles et compréhensibles. Ils ont également perçu la nécessité d’être capable
de porter un regard critique sur une information.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Commencer la mémorisation des éléments clés d’une leçon en classe, sur les
dix dernières minutes de notre cours n’est-il pas plus pertinent que de conti-
nuer à nous escrimer sur des apprentissages non appris ? Jusqu’où devons-
nous accepter l’externalisation de cet apprentissage des leçons, au lieu de
le considérer comme une phase de structuration inhérente à notre cours ? Le
temps joue contre nous, et les semaines qui passent, dans une année scolaire,
obligent à maintenir un rythme d’apprentissage lié au recouvrement de l’inté-
gralité des programmes. N’est-ce pas un objectif hors de propos, de « finir son
programme » quand la moitié des élèves le parcourent en courant sans avoir
le temps de rien intégrer à leurs ressources propres ? Peut-on enfin passer
d’un collège qui enseigne à un collège où l’on apprend ? Il ne s’agit nullement
de dire qu’il ne faut pas traiter l’intégralité des programmes disciplinaires, au
profit de la construction de compétences vides de connaissances. Il s’agit juste
de reposer la question en termes de concepts transférables à construire. Nos
enseignements ne se contentent plus de répondre à la question des savoirs à
faire acquérir mais aussi de l’activation de ces savoirs dans les ressources propres
des élèves. De cette activation des ressources dépend le degré d’autonomie de
chaque élève.
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Construire la citoyenneté et l’autonomie
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7
Outiller les équipes
pour mettre en place
les pratiques communes
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Quand nous avons voulu présenter le socle commun à nos collègues, en 2007, nous
avons commencé par lire tous les préambules des programmes disciplinaires et ce,
pour comprendre comment chaque discipline définissait le terme de « compétence ».
Cette lecture nous a fait prendre conscience que le panel d’acceptions relevées allait
être un frein à la mise en mouvement des équipes, parce que, face au flou des défini-
tions, certaines équipes préféreraient attendre que tout soit plus clair. C’est pour cette
raison que, dans nos formations, nous avons préféré employer très rapidement le terme
de « ressource » qui, en englobant des savoirs, des capacités, des attitudes, des savoir-faire
ou savoir-être, permet un consensus.
Même si certaines équipes que nous rencontrons ont encore besoin d’être
rassurées sur cette définition de la compétence, cette problématique commence
à être dépassée, au profit d’une réflexion plus pédagogique sur ce que l’on
construit en termes de compétence.
L’objectif est-il en effet que nos élèves aient des compétences ou qu’ils soient
compétents ?
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Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes
reprises et affinées l’année suivante. C’est fin juin que les rendez-vous interdisci-
plinaires sont donnés, avant que chacun ne programme et ne planifie ses ensei-
gnements.
Cette transparence dans les progressions annuelles est fondamentale pour
une mise en œuvre pédagogique du socle commun ; de plus, son objectif doit
être présenté clairement aux équipes. On ne peut en effet obliger un enseignant
à donner sa progression annuelle à ses collègues et c’est une pratique tout
à fait inhabituelle, jusqu’à présent, dans les établissements. Cette mise à plat
des progressions nécessite un temps d’accompagnement et de discussion péda-
gogique. Le temps imparti à ce conseil d’enseignement interdisciplinaire doit être
au minimum de trois heures. On peut même envisager de lui consacrer une journée
entière, lors de la journée de solidarité, par exemple.
Ces actions, simples à mettre en place, sont porteuses d’un sens fort pour
les élèves car elles combattent le cloisonnement disciplinaire et aident les élèves
à relier les savoirs. Que ce soit par des tableaux distribués à chacun ou affichés
en salle des professeurs, cette transparence dans les apprentissages doit devenir
un guide important dans la planification pédagogique des nouvelles pratiques.
Cette lisibilité permet également de savoir qui enseigne quoi et à quel moment,
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
sur quel support et de quelle façon. Autant de questions essentielles quand on met
en place une construction commune des compétences du socle.
Technologie
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Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes
Classe : Disciplines :
quatrième français, technologie
Thème : Le baladeur de Cyrano
Aides, organisation
Deux heures de cours interdisciplinaires :
– Travail de groupe pour mener à bien la tâche demandée.
– Correction et ouverture vers l’enjeu esthétique du texte littéraire
et le regard précurseur de l’auteur.
Texte support : extrait de l’Histoire comique des États et Empires de la Lune
de Cyrano de Bergerac.
Schéma à partir des mots et expressions relevés pour décrire l’objet.
Ressources externes utilisables : le cahier de technologie.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
la réponse à la problématique posée, ainsi que dans les aides apportées aux élèves
les plus fragiles.
Et, pour les élèves, l’enjeu est qu’ils parviennent à traduire cette situation-problème
en ressources à mobiliser. Dans le cas de cette activité, il s’agit de compétences de
lecture, pour identifier les éléments du texte qui sont importants à la compréhension
de la problématique, de compétences de perspective historiques, des connaissances sur
l’évolution des objets et sur les techniques qui y sont associées.
Le lexique
Arrêtons-nous sur les pratiques langagières d’un établissement. On utilise dans
toutes les disciplines des mots courants, des mots liés à l’abstraction de la pensée
et du vocabulaire spécifique. Or un certain nombre de mots abstraits et courants
sont employés avec des acceptions différentes dans des contextes différents,
ce qui peut être source de difficulté et de confusion pour les élèves les plus fragiles.
L’idée n’est nullement d’unifier les sens donnés à ces mots, puisque le monde
qui nous entoure les utilise dans toute leur richesse polysémique, mais de faire
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Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes
prendre conscience aux élèves de ces différents sens. La majorité des élèves n’a
que peu conscience de nos spécificités disciplinaires et se contente d’enchaîner
les heures de cours, en associant un enseignant à une salle et à un horaire, sans
percevoir les conceptions ou démarches propres à chacune de nos disciplines.
Nous avons relevé, avec les collègues de toutes les disciplines, une liste de mots
que nous utilisons dans nos enseignements avec des sens différents, ou dans des
contextes qui en modifient l’emploi.
Voici le lexique commun que nous nous sommes créé, comme base de notre réflexion
collégiale sur l’enrichissement du capital lexical de nos élèves. Cette liste n’est qu’un
échantillon du vocabulaire abstrait qui pose problème aux élèves en difficulté dans la
compréhension des consignes. Elle ne demande qu’à être enrichie.
« Activité, développement, champ, ton, tonalité, discours, support, sujet, phrase,
ensemble, parallèle, classe, hypothèse, milieu, but, centre, racine, suite, différence,
fraction, complément, propriété, charge, contrainte, énergie, étiquette, dépression,
créneau, plan, point, nature, objet. »
À partir de cette liste de mots, les enseignants demandent aux élèves de retrouver
les disciplines dans lesquelles ils sont utilisés, et d’écrire des consignes discipli-
naires mettant en valeur les différents sens du mot. Les élèves, en binôme, doivent
ensuite aller interroger leurs enseignants sur le sens exact de ces mots dans leur
discipline. Seule une prise en charge transversale de certaines difficultés permet
de sortir des ornières de certaines difficultés scolaires.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
C5 : Établir des liens entre Il est capable de présenter d’autres œuvres
les œuvres (littéraires, du même artiste, ou d’autres artistes
artistiques) pour mieux ayant travaillé sur la même thématique
les comprendre. ou dans le même courant artistique,
ou des œuvres antérieures ayant inspiré
l’œuvre présentée.
L’élève a mis l’œuvre étudiée en relation
avec d’autres œuvres.
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Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes
Les critères de réussite ont été déterminés en équipe lors d’un conseil
pédagogique. Ils sont à la fois un guide pour les élèves, qui savent très précisé-
ment ce que le jury attend d’eux, et pour les enseignants, dans cette évaluation
à la fois interdisciplinaire et transversale de compétences.
Ce genre de document est un levier pour aider les équipes à évaluer ensemble
par compétences. Comme il s’agit d’une épreuve nouvelle, apparue en même temps
que le socle commun, les enseignants n’y ont pas attaché des habitudes tenaces
en matière de notation et d’apprentissages cloisonnés. Il faut donc profiter de cet
appel d’air et éviter que cet entretien ne redevienne une épreuve orale détournée
d’histoire, ou de français, ou de musique, ou d’arts plastiques, mais qu’elle garde
bien toute sa spécificité interdisciplinaire, en y intégrant toutes les disciplines,
autant dans les apprentissages ou dans le suivi des élèves, que dans l’évaluation.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes
Ce que nous attendons des élèves, c’est qu’ils croisent ces différents appren-
tissages disciplinaires, dans une perspective d’histoire des arts, pour parvenir
à cerner les problématiques de réécriture d’une œuvre d’art et d’échos littéraires
et artistiques, ainsi que les contraintes et les apports de la mise en scène pour un
spectacle vivant. Ce sont en effet des compétences majeures dans la compréhen-
sion de la dimension culturelle du monde.
Grille d’évaluation
Items du socle commun évalués Niveau d’acquisition
C1 : Rédiger un texte bref en respectant des consignes.
C5 : Connaître et pratiquer diverses formes d’expression
à visée artistique (travail d’écoute).
C5 : Comprendre l’enjeu esthétique d’une œuvre artistique.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Il faut cependant aborder avec les élèves ces différentes conceptions de l’investi-
gation, pour ne pas accentuer leur difficulté à se faire une représentation de la tâche
attendue dans les différentes disciplines. Or le meilleur moyen de travailler ces
différences, c’est de les appréhender ensemble, de concert, à travers des activités
qui permettront aux élèves de les mettre en regard et de percevoir leur singularité.
Ces actions transversales donnent l’occasion aux enseignants d’apprendre
à se connaître et à faire cohabiter leurs différences disciplinaires. Les collègues
d’un même établissement ne connaissent pas, la plupart du temps, les contenus
disciplinaires des autres disciplines enseignées et les pratiques pédagogiques
mises en place dans les autres cours. Ils n’ont aucune vision de ce que leurs élèves
sont capables ou incapables de faire ailleurs. Ils ne connaissent rien des pratiques
d’évaluation mises en œuvre par leurs collègues.
Or cette situation n’est plus tenable avec l’arrivée d’un socle qui exige une
construction et une évaluation partagées de compétences. Il faut donc clarifier
le malentendu auprès des équipes : de la même façon que le socle commun
n’est pas un nivellement par le bas des enseignements, mais bien une hausse
136
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes
des apprentissages des élèves, de la même façon, le socle commun n’induit pas
un effacement des disciplines, derrière une harmonisation terne et réductrice
des exigences, mais est bien la participation de toutes les disciplines, avec leurs
exigences et leurs particularités propres à la construction d’un bagage minimum
commun pour les élèves à la fin de la scolarité obligatoire.
Nous avons travaillé longtemps avec une application nommée Nexev et développée
par Yann Marsault, un enseignant de mathématiques en poste dans l’académie de
Guyane. Cet outil nous avait séduits, parce qu’il avait été créé spécifiquement pour
soutenir des pratiques d’évaluation qui relèvent d’une véritable approche par compé-
tences. L’interface de Nexev n’était donc pas spécialement adaptée au livret de
compétences du socle commun, mais comme elle demandait aux enseignants d’asso-
cier un choix de compétences à une évaluation, elle nous a semblé plus formative,
pour entrer dans le changement de pratiques, que les autres applications qui propo-
saient le référentiel de compétences du LPC, à valider par des croix, en cas d’acquisition.
Nexev permettait aussi de regrouper les élèves, non plus par groupe-classe, mais
selon des besoins identifiés de compétences, et de changer l’arborescence des items
pour les reclasser selon les processus intellectuels mis en œuvre lors de la mobilisation
des acquis évalués.
Cet outil numérique a amené l’équipe à prendre en compte les spécificités de l’éva-
luation par compétences et à en percevoir les enjeux, en termes de personnalisation
des parcours et des réponses aux besoins de remédiation des élèves.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes
• Octobre-Novembre : Les équipes peuvent travailler sur les items des compé-
tences transversales, afin de les doter de contenu d’apprentissage. La
remédiation transversale peut être proposée aux élèves dont on a repéré,
après une première période, les difficultés d’apprentissage. Elle peut être
intégrée à l’accompagnement éducatif, aux heures dédiées à l’aide dans
les différents niveaux, aux PPRE, ou dans les plages de liberté des élèves,
à condition d’avoir proposé une formation aux assistants d’éducation pour
la prise en charge des activités de remédiation établies par les enseignants.
Il sera cependant nécessaire d’encadrer l’externalisation des aides appor-
tées par une réflexion sur la différenciation au sein de la classe.
• Décembre : Les premiers conseils de classe peuvent se prononcer sur la
maîtrise des compétences d’autonomie, de respect du règlement, la motiva-
tion des élèves, ainsi que leur investissement dans les activités proposées
dans l’établissement.
Pour que la mise en place du socle commun se fasse au niveau de l’ensemble
de l’établissement, il faut que chaque temps fort de la vie de cet établissement
soit repensé en termes de construction et d’évaluation de compétences. Le socle
commun débarque dans les établissements et prend de la place.
Minimiser les changements qu’il implique supprime la possibilité de l’utiliser
comme un outil fédérateur des pratiques pédagogiques variées proposées aux élèves.
À propos de la « moyenne »
Pour aider à cette intégration de l’évaluation par compétences dans les conseils de
classe, il est conseillé de supprimer la moyenne générale inscrite sur le bulletin :
en effet, privés de cet indicateur majeur d’analyse globale du travail d’un élève,
les enseignants sont obligés d’appuyer leur évaluation sur d’autres indicateurs,
présents notamment dans les différentes appréciations, pour porter un regard collégial
plus attentif à la construction des compétences de chaque élève. Il est également inutile
de distribuer des listes de moyennes, qui n’apportent aucune indication, en terme
de compétences, et ne présentent, comme grille de lecture, que des chiffres auxquels
on peut tout faire dire.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Le conseil de classe est le lieu où le regard collégial se focalise sur chaque parcours
d’apprentissage, repère les domaines de compétences en souffrance et propose des
« conseils » (le mot semble approprié) pour que l’élève puisse progresser.
Plus qu’un lieu de validation certificative (ce qui n’est justifié qu’au dernier
trimestre de la classe de troisième), il doit être le lieu de la réflexion collégiale
sur les parcours et profils d’apprenants des élèves. Une feuille de route peut
être rédigée par le conseil de classe, pour aider l’élève à affronter ses difficultés
et à planifier ses efforts, afin qu’il ne s’épuise pas ni ne se décourage. C’est
en quelque sorte un contrat de progrès qui est proposé à l’élève et à sa famille.
Le conseil de classe établit les stratégies de remédiation nécessaires pour le
trimestre suivant, en ciblant des prédictifs de réussite ou les processus intellec-
tuels en souffrance gênant la construction de différentes compétences.
Cette évaluation collégiale, lors des conseils de classe, est tout à fait possible,
si un travail préalable de concertation et d’harmonisation des critères de réussite
a été fait, en tenant compte des niveaux d’exigence attendus selon le niveau
de classe et des situations d’apprentissages proposées pour construire ces items.
142
Outiller les équipes pour mettre en place les pratiques communes
L’évaluation collégiale ne peut se faire sur des prérequis non enseignés. Elle se
serait alors qu’un constat de compétences acquises par certains élèves, par eux-
mêmes ou en dehors de l’école, et donc également le constat de non-acquisition
de compétences non enseignées dans le cadre scolaire. Cette évaluation n’a aucun
sens. On ne peut évaluer que ce que l’on a enseigné.
Et c’est bien cette question cruciale, au cœur du changement de pratiques,
qui se pose, notamment pour les items d’autonomie dans les apprentissages,
d’auto-évaluation des élèves ou d’implication dans des projets individuels et
collectifs. En somme, tous les items qui relèvent de la compétence d’autonomie
et d’initiative.
• L’item « S’investir dans un projet individuel » a été évalué positivement,
à chaque palier intermédiaire, aux élèves ayant tenu compte des remarques
du conseil de classe antérieur. En effet, il a semblé important aux ensei-
gnants de valoriser les efforts fournis dans ce sens. Il est, de plus, difficile
de trouver des projets individuels avant la classe de troisième, le seul projet
individuel étant finalement le parcours d’apprentissage de tout élève.
• L’item d’autonomie est ici évalué selon trois critères prédéterminés collégia-
lement : avoir son matériel, se mettre au travail rapidement et faire le travail
demandé à la maison. Cette grille est un outil très pertinent de discussion
avec les élèves, après le conseil de classe, et permet de les mettre face à ce
qui leur est reproché. C’est en insistant sur le parcours personnel de chaque
élève, sur sa responsabilité face aux choix et stratégies qu’il met en œuvre ou
qu’il évite de mettre en œuvre, qu’on parvient à rendre les élèves acteurs de
leur parcours de formation et donc autonomes dans leurs apprentissages.
• L’item de respect des règles de la vie collective est évalué, par le conseil
de classe, sur des indicateurs observables en classe : l’assiduité et la
ponctualité, ainsi que le respect des autres, sachant que le bavardage en
classe empêche l’évaluation positive de ce dernier critère.
Ce critère d’évaluation interpelle d’ailleurs les élèves, qui doivent accepter
l’idée que les bavardages en classe sont nuisibles aux apprentissages et qu’ils
témoignent d’un manque de respect de l’enseignant et des autres élèves. Le socle
commun est bien utilisé alors comme un levier pour changer les pratiques des
élèves, en traduisant leur comportement en termes de compétences. C’est bien le
changement de posture attendu des élèves, qui deviennent responsables de leurs
apprentissages à chaque fois qu’ils franchissent la porte du collège.
143
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
par l’ensemble de l’équipe, qui lui permettent d’étayer au mieux son argumentaire.
C’est lui qui est chargé de mettre en place le suivi personnalisé que le conseil
de classe aura décidé, en coordonnant les différents points de vue sur les besoins
d’accompagnement des élèves. Il représente l’ensemble de l’équipe lors de
la validation certificative avec le chef d’établissement. Mais en aucun cas, il n’a
le pouvoir de valider seul une compétence transversale sans l’accord de
l’ensemble de l’équipe enseignante. Il synthétise les différents axes de croise-
ments disciplinaires et anime les réunions d’équipe autour des pratiques interdis-
ciplinaires d’enseignement. Comme un coordonnateur interdisciplinaire, devenu
indispensable avec le changement de pratiques enclenché. Avec le socle commun,
il est important de redéfinir ses missions et d’intégrer cet axe nouveau qu’est
la gestion de la transversalité.
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8
Construire les attitudes
attendues dans le socle
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
la langue, savoir faire appel à des outils variés pour améliorer son texte » induit,
en plus de la mobilisation de connaissances et de procédures, une posture face à
la correction orthographique, et nécessite que les élèves soient en volonté d’amé-
liorer leur propre production. Or c’est justement l’absence de cette posture qui
est souvent constatée, pour des élèves qui, bien qu’ayant des compétences, se
refusent ou ne parviennent pas à les exploiter.
« Pratiquer une démarche scientifique ou technologique, résoudre des
problèmes » implique des attitudes et des postures propres aux disciplines scien-
tifiques et technologiques.
En ce qui concerne les compétences informatiques attendues, le domaine inti-
tulé « Adopter une attitude responsable » et plus particulièrement l’item « Faire
preuve d’esprit critique face à l’information et à son traitement » font appel à des
attitudes à construire pour armer les élèves face aux nouveaux médias.
L’item « Comprendre l’importance du respect mutuel et accepter les diffé-
rences » est une combinaison de connaissances et d’attitudes.
Quant à l’autonomie et à l’initiative, elles nécessitent quatre attitudes à dévelop-
per et à évaluer : « S’engager dans un projet individuel », « S’intégrer et coopérer
dans un projet collectif », « Manifester créativité, curiosité, motivation » et « Assumer
des rôles, prendre des initiatives et des décisions ». Ces compétences sont indisso-
ciables des apprentissages et c’est bien quand les élèves ne les maîtrisent pas qu’ils
sont en difficulté.
Dans la compétence humaniste, des items comme « Être sensible aux enjeux esthé-
tiques et humains d’un texte littéraire ou d’une œuvre artistique » nécessitent à la fois
l’évaluation de capacités et d’attitudes. Ces items ont parfois plongé les équipes ensei-
gnantes dans la perplexité, car comment évalue-t-on, dans le cadre scolaire, « la sensi-
bilité ressentie face à une œuvre littéraire ou artistique » ? Et cependant, quels enjeux
pédagogiques pour nos enseignements, s’ils parviennent à développer la sensibilité
littéraire et artistique de tous nos élèves ! Et quel recoupement avec les programmes !
N’est-ce pas d’ailleurs, à travers ces items de démarche d’investigation, de sensibilité
à l’histoire des arts et d’ouverture et d’interaction au monde que se révèle l’essence
même du socle commun de connaissances et de compétences ? La principale raison
de le défendre et de le mettre en œuvre ? Les items qui induisent les attitudes, bien
qu’étant les plus complexes à construire, permettent de donner un sens nouveau aux
apprentissages et de développer des compétences qui ouvriront aux élèves un accès
au monde qui les entoure. Mais de la même façon qu’une compétence sans connais-
sances n’est qu’une coquille vide, une attitude sans connaissance ou capacité n’est
qu’un reflet trompeur de la compétence attendue. Mimer n’est pas faire. Travailler
les attitudes ne revient donc pas à ignorer les savoirs fondamentaux, mais bien à les
ancrer dans les ressources propres de l’élève grâce une posture qui les consolidera.
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Construire les attitudes attendues dans le socle
Les enseignants reconnaissent d’ailleurs facilement, chez les élèves, les attitudes
propices ou néfastes aux apprentissages. Mais c’est autre chose de les aborder
dans nos pratiques en toute connaissance de cause.
Si l’on analyse les consignes des activités que nous proposons aux élèves, nous constatons
que certaines consignes mobilisent, en technologie, par exemple :
– Des connaissances : « Connaître les processus de réalisation d’un objet technique. »
– Des capacités : « Réaliser tout ou partie du prototype ou de la maquette d’un objet
technique. »
– Des attitudes : « Observer des règles élémentaires de sécurité. »
Ou en français :
– Des connaissances : « Quelles sont les valeurs des temps utilisés dans le texte ? »
– Des capacités : « Identifiez et relevez dans le texte le champ lexical dominant. »
– Des attitudes : « Choisissez, dans le réseau de lecture proposé, un livre que vous lirez
à la maison et faites en une restitution.
La dernière consigne nécessite que l’élève ait construit une posture de lecteur auto-
nome, et qu’il sache faire le choix d’un livre qui lui plaise et qui convienne à son niveau
de lecture. Or cette posture nécessite un apprentissage progressif, sinon certains élèves
quitteront le collège, à la fin de la scolarité obligatoire, en ayant la même posture
qu’en arrivant quatre ans plus tôt, sans qu’une évolution sur leur rapport à la lecture
n’ait été observée.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
148
Construire les attitudes attendues dans le socle
L’entretien oral d’histoire des arts est un support intéressant d’évaluation d’attitudes,
puisqu’il va permettre de mesurer l’investissement des élèves dans une épreuve où
la marge d’autonomie est grande et où l’élève doit prendre des initiatives, notamment
dans les établissements qui ont mis en place un système de tutorat pour accompagner
l’élève dans cette démarche personnelle.
Cela permet également d’évaluer, en plus des capacités et des connaissances à mobiliser
et à combiner, la curiosité et la créativité. Lors de cet entretien, l’élève peut exprimer son
ressenti par rapport aux œuvres étudiées et expliquer les choix qu’il a faits, que ce soit
pour les œuvres présentées ou les supports choisis pour étayer son exposé oral.
149
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
analyse de leurs stratégies que s’ils sont accompagnés dans cette réflexion,
inscrite dans cette démarche d’analyse de pratiques.
Dans une classe de quatrième, nous avons inscrit à l’emploi du temps une heure
de débriefing en fin de semaine dont l’objectif est de permettre, dans le cadre de la classe,
une analyse et une mutualisation des stratégies de mémorisation et d’apprentissage des
uns et des autres. Grâce au travail mené dans cette heure, les élèves prennent conscience
que les « bons élèves » le sont, non pas de façon innée, mais parce qu’ils appliquent
des stratégies efficaces, ce qui fait accéder d’une part les « bons » élèves à un autre niveau
de maîtrise de la compétence, en leur permettant de les verbaliser, et qui donne prise
d’autre part aux autres élèves sur des problèmes qu’ils pensent souvent insolubles.
Remettre au travail certains élèves produit parfois des résultats collatéraux impré-
visibles. Nous voulons raconter l’histoire de Kevin, un élève comme il y en a tant
d’autres, qui avait arrêté de travailler en arrivant au collège, trop découragé par
les mauvaises notes qu’il recevait à longueur de journée et de discipline, et par le
travail qui lui était demandé. Pour Kevin, le choix est fait : mieux vaut être traité
de fainéant que de nul. Son attitude face au travail relevant d’une stratégie de
protection et d’évitement, elle générait beaucoup de colère et de violence en cours.
En discutant de longs moments avec lui en heure de débriefing, et en le réconci-
liant tout doucement avec les apprentissages, par le biais de dispositifs divers et
variés comme la dictée à l’adulte ou l’évaluation formative, et par la patience et la
bienveillance de l’ensemble de l’équipe, nous avons fini par le remettre au travail.
Quelle angoisse alors pour lui, qui ne dissocie pas son Moi propre de la tâche qu’il
produit et qui prend toute mauvaise note comme une affirmation de sa nullité. Nous
retrouvons Kevin en pleurs un jour du second trimestre. Il nous dit, en larmes, que
ses stratégies d’apprentissages sont vraiment trop nulles et qu’il n’y arrivera jamais.
Il demande si c’est possible qu’il soit évalué par compétences plutôt que par notes.
En fait, Kevin est en train de changer d’attitude face au travail, il est en train de
devenir un élève apprenant, et de prendre confiance dans les adultes qui l’entourent,
étant même capable de savoir quelle évaluation va lui permettre de progresser.
Kevin a fini l’année avec les encouragements, et bien que ses acquis restent fragiles,
il a repris confiance dans l’école et goût dans ses apprentissages.
150
Construire les attitudes attendues dans le socle
151
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Construire des attitudes intellectuelles ancrées sur les valeurs de culture humaniste
n’est pas si simple que cela, surtout quand elles se heurtent à un autre système
de valeurs inhérentes à l’école, qui est celui de la notation et du calcul des points.
Pour preuve cette discussion entre des élèves et un inspecteur chargé de recueillir
les pratiques d’histoire des arts mises en œuvre dans différents établissements :
L’inspecteur, à la fin d’une discussion avec un groupe de « bons » élèves sur leur
préparation de l’épreuve d’histoire des arts, leur pose la question suivante :
« Et que vous a apporté l’histoire des arts, cette année ?
– Des points pour le brevet. »
Fin de la discussion. La réaction des élèves est tout à fait adéquate avec leur percep-
tion de nos enseignements. Elle est dissonante par contre avec les objectifs d’ensei-
gnement que nous poursuivons. Pour changer cet état d’esprit, il faut changer
le rapport à l’évaluation. Or le travail par compétences rend les élèves plus dispo-
nibles pour d’autres types de communication et d’analyse du travail effectué.
Le travail de groupe
152
Construire les attitudes attendues dans le socle
de la classe, de s’appuyer sur les compétences des élèves et dans ce cas, on donne
à un élève un rôle qui ne le mettra pas en difficulté et qui lui permettra d’exploiter
ses compétences, ou au contraire, on peut positionner les élèves sur des rôles
mettant en œuvre des compétences qui leur font défaut. L’objectif est alors de
construire ces compétences lacunaires.
Chaque élève du groupe a un rôle bien défini :
• Un secrétaire de séance, chargé de prendre en notes le suivi des discussions
du groupe, ainsi que la production attendue, si elle est écrite.
• Un documentaliste, qui est chargé de mener les différentes recherches,
qu’elles soient sur des supports matérialisés ou numériques, sur des
notions que le groupe a identifiées.
• Un expérimentateur, dans certaines disciplines, notamment scientifiques ou
technologiques.
• Un gestionnaire de tâches, qui doit organiser le travail, le répartir et gérer le
temps imparti à l’activité.
• Un rapporteur à l’oral qu’il vaut mieux désigner à la fin de l’activité, parmi tous les
membres du groupe, pour mobiliser davantage leur attention durant l’activité.
Les prestations orales du groupe sont filmées et analysées ensuite. Quand
on voit la difficulté qu’ont les adultes à accepter l’analyse de leurs pratiques par
un groupe de pairs, on peut penser qu’il s’agit d’une attitude indispensable à
construire dès le collège, pour que ces pratiques très formatrices soient perçues
avec moins de violence dans la vie professionnelle.
Quand on interroge les élèves sur ce qu’ils apprécient ou non dans le travail de
groupe, ils nous parlent en fait d’attitudes :
– J’aime le travail de groupe car on partage nos idées.
– Les élèves peuvent parler de leurs connaissances et communiquer.
– On ne réfléchit pas tout seul.
– Quand on est plusieurs à travailler, on a plusieurs idées.
– Ça permet d’avoir d’autres avis.
– On peut dire notre façon de penser.
– On travaille à plusieurs en organisant comme on veut notre travail.
– On découvre les idées des autres et de nouveaux points de vue.
– C’est pratique si quelqu’un sait quelque chose que les autres ne savent pas.
– J’aime bien mais je ne sais pas pourquoi.
–Moi, j’aime pas le travail de groupe car tout le monde ne travaille pas pareil
et on est trop tenté de bavarder.
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
154
Construire les attitudes attendues dans le socle
Dans le concours de technologie auquel nous avons inscrit nos élèves de troisième
en décrochage scolaire, des rôles sont attribués à chaque membre de l’équipe :
un chef d’équipe dont le rôle est de planifier et de vérifier que la répartition du travail
sur l’année ne laisse de côté aucun des axes du concours, un ingénieur motoriste, un
concepteur 3D, un responsable de la communication et un responsable du concept
et du design de l’équipe.
En cours d’année, dans le cadre de la réflexion obligatoire sur l’éco-conception, nous
faisons intervenir devant nos élèves un chercheur en physique. La rencontre entre ce
chercheur et nos élèves en grande difficulté scolaire parle d’elle-même :
– Bonjour, je suis enseignant chercheur et maître de conférences à l’université de…,
dans le domaine de…
– Moi, c’est Bryan, je suis ingénieur motoriste.
– Dylan, responsable des sponsors, etc.
Les élèves se présentent spontanément en citant leur rôle dans l’équipe. Et nous
comprenons ce jour-là qu’il s’agit pour eux beaucoup plus que d’un rôle. C’est
leur responsabilité et leurs compétences dans l’équipe, et de façon plus large, dans
l’établissement. Ce sont leurs lettres de noblesse, et il est vrai que cette année-là,
cette valorisation de leurs compétences dans le cadre de ce concours a permis de
remettre certains élèves décrocheurs au travail et d’obtenir une obtention inespérée
du DNB.
155
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
une approche globale des apprentissages, qui ne mette pas tout de suite en diffi-
culté les élèves les plus fragiles ?
En séance interdisciplinaire, on diffuse certains extraits du film Mort sur le Nil, adapté
du roman d’Agatha Christie. Ces extraits choisis montrent comment Hercule Poirot,
après avoir observé la scène du crime, procède à des relevés d’indices ou à des interroga-
toires, confronte ses différentes hypothèses aux indices, et finit par exposer à l’ensemble
des suspects le raisonnement qui l’a conduit à identifier le coupable. Les élèves font immé-
diatement le parallèle avec la démarche d’investigation et la reproduisent sans problème
lors de la séance suivante en technologie, en recherchant la cause probable de la panne
sur une cafetière électrique. Comme dira d’ailleurs un élève à la fin de son compte rendu
oral : « Le coupable, c’est le matériau de la résistance électrique ! »
156
Construire les attitudes attendues dans le socle
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Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
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9
Prendre en charge autrement
les difficultés des élèves
159
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Il est important de ne pas externaliser les aides apportées aux élèves, ne serait-ce
que parce qu’on peut s’interroger sur l’efficacité des apprentissages décontextuali-
sés et sur le transfert que les élèves en font sur les apprentissages de classe. C’est
au sein de la classe, par le biais de la pédagogie différenciée, que doivent être
proposés les aides et accompagnements, pendant l’heure de correction par exemple.
Ce changement de pratiques est de taille, puisqu’au collège on a l’habitude,
ne serait-ce que par les heures d’aide inscrites aux emplois du temps, d’externaliser
la prise en charge des difficultés scolaires. Cela demande une réflexion sur la gestion
des cinquante minutes imparties à un cours, ainsi que sur la progression dans les
programmes avec les élèves que nous laissons sur le bord de la route.
La multiplicité des aides apportées à l’extérieur des cours est souvent un indicateur
de la non-différenciation des pratiques de classe. Ce temps externalisé pourrait par
contre être utilisé pour mener des entretiens d’explicitation avec les élèves, autour
de l’analyse de leurs erreurs et sur les stratégies improductives qu’ils ont mis en
place lors d’une activité. Cette approche demande une formation des enseignants et
nécessite un temps individualisé plus difficile à trouver en classe entière. Elle donne
pourtant une prise plus efficace aux élèves sur leurs apprentissages.
160
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves
imparfaite des acquis des élèves. Un dialogue entre les expertises est à mettre
en place, pour conjuguer les regards experts d’une discipline et les regards non
experts des autres enseignants, pour pointer les zones de difficultés d’apprentis-
sage et pour mutualiser les observations et les pratiques, afin d’être plus efficaces
dans les réponses apportées.
Un élève ne peut multiplier exponentiellement les zones de difficultés d’une
discipline à l’autre. Ce sont souvent les mêmes qui l’empêchent de construire les
savoirs, et il est important de les repérer et de cibler les actions d’accompagnement
sur les items qui seront estimés prédictifs de réussite par l’ensemble de l’équipe.
Diagnostic personnalisé
161
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Stratégies d’apprentissage
Mémorisation Aides Profil cognitif
des leçons à l’apprentissage dominant
Comportement de lecteur et fréquentation du CDI
Comportement d’apprenant
Comportements Leviers pour aider Disciplines
lors de travaux de groupe l’élève à entrer préférées
dans les apprentissages
Bilan vie scolaire
Absences Retards Comportement
162
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves
donner l’impression à un élève que le cours serait le même sans lui et que la classe
peut se passer de ses services.
163
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
164
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves
165
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Le conseil pédagogique,
pour repérer les zones de difficultés interdisciplinaires
Le conseil pédagogique est le lieu idéal pour s’interroger sur les « apprentis-
sages invisibles », situés dans le no man’s land interdisciplinaire et mis en lumière
par la transversalité de certaines compétences. Ces apprentissages sont souvent
considérés comme des prérequis par chacun mais ne sont réellement enseignés
par personne. Or les élèves les plus fragiles ne peuvent affronter seuls ces appren-
tissages délaissés, qui constituent de fait souvent des zones de difficultés invi-
sibles et donc non identifiées par les enseignants aux enseignements cloisonnés.
Ces apprentissages transparaissent particulièrement à travers les doléances des
enseignants, qui déplorent la non-maîtrise par certains élèves de prérequis indis-
pensables à leurs enseignements disciplinaires.
Ces constats concernent souvent les productions écrites, à partir desquelles les
collègues évaluent des compétences relevant de leur discipline et qui, faute d’être
maîtrisées, ne permettent pas de suivre le cheminement de la pensée de l’élève.
La plupart des évaluations proposées au collège se basent sur des supports écrits,
qui mettent les élèves qui les maîtrisent mal en incapacité de prouver qu’ils ont
d’autres compétences.
C’est l’exemple déjà cité de l’enseignant de technologie qui demande à ses élèves
de rédiger un récit d’expérience sans que ce type de textes ait été abordé d’une
façon ou d’une autre, dans son cours ou en cours de français avec les élèves. Dans
un premier temps, lors de la séance de correction, un document de guidage, avec les
étapes du récit attendues et le vocabulaire à utiliser peut être donné aux élèves qui
n’ont pas réussi à produire l’écrit attendu. Mais cette activité relève finalement davan-
tage d’un apprentissage de classe, avec l’ensemble des élèves, que d’une remédiation
proprement dite, après l’évaluation. D’autres productions écrites ou orales peuvent
être appréhendées de la sorte avec d’autres disciplines, lors des revues de projet en
technologie par exemple ou lors de la rédaction des dossiers de recherche en SVT, de
paragraphes argumentés en histoire, de synthèse dans différentes disciplines, ou de
narration de recherche en mathématiques. Le changement de pratiques enclenché
par le socle commun et l’approche par compétences ont fait émerger de nouveaux
besoins d’enseignement, dans l’entre-deux disciplinaires. Les prendre en charge, de
façon transversale, entraîne de fait une hausse du niveau des apprentissages, et non
un nivellement par le bas, comme il l’a été reproché parfois au socle commun.
166
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves
La remédiation en partenariat
avec un professeur des écoles
La prise en charge de la difficulté scolaire implique pour les enseignants une
déconstruction de leurs compétences, de l’automatisation de leurs savoirs, pour
comprendre les incompréhensions des élèves. Or il est parfois difficile, voire
impossible, pour les experts d’une discipline au collège, de retrouver les étapes
de la construction de certaines compétences, sans compter que la formation
initiale des enseignants du second degré n’aborde pas ces premières étapes
des apprentissages de l’élève. D’où l’intérêt de travailler en partenariat, quand
cela est possible, avec des enseignants du premier degré. Travailler ensemble,
professeurs des écoles et enseignants du collège, est possible, en dehors de la
journée institutionnelle de liaison, et permet de croiser des expertises différentes
sur les difficultés scolaires. Ce partenariat peut être mis en place dans le cadre
de l’accompagnement éducatif au collège. Dans les collèges ECLAIR, certains
chefs d’établissement ont fait le choix de choisir des préfets des études issus du
premier degré, notamment pour encadrer le travail d’équipe en classe de sixième.
Bien que cette démarche soit extrêmement pertinente pour la prise en charge des
difficultés que les élèves de sixième rencontrent à l’entrée au collège, ces préfets
déplorent parfois de n’être pas assez écoutés par les enseignants, qui n’acceptent
pas toujours l’analyse qui est faite de leurs pratiques par un intervenant extérieur
au collège, même quand il s’agit d’un enseignant du premier degré qui possède
une réelle expertise sur les zones de difficulté issues de la liaison entre l’école
élémentaire et le collège.
Un cas de partenariat
Lors d’une discussion informelle à la cantine avec l’une des institutrices de CM2
de la ville, nous avions appris qu’un certain nombre d’élèves, scolarisés au collège
en classe de sixième, continuaient à venir la consulter chez elle le soir, pour qu’elle
les aide dans leurs devoirs. Cela nous a interrogés sur la qualité et l’encadrement
que nous étions en mesure, au collège, de leur apporter dans ce travail, s’ils éprou-
vaient le besoin d’aller consulter leur institutrice de l’année précédente.
Nous avons donc proposé à ce professeur des écoles de venir travailler avec nous
au collège, une heure par semaine, dans le cadre de l’accompagnement éducatif,
et d’encadrer avec nous les élèves en grande difficulté, afin de pouvoir mutualiser
nos analyses et nos pratiques sur la prise en charge de cette grande difficulté.
Même si les professeurs des écoles n’ont pas à devenir les spécialistes de la difficulté
scolaire au collège, un tel partenariat a surtout permis de mettre au jour l’absence
de différenciation dans les enseignements au collège, que ce soit dans le travail
personnel donné à la maison, dans les apprentissages menés en classe, et surtout
dans les évaluations proposées aux élèves arrivant sans le palier 2 au collège.
167
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
168
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves
Le socle commun permet donc alors d’être utilisé comme un outil décompo-
sable qui permet de cibler, selon les profils des élèves et les difficultés prioritaires
à prendre en charge, des items estimés prédictifs de réussite par l’ensemble de
l’équipe. Il s’agit en effet de ne pas se contenter de relever les items non acquis,
mais d’identifier parmi ceux-ci ceux qui semblent essentiels pour poursuivre les
apprentissages. C’est en étant utilisé comme un guide dans la personnalisation des
réponses apportées aux besoins spécifiques des élèves, au moment et au niveau
de complexité dont ils en ont besoin, que le socle commun sera le plus pertinent.
Quelques items ont retenu notre attention, notamment parce que leur prise en charge,
dans le cadre des PPRE passerelles, contribue à la construction de la posture d’appre-
nant attendue au collège.
Trois items ont été sélectionnés sur les vingt-neuf constituant la compétence de maîtrise
de la langue française : deux items du domaine LIRE, « Lire seul et comprendre un
énoncé ou une consigne » et « Lire avec aisance à haute voix ou silencieusement un
texte ». Les PPRE passerelles créés lors de la journée de liaison répartissent les élèves
qui n’ont pas acquis ces items dans des ateliers d’aide personnalisée, tous tournés vers
la construction de compétences. L’atelier compréhension de consignes permet de traiter
une difficulté transversale à toutes les disciplines et prédictive de toute réussite scolaire.
169
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Quant à l’atelier de lecture à haute voix, il met les élèves non lecteurs, par le biais d’une
pédagogie de projet, en posture de « donneurs de voix » pour l’enregistrement d’albums
de jeunesse à destination d’une école maternelle de la ville. Cette approche des difficultés
de lecture a pour objectif de créer un lien plus fort entre ces élèves non lecteurs et l’objet-
livre et de les mettre en situation de réussite et de valorisation de cette réussite
Objectif : Enregistrement numérique des voix d’élèves sur des albums de jeunesse
– Lecture et entraînement.
– Partenariat avec une donneuse de voix professionnelle.
– Critères de réussite d’une bonne lecture à haute voix.
– Enregistrement en salle pupitre.
Progrès attendus :
– Une lecture plus fluide.
– Une prise de confiance en soi.
– Un lien avec l’objet-livre et le CDI.
Un item du domaine ÉCRIRE, « Copier sans erreur un texte », a été retenu, pour aider
les élèves arrivant en sixième à adapter la rapidité de leur écriture au temps consacré
à la trace écrite au collège. La prise en charge de cette compétence d’écriture a pour
objectif de permettre aux élèves de prendre correctement l’intégralité de la trace écrite
du cours, notamment en travaillant l’empan visuel qui permet de photographier un mot
en entier ou à évaluer la taille d’un mot sur une ligne. En rentrant à la maison avec
des cours correctement calligraphiés, on a plus de chance de l’apprendre correctement
et on enraye ainsi une spirale de l’échec liée à une lenteur d’écriture.
170
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves
Il est intéressant que les PPRE passerelles établis par la commission de liai-
son ciblent à la fois les difficultés des élèves, mais également les points d’appui
possibles pour valoriser le travail de ces élèves et les entrées possibles dans les
apprentissages. Certains élèves, en difficulté dans les apprentissages, manifestent
cependant beaucoup de créativité en éducation musicale ou en arts plastiques,
ou possèdent des compétences exploitables en cours de technologie ou d’EPS.
Il est alors aberrant de ne pas s’appuyer sur ces points forts pour relancer une
dynamique d’apprentissage qui a tendance à se centrer uniquement sur les savoirs
fondamentaux de français et de mathématiques.
La compréhension de consignes
La difficulté à comprendre des consignes en autonomie déboussole les ensei-
gnants, qui pourtant différencient les approches et travaillent régulièrement cette
compétence essentielle à la poursuite des apprentissages. Plusieurs remarques
sur cette difficulté. Les élèves qui entrent au collège en sixième n’ont pas spécia-
lement acquis une autonomie effective dans la compréhension des consignes de
classe, bien que l’item du palier 2 demande de lire et de comprendre SEUL une
consigne ou un énoncé. La première des causes identifiées par les enseignants est
le manque de vocabulaire, qui empêche les élèves d’accéder à l’action préconisée
par la consigne, que ce soit un vocabulaire disciplinaire spécifique, ou des mots
plus abstraits, sur lesquels certains élèves n’ont pas de prise et ne parviennent
pas à associer une réalité qui leur permette de se lancer dans la tâche attendue.
171
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
La perspective historique
L’épreuve orale d’histoire des arts, à la fin de la troisième, a révélé les difficul-
tés des élèves à faire des liens entre les événements, les personnages, les œuvres
ou les découvertes techniques et scientifiques d’une même époque.
Titre de la remédiation
Créer une perspective historique
Corpus d’images
172
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves
L’activité proposée aux élèves est bien une tâche complexe. Elle les oblige à discuter
et à argumenter en groupe, à mobiliser un certain nombre de savoirs, à aller vérifier
leurs ressources, à combiner des éléments de réponse pour pouvoir positionner correcte-
ment les illustrations sur la frise chronologique.
Les élèves positionnent certaines vignettes de façon étonnante : l’autoportrait de Picasso
est placé en préhistoire. Il faut croire que les élèves perçoivent inconsciemment les
influences de l’art brut sur la peinture de Picasso ! Un groupe d’élèves hésite à situer
l’explosion atomique entre le xvie ou le xviie siècle. On peut s’interroger sur les repré-
sentations qu’ils associent à cette image. Globalement, mise à part l’imagerie associée au
Moyen Âge qui est bien maîtrisée, les élèves ont des repères très confus, voire inexistants
sur lesquels s’appuyer pour construire une perspective historique qui les aide dans les
différents apprentissages, que ce soit à l’intérieur du pôle humaniste, mais également en
technologie pour l’évolution des objets techniques ou pour tout ce qui concerne l’histoire
des sciences en règle générale.
Cela explique la difficulté d’amener parfois les élèves à comprendre l’enjeu esthé-
tique et littéraire de certaines œuvres (compétence attendue dans le pôle humaniste),
alors que les élèves n’ont finalement pas vraiment de représentations mentales fiables
des évolutions de l’humanité. Suite à ce travail, une frise historique interdisciplinaire
a été installée dans le hall du collège. Chaque mur de ce hall est réservé à une période
historique et contient cinq fils sur lesquels les enseignants peuvent venir accrocher
173
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
des travaux d’élèves présentant les grands événements historiques, les personnages
et artistes, les œuvres d’art ou les découvertes techniques et scientifiques associés à
chaque période. La frise historique se construit tout au long de l’année, grâce à l’inter-
vention de toutes les classes et de toutes les disciplines et permet d’associer visuellement
les différents repères à connaître. Ce dialogue interdisciplinaire, non chronophage
sur le temps de cours, est de plus un outil intéressant pour mettre en valeur les appren-
tissages liés à l’histoire des arts.
174
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves
175
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Nous avons créé une option interne, la DS2 (découverte stage deux heures par semaine),
alignée avec le latin et la DP3 (découverte professionnelle en 3e), qui s’adresse à la quin-
zaine d’élèves de l’établissement en décrochage scolaire, ou en passe de le devenir. Cette
douzaine d’élèves constituait chaque année le pourcentage d’échec à l’obtention du
brevet des collèges. Comme nous ne travaillons que par compétences avec ces élèves, nous
espérerions au moins pouvoir leur garantir, à l’issue de leur année passée à travailler
leurs compétences, la validation du socle commun. Mais les champs d’apprentissages
couverts par le socle restent trop larges pour ces élèves en grande difficulté, qui, bien
qu’ayant prouvé, par le biais d’une différenciation des apprentissages ou des supports
d’évaluation qu’ils possèdent un nombre important de compétences, ne parviennent à
valider la totalité des compétences générales attendues.
176
Prendre en charge autrement les difficultés des élèves
Forts de ce constat, nous avons donc décidé de mettre en œuvre, dans le cadre de ces
deux heures inscrites à l’emploi du temps des élèves en grande difficulté de troisième,
une pédagogie de projet sur l’année qui permette de couvrir les champs d’apprentissages
leur faisant défaut. Il nous fallait pour cela un projet relevant plus du pôle scientifique
et leur permettant de prendre des initiatives et de prouver une certaine autonomie
notamment dans la planification du travail à mener. Les élèves ont été inscrits à un
concours académique et national dont le règlement imposait aux élèves de concevoir et
de fabriquer une mini-formule 1.
Cela a permis de prouver qu’ils étaient capables de mener une démarche technolo-
gique, de prendre des mesures, de faire des calculs, d’utiliser les règles de conversion
(Compétence mathématique). Le règlement stipulait que chaque équipe présenterait
son projet devant un jury de professionnels pendant cinquante minutes (Domaine oral
de la compétence de maîtrise de la langue), dont une première partie en anglais (ce
qui correspond à un item de la compétence de langue vivante étrangère). Les élèves ont
travaillé en groupe et en autonomie le jour de la finale, ont pris des initiatives après
discussion et accord de l’ensemble de l’équipe (Compétence d’autonomie et d’initiative).
Ils ont de plus manipulé des logiciels de conception numérique, de traitement de textes et
des logiciels de présentation (Compétence informatique).
Seul un projet sur l’année pouvait permettre de couvrir autant de champs de compé-
tences et parvenir à motiver les élèves décrocheurs sur l’ensemble de l’année. Comme
le dit un de ces élèves, au jury, le jour du concours : « Au début, ça ne nous intéressait
pas trop, mais après, on a compris que ce n’était pas comme le reste des cours. Et là, ça
nous a accrochés. »
177
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Dans notre option interne, la DS2, créée dans notre collège pour encadrer les élèves
de troisième en décrochage scolaire, les élèves n’ont jamais de travail à la maison
et laissent leur cahier dans la classe. Interdiction absolue de le reprendre à la
maison, au risque de ne jamais le voir réapparaître. Et l’autonomie, dans tout cela ?
Comme gérer cette absence régulière de matériel de certains élèves, ainsi que leur
manque total de travail à la maison ? Et le rôle des parents ? N’est-ce pas leur rôle
d’offrir à leur enfant le cadre propice de travail à la maison et de leur apprendre
gérer leurs affaires de classe ?
Quand on discute entre collègues de ces sujets, on se heurte très vite à des position-
nements de valeur, quasiment immuables. Pour certains collègues, c’est aux parents
d’adapter, à la maison, la différenciation des approches, pas à l’enseignant dans
sa classe, ni dans le travail qu’il donne à la maison. Ces discours sont contes-
tables, comme tout ce qui tend à externaliser les apprentissages hors de la classe
et de l’établissement, et engage notre responsabilité face à nos enseignements.
Dans l’option DS2, il arrive toujours dans l’année un moment où les élèves viennent
à l’interclasse demander à reprendre leur cahier chez eux, pour prolonger un travail
commencé. C’est le pari à relever, pour ces élèves en décrochage : donner l’envie
d’apprendre et par cette envie, changer leurs habitudes et attitudes liées à l’école.
178
Construire les attitudes attendues dans le socle
différenciation ne sera acceptée par tous, enseignants comme élèves, que si elle
est pratiquée en toute transparence, dans une discussion pédagogique exigeante
qui détermine des paliers de progression et assure un suivi régulier des démarches
entreprises par l’élève.
179
10
Enseigner des stratégies aux élèves
181
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
182
Enseigner des stratégies aux élèves
Si l’on interroge les collègues sur les objectifs pédagogiques du travail donné
à la maison, les premières réponses sont :
– préparer les apprentissages,
– prolonger les apprentissages,
– transférer les apprentissages.
Ensuite seulement viennent :
– s’entraîner et automatiser les procédures enseignées,
– mémoriser les acquis.
Pour les élèves, le travail personnel se réduit à la mémorisation par cœur des
leçons écrites en classe. Ils sont incapables de donner un autre objectif aux devoirs
183
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Nous encadrons une remédiation sur l’acte d’apprendre avec des élèves de
quatrième. En discutant avec Allan, nous apprenons qu’il copie chaque propriété
de maths qu’il doit apprendre, jusqu’à ce qu’il ait rempli deux copies doubles. C’est
une technique d’apprentissage qui lui vient de ses parents. Non seulement elle est
chronophage, mais de plus inutile, car Allan, après ses deux copies doubles, et bien
que sachant par cœur sa propriété de maths, ne sait toujours pas l’utiliser dans
les exercices d’application. Il a pourtant travaillé à la maison, mais tout ce travail
semble bien vain.
184
Enseigner des stratégies aux élèves
entre les enseignants et les élèves, entre les enseignants et les parents des élèves,
permet de faire émerger les représentations des uns et des autres sur la gestion du
travail personnel, et d’en clarifier les attentes.
Depuis cinq ans que nous travaillons dans notre établissement à la mise en place du
socle, nous avons appris à confronter nos valeurs d’enseignants et de correcteurs,
et malgré des positionnements parfois opposés, nous nous sommes prouvé que
tous agissaient dans l’optique d’aider les élèves à apprendre et à grandir. Qu’on
soit sceptique sur la pertinence de l’évaluation chiffrée, ou au contraire de celle par
compétences, qu’on croie en l’efficacité pédagogique de la punition ou de la colle,
qu’on préfère croire en l’autonomie et en la responsabilisation des élèves, toutes les
pratiques mises en place dans l’établissement sont bienveillantes et visent à aider
les élèves à grandir, souvent malgré eux. Elles sont toutes compatibles et les ensei-
gnants peuvent dialoguer, sans être forcément d’accord.
Mais il est un point qui continue à cristalliser les divergences et qui bloque encore la
création d’une parole collégiale qui intègre toutes les opinions : le rôle des parents
dans la scolarité de leur enfant. Or ce point est central dans la prise en charge
des difficultés d’apprentissage des élèves et dans la construction de l’autonomie.
Les parents sont-ils un pendant nécessaire à la construction de ces compétences,
sans lesquels les apprentissages de classe ne peuvent être effectifs ? Ou au
contraire, l’école doit-elle être capable de faire sans les parents, quand ils ne peuvent
être présents aux côtés de leur enfant, et est-il alors de son ressort d’assumer la
construction de ces compétences indispensables à la future vie de citoyen ? Le débat
reste ouvert. À chacun d’interroger ses convictions.
185
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
pouvant être efficaces pour l’activité demandée. En français par exemple, la ques-
tion de l’apprentissage des leçons est d’actualité jusqu’en troisième, car même
pendant les révisions de brevet, les élèves continuent à se demander ce qu’il faut
apprendre dans cette discipline. Ils se réfugient souvent derrière l’idée fausse
que le français n’est pas une discipline à leçons, pour éviter de se confronter à la
difficulté d’acquisition des notions au programme, et surtout de leur mobilisation
face à un texte littéraire inconnu. Il est intéressant de leur montrer que selon les
évaluations, le travail de révision n’est pas le même.
La fiche suivante est distribuée à des élèves de quatrième, pendant une activité prévue
en début d’année, avant la première évaluation de connaissances programmée.
Elle contient deux extraits de cours, sur deux types de connaissances différentes, qui vont
amener deux types d’évaluations différentes :
– Un cours sur les points de vue du récit : l’élève n’a pas besoin d’apprendre par cœur
les définitions. Il suffit qu’il sache les reformuler avec ses propres mots et, surtout,
qu’il parvienne à les identifier dans un texte. Il y a cependant un travail de mémo-
risation à faire sur les termes spécifiques, « interne, externe, omniscient », qu’il faut
connaître.
– Une fiche-outil sur les terminaisons du passé simple, qu’il faut connaître, mais qu’il
faut être également capable de mobiliser en production.
Chaque extrait de cours est accompagné d’extraits de l’évaluation qui sera donnée pour
vérifier la maîtrise de ces savoirs. Un tableau d’analyse demande aux élèves de réfléchir
à la façon d’apprendre efficacement ces leçons, en fonction des objectifs d’évaluation.
Le cours à apprendre
186
Enseigner des stratégies aux élèves
L’évaluation
Indique, pour chacun des textes suivants, le point de vue adopté par le narrateur
et justifie ta réponse.
Texte 1 : Un homme de 35 ans, en deuil, au visage mortellement pâle, descendit.
Sur le perron, de taciturnes serviteurs élevaient des flambeaux. Sans les voir, il gravit
les marches et entra. C’était le comte d’Athol. Chancelant, il monta les blancs escaliers
qui conduisaient à cette chambre où, le matin même, il avait couché dans un cercueil
de velours et enveloppé de violettes, son épouse, Véra.
Point de vue : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Texte 2 : Il se jeta sur un fauteuil et se mit à réfléchir. Tout à coup, comme dans un éclair,
il se rappela les paroles qu’il avait proférées dans l’escalier, le jour où Basil avait fini la toile.
Oui, il s’en souvenait parfaitement. Il avait formulé un vœu insensé : rester toujours jeune,
tandis que vieillirait le portrait. Garder l’éclat de sa beauté, tandis que le visage peint
sur la toile assumerait le fardeau de ses passions et de ses péchés.
Point de vue : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Texte 3 : Ce fut vers la fin du cinquième ou sixième mois de sa retraite que le prince Prospero
gratifia ses mille amis d’un bal masqué de la plus insolite magnificence. Mais d’abord
laissez-moi vous décrire les salles où il a eu lieu. Il y en avait sept, une enfilade impériale.
Point de vue : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La préparation de l’évaluation
Que dois-tu être capable de faire pour réussir l’évaluation ?
Exemple n° 2
Le cours à apprendre
Fiche-outil sur la conjugaison du passé simple
Personnes GR 1 + aller GR 2 + certains verbes du GR 3 + être Tenir + venir
groupe 3 comme prendre, et avoir et leurs compo-
faire, voir, dire sés
Je ai is us ins
Tu as is us ins
Il/Elle/On a it ut int
187
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
L’évaluation
Consignes : tous les passés simples du texte suivant sont faux. Corrige-les :
Candide viva jusqu’à l’âge de dix-sept ans dans le château d’un baron allemand
qui était un de ses parents. Il y fus heureux. Tous étaient aimables avec lui.
Toute son enfance, il se promenit dans le parc, écoutat les leçons de son maître et surtout,
dévorit des yeux Mademoiselle Cunégonde, qu’il trouvait extrêmement belle. Mais, un jour,
il déplaisa au Baron qui le jetit dehors. Il faisait froid. La neige tombait. Il prena le chemin
de la ville, mais il n’avait pas d’argent et souffrait de la faim. C’est alors que deux hommes
habillés de bleu lui offrèrent à boire et à manger. Candide, qui avait un esprit des plus
simples, croya qu’ils le prenaient en pitié.
La préparation de l’évaluation
Ce travail peut être mené dans toutes les disciplines qui se heurtent aux difficultés
d’apprentissage des leçons à la maison. On peut aussi distribuer une fiche-méthode
pour chaque discipline, à faire remplir à la fois aux enseignants et aux élèves, afin
de confronter les méthodes mises en œuvre avec les méthodes attendues.
Cette analyse des représentations est un point de départ pour une discussion
pédagogique autour des apprentissages et peut se prolonger par l’élaboration
de fiches-méthodes par discipline, remises lors des conseils de classe ou des
réunions parents-professeurs, selon les besoins spécifiques des élèves.
188
Enseigner des stratégies aux élèves
Il est à noter que les enseignants donnent fréquemment comme conseil de repérer
les grands thèmes importants de la leçon. Mais cela ne suppose-t-il pas de bien
la comprendre ? Quelle complexité, pour un élève en apprentissage de différencier
ce qui est important de ce qui ne l’est pas ! Mettre en rouge, ou souligner suffit-il
à hiérarchiser, dans l’esprit des élèves les notions les unes par rapport aux autres ?
Quelle place faire à l’exemple qui illustre l’idée, quand on sait l’impact qu’il a sur
l’ancrage des savoirs pour les élèves et quelle difficulté on a parfois à leur faire diffé-
rencier ensuite l’idée de l’exemple !
189
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
190
Enseigner des stratégies aux élèves
des croquis, des tableaux ou des cartes mentales, parfois plus porteuses de sens
pour certains élèves. Ces activités de reformulation sont à intégrer dans les pratiques
de classe, sous des formes variées, afin qu’elles deviennent des habitudes de travail
pour les élèves et qu’ils puissent les réexploiter, en autonomie, chez eux.
191
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
les brouillons est une autre façon d’aborder la construction des compétences
d’autonomie et d’initiative. Encore un prérequis à construire ensemble, pour qu’il
devienne un véritable outil d’apprentissage pour les élèves.
La conceptualisation des notions est une activité souvent proposée dans les forma-
tions d’adultes. Après avoir fait émerger les représentations du groupe de stagiaires
et les avoir mis en action, dans une activité destinée à bouleverser ces représen-
tations initiales, on procède à un temps de structuration des nouveaux acquis.
Ce dispositif de formation est tout à fait adaptable en classe avec des élèves et indis-
pensable dans l’appropriation des nouveaux savoirs enseignés.
Les élèves restent en effet marqués par les enseignements menés en école primaire,
sans doute parce qu’il s’agit de leurs premiers apprentissages, et parce qu’ils sont
liés à un affectif plus grand. Il est donc souvent difficile, pour un enseignant de
collège, de faire évoluer ou de complexifier ces notions, fortement ancrées dans les
ressources propres des élèves.
Si l’on interroge, par exemple, les représentations des élèves de troisième sur la
poésie, on voit surgir le champ lexical de la récitation, du dessin, de la fête des mères,
c’est-à-dire une conception de la poésie telle qu’elle est enseignée à l’école primaire,
voire maternelle, que n’ont jamais réussi à détrôner trois années de cours de lettres
au collège, au profit d’une conception plus littéraire de ce type de textes.
Il est donc fondamental de déstructurer les premiers apprentissages pour permettre
leur complexification.
192
Enseigner des stratégies aux élèves
La carte heuristique est à ce titre un outil intéressant, car elle permet de donner
une lisibilité dans l’organisation mentale des élèves. Elle permet aussi de confron-
ter les représentations de l’enseignant et celles des élèves sur un même thème,
et de mettre en lumière certains malentendus didactiques difficiles à identifier
si l’on ne visualise pas clairement les attentes de chacun.
Lors d’une séance de structuration en quatrième, en cours de français, sur les acquis
des élèves à la fin d’une séquence sur le siècle des Lumières, chaque élève mobilise et
organise ce qu’il a appris, sous forme de carte mentale. Les élèves mêlent naturellement,
sans que cela leur soit suggéré, ce qu’ils ont appris en cours de français à ce qu’ils ont
appris en cours d’histoire. La carte mentale permet donc une liaison interdisciplinaire
naturelle, puisque l’élève mobilise tout ce qu’il sait sur un thème, faisant fi des frontières
des disciplines.
La carte mentale permet aussi d’inscrire sur un support lisible les connexions que l’élève
fait entre les savoirs, les fausses associations qu’il met en œuvre, les confusions et les
erreurs qu’il construit inconsciemment. C’est un outil pertinent dans la prise en charge
de la difficulté scolaire car elle permet de voir, dans une moindre mesure, ce qui se passe
dans la tête de l’élève, et de lui montrer les objectifs d’une structuration efficace.
Un élève se rend compte, lors de cette activité, que sa carte est très mal organisée, par
rapport à celle de son voisin de table. Il en déduit de lui-même que c’est mal structuré
dans son esprit.
193
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
194
Enseigner des stratégies aux élèves
Acquis/Non
acquis
Justification
195
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Les élèves les plus en difficulté ont besoin d’être accompagnés dans la reformulation
des idées essentielles de la leçon, dans leur appropriation et dans la mémorisation
d’éléments clés. Les élèves plus à l’aise préfèrent s’interroger mutuellement sur leurs
connaissances et créent des questionnaires sur les leçons pour les élèves plus en difficulté.
Certains élèves se découvrent des compétences d’oral qu’ils souhaitent consolider. Nous
avons des élèves de troisième qui, lors de revues de projet en technologie, ou en prépara-
tion à l’entretien d’histoire des arts, nous demandent à être filmés pour procéder ensuite,
en groupe, à l’analyse de leur prestation. Nous nous sommes d’ailleurs équipés au collège
de matériel de prise de son convenable, puisque celles des caméras que nous utilisions ne
permettaient pas une analyse pertinente du travail des élèves. On perçoit dans ces achats
le reflet des changements de pratiques opérés au collège par les enseignants comme par
les élèves, grâce au travail de compétences.
196
Enseigner des stratégies aux élèves
197
11
Communiquer
sur les nouvelles pratiques
S i le socle commun est un outil pédagogique, le livret de compétences est avant
tout un outil de communication sur les acquis des élèves à différents stades
de la scolarité obligatoire. Or cet outil, au départ lourd et complexe, a été mal
compris par les enseignants et peu expliqué aux élèves et à leurs parents.
La simplification annoncée du LPC est donc une bonne chose, si elle allège
le travail des enseignants lors de la phase de certification, et qu’elle rend le livret
plus lisible et compréhensible par tous. Mais il faut espérer que cette simplification
n’entraînera pas une perte d’efficacité de l’outil pédagogique, notamment par une
validation « à la louche » des élèves qui ne semblent pas présenter de difficultés
scolaires, mais dont on n’aura pas évalué rigoureusement la capacité à exploiter
leurs compétences.
199
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
200
Communiquer sur les nouvelles pratiques
Arriver dans un établissement est un événement complexe à vivre, car il faut affron-
ter le contact nouveau avec les élèves, qui cherchent rapidement à savoir qui ils
ont en face d’eux, tout en décodant le fonctionnement et la culture de l’établisse-
ment dans lequel on arrive. Plus les établissements vont développer de stratégies
propres, plus l’adaptation à ces stratégies va être primordiale. De plus, un ensei-
gnant qui arrive dans un établissement se trouve confronté à des choix d’équipe,
notamment en ce qui concerne la construction des compétences transversales, la
préparation de l’épreuve d’histoire des arts, ou l’évaluation collégiale, auxquels
il n’aura pas directement participé et qu’il devra rapidement intégrer, s’il veut lui-
même s’intégrer au travail d’équipe.
201
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
202
Communiquer sur les nouvelles pratiques
Lors d’une sortie dans le port de Dunkerque, avec une classe de quatrième, nous avons
cherché à évaluer explicitement le transfert de compétences et la mobilisation de connais-
sances acquises dans le cadre du cours de géographie. Nous avons commencé par lister les
notions construites en classe à propos du port de Rotterdam, pour demander aux élèves
une production finale, à savoir un dépliant touristique du port de Dunkerque, qui prou-
verait la mobilisation de ces connaissances dans la compréhension du fonctionnement
du port visité. C’est bien le transfert de connaissances et de compétences qui est visé
et ces axes pédagogiques, ainsi que les compétences du socle commun évaluées,
sont inscrits dans le document de présentation du projet, aux côtés de son financement
et de son organisation matérielle.
Ces actions mobilisent en effet les acquis des élèves, et il serait dommage
de ne pas en profiter pour les évaluer en situation de mobilisation réelle.
Fiche-navette de remédiation
Activité de remédiation
Documents à prévoir
203
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Ces remédiations ponctuelles, proposées dans les heures de liberté des élèves,
nécessitent la création d’un document permettant une visibilité de ces disponi-
bilités. Il s’agit en effet de répertorier, en début d’année, les plages disponibles
dans les emplois du temps des élèves et de prévenir les parents, par le biais du
carnet de correspondance, que des remédiations pourront être ponctuellement
proposées aux élèves, selon leurs besoins et difficultés. Voici un exemple de cet outil
de travail, à distribuer à l’ensemble des enseignants.
M2 quatrième 1
(germanistes)
quatrième 3 (S2)
M3 troisième 3
(non-
latinistes)
troisième 4
(non-
latinistes)
204
Communiquer sur les nouvelles pratiques
205
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
présentation peut être faite, en heure de vie de classe, par exemple. Il est, à notre
avis, inutile d’insister sur le détail des items, même si certains items, à la portée
interdisciplinaire ou prédictifs de réussite, comme les items de la compétence
de maîtrise de la langue française, ceux qui constituent la démarche scientifique
et technologique, les items d’histoire des arts ou ceux de la compétence d’auto-
nomie et d’initiative, qui relèvent du parcours personnel de l’élève, peuvent être
« décodés », pour que les élèves en perçoivent bien l’enjeu.
Il est surtout important que les élèves comprennent qu’il existe dans le livret
des compétences disciplinaires et des compétences transversales. Qu’ils sachent
également en quoi l’évaluation par compétences se différencie et complète l’éva-
luation chiffrée traditionnelle. Les élèves doivent construire une représentation
des compétences, qui associe ressources disciplinaires et mobilisation en tâche
complexe. C’est déjà le premier des apprentissages de cette mobilisation.
206
Communiquer sur les nouvelles pratiques
Adapter son mode de lecture Lecture d’un texte inconnu, d’une dizaine
à la nature du texte proposé de lignes, en registre courant.
et à l’objectif poursuivi. L’élève a une lecture fluide (sans buter
sur les mots et en respectant la ponctuation)
et expressive (en mettant le ton).
207
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Dégager, par écrit ou oralement, Comprendre le sens général d’un texte lu,
l’essentiel d’un texte lu. d’une émission entendue, d’une exposition
vue, d’un discours audiovisuel,
d’un conférencier lors d’une rencontre.
Être capable de le reformuler
avec ses propres mots.
Écrire
[...]
208
Communiquer sur les nouvelles pratiques
Être autonome dans son travail : Planifier son travail sur la semaine.
savoir l’organiser, le planifier, Élaborer un dossier, faire des recherches
l’anticiper, rechercher et sélec- au CDI ou sur Internet.
tionner des informations utiles. Rectifier une erreur en suivant des conseils.
Faire un brouillon efficace.
209
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Le bulletin de compétences suivant a été distribué aux parents suite à un projet d’his-
toire des arts en quatrième, incluant cinq disciplines. Les élèves ont travaillé pendant
deux semaines en groupes et ateliers de compétences, et ont présenté une prestation
alliant plusieurs arts et un entretien oral pendant lequel ils défendaient les choix qu’ils
avaient effectués pour répondre à la consigne de l’activité.
Ce projet a permis de pratiquer l’évaluation d’un grand nombre d’items. Ils sont
répertoriés et classés dans le bulletin selon trois axes : les items disciplinaires travaillés
210
Communiquer sur les nouvelles pratiques
dans le cadre de la classe, les items mobilisés dans une perspective interdisciplinaire
pendant le projet et les items transversaux liés à la pédagogie de projet proposée.
Le projet portait cette année-là sur l’étude de la nouvelle Carmen, de Mérimée et sur
son adaptation en opéra par Bizet, avec toutes les contraintes techniques et artistiques
liées à la mise en scène d’un spectacle vivant. Les disciplines concernées étaient le fran-
çais, l’éducation musicale, l’espagnol, la technologie et l’EPS.
211
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Items transversaux
C7 : Être autonome dans son travail : Planifier le travail à faire,
savoir l’organiser, le planifier, en classe, dans les ateliers
l’anticiper, rechercher et sélectionner de préparation, à la maison.
des informations utiles. Cet item est évaluable à travers
le carnet de mise en scène.
212
Communiquer sur les nouvelles pratiques
213
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
214
Communiquer sur les nouvelles pratiques
La quatrième 2 est une classe dans laquelle les enseignants ont mis en place
cette année plusieurs actions et projets interdisciplinaires. Ces projets, menés en
groupe, ont fait l’objet d’évaluations de compétences, et ont pour objectif de faire
travailler les élèves autrement en leur apprenant notamment à utiliser ce qu’ils
apprennent en classe dans des situations différentes.
Bulletin de compétences
Être autonome A. est tout à fait autonome dans son travail personnel,
dans son travail mais devra faire attention à être capable de mobiliser
toutes ses ressources dans des situations variées, qui
demandent parfois une prise d’initiative plus marquée.
En étude, le comportement d’A. reste passif. Il ne se met
au travail ponctuellement que si on le lui répète,
sinon il rêvasse, attendant que le temps passe.
215
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Bulletin de compétences
216
Communiquer sur les nouvelles pratiques
Dans une classe de quatrième, nous avons proposé aux parents des élèves de les rencon-
trer, non pas successivement et en rendez-vous individuels, mais collectivement en
équipe interdisciplinaire. L’objectif de ces rencontres est de montrer la cohérence des
enseignements dispensés et la légitimité de l’évaluation collégiale portée.
Plusieurs dispositifs de rencontre ont été expérimentés.
Au premier trimestre, l’équipe enseignante reçoit chaque élève, accompagné de ses
parents. Ce type de rencontre ne permet cependant pas de discussion individuelle avec
les enseignants et réduit la part d’intimité recherchée par certains parents. Mais cela
permet de donner une forte impression de concertation et de collaboration entre les
disciplines. La feuille de route, préparée en amont et complétée avec les conseils donnés
par les enseignants, est donnée aux parents à cette occasion.
Au deuxième trimestre, chaque élève et ses parents sont reçus par une équipe
restreinte d’enseignants, constituée d’un représentant par pôle (un enseignant du pôle
scientifique, un enseignant du pôle humaniste, un enseignant du pôle linguistique, un
217
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Lors des formations que nous assurons sur la mise en place du socle commun et de l’ap-
proche par compétences, les enseignants nous font souvent part de la responsabilité
des parents dans la suprématie des notes à l’école. D’après eux, ce sont les parents
qui les réclament et qui en posent la légitimité. C’est certainement vrai, puisque
les parents, quand ils ne sont pas enseignants eux-mêmes, ne connaissent que les
notes, comme barème d’évaluation des acquis. Ils ont cela dit été habitués à l’école
maternelle et à l’école élémentaire à la remise de bulletins de compétences à la fin
des années scolaires. Mais il est essentiel de leur expliquer les spécificités de ce
nouveau système d’évaluation au collège, et c’est notamment lors des réunions-
parents-professeurs qu’il est possible de présenter les changements de pratiques
induits par le socle commun.
218
Communiquer sur les nouvelles pratiques
219
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Plusieurs rencontres ont eu lieu entre les enseignants du collège et les professeurs du
premier degré.
– Pour construire les activités pédagogiques mises en œuvre dans les PPRE passerelles,
au premier trimestre de sixième.
– Pour programmer un projet d’histoire des arts, entre les élèves de CM2 et les élèves de
sixième. La manière la plus naturelle de travailler la continuité des apprentissages nous
a semblé de travailler ensemble sur la construction de certaines compétences.
– Pour réfléchir ensemble à la construction de l’autonomie dans le travail personnel.
À travers ces projets de liaison, les élèves de CM2 deviennent coutumiers des lieux
et des pratiques du collège. Ils peuvent ainsi bénéficier de certains atouts du CDI ou
des salles pupitres. Cette appropriation des lieux permet de gagner du temps à la
rentrée de sixième, habituellement consacrés à leur découverte.
220
Communiquer sur les nouvelles pratiques
À l’entrée en seconde
Le palier 3 n’est pas encore l’outil de liaison qu’il pourrait être. C’est en effet un
outil intéressant dans l’analyse des besoins des élèves, notamment pour mettre
en place l’aide personnalisée. Mais les enseignants du lycée n’en perçoivent pas
encore l’intérêt, notamment parce que la validation globale des compétences
générales, dans les livrets qu’ils reçoivent, empêche toute analyse fine des items
lacunaires. La simplification annoncée de la validation ne va malheureusement
pas inverser cette tendance. Mais on peut espérer une appropriation de cet outil
de liaison par les équipes qui reçoivent les nouveaux arrivants, notamment par le
biais des bulletins de compétences.
C’est donc aux enseignants du lycée de cibler les items qui leur semblent
prédictifs de réussite, afin d’accompagner les élèves les plus fragiles dans l’acqui-
sition de ces compétences lacunaires, à l’entrée en seconde. L’autonomie dans
les apprentissages reste l’item essentiel pour une bonne adaptation au fonction-
nement du lycée. C’est donc autour de cet item que peut se construire la liaison :
gestion et planification du travail personnel, compétence de recherche documen-
taire, lecture autonome, stratégies d’apprentissages adaptées.
Des rencontres organisées entre collégiens de troisième et lycées de seconde
sont aussi des supports pertinents d’échanges et de liaison : le partenariat inter-
cycle aide toujours les élèves les plus jeunes à grandir et les plus âgés à formaliser
leurs savoirs. Certains lieux ou apprentissages évoluent entre le collège et le lycée
et méritent d’être appréhendés lors de ces rencontres : l’organisation des salles de
sciences, le choix d’un parcours d’EPS, la découverte du CDI du lycée, par exemple,
autant de changements pour les élèves de collège qu’il peut être intéressant
d’anticiper. Il suffit parfois de proposer de nouveaux horizons pour remotiver et
remettre au travail des élèves de troisième blasés par les quatre années de fonc-
tionnement identique du collège.
221
Conclusion
223
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
Le socle commun a été décrié par les équipes sur le terrain parce qu’il n’a pas
été compris et surtout parce qu’on a fait entrer les équipes par l’axe de la validation
au lieu de les aider à appréhender les spécificités de l’approche par compétences
et à repenser l’acte d’évaluation. On reproche parfois au socle commun d’être un
grand fourre-tout de connaissances, de capacités et d’attitudes, entre lesquelles
les équipes ne perçoivent pas toujours les liens, ni l’articulation avec les contenus
des programmes disciplinaires. Mais n’est-ce pas parce qu’on a minimisé le chan-
gement de pratiques nécessaire pour construire avec les élèves des compétences
qui les rendent plus aptes à utiliser les acquis de l’école ? Parce qu’on a essayé
de faire croire aux équipes qu’on le faisait déjà ? Que c’était la responsabilité des
élèves s’ils n’étaient pas compétents ?
Notre nouvelle mission d’enseignant est d’amener la majorité des élèves entre
la maîtrise du nécessaire et du souhaitable. L’intégration de l’approche par compé-
tences, dans les pratiques de classe, permet de hausser le niveau des appren-
tissages puisque cette approche implique qu’on apprenne aux élèves à utiliser
ce qu’on leur apprend. Elle permet de connaître précisément les acquis des élèves
et donc de cibler mieux les zones de difficultés d’apprentissages. En parallèle
224
Conclusion
Il nous faut en effet relier nos enseignements pour construire avec nos élèves
une culture vivante, qui mette en action les élèves, et insuffler un dynamisme des
parcours de formation. Le socle commun est un outil pertinent de discussion entre
les enseignants et les élèves, autour de leurs acquis et de leurs difficultés d’ap-
prentissage. Il fait du collège un lieu où l’on vient tous les jours pour apprendre,
grandir et se former à être des citoyens responsables.
225
Le CRAP-Cahiers pédagogiques
et le socle commun
227
Réussir l’école du socle en faisant dialoguer et coopérer les disciplines
228
Dans la collection Pédagogies
À L’ÉCOLE DE L’INTELLIGENCE
Comprendre pour apprendre
Jean-Yves Fournier
APPRENDRE ET ÊTRE
Langage, littérature et expérience de formation
Jorge Larrosa
L’APPRENTI-CITOYEN
Une éducation civique et morale pour notre temps
Georges Roche
L’AUTORITÉ EN ÉDUCATION
Sortir de la crise
Gérard Guillot
229
AUTORITÉ OU ÉDUCATION ?
Entre savoir et socialisation : le sens de l’éducation
Jean Houssaye
LE CHOIX D’ÉDUQUER
Éthique et pédagogie
Philippe Meirieu
COURANTS ET CONTRE-COURANTS
DANS LA PÉDAGOGIE CONTEMPORAINE
Daniel Hameline
DE L’APPRENTISSAGE À L’ENSEIGNEMENT
Pour une épistémologie scolaire
Michel Develay
DE L’ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE
À LA CULTURE TECHNIQUE
Yves Deforge
DE LA FORMATION AU MÉTIER
Savoir transférer ses connaissances dans l’action
Louis Toupin
LA DÉMOCRATIE AU LYCÉE
Robert Ballion
230
LA DÉMOCRATISATION DE L’ENSEIGNEMENT AUJOURD’HUI
Gabriel Langouët
DEVENIR COLLÉGIEN
L’entrée en classe de sixième
Olivier Cousin, Georges Felouzis
DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
De la planification à ses organisateurs cognitifs
François Victor Tochon
231
L’ÉCOLE POUR APPRENDRE
Jean-Pierre Astolfi
ÉDUCATION ET FORMATION :
NOUVELLES QUESTIONS, NOUVEAUX MÉTIERS
Sous la direction de Jean-Pierre Astolfi
ÉDUCATION ET PHILOSOPHIE
Approches contemporaines
Sous la direction de jean Houssaye
ENCYCLOPÉDIE DE L’ÉVALUATION
EN FORMATION ET EN ÉDUCATION
André de Peretti, Jean Boniface,
Jean-André Legrand
232
ENFANTS PERDUS, ENFANTS EXCLUS
Andréa Canevaro
L’ENTRETIEN D’EXPLICITATION
en formation initiale et en formation continue
Pierre Vermersch
L’ENVERS DU TABLEAU
Quelle pédagogie pour quelle école ?
Philippe Meirieu
L’ÉTABLISSEMENT SCOLAIRE,
AUTONOMIE LOCALE ET SERVICE PUBLIC
Jean-Louis Derouet, Yves Dutercq
L’ÉVALUATION EN QUESTIONS
Charles Delorme et le CEPEC
233
L’ÉVALUATION SCOLAIRE, MYTHES ET RÉALITÉS
Michel Barlow
JE EST UN AUTRE
Pour un dialogue pédagogie-psychanalyse
Jacques Lévine, Jeanne Moll
234
MÉTIER IMPOSSIBLE
La situation morale des enseignants
Pascal Bouchard
L’ORGANISATION DU TRAVAIL,
CLÉ DE TOUTE PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE
Philippe Perrenoud
235
PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE : DES INTENTIONS À L’ACTION
Philippe Perrenoud
PENSER L’ÉDUCATION
Notions clés en philosophie de l’éducation
Coordonné par Alain Vergnioux
PETITE ENFANCE :
ENJEUX ÉDUCATIFS DE 0 À 6 ANS
Coordonné par Nicole Geneix
et Laurence Chartier
236
POUR UNE SOCIÉTÉ ÉDUCATIVE
Une réflexion syndicale sur l’école et la société
Unsa Éducation – Textes rassemblés par Dominique Lassarre
PRÉPARER UN COURS
Tome 1 : Applications pratiques
Alain Rieunier
PRÉPARER UN COURS
Tome 2 : Les stratégies pédagogiques efficaces
Alain Rieunier
QUESTIONS DE SAVOIR
Gabrielle Di Lorenzo
237
LA SAVEUR DES SAVOIRS
Disciplines et plaisir d’apprendre
Jean-Pierre Astolfi
STIMULER LA MÉMOIRE
ET LA MOTIVATION DES ÉLÈVES
Une méthode pour mieux apprendre
jean-Philippe Abgrall
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www.esf-editeur.fr
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