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Revue des forces aériennes :

organe des aéronautiques


militaire, navale et coloniale
et de leurs réserves / publié
avec [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


. Revue des forces aériennes : organe des aéronautiques militaire,
navale et coloniale et de leurs réserves / publié avec le concours
du Ministère de l'air. 1936-07-01.

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N' 84
Juillet 1936

Revue
de
l’Armée

GAUTHIER-VILLARS, ÉDITEUR
65, Quai des Grands-Augustins, PARIS (6 e )

PUBLICATION MENSUELLE FONDÉE EN 1929

FRANCE
Le N°: 10 francs—Abonnement annuel : 100 francs

ETRANGER
Le N° : 20 francs—Abonnement annuel : 200 francs
REVUE DE L'ARMEE DE L'AIR
Secrétaire général : Pierre Léglise
D'août 1929 à décembre 1933, cette revue a paru sous le titre
REVUE DES FORCES AÉRIENNES

RÉDACTION
Les communicationsconcernant la Rédaction de la Revue doivent
être adressées comme suit :

Revue de l’Armée de l’Air


55, quai des Grands-Auguslins
Paris (6 e )

=
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Tous droits de reproduction et de traduction réservés.

ADMINISTRATION
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Revue de l'Armée de l’Air
55, quai des Grands-Augustins, Paris (6°)
Téléphone : DANTON 05-11, 05-12

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Gauthier-Villars édite également L'Aéronautique, revue men


suelle illustrée, fondée en 1919, dont le prix d’abonnement annuel
est France, 100fr ; Étranger, 200 fr Des abonnements simultanés
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.
à la Revue de l’Armée de l’Air et à L'Aéronautique sont acceptés
au prix global de 180 fr pour la France et 350tr pour
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de l’Armée de l’A

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8 e ANNÉE DEUXIÈME VOLUME

Juillet à Décembre 1936

PARIS. — GAUTHIER-VILLARS, ÉDITEUR


55, QUAI DES GRAN DS-AUGUSTINS. 55
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiii111un 11iiiiiiiiiiiiiiiiiimimu 11111111111111111111111111111111111111111111111

REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR — 8e Année — 2 e Volume


Juillet-Décembre 1936.

TABLE DES MATIÈRES


(Les numéros sont en chiffres romains et la pagination en chiffres arabes.)

PREMIÈRE PARTIE. — ÉTUDES ET TRAVAUX.

Éditorial.
A propos d’un livre LXXXIV 723
Matériels modernes et limites humaines LXXXIV 725
Le Ministère de la Défense nationale LXXXV 843
Le survol des zones interdites LXXXVI 963
Le bombardement des services de l’arrière LXXXVII 1083
Problèmes d’aviation d’infanterie LXXXVIII 1203

Travaux historiques.
La guerre aéro-maritime dans les Flandres. Réca
pitulation, par le lieutenant de vaisseau
P. Barjot LXXXIV ;65
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation
militaire française, par le lieutenant-colonel
Bellenger LXXXIV 795
Emploi des ballons dans la défense aérienne, par
le commandant J. Lucas LXXXV 863
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation
militaire française, par le lieutenant-colonel
Bellenger LXXXV 917
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation
militaire française, par le lieutenant-colonel
Bellenger LXXXVI 1025
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation
militaire française, par le lieutenant-colonel
Bellenger LXXXVII 1162

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII II III II II 11 IIII IIlliII II II II II II IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIMIIIIIIII IIIII


2 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation
militaire française, par le lieutenant-colonel
BELLENGER LXXXVIII 1241
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation
militaire française, par le lieutenant-colonel
BELLENGER LXXXIX 1874

Emploi de l’Aviation.
Tactique.
La fermeture de la chasse, par A. ODIER LXXXVI 96 5
Le bombardement en vol rasant, par l’ingénieur
en chef du Génie maritime C. ROUGERON LXXXVI 1007
La chasse reste ouverte plus que jamais, par L. G. LXXXVIII 1205

Études techniques.
Le tir par le travers à bord des avions rapides,
par P. de Valroger LXXXV 850
Problème de la supériorité balistique du tir en
retraite, par R. Garnier LXXXVI 971
Le vol aux instruments, par le général A. Crocco. LXXXVII 1085
Le navire porte-avions, par l’ingénieur en chef
du Génie maritime C. ROUGERON LXXXVII 1128
Vitesse et altitude en aviation, par L. Breguet . . LXXXVII 1147
Le sondage acoustique et les bruits des avions,
par G. Jacquet LXXXVIII 1237
Les projectiles du combat entre avions, par
l’ingénieur en chef de l’Aéronautique A. Bris
sot LXXXIX 1323
Sur le bombardement d’une cible mobile, par
le capitaine Davout d’Auerstaedt LXXXIX 1337

Divers.
Deux points de vue sur la politique industrielle
en aéronautique, par le capitaine de vaisseau
de réserve H. de l’Escaille LXXXIV 727
Paysages urbains, par le capitaine THOUMIN.... LXXXIV 335
À la conquête de la stratosphère, par Mlle Reysa
Bernson LXXXIV 773
À la conquête de la stratosphère, par Mile Reysa
Bernson : LXXXV 888
Considérations médicales sur le parachutisme,
par le médecin-commandantFlamme LXXXVI 977
Au sujet des méthodes modernes de prévisions
météorologiques, par le lieutenant-colonel de
réserve A. Verdurand LXXXVII 1105

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 3

Notes sur l’industrie américaine d’aviation mili


taire, par JAN-KERGUISTEL et le lieutenant de
réserve P. SERVEL LXXXVIII 1221
Réflexions sur la deuxième Fête de l’Air LXXXVIII 1263
L’École des remous (suite), par le capitaine
J. Thoret LXXXIX 1361
Zigs-Zags à travers le Salon, par P. E LXXXIX 1391

DEUXIÈME PARTIE. — INFORMATIONS, MATÉRIEL,


BREVETS. CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.

Information générale. —
Évolution et emploi de l’Aéronautique.
Problèmes de manœuvre motorisée,. . par P. E. LXXXIV 803
Le budget de l’Air britannique LXXXIV 806
Témoignage d’un attaché américain sur la psy
chose de guerre LXXXV 925
Coordination des Départements de la Guerre, de
la Marine et de l’Air LXXXV 926
Nouvelles d’Italie LXXXV 928
Nouvelles de Grande-Bretagne, par P. E. LXXXV 929
Stratégie aérienne, par P. E. LXXXV 937
La mobilisation de l'Autriche-Hongrie en 1914 . • LXXXV 942
Le dépanneur d’hydravions, type Kervarrec,
parP. Ba. LXXXV 943
La bombe ailée Mae Millau, par P. Ba. LXXXV 943
Le navire porte-avions à plate-forme d’atter¬
rissage, parP. E. LXXXVI 1039
Augmentation des effectifs des pilotes de l’Air
Corps.................................... LXXXVI 1042
Les nouveaux chasseurs américains LXXXVI 1043
Essais de bombes éclairantes LXXVVI 1043
Le pilotage sans visibilité au moyen d’indicateurs
acoustiques de vitesse et de virage LXXXVI 1048
L’avion bombardement
de LXXXVI 1053
Matériels de défense contre avions LXXXVI 1056
Utilisation pratique du sextant à bulle dans la
navigation aérienne LXXXVI 1057
La guérilla aéro-maritime en Adriatique LXXXVI 1059
La conquête du Jehol, par P. E. LXXXVI 1061
Les destructions ferroviaires, par P. E. LXXXVII 1175
Le bruit des hélices bipales, par L. K. LXXXVII 1178
Politique de l’Aviation d’outre-mer,. . par P. E. LXXXVII 1184
L’interception des bombardiers LXXXVIII 1277
Quelques détails d’organisation des réseaux de
guet LXXXVIII 1278

11111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111<111111<1111<111111111111111111111111111
4 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Essai d’une maquette d'aérodrome dans une
soufflerie LXXXVIII 1278
La route tactique et la liberté de manœuvre LXXXVIII 1280
L’attaque aérienne des voies ferrées LXXXVIII 1280
Influence de l’aviation sur le développement des
navires de guerre LXXXVIII 1281
Les batteries flottantes de D. C. A LXXXVIII 1282
Le nouveau tunnel à grande vitesse du N.A.C.A. LXXXVIII 1282
Extension du réseau de sondage par avions aux
États-Unis, parA. V. LXXXVIII 1283
Équipement de parachutes pour atterrissages
dans la jungle LXXXVIII 1283
Les débuts de l’Aviation militaire américaine,.
. .
LXXXVIII 1284
Les manœuvres aériennes britanniques de 1936,
parP. Ba. LXXXVIII 1284
Observation d’artillerie LXXXVIII 1285
L’Artillerie réclame des avions, par P. E. LXXXVIII 1285
Le motoballon LXXXVIII 1288
La législation allemande des brevets intéressant
la Défense nationale, par P. E. LXXXVIII 1288
L’Aéronautique maritime. L’accord Air-Marine
du 22 août 1986, par P. Ba. LXXXVIII 1290
Variation du point d’ébullition de l’oxygène
liquide aux grandes altitudes LXXXVIII 1292
Essai des mano-détendeurs pour bouteilles d’oxy
gène LXXXVIII 1293
Un exemple de guerre aéro-navale : la guerre
civile d’Espagne, parP. Ba. LXXXVIII 1294
À propos de la situation aéro-navale 1935 en
Méditerranée, par P. Ba. LXXXVIII 1296
Éclairage des escadres d’attaque et de bombar
dement LXXXIX 1401
Un exemple de navigation aérienne au long cours,
parA. V. LXXXIX 1403
Les dispositifs d’atterrissage en p. s. v. aux
États-Unis, par A. V. LXXXIX 1406
Sondeur à écho radioélectrique, par G. J. LXXXIX 1408
Influence du manque d’oxygène sur la limite
supérieure de l’audibilité, par le médecin-
commandant Flamme LXXXIX 1410
L’organisation des communications et ravitail
lements aux Armées LXXXIX 1416
La menace de l’agression rapide à l’égard de la
sécurité collective LXXXIX 1418
Un indicateur à rayons cathodiques pour le
guidage des avions, parA. V. LXXXIX 1423

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitini

II
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 5

Le matériel des Aviations nationales.


France.
Le bimoteur Amiot S. E. C. M. i44 LXXXV 945
Le nouveau compas magnétique Aéra, type E. i o. LXXXVI 1063
Le transmetteur d’ordres Aéra LXXXVI 1066
Les pompes à essence Guinard à vis LXXXVI 1067
La Société Aérienne Bordelaise, par P. L. LXXXVII 1187
Le four électrique basculant Ripoche LXXXVIII 1298
Le calculateur-marqueur de point astronomique
Bastide-Lepetit, type 300 LXXXIX 1425
Matériels modernes Técalémit pour le ravitail
lement des avions LXXXIX 1429

Allemagne.
La valise d’instrument Schneider-Bosch, pour
ascensions en ballon libre LXXXVIII 1302

Brésil.
Appareils d’entraînement pour l’Aviation bré
silienne LXXXIX i433

États-Unis.
Le nouveau monoplace de chasse Chance-Voughi
V. i43 LXXXVIII 1304
Quelques avantages du moteur radial à deux
étoiles de cylindres décalées LXXXIX 1431
Les nouveaux Wright « Cyclone » G. 100 LXXXIX 1433

Grande-Bretagne-
Un «
commercial bomber » britannique LXXXVIII 1305

Italie.
Le trimoteur de bombardementPiaggio P. 16. . .
LXXXVIII 1309

Japon.
Quelques types récents d’appareils militaires
japonais LXXXVIII 1311

Pays-Bas.
Le monoplace de chasse Fokker D. 21 LXXXVIII 1307

IHIIIIII1»IIIIIIIIIIIIII1I11111IIIIIIIIII IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1II11IIIIIIIIIIIII1IHIIIIHIHI
6 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 7

Das Buch der deutschen Fluggeschichte,


par P. E. LXXXVI 1079
L’énigme du Jutland, parP. E. LXXXVI 1079
Prévision du temps par l’analyse des cartes
météorologiques, par A. V. LXXXVII 1197
Taschenbuch der Tanks, par H. K. LXXXVII 1199
Fahren und Fliegen, par H. K. LXXXVII 1200
Fliegerschulung in Bildern LXXXVII 1200
L’autogire et son pilotage LXXXVII 1200
Die Waffen der Luftstreitkraefte,
.... par P. L. LXXXVII 1200
Des bancs de Flandre aux Dardanelles LXXXVIII 1315
Les flottes de combat 1936 LXXXVIII 1315
The Aircraft Yearbook 1936 LXXXVIII 1315
Souvenirs sur Guynemer LXXXVIII 1316
Notions de médecine aéronautique,
par le médecin-commandant Flamme. LXXXVIII 1316
Manuel de météorologie du pilote,.... par A. V. LXXVVIII j 318
Le péril sous-marin, par P. Ba. LXXXVIII 1319

Supplément au n" 90 de la Revue de l'Armée de l'Air.


Librairie - Imprimerie
GA UTH I E R-VI L L A RS
65,quai des Gd*-Augustins,PARIS-VI
106230
() Photographie de l’Armée de

La Gironde, la cg.t^' de~GasC^^gne et les Pyrénées.

Revue de l’Armée de 1’
l'Air, sur plaque

N 84 SOMMAIRE Juil

PREMIÈRE PARTIE

I. — A propos d’un livre. II. — Matériels modernes et lin


humaines,
par R. A. A
Deux points de vue sur la politique industrielle en aéronautiqu
par le Capitaine de vaisseau de réserve H. de l’ESCAILLE

'lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
R. A. A. —

As
No 84.

wm
Librairie - Imprimerie
GAUTH IER-VILLARS
55,quai des G ds -Augustins, PARIS-V P

106230
Photographie de l’Armée de l'Air, sur plaque sensible aux radiations infrarouges.

La Gironde, la cg.te'de~Gast^giie et les Pyrénées.

Revue de l’Armée de l’Air

N 84 SOMMAIRE Juillet 1936

PREMIÈRE PARTIE
Pages.
1.
— A propos d’un livre. II. — Matériels modernes et
limites
humaines,
par R. A. A 723, 725
Deux points de vue sur la politique industrielle en aéronautique,
par le Capitaine de vaisseau de réserve H. de l’ESCAILLE. . . 727

iiiiniiiii niiiii iiiiiiiiiiii iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiini 1111111 iiiiiiiiiiiiiiiitniiin


P. A. A. — No 84.

As wm
1
722 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

PREMIÈRE PARTIE (suite).


Pages.
Paysages urbains,
par le Capitaine THOUMIN 735

La guerre aéro-maritime dans les Flandres. — Récapitulation,


par le Lieutenant de vaisseau P. BARJOT 765
A la conquête de la stratosphère,
par Mlle Reysa BERNSON 773
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation militaire française,
par le Lieutenant-Colonel BELLENGER 795

DEUXIÈME PARTIE

INFORMATION GÉNÉRALE
Problèmes de manœuvre motorisée par P. E. 803

Le budget de l’Air britannique 806

REVUE DES BREVETS


Guidage horizontal par T. S. F. d'un aéronef suivant une direction
déterminée (Siemens Apparate und Machinen G. m. b. H.),
par Gaëtan JACQUET 809
Un radiocompas à lecture directe (Le Matériel Téléphonique^,
par Gaëtan JACQUET 816

CHRONIQUE DES ACTUALITÉS


La guerre en Éthiopie par P. E. 826

BIBLIOGRAPHIE
Jahrbuch der Deutschen Luftwaffe. — Diritto marittimo di
guerra. — La préparation au B. A. P., au B. P. E. S. M., aux
brevets de spécialités. — Un homme volant : Jan Olieslagers.
Gaz de guerre et guerre de gaz. — Kleinkrieg 837

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIIIIIIIIIIIHIIHIIIHIIUIIIIIIIIIIIIIIHIIt
«uuuumunmuumunnununnnunnununnuuuuuununnunnununuuuuuouuumuuanuuuuuuuuazuunuuuuuunusanuznuauuuunuuunuuuanuanunuunnnnnuauuanuanuaandaniaiaaie

1.
— A propos d'un livre

Un éditeur se demande parfois, aux heures difficiles, s’il aura


du moins cette satisfaction d'avoir apporté à la collectivité une
contribution valable. Le livre, que M. Rougeron vient de faire
paraître (1) sur l’Aviation de bombardement, est pour nous un
élément important de cette compensation.
Une dédicace, sur l’exemplaire que l’auteur a bien voulu
nous adresser, nous autorise en effet à penser que nous avons
contribué à la production de cet ouvrage, lorsque nous avons
invité M. Rougeron, il y a près de sept ans pour la première
fois, à développer largement dans cette revue les idées ori
ginales, et fortement charpentées de technique, dont il nous
avait fait part.
M. Rougeron, du Corps du Génie Maritime, a l’expérience
profonde de l'ingénieur naval, de l’artilleur et du sapeur
qu’il fut autrefois; il possède, à un degré très remarquable,
une haute culture générale militaire acquise dans les ouvrages
des grands stratèges terrestres et marins; enfin M. Rougeron
s’est mêlé intimement à l'Aviation depuis plusieurs années, à
ce point qu’il fut appelé au Ministère de l’Air, l’an passé, pour
y diriger le Service de l’Armement, élément fondamental autour
duquel gravitent tous les problèmes techniques et tactiques.

Nous nous contenterons ici d’indiquer les grandes lignes de


l’ouvrage, qui échappe à la synthèse, en raison de la multiplicité
des problèmes étudiés et de sa contexture même ; car, en vrai
technicien, M. Rougeron ne s’engage pas longtemps dans le
domaine agréable, et parfois simpliste, des théories générales,
sans revenir vite au calcul, aux tableaux, à l’analyse.

(l) L’Aviation de bombardement, par C. Rougeron, ingénieur en chef du Génie


maritime. Berger-Levrault, éditeur à Paris, 2 volumes, chacun 2 5 fr.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinni
724 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Le premier Livre est consacré à l’Aviation de bombardement
et la chasse. Nous y avons trouvé la justification des idées sou
tenues ici sur la primauté de la vitesse, l’anachronisme des
articulations actuelles des formations en vol et la faiblesse des
conceptions tactiques douhétiennes.
L’Aviation de bombardement et l’Artillerie (Livre II) paraîtra,
sans doute, ardu mais nouveau aux aviateurs, en particulier
l’étude détaillée de la manœuvre de dérobement de l’avion
contre ses divers adversaires. M. Rougeron a fait là un travail
de pionnier, dont il faut apprécier l‘importance. La manœuvre
de l’avion est à deux degrés : manœuvre de la trajectoire
moyenne pour dérouter le guet et la chasse adverse; manœuvre
de l’avion sur sa trajectoire moyenne contre la D. C. A. La
conclusion de son étude est grave : impossibilité de conserver
les méthodes actuelles de bombardement.
Le Livre III, consacré à l’Avion de bombardement, est un des
plus importants, car il traite du principe fondamental de l’unité
de matériel, et des possibilités de sa réalisation du point de
vue de l’armement, de la protection, de l’autonomie et de la
vitesse.
Le Livre IV est relatif à la bombe et la torpille; à côté des
problèmes de la bombe-fusée, de la bombe planante que tra
vaillent tant d’inventeurs, l’auteur expose des vues person
nelles sur les torpilles et les bombes à usage naval.
Fort remarquable également est le Livre V, sur les méthodes
de bombardement. M. Rougeron est là tout à fait novateur par
ses études sur le bombardement par temps couvert, sur le
réglage, sur le lancement en cabré.
Le Livre VI pénètre dans le domaine de la stratégie aérienne
avec le problème de l’Aviation de bombardement dans la guerre
sur terre, où l’auteur prend une position raisonnable d’action
combinée avec la bataille terrestre.
Par contre, dans le livre suivant sur l’Aviation de bombarde
ment dans la guerre sur mer, c’est à une révolution complète
de la constitution des flottes que conclut M. Rougeron; cette
partie de l’ouvrage nous paraît exiger l'attention.
La conclusion, très philosophique, n’est pas moins curieuse
et, sur le plan de la nation armée, pose le problème général
de la formation d’un « peuple d’aviateurs ».

IIIlllllllllllIlllllllIIMIlIlIIIlIllIlilHIIIIIIlllllIlillllllIlllllllllllllilllllIIIIIIIIIIIIIlIllllllIllllllllllllllIllllllllIlilIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 725

Nous devons trop souvent vanter les mérites des auteurs


étrangers, pour ne pas nous réjouir pleinement à propos de
cet ouvrage français, auquel ne manqueront pas de se référer,
consciemment ou non, demain et dans l’avenir, bien des écrivains
militaires. Souhaitons — car ce serait toute justice — qu’une de
nos grandes Sociétés savantes sache reconnaître avec éclat le ser
vice — lui-même éclatant — que rend un pareil ouvrage.

IL Matériels modernes et limites humaines


C’était un aérodrome de la région parisienne où volent les


ingénieurs du Corps de l’Aéronautique. L’ingénieur en chef
Hirschauer descendait de sa fidèle et paisible limousine Farman
tandis que nous passions par là. La conversation s’engagea sur
l’entraînement.... « Nous avons 90% de pilotes dans les
« moins de 35 ans » au
Corps. Certes, il ne s’agit pas de
demander à tous de savoir piloter comme Détroyat ! C’est
affaire de pilotes d’essai. Mais il est de plus en plus évident
que la pratique de l’avion est la meilleure des sauvegardes
pour le jugement de l’ingénieur. Et puis l'ingénieur pilote com
prendra toujours le langage du pilote d’essai. Et puis..., »
et Hirschauer se tut.
— Et puis ?
limites de
— Et puis, pratiquant, il se rendra compte des
l’individu.
. . .
D’un geste Hirschauer nous montra du doigt sur le terrain
un monoplace de chasse dernier cri :
« Cet avion-là, c’est un
chef-d’œuvre. Pour répondre au pro
gramme, l'ingénieur en a fait la synthèse de tous les progrès :
moteur à compresseur, hélice à pas variable, train d’atterrissage
rentrant, volets d’intrados, etc. Le 500 kmh garanti, 11.000 à
12.000m de plafond. Et l’armement ! canon, mitrailleuses....
» Ne parlons ni du prix de revient d’un tel
engin, ni de sa
construction en série en temps de guerre, ni même des possibi
lités de réparation de cette « usine volante ». Nous en sommes
aux limites de l’individu.
» Et que doit-on exiger de l‘homme qui prendra place au
poste de pilotage de ce monoplace ?
726 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

— D’être un homme de la plus haute qualité morale : il opé


»
rera seul (sans le soutien d’un camarade mitrailleur ou obser
vateur), il devra allier un complet mépris de la mort au juge
ment le plus sûr, ne pas se sacrifier follement, mais courir le
risque sans une hésitation quand le succès apparaîtra possible.
» — D’être un tireur hors de pair; car, si on lui confie une
machine pareille, c’est pour qu’il abatte l’avion ennemi en
l’atteignant, de 600 ou 800m de distance, avec le petit obus de
son canon.
— D’être un pilote virtuose, ce qui est sans doute la condi
»
tion la moins dure à remplir.
» — D’être doué d’un tempérament des plus réfléchis et d’un
sang-froid total ; car, en pleine bagarre, il ne devra oublier
aucune des manœuvres dont dépend le fonctionnement de son
engin, ne pas se tromper au milieu des quelques trois ou quatre
douzaines de cadrans et de commandes qu’il contrôle. Sinon,
c’est le radiateur gelé, ou la reprise du moteur impossible, ou
l’atterrissage avec le train rentré, ou la «ressource» qui casse
les ailes, etc.
» Etn’est pas tout !
ce
» Cet être qui symbolise la hardiesse réfléchie, presque mûrie,
dirions-nous, et la virtuosité qui ne s’acquiert qu’à la longue,
il aura vingt-cinq ans. Il ne devra pas avoir plus de vingt-
cinq ans ! Sinon comment résistera-t-il ? Je ne parle pas seule
ment du « voile noir » des virages rapides, ni des autres troubles
de l’acrobatie, mais de la seule endurance physiologique. Quel
cœur et quelles artères ne lui faudra-t-il pas pour encaisser
— car cela arrivera — quatre ou cinq montées au-dessus de
10.000m dans la même journée, et des descentes en « piqué à
mort » !
» Et imaginez-vous la situation, après une période de beau
temps d’une quinzaine de jours, d’une escadrille équipée ainsi ?
» Quelques avions de ce genre, aux mains d’une sélection de
pilotes, pour un barrage ou une attaque d’importance capitale ?
Peut-être.
...
» Mais attention aux limites de l’individu. »

Et, dans sa petite automobile, ce pilote qui depuis trente-


cinq ans pratique les sports aériens s’éloigne.
R. A. A.

*>1111*1)111 ii in 11 nu ii iiiiiiiiiini min i 111111 imin 13iii 111 m 111 ii im i mu 111111 ii 111 ii ii i mu in ni ni ii h mu iiiiiiiiinum
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIH

Deux points de vue


sur la politique industrielle en aéronautique

Par le Capitaine de vaisseau de réserve H. de l’ESCAILLE.

L’étude ci-dessous de M. de l’Escaille répond à une Note


publiée ici en avril. Cette Note constituait elle-même une réponse
à un court article éditorial, signé « R. A. A. », inséré dans cette

revue en décembre 1935, et non à l’article de M. de l'Escaille


publié un mois plus tôt.
Soîis le bénéfice de cette précision, on trouvera en bas de page,
sous forme de notes, composées en italiques et appelées par des
chiffres gras, les «réponses et observations» de l’auteur de la
Note d’avril.

I.

La «Note sur la participation de l’Etat à la création des


prototypes d’avions dans l’hypothèse d’une industrie à statut
libre », publiée par la Revue de l’Armée de l’Air en avril 1936,
expose le point de vue du « client ».
L’étude sur «La participation de l’Etat à la création des pro
totypes d’avions», insérée dans la même revue de décembre 1935,
exposait le point de vue du « constructeur », mais — à notre
avis — selon le statut vrai actuel de l’industrie aéronautique.
Il n’est peut-être pas sans intérêt de confronter ces deux
points de vue.
Le simple examen des titres montre la nécessité d’étudier la
valeur des deux hypothèses faites, sans perdre de vue l’ensei
gnement général de l’« Esprit des Lois» que la façon dont une
loi est appliquée a plus d’importance que son texte.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIMMI11III
II II II II IU1111II111II11IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII t II11II111II11IIIIIIIIIIIIIIII
728 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Entre une industrie à statut libre (1) et une industrie d’Etat,
il existe un grand nombre de solutions intermédiaires.
A vrai dire, l’économie a toujours été dirigée, de tout temps
et en tous pays, sous les Ptolémée, Elisabeth d’Angleterre, les
Incas. Les seuls points variables ont été l’orientation et
. . .
l’intensité de cette direction.
Pratiquement, on a appelé économie libérale celle où la direc
tion était réduite au minimum.
Il ne faut d’ailleurs pas perdre de vue que, si des considé
rations de doctrine peuvent influer sur une décision, les faits
eux-mêmes ont une importance considérable.
Si les conditions physiques de l’Angleterre, établie sur un
bloc de charbon, et si les conditions politiques résultant de la
création de son Empire n'avaient pas existé à un moment donné,
lui créant une situation particulière dans le temps vis-à-vis de
ses concurrents, l’économie libérale n’aurait sans doute pas vu
le jour dans des conditions comparables; le mot même n’aurait
peut-être pas existé.
On assiste actuellement à l’éclipse de l’économie libérale en
Angleterre, les circonstances ayant changé.
Changements profonds et précipités dans le temps, par suite de
la dernière guerre créant un bouleversement soudain des offres et
des demandes dans un sens, puis dans un autre après l’armistice.
Changements aggravés d’abord par la nécessité de rechercher
la puissance indépendamment du rendement, ensuite par l’obli
gation de tenir compte des questions sociales1
.

IL
L’industrie aéronautique en France n’est pas une industrie

1. Nous avions écrit nous-même, dans nos conclusions : « La


première conception est celle d'une industrie forte, se disciplinant
elle-même, relativement libre et évoluant d failleurs vers une
liberté de plus en plus complète ». Si notre titre parlait d’une
« industrie à statut libre », c’est qu’on ne peut tout mettre dans
un titre.
Ces généralités, sur lesquelles nous étions donc d’accord par
avance, n’entament, à notre sens, en rien notre argumentation.
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 729

libre, au sens de l’économie libérale, depuis la guerre, parce


qu’elle n’a pratiquement qu’un seul client et qu’en conséquence,
la loi de l’offre et de la demande ne peut jouer (dans la mesure
du moins où elle exprime la loi des grands nombres).
La création du Ministère de l’Air, question totalement diffé
rente de la création d’une Armée de l’Air indépendante, a eu.
comme corollaire inévitable, la suppression de la liberté de cette
industrie, tant aux points de vue technique que financier.
Il est d’ailleurs vraisemblable que la multiplication et la dif
fusion certaine des emplois de l'aviation provoqueront la créa
tion d’une clientèle et la possibilité d’une industrie libre, si on
le désire.
La situation de fait actuelle, de ce point de vue, est compa
rable par ses effets à celle de certains pays instituant des droits
protecteurs élevés pour permettre la création sur leur sol d'in-
dustries nouvelles, capables par la suite d’affronter la libre
concurrence.
so
L’industrie aéronautique manque de liberté technique.
Chaque année, le Salon de l’Automobile montre la création
ou le perfectionnement d’un grand nombre de modèles d’un
type déterminé de voitures.
Cette variété s’explique par le désir de satisfaire une partie
déterminée de la clientèle, les uns recherchant d’abord l’éco
nomie, d’autres la vitesse ou l'esthétique ou le confort, ou la
facilité de conduite, ou la robustesse....
Les quelques prototypes présentés pour les catégories les plus
courantes doivent normalement, sauf faute lourde, trouver tous
une clientèle.
En aviation, rien de comparable; l’Etat-client, pour des rai
sons d’utilisation, ne retiendra que deux ou, au maximum, trois
prototypes sur dix, même s’ils étaient équivalents et à suppose]’
que cette équivalence pût s’établir par la comparaison de qua
lités diverses dont plusieurs ne sont pas chiffrables.

es
L’industrie aéronautique manque de liberté financière.
Pratiquement, les prix d’achat y sont imposés, d’après des

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIICÜIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIHIIII.
730 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
considérations théoriques et empiriques dont la valeur dépend
d’une connaissance approfondie des nécessités industrielles pra
tiques.
Une industrie libre doit bien « prendre la responsabilité de
ses créations et courir les risques correspondants » ; mais, si ces
risques sont considérables, il est nécessaire que les bénéfices
bruts soient considérables en cas de réussite, pour trouver les
moyens de courir ces risques et d'amortir les pertes anté
rieures (2).
L’Etat impose aux fabricants de cellules un bénéfice de 11 %
qui n’est d’ailleurs pas un bénéfice net, et qui est réduit en
outre à 7 % par les derniers décrets-lois.
En U. R. S. S., il est prévu un bénéfice net d’exploitation de
l’ordre de 1,1 % plus des primes et l’ensemble atteint un chiffre
comparable.
Or, dans ce pays, l’Etat est réellement le commanditaire, et
le seul, de l’entreprise.
L’auteur écrit : « Ou bien l’Etat est le commanditaire qui
court tous les risques, comme ce fut le cas de 1928 à 1934, et
alors on ne voit pas comment se justifient les gains relatifs à
la série... » (3).
Oui, si l’Etat est le commanditaire et le seul; non, si l’Etat
commandite en partie seulement, puisqu’il faudra bien tenir
compte des autres commanditaires, les actionnaires. L’interven-

Après avoir posé le principe qu’une industrie doit « prendre


2.
la responsabilité de ses créations et courir les risques correspon
dants », nous avions ajouté aussitôt : « Toutefois,, l’ampleur des
risques étant plus considérable en aéronautiqïce qu’en tout autre
industrie et les maisons de constmction y étant moins puissantes,
les responsabilités laissées aux industriels devront être, en fait,
limitées ». Tout le système que nous avons préconisé revient d’ail
leurs, en dernière analyse, à graduer, dans chaque cas, la part de
responsabilité assumée par l’Etat en fonction du risque qu’il
laisse à l’industriel.
Quand nous parlions des « gaiirs relatifs à la série », nous
3.
avions naturellement en vue, non le loyer normal des capitaux
investis, mais bien les superdividendes.

41IIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIII1III
tion de l’Etat justifie seulement la diminution du taux normal
de bénéfice, qui doit varier suivant la nature de cette interven
tion et, en dernière analyse, en fonction de la politique finan
cière adoptée pour les prototypes.
Il ne faut pourtant pas perdre de vue que l’intérêt versé à un
capital est d’abord une indemnité pour perte de jouissance. Cet
intérêt est payé par l’Etat lui-même, du moins aussi longtemps
que cet Etat offre à l’épargne des «placements de père de
famille ».
Il n’est donc pas besoin d’un risque pour justifier le payement
d’un intérêt, faute duquel on ne trouverait pas de capitaux.
Les risques sont compensés par l'augmentation du taux d’in
térêt ou l’espoir de superdividendes.
Du seul point de vue financier, il est indiscutable que le sys
tème capitaliste est celui qui permet les meilleures conditions
d’obtention de capitaux dont la rémunération doit être possible
à un taux fonction des risques.
L’Etat doit se procurer les fonds nécessaires à la conduite
de ses industries par des emprunts à taux fixe, assumant lui-
même les risques payés par les impôts, ou par des impôts seu
lement couvrant l’ensemble de ses besoins.
L’impôt exige des frais de recouvrement considérables, sans
même invoquer le cas des octrois où ils dépassent dans certains
cas 50 %, mais en tenant compte de la quote-part des frais indi
rects.
Il point de vue financier n’est pas ici le seul.
est certain que le
Certaines religions interdisent les prêts à intérêt; d’autres con
sidérations peuvent conduire les Etats aux mêmes conclusions.

III.
Cesconsidérations un peu longues paraissent nécessaires
si l’on veut se placer dans la réalité; car on s’en éloigne trop si
l’on croit l’industrie aéronautique libre et capable d’emprunter
sans payer d’intérêt en l’absence de risque.
Sous ces réserves, on convient avec l’auteur que le «système
des présentations» nuancé selon les prototypes, comme il l'in-
clique, est un système parfaitement cohérent et même séduisant.
Mais, à côté du point de vue théorique, la pratique a donné

<IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
732 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
un système faussé «Dans la précipitation qu’a connue le
:

Ministère de l’Air en 1934 et au début de 1935. on a commis


l’erreur de fixer des délais trop courts et des lois de décroissance
trop rapide des primes ».
Cette erreur a failli faire disparaître toute l’industrie aéro-
nautique française (4). Il n’est donc pas étonnant que l'admi-
ration théorique possible pour le système ait fait place, chez les
victimes, à d’autres sentiments et, en particulier, à la demande
d’un autre système, moins redoutable en cas de précipitation
ou d’erreur.
A vrai dire, si l’on fait intervenir le côté psychologique, il
apparaît que l’avantage principal vu par les services officiels à
ce système était de pouvoir échapper plus facilement aux solli
citations de toute nature et de réduire automatiquement,
comme il est indiqué, le nombre des prototypes de moitié.
Nous pensons que rien de bien ne peut se faire sans le sens
et le goût de l’autorité, sans la recherche et l’amour de la res
ponsabilité : «Le pouvoir de sélection que l’on veut confier à
l’Etat est redoutable», a dit notre auteur.
Oui, mais celui qui redoute ce pouvoir n’est pas un chef (5).
Rappelant encore l’« Esprit des Lois», nous pensons que le
système préconisé par les constructeurs conduira, en cas de fonc
tionnement imparfait, à la commande de quelques prototypes
inutiles, d’où une dépense inutile, conséquence moins grave que
la désorganisation de l'industrie aéronautique en cas de mau
vais fonctionnement de l’autre système, parce qu'alors inter-

Pour notre part, nous n’accepterions pas sans preuve cette


4.
affirmation.
5. Il faudrait savoir d’abord si, dans le domaine qui nous'
occupe et dans un régime d’opinion comme le nôtre, le chef n’est
pas mené au lieu de mener. Surtout nous prétendons que le
« chef » n’a nullement, sur le pl^n technique, la possibilité de
sélectionner les prototypes d’après de simples projets. Choisir,
dans ces conditions, n’est pas faire acte de chef, c’est jouer à
pile ou face. Et, quand un chef a à craindre deux éventualités
également redoutables, il ne doit pas jouer à pile ou face, mais
se garder des deux côtés.

iiiiiiiiiiiiiii ii t in ii iiiiiiiiiiiiiiiiii iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii uni il ii ii 11111111111111111111111111111


11
vient le facteur du personnel de l’industrie, qui ne peut se
résoudre qu’avec du temps (6).
Il est certain que l’Etat intervient alors comme un comman
ditaire, et que la conséquence doit être la diminution du béné
fice de l'entreprise; mais c’est précisément le cas avec les taux
actuellement admis.
IV.
Les deux points de vue exposés sont observés des deux côtés
de la barricade, peut-on malheureusement dire, alors qu’ils
devraient être ceux de coopérateurs, l’un service (l’industrie),
l’autre arme (l’aviation d’Etat, cliente).
Il semble qu’en dépit de difficultés les constructeurs rendent
davantage justice aux services officiels.
Ils se plaisent à reconnaître les progrès que ceux-ci ont fait
faire à la Science aéronautique ; en particulier, par exemple, le
Service des essais de Villacoublay par sa magistrale réglemen
tation des essais en vol.
Ils voudraient les voir assumer plus complètement le rôle
du N. A. C. A. aux Etats-Unis (7).
Le principal reproche qu’ils leur font est l'appréhension et
non l’amour des responsabilités, sentiment qui les pousse à
essayer de remplacer l’acte de volonté et de décision, toujours
indispensable, par l’automatisme de règlements; ici, par une
étrange coïncidence, « la volonté de cumuler les avantages inhé
rents à diverses conceptions, sans tenir compte des inconvénients
correspondants)) — comme disait l’auteur -— nous paraît qua
lifier l’attitude des services d’Etat (8).

6. Nous avions cru comprendre qu’on voulait, au contraire,


réduire au maximum, à « deux, trois tout au plus », les proto
types commandés dans chaque cas. Si tel n’est pas le cas, l’in
dustrie ne cherche-t-elle pas à se garantir contre tout risque ?
7. Mille fois d’accord. Mais, pour cela, il ne faut pas que les
Services officiels soient submergés sous les besognes courantes.
8. Précisément pour ne pas être submergé sous les besognes cou
rantes, il faut bien des « règlements », de quelque nom qu’on
les décore :

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiimiiiiniuni i in ii n iiiiiiniii ii ii uni n iiiiiiiiii 11 mu mu IIIIII! mmmiii miiimiimimi


734 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Les constructeurs croient que leurs efforts techniques, véri
tablement remarquables, sont encore trop souvent sous-estimés.
L’établissement d’une collaboration confiante doit être le but
de tous (9).
H. de l'ESCAILLE.

l’écriture pour
— parce que l’homme n’a trouvé jusqu’ici que
léguer efficacement à l’avenir l’expérience du passé {et c’est ainsi
que la justice de Salomon a fait place aux coutumes, puis aux
codes} ;
possibilité
— parce que, pour laisser précisément au chef la
de choisir les caractéristiques essentielles de son action, il faut
que tout ce qui est « mécanisme » ou « procédure » de cette*
action soit étudié une fois pour toutes. Le fait que les diverses
armes ont leurs règlements de manœuvre et les modalités tac
tiques de leur emploi fixés une fois pour toutes nuit-il à l’ini
tiative du chef militaire ?
9. Cette collaboration confiante est aussi notre but. Mais une
de ses principales bases réside précisément dans un statut normal
de l’indutrie aéronautique, statut capable de garantir aussi bien
les intérêts du « client Etat » que ceux de l’« industriel four
nisseur ».

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllll»

Paysages urbains

Par le Capitaine R. THOUMIN.

Cette étude fait suite à celle des « Aspects de plaines » (1). Elle
analyse les caractères des agglomérations urbaines dans leurs
formes générales; les schémas qui l’accompagnent groupent des
« cas concrets », qui montrent comment ces
caractères se coor
donnent sur le terrain.
Nous accueillons le travail du capitaine Thoumin d’autant plus-
volontiers qu’il contribuera à la formation générale de l’obser
vateur et de l’interprète de photographies aériennes. Ce dernier,
en particulier, ne peut posséder son métier par la seule connais
sance, acquise en quelques heures, des images des principaux acci
dents de terrain ou des matériels à usage militaire; il lui faut,
par des lectures descriptives, et par des réflexions sur des thèmes
cartographiques, acquérir cette formation générale indispensable.

L’auteur France du Nord. Sa


a choisi ses exemples dans la
préférence se justifie par le souci de compléter l’article déjà paru,
relatif à la Champagne, à la Picardie et à la Flandre.
La présente étude ne considère que les traits caractéristiques
de l’agglomération urbaine. Elle ne traite donc pas les éléments
géographiques qui entrent dans le panorama d’une campagne
comme dans celui d’une ville; elle néglige, par exemple, les formes
du terrain, qui conservent toute leur importance pour accroître

(1) «
Revue de l'Armée de l'Air », janvier 1936.

MNiiHViiiiiaiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiaiiiiiiHiiiiiiiiiaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiaiiiB»
736 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ou réduire la valeur de l’obstacle créé par la cité et par sa ban
lieue. Le travail du capitaine Thoumin se limite à l’examen des
faits uniquement commandés par la vie urbaine.

Le relief et la végétation imposent, d’ordinaire, an paysage


ses traits caractéristiques. Pourtant, l’étude relative aux
« aspects de plaines » a montré les liens intimes qui unissent
l'habitat au sol et contribuent à créer la personnalité d’un
panorama. Les fermes disséminées de la Flandre complètent
les nombreux couverts qui morcellent les champs de tir du
fantassin, entravent l’observation de l’artilleur, rendent sou
vent vain l’effort de l’aviateur. Les villages agglomérés de la
Picardie, du Vermandois et du Cambraisis conduisent à des
conséquences opposées, laissant libre et découvert le « plateau »
cultivé en betterave et en blé. En Champagne, les chapelets
d'habitations qui accompagnent les ruisseaux renforcent
l’obstacle tracé par les vallées humides.
Parfois, le rôle de l’habitat ne se limite pas à accentuer un
trait du paysage, mais va jusqu’à lui donner son caractère
propre. La bâtisse devient alors le fait capital du panorama
et tient un rôle analogue à celui que joue la forêt ou la roche
dans d’autres régions. Usines isolées ou banlieues ouvrières,
cités recroquevillées dans leur enceinte ou villes en plein déve
loppement construisent des paysages urbains dont l’observa
tion importe autant pour la bataille que celle des plaines et des
collines voisines.
Le paysage urbain ne se limite pas à la ville; il s’étend au
milieu physique qui explique le site de l’agglomération, comme
aux activités économiques et sociales, causes et conséquences
du groupement humain qui s’y est fixé. Ainsi les constructions
de toutes catégories, de la fabrique à la cathédrale et au palais
de justice, des faubourgs populeux aux quartiers opulents et
aux artères commerçantes, ne constituent que le motif central
du tableau. Il faut le compléter par les faubourgs et par l’étoile
ou les rubans des voies de communication qui desservent la
masse d’individus réunis sur un espace restreint, mais dont
l’existence s’explique en fonction des relations entretenues avec
les campagnes voisines comme avec les régions éloignées.
Outre la ville proprement dite, le paysage urbain enveloppe

IllIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIItlIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIIllllllllllIlllllIllllllllllllllllllllllItlIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 737

?, 0)
Charleville.— 1 cm représente no m environ. Direction du Nord :
Sur la face Nord, « l’obstacle urbain » (formé par les maisons soudées les unes
..
aux autres) suit exactement la berge de la Meuse.
Le faubourg Saint-Julien (orienté Est-Ouest entre les branches de la longue
boucle dessinée par Ta Meuse) forme, au contraire, un redan protégé par l’obstacle
de la rivière face au Nord et face au Sud, mais flanquant de ses feux Charleville
vers le Nord et Mézières vers le Sud.

donc les cultures maraîchères et les jardinets qui s’insèrent


entre les îlots bâtis de la banlieue, les grandes routes qui diver
gent autour de la zone construite, les rivières qui bordent ou
traversent le site de l'agglomération, les voies ferrées enfin,
avec leurs bifurcations, leurs embranchements et leurs triages
dont les faisceaux allongent leurs voies parallèles.
Seul l’aviateur perçoit ce paysage. Vue de terre, la ville
ferme l’horizon un peu à la manière d’un décor. Ses caractères
se réduisent volontiers aux silhouettes de quelques monuments
dressés en plein ciel, à tel point que Chartres, pour qui traverse
la Beauce, se synthétise en deux flèches, et que la haute tour

aiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiEiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
R. A. I. — N° 84. 2
738 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Saint-Eloi symbolise Dunkerque pour qui parcourt la Flandre
maritime ; parfois même, tout trait distinctif disparaît, le piéton
ne distingue alors qu’une masse plus ou moins confuse de mai
sons qui limitent la vue, et n’imagine en aucun cas les traits
réels de l’agglomération.
Dans la campagne on peut, au détour d’un chemin, se faire
une idée précise du pays par la seule observation des arbres
et des haies, des pentes douces et boisées ou des versants rapides
et dénudés dont les masses rocheuses crèvent le manteau
végétal. Rien de semblable pour le paysage urbain : il exige
la vue oblique ou verticale. Alors seulement devient perceptible
un panorama pour lequel les tracés planimétriques importent
plus que le nivellement; l’étendue de la ville prend pour l’obser
vateur une forme concrète; les lisières de la zone bâtie s’offrent
à l'examen; parfois même, la disposition relative d’agglomé
rations voisines les unes des autres met en évidence, aux yeux
de l’aviateur, les caractères de tout un district, tant au point
de vue de la géographie humaine que de celui de la géographie
militaire.
On voudrait, dans les pages qui suivent, esquisser une étude
de ces paysages urbains qui appartiennent en propre à l'avia-
teur et montrer leur rôle dans la bataille afin de guider l’atten
tion de l’observateur.

I. — LA VILLE ET SON SITE.

La ville ne se réduit pas à la simple dénomination d’une


zone bâtie, elle est également un fait social et psychologique.
Son nom possède la valeur d’un symbole qui synthétise tout un
ensemble géographique et historique ; il unit une prospérité pré
sente ou passée à telle phase de la vie politique de la province
ou de la nation; il évoque des siècles d'activité mystique, intel
lectuelle ou artistique que des œuvres d'architecture concré
tisent; il oblige à prendre conscience d’un patrimoine résultant
du travail et de la souffrance, de l’enthousiasme et de l’orgueil
de dizaines de générations qui se sont succédées sur la même
terre.
C’est pourquoi l’aviation de bombardement, pour arracher
la soumission de l’adversaire par la destruction et par la ter-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiEiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiüiiiiiiiiiiiiiiüiiiiiiiiiniiiii»
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 739

reur, peut envisager la ruine des centres industriels qui brisera


les ressorts économiques d’une région, ou encore la destruction
d’une cité en raison du prestige même attaché à son nom.
Ces coups de massue auront peut-être des conséquences capi
tales dans la conduite de la guerre; elles n'influenceront que
médiocrement la conduite de la bataille. Aussi, délaissant le
problème de la ville, objectif pour l’aviation de bombardement,
étudions la ville, objet d'observation pour l’aviateur qui tra
vaille en liaison avec les troupes combattant à terre.

La ville, dans la bataille, forme avant tout un obstacle.


Entièrement différente de l’obstacle linéaire à la façon d’un
cours d’eau ou d’un barrage de rails, elle présente au contraire
des analogies avec les bois et les forêts.
L’agglomération urbaine constitue un obstacle massif que des
travaux rapides peuvent aisément rendre infranchissable aux

Photographie Michaud.
Saint-Omer.
Cette vue d’un faubourg de Saint-Omer montre comment une agglomération
étirée en longueur limite et détermine un compartiment de terrain. Dans un
pays de faible relief, ces obstacles (maisons, canaux) tiennent un rôle prépon
dérant et leurs abords immédiats doivent retenir l’attention de l’observateur.

IIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIlillIlllllllllllllllllllllllllllllllllllHllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHIll
740 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
fantassins comme aux engins blindés. Que la ville ait été ou non
soumise aux tirs d’artillerie, que les maisons soient intactes ou
ruinées, les décombres défendus s’opposent autant à l’assaillant
que les longues courtines des murs flanquées par des armes
automatiques.
La ville n’est pas seulement une zone interdite aux troupes
qui attaquent ainsi qu’à leurs moyens motorisés, elle est éga
lement un nœud de voies de communication, terme qui lui-
même prendra des valeurs différentes dans la bataille future.
Nœud de communications, c’est-à-dire point de convergence
d’un certain nombre de voies de terre, de fer et d’eau que les
troupes utilisent pour leurs transports, tant que la ville reste
en arrière de la ligne de feu. Nœud de communications, c’est-
à-dire point de convergence d’obstacles linéaires dès que la ville
jalonne le front de la lutte.
Le site même de la ville, fréquemment fonction, à l’origine,
d’un point de passage obligé, pont ou gué, est une notion clas
sique sur laquelle il est superflu d’insister. Il suffit de rappeler
que la convergence des routes vers un point de la rivière pré
sida à la fondation de la ville et que, par la suite, celle-ci com
manda l’étoile des voies ferrées qui divergent autour d’elle.
Mais les voies d’eau et les voies ferrées tendent à travers le
champ de bataille des obstacles sérieux pour l’infanterie, infran
chissables pour les engins blindés. Peu de villes au monde se
sont bâties hors de‘la proximité de rivières et rares sont les
chemins de fer dont le tracé ne s'accompagne ni de remblais,
ni de déblais rapidement transformables en barrages passifs
pour les chars de combat. Ces voies de communication, dans la
bataille, cloisonnent donc les terrains proches de la ville, des
sinent des secteurs triangulaires au sommet appuyé à la cité
ou à ses faubourgs, isolent les unes des autres les actions locales
et entravent leur coordination.
Un autre trait, non moins classique, du site urbain est de
choisir fréquemment la ligne de contact de deux zones aux res
sources différentes. Un versant propice aux vergers et aux
vignobles limite la plaine et conduit au rebord d’un plateau
boisé; la diversité des produits a provoqué la création de
marchés agricoles. D’autres villes ont choisi la rencontre d’une
zone crayeuse et découverte avec une zone argileuse et coupée,
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 741

1.y) Photographie Michaud.


Triages de Somain.
Photographie mettant en évidence les multiples obstacles que présentent
les voies ferrées, même en terrain plat.

ou bien la cité s’est développée sur d’anciens essarts, au milieu


d’une vaste clairière, au cœur de régions qui jadis appartenaient
uniquement à la forêt. Ces lignes de contact intimement liées
aux sites des agglomérations urbaines importent autant à la
géographie militaire qu’à la géographie humaine.

Quelles lignes, quels points de ces paysages urbains doivent


attirer, a priori, l’attention de l'observateur ? Celui-ci doit
d’abord délimiter l’obstacle proprement dit constitué par la
ville; puis, examiner les voies de communication en fonction
des transports qu’elles permettent, ou des cloisonnements qu’elles

'llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllirillllliiiililliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinillllllllllllllll
742 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
dessinent ; enfin, éventuellement, étudier la ligne de contact des
deux zones dont les ressources, souvent complémentaires, ont
contribué au développement de la cité.

L’obstacle urbain exige un double examen : préciser son


contour, analyser les possibilités de défense à l’intérieur de la
zone bâtie.
La ville devient imperméable aux infiltrations de l'assaillant,
comme imprenable par ses assauts, dès que les bâtisses soudées
les unes aux autres ne laissent subsister d’autres brèches que
les rues. Celles-ci, par leur étroitesse relative et par leur tracé

La Fère, vue de 3000m


d’altïti^.. Direction du Nord : /
Type de petite ville conservant, en partie, sa vieille enceinte bastionnée.

uni un uni un iiiiiiiiiiiiu in mu un ni iiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiijiitiiiiiiii


toujours rectiligne à la périphérie de l’agglomération, per
mettent de créer aisément barrages actifs et passifs.
Pour le défenseur, le contour extérieur de l'obstacle s’accom
mode d’aménagements divers. On imagine fort bien des clôtures
renforcées d’un puissant remblai de terre et des immeubles dont
les façades prêtent appui à des revêtements de béton, hauts
de 2m. En d’autres points, on peut utiliser au contraire des
fosses creusées derrière, ou à l’intérieur même, de pauvres mai
sons que des chars puissants prétendraient traverser sans en
combre. Ces organisations, en dépit de la sagacité de l'obser-
vateur, ne se laisseront pas deviner. Sans doute sera-t-il vain
de vouloir préciser les limites de l’obstacle en scrutant du
regard maisons, cours et jardinets.
En revanche, les travaux apparaîtront avec netteté en travers
des avenues et des artères principales qui conduisent vers le
cœur de la cité. Barrages de rails, fossés et remblais, banquettes
de béton tracent des lignes colorées relativement étroites et
continues d’un trottoir à l’autre, travaux dont le camouflage
est quasi impossible. Ce sont donc ces points, facilement repé
rables, que recherchera l'observateur. Ceux-ci connus et portés
sur un plan, on acquerra vite le contour de l’obstacle qui, obli
gatoirement, relie les barrages des rues et suit des lignes conti
nues de constructions.
L’analyse des possibilités de défense intérieure repose sur des
observations analogues. Toutefois, l’attention s’arrêtera parti
culièrement aux coudes des grandes artères, aux principaux
carrefours, à la limite des « vieux quartiers », aux ruelles tor
tueuses, bien que parfois coupées de grandes rues, et qui rompent
d’avec le tracé régulier des « quartiers neufs ». Ainsi pourra-
t-on renseigner le commandement sur les intentions de l’adver
saire résolu à lutter à outrance, ou décidé à ne mener qu’une
action retardatrice.

Avant de devenir un objectif de la bataille, la ville, en


arrière de la ligne de feu, est un nœud de voies de communica
tion, passage souvent obligé pour les renforts et pour les ravi
taillements. La surveillance des routes, des chemins de fer et
des canaux compte au nombre des missions courantes de l’avia
tion d’observation et n’entre pas directement dans le cadre de
744
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
urbain,
cette étude; cependant quelques points, dans le paysage
fournissent rapidement des indications précieuses : les bifurca
tions, les triages, les embranchements particuliers.
Même si les transports sont parfaitement réglés, il est extrê
à-coups le
mement difficile, en période de crise, d'assurer sans
bifurcations et à plus forte raison aux points de
passage aux
rebroussement. Si donc la bataille est relativement proche de la
ville, les trains, stationnant à distance sémaphorique aux abords
de l'impor
des jonctions, donneront immédiatement une idée
tance du trafic.
Le désarroi ne manquera pas de se signaler sur les triages,
soit par l’encombrement des rames, soit au contraire par
l’absence de wagons pour enlever le matériel, indices précieux
commandement imaginer comment l'adversaire conduit
au pour
la bataille.
Il faut enfin se garder d’oublier les embranchements parti
culiers. Les gares, les quais de débarquement, les abords des
triages sont connus et par conséquent, objectifs probables, sinon
certains, pour l’artillerie à longue portée et pour l'aviation de
bombardement. N’est-il pas préférable de disperser les débar
quements du personnel, les déchargements du matériel sur ces
embranchements ? Toute cité industrielle en possède suffisam
dans faubourgs et dans banlieue pour rendre ino
ment ses sa
pérants les tirs de l’adversaire. L’observateur, du moins, ne
doit-il pas laisser illusionner par l’inactivité relative des
se
mais renseigner sur le trafic qui se cache et se morcelle,
gares,
dans les cours des usines.

suffit de mentionner la valeur, comme obstacle, des


Il
rivières et des canaux. Les caractères qu’ils offrent à travers
les plaines demeurent les mêmes jusqu’aux abords de
l'agglo
mération urbaine. Cependant la forme de la vallée, à proximité
immédiate de la ville, retient l’attention.
On a maintes fois remarqué que la cité avait été créée tantôt
dominant la
sur une terrasse alluviale, tantôt sur une croupe
vallée, tantôt sur un cône de déjection.... Si l’homme a souvent
cherché ces hauteurs pour garantir sa maison contre les risques
d’inondation et parfois pour se défendre contre ses semblables,
d’autres raisons il jugé avantageux de s’établir près
pour a
d’une vallée à fond plat. La ville s’est développée; au cours des
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 745

Cambrai. —- 1 cm
représente environ r4om. Direction du Rord :
v V
.

Face à l’Ouest, une double ligne d'eau couvre la ville et marque le front à
défendre.
Face au Nord, c’est l’obstacle de la voie ferrée et le tracé des avenues qui
imposent au défenseur les points à occuper et les flanquements à réaliser.

siècles, la sécurité a permis de quitter le site défensif: des quar


tiers sont bâtis jusque sur les berges du fleuve, tandis que
se
des digues s’opposaient désormais aux divagations du lit et
limitaient les dangers des crues. Ces fonds de vallées peuvent
redevenir la zone plus ou moins inondée de jadis, doublant

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiitiiitiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiitiiiiniiii
746 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ainsi — et parfois décuplant — la valeur de la rivière comme
obstacle.
L’observateur examinera comment l’obstacle de la ville se
coordonne avec celui du cours d’eau. La rivière borde le front
de l'agglomération ou trace, au contraire, une ligne de défense
en arrière de la cité, celle-ci dessinant alors un
saillant. La
vallée traverse, en d’autres cas, l’ensemble de la zone bâtie;
elle appartient au système des défenses intérieures de la ville,
ou même détermine parfois l’abandon de quartiers entiers, les
berges délimitant la position de résistance.
L’étude de la carte permet à l’aviateur, avant même de rem
plir sa mission, de se faire une idée des faits qu’il est appelé à
observer. Mais il est des points sur lesquels son attention devra
obligatoirement porter quand il survolera la ville à reconnaître:
ceux cpii permettent de déterminer comment l'obstacle du cours
d’eau se soude avec l’obstacle de l’agglomération urbaine.
Le simple énoncé des trois positions essentielles que la rivière
et la ville peuvent présenter fait pressentir les modalités que
le commandement de la défense peut adopter. Il préférera tan
tôt négliger les avantages défensifs de la ville et profiter de
tous ceux que comporte la ligne d’eau, et tantôt opter pour la
décision inverse. Dans tous les cas, il importe de savoir où et
comment l’obstacle formé par les maisons se raccorde avec celui
que dessinent les berges de la rivière. Seul l’aviateur peut don
ner des renseignements précis.
Son attention portera donc sur la liaison de la ligne d’eau,
d'une part avec le tracé de l’obstacle qui enveloppe la ville,
d’autre part avec les cloisonnements intérieurs (pii morcellent la
zone bâtie. La première se situera d'ordinaire soit à la limite
des quartiers urbains proprement dits, soit franchement dans la
banlieue, sur le prolongement d’une zone où des champs de tir
de quelques centaines de mètres succèdent brusquement aux
constructions. Les autres se laisseront souvent repérer à l’abou
tissement des grandes artères aux abords immédiats des quais.

Enfin la ville, indépendante de la voie de passage, voie de


terre ou voie d’eau, a pu avoir pour origine le contact de deux
zones aux ressources diverses et complémentaires. Si des reliefs
différents caractérisent les deux régions, l’intérêt militaire de

lllllllIIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIllllllllllIllllllIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 747

- t

MdDr

-S -

Sedan. —• 1cm représente environ 13om. Direction du Nord^i^


Cette photographie invite à étudier :

— Comment l’obstacle de la voie ferrée, aux approches de la ville, se conjugue


ou se raccorde avec l’obstacle de la rivière;
— Comment l’agglomération urbaine se limite avec précision face, à la campagne
(face au Sud) ou, au contraire, se transforme en une zone coupée avant de
permettre le développement des terrains découverts (face Nord du faubourg
de Torcy).

l’agglomération urbaine se trouve réduit. Une falaise, par


exemple, dessine de larges arcs, limite la plaine, porte un pla
teau et définit une ligne défensive que le commandement ne
peut négliger. La présence d’un bourg ou d’une cité au pied
de cette marche peut aider à la défense, mais n’offre que des

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltlllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllll
748 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
avantages locaux. Au contraire, si le relief ne varie guère d’une
région à l’autre et si la diversité des pays en contact se tra
duit par des différences de végétation et d’habitat, la ville
prend alors une importance capitale, car c’est elle qui ferme,
sur un front plus ou moins large, l’accès de la zone dont l'as-
saillant veut se rendre maître.
considérations générales obligent l’observateur à user,
Ces
dans l’accomplissement de sa mission, de méthodes différentes
pour « voir » les abords immédiats de la ville.
L’observation d’une plaine crayeuse et découverte diffère de
l’observation d’un pays argileux et coupé. Or, les caractères
des terres voisines se prolongent souvent jusqu’aux portes de
la ville, à travers la banlieue. La recherche des organisations ou
des emplacements des réserves peut donc varier au Nord et au
Sud d’une même cité. La proximité des terrains observés ne doit
pas conduire l'observateur à les tenir pour semblables et à les
étudier de façon analogue.
Après l’étendue et le site, les limites de la zone construite
(c’est-à-dire la banlieue), donnent donc au paysage urbain l’un
de ses principaux caractères.

II. — LA BANLIEUE.
Tantôt une démarcation précise sépare la zone bâtie de la
campagne, tantôt un émiettement d’usines ou de maisonnettes
espacées dans les jardins conduit insensiblement des quartiers
urbains aux champs et aux prairies.
Les conséquences immédiates, pour la bataille, de ces diverses
répartitions de l’habitat, sont présentes à l'esprit. Dans le pre
mier cas, la ligne extérieure de la ville trace l’obstacle, déter
mine les saillants de la position, limite le glacis et précise la
zone de terrain sur laquelle s’arrêtera l’avance de l’assaillant.
Au contraire, si la cité s’enveloppe de faubourgs et d’une ban
lieue aux maisons éparses et aux clôtures multiples, tout champ
de tir disparaît et les bataillons qui attaquent s’efforcent de
progresser par infiltration. Les avenues et les grandes routes
prennent alors une importance particulière, tandis que le con
tour extérieur des quartiers aux bâtisses soudées les unes aux
autres perd parfois de son intérêt.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiHiiiiiiiiiiiniiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
Entre cesdeux aspects prennent place toutes les formes pos
sibles de l’évolution urbaine. Tour à tour l’activité industrielle,
le désir de luxe et de calme, la nécessité de créer des œuvres
d’assistance sociale la commandent, mais on y retrouve égale
ment les souvenirs de la vie agricole qui jadis poussait ses
maraîchers et ses moissons jusqu’aux portes de la ville.

Photographie Michaud.
Longueau. — Aspect d’un triage de première, importance en période d’activité
normale.

Cette évolution s’inscrit sur le sol par deux catégories de


plans relatifs à la répartition de l’habitat, plans qui influent
sur la conduite de la bataille. Tantôt la ville lance des tentacules
à travers le pays découvert, et tantôt elle s'enfle et absorbe
peu à peu dans sa masse les villages avoisinants. Le rôle des
routes est prépondérant dans le premier cas; dans le second, les
survivances de l’activité rurale conservent une importance
capitale.
Dans les pays découverts, l’extension du centre urbain au delà
de l’enceinte' fortifiée a le plus souvent pris pour axe de son
développement les grandes routes qui aboutissent aux portes de
ville. La coutume, pour les faubourgs, de se conformer au tracé
750 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

La vallée du Thérain, orientée NO-SE, développe le large ruban de ses


bas-fonds marécageux entre des croupes boisées ou cultivées qui les dominent
de 4o à 6o m L’une des croupes de la rive Nord, largement épanouie et modelée en
.
pentes douces, barre la vallée, oblige la rivière à un crochet vers le Sud et
s’avance à la rencontre du versant rapide de la rive Sud. Beauvais s’y est cons
truite, et le bloc urbain occupe exactement le terre-plein, long de quelque 1000m
qui interrompt la zone des terrains saturés d’eau.
Beauvais est donc, avant tout, un obstacle qui complète celui du Thérain
à l’endroit précis où le resserrement de la vallée rend les bas-fonds aisément
franchissables. Toutefois, ce n’est pas seulement avec une rivière que se coor
donne l’obstacle urbain. L’Avelon et la Liovette confluent avec le Thérain
immédiatement en amont de la ville et morcellent les hautes terres au Nord,

iiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiin ni nui un iiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiinu lllllllllllllIll>


REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 751

à l’Ouest et au Sud-Ouest de Beauvais. Les voies ferrées qui suivent le Thérain


et l'Avelon renforcent, du point de vue militaire, l’obstacle tracé par ces
lignes d’eau.
Des faubourgs étirés le long des grand'routes divergent autour de la masse
urbaine qui, dans ses traits généraux, a conservé la topographie de la vieille
cité fortifiée. A travers la campagne, ils vont à la rencontre de hameaux et
de villages qu’ils intègrent en partie dans la vie urbaine, ralentissant l’activité
rurale qui, récemment encore, était leur raison d’être. Le faubourg
s’élargit alors : Saint-André, par exemple, devient Marissel et Saint-Quentin
s’unit à Saint-Just des Marais.

Photographie aimablement communiquée par le Service Géographique de l’Armée.


Beauvais vue du haut des airs fl’ orientation est identique à celle du plan schématique
de la page de gauche, mais la surface n’est pas la même).

routier, ne se limite pas aux vieilles cités enserrées, encore


aujourd’hui, des murailles bastionnées qu’éleva Vauban. Elle
se retrouve aux abords de chaque ville dont la masse des
bâtisses rompt brusquement avec la campagne : que la ville pos-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiniHiniiHiniiii,
752 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
sède des fortifications modernes ou qu’elle soit ouverte, que les
quartiers urbains obéissent à des facteurs géographiques ou
historiques pour dessiner un front continu et précis, toujours
le développement des faubourgs s’exprime par des rangées plus
ou moins continues de maisons alignées sur les bas-côtés des
grandes routes. Parfois cette double rangée de bâtisses rejoint
un village, le faubourg s’épanouit alors et absorbe la localité
qui vivait, il y a cinquante ans, de son existence propre.
Comme les voies ferrées et les lignes d’eau, ces tentacules
que la ville projette à travers la campagne cloisonnent le ter
rain. Sans offrir aux engins blindés un obstacle comparable à un
canal ou à un remblai de chemin de fer, elles divisent cepen
dant les champs d’action. Elles créent des écrans, canalisent
les attaques menées dans les parties découvertes, offrent des
positions souvent favorables aux flanquements, se transforment
en réduits capables de résister, même s’ils sont débordés.
Dans le cas opposé, le passage de 1 l'agglomération urbaine à
la campagne se fait insensiblement. S’éloignant de la ville, on
rencontre des cultures maraîchères et des vergers, mais d'an-
ciens « chemins de terre » guident l’alignement de villas et de
maisonnettes entourées d’étroits jardinets. On dépasse des
fermes qui n’ont rien perdu de leur activité et l’on croise plus
loin des usines et leurs cités ouvrières, aux abords desquelles
des paysans pratiquent l’élevage pour la boucherie, ou même
labourent les champs épargnés par la vie industrielle.
L’aviateur ne pourra que rarement se livrer à un examen
complet de ces banlieues. Les troupes, en effet, y pourront aisé
ment camoufler leurs travaux et les moyens de défense anti
aérienne s’y trouveront en force pour combattre les appareils de
bombardement, et aussi les appareils de reconnaissance. Tra
vaillant à la hâte et à une forte altitude, l'observateur doit
donc se proposer un but précis s’il ne veut pas gaspiller le peu
de temps dont il dispose pour accomplir sa mission.
Si le commandement projette de mener l’attaque contre une
ville, il lui importe d’abord de connaître l’organisation de la
banlieue qui en défend l’accès. L’intérêt est donc de définir,
a priori, les points du panorama qui retiendront l’attention de
l’observateur, parce que ces points auront pour le défenseur
une valeur qu’il ne peut négliger. Ainsi préparé, l’examen,

tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiipr
pendant le vol au-dessus des abords de la cité, se réduira à
vérifier si l’adversaire a — ou n’a pas — transformé en centres
de résistance ces parties suspectes du paysage.
L’importance de l’obstacle passif croît avec le développement
des engins motorisés : le défenseur aura donc tendance à s’orga
niser aux points des banlieues où les maisons sont le plus
denses. Peut-être, en 1918, aurait-il préféré s’éloigner de ces
nids à obus; dans un prochain conflit, la crainte des surprises
réalisées avec des engins « tous terrains » conseillerait au fan
tassin de braver les tirs d’artillerie.
Une autre considération s’impose non moins impérieusement
au défenseur. Il doit prendre de loin, sous le feu de ses armes,
les troupes et les engins de l’assaillant, il doit également tendre
un barrage de feu continu entre les points d’appui.
Il suffit de s’en tenir à ces conditions pour définir les points
du paysage qui solliciteront l’attention de l'observateur et ces
points se trouvent tout désignés par l’étude des pages précé
dentes.
Si le défenseur est décidé à arrêter l’assaillant en avant
de la ville, il n’hésitera pas à s’installer fortement aux ren
flements des longs faubourgs liés au système routier, et si la
banlieue s’unit insensiblement à la campagne, ce sont les vil
lages et les hameaux de jadis, souvent à cheval sur un carre
four, qui fourniront l’emplacement des centres de résistance.
De part et d’autre des faubourgs en rue se développent d'ordi-
naire des espaces libres et si, dans un pays d’habitat dispersé, les
champs de tir sont le plus souvent médiocres, c’est à coup sûr
en englobant dans le système de défense les principaux groupes
d’habitations que mitrailleuses et canons antichars risqueront
de trouver, pour leurs tirs, les conditions les moins défavorables.
Les points qui doivent retenir l’attention de l’observateur
étant connus, comment celui-ci se rendra-t-il compte s’ils sont
organisés ou s’ils ne le sont pas ?
Les remarques à propos de la difficulté de déceler les travaux
du défenseur à la périphérie de la ville valent, en grande partie,
pour les banlieues. Aussi, comme pour les quartiers urbains, ce
serait un vain examen que de s’attarder aux maisons; au con
traire, les grandes routes peuvent fournir de précieux indices
en tous points comparables à ceux notés dans la première

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiii
A. A. A. — No 81. 3
754 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

'agglomération lilloise.
Le schéma ci-dessous indique la répartition et la forme des zones couvertes
de constructions contiguës, l’extension de la banlieue, les principales voies ferrées
et les canaux.
Un premier contraste frappe l’œil : les deux masses urbaines principales ont
des caractères opposés. D’une part, Lille, limitée à son enceinte fortifiée et
à ses glacis, s’enveloppe d’une ceinture de centres urbains formés de villes
secondaires unies par une banlieue aux maisons plus ou moins éparses : d’Hel-

Échelle

2 3 5
Zone couverte de constructions contiguës............
Zone de constructions non contiguës mais dont

les chemins sont bordés déniaisons.


Voie ferrée

Canal

/nouveaux

Marcq
V7-en - Barϝ/
Wasquèhal.-.
Madeleine

Nord
Mans-en-Barœul
A
Cité delà
délivranc
immes

el
Lezennes
tf
et

Aspect schématique de l’agglomération Lille-Rotibaix-Tourcoing. et

tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii>iiiii<iiiiiiii<ii>i<iii<ii>i
BEVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 755

lèmes à Haubourdin par La Madeleine et Lambersart. D’autre part, Roubaix-


Tourcoing s’étendent sans entrave, se confondent en un seul bloc bâti, gagnent,
de proche en proche les localités voisines et, vers le Nord-Est, absorbent Wattrelos-
Une seconde opposition ressort du tracé extérieur de la banlieue. La zone
grisée du croquis correspond aux terres sur lesquelles l’activité industrielle
et ses conséquences sociales réduisent la vie rurale jusqu’à l’annihiler complè
tement en certains points. Il ne s’agit plus de blocs urbains, niais, si les maisons
et les usines n’y ont pas totalement submergé les champs et les pâtures, la
bâtisse reste cependant maîtresse de toutes les terres qui avoisinent Roubaix-
Tourcoing et qui rejoignent La Madeleine et Mons-en-Barœul. Le chemin tend
vers la rue. Les parcelles de terres se protègent de murs, les espaces réellement
libres et vastes d’une dizaine d’hectares y sont exceptionnels.
Or, on constate un ample développement de cette banlieue dans toutes les
directions, sauf au Sud et au Sud-Est de Lille où elle se réduit à des faubourgs
étirés le long des routes. Le site même de l’agglomération lilloise en rend compte.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIII1IIIIIIII|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||I||||||||HI|
756 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
L’homme a choisi pour la ville le point de contact des argiles et des sables de
Flandre avec les craies détachées des collines d’Artois. L’extension de la ville
a obéi aux exemples de la vie rurale. L’habitat de l’ouvrier et de l’employé
s’est modelé sur celui du cultivateur et de l’éleveur : population éparpillée
sur les terrains imperméables et humides, population groupée le long des
grand'routes sur les terrains perméables et secs.

partie de cette étude à propos des artères principales. Toute


fois la route, en banlieue, conserve souvent ses arbres; ce double
ruban de verdure rendra moins distinct et parfois masquera
entièrement la banquette de béton ou la tranchée qui coupe la
voie de communication.
En revanche, l’aspect des glacis qui entourent le centre de
résistance présumé ne peut pas tromper. Le défenseur ne résis
tera pas au désir, d’ailleurs justifié, d’améliorer son champ de
tir :

— en le débarrassant des maisonnettes et des haies qui


limitent les vues ;
—• en
créant des obstacles artificiels, abattis et réseaux de
fil de fer pour maintenir l’assaillant sous son feu.
La direction générale de ces travaux, coordonnés avec l'as-
pect de la banlieue quant à l’habitat, donnera immédiatement la
position exacte des centres de résistance. L'obstacle des maisons
agglutinées se liera en effet à celui des réseaux, et les armes
automatiques du centre balaieront les glacis aménagés et flan-
queront les défenses passives.
L’aviateur doit donc pouvoir rapporter, d’une mission rapide,
des renseignements précis sur la position des centres de résis
tance qui défendent l’accès de la ville. En revanche, il lui sera
le plus souvent impossible de donner la moindre indication sur
l’organisation de chacun d’eux, l’emplacement de ses armes, son
importance relative à l’ensemble du plan de défense.

Les formes des villes et des banlieues dont les pages précé
dentes ont esquissé l’étude n’ont pas la prétention d’embrasser
tous les plans qu’adoptent les zones habitées, mais seulement les
aspects qui se répètent avec le plus de fréquence. Deux cas
exceptionnels et résultant de facteurs historiques opposés méri
tent cependant d’être signalés.

IIIIIIII1 Mil III11IIII11IIIIIIIIII11IIII II llllllllll IIII11IIIIIIIIII II III i I MH III II 1111 MH IIIIIIIIIIIIIII


Une ville fermée, parfaitement délimitée par ses fortifications,
ne s’est pas suffisamment développée pour occuper tout l’espace
inclus dans le tracé bastionné. La banlieue envahit la ville, ou
plutôt la ville absorbe une partie de la banlieue sans pouvoir
l’assimiler. Des faubourgs pourtant se bâtissent hors des portes,
le long des grand ‘routes, alors que de vastes espaces vagues ou
mis en culture subsistent à l’intérieur des fortifications.
Le cas opposé est celui d’une banlieue aux habitations
groupées en agglomérations urbaines. La ville, pour des raisons
d’ordre militaire dans bien des •cas, s’est trouvée confinée dans
son enceinte, incapable de se développer librement. L’activité
industrielle ou commerciale de la cité oblige une nombreuse
population à se loger hors des murs, tandis que la nécessité de
dégager les glacis défend de construire à moins de quelques
centaines de mètres des fossés. Il ne s’agit pas, dans ce cas, de
familles préférant la vie en banlieue à celle menée à l’intérieur
de la ville, mais au contraire de familles désireuses de parti
ciper à une vie urbaine à laquelle s’opposent des circonstances
indépendantes de leur volonté.
Aussi, la banlieue prend-elle alors les caractères conformes
aux aspirations de ses habitants. Tout tracé rappelant les
anciennes fonctions rurales disparaît. Un véritable plan d’urba
nisme -—- souvent réduit, d'ailleurs, à des rues qui se coupent
à angles droits — morcelle avec régularité la campagne et ne
laisse nul souvenir des fermes ni des groupes de maisons attirés
par les vieux carrefours.
L’observateur travaillera dans ce dernier cas comme il le
ferait pour étudier la ville proprement dite. En revanche, si
la banlieue incluse dans l’enceinte n’est pas entièrement assi
milée par l’agglomération urbaine, la tâche première de l’avia
teur sera de préciser avec exactitude la limite de la zone
entièrement bâtie et de renseigner sur les champs de tir qui la
bordent.
III. — LES ZONES URBAINES.
La ville, avec ses faubourgs et sa banlieue, conduit à la
notion de la région urbaine dont la bâtisse caractérise le paysage
sur des lieues carrées.
L’activité économique, et plus particulièrement l’activité

uiiliilillllIlIlllillilliiliiiiiillllllillllJllliilllllllMiiliiiilllIliliuiiiiiiiiiiiinniiiiiiiilillllflilllliiiiiliiiiiiniiiiiiiliii
758 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.

Schémas d’une zone urbaine


dans le bassin houiller du Nord de la France.
Le croquis de la page de droite exprime les caractères essentiels d’une zone
urbaine développée en longueur sur des dizaines de kilomètres, mais dont
la largeur est ordinairement médiocre.

Échelle

Agglomér

Voie km
Canal.—

Douchy

Weuville-sur- Zone làtit



Escaut
Voie ferrée

L’agglomération de Denain.

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll>l>>llllllll
|l
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 759

Schéma d’une zone urbaine dans le bassin houiller du Nord de la France.

Chaque agglomération est nettement individualisée et séparée de ses voisines.


Les champs glissent leurs labours et leurs moissons entre les puits et les cités
ouvrières. Toutefois des voies ferrées, obstacles que l’on peut rendre aisément
infranchissables aux engins motorisés, coupent les espaces libres et unissent
les blocs bâtis.
Le schéma de la page de gauche, qui représente Denain, indique la densité des
voies ferrées qui pénètrent les îlots construits et s’y ramifient en multipliant
les points de débarquement dispersés dans les cours des entreprises minières
et industrielles.

industrielle, rendent compte de ce développement de la cons


truction. Dans la plupart des cas, des causes géographiques
expliquent l'origine de ces groupements humains, mais il faut
se garder d’oublier les facteurs historiques qui accompagnèrent
leur évolution et qui importent fréquemment autant que le
relief, le sol ou les couches du terrain sous-jacentes. Toutefois,
si la géographie commande la naissance de ces vastes agglo
mérations, la géographie militaire peut négliger cet aspect pour
limiter son effort aux faits actuels sans demander raison de
leur formation : il suffit de dégager les lignes du sol qui expri
ment le paysage urbain et qui sont appelées, dans la bataille, à
déterminer en partie les décisions du commandement et les
actes des exécutants.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
760 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Le panorama, pour l’aviateur, présente deux formes géné
rales auxquelles toutes les autres se ramènent. Ou bien les
banlieues de villes voisines se développent au point de couvrir
toute la campagne qui jadis séparait les agglomérations. Ou
bien chaque centre urbain demeure parfaitement distinct du
voisin, tandis que les champs et les prairies prennent l’aspect
de couloirs entre les zones bâties.
Dans le premier cas, les facteurs économiques et sociaux
dominent les facteurs géographiques. Ceux-ci prédominent
d’ordinaire dans le second cas. Le site de ces agglomérations
se lie alors au tracé des voies de communication propices aux
transports des matières lourdes, ou à la présence de richesses
minières. Une forme générale, étroite et longue, tend donc à
prévaloir, soit que l’homme profite de la proximité d’une
vallée, soit qu’il recherche l’alignement de filons exploitables.
urbaines — que l’on est tenté de comparer
Ces associations
à ces associations végétales qui s’emparent de régions entières
et imposent à leurs paysages quelques-uns de leurs traits
essentiels — révèlent partout des caractères analogues, en ce
qui concerne la géographie militaire : elles (constituent des
barrages. Les unes, en forme d’énorme tache, bouchent l’entrée
d’une région ou du moins en masquent un large front; on ne
peut espérer les enlever de vive force et, seuls, d’amples débor
dements les feront tomber. Les autres dressent une barrière
longue de plusieurs dizaines de kilomètres qui, en dépit des
brèches correspondant aux couloirs où l’activité agricole sub
siste, oblige à de violentes actions de force pour briser l’obstacle
de leurs usines et de leurs cités ouvrières, sans compter la
multiplicité des voies ferrées qui les desservent, et fréquem
ment les lignes d’eau qui les bordent ou les traversent.
Ces indications suffisent à faire imaginer le rôle que de telles
zones peuvent jouer dans la conduite de la guerre. Si l’obstacle
que forme une ville pèse sur les décisions tactiques, souvent
la considération des zones urbaines interviendra dans l'établis-
sement même d’un plan stratégique. Cependant la carte ne peut,
à elle seule, faire connaître la valeur militaire de telles régions
1
si les renseignements fournis par l’aviation ne la complètent.
Sans doute, les caractères de la ville et de la banlieue se
retrouvent dans les associations urbaines, mais l'étendue des

in ii 111 ii 11U11 in inu inuii ii iii il 11 in 11 ii ni 11 il il 1111111111nu11 iiiiiii i iiii iun i iiiiii iiiiiiiin i iiiiii 11 nu iiniiiii un i iib-m
e ‘s? Photographie Michaud.
Type de cité ouvrière du Nord de lu l^rtt^e (environs de Lens).

zones bâties est alors tellement développée que des traits nou
veaux apparaissent dans le panorama, traits qui obligent l’ob
servateur militaire à porter son attention sur les parties du
terrain que les flots de maisons n’ont pas submergées. Les avan
cées de la campagne, dessinant des golfes dans les banlieues ou
insérant des détroits entre des agglomérations usinières, mar
quent les points faibles de la position. L’intérêt du défenseur
est de disposer d’un obstacle continu et profond; étudier com
ment il y remédie dans les intervalles où la masse des maisons
disparaît donnera de suite de précieuses indications sur la façon
dont il entend mener la lutte.
762 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Schéma de la zone industrielle de la Sambre.


Caractères généraux analogues à ceux observés dans le bassin houiller du
Pas-de-Calais. Dans le cas présent, la zone industrielle se trouve directement
liée à la vallée de la Sambre : la possibilité d’effectuer aisément les transports
a dominé toutes autres considérations.

Des obstacles linéaires, voies d’eau et voies ferrées, unissent


les bourgades et les villes. Première question à laquelle devra
répondre l’observateur : le défenseur s’organise-t-il en avant
de cet obstacle ou au contraire celui-ci le couvre-t-il ? Il devra
ensuite préciser l'emplacement des centres de résistance situés
en arrière de ces couloirs et qui en battent les débouchés. De
la connaissance.de l’organisation des intervalles, le commande
ment pourra déduire si l'adversaire se décide à défendre pied
à pied la zone urbaine ou s’il ne compte sur cet obstacle que
pour retarder l‘assaillant.

Les croquis accompagnant cette étude s’efforcent de montrer

IIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 763

comment les éléments analysés s’ordonnent sur le terrain pour


créer de vastes obstacles au rôle prépondérant dans la bataille.
Les commentaires des schémas et des photographies ont déli
bérément négligé toute considération qui ne serait pas direc
tement commandée par le fait urbain.

«
On peut observer de terre, ou de la nacelle d’une saucisse,
les organisations et les mouvements de l’ennemi dans un pays
de plaines et de collines; en revanche, seul l’aviateur peut ren
seigner sur les villes, sur leurs banlieues et sur les associations
urbaines. La vue verticale, plus que partout ailleurs, est en effet
nécessaire : elle seule permet de distinguer les barrages coupant
les grandes artères d’une ville et elle seule, souvent aussi,
montre d’une façon manifeste l’extension des champs de tir
aménagés autour des centres de résistances. Ces deux considé
rations suffiraient à justifier la remarque faite au début de
cette étude, que le paysage urbain appartient en propre à l’avia
teur.
Capitaine R. THOUMIN.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
764 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

bombardement.

de

10

B.
MARTIN

quaire

de

groupe

de

Vol
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiüiiiiiiiiiiiiiiniiMiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiniiiiiiniiibiiu

La guerre aéro-maritime dans les Flandres

Par le Lieutenant de vaisseau P. BARJOT.

Récapitulation (1).

Au cours de l’histoire, la côte et les bancs de Flandres jouèrent


un grand rôle dans les luttes maritimes dont l’Europe fut le
théâtre.
Qui connaît la bataille de l’Ecluse, en 1340, qui ouvrit la
guerre de Cent Ans, opposant les naves du roi d’Angleterre
Edouard III
à celles de Philippe de Valois ? Elle eut lieu à
l’emplacement actuel de Zeebrugge.
C’est au mouillage de Gravelines que l’Invincible Armada du
roi d’Espagne fut dispersée par les brûlots anglais de Howard
et de Drake, en 1588.
C’est sur les bancs de Flandres qu’eurent lieu les premiers
épisodes des guerres anglo-bataves, devant Dunkerque, en 1652,
devant Ostende, en 1653, devant la rade de Dunes, en 1666.
Depuis le célèbre raid de 1667 par l’amiral hollandais
De Ruyter, la Tamise resta inviolée jusqu’en 1915.

Cette fois, de 1915 à 1918, la côte des Flandres a présenté


un extraordinaire amalgame d’opérations maritimes, aériennes
et terrestres absolument unique dans les annales de la Guerre
Mondiale. L’histoire d'opérations aussi enchevêtrées est bien
difficile à démêler. Bien que long, notre exposé fut certainement

(1) Voir «Revue de l’Armée de l’Air », Nos 67, 72, 73, 74, 77, et 81.

niilllllllllllIHUIIIIIIIItlIlllillItlIlillllItlIlHtnitKItnillllllllHIHItlIillItlIIIIIIHMHMIlHItltlHIirillItlHIIieiltM***
766 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
incomplet, ne serait-ce qu’à cause du manque de documentation
allemande et des lacunes de la nôtre.

LA GUERRE DANS LES FLANDRES FUT DOMINÉE


PAR LA GUERRE SOUS-MARINE.
Ce fut
proximité immédiate des côtes anglaises qui permit
lia
aux Allemands d’utiliser les côtes belges comme une sorte de
tremplin pour leurs forces aériennes : hydravions, Zeppelins
(en 1915) et Gothas (en 1917 et 1918). Mais le fait dominant
fut que les ports belges devinrent le principal foyer de la
guerre sous-marine allemande. Le nombre des sous-marins basés
à Bruges atteignit, au cours de l'été 1917, le chiffre formidable
de 38, et ce chiffre fut maintenu jusqu’au mois d'avril 1918.
Les Allemands prétendent que ces sous-marins des Flandres
sont responsables de la destruction au canon, à la torpille ou
à la mine de 1590 navires alliés, c’est-à-dire qu’ils comptent à
leur actif 2 millions de tonnes, c’est-à-dire 33 % du tonnage
coulé au cours de la guerre (1). Les sous-marins type UB des
Flandres atteignirent un rendement journalier quadruple de
celui des sous-marins du même type basés en Baie Allemande.
Ces chiffres donnent une idée du rôle considérable des Flandres
dans la guerre menée au commerce maritime britannique et
allié.

SOUS-MARINS ET HYDRAVIONS TORPILLEURS.

L'intervention des hydravions-torpilleurs de Zeebrugge aurait


pu fournir aux sous-marins un appoint considérable dans
l'attaque des nombreux navires de commerce aboutissant à
l’estuaire de la Tamise. Zone d’action limitée, sans doute, mais
où les objectifs étaient nombreux à cause de l’intensité du
trafic aboutissant à Londres.
Les hydravions-torpilleurs de 1917 portaient une arme peu
efficace, en tout cas plus dangereuse que les petites bombes
des premiers hydravions allemands, qui, dès 1915, assaillirent
la rade des Dunes, gare régulatrice du shipping britannique.

(1) Schulze. — Das Marine Korps in Flandern, p. 15, et Michelsen, La


Guerre sous-marine.

««vaiiiiiBiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiHiiiiHiuHnHiiiiiita
L’intervention hydravions-torpilleurs de Zeebrugge ne s’en
des
solda pas moins par un échec : échec dû aux faiblesses
techniques de l'hydravion-torpilleur de l'époque, de puissance
motrice trop faible et surchargé par une torpille sous-marine
en bronze de fonctionnement précaire. De telles infériorités
techniques sont aujourd’hui éliminées et l’hydravion-torpilleur
serait certainement une arme plus dangereuse dans un proche
avenir, qu’en 1917. Néanmoins, les deux cargos coulés en 1917,
sur la dizaine de navires attaqués à la torpille, par la demi-
douzaine d’hydravions de Zeebrugge, amena les Anglais, très
inquiets, à protéger leurs « war-channels » côtiers par une tren
taine d'avions de chasse.
De même, les Fernlenkboote, engins dirigés par avions,
auraient pu apporter aux sous-marins et aux hydravions-
torpilleurs un appui considérable dans l’attaque du commerce
britannique aboutissant à l’estuaire de la Tamise. Mais ces
engins étaient encore trop dans l’enfance pour pouvoir agir
au delà de la proximité immédiate de la côte belge ( 1 ).

CHASSE AUX SOUS-MARINS PAR HYDRAVIONS.


Cet étroit passage du Pas-de-Calais et des bancs die Flandres
que devaient obligatoirement emprunter les sous-marins alle
mands des Flandres était tout à fait propice à la chasse par
hydravions. 4

De 1915 à 1918, les sous-marins coulés par les hydravions


alliés, dans cette zone, furent peu nombreux : dix au plus dont
sept par les Anglais sur les 44 sous-marins coulés sur les bancs
de Flandres et le Pas-de-Calais. (Voir en Annexe, le tableau des
sous-marins coulés dans cette zone.)
Comment expliquer ce faible rendement ?
Insuffisance des bombes et des viseurs, sans doute. D’après
l’amiral Michelsen, qui fut le grand chef des sous-marins alle
mands, l’aviation alliée ne menaça réellement les submersibles
à la mer qu’à partir de l'été 1917, « surtout lorsqu’on se fut

(1) Voir dans le n° 80 de la « Revue de l’Armée de l’Air » p. 3 29, les suggestions


que lit en juillet le Dr Helmut Klotz pour l’emploi de Ferlenkboote perfec
tionnés dans l’attaque du shipping dans l’estuaire de la Tamise et la côte des
Dunes — suggestions qui ne furent pas retenues.

Hun
768 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
affranchi des embarrassants hydravions, et qu’on utilisa des
avions terrestres armés de lourdes bombes » (1).
D’autre part, les sous-marins allemands avaient accru leur
rapidité de plongée, de sorte que beaucoup réussissaient à se
dérober en plongée avant que les hydravions arrivent en posi
tion de lancement. C’est alors que l'on eut recours au canon
pour atteindre du haut des airs le sous-marin surpris en sur
face. En 1918, un canon de 47 fut monté sur un hydravion
français D. D., mais le tir sur affût mobile se révéla délicat.
A l’armistice, on voulait essayer du moteur-canon (Spad-
Hispano monté sur flotteurs).
Le faible nombre de succès antisous-marins en 1918 par rap
port à 1917 n’est donc pas aussi surprenant qu’il pourrait le
paraître de prime abord. Peut-être faut-il l’attribuer également
à l’âpreté que prit la lutte aérienne sur les bancs de Flandres
pendant la dernière année de la guerre.

LES BOMBARDEMENTS DE BRUGES.


Quant à la guerre aux bases » allemandes de la côte belge
«
par l’Aviation alliée, elle connut des intermittences selon le
degré de confiance que les chefs alliés attachèrent à l’aviation,
mais elle s’affirme en 1918.
A ce moment, la bombe des D. H. 4 ou des Handley-
Page avait définitivement remplacé le gros canon des monitors,
chers aux marins anglais de 1916. En même temps, les Améri
cains vinrent à la rescousse avec le Northern Bombing Group
(Groupe de bombardement du Nord) qui comptait à lui seul
plus de 100 avions, 300 officiers et 2000 subalternes, matelots
ou auxiliaires. En 1918, le rôle de l’aviation américaine contre
Bruges fut considérable, bien qu’on en parle très peu dans les
livres anglais (2). En dépit de ses abris en béton, et de sa puis
sante D. C. A., Bruges, foyer de sous-marins, commença à être
sérieusement arrosée.
L’objectif en valait la peine. En 1918, l’arsenal de la Marine

MICHELSEN. — La guerre sous-marine (Traduction Payot, p. 105).


(1)
Voir dans le n° 77 de la « Revue de l’Armée de l’Air » p. 1346, pour l’impor
tance du poids des bombes anti sous-marines.
(2) MICHELSEN.
— La guerre sous-marine (Traduction Payot, p. 105).
111ii 11 nu 311uiiiii iin unitiiiiiiiiiiin uni i ilniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinitni niiiiui mi i iiiiiiiiiiiiiiiii il 111111111
de Bruges et ses annexes d’Ostende, de Gand et d’Anvers occu
paient 5000 ouvriers travaillant jour et nuit (1).
Iln’est pas sans intérêt de mentionner l’importance consi
dérable prise de 1917 à 1918 par l’artillerie de D. C. A. de
Bruges. D. C. A. « exceptionnellement forte », selon le- mot du
général von Hppner.
Sur ces quelques centaines de kilomètres carrés que repré
sente le triangle Bruges-Zeebrugge-Ostende, le nombre des
pièces de D. C. A. allemandes passa de 70 en 1917, à 212 à la
fin de la guerre (2), les calibres utilisés allant du 37mm au 150,
calibre extrêmement hardi pour l'époque. Enfin, 120 ballons
de protection complétaient la défense de Bruges.

BRUGES ET DUNKERQUE.

Si Bruges devint le foyer de la guerre sous-marine allemande


en basse mer du Nord et en Manche, à quelque quarante kilo
mètres Dunkerque resta, du côté allié, le pivot de la résistance.
C’est peut-être à Dunkerque que fut gagnée la Guerre Mondiale.
Par sa position géographique, la base aéro-navale de Dun
kerque surveillait de près la côte belge et commandait le pas
sage du Pas-de-Calais. Dunkerque jouait, en outre, le rôle de
position d'interception par rapport aux raids allemands lancés
dans le détroit. Du point de vue aérien, Dunkerque protégeait
Londres — indirectement en attaquant les raiders à leur retour.
Ce fut le cas en 1917, période de raids de jour sur Londres.
Avec les raids nocturnes de la fin 1917-1918, Dunkerque perdit
de son importance comme position d'interception des raids
aériens. Les Allemands semblent n’avoir réalisé qu’en 1918 la
véritable importance stratégique de Dunkerque au point de vue
aérien et maritime. C’est alors qu’ils déclenchèrent contre cette

(1) A titre d’exemple, voici ce que fut le travail de ces ateliers pendant le
seul mois de novembre 1917 :
Passèrent
En réparation. au carénage.
Bruges 5o sous-marins + 28 torpilleurs 38 bâtiments
Ostende 13 » + 1 »
14 »

Gand 2 »
3 »

Anvers 5 »

( 2) Schulze, op. cil p. 19.

OlllItlIllllllllllllllllllllllllllllllUIHIIIIIIIlllllllllllllllllItlIIIIIIIIIIIIItlIlllllllllllllllllllllllllIllIlllllllllllIIIIIIIIIIII
/{. A. I. — No Si. 4
770 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
base leur grande offensive « terrestre ». Mais Dunkerque « tint
le coup », résista à l’invasion par terre comme aux bombes
des Gotha nocturnes. Plusieurs fois détruites, en automne 1917,
les bases aériennes de Dunkerque furent immédiatement réap
provisionnées d’un matériel aéronautique débité en grande série
par l'industrie alliée.

PRÉDOMINANCE DU COMBAT AÉRIEN.

La côte des Flandres — zone amphibie — fut peut-être le


théâtre des plus acharnés combats aériens de la guerre. Au-
dessus des eaux vert-de-gris des bancs de Flandres, comme
autour du beffroi de Bruges, on compte des milliers d’engage
ments entre aéronefs. Notons que les Allemands disposaient
dans cette zone d’un peu moins de forces aériennes que les
Alliés. Mais la disproportion ira en s’accentuant de 1917 à 1918.
La dernière année de la guerre, on compte à peine 45 hydra
vions et 75 avions terrestres du Corps de Marine ( 1 ) contre
300 avions ou hydravions français, anglais et américains.
En dépit de cette disproportion, les Allemands affirment que
leurs seuls avions ou hydravions du Corps de Marine des
Flandres auraient abattu 300 aéronefs alliés. Ils ne donnent pas
le chiffre de leurs pertes. En tout cas, le chiffre indiqué donne
une idée de l’âpreté de la lutte aérienne dans cette zone.
Cette âpreté de la lutte aérienne a inéluctablement amené
l’élimination, dans l’action de jour, de tout type d’aéronef infé
rieur en performances. C’est ce qui explique l'adoption de plus
en plus généralisée de l’avion, type terrestre, de préférence à
l'hydravion sur les bancs de Flandres. Sur la côte belge, plus
que partout ailleurs, l’avion de bombardement de jour fut
voisin du monoplace de chasse.
Enfin, l'enchevêtrement des opérations -aéro-maritimes et
aéro-terrestres eut une conséquence remarquable : l'unification
du commandement des forces aériennes. Une organisation
unifiée du commandement avait été réalisée dès le début chez
les Allemands par la constitution même du Corps de Marine
des Flandres. Du côté allié, la séparation originelle entre

(1) SCHULZE, Op. cit, p. 19.

1111111 f 111111 I B11111111141 f I 11111111


11111 11191111111111111111111111111111111M11111111111111111111111111111111111111111BIB111B *
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 771

l’Aviation militaire et l’Aviation maritime


ne put être main
tenue — chez les Anglais — au delà de 1917.
Chez ces derniers, l’unité de commandement aérien était
apparue comme logique dès l'automne 1916, lors de l’envoi
d'escadrilles maritimes à la bataille de la Somme, puis en 1917,
lorsque les forces aériennes d’Aviation militaire affluèrent sur
la côte pour la bataille des Flandres. C’est alors sur cette
côte belge que se fit en 1918 la soudure entre le Royal Flying
Corps et le Royal Naval Air Service pour donner la Royal Air
Force, arme autonome.
Lieutenant de vaisseau P. BARJOT.

es
Annexe 1.

Liste des sous-marins coulés en mer par l’aviation alliée


en basse mer du Nord en 1917-1918.
1917

20 mai. .
UC^, Basse mer du Nord. Coulé par hydravion anglais n°8663.
24 juil . .
UC 1, » » » » » n° 8689.
29 juil. .
UB20, Bancs de Flandres. » » » nos 8876
et 8662.
18 août. UB 32, Pas-de-Calais. Coulé par hydravion anglais n° 9860.
22 sept., UC 72, Bancs de Flandres (West Hinder). Coulé par hydravion
n° 8695 {Flying-boat IL 12).
28 sept.. UC 6, Flandres. Coulé par hydravion n° 8676.
1918
28 juin. UC 11 (ou UC 64), Flandres. Coulé par terrestres anglais D.H. 4.
.
12 août. U ? Coulé par hydravions français.
13 août. UB 30, Devant Zeebrugge. Coulé par hydravions américains.
28 août. UC 70, Mer du Nord. Coulé par hydravion anglais n° BK 9983.
D’après Newbolt, Naval Operations, Tome V, page 428.
(pour les hydravions anglais)
Nota — Les chiffres concernant les pertes de sous-marins allemands
coulés par avions sont très variables suivant les sources. Les Anglais
en revendiquent, officiellement, 7.
Les Américains affirment (amiral Sims, Victory at Sea) que leurs
avions ou hydravions participèrent en 1918 à 39 attaques, coulant
10 sous-marins. Chiffre certainement surestimé, mais que penser de
l’affirmation d’un auteur officiel français, le capitaine de frégate
Laurens, qui fut le chef de la Section historique de l’Etat-Major de
la Marine, que « l’aviation alliée n’a coulé, pendant tout le cours de
la guerre, que 2 sous-marins allemands » (Histoire de la guerre sous-
marine allemande, p. 322).

tllllllllllllllllllllllllHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIItlIlItlIIIIIIIlllllllllllllllllllHIIIMIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlillltMt
772 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Annexe 11-
44 sous-marins allemands coulés dans les Flandres
et dans le Pas-de-Calais.
S types U.

Collection du Dr. Helmut Klotz.


Sur le môle de Zeebrugge.
plate-forme,
Un biplace de combat Friedrichshafen, installé sur un wagonnet
dans le bassin.
est tiré par une locomotive jusqu’à la grue qui le descendra

:llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll'llllllllllllllllllllllllllllllllllll>
lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll

A la conquête de la stratosphère

Par Mile Reysa BERNSON.

Les remarquables photographies quiillustrent cet article nous


ont été obligeamment communiquées par la National Géographie
Society, à qui nous exprimons tous nos remerciements.

Réalisant enfin leur rêve éternel, l’effort des hommes leur a


permis, voici tantôt un siècle et demi, de s’arracher du sol de la
planète où ils paraissaient condamnés à ramper. L’aérostat
d’abord, puis le plus lourd que l’air (le premier bientôt dédaigné
pour le second), ont entrepris l’exploration de l'atmosphère,
de record en record, montant jusqu’à 10.000m, parfois même un
peu au delà.
Mais, au delà, l ’at
mosphère s’étend en
core et encore. Si les
nuages les plus légers
— les cirrus ténus aux
fins cristaux de glace
— ne dépassent guère
cette limite, divers phé
nomènes révèlent la
persistance de l’air en
des régions plus loin
taines. De fins nuages
nacrés, de nature en
L'EXPLORER-II, avec ses 95m de hauteur,
core mystérieuse, appa
tel les Parisiens auraient le voir s’il
raissent parfois vers avaitquepris le départ du Parvispu Notre-Dame.
20.000 ou 25.000m Une
invisible couche d’ozone, quelque part au-dessus du globe, inter
cepte le rayonnement ultraviolet dont nous arrose généreusement

iiiiiiiirtniiiiHiiiniiiHiiiüinniiiuiiHtiiiiitiintririiiiiiiiiniiHiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii)
774 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
le Soleil. L‘étude de la propagation des ondes radio-électriques
. . .
décèle l’existence d’une couche électrisée, la couche d'Heaviside, à
une altitude variable de 50 à 90km environ. . . . Dans sa course
à travers l’espace, la Terre happe au passage de menus frag
ments de matière cosmique, dont la chute rapide s’accompagne,
entre 80 et 120km de hauteur, d’un bref phénomène lumineux :
une étoile filante a glissé dans le ciel, indiquant, par cet éclat
soudain, qu’elle traverse là-haut un milieu qui n’est plus l’espace
interplanétaire. Vers 801m également s’observent parfois de
légers nuages argentés, produits peut-être par des poussières
cosmiques. Plus haut encore, c’est l'énigmatique illumina
. . .
tion des aurores polaires, dans un milieu certes très raréfié,
mais qui n’est pas encore, le vide.
. . .

Quel domaine immense à explorer, à étudier, à analyser !


Comment résister à pareil appel de l'espace et de l’inconnu ?
La machine admirable, que l’Homme a su créer, semble refuser
de le suivre si haut ? Qu’importe ! le voici revenu au sphérique
délaissé, étudiant une technique nouvelle....

LES PREMIERS STRATOSTATS.


En 1927, dans un ballon à simple nacelle ouverte-, le capi
taine Hawthorne Gray, de VU. 8. Army Air Corps, sort de la
basse atmosphère, de la troposphère aux remous tumultueux,
et, montant jusqu’à 12.800m, franchit enfin le seuil de cette
stratosphère inviolée, où seuls des ballons-sondes ont pu s’aven
turer jusqu’alors. Mais, quelle que soit l’ingéniosité des enre
gistreurs dont on a pu les munir, rien remplacera-t-il jamais
le contrôle immédiat d’un expérimentateur?.... Cet exploit
accompli, le capitaine Hawthorne Gray ne revient pas vivant
au sol — partageant le sort de nombreux audacieux qui vou
lurent pour la première fois réaliser un rêve téméraire....
Quatre ans s’écoulent. Un modeste physicien de l'Université
de Bruxelles, que d’aucuns n’écoutent alors qu’avec scepti-
eisme, songe aux moissons d'observations qu’offre le champ
inexploré de la haute atmosphère. Il réussit à convaincre le
Fonds National pour la Recherche Scientifique. Grâce au con
cours de cette institution, fondation du souverain éclairé qu’était
le Roi Albert, le « F. N. R. S. », le premier stratostat digne de
ce nom, équipé spécialement pour la haute atmosphère, bien

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 775

SPHERE

O
AT

R
ST

-TROPOSPHERE

1 gauche, partie inférieure de l’atmosphère (troposphère et basse stratosphère). — Altitudes comparées des
plus hauts sommets, des divers nuages, et des principales ascensions stratosphériques :
Donati (1934), 14.483m. — 2. Wiley Post (1934), 15.24om. — 3. A. Piccard et Cosyns (193 i, 1932.
.
934), 16.000m. — 4. « Explorer-I » (1934), 18.474m. — 5. « Century of Progress » (1933), 18.700m. —
U. « R. S. S. »
(ig33), 19.000m. — 7. «
Explorer-11 (1935), 21.795m. — 8.
» «
Ossoaviakhim » (1934).
.
22.000m.
A droite, haute stratosphère, avec localisation approximative des phénomènes qu’on y observe.

uni
776 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
que de volume encore relativement faible (14.000m), s’élève en
1931 à la conquête de la stratosphère.
Dans sa nacelle hermétiquement close, deux hommes, le pro
fesseur Piccard et l’ingénieur Kipfer, ont installé un véritable
laboratoire de physique, outillé principalement pour l’étude des
rayons cosmiques sur lesquels s’exerce depuis quelque temps la
sagacité des savants. Qui ne se souvient des heures anxieuses
que vécurent alors ceux qui, partout, guettaient les nouvelles,
les dernières informations, — aussi bien que ceux qui voyaient
la lointaine sphère brillante dériver à près de 16.000m d’altitude,
comme désemparée, durant toute une longue journée ? La stra
tosphère, ainsi défiée, n'a-t-elle pas fait de la nacelle un tombeau
aérien? Quel drame s’y déroule-t-il?.... Mais, à part un
inconfortable gradient de température, il ne se passe rien
d’anormal dans la nacelle. Absolument rien, sauf que, par suite
d’une fausse manœuvre au départ, la corde commandant la
soupape se balance à présent bien au-dessus de la cabine
étanche, hors de la portée des stratonautes qui, prisonniers de
leur conquête, doivent se fier à leur bonne étoile et au refroi
dissement nocturne pour se décrocher du ciel et redescendre.
Bon prince, d’ailleurs, le refroidissement nocturne vient en
effet les délivrer, se contentant de leur offrir à l’arrivée la
réception un peu fraîche d’un glacier alpin.
. . .

Pareille chance était vraiment trop encourageante. L’année


suivante, le « F. N. R. S. » regagnait la stratosphère et les
16.000m d’altitude, ramenant au sol sans le moindre incident
Piccard et son nouvel assistant Cosyns. La démonstration était
faite : on pouvait impunément explorer la stratosphère et y
travailler.
La leçon ne fut pas perdue.... L’Union soviétique,
où le
« sens de l’air » s’est prodigieusement développé, lance, la
première, un nouveau stratostat vers les hautes altitudes. Le
30 septembre 1933, Prokofiev, Birnbaum et Godounov battent
tous les records de hauteur en s’élevant jusqu’à 19.000m à bord
de l’« U. R. S. S. » qui les ramène ensuite sans encombre au sol.
Deux mois plus tard, aux Etats-Unis où l’on s’était attelé au
même problème, le « Century of Progress », cubant 16.000 m3 et
,
monté par le commandant Settle, de l’U. S. Navy, et le major
Chester Fordney réalise le même exploit et atteint 18.700m.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIItlIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIItll
Désormais, c’est une émulation, une véritable fièvre strato-
sphérique. Le 30 janvier 1934, un nouveau stratostat soviétique,
l’« Ossoaviakhim-I », monte à son tour dans le ciel d’hiver.
Trois hommes sont enfermés dans la nacelle étanche : Vassenko,
Fedosseyenko et Oussyskine, qui surveillent l’altimètre tout en
travaillant.. 20.600m ! Nul n’a encore vu la Terre de si haut.
.
Grisés par leur triomphe, et sourds aux recommandations qui
leur parviennent par radio, ils veulent monter encore, vers le
ciel assombri qui les attire. Un nouveau bond vers le zénith :
22.000m, le record que nul n’a encore atteint depuis ! Mais ce
record a coûté du lest, et du gaz perdu, — et les stratonautes
soviétiques, sans s’en apercevoir, se sont irrémédiablement con
damnés à mort pour n’avoir su résister à la tentation. Quand
la bulle gazeuse, à la descente, se contractera, son volume
réduit ne suffira plus pour soutenir la nacelle — et il n’y aura
plus assez de lest pour freiner la chute. Les trois hommes qui
descendent, triomphants et joyeux, s’étonnent soudain de voir
se dérégler l’altimètre, par suite d’une accélération dont ils
n’ont pas conscience. Et tout à coup, c’est l’effroyable, l’iné
luctable catastrophe : la nacelle se détache de l'enveloppe mal
menée par la pression du vent relatif, tombe d’un bloc, et vient
s’écraser sur le sol d’une hauteur de 12.000m.
. . .
Ce terrible drame de la stratosphère ne décourage pourtant
personne. En août 1934, le « F. N. R. S. » quitte le sol belge
et reprend l’air à nouveau, avec Cosyns et Van der Elst à bord.
C’est une ascension sans histoire — sauf, pour ceux qui étaient
restés, dans une nuit d’anxiété croissante, en l’attente de nou
velles qui ne venaient pas, .tout simplement parce que l’atter
. .
rissage avait eu lieu dans un pays perdu, sans télégraphe.
Atterrissage idéal, d’ailleurs, effectué au ralenti — avec le seul
inconvénient que l’enveloppe vint se coucher sur le sol en
engloutissant un champ de melons, et qu’il fallut le lendemain
en extraire 25016 de cucurbitacées avant de pouvoir la replier !
Une autre ascension soviétique a eu lieu en 1935. Mais le
stratostat « U.R.S. S. 1-bis » dut redescendre après avoir atteint
l’altitude de 16.000m, son enveloppe ayant commencé à se fis
surer, fait analogue à celui qui s’est produit pour l’« Explorer-I »
dont nous parlerons plus loin.
Les Etats-Unis ne chôment pas, non plus. On y voit, en
octobre 1934, une tentative de M. et Mme Jean Piccard, dépas-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
778 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
sant 18.000m. Le « plus lourd que l’air » essaie de prendre sa
revanche et, sans atteindre l’altitude des stratostats, n’y réussit
pas trop mal, à en juger par les 15.240m auxquels a dû par
venir, en décembre 1934, l’avion stratosphérique du regretté
Wiley Post — après la tentative déjà couronnée de succès de
l’italien Donati (14.483m en avril 1934). Du coup, on commence
à rêver de transports à grande vitesse par la stratosphère....
Et il y a eu surtout, aux Etats-Unis, les retentissantes ascen
sions de l’« Explorer », que nous nous proposons d’examiner
plus en détail.

LE BALLON STRATOSPHÉRIQUE « EXPLORER-I ».


La National Géographie Society (une des sociétés savantes
les plus florissantes des Etats-Unis, et dont les adhérents sont
nombreux en tous les points du globe) est un groupement actif
et entreprenant. On le trouve à la tête de mainte initiative
intéressante. Par exemple, c’est sous son patronage que s’effec
tua la fameuse plongée de la « bathysphère » du DF W. Beebe,
qui fit flotter le fanion de la N. G. S. au gré des courants
glacés, en des abîmes sous-marins inexplorés. A l’autre extré
mité des déplacements suivant la verticale, ce même fanion
s’éleva dans l’air raréfié de la stratosphère au cours des ascen
sions organisées par la National Géographie Society, en colla
boration étroite avec l’Army Air Corps, et avec le complet
concours des laboratoires scientifiques, des industries, des com
pagnies d’assurances, etc.
L’organisation d’une ascension stratosphérique n’est pas une
mince affaire, en effet. Il s’agit d’enlever, à une hauteur où la
pression atmosphérique est dix ou quinze fois plus faible qu’au
niveau de la mer, où la température est voisine de — 60° C.,
une foule d’appareils délicats, et des expérimentateurs pour les
utiliser, les contrôler. Car, là-haut, bien au-dessus des derniers
nuages, on a laissé au-dessous de soi la presque totalité de
l’atmosphère terrestre. Ce qui en reste, et qui s’étend sur plu
sieurs centaines de kilomètres de hauteur peut-être, n’est plus
qu’un gaz ténu et raréfié — presque du vide. On y est, par
conséquent, débarrassé d’une bonne partie de l’écran naturel
qui arrête certaines des radiations arrivant sur notre globe —
et l’on est donc fort bien placé, là-haut, pour étudier ce que
cet écran nous empêche de bien recevoir dans nos laboratoires

IIIIIIIIIIIIIIIII1IIII1IIIIIIIIIII1IIII1IIII1IIIIII1IIII1IIIIII1IIIIIIIIIIIIII1II1IIII1I1III1II1IIIIIIIIIII1III1IIII1I1IIIIIIIIIIIII1IIIII
trop terre à terre » : rayons cosmiques, ultraviolets, etc. On
«
peut aussi analyser l’air raréfié des hautes altitudes, pour com
parer sa composition à celle de l'atmosphère inférieure; étudier
la façon dont varient la température et la pression avec l’alti
tude, pour vérifier expérimentalement dans1 quelle mesure les
lois généralement admises pour cette variation (et sur les
quelles on se base pour évaluer les records d'altitude) sont
exactes: déterminer la direction et la vitesse des vents strato
sphériques aux diverses altitudes; rechercher à quelle hauteur

Aspect d’ensemble du stratocamp édifi^jda^lés Black Hills, par les soins de


l'ARMY Air Corps pour le départ de V « Explorer- I ».

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiii
780 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
peut se trouver la couche ozonisée qui forme écran aux dan
gereux rayons ultraviolets solaires, et sans laquelle les orga
nismes vivant à la surface du globe seraient vite détruits;
étudier, par des photographies à grande distance, l’absorption
atmosphérique, et aussi évaluer l’éclat du ciel, la brillance du
soleil, l’actinisme, la transmission des ondes radio-électriques,
la conductibilité de l’air ambiant; essayer de se rendre compte
si cette atmosphère raréfiée peut encore contenir des poussières
minérales ou organiques, etc., sans parler de l’intérêt des pho
tographies aériennes prises de très haut, ni de l’intérêt non
moindre des problèmes de pilotage des ballons stratosphé
riques.
Programme chargé, on le voit, et qui nécessite le transport à
haute altitude d’un laboratoire complet de physique, sous un
volume et un poids aussi réduits que possible. Malgré toutes
les compressions, en raison des lourds écrans de plomb destinés
aux appareils pour l’étude des rayons cosmiques, les Améri
cains s’aperçurent qu’il leur fallait enlever dans la stratosphère
plus d’une tonne de matériel scientifique, plus l'équipage
(pilote et expérimentateurs), plus le lest indispensable pour
manœuvrer le ballon (plus de trois tonnes !), plus enfin la
nacelle elle-même qui, à pareille altitude, doit constituer une
cabine étanche hermétiquement close, où l’air respirable soit
renouvelé artificiellement.
On conçoit que, pour enlever ainsi quelque quatre tonnes et
demie dans la stratosphère (et nous n’avons pas compté dans
ce chiffre le poids du ballon lui-même), il fallût un aérostat
de dimensions inusitées. Et les Etats-Unis se passionnèrent pour
la construction du ballon « Explorer » « the largest in the
world », comme on dit volontiers outre-Atlantique....
On fit donc grand — très grand : un ballon cubant 85.000m8.
Entièrement gonflé, il eût pu contenir un immeuble cubique de
onze étages de hauteur. Mais au départ, on ne le gonfle qu'au
dixième seulement •—- car le gaz qu’il contient va se dilater à
mesure qu’il s’élèvera dans un air de plus en plus raréfié, pour
faire toujours équilibre à la pression extérieure. Un tel ballon
doit donc présenter, au « lâcher-tout », la forme d’une gigan
tesque poire, allongée et flasque, se dressant de toute la hauteur
de ses presque 100m — une poire plus haute que le Panthéon !
Veut-on des chiffres ? Ils sont ahurissants. L’immense enve-
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 781

Fabrication de l’enveloppe de l’ «
ExPLORER-I » dans les ateliers de la GOODYEAR-
Zeppelin CORP., à Akron.
Les photographies représentent le collage de bandes crantées sur les joints des
fuseaux; la toile est tendue au moyen de sacs lestés par du plomb.

loppe confectionnée pour le stratostat géant par la Goodyear


Zeppelin Corporation avait nécessité l’emploi de 12.800m2 de
tissu. Les 12km de bandes de coton trente fois caoutchouté qui
le constituaient furent assemblés en 25 fuseaux, dont chacun
pouvait tout juste être étendu dans un vaste hall de 91m de
long. Il y en eut pour plus de 2 tonnes.
. . .
La nacelle, œuvre de la Dowmetal Chemical Corporation, fut
construite en dowmetal, alliage au magnésium très léger, et pour
tant si résistant que, malgré l’effort auquel elle allait être
soumise, la paroi de la sphère-laboratoire n’était qu’une mince
coque de moins de un demi-centimètre d’épaisseur. De 2 m ,50 de
diamètre, elle pesait seulement 20418 à vide — poids négligeable
devant les quatre tonnes de matériel et de lest qu’elle devait
contenir. Cette sphère si lourdement chargée fut suspendue aux
160 boucles d’un long ceinturon de charge, spécialement étudié,
qui en répartirent le poids de façon à éviter toute surtension
dangereuse au mince tissu caoutchouté de l’enveloppe.
Quant au laboratoire, nous ne le décrirons pas. C’était l’ins
tallation la plus perfectionnée qu’on eût pu rêver. Il y avait
tant de mesures à effectuer, tant d’appareils à contrôler simul-

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
782 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
tanément, qu’une équipe d’une demi-douzaine d'expérimenta-
teurs n’eût pas suffi à la besogne. On tourna élégamment la
difficulté en adjoignant aux divers appareils des enregistreurs
photographiques inscrivant sur des films, toutes les 90 secondes,
l’aspect des cadrans des différents instruments et du chrono
mètre témoin — d’où, sans fatigue, en ne demandant à l'équi-
page du stratostat qu’un travail de mise en route et de contrôle
attentif, une moisson abondante et sûre de documents précis,
indéniables, qu’il n’y aurait plus qu’à étudier ensuite à tête
reposée.
Ajoutons que le récepteur-émetteur installé par les soins de
la National Broadcasting Co fonctionnait admirablement. Il per
mettait aux stratonautes, non seulement de rester en liaison
avec les organisateurs et les techniciens restés à terre, mais
encore d’être mis en communication téléphonique avec n’im
porte quel abonné du réseau. Ce qui se passait dans la strato
sphère fut d’ailleurs radiodiffusé, constituant le plus inédit des
radioreportages. Et aussi le plus angoissant — car peu s’en
fallut que l’aventure ne tournât au tragique....

LA DRAMATIQUE ASCENSION DE L’EXPLORER-I.


Elle avait pourtant commencé on ne peut mieux. Au « stra-
tocamp » — toute une petite agglomération surgie en quelques
semaines dans un creux au milieu des Black Hills, non loin
de Rapid City (South Dakota) — tout avait été remarquable
ment organisé. Le service météorologique était sur les dents,
guettant la première occasion favorable. Et, devant l’afflux des
touristes et des curieux, les hôteliers de Rapid City bénissaient
la stratosphère....
Le matériel avait été apporté par la route ou par les airs.
Une impresionnante théorie de 42 camions avait amené les
1500 tubes, contenant chacun 50‘ d’hydrogène sous pression,
en vue du gonflement. Et dix polices d’assurances avaient
prévu tous les accidents possibles et imaginables, avant ou pen
dant l’ascension — jusqu’aux naufrages, aux tremblements de
terre, ou aux cataclysmes d’ordre géologique ! Il faut d’ailleurs
ajouter que ce résultat n’avait pas été obtenu sans mal. Devant
un cas aussi insolite, une entreprise aussi risquée, les compa
gnies américaines avaient préféré se récuser. C’est le Lloyd’s
de Londres qui finit par en assumer la majeure partie, en la

uiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiifiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 783

ÀÉfjeets de la nacelle en doivmetal » de l’ « FPLORER-I ».


«

A gauche, vue intérieure de la nacelle en cours de construction; noter les lignes


de soudure. A droite, le capitaine Stevens (sa main gauche sur le trou d’homme)
et le lieutenant Anderson devant la sphère terminée.

répartissant d'ailleurs entre des centaines de souscripteurs


individuels....
Enfin, à l’aube du 28 juillet 1934, après une nuit de travail
fébrile, la haute silhouette du stratostat, protégée du vent par
le rempart naturel des collines environnantes', se dresse au
centre du stratocamp. Les capitaines A. W. Stevens et O. A.
Anderson grimpent dans la nacelle; le major W. E. Kepner
se hisse au faîte de la sphère de dowmetal pour diriger les
dernières manœuvres... et le ballon monte rapidement.
Et l'ascension semble devoir se dérouler normalement. Avec
une maestria remarquable, tout de suite, presque sans tâton
nements, le major Kepner s’est adapté au maniement de ce

nui iiiiiuiii uuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii Hiiiiiiiiiiin


11 un iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii*
784 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ballon géant, aux réactions lentes. A trois reprises, il parvient
à l’équilibrer aux altitudes choisies : 4500m, 12.000m, 18.000m,
et à l’y maintenir pour de longs paliers expérimentaux. Tous
les appareils fonctionnent admirablement, et le cliquetis des
enregistreurs de rayons cosmiques est devenu tellement plus
rapide qu’au sol que le capitaine Stevens évoque avec humour
l’idée d’une bande de poules affamées se disputant du grain à
coups de bec pressés sur une plaque métallique sonore !

L’un minuscules moteurs électriques à 7000 t/m de l’ « Explorer- I ».


des
Le mécanisme présenté sur la main contient un solénoïde qui com
mande le fonctionnement de l’appareil photographique sur lequel il
est monté, en synchronisme avec un déclencheur d'ensemble.

Soudain, un bruit insolite se fait entendre au sommet de la


nacelle : une corde vient de choir — celle de l’appendice —.
Horrifiés, les stratonautes s’aperçoivent que, sous la ralingue
inférieure, une large déchirure bée au flanc du ballon, qui s’est
peu à peu arrondi au cours de la montée et a presque atteint
la sphéricité complète. Ce qui s’est passé ? L’enquête montrera
ultérieurement que, l’appendice ayant été replié à l'intérieur de
l'enveloppe pour faciliter les manœuvres, il a dû en résulter
des adhérences, d’où des surtensions imprévues au cours du
déplissement graduel de l’étoffe....

<.iii nui i ii nu i nu 11 ii 12 ii 111111111 n 1111 ii 111111 ii i ii 11111111 il 11111111111111111111111111


! 111111 nu ii ii 111 il 11 a ii ki ii
11 11 11 « 11 lit ii i
Il n’est plus question de monter. On fait appel à la soupape,
serait-elle
un appel pressant, répété. En vain. La commande en
faussée, par suite de l’accident ? Non, heureusement. Le ballon,
qui a continué encore un peu son mouvement de montée (jus
qu’à 18.474m), commence enfin à répondre à ces sollicitations
et à redescendre, à une vitesse progressivement croissante, qui
finit par atteindre 200m à la minute. Malgré la catastrophe qui
les menace, les stratonautes laissent fonctionner tous les appa-

Éléments d’équipement de l’ «
Expi.orf.r-I ».

Au milieu de la photographie, maquette de deux baromètres en U;


de part et d’autre, éléments d’un thermomètre à résistance; la résis
tance est placée dans le tube où circule un courant d’air.

reils, bien que leur déclic régulier soit quelque peu énervant
dans cette situation tragique. Peut-être — espèrent-ils encore —
sera-t-il possible de les ramener intacts au sol, avec tous les
résultats déjà obtenus. Dans cette idée, ils procèdent même au
remplissage des cornues de 25 litres de capacité, soigneusement
vidées et scellées, et destinées aux prises d’air stratosphérique
à l’altitude maximum.... Mais y parviendront-ils, au sol ? A
chaque instant, de nouvelles déchirures apparaissent. s’agran
dissent, avec des bruits sifflants.... Kepner ne lâche plus le

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniir
H. A. I. — No 8.
785 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Aménagements de la nacelle de l‘« Explorer- I ». Le personnage qui figure sur


la photographie de gauche est le capitaine Stevens.

1,2, 3 et 4, ballonnets pour le prélèvement d’air stratosphérique à diflérentes alti


tudes; 5, portion de l’électroscope nu; 6, hublot d’observation;7, tuyau pour la
commande de la soupape par l’air comprimé; 8 et 9. appareils photographi
ques pour l’enregistrement simultané des indications de plusieurs instruments;
10, trou d’homme assigné au capitaine Stevens; 11, appareil photographique
pour l’enregistrement des pressions barométriques; 12, boîte du baromètre;
13 (sur le document de gauche), appareil cinématographique Eyemo; 13 (sur
le document de droite), tube mettant en relation les baromètres avec l’atmo
sphère; 14 (sur le document de gauche), transmetteur radioélectrique de la
National Broadcasting C° (le récepteur est sur le rayon au-dessus, vers la droite);
14 (sur le document de droite), robinet pour la mise à l’air libre des ballonne
de prise d’air stratosphérique; 15 et 16, batteries d’accumulateurs; 17, l’une
des trois bouteilles contenant un mélange d’oxygène liquide et d’air liquide;
18, indicateur de pression dans le coussin amortisseur sous nacelle; 19, indi
cateur de pression dans la bouteille (sans doute la bouteille d’air comprimé
pour commande à distance de la soupape);

20, batterie d’accumulateurs; 21, hublot d’observation vers le bas; 22, ballonnet
pour prélèvement d’air stratosphérique; 23 à 29, réferences non utilisées;

IIII1II1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIU11I1
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 787

A gauche, autre aspect la nacelle aménagée de l’ « EXPLORER-I ». A droite,


de
la nacelle avant l’envol; noter le panier contenant le spectrographe.

30, hublot d’observation; 31, cône d’observation pour mesures de dérive, etc ;
32, robinet du sac pour le jet de lest; 33, réf. non utilisée; 34, statoscope; 35, réf.
non utilisée; 36 et 37, batteries d'accumulateurs; 38, spectrographe d’horizon
(le spectrographe pour le zénith est derrière le ballonnet 22); 39, électroscope
le plus lourdement protégé par un écran de plomb (la boîte qui le recélait conte
nait près de 30oks de grenaille de plomb);
40, trou d’homme assigné au major Kepner; 41, hublot d’observation vers le
sommet du ballon (c’est par ce hublot que fut découverte la déchirure de
l’enveloppe); 42, réf. non utilisée; 43, altimètre indiquant la pression extérieure;
44, hublot d’observation; 45, appareil photographique pour l’enregistrement
des rayons cosmiques; 46, batterie d’accumulateurs; 47, manomètre indiquant
la pression intérieure; 18 et 49, compteurs de rayons cosmiques;
50 et 51, compteurs de rayons cosmiques; 52, commutateurs pour les précédents
compteurs.

Les sacs de grenaille de plomb — empilés autour du bord du plancher au début


de l’ascension — n’avaient pas été installés pour la prise de ces photographies;
de même, l’appareil Fairchild pour vues verticales n’était pas monté au centre
du plancher.

raznannnnuunnuuuuunununnannununuunanunuunnnanunnunuvrrunuuununuunnanunununuunnccucnununcununünunccnnnannnncanunndunüncncnnnnnnnABBBBBBB
788 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Hoffmann de sécurité, pour tenter de sauver
levier du parachute
occupants cas d’explosion soudaine du bal
la nacelle et ses en
tout le territoire des Etats-Unis (et d'ail-
lon. Et, en bas, sur
milliers d'auditeurs anxieux écoutent, l’angoisse au
leurs), des
brèves qu’échangent là-haut, à 15.000m d’alti
cœur, les phrases

stratosphérique s’écrase dans


tandis qu’à 200m sous lui, le beau laboratoire
«
... poussière. »
un nuage de

la stratosphère au ciel pur d’un bleu


tude, dans les solitudes de
hommes enfermés dans la mince coque de
sombre, les trois déchire
dowmetal suspendue sous un ballon qui craque et se
la catastrophe imminente
esprit tendu vers
peu à peu, leur longs silences peuplés du
phrases brèves entrecoupées de
•—
11lllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllII 11lllllllllllllllll
llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIlII 11
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 789

seul cliquetis des enregistreurs indifférents au drame qui se


joue.
Plus d'une heure s’écoule ainsi. Le ballon est descendu à
12.000m. Une demi-heure encore : 6000m Le stratostat n’est plus
.

Enregistrements de rayons cosmiques obtenus à bord de l’ « Explorer- I »; la


pente des segments est proportionnelle à la fréquence des rayons.

seul. Un avion, qui l'a suivi deloin depuis son départ, tourne
autour de lui, impuissant à lui porter secours, réduit à photo
graphier toutes les phases de cette périlleuse descente.
5400m. Les stratonautes ouvrent les hublots et, équipés de
leurs parachutes individuels, prêts à sauter en cas d’alerte,
poussent un soupir de soulagement et font le bilan de la situa-

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
790 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
tion. De l’avion. on peut voir le ballon s’arrondir et s’allonger
alternativement en de lentes pulsations dont la période varie
de 7 à 10 minutes. Soudain le fond de l’enveloppe, qui est en
piteux état, se détache presque entièrement et tombe sur la
nacelle. Le dôme seul, parachute trop exigu gonflé d’un dan
gereux mélange d’air et d’hydrogène, tient encore bon et freine
la descente. Le stratostat n’est plus qu’à 1200m du sol. Cette
fois, on arrête tous les mécanismes, et 1 ’on fait passer par
dessus bord tout le lest, ainsi que maints objets munis de para
chutes individuels.
Malgré tout, la chute s’accélère.
Les choses se gâtent. Il n’y a plus qu’à sauter dans le
900m.
vide, par les deux trous d'homme. Kepner passe d’un côté.
Stevens voudrait bien l‘imiter, mais sa sortie est bouchée par
les pieds d’Anderson qui, grimpé sur la nacelle, s’est trouvé
en difficulté avec son parachute, ouvert par accident au dernier
moment, et qui le ramasse soigneusement sous son bras avant
de se lancer dans le vide. « Andy est assurément de haute taille,
écrira plus tard Stevens, mais je n’avais jamais remarqué qu'il
eût de si grands pieds ! ».
. . .

Les événements se précipitent. Anderson a sauté. Au même


moment, le ballon explose (c’était à redouter, avec le mélange
détonant qui l’emplissait). La nacelle tombe comme une pierre.
Stevens essaie en vain d’en sortir à son tour : à deux reprises,
un vent relatif de 130kmh l’y refoule. Avec un rare sang-froid,
il recule à l’autre extrémité de la sphère, prend son élan, plonge
à toute vitesse à travers l’ouverture, qu’il franchit enfin...
et constate que la pression de l’air le maintient si proche de la
nacelle qu’elle continue à l’entraîner dans sa chute !
400m.... D’un mouvement sur lui-même, Stevens parvient
tout de même à s’en séparer suffisamment, ouvre son parachute,
reçoit dessus des débris de l’enveloppe qui, heureusement,
glissent de côté sans l’entraîner, s’assure d’un coup d’œil que
ses compagnons descendent sans encombre, tandis qu’à 200m
sous lui, le beau laboratoire stratosphérique s’écrase avec fracas
dans un nuage de poussière.... Quarante secondes plus tard,
Stevens touche terre à son tour, et se précipite vers le point de
chute. Quelques instants après, sans même avoir songé à se

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
La nacelle de l’ « EXPLORER-II » au stratocamp des Black Hills.

congratuler de l’avoir échappé si belle, les trois stratonautes


sont réunis dans les débris de la nacelle et y travaillent comme
des forcenés.
Car les témoins de la chute accourent de tous côtés, appor
tant peut-être leur aide, mais surtout leur curiosité catastro
phique de « chasseurs de souvenirs » qu’un pillage éhonté ne fait
pas reculer. Des lambeaux entiers de l’enveloppe disparaissent,
subdivisés à l’infini, entravant considérablement la tâche de la
Commission d’enquête. Mais les vandales n’en ont cure; ne s’en
trouva-t-il même pas qui poussèrent le cynisme jusqu’à renvoyer
leur butin aux stratonautes avec prière instante de le leur réexpé
dier, revêtu d’un autographe en bonne et due forme?....
Grâce au sang-froid de son équipage, la belle ascension de
l ’« Explorer-I » n’aura toutefois pas été complètement perdue
:

leur intervention immédiate leur a permis de mettre en sûreté


des documents précieux, de sauver à l’abri de la lumière des
films qui n’étaient encore que partiellement voilés. Des mani
pulations délicates et patientes arriveront par la suite à révéler,
au moins en partie, ce qui était enregistré sur ces films — et
cela nous vaudra, en plus de maintes indications précieuses, en

mmiiiiiiii 111111111111 un mu uni iimiii 1111mni 1111111111111111111111111111111111111


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792 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
plus aussi des résultats obtenus au grand spectrographe qui a
pu atterrir sans encombre en parachute, la première photogra
phie de la surface terrestre prise suivant la verticale d’une
hauteur de 18.000m.
...
L‘ EXPLORER-II ».

Si précieux qu’ils fussent, ces résultats n’étaient toutefois


que peu de chose à côté de tous les espoirs qui avaient été
fondés sur cette ascension. La destruction quasi totale du ballon
et du matériel, qui avaient coûté une somme de près de
60.000 dollars, était un coup sérieux, surtout pour la National
Géographie Society qui avait en grande partie financé l’entre
prise -—- perte qui fut pourtant pour une bonne part couverte
par les polices d’assurances (30.000 dollars furent remboursés
par la suite par le Lloyd’s de Londres).
Toutefois, avec une énergie qui fait honneur à ses dirigeants,
la National Géographie Society décida immédiatement de mettre
en chantier un nouveau stratostat, W Explorer-II », dès que
l’enquête sur les causes de l’accident de l‘« Explorer-I » serait
achevée. En réplique à ce geste, les mêmes concours dévoués
lui furent aussitôt spontanément promis.
Bien entendu, on tint compte de l’expérience précédente. Et,
en premier lieu, on renonça à replier l’appendice à l'intérieur
de l’enveloppe pour éviter de dangereuses adhérences. On
renonça également à gonfler le ballon à l’hydrogène, devant
les risques d’explosion dont le capitaine Stevens avait failli
être victime. On le remplaça par l’hélium, gaz inerte dont
les Etats-Unis sont grands producteurs, mais dont la force
ascensionnelle n’est que les 92/100® de celle de l’hydrogène. Il
fallut donc, pour compenser ce fait, augmenter encore le volume
du gigantesque stratostat, le faissant passer de 85.000m2 à
104.700 m3 Augmentation d’autant plus nécessaire que, pour
.
accroître la solidité de l'enveloppe, il fut décidé d’employer un
tissu plus lourd pour sa confection.
La nouvelle nacelle était, en outre, plus spacieuse que celle
de l’« Explorer-I » : diamètre passant de 2 m ,50 à 2 m ,74 (avec
augmentation de poids corrélative de 85 ks ) ; aménagement nou
veau, par suppression des étagères qui, précédemment, suppor-

lllllllllllllllnlllllllllllllnllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltlllllllilllllïllllllllllllllllllllllllllllll
Un moyen d’argent au centre d’une roue de pierreries....
Ainsi apparaît 1’ « Lxplorer-II », en voie de gonflement, de la crête encerclant
le « stratobol ». Au milieu de la piste illuminée, le haut du ballon s’enfle comme
un gigantesque champignon, maintenu par les cordes fixées à la ralingue
supérieure que l’on voit dessiner un feston à l’entour. A droite, on perçoit
faiblement la manche de gonflement qui serpente sur la piste.

taient les instruments (ceux-ci étant maintenant suspendus à,


des crochets pour occuper moins de place). Toujours dans le
même but de donner plus de liberté de mouvements aux stra-
tonautes, les sacs de grenaille de plomb constituant le lest furent
suspendus tout autour de la nacelle, à l’extérieur, au lieu d’en
combrer l'intérieur : une simple commande électrique en per
mettait le largage instantané, suivant une méthode utilisée pour
la première fois par M. Jean Piccard au cours de son ascension
d’octobre 1934. Les batteries d’accumulateurs furent également
reportées à l’extérieur, et, munies de parachutes, furent prévues
comme supplément de lest en fin de descente.
Enfin, comme mesures de sécurité en cas de nouvel accident,
outre le parachute Hoffmann de 24m de diamètre dont la nacelle
était munie et qu’on pouvait déclencher de l’extérieur comme
de l’intérieur, les trous d’homme furent aménagés de manière à
assurer une évacuation plus rapide.
Quant au matériel scientifique, il ne différait de celui de la
première ascension que par quelques adjonctions et il com
portait toujours, en particulier, des appareils pour l'étude des
rayons cosmiques, des spectrographes (dont un de grand modèle
suspendu à 130m sous le ballon) des thermomètres à résistance,

IIIIIIIIIIIIIIIKIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII11IIII1II1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIII111IIIIIIIIIIIIIIIS)
794 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

des baromètres et barographes, des appareils électrométriques,


un dispositif collecteur de spores, des chambres photographiques
pour prises de vues aériennes, etc.

(A suivre.)
Reysa BERNSON.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiii
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII ll!llllllllllllll11111111111111111 111111111IIIIIIIII IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

Notes et souvenirs
sur la
création de l’Aviation militaire française 1

Par le Lieutenant-Colonel BELLENGER,


Ancien commandant de l’Aéronautique de la G° Année

III.

MON INSTRUCTION A PAU (école Blériot)


24 janvier-25 mars 1910 (suite).

VIRAGES.

Le remous de l'aérodrome de Pau se compliquait pour les


élèves du fait qu'il les surprenait en commençant un virage,
qu’ils manquaient encore d'entraînement à ce mouvement, et
étaient préoccupés de l’exécuter correctement. En cas de chute,
ils pouvaient se demander si celle-ci provenait du remous ou
d’une faute dans le virage.
Un virage occasionne toujours en effet une perte de vitesse
et nécessite, de la part du moteur, plus de puissance que la
marche rectiligne.
Tout le monde sait qu’un objet pesant animé d’une grande
vitesse tend à être projeté hors du virage par la force cen
trifuge. C’est pour résister à cette force centrifuge que les
virages des vélodromes sont inclinés vers l’intérieur, que les
courbes des voies ferrées reçoivent un devers. A vitesse égale,
l’inclinaison vers l’intérieur doit être d’autant plus grande que
le rayon du virage est plus petit, car la réaction du sol fournit,

(1) Voir les numéros de février, mai et juin de la « Revue de l’Armée de l’Air ».

IIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIUU
796 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
pour détruire la force centrifuge, une composante horizontale
d’autant plus grande que cette inclinaison est plus forte. Mais
en même temps, la pression normale au sol augmente, et le
cycliste, comme la locomotive, doit fournir un plus grand effort
pour maintenir sa vitesse en virage qu’en marche rectiligne.
La situation de l’avion est analogue; il a cet avantage que
prenant son appui sur l’air, il pourra toujours y trouver cet
appui sous l’inclinaison convenant à sa vitesse et au rayon de
son virage. Mais il a cet inconvénient de ne pouvoir se soutenir
au-dessous d’une certaine vitesse, en sorte que si son moteur ne
dispose pas de la réserve de puissance correspondant à l’effort
supplémentaire exigé par le virage (étant donné son rayon et
sa. vitesse), l’avion se trouvera entraîné par son poids vers le
sol. Cet entraînement se fera d’ailleurs vers l’intérieur, de
même que le cycliste tend à tomber vers l'intérieur du vélo
drome s’il manque de vitesse au virage, de même (pie la loco
motive au ralenti glisserait sur ses rails vers l’intérieur de la
courbe, si les boudins des roues ne limitaient ce glissement.

Un aviateur doit donc avoir la notion du rayon minimum de


virage que lui permet sa vitesse, et cette notion était particu
lièrement nécessaire en 1910 avec les moteurs peu puissants
dont nous disposions alors.
Pour nos successeurs actuels, qui disposent de moteurs très
puissants et d’avions très rapides, le risque n’est plus le même :
la puissance dont ils disposent leur permettrait de virer aussi
court qu’ils voudraient, mais la force centrifuge qui croît avec
le carré de la vitesse prend une valeur considérable, d’où
résulte sous les ailes une pression énorme dans les virages trop
courts. Les aviateurs ne risquent donc plus guère de tomber en
glissant à l’intérieur du virage, mais de voir la force centrifuge
qui agit sur la masse de l’avion (c’est-à-dire surtout sur le fuse
lage) rompre les attaches des ailes soumises à la réaction anta
goniste de l’air: Le fait serait arrivé, m’a-t-on dit, aux Etats-
Unis, dans les exercices de bombardement en piqué, où la vitesse
de l’avion atteint parfois 200m par seconde.
En 1910, ce danger n’existait pas, mais la chute par perte de
vitesse et glissement à l’intérieur du virage était fréquente.
Au virage Ouest de l’aérodrome de Pau, la chute pouvant
être occasionnée aussi bien par un remous que par la perte de
vitesse, on ne pouvait discerner la cause lorsque la chute se
produisait à l’intérieur, tandis qu’elle ne pouvait être due
qu’au remous si elle se produisait vers l’extérieur du virage
(l’extérieur étant à droite).
Mais les élèves ne s’en rendaient guère compte.

UN ACCIDENT.

Voici, à titre d’exemple, comment le capitaine M.. a raconté


.
l’accident qui lui survint le 26 mars :
«Arrivé au virage près du pylône Ouest, j’esquisse ce virage (à
gauche) quand, tout à coup, je sens que le levier de direction et le
levier profondeur ne présentent plus aucune résistance.
de
» C’est comme si je
manœuvrais dans le vide et j’ai l’impression
que les commandes sont cassées. En même temps, l’appareil penche
complètement à droite; la chute commençait.... Je coupe l'allumage
et, tout en m’efforçant de redresser l’appareil, je cherche à atténuer
le plus possible le choc auquel je me prépare en me calant dans le
fuselage. En arrivant au sol, un choc brutal se produit, l’aile droite
puis l’hélice et le moteur touchent les premiers, je sens tout l’appareil
s’écraser sous moi, je vois des tubes tordus, d’autres cassés, et l’es
sence du réservoir qui s’écoule. Je m’empresse de sortir de l’appareil
qui, dans sa chute, a décrit une demi spirale, de telle sorte qu’il se
trouve face du côté d'où je viens, l’avant fiché en terre, la queue en
l’air.... Je regarde immédiatement quelles commandes ont pu se
casser, mais je constate que toutes sont intactes.... J’ai cherché à
m’expliquer les causes de l’accident. M. Blériot me dit qu’il devait être
dû à un remous; mais X... et Y... me disent que c’est certainement
le moteur qui a lâché,.. et pourtant il me semble que le moteur con
.
tinuait à bien marcher. »
Et M.. .
conclut :

«C’était nettement l’accident actuellement bien connu de la perte


de vitesse dans un virage.... »
Eh non n’était pas cela. Et Blériot avait bien raison
! Ce
d’attribuer l’accident à un remous. La perte de vitesse aurait
entraîné la chute à gauche (côté intérieur au virage), alors que
l’appareil est tombé à droite. De plus, la perte d’action des com
mandes par perte de vitesse en virage est toujours progressive,
alors qu’elle se produit beaucoup plus brusquement dans un
remous, ce qui concorde avec l’impression ressentie par M...

7 4)
Le récit est d’ailleurs curieux à différents égards M.. avait
gardé assez de sang-froid pour se rendre compte de ce qui se
.
:

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHIIIIIIIIIIIllllll>
798 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
passait et notamment que le moteur continuait à bien marcher.
Mais la préoccupation de son virage et la crainte de l’incendie
absorbaient son esprit au point de l'empêcher de réfléchir et
de juger de la manœuvre à réaliser. Aussi fait-il tout le con
traire du nécessaire, coupant l’allumage au moment où il fau
drait demander au moteur son maximum, se calant dans un
fuselage qui va casser au lieu de garder la liberté de ses
membres pour agir sur les commandes, etc.
Le fait que l’appareil ne s’enflamme pas, bien que l’essence
s’échappe, confirme ce que jai dit plus haut à propos du danger
d’incendie.
Quant à la «perte de vitesse dans un virage», c’est une
expression qui, dans son origine, correspondait à quelque chose
de bien défini, mais dont tous les maladroits qu’a comptés
l’aviation ont fait un usage absolument abusif, croyant y trou
ver une excuse à leur maladresse. La perte de vitesse en virage
ne survient pas de façon imprévisible, elle résulte du fait que
l’aviateur a voulu tourner sur un rayon trop faible pour la
puissance de son appareil; un pilote qui sait son métier et veut
virer sur ce rayon, pique de lui-même et reste ainsi maître de
sa manœuvre; un pilote médiocre ne pique pas à temps et est
entraîné par son appareil dans une situation dont il n’est plus
maître.
Il n’étaient pas très
est certain qu’en mars 1910, ces notions
répandues. Personnellement, je les avais recueillies du capitaine
Ferber à Reims; mais lui-même s’était tué en avion, ce qui
diminuait l’autorité de sa parole, et moi qui l’avais recueillie,
je n’en avais encore aucune.

FIN D’INSTRUCTION ET BREVET.

Le 9 mars, j’appris par les journaux que le lieutenant du


Génie Camermann avait, la veille, passé au camp de Châlons
les épreuves du brevet de pilote. D’autre part, à Pau, le capi
taine M... endommageait très sérieusement l’appareil sur
lequel nous nous exercions, et les mécaniciens se déclarant très
chargés de travail, demandaient 15 jours pour le réparer.
Là-dessus, le capitaine M...
déclara vouloir utiliser cette
inaction forcée pour prendre de suite une permission au lieu

llllltllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 799

d’attendre Pâques, le 27 mars, comme telle était sa première


intention.
J’aurais volontiers imité le capitaine M... si la réparation
m’avait réellement paru devoir être aussi longue que les méca
niciens le disaient, mais je soupçonnais fortement ceux-ci d’être
quelque peu dégoûtés par la série d’accidents survenus au capi
taine M. et nullement pressés de travailler pour lui. J’attendis
. .
donc que le capitaine M... eût quitté, non seulement l’aéro
drome, mais la ville et fis savoir à ce moment aux mécaniciens
que M... était absent pour quinze jours. Sur cette nouvelle
ils apportèrent plus d’ardeur au travail, en sorte que l’appareil
fût en état de voler avant le retour du capitaine M... Je pus
donc m’exercer plus régulièrement, si bien qu’en quelques jours
je me trouvai prêt à passer les épreuves du brevet.
Toutefois, l’appareil d’entraînement avait un moteur assez
médiocre, avec lequel il était difficile de faire les deux tours
de piste constituant chacune des épreuves, et, bien que je fisse
très correctement un tour de piste unique à bonne hauteur,
j’hésitais à demander à Blériot l’appareil réservé pour les
épreuves lorsque lui-même me l’offrit à la suite de l’incident
suivant.
Graham White ayant passé son brevet, avait organisé sur
l’aérodrome une nouvelle école, formée à peu près uniquement
d’Anglais et utilisant des appareils Blériot recouverts d’un
vernis bleu. Cela mettait sur l’aérodrome une animation qui
n’allait pas sans quelque indiscipline.
Le 23 mars, au matin, ayant pris mon élan, je m’apprêtais
à quitter le sol, lorsque je vis l’avion-école bleu
roulant à
contre-piste, foncer vers moi à bonne allure. Je n’avais d’autre
moyen de l’éviter que de passer par-dessus. Je tirai franche
ment à moi le gouvernail de profondeur, et réussis à passer.
Mais mon moteur devait bien donner ce jour-là car, en quelques
instants, je me trouvai à 25m de haut, tandis qu’un léger vent
de côté m’entraînait au-dessus des hangars. Blériot, qui arri
vait à ce moment, crut d’abord que l’appareil était monté par
Leblanc mais, rencontrant celui-ci, il apprit quel était le pilote.
Sur quoi, à mon retour, il me déclara que j’étais parfaitement
en état de passer les épreuves du brevet et qu’il allait me confier
l'appareil réservé à cet effet, concurremment avec Morisson et

«iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiniiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiu
803 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Cattanéo qui avaient déjà commencé leurs épreuves, mais dont
les appareils personnels se trouvaient endommagés.
Le 24, Morisson accomplit sa troisième épreuve, puis Cattanéo
et moi essayâmes l’appareil des brevets pour nous le mettre
bien en mains; après quoi, nous fîmes nettoyer le moteur à
fond.
Le capitaine M. était en effet rentré à Pau le 24 à midi
. .
et, pour ne pas être à nouveau gêné par ses accidents, il fallait
absolument que je passe mes trois épreuves de suite dès le 25.
au matin !

C’est ce qui eut lieu. L’appareil était propre et bien au point.


C’était à moi de commencer. Cattanéo et moi avions convenu
de voler à tour de rôle en laissant le moteur refroidir à l'ombre
un quart d’heure entre chaque vol, et en le nettoyant sommai
rement à chacun de ces repos. Nous réussîmes de la sorte à
faire effectuer à l’appareil les 5 épreuves (2 pour Cattanéo,
3 pour moi) sans aucune anicroche, avant l’arrivée de M...
malgré des remous très sensibles, surtout à ma troisième
épreuve, vers 101 30min.
Par précaution, j’avais également fait la leçon à Cattanéo
sur la manière d’aborder le virage Ouest, en piquant légèrement
vers le sol, ce qu’il fit avec succès, sans avoir bien compris,
je crois, la raison de mon conseil. Mais l’exemple de ma pre
mière épreuve le décida.
Quand M. survint, ce fut pour apprendre que j’avais passé
. .

mes trois épreuves : le procès-verbal était établi et allait être


envoyé à la Commission de l‘Aéro-Club. Au lieu d’en prendre
son parti, M... me déclara qu’étant son inférieur, j’avais
commis là à son égard une grave incorrection et termina ainsi
:
sa mercuriale « Vous avez brisé ma carrière ».
Mon brevet le piqua au vif. Le jour même, il essayait les
virages et, le lendemain 26, il tentait la première épreuve du
brevet; c’est ce jour-là que lui arriva au pylône Ouest l’acci
dent raconté ci-dessus d’après son propre récit.
L’accident aurait pu être sérieux; il se borna à deux côtes
froissées, peut-être un peu fêlées. Mais je crois que M... fut
presque heureux de cet accident, dû selon lui à une fatalité
imprévisible, et qui, joint au fait de sa permission, lui permet
tait d’affirmer qu'il était prêt à passer son brevet en même

üUllllIllllliiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiinuiiniiinHiniiiiiiiiHhiiiii i •»» «m m un ji jimiMinf «HinitiiiHHiiiiHiiiiiiiHiii*


temps que moi et même plus vite (permission déduite du délai
d’entraînement). Il insista donc beaucoup sur son accident.
Il reprit ensuite son entraînement le 21 avril, et, après
maintes tentatives, passa son brevet en mai, cassant un dernier
appareil juste sur la ligne d’arrivée. L’épreuve eût pu être
contestée de ce fait, mais, comme Leblanc me le raconta en
riant quelques jours après, M... avait déjà coûté fort cher à
l’école Blériot (notre instruction était à forfait pour 2500 fr.)
et celle-ci était trop heureuse de clore le chapitre des frais pour
discuter la valeur de cette épreuve.
Personnellement, je ne m’étais pas attardé à Pau après les
plaintes de M.. sur sa carrière brisée. Le 26 au matin, je me
.
présentais à Vincennes au colonel Estienne. La réussite de mes
épreuves me privait en effet de tout moyen d’entraînement
à Pau.
Le contrat avec Blériot était un forfait pour notre instruction
jusqu’au brevet de pilote. Par la suite, nous devions voler sur
les appareils commandés par l’État. Mais ici, la foi du colonel
Estienne dans l’aviation lui avait joué un mauvais tour. Esti
mant l’aviation déjà utilisable militairement, mais pensant que
l'utilisation militaire nécessitait des appareils à deux places,
il n’avait commandé que des biplaces. Blériot faisait bien son
possible pour les mettre au point au plus vite, et le 26 mars,
essayait un nouveau modèle. Mais, comme je l’ai dit, la légèreté
de son monoplace rendait pour lui le saut plus difficile à fran
chir du monoplace au biplace. Si bien que le biplace ne pût
être livré avant juin et encore était-il peu satisfaisant.
Je n’avais donc pas d’appareil pour m’entraîner.
L’établissement de Chalais-Meudon, ne considérant pas l’avia
tion comme parvenue au stade d’utilisation, n’avait commandé
à Blériot qu’un monoplace, livré depuis le 24 février; aussi
Aquaviva put-il s’entraîner dès qu’il eut son brevet, le 1 er mai.
Mais il n’était pas question qu’un officier de Vincennes put
voler sur un appareil acheté par Chalais.
Le colonel Estienne, après m’avoir félicité de mon succès
— qu’il n’attendait pas si tôt —, me mit au courant de cette
situation. Nous étions au samedi matin. Je partis donc en per
mission, espérant que, pendant sa durée, Blériot pourrait mettre
au point et livrer le biplace qu’il essayait le 26 mars. J’avais

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII11IIIIIIIIIIIIIIII1IIIII1IIII1IIIIIIIII1IIIII1II
R. A. A. — No 84. 6
802 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
d’ailleurs fait, brevet avant la discussion au
en passant mon
Parlement de l’interpellation annoncée sur l’aviation, tout ce
qui était en mon pouvoir pour que le Ministre maintienne à
l’Etablissement de Vincennes la charge de créer l’aviation mili
taire.
Lieutenant-Colonel BELLENGER.
(A suivre.)

liZHiiiiiiiiiiïiiiiiiiiiiiiiiiiiïiiiiJiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
11111111111Z111111111111111111111
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11111111111111111111111111111

INFORMATION GÉNÉRALE

Problèmes de manœuvre motorisée.


La motorisation introduit dans la manœuvre un rythme compor
tant de nombreuses incidences sur l’Aviation.
L’exercice du commandement.
Dans une série d’articles ( ), qui ont retenu l’attention générale,
1

le général Pichon vient d’exposer ses conceptions sur les conditions


nouvelles dans lesquelles le commandement doit s’exercer :
-—
dispersion des grandes unités en largeur et profondeur, impli
quant une large décentralisation du commandement;
-— nécessité d’être informé instantanément : « l’ennemi motorisé
peut marcher à la même vitesse que le renseignement motorisé ».
D’où la nécessité d’un réseau d’informateurs et de liaisons extrê
mement riche. Le général Pichon apporte, de ce fait, un très gros
intérêt au réseau téléphonique des P. T. T., tant pour la mise en
place des P. G., centres de renseignement, etc. que pour la délimi
tation des zones d’action des unités et le choix des objectifs : on
peut être amené à rechercher l’ « extinction » d’un faisceau téléphe-
nique, comme on était conduit à occuper une crête, pour créer une
« zone de
silence » permettant la manœuvre.
Le rythme et l’étendue de la manœuvre donnent au problème des
liaisons une importance croissante :
«
la confection du plan d’opération et celle du plan de liaisons sont étroitement
enchevêtrées, simultanées et non successives »;

l’un et l’autre sont du domaine du chef et non de celui d’aucun


sous-ordre.
Quant à l’organisation des transmissions, le général Pichon insiste

(1) Revue militaire française, janvier 1935, avril 1 936.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
804 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Exemple d’emploi du réseau des P. T. T.


Ce schéma a été établi par le général Pichon dans l’hypothèse d’un ennemi
venant du Nord et ayant atteint un front, au Sud de la ligne Hirson-Rocroi,
marqué par des hachures croisées. Le schéma indique différemment les faisceaux
téléphoniques suivant qu’ils sont au contact de l’ennemi (ronds noirs), ou en
alerte (ronds avec croix) parce que voisins de faisceaux au contact, ou à l’état
de repos (ronds blancs). La similitude de l’organisation avec celle d’un réseau
destiné au guet aérien est frappante. La carte des P. T. T. devient un document
fondamental de travail.

sur l’utilisation fond du téléphone « moelle épinière des transmis


à
sions », en dotant les unités de moyens modernes d’établissement

ti.iiiiiiiiiiiii.iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii 11
des lignes téléphoniques, et en procédant, en manœuvre, à des chro
nométrages fréquents des délais exacts de transmission.
L’auteur conclut :

«
Avec l’étendue du champ de bataille, décentralisation du commandement
plus par
— groupements tactiques — intervention du commandement, non
la manœuvre de feux, mais par celle des réserves motorisées (artillerie, infan
terie, chars) conservées sur une plaque tournante pour être déclanchées à
l’ultime moment. »
L’aviation ne figure pas au nombre d’intervention
des moyens
énumérés, mais c’est probablement parce qu’à l’échelon Division
il manque actuellement, pour l’intervention si commode de l’Aviation
sur les objectifs terrestres, à la fois les moyens organiques et l’espace.
Les transports routiers et le bombardement aérien.
Reprenant un sujet qui avait été abordé dans le numéro d’octobre
dernier de la Revue de l’Armée de l’Air, le général Pichon souligne
la nécessité d’adopter une mentalité nouvelle dans les transports
routiers : jusqu’à maintenant on s’en est tenu au transport straté
gique par colonnes serrées, opérant de jour sur les routes hors de
la vue et de la portée efficace de l’Aviation. Il faut s’habituer à se
mouvoir en zone tactique avec une dilution telle (un bataillon sur 1okm
par exemple), que l’attaque aérienne n’aura pas d’efficacité et que
la reconnaissance aérienne — la pratique l’a déjà démontré -—
sera rendue bien difficile.
Par ailleurs, la complexité des transports routiers en manœuvre
motorisée nécessite une organisation perfectionnée de « dispatching »
pour contrôler l’afflux des véhicules amis ou ennemis :
« La seule garantie de rapidité et de souplesse, dans l’exécution d’une guerre
motorisée, repose sur une organisation territoriale adéquate, profonde d’au
moins ioo km à partir de la frontière chez soi, et instantanément construite
derrière les avant-gardes, en territoire ennemi. »

Si nous rappelons, à notre tour, que la manœuvre aérienne et anti


aérienne implique, de son côté, un réseau de guet des avions ennemis
en vol ou en cours de lancement de détachements de destruction
sur les arrières, on est actuellement amené à concevoir pour l’ensemble
des forces de terre et de l’air un réseau unique de transmissions télépho
niques, ayant pour base le réseau des P. T. T., complété sans doute
par certains réseaux privés comme ceux des chemins de fer.
En sens inverse, il est essentiel pour une Aviation d’étudier la
possibilité de détériorer ce complexe de transmissions télépho
niques, indispensable à l’ennemi : problème technique difficile à
résoudre avec économie.

Aspect de la manœuvre motorisée.


Le lieutenant-colonel Lançon, dans la Revue militaire française
806 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
du mois d’avril, étudie certains aspects stratégiques et tactiques de
la motorisation.
Selon lui, à la stratégie « d’épuisement » de la guerre mondiale,
qui résultait du déséquilibre entre l’armement offensif et l’armement
défensif, comme conséquence de l’apparition des armes automatiques,
peut désormais succéder la stratégie « d’anéantissement » grâce au
char, au char moderne doué d’une vitesse nettement supérieure à
celle de l’infanterie, employé en masses dans des actions « pour ainsi
dire indépendantes ».

C’est vraiment là que se trouve le fait nouveau de la tactique moderne,


«
là qu’il faut rechercher la possibilité du retour à la manœuvre. »

et d’éviter la stabilisation à plus ou moins brève échéance,

«
idée qui est à la base des théories de Douhet, lequel, devant la prétendue
impossibilité d’obtenir la décision à terre, ne voyait d’autre solution possible
que dans le ciel. »

Le lieutenant-colonel Lançon insiste sur les conséquences de ce


que les unités motorisées représentent des forces douées d’une vitesse
très supérieure à celle des unités non motorisées et de tous les services
de l’arrière dont la vitesse tend vers zéro :

« Tout repli, consécutif un échec, devient impossible ou porte en soi des


à
périls menaçants »,... « en présence des dangers immenses d’une défaite et d’un
repli, il n’y aura plus d’autre chance de salut que dans une résistance déses
pérée, ou une contre-offensive victorieuse pour empêcher cette exploitation
décisive par les grandes unités mécanisées »... « La parade consistera à
lancer sur les flancs des unités aventurées la contre-attaque d’unités simi
laires. »

Nous conclurions volontiers, de l’étude ci-dessus, qu’il y a lieu


d’envisager un échelonnement considérable en profondeur des forces
terrestres non motorisées en un champ malheureusement perméable
aux unités cuirassées, qui tendra à se condenser, sous l’effet de
l’attaque, en îlots provisoires de résistance, en attendant la contre-
attaque menée par les seuls moyens assez concentrés et assez rapides
pour intervenir : des unités cuirassées analogues et V Aviation.
Car, par le fait de ces « Panzerdivisionen » allemandes, l’aviation est
aujourd’hui rappelée, des conceptions douhétiennes de destruction
des capitales, aux nécessités préalables de la coopération la plus
intime.
P. E.

Le budget de l’Air britannique.


Ci-après une comparaison, pour les années 1934-1935 et 1935-1936,
de divers chiffres et effectifs, publiés à l’occasion de la discussion du
budget de l’Air britannique aux Communes.

tiiiiiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiHniHiiiiiiiiiiiHiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHÉUiiiiiiiiiiiiiiHiiitiiüiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiii
MIIIIIIIIIIIIIIIIIIJIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIItlIlliriIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIBIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIB
808 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Le seul examen de ces chiffres permet de tirer quelques conclusions :
— augmentation de moitié du budget (150 pour 100);
matériel technique
— effort financier portant principalement sur le
(165 pour 100), l’aménagement des bases (165 pour 100), et les
écoles (135 pour 100). Le recrutement du personnel a suivi beaucoup
plus lentement : effectif 112 pour 100, solde 130 pour ioo. Il semble
que le Gouvernement éprouve là quelques difficultés. Les besoins
étaient de 2500 pilotes et 20 000 hommes; 500 pilotes ont été recrutés
dans la troupe; et 1200 engagés; 14 500 hommes ont été recrutés;
•—
l’aviation civile, dans cet effort essentiellement militaire, a
bénéficié elle aussi d’une part de faveur, 129 pour 100;
— au point de vue des cadres, augmentation considérable des
hauts postes, laissant prévoir une articulation des forces en plusieurs
grands commandements;
— par rapport à l’accroissement des constructions d’avions
(152 pour 100), le développement des accessoires est plus important
encore : photographie 290 pour 100, armement 270 pour 100, T. S. F.
260 pour 100;
— très symptomatique aussi l’effort exceptionnel pour doter
largement l’Aviation en matériel roulant (290 pour 100);
appré
— par contre, le budget des carburants est sans changement
ciable (112 pour 100), probablement parce que les nouvelles unités
ne sont pas encore en mesure de voler beaucoup cette année; la
puissance des moteurs et, conséquemment, leur consommation, peut
aussi, pour certains modèles, avoir diminué; enfin des cellules de
bombardiers de grandes dimensions, plus onéreuses en proportion
que leurs moteurs, sont en commande, c’est ce qui expliquerait
pourquoi l’augmentation du budget Moteurs (116 pour 100) est loin
d’être comparable à celle du budget Cellules (188 pour 100);
— l'Aérostation est délaissée : seule elle apparaît en diminution,
80 pour 100; la Grande-Bretagne n’a-t-elle plus confiance en ses
ballons de barrage ?
Le programme d’extension, après nouvelles augmentations décidées
en mai dernier, est d’amener l’aviation à 1750 avions de première
ligne en 129 escadrilles métropolitaines, dont 20 auxiliaires; au
i er avril 1935, les forces étaient de 580 avions de première ligne en
53 escadrilles; dans l’un et l’autre cas, l’aviation de la Flotte n’est
pas comptée; celle-ci subira une augmentation insignifiante de 27 avions
dans le courant de l’année.
Il faut compter, en outre, 2 5 escadrilles d’outre-mer représentant
270 avions de première ligne, qui doivent avant 1939 s’accroître
de 12 escadrilles.
Signalons enfin que cette extension rapide de la Royal Air Force
pose des problèmes de discussion des prix avec les constructeurs,
à qui des ordres ont été passés sans que ces prix fussent définitivement
fixés. La presse laisse déjà entendre que, dans cet ordre d’idées, des
difficultés pourront surgir, impliquant sans doute une législation
nouvelle des contrats de fournitures de matériel de guerre.

Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllm
iiiiiiiuiiiiiiu il ii iiiiiii un i ii 11111 ii i uni nu uni nui i nu ii 1111 ii iiiiii nui in ii ii i iiiiiui i iiiiiiiiii ii i nu uni in
11 11 1 11 111

REVUE DES BREVETS

Guidage horizontal par T. S. F. d’un aéronef


suivant une direction déterminée (vers un aérodrome).
Sous le titre dispositif pour l’orientation d’un véhicule,
Procédé et
en particulier d’un aéronef, dans une direction déterminée par rapport
à un point, par exemple un point d’un terrain d’atterrissage, la
Siemens Apparate und Maschinen G. m. b. H., a étendu en France,
le 15 mars 1935, sous le n° 787 416, un brevet dont la demande avait
été déposée par elle en Allemagne, le 17 mars 1934.

But de l’invention.
Amener un aéronef sur son terrain d’atterrissage suivant une
direction déterminée fixe, qui sera la direction d’approche privilégiée
de l’aérodrome.
Principe.
Le dispositif comporte pratiquement deux postes émetteurs de
T. S. F. qui jalonnent la direction d’approche sur le terrain d’atter
rissage, et deux systèmes récepteurs, portés par l’aéronef, qui comman
dent un même organe indicateur. Chaque récepteur est accordé sur
l’émetteur qui le prend en charge. Chacun des courants, amplifié
et détecté, issu d’un récepteur, agit sur l’indicateur de manière que
l’aiguille s’oriente dans la position zéro, milieu de la graduation,
lorsque l’axe longitudinal de l’aéronef est dirigé vers le poste émetteur
sur lequel est accordé le récepteur considéré.
L’indicateur étant par principe influencé par les deux récepteurs,
l’aiguille ne vient au zéro que si l’aéronef est orienté à la fois vers
les deux émetteurs, ce qui exige que l’axe longitudinal de l’aéronef
coïncide avec la direction d’approche de l’aérodrome.
Fonctionnement.
Soit (fig. 1), «Yô l’aérodrome, et E 2 les postes émetteurs qui E1
déterminent la direction d’approche XY, R, et R les récepteurs
2
placés à bord de l’avion xy, accordés respectivement sur E1 et E
2
et commandant ensemble l’indicateur I.

Il IM 1111111111111111111111111111111111111111111111111111111
i I i i 11111111111111111111
i 111111111111111111111111111111111111111111H1111111U
810 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
Supposons l’axe xy orienté vers
E1. Si E2 n’existait pas, l’aiguille
de I serait au zéro, par hypo
thèse. Mais E agit, et I est
2
connecté avec R2 de telle façon
que, E 2 étant situé à gauche de la
direction xy, l’aiguille de l dévie
à droite. Le pilote agit alors sur
le gouvernail de direction de
manière à virer légèrement à
droite, pour rattraper l’aiguille.
Aussitôt intervient le poste E,
qui ramène un peu l’aiguille vers
la gauche, car l est connecté avec
Rx de telle façon que, Ex se trou
vant maintenant à gauche de la
nouvelle direction xy, l’aiguille
de l dévie à gauche.
E 2 pourtant, depuis le virage,
étant davantage à gauche, l’ai
guille tend à tourner davantage
à droite. Mais par construction
l’influence de E1 est prépondé
rante, si bien qu’en définitive
l’aiguille revient quand même à
gauche.
Ex est le poste de commande
principal, E 2 est le poste correc
teur.
En fin de compte, xy ayant
tourné vers la droite, l’aiguille a
tourné vers la gauche, si bien que
la coïncidence de l’aiguille avec
la position zéro tend à s’établir,
et cela progressivement à mesure
que l’avion, suivant la trajectoire
courbe T, s’engage sur la direc
tion d’approche XY. Quand cette
direction est atteinte, l’aiguille
est au zéro; le pilote n’a plus
qu’à l’y maintenir.
Nous avons expliqué la ma-
nœuvre du pilote en supposant l’avion xy orienté vers E1. Cette
condition préalable d’orientation pourra être aisément satisfaite
en coupant momentanément la connexion entre R, et I, et en
manœuvrant les gouvernes pour amener l’aiguille au zéro.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIJII1IIIIIIIIIIIIIIII1IIIII1IIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Réalisation technique.
L’inventeur décrit toute une série de dispositions techniques qui
permettent de mettre en œuvre le système de guidage précédent.
Émetteurs. Les postes
•—-
émetteurs E1 et E2 sont
d’un type classique (fig. 2).
Ils sont constitués chacun
par un maître oscillateur
Os. qui attaque un ou plu
sieurs étages amplificateurs
a, dont le dernier est couplé
avec une antenne émettrice
A. Un potentiomètre P per
met de régler la puissance
d’émission. On peut ainsi
obtenir la courbe de vol
T qu’on désire.
Récepteurs. — Les récep- Fig. 2. — Schéma d’un émetteur.
teurs R, et R ne présen
2
tent rien d’original (fig. 3). Ils comprennent chacun un collecteur
d’ondes directif ou cadre C, accordé sur l’émission correspondante
au moyen d’un condensateur d’accord c. Chaque cadre attaque
une lampe détectrice et qui, soit directement, soit par l’intermé
diaire d’un amplificateur approprié, excite un des bobinages b d’un
ampèremètre différentiel I (indicateur I de la figure 1). Une résis
tance variable r
shunte chaque récep
teur et permet d’in
troduire dans l’indica
teur I une excitation
convenable. On peut
ainsi obtenir, comme
par le réglage des
puissances d’émis
sion, la courbe de
vol T désirée.
Il est prévu, à titre
de simplification, une
double réception sur
récepteurunique pos
sédant un inverseur
rapide qui le branche
alternativement sur
l’onde E1 et sur l’onde
E 2 Si l’inversion est
.
assez rapide, l’action
sur 1 est la même que
812 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
si les deux ondes étaient reçues simultanément en permanence. La
figure 4 représente un tel montage.
Le cadre récepteur G peut être accordé, soit sur l’onde E1, soit sur
l’onde E,, au moyen des condensateurs c et c', l’accord étant modifié
par le relais R, lui-même mû par du courant alternatif de basse fré
quence. Ce même courant entraîne simultanément un deuxième
relais R' qui transmet l’excitation successivement aux deux lampes
détectrices d, et, en définitive, à l’indicateur I comme ci-dessus.

Fig. 4. —• Schéma d’un dispositif à double réception sur récepteur unique.

Dispositif inverseur. — Il est avantageux, dit l’inventeur, d’in


verser la polarité du récepteur R, par rapport à l’indicateur I, lors
qu’on survole l’émetteur E1, particulièrement lorsque le récepteur,
outre l’indicateur I, commande un système de pilotage automatique
tel que celui dont il est parlé plus loin. Cette inversion peut elle-même
se faire à la main, ou s’opérer automatiquement.
Voici (fig. 5), un dispositif inverseur automatique.
L’énergie recueillie par le cadre récepteur est dirigée sur la résis
tance variable r. Tant que l’avion n’a pas atteint l’émetteur E1, le
relais R établit la connexion avec la lampe détectrice d.
Quand l’avion survole E1, il coupe le faisceau étroit d’une émission
auxiliaire dont le rôle est de former verrou. Cette émission sera,
par exemple, parallèle au bord Y8 du terrain d’atterrissage (fig. i).
Une antenne auxiliaire A, accordée sur le verrou, recueille de l’énergie
à haute fréquence qui est détectée par la soupape s et cela, au
moment du survol de E1. Le courant redressé entraîne les trois relais
en série, R, R' et R". Dès que le relais R" bascule, il branche la pile p
qui a pour effet de maintenir basculés les trois relais après le passage
du verrou.
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 8i3

Le fonctionnement du relais R met la lampe d hors circuit, et


en jeu la lampe amplificatrice a qui reçoit, dès lors, l’émission Ei
par l’intermédiaire du transformateur t. Cette lampe, dont le courant
plaque est redressé par les soupapes s', charge le condensateur c.
Enfin ce condensateur est connecté dans un sens convenable aux
bornes de la résistance de grille g de la lampe d, par l’intermédiaire
du contact du relais R'.
L’inversion automatique est alors facile à comprendre.
Tant que l’avion
n’a pas atteint E,
c’est la détectrice d
qui est excitée, et
comme la détection
s’opère par courant
grille, le courant pla
que subit une dimi
nution. Quand l’avion
atteint E n le poste-
verrou faisant bascu
ler les relais R, R' et
R", et la pile p les
maintenant en place,
la détectrice d se
trouve attaquée par
le condensateur c, et
celui-ci est connecté
pour provoquer une
augmentation du cou Fig. 5. — Schéma d’un dispositif inverseur
automatique.
rant de plaque.
Il y a donc inver
sion du courant plaque par rapport à sa valeur moyenne. Quand
nous aurons dit que la lampe d est une des deux lampes qui
commande l’indicateur I, nous aurons terminé l’explication du
fonctionnement de l’inverseur.
Système de guidage automatique.
On a supposé dans ce qui précède que le pilote observe l’indicateur I
et manœuvre lui-même les gouvernes pour aborder l’aérodrome
suivant la trajectoire T et la direction d’approche XY (fig. 1).
L’inventeur prévoit, en outre, un système de guidage automatique
asservi aux indications de I, et dirigeant l’avion sans intervention
du pilote.
Il est opportun de rappeler que la Société Siemens a déjà consacré
de longs travaux à la mise au point d’un système de pilotage auto
matique qui est sans doute compliqué et très vraisemblablement
coûteux, mais qui a donné, croyons-nous, d’excellents résultats.
Nous renvoyons, pour plus de détails, aux articles publiés par la
Société Siemens elle-même, dans sa propre revue : nos 2 et 4 des

‘ in i iiiiuiiiiiiiiiuiuiiiiiii uni ii ii
11 11 uni i uni lllllllllllllliiiiiiiiiiiiiiiii mi 111 iinii umi
814 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
deuxième et troisième
trimestres 1935, où l’on
trouvera les articles
intitulés « La commande
automatique des avions »
et « L’autopilote ».
Voici comment est
aménagé le système de
guidage automatique
(fig. 6), calqué lui-même
sur le système de pilo
tage automatique pré
cité.
Rappelons sommaire
ment que dans ce pilo
tage automatique figure
un dispositif de com
mande automatique de
la direction ainsi conçu :
Un compas magnéti
que M permet d’assurer
à l’avion le cap conve
nable. Un gyroscope G
intervient, de concert
avec le compas M, sur
le gouvernail de direc
tion D, lorsque l’avion,
Fig. 6.Schéma du dispositif de radio
-—• sous l’effet d’une action
guidage automatique de la Siemens APPARATE extérieure (rafale par
UND MASCHINEN. exemple), change de
direction ; et cette inter ¬
vention a pour résultat de ramener l’avion dans sa direction
primitive.
Dans ce but, le gouvernail D est commandé par un servo-moteur
hydraulique H pourvu d’un tiroir t. Les tiges de pistons du moteur
et du tiroir sont sollicitées par un jeu de bielles et de leviers qui
reçoivent leurs mouvements du gyroscope G et de l’organe récepteur R
commandé par le compas M. Nous verrons plus loin comment s’effectue
cette dernière commande, par transmission électrique.
Cela posé, l’appareil indicateur équipé de la même manière que le
compas M, est monté en I, et l’inverseur tripolaire i permet de
passer du compas à l’indicateur.
Supposons que l’avion arrive près de son aérodrome, comme il
est indiqué sur la figure i, en suivant le cap que lui assure automa
tiquement le compas. Il suffira, au lieu que le pilote opère comme
nous l’avons expliqué au début de cette étude pour faire suivre à
l’avion la trajectoire T, de brancher l’indicateur I à l’aide de l’in
verseur i pour que l’avion suive automatiquement cette trajectoire.

niiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR. 815

Il reste indiquer comment sont cons


à
titués le compas M et le récepteur R, et
comment est montée la transmission élec
trique qui les relie.
Considérons (fig. 7) une résistance
potentiométrique P et son curseur C,
reliés par trois fils de ligne 1, 2, 3 à une
résistance réceptrice p. Dans la ligne 2 sont
intercalés entre les bornes b et b 1 une source Fig. 7.
d’énergie, puis un rhéostat de réglage r.
Il est clair que suivant la position du curseur C les courants varient
dans les deux branches de la résistance p.
On peut également brancher la source d’énergie aux extrémités
du potentiomètre P, la continuité du fil de ligne 2 étant rétablie.
On obtient ainsi des variations de courant plus grandes dans les
deux branches de p (voir Brevet français n° 649 922).
Le compas M de la figure 6 est monté comme P ; le récepteur R de
la même figure est monté comme p.
L’aiguille aimantée a du compas (fig. 8) pivote dans un boîtier
rempli d’un liquide électrolytique. Cette aiguille porte à son extrémité
une électrode b qui, pendant le pivotement, se déplace devant deux
électrodes e et e’ fixées au boîtier.
Les électrodes e et e' représentent les deux extrémités de la résis
tance potentiométrique P, formée elle-même par l’électrolyte. Le
curseur C de la figure 7 est constitué ici par l’électrode b.
Le récepteur R (fig. 9) possède, par exemple, deux bobinages B
et B' fixes toriques, à l’intérieur desquels se déplace un aimant circu
laire NS mobile
autour de l’axe O.
Lorsque les courants
varient dans les bo
binages par suite de
la rotation de l’ai
guille a, l’aimant est
plus ou moins solli
cité à droite ou à
gauche, et le pivot en
tournant agit sur les
commandes du servo-moteur. On a compris que les bobinages B et
B' tiennent la place des deux branches de la résistance p de la
figure 7.
Observons qu’un dispositif comparable (gyroscopes et servo
moteurs à air comprimé) est utilisé depuis longtemps par la Marine
pour le guidage automatique des torpilles.
* **
L’inventeur ne dit pas comment sont orientés le ou les cadres
récepteurs sur l’avion, mais il semble qu’en disposant leurs plans

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiitIIIHHHIHHHHHIIIIIIIIiHiii HlIHHWHHIH H11111111111uni 111111 ii niiiiiiii ii in il iiiiiiinii


816 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
perpendiculairement à l’axe longitudinal de l’avion, on puisse satis
faire à la condition essentielle que l’aiguille de l’indicateur vienne
au zéro lorsque l’avion est dirigé vers tel poste émetteur, et cela
quelle que soit, dans une large mesure, la puissance de l’émission
ou la sensibilité du récepteur.
Il en résulte cet avantage important que, si la réception varie d’in
tensité, l’orientation de l’avion ne risque pas d’en être affectée.
Seule la trajectoire d’approche T peut être déformée, mais cette
déformation n’offre pas d’inconvénient majeur, puisqu’il suffit en
définitive que l’avion réussisse à s’engager suivant la direction
d’approche.
Nous apercevons toutefois dans les récepteurs un risque d’erreur
important à surveiller de près. Chacun d’eux, en effet, possède deux
détecteurs-amplificateurs distincts qui devront rester identiques
entre eux pour que l’aiguille de l’indicateur s’oriente toujours correc
tement. Cette identité sera difficile à conserver longtemps, en raison
de l’usure inégale des lampes.
Rappelons que pour obtenir de bons relèvements sur un avion
avec un cadre, c’est-à-dire en l’espèce pour obtenir un guidage à
peu près correct, des précautions spéciales doivent être prises quant
à l’emplacement du cadre et à la symétrie électrique de l’avion.
Le système de guidage précédent permettrait de ramener un avion
au-dessus de son aérodrome, mais il ne contient aucune disposition
qui facilite l’orientation face au vent, ni surtout l’atterrissage sans
visibilité. Cette dernière question toutefois préoccupe la Société
Siemens. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
(5 p.. 6 fig., no réf.}
Gaëtan JACQUET.

Un radiocompas à lecture directe.


La Société « Le Matériel Téléphonique » a demandé le 24 mai 1934
un brevet (n° 786 515) intitulé : « Perfectionnements aux appareils
sensibles à la direction de propagation des ondes électromagnétiques »•
But de l’invention.
Déceler, au moyen d’un indicateur à aiguille, la direction de propa
gation d’ondes électromagnétiques émises par un poste dont on
recherche l’azimut.
L’aiguille de l'indicateur doit donner la direction de l’émetteur,
comme l’aiguille d’une boussole donne celle du nord magnétique.
L’appareil est ainsi une véritable boussole hertzienne, ou radio-
compas, à lecture directe.
Description.
Un appareil de ce type comprend essentiellement :

— Un collecteur d’ondes directif;


— Un amplificateur;

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiriiiiiiüiiiiiiiiiiiiiiiiiiiBiiiiiiiiiüiüiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 817

— Un dispositif sensible à la direction de


Z propagation des ondes reçues appelé dans ce
qui suit « indicateur ».
Nous n’entrerons pas dans les détails
de l’amplificateur qui est d’un type classique
quelconque. Nous étudierons uniquement le
collecteur d’ondes et l’indicateur.
Collecteur d’oncles. — Il est constitué par
l’association bien connue d’une antenne ver
ticale et d’un cadre tournant autour d’un
axe vertical. L’antenne et le cadre atta-
Fig. i. — Diagramme quent l’amplificateur et l’on recueille à la
en cardioïde caractérisant sortie un courant variable dont l’amplitude,
la réception sur antenne en fonction de l’azimut du cadre, peut être
et cadre. représentée en coordonnées polaires par le
diagramme en forme de cardioïde de la fi-
gure i, l’axe OX étant dirigé vers le
poste émetteur.
Sur la figure 2, on voit en C le
cadre tournant et en A l’antenne
verticale. L’un et l’autre attaquent
l’amplificateur a. Le cadre est en
traîné par le moteur M.
Indicateur. — Le moteur porte en
outre sur son arbre :
i° Deux bagues B sur lesquelles frot
tent deux balais fixes b qui apportent
le courant issu de l’amplificateur;
20 Un collecteur à deux lames c
sur lequel frottent deux balais b'
mobiles, solidaires d’un cadre galva-
nométrique G, et reliés électrique
ment aux bornes de ce cadre. Celui-ci
peut tourner librement, en entraî
nant les balais b' dans le champ d’un
aimant inducteur puissant 1.
Chaque lame du collecteur est
connectée à chaque bague B.
Le cadre G porte l’aiguille indica
trice i.
Fonctionnement.
On suppose que le couple de frot
tement des balais b' est négligeable
vis-à-vis du couple directeur qui s'ap
plique au cadre G. Nous examinerons
Fig. 2. — Schéma d’ensemble du
plus loin différents perfectionne radiocompas de la Société Le Ma
ments qui assurent cette condition. tériel Téléphonique.
IIIIII iiuni m iiiiiiiiii uuuxuxun

R. 4. A. — N” 84.
818 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Imaginons d’abord que le collecteur c soit fixe et qu’on envoie
du courant continu par les balais b. Le cadre G entraînant les balais b'
tournerait comme un moteur ordinaire dans un sens déterminé.
Si l’on inversait le courant, le cadre tournerait en sens inverse.
Supposons maintenant que le collecteur c, entraîné par le moteur M,
tourne effectivement, ainsi d’ailleurs que le cadre C. Le courant
redressé issu de l’amplificateur a a constamment le même sens, mais
est variable, comme l’indique le diagramme de la figure 1. Cependant
le collecteur c inverse ce courant à chaque demi-tour, de sorte que
le cadre G est sollicité dans un sens pendant un demi-tour et dans le
sens opposé pendant le demi-tour suivant.
Il est évident que le cadre
orientera les balais b', et par
conséquent s’orientera lui-
même. dans une position d’é
quilibre telle que l’inversion
établie par le collecteur c
fournisse deux courants
opposés issus de a dont les
moyennes seront égales.
Examinons à nouveau le
diagramme de la figure i.
Si l’inversion ou commuta
tion des courants a lieu dans
l’azimut OZ, par exemple,
le courant moyen qui passe
dans le cadre G pendant un
demi-tour est proportionnel
à faire S, et celui qui passe
pendant le demi-tour suivant
est proportionnel à faire S'.
Cela montre que la position
d’équilibre du cadre G, et avec lui des balais b', correspond à la
commutation qui s’effectue dans l’azimut axial OX, pour lequel S = S'.
Donc cet équilibre, matérialisé par l’aiguille indicatrice i, indique
la direction OX qui est elle-même l’azimut du poste émetteur.
Perfectionnements pour augmenter le couple directeur.
Interposition d’un relais mécanique. — Au lieu d’envoyer directe
ment dans le cadre G (fig. 3) le courant provenant des balais b',
on dirige ce courant dans l’enroulement E d’un relais mécanique
polarisé. Suivant le sens de ce courant, la palette mobile du relais,
agissant comme un inverseur par l’intermédiaire des deux paires de
contacts C1 et C 2 , connecte dans un sens ou dans l’autre la pile P
sur les bagues B'. Ces dernières bagues, montées sur l’axe du cadre G
sont reliées électriquement aux bornes dudit cadre.
Celui-ci, excité directement par la pile P au lieu de l’amplifica-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiKiiiiiiKii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 819

teur a, reçoit un courant beaucoup


plus intense. On arrive ainsi aisément
à rendre négligeable le frottement des
balais. Le fonctionnement reste évidem
ment le_même.
Remplacement du cadre galvanomé-
trique par un induit à collecteur (fig. 4).
— Le dispositif est le même que celui
de la figure 3, sauf que le cadre unique
est remplacé par plusieurs cadres cons
tituant ensemble un induit de moteur
à courant continu G, et que les bagues Fig. 4.
— Remplacement du
B' sont remplacées par le collecteur c'. cadre galvanométrique par un
Dans ce cas, le moteur peut être -induit à collecteur.
démultiplié, et on lui fait entraîner
l’aiguille indicatrice i et les balais b' ci-dessus (fig. 2 et 3) par l’inter
médiaire d’un engrenage.
Le fonctionnement est toujours le même, mais il est plus souple,
plus précis et l’on peut obtenir un couple considérable sur l’arbre
porteur de l’aiguille et des balais.
Remplacement du cadre galvanométrique par une commande méca
nique (fig. 5). — Le courant issu des balais b' est envoyé, comme
dans le’cas de la figure 3, dans un relais mécanique polarisé E.
Suivant le sens du courant, la
palette du relais ferme les con
tacts C1 ou C2 , ce qui permet à
la pile P d’exciter soit l’électro-
aimant e1, soit l’électro-aimant e,.
Les armatures de ces électro
aimants appellent successivement
les arbres a et a à prendre
2
contact, par l’intermédiaire de
roulettes en caoutchouc, avec
l’une et l’autre face du plateau
p. Ces arbres sont mus, grâce à
des engrenages, par un arbre
moteur m; ils tournent dans le
même sens, mais ils entraînent
le plateau en sens inverse. Ce
plateau est enfin monté sur le
même axe que les balais b 1
.
On comprend immédiatement
que, lorsque le courant issu des
balais b' a un certain sens, le
Fig. 5. — Remplacement du cadre gal plateau tourne dans un sens dé
vano métrique par une commande terminé, et que, si le courant
mécanique. s’inverse, la rotation du plateau

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIII1II1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIII
820 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
fait de même. Dès lors, le pla
teau s’arrête et s’oriente lorsque
les deux courants inverses sont
égaux, c’est-à-dire lorsque la
commutation opérée par le
collecteur e et les balais b' corres
pond à l’axe OX de la figure i.
Cette orientation indique l’azi
mut de l’émetteur.
Ce système permet de deman
der à l’arbre m, dont la puissance
n’est pas limitée, un couple
moteur aussi élevé qu’on le
désire.
Il est évident que les relais
mécaniques qui précèdent peu
vent être remplacés par des
relais à lampes (lampes à vide
ou bien thyratrons).
Variantes.
Dans l’appareil de la figure 2,
le cadre galvanométriquetourne
dans le champ d’un aimant et
Fig. 6. — Variante d’exécution. reçoit le courant du collecteur
c et des balais b 1 .
Dans la solution qui suit, le cadre galvanométrique G est alimenté
directement à l’aide des balais b" et l’aimant est remplacé par un
électro-aimant I, excité par une pile P dont le courant emprunte le
collecteur c et les balais b'.
Ces balais b' continuent d’être solidaires du cadre G et se déplacent
avec lui. Enfin, le collecteur c continue
d’être entraîné par le moteur M.
Dans le cas présent, le courant qui par
court le cadre G n’est plus inversé par le
jeu du collecteur c, mais c’est le champ
inducteur produit par l’électro I qui l’est
à sa place, et l’on comprend que le ré
sultat soit le même.
<
Les appareils ci-dessus utilisent dans
leur fonctionnement le diagramme de
la figure i, et donnent à la fois la direction
et le sens de l’émetteur.
On peut toutefois supprimer l’antenne.
Le cadre seul fournit un diagramme de Fig. 7. — Diagramme de
réception symétrique {fig. 7). réception d’un cadre seul.
Dans la cardioïde de la figure
qu’un 1, il n’y a
azimut OX pour lequel les aires situées de part et
d’autre sont égales. Dans le nouveau diagramme, il
y en a deux : OX et OY. Aussi, dans ce cas, faut-
il doubler la vitesse du collecteur c par rapport à
celle du cadre récepteur C. Dans ce but, un engre
nage approprié est interposé entre le moteur M et
le collecteur; ou bien, sans toucher à la vitesse du
collecteur, on peut adopter un collecteur à quatre
lames au lieu de deux, deux lames opposées étant
reliées à la même bague B (fig. 8).
L’inconvénient qu’offre l’emploi d’un cadre seul,
sans antenne, est une indétermination de 1800 qui
Fig. 8. fait que l’appareil indique bien la direction de l’é
metteur, mais ne précise plus le sens. Cet inconvé-
nient est bien connu et ne requiert, croyons-nous, aucune expli-
cation.
e
Les appareils qui précèdent ont un inconvénient qui peut être
très gênant, particulièrement lorsqu’on ne dispose pas de beaucoup
de place : cadre récepteur, moteur d’entraînement, collecteur, bagues,
balais et galvanomètre constituent un tout indivisible, nécessaire
ment encombrant, qui devra être placé à portée des yeux du pilote;
or la chose n’est pas toujours facile. Il n’est pas certain, d’autre part,
que cette nécessité puisse toujours s’accorder avec les exigences
purement radiogoniométriques d’emplacement du cadre récepteur.
Aussi l’inventeur prévoit-il des dispositifs différents, que nous
allons décrire, dans lesquels l’appareil indicateur peut être monté
séparément.
«o
Le premier (jig. 9) utilise un cadre récepteur C et une antenne A.
Il fonctionne conformément au diagramme en cardioïde de la figure 1
et élimine, par conséquent, l’ambiguité de 180°. Cadre et antenne
attaquent l’amplificateur a.
Le cadre est entraîné par le moteur M qui commande, d’autre part,
un générateur de courant diphasé. Le courant débité par l’ampli
ficateur se rend directement dans l’indicateur.
Le générateur diphasé est formé, par exemple, d’un potentiomètre
torique sans fin T calé sur l’arbre du moteur. Quatre balais fixes
équidistants bY b2 b^, b^ frottent sur le potentiomètre pendant qu’il
, ,
tourne. Une pile P, par l’intermédiaire de balais fixes et de deux
bagues montées sur l’arbre, est connectée à deux points fixes diamé
tralement opposés du potentiomètre.
Deux balais opposés, tels que bi et b sont connectés aux bobines
inductrices opposées
3,
I
et I, de l’indicateur. Les deux autres balais,
b et b^ sont connectés aux bobines inductrices L et I,.
2

iiiiiiii 11 ni 1111 iiiiiiiiii 1 un uni 1111111111!<111inni1in1 nui niiiiiiiii i ni iiiiui 11 n i iiiiin 1111 ni nnii uni n i u 111
1
822 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
L’indicateur est
constitué par les quatre
bobines inductrices
précédentes et un cadre
galvanométrique G qui
reçoit le courant issu
de l’amplificateur a.
Pour des constantes
déterminées du poten
tiomètre et des induc
teurs, on obtient dans
chaque paire de bobi
nes inductrices oppo
sées un courant sen
siblement sinusoïdal,
les deux courants
intéressant les deux
paires de bobines étant
décalés de 90° l’un sur
l’autre. Il en résulte un
champ inducteur tour
nant synchronique
ment avec le cadre C.
D’autre part, l’am
plitude du courant qui
passe dans le cadre
galvanométrique G
varie aussi synchroni
Fig. g. — Schéma de radiocompas à indicateur séparé. quement
avec la posi
tion du cadre C.
Ainsi le courant dans le cadre G est toujours maximum pour une
même orientation du champ tournant. On sait, d’ailleurs, qu’un
cadre tend toujours à se placer perpendiculairement à son champ
inducteur. On calera donc les balais b t , b2, b s et b de manière que le
champ inducteur prenne la direction de l’émetteur quand le courant
est maximum dans le cadre G, et le cadre tendra, autant de fois
par seconde que le moteur M fait de tours, à s’orienter lui-même
perpendiculairement à cette direction. Avec une inertie suffisante
du cadre, l’aiguille i s’immobilisera dans l’azimut cherché.
Dans un tel système, l’indicateur n’a avec le reste de l’appareil
que des liens électriques et peut être posé n’importe où, par exemple
sur un tableau de bord, alors que le cadre récepteur et son moteur
peuvent eux-mêmes être montés en tel autre endroit mieux approprié.

Dans un deuxième dispositif, semblable en son principe, l’inventeur


n’utilise qu’un cadre récepteur, sans antenne, se comportant par

IIIIIIIIIIIIIII11111111IIIIIII111I IIII IIIIIII111111I11IIIII11111II11IIII111IIIII11111111milII11II111II II111III||11111llllllllliuiumi


REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 823

conséquent comme l’indique le diagramme de la figure 7; bien entendu,


l’indétermination de 180° réapparaît.
Pour que l’appareil puisse toutefois fonctionner, il est indispensable
que le champ inducteur tourne à une vitesse double de celle du cadre
récepteur.
Dans ce but, le potentiomètre torique T est enroulé sur une demi-
circonférence seulement; les balais correspondant à une même paire
de bobines inductrices sont décalés de 900 au lieu de 180°, et sont
doublés de façon que le potentiomètre, en tournant, reste toujours
en prise avec des balais de départ (fig. 10).
Par exemple, les balais et b3 sont décalés de 90° seulement et
ces balais sont doublés en b\ et If , b r et b sont en parallèle et connectés
à une extrémité d’une paire de bobines inductrices; l’autre extrémité
est connectée à b et b' également en parallèle.
3 3

Disposition analogue pour les balais b 2 et b^


Avec ce montage, lorsque le cadre récepteur tourne d’un angle a,
le cadre galvanométrique tourne, comme le champ, de 2 a. En parti
culier, quand le cadre récepteur fait un tour complet, le cadre galvano
métrique en fait deux, et c’est ce qui met en évidence l’incertitude
de 1 800, car le cadran indicateur doit alors être gradué comme
l’indique la figure ii, tandis que dans l’appareil de la figure g, le
cadran a la forme représentée
figure 12. Vers une paire
< • de "
Un troisième dispositif, relevant bobines
toujours du même principe, utilise
comme appareil indicateur, non
plus un système à aiguille, mais
un tube à rayons cathodiques.
Rappelons que de tels tubes,
qui fonctionnent correctement
depuis longtemps dans les oscil
lographes, sont entrés dans la
pratique courante depuis que
la télévision leur a confié un
rôle essentiel. Nous en avons
décrit sommairement le principe
dans une étude précédente (n° 82,
p. 58g). Nous n’y reviendrons pas.
Ce nouveau dispositif com
porte le cadre récepteur habituel
C, avec ou sans antenne (fig. 13),
l’amplificateur a et le moteur
d’entraînement M. Vers une paire
de bobines
Une première solution consiste
à monter le tube à rayons catho- Fig. 10.

muniinm
824 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
cliques sur l’arbre du moteur, mais ou retombe dans le cas de l’appa
reil indivisible où cadre, récepteur, moteur et indicateur forment
un tout complet.

Nous allons cependant expliquer en premier lieu le fonctionne-


ment d’un tel système.
La tension continue, recueillie
à la sortie de l’amplificateur a,
est appliquée à une seule paire
de plaques p du tube. Si le tube
ne tournait pas, la tache bril
lante t que ferait sur l’écran
du tube le faisceau électronique
émis par la cathode C‘, se trou
verait sur un axe de l’écran, à
une distance du centre O propor
tionnelle à la tension appliquée,
c’est-à-dire fonction de l’azimut
du cadre. Mais le tube tourne
à la même vitesse que le cadre
C, si bien que la position de la
tache t est définie par des coor
données polaires, et que cette
tache trace sur l’écran le dia
gramme en cardioïde de récep
tion dessiné sur la figure 1 ou
le double diagramme de la
figure 7, selon qu’il existe ou
non une antenne de réception.
La direction du diagramme
sur l’écran donne l’azimut cher
ché. La précision est toutefois
inférieure à celle qu’offre un
indicateur à aiguille.
Une deuxième solution s’ob Fig. 13. Schéma de radiocompas

tient avec un tube cathodique utilisant un tube à rayons cathodiques.
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 825

immobile, qu’on peut donc séparer du reste de l’appareil, en se servant,


comme il est indiqué sur la figure 9, d’un générateur diphasé, et en
excitant les deux paires de plaques du tube à la place des deux paires
de bobines inductrices. Le faisceau cathodique trace sur l’écran
immobile les mêmes diagrammes que plus haut.
<o
Tous ces appareils sont très ingénieux et paraissent susceptibles
d’un bon fonctionnement. On peut espérer qu’ils contiennent en
puissance toutes les qualités d’un excellent radiocompas. Il nous
semble, en particulier, que la précision et la stabilité ne seront pas
leurs moindres avantages.
<
Citons, à titre documentaire, un radiocompas à deux cadres
récepteurs tournants et antenne, qui peut être rapproché des dispo
sitifs précédents, et qui a été décrit dans le no 161 d’octobre 1932
de la revue « L’Aéronautique », par M. René Hardy, sous le titre
« Nouveau radiocompas stroboscopique pour la navigation sans
visibilité ».
Nous rappellerons aussi, pour mémoire, le radiocompas Kruesi,
fabriqué par la Fairchild Aerial Caméra Corp. à plus de 500 exem
plaires pour VArmy Air Corps et pour le Department of Commerce.
Lors des vols d’essais de ce matériel entrepris par le capitaine Hegen-
berger (1), des portées de 5oo km au-dessus de la terre et de 1000km
au-dessus de l’eau furent enregistrées couramment.
L’installation comporte quatre éléments : le cadre de réception,
le récepteur proprement dit, l’indicateur (sur la planche de bord)
et la commande à distance du récepteur. Les bandes de fréquences
reçues vont respectivement de 150 à 300 kc, de 250 à 500 kc, de (50
à 800 kc et de 800 à 1500 kc. Le récepteur a un volume de l’ordre
de 1500em3.
Gaëtan Jacquet.
(8 P-, 19 fi9-, 50 réf.)

( 1 ) M. Geoffroy G. Kruesi, inventeur du radio-compas qui porte son nom,


était un employé civil de Wright Field travaillant sous la direction du capitaine
Hegenberger. Il est actuellement ingénieur-conseil de Fairchild.

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiciiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiir

CHRONIQUE DES ACTUALITÉS

La guerre en Éthiopie.
Les dernières semaines d’avril ont vu se dérouler deux séries
d’événements différents : la victoire du front de Somalie et la marche
des troupes du Nord sur la capitale éthiopienne.

L’enlèvement des lignes fortifiées de SASSABANEH.


Le théâtre d’opérations de Somalie est bien différent du front
Nord. Si les dénivellations y sont minimes comparativement à celles
des hauts massifs montagneux du Tigré, facilitant ainsi la partici
pation aérienne, les Italiens s’y trouvent à une latitude presque équato
riale, sur des plaines dont l'altitude de 1000m n’apporte pas la frai-

llIllllllIllllllllllIlllllllllllIllIllllIlIlllllllllIllllllllllllIllllllIllllllllllllllllIllIllllllillilllIIIIIIlIllIHIIIIIIlIlllllIIIII*
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 827

*. ,0
Groupement de trimoteurs de bombardement CAPRONI 133 sur le terrain de Gorrahei.

cheur des plateaux du Nord situés à 2000m et plus. La terre y est


poussiéreuse, transformée en fange à la moindre pluie. Tandis que
les Éthiopiens disposaient du chemin de fer, les troupes du général
Graziani devaient se contenter de la voie normale de Mogadiscio
au Village du duc des Abruzzes, puis d’une voie de o m ,6o remontant
le Scebeli jusqu’à Bulo Burti; de là à Gorrahei, entrepôt, base aérienne
et Q. G., il a été construit à la cadence de io km par jour, 3oo km de
routes avec fondation et revêtement bitumé pour circulation à double
sens, dans une région sans matériaux d'empierrage, avec un pont
en ciment armé à 8 arches.
Conseillé par le général turc Wehib Pacha (connu par son action
anti-italienne en Albanie), le ras Nasibu avait organisé une ligne
fortifiée devant Sassabaneh, solidement tenue par des troupes équipées
à la moderne.
En face, le général Graziani tenait une ligne d’avant-postes à

Groupement de CAPRONI 111 de reconnaissance et de bombardement sur le même


terrain de Gorrahei.

iiiiiiiiiiiiiiiiin in iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii


828 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Ual-Ual, Gabredarre, Danane, éloignée en moyenne de 150km de
l’ennemi. Les forces, massées principalement dans l’Est du Secteur,
comprenaient les divisions métropolitaines Peloritana et Tevere, la
milice forestière du général Agostini revenue de la région de Dolo
après l’affaire de Neghelli à la frontière du Kenya, des bandes indi
gènes, des bataillons de carabiniers, et enfin le précieux renfort
nouvellement formé par la division lybienne constituée de volon
taires nord-africains.
L’offensive du général Graziani fut précédée, dans les dernières
semaines de mars, d’une série de bombardements aériens sur les
arrières de l’ennemi. D’abord, afin d’être tranquille dans le Sud, le
centre de Goba qui ravitaillait les troupes éthiopiennes de la région
de Neghelli fut détruit, le 20 mars, par une escadrille de monomoteurs
de bombardement partis de Neghelli.
Deux jours après, une trentaine de trimoteurs de la base de Gorrahei
bombardaient Djidjiga, opération renouvelée le surlendemain.
Le 29 mars, 33 avions dans un raid de 1000km attaquaient Harrar;
le 3o mars, ils bombardaientBulale à proximité du champ de bataille.
Tandis que les préparatifs italiens se poursuivaient, le chef éthiopien
essaya de prévenir l’attaque en envoyant sur Danane, faiblement tenu,
une colonne de 5000 hommes bien armés sous le commandement du
desdjematch Abebe Damtu. Partie de Dagamedo, elle fut rapidement
repérée par l’Aviation, ce qui permit d’amener dans le secteur la
division lybienne maintenue au repos à quelque i5o km dans le Sud.
La rencontre devait se produire à Gianagobo près du confluent
des rivières Gohar et Omein à 35 km au nord-ouest de Danane. Les
forces supplétives du général Navarra essayaient, en vain, le 15 avril,
de franchir la vallée encaissée du Gohar. Alors qu’elles étaient
arrêtées et assaillies, débordées sur leur droite, la division lybienne
vint à leur secours et, par un large mouvement tournant, détermina
la retraite des Éthiopiens.
Une fois de plus le processus paraît avoir été le suivant : arrivée
au contact de l’ennemi, harcelé sur ses arrières par l’aviation, attente
du déploiement et de l’attaque, large mouvement tournant avec des
forces motorisées autour de l’ennemi déployé et fixé; d’où le recul,
transformé en déroute par l’aviation et les colonnes rapides.
En cette occasion, toutefois, les Éthiopiens battirent en retraite
par les pistes sur Sagag assez rapidement pour échapper à la colonne
motorisée du général Verné, lancée sur ce village par Malcico en
suivant la route caravanière.
Cette colonne et la division lybienne constituaient l’aile gauche d’un
énorme déploiement, sur 200km de front, de troupes marchant concen
triquement sur Sassabaneh et comprenant au centre la colonne du
général Frusci, à l'Est les forestiers de la colonne Agostini.
L’objectif était constitué d’abord par une position avancée à
Hamanlei et Gunagado avec tranchées, réseaux épais, mitrailleuses,
projecteurs, le tout organisé soigneusement par le général turc et

iiiiKiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiin
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 829

Schéma d’ensemble des opérations finales sur le théâtre de Somalie.


830 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

(jondar et ses vieux châteaux portugais.

arrière était la position principale de Sassa-


des officiers belges. En
baneh-Bulale. Une position de repli autour de Dagabur avait égale
ment été installée. Des fausses positions avaient en partie trompé
les reconnaissances aériennes.
L’ordre d’attaque, lancé le 23 avril, visait, selon l’espoir habituel,
à l’enveloppement par les deux ailes.
La rapide progression de la colonne motorisée Verné jusqu’à
Dagamedo laissait espérer que, du côté gauche tout au moins, l’enve
loppement pourrait se faire aisément. Mais la division libyenne était
loin en arrière et, de ce fait, les trois bataillons de la colonne Verné
durent en hâte se retrancher pour résister à une forte attaque dans
la matinée du 24 avril. Dans la soirée les Éthiopiens se retirèrent,
mais, trop faible, le' général Verné ne poussa pas en avant.
La colonne centrale du général Frusci, aidée d’une préparation
aérienne, s’engagea au matin du 24 avril dans les bois de la vallée
du Fafan; elle y subit des pertes sérieuses. Vers 1oh 3o mln la résistance
faiblit, les troupes italiennes et indigènes s’avancèrent sur Hamanlei.
Un tir très ajusté les accueillit, mettant hors de combat 40 pour ioo
de l’effectif d’un bataillon. C’est en vain que l’Aviation se multiplia,
lançant 16 tonnes de bombes. L’attaque frontale dut être arrêtée.
A l’aile droite, la colonne également motorisée du général Agostini

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 831

parvint devant Gunagado et se heurta à une organisation puissante.


Le lendemain, 2,5 avril, fut renouvelée l’attaque centrale contre
Hamanlei, sans succès et l’ennemi contre-attaqua, mais faiblit dans
la soirée et se décrocha dans la nuit. Le général Frusci occupa Hamanlei
le lendemain, tandis que le général Agostini nettoyait la région de
Gunagado.
La retraite des Éthiopiens sur Sassabaneh fut facilitée par une
attaque de leur part sur l’aile gauche italienne qui tentait vainement
de franchir le cours du Fafan.
Les pertes fort élevées imposèrent au général Graziani une trêve
de deux journées, tant pour remettre de l’ordre dans les unités que
pour assurer le ravitaillement, entravé par de violents orages.
Au matin du 29 avril les chefs de colonnes reçurent par avion
l’ordre de reprendre les opérations. Une partie de l’aile gauche resta
sur place (colonne Verné) en prévision d’incursions ennemies venant
du Nord par la vallée du Sullul, tandis que la division lybienne,
toutes forces réunies prenait la direction de Dagabur. L’aile droite
dut remonter le cours du Gerer pour atteindre Bullaleh. Mais le
temps se gâta complètement.
La division lybienne ne parvint à franchir le Fafan, dont les
eaux avaient grossi, que dans l’après-midi.

Appareils CAPRONI 111 sur le terrain de Gura.

IIIIIII IIIIII II II IIIIIII III IIIIIIIIIIIIIIIIIIII IIIIIIIIIIIIIIIIII


832 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

La colonne du centre, en marche sur Sassabaneh, fut absolument


immobilisée par l’orage. Seule l’aile droite atteignit son objectif.
L’ennemi battait d’ailleurs en retraite et les troupes du générât
Graziani, entraient enfin à Sassabaneh le 3o avril; ainsi s’achevait
la dernière et l’une des plus meurtrières batailles de la guerre italo-
éthiopienne : 50 officiers et 1800 hommes tués ou blessés. L’aviation
en 17 jours avait accompli 760 vols, ayant 24 appareils atteints
par les projectiles.
Le ras Nasibu s’en
fuit à Djibouti avec
son conseiller Wehib
pacha, bien que ses
troupes aient pu se
soustraire à l’encer
clement, mais sans
doute leur moral et
celui de leur chef
étaient déjà minés
par les pertes subies
et par la nouvelle
de l’approche des
troupes italiennes du
Nord.
La marche
sur Addis Abéba.
La marche sur la
capitale éthiopienne
a posé avant tout
des problèmes diffi
ciles de construction
de routes et de ravi-
Schéma de la marche sur Addis Abéba. taillement.

1111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111<<111111111111<111111111111111111111111111111111
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 833

Il a été donné an parlement italien quelques précisions sur le


travail gigantesque de routes réalisé à la date du 15 avril : 354okm
de routes accessibles aux autos ont été aménagés dans l’ensemble
des territoires d’opération. Sur le front Nord en particulier, il y avait
plus de 800 km de routes à deux sens, fondations et revêtement
bitumé, et 14o0km de routes empierrées à sens unique. Les travaux
d’art ont été extrêmement nombreux : il a été lancé 1100m de ponts
de plus de 20m de longueur; les murs de soutènement sont multiples
et importants.
Cet énorme travail routier a eu sa conclusion dans la nuit du
21 avril, quand le maréchal Badoglio put être avisé que le dernier
tronçon de route reliant l'Érythrée à la route impériale était achevé.
La voie s’ouvrait à une colonne de plus de 1600 camions, de chars qui
allaient porter à une allure extrêmement rapide les troupes italiennes
dans la capitale et mettre ainsi le point final aux opérations.
L’ensemble des forces marchant sur la capitale se composait
de 10.000 hommes de troupes italiennes, autant de troupes
érythréennes, onze batteries sur camions ou sur mulets, un escadron
d’autos blindées. Tandis qu’une brigade érythréenne axec groupe 1

d’artillerie prenait la piste caravanière par Worra Ilu, et une autre


la route impériale, la colonne des camions transportant la division
Sabauda, un bataillon de chemises noires, la 2e brigade érythréenne,
3 groupes d’artillerie, et des unités du génie, passait aussi par la route

Trimoteurs CAPRONI 101 D. 2 attendant, sur le terrain d’Asmara,


l’ordre de départ pour un bombardement.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
R. A. A. — No 84. 8
834 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Rassemblement de trimoteurs de bombardement SAVOIA-MARCHETTI S. 81 sur


l’aérodrome de Ciampino {Rome), à l’occasion du XIII anniversaire de la création
e

de l’Armée de l’Air italienne.

impériale, en réalité un chemin de campagne, sans fondations ni


revêtement, avec des virages très étroits, des passages à gué nom
breux, des parties marécageuses et des dénivellations considérables.
La route impériale franchit à 3i5o m le col de Termaber que
6000 hommes commandés par un capitaine suédois devaient défendre,
mais à l’arrivée de la colonne tout s’était enfui. Peu après, une
destruction locale de la route arrêta la colonne pendant 3 jours.
Des milliers d’hommes rétablirent la circulation en constituant,
sur 15m de long et 3o m de haut un mur en pierres sèches, sous les
yeux mêmes du maréchal Badoglio que la nouvelle de la fuite du
Négus et de la révolution à Addis Abéba pressait d’arriver.
On sait comment se fit, le 5 mai, cette entrée triomphale.
Conclusion.
Les opérations militaires étaient terminées. Des opérations de
police sont encore en cours, auxquelles se sont consacrés notamment
le II lee
,
III
e et le IV e C. A. restés en arrière.

Il a été dit, dans l’éditorial du précédent numéro, les raisons pour


lesquelles nous croyons qu’il faut être prudent dans les conclusions
à tirer de la guerre italo-éthiopienne pour l’usage européen. On
voudrait plutôt comparer ces opérations, soit à celles d’il y a dix ans
au Maroc, soit à l’ « Air Control » pratiqué en Irak, quoique les
conditions fussent loin d’être identiques. Ce n’est pas encore l’heure
de se livrer en quelques lignes à semblable travail : les opérations
italo-éthiopiennes méritent une sérieuse réflexion par leur ampleur,
leur variété, leurs résultats.

miiiiiiiiiiiiieiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
trimo

de

escadres

cinq

de
équipages

italienne).

les

revue
l’Air

en
de
passe
l’Armée

Mussolini,

de

création

M.

par
la
de
conduit

anniversaire

Gomboes,

C
^X1I1
M.

hongrois

81

S.
Ministre
SAVOIA-MARCHETTI

le
Borne.

de
teurs
près

Ciampino,

de

l’aérodrome

Sur
836 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
Nous nous contenterons de présenter les remarques suivantes.
On attendait de l’Aviation son travail habituel de reconnaissance ;
elle l’a accompli totalement, tant par ses observations que par une
formidable activité photographique : 2000km2 en 5 jours, pour l’éta
blissement d’une carte au 1/100.000e.
L’Aviation a assuré la liaison permettant à de petites unités de
s’aventurer hardiment sans risques. Un lecteur italien nous l’a fait
remarquer à propos de la bataille du Tembien : jamais les communi
cations de Macallé n’ont été réellement menacées, ainsi que nous
l’avions écrit, car « l’aviation veillait ».
L’Aviation a transporté les états-majors, par exemple le Q. G. du
maréchal de Macallé à Dessié avec 12 avions Caproni 133.
L’Aviation italienne n’a pas eu de combats aériens : elle a détruit
au sol 6 avions éthiopiens à Quoram, près de Gondar et à Addis Abéba,
simples appareils de liaison.
L’Aviation a bombardé avec intensité. Quel a été l’effet de son
intervention ? C’est ce qu’on essaiera de juger quand seront publiés
les récits détaillés d’opérations.
Enfin, dans ce pays aux communications difficiles, l’Aviation a
joué un rôle décisif de ravitaillement, soit par lancement en vol pour
lequel un matériel spécial avait été créé (des torpilles de i m de long,
attachées à un parachute et munies d’un système amortisseur du
choc), soit en atterissant sur des terrains préparés (1000 tonnes
transportées de Mogadiscio à Gorrahei).
Des tâches nouvelles s’imposent à elle maintenant pour la mise
en valeur du pays et pour tenir le rôle qu’assigne aux possessions
italiennes en Afrique orientales leur situation privilégiée sur la route
maritime de l’Extrême-Orient.
P. E.

IIIII111111111 II 1111111II il III11111111II11III11II111IIIIIIIIIIII1111 III111II II 11III II lllllll II II II II III11IIIII1111111IIIIIII Illl 11IIIIIIII


InilIlHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIMIIIII111IIIIIIIIIIIIIIIIIIl II llllllllllllll II II SlllllllllllllllllitllllllllllllllllllllllllllllltlHUI»

BIBLIOGRAPHIE

Jahrbuch der deutschen Luftwaffe


(Annuaire pour 1936 de l’Arme aerienne allemande), par le D r Kurbs,
capitaine au Ministère de l’Aéronautique de l’Empire. (Breitkopf
und Hcirtel, Leipzig, 184 p. — Prix, relié, 4,80 R. M.)
Rien de ce qui concerne l’Aéronautique allemande ne doit nous
être étranger; ce livre est donc à lire. Au surplus, il est fort intéressant,
réunissant, sous l’égide du Ministère de l’Aéronautique, les signatures
de quelques-uns des chefs dont la réputation a franchi le Rhin :
le colonel Christiansen, conducteur d’escadrilles en Mer du Nord,
le colonel Felmy connu sur le front d’Orient, le Dr Orlovius, Von Rülow
Feuchter, etc. Chacun a traité le chapitre de sa spécialité, dans un
esprit d’appel personnel à la collaboration des jeunes et à la confiance

Le Führer et M. Goering visitant la Maison des aviateurs, à Berlin.

III II II 1I11IIIIIIII11IIIIIII| III | II1111111II1111111II1111111III11IIIllfl111II11III11III11111111111II1111III1111III11|1111111II111IIIIIII


| IJ
838 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
de la Nation qui, du seul point de vue de la propagande, mérite déjà
l’examen.
Nous glanons quelques passages en vue de souligner l’intérêt du
livre.
Du lieutenant-colonel von Greim, l’attaque victorieuse d’un tank
par avion, le 23 août 1918, dans un piqué vertical pour atteindre
les blindages supérieurs les moins épais.
La création, la mort et la résurrection de l’escadre Richthofen, en
particulier l’émouvante dissolution de cette célèbre unité au moment
de l’armistice, avec un tableau de 644 victoires, 56 officiers tués,
52 blessés, par le lieutenant-colonel Bodenschatz qui l'ut l’adjoint
du lieutenant Goring, successeur de Richthofen.
L’organisation du Service des liaisons aéronautiques, auquel un
développement considérable a été donné, est décrite par le major
Claes. Ce Service, véritable système nerveux de l’Aéronautique, a
pour activité l’établissement de toutes les liaisons par fil et par radio
entre les unités, également l’exploitation du réseau de guet étendu à
tout le territoire national. L’emploi des machines de transmission de
l’écriture est très largement prévu, comme évitant bien des erreurs
des transmissions téléphoniques qui exigent des répétitions trop
longues.
Le major Basse insiste sur l’importance croissante de la recon
naissance photographique, estimant que les conditions de la guerre
moderne rendent la reconnaissance à vue de plus en plus problé
matique.
Terminons par l’extrait d’un curieux dictionnaire de l’argot des
aviateurs. P. E.

HIIII IIIIIIIIIIIIII IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII


REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR. 839

Diritto marittimo di guerra


(Droit maritime en temps de guerre),
par ROBERTO SANDIFORD
(Ufficio Storico del Capo di Stato Maggiore della Reale Marina,
214 p. — Prix : 7 lires).
Un traité de droit maritime pour le temps de guerre, extrêmement
complet. L’auteur, Roberto Sandiford, est le grand spécialiste italien
de la question. Les nombreux articles qu’il a publiés sur ce sujet dans
les revues spécialisées françaises et italiennes le prouvent (1).
Le traité qu’il présente aujourd’hui résulte des études auxquelles
il a procédé depuis 1925 sous la direction de l’État-Major général
de la Marine italienne. Sans doute, dans l’ouvrage actuel, l’élément
aéronautique constitue-t-il une part peu importante, mais une connais
sance approfondie du droit maritime n’en est pas moins un guide
précieux pour l’étude du droit aérien appliqué à la mer. P. Ba.

Pour mémoire (questions aériennes) :


(1)

— Guerra chimica e batteriologica (Riuista Marittima, juin 1928).


— Aviazione e blocco marittimo (Rivista Aeronautica, juin 1928).
•— La neutralita nella guerra aera (Rivista di Diritto aeronautico, avril 1930).
•— La participazione del arma aera nella guerra marittima (Rivista Marit
tima, mars 1931).
— Les îles flottantes (Le Droit aérien, février 1931).
•—Note sul Diritto aero di guerra (Studi di Diritto Aeronautico, juin 1931).
— L'idrovolante e il suo régime guiridico (Studi di diritto Aeronautico,
septembre 1932).
— La neutralité aérienne (Revue générale de Droit international public,
décembre 1982).
Brevi note sull'analogia ira diritto marittimo e aeronautico (Studi di
Diritto Aeronautico, septembre 1933).
— Questions juridiques sur les aéroports de haute mer (Revue aéronautique
internationale, septembre 1984).
— Sull'embargo delle armi (Rivista Marittima, novembre 1984).

Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllxlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
840 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

La préparation au B.A.P., au B.P.E.S.M., aux brevets de spécialités,


par les Capitaines Elichondo et Labrunie. (Imprimerie Delmas,
Bordeaux. 276 p. — Prix : iotr .)
Un petit ouvrage condensant l’essentiel des connaissances générales
de préparation militaire.

Un homme volant Jan Olieslagers, :

par W. Coppens de Houthulst. (Les Éditions, Rex, Bruxelles. —


Prix : 6 F. B.)
Parmi les jeunes d’avant-guerre, le « démon anversois », Olieslagers,
coureur motocycliste, avait acquis une réputation d’audace. Sa
renommée s’accrut de ses exploits comme pilote de Blériot. Mais son
dévouement pendant la guerre est moins connu.
Nul mieux que le grand as belge, W. Coppens de Houthulst, ne
pouvait raconter la carrière militaire d’Olieslagers, bien analogue à
celle de notre Védrines. Mais la Belgique a la chance de posséder
encore Jan Olieslagers.

Gaz de
guerre et guerre de gaz,
par Walt W. Wilm et A. Chaplet. {Danguin, Paris. 136 p.
Prix : io,r .)
Brochure de vulgarisation, indépendante de toute réclame commer
ciale, résumant la plupart des articles publiés sur ce sujet.

Kleinkrieg,
(Guérilla), par Arthur Ehrhardt
{Ludwig Voggenreiter, Postdam. 112 p.).
petit livre donne un exposé historique très intéressant de diverses
Ce
guérillas. L’auteur aborde ensuite la guérilla dans le cadre des armées
modernes et montre que l’énorme développement des convois rend
croissant l’intérêt de cette forme d’intervention. Il termine en
étudiant le rôle des armes nouvelles, en particulier de l’aviation,
pour soutenir ou pour contrebattre la guérilla.

Le Gérant : E. Thouzellier.
uni iiiiiiiiii llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllliii
1

104664. — Imp. Gauthier-Villars.


sss

Vol de groupe de bombardiers Amiot-S. E. G. M. 142.

Revue de l'Armée de l’Air


N° 85 SOMMAIRE Août 1936
PREMIÈRE PARTIE.
Pages.
Note éditoriale. — Le Ministère de la défense nationale 843
Le tir par le travers à bord des avions rapides,
par Pierre de VALROGER 850
Emploi des ballons dans la défense aérienne,
par le Commandant J. LUCAS 863
A la conquête de la stratosphère (fin),
par Mile Reysa BERNSON 888
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation militaire française
(suite ),
parle Lieutenant-Colonel BELLENGER 917

<llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
11. A. A. — No 85. 1
842 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.

DEUXIÈME PARTIE.

INFORMATION GÉNÉRALE
Pages.
Témoignage d’un attaché américain sur la psychose de guerre.. 925
. .
Coordination des Départements de la Guerre, de la Marine et
de l’Air 926
Nouvelles d’Italie 928
Nouvelles de Grande-Bretagne, par P. E. 929
Stratégie aérienne, par P. E. 937
La mobilisation de l’Autriche-Hongrie en 1914 942
Le dépanneur d’hydravions type Kervarrec. — La bombe ailée Mac
Millan, par P. Ba. 943

LE MATÉRIEL DES AVIATIONS NATIONALES


France. — Le bimoteur Amiot-S. E. C. M. 144 945

BIBLIOGRAPHIE.
Die Physiologie des Menschen im Flugzeug. — Notions générales
sur la réparation des moteurs d’aviation. — Jagd in Flanderns
Himmel. — The Air Annual of the British Empire 953

<iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiii>iii!iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiriiiiniiiiiii>t>
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiniiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiHiii

Note éditoriale.

Le Ministère de la Défense nationale.

La question est et reste d’actualité. Elle a fait l’objet d’une


étude du maréchal Pétain dans la « Revue des Deux Mondes »
(1 er mai 1936) ; surtout elle vient de se traduire par des inno
vations dans les prérogatives du ministre de la Guerre actuel,
le fait donnant lieu à un commentaire intéressant dans
« Le Temps » du 13 juin.
On sait enfin qu’un poste de ministre de la Défense nationale
a été récemment créé en Angleterre et qu’il a suscité déjà bien
des observations dans la presse britannique. Nous parlerons
plus loin du système en vigueur outre-Manche. Nous préférons
entrer d’abord au cœur du problème.
Le Ministère de la Défense nationale — c’est maintenant
presque un lieu commun — procède d’une idée de coordination
dans l’action des trois ministères militaires et, consécutivement,
d’une révision de l’importance respective de l’Air, de la Guerre
et de la Marine. Sur cette voie, on est conduit à concevoir :
— une école, où l’on étudie les problèmes généraux de
Défense nationale ;
— un état-major, qui les élabore ;
— une autorité militaire, pour les résoudre ;
— un ministre, responsable.

LE CHEF SUPRÊME.
Procédant du simple au complexe, nous laissons de côté
l’école et l'état-major, dont l’intérêt est évident et la création
sans difficultés réelles.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
844
autorité militaire rencontre des obstacles
L’institution de V
bien elle n’existe pas, ou bien elle
puisque, selon les pays, ou
conseil de nombreux membres, ou encore
est faite d’un avec
réunion des trois chefs de l’Air, de la Guerre
elle résulte de la réellement par
bien enfin elle est incarnée
et de la Marine, ou
un chef suprême.
A l’institution de ce « chef suprême » on oppose :
d’état militaire; nous n’en parlerons pas
—- la peur du coup
ici ;
le poids écrasant de la tâche.

militaire embras
Comment concevoir, dit « Le Temps », un chef
« aussi différentes que celles de la guerre
sant, à la fois, des techniques elles étaient encore
maritime et aérienne ? En un temps où
terrestre, suffi. »
rudimentaires, le génie d’un Napoléon n’y a pas
s’il fallait attendre de rencontrer le
On peut répondre que, qu’il n’est
jamais rien;
génie pour entreprendre, on ne ferait
d'embrasser les techniques dans leurs détails et
pas question écrasante ne provient pas
leurs particularités; que la charge
problème, mais des éléments inconnus qu’il
de l’amplitude d’un
l’Italie par exemple, n’ont pas hésité
renferme; que des pays, tel rôle
qu’on voit pas pourquoi un
à créer le poste; enfin, ne
faire jouer
celui qu’on prétend
serait plus écrasant que élargit de plus
aujourd’hui à un président du Conseil dont on

en plus la tâche.
plutôt quel est l’avantage de ce chef suprême sur
Voyons
trois chefs d’état-major, solution actuelle :
le Comité des
coordonner les programmes, d’éviter les
S’il s’agit de
—•
d’unir les Services communs, les membres d’un
doubles emplois,
aisément d’accord et présentent, au ministre
Comité tombent
opposé des suggestions d’administration que
qui leur est « »,
le bon sens suffit à régler;
prélever sérieusement sur les crédits
— Quand
il s’agira de
doter plus richement sa voisine, l’accord sera
d’une arme pour
ministre quand chacun des intéressés
impossible. Que fera le personnelle
poids d’une responsabilité
soutiendra sa thèse du reculera, ou
prendre? Ou bien le ministre
qu’il ne voudra plus
bien il décidera dans l’inconnu; expériences néces
bien évidemment, les études et
Enfin,
—•
activement entreprises par le chef unique, qui
saires seront plus
«llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllll
aura seul la responsabilité de ce rôle, que par le Comité où se
rencontreront des conceptions techniques divergentes, toutes
également convaincues, toutes également convaincantes pour
le non-technicien.
Si l’on hésite à créer le poste de chef suprême, qu’on limite
d’abord les attributions de celui-ci. Qu’il dirige seulement les
études et expériences destinées à asseoir la doctrine de la
Défense nationale. Quant à sa lettre de commandement général,
elle peut être réservée.
Et c’est une des raisons pour lesquelles nous croyons ne pas
jouer au paradoxe en pensant que le premier chef d’état-major
général de la Défense nationale devrait, sans doute, être un
stratège marin :
— Les problèmes de communication et de ravitaillement sont
à la base de la conduite de la guerre, surtout s’il s’agit de
guerre de peuples; et ce sont les problèmes pour lesquels notre
pays a le moins d’indépendance actuelle;
— Selon nous, c’est dans le domaine maritime qu’il y a le
plus de bouleversements à attendre de la collaboration Avion-
Navire, collaboration si essentielle et naturelle que certains ont
pu souhaiter voir Air et Marine confiés à un même ministre.

LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE.


La difficulté la plus grande réside dans l’organisation du
pouvoir civil, personnifié par un ministre de la Défense natio
nale :

— ayant assez d’indépendance, vis-à-vis des autres éléments


du Pouvoir, pour agir efficacement, sans toutefois exposer le
pays au danger de la politique personnelle ;
— soumis au contrôle, nécessaire dans un Etat moderne
comme le nôtre ;
—- ayant,
malgré la brièveté habituelle de sa vie ministérielle,
assez d’autorité sur les techniciens permanents;
— exactement renseigné, bien qu’il ne tienne généralement
ses informations — par le fait d’un système fâcheux qu’il fau
drait réformer — que de ceux-là mêmes dont il doit apprécier
les suggestions.
On peut proposer des solutions multiples.
Il y a d’abord la solution conforme au système politique
llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllinilllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllliuill
846 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Pouvoir exercé le Conseil des ministres pris
actuel où le est par
solidairement respon
dans son ensemble, les ministres étant
la politique générale du Cabinet. Le ministre de la
sables de
ministre les autres. Cette
Défense nationale est alors un comme
séduit seulement parce qu’elle est confor
solution ne nous pas
qu’elle semble la plus capable de réaliser
miste, mais parce nous
la Défense
l’accord intime et permanent entre l’orientation de
politique générale du Cabinet, accord spéciale
nationale et la
important des ministères composés de représentants
ment pour
plusieurs partis politiques associés dans la majorité.
de
paraît préconiser le maréchal Pétain,
Il y a la solution que
nationale, et
celle d’un ministre d’Etat pour la Défense
d’essence particulière :

Il est chargé
—•
gouvernement, d’un pouvoir de coordination
« par
délégation du
tout qui touche à la Défense nationale ».
pour ce
parler homme politique, puis
proprement un
« Il cesse
d’être à
libéré responsabilités administratives d’un département.
qu’il est des
bénéficier d’une certaine longévité ministé
Il peut, par conséquent,
rielle garantissant la continuité des vues. »

avantages techniques du système, mais


On voit les précieux
avoir fait apercevoir plus haut les inconvé
nous croyons en
nients politiques.
présentée dans l’article précité
Une troisième solution a été
ministre de la Défense nationale
du « Temps ». Ici encore, le
d’essence spéciale il est un représentant du président du
est :
tâche.
Conseil des ministres, trop absorbé par sa
L’auteur déclare :
véritable chef responsable de toute la Défense nationale est
« Le fâcheux que ce décret (1)
le chef du gouvernement lui-même. Il serait
essentielle de sa charge » ;
le désaisît de cette prérogative
l’auteur précise, à propos du Secrétariat général
et, plus loin,
Conseil supérieur de la Défense nationale, que ce Secréta
du
riat est
devrait être
«
l’émanation du pouvoir gouvernemental suprême, que
Présidence du Conseil logiquement organisée ».
une

juin 1936, attribuant au ministre de la Guerre des pouvoirs


(1) Décret du 6
numéro (p. 926).
de coordination, et reproduit dans ce
Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllb
Ici encore voit la déviation apportée au système actuel
on
de la solidarité ministérielle dans le sens — en grande faveur
depuis quelques années —- qui tend à constituer le pouvoir
personnel du président du Conseil au sein même de l’Exécutif.
À première vue, la conception paraît voisine de celle qu’a
adoptée le gouvernement britannique. Théoriquement, elle
échappe aux objections politiques qu’on pouvait opposer à la
solution précédente ; en fait, on peut craindre que ce ministre
de la Défense nationale, délégué du président du Conseil, ne
s’oriente sans frein selon ses propres conceptions.
On ne saurait d’ailleurs développer le pouvoir personnel d’un
président du Conseil sans y constituer un contrepoids par de
nouvelles modifications constitutionnelles, telles par exemple
que l’élection directe par le peuple à la manière des Etats-Unis
ou le plébiscite.
Finalement, pour des raisons de politique et d’équilibre, c’est
le ministre d’Etat pour la Défense nationale, ministre sans pou
voirs aîitres que ceux de tous ses azitres collègues du Cabinet,
qui nous paraît l’institution la plus satisfaisante.
Comment, dans ce cas, assurer la gestion de l'énorme admi
nistration des forces armées ? Avec des ministres de l’Air, de
la Guerre et de la Marine, ou bien avec des sous-secrétaires
d’Etat (comme en Italie), ou même simplement des Directions
(comme en Allemagne) (1).
Dans les deux derniers cas, on accuse la prédominance du
ministre de la Défense nationale, afin d’éviter tout conflit pos
sible à la table du Conseil des ministres.

L’EXPÉRIENCE ANGLAISE.
Les récents débats sur le sujet de la Défense nationale au
Parlement britannique sont intéressants à suivre, puisque la
Grande-Bretagne a devancé de quelques mois la France dans
la création d’un poste de ministre de la Défense, occupé actuel
lement par Sir Thomas Inskip.

(1) cependant en Allemagne un Ministère de l’Air, mais en raison de


Il y a
la personnalité du général-ministre Gœring et de l’importance de son rôle
politique à l’origine du national-socialisme, peut-être enfin pour traduire
l’importance spéciale de l’aviation pour les régimes « totalitaires ».

'IIIIIIIIIIIIIIIIIlllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIIIIIIHIIIIlilIlllIIIIIIIIIJ
848 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
orateurs ont souligné qu’il ne s’agit pas seu
La plupart des
d’une coordination destinée à améliorer la gestion au
lement
publiques, et moins encore de faire du
bénéfice des finances
titulaire quelque ministre de l’Armement. Il s’agit de lui con
problèmes les plus élevés et les plus larges : fusion des
fier les
coordination des moyens de défense
doctrines des trois armes,
paix système de sécurité collective,
propres à garantir la par un
de l’Empire et dans le cadre des puissances liées
dans le cadre
par la S. D. N.
voici manière de conclusion, une obser
Et à ce propos, en
remarquable lue dans The Army, Navy and Air Force
vation «

Gazette » du 4 juin dernier :


probable qu’un ministre moyen est incapable
« Il est
hautement
d’assurer la coordination des Services de la Défense
par lui-même ministre dispose du temps nécessaire.
nationale et aucun premier ne
organisation qui
Le ministre responsable doit donc se reposer sur une
problèmes dans une forme qui lui soit compréhensible,
lui présente les
théoriquement, le rôle du
éclaire le jury. Tel est,
comme le juge avis, et nous voudrions nous
Comité de la Défense impériale. A notre
surestime Comité qui est la racine de tous les troubles
tromper, on ce
jamais réellement coordonné
subis par notre Défense nationale; il n’a
la stratégie et la tactique. traversée de la Manche
travail d’organisation de la
Son magnifique célèbre
Expéditionnaire de 1914 et sa préparation du
»
par le Corps
Guerre ont été de la coordination administrative et rien
Livre de Est, le défaut d’appré
bases navales sur la côte
de plus. L’absence de tragédie de Galli-
valeur la sous-marine et la
ciation de la de menace
cela montre haut Comité était aveugle à l’égard des
poli, tout que ce
techniques.
possibilités de la guerre dans ses aspects
même chose reproduit aujourd’hui. Nos dépla
» A notre sens,
la se
Méditerranée, au cours de la crise récente, ne sont pas
cements en
stratégiques, mais la simple répétition de 1914.
seulement des erreurs
le Comité n’a pas entrepris l’étude des con
Ils ont eu lieu parce que nécessairement
stratégie. Cette étude aurait dû
ditions modernes de la forces armées; or,
des exercices combinés des trois
avoir pour base plaisanterie.
il y a eu un seul exercice, essentiel,une vraie
Ainsi, notre problème qui est celui du commandement
»
solution. Jusqu’à ce qu’il soit résolu, la coor
stratégique, reste sans
administrative sera d’une efficacité limitée, parce qu’elle
dination exemple, d’établir
n’aura pas de but réel. n’est pas Il
nécessaire, par
être terrassés
ravitaillement vivres, si nous pouvons
des plans de en
Londres et les autres
jours attaque aérienne sur
en huit par une
faiblesse du système réside en la
centres vitaux. Le remède à la
coordination, avec un
constitution d’un Etat-major professionnel de
professionnel à sa tête. »

iiiiiiifliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiin
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 849

observations valent pour la France. A nos yeux, elles


Ces
analysent de façon pertinente l’insuffisance des demi-mesures
par lesquelles on a voulu seulement aborder — nous l'espé-
rons — l’étude du problème vital : l’unité, et non pas la coor
dination, dans la préparation et, éventuellement, dans l’action
militaire.
Editorial.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII11IIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIII1II
JXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXI

Le tir par le travers à bord des avions rapides

Par Pierre de VALROGER.

A diverses reprises, certains milieux aéronautiques ont émis


l’opinion que le tir aérien ne serait bientôt plus possible que
dans l’axe de l’avion ou dans son voisinage immédiat. L’ar
gument invoqué est une prétendue déviation du projectile due
à l’effet du vent relatif, dans le cas du tir par le travers. Le
projectile serait basculé à la sortie du canon par la gifle de l’air
et tout tir par le travers deviendrait impossible à partir d’une
vitesse qui n’a, d’ailleurs, jamais été précisée.
Nous n’avons trouvé nulle part d’explication plausible de
parfaitement établi par
ce résultat, annoncé pourtant comme
de nombreux auteurs dans différentes revues, et même dans les
plus officielles d’entre elles. Le fait mérite d'être tiré au clair,
car il a une importance capitale dans l’évolution de l’aéronau
tique militaire et n’est pas sans conditionner la construction
future des avions.
Nous ne croyons pas, pour notre part, à ce résultat dû à
des sentiments, à des impressions, et qui ne repose sur aucune
expérience scientifique. Nous prétendons même que le tir dans
n’importe quelle direction est parfaitement possible, quelle que
soit la vitesse des avions, et que la précision du tir ne dépend
celle permise les matériels servant à déterminer les
que de par
corrections.
Nous allons, en conséquence, examiner théoriquement la tenue
du projectile sur sa trajectoire dans le cas du tir par le travers.
Précisons d’abord que dans l’expression « tir par le travers »
lesquelles l’axe
nous comprenons toute position des armes pour
du canon fait avec la vitesse aérodynamique de l’avion un angle
notable, c'est-à-dire supérieur à dix degrés (fig. 1).

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiüiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiu
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 851

Pour simplifier toutefois l’exposé, nous supposerons, par la


suite, que cet angle a une valeur voisine de 90 degrés, et nous
négligerons l’effet de la pesanteur, qui n’intervient pas dans
les raisonnements qui suivent.

CAS DU PROJECTILE SPHÉRIQUE.


Ilest un cas simple à traiter : c’est celui du projectile sphé
rique lancé sans rotation initiale, qui est assimilable au point
matériel de la dynamique classique.
Supposons donc un tel projectile lancé par le travers avec
une vitesse Vo, à bord d’un avion évoluant lui-même avec une
vitesse v par rapport à l’air.

Canon

Fig. i. — Épure élémentaire du tir à bord d’un avion.


Vo est la vitesse initiale du projectile rapportée au canon; v est la vitesse de
l’avion (vitesse par rapport à l’air); V est l’orientation du canon. Le plan défini
par les vecteurs v et Vo est appelé plan-tireur. Dans les figures 2 et 3, ce plan
est pris comme plan de figure.

Par rapport au tireur, la trajectoire du projectile paraît s’in


fléchir, cet effet s’amplifiant d’autant plus rapidement que la
distance augmente. Cette trajectoire, que nous appellerons
« trajectoire relative », est donc incurvée par le vent relatif
(fig. 2) dans le sens de celui-ci; une telle trajectoire pourrait
être matérialisée au moyen de projectiles traçants, si l’on dis
posait du moins de projectiles sphériques de cette catégorie.
Le projectile ne suit donc pas, par rapport au tireur, la route
que lui assigne le canon ; il dévie dans le sens du vent.
Il en résulte que le tir doit être corrigé ; la correction cor-
111111111 11 1
85a REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
respondante est fonction de la distance, et d’autant plus impor
tante que la vitesse de l’avion est plus grande.
Elle a été parfois désignée par erreur sous le nom de « cor
rection-tireur »; nous l'appelons pour notre part a correction
de vitesse relative ».
Le problème est beaucoup plus clair si l’on rapporte la tra
jectoire à l’atmosphère.
Le projectile pénètre dans l’atmosphère avec une vitesse Wo,
géométrique de V et v (fig- 3). Le projectile une fois
somme o
lancé, le tireur n’a plus d’action sur lui; le projectile va donc
décrire dans l’atmosphère la droite, prolongement du vec
teur W.. L’angle des deux vecteurs W. et V,, désigné par 0, est
appelé « correction-tireur ». Cet angle est en général petit :
5 degrés dans le cas d’un projectile lancé par une
mitrailleuse
de petit calibre tirant latéralement à bord d’un avion
évoluant
à 200kmh

— Trajectoire relative.
Fig. 2.

La trajectoire représentée, qui est rapportée à l’avion-tireur, est curviligne;


projectiles
c’est cette trajectoire qui apparaît au tireur lorsqu’il utilise des
traçants.

La valeur de la correction-tireur augmente avec la vitesse v


de l’avion tireur. Mais, quelle que soit la valeur de v, cette
valeur serait-elle même supérieure à celle de la vitesse initiale
du projectile, la trajectoire de ce dernier dans l’atmosphère
serait rectiligne et la position de cette trajectoire serait par
faitement déterminée.
Bien que les projectiles sphériques ne soient pas utilisés, le
résultat est bon à connaître. On en déduit que le tir par le tra-

iiiiui i il in i ii i nu il ii i il ii i
11 11111 ii 111 ii il 11 in 111111111 in 111 in ni 1111U1111111111Uni 1111111 mi un ii ii i mi | ni ii uni
11 11 1
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 853

vers, tout au moins avec des projectiles sphériques, sera tou


jours possible à bord des avions les plus rapides.
Connaissant en effet la correction-tireur, le problème à
résoudre consiste à déterminer la correction-but, c’est-à-dire
le point de l’atmosphère où le projectile doit rencontrer l'avion-

Fig. 3. — Trajectoire absolue.


C’est la trajectoire rapportée à l’atmosphère; elle est rectiligne, du moins
tant que l’on néglige la courbure provoquée par la pesanteur.

but. La correction de tir totale, somme géométrique de la cor


rection-tireur et de la correction-but, se réduit d’ailleurs à la
seule correction-tireur dans le cas particulier du tir sur objectif
au sol, par vent nul.
Ajoutons enfin que le projectile sphérique, loin d’être une
utopie, conviendrait parfaitement au combat à faible distance
(de l’ordre de 200m), et que l’emploi d’un tel projectile faci
literait certainement l’établissement d’armes automatiques à
grande cadence.

CAS DU PROJECTILE RAYÉ.


Le cas du projectile sphérique est, pour le moment du moins,
théorique, puisque les seuls projectiles utilisés actuellement
sont du type ogivo-cylindrique. De par sa forme, un tel pro
jectile ne possède pas de stabilité propre. On lui communique
donc une vitesse de rotation sur lui-même, destinée à le stabi
liser sur sa trajectoire.
Le mécanisme de cette stabilisation est décrit dans tous les

««lilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltItlIlllllllllilllHIIItlIllllllllllIlllIllllllllllinillllllllllllllllllHfMllllllllB
85 4 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
noyé généra
cours de balistique, où l’exposé des résultats est
lement dans des calculs assez volumineux. La détermination
complète du mouvement du projectile autour du centre de gra
vité présente peut-être un attrait pour le mathématicien; elle
n’a pas grand intérêt pour l’ingénieur, car les bases sur les
quelles ces calculs reposent sont assez aléatoires.
Nous n’avons trouvé nulle part, en effet, de détermination
expérimentale, aux vitesses supra-soniques, des actions de l'air
n’avons
sur un projectile incliné sur sa vitesse propre. Nous
jamais rencontré non plus un auteur qui tienne compte de la
dissymétrie des actions de l’air, causée par la rotation du pro
jectile; or cette action, connue sous le nom d'effet Magnus, est
loin d’être négligeable, comme le montrent les expériences
faites en soufflerie.
Nous ne prétendons donc pas refaire ici un exposé mathéma
tique des faits sur de nouvelles bases, mais essayer de montrer
qualitativement l’influence, sur la stabilisation du projectile,
des différentes actions du milieu ambiant.
Commençons par déterminer approximativement le degré de
stabilité que confère au projectile la rotation dont il est animé.
La vitesse de rotation est voisine de 180.000 tours par minute
correspondante,
pour une balle de 7 mm,5. La vitesse angulaire
désignée dans ce qui suit par Q, est considérable; rappelons,
gyroscopiques, consi
pour mémoire, que les tores des compas
dérés pourtant comme animés de rotations très rapides, tournent
à 20.000 tours par minute.
Supposons la balle tirée latéralement d’un avion évoluant
à 300kmh la vitesse initiale de cette balle étant égale à 800 m/sec.
,
La correction-tireur est égale à 6 degrés environ. Supposons que
la résultante des actions de l’air sur la balle, désignée par R
(fig. 4), soit égale à 505 poids, soit six fois le poids du projec
tile, et que cette résultante passe à 0 mm ,6 en avant du centre
de gravité; ces chiffres résultent d’essais en soufflerie à petite
vitesse sur des corps analogues au point de vue forme, mais ne
tournant pas. Le couple perturbateur a alors pour valeur
C = 0,06 x 50 x 981 (C. G. S.),

soit sensiblement
G = 3000 (centimètre,dyne).

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllUIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 855

Le moment d’inertie de la balle autour de son axe a environ


pour valeur
=0,22 (gramme.centimètre-).
1

La vitesse de désorientation du projectile a donc pour valeur

1
C
X Q
=
0,22 X
3000
; 000
1 80

60
X 22 = ‘
0,73
.
radian seconde),
1 ‘
c’est-à-dire que cette désorientation atteindrait sensiblement
40 degrés après un parcours de 600m. Une rotation de 90 degrés
ne serait obtenue qu’après 1200m de parcours environ. On
est donc loin de voir la balle basculer à sa sortie du canon
comme une imagination trop prompte aurait tendance à le
laisser croire.

Fig. — Résistance aérodynamique d’un projectile soumis à un vent latéral.


4.

La résistance de l’air R passe sensiblement en avant du centre de gravité G du


projectile. Dans l’application envisagée, 9 = 6°, h = o mm ,6 et R = 508 poids.

Puisque le projectile ne bascule pas à la sortie du canon, la


trajectoire de son centre de gravité ne présente a priori, au
départ, aucune singularité. Nous sommes ainsi conduits à
admettre, en première approximation, que cette trajectoire est
rectiligne, comme celle du projectile sphérique. Nous pouvons
donc, à l’origine, étudier séparément le mouvement du centre
de gravité et le mouvement du projectile autour du centre de
gravité.

iiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiu
856 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

MOUVEMENT DU CENTRE DE GRAVITÉ.


La résistance R (fig. 4) est inclinée sur la vitesse W (1) ; la tra
jectoire n’est donc pas rectiligne, mais incurvée vers la droite.
Mais cette inclinaison étant faible, du fait que la vitesse Wo
est elle-même peu inclinée sur l’axe du projectile,
la trajectoire
paraît présenter une incurvation négligable, du moins à l’ori
gine du mouvement.
Remarquons à ce sujet que le projectile marche « en crabe »
qu’un avion par rapport
par rapport à l’air, de la même façon
de travers.
au sol lorsqu’il est soufflé par un vent

MOUVEMENT AUTOUR DU CENTRE DE GRAVITÉ.


Nous supposons dans ce qui suit le canon rayé à droite, c’est-
à-dire communiquant au projectile une rotation dans le sens des
aiguilles d’une montre pour le tireur qui le voit s’éloigner. La
résistance de l’air R passant en avant du centre de gravité, le
projectile va amorcer une rotation tendant à lui faire « lever
le nez » ; nous avons chiffré précédemment la grandeur approxi
mative de la vitesse de rotation correspondante.
La désorientation du projectile qui en résulte, a pour effet de
modifier la position dans l’espace de la résistance R. Cette
résultante a subi, d’une part, un déplacement vers le haut, d’autre
part, une rotation autour de la vitesse Wo, puisque R reste cons
tamment dans le plan passant par la vitesse et l’axe du projec
tile : «plan axe-vitesse », comme nous l’appellerons désormais.
La rotation qui a donc fait initialement « lever le nez » au pro
jectile, va donc continuer son action en poussant toutefois légè
proche en
rement le projectile vers la gauche. En raisonnant de
proche sur de très petits déplacements, on voit qu’en définitive le
projectile décrit un cône autour de la vitesse W. ^g. 5). Ce mou
vement de précession présente les caractéristiques suivantes :
Demi-ouverture du cône égale à la correction-tireur.
Vitesse angulaire de rotation autour de l’axe du cône égale à
la valeur o considérée précédemment.
Ajoutons, au surplus, qu’en raison des valeurs considérables

symbole,
(1) il y aurait lieu, en toute rigueur, de désigner par un nouveau
W, la vitesse du projectile dans l’atmosphère à un instant donné. Pour faci
liter l’exposé, nous avons gardé le symbole Wo, valeur de W à l’origine du
mouvement.

iiiiiiu i mu mumi i ilium i uni mi i ii i ii nu iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiii i ilium mu uni ii iiiiiiiiiiii iiiiiiiiiiiiiLiiMiiai


REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 857

de la rotation du projectile sur lui-même, on peut négliger com


plètement le mouvement de nutation qui doit prendre naissance
au début du mouvement.

Fig. 5. — Rotation d’un projectile autour du vecteur vitesse initiale, dans les
premiers instants du mouvement.
Le cercle C est la trace de l’axe du projectile sur un plan situé à l’infini et
orthogonal à la vitesse.

EFFET MAGNUS.
Dans le raisonnement précédent, on a remplacé l’action de
l’air sur le projectile par une force R contenue dans le plan
axe-vitesse. On n’a donc pas tenu compte de l’effet de surface
dû à la rotation du projectile, et désigné habituellement sous le
nom d’effet Magnus.
La dissymétrie des actions de l’air sur un corps en rotation
a été mise en évidence par des expériences effectuées en souffle
rie, avec des cylindres tournants disposés transversalement. Il
résulte de ces expériences que, en moyenne, la résistance opposée
à l’air est quatre fois celle du cylindre ne tournant pas, et que
cette résistance est inclinée de 45 degrés sur la vitesse; d’autre
part, le sens de cette inclinaison est tel que le cylindre tend à
être chassé transversalement du côté où ses génératrices se
déplacent dans le sens du vent.
Le projectile tiré par le travers se déplace « en crabe», comme

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIU
R. A. A. — N” 85. 2
858 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

on l’a montré. Il latéral dont la


est donc soumis à un vent
valeur est égale à la vitesse W mutipliée par le rapport v/V,
(voisin de I/10 e ). Désignons par We cette vitesse latérale, et
par W a la vitesse longitudinale, c'est-à-dire la projection de W.
sur l’axe du projectile (fig. 6) ; d’autre part, supposons appli-

projectile animé d’une rotation autour


Fig. 6. — Résistance aérodynamique d’un
de son axe.

Gy est l’axe du projectile. xGy est le plan « axe-vitesse ». On a rapporté les


résistances à un trièdre Ox'y'z' parallèle au trièdre Gxyz. L’inclinaison a du 1

plan « axe-résistance » sur le plan « axe-vitesse » est voisine de 45 degrés. I

cables au projectile les résultats des essais effectués en souf¬


flerie sur des cylindres tournants. A la composante Wa, cor- | a

respond une résistance Ra dirigée suivant l’axe; à la compo ¬


sante We, correspond une résistance Re inclinée à 45 degrés
d

sur le plan axe-vitesse.


I "

Nous voyons alors qu’en tenant compte de l’effet Magnus, la


résultante R des actions de l’air sur le projectile est quatre fois
R

plus grande que celle envisagée précédemment, et que cette


résultante n’est pas contenue dans le plan axe-vitesse, mais gi

umui
inclinée de 45 degrés sur ce plan. L’effet de cette résultante est
toujours de faire précessionner l’axe du projectile autour de la
vitesse, mais le plan de précession est incliné cette fois sur le
plan axe-vitesse.
En reprenant le raisonnement fait précédemment, on voit que
l’axe du projectile décrit toujours un cône; mais la directrice
de ce cône n’est plus un cercle : c’est une courbe dont les tan
gentes à ses différents points font un angle de 45 degrés avec le
rayon polaire, autrement dit une spirale logarithmique. Le pôle
de cette spirale est sur la vitesse W. (fig. 7).
L’effet de surface, dû à la rotation du projectile-, contribue par
conséquent à coucher ce dernier sur sa vitesse. Le mouvement

Fig. — Spirale décrite par l’axe d’un projectile tiré latéralementà bord d’un avion.
La spirale logarithmique C est la trace de l’axe du projectile sur un plan situé
à l’infini et orthogonal à la vitesse.

autour du centre de gravité est donc, en définitive, une rotation


de l’axe du projectile autour de sa vitesse, dans laquelle l’axe
du projectile se rapproche de la vitesse jusqu’à venir se con
fondre avec cette dernière.

RETOUR SUR LE MOUVEMENT DU CENTRE DE GRAVITÉ.


Nous avons vu précédemment que la trajectoire du centre de
gravité n'était pas rigoureusement rectiligne, par suite de l’in-

'IIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIJ
860 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
clinaison de la résistance de l’air sur la vitesse. La trajectoire
s‘infléchit donc légèrement du côté de R, c'est-à-dire vers, la
droite. Plus précisément, la trajectoire s’infléchit vers la droite
et vers le haut, en tenant compte de l'effet Magnus.
Mais nous venons de voir, au cours de l’étude du mouvement
autour du centre de gravité, que le plan axe-vitesse tournait
autour de la vitesse. L'inflexion de la trajectoire du centre de
gravité va donc à tout instant changer de sens, et le centre de
gravité va décrire en définitive une sorte. d’hélice.
Enfin, l’inflexion de la trajectoire du centre de gravité a pour
effet de changer l’orientation de W. qui tend à se rapprocher
de l’axe du projectile. Cette inflexion doit donc diminuer jus
qu’à ce que l’axe et la vitesse coïncident.
Le centre de gravité va parcourir une courbe gauche, assez
analogue à ce que serait une hélice inscrite sur un cône.

MOUVEMENT DÉFINITIF.
La trajectoire du centre de gravité tend donc à se confondre
initiale vraie Wo-
avec une droite, qui n’est autre que la vitesse
Ce mouvement rectiligne sera d’autant plus vite réalisé que
l’axe du projectile tend, de son côté, à se coucher sur la vitesse,
aufour du centre de
comme l’a montré l’étude du mouvement
gravité.
En définitive, le mouvement du projectile rayé, tiré par le
travers à bord d’un avion, apparaît comme le suivant : le pro
jectile décrit en sortant du canon deux ou trois orbes peu mar
quées et se resserrant très rapidement pour se résoudre à une
droite. Cette droite, qui constitue donc pratiquement la trajec
toire du projectile, n’est autre que la vitesse initiale W. avec
laquelle le projectile est lancé dans l’atmosphère. Enfin l’axe
du projectile, qui à l’origine fait un certain angle avec cette
vitesse, tend très rapidement à se mettre parallèle à cette vitesse,
c’est-à-dire à coïncider avec la trajectoire.
Pratiquement, et c’est ce qui intéresse le tireur, on peut con
clure que le mouvement ne présente pas de singularité et que
le projectile rayé se comporte, aux distances pratiques de com
bat, comme le projectile sphérique dont on a étudié la trajec
toire.
Tout ce qui vient d’être dit s’applique naturellement à un
projectile normal, c’est-à-dire à un projectile dont la longueur
est inférieure à cinq fois le calibre.
On sait qu’en augmentant le rapport de la longueur au
calibre, il arrive un moment où le projectile tiré en air calme
perd toute stabilité. Un tel projectile ne sera pas stable non
plus tiré à bord d’un avion, sans qu’il soit nécessaire, pour
expliquer le fait, de faire intervenir le vent relatif.
Il
est donc bien entendu que les raisonnements qui précèdent
ne concernent qu’un projectile court, et qui, tiré à terre, serait
parfaitement stable sur sa trajectoire.

VÉRIFICATION EXPÉRIMENTALE.
A l’appui du raisonnement précédent une vérification s’im
pose, car, s’il est utile de démontrer, il n’en est pas moins
essentiel de prouver ce que l’on affirme.
Un des meilleurs moyens de mettre en évidence la trajectoire
supposée du projectile consisterait à tirer dans des écrans de
papier disposés les uns derrière les autres, à bord d’un avion
évoluant en rase-mottes parallèlement au plan des panneaux.
Le repérage de l'impact sur chaque panneau doit permettre de
reconstituer la trajectoire du projectile dans l’espace.
Il existe, d’autre part, un moyen simple de montrer que la
trajectoire, à partir d’une certaine distance, est effectivement
rectiligne et dirigée suivant la vitesse initiale vraie W. Il suffit
de tirer par le travers, à bord d’un avion et par vent nul, sur
un objectif disposé au sol.
La correction de tir aux faibles distances (200m), se réduit à
la correction-tireur qu’il est possible de calculer très exacte
ment; il est donc facile d’orienter la ligne de mire dans la
direction de la vitesse initiale vraie W. Les impacts devront se
trouver alors exactement sur le point visé. Pour des distances
supérieures, la vérification serait analogue, mais en tenant
compte de la hausse.
Si l’on voulait étudier complètement le mouvement du pro
jectile, il faudrait, avant d’entreprendre le calcul complet du
mouvement, partir sur des bases vérifiées expérimentalement.
Deux sortes de recherches devraient être entreprises dans ce
but :

111111111111111111111111111111111111 *
111111111E1111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111K1
862 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
1° Détermination de la résistance de l’air
sur des corps fuse
lés aux vitesses supra-soniques;
2° Influence de la rotation du
corps fuselé sur lui-même, pour
ces dernières vitesses.
C’est seulement appuyé sur de telles bases, qu’un calcul
com
plet du mouvement pourrait présenter de l’intérêt.

CONCLUSION.
Sans attendre les résultats de
ce calcul, il semble qu’on puisse
affirmer que la trajectoire d’un projectile normal, tiré
par le
travers, est pratiquement rectiligne et assimilable à la droite
définie en position par la vitesse initiale vraie.
Il est possible qu’aux vitesses très grandes, de l'ordre de la
moitié de la vitesse initiale des projectiles, c’est-à-dire
pour des
vitesses d’avion de 400 m/sec (1440kmh), le projectile
normal
perde de sa stabilité. Il faudra alors consentir
à diminuer sa
longueur, ce qui lui redonnera la stabilité perdue.
Enfin, si jamais un jour les avions
se déplaçaient plus vite
que les projectiles, il serait toujours possible de tirer le
travers, en utilisant le projectile sphérique qui n’a par
pas besoin
d’être stabilisé sur sa trajectoire.
Démolissons donc cette fable qui veut
que le tir par le travers
soit impossible à bord des avions rapides, et
ne bâtissons pas un
postulat sur une impression. L’incurvation de
la trajectoire
sous l’effet du vent relatif, dûment constatée le mitrailleur
à bord d’avion, est uniquement le résultat
par
de deux déplace
ments rectilignes dont l’un n’est
pas uniforme. Cette incurva
tion est relative; elle n’est donc,
en définitive, qu’une illusion,
qui ne tient pas devant l’étude raisonnée des faits.

Pierre de VALROGER.

SHNNNNNHAnNBuHunuNunmanumRNRuuRBuaumNKHRRaHHRnnRNBSRERHumRRuRRRuRNRRuRmBSuRHSuRnSRBuuBSR2RuBBBBuBuuEnBSnmmunmummmmBmmmSGBShmmmcuumuRB0BBUS
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiii

Emploi des ballons dans la défense aérienne

Par le Commandant J. LUCAS.

Barrer les routes du ciel à l’aide d’obstacles permanents dont


l’efficacité serait suffisante pour interdire aux avions de bom
bardement le survol de points déterminés du territoire, cons
titue une solution séduisante au problème angoissant de la pro
tection contre le danger aérien.
Ces barrages aériens sont-ils possibles Dans quelles condi
?

tions peuvent-ils être mis en œuvre ? Quelle efficacité peut-on


en attendre ? Telles sont les questions auxquelles nous. nous pro
posons de répondre ici, en nous basant exclusivement sur
l'expérience de la guerre.

LES BALLONS DE PROTECTION


PENDANT LA GUERRE.
Cette idée de « barrage aérien » n’est pas nouvelle; elle n’est
pas même née de la guerre, comme certains le prétendent et
l’écrivent.
Dès le moment que les avions ont pris figure d’engins sus
ceptibles de jouer un rôle dans les opérations militaires, les
services compétents se sont préoccupés des procédés propres à
s’opposer à leur action.

En France.
En 1914, avant l’ouverture des hostilités, les autorités civiles
et militaires de Paris avaient demandé à l’Établissement de
Chalais-Meudon d’étudier les moyens de défendre les approches
de la capitale par des ballons captifs portant au besoin des filets.
Chalais-Meudon dressa un plan prévoyant l’emploi d’une tren-

«iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiiiiif
864 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
taine de ballons en signalant, d’autre part, qu’un ballon captif
non dilatable ne pouvait dépasser l’altitude de 2400m quel que fut
son volume. Ce plan ne fit d’ailleurs l’objet d’aucun commence
ment d’exécution : les préoccupations du moment différant bien
des questions à l’étude, c’est en 1916 seulement
que la question de
l’utilisation des ballons, au titre de la défense contre aéronefs,
sera reprise.
A la fin de 1915, l’information suivante, de source anglaise,
fut transmise à nos services :
« Il ressort de différents rapports que les Allemandslivrent se
actuellement à des recherches ayant pour but la réalisation d’un
sys
tème de mines aériennes.
» Près de Breslau on a lancé des cerfs-volants, des ballonnets, etc.,
mais trop loin pour qu’ils puissent être facilement observés. Le seul
type qui ait été actuellement essayé avec un aéronef est un système
de plusieurs ballons reliés entre eux, à grands intervalles et répartis
sur une surface étendue (voir croquis ci-dessous).

Système de défense par ballons expérimenté par les Allemands pendant la


guerre.
B, câble de réunion des ballons; C, câble terminé par
un grappin; D, câble
de retenue.

Plus de 50 ballons ont été employés pour


» une expérience. Un
aéronef fut mis en route et aussitôt qu’il fut au-dessus de
parvenu
la zone en question, les ballons furent lâchés. Ils montèrent et entou
rèrent l’aéronef. Les ballons étant captifs, la hauteur à laquelle ils
flottaient se trouva connue et la hausse, paraît-il, put être rapi-
dement trouvée. En outre, il semble
que la présence des ballons ait
obligé l’aéronef à ralentir son vol de manière à éviter les longs
câbles reliant les ballons entre eux. (Les câbles employés
expérience étaient en matière légère, pour cette
pour le cas d’accidents, mais

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll>lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIllllllllllllllllllllllllllllllllllllll»
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 865

tarés de manière à représenter le poids de câbles métalliques légers.)


» Les expériences de nuit ont été exécutées suivant un thème un
peu différent. Le même nombre de ballons, la même méthode pour les
relier ont été employés, mais l’idée était apparemment de détruire
l’aéronef, car une lampe électrique, figurant une mine aérienne, avait
été fixée dans, ou contre, chaque ballon.
» Cette fois, l’aéronef accéléra sa vitesse, mais accrocha une paire
de câbles. Les ballons étant à différentes hauteurs, l'aéronef continua
à marcher, mais dut ralentir son allure par le fait qu’il remorquait
deux ballons. La position des ballons était celle du croquis ci-dessous,

Aéronef pris dans le barrage allemand que représente le premier schéma.


B, C et D, comme sur le croquis précédent.

lorsqu’une lumière brilla, ce qui était obtenu en plaçant une fiche cor
respondant à la lampe portée par le ballon considéré. Ceci figurait l’ex
plosion de la charge portée par le ballon.
» Les expériences furent répétées en trois circonstances différentes,
de nuit et de jour. La seule différence consistait dans l’arrangement
des ballons, la vitesse, et la hauteur à laquelle se déplaçait l’aéronef.
» Une autre méthode consistait à avoir 80 ou 100 ballons captifs,
portant un poids équivalent à celui d’une puissante charge d’explosifs
et auxquels était attachée une lampe. Un aéronef était envoyé à travers
ces ballons à toute vitesse; il en évitait beaucoup, mais se heurtait
à quelques-uns. Chaque fois que l’aéronef se trouvait près d’un ballon,
quelquefois à une douzaine de mètres, d’autres fois à quarante mètres,
on allumait la lampe pour simuler l’explosion de la charge. Le point
de l’aéronef le plus voisin de la lumière était marqué.
» Parmi les expériences actuellement en cours, concernant les
aéronefs et les explosifs, deux cas seulement ont été observés :
» 1° Un grand ballon captif fut fixé à un tracteur automobile pen
dant qu’était lâché un autre ballon portant une charge explosive.
Lorsque le ballon sur tracteur se trouva à 130m environ du ballon mine,
on fit exploser la charge de ce dernier. Le ballon captif fut ramené
à terre avec son enveloppe déchirée en beaucoup d’endroits par la
mitraille et les éclats d’obus. Autant qu’on a pu en juger, la charge
était disposée de façon à éclater en explosant violemment et projetant
un certain nombre de projectiles incendiaires qui paraissaient brûler

fiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiii
866 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
et faire explosionen lançant des fragments enflammés de tons côtés ;
» 2° Même procédé que ci-dessus, mais la méthode de destruction
était différente et la distance moindre, car au delà d’un rayon de 100"'
les effets de l’explosion ne se font pas sentir. Le ballon fut amené à
cette distance du ballon-mine, la charge fut enflammée par mise de feu
électrique; une explosion eut lieu. Une nappe de flammes parut
s’échapper du ballon-mine, elle atteignit le ballon captif qui tomba à
terre. En ce qui concerne le ballon-mine, rien n’arriva à terre que le
câble et l’appareil de mise de feu.
D’après les renseignements recueillis, les bombes portées par les
»
ballons n’explosent que par mise de feu électrique; précaution néces
saire pour le cas de chute accidentelle, etc. »

A la suite de cetteinformation le Général, Gouverneur de


Paris, demanda que fussent étudiées les conditions dans les
quelles pourrait être réalisé un barrage aérien, par mines,
au-dessus du Camp retranché de Paris.
Saisie de cette question par l’Etat-Major de l’Armée, la
Direction de l’Aéronautique chargea de l’étude le Directeur de
l’Établissement central du matériel d’aérostation militaire, le
lieutenant-colonel Richard.
Mais la réalisation d’un tel barrage, qui devait comporter
trois lignes de mines à trois altitudes différentes, à raison d’une
mine tous les 100 m et, pour être efficace, s’appliquer aux « six
,
routes pouvant le plus commodément servir de repère aux
appareils naviguant vers Paris » exigeait l’emploi de 101 ballons
captifs allongés de 900m3 Cette organisation demandait des
.
délais de fabrication considérables, la production des ateliers
de l’ Établissement central du matériel d’aérostation militaire
étant absorbée déjà par les besoins des Armées.
D’autre part, ce barrage devait être établi à 2000™ d’altitude
au minimum, ce qui reporterait la première ligne de mines entre
2.300 et 2500m
Or, un ballon captif allongé ne pouvait dépasser pratiquement
l’altitude de 2500m,. et sans lest.
Pour toutes ces raisons le lieutenant-colonel Richard exprima
l’avis qu’il n’y avait pas lieu de donner suite au projet.
La direction de l’Aéronautique Militaire proposa alors au
Général gouverneur militaire de Paris la constitution d’une
commission qui serait chargée d’étudier l’emploi de ballons
captifs, soit comme observatoires, soit comme émetteurs de
signaux, supports d‘écouteurs ou de projecteur, soit encore

flllllllllllllllllllllllllliuilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 867

comme engins offensifs (ballon armé de mitrailleuses ou ballon


porte-torpille).
Comme on le voit, il n’était plus question de barrage aérien.
La Commission qui comprenait en particulier le commandant
Leclerc, Chef du Service Aéronautique du G. M. P. et le capi
taine Caquot se réunit le 6 mars. Ses conclusions furent les
suivantes :
—• Un ballon captif est utile comme phare de terrain d’atter
rissage dans le cas de brume permettant l’envol et l'atterrissage
des avions;

—-
Dans le cas où la brume au ras du sol ne permet aucun
départ ni aucun atterrissage d’avions, un certain nombre de
ballons captifs pourraient être utilisés comme observatoires
d’artillerie.... Mais l’effort à faire paraît disproportionné au
résultat qu’on peut en attendre;
—• La Commission écarte l'utilisation, en tant qu'engins
offensifs, de ballons armés de mitrailleuses ou porteurs de tor
pilles ou de mines;
— Des essais seront faits pour l’emploi des captifs comme
supports d'écouteurs ou émetteurs de signaux.

*
**

Ceprogramme ne semble pas avoir été suivi d’une réalisation


pratique, car ce n’est que quelques mois plus tard, aux Armées,
qu'on voit à nouveau paraître la question des ballons de bar
rage. Il s’agit, cette fois, vraiment de barrages aériens à l’aide
de filets soutenus par des ballons.
Pendant les mois d’octobre, novembre et décembre 1916, sur
l’ordre du Commandant du G. A. N., le général Foch, les VIe et
Xa Armées se livrèrent, en effet, à des- expériences de protec
tion de points sensibles contre les bombardements aériens à
faible altitude : il s’agissait à la fois d’une défense rapprochée
de certains de ces points (gare de Longueau) et d’une défense
éloignée, par barrage des routes ordinairement suivies.
Le système expérimenté était le suivant :
Deux ballons d’observation ordinaires reliés par des cinque-
nelles horizontales étant mis en ascension; aux câbles supérieurs
des cinquenelles étaient suspendus des fils d’acier, l’ensemble

sepasuuueeceuuccenecuveeunuuuvenuuuvuqenenuuunuununuunnuunnunuuuuunzauaanuuuunqaauunnnaaquunnuznannnnusunnunananuuuuumaanucnnnnunnannnaan.
868 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
des fils horizontaux et verticaux constituait ainsi une sorte de
filet.
L’ensemble très lourd ne permettait guère d’élever le filet
au-dessus de 600m; d’autre part, en raison de la mise en ascen
sion simultanée de 2 ballons, la manœuvre était très délicate
et nécessitait un personnel particulièrement entraîné. Or, ce
personnel, comme d’ailleurs le matériel, était pris sur les forma
tions d'aérostiers des Armées qui devaient, en conséquence, tra
vailler de jour pour l'observation et de nuit pour le barrage
du ciel. Un tel système devait amener une prompte usure du
personnel et du matériel.
Les expériences furent poursuivies cependant avec du per
sonnel récupéré et du matériel de deuxième catégorie, mais les
résultats pratiques ne correspondirent pas à ce qu’on en
attendait.
A suite de ces essais, le commandant de Lassus et le capi
La
taine Bénézit firent plusieurs rapports dans lesquels ils préco
nisèrent l'emploi de petits ballons agissant sans filet, unique
ment par leurs câbles de retenue.

En Allemagne.
Cependant des expériences similaires se poursuivaient en
Allemagne et les renseignements émanant de sources diverses
signalaient l’existence d’une « barrière antiaérienne » (Luft-
sperrschutz).
« février 1917. — Contre bombardement escadrilles françaises,
15
la nuit, Allemands emploient énormes filets métalliques verticaux,
mailles minces, élevés le soir 2000m hauteur et supportés par drachens
ou ballons captifs. Ces filets sont disposés autour des objectifs de bom
bardement. Cinq avions abattus ainsi en décembre. »
« 22 février 1917. — Allemands laissent monter près des usines ou
des points défendus deux ballons captifs se trouvant à grande distance
l’un de l’autre, mais reliés entre eux par tissage de fil de fer dans
lequel l’avion doit être pris (colonel comte Ignatieff). »
Le 28 mars 1917, un ballon allemand était recueilli à Van-
deleville. Ses caractéristiques étaient les suivantes :
— ballon allongé type M, ovoïde avec ailerons et gouvernail
pneumatiques semblables au type français;
— cube : environ 150m3 ;
— diamètre au grand couple : 5m;
— longueur de grand axe : 12m .

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIII1IIIIII1IIIIIIII1III1I1IIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
ballon portait une fiche contenue dans un étui en celluloïd
Ce
prescrivant que la personne qui trouverait ce ballon devrait
prévenir télégraphiquement la « Luftsperrabteilung N° 2-Feld
Post N° 1 ».
Il était donc employé dans un système de barrage contre
avions. Il portait d’ailleurs à la pièce de jonction deux estropes
en corde, vraisemblablement destinées à servir de point d'at-
tache à des filets tendus entre deux ballons semblables.
Un article du Dusseldorfer General Anzeiger du 27 avril pré
venait la population de l’existence de ballons captifs utilisés
pour constituer une' Luftsperrschutz, promettant une récom
pense à toute personne trouvant un ballon échappé à la suite
d’une rafale de vent, et menaçant de peines sévères tout dégât
intentionnel.
Enfin la Section de renseignements aux Armées signala la
présence, sur différents points du front, de ballons captifs ne
s’élevant que la nuit et constituant des barrages aériens. Les
points ainsi protégés étaient Trèves-Dusseldorf-Metz-Luxem-
bourg.
En Angleterre.
En Angleterre, le Service de la défense contre aéronefs
expérimenta vers la même époque, dans la zone avancée du
secteur de Londres, non loin de la Tamise, un système de bar
rages par filets aériens.
Chaque barrage, dénommé « Eperon », était organisé de la
façon suivante (voir croquis).
Trois ballons, système Caqibot, de 30.000 pieds cubes (840 m3 ),
placés en ligne droite à intervalles de 500 yards (457 m ), sup
portaient le filet proprement dit. Celui-ci était constitué à la
partie supérieure par un câble en acier de 3 mm ,5 de diamètre
auquel étaient attachés, à intervalles de 25 yards (22 m ,85), des
l
câbles d’acier de mm ,7 ayant 1000 pieds (305 m ) de longueur
et lestés par des sacs: de sable pesant 2 livres (907 g ).
Chaque ballon était réuni, d’une part, au filet par un câble
d’acier de 3 mm ,5 ayant 300 pieds (91 m ,50) de longueur, d’autre
part à un treuil mobile par un câble d’acier de 5 mm ,5 de dia
mètre.
La manœuvre de montée de l’« Eperon » à 2500m demandait
1 heure et demie à 2 heures, avec un personnel de 150 hommes.

.Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllll
870 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Manœuvre délicate, car il s’agissait de faire monter les 3 bal
lons avec la même vitesse et, d’autre part, il fallait écarter
progressivement les 2 treuils extrêmes pour maintenir le filet
tendu.
L’altitude de 2500m, que ce dispositif pouvait atteindre, était
encore considérée comme insuffisante' et les études furent pour
suivies en vue de monter le filet à 4000m environ en donnant aux
câbles verticaux, constituant le filet proprement dit, une lon
gueur de 600m environ.

5,5^/171

de
Câble

pendant la dernière guerre en Angleterre, et connu sous le nom d’ «


ÉPERON
».
En Italie.
Mais c’est en Italie que l’emploi de ballons comme engins
de barrages atteignit le plus vite un remarquable degré de per
fectionnement.
Dès octobre 1916, la défense de Venise et de certains points
importants, tels qu ‘arsenaux, nœuds de chemins de fer ou même
ballons d’observation, fut ainsi assurée par des « ballonnets de
barrage ».
Ces ballonnets à « déformation élastique » étaient dus au
capitaine Louis Avorio ; ils pouvaient atteindre la hauteur de
3500 à 4000m ; et c’est par leur câble de retenue qu’ils consti
tuaient le filet invisible contre lesquels les avions risquaient de
venir se briser.
Un tel ballonnet était constitué de la façon suivante : un
dispositif, destiné à faire varier automatiquement leur volume
suivant les variations de pression interne et externe, permettait
d’éviter les pertes de gaz quand il se dilatait, et le ballon res
tait gonflé lorsque le gaz se contractait.
A cet effet, le ballonnet était formé de deux demi-calottes
sphériques réunies par une très large bande d'étoffe souple for
mant la zone équatoriale du ballonnet; des tendeurs en caout
chouc réunissaient les deux demi-calottes et avaient pour effet
de faire prendre au ballonnet le volume le plus compatible avec
la tension intérieure des gaz. C’est ainsi que le ballon, cons
truit pour contenir 100m d’hydrogène au ras du sol, se dilatait
au cours de son ascension jusqu’à atteindre un volume de 150 m3
tout en conservant une forme normale, presque sphérique. De
cette façon étaient évitées les « poches d’air » qui, en cas de
5,5 grand vent, pouvaient devenir dangereuses en raison de la
de traction anormale se produisant sur le câble. Ainsi on pouvait
Câble
utiliser des câbles moins résistants, moins lourds et permettant
au ballonnet d'atteindre des altitudes très supérieures à celles
qu’atteindraient des ballons ordinaires ayant le même cube.
Avec des ballons construits sur ce principe et d’un volume
supérieur à 100 m3 on pouvait dépasser l'altitude de 4000m.
Le câble métallique avait une résistance variable, allant en
diminuant du ballon au treuil de façon à en réduire encore le
poids. Les câbles de 3000m comportaient sur 600m à la partie
supérieure une résistance de 40018 (diamètre 2 mm ,5) et sur 2400m

IIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIII1IIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
une résistance de (diamètre 2mm,l)- Les câbles de 4000m
30018
étaient formés de 3 parties ayant des résistances différentes.
Le treuil actionnait un grand tambour pour accélérer le plus
possible l’ascension du ballonnet qui atteignait ainsi les 4000m
en une vingtaine de minutes. Pour la descente, le treuil pouvait
être mû à la main ou par un moteur électrique.
A partir de novembre 1916, c’est-à-dire depuis la mise en
œuvre de ce barrage, les avions autrichiens qui, quotidienne
ment venaient bombarder Venise, cessèrent leurs attaques. Ce
n’est qu’après juillet 1917 que quelques-uns réapparurent, mais
à des altitudes très élevées, de sorte qu’ils ne purent lancer que

peu de bombes et sans aucune précision.


Ces résultats communiqués au Commandement français, le
21 mars 1917, par la Légation de Belgique en Italie et confirmés
en juillet 1917 par un exposé de la Mission militaire italienne
en France, amenèrent à envoyer en Italie le Chef de bataillon
du Génie Saconney, Commandant le Centre d'Aérostation de
Vadenay, avec mission d'étudier sur place l’organisation et le
fonctionnement des unités de Ballons de protection.
Une note adressée en juin 1917 par le Service Aéronautique
du G. Q. G. au Sous-Secrétaire d’Etat à l’Aéronautique pré
conisa l’emploi de ballons nombreux de petit cube, dont les
câbles d’ascension très rapprochés formeraient filet, en même
temps qu’elle rejetait le système de filets enlevés par des ballons
allongés.
Chalais-Meudon adopta le principe des câbles formant filet,
mais prévit un ballon allongé de 200 à 230m3 d’une meilleure
tenue au vent que le sphérique et retenu par deux câbles
inclinés à 20° environ.

**

Le rapport de mission du commandant Saconney conclut à


l’adoption du système italien, mais avec des ballons allongés
dilatables, du type étudié à Chalais-Meudon.
En même temps le commandant Saconney établit un pro
gramme extrêmement complet d’organisation et d’emploi des
unités ainsi constituées. Ce programme comportait la création
de 150 sections de 10 ballons chacune, dont 120 destinées à
l’avant : 10 par Armée (une compagnie), 10 par Groupe

uniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
d’Armées, 10 en réserve de G. Q. G. 30 sections seraient laissées
à la disposition du Ministre et destinées à l’Intérieur.

ORGANISATION DES SECTIONS DE BALLONS


DE PROTECTION A LA FIN DE 1917.

Ce programme, approuvé par le Comité de Guerre, le 10 oc


tobre 1917, entra immédiatement en voie d’exécution.
Cependant la pénurie du personnel à affecter aux formations
prévues (1 officier, 2 sous-officiers, 90 hommes par section) ralen
tit très sérieusement sa réalisation.
On fit appel, comme personnel de manœuvre, aux travail
leurs malgaches, à des auxiliaires, à des cantonniers et, avec
les spécialistes dont on disposait, on arriva à former au
1 er avril 1918 12 sections, groupées en 3 compagnies.
Cette crise des effectifs obligea à réduire le nombre des sec
tions prévues pour les Armées et, au lieu du chiffre de 120 pri
mitivement fixé, on décida de s’arrêter à celui de 80. De ces
80 sections, 60 seulement seront à effectif complet, les autres ne
devant comprendre que le personnel spécialiste et une partie
du personnel de manœuvre, le complémnt étant fourni par les
ressources locales.
En mai, toujours en raison de la pénurie des effectifs, on
décida d’opérer une nouvelle réduction et de s’arrêter à une
situation intermédiaire de 5 compagnies à 10 sections : 30 de
ces sections devant être complètes', du type Armée, 20 à effec
tifs réduits, du type Place.
Type Armée signifiait que tout le personnel, y compris les
manœuvres, faisaient partie organique de la section, tandis que
dans le type Place seuls les spécialistes faisaient partie de
l’unité; le personnel complémentaire de manœuvre devait être
pris parmi la garnison de la place, ouvriers des gares et des
usines, population civile, etc. Dans le cas où ces ressources ne
pouvaient être fournies, le nombre de ballons mis en œuvre
devait être ramené à 5.
A partir de juin 1918, l’utilisation généralisée des Malgaches
permit de réaliser des économies sur le personnel européen. Fin
septembre, il exista aux Armées six compagnies comprenant,
en tout, 30 sections.
La distinction entre les sections, type Armée et type Place,

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
R. A. A. — No 85. 3
874 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
étant condamnée par l’expérience, le service de D. C. A. an
G. Q. G. proposa :
—- de compléter les sections, type Place, pour en faire des
sections type Armée ;
— de constituer les 20 sections nécessaires pour réaliser le
programme réduit de mai.
Seule, la première partie de ces propositions fut approuvée,
de sorte qu'au moment de l’Armistice le nombre des sections
équipées en matériel fut toujours de 30. Elles étaient à cette
époque réparties en 7 compagnies dont une, la 27 e ne compre-
,
irait qu’une section, et une autre, la 21 e , dite compagnie d’Ecole,
n’avait pas de matériel.
A l'égard de ces unités, le centre d’instruction de D. C. A. de
Pont-sur-Seine fonctionnait comme centre d’organisation chargé
de recevoir le matériel, d'instruire le personnel et de constituer
les sections.

CRÉATION DU 2e GROUPE D’AÉROSTATION.


En même temps que la constitution de dépôts spécialisés pour
l’Artillerie et les Projecteurs, le Général en Chef demandait
la constitution d’une organisation similaire pour les unités de
ballons de barrage.
Le principe en fut adopté et la création d’un dépôt spécial
d’aérostation de D. C. A. décidée.
Ce dépôt commença à fonctionner à Angers, le 1 er août 1918,
sous le nom de Dépôt du 2 e Groupe d’Aérostation.
Les compagnies lui furent dorénavant rattachées ; elles étaient
numérotées de 21 à 27 (6 compagnies et 1 compagnie d’Ecole),
les sections recevant de leur côté des numéros à partir de 61.

Emploi technique et tactique.

A la suite
des essais et des expériences réalisés, pendant le
premier semestre 1918, une note du Grand Quartier Général
parue sous le timbre « D. C. A. et 1er Bureau » fixa les grands
principes de l’organisation et du fonctionnement technique des
Sections de ballons de protection.
Les principes d’emploi tactique firent l’objet d’une seconde
Note, en date du 11 juin.

1111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
Basés, d’une part, sur la connaissance des routes probables
de venue des avions et la tactique des bombardements, d’autre
part, sur- l'étendue des objectifs à protéger ces principes peuvent
se résumer ainsi :

— Si l’objectif est restreint, le barrage doit constituer une


défense rapprochée placée à une distance telle du point à
défendre qu’elle interdise son survol par les bombardiers. Les
ballons sont disposés tout autour de l’objectif, formant soit une
défense continue, soit des secteurs successifs aussi jointifs que
possible, ou bien encore une ligne barrant le point à défendre
en le traversant;
— Si l’objectif est très étendu, on s’attache à en barrer les
abords, les ballons étant placés sur les routes1 probables d’accès.

Matériel.
Ballons. — Le ballon du type N dilatable a une capacité de
165m3 au sol; les fuseaux élastiques, dont il est muni lui per
mettent, quand il s’élève, une dilatation portant son volume
à 215m à 2500m
Le poids de l’enveloppe est de 110 kg Lesté de 10kg à l’arrière,
.
le ballon a une force ascensionnelle de 70'6 environ, constante
avec l’altitude. Le câble de 3mm de diamètre et long de 2500m,
pèse environ 30kg au kilomètre. Sa résistance à la rupture est
de 7001; il permet l'établissement du barrage à une altitude
efficace de 2200m
En réalité, dans les meilleures conditions, le ballon N dépasse
rarement 2000m.
Or, on avait espéré atteindre une altitude supérieure : le
commandant Saconney dans son rapport parlait de 3000
à 3500m. On fut, en conséquence, amené à envisager l’emploi
de 2 ballons superposés, accrochés l’un à l’autre.
Expérimenté à partir de janvier, ce dispositif a en tandem »
fut mis en service en février. Mais sa généralisation fut très
lente ; au 1 er octobre, il en manquait 130 pour atteindre la dota
tion de 5, prévue pour chaque section.
Le montage en tandem nécessite le matériel suivant :
— un ballon dilatable, type N. N., ayant une capacité de
170 m3 au sol, mais dont les fuseaux permettent la dilatation jus
qu’à 265 m3 (altitude de 4500m) ;

iiiiiin iiiiii i uni uni i in i ii iiiiii in ni ii 11111nu i uni iiiiii IIIIIIIIIIIIIiiiiiiiiiiiiiiiiinn un


11 111 11 111 11 n i nu n un i nu 111
876 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.

— un câble métallique de 4mm de diamètre, 2000m de lon


gueur, 120018 de résistance à la rupture.
Le ballon N. N. est accroché par le câble de 4mm à un ballon N
fixé lui-même au câble de 3mm. Ce montage en tandem permet
au ballon supérieur d’atteindre de 3800 à 4000m, par temps très
favorable.
Étoffes.
— La nécessité d’une fabrication rapide obligea au
début à employer des ballons à étoffe simple, à l’exemple des
Italiens. Mais les étoffes françaises se révélèrent d’une porosité
inadmissible et l’on dut revenir à l’étoffe double. La sortie des
ballons fut, de ce fait, ralentie et, à la date du 18 août, 60 bal
lons en étoffe double seulement étaient en service aux Armées.
Treuils. — En établissant le programme des ballons de pro
tection, le commandant Saconney avait prévu l’emploi d’un
treuil électrique, mis à l’étude en octobre 1917. Le premier exem
plaire fut prêt le 8 novembre.
Dans ce treuil, un moteur à courant continu, d’une puissance
de 4,5 HP., sous 110 volts, actionnait le tambour d’enroulement
par l’intermédiaire d’un train permettant de réaliser deux vi
tesses. Le courant était fourni par deux moteurs électrogènes
faisant partie du matériel de la section; chacun d’eux, d’une
puissance de 15 kw, permettait la manœuvre simultanée de
5 treuils, les canalisations devaient alors être déplacées pour
achever, en deux temps, la manœuvre des 10 treuils.
Lorsque les circonstances le permettaient, en particulier pour
les sections affectées à la défense des villes ou d'usines dotées
d’énergie électrique, on envisagea de substituer à ce dispositif,
des installations fixes utilisant le courant d’une distribution
publique. A défaut, on pouvait encore placer à demeure les
canalisations nécessaires à la manœuvre de 10 treuils, de façon
à permettre, par un simple branchement, la manœuvre simul
tanée des treuils, avec deux voitures électrogènes.
Un treuil à essence étudié par le commandant Caquot, achevé
à la fin d’octobre 1917, fut distribué aux Armées à partir du
20 janvier 1918. Le mouvement y était commandé par un
moteur à explosion de 10 HP ; il se transmettait au tambour-
magasin par un embrayage sans changement de vitesse, placé à
l’intérieur du tambour (treuil à action centrale).
Ces treuils permettaient de ramener le ballon à une vitesse
de l m ,80 la seconde environ. Montés sur des châssis légers
à 2m à
à deux roues, munis de flèches, ils pouvaient être attelés en

remorque par groupes de 4 ou 5 derrière les camions de la


section.
A l’usage, le treuil à essence se révéla comme étant le plus
pratique. Sans que soit arrêtée complètement la fabrication du
treuil électrique, la dotation des unités fut constituée surtout
en treuils à essence : en juillet, sur 28 sections, 1 seulement
avaient des treuils électriques.
Sortie du matériel. — Le matériel des quatre premières sec
tions fut mis en service au début de février; les 5 e et 6 e au cours
de février; les 8 e à 14e au mois de mars; les 15e à 20e au mois
d’avril, les 21 e à 29 e de mai à août, enfin les 30e à 32e en août.
Hydrogène. —- Le ravitaillement en hydrogène des sections
de ballons de barrage présentait des difficultés assez graves, pro
venant de la quantité limitée de tubes dont disposaient les Armées,
et du fait que la durée de « rotation » de ces tubes (retour au
remplissage et renvoi aux Armées) qui ne devait être que de
trois semaines, se trouvait augmentée par la crise des transports.
La consommation mensuelle d’une section à 5 ballons N. et
3 ballons N. N. était évaluée à 900 tubes environ.

LES BALLONS DE PROTECTION


ET LA DÉFENSE DE PARIS.
Cen’est qu'après le raid du 30-31 janvier 1918 que des bal
lons de protection furent mis en service dans le C. R. P. : le
13 mars, Je S. S. E. de l’Aéronautique notifiait à la D. C. A.
l'affectation d'un officier, le capitaine Devaux, pour prendre en
mains l‘organisation nouvelle.
Une première section de 10 ballons fut formée et mise en place
de Saint-Cloud à Issy-les-Moulineaux dans la boucle de la Seine.
Destinée à la protection des usines d’aviation de cette région,
elle constitua les premiers éléments d’une organisation qui
devait comprendre 10 sections, formant une Compagnie d’Aé
rostiers de D. C. A. et numérotées à partir de 121.
La 122a Section, créée peu après, prolongea vers le Nord la
ligne de défense formée par la 121 e entre le terrain de Baga
,
telle et le pont de Neuilly, laissant l’intervalle nécessaire à des
atterrissages éventuels d’avions sur la piste de Longchamp.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
878 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Treuil pour ballon de protection installé dans les Tuileries, pendant la guerre.

Le dispositif adopté fut, au début, analogue à celui des


Armées. Toutefois, les possibilités de stationnement et de ma
nœuvre se trouvaient singulièrement réduites par le fait qu’on
se trouvait en plein dans la banlieue parisienne et que les cons
tructions, les lignes de transport de force, les arbres dont l’abat
tage était à éviter pour des raisons d’esthétique, constituaient
autant d'obstacles insurmontables.
On décida d’abandonner le principe de la ligne de ballons
à 300m.
D’ailleurs, il s’agissait beaucoup moins d’établir des barrages
linéaires que de semer au-dessus de l’agglomération parisienne
des obstacles dont la position devait demeurer inconnue des
aviateurs ennemis. On adopta un dispositif en quinconce, en
évitant de communiquer à la presse des précisions sur le plan
d’emploi et les résultats escomptés.
C’est ainsi que la 122e Section se trouva coupée en trois
tronçons :
— 4 ballons à Bagatelle, 4 aux Tuileries, 2 vers les Buttes-
Chaumont. Pour prolonger l’amorce du barrage ainsi constitué
et coupant Paris d’Est en Ouest, 3 nouveaux ballons furent
installés au Luxembourg, sur la demande du Sénat.
En avril, la 123 e fut établie de Saint-Denis à Argenteuil sur

IIIIIIIIII1IIII11I1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIII1III1I1IIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIII1IIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 879

un des chemins favoris de l’aviation de bombardement alle


mande.
La 124e, constituée également en avril, se vit affecter tous
les ballons situés à l’intérieur de Paris, y compris' les éléments
de la 122e Section. Elle s’étendait de l’avenue du Bois au Louvre
par les Champs-Elysées et se continuait par les postes du Luxem
bourg.
La 125 e était destinée à un barrage de la route Nord-Est,
perpendiculairement à la direction Pantin-Bondy, à hauteur de
la gare de triage de Noisy-le-Sec. Mais à ce moment entra en
jeu un facteur avec lequel il faut toujours compter à Paris :
l’opinion publique, qui s’émut de voir protéger les «quartiers
riches » du centre sans que rien ne fut fait dans les quartiers
pauvres de la périphérie. En conséquence, la 125e Section fut
coupée en deux tronçons : 5 ballons entre Bobigny et le fort
de Noisy et les 5 autres échelonnés dans Paris entre les Buttes-
Chaumont et la porte des Lilas.
l
Ces cinq premières sections formèrent la re Compagnie d'Aé-
rostiers de D. C. A. qui fut régulièrement constituée le 15 avril.
L’Etat-Major des B. P. du C. R. P. s’installa aux Tuileries au
pavillon de Flore.
Le dispositif complet prévu pour Paris devait comprendre
400 ballons, mais de grosses difficultés retardèrent sa réalisa-

Ballon de protection du poste des Tourelles, à Paris, pendant la guerre.


880 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
tion : difficultés d’ordre technique auxquelles- vint s’ajouter la
très grave question de personnel.
Pour donner au ballon une force ascensionnelle supérieure
et lui permettre de monter plus haut
— aussi pour des raisons
d’économie de matière première —, on substitua aux enveloppes
doubles des premiers ballons une étoffe simple présentant de
nombreux défauts.
Les ballons ainsi fabriqués perdaient leur gaz avec rapidité
:
l’impossibilité de les entretenir ou de les réparer sur place, faute
de personnel spécialisé, amena à faire un appel fréquent
aux
Etablissements livranciers, d’où un épuisement rapide des
réserves, et l’obligation de procéder à des renflouements oné
reux.
Cette consommation exagérée de gaz détermina à
son tour
une crise de l’hydrogène, les usines n’arrivant pas à produire
en quantité suffisante, ni surtout à expédier, faute de matériel
d’emballage.
Mais la crise la plus grave fut, à cette époque, celle du per
sonnel.
La manœuvre des ballons, normalement délicate, était deve
nue plus difficile encore, du fait de la fragilité des enveloppes
et de l’adoption d’un câble de petit diamètre en acier de haute
résistance. Entre des mains inexpertes, les enveloppes
se déchi
raient et les câbles qui, en usine, résistaient à une traction
de 7001, se rompaient sous des tensions très inférieures.
Or, les hommes affectés à l'aérostation de protection étaient
un personnel de fortune : blessés de guerre et malades récu
pérés, auxiliaires, soldats des vieilles classes, inaptes
pour
la plupart à des manœuvres aérostatiques. Un personnel
dit « spécialiste » reçut bien à Saint-Cyr, au dépôt du 1 er Groupe
d’Aérostation, une instruction sommaire au cours d’un stage
de trois semaines (ramené parfois à 8 et même à 5 jours), mais
il était difficile de tabler sur sa compétence.
Avec un personnel aussi peu expérimenté et un matériel déli
cat on arriva, au point de vue manœuvre, à cette conception
de ne plus faire monter automatiquement les ballons, lorsque
les circonstances atmosphériques le permettaient, mais à les
maintenir en position d’attente, à basse altitude, prêts à être
largués si les circonstances militaires l’exigeaient.

4III1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIII1II1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIHIIII!
Tandem de ballons de protection garés dans une carrière, pendant la dernière guerre.

Dans la nuit du 23 avril, des avions étant venus bombarder


la banlieue, malgré un vent assez fort, l’ordre fut donné de
monter les ballons; 25 sur 50 rompirent leur câble et partirent
à la dérive. Cet incident consacra l'insuffisance du personnel
de manœuvre.
Le S. S. E. à l'Aéronautique fit alors appel à un contigent de
spécialistes des Armées : des sous-officiers aérostiers, un cer
tain nombre d’hommes instruits furent affectés aux B. P. du
C. R. P. et répartis comme instructeurs dans les Sections.
Fin avril, deux nouvelles sections étaient créées : la 126e en
position dans le bois de Vincennes, entre Vincennes et Cha-
renton, la 127e sur les fortifications de la porte de Saint-Mandé
à celle des Lilas.
Puis furent successivement mises en place :
•—•
la 128e à cheval sur la ligne Paris-Lille, de la Double-Cou
,
ronne à Gonesse;
— la 129e de Gonesse à Villepinte, coupant la bifurcation des
routes Paris-Compiègne, Paris-Soissons;
— la 130 e sur la voie Paris-Soissons, de Villepinte au Vert-
Galant, englobant la Poudrerie de Sevran.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiitiiiiii
882 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Des améliorations apportées au matériel, le retour aux enve
loppes doubles, permirent d’augmenter la durée du matériel et,
comme conséquence, de créer de nouvelles unités.
Le premier ballon tandem fut mis en ascension le 29’ juin au
poste du bois de Vincennes.

Le 1 er juin, la Défense de Paris comprenait 100 postes-


— dont
65 susceptibles d’être mis en œuvre
— formant -autour de la
capitale, sur la rive droite, une zone de barrage passant par
Saint-Cloud, Neuilly, Gennevilliers, Pierrefitte, Gonesse, Ville-
pinte, Bobigny, Buttes-Chaumont, Ménilmontant, bois de Vin
cennes, Charenton.
La rive gauche, de Charenton à Billancourt, réservée à
l’aviation ne possédait aucun poste.
l
Cet ensemble constituait la re Compagnie d’Aérostiers.
L’Etat-Major de l’Armée accorda au C. R. P. une dotation
globale de 15 sections, les 5 nouvelles sections devant former,
avec 3 sections destinées à Rouen, les éléments d’une 2e Com
pagnie, mais cette 2 e Compagnie ne sera créée administrative
ment qu’à la veille de l’armistice.
Les sections successivement formées furent rattachées provi
l
soirement à la re Compagnie.
Ce sont d’abord : la 141 e et la 142e affectées à la défense
,
de Rouen, puis la 143 e installée, le 29 juin, sur le territoire de
Maisons-Alfort, entre la Marne et la Seine.
A cette époque, l’aviation de nuit cessant d’être utilisée,
la rive gauche se trouva dépourvue de protection aéronautique.
Sur les indications du Commandant de la D. C. A., l’Etat-Major
des ballons de protection élabora un nouveau plan d’organisa
tion des B. P.
Ce plan comportait :

l
— Une Compagnie Nord — re compagnie — avec P. C. à
Villetaneuse et comprenant les sections de Bagatelle, Genne
villiers, Villiers-le-Bel, la Patte d’Oie, Villepinte, Bobigny,
Montreuil, Tuileries, Champs-Elysées, Luxembourg, soit 8 sec
tions ;
— Une Compagnie Sud — 2a compagnie — avec P. C. à
Fontenay-aux-Roses et comprenant les sections de Charenton,
Maisons-Alfort, Ivry, Arcueil-Cachan, Chatillon, Saint-Cloud,
Billancourt, soit 6 sections.
Commencée le 21 juin, cette organisation fut entièrement
réalisée le 18 septembre.
La dernière section, la 148 e fut, à la demande du Sous-
,
Secrétariat de l’Aéronautique, installée dans la région de Nan
terre. Les 3 premiers ballons de cette section étaient en position
à l’armistice.
Enfin il fut prévu une 149 e section pour la protection du
Parc d’Artillerie de Mitry-Claye. S’étendant du Nord de Coin-
pans à l’Ourcq, elle devait interdire la voie ferrée Paris-Laon
et former avec la section de Villepinte, en arrière, un double
barrage sur cette voie d’accès.
A l’Armistice, il existait à Paris 150 postes dont 120 en état
de fonctionner et comprenant 31 tandems.

*
**
En dehors de ces sections fixes,la défense avait d’autre part
conçu le projet de sections fluviales, susceptibles de se déplacer
aisément sur la Seine, la Marne et l’Oise pour former des bar
rages mobiles. Ces sections ne furent pas réalisées.
L’Etat-Major des ballons de protection étudia également au
cours de 1918 l’emploi de ballons, non plus seulement comme
obstacles passifs agissant par la seule présence de leurs câbles,
mais armés d'explosifs, ou de grappins.
Le ballon-explosif aurait été en substance un ballonnet en
caoutchouc du type employé pour les sondages météorologiques,
et portant à l’extrémité d’un câble un engin explosif —- bombe,
pétard ou grenade — fonctionnant non par percussion, mais
par inflammation au bout d’un temps déterminé.
Le manque de personnel pour constituer un bureau technique
compétent fit ajourner ces études comme celles des sections
fluviales.
Le projet de ballon porte-grappin reçut, par contre, un com
mencement de réalisation.
Cet engin composé d’un ballon en papier de 14m3 gonflé à
,
l’hydrogène, portant un câble d’acier muni d’un parachute à
son origine et d’un grappin en fer à son extrémité devait
884 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
s’élever jusqu’à 4000 ou 5000m, poussé par le vent à la manière
d’un ballon libre.
Le câble rencontré par un avion devait par son grappin
accrocher une partie quelconque de cet avion, déterminer ainsi
une traction sur le parachute et, par l'ouverture de ce dernier
un déséquilibre de l’avion.
Un poste de lancement fut créé aux Ateliers de Villetaneuse
et les essais réalisés en août 1918 donnèrent des résultats inté
ressants. Par la suite, la présence d’avions amis rendant dange
reuses les expériences, celles-ci furent poursuivies à Angers.
Elles furent arrêtées par la signature de l’Armistice.

RÉSULTATS OBTENUS.
Les résultats obtenus par la mise en œuvre des ballons de
protection ne se chiffrent pas d’une façon positive par un
nombre impressionnant d’avions mis hors de combat. Les
archives de la Guerre donnent comme certains les seuls faits
suivants :
17 mai 1918. — Section de B. P. du viaduc de Poix; 8 ballons
en ascension à 2500m.
...à 22h 30min plusieurs avions survolent Poix, l’un d’eux
descend à environ 500m d’altitude lançant 8 bombes. Le ballon
du treuil N° 1 a son câble coupé à 1250m. Cette coupure coïncide
avec un arrêt du moteur de l’avion.
Complément au C. R. ci-dessus :
Un avion Gotha a atterri près de Villers-Bretonneux. Avion
«

en bon état. L’hélice de droite est entièrement brisée et ses


éclats ont criblé le plan de l’appareil. »
30 mai 1918. — Section de B. P. à Crèvecœur; 7 ballons en
ascension à 2000m.
A 23h 10min un avion contourne le barrage, mais poussé par
les tirs de l'artillerie déclenchés de la gare de Crèvecœur vire
vers l’Est et heurte un câble. L’avion glisse le long du câble
qui se rompt. L’avion est contraint d’atterrir près d'Ournel-
Maison. Les aviateurs quittent l’appareil et l’incendient : c’est
un avion du type Gotha bimoteur.
Le câble arraché au ballon entoure l’appareil et une tren
taine de mètres enroulés sur le moyen de l’hélice gauche ont
arrêté son fonctionnement.

i in il ni ni ii mi uni ilium uni i m ii niiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiimiiiii uni uni iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinu u 111 un


Des renseignements, dont il n’a pas été possible de vérifier
l’authenticité, indiquent d’autre part :
— le 21 juin 1918 :
3 avions 'contraints d’atterrir par suite de rencontre avec
câbles de B. P.

—-
Folkestone :
10 août 1918, de
Un bimoteur allié a été pris dans un filet aérien soutenu par
des cerfs-volants au-dessus de Saint-André-de-Bruges.

Mais doit-on juger de l’efficacité d’un moyen de protection


d’après le nombre d’ennemis mis hors de combat ?
Il s’agit d’interdire le survol d’une zone déterminée du ter
ritoire, d’empêcher le bombardement d’un point sensible1, de
rendre impossible à l’aviation ennemie l'exécution de sa mis
sion. Que les ballons de protection inspirent aux aviateurs
une « sainte » terreur qui les fasse éviter les points ainsi
défendus, ou bien augmenter leur altitude de telle façon que la
reconnaissance des abords de l’objectif soit rendue difficile, que
le poids des bombes emportées soit réduit d’autant et qu’enfin
la précision du bombardement soit elle-même très fortement
diminuée sinon — s’il s’agit de points d’étendue limitée —
réduite à zéro, ces résultats sont par eux-mêmes extrêmement
intéressants.
Traitant de l’efficacité des tirs d’artillerie antiaérienne et
des statistiques d’avions abattus par rapport au nombre de
coups tirés, le Général Pagezy a pu écrire :

«Pendant la guerre l’artillerie de côte allemande n’a pas démoli


de bateaux et pourtant elle a rempli son rôle puisque les flottes alliées
n’ont pas osé s’en approcher. D’aucuns se plaignent que l'artillerie
n’abatte pas assez d'avions; qu’ils s’arment de patience. Le jour où
elle aura atteint le même degré de perfection que son aînée, elle ne
descendra plus d’avions du tout : on n’osera plus s’en approcher. »

On ne saurait mieux dire en ce qui concerne l’efficacité des


barrages aériens.
Pour un avion de 25 m d’envergure traversant un système de
ballons mis en ascension à 300m d’intervalle, la probabilité d’un
accrochage est de 1/12 : qu’au lieu d’une seule ligne de ballons
on ait les moyens matériels suffisants pour disposer plusieurs
lignes en quinconce, on voit combien est sérieux le risque couru
par les équipages.
IIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlillllllllllHIII
886 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
En fait, les aviateurs redoutent d’une façon particulière cet
ennemi invisible dressé dans la nuit.
Le lieutenant-colonel Morel-Fatio, commandant le Secteur de
D. C. A. de la région Nord-Ouest pendant la guerre, rapporte,
qu’à dater du jour où l'existence de ballons de protection a été
révélée, les itinéraires suivis de façon constante par les avia
teurs ennemis, — itinéraires choisis en raison des facilités qu’ils
présentaient de conduire à coup sûr à l’objectif visé
—, ont été
définitivement abandonnés, en particulier pour Calais-Dun-
kerque-Boulogne.
Pendant l’année 1918, sur 483 avions engagés dans des raids
sur Paris., 446 ont fait demi-tour avant de survoler la capitale.
Ce résultat remarquable est dû à l’accumulation de moyens
de défense en position autour de Paris, aux progrès réalisés
dans l’emploi de ces moyens : les ballons de protection au
nombre de 150, faisaient partie de ces moyens et leur rôle a été
certainement considérable.
Enfin nous avons vu à Venise les avions autrichiens aban
donner pendant huit mois cet objectif, à portée immédiate de
leurs bases aériennes et ne plus revenir survoler la place Saint-
Marc qu’à des altitudes excluant toute efficacité.

POSSIBILITÉS ACTUELLES.
Le maximum d'altitude des barrages réalisés pendant la
guerre n’a pas dépassé 3000m. Avec les avions modernes pou
vant plafonner à 7000 ou 8000m, est-il possible d’envisager, en
l’état actuel des choses, des barrages aériens susceptibles de
leur être opposés ?
C’est l’éternelle lutte de l’obus et de la cuirasse.
Dans le domaine de l’artillerie antiaérienne on parle mainte
nant couramment de tirs exécutés à 8, à 10.000m d’altitude.
Pourquoi refuser à l'Aérostation la possibilité de réaliser des
performances comparables ? C’est le secret des Sections
d’étude. Il s’agit de force ascensionnelle, de poids de câbles à
soulever, de résistance de ces câbles, tous points particulière
ment perfectibles et auxquels il serait pour le moins imprudent
de vouloir a priori fixer une limite déterminée.
Le ballon, par son câble, matérialise une trajectoire perma
nente et dangereuse jusqu’au sol. Sa mise en œuvre est relati-
vement aisée ; elle ne nécessite que quelques spécialistes et des
hommes de manœuvre dont l’instruction peut être très rapide.
Son efficacité, très grande quand il s’agit de points d’une sur
face réduite, reste encore appréciable pour de grandes étendues.
Agissant par leur seule présence, les ballons peuvent écarter
d’une route déterminée des bombardiersprudents et les rabattre
sur d’autres moyens de défense plus dispendieux et dont
l’emploi ne peut être suffisamment généralisé, comme on l’a vu
dans l’exemple, cité plus haut, du 30 mai 1918 à Crèvecœur.
Non seulement, en effet, le prix de revient d’un ballon est
faible, mais son emploi ne nécessite d’autre dépense que celles
causées par l’usure du matériel et la déperdition d’hydrogène,
alors que le prix d’une batterie moderne, des appareils de
conduite de tir et surtout des munitions consommées est consi
dérable.
En résumé le ballon employé en barrages aériens a fait ses
preuves au cours de la grande guerre. Il est susceptible d’évo
luer dans le même sens que les moyens aériens auxquels il
s’oppose; il constitue, en conséquence, un outil extrêmement
précieux pour la protection antiaérienne du territoire ( 1 ).
Commandant J. LUCAS.

(1) A l’occasion de la discussion du budget de l’Air britannique pour 1936-87,


le critique de la revue The Aéroplane déplore que des crédits misérables soient
consacrés aux recherches sur les ballons de barrage, alors qu’ils constituent le
moyen de défense le meilleur marché et le plus sûr, « étant donné qu’on peut
maintenant les faire monter à 7000 mètres ». (N. D. L. R.)
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiin mi i mil iiiiiiiiiinimil iiiiiiiiiiiiiiiiiiin 11111 iiiiiiiiiiiiiiniiiniii

A la conquête de la stratosphère
(in) 0)

Par Mile Reysa BERNSON.

Les remarquables photographies qui illustrent cet article nous


ont été obligeamment communiquées par la National Géographie
Society, à qui nous exprimons tous nos remerciements.

TENTATIVE AVORTÉE.
Le 12 juillet 1935, les conditions météorologiques s’annonçant
favorables, la nouvelle ascension stratosphérique est décidée.
Une activité fébrile, et pourtant disciplinée, s’empare aussitôt
du stratocamp — car, la cuvette des Black Hills ayant donné
toute satisfaction pour le gonflement et le départ de VuExplo-
rer-1 », l’emplacement a été définitivement adopté, et les initiés
le désignent sous le nom pittoresque et suggestif de « strato-
bowl» (littéralement : le « stratobol »)... On procède au gon
.
flement de l’immense enveloppe, au centre de la vaste piste
illuminée par des torrents de lumière électrique. La nuit s’écoule;
tout se passe à merveille.
Après 13 heures de travail, l’enveloppe a enfin reçu sa pro
vision d'hélium et domine de toute sa hauteur le stratocamp.
La nacelle est amenée au-dessous; on l’encadre provisoirement
d’une cage métallique, destinée à faciliter les opérations d'ac-
crochage. Plusieurs hommes sont là, qui s’affairent. Soudain,
. . .
la haute silhouette fiasque du stratostat, dont le sommet se perd
dans le ciel nocturne, se déforme brusquement et s’affaisse.
L’événement est'si rapide et si imprévu que les assistants n’ont
pas encore eu le temps de revenir de leur stupeur lorsque, six
ou sept secondes plus tard, les trois tonnes de tissu se sont com
plètement effondrées, ensevelissant sous leurs plis les travail
leurs occupés près de la nacelle ! On se précipite; on soulève

(l ) Voir le précédent numéro de la « Revue de l’Armée de l’Air ».

iilillllllIllIllllllllllilillililIllllllllllliIlllllllIllluitlIlllllllIllllHiiiiiiiiininiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 889

l’étoffe amoncelée. Par bonheur, tous les ouvriers ont été pro
tégés par la cage métallique, qui a résisté ; ils parviennent à se
glisser au dehors, sains et saufs. Et toute la population du stra-

Les capitaines A. W. Stevens (à gauche) et O. A. Anderson ( à droite)


devant la nacelle du stratostat, peu avant le départ, prêts à y pénétrer par
le trou d’homme visible derrière eux. En haut, à gauche, le paquet contenant
le grand parachute de 24m de diamètre.

tocamp, consternée, attend le lever du soleil pour essayer de


comprendre cet échec subit, au moment même d’aboutir....
Le jour venu, les techniciens commencent leur enquête. On

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiii
R. A. A. — No 85.
890 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
constate alors qu’une fissure s’est brusquement ouverte près du
sommet du panneau de déchirure (en forme de V renversé), et
s’est propagée vers le bas et vers le haut, où elle s’est divisée en
deux au sommet même du ballon. En quelques instants, toute
la partie supérieure de l’enveloppe béait par une large déchi
rure en Y, par où s’évadait vers le ciel l'énorme bulle d’hélium
rassemblée là-haut, tandis que le ballon, vidé, s’affaissait.
. . .
Jamais panneau de déchirure n’avait donné lieu, auparavant, à
pareil accident. Mais il faut tenir compte toutefois du fait qu’un
aérostat de cette envergure, dont le sommet seul est gonflé au
départ, est soumis à des actions encore mal connues et nette
ment différentes des conditions régissant un sphérique ordinaire.

PERSÉVÉRANCE.
...
Le premier moment de consternation passé, les décisions sont
vite prises. Il faut savoir s’obstiner. L’ascension aura lieu; elle
sera simplement retardée, voilà tout. En somme, hormis l’en
veloppe, le matériel est intact. Et, dans un bel esprit de coopé
ration, la Goodyear Zeppelin Corporation s’offre à refaire entiè
rement le sommet de l’enveloppe — en remplaçant le panneau
de déchirure par un fil d’acier souple qui, le moment venu,
ouvrira une entaille de 7 m 50 de long à la partie supérieure du
ballon. Quelques semaines plus tard, le matériel est à nouveau
à pied d’œuvre. Et l’attente commence.
. . .
Il ne faut pas oublier, en effet, que des conditions météoro-
logiques spéciales sont requises pour que l‘ascension soit décidée.
Un centre de hautes pressions doit passer juste sur le stratobowl,
assurant une nuit sans le moindre coup de vent au sol pour le
gonflement, une journée de ciel clair pour l’ascension et son
programme de photographies aériennes, et un vent ne dépassant
pas 25kmh dans la région probable d’atterrissage (1). Tout ceci
doit être prévu sans erreur 24 heures à l’avance. Pour qui est
tant soit peu familier avec l'établissement d’une carte du temps,

(1) est à remarquer que, dans la plupart des ascensions stratosphériques


Il
effectuées jusqu’à présent, les stratostats ont dans l’ensemble été entraînés
vers l’Est, et plus particulièrement vers le Sud-Est. Dans l’ascension de
l’ « Explorer-1 », à une altitude voisine de 7000m, le stratostat était entraîné
vers le Sud-Est par un courant de 37kmh; à 12 ooo m , la direction était la même,
mais à l’allure de 90kmh; ce n’est qu’à 18 ooo m qu’il a rencontré un lent courant
de io km " l’entraînant un peu vers l’Ouest.

1111111 1 uni uni 1 1


une telle prédiction représente un assez joli tour de force....
Aussi, jour après jour, le bureau météorologique du stratocamp
est-il sur les dents. La carte du temps est dressée quatre fois par
jour, d’après les renseignements obtenus par T. S. F. de nom
breuses stations plus ou moins lointaines. Mais, jour après jour,
semaine après semaine., les hautes pressions évitent le strato
camp. L’optimisme baisse : l’automne est avancé, l’hiver ap
proche. Faudra-t-il renoncer à monter cette année ?
Tout le 9 novembre, branle-bas de combat : un noyau
à coup,
de hautes pressions semble prendre le chemin du stratocamp.
Le téléphone, le télégraphe entrent en action, amenant rapide
ment de la main-d’œuvre de renfort : la garnison de Fort Meade,
cantonnée à 50km de là.
La température baisse sérieusement. Il fera un froid de loup,
cette nuit; mais nul ne s’en préoccupe, dans l'excitation des
préparatifs. L’énorme enveloppe s’élève majestueusement, peu
à peu, sur la piste illuminée que l’on a hâtivement débarrassée
de la neige qui la couvrait. Des canalisations y déversent à flots
l'hélium contenu sous pression dans 1685 tubes, dont 40 sont
simultanément en action.
. . .

Quelqu’un, soudain, remarque une poche isolée, s’enflant


parmi les plis du tissu — lesquels, raidis par la température
glaciale, ont dû boucher une arrivée du gaz. On crie des ordres,
pour suspendre le gonflement. Trop tard. La poche s’est bour
souflée et, en moins d’une demi-seconde, a éclaté ! Il faut à
présent chercher et boucher la déchirure, qui, s’imagine-t-on,
atteint peut-être un mètre de long. Les opérations du gonflement
sont suspendues. On cherche pendant une bonne heure, explo
rant l’étoffe aux innombrables replis — et l’on finit par
trouver : la déchirure a 5m de long ! Il est minuit déjà. Un bref
colloque : on décide de réparer quand même. Qu’on s’imagine
ce travail : mettre une pièce solide à une fente de cette lon
gueur, par quelque 18° au-dessous de zéro, les hommes étant
alignés de chaque côté de la déchirure, avec une toile jetée par
dessus leur tête, et un radiateur électrique introduit dans cette
espèce de tente improvisée pour chauffer les travailleurs et le
matériel. On ne sait vraiment ce qu’il faut admirer le plus :
. . .
ou leur ténacité et leur habileté — ou la confiance que leur ont
témoignée les stratonautes en n’hésitant pas à prendre le

iiiiiiiiiiyiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiii
892 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
départ après une réparation hâtive effectuée en de telles con
ditions.
. . .

« LACHEZ-TOUT ! ».

Car le départ a lieu — pour de bon, cette fois. Se relayant


pour aller se réchauffer à tour de rôle dans les tentes, les
hommes ont peu à peu, méthodiquement, laissé filer les trente-
six cordes de retenue accrochées à la ralingue supérieure. Une
fois de plus, la gigantesque silhouette du stratostat domine la
piste de ses 95m de hauteur. La nacelle est en place. Stevens
et Anderson (qui seront seuls cette fois à tenter l’aventure)
y ont grimpé. On déplace le stratostat jusqu’à l’extrémité de
la piste, pour que la brise qui souffle à 13 kmh au-dessus du
stratobowl n’aille pas plaquer le ballon sur les collines environ
nantes avant qu’il ait pu prendre de la hauteur. Et c’est le
« lâchez-tout ».
Le stratostat bondit littéralement en l’air, avec une vitesse
très supérieure à celle d’un sphérique ordinaire, car il s’agit
d’éviter les crêtes voisines. Très vite, il les domine d’une tren
taine de mètres, et va les franchir sans encombre. Soudain
Anderson s’exclame : « Le ballon m’a tout l’air de descendre ! ».
Un coup d’œil au hublot : effectivement le stratostat, pris dans
un fort courant descendant, s’abaisse rapidement vers les

A droite, la nacelle, amenée sous l’enveloppe au moyen d’un chariot, vient d’être
fixée à celle-ci.
On procède aux vérifications. Remarquer la « cage » formée par les cordes
suspendant la nacelle au cercle de charge, et dans laquelle les stratonautes
procéderont en toute sécurité à leurs derniers aménagements. Derrière, à droite,
le gros paquet du parachute Hoffmann.
Devant, accrochés aux flancs de la nacelle, une série de sacs contenant des
parachutes auxiliaires pour expédier du matériel par dessus bord, comme
lest supplémentaire avant l’atterrissage. Plus bas, les boîtes contenant les
batteries d’accumulateurs, qui seront larguées de même.
Par le trou d'homme, on aperçoit le capitaine Stevens procéder à des aména
gements intérieurs.
A intervalles réguliers pendent au flanc de la nacelle les cordes auxquelles
seront fixés les sacs de lest. Sur la partie supérieure, à gauche, une série de
tubes destinés aux expériences scientifiques. En premier plan, descend la manche
de gonflement par oii les dernières bouffées de gaz ont été envoyées dans
l’enveloppe.
Au moment du départ, le stratostat entier ne sera plus retenu que par les
courtes cordes que l’on voit aboutir au sommet de la nacelle, et qui permettront
l’équilibre une fois établi, de le transporter à bras d’hommes jusqu’à l’extrémité
de la piste.

iiiiiii in in i iiuiiiiiiiiuniil iiiii i hui uni iii uni u uni in111 iiiiii IIIIIIIIIII iiiiiiiui IIIIIII lllllllllllllni
894 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
milliers de spectateurs venus assister au départ. Il n’y a pas
une seconde à perdre pour éviter une catastrophe. Bienheureuse
l’inspiration qui fit accrocher à l’extérieur, à l’entour de la
nacelle, les 40 sacs de lest pesant chacun 33 kg avec commande
,
électrique. Anderson saute sur le commutateur en trois
:
secondes, dix sacs (le quart du lest emporté !) sont libérés et
arrosent copieusement de fine grenaille de plomb la foule qui
se disperse, épouvantée, fuyant à toutes jambes le géant strato
sphérique prêt à s’abattre sur elle.... L’effet est immédiat
:
le ballon remonte à toute vitesse, si bien qu’il faut soupaper
énergiquement pour freiner l’ascension et laisser à l'équipage
le temps d’inspecter le gréement extérieur et de procéder aux
diverses manœuvres nécessaires avant qu’il faille clore les
hublots.
On pourrait s’imaginer que pareille inspection, effectuée au
sommet d’une sphère métallique glissante suspendue à quel
que 4000 ou 5000m d'altitude, pourrait faire reculer le plus
intrépide des chats de gouttière. Il n’en est rien; du moins,
c’est Stevens qui l’affirme. Les dix cordes suspendant la nacelle
au cercle de charge sont, en effet, aussi rigides que des barres
de fer : chacune, épaisse de 2 cm ,5, supporte une tension d’en
viron 5001; et elles forment ainsi une cage protectrice d’où
l’on ne pourrait glisser dans le vide qu’en y mettant de la
bonne volonté.
De ce belvédère aérien, il est relativement aisé de descendre
sous le ballon le météorographe officiel et le lourd spectro-
graphe — quoiqu’il faille, pour ce dernier, se cramponner aux
cordes pour n’être pas entraîné par son poids. Divers autres
appareils sont mis en position, parmi lesquels un ventilateur
dont les palettes, en brassant l’air, doivent permettre au stra-
tostat de tourner lentement sur lui-même. Il ne faut pas oublier

Les capitaines Anderson (à gauche) et Stevens,


équipés de leurs parachutes, procèdent à des essais dans leur spacieuse nacelle
de 2m,74 de diamètre, d’où toute étagère est bannie. Les instruments sont
accrochés aux parois.
Le capitaine Stevens vérifie l’appareil radiotéléphonique qui permettra aux
stratonautes de rester en liaison avec toute la planète durant leur ascension.
Au premier plan, à gauche, une partie de l’installation pour le renouvellement
de l’air avec, en bas, une bouteille contenant un mélange d’oxygène et d’azote
liquides.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinc
896 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
non plus d’accrocher clans les cordages le sac postal, contenant
le premier courrier qui sera acheminé via la stratosphère, et
dont les timbres feront la joie des collectionneurs, tout en
apportant une contribution financière non négligeable à l’entre
prise.... Il fait bon, là-haut, bien meilleur que dans le stra-
toboivl de glaciale mémoire, et l’on s’attarde volontiers à faire
le ménage, ranger les cordes qui traînent, avant de redescendre
s’enfermer dans la nacelle.
. . .

VERS LA STRATOSPHÈRE.
Car le ballon est déjà à 5000m, et raré l’air commence à se
fier sensiblement. Il est temps de fermer les hublots. La
manœuvre a été répétée maintes fois au sol : une minute suffit
à présent pour clore hermétiquement chaque trou d’homme.
Par la pression de l’hélium contenu dans un petit réservoir,
l’appareil à air liquide destiné à conditionner l’atmosphère de
la nacelle est mis en marche. Très vite, l’altimètre intérieur
indique une pression correspondant à l’altitude de 3900m, pres
sion qui sera maintenue constante durant toute l’ascension. On
constate qu'effectivement, une fois la soupape de vidange mise
en route, la pression ainsi fixée reste invariable, garantissant
l’étanchéité de la nacelle. Il aurait d’ailleurs été facile de
ramener cette pression intérieure normale au sol, malgré la
raréfaction extrême que doit atteindre l’air extérieur; la nacelle
est solide et a fait ses preuves aux essais : ses parois ont par
faitement supporté un excès de pression d’air intérieur de
1300 g/cm2 et une pression d’eau intérieure de 3 kg/cm2 Quant
.
aux glaces des hublots, fournies par la firme Bausch and Lomb
Optical C°, elles ont résisté à des pressions de plus de 7 kg/cm2
.
Mais le maintien de cette pression normale eût nécessité une
trop grande consommation d’air liquide. Il a été jugé préfé
rable d’établir une pression réduite, quoique suffisante, et dont
la réduction est d’ailleurs compensée du fait que l’air liquide
employé contient.45% d’oxygène, c’est-à-dire le double de la
proportion normale dans l'atmosphère. De plus, un ventilateur
fait passer constamment l’air de la nacelle sur de la soude, qui
le purifie en absorbant le gaz carbonique et une bonne partie
de l’humidité qu’il contient. Tout a donc été prévu de ce côté
et tout, en effet, fonctionne parfaitement....

'Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 897

Peu après le départ de l’ Explorer


«
II ».
De l’avion d’où le masler-sergéant Gilbert photographie le stratostat, on s’aper
çoit déjà que l’enveloppe a tendance à se gonfler et à s’arrondir par suite de
l’expansion du gaz. On le remarque même à la partie inférieure du ballon où
l’appendice pend librement (toute cette partie était repliée à l’intérieur,
dans l’ « Explorer I »).
A droite de la nacelle, le bras métallique à l’extrémité duquel est fixé le petit
ventilateur électrique destiné à assurer la rotation de la nacelle vers tous les
azimuts.

L’ascension se poursuit. A 10h 30min, trois heures et demie


après avoir quitté le sol, le ballon atteint sa zone d’équilibre
à 19.500m. La poire flasque et allongée s’est peu à peu arrondie

par l’expansion des gaz qu’elle contient, en montant dans une


atmosphère de plus en plus raréfiée. Le stratostat est à présent
sphérique ; le gaz, continuant à se dilater et cherchant désor
mais à s’échapper au dehors, ouvre l’appendice qui pend sous

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1MIIIIIIIHIHIHIHHHHHHHIHIIIHIHIIItlllHmtHHIHIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIllllllIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIII
898 REVUE DE L’ARMÉE DE L’ALR.
le ballon. A travers cet appendice ouvert, les stratonautes aper
çoivent enfin, loin, très loin au-dessus de leurs têtes, le sommet
du ballon et ils éprouvent quelque peine à « réaliser » qu’ils
sont suspendus à cette énorme bulle de gaz, eux et tout leur
pesant matériel ! Ils voient aussi, à l'intérieur de la sphère
colossale, le petit météorographe officiel dont ils lisent les indi
cations en s’aidant d’une jumelle. La température du gaz est
de —20°, au début (elle montera à 0° quand le ballon flottera
à l'altitude maximum), tandis que la température extérieure
varie de — 57° à —61° selon les couches traversées. C’est qu’en
effet le soleil chauffe le ballon et communique au gaz qu’il
contient une température supérieure à celle de l’air ambiant.
Il en résulte une dilatation (donc une perte) supplémentaire
de gaz; d’où nécessité d’une réserve suffisante de lest pour
compenser la diminution de force ascensionnelle qui résultera,
à la descente, de cette perte, lorsque le refroidissement provo
quera la contraction du gaz restant dans l'enveloppe. Ce phé
nomène est inévitable, et les trois victimes de l’« Ossoaviakhim »
ont probablement trouvé la mort pour en avoir sous-estimé
l’importance....
Et maintenant, pour monter plus haut, il faut jeter du lest.
Le stratostat obéit, s’élève encore, puis se stabilise après quel-
ques légères oscillations. Chose curieuse : la fine grenaille de
plomb ne s’éparpille plus comme au début de l’ascension, mais
tombe d’un bloc, comme une coulée rigide et verticale. C’est
que l’air est si raréfié qu’il n’offre plus aucune résistance appré
ciable aux corps qui s’y déplacent. Bien mieux : le ventilateur
extérieur qui, naguère, commandait la lente rotation du ballon
sur lui-même a beau tourner à toute vitesse, il ne produit plus
aucun résultat, car ses pales ne battant plus que du vide (ou
peu s’en faut) ne rencontrent plus aucun milieu sur la résis
tance duquel s’appuyer. Les appareils indiquent, en effet, que
la pression de l’air extérieur est tombée à 27 mm,5 de mercure
(soit environ 1/25e de la pression atmosphérique normale). Le
fait paraît si incroyable aux stratonautes que Stevens entr’ouvre
pour un instant la caisse du « factographe » pour jeter
un coup d’œil directement sur la colonne de mercure, réduite
à presque rien, et s’en convaincre de visu.... L’« Explorer )
a bien sous lui, à cet instant, les 96/1006 de l’atmosphère ter-

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllllllllllll
l’horizon.

à
monte

soleil

le
que

tandis

incultes,

escarpements

des

et
fertiles

plaines

des

au-dessus

s’élever

stratostat

le
voit

on

surplombe,
900 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
restre, et le peu qui reste au-dessus de lui se disperse sur des
centaines de kilomètres....

Il D’en bas, les curieux n’aperçoivent plus le


est 11h 40min.
gigantesque stratostat, dans le ciel pur, que comme une perle
d’épingle de cravate tenue à bout de bras. Il a atteint à ce
moment 21.700m d’altitude, record du monde de hauteur, puis
que celui des Russes (à peine supérieur, d’ailleurs) n’a pu être
homologué. Quelle tentation de jeter un peu de lest pour monter
plus haut encore ! Les deux hommes font le bilan de tout le
lest disponible — et constatent qu’il serait tout à fait impru
dent d’en distraire quoi que ce soit. Il leur faut donc se résigner
à descendre, sous peine de risquer d’anéantir les résultats d’une
ascension qui s’est déroulée, jusqu’à présent, dans les meilleures
conditions.

COMMENT ON TRAVAILLE ET VIT


DANS LA STRATOSPHÈRE.
Tout à bord, en effet, fonctionne admirablement. Les instru
ments enregistreurs, une fois mis en route, il n’y a eu qu’à les
laisser aller, en s’assurant simplement par leur cliquetis qu’il
ne s’y produit rien d’anormal.
Rien que ce cliquetis, d’ailleurs, montre déjà qu’à l’altitude
maximum les rayons cosmiques sont bien de 100 à 150 fois plus
intenses qu’au sol. Toutes les 15 ou 90 secondes, un déclic révèle
que les indications des instruments mesurant la pression, la
température, la position de la nacelle, la brillance du ciel et
celle du soleil, ont été enregistrées photographiquement :
9600 clichés sur films ont fixé cette ample documentation, qu’il
faudra des mois pour étudier ensuite à tête reposée ! Il y a
même une espèce de doigt mécanique qui, toutes les 90 secondes,
vient frapper le tube du baromètre pour éviter tout retard dû
à la capillarité.
Un thermomètre particulièrement sensible révèle ainsi que,
outre l’inversion de température déjà connue, il existe dans la
stratosphère des variations de température entre les diverses
couches. Enregistrées sur films également, les indications des
deux spectrographes et celles de l’appareil pour l’étude de la
conductibilité électrique de l’air.
Au début de la descente, Stevens procède au remplissage des

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiu
cornues de 25 litres, vidées et scellées avant le départ, et des
tinées aux prises d’air stratosphérique. Il les laisse ouvertes, en
communication avec l’extérieur, pendant dix minutes, profitant
de ce que la nacelle se trouve dans un courant d’air ascendant
très net, puis les scelle à nouveau. Toutefois, fait-il remarquer,
il est possible que l’air stratosphérique ainsi recueilli contienne
un peu de vapeur d’eau, car aux hautes altitudes en particulier
la nacelle s’est trouvée entourée de vapeurs, en nuages parfois
assez épais pour faire croire aux occupants que quelque chose
avait pris feu à l’extérieur (éventualité fort improbable, étant
données les précautions prises) — vapeurs provenant vraisem
blablement de l’évaporation du liquide des batteries et de l’hu
midité contenue dans les parachutes et les cordages.
Une chambre photographique verticale prend constamment
des vues de la région que survole le ballon
— vues qui servi
ront plus tard, entre autres, à déterminer sa trajectoire exacte.
D’autres photographies sont prises, et du sol, et de l’horizon,
avec un appareil photographique aérien Fairçhild, chargé d’un
film infrarouge Eastman. Le paysage est également cinémato-
graphié sur un film infrarouge à l’aide d’un appareil Bell et
Koweït a Eyemo ». D’autres photographies en couleurs du sol,
du ciel et du ballon sont prises sur Kodachrome film avec un
Eastman Ciné-Kodak.
A l’altitude maximum également sont photographiées les indi
cations d’un appareil, établi en vue d’étudier les variations
éventuelles de l’intensité de la pesanteur. Au début de la des
cente, on libère un autre appareil destiné à recueillir les spores
pouvant encore exister à grande altitude — appareil qui s’est
refermé automatiquement avant de pénétrer dans les couches
plus basses de l’atmosphère et qu’un parachute a ensuite ramené
au sol sans encombre.
D’autres spores, emportées du sol, celles-là, ont participé à
cette excursion dans le ciel en restant constamment à l’air
libre, exposées aux conditions rigoureuses de la stratosphère.
De retour au laboratoire, sur les sept espèces ayant fait le
voyage, cinq ont germé et se sont développées normalement. . . .
Par contre, des larves de Drosophiles — espèce de petites
mouches vivant sur les fruits en décomposition, et dont les
larves sont en général assez résistantes, même à l’action nocive
des rayons X
— ont moins bien supporté le voyage, quoique
llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIllIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIimi
902 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
étant restées constamment à l’abri
dans la nacelle : elles ont
été décimées (sous l’effet des rayons cosmiques, peut-être), et
trois d’entre elles seulement sont revenues vivantes au sol, où
leur évolution et celle de leurs descendants a été suivie avec
curiosité par les naturalistes.
Quant aux stratonautes eux-mêmes, ils ne semblent pas s’être
ressentis des effets des rayons cosmiques. L’existence dans la
nacelle leur paraît parfaitement acceptable — à part quelques
petits inconvénients, naturellement. C’est ainsi qu'Anderson,
malgré tout le désir qu’il peut en avoir, doit abandonner l’idée
de se restaurer : le sandwich sur lequel il a jeté son dévolu est
complètement gelé. Au contraire, Stevens, dévoré d’une soif
. . .
inextinguible (l'expérience semble prouver qu’on n’a pas très
faim, mais qu’on a très soif dans la stratosphère), Stevens se
voit obligé d’absorber près de quatre litres d’eau chaude (de
crainte qu’elle ne gelât, on l’avait soigneusement chauffée et
enveloppée avant le départ !). Faute d’une orangeade glacée
pour* se désaltérer, il trouve d’ailleurs cela excellent....
Quant à la température dans la nacelle, elle ne s’abaisse pas
au-dessous de —5°; en raison de l’inversion de température
qui se produit en cours de route, et aussi sans doute du soleil
plus vif au milieu du jour, elle s’élève même à — 6° à l'altitude
maximum. Mais il y existe un gradient de température assez
fort : vers le bas de la nacelle (partie noircie extérieurement
et absorbant le rayonnement), il fait relativement tiède, et les
hublots sont bien dégagés — vers le haut, qui est peint en blanc
et réfléchit les radiations reçues, il fait beaucoup plus froid, et
le hublot supérieur est couvert d’un givre qu’on ne peut essuyer
que durant quelques secondes pour observer ce qui se passe
dans l‘enveloppe. En somme, la sphère est bien conditionnée
pour avoir les pieds au chaud tout en gardant les idées
fraîches.... L’air y est d’ailleurs excellent, les appareils à air
liquide fonctionnant très bien — au point qu’on ne sentira
nulle différence, lors de l’ouverture des hublots, à la descente.

LA TERRE VUE DU CIEL.


Mais que voit-on, lorsqu’on est là-haut suspendu entre ciel et
terre ? C’est simple : on voit la terre, et puis le ciel, et aussi
le ballon.
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 903

La terre, c’est une immense étendue brune, plate en appa


rence, s’étendant à perte de vue. De l’altitude maximum
atteinte par le ballon, on ne distingue ni les maisons, ni les
routes (avis aux personnes qui se demandent si les astronomes
pourraient apercevoir d’improbables habitants dans la Lune,
puisque les meilleurs télescopes ne ramènent encore notre satel
lite qu’à quelque 80km de notre œil...). Les champs les plus
vastes ne sont que de minuscules rectangles. Çà et là, des traî
nées de végétation verte révèlent la présence de cours d’eau.
L’eau elle-même s’aperçoit dans les lacs et les rivières, surtout
si elle réfléchit la lumière solaire vers l’observateur. Aucune
trace de vie n’est plus perceptible sur cette terre, qui apparaît
aux stratonautes comme un monde mort, un monde étranger....
Il leur semble qu’ils n’ont plus rien de commun avec elle à ce
moment, et seul le soleil attire leur attention.
Au-dessus d’eux, le ballon empêche d’apercevoir le zénith.
C’est bien dommage, car le ciel doit y être si sombre que les
étoiles doivent à coup sûr y être visibles. Mais la masse énorme
du ballon, si vivement éclairée par le soleil que les cordes
paraissent irradier de la lumière, bouche tout le ciel jusqu’à
55° de l’horizon.
L’horizon lui-même n’est qu’une bande de brume blanche
où l’œil ne voit rien. Mais là où le pouvoir de- pénétration de
l’œil humain s’arrête, l’œil photographique, doté d’une rétine
artificielle sensible aux radiations invisibles infrarouges, est
capable de traverser les brumes; et, de la nacelle du stratostat,
la plaque photographique a révélé un horizon lointain, distant
de quelques centaines de kilomètres
— horizon non pas en ligne
droite comme ceux auxquels nous sommes habitués, mais
incurvé, faiblement convexe vers le ciel, mettant en évidence
la courbure du globe terrestre.
Au-dessus de cet horizon blanchâtre, le ciel est bleu clair.
A 20 ou 30° de hauteur, il a sa couleur bleue normale. Puis,
à mesure qu’on s’approche du zénith, sa teinte se fonce rapi
dement. A 55°, avant de disparaître derrière la masse du ballon,
il est d’un noir à peine nuancé de bleu très sombre, beaucoup
plus foncé que le bleu, déjà très profond pourtant, du drapeau
des Etats-Unis qui flotte en plein soleil, dans les cordages du
stratostat.
Cet aspect du ciel, d’ailleurs, ne se modifiera guère pendant

lilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
904 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
les six premiers kilomètres de la descente. Et les stratonautes
ont tout le loisir de s’emplir les yeux de ce spectacle impres
sionnant, puisque leur ballon se maintient pendant une heure
et demie à son altitude maximum....

« ALLO, LONDRES ?.... ICI, LA STRATOSPHÈRE.... »

Parmi tous les appareils parfaitement réglés que contient la


nacelle, l’un de ceux qui fonctionnent le mieux est sans doute
encore l’émetteur-récepteur installé par les soins de la National
Broadcasting Company. Un ingénieux dispositif compensateur
permet à la conversation entre la terre et le stratostat de se
poursuivre avec une intensité toujours égale, tandis que le
ballon s’éloigne du sol. Aussi les auditeurs sur ondes courtes
peuvent-ils entendre Stevens et Anderson converser entre eux,
même lorsqu’ils n’ont pas l’intention de s’adresser au public,
sur le fond monotone des déclics des enregistreurs.
De New-York en Californie, du Canada au Texas, par récep
tion directe —- en. Amérique du Sud et en Europe (et même
probablement dans le monde entier) par relais, les ondes dociles
font entendre les paroles échangées par 21.000m d’altitude. Les
stratonautes conversent avec les officiels de la National Géogra
phie Society. Ils ne s’occupent d’ailleurs nullement d’observer
la route suivie par leur ballon; ces observations sont faites
au sol et la position de leur engin leur est fréquemment com
muniquée par radio.
A 16.000m de la terre, Anderson est encore à portée de voix de
Com
sa famille. Mrs Anderson appelle soudain son époux : «
ment cela va-t-il, et où êtes-vous ?» — « Ça va très bien,
merci.. » — « Mais où êtes-vous donc en ce moment ? » insiste
.
Mrs Anderson (Ah ! l’éternelle question. . soupire Stevens) —
.

« Je suis en l’air »
répond Anderson, un peu sèchement.
(Qu’aurait-il pu dire d’autre ?).... En somme, aussi facile que

A droite, l’atterrissage de l’ Explorer II ».


«

Le photographe a saisi l’instant précis où la nacelle touche le sol, reprenant


contact avec son ombre. Exactement au même moment, Anderson manœuvre
la corde de déchirure, et l’on en voit l’effet en haut du ballon, vers la droite,
où un point noir se creuse à l’endroit où l’étoffe va s’ouvrir (l’autre point noir,
à gauche, est l’une des soupapes), doutes les phases de l’atterrissage seront
maintenant photographiées de façon continue par les avions qui tournoient
à l’entour.

unn
906 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
de décrocher son appareil pour passer une commande à l’épicier
du coin.
Et voici une liaison historique, à inscrire dans les annales de
la radio. A la même heure, l’hydravion « China Clipper» sur
vole le Pacifique à 1050m d’altitude, entre San-Diego et San-
Francisco. Une conversation s’établit entre les deux géants,
celui de la stratosphère et celui de l’air, à bord duquel se trouve
justement l’un des techniciens qui ont collaboré à l’organisa
tion d’une précédente ascension stratosphérique....
Peu après, nouvelle liaison sensationnelle : de son bureau à
Londres, un journaliste anglais interviewe les stratonautes.
Leur conversation roule d’ailleurs autour d’un malentendu : la
nouvelle de l’incident survenu lors du gonflement est déjà con
nue en Angleterre, mais l’interlocuteur de Stevens croit que la
déchirure s’est produite après le départ et que l’équipage l’a
raccommodée en plein vol. Il harcèle Stevens de questions à ce
sujet : « Mais comment avez-vous donc pu vous y prendre ? »
Et Stevens, qui ne s’est pas rendu 'compte du quiproquo, de
répliquer tout bonnement : « Mais nous y avons simplement
collé une pièce », plongeant son interlocuteur lointain dans un
ahurissement sans limites.
. . .

Mais si, du sol, on entend parfaitement ce qui se passe dans


la nacelle, la réciproque est vraie. Les passagers du ballon
entendent non moins bien les réflexions qui s’échangent entre
les correspondants avec qui ils sont mis en liaison, et cela leur
vaut d’agréables surprises. Par exemple, au moment où ils
planent à près de 22.000m d’altitude, celle d’entendre un opé
rateur au sol recommander la discrétion à ses collègues :
«Ne vous dépêchez pas trop d’annoncer que le record est battu, mes
enfants. Vous savez qu’un record n’est valable que si les types redes
cendent vivants — et ils ont encore largement le temps de se casser la
figure
L’ATTERRISSAGE.
Mais il n’est si bonne compagnie qui ne se quitte. Le stra-
tostat, il est vrai, n’a abandonné qu’à regret les hautes zones
et, jusqu’à 12.000m, il a fallu manœuvrer 'constamment la sou
pape. Puis, le gaz se refroidissant, la descente s’est accélérée.
Après avoir navigué la plupart du temps vers le Sud-Est, puis
vers le Nord-Est, le stratostat a mis cap au Sud en se rappro-
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 907

chant du sol; il ne rebroussera chemin vers le Nord que tout à


fait en fin de descente.
Déjà, on peut ouvrir les hublots. Des avions tournoient alen
tour, faisant escorte au ballon. Les stratonautes expédient par
dessus bord, dûment munis de parachutes, tous les objets pou
vant servir de lest : appareils à air liquide, tubes d’oxygène,

Le straiostat rend l’âme....


Quasi décapité d’une main sûre, le sommet du ballon bée largement et le gaz
s’échappe, accompagné d’un fin nuage de talc. La nacelle s’est couchée sur
le flanc; on voit nettement, au-dessous, intacte, la couronne pneumatique
destinée’à amortir la reprise de contact avec le sol.

IIIIIKIIIIIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
908 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

...et s’affaisse.

Poussée de côté par la brise, la gigantesque enveloppe se couche sur la


prairie
sans que la nacelle ait bougé.

batteries électriques, etc. Ils se coiffent de casques de footballers,


amortir les chocs possibles (le professeur Piccard, lui, avait
pour
trouvé un casque stratosphérique plus original encore : une cor
beille à papier en osier garnie intérieurement d’un coussin...).
Au-dessous, sur le sol, les routes disparaissent sous un nuage
de poussière : une nuée d’autos suivent le ballon à la
piste
(certaines depuis le départ du stratobowï) en un rallye-stra-
dizaines
tostat improvisé. Le ballon n’est plus qu’à quelques
les
de mètres du sol, où son ombre s’allonge, démesurée, sous
déjà bas sur l’horizon. Le
rayon obliques d’un soleil d’automne
guide-rope, long de 150m, frôle un boqueteau, traîne dans un
champ, traverse une route où il passe même sous une auto
lancée à la poursuite du stratostat. Anderson et Stevens crient
automobilistes de s’en saisir; mais nul ne l’ose, sauf un
aux
homme qui s’en empare, puis le lâche aussitôt, comme effrayé.
Il semble que les gens doutent de pouvoir arrêter et amener au
sol l’énorme masse qui, de nouveau allongée et flasque comme

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII<IIII<III<IIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 909
au départ, les domine de toute sa hauteur. Dommage, car cette
manœuvre eût permis de vider le ballon par le simple jeu de
la soupape, sans être contraint de déchirer l’étoffe pour accé-
lérer l’opération et éviter à la nacelle d’être traînée sur une
certaine longueur.
Faute de mieux, Anderson s’y résigne. Au moment précis où

Comme un doigt pointé vers la stratosphère,


où le ballon géant planait tantôt, le dernier fragment de l’enveloppe
va
s’affaisser à son tour sur le sol. A droite, déjà, paraît la première des automobiles
poursuivantes — la gagnante du rallye-stratostat.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiniiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiim
çio REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
la nacelle touche le sol (avec une telle douceur que le coussin
pneumatique placé à sa base pour amortir le choc n’éclate même
pas), il tire sur la corde de déchirure. L’opération a été con
duite avec une telle précision que la nacelle s’immobilise sur
place, se couchant sur le flanc, tandis qu’à l’intérieur matériel
et occupants prennent subitement des positions relatives aussi
fantaisistes qu’inattendues. Et à peine les stratonautes ont-
...
ils repris la station verticale qu’il voient un visage s’encadrer
dans le hublot. L’un des aviateurs, voyant la manœuvre du
stratostat, a atterri juste avant lui, trouvé le temps de sauter à
terre, de prendre deux photographies, et d'accourir près de la
nacelle... Une auto, déjà, s’immobilise à quelques mètres de là.
.
Moins de cinq minutes plus tard, le champ d’atterrissage est
devenu un parc d’automobiles et d’avions, et des centaines de
curieux y sont rassemblés. Le Dr Brombach, représentant de
V Association Aéronautique Nationale, qui a suivi constamment
le stratostat à bord d’un avion, est déjà là pour prendre pos
session du météorographe officiel dûment scellé.
Il est 15120m, et le stratostat a parcouru, en 8h 13m, une dis
tance de 360km à vol d’oiseau vers l’Est, avec plusieurs crochets
dus aux divers courants aériens rencontrés aux différentes alti
tudes.

L'AVENIR DES ASCENSIONS STRATOSPHÉRIQUES.


Voici donc la plus perfectionnée des ascensions stratosphé
riques menée à bien d’un bout à l’autre : juste récompense de
la persévérance des organisateurs. Il ne semble pas, à présent,
que les stratonautes américains aient l’intention de repartir de
sitôt. Il faut d’abord, en effet, qu’on ait pu dépouiller et ana
lyser l’énorme moisson de documents ramenés au sol par l’« Ex-
plorer-II », travail qui peut demander de longs mois. Il est tou
tefois hors de doute que d’autres ascensions auront lieu, nom
breuses, plus nombreuses, peut-être, qu’on ne pourrait le
croire. Car, si l’intérêt des questions scientifiques ainsi abordées
est grand, le nouveau champ d'exploration qui s’ouvre ainsi à
l’investigation humaine est immense. Peut-être même quelque
trouvaille inattendue, fruit des premières ascensions, va-t-elle
y donner l’essor à des recherches d’un genre insoupçonné?. . . .
Il faudra aller de plus en plus haut !
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 911

Dans la conquête de ce nouveau domaine, il semble bien que


l’avion ait trouvé plus fort que lui — provisoirement du moins,
malgré les intéressantes tentatives de Donati, de Wiley Post et
des aviateurs soviétiques. L’adaptation de l’avion à un air très
raréfié étant un problème technique autrement difficile à
résoudre que celle de l’aérostat, il ne semble guère probable, en
l’état actuel de nos connaissances, qu’il puisse s’élever beaucoup

Quelques instants plus tard.


Sous les rayons obliques du soleil couchant, des avions ont atterri, d’innom
brables automobiles, dans un nuage de poussière, convergent vers le point
de descente du stratostat, et une foule qui grossit d’instant en instant se presse
autour de la nacelle.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
912 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
au-dessus des couches les plus basses de la stratosphère, où une
altitude optimum pourrait être trouvée pour les transports à
grande vitesse.
L’aérostat, lui, s’est adapté beaucoup mieux aux hautes alti
tudes. Plusieurs belles ascensions, dont celle de l‘« Explorer-II »,
en font foi. Pour aller haut, il suffit, en principe, de ne gonfler
que partiellement l’enveloppe (au dixième, par exemple), et
d’avoir pourtant assez de force ascensionnelle pour emporter
tout le lest nécessaire à la descente et n’être pas gêné outre
mesure par les pertes de gaz au-dessus de la zone d’équilibre.
Par conséquent, il faut faire d’autant plus grand qu’on veut
aller plus haut. Et, accessoirement, alléger le matériel le plus
possible. Le capitaine Stevens estime qu’en gonflant WExplo-
rer-II » à l'hydrogène et en ayant la possibilité de se débarras
ser au cours de la descente du maximum d’appareillage lourd,
le stratostat, équipé comme en novembre 1935, pourrait s’élever
jusqu’à 23.500m au moins. On pourrait même monter plus haut
encore (peut-être jusqu’à 28.500m) avec un ballon un peu plus
grand et une enveloppe, non plus en coton, mais en soie caout
choutée. C’est d’ailleurs ce cpie se propose de faire le professeur
Piccard, qui a établi les plans d’un nouveau stratostat ( 1 ),
cubant 114.000 m3 (soit 10.000ma de plus que l’« Explorer-II »),
et dont l’enveloppe, en soie caoutchoutée, serait environ trois
fois plus légère que celle du ballon américain, avec l’avantage
supplémentaire d’une élasticité, donc d’une résistance à la
déchirure, plus grande que celle de l’enveloppe de coton.
Pour monter le plus haut possible, le professeur Piccard envi
sagerait, en outre, de reléguer une partie du matériel
— et en
particulier le poste de radio, avec son opérateur
— dans une
seconde nacelle suspendue sous la première. Une fois le lest
disponible pour la montée épuisé, cette nacelle pourrait être
abandonnée à son tour pour permettre au ballon et à la nacelle-
laboratoire de s’élever encore, jusqu’au voisinage de 30.000m.
Quant à la cabine de T. S. F., elle redescendrait grâce à un

Des journalistes pressés ont déjà annoncé cette nouvelle ascension pour
(1)
le mois d’août. En réalité, le professeur Piccard est prêt à l’entreprendre dès
qu’il lui aura été possible de trouver le million nécessaire, l’ascension dût-elle
être financée, à défaut d’autres crédits, par quelque grande firme qu’une
méthode de publicité aussi peu terre à terre pourrait séduire.

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
parachute initialement entr ‘ouvert, et qui se déploierait dès que
la vitesse de chute serait telle que la pression de l’air raréfié,
accrue par cette même vitesse, atteindrait une valeur suffi
sante.
. . .
Toutefois, fait remarquer le capitaine Stevens, un tel ballon,
plus coûteux, plus difficile à manier, de coefficient de sécurité
moindre, nécessiterait un emplacement de départ dont il n’existe
sans doute que peu d’exemplaires au monde : une cuvette natu
relle entourée d’un rempart de collines protectrices suffisam
ment hautes pour que le sommet du ballon gonflé reste pourtant
dans une zone de calme atmosphérique complet. A quoi le pro
fesseur Piccard objecte qu’une cuvette de dimensions aussi res
treintes que le « stratobol » n’est peut-être pas indispensable,
et peut même présenter des inconvénients au moment du départ
(les occupants de l’« Explorer-II » en ont fait l’expérience).
Selon lui, un rempart de collines assez éloignées suffirait, l’air
froid restant calme au voisinage du sol, par une nuit claire,
dans cette vaste enceinte; il y aurait d’ailleurs moyen d’en
visager un dispositif réduisant la surface offerte au vent par
toute la partie inférieure du stratostat pendant les opérations
de gonflement.
Il faut songer aussi que bien des problèmes soulevés par la
construction des grands stratostats sont loin d’être résolus -—•
témoin l’éclatement de l’enveloppe gonflée en juillet 1935 : il
ne faut pas oublier en effet que, au départ comme au retour
(si la descente s’effectue avec appendice fermé), tout le gaz
est rassemblé en une vaste bulle uniquement au sommet du
ballon, y provoquant des surtensions locales mal définies, et
sans doute considérables. Le professeur Piccard se propose
d’ailleurs de munir le haut du ballon d’une demi-sphère addi
tionnelle contenant tout le gaz à pression normale, le reste de
l’enveloppe étant plié au moment du départ. Cela supprimerait
les surtensions en haut du ballon, tout en permettant de dimi
nuer considérablement la surface offerte au vent avant le
départ.

De toutes façons, pour aller plus haut encore, on ne peut


plus guère se fier au gaz contenu dans l’enveloppe, qui peut se
révéler insuffisant au cours de la descente. Le professeur Pic-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiniiiiiiiiii)
914 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
card envisage de se tirer d’affaire en effectuant la descente
avec l’appendice ouvert. Conséquence : l’hydrogène évacué
serait remplacé au fur et à mesure par de l’air qui, chauffé par
le soleil dans l’enveloppe, pourrait contribuer à maintenir le
stratostat, quoique possédant une force ascensionnelle cinq à
dix fois moindre que celle de l’hydrogène. Le professeur Pic-
card calcule même qu’au voisinage de 20.000m le ballon pour
rait rester en équilibre après avoir évacué tout son hydrogène
—- uniquement gonflé à l’air relativement chaud, tel une vaste

Déjà le capitaine Stevens retire les instruments de la nacelle;


on voit traîner, au premier plan, les lanières ayant servi à attacher celle-ci
au ballon (de préférence à des cordes, pour éviter les torsions).

montgolfière. Pour descendre plus bas, il faudrait fermer l’ap


pendice et laisser échapper de l’air par la soupape, quitte à en
admettre à nouveau par l’appendice si besoin était. Ainsi, par
le jeu combiné de la soupape et de l’appendice, grâce à l'échauf-
fement produit par le soleil, le professeur Piccard croit qu’il
serait possible de regagner le sol avec un stratostat devenu
montgolfière stratosphérique.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniii i iiiiiiiiiuiiiiiiiii i iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiii iiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii


Par ailleurs, en U. R. S. S., on a procédé, sur les indications
des ingénieurs Koulinitchenko et Lebedev, à l’étude et à la
construction de deux grands modèles de « stratostats sans
danger », dont, en cas de déchirure ou de trop grande perte
de gaz, l’enveloppe se transformerait automatiquement en para
chute.
es
Une solution plus radicale est d’abandonner l’enveloppe et

Et de l’autre côté, tels les draps en désordre du lit d’un géant,


s’étend l’immense enveloppe dégonflée, qu’un cordon d’automobiles devra
bientôt protéger de la foule des curieux.

de laisser la nacelle revenir au sol par ses propres moyens. Se


rencontrant avec des idées émises en U. R. S. S. il y a dix-huit
mois, le capitaine Stevens suggère qu’on laisse l’enveloppe
monter plus haut toute seule, emportant dans les couches supé
rieures des appareils automatiques qui, vu le volume de l’im
mense enveloppe délestée, pourraient atteindre une altitude plus
considérable que les ballons-sondes ordinaires. Pendant ce temps,

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllliliutlillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
916 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
la nacelle et son équipage redescendraient au moyen d’un para
chute; mais, en raison de la raréfaction de l’air, il est probable
qu’ils tomberaient pratiquement en chute libre pendant un cer
tain nombre de kilomètres avant que le parachute puisse se
déployer. Plus l’air est raréfié, en effet, plus la vitesse de chute
doit être grande pour que la pression du vent relatif qu’elle
produit atteigne la valeur requise pour l’ouverture de l’engin
— engin qui devra être soigneusement étudié pour permettre
de freiner ainsi la chute d’une masse de plusieurs tonnes tom
bant à une vitesse de l’ordre de plusieurs centaines de mètres
par seconde, et pour ralentir ensuite cette chute jusqu’à une
valeur acceptable en pénétrant dans les couches atmosphériques
plus denses. Perspective qui promet évidemment du beau sport
aux amateurs d’émotions fortes....
Les techniciens soviétiques suggèrent aussi de remplacer la
nacelle par un planeur, qui, comme précédemment, abandonne
rait l’enveloppe à très grande altitude pour regagner le sol.
Un essai a même été effectué cet hiver avec succès, le planeur
ayant abandonné l’aérostat vers 4500m. Ledit planeur pourrait
être muni d’un double dispositif de sécurité : parachute d’en
semble, d’abord, en cas d’avarie survenant à l’engin
— ensuite,
si ce premier dispositif se révélait insuffisant pour freiner la
descente, ouverture automatique du planeur à altitude relati
vement basse, laissant tomber dans le vide l’équipage muni
de parachutes individuels
. .. .

Les idées ne manquent pas, on le voit, et les réalisateurs ont


du pain sur la planche. Les audacieux également....

Et après
— car le stratostat lui-même finira par atteindre
?

un plafond dans cette atmosphère qui va sans cesse en se raré


fiant davantage....
Après ? Il y aura peut-être bien la fusée stratosphérique, pré
curseur de l'astrofusée, qui est loin d’avoir dit son dernier mot
— puisqu’elle en est encore à essayer de balbutier le premier....
Reysa BERNSON.

IIIIIIIII IIII IIIII IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHli


11111111111111111111111111111111111111111
iiiiiiii iiiiiiiiniin 111111 in uni iiiiii i iiiiiiiiiiiiiiii uni 111 iiiiiiii uni uni ini min iii iiiiiiuiii inu iiil iiiiiunu iiiiiiiii

Notes et souvenirs
sur la
création de 1Aviation militaire française (1)

Par le Lieutenant-Colonel BELLENGER,


Ancien commandant de l’Aéronautique de la 6e Armée

IV.

L’INTERPELLATION DE M. REYMOND AU SÉNAT


(31 mars 1910).

Le avril, les journaux m’apportèrent,


1 er en guise de poisson
d’avril, le compte rendu de l’interpellation de M. Reymond, la
veille, au Sénat.
M. Reymond avait débuté par une série de critiques, d’ail
leurs très justifiées, sur l’insuffisance du service des dirigeables :
ceux-ci avaient été inventés en France par le colonel Renard,
perfectionnés par nos ingénieurs, et cependant, 25 ans après la
sortie du premier ballon réellement dirigeable de Chalais-
Meudon, nous ne disposions pas d’un seul ballon utilisable en
guerre, alors que l’honorable sénateur citait quatorze unités
mobilisables en Allemagne, sans compter celles réservées à l’ins
truction.
Non seulement nous n’avions pas de dirigeables, mais nous
n’avions pas de hangars assez vastes pour recevoir les diri
geables nécessaires, en sorte que le ministre en était réduit à
proportionner le cube des engins commandés à la mesure des
hangars existants.

(1) Voir les numéros de février, mai, juin et juillet de la « Revue de l’Armée de
l’Air ».

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiii
918 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Enfin, greffaient là-dessus des histoires d’usine à hydro
se
gène fort peu claires, mais dont le résultat était
que ce gaz
coûtait à notre aérostation beaucoup plus cher qu'ailleurs et
notamment qu’en Allemagne.
Véritablement, le service des dirigeables marchait mal et l’in
dignation de M. Reymond, bientôt partagée par ses collègues
en
présence de ces révélations, était fort justifiée.
Sur tous ces points, j’étais pleinement d’accord
avec l'in-
terpellateur.
Malheureusement, M. Reymond, voulant remédier
au mal,
croyait en trouver les causes dans la multiplicité des services
indépendants chargés des questions aéronautiques il existait
:
à l’origine un seul établissement, l’Etablissement central
de
Chalais-Meudon, chargé de l’aérostation. Puis,
on avait cons
titué un bataillon d’aérostiers sans lien direct avec lui. Ensuite
un troisième organisme, l’Ecole du Génie de Versailles, avait
été chargée du matériel de ce bataillon. L’Etablissement de
Chalais-Meudon lui-même avait été scindé en deux laboratoire
:
d’un côté, établissement central de l’autre, etc.. Le sénateur
énumérait ainsi dix services distincts, dont l’un était précisé
ment le service d’aviation de Vincennes, créé par le ministre et
confié à l’Artillerie, ce qui lui enlevait tout lien
avec les autres,
à moins de remonter jusqu’au ministre même.
Voyant dans cette multiplicité l’origine de l’impuissance dont
semblait frappée l‘aéronautique française, le sénateur demandait
au ministre de la faire cesser en groupant dirigeables et aéro
planes, et en empêchant le partage de ceux-ci entre l’Artillerie
et le Génie.
Parvenu à ce point, il soulignait les variations du ministre.
Les opinions des deux Chambres divergeaient,
comme je l’ai
dit, les Députés penchant pour le service créé à Vincennes
par
le commandant Estienne, le Sénat pour la centralisation
aux
mains du Génie. Le ministre, passant d’une Chambre à l’autre
et toujours en quête d’approbations, avait cru devoir modifier
sa thèse à chaque passage pour gagner la sympathie de ses
auditeurs. En décembre 1909, un crédit ayant été accordé
par
la Chambre à l’Artillerie, il avait déclaré
au Sénat, pour le faire
approuver, qu’il cherchait à faire naître une émulation per
mettant de travailler la question sous différentes faces et d’ob-

«.iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiini iiiiiiiiinin il i iiiiiiniiiii uni i ii uni


11 11 in nui 11 il ii 111U11nui niiiiii 1111111 uni iiiiiuiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 919

tenir ainsi des progrès plus rapides — point de vue dont l’expé
rience a d’ailleurs prouvé la valeur, mais qui semblait admettre
la division de l’Aviation en deux branches, respectivement
confiées à l’Artillerie et au Génie.
Paraissant devant la Chambre en février 1910 à propos du
budget annuel, le ministre avait déclaré que le Génie garderait
le plus léger que l’air, tandis que l'Artillerie aurait dans ses
attributions l’aéroplane, plus lourd que l’air.... «Solution
éminement rationnelle, et qui doit être maintenue » avait déclaré
le Député rapporteur, d’accord avec le Ministre.
Toutefois, le 15 mars, revenu devant la Commission sénato
riale de l’armée, le même ministre avait tenté de concilier les
deux déclarations précédentes en déclarant que les besoins de
l’Artillerie en matière d’aviation étant différents de ceux de
l’Etat-Major et susceptibles d’être dès à présent satisfaits, il
confiait à l’artillerie le soin des engins nécessaires pour ses
reconnaissances de champ de bataille, le Génie étant chargé des
engins nécessaires au commandement pour les reconnaissances
à longue portée.
Ces trois points de vue différents avaient d’ailleurs chacun
sa valeur, et pouvaient parfaitement se soutenir. Nul doute que
si le ministre avait adopté l’un d’eux d’une façon ferme et s’y
fût rigoureusement tenu, il eut trouvé une majorité pour l’ap
prouver. Le malheur était qu’il eût émis successivement trois
avis différents : il donnait ainsi l’impression d’une indécision
peu propre à lui attirer l’approbation d’une assemblée.
Toutes ces thèses successives semblant reposer sur une cer
taine spécialisation des engins, M. Reymond s’attaquait — et
là, sa thèse était fort contestable — à cette spécialisation, décla
rant qu’il était impossible de la faire dans l’état présent des
engins, que non seulement il n’y avait pas lieu de faire de dis
tinctions dans l’Aviation, mais qu'aéroplanes et dirigeables
étaient assez proches les uns des autres pour que les progrès des
uns profitassent aux autres : il fallait donc éviter toute cloison
étanche entre dirigeables et aéroplanes.
Ici, le sénateur Reymond s’attaquait nettement aux raisons
données à la Chambre par le commandant Estienne, chargé par
le ministre d’y présenter les explications nécessaires au vote
des crédits. M. Reymond contestait que le personnel de l'Artil-

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1III1IIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIMIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIII1IIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIIIII
920 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
lerie, ayant même origine, fût mieux approprié, et que l’arme
ment des aéroplanes, étant du ressort de l’Artillerie, dût faire
attribuer ces engins à celle-ci.
M. Reymond s’appuyait sur le fait que la pratique du ballon
libre est une excellente préparation à piloter aussi bien un aéro
plane qu’un dirigeable, que le moteur d’avion et celui du diri
geable étaient identiques, les organes de direction semblables
et parfois interchangeables. Il déclarait que l’expérience pou
vait conduire à un engin intermédiaire et que les services secon
daires : observation, armement, photographie, télégraphie sans
fil donnant lieu exactement aux mêmes problèmes pour le diri
geable et l’avion, l’attribution de ces engins à des services dis
tincts amènerait également à dédoubler les services secondaires.
Comme conclusion, M. Reymond insistait pour l'organisation
d’un service autonome unique, dont l’entrée et la sortie fussent
largement ouverts pour toutes les armes, et avec possibilité d’y
parvenir aux grades les plus élevés.
L’attaque de M. Reymond était vigoureuse et avait nettement
impressionné le Sénat. La réponse aurait été cependant facile
si le service de Vincennes avait possédé dans le Sénat les amis
dévoués qu’il comptait dans l’autre Chambre.
Il suffisait d’opposer à M. Reymond l’illogisme qu’il y avait
à vouloir confier le service tout nouveau de l’aviation à la
Direction du Génie dont il avait lui-même si nettement souligné
l’insuffisance pour l’aérostation. De là, il fallait remonter à la
cause, et montrer que la multiplicité des organes créés jusque-là
tenait précisément à l’inaptitude du Génie à ce service.
L’aérostation exigeait l’esprit sportif, et l’aviation allait
l’exiger encore bien plus : n’était-ce pas une aberration de les
confier à une arme aussi bureaucratisée et antisportive que le
Génie ? Avait-on jamais vu, depuis 25 ans que les aérostiers
militaires existaient, les officiers aérostiers se distinguer dans
les compétitions sportives aéronautiques ? Le Génie avait eu un
homme de grande valeur en la matière, le colonel Renard. Mais
l'esprit de l’arme était si contraire à l’aéronautique qu'après
avoir présenté au monde en 1884 le premier ballon réellement
dirigeable, le colonel Renard avait été complètement paralysé
par sa direction d’arme pendant les vingt dernières années de
sa vie. Et la plupart des services indépendants de Chalais dont

IIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
M. Reymond critiquait la création, avaient précisément été
créés par la direction du Génie 1 par défiance du colonel Renard,
pour lui soustraire tel ou tel organisme. Si donc il convenait
de réunir les divers services aéronautiques en un tout auto
nome, ce n’était pas au Génie qu’il fallait confier ce tout, mais à
une autre direction susceptible de réunir l’esprit sportif et la
science technique nécessaires.
Si une réponse de ce genre avait été faite à M. Reymond,
celui-ci, qui avait déjà été choqué par le manque de sportivité
du Génie et devait l’être bien davantage par la suite, aurait
aussitôt fait observer qu’il ne demandait pas le rattachement
de l’aéronautique à telle ou telle arme, mais sa centralisation
en une seule main, quelle que fût celle-ci.
Mais le ministre était le dernier à pouvoir faire cette réponse,
parce qu’elle comportait un blâme au Génie en ce qui concer
nait l’aérostation, blâme qui retombait sur le ministre respon
sable, et que lui-même, en se présentant devant le Sénat, recou
rait à l’assistance du général Roques, directeur du Génie, comme
commissaire du Gouvernement, pour fournir les renseignements
de détail nécessaires à la discussion des questions techniques.
Quel que fût son 'avis personnel sur l’œuvre du Génie en ma
tière aéronautique, il était astreint à la défendre par le seul fait
du recours à la compétence technique de son représentant.
Le général Roques avait cependant lancé dans la discussion
une observation très juste et qui eût pu donner à réfléchir sur
les dangers de la centralisation: «la profession d’aéronaute,
avait-il dit, est un métier de jeune homme», et, par aéronaute,
il entendait visiblement les aviateurs aussi bien que les
aérostiers.
Sur quoi, M. Reymond avait demandé qu’un officier pût
arriver jusqu’aux grades les plus élevés sans quitter l’Aéronau
tique, tandis que le général Roques désirait pouvoir utiliser les
anciens aéronautes dans des emplois élevés étrangers à l'aéro-
nautique.
En fait, les deux thèses étaient loin d’être opposées, puisque,
d’une part, M. Reymond, en même temps qu’il voulait per
mettre aux aviateurs d'atteindre, comme aviateurs, les grades
les plus élevés, demandait qu’on leur laissât toute facilité de
rentrer dans leur arme d’origine, et que, d’autre part, le géné-

MeMWMlllllllllllllllllllHllllllllllllllllllllllllllllllllllllllliaillllItlIlBIIIItlIIIIIIIIItlIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIItt»
R. A. A. — No 85. 6
922 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ral Roques comptait bien puiser dans l’aviation elle-même, dès
que possible, les cadres supérieurs dont elle aurait besoin.
Le malentendu était dans l’emploi du mot «jeune homme»
là où il aurait fallu dire « sportif », le nombre d’années comptant
beaucoup moins que la pratique des sports dans l’aptitude au
métier d’aviateur. Il est certain qu’à 20 ans, presque tout le
monde est sportif ou peut l’être, qu’à 60 ans, fort peu d’hommes
le restent, mais, entre ces deux limites, vers la quarantaine, les
hommes peuvent être, suivant la vie qu’ils ont jusque-là menée,
soit parfaitement aptes, soit complètement impropres à l’avia
tion. Le sénateur Reymond allait lui-même se montrer apte en
débutant à 45 ans. Par contre, aucun des capitaines du Génie
désignés en 1910 par le général Roques pour apprendre à
piloter ne s’est distingué dans cet art, bien qu’aucun d’eux
n’eût atteint 35 ans, tandis que des officiers d’autres armes,
du même âge, 30 à 35 ans, réunissant un tempérament sportif,
de sérieuses connaissances techniques et une certaine maturité,
fournissaient à l’aviation dans ses débuts ses chefs les plus
utiles.
Le danger d’une trop grande centralisation en 1910 était
précisément que les meilleurs éléments du service ne dépassant
pas le grade de capitaine, une centralisation trop poussée
devait non seulement les placer sous la direction de généraux
complètement étrangers à la pratique de l’aviation, mais
encore interposer entre eux et ces généraux une échelle hiérar
chique incompétente susceptible de paralyser toute initiative
utile.
L’autonomie donnée à l’Aviation et qui lui a permis de mul
tiplier ses hauts emplois, a d’ailleurs été désastreuse pour la
valeur des cadres supérieurs en entraînant le maintien forcé
dans l’arme de tous les officiers jusqu’à la limite d’âge. En
vain a-t-on abaissé cette limite : autant cet abaissement est
regrettable pour certains officiers restés physiquement aptes et
que la limite contraint à éliminer, autant il est insuffisant pour
quantité d’hommes qui s’alourdissent à la quarantaine et en
combrent d’inutilités les cadres supérieurs et généraux.
Cette fermeture de la porte de sortie que M. Reymond vou
lait largement ouverte pèserait lourdement sur notre aviation
en temps de guerre. Elle a déjà conduit à une doctrine où les

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinnHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiu
REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR. 923

chefs restent à terre, lançant de là leurs escadrilles comme un


maître d’équipage découple ses chiens de meute, alors que, dans
les combats de l’air, implacables et instantanés, le comman
dement devrait payer d'exemple et prendre sur place des déci
sions qui, autrement, seront souvent tardives.
Le général Brun, embarrassé par les contradictions et les
flottements de ses précédentes déclarations, s’efforça de les
expliquer par les incertitudes d’une période d’études où il était
encore impossible de prévoir la forme définitive que prendrait
l’Aviation; tout au moins semblait-il que la diversité des utilisa
tions entraînerait la diversité des types : il y avait donc intérêt
à ce que chaque service intéressé étudie l’appareil répondant
à ses besoins, l’Etat-Major de l’armée centralisant les études.

La réponse du général Brun était logique, et, s’il s’y était


tenu fermement, nous n’aurions pas été obligés d’attendre la
guerre pour réaliser les types spéciaux d’avions convenant à
chaque emploi. Mais, dans l’état des esprits au Sénat, cette
réponse semblait introduire avec l’Etat-Major un nouveau ser
vice de plus parmi ceux qui se partageaient l’aéronautique. Elle
devait donc attirer en faveur de l’unité du service une protes
tation que ne manqua pas de formuler M. Reymond.
L’Artillerie fit encore les frais d’un incident où la majorité
du Sénat se trouva opposée au ministre, alors que l’expérience
a depuis donné raison à celui-ci.
Le ministre avait déclaré prévoir 30 aéroplanes pour l’explo
ration nécessaire au Haut Commandement et 120 ou 130 pour
l’Artillerie, ce qui correspondait à une escadrille de six appa
reils pour chacune des cinq armées prévues par le plan de
concentration, et une escadrille d’artillerie par Corps d’Armée :
c’est précisément l’organisation que présenta l’aviation alle
mande en août 1914, et que nous adoptâmes à peu près au cours
des mois suivants. Elle suffisait aux besoins du Commandement
tout en satisfaisant ceux de l’Artillerie au mieux des ressources
existantes. Mais, M. Reymond, suivi par le Sénat, n’en protesta
pas moins contre cette disproportion apparente entre l’impor
tance des rôles joués par le Commandement et l’Artillerie et
celle des ressources consacrées, comme s’il y avait un rapport
entre la valeur qualitative des services et leur importance quan
titative. Il est dommage que personne n’ait alors songé à si-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiii
924 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
gnaler que, malgré la primauté des Etats-Majors, ceux-ci em
ploient bien peu de chevaux en comparaison de la masse de
montures et d’attelages de l'Artillerie !
Quoi qu’il en soit, l’ordre du jour suivant fut voté par le
Sénat : « Le Sénat, désireux de voir le ministre de la Guerre
assurer dans le plus bref délai l’autonomie et les progrès de la
navigation aérienne, et confiant dans le Gouvernement, passe à
l’ordre du jour. »
Ainsi qu’on le voit, le Sénat demandait l’autonomie et non le
rattachement de l’aéronautique au Génie. Mais comme, au cours
de la discussion, le Sénat avait nettement montré le désir de
voir réunir aérostation et aviation sous une direction unique, et
que le Génie seul possédait des cadres aérostiers, la direction
unique devait fatalement être réalisée du côté du Génie. Aussi,
l’ordre du jour ci-dessus fut aussitôt utilisé par le général
Roques pour absorber toute l’aviation. L’autonomie fut au con
traire laissée de côté et ne devait être réalisée qu’après bien des
années.
Il y parfois une belle distance entre les votes du pouvoir
a
législatif et leur interprétation par le pouvoir exécutif !
Lieutenant-Colonel BELLENGER.
(A suivre.)

'Illlllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllli
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIII IIIIIIIIII IIIIIIIIIIIII IIIIIIII

INFORMATION GÉNÉRALE

Témoignage d’un attaché américain sur la psychose de guerre.


Le lieutenant-commander Ben H. Wyatt vient de repartir pour les
États-Unis après avoir été accrédité pendant trois ans auprès des Gou
vernements britannique, allemand et É anÇ°-^s comme attaché naval
pour l’aviation. Il avait à Paris sa résidence permanente et son départ
laisse, dans la société ]ran Çdise et dans les milieux aéronautiques et
navals de notre pays, les plus vifs regrets.
Reçu par ses collègues à la veille de quitter la France, le commandant
Wyatt leur a adressé une allocution dont nous sommes heureux de
pouvoir publier un passage significatif. Ces lignes ont plus de prix
encore si l’on songe à l’expérience personnelle de l’auteur; celui-ci,
remarquable pilote, a sillonné bien souvent le ciel de France, d’Angleterre
et d’Allemagne à bord de son Vought « Corsair »; il s’est posé sur
tous les terrains, il a multiplié -— par goût — les contacts personnels
avec toutes les classes de la population dans les pays où il était accrédité.
Voici donc ce que le commandant Wyatt a dit à ses pairs et amis :

» Pendant ces trois dernières années, j’ai eu l’honneur d’être


...
accrédité auprès de plusieurs capitales d’Europe. J’ai eu l’occasion
de parcourir, dans mon avion, les différents pays européens et de
converser, non seulement avec des personnes appartenant au monde
diplomatique, militaire, naval et aéronautique, mais aussi avec des
industriels. Très fréquemment il m’est arrivé aussi de m’entretenir,
tantôt avec les habitants de villes situées le long des frontières des
différents pays, tantôt avec des paysans de ces mêmes régions. Dans
mes voyages et au cours de conversations, un fait important m’est
apparu. Ce n’est pas un secret, ou c’est une chose que vous savez
tous. Pourtant, en vous disant adieu, je vais me permettre, si
vous le voulez bien, de vous faire part de ce fait qui m’a toujours
frappé.
»
Jamais, je pense, il n’y eut autant qu’à présent de discussions
sur la guerre, ni de menaces de guerre. L’atmosphère même est

«iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip.iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
926 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
chargée de cette pensée et cela devient une obsession. Pourtant,
au cours de mes voyages et de mes entretiens, jamais encore je n’ai
rencontré personne — militaire ou civil — qui souhaite la guerre.
Chacun frissonne à la seule pensée d’une telle éventualité. Et cepen
dant, partout où je suis allé, il existe de fébriles préparatifs de guerre.
Dans chaque pays, les usines d’avions travaillent à plein rendement.
Pourquoi ?
» Mais, pour la seule raison que la nation voisine construit des
avions et qu’il convient de ne pas rester en arrière dans cette course
effrénée. Dans quel but ? Eh bien, tous ces avions serviront à la
défense du pays; ils sont destinés à la défense contre les avions
d’attaque que construit le voisin.
» Or, dans mes voyages, jamais encore je n’ai vu un seul
avion
d’attaque. Tous, à ce qu’il paraît, sont des avions de défense, avions de
défense contre les avions d’attaque de la nation voisine.
» Comment en sommes-nous arrivés à cette impasse ? Il y a à
cela une raison, et une seule : la crainte, la défiance à l’égard de
notre voisin. La crainte est la force qui entraîne l’Europe, peut-être
même le monde entier, vers une guerre générale. C’est le même
sortilège qui pèse sur nous tous.
» Nos
enfants grandissent dans cette ombre, dans ce malaise. Le
malheureux paysan, le long des frontières, vit dans la crainte mortelle
d’une invasion par un ennemi supposé; il tremble pour les siens, il
redoute la destruction de tout ce qui lui appartient. Et pourquoi
craint-il son voisin, pourquoi s’en méfie-t-il ? Il y a à cela plusieurs
raisons : l’histoire, l’hérédité, mais, peut-être plus que tout, ce qu’il
a l’occasion de lire.
» Il est
certain que, si nous ne dissipons pas cette crainte qui
s’agrippe à nous et nous étrangle, c’en est fait de notre civilisation,
et c’est la fin de tout. C’est en réfléchissant à tout cela que m’est
venue une pensée que je voudrais, en m’en allant, vous faire partager.
Nous autres, Attachés Navals, nous avons ici la possibilité exception
nelle d’arriver entre nous à une détermination exacte des causes de
ce dilemme dans lequel nous nous débattons. Ici, dans notre petit
cercle, nous pouvons en toute franchise, en toute liberté, parvenir
entre nous à une meilleure compréhension de tout ce que souhaitent,
ambitionnent et visent nos pays respectifs. Ainsi nous pouvons
contribuer à dissiper, dans la mesure de nos moyens, cette crainte
qui nous enveloppe et qui nous obsède; ainsi nous contribuerons à
servir, non seulement notre pays à chacun, mais l’humanité tout
entière. »

Coordination des Départements de la Guerre, de la Marine


et de l’Air.
Le Président de la République française,
Vu les décrets des 23 février 1929, modifiés par les décrets des
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 927

7mars 1931, 23 janvier 1933 et i3 novembre 1934, relatifs au Conseil


supérieur de la Défense nationale.,
Vu les décrets du 4 juin 1936,
DÉCRÈTE :

Art. — Le ministre de la Défense nationale et de la Guerre


1 er
.
est chargé de coordonner l’action des trois départements de la Guerre,
de la Marine et de l’Air.
Cette coordination vise notamment l’emploi des forces terrestres,
navales et aériennes, l’établissement et l’exécution des programmes
d’armement, la mobilisation industrielle, l’aménagement des dépenses
de défense nationale, l’examen des problèmes relatifs à l’élaboration
des conventions internationales en matière d’armements.
Art. 2. — Par délégation du Président du Conseil, le ministre de
la Défense nationale et de la Guerre, vice-président du Conseil des
ministres, a dans ses attributions le Conseil supérieur de la Défense
nationale.
Le secrétariat général permanent du Conseil supérieur est rattaché
au ministère de la Défense nationale et de la Guerre.
Art. est institué, sous la présidence du ministre de la Défense
3. — 11

nationale et de la Guerre, un Comité permanent de la Défense nationale


comprenant :
1° Les ministres de la marine et de l’air;
2° M. le maréchal Pétain, membre du Conseil supérieur de la
Défense nationale;
3° Les chefs d’état-major généraux de l’Armée, de la Marine et
de l’Air;
4° Le cas échéant, les hauts fonctionnaires chargés de l’adminis
tration générale des trois départements de la Défense nationale.
Art. 4. —Le Comité permanent a seul dans ses attributions l’étude
des questions visées à l’article
du présent décret. 1 er

Le secrétariat général du Conseil supérieur de la Défense nationale


assure le secrétariat du comité permanent.
Art. ministre de la Défense nationale et de la Guerre
5. —- Le
suit l’exécution des décisions prises en commun, de concert avec les
ministres de la Marine et de l’Air.
Il reçoit, à cet effet, communication des rapports des corps de
contrôle des administrations de l’Armée, de la Marine et de l’Air.
Art. 6. — Toutes dispositions contraires antérieures au présent
décret sont abrogées.
Art. — Le Président du Conseil, le ministre de la Défense
7.
nationale et de la Guerre, le ministre de la Marine et le ministre de
l’Air sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du
présent décret. Fait à Paris, le 6 juin 1936.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIII1IIIII1IIIIIIIII1IIIII1I1III1II1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIII1II1III
928 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Nouvelles d’Italie.
Les promotions suivantes viennent d’avoir lieu dans le Haut
Commandement aéronautique :
— le général d’escadre Valle a été promu général d’armée, titre
qui n’est conféré qu’en temps de guerre;
— le général de division P. Porro a été promu général d’escadre;
— les généraux de brigade Ranza, Bernasconi, Faronato, Nasi
ont été promus généraux de division.
«
La loi du 10 avril 1936 sur le recrutement aérien obligatoire ne
signifie nullement qu’un individu quelconque du contingent pourra
être obligé de faire partie du personnel navigant aérien.
Seront tenus au service dans l’Aéronautique royale :
— les pilotes et tous individus en possession d’un brevet pré
aéronautique, ou de vol à voile, ainsi que ceux ayant suivi un cours
pour obtenir ces brevets;
-—•
les techniciens diplômés en technique aéronautique;
— le personnel ouvrier de l’industrie aéronautique et des Compa
gnies de navigation aérienne;
•—
les engagés spécialistes des centres aériens.
Toutefois, dans la mesure des besoins, les engagés de la Marine
seront affectés dans les Services maritimes de l’Aéronautique.

Photographie « Flight ».

Aspect en vol d’un bimoteur transporteur de troupes ARMSTRONG-WHITWORTH XXIII.


lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllSIIIIIIIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 929

Photographie « Flight ».

Aspect en vol du nouveau monoplace de chasse HAWKER.

Nouvelles de Grande-Bretagne.
Les problèmes ayant une incidence aéronautique ont été nombreux
dans les dernières semaines; proposons-nous d’en passer quelques-uns
en revue.
Organisation du Commandement.
Les questions d’organisation ont, comme l’on sait, un attrait
spécial en tous pays, tant par les intérêts particuliers qu’elles
mettent en jeu que par la vertu créatrice dont elles sont aisément
gratifiées. En Grande-Bretagne, leur signe propre est d’être plus
obscures qu’ailleurs.
L’Aéronautique britannique est articulée en Flights, Wings,
Groups, Areas et Commands.
Les Commands sont assez analogues à nos Inspections, les Areas
à nos régions. Quand une Area devient assez importante, elle se trans
forme en Command; au contraire quand il n’y a plus assez d'Air
Vice-Marshals pour mettre à la tête des Areas, celles-ci rétrogradent
en Groups. D’où finalement le Tableau ci-après des grandes Unités
donnant les titres anciens et les nouveaux (depuis le 1er mai), que
nous ne pouvons ignorer, ne serait-ce que par mesure de courtoisie
à l’égard de nos visiteurs ou de nos hôtes.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIIIIIIIIlIllIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll’lllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
930 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Ancien titre. Nouveau titre. Observations.
Inland Area Training Command C’est l’Inspection des
Écoles. L’Inland Area
avait d’ailleurs déjà
rang de Command
Coastal Area Coastal Command C’est l’Inspection de
l’Aviation côtière. La
Coastal Area avait déjà
rang de Command
également.
Air Defence of G. Britain. A. D. G. B. Command Sans changement.
Command :
Central Area N° Bomber Group
1 Bombardement.
Western Area No 3 Bomber Group Bombardement.
Fighting Area N° 11 Fighter Group Chasse.
N° 1 Air Defence Group. N° 6 Auxiliary Group Force aérienne auxiliaire.
Les escadrilles de coopération ont été transférées de VInland Area
à l’A. D. G. B. qui devient, de ce fait, le réservoir unique des unités
combattantes, à l’exception des unités côtières.
La genèse des nouvelles escadrilles.
L’ Air-Marshal Newall a exposé récemment comment étaient formées
les nouvelles escadrilles. Les unités existantes sont déchargées de la
majorité administratives par la « station » ou
de leurs occupations
base aérienne, où elles se trouvent. Ces escadrilles essaiment un de
leurs flights qui forme le noyau de la nouvelle unité, temporairement
entraînée sur le même terrain jusqu’à ce qu’elle puisse se rendre à
son terrain définitif.
Rappelons que le taux d’expansion de l’Aéronautique britannique
métropolitaine est considérable : 137 pour 100, l’augmentation de 52
à ia3 escadrilles devant être réalisée au 3i mars 1937.

Recrutement et entraînement du personnel.


Il
a été recruté jusqu’à présent 15 700 hommes sur 22 500 néces
saires en deux ans, et 1700 pilotes sur 2600. La formation de ces
derniers demandait des méthodes nouvelles, car le vieux système du
stage de onze mois dans une école militaire de pilotage aurait exigé
la création de nombreuses écoles qui auraient servi pour une seule
promotion d’élèves. On a donc fait appel à des écoles civiles, au
nombre de treize ; les élèves pilotes y font un stage de huit semaines,
suivi de deux stages de trois mois dans dix écoles militaires comme
officiers du personnel navigant « à l’essai », où ils volent sur les avions
de perfectionnement.
A son arrivée en escadrille le pilote a au moins 100 heures de vol.
Les épreuves des brevets de pilotage viennent d’être modifiées.
L’élève doit :
i° avoir au moins 80 heures de vol seul ou en double commande,
dont 20 sur avions d’arme;
2 0 être capable de voler convenablement sur un avion d’arme par
temps clair et uniquement avec l’aide des instruments;

11111 iiiiiii 11111111111111111 il ü ni 111111111111 un 111111 un nu iuni nu iiiiini i n n1111111 iiiiiiiiiiiiiiiiuiii 111un11111111ni il
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 931

Photographie Charles E. Brown.


Entraînement au tir, sur manche remorquée, l’équipage d’un
de « HEYFORD »;
la manche est ici placée dans un angle mort.

3° exécuter correctement les acrobaties normales pour le type


d’avion sur lequel il est entraîné;
4° se rétablir de positions anormales uniquement à l’aide des
instruments ;
5° monter à 5000m sur un avion d’arme et y rester 3omin;

(lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllj
932 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Photographie « Flight ».
Aspect en vol d’un monoplace de chasse GLOSTER «
GLADIATOR ».

6° accomplir deux triangles de 36o km de tour.


Les officiers et hommes, entraînés dans des écoles, doivent se
qualifier comme «Service pilote», pilotes «utilisables», et, pour cela,
obtenir la moitié des points attribuables dans un examen sur des
connaissances pratiques relatives à la navigation, l’armement, la
reconnaissance, et l’entretien du matériel; en outre, ils doivent passer
les épreuves suivantes :
a. naviguer convenablement au compas en atmosphère claire ou
dans les nuages;
b. voler avec précision pendant 5min à une altitude, à un cap
et une vitesse donnés ;
c. monter au plafond avec la charge militaire normale;
d.voler convenablement en patrouille de trois appareils; décoller
et atterrir de nuit.
Enfin il y a trois mentions suivant que les épreuves ont été exécutées
passablement, de façon « distinguée » ou de façon « spécialement
distinguée ».
Les terrains.
Le plan d’expansion a exigé la création de 49 terrains. Antérieu
rement on comptait quatre ans et demi pour l’acquisition du sol,
l’aménagement de la plate-forme et la construction des bâtiments.
Le livre blanc
du mois de mars.
Le Gouvernement britannique a publié en mars un livre blanc
sur la défense de l’Empire, dans lequel figure un nouvel accrois
sement des forces aériennes.

inunnunenuosanuzunununuuaanunanuuaaunaaanunnanannnneaaneunesnasuenasassssnaenasesesecsnenesaessneneesrenenanenuananununeenaenuneeuenerenas
REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR. 933

Le nombre des escadrilles métropolitaines doit être porté non plus


à 123, mais à 129, et les effectifs renforcés, de sorte que le nombre
d’avions de première ligne doit être de 1750 au lieu de 1500. Les
escadrilles d'outre-mer passeront de 2 5 à 37 et l’Aviation navale,
dont il sera question plus loin, va s’accroître très notablement. Les
réserves en hommes et en matériel doivent être augmentées. Enfin
un certain nombre d’usines, étrangères à l’industrie aéronautique,
ont été choisies pour constituer en leur sein un atelier aéronautique
autonome, destiné à accroître le potentiel aéronautique du pays.
L’aviation navale.
A l’occasion du vote d’un budget naval supplémentaire, M. Chur
chill a réclamé en vain que le contrôle de l’Aviation navale soit
entièrement aux mains de la Marine, pour éviter les frictions,
anomalies dans la situation du personnel, difficultés de ravitaillement,

Photographie « Flight ».
Vol en piqué d’un biplace HAWKER «
Hind ».

111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
934 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
défauts d’appropriation du matériel aéronautique aux besoins,
dont la Marine britannique souffre actuellement.
On lui a répondu que, si défectueux que soit le système, au cas
où le personnel de l’Aviation navale serait constitué uniquement
par des marins, bientôt la Marine ne manquerait pas de réclamer
le droit de passer elle-même ses commandes de matériel, puis de
procéder aux essais et recherches la concernant, ce qui conduirait
nettement au gaspillage par double emploi. Une fois de plus, le
point de vue du contribuable l’a emporté.
Empire Air Day.
C’est à convaincre ce contribuable, qu’a été consacrée la journée
aéronautique de l’Empire, grande manifestation de propagande sans
pareille chez nous.

Photographie Paul Popper. Cliché L'Illustration.


a »

Le FAIREY « Battle » amorçant une descente en piqué.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiniii i mu m i mimmm mu iiiimii i mmiiiIimimi nu i III1111 m n iiuimii imummimii iiiiiuu»


REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR. 935

Photographie Paul Popper. Cliché «


L’Illustration ».
Autre aspect du FAIREY «
BATTLE » en vol.

Cette grande manifestation, conduite par la Ligue aérienne de


l’Empire avec la coopération du Ministère de l’Air et de l’Aviation
civile, a eu pour principale caractéristique qu’au lieu d’organiser
une réunion unique plus ou moins spectaculaire, on a donné accès
au public dans tous les aérodromes militaires (26 terrains) et civils
(89 terrains), où furent montrées les escadrilles en exercice essentiel
lement militaire : simulacres de combat, de bombardement, de lance
ment de vivres, d’atterrissages sur plates-formes, visite d’ateliers,
de hangars, le tout à grand renfort de hauts parleurs pour informer
le public.
La formule est intéressante : pas de ces cirques aériens avec exhi
bitions d’acrobates, toujours les memes, ou lancement de mannequins
en parachutes comme l’ont fait chez nous récemment des organi
sateurs d’un goût douteux, mais la présentation simple, presque
familiale de la vie militaire aéronautique, telle qu’elle est réalisable

IIIIII1II1IIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
936 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
pour tout jeune spectateur, et, d’un point de vue plus
élevé, un
contact désirable entre l’Armée et la Nation. C’est du travail sérieux
de propagande, et une rivalité de bon aloi entre les unités. P. E.

Stratégie aérienne.
La R. A. F. Quarterly d’avril publie un important travail du
lieutenant-général Golovine sur la stratégie aérienne, dont nous
extrayons, résumées, les considérations relatives à la stratégie
aérienne britannique et à la doctrine des principales autres puissances.
Les problèmes de la stratégie aérienne britannique.
Les forces armées britanniques ont un triple rôle à remplir : la
défense de la Métropole, la défense des Dominions et Colonies, la
protection des routes impériales.
La guerre étant — comme disait Clausewitz — la continuation
de la politique, mais par d’autres moyens, il est nécessaire de se
rendre compte du changement dans l’orientation des relations inter
nationales de la Grande-Bretagne depuis la guerre mondiale.
Au « splendide isolement » de l’époque victorienne, rendu possible
par la situation insulaire et la force navale britanniques, avait
succédé
la politique d’Édouard VII orientée contre l’Allemagne menaçante,
avec l’Entente cordiale comme conséquence. Mais la Guerre mondiale
a transformé l’Empire britannique en une
fédération complexe de
peuples libres, égaux en droits, dont les intérêts exigent que l’Empire
affaires du
ne participe plus aussi profondément qu’avant aux
Continent; d’où l’évolution vers une politique d‘équilibre.E C En ce
sens la Société des Nations est une institution dont les
buts coïncident
formée en
avec les intérêts de l’Empire britannique », car elle est
majorité de petits États qui redoutent essentiellement la suprématie
d’une grande puissance.
Ce changement politique profond a eu pour conséquence que la
stratégie aérienne britannique ne repose plus seulement sur les
forces de l’Empire, mais sur la coopération avec les autres puissances,
également intéressées au maintien de l’équilibre.
Parallèlement une modification technique du problème militaire
de l’Empire a résulté du développement de l’Aviation, dont la
Grande-Bretagne, pays de haut développement industriel, redoute
grandement les attaques. Il s’en suit que l’Aviation britannique
doit disposer pour la seule protection du territoire national :
de monoplaces de défense très spécialisés, à action limitée;

d’appareils de reconnaissance à grande distance au large des

côtes pour compléter le réseau de guet terrestre;
-—•
d’unités d’avions de chasse à grand rayon d’action.
La protection de la Grande-Bretagne contre les attaques aériennes
doit être organisée dans l’hypothèse où elle se trouverait isolée, mais
cela le veut pas dire que la Grande-Bretagne ne recherchera pas
l’appui de puissances continentales : c’est en sens que « sa frontière
lllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 937

est sur le Rhin » (1) ;


c’est la base straté
gique de l’acquies
cement au pacte de
Locarno, la raison
d’un pacte aérien
de l’Ouest avec la
France et l'Alle
Photographie « Flight »
magne.
Aspect en vol du Bristol 142. L'intervention
immédiate de l’A
viation britannique, pour assurer l’équilibre, peut se faire soit en débar
quant des unités sur le continent, soit à partir de bases anglaises.
La première méthode permet l’emploi d’avions à faible rayon
d’action, mais elle a l’inconvénient de subordonner l’aviation britan
nique à un Haut Commandement interallié.
L’autre méthode confère, au contraire, une plus grande liberté
politique. Mais l’intervention britannique sur le Rhin n’exige d’ailleurs
pas un rayon d’action supérieur à 65o km environ, et la poli
tique générale d’équilibre s’accommode d’une guerre à objectifs
politiques limités. La Grande-Bretagne n’a donc pas besoin de
bombardiers à grand rayon d’action et gros tonnage, tout au moins
dans la période initiale d’un conflit.
La défense des Dominions, Colonies
ET ROUTES IMPÉRIALES.
L’Empire britannique a été qualifié d’ « Empire de l’Océan indien,
complété par deux îles éloignées, l’une, à l’Ouest, la Grande-Bretagne,
l’autre à l’Est, le Canada ».
Or les événements récents ont apporté des perturbations sérieuses
dans l’Empire, tout autour de l’Océan indien. L’occupation de
l’Éthiopie par l’Italie impliquera sans doute incessamment le repli
de la flotte de Malte vers Haïfa, à l’abri d’une grande base aérienne
défendant en même temps le canal de Suez et les pétroles de Mossoul,
tandis que l’Union sud-africaine s’agite afin de donner à son aviation
une force suffisante pour voler au secours des escadrilles basées en
Égypte. Si l’Aviation des Indes ne rencontre pas de tâches nouvelles,
elle reste le trait d’union entre la Mer Rouge et l’autre foyer,
constitué par le détroit de Malacca, où se précipite l’équipement de
la base aéro-navale de Singapour, destinée à contrebalancer, avec
l’aide australienne et néo-zélandaise, la poussée japonaise vers la
Chine et les Indes néerlandaises.
Groupement des forces aériennes britanniques.
Finalement le lieutenant-général Golovine estime que les forces

C’est-à-dire sur la ligne franco-allemande de friction et d’équilibre.


(1)
(N. D. L. R.).

iiii ii iuni iiiiiii iiuni nuniiiiiii1111 iinu iiiiiii i nu inii mi 1111 iiiiiiiiiiiii 11111iii in
11 11 1111 un11 ii i ii111111111111 ii nii ii
R. A. A, — No 85.
938 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
aériennes britanniques devraient être subdivisées en trois groupes :
forces pour opérations stratégiques auxiliaires (aviations pour

l’Armée, la Flotte et les Dominions);
forces pour opérations stratégiques locales (défense aérienne de

la Métropole, contrôle aérien du Moyen Orient, défense de la frontière
Nord-Ouest de l’Inde et du détroit de Malacca, police et liaison en
Méditerrannée) ;
forces pour opérations stratégiques générales (défense « mobile »

du Royaume Uni et des routes impériales, réalisation de la supériorité
prolongée,
sur le Rhin et en Méditerrannée; enfin, en cas de guerre
moyens aériens permettant la destruction massive de centres indus
triels ennemis).
L’Aviation britannique avant l’extension récente.
L’Aviation britannique comprenait d’abord un groupement
(Western Area) de 15 escadrilles de bombardiers, la plupart lourds
et lents. On peut supposer que, vu l’absence d’avions de combat
pour les protéger, ils étaient destinés à des raids lointains en coopé
ration avec une force aérienne alliée.
Dix escadrilles de bombardiers légers formaient la Central Area,
force rapide mais sans rayon d’action suffisant pour des bombar
dements stratégiques d’envergure.
La Fighting Area, 14 escadrilles de monoplaces, était essentiel
lement affectée à la défense de Londres et des centres industriels.
Les autres commandements avaient des rôles secondaires ou non
combattants. « On peut dire qu’en 1935 la Rogal Air Force était
incapable d’action stratégique à grande échelle. »
La défense aérienne française.
L’Aviation lourde de défense est la clé de l’organisation de la
défense aérienne française. Il y a là un manque visible de clarté dans
les idées, bien illustré par le cas du multiplace de combat. Ce genre
d’appareil, conception française typique, a été développé pour former
l’escorte des bombardiers lourds. Des multiplaces comme VAmiot
et le Bloch, à l’origine, étaient supposés capables d’assurer leur propre
défense en même temps que la protection des formations de bombar
dement. Le programme était basé sur l’hypothèse que les multi
places de combat ou avions de bataille pouvaient faire pleinement
usage de leur armement puissant et créer un champ de tir
total,
rendant impossibles les attaques des chasseurs ennemis. Un point
essentiel a été oublié : la difficulté d’un usage vraiment efficace de
l’armement des multiplaces aux grandes vitesses. Aussi, graduel
lement à la suite des essais officiels, les multiplaces de combat sont-
ils devenus des multiplaces de combat et de bombardement, pour
sombrer finalement dans la catégorie des bombardiers lourds.
Les LÂoré et Olivier et Farman ont un rayon d’action considérable
et emportent une lourde charge, mais les performances de ceux de

IIIIIIIIIIIIIIIHIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHIIIIIH
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 939
940 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.

ces appareils en service ont un niveau très bas pour la technique


actuelle.
On n’aurait peut être pas tort en affirmant que l’Aviation lourde
de défense a pour objectif essentiel l’attaque de la région de la Ruhr
et de quelques autres districts de Rhénanie. Quoique l’idée straté
gique soit correcte, l’Aviation française a perdu de vue une caracté
ristique très importante de l’avion militaire moderne : la vitesse.
On reste avec l’impression que le multiplace de bombardement
et de combat peut avoir été une tentative de réaliser l’avion « unique »
de Douhet. Cette tentative aurait été pleinement justifiée à une
condition : si l’Allemagne n’avait pas eu d’aviation militaire, comme
le stipulait le Traité de Versailles. En 1936, les conditions du traité
sur ce point n’ont plus qu’un intérêt historique.
La réplique allemande.
L’industrie aéronautique allemande a battu le plan français par
des moyens très simples. Elle s’est attachée à réaliser les performances
les plus élevées sur les prototypes. La tendance générale des ingénieurs
allemands paraît être de sacrifier la manœuvrabilité, la charge utile
et le rayon d’action à la vitesse. Quoiqu'aucun chiffre officiel n’ait
été annoncé, les vitesses maximums des prototypes paraissent voisines
de 415 et 43okmh respectivement pour les bombardiers et les chasseurs.
Ces chiffres sont significatifs du point de vue technique, mais
tactiquement ils sont peut-être plus importants. Le bombardier,
travaillant en équipe avec le chasseur, forme un adversaire qui
pourrait être beaucoup plus dangereux qu’un multimoteur ayant
un équipage important. Des raids à grande vitesse, à courte distance,
mais à effet destructif, deviennent possibles. Les intercepteurs actuels
ou les chasseurs « nuit et jour » seraient débordés par de tels adver
saires.
L’Aviation allemande possède également des monoplaces de chasse
pour la défense des régions industrielles, et des avions bombardiers
lourds. Dans l’éventualité d’un conflit avec l’Allemagne, l’Aviation
française serait désavantagée, tant dans l’attaque que dans la défense,
puisque les chasseurs allemands, associés aux groupes de bombardiers,
pourraient venir collaborer à la défense du territoire, puis rapidement
participer à des raids de représailles des bombardiers.
Réalisant l’importance de la vitesse, l’Aviation allemande a créé
ces « équipes » ou unités tactiques, permettant une
modification rapide
du nombre et de la composition des unités. Une telle formule peut
convenir à l’Aviation d’une puissance européenne continentale,
pour qui le grand rayon d’action est secondaire.
L’aviation soviétique.
La particularité de l’Aviation soviétique est le bombardier lourd
type sur lequel elle porte principalement ses efforts. L’explication
peut être la suivante : la stratégie aérienne des Soviets est l’exploit

(iiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiMiniik
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 94 1

Photographie Paul Popper.


Aspect de profil du FAIREY «
BATTLE ».

tation des troubles sociaux dans les pays adverses. Cette stratégie
se traduit aussi par les lancements massifs de parachutistes, « opéra
tion futile dans les conditions de guerre de l’Ouest européen ».
En Italie.
Telle qu’elle présentait au début de 1935, l’Aviation italienne
se
présentait une grande ressemblance avec l’Aviation française, avec
sa composition moyenne de un tiers de chasseurs, un tiers de bombar
diers et un tiers d’avions de reconnaissance, ce qui ne correspond
pas aux idées de Douhet. Cet état de fait peut paraître extraordinaire,
mais les experts militaires italiens ont été longtemps sous l’influence
française. Il se peut que les idées de Douhet soient revenues en Italie
sous la forme que leur a donnée l'État-Major français.
Aux États-Unis, pas d’idée stratégique.
D’une excellente qualité technique, l’aviation de l’Armée aux
États-Unis ne paraît pas encore avoir de doctrine aérienne bien
définie.
Qualification
des principales aviations.
En résumé, on peut constater en tous pays le souci de dégager
une doctrine aérienne, mais chaque nation a souffert d’erreurs propres :
— trop de théorie; organisation non conforme à la doctrine origi
nelle : c’est le cas de l’Italie;

«IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII2IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIII1IIIIII1IIIIIIIIIIIIIB
942 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
buts politiques et stratégiques mal définis : Grande-Bretagne;
•—-
— trop d’attention portée à la théorie et négligence du progrès
technique : France;
— absence d’idées stratégiques et trop d’attention portée à la
technique : États-Unis.
Les seuls pays, qui semblent avoir élaboré des doctrines pratiques
aériennes, sont l’Allemagne et 1 s Soviets, la première ayant appliqué
un compromis satisfaisant entre la stratégie et la technique ; les autres,
réalisant leur retard dans le domaine mécanique, se préparent à un
genre de guerre civile. P. E.

La mobilisation de l’Autriche-Hongrie en 1914.


Les Berliner Monatshefte, revue d’histoire, éditée par Quader à
Berlin, publient actuellement une série d’études intéressantes sur les
conditions dans lesquelles s’est effectuée en 1914 la mobilisation des
principales puissances. Dans le numéro de mars, dont nous extrayons
la carte suivante, l’étude est consacrée à l’Autriche-Hongrie. Elle
indique en traits pleins les courants de transport vers le front russe,
en traits interrompus les lignes vers le front serbe, en pointillé les
transports éventuels d’une armée italienne vers la Bavière à desti-

D'après les Berliner Monatshefte.

Les courants de transport pendant la mobilisation de l’Autriche-Hongrie, en 1914.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 943

nation de l’Alsace. Il y avait d’ailleurs en outre, un plan de transport


,
vers le front italien.
La carte montre à quel point les voies ferrées entre Vienne et
Budapest constituaient un objectif aérien de premier ordre.

Le dépanneur d’hydravions type Kervarrec.


L’Aéronautique » de janvier 1936 a donné la description d’un
«

nouveau type de dépanneur de grands hydravions : le dépanneur


« à bigue » Kervarrec. Selon l’auteur de l’article, M. Verdurand, un
tel navire serait de faible tonnage, maniable et rapide. Il pourrait
être avantageusement utilisé par les services d’Atlantique-Sud
d’Air France.
Rappelons les caractéristiques de la bigue Kervarrec :
— légèreté de l’appareil de levage, due à sa disposition longitu
dinale;
— aucun risque de bande pour le navire au moment du hissage;
— grande puissance de hissage grâce à l’emploi d’un vérin pneu
matique ;
— translation à volonté, de l’arrière vers le centre du bâtiment,
de l’engin de levage et de l’hydravion hissé à bord.
Pour un hydravion de 3o tonnes l’engin de levage ne pèserait
que no tonnes, contre 620 tonnes pour une grue de type classique,
du genre de celle installée sur l’ « Ostmark » de la Luft-Hansa.
Équipé d’une bigue Kervarrec, un navire dépanneur de 2000 tonnes
pourrait atteindre une vitesse de 20 nœuds, tandis que l’ « Ostmark »,
de même tonnage, ne dépasse pas i3 nœuds.
Un navire dépanneur rapide n’est pas seulement intéressant pour
Air France; il le serait également pour notre aviation maritime qui,
on le sait, vient de mettre en service des « navires volants » de
20 tonnes, type « Croix-du-Sud ». P. Ba.

La bombe « ailée » Mac Millan.


«
The Aéroplane avril dernier donne la description de la
» du 8
bombe ailée (winged bomb) imaginée par le capitaine anglais Mc Millan.
Le brevet en remonte à 1928 (n° 317 774) « Perfectionnement relatif :

aux bombes ou torpilles aériennes. » La bombe, de poids considérable,


comporte des ailes, ce qui la transforme soit en plan inférieur de
l’avion, soit en plan supérieur. Ainsi, l’avion, démuni de bombe, est
un monoplan; il devient biplan lorsqu’il prend sa bombe. La bombe
ailée constitue le plan inférieur du biplan, si elle présente une charge
alaire plus élévée que celle de l’avion porteur.
Le dispositif Mac Millan permet de placer, sans crainte de surcharge,
une grosse bombe sur un avion léger et rapide : la bombe ne pèsera
presque rien en vol.
Au moment du largage, la bombe prendra une trajectoire plus ou
moins oblique en fonction de sa voilure. L’avion pourra ainsi occuper

tuniniiiiiiiiiniiiiiiinniiiiiiiiiiiiiiiniiiiinini 111111111 iiiiiiiiiiikiiiiiiiiiiiiiiiiiiii1111111111111111111 ni un uni unir


944 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

D’après « T/ic Aéroplane ».


Schémas de montage et de largage,
sous un avion monoplan parasol, d’une bombe
ailée Mac Millan. — A, attache largable; C, crochet
de basculement.

une position de Lancement très éloignée de la verticale de l’objectif


à bombarder, c’est-à-dire rester hors de portée de la D. C. A.
Le brevet Mac Millan prévoit, en outre, le guidage de la bombe,
sur cette trajectoire allongée, au moyen du gyroscope, du baro
mètre, ou même d’ondes hertziennes. C’est voir assez loin.

So

L’intérêt immédiat du dispositif Mac Millan est qu'il permet à


des avions légers et rapides d’emporter aisément des bombes lourdes,
ce qui rendrait plus aisée l’attaque de navires cuirassés par des
avions de tonnage modéré. Dans ce cas il serait plus avantageux de
prévoir largable le système de voilure de la bombe, de manière que
celle-ci prenne le plus tôt possible une trajectoire verticale, trajectoire
avantageuse pour la perforation des ponts blindés.
P. Ba.

IIIII 1IIIIII11I11IU1III IIIIIIIIIIII Il IllIIIIIII un


iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiüiiiiiiifiiiiiiiiiiiiirdiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinj

LE MATÉRIEL
DES AVIATIONS NATIONALES

France.

Coup d’œil sur les appareils militaires français récents.


[ Suite (1).]

Société d’Emboutissage et de Constructions Mécaniques.


Le bimoteur Amiot-S. E. C. M. 144.
Comme les Amiot 142, deux moteurs Hispano-Suiza 12 Y, et les
à
Amiot 143, à deux moteurs Gnome-Rhône K 14, dont ils dérivent,
les Amiot 144 appartiennent à la famille des 140. Dans le 144, S.E.C.M.
a recherché :
— une grande puissance et une grande précision de bombarde
ment ;
—• le maximum de puissance et de précision que permet la formule
de ces bombardiers dans la défense par des armes automatiques;
— des performances élevées et un rayon d’action important.
L’Amiot est conçu pour transporter 1000 ou 2000kg de
144
bombes, et pour franchir 4oookm avec l’une ou l’autre de ces charges.
Il possède les mêmes postes d’équipage et les mêmes aménagements
que les Amiot 143 de l’Armée de l’Air.
Structure et construction.
Nous ne nous étendrons pas sur les principes de fabrication, qui
sont les mêmes que ceux qu’applique S. E .C. M. dans les appareils
de la série Amiot t^o, les Amiot 143 en particulier. Rappelons simple-

( l) Voir les numéros de décembre i 934, puis de janvier, mars, juillet, août,
octobre et décembre 1935, et enfin de mai 1936 de la « Revue de l’Armée de
l’Air ».

IllllllllllllllllllllllllllllltIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIlillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltlllllllllllllllllllllllllllllllllll
946 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

s
Ir. C
B £

- .E
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
947

P.L. droite,

Photographies

A
mitrailleur.

du

poste

fuselage.

du

plancher

du

côtés

le
des
s’ouvre

l’un

dont sur

situé
façon

vertical

la
noter

lance-bombes

142;

S.E.C.M.

d’un

AMIOT-
emplacement

d’un

fuselage

de

avant

gauche,

A
948 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
en se déchargeant les uns sur les autres, permettre à l’aile d’ « en
caisser » certains éclatements de projectiles.
Dispositifs hypersustentâteurs. — Par un braquage de volets
allant jusqu’à 200, le 100C-max. de l’aile passe de 125 à 170, soit
45 pour 100 d’augmentation. La vitesse d’atterrissage est ainsi
réduite de 25kmh et descend aux environs de 70kmh.
Ces volets, qui occupent toute la longueur du bord de fuite,
comprennent, d’une part, les ailerons de gauchissement et, d’autre
part, des ailerons spéciaux entre ceux-ci et le fuselage. Même abaissés
pour l'hypersustentation, les ailerons de gauchissement peuvent être
braqués différentiellement.
Le train rentrant. — La roue se relève vers l’avant, parallèlement
au fuselage et se loge à l’arrière du bâti-moteur. Elle descend sous
la seule action de son poids. Un clavetage la bloque à la position
d’atterrissage.
Postes divers et aménagements.
Quatre ou cinq hommes à bord :
— Un chef de bord assumant les fonctions de navigateur et de
bombardier ;
— Un pilote;

— Deux ou trois mitrailleurs-guetteurs, suivant que l’avion fait


partie d’un groupe dont les divers appareils se défendent récipro
quement ou qu’il voyage isolément.
Poste du chef de bord. — Le poste du chef de bord est à l’avant,
dans la partie vitrée de la nacelle-fuselage. Le commandant assure
la navigation et effectue le bombardement.
Il est nécessaire de le protéger contre toute fatigue inutile pour
qu’il conserve pendant les longs vols, en dépit de l’altitude et des
combats possibles, tous ses moyens physiques et intellectuels (navi
gation précise et bombardement bien ajusté).
Dans son poste, à l’avant de la nacelle, sont rassemblés tous les
instruments de travail et de liaison intérieure qui lui permettront
de commander en vol :
— Instruments de navigation : une boussole, un taximètre, un
dérivomètre, une table à cartes;
— Instruments de bombardement : un viseur Dubois-Impar, les
postes de déclenchement électrique des bombes;
— Moyens de liaison intérieure : un transmetteur d’ordre avec le
pilote, un aviophone avec tous les membres de l’équipage, un chariot
transporteur de message avec l’opérateur radiotélégraphiste.
La liaison avec l’extérieur est assurée par : le poste de radio,
des fusées-signaux, un feu de signalisation optique.
Postes de pilotage. — Le poste principal de pilotage, aménagé en
conduite intérieure, est légèrement au-dessus du bord d’attaque de
l’aile, au point le plus haut de l’appareil, de façon que les vues du

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 949

pilote soient bien dégagées vers l’avant, au-dessus de la tourelle,


et vers les côtés, au-dessus des moteurs. Le siège, réglable en hauteur,
est à inclinaison variable ; il est prévu pour l’emploi du parachute
dorsal en soie. L’évacuation se fait par la partie supérieure de la
conduite intérieure, entièrement largable.
Le second poste de pilotage est placé au-dessous du poste principal;
il est facile au chef de bord d’en prendre les commandes.
Derrière le premier pilote et sous l’aile, dans la nacelle fuselage,
le couloir de circulation et la soute à bombes sont côte-à-côte.
tir. — Les postes de tir sont prévus pour l’emploi de
Postes de
mitrailleuses à grand débit ou de canons automatiques de petit
calibre.
A l’extrême avant du fuselage, une tourelle sous coupole, servie
par un mitrailleur-guetteur ou par le chef de bord, bat tout l’hémi
sphère situé en avant de l’appareil; le tir est possible dans un secteur
horizontal de 2200, et depuis la verticale inférieure jusqu’au zénith.
A l’arrière de la nacelle, le mitrailleur-guetteur inférieur tire,
du bord d’un balcon, dans l’hémisphère sous fuselage. Il assure,
en même temps, le fonctionnement du poste de radiotélégraphie.
Vers l’arrière, dans la coque-fuselage, très dégagé du bord de fuite
de l’aile, le mitrailleur-guetteur supérieur défend, outre la totalité
de l’hémisphère situé au-dessus de l’avion, de grandes zones vers le
bas, sur les côtés du fuselage; il est protégé par un déflecteur.

Une escadrille d'AMIOT-S.E.C.M. 143 sur le terrain de Chartres.

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIlllIl
950 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

|l!l|||||||H^

111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111

(
11111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 951

En plus de ces tourelles, le chef de bord dispose d’une mitrailleuse


pour tirer sous le fuselage, vers l’avant.
Grâce aux recoupements
des champs de tir de ces
divers postes, il ne subsiste
aucun angle mort dans la
défense de l’appareil.

Distances franchissables
ET VITESSES.
La distance franchissable
est essentiellement fonction
du régime de croisière
adopté.
Vitesse de croisière
(en kmh). 300, 280, 250
. .
Tourelle avant de l'AMIOT 142. Distance franchissable
5000, 7000 (en km). 4000,
L’Amiot 144 peut parcourir 4ooo km à une vitesse de croisière
de 3oo kmh tout en transportant son équipement complet et 1 tonne
de bombes. Avec 2 tonnes de projectiles, sa vitesse de croisière,
pour le même parcours, baisse d’environ io kmh .
L’essence est contenue dans huit réservoirs d’aile; des vide-vite
permettent de vidanger en quelques secondes tout ou partie de
l’essence de l’un quelconque d’entre eux. Le pilote dispose, à
portée immédiate de sa main, de robinets pour fermer chaque réser
voir. Tous les réservoirs d’un bord débitent dans un collecteur central.
Le collecteur de chaque bord est réuni à celui de l’autre bord par
un tuyau d’intercommunication permettant l’alimentation des deux
moteurs avec les réservoirs d’un même bord.
Chargements divers.
Les bombes se trouvent
aux deux emplacements
suivants :
A l’intérieur du fuselage.
— Au droit de la voilure,
une soute à bombes reçoit
les lance-bombes néces
saires pour l’un quelconque
des chargements suivants :
i° 64 bombes dites de
io k e pesant, avec leurs
lance-bombes, 68oks;
20 16 bombes dites de Poste de tir arrière de l'AMIOT 142.
5o k ® posant, avec leurs (le pare-brise déflecteur n’était pas monté
lance-bombes, 976k8; lors de la prise de la photographie).

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
952 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Bimoteurs AMIOT-S.E.C.M. 142.

3° 4 bombes dites de 200k6 pesant, avec leurs lance-bombes, 91 1k;


4° 4 bombes dites de 100ks pesant, avec leurs lance-bombes, 483k%;
5° 1 bombe dite de 500ks pesant, avec son lance-bombes, 56okE.
Cette soute à bombes estentièrement accessible de l’extérieur de
l’avion, ou de l’intérieur du fuselage; ses parois sont formées de
panneaux démontables.
Un chariot spécial permet d’amener et d’installer un lance-bombes
tout chargé, ce qui réduit
très sensiblement les
temps d’immobilisation
entre deux missions suc
cessives.

Sous les ailes. — Quatre


lance-bombestype G. P. U.
permettant d'empo rte r,
soit 4 ‘bombes dites de
200k8, pesant ensemble
945k%, soit
bombes -de
4
100ks, pesant ensemble
515kg.

Poste de tir du balcon sous fuselage dans En outre, 24- bombes


l'AMTOT-S.E.C.M. 142. éclairantes à grande puis
sance, pour éclairer les
objectifs, sont placées sous les ailes : 20 sont à la disposition du
navigateur-bombardier et 4 à la disposition du pilote.
(A suivre.)
; 1111E! 1111 ! 111111111111111111 ! 111111111111111111111111111111111
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1111111111111111111111111111

BIBLIOGRAPHIE

Die Physiologie des Menschen im Flugzeug


(Physiologie de l’homme en avion), par le Dr Gustav SCHUBERT
(Julius Springer, Berlin, 206 p., 27 fig. — Prix : 1,80 R. M.).
Dans son ouvrage, l’auteur, qui est Privatdocent de l'Université
allemande de Prague, traite toutes les questions qui sont impor
tantes dans la pratique de l’aviation, du point de vue de la physio
logie et de l’aviation. Nous y voyons successivement exposées les
exigences des organes respiratoires, des organes de la circulation
du sang, des organes des sens, du système nerveux central, enfin,
leur capacité respective dans leurs fonctions.
La seconde partie comprend : la physiologie de l’aviateur en alti
tude. En introduction, l’auteur décrit brièvement, mais avec un souci
de la représentation imagée pour le profane, digne des meilleurs traités
techniques en la matière, les différentes évolutions acrobatiques
les accélérations qui en résultent sont expliquées pour chacune d’elles,
par des diagrammes des accélérations et des temps pour certain
type d’avion. L’auteur donne aussi des formules pour le calcul des
valeurs des accélérations les plus importantes. Les facteurs qui
influencent le processus de la respiration en avion sont, si l’altitude
n’atteint pas plus de 4000m, la pression du vent et les accélérations
centrifuges.
Il est démontré, au moyen de diagrammes, comment est influencée
la fréquence des mouvements respiratoires. La valeur limite de la
pression du vent qui peut se supporter y est fixée. L’auteur fait
ressortir particulièrement la valeur des muscles respiratoires dans
leur jeu et leur entraînement, bien que l’insuffisance de ceux-ci ne
permette pas d’expliquer des fatigues exactement prouvées.
Plus importantes dans la pratique de l’aviation sont les exigences
requises pour les organes de la circulation du sang. L’effet des accélé
rations centrifuges y est expliqué plus en détail. La valeur limite de
l’accélération centrifuge encore supportable se trouve être, quand
celle-ci s’effectue dans le sens de la tête au pied, d’une valeur de 4 g
et, après entraînement, d’une valeur de 5 g. L’habitude la plus impor
tante à acquérir pour la pratique consiste en une contention volon
taire plus marquée de toute la musculature abdominale. La domi-

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll>
B. A. I. — N° 85. 8
954 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
nation et la régulation purement nerveuse de la circulation du sang
contre l’élévation de la pression hydrostatique due aux accélérations
centrifuges, qui est attribuée aux nerfs grand sympathique et pneumo
gastrique, demande du temps et, pour la pratique, ne peut entrer
en considération que pour des influences longuement prolongées
d’une accélération centrifuge, c’est-à-dire dans l’exécution de spirales
à la verticale.
Dans la plupart des évolutions acrobatiques, la régulation de la
circulation du sang ne fait pas défaut, car l’action de l’accélération
centrifuge n’agit, en durée de temps, que par secondes.
Si cette accélération exerce son action dans la direction « pied vers
tête » elle est beaucoup plus mal supportée et sa valeur supportable
s’abaisse vers 2
— 2,5 g. Les perturbations de la circulation du sang
apparaissent avec la valeur des accélérations critiques qui se traduisent
surtout par des perturbations de la vision, qui sont ultérieurement
décrites plus en détail.
L’auteur nous parle encore d’autres accélérations, en particulier
des accélérations de Coriolis, ainsi que de la baisse de la température
qui influencent par réflexe la circulation du sang de l’aviateur. Le
procédé qui consiste à enregistrer la pression du sang et la fréquence
des pulsations est exposé plus exactement et les mensurations de
divers auteurs sont critiquées selon leurs valeurs données. L’auteur
trouve, en fin de compte, que le risque d’un excès de travail du cœur
n’est pas à craindre dans la pratique de l’aviation.
Ce résultat est très important. Il n’a également pu être constaté
de modifications pathologiques du cœur ou de la circulation, même
chez des aviateurs militaires très surmenés.
On n’a pas davantage pu observer de défaillances des organes respi
ratoires ou circulatoires chez les parachutistes, même avec une
descente prolongée à parachute non déployé.
Dans le chapitre suivant, l’auteur nous parle de la perte de chaleur
et de la déshydratation de l’organisme dans les vols à grande et faible
altitude. Les facteurs importants en physique, comme la température,
l’humidité absolue ou relative, sont représentés graphiquement, dans
leur rapport avec l’altitude et la saison. Les effets de la déshydratation
et du refroidissement sont aussi étudiés, de même que les exigences
auxquelles doit répondre un vêtement véritablement protecteur du
froid.
Dans le chapitre « Nutrition » l’auteur étudie d’une manière critique
la manière dont l’aviateur supporte l’altitude (tolérance des altitudes).
L’auteur arrive à un résultat négatif.
En parlant des facultés demandées aux organes des sens, l’auteur
donne d’abord une brève description de la physiologie de ces organes,
et il étudie alors les fonctions qui forment par leur développement
réel, le fondement même de l’art du pilote. Nous y trouvons, rapportés
à leur utilité réelle, le rôle du sens du tact, du sens musculaire, du
sens des attitudes, du sens du mouvement (cinesthésie), du sens ther-

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 955

inique et du sens nommé « sens des vibrations », qui sont nécessaires


dans la pratique de l’aviation. Les effets des vibrations sur le corps
humain sont aussi décrits, les limites de la manière dont elles sont
supportées sont fixées.
L’orientation optique étant la plus importante pour l’aviateur,
l’auteur discute la réaction de l’acuité vis-à-vis de la lumière, ainsi
que la réaction de l’accommodation par rapport à l’âge; enfin il
expose les bases physiologiques de la vision stéréoscopique et l’évalua
tion des distances en avion, comparativement avec la véritable
vision stéréoscopique -— qui atteint pratiquement sa limite à 200m
de distance — ou dans les moments où la localisation en profondeur
joue un grand rôle en aviation.
La méthode « des tests » pour la recherche de l’acuité de la vision
stéréoscopique normale permet, en même temps, de juger de l’ano
malie de la position des yeux (hétérophorie).
L’auteur nous parle des mouvements d’apparence trompeuse qui
peuvent conduire à des vertiges qu’il nomme « vertiges optokiné-
tiques », puis du vertige des hauteurs, produit d’une impression
optique, qui apparaît non dans le cours d’observations en avion,
mais en ballon captif. Enfin il nous parle de l’orientation optique
générale, des illusions d’optique, puis des circonstances de la visi
bilité en avion. Il nous donne des formules pour le calcul de la vision
oculaire de jour et de nuit, discute l’importance de l’adaptation
rétinienne ainsi que l’apparition des éblouissements. Il termine ce
chapitre très important par la physiologie du P. S. V. (Pilotage sans
visibilité) ainsi que par des données pour les lunettes protectrices.
Les explications du Dr Schubert sur l’excitation mécanique au
niveau du labyrinthe sont en partie nouvelles et fondamentales.
Pour l’orientation dans l’espace, cet organe des sens ne joue aucun
rôle, mais il semble très important comme organe servant à enre
gistrer les accélérations et faisant ainsi connaître à l’aviateur la
réaction de l’avion aux mouvements commandés des gouvernails
ou des ailerons. De fortes excitations du labyrinthe lors de certaines
évolutions peuvent amener des troubles dangereux pour l’aviateur,
particulièrement des pseudo-vertiges qui ont leur origine dans des
perturbations de la circulation du sang. L'hyperexcitabilité du
labyrinthe est incompatible avec l’aviation; par contre, il n’y a pas
de raison d’exclure du métier d’aviateur les individus à labyrinthe
sous-excitable.
Ce sont aussi des excitations labyrinthiques qui engendrent le
mal de l’air (nausées).
L’auteur démontre approximativement quel est le fonctionnement
des sens qui sont à la base de l’équilibre chez l’aviateur ainsi que du
« sens
du pilote ».
L’importance de l’ouïe n’est pas si grande pour la conduite de
l’avion que pour la radiotélégraphie et la radiotéléphonie. Pour le
personnel radio, à bord d’un avion, un pare-son convenable est abso-

niiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinii
956 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
lument nécessaire, car l’ouïe est très assourdie par les vrombissements.
Les mesures préventives qu’il est possible de prendre sont aussi
détaillées que la question de l'hypoacousie professionnelle de l’aviateur.
Les fonctions du système nerveux central sont traitées du point
de vue du praticien, en ce qui concerne la mesure des temps des
réactions. Dans le métier d’aviateur, les facteurs psychiques ont une
grande part : l’auteur montre par des exemples que des pilotes
militaires conduisant des avions de chasse et des avions de guerre
avaient dû quitter ce service, malgré leur jeunesse, pour des causes
psychiques. Ce métier peut, tout comme un autre, provoquer des
névroses : il nous expose dans le détail la genèse de celles-ci, ainsi que
la pathogénie de l’asthénie de l’aviateur.
<
La seconde partie du livre comprend la Physiologie du vol en alti
tude. Après l’exposé de la symptomatologie du mal de l’altitude,
sont traitées les diverses réactions des différents organes dans le vol
en altitude, telles que celles-ci nous sont connues jusqu’à présent.
La tension partielle de l’oxygène dans l’atmosphère, mène, déjà
à des altitudes relativement faibles, à une augmentation de la venti
lation pulmonaire. Dès 4000m, le volume du cœur s’agrandit aussi.
La quantité de sang circulant, qui augmente avec l’altitude, seproduit
par le fait du déversement d’organes-réservoirs du sang (rate, foie,
veines abdominales). L’auteur admet donc des réserves physiologiques
de la circulation du sang.
La diminution de la tension de l’oxygène de l’air est le facteur le
plus important qui opère physiologiquement sur la respiration,
dans le vol en altitude. La question de l'akapnie est exposée en détail,
et l’auteur conclut qu’il n’existe pas une preuve indiscutable de
l’akapnie se montrant au cours du vol en altitude. Malgré cela, il
ne nie pas que, dans certaines circonstances, une adjonction d’acide
carbonique peut exercer une action très favorable.
L’action du rayonnement en altitude et de l’électricité atmosphé
rique sont de peu d’importance pour l’aviation à moteur, de même
que les influences purement mécaniques du changement de la pres
sion de l’air sur la pression sanguine. L’auteur prouve aussi qu’il
n’y a pas de danger d’embolie gazeuse au cours d’une élévation
rapide en altitude. Au chapitre « Protection de l’aviateur en altitude »
sont brièvement, énoncés les principes des appareils respiratoires,
ainsi que l’hygiène générale de l’aviateur en altitude. L’auteur ne
décrit pas d’appareils à oxygène. Pour la conservation de l’énergie,
tant physique qu’intellectuelle, il n’y a pas nécessité d’augmentation
de l’oxygène jusqu’à 4000m. Quand des vols records sont exécutés,
la hauteur atteinte peut aller jusqu’à 14 ooo m
La limite de sécurité ne peut être exactement fixée, car la tempé
.

rature et la vapeur d’eau de l’air inspiré jouent avant tout un grand


rôle. De plus hautes altitudes ne peuvent être atteintes qu’en cabine
étanche ou avec des scaphandres. L’auteur souligne qu'aujourd'hui

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 957

il l’altitude sur l’organisme


est possible de supprimer l’influence de
humain à toute hauteur accessible. La lutte physiologique comprend
seulement les altitudes situées entre 4000 et 10 000m dans un avion
non protégé. C’est là un domaine très restreint si l’on n’envisage
pas les possibilités de perfectionnement technique.
En somme, cet ouvrage nous donne un aperçu détaillé de l’ensemble
actuel de nos connaissances en aérophysiologie. Il est indispensable
(ou sera toujours utilement consulté) pour chaque médecin qui, ayant
une connaissance précise de la langue allemande, voudra étudier une
question se rapportant à la physiologie de l’aviateur.
Note personnelle du traducteur.
Le livre si intéressant du DE Schubert nous a permis de constater
que l’opinion de son auteur, sur certaines questions ayant fait l’objet
d’études de notre part -—- opinion basée, comme la nôtre, sur une
expérience personnelle étendue du vol en avion — est conforme aux
idées que nous avons déjà exposées : par exemple, quand l’auteur
dit que l’avion ne risque pas de faire travailler le cœur à l’excès,
quand il expose l’effet des accélérations centrifuges et des vibrations,
ou encore lorsqu’il développe ses idées sur la physiologie du laby
rinthe chez l’aviateur.
Pour le lecteur que ces questions peuvent intéresser, il nous paraît
bon de donner ici l’indication de nos propres publications sur ces
différents sujets :
1° L’examen du sens de l’odorat chez l’aviateur, Archives de
Médecine et de Pharmacie militaires, tome 79, n° 3, septembre 1923;
20 Sur les sensations prévenant et accompagnant la perte de vitesse
en avion, Revue de l’Aéronautique militaire, no 31, février 1925;
3° De l’appréciation de la hauteur en avion. Étude de la fonction
visuelle stéréoscopique chez l’aviateur, Revue de l’Aéronautique mili
taire, nos 23 et 25, octobre 1924 et février 1995;
4° L’intoxication par l’oxyde de carbone chez l’aviateur, Revue
des Forces Aériennes, n° 5, décembre 1929;
5° A la recherche d’un équipement de sécurité pour l’aviateur :
Communication au Congrès de la Sécurité aérienne (Paris, 1980);
Revue des Forces Aériennes, n° 26, septembre 1931; Revue de l’Aéro-
Club du Maroc, no 4;
Go Influence et limites physiologiques de la vitesse et de ses

dérivées, Archives de Médecine et de Pharmacie militaires, octobre 193 1;


Communication au Congrès de la Sécurité aérienne (Paris, décem
bre 1980);
7° Les fatigues exceptionnelles du service aérien. Maladies qui
peuvent en résulter au regard des lois actuelles, Revue de l’Armée
de l’Air, no 62, septembre 1934, et L’Avion, nos 106, 107 et 108,
juin-juillet-août 1935;
8° Contribution à l’étude de l’aptitude physique à l’emploi de
pilote d’avion, Revue de l’Armée de l’Air, n° 60, juillet 1934.
Et nous signalons en même temps un autre but, plus immédia-

11111 iiiinii iiiiiiii iiiiiiiiniiiiiiiiiiiiii


111 11111111 iiiiniiiiiiiiiiiMi ni 1 iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiui'
9 58 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
tement pratique : à notre avis, la réglementation de l’aptitude
physique à l’admission dans l’Armée de l’Air et, en général, dans le
personnel civil ou militaire de la navigation aérienne devrait être
révisée et s’appuyer, pour l’avenir, sur des indications plus atténuées
ou moins impératives que celles que nous avons eues jusqu’ici à
observer dans l’examen de l’appareil circulatoire et de l’équilibration.
Médecin-CommandantFlamme.

Notions générales sur la réparation des moteurs d’aviation,


par J.-R. Pierrot {Imprimerie Union, i3, rue Méchain, Paris.
336 pages, 211 figures, dont 5 planches en couleurs.
— Prix,
relié, 75fr).
Lorsque la Direction des Forces Aériennes institua en 1933 un
concours de notices de réparation, elle montra un esprit d’initiative
qu’il est bon de rappeler. Dédaignant les formalités administratives
qu’une tradition solidement établie attribue aux ministères, elle
s’adressa directement et sans complications à ceux que la question
intéressait et qui purent ainsi émettre leurs idées et suggérer leurs
desiderata.
La formule était excellente et plus encore le mobile qui l’inspirait.
Pas plus en France qu’à l’étranger, même pas aux États-Unis, il
n’existe de traité détaillé de la réparation des moteurs d’aviation.
Ces derniers pourtant, de plus en plus puissants, de plus en plus perfec
tionnés, sont aussi de plus en plus coûteux. Si l’on veut se montrer
bon comptable des deniers publics, il importe de tirer du matériel
en service le plus long usage.
Dans cet ordre d’idées, on discute volontiers la valeur de la technique
des militaires, et les réparations effectuées dans les parcs ne jouissent
pas toujours d’un crédit indiscuté. Reconnaissons que, placés devant
le problème de la réparation, les mécaniciens doivent trop souvent
« se débrouiller ». En se documentant par leurs propres moyens, ils
recueillent des renseignements qui ne sont pas toujours très précis,
et qui, même, peuvent être contradictoires.
C’est pour combler cette lacune que l’on a pensé à établir un
document de base qui constituera en quelque sorte le « bréviaire »
de la réparation. L’auteur a parfaitement compris le problème posé
et l’œuvre répond bien à ce que l’on attendait d’elle.
co
Après une première partie qui décrit brièvement le dégroupage
pratiqué dans les escadrilles, l’auteur aborde ensuite le côté adminis
tratif de la question. L’organisation d’un atelier y est étudiée dans
les moindres détails et tous les chefs de parcs y puiseront d’utiles
enseignements, qu’il s’agisse de l’agencement des locaux, de la conduite
du personnel, de l’organisation du travail ou de la tenue de la compta
bilité. Signalons, en passant, le souci qu’a eu l’auteur de toujours
rester dans le cadre des instructions militaires en vigueur.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1II1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 959

Bien entendu, c’est l’exécution technique de la réparation qui


occupe la majeure partie du volume. Successivement, et dans l’ordre
logique de l’avancement du travail, y sont traités le déballage, l’inven
taire, le démontage, le lavage, la vérification, la réparation du moteur
et celle des accessoires, les essais spéciaux, le montage, le rodage, les
essais du moteur et la finition. Dans ces très nombreuses pages,
le praticien retrouvera naturellement bien des tours de main, bien
des formules qu’il connaît et emploie de longue date; mais il y trou
vera, en outre, des formules nouvelles et d’autres tours de main qu’il
a tout intérêt à s’assimiler et à employer de préférence, à l’avenir;
car l’auteur a puisé sa documentation à la source : chez tous les
constructeurs.
<
Certains ont paru s’effrayer que l’on préconise des méthodes aussi
perfectionnées et craindre que les mécaniciens militaires ne s’en
trouvent déconcertés. Mais ne doit-on pas rechercher, au contraire,
à toujours élever le niveau technique du personnel militaire ? D’autre
part, en mentionnant des instruments, des installations et des four
nitures que l’on ne rencontre pas actuellement dans les ateliers mili
taires, l’auteur est parti du principe que l’organisation de ces derniers
n’est pas immuable et se perfectionnera peu à peu. L’organisation
présentée peut ainsi constituer le but à atteindre et coordonner les
efforts pour y parvenir. Le temps est loin où l’on admettait, dans
l’armée, que pour réparer un moteur il suffisait d’un marteau, d’une
pince, de quelques mètres de fil de fer et d’un peu d’hermétic !
Ce livre doit être entre les mains de tous ceux qui ont à s’occuper
de la réparation et de l’entretien des moteurs, depuis le chef d’atelier
jusqu’à l’aide-monteur. Chacun, dans sa sphère, y trouvera sans
longues recherches la formule à employer, la méthode à suivre, la
directive à donner.
La présentation de l’ouvrage est plutôt luxueuse. Beau papier
couché permettant une reproduction fidèle des photographies et
reliure établie pour un long usage. Les dessins et schémas sont des
plus clairs.
P. L.

Jagd in Flanderns Himmel,


(Chasse dans le ciel des Flandres), par M. BODENSCHATZ.
(Knorr et Hirth, Munich, 213 p. — Prix, relié, 4,80 R. M.).
C’est, plus exactement que le titre ne l’indique, l’historique de
l’escadre Richthofen en Flandre et ailleurs, rédigé par celui qui fut
le lieutenant-adjoint du Commandant de l’escadre, et se trouve
aujourd’hui l’adjoint du ministre de l’Air Goring.
Cette étude venant après beaucoup d’autres, son intérêt réside
plus dans certaines précisions relatives à des détails d’opérations ou
à des énumérations de victoires aériennes, qu’à des vues générales

(IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIJHIIIHHI)
960 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
sur la guerre aérienne ou à une reconstitution de l’état psychologique
du milieu.
A cet égard elle apprend peu de choses au lecteur français qui
aurait déjà dans sa
bibliothèque les mé
moires du célèbre Ritt-
meister ou le livre sur
« Le chevalier rouge de
l’Allemagne », signalé
autrefois dans cette
revue.
Noté quelques dé
tails :
—•

l’aménagement,
exclusivement de nuit,
d’un terrain d’aviation
à Avoingle pour la
bataille du 21 mars
1918 ; cela pose des pro
blèmes spéciaux;
-—-
le saut en para
chute du lieutenant
Udet, le 29 juin 1918;
— l’effet de l’appa
rition des multiplaces
Caudron R. XI et la
croyance, si fréquente,
que ces appareils
étaient blindés et, de
ce'fait, invulnérables;
— la perfection du système d’alerte des chasseurs;
— l’énergique attaque des terrains par les aviateurs britanniques.
P. E.
Wirtschaftlische Mobilmachung
(Mobilisation économique), par Justus Schmitt (Voggenreiter,
Postdam, 86 p. — Prix : 2,40 R.M. ; pour l’étranger : 1,80 R.M.).
Étude des problèmes d’économie militaire.
Il est intéressant de voir avec quelle exactitude M. Schmitt
considère tout ce dont un pays a besoin pour résister aux contraintes
économiques et continuer la guerre. La mobilisation industrielle, la
préparation à la guerre, la protection antiaérienne (surtout en ce
qui concerne l’industrie et les civils), les problèmes des vivres et des
matières premières et temps de guerre, l’adaptation de l’industrie,
le contrôle du commerce, la question ouvrière, sont l’objet de notes
ou d’études. L’auteur affirme que tous ces travaux, destinés à préparer
la guerre, ne font qu’augmenter les chances de paix. Tous ceux que
cette question intéresse trouveront là des renseignements et sugges
tions non négligeables. H. K.
Le Gérant : E. THOUZELLIER.
Illllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
104925. — Imp. Gauthier-Villars.
Perspective du pesage pendant la Fête de l‘ Air (12 juillet).

Revue de l’Armée de l’Air


N 86 SOMMAIRE Septembre 1936

PREMIÈRE PARTIE
Pages.
Note éditoriale. — Le survol des zones interdites 963
Les grandes vitesses vont-elles tuer la chasse ?
L — La fermeture de la chasse,
par A. ODIER 965

IL — Problème de la supériorité balistique du tir en retraite,


par R. GARNIER 971
Considérations médicales sur le parachutisme,
par le Médecin-Commandant FLAMME 977

''iiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiii
R. A. A. — N» 86. 1
962 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
PREMIÈRE PARTIE (suite).
Pages.
Le bombardement en vol rasant,
par l’Ingénieur en chef du Génie maritime C. ROUGERON . 1007 .

Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation militaire française,


par le Lieutenant-Colonel BELLENGER . .

DEUXIÈME PARTIE

INFORMATION GÉNÉRALE
Le navire porte-avions à plate-forme d’atterrissage .
par P. E. 1039 . .

Augmentation des effectifs des pilotes de VAir Corps. — Les nou


veaux chasseurs américains. — Essais de bombes éclairantes. • 1042
Synthèse du major-général Fuller sur la guerre italo-éthiopienne.

Quelques chiffres. — Opinion italienne sur la stratégie de la
campagne italo-éthiopienne par P. E. 1044
Le pilotage sans visibilité au moyen d’indicateurs acoustiques de
vitesse et de virage par A. V. 1048
L’avion de bombardement 1053

Matériels de défense contre avions. . . 1056


Utilisation pratique du sextant à bulle dans la navigation aérienne. 1057

La guérilla aéro-maritime en Adriatique 1059


La conquête du Jehol 1061

LE MATÉRIEL DES AVIATIONS NATIONALES


Le nouveau compas magnétique Aéra type E. 10 1063

Le transmetteur d’ordres Aéra 1066

Les pompes à essence Guinard à vis par P. L. 1067

REVUE DES BREVETS


Le sondeur électro-acoustiquecontinu Jacquet-Badin, par Gaëtan
JACQUET 1069

BIBLIOGRAPHIE
Hitlers motorisierte Stossarmee.— État des officiers de l’Armée de
l’Air. — Das deutsche Wehrwesen in Vergangenheit und
Gegenwart. — Das Buch der deutschen Fluggeschichte. —
L’énigme du Jutland

IIIIJIIIIIII11111111111111111111IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIII1111111111111111111111111111111
UK|>
Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllll

Note éditoriale

Le survol des zones interdites

Cet été toute la zone de la position fortifiée de Liège, où


de nombreux travaux de fortification sont en cours d’exécution,
a été survolée par le dirigeable allemand « Hindenburg ».
survol était d’ailleurs licite, la législation belge n’ayant
Ce
pas réglementé les parcours aériens. Mais, en d’autres pays,
la violation des zones interdites, assez fréquente, ne manque
pas d’envenimer les rapports de voisinage.
« Les bons comptes font, dit-on, les bons amis » ; il faut donc
éviter les incidents de frontière, prétextes trop faciles au
jourd’hui à l’excitation populaire, demain au déclenchement
d’une catastrophe.
Or un aviateur, même de très bonne volonté, peut en s’éga
rant déterminer le drame.
On se demande donc si ce ne serait pas une mesure favorable
à la paix que d’essayer de faire adopter des dispositions inter
nationales rendant plus nette la situation des frontières
aériennes.
Une première disposition — nette et brutale
— consisterait
à maintenir les « zones interdites » et à déclarer qu’on tirera
sans prévenir sur tout avion qui y pénétrera (1). Solution qui

(1) « L’Intransigeant » du 18 juin a publié la dépêche suivante, que nous repro


duisons à titre documentaire :
« Moscou, 16 juin. —- L’Agence Tass communique l’information suivante :

» Le 14
juin, à 12h5omin, la frontière soviétique a été franchie, près du poteau -
frontière numéro 720, par un avion polonais se dirigeant de l’Ouest à l’Est.
» A i3 h le même avion a survolé la ville de Dzerjinski, située à 16km à
,
l’est de la ligne frontière. On a ouvert sur lui le feu des fusils et des mitrail
leuses. L’avion a néanmoins poursuivi son vol en direction de Minsk.

millllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllillllliiiilliiilllliilliiilliiill
964 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
place du moins tous les Etats, grands et petits, sur le même
pied ; solution dont la brutalité même tend à rendre plus rares
les incidents fortuits et à provoquer l’établissement de « zones
neutres ».
Une autre disposition consisterait à supprimer purement et
simplement les interdictions de survol. De la sorte :
— le plus malhonnête, ou le plus puissant, cesse d’avoir avan
tage sur son voisin;
— on acquiert au grand jour ce qu’on finit toujours par
apprendre ;
— il y a un contrôle général des travaux de défense et il
devient possible de contrôler toutes interdictions de travaux
qui ont pu être édictées.
Le débat est ouvert; il ne faut pas laisser au hasard le soin
d’y mettre une conclusion.
R. A. A.

»
Des avions soviétiques ont alors pris l’air et ont obligé l’avion polonais à
atterrir sur l’aérodrome de Minsk. A bord de l’avion se trouvaient deux pilotes
polonais, MM. Sigismund Paciokovsky et Stanislav Abramsky, qui ont déclaré
être membres de l’Aéro-Club de Varsovie auquel appartient également l’avion.
(Pour que cette « chasse à vue » fût efficace, il fallait en effet que le « gibier »
ne fût pas de haute performance.)
»
D’après les explications qu’ils ont fournies, ils se sont égarés au cours d’un
vol d’entraînement.
» Les
déclarations sont en cours de vérification. »

min
Illllltlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll>llllll

Les grandes vitesses vont-elles tuer la chasse P

Dans un article, publié il y a vingt-cinq ans, M. Odier faisait


prévoir que, dans un avenir probablement assez proche, l’accrois
sement des vitesses des avions donnerait au fuyard un avantage
balistique tel que la poursuite serait impossible. Il en concluait
que la défense aérienne contre avions serait illusoire, c’est-à-dire
qu’il nous serait aussi impossible qu’à l’ennemi d’interdire les
incursions de bombardement. Nous lui avons demandé de pré
ciser son avis actuel, ce qu’il fait ici avec sa verve coutumière.
M. Odier nous a également transmis une note de calcul, due à
M. R. Garnier, qui précise les données et les conclusions du pro
blème.

I. — La fermeture de la chasse

Par A. ODIER,
Directeur de l’École spéciale de Travaux aéronautiques.

n’ai pas oublié ce que j’ai avancé en 1910, et je n’ai pas


Je
changé d’avis. J’ai toujours pensé qu’à partir d’une certaine
vitesse la chasse devient impossible. Je crois que nous avons
déjà, à l’heure actuelle, atteint les vitesses nécessaires pour
cela. Et je pense qu’il suffira de très peu d’années de paix, de
palabres, d’études et d’essais pour qu’il ne soit plus question
de combats d’avion contre avion : parce que c’est et ce sera tou
jours, à armes égales, celui qui fuit qui tue l’autre.
Je tiens d’abord à poser en toute humilité que ce n’est pas
parce que j’ai été parmi la première douzaine d’illuminés qui
ont construit et pilotaillé leurs premiers engins en 1909 que
je prétendrais dicter leurs manœuvres aux « as » d’aujourd’hui.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiii
966 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Je vais tâcher de ne m’appuyer que sur le sens commun et la
mécanique réelle, en faisant abstraction de toute opinion pré
conçue. En échange, je demande au lecteur de vouloir bien
essayer d’en faire autant.
Je ne garde d'ailleurs à ce sujet que peu d’illusions. Je ne
doute pas que la plupart de ceux qui croient à la chasse nieront
l’évidence. Et, tant qu’une chose n’est pas admise par l’incons
cient, le raisonnement est sans force.
Galilée a bien dû s’incliner devant la volonté d’incompré
hension. Et plus tard on a dit à Christophe Colomb que, si
vraiment la terre était ronde, il ne pourrait pas remonter de
l’autre côté....
<o
Essayons d’abord d’une comparaison enfantine pour que, si
vous admettez un raisonnement de sens commun, vous soyez
tenté, soit de faire l’expérience, soit de me lire jusqu’au
bout....
Deux voitures rapides se poursuivent sur une route droite.
La première s’enfuit à 100kmh devant l’autre qui la pourchasse
,
à 108. Elles sont pilotées par deux amis qui veulent s’amuser
à se lancer des balles de tennis, ce projectile léger ne pouvant
être bien dangereux. Chacun dispose d’un lance-pierre capable
de lancer à 100 kmh une balle de tennis de 65mm pesant 605. Le
fuyard tire en retraite, à l’angle nécessaire pour faire monter
sa balle, par exemple., à 5 m de hauteur. Quittant à 100kmh un
véhicule qui fuit à 100kmh la balle montera à peu près verti
,
calement sans vitesse horizontale par rapport au sol. Elle
mettra, pour monter à 5 m à très peu près une seconde, et
,
autant pour retomber verticalement au sol, soit au total deux
secondes.
Si la deuxième voiture est distante de l’autre de 60 m comme
il lui faut précisément 2 secondes pour couvrir cette ,distance
elle recevra certainement la balle.
Par contre, si la voiture qui poursuit lance une balle, celle-ci
subit une résistance de l’air correspondant à la vitesse de
108 — 100 = 208 kmh et il est enfantin de calculer que cela cor
,
respond à 1005. La force vive qu’elle possède est de 10 kgm ,7.
Quand elle n’aura plus que 100kmh de vitesse, c’est-à-dire quand

iiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiini 11 nu i nui i ii ii i uni un i in 11 nu ii in i un 111111 un in i nu i u i ni un in 11 uni i ni iniiiiiiiii 1144J41


REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR. 967

elle sera incapable de rattraper le fuyard, il lui restera une


force vive de 218m,5. Pour perdre 818m,2 avec une résistance,
il est vrai, décroissante, mais de l’ordre de 1005, il faut un
parcours d’un peu plus de 82m, qui sera couvert à une vitesse
moyenne comprise entre 100 et 208 à l’heure; prenons 150 à
l’heure pour ne pas nous égarer dans un calcul fastidieux :
il faudra donc justement 2 secondes. Malheureusement pour lui,
pendant ces 2 secondes, la première voiture a eu le temps
d’aller 60m plus loin et il sera inutile au chasseur de continuer
à s’exposer à recevoir des balles tant qu’il ne pourra riposter.
Et, comme il faut couvrir 800m pour remonter le fuyard de 60m
,
celui-ci pourra continuer assez longtemps à le bombarder impu
nément.
so
J’ajoute tout de suite que ce calcul enfantin est faux; il
n’est fait que pour faire saisir l’intérêt de la question, et vous
trouverez plus loin le calcul exact.
Les projectiles réels, dites-vous, ont, au départ, une vitesse
n fois plus grande que celle de l’avion; la comparaison avec
les balles de tennis n’est donc pas valable. D’accord. Mais il
faut penser qu’aux vitesses actuelles, le combat à quelques
mètres, comme pendant la dernière guerre, n’est plus possible.
Pour que les bretelles restent molles au sommet d’un looping
à 500kmh, soit environ 140m par seconde, il faut boucler dans
un rayon de 1960m ( 1 ).
En virant sans monter dans un rayon de 491m, on a une
accélération de 4g et, disent les pilotes, « on voit noir». Qu’on
accroisse encore les vitesses actuelles, c’est bien possible. Mais
on ne changera rien à la physiologie et déjà les vitesses acquises
ne permettent plus aux pilotes des changements de direction
rapides. Il n’est plus question d’effet de surprise. Et si, par

PV2 V
() On a, eneffet, gR = P ou R = g2 • Donc le rayon d’un looping correct,
c’est-à-dire où l’on ne laisse pas tomber ce que l’on a dans les poches est, en
mètres, le dixième du carré de la vitesse, exprimée en mètres par seconde, ce
qui donne toute facilité pour calculer mentalement la force centrifuge. A
90 à l’heure soit 25 mètres par seconde, le rayon est 62 mètres; à 36o, il est
de 1000 mètres et, à 500, de i960 mètres (exactement 1 966m,50 parce que
g = 9 m ,81 et non 10 mètres).
9 68 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
impossible, à la sortie d’un nuage on aperçoit un adversaire
à portée, il ne sera pas en direction. Or, par le travers, l’appa
rition ne dure qu’un temps si court, à 140m par seconde, que
les chances sont pratiquement nulles. Remonter l’adversaire
pour tirer par le travers ? Mais l’expérience en a montré l’impos
sibilité à cause de l‘imprécision des balles, giflées latéralement
par 140m par seconde au sortir du canon ( 1 ). D’ailleurs, virant
pour s’éloigner, le fuyard peut toujours montrer au chasseur
sa béquille et l’on en verra plus loin le danger.

Enfin, quand on poursuit, il faut être dans le sillage : c’est


de l’étymologie.
Quand on veut rattraper, le plus court chemin est la ligne
droite : c’est de la géométrie.
Et, quand on s’enfuit, on peut toujours manœuvrer de façon
que l’arrière de l'avion fuyard soit dans la direction où se
trouve le chasseur. C’est : soit de l’acrobatie, soit la manœuvre
du lièvre, soit encore de la stratégie (mais cela est un bien
grand mot).
«o
Supposant le chasseur nettement plus rapide, on va certai
nement escompter la possibilité de manœuvre. Or, à l'adver-
saire qui, me survolant de quelques centaines de mètres, voudra
faire l'épervier en plongeant en piqué à mort, je réponds en
plongeant aussi; puis ressource en demi-looping à l’envers, puis
demi-tonneau. A acrobate, acrobate et demi, et ce qu’il peut faire
sans casser, je puis le faire aussi et même à moindre danger
puisque je suis moins rapide.
A toute manœuvre, le fuyard peut répondre en fuyant,
moins pour s’éloigner que pour pouvoir tirer efficacement en
retraite.

(1)Nous devons rappeler que la possibilité du tir par le travers aux grandes
vitesses a été établie par M. Pierre de Valroger, dans le précédent numéro
de la « Revue de l’Armée de l’Air ». Son argumentation est des plus simples
et il semble bien que la « gifle latérale » n’ait pas d’effets gênants sur le tir,
aux vitesses actuelles de vol. (N.D.L.Rq

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiüiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Si l’on doit plus croire à la manœuvre, on ne peut non
ne
plus compter sur la surprise. Car on peut dire sans hypothéquer
beaucoup l’avenir que les avions prochains disposeront certai
nement d’appareils assez sensibles pour révéler l’approche d’une
masse métallique et sa direction.
Espérer encercler un adversaire avec toute une escadrille ?
C’est affaire de rayon d’action. Celui qui a une autonomie
importante (ne donnons pas de chiffres, mais remarquons que
la plus grande traversée de notre pauvre petite France ne
demande que deux heures) peut toujours changer de direction
à chaque adversaire aperçu. Abordé de front, le risque est
mince. Quand deux avions volant à 500 se croisent, même de
près, en tirant à 400 coups par minute, ils espacent chacun
leurs balles tous les 34m et si leur avion a 7m de longueur vulné
rable, il suffit pour le manquer d’un écart de l/40e de seconde.
Il est d’ailleurs inutile d’accepter même ce risque minime. La
lutte entre deux avions à peu près équivalents, devant se faire
« au finish », ne semble pouvoir se faire que par la simple
poursuite ; car le combat de manœuvre, avec la petite rafale
de quelques balles à 20m a vécu.
Autrefois les bateaux de guerre se battaient à la hache
d’abordage; maintenant on commence le tir à 30km sans se voir.
Demain, si l’on doit se battre entre avions de chasse, ce sera
en trajectoire droite et le feu commencera de plus en plus loin
à mesure que s’accroîtront l’armement et la vitesse des avions.
Or, déjà, l’avantage du fuyard est tellement grand qu’on peut
affirmer que la chasse est impossible. En supposant le fuyard
à 450 et le chasseur à 500kmh, tous deux armés de la mitrail
leuse Hispano-Suiza de 20mm, vitesse initiale 830m par seconde,
400 coups par minute, coefficient balistique de la balle = 0,002,
on trouve qu’en commençant le tir en retraite à 3000m le fuyard
a le temps de tirer 310 projectiles avant que le chasseur l’ait
suffisamment approché pour pouvoir placer le premier coup
efficace. On trouvera dans la deuxième partie de cette note le
détail des calculs.
so
Les idées de Douhet ont été furieusement discutées, préci
sément parce qu’elles laissaient prise à la discussion. Elles peu-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
97° REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Schéma donnant, toutes les trois secondes, les positions relatives des deux avions
et des deux premières balles qu’ils ont échangées.

vent, je crois, se résumer en deux lignes : « Supposons que nous


soyons assez forts pour supprimer toute aviation adverse ... ».
Je traduis : « Supposons le problème résolu, et n’en parlons
plus... ».
j’expose aujourd’hui à nouveau après vingt-cinq ans
Ce que
est quelque peu différent et peut se résumer ainsi :
A tout blindage on peut opposer le canon suffisant, et réci
proquement. Chacun peut s’accroître sans limite. Tandis que
l’avion est dès maintenant une arme exclusivement offensive.
L’expérience a montré l’inutilité de la défense terrestre. Le
calcul montre l’impossibilité de la défense aérienne.


J’ai savouré autrefois l’impression abominable du recul du
canon de 37 tirant en chasse. L’accroissement des calibres et
de la cadence deviendra un inconvénient croissant. Il n’est donc
pas inutile de remarquer qu’au contraire le tir en retraite pro
pulse l’avion.
es
Il n’yguère de secrets dans l’aviation. Nos voisins con
a
naissent assurément les performances de nos nombreux avions

Ullllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll»
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 971

de chasse, qui surclassent probablement encore les leurs. Mais


peut-être ont-ils fait le calcul qui va suivre et qui, croyons-nous,
démontre l’inefficacité de la chasse ?
A. ODIER.

11. Problème de la supériorité balistique du tir en retraite

Par R. GARNIER,
Elève à l'École spéciale des Travaux aeronautiques (1935-1936).

Un avion armé en retraite qui fait est poursuivi par un 450


chasseur faisant 500kmh Les deux appareils sont munis d’un
.
canon de 20mm, tirant 400 coups à la minute, dont la portée maxi
mum est 5500m pour des projectiles de coefficient balistique
c = 0,002 et une vitesse initiale de 830m par seconde. Combien de
fois le fuyard aura-t-il pu atteindre le chasseur avant d’être en
danger d’être touché ?

Pour simplifier le problème, nous supposons le tir assez tendu


pour que les vitesses se projettent sur le plan horizontal en
vraie grandeur, ce qui ne change rien à l’interprétation des
résultats.
La force R due à la résistance de l’air, qui s’oppose au mou
vement d’un projectile, est

R = i A EdL
/
fi v ),
i étant l’indice forme du projectile,
de
A, le poids du mètre cube d’air en kg,
a, le calibre en mètres,
f(v), la fonction de la vitesse donnant l’égalité.
p, le poids du projectile en kg,
L’accélération imprimée au projectile est
Rg

Appelons F (v) la valeur " g X f (v) et traçons la courbe

'iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiûiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiaiiiiiiiiin
972 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
correspondante (fig. 1). Cette courbe correspond à celle indi
quée dans son traité de balistique extérieure par M. l’ingénieur
général P. Charbonnier et qui a été déduite de milliers d’expé
riences de tirs réels.
L'accélération du projectile se met donc sous la forme

Posons

coefficient balistique de la balle ; on a

d’où l’on déduit le temps



dlv
dt == c
.
F(v)’ ;

dt == -i —dv
c 1 (v)

Traçons Çfig. 1) la courbe F(0) inverse de F (v).


En intégrant, nous avons

en désignant par v, la vitesse initiale pour laquelle t = 0.

-/
L'intégraphe nous permet de tracer la courbe intégrale
(fig. 2)

A or "
A une constante près et à l’échelle c, cette courbe est celle
des temps en fonction de la vitesse.
Traçons (fig. 3) la courbe réelle v (t) pour un projectile de
chacun des avions.
Pour l’avion chasseur qui fait 500kmh soit 139m par seconde,
,
la vitesse initiale de la balle par rapport à l’air est

= 969 m/sec. 830 — 139

C’est pour cette valeur de la vitesse que nous prendrons


t = 0 (courbe I) (fig. 3).
Pour le fuyard qui fait 450kmh soit 125m par seconde, la
,

iiiniiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuj
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 973

vitesse initiale du projectile 830-—-125 = 705m par seconde,


est :
vitesse à laquelle correspond l’origine des temps
pour un pro
jectile du fuyard (courbe II).

En bas, fig. i ; au-dessus, fig. 2.


Sur la figure 1, les échelles adoptées pour F (v) et i/F (v) sont différentes.

-
De ces courbes

l’intégraphe nous permet de déduire les courbes intégrales,


1° pour un projectile de l’avion chasseur (courbe III), et,
2° de l’avion fuyard (courbe IV) {fig. 4).
Etudions d’abord le cas du tir du chasseur sur le fuyard.
Sur la courbe e(t) (courbe III), on voit qu’une balle du chas
seur met un peu plus de 22 secondes et fait un parcours de
5100m pour que sa vitesse absolue tombe de 969m
par seconde
à 125m par seconde; à ce moment-là elle
ne peut évidemment
plus atteindre le fuyard qui a précisément cette vitesse.

•«liiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
974 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Pendant ce temps de 22 secondes, le fuyard a parcouru
125 X 22 = 2750m (courbe V). Pour l’atteindre avec une balle

morte, puisqu’elle n’aurait plus que la vitesse du fuyard, le


chasseur ne peut donc commencer son feu qu’à

= 235om. 5 ioo — 2750


Pour le fuyard, on peut s’imposer qu’il ne commence son tir
que lorsque sa balle aura encore à l’arrivée une vitesse de 125m
par seconde. Le choc représentera une violence de
(125 — 139)2
830 x 830

de la puissance au sortir du canon.

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIllllllll<lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 975

Pour tomber de 705m par seconde à 125m par seconde, on lit


sur la courbe II qu’il faut à une balle de l’avion en retraite
un parcours de 3800m effectué en 18 secondes, pendant les
quelles le chasseur s’approche de 18 X 139 = 2500m (courbe VI).
Donc le fuyard peut commencer un feu efficace (10 % du maxi
mum) à 2500 + 3800 = 6300m. Le chasseur devra donc parcourir
6300
— 2350 = 3950m sous le feu du fuyard avant de pouvoir
répondre efficacement.
Pour une cadence de 400 coups à la minute il aura donc été
133920,5540)0
exposé à 6 = 1900 projectiles.
En supposant que le chasseur échappe à ce feu, il ne lui sera
encore possible que de placer sa première balle sans vitesse à
l’arrivée.
Pour que le chasseur puisse atteindre le fuyard avec la même
efficacité que la première balle qui lui avait été envoyée, il faut
que sa balle ait encore une vitesse d’arrivée de

(125 — 139) H- 125 = 38g m/sec.

La courbe I la figure 3, nous indique qu’il faut pour cela


de
2 secondes, ce qui correspond à une distance de 1200m. Pendant
ces 2 secondes, le fuyard ayant parcouru 250 m , le tir avec cette
efficacité ne commencera qu’à 1200 — 250 = 950m. Donc, avant
que le chasseur puisse placer une balle ayant une force vive
utile de 10 % de celle de la sortie du canon, le fuyard aura le
temps de placer encore
( 2507
7
100
= 666 autres- balles. %
A noter enfin qu’à ce moment-là l’efficacité des balles du fuyard
980,5139) la puissance au départ
38,5 % de celle de
sera • =
du canon, tandis que celle du chasseur n’est par hypothèse
que 10 %.

<
Nous avons supposé des trajectoires rectilignes. Pour un
calcul exact il faudrait tracer les trajectoires réelles, ce qui ne
pourra se faire exactement que lorsqu’on connaîtra la loi
mathématique de la résistance de l’air en fonction de la vitesse.

(lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllIlilllllllIlIllllllllllllllllllllHllllllllllllllllllllllllllllHB
976 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Mais, quelle que soit cette loi, les espaces parcourus par les pro
jectiles du fuyard et du chasseur seront plus grands que ceux
trouvés dans le calcul élémentaire ci-dessus ; les temps de par
cours seront donc accrus, et le calcul exact ferait évidemment
apparaître un avantage accru pour le fuyard.

R. GARNIER

il IIIIII iiiiii uni


Hiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiüiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiisiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiüiniiiniiiifiiuiiiiiiiiiiiiir

Considérations médicales sur le parachutisme

Par le Médecin-Commandant FLAMME.

Actuellement en Russie, puis aux Etats-Unis, on tend de plus


en plus à généraliser, pour le mettre dans la pratique courante,
l'exercice du parachutisme.
Le parachutisme, qui avait semblé n’être d’abord qu’une
curiosité de meeting d’aviation, puis ensuite un moyen de sau
vetage pour des aviateurs en péril, pourrait bien, finalement,
être utilisé pour des buts tactiques, c’est-à-dire comme moyen
pour déposer en arrière des lignes et en territoire ennemi des
éléments de troupes de combat chargés de missions spéciales
ou de destructions particulières.
A Moscou, l’enseignement du parachutisme est poursuivi,
d’après la Krasndia Sviezda, à l’Académie militaire « Frounze » ;
le professeur de parachutisme de l’école, Adolf Petrovitch Latse,
a accompli, pour son compte personnel, 220 sauts en parachute;
il poursuit régulièrement, sur l’aérodrome, la formation de nou
velles escouades de parachutistes. En quinze jours, 278 sauts
ont été exécutés par des capitaines, majors ou colonels de
l’armée soviétique, élèves de l’Académie, qui ont obtenu ainsi la
qualification de « Sportsman parachutiste » ou d’instructeur
parachutiste. Ainsi se fait l’entraînement des chefs de l’armée
rouge au sport du parachutisme. Il règne du reste, en Russie, un
véritable engouement pour ce sport dont le développement est
incroyable. Les hommes, les femmes, les enfants même s’y
adonnent; on est d’ailleurs passé à la création de troupes spé
ciales de parachutistes, dont on a fait, dans certaines manœuvres,
un emploi massif qui aurait donné satisfaction.
Au cours des sept premiers mois de l’année 1934, il a été

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii)
B. A. A. — N° 86. 2
97 8 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.
accompli plus de dix mille sauts en parachute ; en 1935, pour le
même laps de temps, qicarante mille ont été effectués.
On a songé aussi à faire assurer par des éléments d’aviation
des transports de plus en plus compliqués, entre autres celui
de chevaux entièrements sellés, qu’on ferait ensuite atterrir au
moyen de parachutes d’un modèle approprié, de soldats mitrail
leurs avec leurs armes, etc. On voit tout le parti qui peut être
tiré militairement de ces expériences.
A Odessa, le champion de parachutisme Mochkovski a
effectué des sauts en mer, assurant sa sustentation à l’amer
rissage par des chambres à air d’automobile.
Des médecins militaires de l’armée rouge, comme Glekel,
Gordoi, Isaeff ont déjà étudié les réactions du parachutisme,
avant ou après le saut, sur l’organisme humain. Ils ont noté et
signalé l’état émotif qui précède le saut, le balancement ou les
cabrioles du corps dans l’espace à la descente, les difficultés
particulières de l’atterrissage, l’excitation physiologique consé
cutive au saut, qui se traduit par un appétit marqué, une
sensation d’euphorie, etc., des modifications de la tension san
guine, enfin l’albuminurie qui se présente assez régulièrement
après le saut... et qu’ils se gardent du reste d’interpréter.

Plus curieux encore que les Russes, un de nos confrères,


médecin militaire américain, le Dr Harry Armstrong, a même
été, relate le Journal of The American Medical Association, jus
qu’à accomplir un saut en parachute à ouverture retardée afin
d’étudier les sensations que doit éprouver le parachutiste au
cours de sa chute. Armstrong n’a ouvert son parachute qu’après
une descente de 400m en chute libre : on peut dire que son
expérience est très rassurante : il s’est lancé du siège arrière
d’un biplan biplace à 800m d’altitude et volant à 170kmh ; au
cours de sa chute, son corps avait un mouvement de rota
tion lent autour de lui-même et décrivait une rotation toutes
les dix secondes. Après 11 secondes, il était descendu de 400m,
lorsqu’il tira sur la corde pour ouvrir son parachute. Armstrong
a commencé par conserver les yeux fermés et il ne s’est tout
d’abord pas rendu compte de sa chute; il avait l’impression
que son corps reposait à l’air libre; quelques secondes après,
il ouvrit les yeux et il eut alors le sentiment très net de la
chute; ce sentiment s’accrut lorsqu’il ouvrit son parachute; à
Photographie « Uniouphoto ».
Inspection de parachutes avant le saut, à l’École des parachutistes de Moscou.

l’altitude de 300m il eut la notion de la vitesse verticale. L’an


goisse qu’il ressentit avant de sauter se dissipa totalement, dès
qu’il fut en atmosphère libre. Il ne fut alors en rien troublé et
sa pensée était claire et précise. Bien qu’il y ait eu dans les
parages une douzaine d’avions qui évoluaient, il ne se rappelle
aucunement avoir entendu le bruit des moteurs et il ne peut
savoir si cette particularité est due, soit à un défaut d’attention
soit aux conditions particulières de l’atmosphère. En tout état
de cause, il a pu, dans sa course, voir très normalement et il n’a
ressenti aucun battement de cœur, ni aucun phénomène maladif.
Pendant la première seconde de chute le corps d’Armstrong
avait une vitesse horizontale de 55 m./sec. et une vitesse ver
ticale de 5 m tout en exécutant un mouvement de rotation. Il
,
n’y a que ce mouvement que l’intéressé a réellement ressenti.
Par ailleurs, il n’a ressenti aucun vertige, aucune sensation de
malaise, ni aucune sensation de « creux » dans l’estomac, sen
sation qu’éprouvent souvent les personnes dans un ascenseur
ou voyageant en avion.
Il n’a eu aucune inflammation aux yeux, bien qu’étant sans
lunettes et malgré de très forts courants d’air.

Illlllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
980 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
Le phénomène le plus important ressenti par Armstrong est
une sensation de sensibilité de la peau et elle était provoquée
par un accroissement de la pression atmosphérique sur les
parties inférieures du corps. Armstrong décrit cette sensation
comme un sentiment de pression très douce, également répartie
et superficielle sur la partie du corps tournée vers le sol.

Nous avons enfin à mentionner, comme tout dernièrement


exécutés en Russie, des sauts de parachutistes tenant des skis
contre leur corps (Timonow), la préparation de sauts en para
chute avec des skis pliants par une équipe de 6 parachutistes-
skieurs qui auront à rallier après leur arrivée au sol un point
déterminé à l’avance (Aéro-Club Central de Kosariew), l’étude
actuelle de sauts en parachute dans l’eau (Kharakhonow) et
de sauts dans lesquels le parachutiste emmène avec lui une
bicyclette pour pouvoir rallier plus rapidement à l'atterrissage
un point déterminé d’avance.
Tout ceci sans compter les exercices de parachutisme servant
à la propagande : transport, atterrissage et projection immé
diate de certains films par les parachutistes eux-mêmes et des
exercices de repliage, dès l’atterrissage, de leur parachute qui
demandent tout au plus une dizaine de minutes. (Tous ces ren
seignements ont été recueillis dans la chronique de la Vie
aérienne du journal « La France Militaire ».)
Ainsi donc, voici où nous en sommes actuellement de nos
acquisitions en cette matière : il est bien certain que le « para
chutisme » constitue un sport plutôt émotionnant et que, pour
beaucoup d’aviateurs sans doute, la relation d’Armstrong est
une narration intéressante à connaître, mais qu’on n’éprouvera
peut-être pas le besoin de vérifier davantage. Pour nous, du
. . .
reste, la question qui nous intéresse n’est pas là, mais celle qui
nous a été posée, le jour où nous avons eu à examiner au point
de vue médical, les quelque douze premiers élèves de notre
école de parachutisme, en ayant à répondre de leur aptitude ou
non à ce sport. Pris tout d’abord un peu au dépourvu, il nous
fut cependant facile, dans les quelques jours qui suivirent,
d’étayer sur des bases solides notre examen, d’autant que
celles-ci ne nous étaient indiquées par aucune réglementation
antérieure. C’est le sujet que nous proposons de traiter et que
nous allons diviser, de suite, en trois parties :

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 981

Photographies « Unionphoto ».

Sauts en parachute du haut d’une tour, à Moscou.


À gauche,le parachute vient d’être décroché du bras qui
le soutenait. A droite, photographie prise de la plate-
forme de saut, probablement pendant la descente.

1° Qu’est-ce que le parachutisme ?


Quelles sont les épreuves physiques subies par l'aéronaute
qui s’y livre ?
2° Quelle est l’aptitude physique nécessaire à ce sport ?

Quelles en sont les contre-indications médicales ?


3° Peut-on s’entraîner au parachutisme et comment ?

QU’EST-CE QUE LE PARACHUTISME ?

QUELLES SONT LES ÉPREUVES PHYSIQUES


SUBIES PAR L’AÉRONAUTE
QUI SE LIVRE A CET EXERCICE ?

Définition.
Nous entendons par parachutisme l’exercice qui consiste à

abandonner en plein vol un aéronef à quelque altitude qu’il


soit, à descendre vers le sol à travers l’atmosphère et à y
atterrir sans dommage au moyen du parachute.
De l’utilisation des parachutes actuels.

Les parachutes employés dans l’aviation militaire, tout en

savbebnssebununcenenunuznsnansonannnereseraennccooncenunuouunnuuuncvvunuvecunucununununnuunnunznuncccbcccccccczcSuuBnuBBnunBSSnBBBSSSSTV
982 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
étant de fabrications diverses, ont cet inconvénient qu’ils consti
tuent beaucoup plus des appareils de secours en cas de catas
trophe aérienne que des appareils d’exercice avec lesquels on
pourrait se livrer d’une manière fréquente à l’exercice du para
chutisme.
Ils sont, en effet, maintenus solidaires de l’utilisateur par
une ceinture sur laquelle celui-ci se reçoit de tout son poids,
lors du choc à l’ouverture, et nous verrons, quand nous étu
dierons celui-ci, qu’il y a là un véritable traumatisme dont on
peut bien supporter l’effet une fois accidentellement avec plus
ou moins d’inconvénients, mais dont on ne pourrait subir ou
rechercher la répétition sans une véritable appréhension ou
même sans dommages physiques. Le parachute d’exercice exige
une ceinture complétée par des sangles fixées aux épaules et
aux cuisses. Ce dispositif permet une meilleure répartition du
choc à l’ouverture qui, partant, est mieux toléré (1).
Déjà, actuellement même, certains spécialistes nous présentent
une sorte de combinaison, vêtement-sac contenant le corps de
l’aviateur et le parachute y attenant dans une poche dorsale
ad hoc.
Un autre inconvénient du parachute de secours actuel nous
paraît consister dans l’application trop basse de la ceinture
d’attache. Chez l’homme normalement proportionné, le centre
de gravité du corps se trouve un peu en dessus de la ceinture
d’attache, approximativement au niveau de l’appendice
xyphoïde, c’est-à-dire au creux de l’estomac.
Il en résulte que le parachutiste qui va atterrir ne se pré
sente pas le plus souvent au sol dans les conditions optima,
c’est-à-dire le corps et les jambes dans leur prolongement
naturel et mutuel, celles-ci étant perpendiculaires à la surface
du sol; d’où possibilité de nombreux traumatismes, parmi les
quels les entorses seront la monnaie la plus courante. La cein
ture du parachute devrait être ajustée à la hauteur de l’appen
dice xyphoïde, sous les aisselles au lieu de l’être à la hauteur
de l’ombilic.

(1) Voir sujet le travail personnel, paru en 1925 dans la Revue


à ce
« L’Aéronautique », de M. le médecin major de rre classe Beyne, de la Direction
de l’Aéronautique militaire.

111111111111111111 iiii l ’uiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii uni 1111111111111111111iiiiiiiiiiiiiiuiiii 111111111111111


111 111111 > 1111 1 11111 11111
REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR. 983

Ainsi seulement peut être assurée à peu près d’avance une


présentation correcte du corps à l’arrivée au sol.
Exprimons aussi, en passant, ce vœu que le parachute soit
réduit au minimum de volume possible : « Omnia mecum porto »
affirmait le sage de l’antiquité : en avion, il faut toujours avoir
son parachute fixé sur soi.
Ceci exposé, voyons quels sont les différents « temps » d’une
descente.
PRÉPARATION DU SAUT.

Selon les conditions dans lesquelles on se livre à l’exercice


du parachutisme — parachutisme-exhibition où l’aviateur est sti
mulé à l’avance par un public qui l’attend dans son exercice,
parachutisme-exercice où le saut dans le vide n’a d’autre néces
sité que celle de se livrer à un exercice déterminé et certaine
ment a priori désagréable, parachutisme-moyen de sauvetage
où l’aviateur sera sinon projeté de son habitacle, en tout cas
chassé de son avion par la nécessité impérieuse de protéger
immédiatement sa vie, comme cela arrive en particulier lors
de l’incendie d’un avion en vol (n’avons-nous pas vu maintes
fois, dans le cours de la guerre et même après, des aviateurs
sans parachute abandonner volontairement, malgré la certitude
d’une mort à peine retardée mais certaine, leur avion en feu ?) —
selon ces conditions, disons-nous, il est bien certain que l’état
intellectuel émotif de l’aviateur réagit dans tel ou tel sens
suivant les qualités morales qui lui sont propres. Sang-froid total,
maîtrise absolue de l’émotivité, courage et volonté inflexibles
doivent présider avant tout à ce sport qui est à proprement
parler un « saut » dans l’inconnu, au moins les premières fois :
« L’appareil va-t-il bien s’ouvrir ? » « Comment et où atter
rirai-je ? » sont les questions angoissantes du saut dans le vide :
on conçoit sans peine dans ces conditions cpie l'état psycho
physiologique du parachutiste avant le saut soit pour chacun
d’eux un état absolument personnel et dont il n’est maître que
dans une certaine mesure.... Nous connaissons des aviateurs
volontaires pour le parachutisme, nous en connaissons d’autres
pour lequels seul le feu à bord sera capable d’apporter la
détermination indispensable pour leur volonté non défaillante,
certes, mais « dépourvue de curiosité ». Laissons de côté les
controverses possibles sur ce point et admettons simplement
984 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
que ce soit une question de tempérament en attendant que ce
ne soit plus même qu’une question d’époque, ou d’éducation,
ou de mode. . . .
En attendant ces temps, peut-être pas très lointains, il

Le saut.
Le document ci-dessus et les cinq suivants, qui illustrent les diverses phases
d’un saut en parachute, ont été pris au-dessus du terrain d'Avignon-Pujaut.
L’appareil utilisé est un bimoteur Lioré et Olivier d’Istres, gréé à cet effet.
On voit ici le sauteur quittant le marchepied de l’avion. La mise en virage à
gauche de l’appareil facilite l’ « éjection » de l’homme vers la droite; en même
temps, l’élévation consécutive du plan fixe supprime toute possibilité d’accrochage.

importe, pour le parachutiste qui se prépare à un saut ou qui


doit se tenir « paré à sauter », de savoir bien ce qu’il a à faire
à ce moment et d’assurer au besoin, par des répétitions préa
lables, la bonne succession des mouvements à effectuer,
d’ajuster exactement son équipement ou sa ceinture, ses bre
telles, de « reconnaître » la poignée de déclenchement de l’ou
verture de secours....
En somme il faut rechercher et assurer le plus possible l’au
tomatisme du saut chez les émotifs, mais ne pas hésiter néan
moins à interdire cet exercice pour ceux qui peuvent présenter
habituellement des réactions émotives trop violentes....

le saut.
Il faut, pour abandonner l’appareil et sauter dans le vide,
une validité parfaite des membres inférieurs et supérieurs.
Dans «le vide», le parachutiste n’est plus que le jouet de la
force vive résultante de l’avion qu’il vient de quitter et de la
pesanteur, aussi pourra-t-il tournoyer sur lui-même ou descendre
en position fixe....
C’est maintenant que nous subissons des conditions de vie
qui nécessitent vraiment des qualités physiques réelles et con
trôlées médicalement et qui sont les véritables conditions de
l’aptitude physiologique au parachutisme. Que le parachute
s’ouvre du fait du câble qui rattache le sac à l’avion ou par
commande du pilote, il y a toujours à prévoir un certain temps
de descente libre, très court dans le premier cas (à peine une
dizaine de mètres) mais qui peut varier, à la volonté du para
chutiste par l’exercice de l’ouverture commandée. Nous savons
qu’à l’étranger, et particulièrement en Russie et aux U. S. A.,
l’ouverture du sac n’a été quelquefois commandée qu’après

Quelques instants après le saut.


On voit, dans le coin inférieur droit de la photographie, le marchepied que
l’homme vient d’abandonner. L’objectif a saisi le corps du sauteur au moment
où celui-ci est étendu horizontalement, mais en train de pivoter; sur la
photographie suivante, l’homme apparaîtra la- tête en bas.

plusieurs milliers de mètres de descente en chute libre : citons


entre autres la descente du parachutiste russe Evseef de 7200m
en 132 sec., ce qui donne une vitesse moyenne de descente de
54 m./sec. (à 196kmh ), puis celle d'Edvokimof de 8100m à 200m
en 142 sec.
Actuellement, en Russie, on travaille la question de l’ouver-
986 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
ture retardée automatique au bout d’un nombre de
secondes
déterminé d’avance (appareil avec mécanisme d’horlogerie).
Cela nous amène à penser que le corps humain tombant dans
le vide atteint très vite une vitesse maximum limite, celle-ci étant,
d'après les évaluations actuelles, d’une cinquantaine de mètres
seconde à près. (Nous verrons à la fin de cet exposé la
par peu
conclusion pratique qu’il faut en tirer.)
Or, si nous considérons que la vitesse de descente d’un
parachute soutenant un homme de poids moyen est de 5 à
6 m./sec., il y a nécessairement, pour passer de la
descente libre
à la descente parachutée, un changement plus ou
moins consi
dérable de la vitesse qui est aussi un changement plus ou moins
brusque suivant la rapidité de l’ouverture du parachute et
l’ altitude, la pression barométrique de l’air intervenant aussi
faibles altitudes, les chocs
sans aucun doute pour donner, aux
les plus violents, lorsque l’ouverture et le déploiement du para
chute ont leur maximum de rapidité. Ce changement de la
vitesse de descente constitue le « choc à l’ouverture ».

LE CHOC A L’OUVERTURE.

Comme nous venons de le définir, ce choc est ressenti par


l’aviateur au niveau de l’équipement qui le relie à son para
chute : au niveau de la ceinture d’attache thoraco-abdominale
n’ont que des parachutes
par conséquent pour les aviateurs qui
de secours, au niveau des sangles axillaires et inguinales pour
les aviateurs qui ont des parachutes d’exercice. Cet effort
à

l’ouverture varie, d’après les recherches effectuées sur ce sujet


les cas d’ouverture
par M. Louis Vinay, de 3 à 700k. Dans
volontairement retardée du parachute, comme dans le cas de
la fameuse descente, parachute fermé, de 7000m effectuée par
Evseef, il est bien certain que l’effort est encore plus violent,
de même que lorsque l’on saute d’un avion marchant aux
vitesses considérables d’aujourd’hui. Très heureusement, l’ou
verture et le déploiement d’un parachute sont toujours assez
progressifs et demandent un certain laps de temps qui est de
l’ordre de 4 à 8 sec. Cette condition, jointe à l’élasticité et à
la compressibilité du fluide aérien, permet de supporter ce choc
péril aucun être
que ne pourrait, sans elles, supporter sans
vivant. Notons en passant que l’on fait assez couramment
•iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiBiiiiiBaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiieiia
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 987

A gauche, début de la descente la tête la première.


L’homme pique vers le terrain dont on aperçoit le cercle blanc; le parachute
extracteur vient d’être éjecté. A droite, début du déploiement du parachute
principal : le corps du sauteur, pendu aux suspentes, se rétablit la tête en haut.

aujourd’hui parachute fermé » de plusieurs


des descentes « à
centaines de mètres et allant en durée jusqu’à 10 sec. de chute
libre. C’est donc, évidemment, qu’il y a, par l’entraînement,
la possibilité de s’habituer graduellement aux sensations verti
gineuses que peut 'Causer la chute libre ainsi qu’aux chocs à
l’ouverture consécutifs de plus en plus importants. Nous avons
vu plus haut que, d’après les recherches de M. Louis Vinay,
l’effort à l’ouverture est d’une valeur qui varie de 3 à 700k.
Or, dans le cas d’un corps qui descend à 54 m./sec. en chute
libre et passe en descente parachutée à la vitesse de 5 m./sec.,
nous voyons, par une application du théorème des forces vives,
qu’en cas de variation instantanée de la vitesse, le corps encais
serait un effort équivalant à plus de 10.000*, autant dire un
effort qui le romprait. Il faut donc nécessairement que l’élas
ticité et la compressibilité de l’air interviennent pour donner à

niiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiitniiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
9 88 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
cette variation des vitesses de chute toute la progressivité dési
rable. Nous verrons plus loin les servitudes qui en découlent
au point de vue de l’aptitude physique du parachutiste. Cepen
dant nous signalerons dès maintenant la nécessité d’étudier
encore et d’améliorer si possible le harnachement d’attache du
parachutiste pour rendre supportable le choc à l’ouverture qui
atteint déjà la valeur limite de ce que peut supporter l’orga
nisme humain, avec les chiffres de M. Louis Vinay. Dans le
parachute de secours, le harnachement n’est constitué que par
une bande d’une quinzaine de centimètres de largeur qui
entoure le corps au niveau des fausses côtes, à la hauteur du
foie et de l’estomac qui reçoivent, les premiers, le choc de la
ceinture lors de l’ouverture du parachute. Cette ceinture se
trouve, à cause de cela même, nettement insuffisante et même
défectueuse. Son deuxième inconvénient est qu’elle se place au-
dessous du centre de gravité du corps humain et que celui-ci,
une fois suspendu au parachute, se trouvera en l’air dans une
position qui n’assurera pas, la plupart du temps, une présenta
tion correcte lors de l’arrivée au sol. Nos avionneurs ne seront
pas en peine pour donner à ces deux questions une solution
satisfaisante s’ils veulent bien l’étudier.

LA DESCENTE EN PARACHUTE.

Le parachute s’étant ouvert et déployé', commence alors la


descente proprement dite, le choc à l’ouverture s’atténuant par
le déploiement progressif de l’appareil, du fait de l’air qui le
gonfle rapidement mais qui peut en même temps s’échapper
librement sur les côtés. Dans la réalité aucune chute ne peut
s’accompagner d’un amortissement du choc aussi parfait en
élasticité. Nous commençons donc alors notre descente vers le
sol : celle-ci se fait à la vitesse approximative de 5-6 m./sec.
aux altitudes inférieures, nous voulons dire à celles inférieures
à 1000m, car il semble bien évident que le parachutiste descend
d’autant plus vite que la pression barométrique est plus faible.
(Nous donnons plus loin par une courbe les vitesses de descente
d’un parachute ordinaire selon l’altitude.) Cette descente est,
paraît-il, plutôt agréable d’après les relations des parachutistes:
c’est alors qu’ils reprennent pleinement conscience d'eux-
mêmes, car, nous disent-ils, rares sont ceux qui subissent la

iiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
chute libre sans éprouver un moment — passager mais plus ou
moins prolongé —- d’obnubilation, du reste parfaitement com
préhensible si l’on veut bien considérer que le corps du para
chutiste peut tourbillonner sur lui-même dans les premiers ins
tants, pour n’arriver qu’au bout de quelques secondes à sa posi
tion fixe de descente.
Les parachutistes expérimentés prétendent pouvoir influencer
sinon diriger cette descente en tirant sur les suspentes de tel
ou tel côté de la voilure. Nous n’avons aucune expérience de
cette descente, mais il nous semble cependant bien nécessaire
de pouvoir, afin d’effectuer ces manœuvres, jouir de toute la
liberté de ses mouvements, donc d’avoir une validité parfaite.
Cette descente est plutôt rapide. A 5 m./see. — ce qui est un
minimum — cela nous fait descendre de 1000m en 3min 20sec en
un temps certainement inférieur à 6min de 2000m, de 3000m en
moins de 10min, cette descente étant du reste la vitesse de des
cente d’un avion « moyen », hélice calée.
Les impressions que peut ressentir le parachutiste dans le
cours de la descente sont en général plutôt agréables : sensa
tion de pression de l’air sur les parties inférieures du corps,
du courant d’air qui glisse le long du corps, sensation plus ou
moins régulière de réchauffement dans la descente et surtout
augmentation progressive et régulière de la pression atmosphé
rique. Le réchauffement de l’atmosphère est rapide, théorique
ment il doit se faire à raison de 1° par 150m. Notons aussi
le balancement au bout des suspentes, celles-ci pouvant servir
à orienter la descente quand elles sont tirées dans tel ou tel
sens par un parachutiste expérimenté. Il nous faut surtout men
tionner la variation de la pression barométrique, celle-ci aug
mentant d’autant plus rapidement que le parachutiste se rap
proche du sol : 1mm de Hg par 10m de différence d’altitude.
Nous savons par expérience combien la descente rapide est par
fois pénible et même douloureuse en avion; les douleurs que
nous ressentons au niveau de nos tympans en cas d’obstruction
de la trompe d’Eustache par pharyngite aiguë ou chronique sont
assez fréquentes chez les aviateurs. Mais, en avion, sauf en cas
de panne de moteur, la descente se commande ou s’arrête à
volonté; elle peut donc être interrompue si elle devient dou
loureuse. Il n’en est pas de même en parachute où la vitesse

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll»
997 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.
de descente varie de 10 à 5 m./sec. de 7000 jusqu’à 1000m.
Nous verrons plus loin les conditions d’aptitudes physiques que
cette épreuve nécessite rigoureusement, car elles importent pour
le parachutiste afin que celui-ci arrive au sol en pleine possession
de ses moyens. Là encore, il faut que le parachutiste ait une
perception très exacte de l’approche du sol dans la descente, de
l’appréciation de la distance qui l’en sépare, d’où la nécessité
d’une vue normale et une certaine habitude à acquérir dans
cette partie de l’exercice. Il arrive souvent en effet que l’on voit
mal le sol à sa distance exacte quand on arrive rapidement
d’une altitude assez élevée: il est vu en général plus près qu’il
n’est dans la réalité et comme si l’on en avait, en quelque sorte,
une certaine appréhension.
Revenons maintenant sur le choc à l’ouverture. Si nous pou
vons admettre a priori que la vitesse de descente du parachute
est inversement proportionnelle à la pression barométrique de
l’altitude où se trouve le parachutiste, que plus le parachutiste
saute de haut, plus le choc à l’ouverture se trouvera bien amorti
— du fait d’abord de la raréfaction de l’air, ensuite de la moins
grande différence de la vitesse du corps en chute libre qui paraît
être de 50-55 m./sec. et la vitesse de descente du parachute ouvert
qui, égalant d’après nos calculs près de 12 m ,60 à 7000m d’altitude,
se trouverait être de 8 m ,20 à 4000m, de 5 ra ,60 à 1000m, pour arriver
finalement à 5 m./sec. au niveau du sol sous la pression baromé
trique normale de 760mm Hg — il nous apparaît bien que c’est
quand on saute aux faibles altitudes que l’on opère, toutes consi
dérations de risques quant à la rapidité d’ouverture du para
chute étant mises à part, dans les pires 'conditions, le choc à
l’ouverture étant alors le plus violent du fait de la pression plus
élevée de l’atmosphère ou, pour plus clairement nous exprimer,
de l’air moins raréfié.

L'ARRIVÉE au sol.
Comme nous l’avons vu, l'arrivée au sol se fait avec une
vitesse de descente de 5 m./sec. à peu près (4 m ,60 à 7 m ,50 et plus
selon les parachutes, le poids du parachutiste, et de son équi
pement, l’altitude du point d’atterrissage et la vitesse du vent
par rapport au sol qui est un facteur de toute première impor
tance). Et il nous faut encore compter sur les variations subites

aiiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinii'
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 99 1

Phases ultimes de la descente en parachute.


A gauche, l’homme prépare sa prise de contact avec le sol.
Agrippé aux deux sangles sur lesquelles se réunissent les
suspentes, il se tient prêt à soulager ses’ extrémités infé
rieures par une contraction vigoureuse de ses biceps.
A droite, chute et plaquage à l'arrivée: l’homme s’efforce de
rabattre rapidement le parachute, pur éviter d’être traîné.

possibles qui sont causées par les remous, les « trous d’air », etc.
Or, cette vitesse de chute à l’arrivée au sol correspond assez exac
tement à un saut de pied ferme que l’on effectuerait d’une hau
l
teur de m ,30 à 3 m et même davantage.
Il suffit de se saut à faire pour se rendre
représenter ce
compte que l'arrivée au sol nécessite pour se recevoir convena
blement, la plus sérieuse attention et qu’il faut y arriver non
seulement les membres inférieurs en extension 'Complète, mais
ceux-ci prêts à fléchir immédiatement pour amortir avec l’élas-
ticité nécessaire l’arrivée et l’arrêt du corps. Il est donc bien
certain que l’arrivée du parachutiste au sol dans une position
qui n’est pas la position verticale ne peut être que déplorable
et qu’il faut tout faire pour l’éviter. Au point de vue de l’effort
exigé de la musculature des membres inférieurs, c’est très loin
d’être à la portée du «premier venu»; aussi la qualité du
terrain sur lequel on se recevra plus ou moins adroitement peut
avoir beaucoup d’importance, les terrains meubles ou gazonnés
étant de beaucoup les plus souhaitables et en tout cas néces
saires pour tous les exercices préliminaires de saut.
Quelles que soient donc les conditions dans lesquelles va se
trouver placé le parachutiste, il faut qu’au moment où il

aiiiiiiiiiBiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiini
992 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
approche du sol (dont il devra, avec une excellente acuité
visuelle, bien percevoir le rapprochement) ses membres infé
rieurs soient étendus au point d’être en état d’extension presque
complète dans tous leurs segments au moment où les pieds vont
toucher le sol, et que ses membres supérieurs soient prêts à parer
le choc consécutif à la chute possible. C’est à ce moment que
doit se concentrer tout l’effort musculaire qui doit être de modé
ration et de retenue. Cet effort musculaire qui arrête la des
cente doit faire agir les membres inférieurs à la manière d’un
ressort. Ceux-ci doivent donc être en position correcte, c’est-à-
dire le membre en extension presque complète, le pied y
compris car, théoriquement au moins, il doit toujours ren
contrer le sol le premier; survient alors, sous la seule influence
du choc, la flexion de tous les segments du membre inférieur :
pied, jambe, cuisse et c’est pendant cette flexion que les
extenseurs puissants : gastrocnemiens, quadriceps et fessiers
se contractent énergiquement non pour l’empêcher complète
ment, mais pour la ralentir et, par leur effort, contrebalancer et
annihiler progressivement l’effet de la chute et de la pesanteur.
Lorsque ce résultat est obtenu, le corps se redresse sous l’action
des mêmes muscles et l’homme reprend son aplomb normal.
Considérons un homme d’une taille moyenne de m 75 et d’un l
poids de 7516. Prenons la dimension en hauteur de ses différents
segments :
1. Tête (sommet de la tête à la 7 e vertèbre cervicale).

II. Tronc (de la 7e vertèbre cervicale à l’articulation coxo-


fémorale).
III. Cuisse (articulation coxo-fémorale à articulation du
genou).
IV. Jambe (articulation du genou à articulation tibio-tar-
sienne).
V. Pied (articulation tibio-tarsienne à articulation tarso-pha-
langienne) ; Pointe du pied.
Nous décomptons ainsi 5 segments ayant comme longueurs
respectives : 21, 65, 37, 45 et 7 cm pour m ,75 de taille totale. l
Si nous considérons maintenant la situation de ces mêmes
segments dans la position accroupie où se trouve le parachutiste
à la fin de l'amortissement de son arrivée au sol, nous pouvons
la représenter par le schéma ci-après. Nous voyons que la force

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 993
vive due à la vitesse de la chute s’amortit si nous considérons,

pour simplifier, le centre de gravité du corps humain
blement sur une hauteur de 70cm. Dans — sensi
cet affaissement du corps
humain sur lui-même, l’articulation coxo-fémorale,
sur laquelle

Position schématique du corps du parachutiste à la fin du temps d’amortissement


(contact avec le sol).

repose le tronc, qui se trouve chez l’homme dans la station


debout à une hauteur de 89-90cm au-dessus
du sol, arrive à se
trouver seulement, dans la position extrême d‘accroupissement,
à une hauteur de 29 à 30
cm Si nous remarquons entre
. temps que
cette hauteur reste sensiblement la même queUe que soit la
taille, nous pouvons conclure logiquement
que ce sont les sujets
ayant de longs membres inférieurs qui sont,
pour se recevoir
au sol, les plus avantagés pour amortir convenablement
le choc,
à cause de la « course du ressort que constituent leurs membres
»
inférieurs.
La supériorité naturelle des sujets dits longilignes
est donc
manifeste dans le parachutisme (cela
sera démontré encore plus
loin).
Il nous faut mentionner
que le parachutiste ne se reçoit pas
toujours exactement sur
ses extrémités inférieures et que les
membres supérieurs peuvent participer bien souvent eux aussi
à la prise de contact avec le sol c’est dire que le corps tout
:

IMIIIIIBIIIIIIIIIIIIIIlllllllllllllllllllIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlllllllIlllIflIlIllllllllllllIllllllllllliiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiii
B. A. A.
— No 86. 3
994 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
entier et les membres doivent jouir d’une validité complète et
parfaite pour un sujet qui peut être quelquefois appelé à atterrir
dans des conditions assez scabreuses dont il ne pourra se tirer
qu’à condition d’être aussi un bon gymnaste et même un
sportsman endurci. (Signalons ici l'utilité qu’il y a de pratiquer
des sports comme le rugby, le ski, qui apprennent à tomber et
à se recevoir.)
Quelque paradoxal que cela paraisse au lecteur, affirmons ici
l’aviateur en général, la
pour le parachutiste en particulier,
nécessité qu’il y a de savoir nager : sait-on jamais où vous
emmènera l’appareil ?
Un aviateur comme un marin se doit de savoir nager, quelles
soient les difficultés qu’il pourra éprouver pour se soutenir
que
ensuite dans l’eau et se dépêtrer de son équipement. Il ne peut
sans cela que se réserver pour
l’avenir la possibilité de situa
tions tellement surprenantes que cette négligence dans son édu
cation pourrait bien quelquefois lui coûter la vie . . . .

Les chiffres que nous avons donnés précédemment comme


étant les équivalents pour le parachutiste du saut de pied ferme
d’une hauteur déterminée correspondent à des hauteurs peu
dangereuses : le lecteur peut cependant apprécier déjà par ces
données l’effort musculaire et l'entraînement physique demandés
au parachutiste.
Dans la réalité, l’arrivée au sol représente un exercice assez
scabreux, dès qu’il y a quelque souffle de vent, et des plus dan
gereux, périlleux même, dès que celui-ci atteint une vitesse que
allons de déterminer, ou que des circonstances impré
nous essayer
visibles comme des remous entrent en jeu.

Le vent (ou déplacement de l’air par rapport au sol) repré


sente une complication redoutable pour l’exercice du parachu
tisme : il devient très vite un danger, puis un péril par la
vitesse de déplacement qu’il donne au parachutiste dans le cours
de sa descente par rapport au terrain sur lequel il va se poser.
Or, il ne faut pas oublier que les chiffres fournis sur les vitesses
de descente de parachutes ne correspondent qu’à une atmo
sphère idéalement calme. Voyons donc d’abord la fréquence du
vent, comment et combien il vient compliquer la descente para
chutée.

Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllimilimilll*
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
995

FORCE ET FRÉQUENCE DU VENT.


Naturellement variable selon les régions,
il sera pour cer
taines d’entre elles une tare souvent rédhibitoire
chutisme. Si nous prenons la région pour le para
d’Istres par exemple,
d'après les données qui
nous sont fournies par le poste météo-
rologique de l’Ecole, nous constatons
que sur 366 jours de l’an
née, il y a seulement 94 journées
sans vent à 7 h du matin (soit
une sur quatre) et 33 sans vent à 18 h (soit seulement
douze). Nous constatons aussi une sur
que la vitesse moyenne du vent
se trouve être, le matin à 7 h de 4 nl ,60
,
de 7 m30, enfin, le soir à 18 h de
par seconde, à midi,
6m; d’où une vitesse
de 6m pour la journée. Enfin, , moyenne
nous voyons que les vents de 10,
15, 20, 25 m./sec.
ne sont pas rares et qu’une fois même
de l’année écoulée, le 23 octobre, au cours
nous avons vu un vent de
35 m./sec., soit de 126 kmh
.

COMMENT ET DE COMBIEN
LE VENT VIENT-IL COMPLIQUER LA DESCENTE PARACHUTÉE
?
Le parachute se comporte dans le
vent à peu près comme en
atmosphère calme, exactement
comme un ballon sphérique ou
comme une barque qui descendrait le
cours d’un fleuve, tous
avirons relevés il véhicule le parachutiste
: et son parachute
de la même manière. Nous
pouvons encore comparer l’arrivée
du parachutiste au sol à la descente
d’un homme d’une voiture
en marche....
Le parachutiste qui arrive
au sol dans le vent ne descend plus
selon une ligne perpendiculaire à
la surface du sol, mais selon
une ligne plus ou moins oblique selon la vitesse du
parler un langage plus mathématique, vent. Pour
nous dirons que la des
cente s’effectue selon la direction résultante
des deux forces
'Composantes qui agissent
sur le parachute, nous voulons dire
la pesanteur et la force du vent.
Supposons un vent de 10 m./sec.,
soit 36 kmh agissant
parachute descendant à 5 m./sec. La , sur un
distance que celui-ci
parcourue dans une seconde ne sera plus ni AB ni AC, aura
mais AD.
Nous aurons, dans
ce cas particulier comme valeur de AD
11 m./sec. approximativement
puisque AD2=CB2=AC2+AB2.
La trajectoire du parachutiste
sera donc parcourue dans le
cas d’un vent de 10m, à raison de 11 m./sec.,
et cela, même pour
llllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
996 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

un parachute qui est censé descendre à 5 m./sec., ce qui est un


chiffre minimum. Si nous supposons que le parachutiste pèse
75 kg à l’arrivée au sol, son énergie cinétique, 1/2 mu 2 , équi
,
vaut à
P
- —• x / -1kilogrammelres,
1
125, — 475 •

c’est-à-dire 6,3 fois son propre poids.


De même, pour un vent de 5 m./sec. le parachutiste parcourt

Composition des vitesses (vent et vitesse verticale) dans la descente en parachute.

réellement 7 m./sec., et l’effort qu’il peut développer à son atter


rissage est de 190ksm, soit 2 fois et demie son poids. . . .
Et ainsi de suite en remarquant toutefois que l'énergie ciné
tique croît avec le carré de la vitesse linéaire effective. Il en
résulte qu’avec un vent de 60kmh (16m ,50 par seconde) le para
chutiste « pèserait » à son arrivée au sol plus de 15 fois et, avec
poids.. ! Cette
un vent de 90kmh (25 m./sec.), près de 21 fois son .

même formule nous permet de nous rendre compte de l’influence


exercée par le poids propre du parachutiste et de l’équipement
qu’il porte pour l’atterrissage.
Or, nous savons par les évaluations de différents auteurs
[M. Blériot, le premier à notre 'connaissance (1)] que le coeffi
cient physiologique de sécurité admis pour l’homme est de 5 fois
son poids, autrement dit qu’il ne
pourrait sans dommage sup
porter pour son corps une poussée égale à 375 kgm : or c’est déjà
sol par un vent
presque celle qu’il subit pour s’arrêter au
de 8 m./sec. (28 kmh ) .... Si donc l’arrivée au sol peut s’effectuer
dommage encore
sans dommage réel à cette vitesse du vent et sans
supérieures, c’est bien
pour le parachutiste à des vitesses un peu

Louis Blériot. Les coefficients de sécurité et l’avenir


(1) de l’Aviation. L’Aéro-
phile, n° du 1 5-10-1923.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiini
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 997

parce que le parachutiste arrive, grâce au vent (qui corrige par


tiellement ce qu’il aggrave), obliquement et non perpendicu
lairement à la surface du sol.
Si nous reprenons maintenant le raisonnement de M. Bertrand
(voir L’Aérophile du 1-15 février 1923, Les coefficients de sécurité
et l’aviation), nous admettrons qu’au cours d’une chute il se
développe un effort d’inertie
dv P dv
M-=
dt G dt TT—F

auquel s’ajoute' le poids du pilote.


Si un homme tombe d’une hauteur h et amortit sa chute « en
se recevant», c’est-à-dire en utilisant les muscles de ses jambes
comme ressorts amortisseurs, il met en jeu une force réaction
nelle

le travail absorbé égalant l’énergie emmagasinée pendant


la chute. Si nous appelons h la hauteur d’où descend le centre
de gravité, e la hauteur d’amortissement pendant laquelle le
centre de gravité continue à descendre (approximativement 0,70
pour un homme de m ,75) nous avons l
( 1)
Re _ P h+ e) d’où R = P
( ;
\i —
€/ •

Cette formule nous montre que plus e est élevé en valeur


absolue, plus le rapport h/e est faible; en d’autres termes, elle
montre combien les sujets longilignes, ayant des jambes et des
bras allongés (ayant une bonne course possible de leurs ressorts
amortisseurs), sont avantagés dans le saut.
Mais ce n’est pas tout : un homme ne parait pouvoir atterrir
sur ses jambes sans accident, en sautant, que pour des chutes
qui ne dépassent pas 4" de hauteur : cela nous donne pour R
une valeur
( 4 —) kilogrammètres.
\
R, = 75 i H
0:7°/ =
5o3

Or, il se trouve qu’avec un vent de 10 m./sec. l’énergie ciné


tique du parachutiste se trouve être de 47518m pour un vent
de 11m (401mn).
Notre conclusion sera donc qu’au delà d’une vitesse du vent

jiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiioiiiiiiiiiiiBiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiui
998 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
de 8 à 10m, constatée par la Météorologie, l'atterrissage en para
chute devient assez aléatoire et très vite dangereux, puisque à une
vitesse du vent de 60kmh, le parachutiste se recevrait au sol comme
s’il sautait de plus de 8m de hauteur et, à 90kmh, de presque 12m.
En pratique, des sauts pareils peuvent amener des accidents
très graves : fractures par tassement sans compter les lésions
dues à la projection au sol et au traînage qui seront les plus
fréquentes. Il ne faut pas oublier cependant que, par des vents
violents, l’arrivée au sol se fera selon une ligne de descente
tellement oblique que, si le tassement est évité, l’être humain,
aussi bien qu’il se reçoive, se plaquera quelle que soit la force de
ses membres inférieurs et simplement parce que, même s’il se
présente correctement (dos tourné vers la direction d’où vient
le vent), il sera projeté au sol par sa vitesse horizontale d’arrivée,
qu’il ne pourra pas continuer sur sa lancée par ses propres
moyens. Un homme entraîné à la course à pied parcourt 100m
en 12-13 secondes; toute vitesse de vent supérieure à 6 ou
7 m/sec (25kmh) ne pourra donc, à l'arrivée au sol, que déter
miner un plaquage à peu près inévitable.
De là la nécessité de se présenter au sol, quand il y a un
léger vent, en tournant le dos à la direction d’où il vient, en
faisant avec les jambes un mouvement de pédalage, en se tenant
prêt à amortir par un peu de « course retenue » sa vitesse horizon
tale. et surtout à dégrafer rapidement la boucle de ceinture. Il
. .
n’en demeure pas moins que, dans les conditions idéales de l’expé
rience, c’est-à-dire par vent absolument nul, et avec la descente
de 5 m./sec., l’arrivée au sol ne correspond qu’à un saut de m ,25- l
l m ,30 de hauteur. Si nous citons donc des chiffres plus élevés,
c’est non sans montrer combien les conditions de l’expérience font
très vite varier les résultats possibles au point de vue du sau
vetage intégral du parachutiste, nous voulons dire sans qu’il en
résulte des lésions qui en atténueront le bienfait.

DE L’APTITUDE PHYSIQUE AU PARACHUTISME.


Nous avons indiqué, du point de vue médical, quelles sont les
épreuves physiques auxquelles se trouve exposé le parachutiste,
volontaire ou non.
La question nous a été posée, lors de l'ouverture de l’Ecole
des parachutistes d'Avignon-Pujaut, de savoir s’il y avait des

IIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIII
contre-indications an parachutisme et, partant, s’il y avait une
aptitude particulière à ce sport. S’il est difficile de se faire une
opinion de suite, on n’est pas moins obligé de reconnaître à la
réflexion qu'il y a des contre-indications médicales formelles au
parachutisme et qu’il y a aussi une aptitude physique particu
lière.
En employant un langage médico-militaire, disons qu’il faut
reconnaître chez les candidats à ce sport une sur-aptitude
au P. N. Aéronautique, telle que celle-ci est déjà définie par
le B. O. 68-2.
En dehors de la stricte application nécessaire du règlement
édicté à la page 76 du B. O. volume 68-2, insistons tout parti
culièrement sur :
1° Une constitution robuste avec un développement marqué
de la musculature, une sangle abdominale vigoureuse et intacte.
Ces qualités sont aussi indispensables pour supporter le choc
à l'ouverture que l’arrivée au sol.
2° L’intégrité anatomique et
une musculature vigoureuse de
la cage thoracique qui supporte en grande partie le choc à l’ou
verture.
3° La nécessité de n’avoir qu’une émotivité tout à fait nor
male chez le parachutiste, d’éloigner de ce sport tous les ner
veux, les sujets ayant des tendances à la syncope, etc., car il est
fertile en émotions de toutes sortes et nécessite un sang-froid
total.
4° La nécessité d’une vision binoculaire correcte avec l'appré-
ciation normale du relief, des distances, pour l‘arrivée au sol.
5° La perméabilité tubaire bilatérale parfaite pour les deux
oreilles, à cause de l’augmentation de la pression barométrique
dont le parachutiste subit très rapidement et inévitablement
l’effet.
Nous irons même jusqu’à affirmer la nécessité de vérifier
avant chaque descente d’une altitude supérieure à 1000-1500m,
la perméabilité tubaire des parachutistes. Souvenons-nous de1 la
narration que nous a donné Edvokimoff de sa descente de 8100m
d’altitude. A 7500m «il a commencé à chanter ou plutôt à hur-
1er pour équilibrer la pression d’air sur ses tympans ». Il y a là
une investigation médicale tout à fait facile à effectuer extern-

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1OOO REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
poranément, qui est de la plus grande utilité pour le parachu
tiste avant qu’il ne saute d’une certaine hauteur au moins, s’il
veut éviter des accidents très douloureux : algies ou perfora
tions tympaniques, etc.
Mais tout cela n’est que ce que le règlement nous permet de
considérer : le médecin, dans son examen, y pensera forcément.
Que devons-nous rechercher et souhaiter encore chez le
para
chutiste ? Nous avons vu l’utilité sinon la nécessité chez lui
d’avoir des membres inférieurs et supérieurs « longs ». Il faut
aussi que ses membres soient habillés d’une musculature suffi
sante, développée par la gymnastique et entretenue par l’exercice
quotidien; les articulations et les os doivent non seulement jouir
de leur jeu physiologique normal et complet, mais encore être
indemnes de toutes lésions antérieures (entorses, luxations, frac
tures diaphysaires ou épiphysaires qui ne pourraient trouver
dans l’exercice du parachutisme que des occasions de récidiver
ou de s’aggraver à l’arrivée au sol, etc.).
Point n’est besoin pour pratiquer le parachutisme d’être un
athlète, mais il y a nécessité cependant d’avoir cette muscula
ture souple, et d’un jeu complet, qui seule peut amortir conve
nablement les arrivées au sol.
Enfin nous compléterons ce tableau rapidement brossé de
l'aptitude physique par celui de son complément indispensable :
l’équipement.
Le harnachement du parachute doit être d’abord parfaitement
ajusté et fixé de 1 manière à ne pas permettre de glissements
auprès des points d’attache au niveau du thorax, des aisselles
ou des cuisses. Les sangles d’attache doivent être rembourrées
et très larges, le thorax abondamment capitonné par la combi
naison de vol et les sous-vêtements (maillots-gilets). Le port
du casque sera rendu obligatoire. Les lunettes seront utiles pour
les parachutistes qui veulent faire des descentes à ouverture
retardée. Les mains enfin devront être protégées par des gants
épais {nous dirions presque des gants de boxe), facilement amo
vibles. Les genoux seront avantageusement soutenus par des
genouillères épaisses et ainsi protégés eux aussi des chocs pos
sibles à l’arrivée. Enfin le parachutiste sera chaussé de bottines
montantes lacées bien ajustées, afin d’avoir la cheville sou
tenue et d’éviter de cette façon les entorses possibles à l’arrivée
au sol (tout aussi bien pourra-t-il se bander les chevilles avec

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
des bandes Velpeau). Comme on le voit, il y a pas mal de choses
à vérifier pour le médecin d’abord, pour le moniteur ensuite
qui doit mettre son élève dans les conditions optima pour sup
porter cette épreuve physique redoutable qu’est une descente
avec l’arrivée au sol qui en constitue en quelque sorte le cou
ronnement.
Le parachutisme est un sport, mais c’est un sport violent qui
nécessite de la part de ceux qui veulent s’y livrer une prépa
ration minutieuse et une surveillance attentive du moindre détail.

L’ENTRAINEMENT AU PARACHUTISME.
Nous arrivons maintenant au dernier point de notre étude.
Le parachutisme est un sport, avons-nous dit : si extraordinaire
que cela puisse paraître, peut-être le jour est-il prochain où
il sera pratiqué d’une manière sinon courante par tout le monde,
en tout cas habituelle par certains amateurs de sensations
sportives violentes ou d’émotions vives du même genre que celle
que l’on peut éprouver en alpinisme en ascensionnant tel sommet
par l’itinéraire le plus difficile (ce qui peut apparaître para
doxal pour certains) ou en effectuant en ski ou en bobsleigh une
descente très rapide. Si nous poussons plus loin notre anticipa
tion et en dehors de tout ce que le parachutisme nous apporte
de possibilités dans ses fins militaires, peut-être arrivera-t-il
un jour où le voyageur de l’air pourra « se laisser tomber »
de l’avion plus ou moins express ou rapide qui n’aura pas le
temps de s’arrêter sur un terrain à proximité de la destination
désirée.
Si extraordinaire que nous paraisse encore le fait de sauter
en parachute, on peut se demander s’il n’y a pas une prépara
tion physique à cet exercice et si, pour s’entraîner au para
chutisme, il est absolument nécessaire d’effectuer des descentes
en parachute ?
Les Russes qui paraissent avoir en cette matière une certaine
avance utilisent des tours spéciales {voir à ce sujet le travail
de M. Gordoi, Revue de l’Armée de l’Air, n° 78, janvier 1936),
d’où se projettent dans le vide d’une hauteur d’une trentaine
de mètres les parachutistes dont l‘appareil se trouve déployé
à l’avance.
L’Ecole d'Istres possède aussi une tour de ce genre. Les

riiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiii
1002 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR

Dessins originaux de von RÔmer.


Tours pour l’entraînement au saut en parachute.
A gauche, projet américain.
-— Chaque calotte de parachute est montée sur
un anneau métallique, que guident quatre haubans verticaux. La tour est équipée
pour permettre deux descentes simultanées. Parachutiste et parachute sont
très vraisemblablement remontés à l’aide d’un moteur, puis largués
en chute
libre, mais guidée.
A droite, tour russe. — Ici le parachutiste effectue une descente entièrement libre.

sauteurs arrivent au sol et se reçoivent à l'arrivée comme


clans une descente réelle. Il y a évidemment dans cet exercice
l'acquisition de l’habitude du saut dans le vide qui est le moment
que l’on appréhende le plus. Encore faut-il mentionner ici que
la sensation éprouvée du haut de la tour, d’après ce que racontent
les expérimentateurs, est plus désagréable que celle qui est
res
sentie du bord d’un avion à cause de la proximité plus grande
du sol. Le néophyte éprouve à ce moment comme un désir de
recul (celui sans doute de la « vieille carcasse » qu’invectivait
un jour Turenne !) que l’on a appelé par un euphémisme pit
toresque la « volonté de prépondérance arrière ».... Il est
bien certain que c’est là le moment critique, celui où il faut

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll|||||||||||||| IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
«se vaincre soi-même», quitte à fermer les yeux (!), quand
on veut pratiquer le parachutisme.
Pour ce moment-là et l’habitude que l’on veut en prendre,
habitude qui doit à la longue faire disparaître l’émotion que
l’on peut éprouver au début, il nous semble bien que les exer
cices de saut de l’avion ou de la tour sont irremplaçables,
puisque c’est l’appréhension du vide qu’il faut précisément
vaincre.
Iln’en reste pas moins qu’il y a, physiquement parlant, une
épreuve « spécifique » du parachutisme, l‘arrivée au sol. Nous
avons vu que celle-ci se produit à la vitesse de 5 m./sec. et
davantage, qu’elle correspond, pour être supportée sans acci
dent, au saut de pied ferme d’une hauteur de m,30 à 3 m Il
.
l
est donc facile, du haut d’un portique et sur un sol meuble,
de s’entraîner à la réception au sol tout d’abord et avant même
de sauter de la tour.
De plus, l’exercice du saut nécessitant une musculature cul-

La tour d’Istres pour l’entraînement au saut en parachute.

Jniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniii
ioo4 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
tivée des membres inférieurs, nous devons chez tous les para
chutistes faire exécuter des exercices d’assouplissement, entre
autres celui qui est appelé en gymnastique « flexion sur les
extrémités inférieures ».
L’exercice du saut de haut en bas, et les assouplissements
sont donc tout particulièrement recommandables et prépareront
utilement au saut de la tour, puis au saut d’un avion. Nous
pourrions citer aussi les exercices consistant à sauter d’un
véhicule en marche à des vitesses de plus en plus élevées, en
nous rappelant toutefois qu’au delà de 25 kmh il faudra nous
attendre et parer à la chute inévitable par projection en avant.
Il est tout juste utile de mentionner encore une fois, que le
parachutiste « à toute épreuve » — nous voulons dire celui qui
voudra se tirer des situations difficiles dans lesquelles il pourra
se trouver acculé à l'atterrissage, s’en tirer au moins avec le
plus de facilités et le moins d’aléas — devra être un sportsman
complet, en tout cas bon sauteur, bon gymnaste, bon nageur.
Bien muni de l'équipement spécial de protection que nous avons
défini plus haut, équipement spécial en ce sens que ses parties
doivent, être rapidement et facilement enlevables, un tel para
chutiste pourra sans doute se livrer à ce nouveau sport en toute
sécurité et répéter les descentes jusqu’à satiété, quand sera fina
lement trouvé l’appareil sûr, nous voulons dire celui qui donne
100 % d’ouvertures correctes.
Il faudra même voir dans cet exercice un des plus propres
à créer, puis à développer le sens « aérien » dans les foules,
et à entretenir chez l’aviateur un robuste sentiment de sécurité
personnelle.
C’est dans ces motifs que nous voyons dans le parachute,
bouée de sauvetage de l’aviateur en péril, dans le parachutisme,
sport émotionnant entre tous, une des acquisitions humaines
les plus salutaires, dont il importe, au moment où l’aviation
grandit avec la rapidité que nous constatons, de- développer
parallèlement, par tous les moyens, le goût parmi les jeunes.
Invention ancienne déjà puisqu’elle semble être issue du
génie de Léonard de Vinci qui voulait par ce moyen trouver un
frein à la pesanteur, elle est devenue, après- avoir précédé l ’aéro-
station et l’aviation, leur complément indispensable maintenant
pour la sécurité aérienne.

rncuuuuununuunvnnneuvccevuuuunenanvnevcvnsunnuzrqcoceuununecuauaeneconooooeeoenenunuenonenoueuaceasooocoenoooneuueoooonoconemueeoeeanuue
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1005

Courbes de descentes typiques en parachute.

Nous ne saurions guère émettre une opinion


sur son utilisa
tion à des fins militaires, mais nous pensons cependant
que cette
question nouvelle justifie notre attention et notre étude.

CONCLUSIONS PRATIQUES.
Le parachutisme, dans ses conditions actuelles,
nous apparaît
encore comme étant un exercice violent, comportant des cir
constances imprévisibles et impondérables qui pourront
causer
quelquefois des accidents pénibles (contusions diverses,
en
torses, fractures, etc.).
Il
nous semble souhaitable que la vitesse de descente soit
encore atténuée, que la ceinture d’attache soit améliorée.
Il paraît, en tout cas, ressortir de notre exposé des données
de toute première importance découlant de l'existence même
d'une vitesse limite de la chute du corps humain dans l’atmo
sphère (celle-ci semblant être de 55 m./sec. à près, soit
:
peu
198kmh)
1° Quand leparachutiste se projettera d’un avion dont la
vitesse horaire kilométrique sera supérieure à celle-ci (et tous

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIM'IllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllHI
les avions modernes volent à plus de 200kmh), il aura tout
intérêt, quand il le pourra par l’altitude dont il disposera, à
effectuer un saut à ouverture retardée afin de ne pas infliger à son
parachute un effort trop violent à l’ouverture, que celui-ci ne
supporterait peut-être pas aux 3 ou 400kmh qui représentent la
vitesse courante des avions de maintenant. L’équipement de
l’aviateur à bord des avions rapides ne doit donc pas comporter,
pour son parachute, de câble d’attache fixé en cours de vol à
l ’ appareil.
2° Les expériences de parachutisme pour débutants ne devront
jamais être entreprises avec un vent soufflant à plus de 5 à
6 m/sec, mais plutôt dans une atmosphère complètement calme.
Un vent plus rapide imposera l’emploi d’un équipement de
protection soigneusement étudié et ajusté : les exercices ne
devront alors être exécutés que par des parachutistes déjà habi
tués et bien entraînés.
Nous considérerons enfin comme téméraires et dangereux
tous exercices entrepris par un vent soufflant à plus de 10 m/sec.
Médecin-Commandant FL AM ME.

Nous joignons à cette étude du parachutisme un graphique


qui permettra au lecteur de saisir plus aisément quelques points
de notre exposé (voir page précédente).
Nous avons essayé d’y représenter, schématiquement au
moins, quelques descentes typiques :
(En ordonnées sont portées les altitudes, les pressions baro
métriques et les températures, ces deux dernières d’après
l’atmosphère « Standard » ; en abscisses, les temps de descente.
Nous avons essayé d’imager les sauts de l’avion et le choc
à l’ouverture.)
1° Une descente en parachute déployé de 8000m pour montrer
les différentes vitesses de descente selon l’altitude;
2° Une descente à ouverture retardée de 3500m, comportant
une chute libre de 1500m et l’ouverture du parachute à 20001”
au bout de 30 sec. de chute ;
La descente d’Edvokimoff de 8100m avec ouverture du

parachute à 200m du sol ;
4° La descente d’Evseef de 7000m avec ouverture du para
chute à 150m du sol.

ii iiiiii h 111 in 111111111 h 111111111111U111h 11111i111111i11111111111111in 1111111 ii 1111111 ii 11111111 h 111 h 11111 • 'i 1111111 ii in i un
• • 11
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlllllllllllltlIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIISIIEIIIIIIIIIICIIIIIII

Le bombardement en vol rasant (1)

Par l’Ingénieur en chef du Génie maritime C. ROUGERON.

Le bombardement en vol rasant a été préconisé comme


méthode générale par le colonel Mecozzi, il y a une dizaine
d’années. Il est entré dans la pratique courante de l’aviation
italienne.
Avant d’étudier dans quelle mesure il remplit les conditions
de sécurité exigibles de tout procédé d’emploi général, nous
l’examinerons au point de vue balistique.

“o
Il
est d’observation courante dans le lancement en vol hori
zontal que la bombe accompagne l’avion sur un parcours
notable. Cet effet se produira aussi bien en piqué ou en cabré
qu’en vol horizontal, et aussi bien au voisinage du sol qu’en
altitude.
Une bombe lancée en vol horizontal au voisinage du sol ne
l’atteint donc que très au delà de son point de lancement,
d’autant plus loin que la vitesse de l’avion est plus grande.
Les chiffres de portée, en fonction de l’altitude de lancement
et de la vitesse, résultent immédiatement des lois du mouve
ment dans le vide, qui s’appliquent ici avec une erreur très
faible. Dans la direction de l’avion le mouvement est uniforme,
de vitesse égale à celle de l’avion. Suivant la verticale, le mou
vement est uniformément accéléré; c’est celui que prendrait
la bombe si elle était lâchée sans vitesse horizontale.

Cette étude est extraite du magistral ouvrage « L’Aviation de bombar


(1)
dement » (Berger-Levrault, éditeur), que nous avons présenté dans le précédent
numéro de la « Revue de l’Armée de l’Air ». La figure de la page 1017 a été
ajoutée à son texte par l’auteur sur notre demande.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIISIIIIIRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIB
1008 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Or la vitesse de chute libre pendant les premières secondes
est très faible devant la vitesse horizontale que l’avion imprime
à la bombe. Au bout d’une seconde, la bombe lâchée d’un avion
à 360kmh aura parcouru 100m suivant l’horizontale et 4m ,90 sui
vant la verticale. Il en résulte une imprécision considérable
en portée mise en évidence par le tableau suivant qui donne
les portées de bombes lancées en vol horizontal à 10, 20 et 30 m
,
par des avions faisant 360 et 540 kmh
.

Portées en vol rasant (lancement à l’horizontale').

chiffres justifient les conclusions suivantes, quelquefois


Ces
perdues de vue lorsqu’on traite du bombardement en vol rasant.
Pour être précis, le bombardement en vol rasant demande
a.
une appréciation très exacte de la distance de l’objectif et
de l’altitude de lancement; le bombardier à 540kmh qui
ne croi
rait pas pouvoir descendre au-dessous de 20m devra lancer 300™
avant de passer sur l’objectif. De toute façon, le lancement
en portée ne peut être précis; une erreur de 0,2 seconde à
l’instant du lancement entraîne un écart de 30m
.
b. Il n’est guère possible de réduire cette portée de la bombe
en vol rasant en diminuant l’altitude de lancement. Descen
drait-il à 5 m ce qui comportera en général des risques inad
,
missibles, que le bombardier à 540kmh devrait lancer encore à
150m avant de passer sur l’objectif. L’effet du temps mort
au
déclenchement de la bombe reste d’ailleurs exactement le même,
et la précision exigée dans la détermination de l’altitude est
accrue.
lancement en vol horizontal rasant exige un nivelle
c. Le
ment longitudinal parfait de l’avion. L’écart en portée pour
une erreur de nivellement donnée est indépendant de l’altitude
et proportionnel au carré de la vitesse ; il atteint 18m à 360 kmh
,
40™ à 540 kmh pour une erreur de nivellement de 1°. Cette
cause
d’erreur est importante, car il est bien plus difficile encore

miiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii Hii nui ;ui 11 ii 111 un i ii i ni 1111 ii 111 ni 1111111111111111 in 11 ni un un 11111111111111 in un i


11 1111 in ii ii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1009

d’exiger un nivellement longitudinal correct d’un avion en vol


rasant que d’un avion en vol horizontal à haute altitude.
d. Ce genre de lancement exige de même une connaissance
très exacte de la pente du terrain sur lequel on lance. L’erreur
sur la pente du terrain produit le même effet qu’une erreur
de nivellement de même valeur. C’est le principe dit « de la
rigidité de la trajectoire ». Or, s’il est difficile d’apprécier à
1° près l’horizontalité de l’avion en vol rasant, il est aussi
difficile d’apprécier la pente du terrain survolé à 1,75 % près,
erreur qui entraîne les mêmes écarts en portée.
Les écarts en direction sont au contraire très faibles. Une
e.

erreur de 1° sur la direction de l’avion n’entraîne qu'un écart


en direction de 5m à 300m.
,

“o
Toutes ces causes importantes d’erreur en portée dispa
raissent lorsque l’objectif présente un grand développement en
hauteur. Les exemples en sont nombreux et importants. Tel est
le cas d’un grand immeuble d’habitation, d’une centrale
électrique, d’un hangar d’aviation, d’un remblai de voie ferrée,
d’un pont à piles multiples pris en biais, d’un navire à franc
bord élevé, Le lancement en vol rasant est alors d’une pré
....
cision extrême.
Le tableau suivant donne l’abaissement de la trajectoire,
donc la hauteur de l’objectif dont l’atteinte sera certaine si
le lancement est fait d’une hauteur égale à celle de l’objectif,
pour les deux vitesses de 360kmh et 540 kmh et les distances de
lancement de 100, 200 et 300m. C’est le même tableau que le pré
cédent, mais en inversant la fonction en tableau et l’argument
d’entrée. On a arrondi les chiffres en prenant l’accélération g
de la pesanteur égale à 10.

niiiiiNiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiini
R. A. A. — No 86. 4
1010 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
précis en vol rasant d’un objectif développé en hauteur que
fâcheuse lorsque l’objectif est développé en plan. Un avion
volant à 540kmh à hauteur de la toiture d’un hangar d’avions
peut aussi bien lancer à 250m qu’à 100m du hangar. Il est cer
tain de toucher la façade visée, comme il serait certain de
manquer le toit s’il le visait.
On verrait de même que le lancement en vol horizontal contre
un objectif disposé en hauteur n’exige ni le nivellement longi
tudinal précis de l’avion, ni la connaissance exacte de la pente
du terrain sur lequel on lance.
Au fond, la précision du lancement en vol horizontal rasant
contre un objectif disposé verticalement, et la précision du
lancement en piqué contre objectif disposé horizontalement
sont une seule et même conséquence de la très faible courbure
d’une trajectoire de bombe lancée à grande vitesse. Cette tra
jectoire est sensiblement rectiligne sur plusieurs' centaines de
mètres : le lancement .sera beaucoup plus précis sur objectif
disposé normalement à la trajectoire, que sur objectif disposé
parallèlement à la trajectoire. Il est aussi difficile d’atteindre
en vol horizontal un objectif de faible surface, que d’atteindre
un mur par un lancement en piqué.
«o
Si une faible erreur sur l’horizontalité
l’avion se traduitde
par un grand écart en portée, un cabré léger doit permettre
des portées intéressantes dans un lancement en vol rasant.
Voici les portées obtenues en cabré de 5°, 10° et 15° dans le
lancement au ras du sol à des vitesses de 360kmh et 540kmh On
.
n’a pas fait entrer en ligne de compte l’altitude de lancement
dont l’effet est très important aux très faibles angles de cabré,
mais peut être négligé aux angles voisins de 15°.
Portées en vol rasant.
Vitesse de l’avion.

Un faible cabré à grande vitesse donnera des portées de


l’ordre du kilomètre.

Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
Mais la précision en portée restera faible, faute d’un nivel
lement précis de l’avion qu’il est illusoire d’espérer. Le moyen
le plus simple d’obtenir la précision en portée sera le tir en
cabré à la pente qui correspond au maximum de portée. Elle
est très voisine de 45°, car l’altitude de lancement sera, du moins
en général. très voisine de l’altitude de l’objectif.
Voici les portées en cabré de 35°, 40° et 45°, calculées dans
les mêmes conditions que pour le tableau précédent :

Vitesse de l’avion
Angle de cabré. 360 kmh 540 kmh

35
o
960
m
2.l6o in
40 1.005 2.260
45 1.020 2.290
Une erreur de 5° sur la pente de cabré au voisinage de 45° n’a
qu’un effet négligeable sur la portée : 30m au voisinage de
2300m. La même erreur au voisinage de 10° aurait une influence
énorme, de — 375m aux environs de 800m.
Ainsi le lancement précis en vol rasant contre objectif dis
posé horizontalement sera un lancement à distance, en vol
cabré, et non pas un lancement à proximité immédiate de
l’objectif. L’étude préalable des objectifs possibles, la photo
graphie aérienne, la carte à grande échelle seront des auxi
liaires obligatoires de ce mode de lancement. On ne bombar
dera pas tel atelier d’un arsenal en le survolant et en essayant
de le distinguer au milieu des ateliers voisins; 011 lancera une
bombe en cabré, au cap convenable, en rasant le musoir d’une
jetée à 2 km de là. Bombarder en vol rasant les navires aux
appontements de Gibraltar, ce ne sera pas envoyer un avion
à 20 m au milieu des mâtures; la bombe sera beaucoup mieux
,
placée en la lâchant à l’instant du survol de tel repère mar
quant du rocher.
Le nombre des repères nets est assez restreint. Pour obtenir
la portée voulue en lançant à l’azimut convenable au passage
d’un repère, le bombardier peut ajuster, soit sa vitesse, soit la
pente de son cabré. C’est évidemment sur la vitesse qu’il con
vient de jouer, en la réduisant jusqu’à ce que la portée maximum
convienne à l’objectif visé. Un seul repère suffit alors pour un
objectif quelconque d’une zone assez vaste. Il y a intérêt à le
choisir surélevé pour augmenter la portée.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHlilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1012 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Trois repères comme la Tour Eiffel, le Sacré-Cœur et le Pan
théon suffisent pour atteindre un point quelconque de Paris
sans que l’avion de bombardement en vol rasant ait à chercher
l’objectif assigné dans le dédale des rues.
Le principe de ce lancement est le même que celui du tir de
l’artillerie de tranchée et de l’artillerie d’accompagnement, où
le réglage de la portée s’obtient par variation de la charge et
de la vitesse initiale, et non par variation de l’angle de tir.
Notons en passant l’impossibilité quasi absolue de la protec
tion par camouflage ou nappe fumigène qui seraient extrême
ment efficaces pour la protection contre un vol rasant au voi
sinage immédiat de l’objectif protégé. Une nappe fumigène
répandue sur Paris n’empêcherait pas ses différents quartiers
d’être bombardés avec la précision désirée.
Les écarts en direction dans le lancement en cabré sont
beaucoup plus importants que les écarts en direction dans le
lancement en vol horizontal rasant. Pour une même erreur
angulaire de pointage, ils sont proportionnels à la portée. Ils
atteindront une quarantaine de mètres, pour une erreur angu
laire de 1°, à la limite de portée d’un avion à 540kmh.
Comme dans le cabré à grande altitude et pour les mêmes
raisons, le bombardier pourra tolérer un pointage en hauteur
imparfait, mais devra soigner le pointage en direction.

«o
Tous les raisonnements précédents sur la précision du bom
bardement en vol rasant, soit en vol horizontal, soit en cabré
supposent que l’avion connaît sa route et sa vitesse par rapport
au sol. C’est à cette vitesse qu’il lâche la bombe, non à sa vitesse
propre; c’est suivant sa route et non suivant son cap qu’est
dirigée la vitesse de la bombe.
Le bombardement précis en vol rasant exige donc qu’on
tienne compte du vent, au même titre que dans le bombarde
ment à haute altitude en vol horizontal, en piqué ou en cabré.
Seule l’erreur qu’on commet quelquefois en supposant que la
bombe lancée en vol rasant tombe à quelques mètres du point
où elle est lâchée peut expliquer une conception du vol rasant
qui ne tiendrait pas compte du vent.
Il semble aussi difficile, sinon plus, de procéder à une mesure
de vitesse par rapport au sol en vol rasant qu’en vol à haute
altitude. Le bombardier mesurera encore sa vitesse, et la cor
rigera de la vitesse du vent, mesurée ou estimée par un procédé
quelconque.
Une appréciation erronée de la vitesse du vent n’entraînera
pas d’écart sensible en portée dans le tir à faible distance
contre objectif disposé en hauteur; cette disposition de l’ob
jectif affaiblit l’effet de toutes les causes d’écart en portée.
Le cas du tir en cabré entre 1000 et 2500m, au voisinage du
maximum de portée, est tout différent. La composante longi
tudinale du vent s’ajoute à la vitesse propre de l’avion pour
modifier la portée, et cette portée est fonction très sensible
de la vitesse initiale de la bombe. Supposons par exemple
un
vent horizontal de 15 m./sec. dans la direction générale de
la route suivie par l’avion, vent supposé connu à 20 %, soit
3 m./sec. près. Si l’avion lance en cabré à 45° à 150 m./sec. de
vitesse absolue, l’erreur de 3 m./sec. se traduit par une erreur
de 2,1 m./sec. sur la vitesse à laquelle est lâchée la bombe;
l’écart en portée correspondant est de 45 m Cet écart est en
.
général inférieur à l’écart en portée du bombardement en vol
rasant horizontal. Le bombardement en cabré reste donc justifié.
Si, au lieu de n'évaluer le vent qu’à 20 % près, on le négli
geait entièrement, l’erreur deviendrait considérable; l’écart en
portée passerait à 300m dans l’exemple précédent.
Mais il n’est pas davantage permis de le négliger dans le
lancement précis en vol horizontal; l’écart en portée en lan
çant à 20m d’altitude et 150 m./sec. est de 30 m
.
Quel que soit le procédé de lancement, vol horizontal,
ou
cabré, la composante transversale du vent sera cause d’écarts
en direction importants.
Dans le tir à faible distance contre objectif disposé verti
calement, on peut à la rigueur négliger la composante longi
tudinale du vent ; on ne peut pas négliger sa composante trans
versale. Dans le lancement à 200m de distance contre un tel
objectif, le point d’impact de la bombe est décalé de 3 m en
hauteur par un vent longitudinal de 15 m./sec.; il est décalé
de 20m en direction par un vent transversal de même vitesse.
La correction, au moins sommaire, du vent transversal s’im
pose.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllKlli
1014 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Dans le tir au cabré de portée maximum, l’écart en direction
dû au vent transversal est important. En reprenant l’exemple
précédemment traité (lancement à 150 m./sec. sous 45°, erreur
de 20 % sur un vent de 15 m./sec.), l’écart en direction est de
70m (à 2300m) si ce vent est transversal. Il ne saurait donc
être question de négliger la composante transversale du vent.
Cette discussion de l’effet du vent sur la précision conduit
aux conclusions suivantes.
a. Contre objectif disposé verticalement, l’attaque en vol
horizontal s’impose: Seul l’écart en direction sous l’effet d’un
vent transversal est à craindre. On attaquera donc dans le lit
du vent. Le bombardier qui voudra attaquer en vol rasant un
hangar d’avion doit respecter l’indication de la manche à vent
comme s’il voulait atterrir.
Contre objectif disposé horizontalement, l’attaque en cabré
1)
.
n’est précise, aussi bien en portée qu’en direction, que par vent
faible ou bien connu. Si l’objectif est étendu dans une seule
direction, la précision est encore suffisante lorsque le vent règne
dans le sens de la grande dimension de l’objectif.
Contre objectif disposé horizontalement, le lancement en
c.
vol horizontal doit être éliminé en général pour des raisons
d’écart en portée indépendantes du vent. Mais l’écart en direc
tion dû au vent transversal reste très inférieur à celui du
bombardement en cabré. On pourra donc attaquer utilement
en vol horizontal un objectif disposé horizontalement, par vent
fort ou mal connu, s’il est étendu dans une seule direction.
Le bombardier devra faire route suivant la grande dimension
de l’objectif.
so
Le bombardement en vol rasant permet d’éliminer dans la
plupart des cas l’écart en direction dû à l’effet du vent. Soit,
par exemple, à bombarder en vol rasant une voie ferrée rec
tiligne de grande longueur. Si le bombardier parvient à la
suivre avec précision, sa vitesse par rapport au sol est parallèle
à la voie; la bombe qu’il lancera sera animée d’une vitesse
initiale parallèle à la voie et l’atteindra avec un écart en direc
tion très faible, que le vent soit connu ou inconnu et quelle
que soit sa direction. L’écart en portée sera élevé, que le lan-

tiiiiiniiliiiiiikiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiBiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniii
cernent soit fait en vol horizontal ou en cabré. Le tir reste
bien entendu très précis en portée s’il s’agit d’atteindre un
objectif vertical; sur voie ferrée, il n’est guère que l’entrée
d’un tunnel qui réponde à ces conditions. Mais le procédé peut
s’étendre à quantité d’objectifs. Si l’on trouvait un intérêt
militaire à descendre à nouveau la colonne Vendôme, le vol
rasant horizontal dans l’axe de la rue de la Paix serait un
procédé de choix.
Ceprocédé revient, en somme, à suivre une route repérée
sur le sol en direction de l’objectif. Il n’est nul besoin de la
connaissance du vent pour le faire avec précision ; les divers
instruments de navigation seraient plus nuisibles qu’utiles dans
cette manœuvre.
En dehors de l’exemple choisi de la voie ferrée rectiligne,
on rencontrera beaucoup de cas de tels repères faciles à distin
guer permettant de placer la route du bombardier en direc
tion de l’objectif. Tels seront une route rectiligne en direction
d’un ouvrage d’art, un canal en direction d’une écluse, une
ligne électrique en direction d’une centrale,.... Il n’est même
pas besoin d’un repère continu, un alignement suffit. Une fois
reconnu l’objectif et choisi un repère dans le voisinage, clo
cher, maison élevée,..., le bombardier n’aura qu’à se diriger
vers l’objectif en suivant l’alignement du repère et de l’ob
jectif.
Très souvent, l’objectif lui-même fournira l'alignement
recherché. Tel sera le cas d’une salle de machines d’une cen
trale électrique, d’un bâtiment d’usine, d’une gare couverte.
Le plan de symétrie en est parfaitement déterminé' par le
faîtage, l’égale surface apparente, des pans de la toiture, des
murs latéraux,.... Même à plusieurs centaines de mètres, le
bombardier déterminera à quelques mètres près s’il est dans
ce plan de symétrie et pourra gouverner de manière à s’y main
tenir, sans avoir besoin d’aucun repère pris en dehors. Il est
peu d’objectifs assez informes pour ne pas se prêter à cette
utilisation ; une façade détermine très suffisamment le plan
vertical où devra se maintenir l’avion qui veut détruire l’im
meuble auquel elle appartient. Lorsqu’on aura étudié les pos
sibilités du lancement sous faible angle de chute, nous ne cro
yons pas que les buildings coiffant de larges baies vitrées d’une

lllllllllilllllllllHIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllNIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1016 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
toiture blindée conservent la faveur de ceux qui essayent
d’adapter l’architecture à la bombe d’avion. Si l’on veut éviter
les repères pris sur l’objectif ou en dehors, l’immeuble de
l’avenir est le solide de révolution à axe vertical édifié seul
au
milieu d’une plaine dénudée.
Mais la protection resterait encore illusoire. On peut
en effet
se passer de tout repère, plus exactement utiliser comme ali
gnement l’objectif lui-même et un point à l’infini de direction
quelconque défini par le compas ou
un repère gyroscopique
porté par l’avion. Le lancement sur alignement rejoint ainsi
le lancement ordinaire, où l’on s’efforce aussi de tenir l’objectif
à relèvement constant. Mais le procédé employé
pour y par
venir sera essentiellement différent du procédé employé dans
le lancement en vol horizontal à haute altitude. On
ne cher-
chera pas à tenir un cap déterminé
par des mesures au viseur ;
on s’efforcera simplement de piloter l’avion de manière à tenir
pendant deux ou trois secondes l’objectif à
un relèvement quel
conque.
--
Ce procédé d’élimination de l’écart en direction dû au vent
n’est pas limité au bombardement en vol rasant. Il n’est
pas
nécessaire de voler horizontalement dans l’axe d’une voie
ferrée ou dans le plan de symétrie d’une
gare pour constater
que la composante transversale du vent déporte l’avion dont
l’axe longitudinal serait maintenu dans le plan vertical désiré,
et pour découvrir la valeur de la dérive qui maintiendra la
route dans ce plan vertical. Le piqué sous 45° permet de suivre
correctement un alignement; à 70°, c’est déjà plus difficile; à
90° c’est entièrement impossible si l’alignement est horizontal,
et si l’avion n’a pas à bord d’appareil décelant la verticale.
Mais les repères de direction verticale, peut-être moins
nom
breux que les repères horizontaux, sont encore
en assez grand
nombre pour permettre des attaques par piqué à la verticale
contre objectifs intéressants. Il n’est guère plus difficile de
suivre une route exactement verticale dans le prolongement
d’une cheminée d’usine, d’un pylône de T. S. F.
que de suivre
en vol rasant une voie ferrée ou un alignement horizontal.
Plus généralement, si l’on se contente d’une précision modérée
on trouvera sur quantité d'objectifs des éléments verticaux

enünNNNNNBuNNBNBNnflNzüuNNuNuuBuuNVüuuüüuNuuNuuuuuuuuunuuNNuuuuunuuuuuuikuuuuuuBuuuuuunubuubuuuuuuuuiuuuuuuuuuuuuuuucuuucBBuHVicëu5295R8BT
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1017

assez développés pour servir de direction repère au cours d’un


piqué voisin de la verticale. Dans un piqué de 10 secondes
entre 2500 et 1500m d’altitude au-dessus d’un grand immeuble,
un avion ne se laissera pas déporter de 150m par un vent hori
zontal de 15 m./sec. Il trouvera dans les éléments verticaux de
la construction un moyen de rectifier sa route pour rester à la
verticale de l’immeuble certainement plus précis qu’une mesure
directe de vent.
Plus généralement encore, le procédé s’étend à un piqué
sous angle quelconque, et permet à l’avion de suivre une route
définie dans l’espace, indépendamment du vent régnant, en
se réglant sur l’alignement de deux points dénivelés. Soit par
exemple à bombarder le pont suspendu que représente la
figure. L’avion choisit comme alignement le pied N de l’un

Schéma du bombardement en piqué d’un pont suspendu, par prise d’alignement


sur les piles.

des pylônes vu par le sommet M de l’autre. S’il suit correc


tement cet alignement à l’instant où il lance en A, la bombe
est animée d’une vitesse dirigée suivant MN, quel que soit le
vent dans lequel l’avion se trouve entraîné au même instant.
La bombe atteindra le pont en un point B, fonction de l’al
titude de lancement et de la vitesse de piqué; l’écart e entre la
trajectoire AB et l’alignement MN peut d’ailleurs être faible
(piqué à basse altitude et grande vitesse, pente élevée de l’ali
gnement). Les applications du procédé sont très nombreuses :
on lancera une bombe au centre d’un navire en se réglant sur
l’alignement du sommet de l’étrave par la tourelle de télé
pointage

iiiiiiiiiiiriiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiMiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Dans la ville de l’avenir telle que la conçoivent les urbanistes
spécialisés clans la défense antiaérienne, la forêt de buildings
largement espacés fournit l’assortiment complet d’alignements
dénivelés qui permet d’atteindre non seulement tel immeuble,
mais telle fenêtre de tel étage. L’ombre portée par l’immeuble
suffit elle-même en de nombreux cas. Avec un plan de la grande
Pyramide et les tables de la « Connaissance des temps », le
bombardier a tous les instruments voulus pour placer sa bombe
dans l’entrée du monument, en s’alignant sur l’ombre portée
du sommet vue par ce sommet.
Il convient d’insister sur la différence des données fournies
au bombardier lorsqu’il suit en vol rasant un alignement hori
zontal, ou bien en piqué sous angle faible un alignement dénivelé,
ou bien en piqué' à 90° un alignement vertical.
L’alignement horizontal en vol rasant élimine complètement
la composante transversale du vent; il laisse subsister l’écart
en portée dû à la composante dans l’axe de l’alignement. Sans
mesurer cette composante, le bombardier sait bien que sa vitesse
vraie est dans la direction de l’alignement, mais il n’en connaît
pas la valeur. Il est donc incapable de rectifier la portée.
L’alignement sur repères dénivelés élimine de même la com
posante transversale, fixe la direction de la vitesse vraie, mais
ne peut pas davantage donner sa valeur. Cependant l’effet de
la composante du vent dans le plan vertical des repères tombe
rapidement dès que l’angle de piqué augmente; cette compo
sante n'agit sur la vitesse vraie que par sa projection sur la
route suivie; et l’effet sur la portée d’une variation donnée de
vitesse vraie est beaucoup plus faible en piqué sous grand angle
qu’en vol horizontal.
Le piqué à 90° sur alignement vertical élimine complètement
l’effet de la vitesse du vent, aux termes du second ordre près.
Non seulement il définit exactement la route suivie, donc la
direction de la vitesse imprimée à la bombe, mais il en donne
également la grandeur. Le vent étant horizontal, la vitesse
vraie est égale à la vitesse propre (aux termes négligeables du
second ordre près en — complètement négligeables pour les
vitesses v du vent et les vitesses V des piqués actuels). Si la
route de piqué était exactement verticale, la valeur de la vitesse
vraie n’aurait d’ailleurs pas d’importance; la portée serait

fiiuiiii nui iiiiiiiiiiiiii hui iiiiiiiii 11111111111 ni ii i ii ni ni i mm ni in i ii uni i ü: i ii


11 11 11 11 11 « 11 si i s 111111 ii 111 ii i it t s 11 r 1111H11
nulle quelle que soit cette vitesse. Mais l’intérêt de cette pro
priété réside dans l’application aux piqués légèrement écartés
de la verticale, par exemple entre 75° et 90° où la vitesse vraie
reste voisine de la vitesse propre. La différence est cette fois
du premier ordre en — • Mais comme l’effet de la vitesse sur
V
la portée est alors extrêmement faible, la précision obtenue
est très grande, aussi bien en direction qu’en portée.
Cet avantage de l’alignement vertical tient simplement à
l’horizontalité très approchée du vent dès qu’on est éloigné
d’obstacles élevés. L’hypothèse est parfaitement justifiée en
terrain plat, surtout dans le lancement en piqué vers 1500 à
2500m. Elle serait inexacte en montagne. Encore verrons-nous
plus loin que l’erreur commise est beaucoup moins importante
qu’on pourrait le croire au premier abord.
Si l’alignement suivi, horizontal ou incliné, est normal à la
direction du vent, la vitesse vraie sera encore égale à la vitesse
propre, et l’on éliminera l’écart en portée comme l’écart en
direction. Comme dans le piqué sous grand angle, qui n’a pas
besoin d’être exactement vertical pour éliminer à la fois l’écart
en direction et l’écart en portée, il suffit que l’alignement
choisi soit approximativement dans la direction normale au
vent. Voici l’erreur relative commise en assimilant la vitesse
absolue en vol horizontal à la vitesse propre lorsque l’avion
fait avec le vent un angle compris entre 0° et 30° (avion à
150 m./sec., vent de 15 m./sec.).

L’erreur décroît lorsque la pente du piqué augmente; même


si l’on suit un alignement horizontal, il suffira de déterminer
la direction du vent à une dizaine de degrés près.
Le procédé de lancement en vol rasant ou en piqué qui con
siste à suivre un alignement horizontal ou dénivelé éliminera
donc l’effet du vent, avec une précision généralement très
supérieure à ce que donnerait la mesure directe de ce vent.

fllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1020 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Il s’agit ici que de l’effet du vent sur la vitesse initiale
ne
de la bombe et non de l’effet sur la bombe des variations du
vent en altitude le long de sa trajectoire. Ce dernier effet
est négligeable dans le bombardement à très basse altitude ;
il reste faible dans le lancement en piqué entre 1500 et 2500m ;
il n’est important que dans le lancement en vol horizontal aux
altitudes où il est couramment pratiqué, comme nous l’avons
précédemment montré.
Si l’on cherche à augmenter la précision du tir par l’emploi
de bombes à vitesse initiale accrue par canon ou fusée, le pro
cédé de lancement sur alignement s’applique encore sous une
réserve relative à la bombe lancée par canon.
Si le supplément de vitesse est obtenu par fusée, la bombe
est lâchée dans la direction de la vitesse absolue de l’avion;
la fusée augmente la vitesse de la bombe, mais n’en modifie
pas la direction. Aucune difficulté ne se présente donc; tout se
passe comme si la bombe était lâchée dans la direction de l’ali
gnement à la vitesse qu’elle aura après combustion de la fusée.
Si le supplément de vitesse est obtenu par canon, la vitesse
de la bombe à la bouche est la résultante de la vitesse absolue
de l’avion et de la vitesse imprimée par le canon, en direction
de son axe. L’axe du canon sera en général dirigé suivant la
vitesse propre aux faibles incidences de vol, et sans aucun
moyen de pointage. La bombe tirée par canon ne sera donc
pas en général lancée dans la direction de l’alignement suivi,
et il sera nécessaire de connaître l’intensité du vent pour faire
la correction correspondante.

Le vent étant supposé parfaitement connu en grandeur et


en direction dans la couche où se trouve l’avion, son emploi
à la détermination de la vitesse absolue n’est pas sans présenter
quelques difficultés.
La vitesse de l’avion par rapport au sol (ou encore vitesse
absolue, ou vitesse vraie) est toujours égale à la somme géo
métrique de sa vitesse propre et de la vitesse du vent. Mais
l’addition suppose une connaissance de la vitesse propre que
ne donnera pas toujours l’appareil chargé de la fournir.
Lorsque l’avion navigue depuis quelques instants dans une

'iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
couche où la vitesse du vent est constante, il se trouve entraîné
par ce vent. Ce fait est indépendant de la route suivie, qui
peut être rectiligne et horizontale, rectiligne et verticale, ou
de forme quelconque. Le pilote reçoit l’air de face, l’indicateur
de vitesse propre aussi. La vitesse propre de l’avion est dans
le sens de l’axe du fuselage, évidemment avec une correction
fonction de l’incidence, mais ce n’est pas sur ce point que nous
voulons appeler l’attention.
Lorsque l’avion est placé brusquement dans une couche où
règne un vent uniforme mais différent de celui de la couche
qu’il vient de quitter, il lui faut un certain temps avant d’être
entraîné par le vent de la nouvelle couche. Jusqu’à ce que le
régime d’équilibre soit atteint, la vitesse propre ne sera plus
dirigée suivant l’axe. Le pilote recevra l’air obliquement,
l’indicateur de vitesse propre aussi, et son indication ne repré
sentera nullement la grandeur de cette vitesse propre. La don
nerait-elle au surplus, qu’il manquerait toujours sa direction
pour la composer avec la vitesse du vent.
Si l’on peut admettre que dans le lancement en vol hori
zontal à haute altitude le régime d'équilibre est atteint, l’hy
pothèse est certainement fausse dans le lancement en piqué
et dans le lancement en vol rasant. Ce n’est pas en traversant
à 150 m./sec. des couches successives où le vent peut tourner
de 180° sur 500m (1) que l’avion trouvera le moyen de se
mettre en équilibre dans chaque couche avec la vitesse du vent.
L’équilibre est obtenu pour le ballon de sondage de grande
surface, faible masse et faible vitesse ascensionnelle. Mais l’avion
en piqué vertical traversera ces couches successives en recevant
le vent par le travers, exactement comme le projectile d’ar
tillerie tiré au zénith. L’avion lançant en vol rasant ne sera
pas davantage en équilibre avec le vent au sol, soit parce que
le lancement en vol rasant suivra de près un piqué partant de
couches où règne un vent très différent du vent au sol, soit
par' l’effet des irrégularités propres du vent au sol.
Le lancement sur alignement supprime complètement cette
difficulté. L’irrégularité du vent des couches traversées se fera

(9 Voir les exemples de sondage en altitude donnés dans le chapitre consacré


au bombardement en vol horizontal.

IIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1022 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
sentir sur l’avion qui tendra à être constamment déporté de
l’alignement. Le pilotage doit y remédier. Si mal qu’il le fasse,
ce sera encore mieux fait qu’en suivant un tableau de caps
résultant d’un sondage.
La connaissance du vent à l’emplacement du lancement
n’ajoutera donc rien en général à la précision du tir, et l’on
s’exposerait à de grosses erreurs en se croyant autorisé à déter
miner la vitesse absolue par addition du vent et de l’indication
de l’appareil qui devrait donner la vitesse propre. Il ne faut
pas en tirer argument contre la méthode générale de visée
que nous avons préconisée et qui consiste à remplacer la mesure
directe de la vitesse par rapport au sol par l’addition géomé-
trique de la vitesse propre et de la vitesse du vent. La mesure
directe est impraticable dans le lancement en vol rasant comme
dans le lancement en piqué. Dans le lancement en vol hori
zontal à haute altitude, la composition de la vitesse du vent
et de la vitesse propre donne un résultat correct, aussi correct
au moins que la mesure directe, si l’on attend que le régime
d’équilibre soit établi. Mais la mesure directe prêterait aux
mêmes critiques que la composition des vitesses si le bombar
dier voulait ainsi déterminer sa vitesse en vol horizontal, à
5000m, à la fin d’une manœuvre d’approche en piqué de plu
sieurs milliers de mètres. La question prend une importance
croissante sur les appareils récents à grande vitesse, peu voilés,
de faible prise au vent. Il ne semble pas que les réalisations
ou les projets de viseurs donnant la vitesse absolue en quelques
secondes par visée directe y prêtent une attention suffisante.
Il serait trop long d’indiquer les différentes solutions géné
rales du problème. L’emploi d’un repère gyroscopique vertical,
maintenu en direction de l’objectif au cours du piqué en est-
une. Bornons-nous à constater que cette difficulté donne un
intérêt spécial au lancement sur alignement en piqué ou en vol
rasant, avec détermination de la direction du vent (bombe fumi
gène au sol, mesure à distance de l’objectif...).

Le réglage du bombardement s’applique au vol rasant comme


aux autres procédés de lancement. Là encore, il éliminera les
écarts de justesse des mesures et des repères gyroscopiques.

llllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
les erreurs dans les calculs préalables des alignements.... Il
peut même éliminer les erreurs dans la détermination de la
vitesse absolue dont il vient d’être question, à condition de
faire le lancement, non seulement au même endroit et à la même
vitesse propre donnée par l’indicateur, mais encore après la
même manœuvre.
En vol rasant, les écarts dûs à l’irrégularité du vent au sol
seront difficiles à éviter; le réglage n’y aide en rien. On pourra
y trouver une raison suffisante pour remplacer, par grand vent,
le lancement en vol rasant à très basse altitude par un lan
cement en piqué fait à une altitude où le vent est plus régulier.

s
Le lancement en vol rasant est-il compatible avec les con
ditions minima de sécurité que nous avons exigées des autres
procédés ?
En général, non. Contre un objectif puissamment défendu
par mitrailleuses lourdes ou par artillerie tirant à mitraille, les
pertes des bombardiers seraient sévères.
Mais tous les objectifs ne seront pas ainsi défendus. Com
ment protéger en tout point susceptible d’être attaqué en vol
rasant l’ensemble d’un réseau de routes et de voies ferrées,
d’un réseau de distribution électrique?... D’autre part, bien
des opérations ainsi conduites pourront être exécutées par sur
prise soit par plafond très bas, soit de nuit, après vol d’approche
moteur arrêté. Nous en donnons dans notre livre un exemple qui
nous paraît devoir interdire de manière absolue toute naviga
tion maritime qui ne pourra être terminée de jour. Enfin, le
procédé de lancement sur alignement en piqué de pente faible
ou moyenne est un intermédiaire entre le piqué et le vol rasant
tels qu’ils sont généralement conçus qui permettra des lance
ments assez précis avec une certaine sécurité.
La menace du lancement en vol rasant sur l’ensemble d’un
territoire immobilisera un matériel et un personnel de défense
considérables. Ce sera autant de prélevé sur le front et sur les
fabrications de guerre.
Le matériel convenable au vol rasant est exactement l’avion
de bombardement dérivé du chasseur dont nous avons tracé
le programme. Le vol rasant, qui ne demande pas un matériel

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1 024 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
nouveau, n’exige pas davantage un personnel spécialisé. Tout
chasseur et tout bombardier doit y être entraîné.
« La guerre, a dit Douhet, est déterminée par la rencontre
des masses. ; on fait la guerre avec des machines et des
. .
hommes moyens. » Nous partageons l’avis de Douhet sur ce
point et avons précisément cherché à indiquer, au cours des
pages qui précèdent, des procédés de bombardement qui puis
sent être considérés comme le mode de travail normal d’une
armée à nombreux effectifs. Ce n’est certainement pas le cas
d’un procédé conservé sans changement depuis 1918, et qui
valait alors aux exécutants 40 % de pertes mensuelles.
Mais il se trouvera toujours des individualistes qui préfé
reront aux mesures précises et aux réglages méthodiques d’un
chef d’escadrille travaillant en vol horizontal ou en piqué à
haute ou moyenne altitude, des opérations qui fassent davan
tage appel à leurs qualités personnelles. Il serait dommage de
fermer tout débouché à ce genre d’activité; le lancement en
vol rasant leur en fournira d’excellents.
C. ROUGERON.

1111 II 11 IIII Mil II1111IIIIIIIIIII111111IIIIIII111IIIIIIII11111IIII111II111IIIIIII111Ull II11 Hi I II II I II 11 II II I II II IIIIIIIIII llllllllillllll


Notes et souvenirs
sur la
création de V Aviation militaire française 111

Par le Lieutenant-Colonel BELLENGER,


Ancien commandant de l’Aéronautique de la 6e Armée.

V.

A TRAVERS LES ÉCOLES.


(1 er avril-15 juin 1910.)

Je ne prolongeai pas la permission, dont je jouissais' en


famille, au delà de la publication par les journaux des comptes
rendus concernant l’interpellation de M. Reymond. Il me tar
dait d’apprendre à Paris comment allait s’organiser l’aviation
militaire.
D’autre part, tenant l’aviation comme un exer
mes parents,
cice des plus dangereux et sachant ma volonté d’y persévérer,
me considéraient avec un attendrissement touchant, mais qui
me gênait beaucoup : c’est un sentiment que comprendront
aisément tous les poilus, objets de sentiments analogues au
cours
de leurs permissions de 1914 à 1918.
A Vincennes, le colonel Estienne, fort contrarié par les
résultats de l’interpellation, ne désespérait pas cependant d’ob
tenir une organisation indépendante du Génie.
Ne disposant d’aucun appareil Blériot pour mon entraîne
ment, il me proposa de me charger des essais de l’appareil

(9 Voir les numéros de février, mai, juin, juillet et août de la Revue de


«
l’Armée de l’Air ».

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiii
R. A. A. — N” 86. 5
L...-G.... On a pu voir, dans les pages qui précèdent, mon
peu d’attrait pour cet appareil, dont la complication m’effrayait.
J’ai toujours constaté qu’une certaine sobriété de lignes, une
certaine simplicité de formes étaient la marque d’une bonne
convenance entre le but poursuivi et les moyens employés pour
le réaliser; ce n’est pas seulement un sens artistique qui est
contrarié chez moi par les instruments compliqués, mais une
conviction profonde que la complication d’une solution dénote
le manque de mise au point. Tout problème se réduit à un
certain nombre de facteurs essentiels dont la mise en évidence
dégagera les grandes lignes de la solution correspondante et,
réciproquement, le seul aspect de la solution doit rendre mani
festes les données principales du problème : le fouillis me
répugne. Or, malgré toute mon amitié pour L...-G... je dois
à la vérité (amicus Plato, magis arnica veritas) de dire que son
engin me donnait l’impression d’un amas invraisemblable d’or
ganes hétéroclites.
A cela, ma récente expérience ajoutait cette considération
que tout avion était exposé à des chutes, et qu’en pareil cas,
la sécurité du pilote était d’autant mieux assurée qu’il pouvait
se dégager rapidement : or, sur le L. .-G. le pilote se trou
. . .
vait au centre d’un réseau de fils dont les barbelés les plus
embrouillés du front ne donneraient qu’une image imparfaite
à mes camarades anciens combattants.
Cependant, je ne voulais pas mécontenter le colonel Estienne
par un refus. Je laissai passer quelques jours, me bornant à
examiner l’engin de tous côtés sans essayer d’y prendre place.
Le colonel s’aperçut de mon peu d’empressement pour l’avion
L.. .-G..., m’en parla, et, sur ma réponse, m’envoya à Mour
melon, à l’Ecole Antoinette, avec la mission d’apprendre la con
duite de ce monoplan, alors grand favori du public, et de lui
dire pourquoi l’instruction de mes deux camarades, Jost et
Clavenad n’avançait pas plus vite.
L’aviation civile utilisait, à cette époque, la partie du Camp
de Châlons formant l’ancien champ de courses du 2 e Empire,
entre la voie romaine, la route de Mourmelon à Bouy, la
lisière du Camp et une crête à peu près perpendiculaire à cette
dernière. Farman avait, le premier, installé ses hangars, puis
ses ateliers en bordure du Camp, le long de la route de Bouy.

MIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII I IIIIIIIHHIIIII
Les autres écoles s’étaient ensuite échelonnées le long de la
lisière du Camp, l’école Antoinette, la dernière, sur la crête
limitant au Sud-Est le terrain des vols.
Le colonel Estienne avait détaché quatre officiers chez Far-
man : les capitaines Madiot et Marconnet, les lieutenants Sido
et Féquant.
Tous quatre commençaient à voler et, comme à Pau, les offi
ciers les plus jeunes étaient aussi ceux qui réussissaient le
mieux : Féquant était très proche du brevet, Sido le suivait
de près. Le capitaine Madiot joignait à la supériorité de l’âge
et de l’ancienneté l’expérience de l’air résultant de ses longues
années de cerf-volantiste ; très modeste et dénué d’ambition,
il se bornait à donner à l’occasion quelques conseils techniques
à ses compagnons d’école sans prétendre réglementer leur ins
truction. Camermann, du Génie, déjà breveté, se réunissait sou
vent aux officiers venus de Vincennes et faisait autorité dans
les questions pratiques.
A l’école Antoinette,
les deux lieutenants de chasseurs à pied,
Jost et Clavenad, bien que jeunes et sportifs tous deux,
n’avançaient pas et ce retard paraissait anormal au colonel
Estienne.
L’appareil Antoinette, créé par le capitaine Ferber, était un
superbe appareil dont l’aspect se rapprochait sur bien des points
des formes actuelles. Son fuselage lisse de bois contreplaqué
en forme de carène formant corps avec le moteur placé à
l’avant, ses ailes épaisses et sans presque de haubans, son train
d’atterrissage de volume réduit lui composaient une silhouette
très pure, très agréable à l’œil. Bien que le plus lourd des
appareils de 1909, il était en même temps le plus rapide avec
une puissance relativement peu considérable, résultat dû à la
suppression des résistances passives du haubannage habituel
et au tracé de la coque.
Avec toutes ces qualités, V Antoinette avait cependant quel
ques défauts : d’abord, la dispersion des masses sur une assez
grande longueur (dispersion qui me frappa tout particulière
ment après mes débuts sur Blériot, où les masses étaient au
contraire très concentrées) lui donnait du ballant, et les gou
vernails, de surface restreinte, n’agissant que lentement, le
pilote avait l’impression désagréable d’un décalage appréciable

imilllllllllllllllllIlllllllllllllllIlllllllllllllllIlllllllllllIIIIIIIIllllISSIIIIIIIIIIIIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1028 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
entre l’instant où il agissait sur les commandes et celui où
l’appareil commençait d’obéir; ceci amenait généralement le
pilote à augmenter son action sur les commandes. Mais l’ap
pareil venait-il à obéir, le pilote réussissait difficilement à limiter
juste à point son mouvement, de telle sorte qu’un débutant
passait généralement son temps à osciller autour de la bonne
position, la dépassant alternativement dans chaque sens malgré
lui : le tout entraînait naturellement des accidents matériels,
et les réparations étaient longues et onéreuses.
Un deuxième inconvénient, dont les pilotes et les élèves de
la maison n’avaient guère conscience, tenait au fait que les
commandes étaient disposées en sens inverse du sens habituel
sur les autres appareils.
Cette inversion des commandes résultait d’un désaccord ini
tial entre le capitaine Ferber et Charles Voisin sur ce sujet.
Voici comment Ferber lui-même me l’a exposé :

« Lorsque le planeur s’incline dans un sens, mon corps a tendance


à s’incliner dans le même sens, et je cherche instinctivement un appui
sur quelque chose pour ne pas tomber de ce côté : c’est ce réflexe
naturel qu’il faut exploiter en actionnant par cet appui une commande
qui redresse l'appareil. Ainsi, si l’appareil pique du nez, je m’appuie
sur un objet que je pousse en avant; il faut donc qu’en poussant la
commande de profondeur en avant, je relève l’appareil. »

Voisin raisonnait autrement :

Quand je veux faire cabrer un cheval, je tire sur les rênes; de


«
même, pour faire monter un aéroplane, je dois tirer sur la com
mande »;

c’est le mouvement inverse.


Il est fort possible que le raisonnement de Ferber provienne
de sa pratique prolongée du planeur, antérieure au vol avec
moteur. Sur le planeur — la chute étant due à l’effet de la
pesanteur mal équilibrée par l’appui sur l’air — il était normal
que le corps du pilote, soumis à la pesanteur sans grande résis
tance de l’air, précédât l’engin dans son mouvement : le prin
cipe du pendule, comme disait Ferber de ses commandes, était
logique. Sur l'aéroplane à moteur, que la chute fût due à une
action mal orientée du moteur ou à une perturbation atmo
sphérique, elle provenait d’une cause agissant beaucoup plus
sur l’avion que sur le corps du pilote; celui-ci devait donc
iiiiiiiiiimiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiihiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii/
suivre et non précéder le mouvement. Ainsi, la disposition
logique pour le planeur cessait de l’être pour l’avion....
Toujours est-il que vers 1906-1907 les commandes des avions
destinés à être montés par Ferber étaient installées d’une façon,
et celles des avions destinés à Voisin de façon opposée.
Les premiers succès français en avion ayant été remportés
par Voisin, puis par H. Farman sur appareil Voisin, et Wright
ayant monté ses commandes d’après le même système que
Voisin, c’est celui-ci qui fut adopté par l’ensemble des cons
tructeurs, Ferber avec Antoinette restant seul de son côté.
Ferber se rendait d’ailleurs très nettement compte des incon
vénients de 'cette inversion des mouvements qui gênerait les
aviateurs pour piloter simultanément des appareils différents
à commandes inverses; il avait attiré là-dessus l’attention, sans
cependant se rallier au système le plus répandu.
A côté de ces inconvénients, V Antoinette présentait en 1909-
1910 une stabilité remarquable, due à la bonne disposition de
ses surfaces, au V transversal formé par les ailes, au V longi
tudinal marqué de l’ensemble des ailes avec l’empennage, enfin
au décalage vers l’arrière du centre de résistance par rapport
au point d’application de la réaction de l’air sous les ailes.
J’ai vu personnellement l’appareil exécuter des rétablissements
d’équilibre étonnants après une faute du pilote. Ainsi, un jour,
un élève se trompant sur le sens de la commande de profondeur,
cabra l’appareil à fond; je vis 'celui-ci, après avoir perdu toute
sa vitesse dans ce mouvement, glisser sur la queue, en sens
contraire du mouvement habituel, puis la résistance de l’air sous
les empennages relever la queue de l’avion pendant que l’avant
s’abaissait, enfin le sens du mouvement se renverser à nouveau
et l’appareil repartir en vol plané vers l’avant, le tout de lui-
même, sans intervention du pilote désorienté.
. . .
Au printemps 1910, la maison Antoinette commençait à se
rendre compte que ses élèves avaient plus de difficulté à s’ac
coutumer au jeu de ses commandes que ne paraissaient en
éprouver les élèves d’autres maisons pour des commandes
inverses. Elle avait donc construit un dispositif, « le baquet »,
destiné à « former les réflexes » de ses élèves. Un élément de
nacelle avec siège et commandes était installé sur une sorte
de pivot susceptible de s’incliner en tous sens; l’élève y pre-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiint
i o3o REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
nait place, l’instructeur l’inclinait d’un côté quelconque et
l’élève devait revenir à la verticale en agissant sur les com
mandes. Peut-être me serais-je prêté à ce jeu en janvier, avant
d’avoir appris à piloter. Mais dès que la maison Antoinette
m’y fit exercer en avril, je me rendis immédiatement compte
que les mouvements ainsi provoqués artificiellement par un
instructeur n’avaient rien à voir, compte tenu de l’inversion des
commandes, avec ceux que je venais de pratiquer sur Blériot.
Mon impression très nette
— et cet essai chez Antoinette con
tribua grandement à me donner l’habitude d’analyser mes sen
sations — fût, qu’en l’air, je manœuvrais, non pas d’après la
perturbation constatée dans la marche de mon appareil, mais
d’après le sentiment que j’avais de la cause de cette perturba
tion. Je refusai donc de me prêter à un second essai du baquet,
demandant à aller de suite en l’air, et déclarant qu’ayant passé
mon brevet sur Blériot, je n’entendais pas repasser par toute
la série des exercices des débutants.
Le moniteur ^Antoinette n’était autre que Wachter, beau-
frère de M. Levavasseur, directeur de la maison. Wachter,
élève à Pau en février-mars, avait passé son brevet quelques
jours après moi et ne se sentait pas assez d’autorité à mon
égard pour m’imposer ses règles. Il accepta donc de me faire
voler à mon tour parmi les élèves. Les leçons étant données
sur un appareil à deux places, à doubles commandes, Wachter,
pour ma première sortie, m’emmena comme passager, me de
mandant de poser simplement les mains sur les commandes pour
suivre sa propre action sans y opposer aucune résistance. Ce
que je fis. Je constatai immédiatement que les mouvements
étaient exactement inverses de veux auxquels je venais de
m’accoutumer à Pau.
Quelques jours .après
— le tour ne revenant pas fréquem
ment -—- je fis ma deuxième sortie installé au poste de pilote,
Wachter à celui de passager. Je m’étais pénétré à l’avance de
l’inversion des commandes, en sorte que je volai 10 minutes
sans accident, mais au prix d’une telle tension d’esprit que
je me sentais littéralement à bout de forces après ces 10 minutes
de vol.
Un nouvel essai quelques jours après m’ayant conduit au
même résultat, je retournai voir le colonel Estienne à Vincennes.

Hlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
Je ne doutais pas d’arriver à piloter convenablement VAntoi
nette, mais au prix d’une tension d’esprit considérable et de
la destruction des réflexes acquis chez Blériot. Par beau temps,
je me croyais sûr de ne pas me tromper, mais qu’arriverait-il
si j’étais surpris par un fort remous, un « trou d’air », avant
d’être bien confirmé sur Antoinette F En cas d’urgence, seraient-
ce les anciens ou les nouveaux réflexes qui l’emporteraient ?
En outre, VAntoinette seul possédait ces commandes inversées :
en persévérant dans ma tentative, n’allais-je pas, pour conduire
ce seul appareil, m’interdire tous les autres ?
Le colonel Estienne comprit aussitôt le danger de la tentative
et ses inconvénients pour un officier qu’il désirait voir piloter
indifféremment des modèles variés. Il me dit de quitter Antoi
nette et d’aller provisoirement chez Farman, où un appareil
venait de lui être livré. Il allait demander à Sommer de me
recevoir à son école, à Douzy, dans les Ardennes, où lui-même
venait d’envoyer deux officiers de cavalerie, les lieutenants
Baugnies et de Gaumont.
so
De retour à Mourmelon le 15 avril au soir, je trouvai l’école
H. Farman à peu près anéantie par un violent cyclone survenu
le jour même. Les avions gisaient écrasés sous les hangars
Bessonneau aplatis par l’ouragan. Les tôles ondulées qui cou
vraient les ateliers jonchaient le sol sur environ 2km dans la
direction de l’Est-Nord-Est.
Les voisins étaient également fort malmenés. Antoinette,
presque seul, avait échappé au désastre, en raison de sa situa
tion à l’extrémité Est de la ligne des hangars.
Ne pouvant faire autre chose, je m’appliquai à relever toutes
les indications que je pus trouver sur les circonstances et les
conditions où s’était produit le cyclone, et à les rapprocher de
ce que je savais déjà par ailleurs.
Il faut ici que j’ouvre une parenthèse sur les idées qu’un
homme peut concevoir à propos des remous, à la suite d’exer
cices de navigation en baquet pratiqués vingt ans plus tôt.
Je passais, dans mon enfance, mes vacances chez mes parents,
dans une propriété à demi-entourée par une petite rivière, et,
me sentant une vocation décidée pour la marine, j’avais ima
giné de naviguer en baquet, en baquet rond bien entendu. On

llltllllllllllllllll111llllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllll!llllllllllllllllllllIllllllIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIMI1ll!IIIIIMI
ne saurait croire à quel point cet instrument primitif de navi
gation est sensible aux remous et tourbillons aquatiques. Cet
exercice m’avait donc amené à me rendre un compte approfondi
de leur production, d’abord sur les hauts fonds de la rivière,
puis au passage d’un vannage à plusieurs vannes, séparées par
de fortes poutres de chêne verticales, enfin et surtout au pas
sage du seuil maçonné dont le franchissement après la vanne
était l’apothéose de ma navigation devant les yeux émerveillés
de mon jeune frère. Toute cette science n’avait pas été acquise
sans quelques bains suivis de corrections bien senties, mais il
m’en était resté des notions très précises sur l’écoulement des
fluides.
Or, en prenant à rebours la suite des tôles ondulées jonchant
le sol, je constatai que sa ligne venait de la brèche ouverte
par la Marne dans la falaise de Champagne à hauteur d’Epernay,
et là-dessus me revinrent en mémoire les remous aquatiques
auxquels donnait lieu l’absence d’une pierre descellée dans le
seuil maçonné du Niagara en miniature dont je viens de parler :
trait de lumière.
Les masses d’air franchissant la falaise de Champagne entre
Epernay et Vertus, s’abaissent, à partir de cette ligne, suivant
un plan doucement incliné, tandis que les masses voisines au Nord
continuent quelque temps leur course vers le Nord au-dessus
de la Montagne de Reims. Il en résulte que sur le revers Est
de la Montagne de Reims, le courant général du Sud-Ouest au
Nord-Est se trouve à une certaine altitude, et que, sous lui, se
glisse un contre-courant longeant la montagne jusqu’à son sail
lant vers Billy-le-Grand. Au voisinage de ce point, le contre-
courant se heurte à la partie Sud du courant principal qui,
depuis la crête d’Epernay à Vertus, s’est sensiblement abaissé.
D’où, dans la région de Billy, production de tourbillons que le
courant principal entraîne vers le Nord-Est au-dessus des
plaines.
Tant que ces plaines s’abaissent, les tourbillons passent au-
dessus inaperçus et inoffensifs. Ils franchissent ainsi la Vesle.
Mais, au delà, le sol se relève, et le mouvement giratoire des
tourbillons les empêche de se conformer complètement au mou
vement général de l’air qui les entraîne et de remonter avec
lui. Les tourbillons balaient donc ces pentes remontantes et y
manifestent leurs effets destructeurs.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1033

Schéma de la formation des cyclones dans les environs du Camp de Châlons


et situation de la zone dévastée le 15 avril 1910.

C’est ce qui s’était passé le 15 avril au Camp de Châlons.


J’ai, depuis lors, constaté des faits analogues sous le vent de
chaque trouée de la falaise de Champagne (Vertus, Epernay,
Reims, Berry-au-Bac).
Dans le cas dont je parle, il y avait eu mort d’hommes :
ouvriers charpentiers en fer projetés au sol du haut des fermes
d’un hangar en construction pour dirigeables, conducteur de
charrette de fourrage écrasé par sa voiture, alors qu’il s’abri
tait du vent par elle, etc.
1034 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Les hangars détruits n’étaient pas encore remplacés lorsque
m’arriva un ordre du colonel Estienne m’envoyant à Douzy.
Baugnies et de Gaumont m’y firent excellent accueil, mais
Sommer, malgré son accord avec le colonel Estienne, se montra
beaucoup moins empressé ! La raison, que je ne saisis pas tout
de suite, en était dans le doute existant pour lui sur les véri
tables raisons qui m’amenaient à changer d’école.
Officier, entré dans l’aviation en vue des applications mili
taires que j’en attendais, l’idée de courir les meetings après
avoir passé mon brevet sur Blériot, ne m’était même pas venue.
J’aurais cru commettre une indélicatesse si, après une instruc
tion faite aux frais de l’Etat, j’avais utilisé cette instruction
à des fins personnelles et enlevé des prix fondés pour eux à
des pilotes civils faisant leur instruction à leurs frais. Mais
Sommer raisonnait autrement. Il ne pensait pas qu’un pilote
pût avoir appris l’aviation dans un but autre que l’intérêt per
sonnel, et si, mon brevet passé sur Blériot, je n’avais pas été
courir les meetings et gagner des prix sur appareil fourni par
Blériot, ce ne pouvait être, dans sa pensée, qu’en raison d’une
médiocrité bien constatée dans le pilotage : c’était que Blériot
n’avait voulu ni me garder, ni me fournir un appareil. Aussi
lui-même, peu enclin à se contenter des restes des autres, oppo
sait-il la force d’inertie à toutes mes démarches pour voler, en
même temps qu’il multipliait démarches et promesses d’argent
pour s’assurer le concours de pilotes auxquels je me sentais
nettement supérieur.
J’ai eu depuis d’autres occasions de vérifier à quelles fausses
interprétations pouvait parfois prêter le désintéressement d’un
officier de la part d’industriels habitués à chercher partout des
mobiles intéressés. Et c’est à la suite de constatations de cet
ordre que je voulus, l’hiver suivant, avant de me consacrer aux
applications purement militaires de l’aviation, effectuer le pre
mier le parcours Paris-Pau dans les conditions fixées pour la
coupe. J’avais annoncé mes intentions, mais sans m’inscrire
pour le prix. Je pensais prouver ainsi à la fois ma capacité à
me classer avant des pilotes civils (en l’espèce, avant Védrines)
et ma ferme intention de ne voir dans l’aviation que son intérêt
militaire à l’exclusion de tout profit personnel. Je dois ajouter
que cette leçon n’a pas servi à grand chose.

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllltlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
Pour revenir à l’école Sommer, le temps passait, mes cama
rades Baugnies et de Gaumont prenaient des leçons et faisaient
des progrès, mais Sommer avait toujours d’excellentes raisons
pour ajourner ma première sortie : tantôt, il réservait son
appareil pour un vol sensationnel qu’il se proposait d’entre
prendre, tantôt il y avait dans le contrat relatif à ma personne
un point sur lequel il n’était pas d’accord avec le colonel
Estienne, etc. Les jours s’écoulaient.
. . .
Enfin, je parvins un soir à m’installer sur l’appareil d’école
d’où descendait Baugnies et à décoller en l’absence de Sommer.
Je fis ainsi une boucle de quelques kilomètres sur les prairies
de la Meuse et revins atterrir sans accident. Mais Sommer était
revenu en toute hâte en me voyant voler et m’attribua un léger
ébréchage de l’hélice qui aurait, selon lui, heurté une borne
cachée dans l’herbe au départ ou à l’atterrissage. En toute
franchise, je ne me crois pas responsable de ce mince incident.
Il servit néanmoins de prétexte à Sommer pour demander le
départ d’un élève coupable d’avoir volé sans sa permission, et
d’avoir, en volant, avarié une hélice.
Comme j’étais moi-même las de rester à Douzy sans voler,
je retournai volontiers à Mourmelon.

--
Les ateliers et hangars de H. Farman s’y trouvaient com
plètement rétablis, remis à neuf et améliorés par rapport à
l’installation antérieure, réalisée sans plan d’ensemble, suivant
les circonstances et les besoins.
Féquant avait passé les épreuves du brevet le 25 avril, Sido
le 29, Marconnet était en bonne voie, et toute une fournée de
jeunes officiers recevait depuis le 26 avril les leçons de Camer-
mann. Enfin Acquaviva, après obtention de son brevet à Pau,
était également venu s’installer au Camp avec le Blériot mono
place acheté par Chalais-Meudon, mais cet appareil, propriété
du Génie, continuait d’être interdit à l’artilleur que je restais.
Le nombre des élèves civils s’était, lui aussi, augmenté. Et
cette augmentation n’allait pas sans créer quelques difficultés
pour lesquelles je dus, dès mon arrivée, jouer un rôle de conci
liateur.
Les premiers aviateurs, ne pouvant assumer les frais des

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1036 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
vastes terrains dégagés et aplanis que nécessitaient leurs essais,
avaient naturellement recouru aux terrains militaires. L’armée
aurait eu mauvaise grâce à s’y refuser. Et d’ailleurs, dans ces
débuts, les aviateurs étaient si peu nombreux, les conditions
atmosphériques propices aux vols si rarement réalisées, que
l'utilisation des champs de manœuvre par l’aviation ne gênait
guère l’instruction des troupes.
Au printemps de 1910, les aviateurs devenaient si nombreux
sur les terrains ainsi prêtés qu’ils s’y gênaient mutuellement,
et que les constructeurs commençaient à organiser pour leurs
élèves des écoles particulières sur terrains loués ou achetés par
eux : inutile de préciser que le champs de manœuvres d'Issy-
les-Moulineaux et la partie du Camp de Châlons affectée à
l’aviation se trouvaient, en fait, interdits aux troupes à toute
heure.
Les autorités intéressées s’étaient résignées à cette déposses
sion, mais au Camp de Châlons, les choses menaçaient d’aller
plus loin. Alors qu’à Issy, la vue des constructions environ
nantes n’incitait nullement les aviateurs à franchir les limites,
au Camp, la vue des vastes terrains nus réservés aux tirs était
une tentation perpétuelle; les tirs ayant lieu de 6 h du matin
à 15 h le spectacle des éclatements d’obus suffisait à peu près à
,
libérer le terrain entre ces heures, mais il arrivait qu’un avion
s’attardât le matin et que l’ouverture des tirs fût retardée de
ce fait; il arrivait aussi, le soir, que le personnel chargé de
relever les cibles du matin et d’installer celles du lendemain
restât le nez en l’air à contempler les évolutions d’un avion
sorti de la zone réservée. Si le commandant du Camp lais
...
sait faire, le Camp allait bientôt devenir inutilisable pour
l’instruction des troupes.
. . .

De même, les' charmes de la résidence n’attirant personne


dans la région de Mourmelon en dehors de nécessités profes
sionnelles, force avait été aux premiers candidats au brevet de
pilote de s’adresser à des officiers pour organiser le contrôle
de leurs épreuves. L’autorité militaire s’était volontiers prêtée
à ces séances de contrôle tant que la rareté des candidats en
avait fait une distraction exceptionnelle. Au printemps 1910, ce
contrôle devenait un service presque quotidien qui gênait l’ins
truction des troupes en prélevant des officiers.

IIIII1IIII1IIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIII
Enfin, le développement d’une véritable cité aéronautique à
la lisière sud du Camp comportait de sérieux inconvénients
pour la police du Camp. De nombreux mécaniciens se mêlaient
chaque soir à la foule militaire qui emplissait les cafés et autres
lieux de plaisir, et ces mécanos donnaient l’exemple d’une indo
cilité fâcheuse vis-à-vis des consignes du Camp et de ceux qui
avaient charge d’en imposer le respect. Des éléments suspects
se glissaient parmi ces mécanciens, se mêlaient au personnel
chargé des essais de mitrailleuses nouvelles, de procédés de tir
à l'étude, etc. Le secret devenait difficile à assurer pour toutes
les études militaires poursuivies au Camp.
Cette situation, qui s’aggravait de plus en plus, causait de
graves soucis au général Mouret, commandant d’armes du
Camp. Me connaissant de longue date, il m’en avait déjà entre
tenu à mon premier séjour au Camp, en avril. Et je m’étais
alors employé à faire comprendre aux aviateurs qu’un champ
de tir ne devait pas être considéré comme disponible pour y
voler à quelques mètres du sol, du fait que seuls y étaient
visibles des panneaux destinés à servir de cibles. Je m’étais de
même chargé — le mot «chargé» n’est nullement exagéré —
d’organiser le contrôle des épreuves, avec l’aide de mes cama
rades aviateurs. Et ainsi s’étaient atténués deux des principaux
griefs du commandant d’armes.
En mai 1910, la question de police était la plus préoccupante,
les étrangers foisonnaient au Camp ; la liste des brevets de
pilote délivrés en 1910 par l’Aéro-Club en mentionne 82 dont
27 Russes, 19 Anglais, 7 Hollandais, 4 Américains, 4 Allemands,
3 Italiens, 3 Péruviens, 2 Polonais, 2 Suisses, et un représentant
de chacun des pays suivants : Brésil, Belgique, Suède, Alsace,
Luxembourg, Roumanie, Turquie, Chili, Uruguay, Australie,
Japon. Les candidats-pilotes étrangers étaient rarement seuls
et séjournaient plusieurs mois dans nos écoles, dont celle du
Camp était la principale. Ces étrangers demandaient, comme les
autres élèves, des officiers pour le contrôle de leurs épreuves,
parfois sur le même ton que si la garnison avait été à leurs
ordres.
Là-dessus, j’était d’accord avec le général Mouret que s’il y
avait un intérêt patriotique à favoriser le dévelopement d’une
aviation civile française, il n’y en avait aucun, bien au con-

tllllllltllll•l||||||||||||||l|||||IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIM1050000069
1038 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
traire, à nous mettre à la disposition d’étrangers, parfois d’of
ficiers de réserve allemands, pour faciliter leur instruction si
:
la France devait leur être hospitalière, ce n’était pas dans un
Camp militaire d’instruction. Je négociai donc un accord entre
le général et l’Aéro-Club : celui-ci prévint les milieux aéronau
tiques que le recours à des officiers pour le contrôle des épreuves
de vol serait désormais subordonné à une demande déposée
48 heures à l’avance et accompagnée de pièces d’identité éta
blissant la nationalité française; les étrangers devraient pré
senter une autorisation spéciale du Ministère de la Guerre.
. . .
Je ne crois pas que cette autorisation ait jamais été deman
dée.... Les étrangers allèrent faire leur instruction dans
d’autres centres.
Enfin des agents de la Sûreté furent engagés dans le person
nel mécanicien de certaines maisons pour surveiller la popu
lation assez interlope de la cité aéronautique et tout ce qui gra
vitait autour d’elle. On aboutit ainsi à déceler et à éliminer cer
tains éléments, parmi lesquels une femme dite « la belle Lison
»,
déjà connue fâcheusement par un procès d’espionnage à Toulon.

Lieutenant-Colonel BELLENGER
(A suivre.}

IIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIII»

INFORMATION GÉNÉRALE

Le navire porte-avions à plate-forme d’atterrissage.


Le lieutenant de vaisseau Barjot a présenté à Y Association Technique
Maritime et Aéronautique en juin dernier une étude fort complète sur
le navire porte-avions.

Les avions embarqués.


Leurs caractéristiques sont : faible encombrement, tonnage réduit,
autonomie faible, aptitude au combat.
L’analyse des missions, à laquelle l’auteur s’est livré dans un
article publié ici-même, permet de conclure à une unification de
types en trois catégories :
— chasse monoplace et bombardement en piqué;
— surveillance-torpillage en triplace;
—-
surveillance-combat aérien en biplace.
Les deux premières conviendraient à des opérations atlantiques;
la première et la seconde catégorie seraient choisies pour les mers
étroites; les deux dernières catégories pour les mers lointaines.
La plate-forme.
La plate-forme nuit à l’utilisation de l’artillerie du navire, et elle
accroît considérablement sa vulnérabilité; d’où tendance observée
à réduire le tonnage des porte-avions.
Mais on est limité par la nécessité d’une longueur de roulement qui,
avec les avions rapides en perspective, doit avoisiner 200m. La largeur
du pont est également très importante.
Quant au nombre d’avions à emporter, il est déterminé par les
délais d’ « appontage », c’est-à-dire par le temps minimum entre
deux atterrissages successifs sur le pont.
La vitesse.
Le sillage aérodynamique, cause sérieuse de danger pour l’appon
tage, détermine la limite pratique de la vitesse du porte-avion à
environ 25 nœuds.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1040 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Tendances de construction.
Plusieurs types de porte-avions ont été envisagés :
— le transporteur, genre « Saratoga », pour opérations océaniques;
— le porte-avions d’escadre de ligne, doué d’une vitesse compa
rable à celle des cuirassés. Type : le « Béarn »;
— le porte-avions d’éclairage, croiseur d’environ 7000 tonnes,
filant 35 nœuds, destiné surtout aux opérations océaniques;
— le croiseur porte-avions. Ce serait une fusion non encore réalisée,
comportant une artillerie appréciable et un nombre restreint d’avions
légers. L’Allemagne a actuellement en construction un navire analogue
de 18 500 tonnes, armé de 25 avions seulement, mais de 4 tourelles
doubles de 150, et 6 pièces antiaériennes de même calibre;
•— enfin
le porte-avions d’escorte pour la protection des convois.

Un programme de construction française.


Le lieutenant de vaisseau Barjot envisage la construction en France :
— du porte-avions d’escorte, 8500 tonnes, 28 nœuds, 12 biplaces
de reconnaissance et de combat, 6 autogires anti sous-marins;
— du porte-avions croiseur, 12 000 tonnes, 32 nœuds, 20 mono
places de chasse et de bombardement en piqué (ou 10 de chasse
et 10 biplaces de combat et de reconnaissance), 20 triplaces de surveil
lance-torpillage, quelques avions de servitude et autogires.
Conclusion.
Et voici textuellement la conception générale de l’auteur sur le
sujet du navire porte-avions :
« Le porte-avions à plate-forme est un navire de surface dont
l’armement principal est constitué par des avions.
» Notre définition s’éloigne de la conception du porte-avions,
aérodrome flottant, sorte de bâtiment auxiliaire d’une flotte. Nous
croyons, au contraire, que nous assistons à l’apparition d’une nou
veauté fondamentale dans les conditions de la guerre navale,
nouveauté qui n’a d’égale dans l’histoire que l’introduction de
l’artillerie sur les vaisseaux de mer au temps des Tudors et de l’Invin
cible Armada. Notre époque voit naître le navire armé d’avions,
comme le xvi e siècle a vu naître le navire armé de canons. C’est
pourquoi on peut prévoir que, comme le vaisseau armé de canons,
le bâtiment armé d’avions se différenciera suivant plusieurs types (1)
» Au large, une force navale de surface tend aujourd’hui à devenir

un ensemble homogène de navires armés de canons et de navires armés


d’avions.
» Au lieu d’être un bâtiment lent, démesuré et vulnérable, poids

(1) Lt-Cr FORREST-SHERMAN, Some aspects of carrier and croiser design


(U. S. Naval Institute Proceedings, novembre 1980, p. 997)

iiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1041

lourd à traîner pour une flotte, le navire armé d’avions doit être,
au contraire, un bâtiment léger rapide, dont les armes, intelligentes
et extrêmement mobiles, devanceront et compléteront l’action du
canon. Ensemble homogène où — paradoxalement — l’élément
offensif sera surtout représenté par le navire armé d’avions et l’élément
résistant par le navire armé de canons. On vérifie ici, une fois de
plus, que le navire armé de canons, bâtiment protégé, reste l’armature
des forces navales.
»La France, dont le vaste empire colonial demande une marine
de caractère océanique, doit, prévoyante, se tourner avec intérêt
vers le croiseur porte-avions ou le porte-avions d’escorte, c’est-à-
dire vers le navire porte-avions de déplacement minimum. La réali
sation d’un tel bâtiment est directement liée aux progrès de l’aéro
dynamique.
» Sans doute, il manque au navire porte-avions à plate-forme d’avoir
été consacré par l’expérience de la guerre. Aussi, la pure « méthode
historique » ignore-t-elle ce nouveau venu qui n’a jamais fait parler
de lui ou presque. La seule opération de guerre à laquelle prit part
un porte-avions à plate-forme date de la fin de la guerre. Ce fut,
le 17 juillet 1918, une attaque côtière, le bombardement des hangars
à Zeppelins de Tondern (Schleswig) par 7 « Carnets » de chasse partis
du « Furious ».
» Un porte-avions aurait peut-être changé complètement l’histoire
de Coronel ou celle des Falkland. Combien de bâtiments armés
de canons, sur les quelque dix croiseurs et croiseurs-cuirassés qui
furent lancés à la poursuite de l‘« Emden » ou qui furent fixés » par sa «

seule présence dans l’Océan Indien, un porte-avions n’aurait-il pas


économisés ?

»Dans l’Océan, l’avenir est ouvert devant le navire porte-avions.


Tant que l’autonomie de l’aéronef plus lourd que l’air ne sera pas du
même ordre de grandeur que celle du navire de surface, le bâtiment
porte-avions aura sa raison d’être. Tant que l’avion de combat
aérien conservera ses caractéristiques actuelles, le [navire armé
d’avions de chasse restera le facteur fondamental de la maîtrise
aérienne de la mer. C’est parce qu’il intègre le mieux possible au
large l’action aérienne et l’action de surface, que l’actuel porte-avions
à plate-forme, bâtiment encore imparfait, mais perfectible, peut être
considéré avec raison, suivant le mot du défunt amiral américain
Moffet, comme un avant-coureur du bâtiment de guerre de l’avenir.»
«
Il faut souhaiter que cette esquisse de bâtiments nouveaux,
concrétisant l’effort de conjuguer les autonomies disproportionnées
de l’avion et du navire, fasse l’objet, en attendant les réalisations
coûteuses, d’études nouvelles montrant comment ces porte-avions
dont on voit bien l’admirable potentiel offensif, parviendront à
éviter les coups ou à les encaisser sans trop de mal.
Jusqu’à présent, l’association navire-avion n’a produit que des

(iiiHiiiiiaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiii
R. A. A. — No 86. 6
1042 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.
hybrides dont on sent qu’ils ne satisfont pas leurs auteurs, encombrés
par les sujétions d’atterrissage, malgré les sacrifices consentis sur
les charges utiles. P. E.

Augmentation des effectifs de pilotes de l’Air Corps.


Le Président Roosevelt a approuvé une augmentation des forces
aériennes réalisée par l’engagement dans l’active, pour une durée
de cinq ans, de 1350 officiers pilotes de réserve. Cette augmentation
aura pour effet de doubler à peu près l’effectif des pilotes de l’Air
Corps (Aviation de l’armée de terre). D’après le bill présenté, à cet
effet, au Sénat par le sénateur démocrate Harris Sheppard, et
approuvé par le secrétaire d’État à la Guerre Georges H. Dern,
chacun de ces officiers recevra à sa libération un bonus de 550 dollars.
Avec le régime
encore en vigueur,
la loi prévoit un
effectif de 1650
officiers pilotes de
l’active et de 500
pilotes de réserve.
Mais en pratique
les effectifs sont de
1388 pilotes de
l’active et de 300
Aspect latéral du plus récent bimoteur de bombar
réservistes. Ceux-
dement GLENN L. Martin. ci n'effectuent
qu’une ou deux
années de service après avoir obtenu leurs brevets de pilotes. Dans
sa lettre au speaker du Congrès le secrétaire d’État indique que l’Air
Corps perd ces pilotes au moment où leur degré d’entraînement les
rend utilisables pour les manœuvres de guerre.
M. Dern indique que l’augmentation des effectifs de l’Air Corps
est nécessaire pour le service des 1800 avions qui constitueront prochai
nement l’effectif des forces aériennes.
M. Dern ajoute, en effet, que : « la tendance est de plus en plus
en faveur de l’adoption de très gros avions de bombardement. Ce
type deviendra le type prédominant dans l’Air Force du Grand

Autre aspect de l’appareil ci-dessus, plus important que le Martin B. 10 initial.

111111111111111111 un 111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
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REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1043

Aspect en vol, volets d’intrados abaissés, du quadrimoteur de bombardement


Boeing 299.
Treize exemplaires de cet appareil, dont le prototype avait été détruit, sont
actuellement en construction.

Quartier Général, et le personnel nécessaire pour le pilotage de ces


avions augmentera graduellement en nombre ».
Prix de l'entraînement des pilotes militaires. — M. Dern indique
que l’entraînement d’un « flying cadet » jusqu’au brevet militaire,
coûte 330 oooIr Ensuite, pour entraîner ce pilote pendant ses deux
années de service militaire, l’État dépense encore 400 ooo fr Le coût
.

moyen annuel d’entraînement est donc de 200 ooo tr. Si le même


.

pilote est maintenu cinq ans sous les drapeaux, le prix moyen annuel
de son entraînement n’est plus que de 110 ooo fr L’économie annuelle
.
ainsi réalisée sur chaque pilote permet de tripler leurs effectifs en
doublant la dépense actuelle.
La législation proposée a été soumise au Bureau du Budget qui
l’a envoyée pour examen au National Emergency Council.

Les nouveaux chasseurs américains.


L’Aviation militaire américaine vient
de prendre l’importante
décision du choix d’un nouveau modèle d’avion de chasse. L’opéra
tion s’est faite rapidement.
Au 15 avril, la Division du Matériel au Wright Field a reçu quatre
prototypes pour essai, provenant des contructeurs suivants : Curtiss,
Vonqht, Seversky et Consolidated Aircraft C°.
Le choix s’est porté en premier lieu sur l’avion Seversky, dont une
première série de 77 appareils vient d’être commandée.
Il s’agit d’un monoplan à aile basse, à train rentrant, carlingue
fermée. Le moteur est le nouveau Pratt and Whitney, refroidi par l’air,
radial, à deux rangées de cylindres. Hélice à pas contrôlable manuelle-
ment en vol.
Essais de bombes éclairantes.
D’importants essais de bombes éclairantes ont eu lieu récemment
près de la base de Hamilton Field en Californie. Il s’agissait d’expé-

lllllllllilllllllllllllllHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIÜIIIllllllHlllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHlllllllllllllliilllliliilli
1044 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
rimenter un nouveau modèle de bombes éclairantes, construites
comme des bombes ordinaires avec empennage et fusée à temps,
attachées à un parachute. D’une puissance de million de bougies, 1

ces bombes s’allument à une altitude réglable.


La manœuvre était ainsi conduite : un avion d’observation lançait,
sur la région présumée d’un objectif, une petite bombe éclairante
d’atterrissage à une altitude d’environ 8oo m , pour attirer l’attention
de bombardiers volant à quelque 3okm de là à une altitude de 4000
ou 5000m. Les bombardiers arrivaient et l’un d’eux lançait la nouvelle
bombe réglée pour s’allumer à 1000m de hauteur, tandis que trois
ou quatre autres profitaient de l’éclairement ainsi produit pour
rechercher et même viser les objectifs.
Le but de ces essais était de déterminer les positions à adopter
pour faciliter la visibilité. Des résultats très intéressants auraient été
obtenus.

Synthèse du Major général Fuller sur la guerre italo-éthiopienne.


Le major général Fuller, personnalité éminente des milieux mili
taires britanniques, a suivi les opérations comme correspondant du
k
Daily Mail». Dans le n° 96 de «Army Ordnance » est publié un chapitre
fort intéressant sur le livre que le général doit prochainement faire
paraître relativement à la guerre en Éthiopie. Nous ne le suivrons
pas dans le récit chronologique des opérations que nos lecteurs connais-
sent maintenant, nous efforçant au contraire de dégager l’opinion
du général Fuller sur la conduite générale des opérations.
c
Contrairement aux prévisions des stratèges en chambre, le Haut
Commandement italien n’a pas pris pour objectif l’occupation du
chemin de fer d’Addis Abéba à Djibouti. Plusieurs motifs peuvent
l’expliquer, en particulier les conditions climatiques extrêmement
pénibles de la traversée de la Dankalie. Mais il y a eu également
le « complexe d’Adoua », cette nécessité morale d’effacer la défaite
d’autrefois sur le lieu même où elle s’était accomplie.
Le général de Bono, chef politique, disposait, en entrant en
campagne, d’une armée de 130 000 hommes qu’il engagea sur un
large front par grandes unités accolées au lieu de former des colonnes
mobiles, moins puissantes, mais aussi plus faciles à faire progresser
et à ravitailler. C’était, dit le général Fuller, montrer la force en
espérant ne pas avoir à s’en servir.
Mais, inévitablement, la progression ainsi organisée rendait de
plus en plus difficile le ravitaillement, imposait de consacrer à l’éta
blissement des routes un effectif considérable.
Un événement extérieur vint modifier fondamentalement la situa
tion : les sanctions internationales. En même temps qu’elles relevaient
le moral des Éthiopiens et déterminaient la résistance, elles obligeaient

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII IIIIIII IIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllmllllllllllllllllllllllllllUlllllllllllll


l’Italie à attaquer et à aboutir rapidement; ceci explique l’arrivée
d’un professionnel de haute classe, le maréchal Badoglio, et le renfor
cement considérable des troupes du front Nord.
Mais le « complexe d’Adoua » a eu également une influence du
côté éthiopien, où l’on a recherché à battre l’Italie sur le lieu des
combats d’autrefois. Dès lors, à la grande satisfaction de leurs adver
saires, les Éthiopiens ont commis l’erreur capitale de dédaigner la
guérilla et de se hasarder à des opérations de masses auxquelles ni
leur commandement, ni l’absence complète de moyens de ravitail
lement ne les avaient préparés.
Un incident brusqua cette évolution stratégique. Une colonne
éthiopienne infligea à des avant-postes italiens en situation aventurée
un sérieux échec au gué de Mai Timchet. Les Éthiopiens progressèrent
jusqu’aux environs d'Aksoum, pénétrant même en Érythrée, accu
mulant de nombreux effectifs au Nord du Taccazé, et donnant à
ce front de bataille, primitivement à peu près rectiligne, une forme
de saillant propice à la manœuvre.
Loin de vouloir empêcher cette accumulation de forces ennemies,
le maréchal Badoglio, dès sa prise de commandement, prescrivit
de réduire les bombardements aériens des concentrations éthio
piennes, et de développer l’activité des liaisons et reconnaissances.
Cette orientation de l’Aviation n’a pas été toujours bien comprise
surtout en France, où on l’attribuait à une conception fausse
et indigne de l’Aviation, alors qu’il s’agissait d’amener à maturité
les objectifs appropriés au meilleur rendement d’un armement
moderne, terrestre et aérien : c’est de la meilleure action combinée.
Tandis qu’un énorme travail d’équipement du front italien se
réalisait, les ras Kassa et Seyoum, poursuivant leur illusion, bourraient
le Tembien de leurs troupes, ayant l’espoir de couper les communi
cations de Makallé; ce fut notamment l’objet des combats indécis
des 19-22 janvier.
L’occasion attendue par le maréchal Badoglio se présenta, le
11 février, dans l’attaque préventive qu’il fit entreprendre à l’Amba
Aradam à grand renfort d’artillerie. Pour l’emploi de l’Aviation,
l’opération était fort heureusement engagée, car les troupes du ras
Moulougheta, en battant en retraite, durent traverser des défilés
où l’Aviation trouva des objectifs extrêmement sensibles : 174 tonnes
de bombes ainsi lancées transformèrent la retraite éthiopienne en
panique indescriptible; il n’est pas exagéré de dire que l’exploitation
du succès a été le fait exclusif de l’Aviation, qui seule d’ailleurs, en
ce terrain difficile, pouvait la mener à bien.
On sait comment les ras Seyoum et Kassa, attardés imprudemment
dans le Tembien, faillirent être complètement cernés.
Le front étant complètement désagrégé, les opérations prirent
une forme nouvelle par la constitution de colonnes mobiles lancées
à la poursuite des Éthiopiens, avec l’aide de l’Aviation, qui avait
pour mission de les éclairer, de les guider, de les ravitailler, et enfin

IIIIIIIIIII
1046 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
de les flanc-garder par des barrages avec des zones ypéritées dans les
défilés et sur les sommets.
La dernière erreur fut commise par le Négus qui, se mettant à la
tête de sa garde, sauva peut-être l’honneur, mais perdit toute autorité
et ses derniers moyens de résistance en engageant la lutte au lac
Ashangi. Il ne restait plus qu’à marcher sur Addis Abéba aussi rapi
dement que possible, malgré les pluies et les accidents du terrain :
à cette occasion, le Haut Commandement italien fit usage du ravi
taillement aérien à un degré inconnu jusqu’alors.

<
Sur le front de Somalie, les opérations se présentaient très diffé
remment. Disposant de moyens restreints, sous un climat pénible,
à des distances considérables de ses bases, le général Graziani avait
pour objectif la riche région de Harrar, défendue par des troupes assez
bien équipées et commandées, sur un terrain de brousse rendant la
progression et l’observation aérienne très incertaines.
Le général Graziani montait depuis plusieurs mois son opération,
quand il dut faire face à la marche des colonnes éthiopiennes sur Dolo.
Rapidement il concentra les forces nécessaires qui remportèrent
l’éclatant succès de Neghelli, mais sans exploitation stratégique
possible, et le général Graziani, retardé de plusieurs semaines, reprit
ses préparatifs de l’opération sur Harrar, menée à bien dans les derniers
jours des hostilités. P. E.

Quelques chiffres.
Nous relevons dans la presse allemande les données statistiques
suivantes relatives à l’emploi de l’aviation italienne en Éthiopie :
Pertes ; 86 tués, 148 blessés.
Tonnage de bombes : 375 tonnes dans la bataille de l'Enderta,
270 tonnes dans la bataille du Tembien et du Schiré.
Tonnage de vivres lancés : 219 tonnes pour la marche sur le lac
Tsana, 180 tonnes pour la marche de Guarani à Dessié; 1000 tonnes
dans l’ensemble des opérations.

Opinion italienne
sur la stratégie de la campagne italo-éthiopienne.
La «Rivista di Fanteria » (juillet, 1986) examine les diverses directions
d’attaque qui s’offraient au commandement italien : la direction
Nord-Sud qui a été adoptée, la direction Est-Ouest à partir d'Assab
vers la capitale, et la direction Sud-Nord en prenant la Somalie
pour base d’opération.
La première direction offrait l’avantage de constituer la base
d’opération avec la colonie d'Érythrée, dont les ports, les commu-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiin
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1047

Vol de groupe de trimoteurs de bombardement SAVOIA-MARCHETTI S. 81.

nications, le climat des plateaux, pouvaient convenir à l’importance


des moyens mis en œuvre. Elle réalisait le désir d'effacer au plus tôt,
sur le terrain même, le souvenir des combats malheureux de la
campagne de 1895-1896.
Si elle offrait aux Éthiopiens des positions de défense formidables,
c’était un avantage supplémentaire, car ceux-ci allaient être tentés
de s’accrocher à ces positions, de livrer bataille au lieu de pratiquer
une guérilla incessante dans une marche en retraite. L’emplacement
des positions éthiopiennes dans les provinces du Nord commandait
d’ailleurs cette direction d’attaque, que le terrain montagneux et
deux cours d’eau perpendiculaires à la marche, le Mareb et le Taccazé,
rendaient spécialement difficiles à pénétrer.
La direction Est-Ouest comportait la traversée du désert de
Dankalie, impraticable pour des colonnes importantes. Elle fut
négligée, bien que permettant théoriquement de parvenir au
plus vite sur le chemin de fer de Djibouti à Addis-Abéba.
La direction Sud-Nord avait quelques avantages : l’ennemi du
front Sud était peu nombreux; l’isolement de l’Éthiopie des terri
toires britanniques susceptibles de la ravitailler se faisait par là
même; le terrain n’offrait pas de difficultés spéciales ; le chemin de fer
pouvait être coupé assez rapidement, soit à Harrar, soit à Addis-Abéba
même. Mais les Éthiopiens étaient incités au combat en retraite, et
la Somalie, plus lointaine de l’Italie et plus torride que l'Érythrée,
représentait une médiocre base d’opération.
Le Haut Commandement italien décida donc d'attaquer par le
Nord, en appliquant le principe de prendre pour premier objectif
la défaite des forces armées de l’adversaire et non l’occupation du
terrain, principe qui a subi des exceptions dans les guerres coloniales.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIII1IIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIII1IIIIIII1I1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIIIIIII
1048 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Le pilotage sans visibilité


au moyen d’indicateurs acoustiques de vitesse et de virage
M. Luis de Florez, ingénieur et pilote, a établi et expérimenté en
vol des indicateurs acoustiques destinés à remplacer, dans le pilotage
sans visibilité, les indicateurs optiques de vitesse et de virage.
Ces indicateurs acoustiques présentent un double intérêt. Lorsqu’un
pilote est obligé de voler pendant plusieurs heures dans les nuages
et dans les remous, l’attention requise par la surveillance continuelle
des instruments de vol devient à la longue très fatigante. L’emploi
alterné d’indicateurs optiques et d’indicateurs acoustiques permettra
au pilote de reposer alternativement les organes de l’ouïe et ceux
de la vue.
En second lieu, il y a des cas où, tout en continuant à main
tenir l’équilibre et la direction de son avion, le pilote peut avoir
besoin de porter ses regards sur autre chose que ses indicateurs de vol,
par exemple pour consulter des cartes ou pour faire des calculs de
navigation. Il arrive également que le pilote soit obligé d’être attentif
à ce qui se passe au voisinage de son avion. C’est le cas lorsque,
descendant à travers une couche de nuages avant d’atterrir il sait
que le plafond est très bas : il doit guetter l’instant où il verra
apparaître le sol au-dessous de lui, afin d’être prêt à redresser rapi
dement ou encore à faire un virage serré pour éviter un obstacle
ou un autre avion.
C’est également le cas pour un pilote de chasse qui, traversant un
nuage pour tomber à l’improviste sur l’ennemi, doit être attentif
à le découvrir aussitôt qu’il émerge du nuage dans lequel il s’était
caché. Le bombardier peut lui aussi, se trouver dans des circonstances
du même genre où il lui sera précieux de pouvoir piloter son avion
au son, tout en gardant la liberté entière de son observation visuelle.
Voilà pourquoi il nous paraît que les indicateurs acoustiques de
vitesse et de virage sont appelés, en beaucoup de circonstances, à
rendre des services importants aux pilotes civils et peut-être plus
encore aux pilotes militaires.
La tâche de ces derniers est en effet beaucoup plus complexe que
celle des pilotes civils. Pour eux, le pilotage et la navigation sont
choses secondaires; le but principal c’est la lutte avec l’ennemi.
Qu’il s’agisse d’une reconnaissance, d’un bombardement ou d’un
combat aérien, le pilote militaire n’a rien fait s’il n’a pas rapporté les
renseignements demandés par l’État-Major, s’il n’a pas atteint
l’objectif à bombarder, ou s’il n’a pas abattu ou mis en fuite les avions
ennemis. Son attention doit donc être constamment concentrée
d’abord sur le but de sa mission et sur les manœuvres à accomplir
pour la remplir. Plus le pilotage sera instinctif et plus il aura de
liberté d’esprit pour combiner les manœuvres imposées par des
circonstances généralement impossibles à prévoir.
Ceci est vrai surtout pour le pilote de chasse qui doit à la fois piloter,

IIIIIIIIIIIIÜI1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1I1I1IIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1049
naviguer, manœuvrer et combattre. C’est vrai aussi pour le pilote de
multiplace, car si le chef de bord commande la manœuvre à faire,
c’est en définitive le pilote qui l’exécute. Et il ne l’exécutera bien que si
son intelligences’applique à comprendre ce que son chef attend de lui,
et à interpréter ses ordres suivant les circonstancesdu moment. Le pilote
qui, au cours de manœuvres compliquées, a en outre la préoccupation
de surveiller ses instruments de navigation, disperse trop son atten
tion et risque d’en consacrer une partie trop faible à l’accomplisse
ment de la manœuvre. Tout ce qui le libère alors de la sujétion
des instruments de navigation l’aide dans sa tâche. Voilà pourquoi
on peut estimer que l’emploi des indicateurs acoustiques de virage
et de vitesse donnera une supériorité aux pilotes militaires, toutes
les fois qu’ils seront obligés de manœuvrer dans des zones nuageuses
ou brumeuses.
M. Luis de Florez a rendu compte à Vinstitute of Aeronautical
Sciences des États-Unis des résultats de ses recherches et de ses
essais et c’est ce compte rendu que nous résumons ci-dessous.
Études au laboratoire.
Des essais furent faits d’abord en laboratoire pour déterminer la
sensibilité de l’ouïe à la direction d’où provient un son, sa sensibilité
aux variations de hauteur du son, et sa résistance à la fatigue dans
l’utilisation d’indicateurs acoustiques.
Des expériences faites récemment au N. A. C. A. ayant démontré
la possibilité de piloter un avion en utilisant seulement les ailerons
et le gouvernail de profondeur, ou bien les gouvernails de direction et
de profondeur, on a limité les recherches entreprises à l’établissement
d’un indicateur de virage et d’un indicateur de vitesse réunis d’ailleurs
en un seul instrument.
Plusieurs systèmes furent essayés.
Un premier appareil fut constitué par une roue à six dents qui,
tournant entre les pôles de deux électroaimants, constituait un induc
teur dont la rotation engendrait un courant alternatif dans chacun
des circuits enroulés sur les électros. La roue étant entraînée
par un moulinet placé dans le vent de l’avion, sa vitesse de rotation
se trouvait être proportionnelle à la vitesse de celui-ci. Comme chacun
des circuits était connecté à l’un des écouteurs du pilote, la hauteur
de la note entendue donne à celui-ci les indications concernant la
vitesse de l’avion : une note aiguë indique que l’avion pique, une
note grave indique qu’il cabre.
D’autre part, chacun des deux électroaimants peut tourner d’un
certain angle autour de son axe qui coïncide avec l’axe de l’inducteur.
Ce déplacement est commandé, par exemple, par l’indicateur optique
de virage au moyen d’un servomoteur. En tournant dans un sens,
l’indicateur optique de virage décale un aimant dans un sens déter
miné et l’autre aimant en sens inverse; en même temps, chaque
aimant manœuvre un rhéostat qui augmente la résistance électrique
de l’un des circuits et qui diminue celle de l’autre circuit. L’intensité

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIII
1050 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
du son diminue donc sur un écouteur et augmente sur l’autre, don
nant ainsi au pilote l’impression que la source d’où provient le son
s’est écartée vers sa droite lorsque l’avion est en train de tourner vers
la gauche. Pour ramener l’avion dans la ligne droite il cherchera
instinctivement à virer du côté d’où provient le son, jusqu’à ce que
l’égalité des intensités soit rétablie dans les deux écouteurs.
On fit en laboratoire deux séries d’expériences.
Dans la première série, le pilote ayant les yeux bandés, il lui fut
demandé d’indiquer la direction d’où paraissait provenir le son,
lorsqu’on faisait tourner le cadran de l’indicateur de virage de façon à
faire varier l’intensité du son dans les deux écouteurs. Avec le réglage
adopté, on constata que le pilote déterminait à 10 degrés près la
direction apparente du son, laquelle correspondait à l’angle dont
l’avion était censé avoir viré à partir du zéro de l’indicateur. On
demanda ensuite au pilote de ramener l’indicateur au zéro en cher
chant pour cela l’égalité d’intensité des sons émis par les deux écou
teurs. On constata que l’erreur était toujours inférieure à 5 degrés.
Mais, si l’on renonce à donner au pilote une évaluation acoustique
de l’angle dont l’avion a tourné, on peut arriver à une précision très
grande dans la tenue d’un cap : il suffit, pour cela, de régler les rhéos
tats qui commandent les variations d’intensité du son dans les deux
écouteurs de façon telle qu’un virage de 1 degré, par exemple, produise
une différence des intensités très sensible à l’oreille. Théoriquement,
on peut, par ce moyen, arriver à une précision aussi grande qu’on le
désire dans la tenue du cap. Toutefois, il ne faut pas aller trop loin
dans cette voie, sous peine de dérouter le pilote par des variations
incessantes d’intensité dans les deux écouteurs.
On fit également une série d’expériences ayant pour objet de
vérifier si le pilote moyen est capable de conserver avec assez de
précision dans sa mémoire la hauteur de la note qui correspond
à la vitesse de croisière, de façon à ramener instinctivement son
avion au vol horizontal après un cabré qui correspond à une
note plus grave, ou après un piqué qui correspond à une note
plus aiguë.
Pour cela, l’examinateur faisait varier la vitesse de l’inducteur à
six dents, en agissant sur la manette du rhéostat du moteur élec
trique qui l’entraînait; après quoi, il demandait au pilote qui avait
les yeux bandés de ramener la vitesse à sa valeur initiale en manœu
vrant le rhéostat en sens inverse. Au début, ce résultat fut obtenu
avec assez de précision; mais, à mesure que le temps [passa, l'atten-
tion du pilote se fatigua et la précision de la manœuvre alla en dimi
nuant.
On expérimenta alors un autre système qui consiste à conserver
une note de hauteur constante, et à provoquer dans le circuit des
variations périodiques d’intensité qui engendrent des battements
réguliers dans le son perçu par le pilote. Pour donner la sensation
que l’avion pique, on accélère le rythme des battements; on le

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiüiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1051

diminue, au contraire, pour donner l’impression que l’avion cabre.


L’expérience ainsi faite démontra que ce système est moins fatigant
que celui de la variation de hauteur d’une note de musique. En outre,
il présente cet avantage qu’on peut réduire encore la fatigue du
pilote si l’on utilise dans les écouteurs l’audition musicale d’un poste
ordinaire de radiodiffusion au lieu d’utiliser une note unique.
Essais en vol.
Après avoir fait ces essais en laboratoire, on utilisa pour les premiers
essais en vol un appareil assez rudimentaire. La note musicale était
produite par une petite magnéto qu’entraînait un moulinet placé
dans une zone soustraite à l’interaction des ailes ou des mâts. Afin
de simplifier le mécanisme destiné à ces premiers essais, on se contenta
de relier électriquement l’indicateur de virage au circuit de cette
magnéto de telle façon que dès que l’avion virait, par exemple à
gauche, le pilote entendait la note de l’indicateur seulement dans
l’oreille gauche. Les deux contacts étaient placés approximativement
au quart de la largeur de l’aiguille de l’indicateur de virage.
Le premier essai effectué par M. Luis de Florez démontra que ce
mécanisme rudimentaire permettait au pilote non seulement de
savoir si l’avion était en virage, mais également de se rendre compte
de son inclinaison latérale lorsque celle-ci devenait excessive. En
effet, si l’avion penchait à gauche il se mettait à virer de ce côté-là;
le pilote en était averti car il entendait le son de l’indicateur seule
ment dans l’oreille gauche, et il était obligé, pour l’entendre à nou
veau dans les deux oreilles, de pousser sur le palonnier avec le pied
droit, ce qui avait pour effet de redresser l’avion.
Ce premier vol sans visibilité dura 40 minutes. Il commença
à 500m d’altitude par une spirale ascendante d’environ 6km de
diamètre, d’après les observations faites par le second pilote qui se
trouvait en dehors du capot. L’avion monta ainsi jusqu’à 700m,
le rayon de la spirale augmentant de telle façon qu’à la fin l’avion
allait en ligne droite.
Le pilote sous capot se rendait parfaitement compte, par les
seuls avertissements de l’indicateur acoustique, si l’avion tournait,
s’il piquait ou s’il cabrait. Au bout d’une demi-heure d’entraînement,
il effectuait sans difficulté des virages dans les deux sens au comman
dement du second pilote. A la fin de l’essai, l’avion fut mis en vrille
par celui-ci et le pilote sous capot le redressa en se servant seulement
du gouvernail de direction; la perte de hauteur n’excéda pas ce
qu’elle aurait atteint si la sortie de la vrille avait été effectuée dans
des conditions normales de pilotage.
Cet essai préliminaire ayant démontré de façon définitive la
possibilité de piloter en se servant uniquement de l’indicateur acous
tique, les essais ultérieurs eurent pour objet de perfectionner cet
indicateur en vue de l’adapter aussi parfaitement que possible aux
nécessités de la conduite de l’avion.

««•••iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuaiiitiiisiiiittf»
1052 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Le second instrument qui fut expérimenté comportait quatre
contacts au lieu de deux sur l’indicateur de virage. Les deux premiers
contacts se trouvaient de part et d’autre du centre de l’aiguille de
l’indicateur, à une distance de ce centre égale à environ 1 /8 e de la lar
geur de l’aiguille; les deux autres contacts se trouvaient aux deux
bords extrêmes de l’aiguille. Lorsque l’avion avait une marche rigou
reusement rectiligne, aucun son n’était perçu dans les écouteurs. Dès
qu’il tournait légèrement à droite ou à gauche, la note musicale de
l’indicateur était perçue faiblement dans l’oreille correspondante.
Si le virage s’accentuait, la note était perçue avec une plus grande
intensité. Le pilote avait ainsi une première indication sur le rayon
du virage.
Comme on l’a indiqué plus haut, l’emploi continu de la même note
musicale devient vite fatigant pour l’oreille. Si le pilotage au son
doit être employé pendant une longue période, il faut ou bien pouvoir
de temps en temps changer la note choisie, ou, mieux encore, utiliser
dans l’indicateur acoustique la réception d’un poste ordinaire de
radiodiffusion.
A cet effet, les deux écouteurs furent reliés par des circuits distincts
à un même poste récepteur, chaque circuit comportant un dispositif
qui permettait de moduler la réception ou d’en faire varier l’intensité.
On constata que, pour donner au pilote l’impression que l’émission
vient de la droite, il suffit que l’indicateur acoustique réduise l’inten
sité de la réception sur l’écouteur gauche. On donne ainsi au pilote
la sensation que la source sonore s’écarte vers sa droite ce qui l’incite
à virer à droite s’il veut remettre son avion en vol rectiligne.
Pour lui donner les indications concernant les variations de vitesse
de l’avion, il suffit de provoquer des battements dans la réception.
En accélérant le rythme des battements lorsque la vitesse de l’avion
augmente, on donne au pilote la sensation qu’il pique; on lui donne
la sensation qu’il cabre en réduisant le rythme des battements.
Ce procédé parut préférable à l’utilisation de la hauteur d’une note
musicale, parce que la mémoire auditive enregistre plus facilement
un rythme déterminé qu’une hauteur de son. L’emploi des batte
ments assure ainsi une plus grande précision dans le réglage de la
vitesse de l’avion.
«
Un appareil a été établi qui dérive de cette conception et qui va
être prochainement expérimenté en vol.
Lorsqu’il sera mis au point, un dernier pas restera à franchir qui
aura pour objet de combiner l’indicateur acoustique avec le récep
teur de radioguidage. Des expériences sont déjà en cours en vue de
la réalisation de cet appareil, dont on peut d’ailleurs dès maintenant,
indiquer le principe.
Deux cadres récepteurs fixes seront montés côte-à-côte sur l’avion,
chacun d’eux étant connecté à l’un des écouteurs du pilote. Ces deux
cadres seront légèrement inclinés en sens inverses sur l’axe de l’avion,

aiiiiiiiisiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR. 1053

Lorsque cet axe passera par le poste émetteur vers lequel le pilote
veut diriger son avion, les intensités d’audition seront égales dans
les deux écouteurs. Mais si l’avion vire légèrement à droite, l’axe de
l’avion laissera le poste émetteur à sa gauche. Le pilote en sera averti
parce que, du fait des différences d’inclinaison des deux cadres
sur l’axe de l’avion, l’intensité de l’audition augmentera dans l’oreille
gauche et diminuera dans l’oreille droite. Le pilote aura ainsi la
sensation que le poste émetteur s’est déplacé vers sa gauche, et,
instinctivement, il ramènera son avion vers la gauche pour se replacer
sur l’axe suivant lequel il entend se diriger.
Cet indicateur de direction sera combiné avec un indicateur acous
tique de vitesse basé sur le principe des battements exposé ci-dessus.
M. Luis de Florez fera connaître prochainement les résultats des
essais en vol de ces deux nouveaux types d’indicateurs acoustiques.
Dès à présent, on voit que ces appareils permettront de résoudre
divers problèmes de pilotage sans visibilité qui n’ont reçu qu’une
solution incomplète avec les indicateurs optiques. A bien des titres
ils constituent donc une contribution importante à cette solution,
susceptible d’applications militaires du plus haut intérêt.
A. V.
L’avion de bombardement.
Voici une étude sur le problème de l’avion de bombardement,
parue dans «Royal Air Force Quarterly », avril 1986. Elle est sans doute
loin d’épuiser le sujet, mais nous a paru intéressante comme repré
sentant certaines idées en vogue en Grande-Bretagne.
Le souci du rendement conduit à se poser trois questions :
— quel est le tonnage approprié à l’objectif ?
— quel est l’objectif approprié ?
— comment peut-on opérer avec le maximum d’économie des
forces ?
Le tonnage.
D’aucuns prétendent limiter le bombardement aux objectifs
militaires comme les arsenaux, usines, navires, chantiers navals;
ce qu’on sait de l'efficacité des bombes conduit, dit l’auteur, à employer
des bombes d’au moins 200k8. Pour les théoriciens du bombardement
de harcèlement, la paralysie de la vie économique de l’ennemi, il
faut des bombes de faible poids en grande quantité.
Il est raisonnable d’admettre que les deux modes opératoires
auraient cours. L’avion moderne de bombardement devra pouvoir
emporter au moins 500k8 de bombes.
Mais il importe de réaliser une certaine interchangeabilité entre
le poids de bombes et celui d’essence emportés. L’ingénieur sera donc
obligé de disposer d’un volume appréciable pour les bombes et en
même temps pour les réservoirs. La solution du problème paraît
être dans l’élimination des réservoirs habituels et le stockage de

iiiiiiiiiriiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiünitiiiiiiniiiniifiii»
1054 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
l’essence dans la structure même de l’avion; des essais auraient été
faits récemment par un grand constructeur, de constituer des ailes
avec des caissons travaillant et servant à la fois de réservoir.

Le rayon d’action.
Trois facteurs politiques obligent à réviser les idées qu’on
a en
Grande-Bretagne sur le rayon d’action que doit posséder
un avion
de bombardement :
— la France n’est plus la seule grande puissance aérienne conti
nentale. L’Allemagne a pris place rapidement, grâce à
une politique
de quantité appliquée à des types standardisés;
— le développement des aéronautiques est tel qu’une « guerre
aérienne », par opposition à une guerre entre armées
ou entre marines,
est beaucoup plus vraisemblable qu’il y a dix
ans. Une telle guerre
implique de pouvoir frapper au cœur de l’ennemi en partant de bases
aériennes situées en territoire national;
— ce même accroissement des forces aériennes peut rendre difficile,
sinon impossible, pour la Grande-Bretagne,
une opération comme
le débarquement de son Corps expéditionnaire
sur le Continent
comme en 1914. Il ne faut donc compter que sur les bases aériennes
nationales.
Des considérations tactiques exigent aussi l’accroissement du
rayon d’action désormais très insuffisant des bombardiers anglais :
c’est la nécessité d’attaquer un grand nombre de points vitaux ennemis
pour disperser la défense adverse.
Tout bien considéré, il semble qu’un rayon d’action de 2500km
sans vent, représentant 1000km de rayon pratique n’a rien d’excessif
et qu’il faudrait réaliser le rayon d’action de 1600km.

L’armement.
Ayant fixé — plus ou moins arbitrairement, d’ailleurs les exigences

en bombes et en essence, il reste à trouver un compromis entre l’arme
ment défensif et les performances.
D’aucuns prétendent que des performances élevées
ne sont pas
nécessaires à l’avion de bombardement et qu’un armement puissant
lui permettra de repousser les attaques ennemies; c’est la conception
du multiplace de combat. Mais l’expérience de la
guerre mondiale a
montré que le bombardier lent, très armé, est une proie aisée
pour le
chasseur.
Est-il raisonnable de sacrifier l’armement défensif à la performance ?
Non pas, car il est toujours possible de réaliser, après
une certaine
période de surprise, un avion de chasse plus rapide
que le meilleur
bombardier, puisque l’avion de chasse n’est pas limité
par la charge
de bombes et le rayon d’action. Un certain armement défensif s’impose
donc, sauf peut-être pour les bombardements de nuit.
L’auteur pense qu’une mitrailleuse avant et deux mitrailleuses

in
1'11111111111111111111111111111111111111111111111111 h 11 h 1111111
m 11111111111111111 ii 111 h 11111 h 1111111111 h te 111111 il i in 11111ni in
arrière doivent offrir une défense appréciable, dans la mesure où les
performances du bombardier seront assez élevées.
Ayant ainsi fixé l’armement, que peut-on attendre des perfor
mances ? La limitation de la puissance maximum d’un moteur élimine
le monomoteur. Les réalisations américaines et anglaises ont montré
qu’on peut établir un bimoteur ayant une vitesse maximum comprise
entre 400 et 48okmh à 8000m. C’est le type qui semble le mieux
approprié pour les dix années à venir.
Il reste à savoir si la véritable économie des forces est de n’avoir
que ce type à l’exclusion d’avions plus légers ou plus lourds.
Après la subdivision en bombardiers de jour et bombardiers de
nuit, on a adopté un peu partout les bombardiers légers, moyens et
lourds.
Les bombardiers légers ont un rayon d’action absolument inappro
prié aux conditions présentes. L’auteur suggère l’unification dans le
type « moyen ».
Cependant, avant de prendre une telle décision, on doit considérer
les problèmes tactiques à résoudre. Si l’on propose d’abolir la classe
des bombardiers légers, cela signifiera-t-il la suppression du bombar
dement en piqué ? Et si les bombardiers lourds disparaissent, ne
perdra-t-on pas l’avantage de pouvoir augmenter la charge, en
diminuant les performances par l’utilisation de l’obscurité ? Dans
l’affirmative, l’unification serait une erreur.
Emploi tactique du bombardier de jour.
On peut envisager trois méthodes d’emploi : arrosage sans précision
sur de larges surfaces, piqué pour bombardement très précis, bombar
dement horizontal en altitude donnant dans les conditions du temps
de paix une précision moyenne.
Le bimoteur rapide « envisagé plus haut» peut accomplir toutes ces
missions; en outre, il a sur le bombardier léger l’avantage d’emporter
un tonnage plus élevé.
Emploi tactique du bombardier de nuit.
La politique ancienne et présente d’utiliser de nuit des bombardiers
lents et de grandes dimensions repose sur l’illusion que l’obscurité
protège les assaillants.
Or, l’obscurité sert la défense et non l’attaque. Ceci n’est pas une
théorie nouvelle et révolutionnaire, mais repose sur l’expérience de
la guerre. Quand la chasse de nuit a été organisée sérieusement
en 1918 avec une installation efficace de projecteurs, elle a obtenu
des résultats étonnants : plus de 50 grands bombardiers abattus par
la seule escadrille no 151 sans pertes.
Le seul moyen de faire du bombardement de nuit économique est
de donner aux appareils des performances telles que les projecteurs
aient de la difficulté à les éclairer pendant un temps suffisant pour
permettre une attaque par les chasseurs. Le bimoteur rapide proposé
convient donc.

I1IIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII11IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIII
1056 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Cependant, puisqu’il est prouvé que l’armement défensif est sans
usage de nuit, l’avion de hautes performances a son emploi, sous la
forme d’un rapide monoplace, qui pourrait avoir une autonomie
de 1600km, transporter 500 de bombes à une vitesse moyenne
de 48okmh. Un tel appareil opérant aux environs de 7000m serait
extrêmement difficile à éclairer.
l’on nous oppose les difficultés de navigation de nuit, on peut
Si
répondre qu’il y a tous les dispositifs de pilotage automatique à
employer.
L’auteur conclut que le bimoteur rapide moyen porteur constitue
la meilleure solution, tant pour l’aviation métropolitaine que pour
l’aviation coloniale, dont les avions « tous usages » n’ont pas de
capacités suffisantes en tonnage et déplacement stratégique.

Matériels de défense contre avions.


Nous reproduisons
ci-dessous, d’après
le Bulletin belge des
Sciences militaires
( 1 2-1 935),le Tableau
caractéristiques
des
de quelques nou
veaux matériels de
défense contre
avions.
Le graphique ci-
contre donne l’enve
loppe des trajec
toires de trois
bouches à feu; la
zone d’action des
canons de 75 et de
105 des États-Unis apparaît vraiment impressionnante.

«niiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiEiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuii»
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1057

Utilisation pratique du sextant à bulle


dans la navigation aérienne (1).
L'importance pratique de la navigation astronomique en avion
est mise en relief par ce fait que, durant les premières traversées du
Pacifique, les équipages des Panamerican Airways naviguèrent pen
dant 90 pour 100 du temps au-dessus des nuages. Or, la navigation
astronomique fut employée avec un tel succès par le navigateur
Fred J. Noonan que le « China Clipper » atteignit Honolulu quelques
minutes seulement après l’heure prévue.
Un tel résultat ne peut être obtenu que par l’élimination des
erreurs inhérentes à l’emploi du sextant à bulle dans les mesures de
hauteur. Il importe donc que les navigateurs aériens soient entraînés
à l’emploi d’une méthode qui élimine ces erreurs dans toute la
mesure possible, et qu’ils connaissent la grandeur de l’erreur rési
duelle.
L’erreur de visée d’un bon sextant est de l’ordre de 2‘, soit 2 milles
marins ; mais l’erreur due à l’accélération de la bulle par suite des
mouvements de l’avion peut facilement atteindre 2 degrés, soit
120 milles. A première vue, la navigation astronomique apparaît
donc impraticable en avion. Fort heureusement, la loi des grands
nombres permet de prévoir que l’erreur moyenne de plusieurs mesures
successives sera très inférieure à cette erreur maximum. La présente
étude a précisément pour objet de déterminer à quelles valeurs
cette erreur sera réduite par des nombres croissants de mesures
successives.
Cette détermination a été faite au cours de trois voyages effectués
par temps découvert dans un avion à poste de pilotage à l’air libre,
entre Maxwell Field et Langley Field. L’air était assez calme, quoique
l’avion subisse de temps en temps des remous assez forts. Au cours
de ces trois voyages, onze séries d’observations furent faites; chacune
d’elle comprenant dix mesures consécutives de hauteur du soleil.
Pour chaque observation, on repéra sur la carte les positions de
l’avion aux moments de la première et de la dernière visée. On
mesura ensuite graphiquement l’erreur de lecture correspondant à
chaque série de dix mesures. Pour cela, prenant comme abscisses
les heures des observations au temps moyen de Greenwich, et pour
ordonnées les hauteurs du soleil, on traça d’abord la courbe des
hauteurs vraies du soleil aux heures et aux endroits où fut effectuée
chaque série de dix mesures. Sur ce même graphique on porta les
hauteurs observées. On calcula ensuite l’abscisse et l’ordonnée du
point moyen de ces dix observations, et l’on mesura son écart par
rapport à la courbe des hauteurs vraies.
Les résultats de ces calculs furent les suivants :
i° L’erreur maximum pour la lecture la plus mauvaise fut de 128',
soit 128 milles marins.

(1) D’après le Lt-Comm. P.V. H. Weems (U. S. N.), Aero Digest, janvier 1936.

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllilll
H. A. A. — N° 86.
1058 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
i° L’erreur
maximum pour le point moyen de la plus mauvaise
des séries de dix lectures fut de 2 3'.
3° La moyenne des erreurs absolues des points moyens des onze
séries de mesures fut de 14‘.
4° Mais certaines de ces erreurs étaient en plus, d’autres en moins,
en sorte que la moyenne algébrique de ces erreurs fut seulement
de 3', i. Autrement dit, si pour mesurer la hauteur du soleil à
un moment donné on faisait no mesures consécutives, cette hauteur
serait déterminée à 3', i près et la position de l’avion serait connue
avec une erreur de 3 milles marins seulement.
Ceci démontre l’importance qu’il y a à faire le plus grand nombre
possible de mesures de hauteur pour déterminer sa position à un
moment donné.
Certains navigateurs préconisent, avant de faire la moyenne,
d’éliminer les « mauvaises observations ». Mais comment distin
guera-t-on les bonnes observations des mauvaises puisque, le plus
souvent, le pilote et l’observateur sont hors d’état de sentir les
accélérations de l’avion? Quoi qu’il en soit, nous avons essayé d’appli
quer cette méthode aux no observations effectuées dans les condi
tions indiquées ci-dessus. Pour cela, dans chaque série de dix obser
vations nous avons éliminé les deux lectures qui comportaient les
plus grosses erreurs; ces erreurs étaient pratiquement supérieures
à 4o‘.
Nous avons alors calculé l’erreur moyenne de chacune des onze
séries de huit lectures. Puis nous avons fait la moyenne des erreurs
absolues, et nous avons trouvé que cette moyenne était de 13,8,
alors qu’elle était de 14‘ lorsqu’on conservait toutes les lectures.
Enfin, nous avons fait la moyenne algébrique de ces onze erreurs,
et nous avons ainsi trouvé que l’erreur moyenne des 88 meilleures
visées était de 4', i, alors que l’erreur moyenne des no visées
était de 3', i.
Ceci démontre d’une façon évidente qu’au lieu de faire un choix
dans les lectures pour éliminer celles qui paraîtraient mauvaises,
il vaut mieux les conserver toutes, afin de bénéficier de la diminu
tion d’erreur moyenne qui résulte de l’augmentation du nombre
des mesures. Ceci paraît d’autant plus nécessaire que, quoique l’erreur
due à l’accélération de la bulle soit prépondérante, les autres erreurs
(erreur de visée de l’opérateur, erreur dans l’observation de l’heure
de la visée, erreurs de la carte sur laquelle sont reportées les droites
de hauteur) ne sont pas négligeables, et il est impossible à l’opé
rateur d’évaluer même grossièrement les valeurs de chacune de
ces erreurs partielles pour une mesure déterminée.
En pratique on doit noter les conclusions suivantes :
i° Si l’on fait une seule lecture, on doit se rappeler qu’on peut
faire une erreur de position atteignant jusqu’à 128 milles marins;
2 0 Si l’on fait dix lectures consécutives, on doit compter sur une
approximation de 3o milles;

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1059

3° Si l’on fait 20 lectures, approximation de 18 milles;


4° Si l’on fait 50 lectures, approximation de 10 milles;
5° Si l’on fait 100 lectures, approximation de 5 milles.

Comme les calculs des moyennes de ces lectures seraient longs


à effectuer, la méthode à employer pratiquement est la suivante :
Avant le départ pour un voyage, le navigateur calculera les posi
tions prévues pour son avion d’heure en heure (au temps moyen de
Greenwich), depuis le départ jusqu’à l’arrivée.
Pour chacune de ces positions, il calculera la hauteur de l’astre
qu’il compte viser avec son sextant.
Il tracera la courbe de ces hauteurs en prenant pour abscisses
les heures au temps moyen de Greenwich.
Lorsqu’il voudra déterminer la position de son avion par rapport
à celle qui était prévue par son horaire, il fera, par exemple, une
série de dix mesures consécutives à intervalles réguliers et aussi
courts que possible et il notera l’heure de Greenwich de la première et
de la dernière de ces mesures. Il portera sur son graphique, les points
correspondant à chacune de ces lectures. Il déterminera à l’œil
leui’ point moyen. La distance (en minutes d’arc) de ce point à la
courbe tracée à l’avance lui donnera la distance de son avion au
point auquel celui-ci aurait dû passer — suivant l’horaire établi —
à l’instant où les mesures ont été effectuées.
Si l’on a pu faire deux séries de lectures alternées par rapport à
deux astres différents, on connaîtra ainsi les écarts des deux droites
de hauteurs réelles par rapport aux deux droites de hauteurs prévues
par l’horaire et l’itinéraire établis avant le départ. On connaîtra
ainsi la position exacte de l’avion.

La guérilla aéro-maritime en Adriatique.


Nous signalons avec plaisir l’étude que notre excellent collaborateur,
P. Barjot, vient de faire paraître en collaboration avec le lieutenant
de vaisseau Moullec, dans « La Revue maritime (mai 1986), sur la »

guérilla aéro-maritime en Adriatique.


La guerre aéro-navale aura —- elle, au moins — trouvé ses histo
riens pour les deux théâtres d’opérations essentiels des Flandres et
de l’Adriatique. Voici la conclusion de l’étude.

«
Il est un fait certain, c’est que de 1914 à 1916, la situation maritime en
Adriatique a évolué sensiblement sous l’influence nouvelles. des armes
»
En 1914, devant notre armée navale, la flotte austro-hongroise s’abrita dans
ses bases. Puis, ses sous-marins chassèrent nos cuirassés de cette mer.
» En
1915, le renfort de la flotte italienne ne permit pas de reprendre la domi
nation en Adriatique. Au contraire, l’intervention italienne, stimulant l’essor
de l’hydraviation austro-hongroise, eut pour résultat paradoxal de développer
une guérilla aéro-maritime en faveur des Autrichiens.

uniiiiiIIIII11111111 uni 11 llllllllll 1111111111111111mu 11111111111111111111111111111111111111111111111111111111


in 111111111111111
1060 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Hydravion de chasse Brandenburg C.C., à moteur AUSTRO-DAIMLER 160 HP.


Cet appareil, armé de deux mitrailleuses fixes, comportait une cellule à mâts croisés
en pyramide. Les Brandenburg C.C. furent construits en 1916 et 1917 pour l’Au
triche qui les employa dans l’Adriatique. En 1 9 1 6, le lieutenant Ban field abattit
un avion géant Caproni sur la côte d’Istrie avec un appareil de ce type. Equipé
d’un moteur de 200 HP et d’un mât unique droit à la place des mâts croisés,
cet hydravion devint le W. 18, utilisé pour la chasse en Adriatique en 1918.

» En1916, les hydravions de Trieste dominent dans la Haute Adriatique. Ils


coopèrent à l’action des armées terrestres sur le front de la côte des lagunes.
L’escadrille française de Venise, impuissante à leur tenir tête, disparaît. Une
réaction, par bombardement sur Trieste, s’amorce avec les Caproni trimoteurs
terrestres. Cependant les hydravions de Pola et de Parenzo harcèlent les points
sensibles du littoral italien de Venise à Ancône. Dans la Basse Adriatique, ceux
de Kumbor attaquent Brindisi et Bari. Puis, utilisant Durazzo, conquis « par
terre » au début de 1916 à la suite de la débâcle serbe, l’hydraviation austro-
hongroise va pousser plus au Sud jusqu’au canal d’Otrante, où un inefficace
barrage de filets dérivants, insuffisamment gardé par l’aviation alliée, laisse
passer en Méditerranée centrale la douzaine de sous-marins allemands venus
s’installer à Cattaro.
»
Ainsi, en 1916, la situation maritime est presque renversée. Grâce à leurs
hydravions, soutenus par des bâtiments légers rapides, les Austro-Hongrois
sont passés progressivement de la défensive à l’offensive, et la guerre sous-
marine fait rage en Méditerranée.
»
On comprendra, au début de 1917, qu’il faut à tout prix, si l’on veut maîtriser
la guerre sous-marine en Méditerranée, fermer le canal d’Otrante,* si possible
attaquer Cattaro, nid de sous-marins et d’aviation. Enfin les Italiens essayeront
de frapper au port les forces navales austro-hongroises. Ce sera la tâche dévolue
aux vedettes M. A. S. »

iiiiiiiiiiiiiiiii iiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiii llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll


REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1061

La conquête du Jehol.
Ilnous a paru intéressant de rapprocher, du récit de la campagne
italienne en Éthiopie, celle de la conquête du Jehol par les Japonais,
puisque ce sont les deux principales opérations militaires survenues
depuis dix ans entre armées dotées au moins partiellement de l’équi
pement moderne. Notre exposé est emprunté en partie à « The Cavalri]
Journal » de juillet 1936.
La province du Jehol est, comme l’on sait, située en bordure du
Golfe de Lia Toung au Nord de la Grande Muraille de Chine et contiguë
à l’empire du Manchukuo, créé par la fantaisie japonaise. Province
de 500 sur 6oo km peuplée de 5 millions de Chinois, elle a un relief
,
montagneux avec des chaînes orientées du Nord-Ouest au Sud-Est
qui séparent divers affluents du Liao. Les sommets les plus élevés
dépassent 2000m d’altitude; dans l’ensemble, le terrain offrait une
série de positions à opposer à un ennemi venant du Nord-Est. Mais,
ainsi qu’on va le voir, l’invasion japonaise s’est faite principalement
de l’Est et du Sud-Est, prenant en enfilade la plupart de ces positions
possibles. Le réseau routier, très réduit, imposait d’ailleurs l’orien
tation de la progression. Quant aux voies ferrées, elles se composaient
uniquement de la ligne Tunglia-Kin-Tchéou-Shan-hai-Kuan formant
pour les Japonais une excellente rocade raccordée au réseau mandchou.
A la fin de 1982 le général Muto, commandant en chef des forces

D’après « The Cavalry Journal ».


Schéma de la campagne japonaise dans le Jehol.

111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
1062 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
japonaises en Manchukuo avait concentré sur un front de 4ookm,
le long de la voie ferrée, deux divisions et demie et une brigade de
cavalerie. Le tout était motorisé : chars, autos blindées, artillerie
portée, infanterie en camions, éclairés et appuyés par un groupe
d’aviation de bombardement et un groupe d’aviation de reconnais
sance, soit 3o ooo hommes.
Le maréchal chinois Chang Hsiao Liang leur opposait
100 ooo hommes, dont quatre brigades régulières, des troupes provin
ciales et diverses formations de volontaires, sans organisation d’État-
Major, ni moyens de transport, ni liaisons, ni matériel de D. C. A.
ou de tranchée.
Ces médiocres troupes et leurs chefs plus médiocres encore s’enter
rèrent en trois lignes fortifiées jalonnées, la première par Lingyan-
Chihfeng, la seconde entre la passe de Fanchia et Ping-Tsuan, et la
dernière aux abords de Jehol, capitale de la province du même nom.
Désireux de se couvrir contre une attaque pouvant venir du Sud-
Ouest avec des troupes massées au sud de la Grande Muraille, les
Japonais procédèrent à l’assaut préliminaire de Shan-hai-Kuan, le
2 janvier 1933, assaut donné par un fort détachement appuyé par
deux navires de guerre, sept avions de bombardement et des trains
blindés. Puis ils occupèrent l’importante passe de Chumen que les
Chinois essayèrent vainement de réoccuper à cinq reprises différentes.
Ces précautions étant prises, le général Muto envoya, le 10 février,
un ultimatum au Gouvernement chinois de Nanking d’avoir à retirer
les troupes situées au nord de la Grande Muraille, leur présence
étant estimée par lui comme incompatible avec la Souveraineté
du Manchukuo et le maintien de la paix et de l’ordre dans le Jehol.
Le 2 3 février, avant même que soit parvenu le refus chinois, les
troupes japonaises s’ébranlaient.
Les flèches de la carte ci-dessus suffisent à indiquer la progression,
extrêmement rapide, à une allure atteignant parfois 5o km par jour.
La défection de certaines unités chinoises explique d’ailleurs en
partie la facilité avec laquelle les Japonais avancèrent. Il y eut
cependant quelques combats avec bombardement aérien préliminaire
à l’assaut mené par des chars suivis d’infanterie motorisée.
Le 4 mars, les Japonais entraient dans la ville de Jehol, refoulant
ensuite leurs adversaires en déroute au delà de la Grande Muraille.
Un armistice, conclu le 31 mai, près de Pékin, consacrait la prise
de possession de la vaste province du Jehol qui avait coûté aux
Japonais moins de 3000 tués ou blessés.
On peut dire que la manœuvre stratégique aura été presque inexis
tante : les forces japonaises très mobiles, d’autant que leur faible
effectif et la frugalité du soldat simplifiaient le ravitaillement, ont
balayé les routes dont les passages sur les cours d’eau ne furent pas
un obstacle, car ceux-ci étaient gelés.
L’aviation, en la circonstance, a opéré comme une artillerie à
longue portée.
P. E.

aiiiiiiiiiiiuiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiimu i iiiiiiiiiiiini un i1ii1 n iii nui 1111111111111111111111111111uni111


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IIIIII iiiiiiiiiii

LE MATÉRIEL
DES AVIATIONS NATIONALES

Le nouveau compas magnétique Aéra type E. 10.


La Société Aéra a fait homologuer un nouveau compas, le E. 10,
dans lequel elle a particulièrement étudié la commodité de lecture
et la facilité des corrections de déviation. E’E. 10, dont les dimensions
générales sont celles d’un instrument de bord courant, se fixe sur
la planche de bord directement, suivant les normes en vigueur pour
ces instruments.
La rose, à lecture verticale, apparaît à travers une fenêtre ménagée
dans une pièce qui forme masque et laisse apparaître, à sa partie
supérieure, une graduation circulaire portée par une collerette tour
nante. La graduation permet de marquer, en face d’un repère, le

Aspect du nouveau compas magnétique Aéra E. 10.


Encombrement de face, 85mm x 85 mm . Diamètre de la partie encastrée, 8o mm ;
profondeur, 90 mm . Poids du compas, 770%.

'iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1064 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.

Coupe longitudinale verticale du nouveau compas Aéra E. 10, en grandeur naturelle.


1,masque; 2, graduation-repère de cap; 3, collerette tournante; 4, jonc de
maintien du masque; 5, axe de commande des aimants longitudinaux; 6, rose;
7 et 9, aimants longitudinaux de correction semi-circulaire; 8, aimants trans
versaux de correction semi-circulaire; 10, soufflet de dilatation; 11, roue molettée
d’orientation des anneaux; 12, roue molettée d’écartement des anneaux;
13 et 14, anneaux de fer doux de correction quadrantale.

cap àtenir; la correspondance entre cette graduation et celle de la


rose diminue sensiblement l’effort d’attention qu’exige le contrôle
du cap.
Le masque s’enlève par simple traction en avant et découvre
les commandes de blocage de la cuve, les compensations semi-circu
laire et quadrantale ainsi que le dispositif d’éclairage électrique.
Du fait de l’accessibilité totale par l’avant de ces organes, il suffit
de placer le compas de façon que la lecture en soit commode et que
son équipage mobile ne soit pas soumis à des influences magnétiques
parasites. En particulier, il est inutile de prévoir les dégagements
nécessaires à la manœuvre des compensations, condition parfois
incompatible avec un bon emplacement du compas.

IIIIIIIHIIIIIlillIllllllllllllllllIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIHI
Aspect de face du nouveau compas AÉRA E. 10, la collerette ronde étant enlevée
(gandeur naturelle).
Pour les références de voir la légende de la page ci-contre.
1 à 14, 15, platine

de fixation; 16, lampe; 17, pièce de blocage de la cuve; 18, clé de blocage et
de commande des compensations; 19, ergot d’arrêt du
masque.

Le blocage de la cuve, après correction des erreurs de déviation


constante, s’obtient par la rotation d’une pièce de forme, au
moyen
d’une clé.
Correction des déviations semi-circulaires par le déplacement de
deux groupes d’aimants, l’un longitudinal, l’autre transversal;
chaque groupe est commandé au moyen de la clé même qui sert
au blocage de la cuve. Cette clé permet de faire tourner deux axes
marqués NS et EW, pour déplacer respectivement les aimants correc
teurs aux caps Nord-Sud et Est-Ouest.
Correction quadrantale à l’aide de deux demi-anneaux de fer doux
dont l’action, nulle lorsqu’ils sont rapprochés, varie en intensité
lorsqu’on les écarte et en direction lorsqu’on les fait tourner. Ce dispo
sitif est placé sous la cuve; deux roues molettées assurent, l’une
l’écartement des fers, l’autre la rotation de l’ensemble.

IIIIII!IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIllllll!llllIlllllllllllliniltllllllllIIIIIIIIIIIIIIIIIlllllllll!IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII!lllllllllll!|
1
066 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Éclairage par réflexion, sur la face interne du masque, de la lumière
émise par une petite lampe placée au-dessus de la cuve. L’intensité
de l’éclairement peut être réglée à l’aide d’un rhéostat formant corps
avec la prise de courant.
Entraînement maximum, 20: retour au zéro en 15 secondes environ.

Le transmetteur d’ordres Aéra.


Le transmetteur d’ordres Aéra, qui est monté sur les multiplaces
de combat Amiot et Bloch actuellement en service, utilise comme
moyen de transmission un flexible sous gaine, liaison qui élimine
pratiquement tout incident de fonctionnement.
L’installation comprend à chaque poste un instrument qui peut
fonctionner à la fois comme émetteur et comme récepteur. Le
principe en est simple. Au poste émetteur, par exemple, le comman
dant de bord fait tourner la collerette de l’instrument ce qui, au
moyen de roues dentées et d’une vis tangente, entraîne le flexible
à une vitesse de rotation multipliée.
Dans ces conditions, quelle que soit la longueur du Bowden,
pour tous les cas pratiques d’application sur avion, le décalage
angulaire dû à l’élas
ticité de l’élément de
liaison est peu im
portant vis-à-vis du
nombre de révolu
tions que l’on impose
à cet élément.
Sur l’instrument
récepteur, l’extrémité
du Bowden attaque,
par l’intermédiaire
d’une multiplication
inverse de la démulti
plication précédente,
l’aiguille qui affiche
les ordres.
Le principe ci-
dessus correspond au
brevet 745 951 du 18
novembre 1932. Des
modifications ont été
apportées à l’installa
tion initiale corres
pondante, dans le but
de résoudre divers
problèmes :
1° Permettre, de
Aspect d’un transmetteur d’ordres AÉRA. chaque poste, la répé-

IIII lî 111II11IIIIII11 IM 11111II111111IIII 111111IIIIIII11III11IIIIIIIIIU11mil III111111111III111111IIII11IIIIIIIMil 11IIIIIII | MIIIIIIIIL


REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1067

tition l’autre poste de l’ordre reçu afin d’indiquer que cet ordre
à
a été compris. A cet effet, les deux appareils identiques sont reliés
non plus par un, mais par deux flexibles sous gaine et comportent
chacun deux aiguilles, une blanche et une blanche rayée noir. La
rotation de la collerette d’un appareil entraîne l’aiguille rayée de
celui-ci et l’aiguille blanche de l’autre. La même manœuvre, effectuée
sur l’autre appareil, provoque la coïncidence des deux aiguilles indi
quant que l’ordre a été compris;
2° Marquer, par un encliquetage sensible à la main, une position
neutre déterminée du dispositif. Par exemple : marche en ligne
droite, l’opérateur pouvant transmettre les indications « à droite »,
ou « à gauche », sans regarder l’instrument;
3° Permettre facilement la commande du flexible en agissant sur
le contour crénelé de la lunette portant le verre de protection du
cadran ;
4°Permettre le changement aisé du cadran, ce dernier pouvant être
établi selon les indications à transmettre. Le cadran, maintenu par
deux taquets tournants, est accessible, après enlèvement de la lunette,
par simple traction en avant;
5° Rendre le boîtier conforme aux normes en vigueur.
Le dispositif Aéra permet, avec un effort minime, la transmission
exacte, à moins de 10 près, entre deux cadrans distants de plus
de io m quels que soient les sens de rotation et les changements de
,
sens. Pour les parcours compliqués, afin d’éviter de nombreuses
courbes, on peut utiliser les renvois d’angle qui peuvent être montés,
soit sur les appareils eux-mêmes, soit en un point quelconque du
parcours.
L’installation peut être complétée par des appels lumineux ou
sonores.
Caractéristiques. — Encombrement de face d’un instrument,
95 x 95mm; diamètre de la
collerette, 108mm ; diamètre
de la partie encastrée,
gomm; profondeur, 4omm.

Les pompes à essence


Guinard à vis.
Les Pompes Guinard ont
livré l’aéronautique un
à
certain nombre d’installa
tions de pompage d’essence.
Le groupe pompeur com
prend essentiellementdeux
vis, en acier inoxydable, Coupe transversale d’une pompe Guinard à
qui tournent en sens in- vis (système HOUTTUIN).

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1
068 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Vis d’une pompe à essence Guinard présentées en regard l’une de l’autre.


On peut signaler que d’assez nombreux chercheurs ont tenté d’utiliser
un
principe semblable dans les compresseurs d’air : la Société suédoise Vktiebolaget
Milo, en particulier, a pris au moins deux brevets sur des cylindres à filets
hélicoïdaux ou des cônes à filets spiraliformes engrenant entre eux. L’inconvé
nient de dispositifs de ce genre, pour la compression d’un gaz, est que le volume
dévolu au fluide est bien inférieur à celui qu’occupent les cylindres ou les cônes
porteurs des filets formant vis; le compresseur est donc volumineux.

verse l’une de l’autre dans un carter en fonte ou en’bronze; les


dessins ci-dessus et ci-après suffisent à faire en comprendre le fonc
tionnement
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiu

REVUE DES BREVETS

Sondeur électro-acoustique continu.


MM. Badin et Jacquet ont demandé le 26 mars 1932 et
le 6 mars 1934 les brevets nos 748 642 et 782 871 sous les titres :
«
Sonde aérienne automatique à ondes sonores » et « Perfectionnements
aux sondeurs électro-acoustiques ».
*
* *

Le sondage à bord des aéronefs par sondeur individuel et indé


pendant paraît être la meilleure solution pour atterrir sans visibilité.
Outre que les installations électromagnétiques de guidage vertical,
faites à terre dans certains aérodromes, sont inamovibles et coûteuses,
les résultats qu’elles ont donnés sont assez peu encourageants.

But de l’invention.
Le but de l’invention est la réalisation d’un appareil électro-
acoustique, aussi peu encombrant et aussi léger que possible, qui
permette à un aéronef de connaître sa hauteur au-dessus du sol d’une
manière automatique et continue, particulièrement pour effectuer un
atterrissage correct sans y voir.
Différents dispositifs acoustiques ont déjà été essayés en Alle
magne, aux États-Unis et en France, grâce auxquels une onde sonore
très brève est émise du bord, se propage jusqu’au sol et revient à
bord après réflexion sur le sol. La durée, aller et retour, de la propa
gation, mesurée par l’intervalle de temps qui sépare l’émission de
son écho, permet d’apprécier la hauteur de sondage.
Deux difficultés considérables doivent être résolues dans ces dispo
sitifs.
La première tient à ce que pour sonder de haut il faut une émission
puissante, et pour sonder près du sol il faut une émission très brève
(i/iooe de seconde par exemple). Or puissance et brièveté sont deux
conditions contradictoires.
La deuxième provient du milieu terriblement bruyant dans lequel
le sondeur doit fonctionner, surtout lorsqu’il s’agit d’un avion. Faire
de la microphonie sensible dans un pareil milieu est déjà téméraire,
1070 BEVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
mais utiliser une onde très brève dont l’effet sur le microphone
récepteur est comparable à celui des chocs acoustiques brutaux
produits par les explosions du moteur, complique singulièrement
le problème.
Nous avons déjà exposé notre point de vue à ce sujet dans le
n° 80 de la présente revue, à l’occasion du sondeur acoustique de
M. Askenasy.
Description.
Pour tourner ces difficultés, les inventeurs ont proposé un procédé
de sondage tout différent dans lequel la durée de chaque émission,
qui n’est plus nécessairementbrève, varie avec la hauteur de sondage,
deux émissions successives étant automatiquement séparées par un
silence du même ordre de durée.
Le fonctionnement est le suivant :
Un émetteur sonore, monté sur l’avion, produit une onde continue
qui atteint le sol, s’y réfléchit et revient à l’avion. Quand la tête de
l’onde atteint le microphone récepteur, monté également sur l’avion,
un courant prend naissance qui, après amplification convenable,
fait mouvoir un relais approprié et coupe l’émission. L’appareil reste
en cet état tant que dure la réception, c’est-à-dire tant que la queue
de l’onde n’a pas elle-même atteint le récepteur. Enfin la réception
cesse, le relais revient à sa position première, et l’émission se rétablit
automatiquement, la cause qui l’avait arrêtée ayant disparu.
Il résulte de ce fonctionnement une émission sonore continue auto
découpée, la durée de chaque émission partielle variant automa
tiquement de quelques centièmes de seconde à une fraction impor
tante de seconde (1/2 seconde environ à 85m). La fréquence du
découpage, qui est bien entendu fonction de la hauteur de sondage,
est mesurée très simplement à l’aide d’un fréquence-mètre approprié.
*
* *
Sil’on se transporte dans le domaine des ondes électromagnétiques
et que l’on songe aux avantages considérables qu’ont apportés à la
T. S. F. les émissions entretenues, au point que les émissions amorties
ont été complètement abandonnées, le procédé de sondage ci-dessus,
qui utilise précisément des émissions continues, jouit d’un préjugé
éminemment favorable.
Observons toutefois qu’il ne faut pas attendre des fréquences
acoustiques, que la pratique du sondage a fixées en général au-
dessous de 2000, des performances comparables à celles réalisées
par les radiofréquences. Il est néanmoins rationnel que le rendement
d’un sondeur continu soit supérieur à celui d’un sondeur bref, ce qui
se traduit par une diminution de volume, de poids, et de
prix.
*
* *
Un tel procédé de sondage présente toutefois un assez grave incon
vénient, que les inventeurs ont d’ailleurs surmonté à l’aide des dispo
sitions qui vont être décrites.

llllllllllllllllllllllllll!llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIIIIIIIIIH<llllllllllllllllllllllllllilllllllllllllHlllll'
REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR. 1071

Cet inconvénient tient


récepteur est impressionné
à ce que le
directement par l’émetteur placé nécessairement à proximité de lui,
et d’une manière indépendante de la hauteur de sondage. Cette
action directe, parasite, peut même empêcher tout sondage en produi
sant une fréquence de modulation très rapide, fréquence qui est liée
à la distance courte qui sépare l’émetteur du récepteur. En effet
si l’émission est en quelque sorte surmodulée, elle n’est plus continue,
contrairement à l’hypothèse, et le fonctionnement décrit plus haut
ne peut pas s’établir.
Nous avons montré, dans le no 80 de la revue déjà cité, qu’il n’est
pas possible d’empêcher la modulation d’onde directe par filtrage.
Mais il est possible de compenser l’effet de cette onde directe pour
empêcher qu’elle n’exerce d’action gênante sur le récepteur.
Procédés de compensation.
Le premier consiste à prélever dans le courant d’alimentation de
l’émetteur, qui est électro-acoustique, une petite quantité d’énergie
que l’on dirige dans le relais destiné à couper l’émission quand le
récepteur est normalement excité. Cette quantité d’énergie est dosée
pour équilibrer l’effet constant produit sur le relais par l’onde directe
et empêcher le basculement inopportun dudit relais.
La figure i montre le schéma sommaire d’un sondeur muni d’un
tel système compensateur.

Le microphone récepteur M, suivi d’un amplificateur accordé sur


la fréquence d’émission, alimente un relais R. L’oscillateur O, suivi
d’un amplificateur de puissance A, alimente l’émetteur sonore
branché en E.
La fermeture du contact C du relais a pour effet de décrocher l’oscil
lateur O.

IIIIIIIIIIIIII1111IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII II IIIIIIIIIIIIIIHIII
1072 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Dans le circuit d’alimentation de l’émetteur est intercalé un poten
tiomètre P, ce circuit empruntant l’enroulement compensateur e du
relais R. Les deux enroulements du relais sont prévus pour qu’à
l’aide de P, on puisse annuler les ampères-tours positifs provenant de
l’excitation du microphone par l’onde directe, à l’aide des ampères-
tours négatifs créés par l’enroulement e.
En réalité le courant récepteur et le courant compensateur qui
parcourent ces deux enroulements sont préalablement redressés
pour qu’on n’ait à équilibrer que des ampères-tours continus.
Fonctionnement. — Le fonctionnement est le suivant :
Quand une onde sonore est émise, le courant d’alimentation de
l’émetteur, qui traverse l’enroulement e, bloque immédiatement
le relais dans sa position de repos sur le contact C'. Un instant après,
la tête de l’onde atteint directement le micro M, avant que l’écho
n’ait eu le temps de parvenir à l’avion, et débloque le relais qui se
trouve alors libre de toute contrainte. Puis l’écho arrive à son tour
sur le micro, le relais bascule et ferme le contact C. Aussitôt l’oscil
lateur O se décroche et l’émission est coupée. Cette situation dure
jusqu’à la fin de l’écho. Après quoi, le relais revient de lui-même au
repos, le contact C s’ouvre, l’oscillateur O se raccroche spontanément
et une nouvelle émission se produit. Le cycle recommence, etc.
Remarquons que la distance émetteur-micro, sur l’avion, étant
invariable, l’effet de l’onde directe est pratiquement constant, et il
suffit de régler le potentiomètre P une fois pour toutes.

Voici un deuxième procédé de compensation.


Le récepteur possède deux microphones distincts, orientés de
manière que l’un soit exposé à l’onde directe et à l’écho, et l’autre à

l’onde directe seule. Les effets de l’onde directe sur les deux micros,
constants pour des emplacements déterminés, sont détectés et opposés.
L’écho agit donc seul comme s’il n’y avait pas d’onde directe.
Un tel dispositif est schématisé sur la figure 2.
Les deux microphones sont représentés en M et M'. Les courants
alternatifs qui en sont issus sont redressés à l’aide des soupapes en
cuivre-oxyde S et S' (on pourrait aussi bien adopter deux diodes ou

IIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1073

une seule valve biplaque), et les courants continus recueillis s’opposent


dans le primaire du transformateur T. Un rupteur r, alimenté sépa
rément d’une manière quelconque, interrompt périodiquement le
courant continu du primaire. Le secondaire s du transformateur
attaque l’amplificateur du récepteur. Le reste de l’appareil est sans
changement, sauf que le relais qui découpe l’émission n’a plus besoin
de l’enroulement compensateur e.
Le fonctionnement se comprend immédiatement. Les deux cou
rants microphoniques résultant de l’onde directe étant, par cons
truction, constamment opposés et égaux, donnent un flux nul dans
le transformateur T, et les coupures du rupteur sont sans effet. Au
contraire ces coupures font que le courant d’écho engendre une
tension secondaire périodique à l’entrée de l’amplificateur de récep
tion.
Les deux procédés ci-dessus de compensation peuvent, bien entendu,
être combinés ensemble et utilisés simultanément. Dans ce cas, le
relais du récepteur conserve son enroulement compensateur e.
Mesures des fréquences.
La fréquence de modulation de l’émission varie en raison inverse de
la hauteur. Si l’on néglige la constante de temps du sondeur, cette
fréquence est théoriquement égale à 10 par exemple pour une hauteur
de 8 m ,5o. Pratiquement elle est un peu plus faible parce que la cons
tante de temps n’est pas nulle.
Un fréquencemètre spécial est prévu. Son fonctionnement est lié
au jeu du contact C' du relais R. Le principe en est schématisé sur la
figure 3. Une pile p débite dans la résistance r quand le contact C'

est fermé. En même temps elle charge les condensateurs y et r qui


sont montés en série par l’intermédiaire de la soupape sèche S, la
capacité r étant beaucoup plus grande que la capacité Y. Quand le
contact C' s’ouvre, le condensateur Y se décharge dans r en char
geant corrélativement le condensateur r, lequel ne peut d’ailleurs pas
se décharger ailleurs que dans le voltmètre V (il en est empêché
par le jeu de la soupape S).

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
ii ni mu iiinii niiii!i iiiiiiiiiiiiii!IIII!iiiiiiiiiiii
R. A. A. — No 86. 8
1074 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Ainsi r
reçoit des charges successives, toutes de même sens, dont
la fréquence est déterminée par le relais R, et se décharge simul
tanément dans V. Chaque charge de r est d’ailleurs égale au produit Y",
y désignant la tension de la pile p. Il en résulte aux bornes de V une
tension moyenne qui est fonction de la fréquence. V est suffisamment
amorti pour que l’aiguille soit stable.
*
* *
Ce dispositif donne des déviations proportionnelles aux fréquences.
En définitive on obtient une graduation resserrée aux grandes hau
teurs, ce qui n’a pas d’inconvénient, et très ouverte aux faibles
hauteurs, ce qui est particulièrement avantageux pour l’atterrissage.
On peut sonder jusqu’au ras du sol.
(Brevet n° 748 642. — 3 p.).
(Brevet n° 782 871. — 4 P-, 2 fig., 28 réf.).
Gaëtan JACQUET.

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllilllKlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllUIUUIII
il iiiiiii uniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

BIBLIOGRAPHIE

Hitlers motorisierte Stossarmee,


(L’Armée de choc motorisée d’Hitler), par A. Muller. {Éditions du
Carrefour, Paris, 220 p., en allemand).
Le sujet est de la plus grande importance. Nous ne savons pas qui
est M. A. Müller, Allemand réfugié sans doute, puisqu’il édite à Paris
un livre en allemand qui présente le Führer comme un danger pour
la paix mondiale. Son livre vaut cependant d’être étudié spécialement
pour les informations et extraits d’études militaires qu’il comporte.
Nous voulons essayer d’en donner un aperçu.
D’abord l’Allemagne prend un soin particulier de cacher son activité
de réarmement : 10 condamnations à mort en 1935 pour rensei
gnements fournis à l’Étranger.
Le programme d’ensemble de motorisation comprend :
— la création de divisions cuirassées, en outre de l’extension de
la motorisation à toutes les parties de l’Armée;
— l’accroissement du potentiel de l’industrie automobile;
•—
la solution du problème de production des carburants et du
caoutchouc;
-—
la création d’un puissant système d'autostrades ;
—- l’organisation du transport routier.
l’industrie automobile.
Le potentiel de

On a procédé à une unification des modèles : alors qu’en 1928 il


y avait 27 usines construisant 95 types d’autos pour le transport des
personnes, en 1934 il n’y avait plus que 16 usines et 51 types (1).
L’industrie automobile a été subventionnée par des diminutions
d’impôts sur les voitures (en 1933 et 1935), par le financement des
modèles de course, par des primes, par des inspections techniques

(h Ces chiffres ne sont pas concluants, car la proportion reste la même sensi
blement.

Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllttlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
8.
1076 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
de la police obligeant à la réforme des vieux modèles en circulation,
par une participation de l’État à des augmentations de
capital :
— Société D. K. W., capital porté à 10 millions de marks, avec
participation de l’État;
Usines Horch, augmentation de capital de 3 millions de marks
—- privilégiées;
par la banque d’État de Saxe qui reçoit des actions
— Usines Wanderer;
—-
Usines Audi;
Usines Adler, subvention pour s’adapter à l'unification des
—-
types et créer une automobile populaire;
— Usines Daimler;
Usine B. M. W., subvention de l’État bavarois pour extension
—-
des ateliers.
Il y enfin des crédits pour déplacement d’usines de la région
a eu
frontière : Opel transféré à Brandebourg.
Résultat : 10 firmes fabriquant des chars et autos blindées.
Parmi les plus gros producteurs :
Opel, qui sort 50 camions rapides par jour, spécialement adaptés
aux desiderata du ministère de la Guerre;
Daimler, à Stuttgart;
Auto-Union, à Chemnitz;
M. A. N., à Nuremberg;
Adler, à Francfort.
Production comparée des automobiles par centaines.

Production en motocyclettes par milliers.


France. G.-Bretagne. Allemagne.
1934 592 600 934

Construction d’autostrades.
La carte ci-après indique le programme exécuté ou à réaliser
en juin 1935, à l’allure de 1km par jour, occupant
directement ou
roulement de
non 250 000 personnes, qui parfois travaillent par
trois équipes sans interruption, au salaire maximum de 3 fr ,5o par
heure.
De nombreux aérodromes se trouvent à proximité immédiate des
autostrades.
Le personnel spécialisé.
Pour la conduite du matériel automobile militaire, on a à usage
créé le N. S. K. K., corps motorisé national-socialiste, composé de
volontaires soigneusement choisis.
A l’effectif de près de 500 000 hommes, il est organisé en quatre

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1077

D’après Hitlers motorisierte Stossarmee ».


«
État, à la fin de juin 1935, des travaux d’extension du réseau routier allemand.
On remarquera la rocade, contournant la Tchécoslovaquie.

inspections, 21 brigades, et 3 groupes autonomes dont un pour l’Au


triche. Le personnel, souvent appelé à des exercices, est entraîné à
de nombreux exercices sportifs avec véhicules mécaniques.
«
Le livre de M. A. Müller montre donc l’énorme effort de l’Allemagne
dans la voie de l’équipement automobile du pays et de l’Armée alle
mande, même en supposant quelques exagérations dans les chiffres
donnés, ce que pourrait laisser soupçonner l’estimation que l’auteur
donne de la production aéronautique mensuelle de l’Allemagne :
830 avions au minimum, chiffre probablement deux à trois fois
supérieur à la réalité.

État des officiers de l’Armée de l’Air.


(Lavauzelle, Paris).
Édition 1935 de l’annuaire classique, indispensable et clair.
1078 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Das deutsche Wehrwesen in Vergangenheit und Gegenwart.


(Le système militaire allemand dans le passé et dans le présent),
par Otto Bleck (Konradin, Stuttgart et Berlin, 472 p.).
Ouvrage remarquable, traitant des bases, du caractère et des diffé-
rents procédés des armées prussiennes et allemandes depuis l’époque
des anciens Germains jusqu’à nos jours. La description du dévelop
pement militaire en Allemagne après la guerre de 1870-1871 mérite
une attention particulière; ce développement a atteint un point
culminant en 1914.
Le rétablissement du service militaire obligatoire en 1935, la

Photographie aimablement communiquée par la revue « Luftwehr ».

Exercice de tir de pièce antiaérienne allemande de 88 mm.

111 111111 1111 11111 1111


REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1079

période de réarmement précipité qui a suivi et que nous vivons encore,


témoignent du désir de dépasser, si possible, ce point culminant.
Pour le militaire et l’homme politique ce livre est d’une valeur
inestimable, historique et actuelle. La disposition des matières est
excellente, le langage clair et les auteurs des différents chapitres,
des officiers allemands renommés, semblent dominer le problème
qu’ils traitent.
H. K.
Das Buch der deutschen Fluggeschichte.
(Le livre de l’histoire de l’Aéronautique allemande), par Peter
Supf (H. Klemm, Berlin. Tome II : 640 p., très nombreuses illus
trations, forte reliure carton et toile).
C’est un magnifique ouvrage, richement illustré de nombreuses
photographies inédites et qu’on lira avec intérêt, d’abord pour sa
partie historique, relative à la période d’avant-guerre.
Pour la période de guerre, on retrouve, en outre des chapitres
consacrés aux « as » de la chasse, une histoire moins connue des avia
tions d’observation et de bombardement, terrestres et maritimes.
Un chapitre est consacré aux inventeurs; parmi eux, fort ignoré
de la masse, fut Schneider qui collabora avec Édouard Nieuport
jusqu’à la mort de ce dernier, et dont les brevets de 1913 sur les
moteurs-canons, mitrailleuses synchronisées et tourelles sont d'éton-
liantes anticipations, non suivies d’exécutiond’ailleurs pour la plupart.
L’époque d’après-guerre, mieux connue, est rapidement traitée.
Le livre est consacré moins aux idées qu’aux individualités; c’est
une de ses originalités attrayantes.
Le Tome 1, consacré à la période qui va des origines de l’aviation
à nos jours, est analysé dans « L’Aéronautique ».
Les deux tomes sont vendus ensemble, au prix de 35 R. M.
P. E.
L’énigme du Jutland.
L’énigme du Jutland, par M. LANGHORME-GIBSON et le vice-amiral
Harper. (Éditions de la Nouvelle Revue critique, Paris, 320 p. —-
Prix : 241).
Qui fut vainqueur ?
Voici un livre du plus haut intérêt, d’abord par le récit — clair,
cette fois — du plus confus et formidable combat naval qui ait eu
lieu. On lira également avec curiosité les chapitres relatifs à l’exploi
tation psychologique des résultats de la bataille, grâce à des commu
niqués habiles et tendancieux chez les Allemands, embarrassés et
maladroits chez leurs adversaires, qui provoquèrent l’égarement et
l’ingratitude de l’opinion britannique à l’égard du grand amiral que
l’on enterrait dernièrement à Westminster Abbey : Jellicoe.
Un fait extraordinaire, et bien connu d’ailleurs, c’est l’absence
totale de participation de l’Aéronautique de part et d’autre. Et

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII11IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIII
1080 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
cependant, en 1916, l’Aviation n’était plus dans l’enfance; quant
aux Zeppelins, ils avaient déjà de nombreux raids à leur actif.
Pour nous la véritable énigme du Jutland est aujourd’hui d’ima
giner ce qu’aurait été la bataille si — comme cela pouvait parfaitement
arriver -— le Short du transport « Engadine » n’avait pas eu de panne
de radiateur ou avait eu un remplaçant, ou bien si les Zeppelins
avaient pu affronter le mauvais temps, les uns et les autres parvenant
à renseigner quelque peu les Jellicoe, Beatty, Scheer et Hipper,
naviguant vers l’inconnu dans la brume, puis l’obscurité.
Bataille de temps à jamais révolus, puisque l’Aviation n’y figurait
pas, le Jutland a failli révéler au Monde ce que pourrait être le combat
de grandes flottes cuirassées, mises par les Avions dans l’impossi
bilité de se dissimuler respectivement leurs évolutions.
P. E.

Le Gérant : E. THOUZELLIER.
IIIIII11II11III11II11II 111IIIIIIIII11
105200. — Imp. Gauthier-Villars.
Photographie courtoisement communiquée par « Mundo Âeronaiilico ».
Un VOUGHT « Corsai n » de UAviation argentine.

Revue de l’Armée de l’Air


N° 87 SOMMAIRE Octobre 1936

PREMIÈRE PARTIE.
Pages.
Note éditoriale. — Le bombardement des services de l’arrière. 1083
. .
Le vol aux instruments,
par le Général ARTURO CROCCO 1085
Au sujet des méthodes modernes de prévisions météorologiques,
par le Lieutenant-Colonel de Réserve A. VERDURAND. . . .
1105
Le navire porte-avions,
par l’Ingénieur en chef du Génie maritime C. ROUGERON . 1128
Vitesse et altitude en aviation.
par Louis BREGUET 11 47
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation militaire française
(suite ),
par le Lieutenant-Colonel BELLENGER 1162

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllli:
R. A. J. — N» 87. 1
1082 REVUE DE L'ARMÉE DE LAIR.

DEUXIÈME PARTIE.

INFORMATION GÉNÉRALE
Pages.
Les destructions ferroviaires par P. E. 1178
Le bruit des hélices bipales par L. K. 1178
Politique de l’aviation d’outre-mer par P. E. 1184.

LE MATÉRIEL DES AVIATIONS NATIONALES

France. — La S,é Aérienne Bordelaise par P. L. 1187

CHRONIQUE DES ACTUALITÉS

Le concours de tir des Ecoles de perfectionnement des officiers de


réserve de la région parisienne par P. L. 1191

BIBLIOGRAPHIE.

Prévision du temps par l’analyse des cartes météorologiques. —


Taschenbuch der Tanks. — Fahren und Fliegen. — Fliegers-
chulung in Bildern. — L’autogire et son pilotage. — Die
Waffen der Luftstreitkraefte 1197

'IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIIlIlnilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllUIIIKIIIIIIIIKIHIIIIIIIIIIII
Note éditor iale

LES SERVICES DE L’ARRIÈRE


SOUS LE BOMBARDEMENT AÉRIEN.

Les manœuvres viennent de s’achever.


Une fois de plus,
l’Aviation a découvert, puis bombardé
des colonnes, des troupes
en réserve, des batteries, des fronts plus ou moins théo
«
riques. Entre ces éléments combattants,»
aujourd’hui parfaite
ment dressés contre la
menace aérienne, et les agglomérations
urbaines qu’on songe à démolir,
il y a tous ces services de l’ar
rière auxquels peut-être
on ne pense pas assez, soit pour les
détruire, soit pour les défendre.
Prenons un aide-mémoire d’Etat-Major
ciel. Quelles modifications ont-ils ou un règlement offi
incorporées à ce sujet depuis
quelques années ? Aucune.
Aux manœuvres, les Services de l’arrière,
sont plus virtuels encore pour mille raisons,
que les troupes combattantes. Com
ment s’étonner dès lors qu’on ait tendance
à laisser de côté
les mesures de dispersion, de camouflage,
de défense de ces
vices contre l’investigation aérienne ser
et les bombardements qui
en sont la suite naturelle ? Nous
nous contentons ici de poser
le problème général, mais il
y aurait à revoir toute l’organisa
tion des services sous l’angle de la
aérienne; il en résul
terait sans doute des conclusions menace
dont la répercussion serait
importante sur la conduite même
des opérations.
Que les combattants soient
«motorisés» ou non, il faut
derrière eux un afflux de vivres,
des tonnages monstrueux de
munitions, des équipes routières innombrables
et des hôpitaux
encombrants.
S’il est admis qu’avec l’accroissement
des vitesses, les avions
pénétreront aussi facilement à 50km
dans les lignes qu’à 5km
autrefois, il importe
en premier lieu d’essayer de dissimuler
équipement des arrières. A quoi cet
servirait d’amener
l'éclair des divisions motorisées comme
en une seule nuit, si le secteur
«iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
iiiiiiiin nu iMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinr
1084 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
l’équipement
de leur attaque était révélé un mois à l'avance par
intensif des arrières de ce secteur ?
Deux solutions. D’abord, équiper uniformément «tout le
front», si tant est qu’il y aurait un front; c’est ce qu’on fit
1917-1918; il y fallut des années et l’effort industriel de la
en
moitié de l’univers. Ou bien dissimuler, par un camouflage que
la photographie aura vite découvert et, mieux, par une dilu
tion des installations poussée à l’extrême. Alors il faut réviser
les données d’Etat-Major, par exemple :
doubler les distances et admettre que les hôpitaux d’éva

cuation et gares régulatrices seront à 100 au lieu de 50km du
front, les parcs d’artillerie et du génie à 40 au lieu de 20, les
parcs d’aviation à 150km.
fractionner les installations, couper les parcs en deux;

allonger les emplacements pour passer de la forme carrée,

artificielle, non dissimulable, et sensible aux arrosages aériens,
les routes
à la forme allongée, puis filiforme et tortueuse que
elles-mêmes suggèrent.
Parvenus à ce degré de dilution, les Services de l'arrière
n’arriveraient-ils pas à s’intégrer complètement avec un pay
du temps de paix : les tentes
sage qui conserverait son aspect
blanches de l’hôpital auraient fait place aux hôtels de la ville
évacuée, chaque cour de ferme dissimulerait sous ses appentis
un stock de munitions.
Mais l’ordonnancement de tout ce dispositif serait-il possible
tant que la France n’aurait qu’un téléphone pour une trentaine
d’habitants, sans d’innombrables convois de camions et des
foules de manutentionnaires ?
Nous avons mis trois ans, pendant la guerre, à comprendre
qu’il fallait diluer les effectifs, ne pas tout masser dans la pre
mière tranchée, fixer le nombre de fantassins à lancer à l'assaut
d’après le nombre de canons capables de les appuyer et le ton
d’œuvre.
nage d’obus amenés à pied
Peut-être faudrait-il, une fois de plus, envisager de réduire
le nombre de combattants d’après l’outillage militaire qu'on par-
viendrait à leur apporter sans être vu ou détruit par les avions.
Il semble bien, en tout cas, que le mécanisme des arrières,
si l’on veut leur éviter l'inutile anéantissement, ne
devrait
guère ressembler à celui que nous avons connu.
R. A. A.

«iiiiiii>iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii';iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinillii>iii
Le vol aux instruments

Par le Général Arturo CROCCO.

Le vol aux instruments complète le cycle qui a conduit à


concevoir, réaliser et parfaire l’équilibre des machines volantes.
Ce cycle commence dans la pensée, continue dans l’action et
se conclut dans la technique.
Dès qu’il conçut la possibilité du vol humain, le penseur
entrevit les limites étroites entre lesquelles celui-ci pourrait
s’effectuer; aussi se préoccupa-t-il plutôt de cette étroitesse que
de l'insuffisance des forces motrices.
Pour le vol, l’intervalle d’utilisation de l’angle d’incidence
ne peut guère dépasser une douzaine de degrés, dans les condi
tions moyennes; six degrés de plus ou de moins font sortir des
limites de la sécurité. Six degrés ! la soixantième partie d’un
cadran d’horloge, soit l'angle correspondant à l'espace d’une
minute. C’est l’angle maximum dont un pilote peut faire varier
vers le haut ou vers le bas sa ligne de vol par rapport à une
ligne de référence liée au fuselage de l’avion.
On s’attaqua à la stabilité et l’on en approfondit l’idée bien
avant que les machines aient volé, cherchant ce que les savants
devaient nommer la « stabilité intrinsèque ». On considéra
d’abord l’existence possible d’une stabilité longitudinale, puis
d’une stabilité latérale, enfin des deux stabilités conjuguées.
Mais le problème se révéla extraordinairement complexe. Il
s’agit d’un corps libre dans l’espace, donc à six degrés de
liberté, tandis que le train n’en a qu’un et l’automobile deux,
tous les six interdépendants et responsables de l’équilibre :
trois mouvements du centre de gravité (vitesses suivant les
trois axes rectangulaires) et trois oscillations autour du centre

niiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiu mi ii iiiiiiiiiiiiniii t ii i uni ii ii uni


1086 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
de gravité (tangage, roulis, embardée). Et l’interdépendance
n’existe pas seulement entre deux groupes, mais de groupe à
groupe.
Ils’ensuivit que la mathématique la plus savante ne réussit
pas à résoudre le problème de la stabilité intrinsèque.
L’homme comprit alors la nécessité, ou mieux, l’intérêt de
V équilibre commandé, et pensa aux organes de commande.
Au gouvernail de direction des navires il ajouta le gouvernail
de profondeur; avec ces deux gouvernails associés, il put piloter
le dirigeable en direction et en altitude. Mais, pour le planeur,
il fallut une troisième commande; et l’on ne réussit à voler
que le jour où fut créé ce troisième organe équilibreur, actuel
lement représenté par les ailerons, qui préside à l’inclinaison
du plan des ailes.
Ces trois commandes en mains, l’homme se fit lancer dans
l’air par catapulte; il tomba, se releva, étendit à nouveau ses
ailes, s’entraîna, entraîna ses compagnons, devint maître de
l’équilibre et créa l'aviation moderne.
Le mérite de cette grande conquête ne revient donc pas aux
spéculations, mais bien plutôt à la pensée militante, qui brise
les retards de la méditation, pour affronter les hasards de la
pratique et avance de tranchée en tranchée dans une sanglante
bataille.
Toutes les grandes inconnues de l’équilibre furent ainsi
révélées l’une après l’autre : la perte de vitesse, la chute à
la verticale, la glissade sur l’aile, la vrille; mais hélas ! chaque
révélation coûta une victime, ou plus exactement une série de
victimes car la première ne fut presque jamais capable de rap
porter à ses camarades ce qu’elle avait découvert.
De là vient que les aviateurs considèrent aujourd’hui l’avia
tion comme leur domaine exclusif.

Les possibilités réelles du vol ainsi définies, grâce aux pilotes,


il devint possible aux savants, aux constructeurs, aux techni
ciens, de préciser par le calcul et l’expérience les limites du
problème, les phénomènes aérodynamiques en jeu et les organes
de commandes les plus efficaces à mettre entre les mains des
pilotes pour voler dans les meilleures conditions. Mais, pour

snunnnnHnunnumummmmununnnunnnvn»anunuuunnunuu»naneumuunuumuunuunuunuuunuuuunuuuuueunununuunuuu»uuuuuuuuauuuaauuaanuanunanuananünnnqannu)
obtenir ce résultat fondamental — la sécurité du vol —, on
s’en remettait à une seule formule : Ventraînement.
Aujourd’hui encore, et pour longtemps, quel que soit le mérite
de l’instructeur, à quoi correspond en effet l’entraînement ?
A faire triompher graduellement l’élève des difficultés du pilo
tage, depuis le roulement jusqu’à l’acrobatie, jusqu’à ce qu’il
s’établisse dans son esprit un bagage mnémonique de relations
préalables entre les perceptions de vol et les réflexes de com
mande.
Quand ce bagage sera complet au point d'encadrer tous les
cas possibles dans la pratique de l’aviation, l’élève sera devenu
pilote et pourra obtenir son brevet.
Ce bagage mnémonique peut d’ailleurs devenir, chez certains
pilotes, si fidèle, si prompt et si précis qu’il a fait supposer
l’existence d’un « instinct aviateur », d’un « sixième sens »
transmissible héréditairement : le « sens de l’espace ».
Cette hypothèse a été renforcée par le fait indéniable que
les bons pilotes réussissent parfaitement à maîtriser des avions
que les calculs mathématiques montrent indifférents ou com
plètement instables. A tel point que les théories sur la stabilité
intrinsèque, dont nous avons parlé et qui ont coûté tant d’efforts
intellectuels, même simplifiées et dépouillées de leurs termes
transcendants, sont tombées en désuétude depuis la guerre chez
les constructeurs et ne s’enseignent qu’à titre de curiosité mathé-
matique dans les écoles supérieures.
Je possède moi aussi quelques-uns de ces souvenirs histo
riques dans mes archives personnelles et je tente péniblement
de réhabiliter les efforts de chercheurs de la première heure
auprès de mes élèves incrédules !
En conclusion, l’équilibre intrinsèque de l’avion a cédé place
à l’« équilibre commandé »; et les qualités éventuelles de sta
bilité propre d’un avion ont fini par devenir un luxe préfé
rentiel, tandis que les qualités de maniabilité ont pris une
importance prédominante. « Maniabilité » signifie, en premier
lieu, « légèreté » des commandes, avec des réactions musculaires
nettes dans les changements d’assiette et sensiblement nulles
dans le vol normal; en second lieu, « efficacité », malgré la
légèreté des commandes, c’est-à-dire obéissance rapide de l’ap
pareil à l’action de celles-ci.
Avec de telles qualités, un avion à moteur, même totalement
1088 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
dépourvu de stabilité propre, est facilement maintenu en équi
libre par la triple action de ses commandes.
Ce qui signifie pratiquement : maintien de toutes les posi
tions possibles de vol et exécution de toutes les manœuvres
intermédiaires sans que l’assiette de l’avion puisse jamais
devenir dangereuse, c’est-à-dire sans que cette assiette puisse
sortir des limites d’un cadre imaginaire défini par des coor
données aérodynamiques, qui sont : en bas l’incidence corres
pondant à l’excès de vitesse, en haut, l’incidence critique et,
des deux côtés, la glissade sur l’aile et la vrille. Hors de ce
cadre il y a rupture d'équilibre.
Pour le maintien de cet équilibre les trois commandes sont
indépendantes; et cette indépendance constitue l’une des plus
grandes difficultés de l'apprentissage jusqu’à ce que dans le
bagage mnémonique du pilote se soient formés les schémas syn
thétiques des attitudes à faire correspondre aux différentes
situations.
Mais quelle est l’excitation sensorielle capable d’extraire
des cases cérébrales ces schémas synthétiques au moment
décisif ?
Provient-elle seulement des perceptions visuelles ou dérive-
t-elle aussi de certaines sensations intérieures qui justifieraient
l’existence d’un sens de l’équilibre ?

Ici sont intervenus en aviation les psychologues, les physio


logues, les médecins.
La psychologie a trouvé que l’homme se forme sur le sol une
représentation cérébrale particulière du monde terrestre et la
transporte telle quelle à bord de l’avion, rapportant à celle-ci,
instinctivement,. toutes ses perceptions. Il ne peut, par consé-
quent, posséder aucun sens de l’orientation; il ne peut davan
tage apprécier, sans le secours de la vue, sa marche vers un
point donné, ainsi que la position et l’équilibre de son appareil
dans l’espace.
La physiologie, au contraire, a découvert dans l‘homme, en
plus de la vue, d’autres sens importants tel le sens musculaire
et le sens statico-cinétique des oreilles ; et après des siècles
de discussions elle en est arrivée à définir l’existence d’un

UülllllllllllllllllllllllllIIIIIIIIIIMIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlIllIlHIIIIIIIIIIIIIIllllllllllllllllllllllllHillllllllllillilllllilllll
« sens de localisé dans le vestibule auriculaire.
l’équilibre »
Dans cet appareil — le plus délicat des instruments dus à la
nature — les otocystes et leurs otolithes, symétriquement dis
posés, fournissent à l’homme vivant sur la terre le sens de la
pesanteur et, par suite, de la verticale, qui a été appelé sens
statique; tandis que les canaux semi-circulaires et l'endolymphe
fournissent le sens dit cinétique, c’est-à-dire le sens des mou
vements du corps. Nous devons au professeur italien Bilancioni
la plus importante contribution à ces recherches.
Transposée du sol dans l’air, la physiologie a cependant
douté de -ses conclusions ; elle dut souvent empiéter sur la méta
physique pour ne pas aboutir, elle aussi, à la négation totale.
Enfin, les médecins, sont venus fraterniser avec les aviateurs,
et vivre la vie des aérodromes, ce qui leur a permis de préciser
les fatigues du vol et d’expérimenter sur les pilotes entraînés
et sur ceux qui s’entraînent.
Ils ont examiné les aptitudes physiques et psychiques des
candidats aviateurs, l’intégrité de leurs organes vitaux, la sen
sibilité de leurs appareils sensoriels de réception et de trans
mission ; ils ont étudié leur émotivité et leurs réflexes et créé
une véritable spécialité médicale aéronautique.
Les médecins se sont aussi arrêtés sur le sens de l’équilibre
et sur l’appareil vestibulaire. Ils ont soumis les patients à des
excitations dissymétriques ou centrifuges du labyrinthe, capa
bles de créer le vertige chez les sujets anormaux, et de déso
rienter les sujets normaux pendant un temps mesurable, base
de la classification. Et, suivant les résultats de ces tests, tel
candidat est pris ou éliminé.
Devons-nous demander quelque chose de plus à la psycho
logie, à la physiologie, à la sélection sanitaire ? Devons-nous
avec la première tout refuser, avec la seconde admettre quelque
chose, et avec la troisième rechercher l’instinct même du vol ?
Et pour finir est-il permis, comme d’aucuns le firent, de se
confiner dans la métaphysique ?
La réponse à ces questions constitue le point crucial de mon
exposé.

Qu’on me permette de m’expliquer en qualité de mécanicien,


c’est-à-dire en dehors des hypothèses sur les phénomènes non

llllllllllllllililllllllillllllllllllllllllllllllllliuillllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllliiflllllllllll
ioç o REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
élucidés. Le mérite de la mécanique est d’opérer sur le connu.
Elle ignore, par principe, les entités mystérieuses. Seuls entrent
dans sa sphère les faits parfaitement connus, c’est-à-dire con
trôlables, reproduisables, mesurables.
Or, depuis Galilée, la mécanique reconnaît à la matière une
propriété fondamentale, communément appelée inertie, selon
laquelle elle résiste aux variations du mouvement. Je dis varia
tions du mouvement et j‘entends par là vitesse croissante ou
décroissante, ou, selon l’expression courante, accélération (le
ralentissement étant une accélération négative).
Pour déceler cette propriété, il suffit de considérer dans la
matière une discontinuité quelconque : par exemple, un contenu
imparfaitement connexé à son contenant. En accélérant ou
retardant le mouvement du contenant au moyen d’une force
externe, le contenu recule ou avance par rapport au contenant,
parois du
en déformant ses liaisons souples ou en pressant les
contenant. On peut donc dire, pour employer un verbe qui
frappe l’esprit, que la matière ressent l'accélération.
L’expérience enseigne, en outre, depuis le premier homme,
c'est-à-dire cette
que la matière ressent également la pesanteur,
force particulière qui provient de la Terre.
Sous l’action de la pesanteur, le contenu déforme également
les parois de
ses liaisons avec le contenant ou presse contre
à l’égard de la
ce dernier. La pesanteur se comporte donc
matière comme une accélération déterminée, que l'on appelle
gravité et que l’on symbolise par la lettre g. Elle nous apparaît
de nature statique, tandis qu’une accélération quelconque nous
semble de nature cinétique; mais, du point de vue mécanique,
il n’y a là aucune différence.
Einstein a précisément essayé de concilier ces diverses appa
rences dans sa. nouvelle mécanique. Mais cette conciliation phi
losophique n’a aucun intérêt pour le problème que nous expo
sons. La pesanteur agit sur nous comme une
forme particulière
de l’accélération. C’est là une règle fondamentale dans les
limites des vitesses accessibles à l’homme.
Si nous appliquons ce raisonnement à l’appareil vestibulaire,
nous pouvons dire par analogie que tant les otocystes que les
canaux semi-circulaires constituent précisément des agrégats
discontinus de matière, soumis à l’accélération. Les otolithes

tllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllnlllllillllllllllllllllll)
et l’endolymphe se comportent vis-à-vis de ceux-ci exactement
comme un contenu par rapport à son contenant, et cela quelle
que soit l’origine de l’accélération : pesanteur ou variation du
mouvement.
Au cours de leur longue accoutumance à la vie terrestre, ces
deux organes se sont différenciés et spécialisés; l’un enregistre
l'accélération de la pesanteur, l’autre les accélérations produites
par les déplacements du corps humain. Du point de vue didac
tique, il peut être donc commode de réserver au premier la déno
mination d’organe statique et à l’autre celle d’organe cinétique,
mais il existe seulement le sens de l’accélération qui les englobe
tous deux.
Il suffit de soustraire l’homme à la locomotion terrestre hori-
zontale —- où les accélérations du mouvement sont petites en
comparaison de g — puis de le transporter sur un avion où,
au contraire, prédominent les accélérations dues au mouve
ment, souvent supérieures à g, pour comprendre toute l’impor
tance de cette observation et en déduire les conséquences.
Dans une étude précédente (1), il y a six ans, j’ai eu l'occa-
«ion de traiter ce sujet et d’apporter une démonstration expé
rimentale que naturellement je ne répéterai pas ici; mais il me
semble opportun d’en rappeler les lignes fondamentales pour
arriver à une conclusion précise.

<o
Le support de l'homme dans le vol n’est plus la terre, mais
la voilure; et c’est le plan de la voilure, c’est-à-dire le plan
envergure-corde moyenne des ailes, qui devient le véritable plan
de référence des sensations de l ’aviateur, si par hasard la nuit
ou le brouillard lui cachent l’horizon. C’est en effet par rapport
à ce plan, à quelques degrés près, qu’il est assis, qu’il reconnaît
sa position dans la carlingue, qu’il fixe le zéro de certains
instruments de bord. S’il s’en tient uniquement à ses sensations
intérieures, il rapportera donc à ce plan l’accélération totale
qu’il ressent à bord de l’avion, sans pouvoir faire une distinc
tion entre celle-ci et l’accélération due à la gravité; cette accé
lération totale lui donnera la direction de la verticale apparente,

(1) La sicurezza del volo nella nebbia (Rivista Aeronautica).


1092 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
quelle que soit l’orientation du plan de la voilure dans l’espace,
c’est-à-dire quelle que soit la direction vraie de la verticale ter
restre.
Etant donné que la connaissance de l’accélération totale pen
dant le vol n’est pas immédiate pour l’esprit, nous nous servi
rons, pour éclaircir ce point, d’une proposition mécanique qui
facilite l’étude et qui synthétise la dynamique du vol.
« L’accélération totale est toujours d’un sens opposé à celui
de la force aérodynamique totale. »
On peut donc évaluer les sensations de l’aviateur, d’après
la connaissance de la force aérodynamique totale. Il suffit de
préciser cette force.
Dans les mouvements d’un avion, la voilure est l’agent prin
cipal de la portance, qui est, par définition, une force ortho
gonale au plan envergure-vitesse, dans le plan de symétrie de
l’avion. D’autres parties de l’avion, telles que le fuselage, le
train d’atterrissage, la coque, les nageoires, l'empennage ap
portent aussi leur contribution à la portance; mais elles
n’altèrent pas cette orthogonalité.
Deux autres forces sont engendrées par la voilure même et
par les parties accessoires :
la résistance qui, par définition, a sa ligne d’action dans l’ali
gnement même de la vitesse ;
la force de déviation (ou force latérale), orthogonale aux
deux précédentes, qui est engendrée par la voilure et les organes
accessoires lorsque l’envergure des ailes se présente oblique
ment par rapport à la vitesse.
Ces trois forces, orthogonales entre elles, ont une résultante
qui, se composant avec la poussée de l’hélice, si elle existe,
engendre la force aérodynamique totale dont nous avons parlé.
C’est la force due aux réactions de l’air sur tous les organes
de l’avion (y compris les hélices) ; qui balance à tout instant
les forces d’inertie, poids compris.
Or cette force aérodynamique totale est en général inclinée
sur le plan envergure-vitesse (plan E — V), et aussi sur le
plan envergure-corde moyenne (plan E — CM), qui est le plan
de référence des sensations de l’aviateur et qui diffère du plan
E — V de quelques degrés. Et c’est précisément son inclinaison,
encore plus que son intensité, qui va être ressentie par les
organes sensoriels de l’aviateur.

niiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiïniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Fig. 1. —- Virage symétrique. Fig. 2. — Virage dissymétrique.
F, normale à l’envergure; le virage F, oblique par rapport à l’envergure;
donne une sensation d’horizontalité. sensation d’obliquité latérale.

C’est d’abord le sens musculaire de l’aviateur qui perçoit


l’obliquité de la force aérodynamique totale par rapport au
plan de référence. Si le pilote était debout sur le plancher de
la carlingue, le sens musculaire suffirait pour déceler la plus
petite obliquité, car le corps de l’aviateur se comporterait
comme un pendule renversé sur appui élastique. La position
assise et les liaisons éventuelles atténuent cette sensibilité; c’est
alors que, l'horizon faisant défaut, les organes vestibulaires sta
tiques de l’oreille entrent en action, et prennent origine les
illusions des sens dans le vol aveugle, que les six croquis ci-des
sous illustrent dans des cas particuliers.
Les deux premiers se rapportent à la sensation d'horizonta-
lité ou d’inclinaison latérale.
Si la force aérodynamique totale, F, se trouve dans le plan
de symétrie de l’avion par suite de l’absence d’une force laté
rale (fig. 1), les sensations de l’appareil vestibulaire statique
de l’aviateur ne seront par conséquent pas différentes de celles
qu’il éprouve au sol et il se sentira vertical ou, pour mieux dire,
il aura la sensation de l’horizontalité de son plan de référence,
quelle que soit l’obliquité de roulis. C’est ce qui arrive dans
un virage correct ou symétrique.
Si, au contraire, la force aérodynamique F est inclinée laté
ralement par des forces transversales au plan de symétrie, ce
qui arrive dans un virage dissymétrique (fig. 2), l’appareil ves
tibulaire statique de l’aviateur ressentira cette obliquité et il
aura l’illusion d’une obliquité latérale de son plan de référence,
même si ce dernier demeure horizontal. Si l’on appelle bande
cette obliquité de la force aérodynamique par rapport au plan

UIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1004 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Fig. 3. — Descente accélérée. Fig. 4. — Montée décélérée.


F, normale au plan E-CM; sensation F, normale au plan E-CM ; sensation
d’horizontalité. d’horizontalité.

de symétrie, on peut dire que l’otociste de l’aviateur, du point


de vue de l’orientation latérale, est tout simplement un indica
teur de bande.
Les quatre croquis suivants illustrent les sensations de l’avia
teur pour ce qui a trait à l’orientation longitudinale. Dans ce
cas. c’est l’inégalité entre la traction de l’hélice et la résistance
qui cause l’obliquité de la force aérodynamique par rapport
à la corde moyenne de la voilure, et c’est cette inégalité même
qui est ressentie par les organes vestibulaires. Une descente
accélérée (fig. 3), ou une montée décélérée {fig. 4), mais dans
lesquelles la force aérodynamique F reste orthogonale au plan
envergure-corde moyenne par suite de l’égalité entre la trac
tion et la résistance, donnent toujours, dans le vol aveugle, la
sensation de l’horizontalité du plan de référence. Le contraire
a lieu dans le cas d’inégalité entre la traction et la résistance,
même si le plan de repère reste horizontal (fig. 5 et 6).
Si l’on appelle inclinaison l’obliquité de la force aérodyna
mique par rapport à la normale au plan de référence, on peut
dire que l’otociste de l’aviateur, du point de vue de l’orien
tation longitudinale, est tout simplement un clinomètre.
Ainsi c’est seulement l’obliquité de la force aérodynamique
par rapport au plan de référence que les organes vestibulaires
statiques de l‘aviateur sont capables de ressentir, à la façon
des deux instruments inventés par l ’homme dans ce but et qui
fonctionnent suivant le même principe d’inertie; ce n’est pas
l’obliquité du plan de la voilure dans l’espace, pas plus l’obli
quité latérale que la longitudinale.
Fig. — Vol horizontal accéléré.
5. Fig. 6. — Vol horizontal décéléré.
Traction supérieure à la résistance: Traction inférieure à la résistance;
sensation de montée. sensation de piqué.

Voici une pour départager ceux qui admettent


base précise
et ceux qui nient le rôle des organes statiques du vestibule
dans les sensations d’équilibre de l’aviateur.

S$o

Venons-en aux organes cinétiques. La disposition spéciale des


canaux semi-circulaires dans le labyrinthe les rend très sen
sibles aux accélérations angulaires et, d’après les expériences
de la physiologie, les animaux qui sont pourvus de ces canaux
ressentent les mouvements de rotation de leur corps. Certains
ont alors pensé que là pouvait résider un sens de l’orientation,
ou « sens de l’espace ».
Entendons-nous : mécaniquement, l’espace est l’intégrale de
la vitesse, et celle-ci l’intégrale de l’accélération. Avec l’aide
d’un sens mnémonique exquis, faisant fonction d’intégrateur,
il est théoriquement possible de reconstruire, à partir des accé
lérations angulaires, la vitesse et, à partir de la vitesse, la nou
velle orientation du corps dans l’espace, tout ceci sans l’aide
de la vue.
Pratiquement, c’est peut-être ce qui arrive au pigeon voya
geur qui, lorsqu’il est privé du labyrinthe, perd l’aptitude au
vol. Mais, dans le pigeon, c’est l’animal tout entier qui vole,
dans le rapport un pour un; pour l’aviateur, au contraire, c’est
la masse de l’avion qui se sustente, masse qui est par rapport
à la sienne propre dans la proportion de cinquante contre un.
Admettre que chaque aviateur pourrait automatiquement,.

Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllh
1096 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
grâce au sens mnémonique, évaluer l'intégrale seconde de
l’accélération de cette masse qui lui est étrangère, reviendrait,
en somme, à prétendre qu’un caissier de banque peut savoir
spontanément ce qui reste dans sa caisse à la fin d’une journée
de payements et d’encaissements. Et pourtant l’homme moyen
peut bien retenir par cœur les dépenses de sa journée !
L’aviateur est au pigeon voyageur ce que ce caissier est à
l’homme ordinaire.
Cependant, étant donné l’extrême sensibilité du labyrinthe
humain aux accélérations angulaires, rien ne s’oppose
— du
point de vue mécanique — à ce qu ’un pilote de bonne classe,
bien centré dans son appareil, arrive, grâce à cet organe et
avec l’aide du sens musculaire, à ressentir les accélérations
angulaires de son avion, et, en particulier, celles qui accom
pagnent les virages.
S’il en était ainsi, par un pouvoir non mystérieux mais seu
lement exceptionnel, un habile pilote posséderait en lui-même
trois instruments de vol : un clinomètre, un indicateur de
bande, et un indicateur d’accélération azimutale.
Or, on peut démontrer mathématiquement, suivant des prin
cipes que j’indiquerai tout à l’heure, la possibilité de main
tenir l’équilibre de l’avion grâce à l’emploi exclusif de ces trois
instruments et sans l’aide d’un repère extérieur. Ainsi, à con
dition d’adjoindre à ce trio les deux instruments indispensables
aux voyages lointains : boussole et altimètre, il serait possible,
dis-je, à un pilote habile, doué de sens statique et cinétique
exquis, de conduire n’importe où n’importe quelle machine,
sans le secours de la vue.
Par cette remarque je veux contribuer à réhabiliter certaines
brillantes figures de l’aéronautique, qui de cette possibilité ont
soutenu l’existence.
Pour conclure : il n’existe pas de sens physiologique ou psy
chologique de l’orientation dans l’espace, mais un sens vesti-
bulaire des accélérations qui, chez les natures exceptionnelles,
peut conduire à un sens indirect de la position spatiale.

Je m’empressed’ajouter que le progrès de l’aviation ne peut


venir, selon moi, suivant cette voie. Non seulement nous devons
consolider cette magnifique conquête de l’humanité en tenant

aiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiii
uniquement compte des aptitudes communes à l’ensemble des
pilotes et non de celles qui sont le fait de natures exception
nelles, mais nous nous tromperions de route si nous nous pro
posions, par le moyen de la sélection et de l’entraînement, d’af
finer chez tous les pilotes ces sens que la nature a donnés à
l’homme pour vivre sur la terre et qui sont, en quelque sorte,
qualitatifs et rudimentaires, comparés à l’extrême sensibilité
qualitative et quantitative des instruments.
La physiologie et la médecine doivent donc, en choisissant
des pilotes sains de corps et d’esprit, se préoccuper, à mon avis,
plus de leur aptitude à la compréhension des instruments arti
ficiels que de la sensibilité de leurs organes naturels faisant
fonction d‘instruments.
Quand fera défaut la vue de l’horizon, pour apprécier la
direction et la position de l’avion dans l’espace, c’est en effet
aux instruments artificiels qu’il faudra recourir.
D’abord aux instruments concernant la direction ou la navi
gation.
L’absence d’un sens magnétique dans l’organisme est cor
rigée par la boussole, instrument classique, transporté du navire
sur l’avion et qui évolue et se perfectionne pour répondre aux
nouvelles exigences de ce dernier.
Le sol, dont on a besoin pour la correction de dérive due
au vent, sera remplacé, en cas d’occultation, par les indicateurs
radio-goniométriques, en cours de perfectionnements. A l’insuf
fisance du tympan humain pour détecter les changements de
cote en rapport avec la pression atmosphérique se substitue
V altimètre, dont la membrane remplace avantageusement la
sienne ; puis le variomètre, dont le tube capillaire a une fonc
tion analogue à la trompe d'Eustache. Avec cet ensemble d’ins
truments on pourvoit scientifiquement au maintien de la direc
tion et de l’altitude.
En ce qui concerne le mouvement de l’appareil dans l'espace,
la Science offre deux groupes d’instruments.
Le premier se fonde sur l’effet de la pression dynamique
de l’air dans le mouvement relatif de l’avion, pression à laquelle
l’organisme humain, bien que susceptible de la sentir, ne peut
répondre par des réflexes quantitatifs. Aussi la Science a-t-elle
dû créer des indicateurs de vitesse, anémomètres et pneumo-
mètres, qui mesurent la vitesse relative des avions, c’est-à-dire

1111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111

R?. A. A. — No 87.
1098 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
leur déplacement dans l’unité de temps, par rapport à l'atmo-
sphère supposée immobile. Elle a créé aussi des instruments
capables d'évaluer les angles que fait cette vitesse relative avec
le plan alaire ou avec le plan de symétrie. Le premier s’appelle
indicateur d’incidence; au second j’ai donné le nom d’indica
teur de déviation.
L’autre groupe d’instruments est basé sur le principe même
de l’inertie dont la nature se servit pour doter du sens de
l’équilibre l’organisme humain.
Voici trois d’entre eux : V accéléromètre, le clinomètre (indi
cateur de pente longitudinale) et Vindicateur de bande, qui
mesurent les trois composantes de l'accélération totale ( 1 ). Ces
trois instruments n’ont pourtant pas de correspondance dans
trois organes distincts de l’appareil vestibulaire, mais seule
ment dans l’ensemble des otocystes, de l’utricule et du saccule,
c’est-à-dire dans l’organe dit statique.
Par contre, il n’y a rien, dans les instruments inventés par

(1)Si l’on admet immédiatementque l'accéléromètre


donne une composante de l’accélération totale, l’esprit
s’étonne, tout d’abord, que le clinomètre et l’indicateur
de bande, instruments propres à mesurer des angles,
puissent aussi servir d’indicateurs d’accélérations. A
notre demande, le général Crocco explique très simple
ment la chose comme suit.
Soit un clinomètre, à bulle d’air par exemple,
utilisé pour déterminer la pente d’un terrain. Cet
instrument étant mis en équilibre (fig. i), on ne voit
Fig.
pas, à première vue, comment son fonctionnement 1.
dépend du principe d’inertie.
Mais si l’on suppose la bulle déplacée de sa position d’équi
libre, on sait qu’elle y reviendra sous l’action de la compo
sante de la gravité suivant la tangente à la courbure du tube
renfermant le liquide. La bulle ressent donc cette compo
sante, qui est une force d’inertie sur la matière liquide.
Et si l’on considère un cas plus compliqué, dans lequel
il s’ajoute à g une accélération cinétique quelconque ( fig. 2),
le clinomètre marque toujours un angle; mais cet angle
mesure la direction, par rapport à une ligne de foi, de la
résultante des deux accélérations. Ceci prouve que le
clinomètre ressent les deux accélérations, puisqu’il est
capable d’en équilibrer les composantes par rapport à la
ligne d’action de cette résultante.
C’est donc uniquement le principe d’inertie qui règle le
Fig. 2. fonctionnement de cet appareil.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
iiiiaiiiiiAiiiiiiiiiiiiiiiiiniinu nui 111111 iiiiiiiiii in 11111111111111111111111111111111
l’homme, qui corresponde aux canaux semi-circulaires, siège de
l’organe cinétique, que la physiologie a reconnus sensibles à
l’accélération angulaire.
L’homme n’a pas créé apparemment d’instrument indiquant
l’accélération angulaire. Mais la raison en est simple et va tout
à l’honneur de ses facultés inventives. L’homme a pu faire
mieux que la nature.
Utilisant en effet la possibilité d’assembler sans liaison des
organes mécaniques, possibilité dont la nature, obligée de nourrir
la matière vivante, n’a pu exploiter toutes les combinaisons,
il a pu avec le mouvement giratoire créer un équivalent de cette
intégration des accélérations angulaires pour lequel l’organisme
doit recourir au sens mnémonique, et réaliser ainsi des instru
ments capables de marquer directement la vitesse angulaire.
Tel est, en effet, Vindicateur de virage — qui devrait en fait
se nommer indicateur d'embardée — qui, au moyen d’un gyros
cope à un seul degré de liberté, peut mesurer la vitesse de rota
tion de l’avion dans le plan alaire.
Tourné de 90°, cet instrument peut enregistrer la vitesse
angulaire de tangage, et s’appeler par analogie indicateur de
boucle; dans un plan perpendiculaire, il est capable de déter
miner la vitesse angulaire de roulis et l’on peut l'appeler
indicateur de tonneau.
Mais le génie humain a fait encore plus : il a créé un ins
trument grâce auquel on obtient, avec une grande approxima
tion, l’équivalent de l’intégrale de la vitesse angulaire, c’est-
à-dire l’orientation spatiale par rapport à une direction sen
siblement fixe.
C’est ainsi qu’au moyen d’un gyroscope à deux degrés de
liberté, il a réalisé ] 'indicateur d’azimut, qui donne la position
du fuselage par rapport à une direction fixe de l’espace, comme
le fait la boussole, mais indépendamment du magnétisme ter
restre. Employé dans un plan à 90° avec le premier, l’instrument
devient indicateur de zénith ou d’assiette; et enfin, dans le
troisième plan du trièdre, indicateur d’horizon, capable de
donner directement l’angle de roulis, ou l’obliquité transver
sale du plan alaire dans l’espace.
En définitive, l’homme n’a pas imité les canaux semi-circu
laires parce qu’il a réussi à obtenir, dans le domaine angulaire,

JlllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllillllllllllllllllllllllllllIllllIlllIlllllllllllllllllllllllllllllllHIIIIIIH
1 100 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
les coordonnées directes des mouvements dans l’espace. Se ipsum
superavit ingenio !
Si nous ajoutons aux instruments déjà énumérés le tachy-
mètr\e, qui indique le régime du propulseur, et le dérivomètre,
qui donne les déplacements par rapport au sol, nous trouvons
en tout dix-huit instruments qui forment l’« outillage » du
vol
sans repères extérieurs.
Comment va-t-on les employer ?
eo
Cette étude sortirait du cadre d’un exposé sommaire, mais
j’en ai fait ailleurs l’objet d’un travail mathématique (1) dont
je veux rappeler les lignes fondamentales.
Un avion dispose de quatre commandes, une pour le propul
seur et trois pour les organes équilibreurs, tandis qu’un corps
rigide dans l’espace, possédant six degrés de liberté, nécessi
terait six commandes pour agir sur les six paramètres qui
déterminent son mouvement.
En n’utilisant que quatre commandes on peut disposer seu
lement de quatre paramètres : et l’on choisit généralement la
vitesse et les trois angles qui fixent l’orientation de la voilure
dans l’espace.
De ce fait, en mouvement uniforme, la pente et la direction
de la trajectoire se trouvent déterminées; il faut, par consé
quent, que le groupement des quatre commandes corresponde
aux données du voyage qu’on veut accomplir.
L’allure de croisière une fois atteinte, le pilote doit la main
tenir malgré les perturbations extérieures et intérieures à l’aide
des quatre commandes; mais, en général, le moteur n’est réglé
que par intermittences et, en fait, on conserve à la manette
des gaz une position bien déterminée.
Il ne reste par conséquent que trois commandes, qui. si
l’horizon est caché, doivent être réglées selon les indications de
trois instruments, à choisir parmi les dix-huit que nous avons
énumérés.
Voilà le but de mon étude analytique. Quels sont les trois
possibles et les mieux assortis ?

G.-A. Crocco, Criteri d’analisi del volo strumentale (Rendiconti dell’


(1)
Accademia d’Italia. — Vol. IV, 1933).

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIII IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII IIIIIIII II


En accomplissant cette besogne aveugle qui consiste à suivre
avec trois commandes les indications de trois instruments, par
vient-on toujours à une stabilité de pilotage indirecte, quelle
que soit la stabilité aérodynamique propre de l’avion ? et dans
quelle mesure y parvient-on ?
Pour choisir les trois, on commence par mettre de côté les
instruments qui concernent le moteur et ceux qui servent à
contrôler la route et l’altitude. Il faut ensuite éliminer ceux
que le calcul démontre équivalents. Il en reste douze, dont sept
destinés à l’équilibre longitudinal et cinq à l’équilibre latéral.
Mais comme ces derniers peuvent s’employer indifféremment
pour commander les ailerons ou le gouvernail de direction, il
en résultait encore soixante-dix groupes de trois instruments
dont chacun peut former un trio de pilotage, voire même une
école d’entraînement au vol aveugle.
C’est là cpie l’étude analytique permet de choisir, en exami
nant l’existence de la « stabilité indirecte », sa nature et ses
limites.
On reconnaît alors que certains instruments aboutissent à
l'indétermination et certains trios à l'instabilité et que, de ce
fait, les combinaisons se réduisent à une vingtaine. Parmi ces
dernières les unes amènent à une stabilité de nature apério
dique, les autres à une stabilité oscillatoire plus ou moins
amortie.
Enfin les limites de la stabilité sont différentes, s’étendant
dans certains cas à toutes les assiettes pratiques de vol et, dans
d’autres cas, seulement jusqu’à l’assiette qui correspond à la
puissance minimum, ou presque. On parvient ainsi à caractériser
les diverses combinaisons, depuis le trio naturel, basé unique
ment sur les accélérations, jusqu’au trio entièrement gyrosco-
pique.
-
Mais, quelle que soit la combinaison choisie pour le pilotage
aux instruments, ce qui va ressortir de cette étude c’est la
façon dont le processus psychique du pilote doit se transformer
dans l’avenir.
Dans le vol ordinaire, le pilote a de l’horizon une perception
'complète qui lui suggère les mouvements nécessaires à la cor
rection de position de son appareil.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiinHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1 102 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
L’horizon se présente à sa vue comme un cercle total ou
partiel, plan ou irrégulier, clair ou brumeux, mais bien défini,
qui se meut apparemment par rapport à son appareil, s'abais
sant, obliquant, tournant (1) ; et le pilote corrige avec le gou
vernail de profondeur, les ailerons, le gouvernail de direction.
Mais il perçoit en même temps la vitesse angulaire du mou
vement apparent de l’horizon; et cela lui fournit l’importance
de la correction. C’est donc une perception éminemment syn
thétique, qui devrait se traduire en réflexes analytiques, un
pour chaque commande.
Mais les habitudes psychiques des pilotes se sont formées de
diverses façons à l’entraînement. Chacun d’eux a, dans son
bagage mnémonique, une manœuvre préférée des trois com
mandes, qu'il est enclin à reproduire sans y penser, en relation
avec certaines excitations visuelles. Dans ce cas il procède de
synthèse à synthèse, utilisant ainsi la plus admirable qualité
du miroir humain.
La perception instrumentale d’un trio d’instruments de
pilotage est au contraire éminemment analytique. Il s’agit, cette
fois, de trois index sur trois cadrans qui se substituent à l’ho
rizon et qui ne permettent plus le déclenchement de manœuvres-
réflexes mais obligent à penser.
Certains pilotes se sont élevés contre ce coup porté aux habi
tudes acquises et les constructeurs se sont mis à la recherche
de groupes d’instruments où les trois index agiraient selon des
figures géométriques capables de donner des perceptions syn
thétiques, au lieu d’analytiques, où encore d’instruments capa
bles d’imiter la vision de l’horizon (2), dans le but de maintenir
dans le vol instrumental le processus psychique habituel de
synthèse à synthèse.
Il n’est pas improbable toutefois, avec le développement de
l’aviation, que la nature analytique du vol instrumental impose
aux pilotes de changer d’habitudes et de fonder celles-ci sur
un processus d’analyse à analyse.

(!) Telle est la définition de la vision type « hublot » à laquelle est attaché le
nom de la « Sperry Gyroscope C° ». On peut aussi avoir une vision « scénique »,
type « Flight integrator » ou Horizon Alkan. Remarque due au lieutenant de
vaisseau Aussenac. — N. D. L. R.
( 2 ) Voir note précédente.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii in n il U il U il in i ii 11 i ut 11H 11 un ni i n i ni ni i il nu i il il iiiiiiii i mi 1111 il i iiii 111 mm


REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR. 1103

Ceci se réalisera, sans aucun cloute, dans les appareils à com-


mande dédoublée, les instruments qui correspondent respecti
vement au moteur et à l’équilibre longitudinal finiront par être
confiés à l’un des pilotes et les deux instruments de l’équilibre
latéral à l’autre ( 1 ).
Dans les grands appareils de l’avenir, on arrivera même à
confier ces tâches à un personnel subalterne, spécialisé dans
la conduite instrumentale. De même qu’il y a sur les navires
un timonier à la boussole, pourquoi n’y aurait-il pas sur l’avion
le navigateur de route et le navigateur d’altitude ?
Il restera au chef de bord, comme sur les navires, à com
mander les manœuvres — soit manuellement, soit indirectement
par de brefs ordres conventionnels : « A droite tout », « A
gauche tout », « En route », « A monter », « A descendre »,
« Comme ça » — au moment de l’atterrissage, qui ne peut être
guidé par les instruments. De toute façon, le domaine du per
sonnel apte au vol s’agrandira et simultanément croîtront le
rendement des pilotes et celui de l’aviation.
La spécialisation dans le vol aux instruments sera à la base
du progrès de ce mode de vol et deviendra matière à études
aéronautiques et médicales.

«
Nous recourrons à un seul exemple, pour être bref, qui démon
trera l'importance de cette spécialisation.
Quel est le mécanisme fondamental entre la perception et le
réflexe dans le vol aux instruments ? Imaginons un instrument
absolument parfait. Il aura, dans tous les cas, un cadran, une
ligne de foi, un index; il sera caractérisé, en outre, par une
inertie propre, toujours responsable de quelque oscillation. Sui
vant les indications de l’instrument, le pilote devra maintenir
l’index en correspondance avec la ligne de foi.
A tout déplacement de l’index le pilote fera, par conséquent,
correspondre le braquage prompt d’un organe équilibreur qui
provoquera une correction, c’est-à-dire le déplacement angu
laire de l’appareil à partir d’une position donnée; ce dépla-

Le lecteur se souvient que sur les dirigeables la tenue du cap est confiée
(1)
à un pilote et celle de l’altitude à un autre pilote (N.D.L.R.).

Jiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1104 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
cernent entraînera, à son tour, la déviation de l’index dans le
sens opposé à celui qu’avait provoqué la correction.
Mais l’avion a lui aussi son inertie propre, de sorte que, en
dernière analyse, le maintien d’une position de l’avion se fera
généralement par oscillations.
Il appartient à mon étude de définir le moyen d'éviter ou de
réduire ces oscillations : ce moyen consiste à corriger non pro
portionnellement aux déplacements de l’index, mais plutôt
proportionnellement à la vitesse de ces déplacements, ou mieux,
à l’ensemble des deux paramètres : déplacement et vitesse.
Le pilote ne saurait donc être un servo-moteur automatique,
mais un servo-moteur intelligent ; il doit non seulement com-
mencer la correction au début même du déplacement de l’index,
mais aussi tenir compte de la vitesse de ce déplacement, pour
annuler sa correction et l'inverser au moment opportun.
Au demeurant, c’est ainsi que le pilote qui corrige synthé-
tiquement évalue les mouvements relatifs de l’horizon et de
l’avion; c’est ainsi que fait le timonier de quart qui connaît à
fond le gouvernail de son navire.
Je pense que cet exemple suffit à montrer toute l’étendue de
l’éducation instrumentale du pilote dans ce mode de vol ana
lytique, soit qu’il constitue un épisode de la navigation dû à
la brume ou à l’obscurité, soit qu’il arrive à se substituer entiè
rement au vol synthétique actuel durant tout le voyage, entre
les manœuvres de départ et d’arrivée.
Ainsi s’achève le cycle de l’équilibre des machines volantes :
l’équilibre intrinsèque des savants cède le pas à l'équilibre
synthétique dû à l’entraînement et enfin aboutit à l’équilibre
du vol aux instruments.
Cette nouvelle admirable conception du cerveau humain nous
pousse, en quelque sorte, à modifier la célèbre expression d’un
poète qui définit l’avion : « L’aigle plus l’âme ».
Puisque l’âme compte parmi ces entités mystérieuses qui
échappent aux mesures même qualitatives, et puisque dans la
beauté de cette grandiose conquête humaine se réunissent les
activités créatrices des techniciens, des savants, et des avia
teurs, accordez-moi de modifier la définition du poète en cette
autre, moins lyrique mais plus moderne : « L’aigle plus l’intel
ligence ».
Général Arturo CROCCO.
IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

Au sujet des méthodes modernes


de prévisions météorologiques 1

Par le Lieutenant-Colonel de réserve A. VERDURAND,

I. — Phénomènes météorologiques qui distinguent les masses


d’air polaire des masses d’air tropical.
Détermination par radiosondages de l’origine des masses
d’air explorées qui engendrent les fronts-

Nous avons déjà vu, en exposant le mécanisme des phéno


mènes météorologiques les plus généraux, que la pratique des
sondages destinés à mesurer aux différentes altitudes la direc
tion et la vitesse du vent, la température et le degré hygromé
trique de l’air était indispensable pour établir les prévisions
destinées à assurer la sécurité des voyages aériens aux grandes
altitudes (2). Nous avons vu que ces sondages étaient nécessaires
en particulier pour situer la position des fronts froids généra
teurs de grains et de zones de givrage, et les fronts chauds
générateurs de zones de pluie très étendues. Nous allons voir
que ces sondages peuvent fournir, également, d’autres rensei
gnements précieux pour la sécurité de la navigation aérienne.
C’est pourquoi, avant de décrire les instruments et les méthodes
utilisés pour leur réalisation, il nous paraît indispensable de
donner quelques indications complémentaires sur les phéno
mènes caractéristiques qui se produisent soit dans les masses
d’air polaire, soit dans les masses d’air tropical, et de montrer
comment les sondages permettent de déterminer si l’on a affaire
à des couches d’air polaire ou à des couches d’air tropical.

Cet article apporte d’utiles compléments à la fort importante étude


(1)
qu’a publiée l’auteur dans le numéro 83 de la « Revue de l’Armée de l’Air ».
(2) Voir le numéro 83 de la « Revue de l’Armée de l’Air ».

'iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiir
11 o6 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Rappelons que le plus souvent l’atmosphère est constituée,
altitudes où naviguent les avions, de deux couches d’air
aux
superposées : une couche d’air froid qui provient soit du pôle,
soit d’un continent glacé, comme la Sibérie en hiver, et une
couche d’air chaud qui provient soit de la zone tropicale, soit
d'un continent surchauffé, comme la Sibérie en été. Les nuages
prennent naissance dans la zone de contact de ces deux couches,
et c’est là aussi que se forment les grains et que se trouvent,
pendant les saisons froides, les zones de givrage redoutables
l‘étude
pour les avions. Nous avons exposé en détail, dans
rappelée ci-dessus, les divers processus qui président à la for
mation de ces météores. Les sondages destinés à mesurer la
température et le degré hygrométrique aux différentes alti
tudes renseignent sur l’altitude à laquelle se trouve cette zone
de contact de la masse d’air chaud avec la masse d’air froid,
autrement dit, l’altitude à laquelle on trouve le front
ou, sur
chaud ou le front froid dans la région où le sondage a été
effectué. On trouve en effet à cette altitude une discontinuité
dans l ‘échelle des températures et dans le degré hygrométrique
de l’air. Reportons-nous par exemple à la figure 24 de notre
première étude sur les méthodes modernes de prévision météo
rologique (« Revue de l’Armée de l’Air » de juin 1936). Cette
figure représente une coupe verticale de l’atmosphère des Etats-
Unis à la date du 1 er novembre 1934, avec les résultats des son
dages qui ont permis de l’établir. Prenons, par exemple, le
sondage effectué à Saint-Louis. Au sol, la température était
de 0°, à 2000m elle est de —7°. Elle diminue jusqu’à 3000m.
Mais à 3500m elle augmente brusquement et elle atteint — 2°
Sans aucun doute la
pour s’abaisser ensuite à —12° à 5500m.
couche située au-dessous de 3000m était composée d’air polaire,
et la couche située au-dessus de 3500m était composée d’air tro
pical. On voit que l’altitude du front, qui dans ce cas était un
front chaud, se trouvait à Saint-Louis, entre 3000m et 3500m.
Cet exemple montre comment le sondage de température per
met de déceler la présence simultanée d’une masse d’air
polaire et d’une masse d’air tropical (1).

être engendré
ne faut pas perdre de vue qu’un front peut
(') Cependant, il
-également par la rencontre de deux masses d’air polaire ou de deux masses
COMMENT UN RADIOSONDAGE PERMET DE DÉTER
MINER LA PROVENANCE D’UNE MASSE D’AIR.
Prenons un autre cas : supposons que le sondage ne révèle
pas de discontinuité dans l’échelle des températures. Nous
sommes alors en présence d’une masse d’air homogène. Par
quels indices pourrons-nous distinguer une masse d’air polaire
d’une masse d’air tropical, et comment saurons-nous si la région
où est effectué ce sondage comprend des zones dangereuses
pour la navigation aérienne ? Nous allons découvrir ces indices
en imaginant les phénomènes qui accompagnent le déplacement
d’une masse d’air polaire en train de descendre vers les régions
chaudes, puis les phénomènes qui accompagnent le déplacement
d’une masse d’air tropical qui remonte vers les régions froides.
Nous devons pour cela faire connaissance avec une notion
nouvelle qui joue un rôle très important dans les questions de
navigation aérienne : c’est celle de la stabilité et de l’insta
bilité des masses d’air.
Considérons une couche d’air atmosphérique au repos, et
divisons-la, par la pensée, en masses égales pesant chacune
un kilo. Chacun de ces kilos d’air renferme une certaine
quantité d’énergie. Une partie de cette énergie se trouve sous
forme de chaleur, et l’autre partie sous forme d’énergie poten
tielle, cette dernière étant d’autant plus grande que le kilo
d’air considéré se trouve à une altitude plus élevée, puisqu’on
tombant jusqu’au sol cette masse d’un kilo produirait un tra
vail proportionnel à la hauteur de sa chute. Ce travail se trans-
formerait d’ailleurs en une quantité équivalente de chaleur qui
réchaufferait la masse d’air à mesure qu’elle tomberait. Imagi
nons que chaque kilo d’air de cette couche au repos renferme
la même quantité d’énergie que chacun des autres kilos qui
composent l’ensemble de la couche, et rendons-nous compte
de ce que sera l’état d’équilibre de cette masse. Remarquons
d’abord que, à mesure qu’on s’élève dans cette couche d’air,

d’air tropical qui, ayant suivi des itinéraires différents, ont des tempéra-
tures et des degrés d’humidité différents. L’ouvrage de M. van Mieghem sur
« La prévision du temps par l’analyse des cartes météorologiques » indique les
caractères principaux de ces différentes masses d’air et permet ainsi de recon
naître leurs provenances sans erreur possible.

tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
1108 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
la pression diminue ainsi que la température. En effet, si l’on
imagine qu’un kilo de cet air monte vers les altitudes élevées
en partant du sol, il se dilate à mesure qu’il monte, puisque
la couche d’air qui est située au-dessus de lui et qui le com
prime diminue progressivement d’épaisseur et de poids. Mais
pour s’élever ainsi ce kilo d’air doit consommer une certaine
quantité d’énergie qu’il emmagasine sous forme d'énergie
potentielle. Quelle est la source d’énergie dans laquelle puise
ce kilo d’air pour emmagasiner cette énergie potentielle ? C’est
la chaleur qu’il contient, laquelle diminue à mesure qu’il se
dilate. La quantité dont diminue ainsi l’énergie calorifique qu’il
contient se retrouve sous forme d’énergie potentielle.
Imaginons que cette masse d’air redescende vers le sol. Elle
va se comprimer à mesure qu’augmentera l’épaisseur de la
couche d’air qui pèse sur elle. Cette compression la réchauffera.
Et cette quantité de chaleur sera empruntée à son énergie
potentielle qui diminuera à mesure qu’elle descendra.
Maintenant que nous voyons comment l'énergie calorifique
d’un kilo d’air se transforme en énergie potentielle ou inver
sement, selon qu’il monte ou qu’il descend dans l’atmosphère,
nous possédons le moyen de nous rendre compte de son état
d’équilibre suivant les conditions dans lesquelles se trouve la
couche atmosphérique à laquelle il appartient.

MASSE D’AIR EN ÉQUILIBRE INDIFFÉRENT.


Dans l’hypothèse que nous avons faite où chaque kilo d’air
renferme la même quantité totale d’énergie que les autres
kilos constituant la couche considérée, nous allons voir que
l’état d’équilibre est un équilibre indifférent.
Considérons en effet la lame d’air horizontale qui se trouve
située par exemple à 1000m d’altitude. Les kilos d’air qui la
composent sont tous à la même température et à la même pres
sion. En effet, si chacun d’eux se trouvait initialement au sol,
ils renfermaient alors tous la même quantité de chaleur; ils
étaient donc tous à la même température. En montant à 1000m
ils ont tous absorbé la même quantité d‘énergie potentielle ; ils ont
donc tous perdu la même quantité de chaleur transformée en
énergie potentielle ; leurs températures respectives se sont donc
toutes abaissées du même nombre de degrés. Il résulte de cette

UIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIU
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1109

Fig. 1. — Appareil de radiosondage en service à l’observatoire de Trappes,


dérivé de l’appareil utilisé pendant l’Année polaire.
B, capsule du baromètre; Th, élément sensible du thermomètre bilame;
R, roue dentée de modulation.

situation qu’ils n’ont aucune tendance à monter ou à descendre.


En effet, pour qu’une masse d’air ait tendance à monter, il faut
que sa densité soit plus faible que celle de l’air ambiant, dans
lequel elle se trouve; et pour qu’elle ait tendance à descendre
il faut qu’elle ait une densité plus forte. Dans le cas qui nous
occupe, toutes les masses d’air qui sont situées à la même alti
tude ont la même densité puisqu’elles ont la même pression et
la même température. Elles n’ont donc aucune tendance à
monter plutôt qu’à descendre. Mais, si par hasard elles montent,
elles resteront encore en équilibre à l’altitude nouvelle ainsi
atteinte.
La masse d’air considérée est donc en équilibre indifférent.
Les propriétés naturelles de l'air sont telles que, dans une masse

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllilllnllllllllnllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllltl'
1 1 1O REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ainsi en équilibre indifférent, la température diminue réguliè
rement d’environ 6/10 de degré lorsqu’on monte de 100m, en
supposant qu'il s'agisse d’air saturé d’humidité; elle diminue
d’un degré par 100m s’il s’agit d’air sec, et cette diminution
régulière se poursuit jusque vers 11.000m d’altitude.

TROPOSPHÈRE ET STRATOSPHÈRE.

Cette couche de 11.000m d’épaisseur constitue la « tropo


sphère ». Au-dessus de 11.000m on trouve la « stratosphère »
dans laquelle la température reste sensiblement la même, quelle
que soit l’altitude.

MASSE D’AIR EN ÉQUILIBRE INSTABLE.


NAISSANCE DES GRAINS ET DES ORAGES.
Dans la pratique, il est exceptionnel de trouver l'atmosphère
en état d’équilibre indifférent. Nous allons voir qu’une masse
d’air froid qui descend des régions polaires vers les régions
tempérées tend à prendre un état d’équilibre instable caractérisé
par de violents courants ascendants qui engendrent des nuages
de grains et d’orages, tandis qu’au contraire une masse d’air
tropical qui remonte vers ces mêmes régions tempérées tend
vers un état d’équilibre stable caractérisé par l’absence de
courants ascendants ou descendants, et par la formation de
brumes au sol. On voit que chacun de ces deux états présente
ses dangers particuliers pour la navigation aérienne. Il importe
donc de déterminer les régions sur lesquelles ils s’étendent :
nous verrons comment les sondages de température et de degré
hygrométrique permettent de faire cette détermination.
Voyons d’abord comment se transforme l’état d’équilibre
d’une masse d’air polaire froid, descendant vers les régions
tempérées. Admettons qu’elle parte du pôle dans l’état d'équi-
libre indifférent que nous avons décrit ci-dessus. Lorsqu’elle
arrive sur des terres plus chaudes, sa couche inférieure
s’échauffe au contact du sol. Par suite elle se dilate; sa den
sité diminue, et elle acquiert ainsi une certaine force ascension
nelle qui amorce des courants ascendants. Jusqu’où ces courants
monteront-ils ? Imaginons un kilo d’air ainsi réchauffé au con
tact du sol, au moment où il arrive à 1000m d’altitude. Il a

uiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii»
F2AMMHIFWMMFVMUMwn Fa
xwwnwwoorw

Th MWWMMAWYWWAMMAWWWWFVYFWTNWCNWVETUTYWMYTWEYUTWFWVYSE"W(WWYMCWWFWWYYYAFYUVYYKYWYTWHYTWFYYWVWMrWVrm

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Fig. 2. — Diagramme de radiosondage obtenu à la réception.

perdu une partie de son énergie calorifique qui s’est transformée


en travail puis en énergie potentielle. Cependant il lui reste
une quantité d’énergie calorifique supérieure à celle que ren
ferment chacun des kilos d’air qui se trouvent à cette même
altitude. En effet, il a reçu du sol une certaine quantité de cha
leur qui constitue un excédent d’énergie par rapport à l’énergie
totale qui se trouvait emmagasinée dans chacun des kilos d’air
de la masse provenant du pôle. Cet excédent se retrouve, tou
jours sous forme de chaleur, à toutes les altitudes. Quelle que
soit l'altitude atteinte, ce kilo d’air réchauffé par le sol se trou
vera donc être plus chaud et plus léger que l’air des couches
nouvelles dans lesquelles il pénètre. Il conservera donc sa force
ascensionnelle en s’élevant, et il tendra à monter très haut et
de plus en plus vite. On peut donc prévoir que toute masse
d’air polaire qui arrivera au contact de terres notablement plus
chaudes qu’elle, deviendra le siège de violents courants ascen
dants qui s’élèveront très haut en engendrant d’énormes
cumulo-nimbus bourgeonnants, lesquels seront souvent le siège de
grains et d’orages d’autant plus violents que la différence de
température entre le sol et la masse d’air polaire sera plus
considérable. On conçoit que de telles circonstances présentent
des dangers sérieux pour les avions : aux Etats-Unis, un pilote
de ligne vit ainsi son avion postal enlevé dans un grain par
un courant ascendant d’une vitesse de 40m à la seconde qui le
transporta de 1000m à 4000m d’altitude.
1112 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Comment un sondage de température peut-il déceler la pré
sence d’une masse d’air die ce genre, qui se trouve en équilibre
instable ? Puisque cette instabilité est due à l'échauffement des
couches situées au voisinage du sol, on conçoit que la différence
de température de ces couches inférieures avec les couches
froides situées aux altitudes élevées augmentera. Par consé
quent un sondage de température effectué dans une masse d’air
instable sera caractérisé par un abaissement de température
notablement supérieur à 6/10 de degré par 100m de' montée,
s’il s’agit d’air saturé d'humidité, et supérieur à 1° par 100m
s’il s’agit d’air sec.
Remarquons que l’air qui est ainsi réchauffé au contact du
sol voit par le fait même dissiper la brume qu’il pouvait traîner
avec lui. Ainsi, non seulement on ne trouvera pas de brouillards
dans les zones d’instabilité mais la visibilité y sera en général
excellente.

MASSE D’AIR EN ÉQUILIBRE STABLE.


NAISSANCE DES ZONES DE BRUMES ET DE BRUINES.
Il
n’est pas difficile maintenant de prévoir que les phéno
mènes inverses se produiront dans une masse d’air tropical
qui remonte vers les régions tempérées où elle lèche un sol moins
chaud que l’air qui la constitue. Au contact de ce sol la couche
d’air la plus basse perdra de la chaleur. Elle se contractera
et s’alourdira. Elle n’aura donc aucune tendance à monter. Et
cet état d’équilibre ne sera plus indifférent, mais stable. Si l’on
imagine en effet qu’un kilo de cet air refroidi au contact du
sol puisse s’élever par exemple à 1000m d’altitude, il se trouve
rait être plus lourd que l’air situé à cette hauteur. En effet, il
a perdu au contact du sol une partie de son énergie calorifique.
Il sera donc toujours plus froid que l’air des couches supé
rieures dans lesquelles il pénétrerait ainsi, car ces couches,
restées loin du sol, n’ont pas perdu de chaleur. De ce fait il sera
plus dense et tendra à retomber au sol.
Comment le sondage révélera-t-il la présence d’une masse
d’air en équilibre stable ? Puisque cette stabilité est due au
refroidissement de la couche qui est au contact du sol, la diffé
rence de température entre cette couche et les couches élevées

• iiiHimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiuiKiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiillliiliiiiiiiiiiifiuiiiiliiii
sera plus faible que dans une masse d’air en équilibre indiffé
rent. Par conséquent le sondage révélera une diminution de
température inférieure à 6/10 de degré par 100m de montée
s’il s’agit d’air saturé, et inférieure à 1° s’il s’agit d’air sec;
ce dernier cas ne se présente d’ailleurs jamais lorsqu’il s’agit
d’air tropical ou équatorial. Il arrive même, lorsque le sol est
très froid, que la couche inférieure soit à une température plus
basse que les couches élevées. On constate alors une inversion
de température, c'est-à-dire que la température augmente à
mesure qu’on s’élève dans l'atmosphère. Ce phénomène est
assez fréquent en hiver dans nos régions.

IMPORTANCE PRIMORDIALE DES DIFFÉRENCES


DE TEMPÉRATURE DANS LA GÉNÉRATION DES
PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES.

On vérifie une fois de plus le rôle capital que jouent dans


les phénomènes météorologiques les différences de températures :
ce sont ces différences de températures et ces échanges de cha
leur qui engendrent les mouvements des masses d’air, en même
temps que les condensations de vapeur sous forme de nuages,
de pluie ou de neige, ou bien au contraire la disparition des
brumes par échauffement de l’air. Tous ces échanges de cha
leur ont leur origine dans le soleil, seule source de chaleur
qui réchauffe la terre. Cette constatation démontre donc
l’importance des sondages de température. Ces sondages, en
déterminant la répartition des températures dans l’atmosphère,
révèlent l’origine des masses d’air qui surplombent les diverses
régions ainsi explorées (air polaire, air tropical, air marin,
air 'continental) ; ils permettent de déterminer avec précision
les surfaces de séparation de ces masses d’air (fronts froids
générateurs de grains, et de zones de givrage; fronts chauds
générateurs de zones pluvieuses étendues) ; enfin ils révèlent
l’état d’équilibre de ces diverses masses d’air (zones d’air en
équilibre stable où règne une visibilité médiocre et des nappes
de brumes ou de bruines; zones d’air en équilibre indifférent;
zones d’instabilité où régnent des ascendances violentes, des
cumulo-nimbus bourgeonnants, des grains et des orages avec
une excellente visibilité dans les parties libres de nuages).

R. A. A. — No 87. 3
i 114 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

UTILISATION PRATIQUE DES SONDAGES.


Bien entendu, la théorie très simplifiée que nous venons d’ex
poser ne donne qu’une idée approximative et fragmentaire des
résultats pratiques qu’on tire de l’étude des sondages de tem
pérature. Cette étude, combinée avec l'étude de la répartition
des vents, donnée également par les sondages, et celle des
cartes d’isobares et d'isothermes permet de prévoir avec une
grande précision la naissance et l’évolution des phénomènes
météorologiques dans toutes les régions ainsi explorées. La
mesure du degré hygrométrique de l’air aux différentes alti
tudes complète utilement ces renseignements, comme le montrent
les indications que nous avons données concernant l’influence du
degré hygrométrique sur le gradient de température en altitude.
On peut se faire par là une idée sommaire des méthodes uti
lisées par les services de VO .N.M.

APPAREILS ET MÉTHODES UTILISÉS


POUR LES RADIOSONDAGES.

nous reste à compléter cet exposé succinct par un aperçu


11

des moyens qui sont utilisés pour réaliser chaque jour, et jus
qu’à l’altitude de 12.000m, même par temps bouché, les sondages
qui donneront de 100m en 100m :
la pression barométrique ;
la température ;
le degré hygrométrique;
la direction et la vitesse du vent.
Avant toutes choses, nous devons attirer l’attention sur ce que
ce problème capital a été résobu en France plusieurs années avant
d’être résolu à l’étranger. C’est en effet le 3 mars 1927 que fut
réalisé à l'observatoire Teisserenc de Bort, à Trappes, le pre
mier radiosondage qui ait été effectué dans le monde. Les appa
reils et la méthode employés étaient dus à la collaboration de
MM. Bureau et Idrac. Depuis cette date, M. Bureau a poursuivi
la mise au point du procédé qui est maintenant utilisé quoti
diennement à l’observatoire de Trappes. On aura immédiate
ment une idée de la perfection des résultats obtenus si l’on
remarque que l’appareil employé pour ce sondage ne coûte

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiit
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
que 600 francs en dépit de sa complication. Le sondage quoti
dien revient actuellement à 300 francs, et ce prix sera notable
ment abaissé par les perfectionnements en voie de réalisation.
La France possède ainsi, dans la technique de ces sondages,

Sens de rotation du curseur E


Fig. 3. — Plateau d’exploration.

une avance notable sur l’Allemagne et les Etats-Unis qui vien


nent immédiatement après elle dans cette voie.
Le procédé utilisé consiste à suspendre à un ballon de caout
chouc de 0 m ,80 de diamètre, gonflé d’hydrogène, un ensemble
composé de :

un baromètre ;
un thermomètre ;
un hygromètre ;
et un poste émetteur automatique à ondes courtes.
On lâche le ballon. Sa force ascensionnelle est calculée de
telle façon qu’il s’élève de 100m en 30 secondes. Grâce à un
moulinet servant de moteur et à un dispositif automatique de
manipulation qu’on trouvera décrits ci-après, le poste radio fait
une émission toutes les 30 secondes et transmet chaque fois en
signaux conventionnels la pression barométrique, la tempéra
ture et le degré hygrométrique. Un appareil récepteur, égale
ment automatique, enregistre ces signaux à l’encre sur une
bande de papier. Il suffit de lire cette bande pour connaître
la température et l’humidité de l’air de 100m en 100m.
En outre, trois postes radiogoniométriques, placés aux som-

llllIllllllllllllllllllliKiiiiiinmu iiiiiii uni ii 111 ii i iiiiiiiiii ii in 11 iiiiii i uni i uni 1111111 ii 11 in i ii un ii 11 iiiiiiiii)
1116 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
mets d’un triangle d’environ 50km de côté, enregistrent égale
ment toutes les- 30 secondes la position du poste émetteur. Ces
relèvements permettent donc de tracer la trajectoire du ballon
et d’en déduire la vitesse et la direction du vent à toutes les
altitudes de 100m en 100 m
.
Arrivé à l’altitude de 12.000m le
ballon éclate. La cage qui
contient les appareils descend alors suspendue à un parachute
et, comme les appareils qu’elle contient continuent à fonc
tionner, les postes goniométriques continuent à la suivre et
indiquent l’endroit où elle tombe.
Cet ensemble pèse 15008. Nous allons indiquer sommairement
la composition et le fonctionnement d’un ensemble comprenant
un baromètre, un thermomètre et un appareil émetteur à ondes
courtes (voir fig. 1). Le baromètre B est constitué par une
capsule de Bourdon dans laquelle on a fait le vide. La paroi
de cette capsule, incurvée par la pression atmosphérique, se
redresse à mesure que cette pression diminue. Ce mouvement
de redressement est transmis à une aiguille dont nous verrons
le rôle un peu plus loin.
Le thermomètre Th est constitué par deux lames minces,
soudées ensemble, de métaux ayant des coefficients de dilata
tion différents. Cette double lame est enroulée suivant un demi-
cylindre. Lorsque la température de l’air qui la lèche change,
les deux lames, en se dilatant inégalement, font varier la cour
bure de ce cylindre. Cette variation de courbure sert à faire
tourner une aiguille dont la rotation mesure la variation de
température.
L’émetteur radio est un petit poste à une lampe. Après essai
de diverses longueurs d’ondes comprises entre 3m et 60m, on
adopta la longueur de 14m qui se révéla comme la plus favo
rable pour cet usage. Le filament est chauffé par une pile à
4 volts et la plaque est alimentée par une pile à 150 volts.
Pour moduler l’émission on intercale sur le circuit-plaque
de la lampe un petit condensateur entre les armatures duquel
passent les dents d’une roue dentée R entraînée par le manipu
lateur automatique. Cette roue comporte 10 dents, ou plutôt 9,
car l’emplacement de la dixième est vide, ce qui permet de
compter rapidement sur le diagramme de réception ^g. 2) le
nombre de tours complets de la roue dentée.

«iiiiiiiniii iiiiiiiiiiiiiiiiiniiiii iiiiii iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiini iiiuiiiiiiiii-iiiiiiiiiiiiiiiiiuni i un iiiiiiiui mu 1111111111111 il


nous reste à exposer maintenant le fonctionnement du
11

manipulateur automatique qui transmet de 30 en 30 secondes


la valeur de la pression et celle de la température. Son organe
principal se compose (voir fig. 3) d’un plateau métallique qui
porte une dent isolée F et quatre dents F,, F,, F,, F, réunies
dans le quart de cercle opposé à la dent isolée. Dans le secteur
FF, de ce plateau se déplace l’aiguille B du baromètre. Dans
le secteur FF, se déplace l’aiguille Th du thermomètre. Un
curseur métallique E tourne d’un mouvement uniforme suivant
le cercle représenté en pointillé qui entoure le plateau. Pour
cela ce curseur est entraîné par un moulinet à axe vertical fixé
sur le capot de l’appareil. Dès que le ballon monte, le courant
d’air vertical dans lequel le moulinet se trouve ainsi placé
entretient son mouvement. Ce même moulinet entraîne aussi
la roue dentée R qui module l’émission de l’appareil transmet
teur de T. S. F.
Le récepteur est constitué par un oscillographe qui enregistre
les variations de longueur d’onde produites par le passage de
chacune des dents de la roue R qui tourne entre les armatures
du condensateur utilisé pour moduler l’émission. Cet enregis
trement est inscrit sur une feuille de papier (voir fig. 2). Le
curseur E qui tourne régulièrement autour du plateau repré
senté sur la figure 3 porte un petit balai métallique. Ce balai
est relié à une extrémité de la self d’antenne du poste émet
teur, tandis que le plateau est relié à l’autre extrémité de cette
self. Lorsque le balai du curseur vient en contact avec l’une
des dents F F,, F F, ou F, cette self est court-circuitée. Pen
o, 2,
dant la durée de chaque court-circuit, l’enregistreur du récep
teur trace un trait rectiligne (voir fig. 2). Pour dépouiller la
bande sur laquelle le sondage a été enregistré, il suffit donc
de lire le nombre de dents de la courbe comprises entre le
passage du curseur sur la dent F, du plateau, et son passage
sur l’aiguille Th du thermomètre. Chacune de ces lectures donne
une température, car le nombre de tours de la roue dentée
entraînée par le même moulinet que le curseur E est évidem
ment proportionnel à l’ouverture de l’angle compris entre la
dent F, et l’aiguille Th. On lira de la même façon les pressions
en comptant le nombre de dents de la courbe qui sépare chaque
passage du curseur sur la dent F de son passage sur l’ai
guille B du baromètre.

Illlllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1118 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Connaissant ainsi pour chaque lecture du sondage la pression
et la température de l’air, il est facile d’en déduire l’altitude
exacte à laquelle a été faite cette mesure. On tracera alors une
courbe en portant en abscisses les températures et en ordonnées
les altitudes (voir fig. 4).

température par avion (trait pointillé) et par


Fig. 4.
— Sondage simultané de
ballon (trait continu).

Exemples de sondages.

La figure 4 représente deux sondages effectués simultanément


par avion et par ballon-sonde. Le sondage par avion est repré
senté en pointillé. Il s’arrête à 5000m tandis que le sondage par
ballon monte jusqu’à 12.000m.
Le sondage représenté sur la figure 5 a été effectué avec un
l
ballon de m ,25 de diamètre. Il a ainsi atteint l’altitude de
17.500m. On voit que la stratosphère, où la température est sen
siblement constante à toutes les altitudes et égale à environ
— 50°, a été atteinte à 10.200m
Sur la figure 6 on a représenté les résultats des sondages
effectués en février et mars 1934. Les courbes indiquent les
variations de température en altitude d’un jour à l’autre. Les

huhh h in
variations les plus fortes sont dues au remplacement d’une
masse d’air polaire ou sibérien, par une masse d’air tropical
qui amène une élévation notable de la température. On voit sur
cette figure l’avantage du radiosondage sur le sondage par

Fig. 5. — Sondage température poussé jusqu’à l’altitude de 17 500m (ballon


de
de 1 m,25 de diamètre, lancé à Trappes le 5 mars 1934).

avion, ce dernier ne permettant que difficilement de dépasser


6000m, tandis que le ballon-sonde a permis d’atteindre 11.000
à 12.000m. Il permettrait tout aussi facilement d’atteindre
20.000m si c’était utile. Ajoutons à cela que le radiosondage
peut se faire avec la même facilité quel que soit le temps, tandis
que le sondage par avion ne se fait pas sans risques par temps
bouché qui impose le vol sans visibilité.
Les figures 7, 8 et 9 représentent divers types de radioson-
deurs : les légendes qui accompagnent les documents donnent
quelques indications à leur sujet.

Coût d’un radiosondage.

Un ensemble composé d’un baromètre, d’un thermomètre et


d’un émetteur à ondes courtes, avec son manipulateur auto-

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllllllllllllllllililllllllllllllllllllll
1 120 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
matique, tel que celui que nous venons de décrire, coûte 600 fr.
Un ballon en caoutchouc de 0 m ,80 de diamètre suffisant pour
faire un sondage jusqu’à 12.000m coûte 100 francs. Un ballon
l
de m ,25 suffisant pour sonder jusqu’à 18.000m coûte 400 fr. (1).
L’ensemble des appareils ayant servi à chaque sondage est récu
péré 98 fois sur 100, et ces appareils sont généralement à peine
endommagés par l’atterrissage en parachute. Dans ces condi
tions, le prix de revient moyen d’un sondage à 12.000m est
actuellement de 300 francs. Notons que ce prix pourra être
notablement abaissé lorsqu’un industriel français consentira à
fabriquer les ballons de sondage en utilisant les procédés en
usage aux Etats-Unis où ces ballons coûtent quinze fois moins cher
qu’en France. En outre, les ballons américains sont beaucoup
plus solides que les ballons français. Ils sont fabriqués en pul
vérisant à l’intérieur d’une sphère creuse une légère couche de
dissolution de caoutchouc. On arrive ainsi à fabriquer un ballon
exactement sphérique d’épaisseur rigoureusement uniforme. En
France, on continue à fabriquer les ballons en collant les uns
aux autres une douzaine de fuseaux découpés dans une feuille
de caoutchouc. On obtient ainsi un ballon légèrement ovoïde,
avec des parties faibles qui souvent crèvent avant que soit
atteinte l'altitude de 12.000m, et qui coûte très cher parce que
sa fabrication exige beaucoup de main-d’œuvre.
Il
n’en reste pas moins que les résultats obtenus par les pro
cédés actuels sont tout à fait remarquables à la fois par leur
bon marché et par leur précision. Remarquons que le radio-
sondage serait infiniment moins coûteux que le sondage par
avion si ce dernier n’utilisait le plus souvent des vols qui ont
un autre but que l’exécution d’un sondage. Remarquons égale
ment que le sondage par avion ne permet pas de mesurer la
vitesse et la direction du vent au-dessus des nuages. Le radio-
sondage est donc sur tous ces points supérieur au sondage par
avion. Sa seule infériorité consiste en ce qu’il ne donne pas
de renseignement sur l’épaisseur, l’étendue et la disposition
des couches nuageuses, toutes indications qui sont utiles pour
éviter les collisions au voisinage des aéroports où se produisent

(1) Un ballon de i m fabriqué aux États-Unis coûte 8 francs.

(IIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII*
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1121

Fig.
— Répartitions comparées de la température en altitude,
6.
d’après les sondages quotidiens exécutés par radiosondes (Trappes, du 3
au i2-i3 février) et par avion (Le Bourget, 20 février au 5-6 mars).

des départs et des atterrissages nombreux. Pour ces raisons, les


sondages par avion au voisinage des aéroports resteront indis
pensables à la sécurité du trafic par temps bouché au-dessus
des grands aéroports tels que Paris, Marseille, Londres, Berlin,
Amsterdam, etc.
Notre dessein n'étant pas de donner eu ces quelques pages
un cours complet de météorologie, mais seulement d’exciter la
curiosité des pilotes à l’égard d’une science qui a beaucoup
fait pour la sécurité de la navigation aérienne, et qui fera plus
encore dans l’avenir, nous bornerons ici cet exposé qui suffit
pour se rendre compte du genre de renseignements qu’un navi-
gateur aérien peut attendre de la météorologie. Nous souhai
tons en terminant que cette lecture incite les navigateurs
aériens à s’instruire dans la connaissance de cette science dont
l’utilisation quotidienne leur évitera bien des risques d’accidents
lorsqu’ils voyageront par mauvais temps. Ils trouveront pour
cela tous les compléments nécessaires en recourant aux ouvrages
établis spécialement à leur intention que nous signalons plus
loin.

Qiaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
1 122 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

II. Lorganisation du réseau de sondage



de l’Office National Météorologique
Les services qu’il rend à la navigation aérienne
A la suite du vœu que nous avons exprimé dans notre étude
sur les méthodes modernes de prévision du temps, de voir
augmenter les moyens mis à la disposition de l’O. N. M. pour
effectuer quotidiennement les sondages par avion et par radio-
sondes indispensables à la prévision du temps dans la haute
atmosphère, nous avons reçu les précisions suivantes qui nous
ont été adressées par M. Wehrlé, le directeur de l’O. N. M.
L'O. N. M. exploite journellement les résultats de sondages
de température et d’humidité exécutés par avion dans un réseau
qu’il a organisé avec l’aide des formations de l’Armée de l’Air
et de la Marine. Ce réseau, qui depuis plusieurs années ne cesse
de se développer, comprend actuellement les centres de :
Le Bourget, Lyon, Dijon, Châteauroux, Cazaux, Reims, Mar
rakech, Avignon et Marignane pour l’Armée de l’Air, et
Cherbourg pour la Marine qui exécute des sondages par avions,
par hydravions et par ballons captifs.
En outre des radiosondages sont régulièrement faits par
l'observatoire aérologique de Trappes les jours où l'avion du
Bourget ne peut monter. Ils sont effectués par un petit ballon
équipé du matériel que nous venons de décrire.

COMMENT FAUT-IL UTILISER LES OBSERVATIONS


RECUEILLIES PAR L’O. N. M. ?
Ce réseau de sondage est en somme plus important que celui
qui existe aux Etats-Unis si l’on fait entrer en ligne de compte
les superficies des deux pays. Il effectue une moyenne de 150 son
dages par mois. On voit donc que la collaboration de l’aviation
et de 1’0. N. M. est en bonne voie sur ce point. Il faut regretter
toutefois que les ascensions n’aient pas toujours lieu assez tôt
le matin pour parvenir de bonne heure à l’O. N. M. Il résulte
de ces retards que bien souvent les prévisions basées sur ces
observations ne parviennent aux centres aériens qu’à la fin de
la matinée, c’est-à-dire à un moment où la plupart des avions
sont partis pour leurs missions aériennes. Il faudrait, pour que

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REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1 1 23

Fig. Émetteur utilisé au cours de la première ascensiondans la stratosphère


7. —
(mars 1927).
On distingue, de gauche à droite : l’accumulateur (chauffage des filaments),
le manipulateur (lettre A à la montée, lettre N à la descente), son moulinet,
les deux lampes triodes, l’inductance et la batterie de piles (tension-plaque).

ces prévisions rendent tous les services qu’on en attend, que


les avions-sondes décollent avant le lever du soleil, et qu’ils
transmettent par radio les lectures faites sur le thermomètre
et sur l’hygromètre au fur et à mesure qu’ils prennent de l’alti
tude. Il faudrait aussi qu’ils soient tous équipés pour le P. S. V.
et pour le guidage par radiogoniométrie, ce qui permettrait de
faire les sondages même par temps bouché : c’est en effet en
pareilles circonstances que les sondages par avion rendent le
plus de services, car ils renseignent les navigateurs aériens sur
l’état de l'atmosphère et les courants aériens qu’on trouve dans

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiihiiii
1124 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
les nuages et au-dessus des nuages ainsi que sur les épaisseurs
des couches de nuages superposées.
Il nous reste enfin à émettre encore un vœu : à l’heure
actuelle on n’utilise guère, dans les formations militaires, que
les prévisions générales établies par les agents de l’O. N. M.,
prévisions qui sont affichées près du bureau de l’aéroport. Les
pilotes qui partent en voyage se contentent ainsi d’indications
très générales sur la nébulosité, la direction et la vitesse du
vent, et la visibilité au sol le long de l’itinéraire qu’ils comptent
suivre.
Ces indications sont très insuffisantes pour préparer un
voyage aérien, surtout en cas de mauvais temps. Il faut que
le pilote qui décolle ait présente à l’esprit une situation détaillée
des circonstances météorologiques dans les régions qu’il va
parcourir, afin d’être en état de prévoir comment le temps,
pourra évoluer non seulement sur l‘itinéraire prévu, mais jus
qu’à 200 ou 300km de part et d’autre de cet itinéraire.
S’il constate en cours de voyage que la température de l’air
ambiant monte ou descend, ou que la direction du vent vient
à changer, ou que le vent au sol a maintenant une direction
opposée au vent en altitude, ou que l’aspect et l’architecture
des masses nuageuses se sont modifiés, il faut qu’il soit capable
de prévoir quels dangers sont annoncés par ces indices, dans
quelle région ces dangers sont localisés, et quelles manœuvres
il faut entreprendre pour y échapper. « Ce changement de
température annonce-t-il l’approche du givrage ? Vaut-il mieux
monter ou descendre pour y échapper ? Ce nuage cache-t-il des
menaces de grain ou couvre-t-il simplement une averse sans
coup de vent ? Vaut-il mieux passer par le Nord ou par le
Sud pour éviter cette ligne de grains dont je prévois l'ap-
proche ? De ces deux terrains de secours, lequel sera encore-
dégagé lorsque j’y parviendrai ? » Telles sont, parmi beaucoup
d’autres, quelques-unes des questions auxquelles un bon navi
gateur doit être en état de répondre tout au long de son voyage
s’il veut amener à bon port son avion avec sa cargaison. C’est
ce que savent faire les pilotes de transport public, et
aussi les
navigateurs des dirigeables « Graf-Zepi^elin » et « Hindenburg »
qui affrontent à date fixe et avec un succès constant, des zones
où des dizaines de pilotes de raid ont trouvé la mort pour cette
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1 1
25

Fig. 8. — Appareil ayant servi aux premières expériences de radiosondage.


L’appareil ci-dessus ne comportait qu’un thermomètre dont l’aiguille promenait
sa pointe le long d’un cylindre tournant. Une partie de ce cylindre est conduc
trice, l’autre est isolante, et les deux parties sont séparées par une spirale que
l’on aperçoit sur la figure.

seule raison qu’ils ont foncé en aveugles dans la tourmente à


laquelle leur avion était hors d’état de résister.
Voilà pourquoi il faut que, dans le moindre aéroport, se
trouvent à la disposition des pilotes les cartes d'isothermes et
d’isobares, les cartes des vents avec indication de la trace des
fronts sur le sol, les cartes des systèmes nuageux et les coupes
verticales de l’atmosphère résultant des radiosondages et des
sondages par avions.
Et il faut aussi que tous les pilotes soient capables de com
prendre et d'interpréter ces documents, de noter d’après leur
examen les principales caractéristiques météorologiques de la
région qu’ils vont traverser afin de pouvoir, en cours de voyage,
résoudre les problèmes météorologiques qui se poseront à l’im-

illlllllllllllllllllllllllllIIIIIIIIIIIIIIIIII11IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIImilIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1126 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.

Fig. 9. — Appareil deradiosondage utilisé pendant l’Année polaire (1982-1933).


Th, élément sensible du thermomètre.

proviste, et que le prévisionniste n’aura pas pu résoudre pour


eux avant le départ.
--
A ceux qui auraient été mis en goût par la lecture de notre
étude sur « Les méthodes modernes de prévisions météorologiqïies
pour l’aviation » et qui auraient l’ambition d’acquérir sur ce

iiiiiiiiii iiiiiiiniiiiiiiiiiiiii
1111 111111111 iiiiiiiiii mi il i
1 a 11111 milmil iiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinti»»
point les capacités d’un bon navigateur, nous signalons deux
ouvrages intéressants et utiles. Le premier est le « Manuel de
Météorologie du pilote » de MM. Dédebant et Viaut, chefs des
services scientifiques de l’O. N. M. (édité par Blondel La Rou-
gery). Si leur culture scientifique leur permet de pousser plus
loin leur instruction météorologique, ils consulteront utilement
la « Prévision du temps par l’analyse des cartes météorologiques »
de M. van Mieghem, assistant à l’Institut Royal Belge de Météo
rologie (Gauthier-Villars'). Ce dernier ouvrage est accessible aux
pilotes qui ont leur baccalauréat ès-sciences.
C’est seulement lorsque les navigateurs aériens auront acquis
ces notions pratiques de météorologie et qu’ils sauront les uti
liser pour préparer leurs voyages, que l’effort considérable
fait par l’O. N. M. et par ses collaborateurs de l’Armée de l’Air
portera tous ses fruits au point de vue de la sécurité de la
navigation aérienne. En particulier on ne saurait, sans couvrir
à des catastrophes, encourager des pilotes, même expérimentés,
à pratiquer la navigation dans les nuages s’ils n’ont pas acquis
au préalable une sérieuse expérience des questions météorologiques
dont nous avons donné un exposé simplifié dans notre étïbde sur
« les méthodes modernes de prévisions météorologiques pour
l’aviation ».
Lieutenant-colonel de réserve A. VERDURAND.

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iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiniiiiiiiii

Le navire L or ie - a 'u ions

Par l’Ingénieur en chef du Génie maritime C. ROUGERON.

Le lieutenant de vaisseau Barjot a présenté à la session de


juin de l ’ Association Technique Maritime et Aéronautique un
mémoire sur le « navire porte-avions à plate-forme d’atterris
sage )) qui est la première étude française d’ensemble sur ce
type de bâtiment.
Elle abonde en formules ingénieuses depuis la phrase de
début, où le porte-avions est présenté comme conjuguant l'au-
tonomie aérienne de l’avion, qui se chiffre en heures, et l'auto-
nomie de surface du navire, qui se chiffre en jours, jusqu’à
la conclusion reproduite de feu l’amiral américain Moffett, qui
voyait dans le porte-avions « un avant-coureur du bâtiment de
guerre de l’avenir ».
Nous n’avons aucune critique à présenter à la partie pure
ment aérienne de l'étude. Nous partageons absolument l’avis
de l’auteur sur la nécessité de ramener les cinq types d’avions
qu’on a admis jusqu’ici à bord du porte-avions, chasse mono
place, chasse biplace, surveillance, torpillage, bombardement
en piqué à un nombre réduit de types auxquels on demandera
d’assurer simultanément plusieurs de ces missions.
Le lieutenant de vaisseau Barjot propose de retenir trois
types :
— un monoplace (chasse et bombardement en piqué) ;
— un biplace (surveillance et chasse biplace) ;
— un triplace (surveillance et torpillage).
Nous croyons même que cette réduction peut être poussée
plus loin. Le seul obstacle est la torpille qui, sous sa forme

IIIIIIIIIII1IIIIIIIIIUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
actuelle, ne peut être emportée qu’à bord d’avions très diffé
rents de l’avion de chasse. Nous avons essayé, dans un article
consacré à la torpille d’avion, de faire justice de cette concep
tion et de montrer que des types de torpilles spécialement
étudiés pour l’avion, du poids et de l’encombrement d’une
bombe légère, étaient parfaitement aptes à la destruction du
navire, protégé ou non.
Ce principe admis, le triplace proposé devient inutile. Un
monoplace et un biplace, très peu différents d’ailleurs et qui
pourraient même être réduits à un seul type de biplace où
l’observateur serait remplacé par des bombes ou des torpilles
légères pour les missions d’attaque du navire, et simplement
laissé à bord du porte-avions pour les missions de chasse mono
place, nous paraissent suffire pleinement à l’armement du porte-
avions.
Mais le porte-avions n’est pas qu’un moyen de transport
d’avions judicieusement choisis, aux besoins desquels tout le
problème est de pourvoir. Le porte-avions est un navire de
guerre comme les autres, soumis aux mêmes lois qu’il est im
possible de transgresser sans aboutir à un de ces nombreux
engins qui sont l’honneur d’une marine en temps de paix, mais
dont le rôle n’a pas le même éclat en temps de guerre.
L’avion du porte-avions se substitue simplement à l’élément
de puissance offensive qu’est le canon du navire. Or le navire
subordonne beaucoup plus qu’il ne paraît l’installation de son
artillerie aux nécessités de la vitesse et de la protection. Le
porte-avions n’échappera pas à ces sujétions.
C’est à cet aspect purement naval du problème du porte-
avions que nous consacrerons cette étude.

Le porte-avions est un navire dont le déplacement est fixé


pour notre pays à 23.000 tonnes par l’accord de Londres du
25 mars 1936. Que va-t-on faire de ces 23.000 tonnes ?
Aux trois qualités militaires essentielles de tout navire de
guerre, artillerie, protection, vitesse, le porte-avions en ajoute
une quatrième qui lui est spéciale, son armement offensif en
avions. Il semble donc au premier abord que l’intervention de
ce quatrième facteur va multiplier le nombre des types pos-
1
130 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
sibles, qui était déjà considérable lorsqu’on se bornait aux com
binaisons des trois facteurs classiques. Il n’en est rien, et nous
allons montrer que les stipulations de l’accord de Londres
relatives à l’artillerie imposent à notre choix des limites
étroites.
L’avion est une arme légère, encombrante, dont il n’est
a.
d’ailleurs possible d’emporter à bord d’un navire qu’un nombre
limité d’exemplaires, pour des raisons qui tiennent à la durée
de l’atterrissage. Un « Béarn » de 21.000 tonnes emporte
30

avions; un « Saratoga » de 33.000 tonnes en emporte 72. Sur un


navire de 23.000 tonnes, 50 avions du type que nous estimons
préférable pèseront moins de 150 tonnes, moins de 500 tonnes
comprenant l’essence et l’armement en réserve, les pièces
en y
conclusion
de rechange.... C’est 2% du déplacement. Cette
suivant la formule du lieutenant de vaisseau Barjot,
suppose,
le porte-avions ne soit pas un « atelier flottant » mais un
que
navire de combat armé d’avions ». Le navire de ligne qui
«
porte une artillerie pesant 8000 tonnes et coûtant 200 millions
assure l’entretien avec une armurerie de 30 mètres cubes;
en
il renonce à transporter un tour pour réaléser les pièces usées,
une étuve pour l’imprégnation des
induits des moteurs de poin
tage.... Il n’est pas davantage indispensable d’aménager à
bord d’un porte-avions des ateliers où l’on puisse commodément
réentoiler une voilure, refaire une charpente, reviser un moteur.
Sans effet direct sur le déplacement, l’armement en avions
n’est pas davantage une cause indirecte d’alourdissement de
la coque, comme on le croit quelquefois. La très grande lon
celle de tous les navires
gueur du porte-avions, qui est d’ailleurs
rapides de même tonnage, impose à ce genre de bâtiment un
poids de coque élevé si on leur donne le creux habituel des
navires de guerre. L’exigence sur le porte-avions d’un pont
d’envol augmente le creux dont on dispose pour résister à
l’effort de flexion longitudinale; sur les navires de grand dépla
cement, l’économie de charpente qui en résulte l’emporte sur
les autres suppléments de poids qui tiennent à
l’adaptation
d’une coque au transport des avions. La coque d’un porte-
avions est nettement moins lourde que celle d’un croiseur de
bataille de même longueur et de même déplacement.
b. Jusqu’à la dernière conférence de Londres,
le porte-avions

iiiiiiiiMiiiiiiitiiiiiiiiiliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiii
pouvait être armé d’une artillerie de dix pièces de 203. L'accord
de 1936 réduit le calibre à 155, et maintient simultanément la
limite du nombre des pièces à 10. Il faut au moins reconnaître
à cet accord l’avantage de simplifier très heureusement la tâche
des auteurs de programmes : dans la répartition des poids, l‘ar
tillerie devient un facteur absolument négligeable, au même titre
que l’armement en avions.
La réduction successive de calibre qui paraît l’objet principal
des conférences de limitation des armements navals a fini par
habituer les marines à un matériel d’artillerie sans aucun rap
port avec le tonnage des bâtiments qui le portent. On crie
au scandale quand la marine allemande place des canons de
280 sur des navires de 10.000 tonnes ; elle ne fait cependant
qu’appliquer la première de ces limitations, celle du traité de
Versailles. Mais que de chemin a été parcouru depuis lors dans
la voie de la réduction ! En 1919, on trouvait encore en service
des bâtiments, achevés au début du siècle, qui portaient du 305
sur une coque de 8000 tonnes. La limitation du calibre à 280
imposait une réduction de puissance sérieuse. Aujourd’hui, le
navire de 10.000 tonnes est limité au calibre de 155, et l’on
trouve tout naturel d’étendre cette limitation au porte-avions
de 23.000 tonnes.
Si l’on fait abstraction de ces réglementations, on trouve que
le calibre de 155 convient à des bâtiments de 1800 tonnes
environ. L’« Amiral Sénés », de 1525 tonnes Washington, in
corporé dans notre marine en 1919, porte quatre canons de 150.
Les croiseurs allemands de 6000 tonnes, qui portent neuf pièces
de ce même calibre, traduisent déjà l’effet du traité de Ver
sailles dans la voie de la réduction de puissance de l’artillerie
à déplacement donné. Sur le porte-avions de 23.000 tonnes, qui
sera limité à 10 pièces de 155, le poids consacré à l’artillerie
sera à peu près négligeable.
Ainsi l'artillerie, par le seul fait des limitations actuelles en
calibre et en nombre de pièces, est un facteur de poids négli
geable sur le porte-avions.
Le choix du calibre et du nombre de pièces résulte immé
diatement de cette constatation : on prendra le maximum per
mis par l’accord de Londres.

c. Si la puissance offensive, avions et artillerie, ne prélève

tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiüiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1
132 REVUE DE L’ARMEE DE L’AIR.
dispose,
qu’une fraction négligeable des 23.000 tonnes dont on
facteurs vitesse et protection,
il ne reste qu’à les consacrer aux
seulement.
ou à l’un de ces facteurs
l’on ait
Il n’est pas d’exemple de bâtiment de ce tonnage où facteurs
fait porter l’effort principal sur un seul des trois
deux autres.
armement, vitesse et protection, en sacrifiant les
compromis où aucun
Le navire de ligne a généralement été un
quelquefois sacrifié
de ces trois facteurs n’était négligé. On en a
tel fut le cas de la protection lorsque Fisher introduisit le
un; Sous la
croiseur de bataille. On n’en a jamais sacrifié deux.
plus accentuée Fisher ait donnée à sa conception,
forme la que
Renown trouvait réunis la vitesse de 32 nœuds et le
le « », on
calibre de 381.
Tous les bâtiments de ligne construits depuis la guerre res
principe. Le Nelson est un navire sur lequel on
pectent ce « »
vitesse bénéfice de l’armement et de la pro
a sacrifié la au
sacrifié
tection. Le « Deutschland » est un navire sur lequel on a
c’est,
la protection au bénéfice de l’armement et de la vitesse;
10.000 tonnes, une réduction du « Renoivn ». Le « Dun
en
l’armement au
kerque » est un navire sur lequel on a sacrifié
bénéfice de la vitesse et de la protection ( 1 ) ; ses huit canons
qu'en les exa
de 330 ne paraissent un armement acceptable
des
minant sous l’angle des limitations actuelles; compte tenu
déplacements, cet armement n’est comparable ni aux neuf
406

d’un « Nelson », ni aux six 280 d’un « Deïitschland », ni aux


huit 381 que portaient en 1914 des cuirassés d’un tonnage
moindre.
Peut-être verra-t-on quelque jour des navires où deux des
sacrifiés
trois facteurs armement, vitesse et protection auront été
bénéfice du troisième. En porte-avions, ce serait par exemple
au
faisant 43 nœuds
la formule d’un 23.000 tonnes sans protection
d’un porte-avions à 18 nœuds revêtu d’un pont blindé de
ou
75cm d’épaisseur. Mais, jusque là, si
l’on veut rester dans les
formules classiques, on peut affirmer que la réglementation en
la fois
vigueur pousse le porte-avions dans la voie du navire à
rapide et protégé.

même nouveaux navires de ligne répondant aux règles


(1) Il
en sera de des
de la dernière conférence de Londres.
d. Cette formule impose l’adoption du déplacement maximum
autorisé.
Ce n’est pas la vitesse qui justifie cette conclusion. Aux
vitesses que permettent d'atteindre les machines d’aujourd’hui
pesant environ 1218 par cheval, le navire de gros déplacement
n’est pas favorisé par rapport au navire plus petit. On peut le
constater sur des navires où presque tout est consacré à la
vitesse, comme les torpilleurs italiens de 1200 tonnes, les contre-
torpilleurs français de 2500 tonnes, les « Condottieri » italiens
de 5000 tonnes; la vitesse record de chacun de ces types de
navires est voisine de 42 à 43 nœuds. Le navire de 23.000 tonnes
où l’on ferait preuve du même intérêt pour la vitesse et du
même mépris pour l'armement et la protection atteindrait une
vitesse du même ordre.
Le gros navire avait au contraire un intérêt marqué sur le
petit, du seul point de vue vitesse, lorsque des navires de
20.000 à 30.000 tonnes restaient dans la limite de 20 à 32 nœuds.
Avec les allongements modérés qui convenaient à ces vitesses,
l’accroissement de tonnage n’entraînait qu’une faible augmen
tation relative du poids de coque, que dépassait l'économie
réalisée par la réduction relative de puissance d’une machine
lourde. Aux vitesses de 38 à 43 nœuds que peuvent atteindre
aujourd’hui les navires de petit ou de gros déplacement, la
résistance par tonne décroît encore lorsque le déplacement
croît, mais beaucoup moins vite qu’aux vitesses plus faibles,
car la résistance du petit navire ne croît alors que comme une
puissance faible de la vitesse. D’autre part, aux allongements
nécessaires pour ces vitesses, l’augmentation du déplacement
réagit lourdement sur le poids de coque.
L’exemple suivant précise cette différence. Il se rapporte à
des navires semblables de 5000 et 10.000 tonnes, et indique la
puissance par tonne nécessaire et la fraction de déplacement
absorbée par les machines, à des vitesses de 34 et 42 nœuds.
Les résultats donnés pour 34 nœuds sont calculés pour un poids
de machines de 1818 par cheval et la finesse habituelle des
croiseurs de 10.000 tonnes (185m de longueur entre perpendi
culaires) ; ceux qui sont donnés pour 42 nœuds sont calculés
pour un poids de machines de 1216,5 par cheval et la finesse des
« Condottieri ». Les uns et les autres se rapportent à un navire

iiiiiiiiliiiiiiiiiiiiiiiiiiillliiiiiiiiiliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiilllillliiiiiiiiiiililiiliiiiliillliiiiiiilllllllliiiilllilllliiiiiiiiilh
1134 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
tracé aux formes Taylor, avec un rendement propulsif global
de 0,5.
34 nœuds. 42 nœuds.

Nombre Fraction de dépla- Nombre Fraction de dépla-


de HP cernent consacrée de HP cernent consacrée
Déplacement. par tonne. aux machines. par tonne. aux machines.

15,5 28 % 26,3 %
5.000 tonnes
10,5 19,1 % 21,3 %
lo.ooo tonnes
L’économie de puissance en passant du navire de 5000 tonnes
à celui de 10.000 tonnes est donc nettement plus faible à
42 nœuds qu’à 34 nœuds. D’autre part, pour établir un croiseur
de 10.000 tonnes à la finesse d’un « Condottieri », il faut lui
donner 214m de longueur. On perdrait ainsi en augmentation
poids de
de poids de coque sensiblement ce qu’on gagnerait en
machines.
C’est l’explication de l’équivalence approchée de bâtiments
de déplacements très différents, aux vitesses qu’on
atteint
aujourd ’hui.
Par contre l’exigence d’une protection impose nécessairement
la course au déplacement, donc l’adoption du déplacement
maximum autorisé. Si l’on a des exemples de navires de 1000
à 35.000 tonnes faisant la même vitesse, on n’a pas
d’exemple
de torpilleurs portant la protection d’un croiseur de
bataille.
Le poids de la cuirasse de ceinture, ou de la protection sous-
marine, ne croît guère en effet à épaisseur donnée que comme la
puissance 1/3 du déplacement et le poids des ponts blindés
la puissance 2/3 de ce déplacement. Le gros navire sur
comme
classera toujours le petit du point de vue protection.
Ainsi, de l’interdiction de porter une artillerie puissante,
résulte indirectement, par l’intermédiaire du facteur protection,
la nécessité d’adopter le déplacement maximum autorisé.
Le porte-avions sera donc un bâtiment de 23.000 tonnes, armé
de 10 canons de 155, et consacrant la presque totalité de son
déplacement à sa vitesse et à sa protection, dans une proportion
nous allons montrer assez facile à déterminer.
que

Ces conclusions ne sont pas en effet de simples vues de


l’esprit. Si elles ont été fréquemment négligées, on trouve cepen-

lllllllllllllllllllllllllllll h un nu
h
dant, en service ou en construction, quelques navires qui peuvent
servir à préciser la thèse précédente.
Dès qu’elle a été dégagée des limitations du traité de Ver
sailles, la marine allemande a mis en chantier un porte-avions
dont les quelques caractéristiques publiées indiquent une cer
taine parenté avec le type préconisé.
Le porte-avions allemand a un déplacement de 18.500 tonnes.
Il porte 14 pièces de 150, le même calibre étant prévu pour la
défense contre avions et contre objectif flottant. Ce navire sera
protégé et rapide. Aucune précision n’est donnée sur la pro
tection et la vitesse. Nous essaierons plus loin d’en fixer des
valeurs possibles.
Une des caractéristiques à retenir dans l’armement du porte-
avions allemand est l’emploi du calibre de 150. Il n’est pas
nouveau dans la marine allemande ; les « Deutschland » de
10.000 tonnes doublent en effet leur artillerie principale de 280
d’une artillerie de défense de 150, alors que presque tous les
navires de 10.000 tonnes se bornent à compléter leur artillerie
de 203 par une artillerie de défense de calibre inférieur, de 75
à 100.
Ondoit voir dans l’emploi de ce calibre de 150 contre avions,
que la marine allemande avait inauguré dès 1918 sur la côte
des Flandres, la première appréciation correcte de l’importance
du calibre en artillerie de D. C. A. L’emploi de canons de calibre
voisin de 75 a été une grosse erreur qui a condamné l’artillerie,
pendant des dizaines d’années, à une impuissance quasi abso
lue. Ce n’est pas de l’artillerie de campagne, mais de l’artillerie
lourde qu’il eût fallu partir pour établir les premiers modèles
de canons contre avions. Contre un objectif de la mobilité d’un
avion, la vitesse initiale élevée, et le gros calibre qui permet la
conservation de cette vitesse, sont aussi indispensables l’un que
l’autre. Avec leurs performances actuelles en vitesse et en pla
fond, les meilleurs avions terrestres conservent quelques chances
d’échapper à un tir de 150 à grande vitesse initiale. Mais, à
l’époque où fut mis en chantier le « Deutschland », avec les per
formances que les marines acceptaient alors pour leurs avions,
il suffisait d’une salve de son artillerie de défense pour des
cendre tout avion qui eût voulu approcher ce navire.
Le seul renseignement fourni sur la protection est qu’elle

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIÜIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlllllllIlilllllllll
1136 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
s’étend à l’aviation embarquée, ce qui explique le nombre très
réduit d’avions, 25 seulement, porté par ce navire. C’est une
caractéristique entièrement nouvelle pour un porte-avions et de
première importance.
Il est curieux de noter le décalage de quelques dizaines d’an
nées entre l’apparition sur le navire d’une arme nouvelle et
l’extension à cette arme de la protection réservée à ses aînées.
La protection ne s’accorde qu’à l’ancienneté. Les premiers cui
rassés n’avaient à protéger que leur artillerie principale. Quand
apparut le torpilleur, on lui répondit aussitôt par l'installation
d’une artillerie de défense de petit calibre, placée dans les hunes
ou sur le pont supérieur, mais sans aucune protection. Il fallut
qu’après vingt ans de cette pratique des cuirassés russes dont
le caisson blindé et les tourelles étaient restés intacts sous les
coups de grosse artillerie fussent coulés par des torpilleurs
japonais auxquels la destruction d’une artillerie ainsi installée
les livrait sans défense, pour qu’on se décidât à la protéger.
Lorsqu’on dota le navire d’une artillerie spécialisée dans la
défense contre avions, on l’installa dans les mêmes conditions
que l’artillerie de défense contre torpilleurs à ses débuts.
Jusqu’au « Dunkerque », où ces deux artilleries sont réunies en
tourelles protégées, on ne s’est jamais demandé ce qu’il advien
dra de la puissance défensive contre avions après un combat
d’artillerie à grande distance ou un arrosage de bombes légères
à haute altitude. L’avion ne viendra-t-il pas alors achever le
cuirassé de 35.000 tonnes, dont les ponts blindés et les toits de
tourelles seront restés intacts, par quelque grenade posée sous
l’étrave, exactement comme le torpilleur japonais venait déco
cher au cuirassé russe sans défense une torpille à bout portant ?
Depuis vingt ans qu’on place des avions sur les navires, c’est
la première fois qu’on songe à les protéger. C’est une marque
d’estime envers l’aviation dont celle-ci doit être reconnaissante
à la marine allemande.
Cette protection implique des conséquences importantes.
Le nombre d'avions emportés sera faible. Il paraît difficile
d’en loger sous un pont blindé, obligatoirement établi au voi
sinage de la flottaison, plus qu’il n’en est prévu pour le porte-
avions allemand. Il ne faut pas en conclure trop rapidement à
l’infériorité de ce type de bâtiment. On pourrait pareillement
installer sans difficulté trois douzaines de pièces de 406 sur un

UllllltlllllllllllltllllllllllIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII><IIIII
navire de ligne, si l’on consentait à ne les protéger que contre
les intempéries. Ce n’est pourtant pas la solution généralement
admise. Sur le porte-avions, dont l’avion est l’arme principale,
il faudra aussi se résigner à réduire le nombre d’armes empor
tées. Mais on aura l’avantage de ne pas s’exposer à la destruc
tion de l’ensemble par une salve de l’artillerie d’un torpilleur.
Les avions de faible tonnage, très chargés au mètre carré,
seront particulièrement aptes à l’utilisation intégrale de la place
disponible sous le pont blindé. Il est heureux que des considéra
tions d'emménagement viennent accentuer l’évolution vers le
seul type d’avion efficace pour toutes les missions.
Il ne saurait être question de protéger le pont d’envol. Mais
il ne servirait de rien de protéger les avions si deux bombes
de 2018 ou deux projectiles de 120mm suffisent à interdire l’em
ploi des avions ainsi protégés, devenus inutiles au fond de leurs
soutes. C’est une éventualité admise pour les porte-avions cons-
fruits jusqu’ici, mais que la protection de l’aviation ne permet
plus de tolérer. On y parera en doublant le pont d’envol de
catapultes qui pourront au moins lancer les avions. Il faudra se
résigner à des méthodes qui ne sont pas généralement admises
pour le retour du matériel et du personnel, comme l ’emploi de
l’avion « marin », ou même du parachute.
La limite extrême de cette solution est l’emploi de «l’avion-
projectile» auquel le capitaine Etienne consacrait ici même une
très intéressante étude dans le numéro de mars 1936. L’avion-
projectile, sans train d’atterrissage, à surface portante réduite,
qu’une catapulte lancera à 150kmh est un engin qui n’a rien à
,
craindre ni du chasseur classique, ni des moyens de défense
d’un adversaire de surface. Il s’adapte au mieux au logement
sous pont blindé. Dans la soute à projectiles dont il prend la
place, une demi-douzaine d’avions de ce genre s’empileront les
uns sur les autres, comme des rangées d’obus. C’est une artil
lerie « dont chaque coup reviendra à 500.000 francs ». Ce n’est
pas trop cher pour défendre un navire de 500 millions.
L’armement du porte-avions ne se limitera d’ailleurs pas au
seul avion-projectile. Pour les missions courantes d’explora
tion, de protection rapprochée, d’attaque d’un adversaire mal
armé, le biplace à train d’atterrissage suffira largement. Mais
si le porte-avions se trouve brusquement surpris par le tir d’un
torpilleur ou d’un sous-marin faisant surface à limite de portée,

i iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiniiiiiiinii
et que deux atteintes du pont d’envol lui interdisent l’usage
de l’avion normal, l’envoi d’un avion-projectile est certaine
ment le moyen le plus rapide de se débarrasser de l’adversaire
en attendant que l’équipe de charpentiers du bord ait pu réparer
les dégâts. L’avion-projectile se substitue alors au canon pour
devenir « Vultima ratio » de la bataille navale.

Quel est le degré de protection qui convient à un porte-


avions ? Il ne saurait évidemment entamer avec le navire de
ligne de plus gros tonnage et de plus faible longueur une
course à la protection. Contre cet adversaire, il n’a qu’une res
source : se tenir hors de portée grâce à sa vitesse, et l'attaquer
avec ses avions. Mais contre toutes les autres 'catégories de
navires, les limitations de calibre par voie d’accords interna
tionaux viennent heureusement simplifier le problème. Résister
au 203 à grande distance n’est pas très difficile. Les mieux pro
tégés des croiseurs de 10.000 tonnes y parviennent presque ;
l’allocation de 23.000 tonnes simplifie beaucoup de choses. On
s’en tiendra donc à des échantillons qui dépassent un peu
les 150mm de ceinture et les 70mm de pont des croiseurs de
10.000 tonnes les mieux protégés. Peut-être trouvera-t-on que
cette protection contre un adversaire qu’il peut facilement sur
classer en vitesse n'est pas très nécessaire. Mais le croiseur de
6000 tonnes à 42 nœuds, armé de six 203, n’est peut-être pas
très éloigné.
On n’essaiera pas davantage de donner au porte-avions une
vitesse supérieure à celle de tous les bâtiments qu’il est exposé
à rencontrer. Les vitesses de 42 nœuds sont réservées jusqu'ici
à des types de navires dont le porte-avions protégé n’a rien à
craindre. Contre les canons de 152 d’un « Condottieri » ou les
canons de 138 d’un contre-torpilleur, le porte-avions n’a qu’une
ressource, encaisser et se défendre à la fois avec son artillerie
et avec ses avions. Mais, contre tous les adversaires qui peuvent
supporter comme lui un combat d’artillerie dont l’issue risque
rait d’être fâcheuse, au moins pour ses œuvres mortes, la tac-
tique préférable consistera à se tenir hors de portée grâce à sa
vitesse, et à les attaquer avec son aviation. Une vitesse de
38 nœuds assure au porte-avions tous les avantages offensifs
et défensifs qu’il peut attendre de ce facteur. Et la marge de
supériorité des navires plus rapides n’est pas telle qu’elle puisse

'iiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1139

les préserver d’une tenue de contact et d’une destruction à


grande distance par l’aviation, ou leur faciliter beaucoup la
surprise.
Est-il possible de concilier la protection et la vitesse deman
dées sur un navire de 23.000 tonnes ? Sans aucun doute, et,
pour s’en assurer, il suffit d’étudier les résultats de l’extra
polation de navires de tonnage inférieur où l’on a tenté cette
conciliation entre protection et vitesse.
Le croiseur de 10.000 tonnes fournit de tels exemples. Entre
les premières constructions qui suivirent l’accord de Washing
ton, où tout était sacrifié à la vitesse, et les dernières, où l’on
a fait à la protection une part telle que ces navires vont se
trouver dans la situation désagréable d’être moins rapides que
les plus récents navires de ligne, il y a un juste milieu qui
nous paraît heureusement représenté par les croiseurs italiens
type « Z ara ». On est parvenu à réunir sur ces bâtiments la
protection très convenable d’une ceinture de 150mm et d’un pont
de 70mm, et la vitesse d’essais, très convenable également, de
35 nœuds environ.
Si l’on extrapole en 23.000 tonnes un « Z ara » en se bornant
simplement à conserver à chaque facteur la même proportion
du déplacement, on obtient les résultats approchés suivants :
Croiseur
« ïara » de 23 000 t.
Armement VIII 203 VIII 280
Vitesse 35 nœuds 3g nœuds
Protection Ceinture 15omm 200mm
» Ponts 7omm gomm

Le bâtiment auquel aboutirait ainsi n'est pas réalisable


011

en croiseur; il n’a pas été tenu compte en effet de l’augmen


tation relative du poids de coque lorsque croissent les dimen
sions. Mais cette augmentation est loin de représenter les
2500 tonnes de deux tourelles quadruples de 280. Le bâtiment
est donc réalisable en porte-avions, avec l’artillerie de poids
négligeable que lui permet de porter l’accord de Londres, et
avec les chiffres du tableau pour la vitesse et la protection.
On trouverait peut-être quelque difficulté à cette réalisation
suivant les formules classiques. Si l’on se borne à quatre lignes
d’arbres, la vitesse de 39 nœuds exigerait une puissance par
ligne d’arbre assez supérieure aux 60.000 HP atteints jusqu’ici.
1140 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Les soutes de deux tourelles quadruples de 280mm sont un peu
justes pour le logement des 30 avions que devrait porter ce
navire, si l’on prend comme modèle le porte-avions allemand.
Mais la vitesse de 39 nœuds est inutile; en la réduisant à
38 nœuds, il sera facile de développer dans la mesure voulue
les soutes à avions au détriment des machines et des chauf
feries. La ceinture de 200mn est également surabondante contre
du 203; on la réduira avantageusement à 175mm en consacrant
la différence à une protection contre la torpille.
Au total, le porte-avions de 23.000 tonnes peut être réalisé
sans difficulté avec les caractéristiques suivantes :
Armement : 30 avions, 10 canons de 155;
Vitesse : 38 nœuds;
Protection : ceinture de 175mm, pont blindé de 90mm, cloison
pare-torpille de 40 mm
.
Les caractéristiques possibles en 18.500 tonnes sont à peine
différentes; ce sera, par exemple, un nœud de moins sur la.
vitesse, et 10mm de moins sur la ceinture et le pont blindé.

*
**
Le navire ainsi défini est exactement, en 18.500 ou 23.000 t.,
le navire préconisé depuis longtemps sous le nom de « croiseur
porte-avions » dans la marine américaine.
Dès 1928, le lieutenant-commander B. Leighton suggérait
d’utiliser une partie du tonnage réservé aux croiseurs de
10.000 tonnes armés de 203 à la construction de croiseurs sem
blables, au remplacement près de l’artillerie de 203 par des.
avions, croiseurs qui serviraient aux mêmes missions que les
croiseurs portant une artillerie, isolément ou en liaison avec
eux. La suggestion fut retenue par l’amirauté américaine qui
obtint l’autorisation nécessaire à la conférence de Londres de'
1930.
Mais, tant qu’on dispose d’un tonnage inutilisé dans la classe
des porte-avions, une telle solution n’est qu’un pis-aller. Avec
la protection qu’on donne actuellement au croiseur de 10.000 t.,
un navire de ce déplacement est assuré d’être nettement sur
classé, à la fois en vitesse et en protection, par les navires de
déplacement plus élevé. La formule du croiseur porte-avions,
est excellente, autant du moins que peut l’être en 1936 une

lIllüllllllllllllllllllllllllllllllllllllHnilIllllIlIIIIIIllIllIlllllllllllllllllllllHlIllllllllllllllllllIllllllllllllilllllllllllP
formule de navire. Le seul tort de ses promoteurs était de s’in-
fliger le handicap gratuit d’une limitation de tonnage. En
10.000 tonnes, le croiseur porte-avions ne dépasserait proba
blement pas 36 nœuds, 160mm de ceinture, et cela sans protec
tion sous-marine. Pourquoi priver d’un supplément notable
se
de vitesse et de protection pour le plaisir de voir les avions
répartis sur deux navires au lieu d’un ? Le fait-on pour les
canons du navire de ligne ? Que les défenseurs de l’avion comme
arme du navire veuillent bien méditer cet exemple d'aboutis-
sement logique de soixante-quinze ans de perfectionnements
continus. Il sera toujours temps de construire des croiseurs
porte-avions de 10.000 tonnes lorsque les allocations réservées
aux porte-avions de 23.000 tonnes se trouveront épuisées.
Le croiseur de 10.000 tonnes dont on doit la création à la
conférence de Washington est, comme le lui ont assez reproché
les partisans de formules plus classiques, dérivé des croiseurs
anglais type « Hawkins » dont les plans remontent à l’été de
1915. Mais, à cette période de la guerre intermédiaire entre
la bataille des Falkland et la bataille du Jutland qui marquent
le triomphe de conceptions opposées, un grand nombre de
navires ont été mis en chantier, dont certains de déplacement
voisin des 23.000 tonnes aujourd’hui accordées au porte-avions.
Tel est notamment le « Renown » qui, pour ce déplacement,
donnait une vitesse de 32 nœuds avec 120.000 HP, était protégé
par une ceinture de 152mm, et portait six canons de 381.
Le type de porte-avions que nous préconisons dérive exac
tement du « Renown ». Pour le poids des 120.000 LIP du
« Renown » à 30 kg/HP, 011 aurait 290.000 LIP d’aujourd’hui
à 12,5 kg/HP; la réduction d’encombrement a été parallèle à
la réduction de poids. C’est plus qu’il n’en faut pour faire
donner 38 nœuds à la coque d’un « Renown ». Il n’y a pas
davantage de difficultés, avec le poids d’artillerie enlevé d’un
« Renotvn », à porter aux chiffres indiqués précédemment et
très suffisants contre le 203 la protection très faible accordée
à ce croiseur de bataille.
La conception d’un porte-avions de 23.000 tonnes faisant
38 nœuds et protégé contre le 203 n’est donc autre que la
conception de Fisher pour la vitesse, adaptée aux progrès de
la machine depuis vingt ans. La protection choisie tient compte
à la fois des exigences de la réglementation internationale qui

4IIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIII1II111IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIII
1 1 42 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
interdit d’employer le tonnage accordé artillerie puis à une
sante, et des facilités qu’offre cette interdiction.
Dans quelle mesure les porte-avions allemands actuellement
en construction participeront-ils de cette formule, c’est ce qu’il
ne sera possible de dire qu'après connaissance plus complète
de leurs caractéristiques. Mais on peut affirmer dès main
tenant que ces navires ne seront pas à la merci d’un croiseur
de 10.000 tonnes ou d’un croiseur de bataille. La marine alle
mande a gardé le souvenir des cuisants échecs, que lui ont
infligés les navires construits par Fisher; il n’en est pas une
au monde qui n’en ait mieux compris les leçons.
A l’époque où la marine anglaise, rompant avec la tradition
du croiseur de bataille qu’elle avait créé, abaissait sur le
« Nelson » et le « Rodney » la vitesse à un degré où l’économie
ainsi faite n’avait plus aucun intérêt, la marine allemande sui
vait sur ses « Deutschland » la voie exactement opposée.
Enserrée dans l’étroite limitation de déplacement et de calibre
que lui imposait le traité de Versailles, elle parvenait à faire
de ses navires de ligne une réduction exacte du « Renown »,
comme le montre le tableau suivant des caractéristiques du
« Renown », du navire qui en serait déduit par réduction à

« Deutschland » et celle d’un navire de 23.000 tonnes à 38 nœuds.


A côté de toutes ses qualités, le « Detttschland » comportait
une grosse erreur pour un navire rapide : l’emploi de moteurs
Diesel presque aussi lourds et encombrants que la machine d’un
« Renown ». Il ne semble pas que la marine allemande ait
persisté dans cette voie.

(1) La vitesse attribuée au


Deutschland » dans le tableau est celle qui
«
correspond à sa puissance; la vitesse de 26,5 nœuds généralement indiquée
est très sous-estimée.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Le porte-avions de 23.000 tonnes, à 38 nœuds, protégé contre
le 203, et abritant sous cette protection un nombre relativement
faible d’avions est donc l’adaptation logique aux réglementa
tions internationales de conceptions qu’on doit aujourd’hui
considérer comme classiques.

*
**
Que peut-on attendre d’un tel navire, mis en présence des
types actuels de bâtiments de guerre ?
Conçu comme croiseur, il doit pouvoir remplacer le croiseur
armé d’artillerie dans son rôle essentiel d’attaque et de défense
des communications maritimes.
Dans la guerre au commerce, le croiseur porte-avions ne pré
sente aucun des inconvénients que l’on a justement reproché
à l’avion employé seul. Son emploi concilie les égards dus aux
réglementations internationales et la puissance de l’arme
aérienne. En liaison avec le navire qui le porte, l’avion étendra
son champ de vision, rabattra sur sa route les navires à visiter,
surveillera l’exécution des déroutements ordonnés, mettra à la
raison les récalcitrants. Une croisière d’une semaine, si l’on
peut appeler ainsi la traversée d’un océan à 30 nœuds, sera
un vaste coup de balai de 500km de largeur sur le trafic de
l’adversaire.
Dans son combat, offensif ou défensif, contre le croiseur armé
d’artillerie, le croiseur porte-avions de gros tonnage a tous les
avantages pour lui. Offensivement, il interviendra avec son
artillerie contre tous les croiseurs auxiliaires et contre tous
les croiseurs armés de canons de moins de 155mm, à l’exception
des quelques « Condottieri » italiens; contre les navires armés
d’une artillerie de 203, il fera intervenir son aviation en se
tenant hors de portée de risposte. Défensivement, il échappera
par sa vitesse à tous les navires assez armés pour lui causer
des dégâts graves, et se bornera à lutter contre eux avec son
aviation; les seuls navires assez rapides pour le rejoindre sont
aujourd’hui trop mal armés pour l’inquiéter.
On entend fréquemment soutenir, dans les discussions sur la
protection des lignes de communications, la nécessité du nombre
opposée à la puissance individuelle. On voit même fixer en
valeur absolue le nombre de croiseurs nécessaire à la défense

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1144 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
des communications d’un grand empire mondial. Il faut, paraît-il,
cinquante ou quatre-vingts croiseurs pour cette tâche. On ne
saurait s’en tirer à moins, chacun de ces navires eût-il la puis
sance d’un bâtiment de ligne.
C’est une singulière déformation d'événements encore récents.
Ce n’est pas aux quatre-vingts croiseurs dont elle disposait en
1914 que la marine anglaise doit d’avoir pu arrêter l’action
des croiseurs allemands sur son commerce maritime. C’est aux
deux croiseurs de bataille envoyés aux Falkland que revint
le rôle essentiel. C’est la menace d’une « Queen Mary » ou d’un
« Renown » partant à leur poursuite qui retint pendant quatre
ans les croiseurs allemands qui eussent été tentés de recom
mencer l’aventure de von Spee.
Quelques milliers de tonnes de plus donnaient à quelques
rares bâtiments, sans la moindre difficulté, la maîtrise néces
saire pour laisser à des auxiliaires plus modestes le soin de
s’acquitter des détails de l’opération. Mais c’est faire preuve
d’un singulier aveuglement que d’espérer que les bâtiments des
nombreuses sous-classes créées par les conférences navales,
seraient-ils cinquante ou quatre-vingts, pourront jouer grand-
rôle dans la lutte contre trois croiseurs porte-avions dont on
aura eu l’imprudence de limiter le déplacement à un chiffre
trop élevé. L’avènement du croiseur porte-avions de gros ton
nage déclassera l’ensemble des constructions de croiseurs aux
quelles les marines ont consacré depuis quinze ans leurs efforts
de rénovation.
Quand l’espoir placé dans le croiseur se trouve déçu, il ne
reste qu’à envoyer à son secours la flotte de bataille. Vainqueur
du croiseur armé d’artillerie, c’est à elle que le croiseur porte-
avions aura affaire. Défensivement, la situation du croiseur
porte-avions n’est pas très inquiétante. Dans ses opérations
océaniques, il ne risque guère d’être rejoint par cet ensemble
de navires variés limité à la vitesse du plus lent. Et, s’il lui
plaît de lancer son aviation à leur rencontre, elle a de belles
occasions de s’employer contre une force dont certains éléments
sont bien fragiles.
Assurément, comme tout navire, le croiseur porte-avions pro
tégé est exposé à des rencontres fâcheuses, depuis que l’avion
intervient dans la guerre sur mer. Mais, contre le navire de

«flIIIIIIIIIIIKIIIIIIIIIIIIIIIIIIIMIIIIIIIIKIIIIIIKIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllII
surface surtout, il est certainement le compromis le plus heu
reux entre la puissance offensive et défensive.

En qui concerne le porte-avions, il est évident que tout


ce
l’effort des conférences successives de limitation des armements
navals a tendu à réduire au minimum la puissance d’un adver
saire aussi dangereux des formes classiques du navire de guerre.
Dès Washington, on a cru y parvenir en interdisant de réunir
sur le porte-avions l'armement canons et l’armement avions.
Limiter à 203mm le calibre que pouvait porter un bâtiment de
27.000 tonnes, alors que vingt-cinq ans plus tôt 011 armait de
canons de 194 des bâtiments de 3000 tonnes, c’était lui infliger
le handicap le plus sévère aux yeux de ceux qui veulent voir
dans le canon le premier élément de la puissance navale.
Après quatorze années d’expérience, la précaution ainsi prise
n’a pas paru suffisante; la conférence de Londres ramène le
calibre de 203 à 155, et limite le nombre des pièces à 10.
Nulle décision ne peut mieux traduire le désarroi présent des
marines devant l’avion. Rapprochée de la limitation de calibre
des croiseurs, elle représente évidemment une tentative pour
laisser à ces derniers une chance dans leur lutte contre le
porte-avions, voire même pour leur permettre de le surclasser
par l’octroi d’un nombre non limité de pièces de même calibre.
Mais quel besoin le porte-avions a-t-il de pièces de 155 ou de
203 pour augmenter son armement offensif ? Il dispose d’un
armement de portée et de puissance aussi grandes qu’il peut
le désirer : ce sont ses avions. Dès qu’on renonce à faire porter
la restriction sur le déplacement, il trouvera dans les 23.000 t.
qu’on lui accorde tout ce qu’il peut désirer pour compléter par
la vitesse et la protection un armement incomparable.
C’est un étrange moyen de défendre le navire contre l’avion
que de réduire régulièrement la puissance de l’artillerie que
le navire peut emporter, alors que l’avion n’est, lui, soumis à
.aucune limitation. L’évolution en sens inverse de la puissance
de ces deux armes est si rapide que le calibre des canons
accordés au croiseur contre son adversaire de surface commence
à devenir faible pour le défendre contre l ’avion.
Tant que les accords entre grandes puissances navales n’ont
réuni que des signataires assez peu disposés, les uns et les

JIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1II
R. A. A. — No 87. 5
1146 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
autres, à rendre inutiles les dizaines de milliards dépensés par
chaque marine pour tenir son rang, il n’a pas été trop difficile
de préserver d’un bouleversement les bases de la puissance
navale. La diminution régulière des puissances permises, en
déplacement ou en calibre, freinait le déclassement trop rapide
des navires les plus anciens. Le consentement mutuel suppléait
aux accords imparfaits, et imperfectibles. Le partenaire nou
veau qui entreprend aujourd’hui de se donner une marine
n’éprouve nul besoin de consacrer, par son choix, la supériorité
acquise de ses concurrents. Soyons assurés que sa première
construction provoquera précisément ce déclassement brutal
que tous les autres voulaient éviter.
« Nous assistons, écrit le lieutenant de vaisseau Barjot, à l’appa
rition d’une nouveauté fondamentale dans les conditions de la guerre
navale, nouveauté qui n’a d’égale dans l’histoire que l’introduction de
l’artillerie sur les vaisseaux au temps des Tudors et de l’Invincible
Armada. Notre époque voit naître le navire aimé d’avions, comme
le xvi° siècle a vu naître le navire aimé de canons. Au large, une force
navale de surface tend aujourd’hui à devenir un ensemble homogène
de navires armés de canons et de navires armés d’avions.»

Nous partageons pleinement l’avis de l’auteur sur la nou


veauté et l’importance de l'introduction de l’avion dans l’ar
mement du navire. Mais la séparation, absolument artificielle,
de l'armement aérien et de l’artillerie introduit un élément nou
veau dont on n’a certainement pas prévu les conséquences.
« Dans cet ensemble homogène, nous dit-on, l’élément offensif sera, pa
radoxalement, représenté par le navire armé d’avions et l’élément résistant
par le navire armé de canons. On vérifie ici, une fois de plus, que le navire
armé de canons, bâtiment protégé, reste l’armature des forces navales. »
Cette séparation de l’élément offensif et de l’élément résis
tant est bien en effet l’aboutissement des réglementations en
vigueur. Mais la nouveauté est d’importance et bouleverse entiè
rement le mécanisme de la puissance navale qui reposait jus
qu’ici sur la réunion, en un même type de navire, le bâtiment
de ligne, de l’élément offensif et de l’élément résistant. Le
combat naval ne demandait pas de règle du jeu; il va en falloir
une maintenant. Dans leur désir de sauver le navire, les confé
rences navales qui ont imposé la séparation de l’armement
aérien et de l’artillerie ont fini de détraquer une mécanique-
fragile que l’avion avait déjà passablement mise à mal.
Ingénieur en chef du Génie maritime G. ROUGERON.

ni 111111 iiiii 111111 mi 1111 iiiinr


mil 1111111111111 nu 1111 mu 1111111111111 ni 1111111 !i 1111111111111111111111111111111111111
Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin

Vitesse et altitude en aviation

Par Louis B REGUET

L‘étude ci-dessous vise


en premier lieu les avions commerciaux,
mais la plupart des considérations
qu’elle développe sont appli
cables à bien des catégories d’avions
de bombardement. Elle
plète les Réflexions com
sur l’évolution technique des avions du même
auteur, parues dans le numéro d’avril 1936.

Je supposerai, en premier lieu, la


charge au mètre carré des
ailes imposée a priori;
en second lieu, que cette charge ait tou
jours sa valeur optimum, correspondant
à la plus grande vitesse
possible.
Dans ce but, il me faut
commencer par rappeler brièvement
quelques notions et définitions fondamentales.
Les coefficients unitaires de résistance
et de poussée d’un
avion sont, suivant la notation internationale,
C, et C-, tels
que la résistance aérodynamique, opposée à la vitesse,
et la
poussée normale à cette vitesse, équilibrant
le poids total en
vol horizontal, sont respectivement
:

(1) FL 26
C,SV2,

(2) PA28 CSV2


Dans ces formules, S est la surface
des ailes en mètres carrés,
V la vitesse en mètres par seconde, le poids
a d’un mètre cube
d’air en kilogrammes, g = 9,81 l’accélération
de la pesanteur.
En atmosphère standard, la température
au sol est de 15° C.,
et d,5 = 1,2255 ; donc, dans
un air de densité relative B :

a i,2255 8

28

19,62
.
o = —
16 ,

lllllillliHIUillllIlIlllllllllülllllllllllIIIIIÜlllllllllIlllllllllllllüllIllïlllllllllllllilllllllillllllllllllllllIlllIlllllllllll)
1148 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
et l’on écrit

(3) FLCSV2,
10

(4) P= b.c-sy:.

Aux régimes usuels de vol, C, peut être considéré comme une


fonction de C- représentée par un arc de parabole :

Dans cette formule, X' étant l’allongement corrigé, C2/mX‘


est ce qu’on appelle la résistance induite, par laquelle se paie
la sustentation. On sait que, pour un avion d’envergure E,
l’allongement géométrique est À = E2/S. Cet allongement doit
être corrigé, pour tenir compte des interactions entre la voi
lure, les corps et les résistances parasites, par une formule de
la forme :

La formule (5) représente la polaire de l’avion. On voit que,


même pour un allongement géométrique X infini, il subsiste
des avions
une polaire résiduelle correspondant à X' — h. Pour
monoplans très fins, on peut compter h = 35 à 40.
Le coefficient C,, dont j’ai déjà parlé, représente la résis
tance minimum, ou le décalage entre la polaire réelle et la para
bole induite C2/xX‘. En général, le paramètre h diminue quand
C,, est plus grand.
La résistance relative, fonction de C-, donc de l’incidence,
est, par définition :

Elle est minimum et égale à la finesse tang?/ lorsque C-


prend la valeur C-f rendant égaux les deux termes du second
membre dont le produit est constant :

111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
! 11111
11111 a
On a alors, évidemment :

C:/
tango f

Si la portance, au lieu d’être C=/, est plus petite et de valeur


C- = nC-/, la résistance relative devient :

Considérons alors un avion de poids total P et de surface


alaire S donnés, donc de charge alaire spécifique imposée, uti
lisant, à toute altitude, une puissance constante W chevaux,
soit 75 W kilogrammètres par seconde.
Pour des raisons de sécurité et d’endurance, cette puissance
« de service » doit rester inférieure à la puissance maximum
disponible, d’environ 30 % par exemple.
En vol horizontal, lorsque la résistance relative de l’avion
est tang 9, il est propulsé par l'effort P tang ç. A une vitesse
de V mètres par seconde, la puissance utilisée est PV tang ©,
égale à la puissance utile 75 TW fournie par les groupes moto-
propulseurs avec un rendement 7 des hélices.
L’égalité de ces deux puissances fait donc connaître immé
diatement la vitesse V en fonction de tang Q par la formule :

\ ==75———
tango
voit que
On le maximum Nf de la vitesse sera obtenu lorsque
à une altitude lui permettant d’atteindre
l’avion volera l’inci
dence donnant à tang © sa valeur minimum tang Le coeffi
cient de portance est alors bien déterminé et de valeur C:/
(formule 9). La densité relative de l’air ôf, définissant l’alti
tude Z f, est alors immédiatement fixée par l’équation de sus
tentation :
Z ÊZ
(13)
S _ 16
r1
/V7.

A des altitudes supérieures ou inférieures, tang


devient plus ©
grand que tang/, donc la vitesse ne peut que diminuer.
Le graphique de la figure 1 correspond à un avion chargé
à P/S = 130 kg/m2 et de finesse globale :

soit tang / = 0,06 pour 7] = 0,75.


iiiiiii mil 11111111111111111111111mil
^*111111111111 11111111111 i 1 tu 111111 iiiiiiiiiiit mif t
mil 111111111111111111111111111 ut*
1150 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Fig. i. — Graphique des plus grandes vifesses pour un avion.


Puissance constante et charge spécifique des ailes imposée.
Pe tg C‘= Cr= =7,8;
Finesse globale ——" = 0,08. 0,73; 0,022; X’ 7 0,75 ;

P/S=130 Kg/m2 .

C’est un avion de grande qualité, une telle finesse corres


pondant à un coefficient de résistance C, = 0,022 et à un allon
gement corrigé X' = 7,8. Le coefficient de portance de la finesse
est alors :
C/= VE)/C,=0,73.
La formule (12), dans laquelle tang œ — tang Q p, montre que
la vitesse maximum V f est en raison inverse du poids P/W
porté par cheval. A chaque vitesse Vf, sur une échelle adja
cente, on a ainsi indiqué, sur la figure 1, le poids par cheval
qui lui correspond.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii>iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii>
Il
s’agit, maintenant, en supposant d'abord constant le poids
par cheval, de déterminer la vitesse V qui serait obtenue à une
altitude plus basse Z, pour un coefficient de sustentation
C- = n C-f,
inférieur à Les équations fondamen
Czf, donc avec n<1.
tales (12,) et (11) donnent immédiatement le rapport V/V f
de la vitesse obtenue à la vitesse maximum en fonction de n :

(14) V=ln/=2n.
V f tang i — n-
Le rapport 8/8/ entre la densité de l’air à l'altitude corres
pondant à cette vitesse et la densité à l'altitude du maximum
de vitesse se déduit alors de l’équation (2) de sustentation
qui donne :

Les relations (14) et (15) sont très générales. Pour tout avion
à poids par cheval constant, sans que les caractéristiques de
cet avion interviennent directement, elles font connaître, par
l’intermédiaire de n = C /C f, le rapport V/V, des vitesses en
z z
fonction du rapport 8/8 f des densités de l’air (fig. 2).
Or, à chaque valeur du rapport 8/8/ correspond sensiblement
un même décalage d’altitude AZ, indiqué sur le graphique,
en dessous de l’altitude Z y du maximum V f de la vitesse.
On voit ainsi qu’à 8500m en dessous de cette altitude, l’air
étant devenu 2,5 fois plus dense, la vitesse V n’est que de 15 %
plus faible que son maximum V f, avec n = 0,56, le coefficient
de portance étant alors devenu 1,8 fois plus petit.
Si donc, à 11.500m (fig. 1), on obtenait, pour un avion com
mercial, avec un poids par cheval de 916, une vitesse de 375kmh
,
à 3000m, avec le même poids par cheval et la même puissance,
on aurait encore une vitesse de 320kmh .
Remarquons que, d’après la formule (14), la résistance rela
tive tang a augmenté dans le rapport de 1 à

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniin
1152 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
La distance franchissable, pour une même fraction du poids
total réservée au. combustible, est en raison inverse de m tang ©,
m étant la consommation spécifique des moteurs. On peut
admettre qu’à cet égard, il n’y a guère d’avantage en faveur
des grandes altitudes, la suralimentation augmentant très net
tement la consommation spécifique. Cette augmentation tient en
partie à la nécessité d’avoir pour les moteurs suralimentés un
rapport volumétrique plus bas que pour les moteurs ordinaires,
donc un rendement thermique moins bon.
D’autre part, la comparaison qui vient d’être faite est trop
favorable aux grandes altitudes, car elle ne tient pas compte
de ce que la conservation de la puissance en atmosphère raréfiée
nécessite l’adaptation d’un compresseur, de ses annexes et d’un
radiateur agrandi. Pour un avion de transport, il faudrait aussi
prévoir des aménagements indispensables aux passagers tels,
par exemple, que l’étanchéité de la cabine.
Si le poids par cheval nominal d’un groupe-moteur est de
1'8 à l’altitude zéro, il faudrait compter sensiblement, pour que
la puissance soit conservée, sur 1*8,07 à 3000m, 1*8,14 à 5000m,
1*6,21 à 7000m, 1*6,29 à 8500m, 1*6,4 à 10.000m, l kg ,53 à 11.500m,
1*5,7 à 13.000m
Pour garantir le maintien de la charge utile, supposons alors
un poids de moteur constant, donc une puissance W du moteur
en raison inverse de son poids spécifique, et un poids P/W par
cheval proportionnel à ce poids spécifique.
Le poids P/W porté par cheval, entre 11.500 et 3000m, devrait
ainsi varier dans le rapport de 1,53 à 1,07, donc de 1 à 0,7.
Etant, par exemple, de 916 pour 11.500m, avec, comme on l’a vu,
une vitesse à cette altitude de 375kmh, il serait de 616,3 pour
3000m, valeur un peu faible pour un avion de transport. A cette
altitude et avec ce poids par cheval, la vitesse serait de 365kmh
,
ainsi qu’on le voit facilement en utilisant les graphiques pré
cédents.
Cette vitesse n’est que de 3 % inférieure à celle de 375kmh
,
pratiquement possible à 11.500m.
Partons, maintenant, d’un poids par cheval P/W == 11,3
pour 8500m, avec une vitesse de 300kmh à cette altitude. Pour
le vol à 3000m, on aurait un poids par cheval utilisé

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIMIIIIIIIIIIlillllllllllllllllllllllMIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIItlH
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1153

bonne valeur pour un avion commercial, et une vitesse de 307kmh,


donc légèrement supérieure à celle qui serait obtenue à 8500m.
Finalement, en tenant compte des aménagements de la cabine
pour les vols en air raréfié, on justifie, par cette première

Fig. 2. — Graphique donnant la vitesse V, à une altitude quelconque.


Avion à puissance constante vitesse V en fonction de la vitesse maximum V,
et de l’altitude qui lui correspond.
V 7, vitesse à la portance C,/ de la finesse, à l’altitude où la densité relative de
l’air est 3/.
V, vitesse à la portance C, = nCJ, pour une densité relative 8 et le même poids
par cheval.
V 2n
V, 1+n‘
8(1+n).
/4n.d C.

démonstration, la conclusion que l’organisation des lignes com


merciales de transport aérien dans la stratosphère ne semble pré
senter, dans l’état actuel de la technique, aucun avantage pra
tique.
Il est bien évident, par ailleurs, que le vol à très haute alti
tude peut avoir un intérêt militaire ou scientifique indéniable.
h5 4 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
le poids utile ou celui de combustible étant sacrifié, en partie
ou en presque totalité, à des buts spéciaux déterminés.

<o
J’ai, jusqu’ici, traité le problème posé en supposant, ainsi
que je l’avais annoncé, la charge spécifique des ailes imposée
à priori.
Je supposerai maintenant que, suivant l’altitude, la surface
des ailes soit adaptée au mieux pour permettre la plus grande
vitesse possible à un avion de caractéristiques aérodynamiques,
de poids et de puissance donnés.
On trouve ainsi, pour chaque altitude, une valeur maximum
de la vitesse à laquelle correspond une surface alaire résultant
du calcul et qui marque nettement l’étendue des possibilités
dans le problème des plus grandes vitesses. Ces vitesses maxi
mums, pour des valeurs importantes du rapport de la puissance
au poids, et des altitudes modérées, correspondent à des charges
au mètre carré des ailes extrêmement élevées, hors de propor
tion avec les valeurs usuelles, et qu’il ne semble pas possible
d’obtenir avec sécurité, sans mettre en œuvre des procédés nou
veaux.
Considérons, à une certaine altitude, déterminée par la den
sité relative B de l’air, un avion de poids total P, utilisant une
puissance motrice W chevaux et ayant des résistances nuisibles
se traduisant par l’effort ôrV2 à V mètres par seconde.
La résistance relative de l’aile seule étant tanga, cette aile
absorbe, en kilogrammètres, la puissance PV tang Pa et les résis
tances une puissance ôrV3.
L’identité entre la puissance totale consommée et la puis
sance W en chevaux fournie avec un rendement 7 des hélices,
se traduit par la .relation fondamentale :

‘ PV tangça— ôrV3 = 757 W,


t tang?a — o rp Y3 = 75 " W
p•
Cette formule montre qu’à chaque altitude, pour un poids P,
une puissance W, un rendement 7 et un coefficient brut de
résistance r donnés, la plus grande vitesse sera toujours obtenue
lorsque tang a sera minimum, c’est-à-dire en volant au régime

{iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii»
Fig. 3.
— Réseau des droites d’égale vitesse maximum, pour un avion volant
au régime de la finesse de la voilure.
tang = 0,045; r/P = 1/400 ooo.

de la finesse de l’aile seide. Si C’est le coefficient de résistance


minimum de la voilure, X' son allongement corrigé, le coefficient
de portance correspondant est une constante :

C- = =XC,.
L’équation de sustentation :

fait alors connaître la


charge au mètre carré correspondant à
la vitesse maximum ainsi calculée.
Pour diminuer cette charge, tang Pa variant très peu au voi-

i in 11 ii ii niiiii 111 ii un ii ii uni 111 ii ! 1111111H1111111nu 111 ii i ii 11 ii nn ni 111 in ii un 111111in i ni lin ii i ni i in ii 111 ii in i uni
11 11
1156 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
sinage de son minimum, on doit pratiquement admettre pour C-,
une valeur un peu inférieure à sa valeur théorique, une dimi
nution 30% de ce coefficient n’augmentant tang Qa que de
de
6 % à partir de la finesse. La formule (16) montre qu’en sup
posant ainsi que la surface alaire est toujours celle de plus
grande vitesse, l’influence de l’altitude au point de vue aéro
dynamique est simplement de diminuer l’effort dû aux résis
tances nuisibles. A la limite, dans un air extrêmement raréfié,,
tout se passe comme si les résistances nuisibles n’existaient
plus, la vitesse tendant vers la limite 75 nW/P tang Pa Pour .

jalonner l’avenir, je considérerai, dans cette application, un


avion de très grande qualité (1), l’aile ayant une finesse de
0,0425 pour 03^ = 0,47 et étant utilisée pratiquement pour
C-a =0,33, ce qui majore légèrement tang Qa de 0.0425 à 0,045.
Ceci correspond, par exemple, à C,, = 0,01 et X' = 7,3.
De même, je prendrai r/P = 1/400.000 (chiffre particuliè
rement favorable), le coefficient correspondant s’ajoutant à C,,
étant

soit, à titre d’indication, 0,008 pour P/S = 200 ks ce qui don


,
nerait :

C,, - C‘, -C",, - 0,018

pour l’ensemble de cet avion.


En supposant un rendement 7 = 0,77, l’équation (16) s’écrit
alors :

Pour la discussion, il est particulièrement commode de tracer


les droites donnant, pour diverses valeurs de la vitesse V, la
puissance utilisée W/P en chevaux par kilogramme de poids
total en fonction de 8. l’axe des ordonnées pouvant ensuite être
gradué en altitudes Z (fig. 3 et 4).
D’autre part, si, pour le rétablissement de la puissance à
diverses altitudes, on considère, comme précédemment, qu’une

p) Qualité optimum ne paraissant pas susceptible d’amélioration dans un


proche avenir.

iiiiillllillllllltlllllliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiliiilixiiiiiiiiiiiniiniiililllllilliiiilillllitttttltlliiliilliliir
même fraction du poids total reste réservée aux moteurs, W/P
devra, en altitude, baisser en raison inverse du poids par cheval
des moteurs. En admettant les taux déjà, donnés pour cet
accroissement de poids, j’ai tracé, sur les deux graphiques pré-

Fig. 4- — Réseau des droites d’égale vitesse maximum, pour un avion volant au
régime de la finesse de la voilure.
(Suite de la figure 3).

cédents, en traits mixtes, diverses courbes donnant ainsi les


variations en fonction de l’altitude de la puissance relative W/P
possible, en partant, pour l'altitude zéro, des six valeurs :

(W/P)=I, 0,55, 0,333, 0,20, 0,15 et 0,10.


Chacune de ces courbes rencontre les droites d’égale vitesse
en des points qui font connaître la vitesse maximum possible à
chaque altitude pour un avion ayant les caractéristiques aéro
dynamiques fixées et la loi d'alourdissement admise des moteurs
et de leurs compresseurs.
On constate qu’il existe toujours un maximum maximorum
de vitesse correspondant au point où une droite d’égale vitesse
est tangente à la courbe W/P imposée. La droite tangente donne
la vitesse et le point de contact l’altitude.
Les courbes donnant ainsi les variations de la vitesse maxi
mum en fonction de l’altitude ont été tracées sur le graphique
de la figure 5, et la figure 6 donne les charges au mètre carré
correspondantes.
On voit que, plus la puissance (W/P), est faible, plus l’alti
tude du maximum maximorum de vitesse est réduite, et moins
le gain de vitesse est accentué en fonction de l’altitude.
Pour un avion commercial futur de bon rendement dans son
exploitation — ayant les qualités exceptionnelles, mais pos
— il faudrait pratiquement,
sibles, que je viens d’envisager
pour ménager une charge utile suffisante, considérer une
valeur de (W/P) supérieure à 0,10 et ne dépassant pas 0,15.
W représenterait alors, comme il a été dit, la puissance de
service, par exemple de 30 % inférieure à la puissance nomi
nale.
Onvoit donc encore que, entre ces limites, même pour un tel
avion optimum, il n’y aurait pas intérêt à dépasser, au plus, une
altitude de 3500 à 5500m, suivant la valeur de (W/P),, la vitesse
maximum ne pouvant ensuite que décroître. Une altitude un
peu plus basse ne ferait d’ailleurs perdre qu‘insensiblement sur
la vitesse, la charge au mètre carré devant alors augmenter
légèrement.
Pour (W/P), = 0,14, on aurait ainsi, pour une charge au
mètre carré de 150'5, une vitesse maximum maximorum de 400 kmh
à 5000“, qui serait pratiquement conservée à 4000“, à condition
de porter la charge au mètre carré à 165 ks en adoptant une sur
,
face d’ailes de 9 % inférieure. Le rapport W/P utilisé serait
alors 0,126 HP/kg, pour le vol à 4000“ et 0,123 pour le vol
à 5000“.
On peut considérer que ce sont là les limites effectives aux
possibilités à venir de l’avion commercial par simple évolution
de la technique actuelle, avec une charge au mètre carré et une
puissance par kilogramme porté qui ne soient pas excessives.
Si (W/P) = 0,10, la vitesse maximum maximorum, qui est
0
de 325 k “ h serait atteinte à 3500“, pour une charge des ailes
,
de 120 kg/m2 et W/P = 0,091 HP/kg.

HlllllllllllllllllllllllllllllllllllllUllllllllllllllllllllllllIllllllllllllllIllllllllllllllllllllllllillIllIllllllllilIllilHlilIllHI
Fig. 5. — Vitesse maximum en fonction de l’altitude.
Avions volant an régime de la finesse de la voilure avec un poids de moteurs
constant.

On voit ainsi, et cette conclusion déjà annoncée est digne de


remarque, que, pour un avion très affiné et dans les limites du
poids par cheval assurant un excellent rendement commercial,
les meilleures vitesses que l’on peut espérer seront supériettres,
en dessous de 4000 à 5000m, à celles que l’on pourrait rechercher
à des altitudes plus élevées. Ceci suppose, évidemment, que
le poids spécifique des groupes-moteurs croît suivant une loi
analogue à celle que j’ai fixée, en fonction de l'altitude d’utili
sation où la puissance est rétablie.
Si l’on envisage, maintenant, des avions de record ou de des
tination spéciale, on voit que des vitesses considérables pour
raient être atteintes avec des charges alaires énormes, sans
cependant que les grandes altitudes procurent des gains de
vitesse très prononcés.
Si, par exemple (W/P),=1, une vitesse de 950kmh pourrait
être réalisée près du sol, avec une charge spécifique de

4IIII1I11IIIIIIIIIIIIIIIIIIMIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIII
1
160 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
1450 kg/m2 et, à 14.500m, W/P étant devenu 0,525, on aurait
,
la possibilité d’une vitesse maximum maximorum de 1175kmh
avec une charge alaire réduite à 470 kg/m 2 Même dans ce cas,
.
le gain de vitesse ne serait que de 24 % pour une variation
d’altitude de 14.500m.
En ce qui concerne les possibilités de réalisation d’un tel avion,

Fig. 6. — Charges au mètre carré donnant la plus grande vitesse à diverses altitudes.
Avions ayant un poids de moteurs constant (G. = 0,33).

envisagé pour les faibles altitudes, il est permis de supposer


qu’avec un cheval par kilogramme porté', l’avion pourrait s’en
lever à la façon d’un hélicoptère, sur la traction de ses hélices
supposées à pas variable, l’avion cabré à presque 90°, et revenir
au sol en les utilisant de la même façon, mais en réduisant con
venablement la puissance, afin que la poussée soit légèrement
inférieure au poids de l’appareil.
Tout ceci suppose une simple évolution de la technique
actuelle et l'utilisation de groupes-moteurs analogues à ceux en
usage aujourd’hui.
Par contre, en supposant qu’on fasse appel à de nouvelles

4IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1II1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1161

techniques, celle en particulier de la propulsion par réaction


directe, et en admettant qu’au delà de la vitesse du son les
qualités aérodynamiques se conservent, on obtient des vitesses
qui confondent l’imagination.
Par exemple si, à 35.000m, la puissance W/P par cheval pou
vait être de 118, la formule (18) montre qu’une vitesse V de
1000 m/sec, soit 3600 kmh serait possible, pour une charge alaire
,
de 135 kg/m2
.
Bien plus, si un avion pouvait voler avec une puissance
croissant avec sa vitesse, ce qui serait le cas, soit de propulseurs
rotatifs à couple constant, dont la vitesse angulaire suivrait la
vitesse de l’avion, soit de fusées à réaction proportionnelle à
la masse totale, la vitesse, en altitude, augmenterait en raison
inverse de la racine carrée de la densité ambiante et prendrait
ainsi des valeurs astronomiques.
Un tel avion, véritable fusée volante, n’aurait pas de pla
fond à condition de pouvoir emporter assez de combustible; il
pourrait s’élever au delà de l’atmosphère terrestre de se perdre
dans les espaces interplanétaires. De telles considérations sont
du domaine de l’astronautique, science qui en est encore à ses
débuts.
Louis BREGUET.

«u'Miiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinn
R. A. A. — No 87. G
4HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIHIIIHIIIIIIIIIIIIHIHIIIIUIUIIIIIHIIIIIIII

Notes et souvenirs
sur la
création de VAviation militaire française (1)

Par le Lieutenant-Colonel BELLENGER,


Ancien commandant de l’Aéronautique de la 6e Armée.

VL

FÉQUANT ET MARCONNET
VOLENT DE MOURMELON A VINCENNES.
(9 juin 1910.)

La course de Londres-Manchester (prix du Daily-Mail),


gagnée les 27-28 avril par Paulhan contre Graham White sur
260 km en ligne droite et 298 de parcours effectif, en 12 11 1min
dont 4 h 12min de vol, venait de faire accomplir un nouveau pas
à la cause de l’aviation militaire en montrant la possibilité de
voler même par mauvais temps.
L’armée française disposait dès lors de quelques pilotes
(Camermann, Féquant, Sido, Acquaviva, Marie et moi désignés
par le Ministère, le commandant Clolus et le capitaine Burgeat,
tous deux de la cavalerie, qui avaient fait leur instruction à
leurs frais). Le général Brun, toujours ministre de la Guerre,
vint faire le 19 mai une nouvelle visite à l’aviation du Camp
de Châlons, en compagnie des généraux Goiran, commandant
le 6 e C. A., Rémy et Roques, directeurs de l’Artillerie et du
Génie au Ministère, de Dartein, commandant l’artillerie du
6e C. A., et Mouret. Le lieutenant-colonel Estienne faisait partie

(1) Voir les numéros de février, puis de mai à septembre de la « Revue de


l’Armée de l’Air.

tl 1111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111M1111111111111111111111111111111111111111
1111111IIIk
du cortège, qui comprenait encore de nombreux officiers
d’Etat-Major venus plus par curiosité que par utilité réelle.
Le général Brun visita longuement les hangars et les ateliers
de H. Farman, se fit expliquer en détail la construction et le
fonctionnement de son appareil, puis Féquant vola devant le
ministre avec Marconnet comme passager sur l’un des deux
avions H. Farman appartenant au service de Vincennes.
Féquant emmena ensuite le général Brun lui-même, tandis que
Camermann promenait successivement sur un appareil du
Génie le général Roques et le colonel Estienne, en guise de
manifestation de fraternité d’armes.
De là, le cortège officiel se rendit chez Antoinette en passant
rapidement chez les constructeurs intermédiaires. Chez Antoi
nette, nouvelles explications et nouveau vol du général Brun
piloté par Wachter. Le tout avec accompagnement de reporters
et de photographes : ce fut, dans toute son horreur, la visite
officielle, comme j’en ai tant vu depuis.
Entre aviateurs militaires, le résultat immédiat de cette visite
fut de fournir un nouvel aliment aux discussions ouvertes sur
l’organisation attendue de l’aéronautique. La présence du
général Rémy semblait indiquer que l’Artillerie n’était pas
encore totalement hors de cause, mais il avait joué un rôle tel
lement effacé vis-à-vis du général Roques que, sans les inter
ventions du colonel Estienne, il eut paru présent pour se ren
seigner sur le service assuré par un autre plutôt que comme
participant à sa direction.
D’autre part, si le général Brun et les directeurs d’armes
avaient été discrets sur la prochaine organisation, leur entou
rage avait annoncé, non seulement l’unification du service -—
solution attendue depuis l’interpellation de M. Reymond -—-,
mais l’unification au profit du Génie, dans lequel seraient versés
les aviateurs originaires d’autres armes désireux de rester avia
teurs.
Une pareille solution ne pouvait nous convenir en raison des
conditions d’avancement du Génie, absolument différentes de
celles des autres armes. Les officiers du Génie passaient capi
taines après 3 à 5 ans dans le grade de lieutenant, suivant le
choix dont ils pouvaient bénéficier, — fantassins, cavaliers, artil
leurs restaient de 8 à 11 ans lieutenants. Or, le service du colo
nel Estienne ne comprenait, Féquant excepté, que des capi-

niiiiniiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiHiinniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiii
1164 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
taines ou des lieutenants ayant environ 8 ans de grade; le
passage au Génie nous aurait classés sur le même rang que nos
camarades sortis des Ecoles cinq ans après nous dans le Génie :
singulière récompense de nos efforts.
En outre, nous aurions couru la chance d’être, un jour ou
l’autre, affectés dans le Génie à un service différent de l’Avia
tion, construction d’ouvrages bétonnés par exemple, et jugés
sur des questions, fondamentales peut-être pour le Génie, mais
auxquelles nous n’étions nullement préparés.
Seul, Féquant, sorti récemment de Saint-Cyr, pouvait entrer
dans le Génie à égalité avec les officiers de son âge, mais avec
mêmes risques pour l'avenir que tous les autres aviateurs.
La perspective de passer au Génie ne convenait donc à aucun
de nous, et nous étions bien résolus à nous y refuser, mais
faudrait-il quitter l’Aviation ?
Dans ces conditions, l’exécution d’un raid aérien deMour
melon à Vincennes, déjà en cours de préparation, devenait d’un
intérêt capital pour rehausser le prestige du service du colonel
Estienne et en empêcher l’absorption par le Génie.
Le colonel Estienne, n’espérant plus créer un service d’Avia
tion d’artillerie, mais résolu à garder, si possible, un service
assez autonome pour l’orienter lui-même indépendamment du
Génie, s'était rendu compte de l’importance de l’opinion
publique et de l’intérêt qui existait pour son service à se rendre
celle-ci favorable par des prouesses sportives. Il ne pouvait me
les demander, car le Blériot-Anzani n’emmenait qu'une per
sonne et ne volait pas plus de 30 à 40min, à une allure de 55
à 60 kmh ; en outre, le seul Blériot-Anzani appartenant à l’Armée
était celui du Génie, affecté à Acquaviva. Mais le H. Farman,
portant 75 1 d’essence et 30 1 d’huile, pouvait voler 3 à 41 avec
deux personnes à bord, à 60kmh . C’était suffisant pour accomplir
le parcours de Mourmelon à Vincennes: or, un tel parcours, effec
tué à deux, se trouvait être à la fois un record sportif appré
ciable du public, et la démonstration demandée par l’Etat-
Major pour admettre l’utilisation militaire de l’aviation.
Le colonel Estienne avait donc orienté Féquant, son premier
pilote de H. Farman, vers l’exécution de ce raid, aussitôt après
obtention du brevet de pilote, et Féquant s’y préparait con
sciencieusement par des parcours de plus en plus allongés sur
la campagne.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Féquant, dépourvu d’expérience préalable de l’air, préférait
suivre des grandes routes nationales faciles à reconnaître. Un
itinéraire ainsi tracé avait, en outre, l’avantage de permettre
à une automobile de suivre l’avion et de le secourir en cas de
besoin, à condition de prendre la route de la Brie, et d'éviter
la vallée de la Marne, trop sinueuse et trop peuplée.
L’idée d’emmener un camarade, chargé de lire la carte et de
surveiller la route, souriait également à Féquant, conscient de
son inexpérience et craignant de s’égarer. Je lui aurais assez
convenu à cet égard et j’aurais moi-même été heureux de
l’assister. Mais je pesais 7518 et ce poids, ajouté au plein d’es
sence et d’huile, ne permettait pas à l’avion de s’élever à plus
de 150m au-dessus de la plaine de Champagne. Or, ces 150m
étaient insuffisants pour franchir la falaise de Champagne qui
domine d’autant les marais de Saint-Gond, entre Bergères-les-
Vertus et Champaubert.
Sido, qui, à défaut d’expérience de l’air, possédait celle du
H. Farman et du moteur Gnome, qui pouvait donc être plus
utile que moi en cas de panne, se trouva éliminé pour la même
raison, après de nombreuses tentatives pour atteindre, malgré
ses 75 kg les 300 à 400m d’altitude jugés nécessaires au succès
,
de l’entreprise.
Restaient les deux capitaines attachés à l’école H. Farman;
Madiot et Marconnet. Madiot pesait 6518 mais était un modeste
qui travaillait pour la science et pour la patrie. Marconnet
grillait d’envie de se signaler personnellement et ne pesait que
55 kg Il réclama la place de passager : n’était-il pas breveté
.
d’Etat-Major, et l’équipe qu’il pouvait former avec Féquant
n ’était-elle pas le type de celles dont le commandement envi
sageait la constitution pour les reconnaissances militaires ?
Pour Féquant, la considération du poids était décisive. Mais
Marconnet, dans l’exposé enthousiaste de ses théories sur l’uti
lisation militaire de l’avion, faillit compromettre sa collabora
tion ne s’avisa-t-il pas de déclarer à Féquant que les équipes
:

de l’avenir comporteraient « comme la leur » une intelligence


conductrice personnifiée par un officier d’Etat-Major, et un
bras exécutant qui serait le pilote, simple chauffeur aérien dont
le rôle ne demandait aucune intelligence. Féquant était fort
modeste, mais avait conscience de sa valeur : cette manière de
ravaler le rôle du pilote ne lui plut pas. Sa contrariété

nununnnnnnnuunnnuununuunnunnnnznuruuunuunnuunuununuuuu IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII’
s’aggrava des moyens que prétendait utiliser Marconnet pour
lui montrer sa route malgré le bruit assourdissant du moteur :
des ficelles attachées à ses bras, et dont la traction lui indique
rait le côté vers lequel il devrait tourner ! Le pilote, déclarait
Marconnet, n’avait pas besoin de savoir où il allait : il n’avait
qu’à obéir aveuglément aux ordres de son observateur, chef de
bord.
Madiot, fort heureusement, intervint pour rétablir l’har
monie, faire comprendre à Marconnet l’excès de ses prétentions
et le décider à remplacer ses ficelles par des écouteurs fixés au
képi de Féquant et lui permettant d'entendre la voix de son
compagnon, sans entraver la liberté de ses bras. Féquant, dans
ces conditions, accepta Marconnet pour compagnon et reprit
avec lui l’entraînement. Fin mai, leur équipe était prête et
n’attendait plus qu’un temps favorable.
Le temps était en effet un facteur essentiel de succès. L’avion
ne faisait que 60kmh; la distance à franchir atteignant 160km, un
vent contraire de 201m aurait réduit à 40km la vitesse réelle de
l’appareil par rapport au sol, et exposé les voyageurs à man
quer d’essence avant d’arriver au but. On décida donc d’at
tendre une période de beau temps, avec vent nul ou venant de
l’Est.
Je ne pouvais guère voler pendant tous ces préparatifs, le
meilleur des deux appareils H. Farman dont disposaient les
officiers de Vincennes étant réservé pour ce raid, et l’autre
devant servir à l’entraînement de Sido, Madiot, Marconnet en
même temps qu’au mien. En dehors de mes vols comme passager
de Féquant, mes notes ne mentionnent que deux vols comme
pilote, le 31 mai et le 3 juin.
Je dois dire d’ailleurs que l’appareil H. Farman me sédui
sait peu : je le trouvais lourd et lent à obéir. Alors que la
cloche du Blériot se manœuvrait avec un doigt et que l’avion
répondait instantanément à son action, il me fallait parfois les
deux mains pour donner au manche à balai du H. Farman la
position répondant au gauchissement ou à l’inclinaison voulus.
La direction demandait aussi au pied un effort très sensible.
Et l’appareil n'obéissait pas vite.
La lenteur à obéir du H. Farman était de nature différente
de celle que j’avais précédemment rencontrée sur V Antoinette.

llllllllllllllllllllllllllllliuilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllljllllllllllllllllllllllllllllllll
D’abord, les commandes de celui-ci n’étaient pas dures et, si
leur action n’était pas immédiate, on la sentait se prolonger
après que la commande était lâchée; le difficile était d’arrêter
à temps l’action sur la commande. Sur le Farman, à un gros
effort du pilote répondait un faible mouvement de l’avion; il
fallait insister sur la commande, l’appareil cessant la manœuvre
commencée dès que le pilote cessait d’actionner la commande.
Mon impression était à peu près celle d’un cavalier habitué
à monter un cheval de sang obéissant à la plus légère action
des rênes, et qui, passé sur un cheval de labour, presque insen
sible au mors, doit tirer de toute sa force sur les rênes pour
se faire obéir.
Autre chose encore me déplaisait sur le II. Farman. Au cours
de mes pérégrinations en ballon, j'avais rencontré bien des per
turbations atmosphériques; j’avais vu mon ballon plonger brus
quement vers le sol en devançant des objets légers jetés par
dessus bord, je l’avais vu, pris dans un tourbillon, tourner
comme une toupie, et je connaissais la soudaineté avec laquelle
l’air joue des objets qui y sont plongés. Or, à cette époque, le
pilote du Farman était assis sur le bord avant du plan inférieur
de la cellule, presque dans le vide, les pieds sur la barre de
direction, sans cadre ni fuselage autour de lui. Il semblait qu’une
brusque perturbation pouvait projeter ce pilote loin de son
siège, et une chute ainsi commencée ne peut manquer de se
terminer fort mal. Cette appréhension n’était nullement ima
ginaire : un mois plus tard, le sous-lieutenant Gronier se trouva
ainsi projeté de son siège, mais put heureusement s’accrocher
à son manche à balai et regagner sa place grâce à un rétablis
sement des plus périlleux, exécuté à la force des poignets, dans
le vide, à 100m de terre. Par la suite, H. Farman adopta une
.. .
carlingue.
Dans ces conditions, j’appris avec plaisir, le 5 juin, que le
biplace Blériot avait volé fort convenablement la veille à Issy-
les-Moulineaux et allait m’être affecté dès réception. Je revins
aussitôt à Vincennes, où un hangar neuf en ciment attendait
les avions, et je partageai mon temps entre l’établissement de
la Maison-Blanche (c’était le nom du petit polygone où étaient
situés les services du colonel Estienne) et le terrain d’Issy où
Blériot continuait ses essais.
Le 7 juin, en même temps que Morane s’entraînait à Issy sur

fliiiMüiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiv
1168 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
le biplace, en vue de battre le record du vol avec passager avant
de livrer l’appareil à la Guerre, Féquant exécutait — avec
Marconnet comme passager — un vol d’environ 100km le long-
dès routes de la Champagne.
Le 8 au matin, Morane prenait son vol d’Issy vers Tonry,
sur la route de Paris à Orléans. Blériot et
moi, montés sur une
automobile de course conduite par un professionnel, ne pûmes
le suivre à vue, malgré une course folle le long des fortifications.,
puis sur la route d’Orléans. La police était singulièrement bien
veillante à cette époque pour les aviateurs, mais je me demande
conducteur, un accident
encore comment, malgré l’adresse du
encombrements' traversés.
ne s’est pas produit dans les
Morane, arrêté par une panne, avait atterri quelques kilo
mètres avant Etampes, le long de la route. Rejoint et dépanné,,
il reprenait son vol pour Toury, et là, sur le terrain bien décou
vert de la Beauce, sûr de pouvoir atterrir partout en cas de
nouvelle panne, il emmenait successivement comme passagers,
ceux qui l’avaient suivi.
De retour le soir à Vincennes, j’apprenais que tout était pré
paré pour le voyage de Féquant-Marconnet de Mourmelon à
Vincennes le lendemain matin, sauf changement de temps.

Le lendemain 9 juin, ayant calculé que mes camarades ne


pourraient arriver avant 8 h à Vincennes, je m’y rendais à
7h 30min pour les y attendre. J’eus la surprise d’y être reçu par
à 7h 10min après deux
eux. Partis à 4h 40min, ils étaient arrivés
heures et demie de vol sans histoire, par Bergères-les-V ertus,
Champaubert, Montmirail, Rebais, Coulommiers, Villiers-sur-
Marne. Le capitaine Marie et Sido les suivaient en auto, poul
ie cas de panne. Mais aucune panne n’était survenue, et même,
l’essence et l’huile restantes auraient permis de prolonger le
vol de plus d’une heure.
Le terrain de la Maison-Blanche étant fort exigu, Féquant
avait atterri par prudence sur le polygone, entre les buttes de
tir et le quartier de cavalerie. Or, le polygone était séparé de
là Liaison-Blanche par une double rangée de grands arbres
hauts de 25 à 30m. Le colonel Estienne avait mis aussitôt à
l’œuvre une équipe de mécaniciens pour élargir à 20m le pas-

ouunnnmuunnnuzanzannuunausuzanezanaanrazaznuzanuuauaanmneumemaznuameneuuaanuemaeuuucouueocuuoooooooommummonomunoooouoooooo8n9999999999m9m
sage large de ménagé pour les voitures. Heureusement, les
3m

mécaniciens, mis en belle humeur par la prouesse de Féquant,


et sentant le besoin d’abriter l’appareil pour le cas de mauvais
temps, allèrent vite en besogne, car, peu à peu, toute une série
de personnages variés vint protester contre l’abattage commis.
Cet abattage intéressait, non seulement les gardes du bois, mais;
trois ou quatre ministères, Beaux-Arts, Guerre, Intérieur,
Finances, ...dont l’autorisation aurait été, paraît-il, indispen
sable ! Enfin, les arbres après abattage appartenaient à l'admi-
nistration des Domaines et ne pouvaient être déplacés sans elle.
Les aviateurs étant plus rapides que les administrations, la
brèche était faite et l’appareil rentré sous abri lorsque le colonel
Estienne se trouva éclairé par les réclamants sur l’infraction
commise il en fut quitte contre promesse de ne pas recom
:

mencer.
Sans attendre ces protestations, et le succès fêté entre nous,.
Marconnet avait téléphoné à un camarade de l’Etat-Major du
ministre pour informer celui-ci du vol accompli et s’était pré
cipité lui-même au Ministère claironner le raid dans tous: les
services et bureaux.

Ce fut une chance pour Féquant et pour le service de Vin-


cennes que le voyage eut été accompli avec: Marconnet comme-
passager aucun autre de nous n’eut été capable d'organiser
:

la publicité que Marconnet donna instantanément à ce raid.


Féquant, encore très jeune, modeste et plutôt timide, serait
resté à l’écart sans faire valoir une performance cependant
fort belle pour l’époque et qui constituait alors un record. Ni
Sido, ni moi —- auxquels Féquant avait songé comme passa
gers —- n’étant en 1910 breveté d’Etat-Major, n’aurait eu accès,
dans les antichambres ministérielles et, même introduit, n'au-
rait su s’y faire entendre.
Marconnet savait se trouver des relations partout et pénétrer
partout ; il tenait beaucoup aussi à ce que tout le monde connût
et appréciât le raid qu’il venait de faire avec Féquant. Peut-
être exagéra-t-il un peu l’importance du rôle qu’il avait joué,
mais cette exagération même servait la cause de l’établissement
de Vincennes, en raison de l’esprit de solidarité des brevetés.
On oubliait presque le pilote ou, du moins, on le considérait

iiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii».
1170 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
comme secondaire. C’était un officier d’Etat-Major qui venait
de prouver par le fait la possibilité d’une reconnaissance mili
taire en avion à longue portée. 160km dans les airs, cela eut
fait, en temps de guerre, 120km sur l’ennemi, en supposant le
départ et l’atterrissage à 20km derrière les avant-postes (on
n’employait guère le mot « front » en France, à cette époque).
Marconnet avait pris en cours de route des photographies
qui, développées le jour même, se trouvèrent suffisamment
nettes pour être présentées à tous et démontrer la précision
des renseignements que la reconnaissance pouvait donner. Mar
connet aurait pu photographier les colonnes, les parcs d’artil
lerie, les Q. G. de l’ennemi, presque ses généraux et ses Etats-
Majors. D’ailleurs, son altitude de route
— 250m au départ,
400m vers la fin, après consommation de 40 à 50 ks d’essence
et d’huile — paraissait largement suffisante, vu la vitesse
moyenne réalisée de 64 kmh, grâce au vent, pour mettre prati
quement les aviateurs à l’abri des coups.
Le général Brun retint à déjeuner Marconnet et Féquant,
celui-ci appelé par téléphone de Vincennes.
L’après-midi, ce fut au tour de l’Aéro-Club de recevoir les
aviateurs, rue François Ier Il y eut des coupes de Champagne
.
et des discours. Le ministre annonça qu’il venait de proposer
Marconnet et Féquant pour la croix de la Légion d’Honneur,
« pour services exceptionnels rendus à l’aviation militaire ».
Ce fut un enthousiasme général auquel mes camarades et moi,
accourus de Vincennes, ne fûmes pas les derniers à nous
joindre.
Le colonel Estienne était naturellement présent à la réunion,
où il reçut de nombreuses félicitations pour le service qu’il
dirigeait. Le fait même que le raid avait eu Vincennes pour but
aurait, à lui seul, suffi à marquer de quelle autorité dépendaient
les aviateurs, et lès reporters sportifs accourus aux nouvelles
à Vincennes ne pouvaient l’oublier. Tous les journaux en par
lèrent, en sorte que, le 10 au matin, toute la France apprenait
par la presse qu’elle possédait à Vincennes un merveilleux ser
vice d’Aviation dont les officiers venaient d’accomplir un raid
sensationnel.... Il devenait difficile, après cela, de supprimer
l’établissement.
Il était temps, car voici la note 999 bis, signée le 7 juin par
ni i ni i IIIII! ni 1111 lumi i ii ii 11111111 in uni 111 un i in 111 ii 111 un i in i uni 11n111 in n uni i un i nu i nu i iiiiniin i nu n min
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1171

le ministre pour l’Etat-Major de l’Armée et les Directions


d‘armes :

«La 4° Direction (Génie) est chargée d’assurer l’exécution de toutes


les parties du service de l’Aéronautique.
» Elle administre les crédits inscrits tant au chapitre 29 bis (Avia
tion) qu’au chapitre 105 (matériel du Génie).
» La 3 e Direction (Artillerie) lui passera les dossiers des affaires
concernant l’aéronautique, traitées jusqu’à ce jour sous son timbre,
et, notamment, les dossiers des marchés de travaux ou de fournitures
passés, en cours, ou en préparation, au titre du chapitre 29 bis.
» Le matériel acquis, les aménagements réalisés et le personnel ins
truit sur les fondsdu chapitre 29 bis seront, après entente entre l’Etat-
Major de l’Armée et la 4e Direction, répartis entre la Direction du
Matériel aéronautique militaire et les Troupes d’aérostiers.
» Les attributions de l’Etat-Major de l’Armée, en ce qui concerne
l’aéronautique, restent définies par la note du 28 février 1910.
Signé : Brun. »

Ainsi, l'Etablissement de Vincennes était, en tant qu'éta-


blissement, purement et simplement supprimé, son matériel et
ses aménagements passés à l’Etablissement de Chalais-Meudon
(Direction du Matériel aéronautique militaire), son personnel
instruit sur les fonds de l’article 29 bis (c’est-à-dire les pilotes)
versé aux troupes d'aérostation.
Heureusement, les bureaux de la Guerre, même ceux du
Cabinet du ministre, n’agissent pas vite. L’original de la note
ci-dessus ayant été signé par le ministre le 7 juin au soir, les
copies destinées à l’Etat-Major et aux Directions furent pré
parées le 8 et se trouvaient le 9 sur le bureau du général Ebener,
chef de cabinet du ministre, en vue d’être signées par lui
« pour copie conforme » avant envoi.
La nouvelle du raid de Féquant-Marconnet survenant à ce
moment, le général Ebener voulut consulter le ministre avant
de faire paraître un ordre qui, étant donné ce raid, pouvait
paraître singulièrement inopportun. Le général Brun jugea
impossible de le faire paraître sans un correctif laissant vie à
l’Etablissement de Vincennes. Douze jours s’écoulèrent en négo
ciations pour trouver un biais permettant de faire paraître la
note 999 bis, tout en conservant le service de Vincennes dont
elle prononçait la suppression.
Le colonel Estienne et le capitaine Marconnet agissaient
parallèlement, le premier vis-à-vis des chefs de service (Etat-
Major et Directions), le second vis-à-vis des officiers subor-

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1172 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
donnés des mêmes services, pour montrer le découragement
que la suppression de l’Etablissement de Vincennes, au lende
main du raid, allait jeter parmi les aviateurs, pour faire com
prendre aussi ce que le passage aux aérostiers, c’est-à-dire
au
Génie, avait d'inacceptable pour les officiers-aviateurs.
En même temps, les amis que le colonel Estienne comptait
au Parlement reprenaient l’offensive pour demander le main
tien à l’Artillerie des crédits de l’article 29 bis et du service
organisé pour leur emploi.
Le général Brun était, depuis l’interpellation de M. Reymond,
trop engagé par ses déclarations au Sénat pour effectuer une
nouvelle volte-face. Peut-être regretta-t-il d’avoir signé le
7 juin la note 999 bis, mais celle-ci étant signée et
connue
de nombreuses personnes, il aurait craint le ridicule
en l’an
nulant.
D’autre part, la campagne de Marconnet dans les bureaux
si
avait porté en ce qui concernait le non-versement au Génie des
officiers aviateurs, son exemple avait ouvert à de nombreux
officiers d’Etat-Major la perspective de gagner décorations ou
galons par l’Aviation sans y passer comme pilote, en effec
tuant simplement des voyages comme observateur. Et le Génie,
pauvre en cadres, ne voulant l’Aviation que pour effectuer les
reconnaissances demandées par le commandement, devait natu
rellement recourir aux officiers d’Etat-Major pour ces recon
naissances. L’artillerie, plus riche en cadres et demandant
un
service important pour ses propres besoins, devait fatalement
former un personnel nombreux d’observateurs d’artillerie
qu’elle serait tentée d’employer aux reconnaissances d’Etat-
Major, de manière à suffire seule au service. Ainsi, les jeunes
officiers brevetés du Ministère, hostiles à une absorption com
plète par le Génie, craignaient-ils encore plus l’absorption par
l’Artillerie.
Ces tendances complexes aboutirent, après plusieurs réunions
assez confuses, à une note de la 4e Direction (Génie) en date
du 21 juin, expliquant le sens à donner à la décision 999 bis
du juin. Cette note, approuvée par le ministre le 1er juillet,
7
après de nouveaux tiraillements que manifeste le texte même
de l’approbation, devint la charte provisoire de l’Aviation mi
litaire.

IlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllflllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllB
En voici le texte :

« Comme suite à la décision n° 999 bis D, prise le 7 juin courant


par M. le Ministre et qui a assuré l’unité de direction dans le Service
de l’Aéronautique militaire
l’Administration centrale, la 4e Direc
à
tion a l’honneur d’exposer ci-après sa manière de voir sur le rôle des
différents organes extérieurs au Ministère, et qui concourent à l'exé-
cution de ce service.
» Dans l’état actuel d’évolution rapide de l’Aéronautique et plus
spécialement de l’Aviation, la Direction du Génie ne saurait, d’ail
leurs, prétendre fixer dès maintenant des lignes définitives que les
progrès futurs pourraient briser; mais elle pense qu’il y a intérêt à
décrire comme il suit, pour le moment présent, le rôle de chacun de
ces organes.
» 1° Corps de Troupe d'aérostiers....
» 2° L’Etablissement central du Matériel aéronautique militaire....

» 3° Le Laboratoire d’Aéronautique militaire....

» 4° L'Etablissement d’Aviation créé à Vincennes à la fin de 1909


poursuivra ses recherches, et s’adonnera d’une façon générale à l'exa-
men des appareils d’aviation existants ou à créer, aux améliorations
dont ils peuvent être susceptibles, et à leur équipement en vue de les
rendre aptes à des services militaires.
» Il disposera à cet effet du personnel administratif et technique
nécessaire, ainsi que d’un personnel d’aviateurs destinés à essayer les
différentes dispositions réalisées dans des vols qui auront lieu non
seulement au polygone de Vincennes, mais dans un grand aérodrome
à choisir ou à aménager dans ce but (Camp de Châlons ou autre)
et aussi dans des voyages de longue durée à travers la campagne.
» Le rattachement de l’Etablissement d’Aviation de Vincennes à
la Direction du Matériel aéronautique militaire risquerait de porter
du trouble dans le fonctionnement de cet établissement et de com
promettre les résultats que l’on est en droit d’en escompter.
» L’Etablissement de Vincennes restera donc autonome, et corres
pondra directement avec le ministre (4° Direction). Le directeur de
l’Etablissement adressera, dans le plus bref délai possible, des propo
sitions au sujet du personnel, du matériel, des bâtiments et des ter
rains qui lui sont nécessaires pour remplir le but ci-dessus défini.
» 5° Les Établissements secondaires d’Aéronautique militaire, ins
tallés dans les places, continueront à fonctionner comme à l’heure
actuelle.
Comme conséquence des considérations ci-dessus exposées, la
»
4° Direction a préparé, d’accord avec l’Etat-Major de l’Armée, et a
l’honneur de soumettre à la signature de M. le Ministre les deux
dépêches ci-jointes, destinées à M. le Gouverneur militaire de Paris
et à M. le lieutenant-colonel Estienne.

Le Général Directeur du Génie.


Signé : Roques. »

flIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHItlIüllilIlllll)
1174 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
Et voici l’approbation du Ministre :

1 er juillet 1910.

Approuvé, étant entendu que l’enseignement de l’Aviation sera


«
donné aux officiers de toutes armes aussi bien à Vincennes que dans
les groupes aérostiers.
» Des dispositions seront prises pour que l’Ecole de Châlons soit
rattachée au Groupe d’aérostiers dès que l’Ecole de Vincennes aura
un autre aérodrome.
Signé : Brun. »

La note des 21 juin-ler juillet est, on le voit, bien différente


de la décision 999 bis du 7 juin : la mention « aux officiers de
toutes armes » portée dans l’approbation ministérielle du
1 er juillet suffirait, à elle seule, à établir que le Génie n’est
plus que le gérant d’un service demeuré ouvert à toutes les
armes. D’autre part, l’autonomie reconnue au service de Vin
cennes et la mission très large qui lui est attribuée permettent
à ce service d’étudier les applications militaires de l’aviation
sans être gêné par la Direction du Matériel aéronautique mili
taire où continuait à sévir un esprit antisportif peu favorable
à l’aviation.
Le seul changement apparent apporté à la situation existant
depuis janvier par la Décision ministérielle 999 bis interprétée
par la note des 21 juin-ler juillet consistait dans le fait que les
papiers échangés entre le Ministère et l’Etablissement de Vin
cennes devaient désormais porter le timbre de la 4 e Direction
(Génie) au lieu de celui de la 3 e (Artillerie). Ce fut en effet
la seule modification immédiate ; mais, par la suite, le ratta
chement au Génie permit peu à peu à cette arme de réduire
les attributions de l’Etablissement de Vincennes au bénéfice de
celui de Chalais-Meudon : il ne semble pas que l’Aviation fran
çaise y ait gagné, loin de là.

(A suivre.)
Lieutenant-Colonel BELLENGER.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlilllllllllllllllllHIIIIIIIlilllllllllllllHIllllillllllllllllll
IIIIII IIIIIIIIIIII1IIIII||||||||IIIIII
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiii

INFORMATION GÉNÉRALE

Les destructions ferroviaires.


Le problème des destructions ferroviaires et routières nous semble
de ceux que l’Aviation ne saurait trop étudier sous tous ses aspects,
tant ils ont d’importance, tant ils relèvent directement de l’activité
aérienne et de son rôle essentiel d’interdiction lointaine.
Voici, à ce sujet, un intéressant document publié dans Royal
United Service Institution, mai 1936, qui indique, au moment de la
bataille de la Marne, l’état du réseau ferré dans le nord de la France.
Effet de la rapidité
de progression.
On remarquera que le réseau français avait été très complètement
mis hors service, à l’exception malheureusement du nœud ferré de
Cambrai qui permit d’amener des troupes de Lorraine dans la course
à la mer. Plus fâcheux encore a été le défaut de destruction du réseau
belge et en particulier du tronçon vital Liége-Aix-la-Chapelle compor
tant de nombreux tunnels où devait passer le ravitaillement de
cinq Armées.
L’auteur de l’article déclare :
« Les Belges avaient accumulé 17 locomotives dans le tunnel de
Nosproué, mais sans les faire exploser et les trains militaires allemands
roulaient déjà dans Liège avant que tous les forts soient tombés.
La vitesse de progression des armées allemandes à travers la Belgique
paraît avoir empêché toute destruction plus grave que celle des voies
et lignes télégraphiques....»
Il en a été de même sur la ligne Bruxelles-Mons-Valenciennes-
Cambrai où seulement les appareillages de voie et réservoirs d’eau
furent détruits. Les premières démolitions ferroviaires importantes,
que l’armée de von Kluck (précisément l’armée d’aile) ait rencontrées,
se sont trouvées être quatre ponts sur l’Oise et le canal Crozat.
Sur ce point on ne peut s’empêcher de penser à l’action développée
aujourd’hui par des unités motorisées ennemies pour éviter les
destructions par une armée en retraite : d’où, au milieu du désordre

tjmiiiiiiniiiikiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiisiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiii
1176 BEVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
plus ou moins inévitable de celle-ci, la possibilité pour le chef, malgré
l’embouteillage des routes, de faire grâce à l’aviation contrôler par
des officiers d’État-Major les destructions essentielles, éventuel
lement de réparer à temps les oublis par un détachement de sapeurs
-amené par avion. Il y a là une mission importante pour l’Aviation.

Durée des interruptions de trafic.


Dans les cas de destruction rapide permettant la remise en état
grâce aux lancements de ponts militaires de faible longueur, l'inter-
ruption du trafic a duré de 7 à 10 jours. Pour les ponts importants
-ou très élevés dans les vallées, l’interruption a pu atteindre trois
semaines. A Fourmies, la destruction du viaduc en briques a nécessité
une déviation et le lancement d’un pont à plus petite hauteur :
six semaines d’arrêt.
L’obstruction de tunnels, comme celui de Montmédy où une
déviation a été possible, a demandé trois semaines de remise en état.
Le tunnel de Longuyon nécessita six semaines de travail, comportant
le percement d’une galerie. Il s’agit là de destructions faites par des
spécialistes avertis, ayant disposé d’un certain temps. Aucune démo
lition n’a été bien évidemment faite par avion, mais il est permis de
se demander quelle serait, comparativement, l’efficacité d’une
bombe d’avion supposée bien placée : sur les tunnels, aucun résultat
-certainement; sur les ponts, nous présumons que, malgré la quantité
d’explosif, l’absence de bourrage diminuerait singulièrement l’effet
principalement sur un pont métallique. Il y aurait un haut intérêt
à fixer la doctrine sur ce point afin d’éviter les illusions et les tenta
tives inutiles. Le rôle de l’avion paraît, à notre avis, de rechercher
les trains et de provoquer les déraillements, mais il ne s’agit plus
que d’interruptions de l’ordre d’une ou deux journées.
L’entretien des destructions.
Oùl’Aviation retrouverait une tâche plus à sa portée, semble-t-il,
-c’est dans l’entretien des destructions ou, plus exactement, dans
la perturbation apportée aux chantiers de réparation et aux sys
tèmes de transbordement institués.
La II e Armée allemande se trouva la plus mal partagée, pendant
la bataille de la Marne, puisque ses têtes de colonnes se trouvèrent à
plus de 150km de la gare de ravitaillement.
L’Armée du Kronprinz dut instituer tout un système de transport
par Paliseul et Vouziers : voie normale, voie étroite, transbordement
par camions à Sedan sur la Meuse, voie normale jusqu’à Raucourt,
et finalement voie étroite jusqu’à Vouziers. Cette chaîne compliquée
manutentionnait 300 tonnes par jour.
On voit l’efficacité d’opérations de bombardement sur de tels
chantiers de transbordement.
D’où, semble-t-il, l’idée d’une action combinée Aviation-Génie :
l’Aviation signale, contrôle les destructions, transporte, s’il y a

4IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1177

Hoyal United Service Institution ».


D’après « The
État du réseau ferroviaire et des destructions dans le nord de la France à la date
du 9 septembre 1914.

lieu, au dernier moment, le personnel et les explosifs ayant fait


défaut; le Génie exécute les destructions proprement dites; enfin
l’Aviation retarde la remise en état par un harcèlement qui est dans
ses possibilités.

Perturbations dans l’exploitation du réseau.


Mais l’Aviation peut trouver d’autres tâches non moins utiles en
exploitant les perturbations apportées à l’exploitation du réseau
par les destructions majeures ou la mise hors service d’appareillage
qui produit des retards dans le trafic.
A la fin de septembre 1914, le problème de transport des troupes
allemandes de Lorraine vers le Nord fut extrêmement ardu pour le
lieutenant-colonel Groener, directeur-général des transports, car le
pont de Namur sur la Meuse ne fut pas rétabli avant le 3o septembre.
Malgré cela on réussit à faire passer du 7 septembre au 8 octobre,
par Arlon et Gerolstein, 1266 trains de troupes sans compter les
ravitaillements normaux. Des erreurs techniques, dues à la destruction
partielle des appareillages, certaines actions de l’ennemi (comme une
sortie de la garnison d’Anvers), enfin la congestion même du réseau

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
R. A. A. - N» 87. 7
1178 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
déterminèrent des embouteillages considérables : le 15 septembre
21 trains bloqués à Herbesthal, le 23 septembre 14
trains à Aix-la-
Chapelle, le 2 octobre 48 trains arrêtés dans le district de Cologne.
Voilà de beaux objectifs d’aviation.
Les destructions prématurées.
L’Aviation peut trouver également, par son office de liaison, un
rôle dans le fait d’empêcher des destructions prématurées, comme
il y en eut en 1914 : telles celles du nœud d’Amiens, du viaduc
de Poix qui fut rétabli en juin 1915 seulement, des ponts sur l’Oise
inférieure, sauf celui de Pontoise, sauvé grâce à l’intervention
personnelle du général Galliéni. Il semble que les commandements
locaux plus ou moins improvisés de ces régions occupées par des
troupes territoriales aient, dans leur abandon, perdu quelque peu
la tête. L’Aviation permet au Chef des Armées d’étendre son action
à toute la zone limitrophe de celles où opèrent les unités placées
directement sous ses ordres.
Les routes.
Aujourd’hui les routes sont en mesure de venir en aide au réseau
ferré, moins, comme le fait remarquer l’auteur, pour se substituer au
chemin de fer d’une manière permanente, que pour le décharger dans
la période d’interruption, ou de mauvais rendement après rétablis
sement précaire du trafic.
Il y a lieu de remarquer d’ailleurs que plus une route est moderne
(autostrade), plus elle se rapproche de la voie ferrée comme sensibilité
aux destructions, puisque les ouvrages d’art (ponts, remblais, déblais)
y sont généralement nombreux.
P. E.

Le bruit des hélices bipales (1).

Les essais ont été entrepris avec une hélice métallique de 2m,59
de diamètre. Le moteur électrique qui l'entraînait pouvait développer
jusqu’à 200 HP; il était enfermé dans un capot fuselé et monté
sur un support pivotant, qui permettait de faire un tour complet.
Le bruit a donc pu être enregistré sous tous les azimuts, à l’aide d’un
microphone fixe.
L’installation était complétée par des amplificateurs et des ana
lyseurs de son (fig. 4), qui séparaient les pressions sonores suivant leur
fréquence en cinq « bandes », de 0 à 100, 100 à 500, 500 à 1000,
1000 à 5000, et au-dessus de 5000 cycles; l’hélice
tournait toujours
à 1800 t/m, les variations de la puissance absorbée ayant été obte
nues par le réglage de l’incidence des pales.

Le bruit des hélices bipales, par E.-Z. STOWELL et A.-F. Deming {Report
(1)
n° 526 du N. A. C. A. 9 p., 9 fig. — Prix : 5 cents).

III 1111 II II 1111II111 « 11111 II I II 111 II 11 II 11 II II IIIIIII II 11 Ili II II III II II II II 1111111II Il111I1I1IIII11I>"<| I I
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1179

Fig. i. — Diagramme polaire des pressions sonores engendrées par le f onctionnement


d’une hélice, dans les conditions précisées par le texte.

La pression sonore la plus forte a été enregistrée à 300 en arrière


du plan des pales (fig. 1); elle est due presque entièrement à la fré
quence de 60 cycles, produite par le passage des deux pales de l’hélice,
à 3o t/sec. La pression sonore due aux tourbillons qui se détachent
des pales se trouve dans la bande de iooo à 5000 cycles; elle a son
maximum dans l’axe, à l’avant de l’hélice. Les harmoniques supé
rieurs de la fréquence de 60 cycles sont bien moins importants.
L’interprétation des résultats ainsi obtenus est rendue difficile par
le fait que l’oreille humaine enregistre des effets psychologiques et
qu’il faut, par un artifice, établir une relation mathématique avec
les effets purement physiques accusés par les instruments. Si l’on
double la pression sonore due à l’émission d’une note simple, l’oreille
a l’impression que le « niveau de sonorité » n’a pas augmenté de
beaucoup. On dit que l’oreille possède une sensibilité « logarith
mique » et l’on en a tenu compte en établissant l’échelle en « déci
bels ». Celle-ci sert, non seulement à mesurer le « niveau de sonorité »,
qui est un effet physiologique, mais aussi le « niveau d’intensité »,
qui est une quantité purement physique.
On dit qu’un son qui donne lieu à une pression sonore p exprimée
en bars, possède un « niveau d’intensité » de
20 log (5000 p) décibels.
Pour établir une correspondance entre le « niveau d’intensité » et le
« niveau de
sonorité », on définit celui-ci comme étant le « niveau

«•••mini uni ii iiiiiiimiimimiiimunimu • m 82041a9381038B0s


1111111111111111111111111
i
1180 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
d’intensité » d’une note pure équivalente de 1000 cycles, le terme
«
équivalente » signifiant qu’elle impressionne l’oreille de la même
façon (jig. 2).
Cette constatation est rendue difficile en pratique, par suite du
phénomène de « masquage ». Un bruit ordinaire se compose, en effet,
d’une multitude de notes différentes, et l’on ne peut pas additionner,
purement et simplement, les « niveaux de sonorité » individuels,
car leur contribution au niveau total est très différente. Une méthode

niveaux de sonorité pour différentes fréquences.


— Courbes d’égalité dans
Fig. 2. les
différentes droites d’or
On remarquera que toutes les courbes traversent les
données 0, 10, 20, 3o décibels, etc., aux points dont l’abscisse commune corres
pond à la fréquence 1000; ceci par construction, la note pure de 1000 cycles
étant prise comme terme de comparaison.

de mesure simple consiste dans l’emploi d’un diapason. On


met celui-ci
vibration une amplitude bien définie et on le tient à l’oreille.
en avec
Comme la décroissance de l’amplitude suit une loi
exponentielle,
le temps qui s’écoule jusqu’au moment où le son du diapason dis
paraît devant le bruit à mesurer est proportionnel au « niveau de
sonorité ».
La figure 3 donne la distribution des « niveaux de sonorité » à
cinq distances différentes, entre 10 et 38o m . Les traits pleins indiquent
décroissance avec
les valeurs calculées (d’après la loi classique de la
relevées
le carré de la distance), les traits interrompus, les valeurs
à l’aide du diapason.

I1IIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIII1IIIIIII1IIIIIIIIH1I1I1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1181

voit, tout d’abord, que


On
l’allure des courbes n’est pas
la même que celle des pres
sions sonores : le «niveau » est
à peu près uniforme sous tous
les azimuts. Les faibles diffé
rences entre les valeurs calcu
lées et relevées s’expliquent
par l’absorption du son dans
l’atmosphère humide qui est,
d’après Knudsen, un multiple
de la valeur admise par la
théorie classique, surtout pour
les fréquences élevées. Cela
explique pourquoi un avion
éloigné semble émettre la note
la plus basse et les premiers
harmoniques seulement de son
complexe de bruits.
Une autre cause de discor
dance entre le « niveau de
sonorité » calculé et celui qui
est ressenti, c’est la transfor
mation qui se produit dans
l’oreille, si l’intensité est très
forte. Le mécanisme auditif
vibre alors tellement fort, que
son déplacement est plus grand
dans un sens que dans l’autre.
Il en résulte de nouvelles fré
quences, qui augmentent le
« niveau de sonorité ».

<o
lOOdb.
En résumé, la note dont la
fréquence est égale à deux fois
le nombre de tours par seconde
(note fondamentale) constitue
la composante physique la
plus importante du bruit de
l’hélice. Le maximum de ce
«grondement» a lieu à 300 en
arrière du plan de rotation. MOdb.
Le détachement périodique Fig. 3.- Distribution des niveaux de sonorité
des tourbillons produit un à cinq distances différentes d’une hélice
«sifflement», moins important (de haut en bas, rom, 25m, 6o m 150m et
,
et dont le maximum a lieu 38o ra ), pour des azimuts variant de o
à 1800.
dans l’axe de l’hélice, en avant En traits pleins, niveaux calculés; en
et en arrière de celle-ci. traits interrompus, niveaux observés.

III IIIIIIIII uni un ni'


1182 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
Par suite de l’absorption des hautes fréquences dans l’air humide
et de leur déformation dans l’oreille, la note fondamentale et ses
premiers harmoniques constituent presque entièrement, à elles
seules, le bruit perçu aux très grandes et aux très petites distances.
Aux distances intermédiaires, où ces deux influences sont faibles,
le bruit dû aux tourbillons peut devenir important. Le niveau de
sonorité est sensiblement le même sous tous les azimuts, mais la
« qualité » du son
varie beaucoup. La note fondamentale est la plus
gênante, car :
i° elle « masque » la parole;
2° la protection contre les basses fréquences est difficile.
La figure 5 donne un exemple des enregistrements obtenus par le
N. A. C. A. dans l’analyse des bruits d’hélices.
Définition de quelques termes :

Pression sonore. — Fluctuation de la pression atmosphérique due


aux ondes sonores. Unité : le « bar » = i dyne/cm2 soit environ i mil
lionième d’atmosphère.
Intensité sonore. -— Puissance due à une onde sonore, passant par
l’unité de surface. Dans le cas d’ondes sphériques, comme celles
émises par une hélice, l’intensité est :

A = /‘ microwatts/cm
420
2
,

p étant la pression sonore à l’endroit considéré.

Fig. 4. Équipement du N. A. C. A. pour la mesure du bruit des hélices.


—•

Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1183

0 12 3 4 5
Fréquence en kitocyotes
6 7 8 9 10 1,5 2.0 2,5 3,0

Fig. 5. — Enregistrements typiques obtenus par le N. A. C. A. dans l’analyse


d’un bruit d’hélice.

Puissance acoustique.
— Puissance mécanique transformée en son.
Dans le cas d’une hélice près du sol, où la radiation est uniforme
et limitée à une hémisphère, la puissance totale ainsi perdue est :

P=22r2J=-—
27 (pr^
420 microwatts.
'

Niveau d’intensité {intensiiy leveï).


— 20 log (5000 p) décibels,
pour p exprimé en bars. L’échelle en décibels a la particularité que,
si l’on additionne deux niveaux d’intensité égaux, la somme est
toujours supérieure de 3 décibels [exactement dix fois log (2)] à l’un
d’eux; par exemple :
1 db + 1 db = 4 db ; 4° db + 4° db = 43 db ; etc.
Niveau de sonorité (loudness teveV). — Quantité physiologique,
mesurée par le « niveau d’intensité » d’une note de 1000 cycles de
meme « niveau de sonorité », exprimé en décibels. La différence mini
mum pouvant être décélée par l’oreille humaine est de 0,3 à 9 déci
bels, suivant la fréquence et le niveau d’intensité.
Masquage. — Changement du niveau de sonorité d’un son par
suite de la présence d’un autre, mesuré en décibels. Exemple : une
note de 1100 cycles, ayant un niveau de sonorité de 60 décibels, étant

| llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltlllllllllllllllllllllllllllllllll||||||||
l ||
1184 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
seule, donne l’impression d’avoir seulement 22 décibels en présence
d’une note de 800 cycles 60 décibels. Le « masquage » est donc de
38 décibels.
L. K.
Politique de l'Aviation d’outre-mer.
Le général Armengaud vient de consacrer, dans la Revue des
Deux-Mondes du er juillet, une étude du plus haut intérêt à l’Avia
1

tion d’outre-mer.
La conclusion de l’auteur se résume à peu près en ceci : rénover
notre Aviation d’outre-mer, tout au moins avec les matériels désuets
de la métropole. En voici les raisons :
L’Aviation d’outre-mer doit pouvoir venir participer aux « premières
grandes batailles qui se livreraient sur nos frontières au début d’une
guerre selon le principe de la concentration des forces.
»,
« On aura
toujours commis une faute grave en laissant en dehors
de la bataille aérienne principale dont peut dépendre le salut du
pays, des forces actives, en l’espèce des unités d’élite, qui, par leur
mobilité et leur vitesse, auraient été capables d'y venir sans retard
si elles avaient été organisées à cet effet. » Il s’agit « d’une partici
pation quasi immédiate au jour du danger, car la lutte aérienne
commencera et connaîtra la plus grande intensité dès l’ouverture
des hostilités x.
Techniquement, l’aviation d’outre-mer devra pouvoir franchir la
Méditerranée et posséder une valeur militaire utile sur un théâtre
d’opérations métropolitain. Le général Armengaud voit la solution
en équipant cette aviation avec des multiplaces.
Du point de vue des effectifs, c’est une trentaine d’escadrilles qui
seraient ainsi récupérées pour la lutte en France en drainant notre
Aviation coloniale, à l’exception de celles de Dakar, de Madagascar
et de l’Indochine.
Financièrement, comme le budget ne suffirait pas à tout, et qu’une
rénovation de l’Aviation métropolitaine s’impose en premier lieu
et constamment, « l’Aviation extérieure emploiera le matériel de
l’Aviation métropolitaine au moment où ce dernier sera remplacé
par un autre plus moderne ».
L’utilisation tactique à la mobilisation de ces « laissés pour compte "
se fera comme suit : « Munies d’instruments de bord modernes, servies
par des équipages bien instruits et entraînés, comme le sont préci
sément ceux d’outre-mer, elles feraient, de nuit, sur tous les objectifs
faiblement défendus — et ils seront pendant longtemps encore très
nombreux — un excellent travail de guerre ».
Le problème secondairedu maintien de l’ordre aux colonies après
le départ des escadrilles pour la France, serait résolu par la constitu
tion d’une Aviation territoriale, issue par exemple des cercles aériens
régionaux.
Enfin, le général Armengaud voit dans cette rénovation de l’Avia
tion d’outre-mer, si limitée soit-elle, puisqu’on ne disposerait que

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllliuillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. n85
d’appareils ayant probablement de 7 à 12 ans d’âge depuis la rédaction
du programme qui les aurait conçus, la possibilité d’une action plus
intense de l’Aviation, d’un Air Control à la mode anglaise, qui permet
trait de libérer des effectifs de l’armée de terre.
so
Malgré le puissant intérêt d’une telle politique, où l’on croirait
revivre, en une simple transposition aéronautique, les grandes
semaines de 1914 au cours desquelles nos divisions d’Afrique traver
sèrent la mer pour participer à la bataille de la Marne, tandis que
des territoriaux prenaient leur place dans les garnisons algériennes
et marocaines, nous nous demandons s’il n’y aurait pas lieu d’examiner
le problème de plus haut et de remplacer sous nos yeux la carte de
120s frontières de l’Est par celle de l’Europe. Dès lors, la disposition
de nos forces sur l’échiquier européen peut nécessiter d’autres combi
naisons que la seule accumulation dans l’Est de la France en vue d’une
bataille aérienne, dont la certitude et le caractère décisif sont plus
ou moins hypothétiques.
Il tend constamment à se constituer — et malheureusement encore
aujourd’hui — une transversale hostile Nord-Sud à travers l’Europe,
à laquelle nos efforts ont toujours répondu par la recherche d’une
transversale Ouest-Est basée sur la Méditerranée. Des forces (terrestres
navales ou aériennes) françaises doivent pouvoir opérer sur cette
transversale qui est l’ossature même de nos alliances. Il y a donc
un problème aéro-naval méditerranéen, dans lequel l’Aviation basée
au Maroc, en Algérie, en Tunisie et en Syrie, a son rôle à jouer :
ce n’est plus un problème colonial, de simple police contre des nomades,
c’est un élément d’intervention européenne au premier chef.
C’est pourquoi on ne saurait confondre, à notre avis, dans un
même sort, les escadrilles vraiment coloniales du Sénégal, Soudan,
Tchad, Djibouti, Madagascar, et du Sud algéro-marocain, avec la
masse A Aviation méditerranéenne dont la mission européenne est
primordiale. Autant les premières pourront, à la rigueur, être équipées
avec ce que les dernières miettes du budget permettront d’acheter,
autant il y aurait un leurre à lésiner sur cette Aviation méditerra
néenne qui peut avoir une action fondamentale, tant pour soutenir
des alliés que maintenir à l’état neutre des pays mal intentionnés,
par une menace d’action sur les points sensibles de la coalition
adverse.
Remarquons que l’Aviation méditerranéenne se substitue jusqu’à
un certain point à la Marine; et c’est là que le problème s’élève. Étant
donné que nos cuirassés ne peuvent être mis sur roulettes pour
intervenir par leurs feux à nos frontières de l’Est, toute substitution
de force aérienne à force navale, reconnue raisonnable, accroît la
possibilité de concentration de forces sur le lieu du péril.
Donc une Aviation méditerranéenne puissante et moderne. Où
sera-t-elle basée ? Sur les deux rives de la mer. Puisqu’on veut la

/in h nu ... ... 111 nu iiiiiiii i.... llllllllllllllllllll


1186 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
faire passer- d’Algérie en France, elle ira tout aussi facilement de
France en Algérie. Et si la majeure partie se trouve échelonnée sur
le littoral sud de la Métropole, elle aura à la fois les meilleures condi
tions d’entraînement pour l’emploi sur nos frontières de l’Est, et
un potentiel redoutable à l’égard de tous perturbateurs de nos côtes
d’Afrique du Nord.
En résumé, on pourrait concevoir :
-—D’une part, quelques escadrilles spécialisées t.1’Aviation coloniale
pratiquant l’Air Control, à potentiel militaire réduit, à capacité
de transport civil et militaire appréciable, et destinées à rester sur
place, y compris celles perdues au loin à Madagascar et en Indo
chine, qui n’ont pas de signification européenne;
puissante, moderne,
— D’autre part, une Aviation méditerranéenne
ayant un rôle de premier plan sur le théâtre européen, basée selon les
circonstances, plus ou moins sur les côtes françaises, algériennes,
levantines... ou autres, capable, par sa mobilité stratégique vraiment
utilisée, de défendre accessoirement nos territoires nord-africains,
sans y stationner en totalité, faisant partie d’un système aéronaval
à établir, et plus à meme d’intervenir, avec l’aptitude et la rapidité
que réclame le général Armengaud, sur nos frontières de l’Est que
les vieux appareils évacués de France au Tchad ou à Djibouti, puis
ramenés péniblement à toute allure pour les précipiter dans une
grande bagarre moderne.

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHIHlillllllllllll
LE MATÉRIEL
DES AVIATIONS NATIONALES

France

Coup d’œil sur les appareils militaires français.


\Suite et fini (1) i

Société Aérienne Bordelaise.


Au terme de notre étude, qui s’est étirée sur d’assez nombreux
numéros, et demandera une mise au point — nous profiterons

Vues vers le bas, à partir du poste de pilotage, dans l’A. B. 21;


on reconnaît, superposés, le poste du navigateur-bombardier et le poste
du mitrailleur.

(1) Voir les numéros de décembre 1934, puis de janvier, mars, juillet, août,
octobre et décembre 1935, de mai et d’août 1936 de la « Revue de l’Armée de
l’Air ».

III>BIIIIII1IIIIIIIIIIII>IIII>IIIIIIIIIIIIII IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII 11111H1111111111111111111111111111


>111H
1188 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.

Poste de pilotage du quadrimoteur A. B. 21, actuellement détruit.


On retrouve, à l’avant, les postes du navigateur-bombardieret du mitrailleur
dont la photographie précédente donne le détail à plus grande échelle.

prochainement, à cet effet, des présentations du Salon —• il nous


apparaît nécessaire de mentionner, à tout le moins, les productions
d’une importante firme, maintenant disparue, la Société Aérienne
Bordelaise.
La S. A.B fut reprise par le groupe Bloch-Potez et, transformée
en Société Aéronautique du Sud-Ouest, fut consacrée aux constructions
de série.

IIIIMIIIIIIII1111111! 11 « : ! 1 ! 111 ! 11111111111 m ! 1111121111111111 ! I !111II > X! ] 11111111II111111II!111? > 11111! 1111111111111111 ! U11111! | f 11III
du

celui

est

plan

premier

au

visible

couloir F-
T.S

Le de
poste
central.

droite,

corps

A
du groupes-moleurs.

'd’attaque

bords

des

gauche,
contrôle

A de

panneau
21.

B.
A. le
noter
bombardement

mécanicien;

de

quadrimoteur

du

intérieurs

Aspects
1190 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Face latérale du corps central du quadrimoteurA. B. 21.


Le couloir permettait d’accéder aux moteurs extrêmes dans l’aile, ainsi qu’aux
réservoirs d’essence.

Les deux derniers prototypes militaires de la S.A.B., VA.B. 21 et


l’A.B. n’ont conduit à aucune réalisation industrielle, ce qui est
22
peut-être regrettable; une expérience très intéressante de la cons
truction des grands avions s’est ainsi évanouie sans profit.
L’A.B. 21, à quatre moteurs Lorraine « Pétrel », fut retourné lors
d’une tempête à Villacoublay, et détruit.
L’A.B. 22, à quatre moteurs Lorraine « Courlis », est demeuré
inemployé à Villacoublay et a probablement terminé sa carrière
au cimetière des vieux avions.
P. L.
llllllllIIIHiHililllllllliillllHlllllilllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllillli

CHRONIQUE DES ACTUALITÉS

Le concours de tir des Écoles de perfectionnement


des officiers de réserve de la région parisienne.

Le concours annuel de tir entre les E.P.O.R. de la région parisienne


a eu lieu le 4 juillet dernier, au stand
Maisons-Lafitte. Cette de
compétition étant organisée par les soins du ministère de la Guerre,
la participation de l’Armée de l’Air fut indécise jusqu’au dernier
moment. Grâce à quelques démarches menées à bien par le lieute
nant de réserve R. Libert, l’Air fut finalement représenté, mais, vu
le peu de temps disponible, il ne put être formé qu’une équipe, alors
que l’arme aurait eu droit à deux (une par école).
La région parisienne comportant 12 écoles administrées par le
ministère de la Guerre et 2 dépendant du ministère de l’Air, le
concours aurait dû rassembler 14 équipes; on n’en comptait cepen
dant que 7 : 4 pour l’Infanterie (la Pépinière, Reuilly, La Tour-
Maubourg et Versailles), 1 pour la Cavalerie, pour le Train et enfin 1

1 pour l’Air. Parmi les armes qui ont fait défaut, signalons les Chars

et l’Artillerie, la dernière pouvant aligner deux équipes. L’équipe


de l’Air comprenait les lieutenants de réserve Libert, Vallart et
Léglisc, et était celle même qui se classa 2ème il y a trois ans.
Le concours, placé sous la haute direction du général Issaly,
directeur de la P.M.S. et des E.P.O.R. (Guerre), de la région de Paris,
et arbitré par le colonel Héliot, directeur de l’E.P.O.R. de La Tour-
Maubourg, fut parfaitement bien organisé : nous reviendrons plus
loin sur la question des armes, qu’il y aura lieu de mettre au point
si l’on désire intéresser à cette compétition un nombre sans cesse
plus grand de bons tireurs. Un service de cars faisait la navette
entre la gare de Maisons-Lafitte et le stand; cependant, beaucoup
de camarades vinrent avec leurs automobiles particulières, et celles-ci
furent des plus utiles pour véhiculer les concurrents jusqu’aux cibles
(16oom aller et retour), immédiatement après les tirs d’essais.
Les voitures, débordantes d’occupants, démarraient vers la butte
à toute vitesse, et le spectacle ne manquait pas de jeunesse.
Nous parlerons simplement des tirs à la mitrailleuse, l’équipe de
1 192 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.

Le lieutenant-colonel Héliot, directeur de l’E.P.O.R. de la Tour-Maubourg


et arbitre du concours, communique aux officiers de réserve de toutes armes
rassemblés devant lui le règlement de la compétition.

l’Air n’ayant pas pris part aux compétitions au pistolet et au fusil-


mitrailleur qui avaient lieu le matin. Il fut exécuté un tir individuel
et un tir d’équipe, sur matériel Hotchkiss d’infanterie.
Tir individuel.
Tir débloqué sans fauchage, à 800m. La position « appui couché »,
prévue au règlement, fut transformée en position « assis ». Il était
alloué, à chaque officier, une bande d’essai, suivie d’une vérification
sur place, et une bande de tir; durée du tir non limitée. Objectif
constitué par un tableau de 2m x 2m; visuel représentant deux
silhouettes d’hommes couchés à om,20 l’un de l’autre, encadrées
dans un rectangle de i m ,5o de large sur i m de haut; toute balle
dans le rectangle comptait pour un point et dans les silhouettes
pour deux points.
Pour éviter de. trop allonger la séance, deux officiers seulement
par équipe s’affrontèrent dans le tir individuel. Pour l’Air, ce furent,
dans l’ordre, les lieutenants Léglise et Vallart; en compensation,
le lieutenant Libert assura les fonctions de tireur dans le concours
entre équipes.
Dès le premier essai, les armes révélèrent une forte dispersion,
vraisemblablement due à un jeu exagéré dans les organes de support
et à l’usure des tubes. C’est ainsi que, sur les 7 cibles examinées, 3, dont
celle de l’Air, n’enregistrèrent qu’une ou deux balles, presque toutes
très basses, les quatre autres ne portant trace d’aucun impact. Pour

k 'Ullllll(|[IIIIIIII(llllllllHIIII!llllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllillllHllllllllllllllllllliIIIIIIIIIIIH!!IIHHI[r«
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 193 1

les tirs suivants, nous augmentâmes la hausse, la portant successi


vement à 850, 8^5 et même 925m; malgré cela, les résultats furent
dans l’ensemble faibles.
Le Tableau ci-dessous montre, en effet, que sur 14 tireurs disposant
chacun de 25 balles, 6 n’ont rien mis dans le rectangle de 150 dm2
à 800m, 4 ont mis une balle (proportion de 1/25e), 1 a mis 3 balles
(proportion de i/8 e ), 2 ont mis 4 balles (proportion de i/G e ), et le
premier II balles (proportion de 1/2). Alors que la moyenne des
résultats devrait au moins osciller autour de l’avant-dernier chiffre,
elle n’atteint que i/i3 e puisqu’il a fallu, au total, tirer 350 balles
,
pour obtenir 26 impacts dans les rectangles.
Les résultats soulignent aussi la bien meilleure préparation à ces
épreuves de l’Infanterie et de la Cavalerie, qui entraînent leurs
équipes au long de l’année, alors qu’il n'est organisé pour l’Air aucune
Résultats du concours de tir individuel.
Balles Points
I er Ss-Lieutt Delaplanche ( Reuilly-Infanterie). II 15
. . .

2e Capitaine De ROCHEMONTEIX (Cavalerie) 4 6


3e Lieutenant FROGÉ (Versailles-Infanterie) 4
4° Capitaine Jacquet (Cavalerie) 3 3
5e Capitaine (La Pépinière-Infanterie).
SÉPULCHRE 1 2
6° Lieutenant DISSUZAINE (La Pépinière-Infanterie). 1 1

Les six autres tireurs o o

Le lieutenant de réserve Vallart, de l’équipe de l’Air,


exécute son tir individuel sous le contrôle du capitaine de l’armée active
Jonglez de Ligne.

«llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllmllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllll
R. A. A. — N" 87. 8
1194 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Les équipes du concours des E.P.O.R. de la région parisienne autour des pièces,
sur le stand de Maisons-Lafitte.

séance; notre équipe se présenta, en somme, avec la seule expérience


des tirs des années passées.
Tir d’équipe.
L.e tir d’équipe faisait intervenir pour le classement le débit et
la précision. Chaque chargeur disposait de 15 bandes, soit 375 car
touches, à tirer en moins de 90 sec (75 à 8o sec environ). Seule l’équipe
classée première — celle de l’école de la Pépinière (Infanterie) —-
réussit à épuiser ses munitions. Il est vrai que le chef de pièce avait
pris soin de « doper » le mécanisme de recul, ce qui accéléra la cadence :
chance à courir, et qui réussit.
Notre équipe (lieutenant Libert, tireur; lieutenant Vallart, chef
de pièce et lieutenant Léglise, chargeur) ne put passer que six bandes;
nous eûmes trois enrayages, justifiant l’introduction du crochet
dépanneur classique dans les mécanismes d’alimentation — avec
perte de 5 à io sec à chaque fois —, et deux ou trois discontinuités
dans la présentation des bandes, obligeant le tireur à réarmer — d’où
nouvelles pertes de 2 à 4sec. On sait que dans les mitrailleuses l’alimen
tation se fait par saccades; avec la Hotchkiss, il est peu commode,
sans une grande habitude, de faire « coller » la bande présentée à
celle que la mitrailleuse débite. Ce sont des difficultés de ce genre
qui handicapèrent l’équipe de l’Air; l’entraînement seul peut les
faire disparaître.
Le visuel comportait trois silhouettes d’hommes à genoux à om,20
d’intervalle; distance 8oo m , comme précédemment. Toute balle tirée
comptait pour i/io e de point, sous réserve d’une proportion de deux
balles par bande tirée mises dans la cible, et d’une balle par demi-
bande; en outre, toute balle dans la cible donnait un point.
Les pièces étant démontées de leur trépied, au premier coup de
clairon, les équipes devaient effectuer un bond de 10m, mettre en

11111111 iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinir.iiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii^
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1195

batterie (position assis) et commencer le feu à volonté. Au deuxième


coup de clairon, gosec plus tard, le feu était arrêté.
L’une des armes continua toute seule d’épuiser la bande engagée;
son tireur levait les bras au ciel pour bien montrer qu’il avait lâché
la détente et n’était pour rien dans cette affaire. Une mitrailleuse
s’enraya dès le début et l’équipe qui l’utilisait fut autorisée à changer
d’arme.
Résultats du concours de tir d’équipe.
Points.
Équipe de la Pépinière (infanterie) 34
» de Reuilly (Infanterie) 18
» de Versailles (Infanterie) 14,6
» de la Cavalerie 9,7
» de l’Air 6,8
» de la Tour-Maubourg (Infanterie) 5,6
» du Train 0

Comme pour le tir individuel,


résultats mettent en évidence
ces
le rôle fondamental de l’entraînement : l’Infanterie l’emporte haut
la main. Ceci est,
par ailleurs, normal,
la mitrailleuse Hotch-
kiss constituant le
matériel standard de
l’armée.
Finalement, le Chal
lenge, qui combine les
résultats obtenus dans
le tir individuel et
ceux de l’équipe, fut
gagné par l’école d’In
fanterie de Reuilly.
Les prochains con
cours entre E.P.O.R.
auront lieu au stand
de Maisons-Lafitte, le
9.6 juin 1937, pour le
fusil-mitrailleur et le
pistolet, et le 10 juillet
1937 pour la mitrail
leuse; ces deux dates
correspondent à des
samedis.

Quelles conclusions
Les lieutenants de réserve R. Libert (à gauche,
tirer de ce concours ? jumelles pendantes) et Vallart,
a. L’entraînement de l’équipe de l’Air, au concours de tir des E.P.O.R.
des réserves de l’Air de la région de Paris.

iiiiiiii *ti*****i*iiiii*iiaiiiii*Miiiiiiii*n ihhi ** min i immiimimmiuaaiaaaaar


00
1196 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
au maniement à terre des armes automatiques devrait, semble-
t-il, faire l’objet de soins particuliers; le potentiel de notre avia
tion en temps de guerre s’en trouverait accru. Les cas où des équi
pages peuvent être appelés à utiliser au sol leurs armes, des armes
transportées, ou prises sur place à l’ennemi, ne relèvent pas du roman.
Une séance tous les mois, ou au minimum tous les deux mois, suffi-
rait sans doute.
b. Si l’on désire que l’émulation du concours persiste d’année en
année, il importe que les équipes aient confiance en leurs armes,
c’est-à-dire connaissent leurs caractéristiques. Il est tout à fait
illusoire de prétendre régler une mitrailleuse avec 2 5 balles sur
un panneau de 2m x 2m à 8oom . Si aucun impact ne se trouve dans
la cible, comment l’essai donnerait-il un enseignement ? Le fait
s’est produit, cette fois, dans nombre de cas. Comme le sol de la
butte était humide, aucune gerbe de poussière ne signalait les
impacts hors-cible; les tireurs ne purent, de ce fait, rectifier leurs
visées dans le concours individuel et, dans le concours d’équipe, il fut
impossible aux chefs de pièce, même munis d’une jumelle, de signaler
la moindre correction.
La solution apparaît des plus simples : il faudrait que les tireurs
disposent, le jour du concours, de l’arme même avec laquelle ils
s’exercent et dont le « tempérament » leur serait familier. Dans l’hypo
thèse où le principe de l’entraînement de certains volontaires des
réserves de l’Air serait retenu, la préparation pourrait être confiée,
pour la région de Paris, par exemple, à l’aérostation de Versailles
qui dispose de mitrailleuses. Cette formation apporterait sur le
stand de Maisons-Lafitte, pour le challenge inter-armes, la mitrailleuse
de l’Air dont l’équipe aurait l’expérience.
Actuellement, les résultats du concours dépendent trop du hasard;
les équipes auxquelles échoient de bons tubes ont des chances de
bien tirer; pour les autres, le tir s’exécute un peu au petit bonheur.
On peut en voir la preuve dans le fait que l’équipe de l’Air, deuxième
il y a trois ans, est cinquième cette année et que le Train devient
dernier en 1986 après avoir été premier en 1935.
Un autre fait illustre bien l’importance que présente la connais
sance des caractéristiques des armes ; c’est en utilisant la hausse de
1050m, alors que la distance des cibles était de 8oo m que l’école de
,
Reuilly-Infanterie remporta le Challenge.

Le concours s’est déroulé dans une atmosphère de réelle camara


derie, par beau temps, dans le cadre agréable de la forêt. La plupart
des concurrents avaient revêtu la tenue militaire. L’équipe de l’Air
était contrôlée par le capitaine de l’armée active Jonglez de Ligne
qui l’aida de ses conseils et fit preuve d’une grande bienveillance.
P. L.

ABHHIHHHHNBBHBBNBBBHBBBBBBSSSSSSSSHSSSSSSBSSSSSSSSSSSSSSSSSBSRSSSUSSUVVWVAHHHHNNNHHNNHHHHHHNHBHIBBIBNBNNSBSBSGNBGAAGAAIAAAAAAAAAAIIII
in tu 111111111111mu 1111111111ii IIIHIII ii iiiiii 11 un h h ni iiiiiiini 11111111in i ii 11 ni 11 ii 111 h h iiiiiiiiiiniii inmniii uni in

BIBLIOGRAPHIE

Prévision du temps par l’analyse des cartes météorologiques,


par J. van MIEGHEM (Institut belge de Recherches radioscientifiques,
Bruxelles. 130 p., nombreuses illustrations, — Prix, 35 £r ).
voulait caractériser en quelques lignes l’ouvrage de M. J.
Si l’on
van Mieghem, il faudrait dire qu’il réalise ce tour de force de condenser
en 130 pages de texte, sous une forme simple, attrayante et abon
damment illustrée, non seulement les théories modernes de la météo
rologie, mais aussi leurs applications pratiques aux exemples les
plus représentatifs des diverses situations qui peuvent se rencontrer
sous nos climats, et qu’il les met sans peine à la portée de toute
personne possédant une culture scientifique de l’ordre de la licence,
ou même, à la rigueur, du simple baccalauréat.
Si bien qu’on sort de ces quelques heures d’une lecture véritable
ment passionnante, avec la conviction d’avoir été initié de façon
très complète aux mystères les plus complexes de l’atmosphère,
et aussi avec l’agréable illusion d’être devenu capable d’établir chaque
matin la prévision du temps avec la même sûreté de diagnostic qu’un
météorologue de vieille souche.
Ce qui, en tous cas, n’est pas une illusion, c’est le fait d’avoir acquis
une connaissance suffisamment pratique des choses de la météoro
logie pour être capable de se faire chaque jour, par la lecture des
cartes météorologiques, une représentation complète et précise de
l’état de l’atmosphère aux différentes altitudes d’une région déter
minée, ainsi que des divers météores qu’on doit s’attendre à y rencon
trer. Cela seul suffirait pour recommander l’étude de cet ouvrage à
tous ceux qui ont à préparer des voyages aériens. Les techniques de
l’avion, du moteur et de la navigation ont, en effet, réalisé de tels
progrès au cours des dernières années que les seuls dangers sérieux
auxquels les navigateurs aériens restent encore exposés sont ceux
qui se cachent dans certains météores, tels que les brouillards, les
grains, les orages et les nuages dont la température est inférieure au
point de congélation de l’eau. Les quelques accidents qui se produisent
encore sur les lignes aériennes ou au cours des missions de guerre

IUIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1II
1198 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ont presque toujours pour causes initiales l’un de ces météores.
Si l’on veut bien remarquer que les avions civils aussi bien que les
militaires seront de plus en plus dans l’obligation de naviguer par
tous les temps, de jour comme de nuit, on arrive à cette conclusion
que la nécessité de posséder une sérieuse pratique de la météorologie
s’imposera de plus en plus aux navigateurs aériens. Il ne fait pas
de doute que l’ouvrage de M. van Mieghem est l’un de ceux qui les
y préparera le plus efficacement et le plus rapidement.
On peut résumer de la façon suivante la méthode de son auteur :
Les découvertes de l’école norvégienne, dont le représentant le
plus éminent, le docteur Bjérknes, apporte à M. van Mieghem, dans
la préface qu’il consacre à cet ouvrage, le témoignage de sa haute
estime, ont démontré que les phénomènes météorologiques sont
engendrés à la surface du globe par l’évolution et par la rencontre de
masses d’air de provenances diverses : air arctique, air polaire, air
tropical, air équatorial.
M. van Mieghem expose d’abord les caractères fondamentaux de
ces diverses masses d’air : échelle des températures aux différentes
altitudes, degrés d’humidité, types de météores engendrés par chacune
d’elles, direction des vents. Il montre ensuite comment, suivant la
saison, les traversées des mers ou des continents altèrent ces diverses
caractéristiques. Il déduit de cet exposé préliminaire les méthodes
pratiques pour reconnaître, par le moyen des sondages, des obser
vations de nuages, des observations du vent, les provenances des
diverses masses d’air qui s’affrontent au-dessus des régions dans
lesquelles ces observations ont été faites puis concentrées sur les
cartes établies par l’Office Météorologique.
Il décrit ensuite les effets résultant de la rencontre de deux quel
conques de ces masses : naissance des cyclones; naissance simultanée
des fronts chauds et des fronts froids; météores engendrés par chacun
de ces fronts; principaux types de situations cycloniques qu’on
rencontre soit en été, soit en hiver sur les mers et sur les continents ;
évolution de chaque type de cyclone et de ses fronts à mesure qu’il
vieillit; influence des chaînes de montagnes sur l’évolution de ces
météores.
Une fois exposées ces notions générales qui comprennent à peu
près toutes les situations que l’on peut rencontrer dans les régions
tempérées et polaires, M. van Mieghem consacre un chapitre à
l’exposé des règles pratiques qui permettent de faire l’analyse détaillée
de la situation atmosphérique d’une région d’après les cartes météo
rologiques sur lesquelles sont concentrés et schématisés les résultats
des observations faites sur toute cette région. En même temps que
ces règles, il enseigne par de très nombreux exemples pra
tiques comment on détermine les positions des fronts chauds et
des fronts froids au sol et en altitude; on apprend avec lui à recon
naître les diverses situations qui peuvent se présenter suivant les
dispositions relatives de ces divers fronts et suivant les provenances

IIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII11IIIIIIIIIIIIIIII1II1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1199

et les évolutions antérieures des masses d’air qui les ont engendrés.
On apprend enfin à prévoir la façon dont ils évolueront dans les
24 heures à venir, ainsi que les caractères et les positions des météores
qu’ils engendreront : nuages, pluie, neige, grains, orages, brouil
lards.
Un chapitre est spécialement consacré à la manière d’utiliser les
sondages aérologiques pour déterminer la structure verticale de
l’atmosphère. Ce chapitre est particulièrement important au point
de vue pratique parce qu’il enseigne comment on peut déterminer
la hauteur à laquelle se produira la condensation sous forme de pluie
ou de neige de l’humidité d’une masse d’air déterminée: il montre
aussi comment on distingue une masse d’air stable, c’est-à-dire dans
laquelle des courants verticaux ne sauraient prendre naissance, d’une
masse d’air instable, beaucoup plus à redouter des navigateurs aériens
parce que des courants ascendants peuvent y prendre naissance et
engendrer des phénomènes dangereux dont la nature dépend de
la température et de la quantité d’humidité contenue dans cet
air.
Signalons enfin que de nombreuses figures, des cartes représentant
les situations atmosphériques analysées dans les exemples pratiques
qui accompagnent chaque exposé théorique, des diagrammes de
sondages aérologiques, de nombreuses photographies de nuages
correspondant à chacune des situations analysées, laissent dans
l’esprit du lecteur des notions concrètes de chacune des questions
exposées au cours des divers chapitres de cet ouvrage.
En résumé, un exposé théorique et pratique qu’il serait difficile
de faire plus complet et plus clair sous un aussi petit volume.
A. V.
Taschenbuch der Tanks.
(Manuel des tanks), par Heigl (J. F. Lehmann, Munich. Deux volumes
d’un total de 720 pages. Prix, relié : 10 R.M. chaque volume; pour
l’étranger : 7,50 R.M.).
Travail aussi complet que précieux du double point de vue militaire
et historique. Tous les pays, à l’exception de l’Allemagne, sont passés
en revue. L’auteur publie toutes les caractéristiques désirables de
leurs chars d’assaut, depuis leur origine jusqu’à l’époque actuelle
(640 photographies). Une préface de 51 pages expose l’histoire, la
technique générale et les possibilités d’utilisation des chars; aucune
théorie spécifiquement allemande ne fait cependant l’objet de déve
loppements.
L’auteur, mort en était commandant dans l’armée autri
1930,
chienne et docteur ès sciences techniques (Dr. ing.) ; il eut sous ses
ordres les tanks austro-allemands pendant la guerre contre l’Italie.
Le « Taschenbuch der Tanks » est remis à jour périodiquement.
H. K.

iiiihiiii hiiihiiii iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii


1111111111111111111111111111111 1
1200 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Fahren und Fliegen.


Voyager et voler, par Pfeiffer {Franckh’sche Verlagsbuchhandlung,
Stuttgart. 312 pages, 52 tableaux, 365 illustrations. Prix : 6,50 R.M.)

Histoire intéressante et quasi complète du développement des
sphériques, des dirigeables et de l’aviation, avec nombre de détails
techniques. Les descriptions de l’auteur sont captivantes; son langage,
même technique, peut être compris par tous, et des illustrations
bien choisies accompagnent le texte.
H. K.
Fliegerschulung in Bildern.
(L’apprentissage du vol en images), par Klaus Gettwart (C.J.E. Volck-
mann Nachf., Berlin. 94 p.).
L’auteur essaie de faire comprendre les diverses manœuvres de
pilotage et la progression de l’instruction, grâce à des schémas qui
constituent la majeure partie du livre. Ce travail s’adresse tout parti
culièrement à la jeunesse, qu’il veut attirer à l’aviation.

L'autogire et son pilotage.


par Reginald Brie. Traduction de S. ZIEMBINSKI (Dunod, Paris.
119 p. — Prix, broché : 25îr).
L’auteur, chef pilote de la Société Cierva Autogiro C°, a la plus
grande compétence en la matière. Son livre sera lu avec utilité par
les pilotes d’autogire, et avec curiosité par les pilotes d’avion.

Die Waffen der Luftstreitkraefte.


{Les armes des forces aériennes), par Fritz Hohm (Verlag Offene Worte
Berlin. 276 p., 247 fig.).
L’ingénieur Hohm comble un vide dans la littérature de l’avia
tion en publiant l’histoire de l’armement aéronautique depuis ses
origines jusqu’à ce jour : mitrailleuses, canons, bombes diverses,
dispositifs de lancement et viseurs.
Ceux qui ont pratiqué le sujet se rendront compte qu’il n’est guère
possible, en 276 pages, de donner à la fois un historique suffisant
et une étude convenable de la situation actuelle. Sur la seule question
des viseurs modernes, par exemple, la Revue de l’Armée de l’Air
a publié près de 100 pages, soit la valeur d’une forte plaquette;
sur celle des tourelles protégées, au moins autant.
Le livre de l’ingénieur Hohm, bien qu’un peu court pour son sujet,
et reprenant un trop grand nombre d’illustrations déjà connues,
pourra intéresser le public aéronautique à titre de vue générale.
Il n’apprendra rien, bien entendu, ou fort peu de chose, aux spécia
listes de l’armement aéronautique.
P. L.

Le Gérant ; E. THOUZELLIER.
1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII11IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIÜIII1I1II N IIIIII
I II 111IIIITI11111II111111II1111111111111111111
105350. — Imp. Gauthier-Villars.
Photographie Stacker.
Un hydravion de l'Aviation navale allemande.

Revue de l’Armée de l’Air


N 88 SOMMAIRE Novembre 1936

PREMIÈRE PARTIE
Pages.
Note éditoriale. — Problèmes d’aviation d'infanterie 1203
La chasse reste ouverte, plus que jamais,
par L G 1205
Notes sur l’industrie américaine d’aviation militaire,
parJAN-KERGUISTEL et le Lieutenantde réserve P. SERVEL. 1221
Le sondage acoustique et les bruits des avions,
par Gaëtan JACQUET 1237
Notes et Souvenirs sur la création de l'Aviation militaire française
{suite},
par le Lieutenant-Colonel BELLENGER 1241
Réflexions sur la deuxième Fête de l’Air 1263

1111111 uni 111111unii1tt111111 1 uni un uiiiiiiii.


1111 111 11111111 11111111111111IIIIIIIIII11

H. A. A. — N» 88. 1
1202 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.

DEUXIÈME PARTIE

INFORMATION GÉNÉRALE
L’interception des bombardiers. — Quelques détails d’organisation
des réseaux de guet 1277
Essai d'une maquette d’aérodrome en soufflerie 1278
. .
La route tactique et la liberté de manœuvre. — L’attaque aérienne
des voies ferrées 1280
. . .
Influence de l’aviation sur le développement des navires de
guerre. — Les batteries flottantes de D C. A 1281
Le nouveau tunnel à grande vitesse du iV.A. C .A. Extension du

réseau de sondages par avions aux États-Unis. — Équipement
de parachutes pour atterissage dans la jungle. — Les débuts
de l’aviation
militaire américaine 1282
Les manœuvres aériennes britanniques de >936 par P. Ba. 1284
Observation d’artillerie. — L’artillerie réclame des avions. — Le
1285
. .
La législation allemande des brevets intéressant la défense natio
nale, par P. E. 1288
L’accord Air-Marine du 22 août 1936 par P. Ba. 1290
. .
Variation du point d’ébullition de l’oxygène liquide aux grandes
altitudes. — Essai des mano détendeurs pour bouteilles d’oxy-
gène 1292
Un exemple de guerre aéronavale : la guerre civile d’Espagne.

A propos de la situation aéronavale 1935 en Méditerranée,
par P. Ba. 1294

LE MATÉRIEL DES AVIATIONS NATIONALES


France. — Le four électrique basculant Ripoche pour la cons
truction aéronautique 1298
Allemagne. — La valise d instruments Schneider-Bosch pour
ascensions en ballon libre 1302
Etats-Unis. — Le nouveau monop'ace de chasse Chance-
Vought V. 143 1304
Grandi -Bretagne. — Un « commercial bomber » britannique
(« Convertible Envoyé 1305
Hollande. — Le monoplace de chasse Fokker D. 21 1307
Italie. — Le trimoteur de bombardement Piaugio P. 16 1309
Japon. — Quelques types récents d’appareils militaires japonais. 1311
.

BIBLIOGRAPHIE
Des bancs de Flandres aux Dardanelles. — Les Flottes de combat
1936. The Aircraft Year Book 1936. — Souvenirs sur Guy-

nemer — Notions de médecine aéronautique. — Manuel de
météorologie du pilote. — Le péril sous-marin 1315

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
Illllllllillllllllllllllllllllll1111111111111111111111111111111III111111111111111111111111111111111IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHlillllH

Note Éditoriale

Problèmes d’aviation d’infanterie

Le souci d’opérations lointaines et massives ne saurait dis


penser l’Aviation de s’intéresser au travail des autres armes
pour en améliorer le rendement par économie de leurs- muni
tions.
Or l’Infanterie dispose maintenant, avec les mortiers de 81
et de 60, d’engins à tir courbe dont les projectiles ont une puis
sance comparable à celle des obus de 75. C’est une révolution,
puisque l’Infanterie n’utilisait jusqu’à présent que des armes à
tir tendu pour lesquelles le problème d’observation ne se posait
évidemment pas.
Les mortiers auront pour objectifs des mitrailleuses visibles,
mais également des armes automatiques de flanquement plus ou
moins défilées ou bien des engins à tir courbe plus dissimulés
encore.
L’Aviation aura-t-elle un rôle d’observation à jouer ? On ne
peut -concevoir un renouvellement en petit de l’Aviation d’ar
tillerie, qui impliquerait le survol répété d’une zone parsemée
d’armes de D. C. A.
Une telle mission paraît plus irréalisable encore que l’accom
pagnement d’infanterie, tel qu’on le pratiquait autrefois, et
devenu lui aussi, semble-t-il, bien problématique.
L’une et l’autre missions pourraient être réduites à une prise
de vues rapidement faite au cours de vols fugitifs, à condition
que les exécutants reçoivent en quelques minutes un document
photographique facile à lire, grâce à l’indication du Nord et,
si possible, de l’échelle de la prise de vue, automatiquement
portées sur ce document.
Il y aurait donc à créer un appareil photographique per-
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1 204 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
mettant de lancer à terre par message lesté soit un film négatif,
soit un positif rapidement tiré comme ceux que vendent cer
tains forains.
Un tel matériel viserait plutôt à la rapidité d’exécution d’un
seul positif qu’à la production différée d’une série importante
d'épreuves, inutile en pareil cas.

***

D’une manière générale on peut penser que le développement


démesuré de la photographie dans la vie civile n’a pas encore
eu dans l’activité militaire l’équivalent que suggère ce moyen
extrêmement fidèle et rapide d’enregistrement d’une foule de
phénomènes, tels que prisonniers, armes, documents, effets de
destruction, avions ennemis en vol, dispositifs de manœuvre, etc.
Il n’est pas inconcevable d’imaginer l’officier moderne muni
d’un appareil photographique de poche autant que d’une
jumelle. Et, à bien réfléchir, le nombre de documents photo
graphiques recueillis pendant la guerre mondiale est véritable
ment infime.
A notre époque, il est plus urgent de pouvoir photographier
que dessiner.
R. A. A.

11111111 i 11111111 [ 111111 i 11Mi 111111 i 111 i 11111 f 1111 « 111 i 11 i 111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
« 11
llllllllllfllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllillllll

La chasse reste ouverte, plus que jamais

Les objections attendues au sujet de l’article de M. Odier sur


« La fermeture de la chasse » sont à peu près toutes rassemblées
dans l’article suivant. M. Odier, à qui nous avions communiqué
cette critique serrée, nous fait part à son tour, de nouvelles
remarques; le lecteur trouvera celles-ci in fine, en petits carac
tères.

Critique des opinions de M. Odier


Dans l’article qu’a publié la « Revue de l’Armée de l’Air » (1),
Les grandes vitesses vont-elles tuer la chasse, M. Odier estime,
comme en 1910, que la chasse devient impossible à partir d’une
certaine vitesse; il appelle à son aide la supériorité balistique du
tir en retraite, et émet des affirmations définitives :
« A armes égales, celui qui fuit
tue l’autre. Quand on s’enfuit, on
peut toujours manœuvrer de façon que l’arrière de l’avion fuyard
soit dans la direction du chasseur. Le combat de manœuvre avec la
petite rafale de quelques balles à 20m a vécu. L’avantage du fuyard
est tellement grand qu’on peut affirmer que la chasse est impossible.
J’ai savouré autrefois l’impression abominable du recul du canon de 37
tirant en chasse, l’accroissement des calibres et de la cadence devien
dra un inconvénient croissant. L’inefficacité de la chasse est démontrée
par le calcul. »
De son côté, M. Garnier affirme, dans une note de calcul
complémentaire, qu'un fuyard pourra commencer le feu à 6300m
de distance dépensant ainsi 1900 projectiles et que, dans le
combat en distance proche, il tirera encore 666 coups, tandis que
le chasseur ne pourra commencer son feu qu’à 2350m.

(1) « Revue de l’Armée de l’Air », n° 86, La fermeture de la chasse, par A. Odier.

III *1H1111111111111i II1111i 11111111111111111II1111111111111111111111111111111111111111111IIIIIIIIII111111111111111111K


H11111111111111K
1
206 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Aspect de trois-quarts avant du P. Z. L. P. 24, monoplace-canon en service.


L’appareil est équipé ici de deux canons Oerlikon 20mm et de deux mitrailleuses
synchronisées. Il existe d’autres versions du P. 24, en particulier la plus récente,
celle que l’on a pu examiner sur le stand de P. Z. L. au dernier Salon, qui
comportent six armes automatiques : quatre mitrailleuses (deux dans la voilure,
à hauteur des mâts, et deux dans le fuselage) et deux canons montés comme
ci-dessus.
Dans le P. 14, P. Z. L. a installé trois canons Oerlikon de 20mm : deux canons de
voilure, comme sur le P. 24, et un canon synchronisé monté à la partie
supérieure du fuselage, dans le V des deux ailes.

Nous éprouvons pour M. Odier la plus grande vénération,


mais nous estimons que la comparaison humoristique des balles
de tennis, les précisions estimées de tir à 3800m et même 2350m,
les quantités d’obus à emporter, se révèlent insuffisantes devant
la réalité du combat aérien. Nous prétendons, comme tous ceux
qui volent et qui tirent, que non seulement la chasse n’est pas
fermée, mais qu’au contraire elle gardera et développera encore
ses possibilités. Et, nous allons expliquer pourquoi.

Comme le dit fort bien M. Odier, il n’existe guère de secrets


en aviation. Le tout est d’évaluer raisonnablement les
condi
tions (réelles et non théoriques), c’est-à-dire voir les choses
telles qu’elles sont.

Illillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllinnrillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
Puisque l’article comporte un calcul, nous répondrons d’abord
pour réfuter ses conclusions :
a. que l’espace parcouru (de l’ordre de 2000-3000 m ) rend tout
le calcul vain car, pour chaque cas particulier, il y a lieu d'en-
visager la composante de la pesanteur. De là une résultante
inconnue, particulière à chaque coup ;
qu’à notre avis, il ne peut être envisagé et discuté d’obus
b.
ayant une vitesse de 125 m./sec. (calcul de M. Garnier pour
un tir à 5100m de distance). A cette allure, la sensibilité de
fusée est insuffisante pour assurer son fonctionnement ;
la seule dispersion imputable à l’arme et à ses muni
c. que
tions ne peut faire considérer sérieusement un tir effectué à
2000-3000“ ;
d. qu’à ces distances, certaines influences, notamment celle
de l’altitude, modifieront considérablement les résultats du
calcul ;
e. que pour ces mêmes distances et jusqu’à 1000m environ, le
projectile du canon sur avion perd considérablement de sa
vitesse et de sa précision;
f. qu’au poids normal des cartouches (un chargeur avec
60 cartouches pèse 25 kê ), nous n’entrevoyons pas quel avion
fuyard pourrait emporter dans chacun de ses trois postes de
défense, 2500 obus soit 7500 au total.
Il faut parler de choses possibles actuellement ou prochai
nement, sans anticiper dans l’inconnu, sans quoi tous raison
nements ou estimations sont inutiles.

eo
Tous ces points nous amènent à affirmer que dans les con
ditions actuelles, le tir à longue distance est un mythe. Nous
disons bien « dans les circonstances actuelles », car nous n’avons
la prétention de raisonner que pour des faits connus. C’est
l’instant de paraphraser Galilée et d’assurer : « Malgré tout
ce qu’on nous raconte et affirme, pourtant, nous chassons ! ».
Car c’est bien là l’évidence. On a chassé pendant les dernières
manœuvres aériennes en Touraine (monoplaces-canon modernes
contre les multiplaces rapides), on chasse actuellement en
Espagne avec des Heinkel et des Dewoitine, et l’on chassera

IIIIIIIIIIIII!I!IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII!IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII4!IIIIII!IIIIIII4II!!IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII|||||||||||||||||||||||||1
demain avec des machines de 500 contre des avions armés en
retraite ne « tapant» que le 450. Tant qu’une machine pourra
en intercepter une autre c’est-à-dire la rejoindre et la manœuvrer
grâce à des performances supérieures, le combat aura lieu.
D’autant plus* que la vitesse des avions n’est pas seule à s’aug
menter; la vitesse initiale des projectiles du canon sur avion
suit aussi, puisque de 560 m./'sec. en 1932, elle avoisine actuel
lement 950 m./sec. Ceci posé, nous ne prophétisons pas vingt ans
à l’avance et nous nous garderons encore plus de parler des
possibilités du chasseur ou du fuyard en l’an 2000.

LE FUYARD ET LE CHASSEUR.
Prenons donc l’exemple actuel du fuyard et du chasseur.
Puisque, d’après MM. Odier et Garnier, il s’agit d’un fuyard
pouvant tirer en retraite, attirant le chasseur dans son sillage,
il ne peut s’agir que d’un avion possédant une défense arrière.
Les conditions se trouvent donc être réalisées par le multiplace
actuel à 300kmh ayant deux postes de tir à l’arrière, un vers
l’avant, et le monoplace-canon à 400kmh La comparaison reste
.
entièrement valable pour tous types d’avions à défense arrière,
qu’il s’agisse d'un biplace de chasse ou d'observation ou d’un
multiplace quelconque. Mais nous allons plus spécialement
parler du multiplace et du monoplace-canon parce que ces types
sont maintenant classiques et que plusieurs des armées aériennes
ne possèdent que ces deux classes d’avions.
Le combat n'est, là comme ailleurs, que la combinaison de
la manœuvre et du feu.

LA MANŒUVRE.
Le type du multiplace est classique. L’avion est de perfor
mances inférieures au monoplace; sans parler des servitudes
de construction et d’entretien qui sont considérables, il est
lourd et lent par rapport à son adversaire. A-t-on jamais
demandé à un multiplace les piqués, chandelles et manœuvres
diverses qu’on impose au monoplace ? Et que devient l’affir
mation de M. Odier :

Si le chasseur fait l'épervier en piquant à mort, je réponds en


«
plongeant aussi. Puis, ressource en demi-looping et demi-tonneau. A
acrobate, acrobate et demi, et ce qu’il peut faire sans casser, je puis

iiiiHifiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1209

Aspect de face du P. Z. L. P. 24, à deux canons de 20mm montés dans les ailes.

le faire aussi, et même à moindre danger puisque je suis moins


rapide » ?

lignes nous remplissent d’étonnement et nous font penser


Ces
que l'humour est sans limites. Sinon, nous demanderions une
démonstration d’acrobaties entre Chartres et Chateauroux, ce
qui réjouirait le peuple assemblé. Ce n’est aucunement le
manque de rapidité qui forme l’essentiel de la manœuvre; sinon
Détroyat aurait mille fois tort de ne pas prendre un « Pou du
Ciel », un S. F. A. N. ou un « Taupin » pour ses exhibitions
étourdissantes. La manœuvre est faite de légèreté et de qua
lités de vol avant tout.
Que les multiplaces aient une solidité leur permettant le
looping, d’accord. Mais le looping bien exécuté fatigue peu un
avion quel qu’il soit, bien qu’un accident récent de multiplace
ait été attribué à des loopings effectués précédemment. Pour
les autres acrobaties, nous renvoyons les curieux aux efforts

lllllllllllllllllllllllllkllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilll
1210 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.
enregistrés lors d’abatées, tonneaux ou renversements, qui ne
sont plus de la même catégorie que le looping, et peuvent
atteindre des valeurs dix fois supérieures et plus.
On s’expliquerait mal encore pourquoi certains avionneurs
construisent des machines spéciales pour l’acrobatie, dont le
propre est d’être allégées et de voler facilement. Nous voilà
loin des multiplaces de 8-10 tonnes de 100m2 de surface, d’une
inertie telle que malgré les commandes soigneusement équili
brées, leur conduite est lourde et délicate. Les coefficients
d’essais statiques (et par là même, la limite élastique si inté
ressante dans les acrobaties) des multiplaces et ceux des mono
places sont à peu près dans le rapport 1 à 4. Rien de commun

Les postes de tir d’un multiplace (S. E. G. M. 142).

avec le monoplace de chasse qui, possédant 800 HP, vole fort


bien avec 200, se retourne en tous sens, vole sur le dos, sans
fatigue, ni heurt, ni dureté, ni inertie. Cette différence est
d’autant plus évidente que les derniers travaux d'avionneurs
concernant le monoplace de chasse, tendent à l’alléger pour
diminuer encore le rayon de giration et faciliter l’acrobatie.
Le même raisonnement est encore valable vis-à-vis du biplace
de chasse, pourtant très allégé mais lourd relativement au mono
place, et de performances inférieures à ce dernier.

LE FEU.
Les conditions actuelles sont faciles à déterminer :

Multiplace.
Si nous examinons le plan des feux d’un multiplace moderne,
nous constatons, comme les constructeurs l’indiquent, que les

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii'tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiii
champs de tir ne laissent aucun angle mort et même, que cer
taines zones contiennent des feux superposés.
Théoriquement, le but est magnifiquement atteint. Mais si
nous regardons d’un peu plus près les champs de tir et la coupe
de l’avion, nous pouvons demander quelle est la valeur de la
défense du multiplace-fuyard contre un chasseur se laissant
tomber en piqué, presque verticalement, ou par montée verti
cale, par exemple. Les positions que devront prendre les mitrail
leurs du multiplace renseigneront largement sur la valeur de
cette défense. Même une cage d’écureuil tournant sous tous
angles ne leur donnerait pas un tir précis, condition essentielle
du tir : car le débit n’est rien, la précision est tout.

Secteurs de tir d’un multiplace (S. E. C. M. 142).

Les constructeurs ont pensé que l’angle de rotation de tou


relle pouvait exprimer une possibilité de tir précis. C’est une
erreur de première grandeur que tous ceux qui tirent sur la
vulgaire manche remorquée ont pu constater. En réalité, chaque
mitrailleur du multiplace ne peut utilement tirer que dans un
secteur assez court, en débattement latéral et en site, qui couvre
de 20 à 30° de chaque côté de l’axe-origine; et cela semble
être un maximum. Nous voilà loin des 180° en site et du champ
latéral total que revendiquent pour leurs machines les cons
tructeurs des soi-disant « Verdun », « croiseurs cuirassés »
(de toile) et autres « citadelles volantes » en papier à ciga
rettes.
La précision indispensable au tir du multiplace dépend de
corrections tireur et but. Que ceux qui ont étudié ce problème

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1212 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ardu sur les multiplaces, soit à terre avec les appareils d’instruc
tion, soit en vol, par la mitrailleuse-photo ou la manche, répon
dent sur ce point. La solution n’en est pas introuvable, mais diffi
cile à réaliser, et le collimateur-correcteur ne permet que de
l'approcher sans la toucher encore. Pour chaque cas et instant
de combat, les corrections tireur et but jouent avec toute leur
rigueur et leur extrême difficulté d’exécution. La preuve en
réside dans les combats aériens de 1918, où se sont seuls
défendus les pelotons très serrés, chaque mitrailleur s'étant
déterminé un très petit secteur battu par deux ou trois jume
lages qui se flanquaient réciproquement, tout en produisant un
feu très dense (voir comme exemple, le bombardement de l’Es
cadre 13 sur Confians, le 14 septembre 1918).
En outre, le fait que les multiplaces actuels n’emportent pas
de canon devrait être pris en considération car, malgré les
avantages de cette arme, son montage n’a encore pu être réa
lisé autrement que sur monoplace. La longueur du tube, la tou
relle, le poids, le recul, la limite en poids de projectiles qui
peuvent être pris à bord, forment quelques-uns des problèmes
à résoudre sur les multiplaces. On a dû en rester à la mitrail
leuse.
Il faut donc l’armement des tourelles est à
en convenir :

peu de chose près ce qu’il a toujours été et la précision du tir


est relative. Deux ou quatre jumelages de mitrailleuses sur
chaque tourelle n’y changeront rien, car la précision est exi
gible avant tout.
Monoplace.
L’apparition du canon sur l’avion de chasse a constitué non
une évolution, mais une révolution. Le tir très précis au travers
de l'héliice, ne nécessitant qu’une correction tireur presque
nulle et une correction-but facile à déterminer, s’est appliqué
à une arme d’une puissance considérable de destruction. Alors
que le tir latéral du multiplace aux grandes vitesses d’avion
(tirstatique) devient d’une imprécision plus élevée à mesure
que les vitesses augmentent, le tir dans l’axe que pratique le
monoplace (tir dynamique) ne perd rien de sa valeur.
L’obus du monoplace-canon pratique des arrachements dans
la voilure du fuselage ou des ailes du multiplace, de l’ordre
de 1 à 2 m2 La démonstration en est acquise. Que fera ce mülti-
.

111 iiiiiiiniiii ii unii ii ii11 n 111iiiiiiiiiiiiiiu uni i mu iiiiiiin m n m m111111111n u i n 11 in i minium mu iiiiin
place ainsi déchiré ? Alors qu’autrefois, les avions revenaient
atterrir avec quelques balles dans les plans ou le fuselage, sans
qu’une partie essentielle ait été atteinte, une seule touche
d’obus suffira dorénavant.
Le monoplace-canon n’est pas un mythe. Déjà réalisé pendant
la guerre, hâtivement peut-être, mais réellement, il est actuelle
ment au point. Pour ne parler que des anciens modèles, VOer-
likon de 20mm pèse nu 2518 avec 1518 de cartouches (60 obus
à 600 m./sec.) fournissant 8 secondes de feu, soit 40k d’ar
mement au total. Le même calibre 900 m./sec. pèse 75k8 avec
ses 60 cartouches. On a travaillé depuis et obtenu d’autres
résultats. Les uns prétendaient qu’on ne pourrait monter des
canons dans les ailes par suite du recul huit fois plus élevé que
celui de la mitrailleuse, les autres discutaient sur l’affût-moteur,
la vitesse initiale du projectile préférable au débit, le tube de 36
ou 68 calibres, le poids prohibitif des attaches du canon, etc.
Or, les canons ont eu leur recul ramené à 125k8 pour le type long
et 701 pour le court et, les ailes étant construites pour suppor
ter des efforts de 100018 en tous les points d’application, nul
renforcement n’a été nécessaire {P.Z.L. XIV, etc.).
L’affût-moteur s’est révélé excellent, comme il était normal,
puisque canon et moteur agissent dans le même axe, et aucun
trouble ne s’est produit. Le poids des attaches d’un canon n’a
pas dépassé 4'6. Il existe des avions tri-canons (1 long sur
moteur, 2 courts dans les ailes) et l’on a même monté des
canons dans les carénages des roues. Plusieurs types d’appareils,
de différents avionneurs ont tiré avec des tri-canons, a fortiori
avec des mono et bi-canons. Les tirs ont donné les résultats
attendus, sans qu’il ait été décelé des inconvénients.
L’impression épouvantable de M. Odier sur Voisin de la
guerre portant un 37 de marine n’a aucun rapport avec celle
que procurent les canons sur monoplace moderne; ici le recul
est reçu par un affût et la masse du moteur l’absorbe, alors
qu’autrefois c’était une extrémité mal préparée de carlingue
qui encaissait le recul d’un canon mal adapté. Les canons de 20
et d’autres ont fait leurs preuves sur monoplaces, chez nous
comme ailleurs. Les tirs de Cazaux en font foi.
LE COMBAT.
Voici donc les adversaires en présence, chacun d’eux avec ses
1214 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
possibilités. Pour les évaluer, il faut en revenir à l’éternel prin
cipe : manœuvre et puissance de feu.
Ce n’est pas le multiplace qui attaque. C’est le monoplace.
Ce seul point suffit à discriminer le fuyard et le chasseur. Le
fuyard fuit. Il n’a aucun intérêt à chercher le combat puisqu’il
est avion de bombardement ou de renseignement, qu’il doit
remplir avant tout l’une ou l’autre de ces missions, qu’il pos
sède un armement défensif nettement inférieur, et
que son
inertie lui diminue sa capacité de manœuvre. C’est évidemment
le chasseur qui poursuit et c’est dans ce but qu’il a été doté de
vitesses horizontale et ascensionnelle très grandes pour rejoindre
le fuyard.
Car c’est un fait qu’entre deux avions de performances
sem
blables, aucun n’imposera le combat à l’autre si
ce dernier ne
veut rien savoir. Les performances des monoplaces, celles dont
M. Odier annonce qu’elles atteignent le mur physiologique de
l’accélération de 4g n’ont rien à voir jusqu’à présent puisque
le chasseur va en ligne droite pour rejoindre le fuyard. Il est
bon de dire, d’ailleurs, que l’accélération de 8 g a été supportée,
mais cette assurance n’est pas nécessaire à notre démonstration.
Imaginons donc une patrouille de trois chasseurs contre
un
ou plusieurs fuyards en groupe. La patrouille parvient à 1000
ou 500m des multiplaces. Que vont faire ceux-ci ? Tirer ? Ce
sont alors des balles dans le bleu contre trois minimes objectifs
qui ne présentent comme cible que l’épaisseur de leurs ailes et
le maître-couple de leur fuselage. Pour un tir à 500m exécuté
d’avion, les chasseurs constituent encore un objectif infiniment
petit. Et puis, comment tirer d’abord des multiplaces ? Con
centrer les feux sur un seul chasseur ou éparpiller les feux sur
l’ensemble des trois ? Il vaut mieux attendre
: que va-t-il se
passer, en effet, l’instant d’après lorsque le chasseur sera plus
proche donc plus gros, mais aussi plus dangereux ?
Les multiplaces ignorent tout des intentions des monoplaces.
Un coup de gaz et la manœuvre de la patrouille attaquante se
développe sur l’objectif choisi. La performance, première
carac
téristique du monoplace, crée toute manœuvre. C’est alors
l’attaque à la distance et à la position choisies, par tir effectué
dans l’angle mort ou faible des multiplaces. Et Dieu sait s’il
en existe, rien qu’en considérant les angles et les possibilités
de tir normal des mitrailleurs en multiplace.
Canon de 37 monté sur le Voisin du lieutenantMézergues, pendant la guerre.
Le lecteur comprendra « l’impression épouvantable » du tireur (voir p. 1213).

Tout ceci se déroulera dans un temps court, les 8 ou 10 se


condes de feu pouvant fournir la matière de 2 ou 3 attaques.
Le chasseur habile pourra venir au plus près et rompre rapi
dement; c’est la méthode Fonck. Ceux que la manœuvre
impressionnera auront la possibilité d’agir à distance moyenne
contre les immenses surfaces des multiplaces offertes comme
cibles.
Par suite de la différence de performances, les monoplaces
pourront donc manœuvrer, se placer, prononcer des attaques
simultanées sur un seul poste de défense du multiplace. L’un
des chasseurs sera peut-être descendu, mais le multiplace le
sera obligatoirement.
D’un côté, une cible mince (épaisseur de l’aile et maître-
couple du fuselage), une possibilité de manœuvre en totale
liberté (attaque, dérobement), une puissance de feu maximum
d’un, deux ou trois monoplaces qui, attaquant simultanément
sur une seule malheureuse tourelle de multiplace, sera quin
tuple de celle de l’adversaire (en admettant le tri-canon sur
monoplace réalisé et le bi-canon sur tourelle non réalisé), un
tir exact dans l’axe aux minimes corrections; de l’autre côté,
une cible de plus de 150m2 de surface (ailes, fuselage, gouverne),

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIII1IIIII1IIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIRBI
1216 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
pour chaque fuyard dans laquelle une seule touche d’obus pro
duit la catastrophe, un combat subi lorsque l’adversaire en
aura choisi le moment, un dérobement minime et une manœuvre
limitée par l’inertie, une puissance de feu d’une seule tourelle
contre plusieurs moyens simultanés de feu, un tir statique aux
corrections douteuses.
Il ne nous appartient pas d'exposer l’emploi tactique d’une
patrouille de monoplaces ou d’un monoplace. Que leur attaque
soit simultanée, individuelle, proche, lointaine, en piqué, montée,
ou autrement, les conditions ne changeront pas. La présen
tation de l’attaque et la rupture auront lieu dans les conditions
actuellement possibles, comme les piqués à la vitesse-limite et
les manœuvres de nos chasseurs normaux, où il n’est pas
encore
questions d’accélérations qui font «voir noir». Par contre, il
faudra plaindre les malheureux mitrailleurs des multiplaces,
placés loin du centre de gravité de l'ensemble et agités
par la
longueur du bras de levier lors des manœuvres, plaqués contre
leur tourelle, tandis que le pilote du monoplace, faisant corps
avec sa machine légère et déclenchant son tir sans effort, ne
subira aucune gêne.
Nous demandons tous à voir le multiplace en tonneaux et
renversements, lors d'attaques. Ce serait de l’inédit.
Jamais les puissants cuirassés ou croiseurs n’ont rejoint ou
gêné un torpilleur qui, s’il possède une autonomie suffisante,
pourra se rendre à l’endroit qu’il aura choisi.
so
Pour en revenir aux estimations de MM. Odier et Garnier,
nous nous demandons où et comment le fuyard a pu ou pourra
éloigner son adversaire et mettre toutes chances de son côté ?
Leur calcul repose sur le fait que le tir du chasseur est han
dicapé par le chemin parcouru du fuyard pendant que le
pro
jectile du chasseur le poursuit. Ce serait peut-être soutenable
aux très grandes distances, mais non aux courtes et moyennes
distances, seules utilisées par la tactique de chasse et conformes,
d’autre part, à la précision du tir qui passe, nous l’avons déjà
dit, avant toute autre considération. Enfin, le canon de 20
envoyait en 1932 un obus avec une vitesse initiale de 560 m./sec.
;
actuellement, on atteint 900 m./sec., et demain. Il n’y a pas
que les vitesses des avions qui augmentent.
...

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1217

Moteur canon Hispano-Suiza monté sur la plupart des nouveaux monoplaces


français.

La vérité, c’est qu’en tactique aérienne, la vitesse est tout,


parce qu’elle libère du combat. Sans une vitesse égale à celle
des chasseurs, les multiplaces-fuyards subiront toujours le
combat dans des conditions défavorables. Contre le monoplace-
chasseur à 400kmh nous préférons largement le multiplace
désarmé de même vitesse au multiplace très armé (comme on
estime qu’il l’est actuellement et pratiquant le tir latéral)
n'atteignant que le 360kmh Et encore faudra-t-il subir le feu de
.
chasseurs, qui, placés à plus grande altitude, pourront rejoindre
le multiplace par piqué. Mais, quoi qu’il en soit, la vitesse gar
dera son prix. Elle est la pierre de touche de la tactique aérienne.
Le combat étant l’éventualité normale de la mission aérienne,
c’est la vitesse et les possibilités de manœuvre qui libéreront
de ce combat ou permettront de le préparer dans les conditions
optima pour l’application du feu.
<o
Certes non, il n’existe pas de secret en technique et tac
tique. L’une et l’autre ne valent que par une estimation réelle
de la manœuvre et du feu. Pour y parvenir, rien ne vaut l'ex-
périence du vol et du tir. Le reste est calcul théorique ou désir
de voir les choses telles qu’on voudrait qu’elles soient.

Illllllllltlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltlll)
R. A. A. — N° 88. 2
1218 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Lacillasse n’est pas fermée, bien loin de là. Avec le canon, son
emploi va se développer. Si nous en voulions une démonstra
tion, nous nous référerions aux manœuvres aériennes de 1936
d’où a été dégagée l’opinion :

« Ce fut un jeu pour la chasse que


d’entraver complètement la mis
sion des bombardiers et d’annuler définitivement tous leurs efforts. Il
est impossible de s’abandonner à une dangereuse confiance dans les
envols de multiplaces de représailles. »

Avec le monoplace-canon, l’avion lourd ou lent (c’est-à-dire


pouvant être intercepté ou rejoint) a vécu. Cette lenteur n’est
que relative bien entendu, mais le multiplace de 300 ou 350kmh
est déjà mort. Les vols de groupe sont également terminés avec
l’action de la D. C. A. qui actuellement fait merveille de
1500 à 7500m (chargement électrique, grande vitesse initiale,
30 coups-minute par pièce, appareils de conduite de tir automa
tique, etc.).
On semble assez l’oublier. Or, d'après les statistiques an
glaises {Journal of tiw Royal United service Institution), il fal
lait, en janvier 1918, 4550 coups pour descendre un avion et
seulement 1500 à partir d’août 1918. Dans son ouvrage «Air
Defence », le major général Ashmore indique que le pourcen
tage des coups dangereux de D. C. A., d’après l’expérience du
champ de tir anglais, est passé de 3 % en 1924 à 7,5 % en 1925,
11,5% en 1926, 14,4% en 1927; rien n’a été publié pour les
années suivantes. Et l’on ne peut oublier aussi les bombarde
ments aériens sur Londres, stoppés dès les premiers jours de
1918 par l’effet conjugué de la D. C. A. et de l’interception. Il
suffisait que l’avion de chasse puisse «remonter» le bombardier
pour que le combat soit imposé et que les pertes des assaillants
deviennent si lourdes pour que les Allemands aient renoncé à
joindre Londres, pourtant si proche de la côte belge.
Les avions lourds, dit fuyards parce que pouvant être
rejoints, devront désormais se camoufler dans les nuages ou ne
voler que 'Certaines nuits. Malgré toutes les supériorités balis
tiques du fuyard, annoncées par M. Odier, nous préférons quel
ques bonnes escadres de monoplaces en avions-canons et nous
assurons que, si leur nombre est suffisant, il ne passera ou il ne
reviendra guère d’avions de moyen ou lourd tonnage pour bom
bardement ou renseignement. Si les fuyards peuvent être
rejoints, les monoplaces-canon les descendront. L. G.

Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllllllllllllllllllllllllllllllllllïllllllllllllllltllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1219

Nouvelles remarques de M- Odier


L’avantage du tir
retraite est un peu plus grand que celui indiqué
en
par le calcul publié, si l’on tient compte de la pesanteur et si l’on
trace les trajectoires réelles. Par contre, l'accroissement de vitesse dû
à la seule pesanteur de la balle dans le piqué est négligeable.

«
La vitesse indiquée dans le problème est 830 m./sec. et non
120 m./sec. Au sujet de l'imprécision dans le tir à distances plus
grandes que celles employées autrefois, on peut poser un autre pro
blème :
1° Connaissant les répartitions d’impact à différentes distances, et
la découpure frontale d'un avion de chasse donné, combien faut-il
tirer de balles en retraite contre un chasseur suivant, dans l’axe, à une
vitesse connue de 11/10° de celle du fuyard pour avoir, à une distance
donnée, la probabilité déterminée N/1 de l’atteindre ?
2° Faire ce problème pour toutes les distances pour lesquelles le
fuyard est hors de portée. En déduire, pour une distance donnée de
commencement de tir, quelle cadence est nécessaire pour garder la
même probabilité N/1;
3° Faire le même problème en traçant l’abaque de correction d’al
titude.
Je ferai étudier ce problème cette année à l’Ecole spéciale de Tra
vaux aéronautiques.
«
La vitesse des avions a décuplé en 25 ans, celle des projectiles n’a
pas doublé.
<
Il n’y avait pas même besoin de faire le looping pour casser les
cages à poules, qui étaient cependant biplaces. Ce serait dire que
le progrès va subitement s’arrêter que d’affirmer que la solidité des
avions ne s’accroîtra plus. La. maniabilité à une vitesse donnée est le
plus court rayon de virage possible. Elle n’est pas fonction de la
grandeur de l’avion mais de l’accélération maximum supportable par
le pilote. Par analogie, sur un terrain plat, avec des bandages de ma
tière identique, la «Simca» ou l’autocar commencent à déraper au
même rayon. J’ai particulièrement étudié la question des accéléro-
mètres de bord et je suis persuadé que tôt ou tard il faudra conduire
en visant G.

Le tir en chasse dans l’axe, étant plus précis, est préférable au tir
latéral.
Le tirretraite est, en outre, plus avantageux puisque le chasseur
en
se précipite sur les projectiles. Ce serait une curieuse manœuvre que
celle de l’avion armé en retraite qui plongerait sur l’adversaire par
surprise, ferait une ressource pour tirer en retraite pendant une chan
delle puis ferait un demi-tonneau pour s’enfuir : mais, à part la
chance d’invisibilité possible par certains éclairements, la possibilité

mu
111111111111111111111111111 11 iiiiiiiiii 1111111111111 iiiiiiiiiiiii1111111111111111111111111111111111111111 uni ni 11111 un 11111
1220 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
de cette manœuvre doit être aussi rare que la chance de rencontrer,
par surprise, à portée de tir, un adversaire que l’on ne surclasse que
de 10% en vitesse. L’essentiel est que la possession d’une arme fixe,
tirant dans l’axe, en bout arrière du fuselage, est plus efficace pendant
la fuite que la même arme, tirant en chasse.

Le 37 de marine solidement monté sur la coque du Tellier faisait


réellement corps avec l’hydravion.
Quelle que soit la fixation d’un canon, l’avion de chasse tout entier
subit, du fait du recul, un travail égal à la force vive donnée au pro
jectile. Une partie de ce travail est transformée en chaleur, comme
dans les moteurs à explosion, qui ont d’ailleurs un rendement ther
mique beaucoup moindre que le canon. Il faudrait tirer, dans un tube
ouvert aux deux bouts, 2 projectiles partant en directions opposées
pour n’avoir aucun recul. Le recul donné par VOerlikon de 60 car
touches de 2505 en 8 secondes, en supposant 1005 pour le poids des
balles lancées à 600 m./sec. serait, au rendement près,
60 x 0,1 x 600
X 2
600
soit HP.
8 x 9,81 13.500kgm, 180

Le modèle à 900 m./sec. donne 405 HP et ’Hispano-Suiza 306. 1

Même avec des freins transformant en chaleur une part importante


de ce travail, il n’en reste pas moins qu’en accroissant les calibres,
les cadences et les vitesses, le chasseur sera freiné autant que le
fuyard sera poussé.
<
«C’est un fait qu'entre deux avions de performances semblables,
aucun n’imposera le combat à l’autre si ce dernier ne veut rien savoir. »
« En tactique aérienne la vitesse libère du combat. »
« Contre le monoplace chasseur à 400*mh nous préférons le multi-
place désarmé de même vitesse. »
Mono ou multiplace, avion de chasse ou de bombardement, ce ne
sont que des mots. Ces engins ne diffèrent que par l’ordre de grandeur.
Ce ne sera pas forcément le plus petit qui ira le plus vite.
Je me trouve d’accord avec Douhet, Rougeron et mon contradicteur
pour les propositions qui précèdent. Quand nous approcherons l’asymp
tote de la vitesse, tous les avions de guerre du monde entier, comme je
l’écrivais en 1911, auront à très peu près la même vitesse. Et l’on ne
verra plus d’escadres genre Balbo oubliant sur place des monoplaces
de chasse.
<o
« Si les fuyards peuvent être rejoints, les monoplaces-canon les des
cendront. »
Pas sûr. Pas tous. Et puis. Si.
... .. .

A. ODIER.

(iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii/
lllillllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIItfllIItll

Notes sur Vindustrie américaine


d’aviation militaire

M. Jan-Kerguistel, directeur technique du département Hydra


vions des Ateliers et Chantiers de la Loire, et M. P. Servel, ingé
nieur à cette même Société, ont accompli un important voyage
d’éticdes aux Etats-Unis. Les Ateliers et Chantiers de la Loire
ont bien voulu les autoriser à mettre à notre disposition les notes
et remarques d’intérêt plus particulièrement militaire qu’on trou
vera ci-dessoïts.

I. — Notes de M. Jan-Kerguistel

GLENN MARTIN.

La caractéristique de la construction Martin est l’emploi à


haute dose de la tôle ondulée pour les revêtements travaillant
en compression : caissons centraux, d’ailes, fuselages et coques.
Par ailleurs, dans les détails, on trouve de nombreuses pièces
forgées, estampées ou mêmes coulées. Ceci ne simplifie du reste
pas la construction autant que les descriptions des revues pour
raient le faire croire, car l’on n’a pas travaillé la réduction au
minimum du nombre des rivets qui est considérable.
Au point de vue ordonnance de la fabrication et machines,
nous n’avons rien vu que nous n’ayons pas (en supposant
acquise la presse à former les tôles). En particulier, nous avons
été surpris de voir river des longerons de bombardiers entiè
rement à la main, sans C de rivetage. Quant au rivetage des
revêtements d’aile, de fuselage et de coque, il se fait exacte-

IUIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII|||||
1 222 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Tourelle avant du bimoteur de bombardement GLENN MARTIN B. 10.


L’arme est portée par un chariot qui circule entre les deux rails bordant
une fente méridienne de la coupole.

ment comme chez nous, avec deux personnes, mais au marteau


multifrappe.
A signaler seulement le montage des parties centrales d’aile
sur bâtis verticaux à bascule, permettant de travailler facile
ment en tous points. La travée centrale sort de
ce bâti com
plète, avec réservoirs, commandes, moteurs, etc., prête à être

lllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll'llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
assemblée au fuselage. Aucun rivet, sauf ceux du bord d’at
taque, n’est à tête fraisée.
Par ailleurs, les défauts déjà connus du bimoteur de bombar
dement quant à l’utilisation militaire sont encore plus nets
lorsqu’on le voit : l’observateur, le pilote et le mitrailleur
arrière ne peuvent bouger tant le fuselage est étroit et coupé
longitudinalement par l’aile. Le mitrailleur arrière, en parti
culier, ne peut tirer avec ses mitrailleuses supérieures et infé
rieures que dans des secteurs très limités. Pour la mitrailleuse

Poste de pilotage du bimoteur de bombardement GLENN MARTIN B. 10.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiihiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiihiiiiiiiiiiiijiiii
1 224 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.

Poste de tir arrière du Martin B. 10 : arme portée par un chariot.

supérieure, il n’y a pas de tourelle, mais


un support sur un rail
et il n’est question ni de tir par le travers, ni à la verticale
sur les côtés; loin de là ! Quant à la mitrailleuse inférieure,
c’est du tir au jugé, dans
un cône réduit, n’allant pas, et de
beaucoup, jusqu’à l’horizontale. Grâce à
ces restrictions de
champ de tir, tout le personnel est
sous abri profilé en cellon,
ce qui permet des performances. Enfin, nous
avons appris à
l’usine même que les épreuves d’atterrissage étaient faites
en
supposant les bombes lâchées et la moitié de l’essence. avec
C’est pour remédier à ces défauts d’aménagement
que Glenn-
Martin a fait, en vertu du nouveau
programme de l’Army Air
Corps, un appareil plus gros (poids à vide, 5200*6;
poids total,
950016), bimoteur,
avec les nouveaux « Cyclone » de 850 HP,
à fuselage agrandi permettant la circulation.
Cependant, à sa
première présentation, cet appareil n’a
pas donné satisfaction
et a dû revenir en usine d’où il était reparti lors de
notre
visite.

CURTISS.
Il y avait, en fabrication, une série de 135 nouveaux
appa-
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiii
reils d’observation biplaces pour la Marine : terrestres, trans
formables en hydravions à flotteur central.
Appareils biplans à profil biconvexe, paraissant symétrique,
avec volets de courbure sur la plus grande partie de l’envergure
et très petits ailerons à fente aux extrémités. Munis d’un
moteur de 550-600 HP, ces appareils feraient environ 270kmh;
mais ils n’auraient eu aucune chance d’être acceptés en France
pour les questions de vues, d’armement et d’aménagement.
Les vues du pilote, tant pour le tir que l’observation, ne
rentrent pas, et de beaucoup, dans nos règles. Quant à l’obser
vateur, l’espace dont il dispose est très restreint. Sa position
normale d’observation paraît être assise face à l’arrière, à
l’abri de sa carapace vitrée dont il peut faire glisser quelques
anneaux vers l’avant de son poste en les emboîtant dans ceux
du pilote. Il dispose d’un petit poste de T. S. F., mais nous
n’avons pas vu de support d’appareil photographique.
Enfin, pour le tir, il dispose d’une mitrailleuse montée sur
un petit chariot se déplaçant sur un rail qui permet de tirer
un peu en abord de chaque bord. Pratiquement, le secteur de
tir doit être limité à 30 ou 40° au plus de chaque bord et à 45°
vers le haut. Tir sur le côté on sous l'empennage à peu près
illusoire. Si l’on acceptait chez nous de pareilles solutions, il y
a longtemps que la question du tir du Loire 130 serait résolue !

BELLANCA.
Bellanca a construit un bimoteur de même formule que le
« Pacemaker », bombardier sur flotteurs, mais
qui a réalisé des
performances insuffisantes. Il faut dire d’ailleurs qu’il a été
construit très rapidement, en prenant, par exemple, le fuselage
d’un monomoteur de 750 HP. L’appareil était visiblement bâclé,
si peu soigné dans ses détails qu’il était horrible à voir de près.
Aussi, malgré un rendement très intéressant en charge emportée,
le projet n’a-t-il pas eu de suite, d’autant plus que la machine
était trop petite. Comme elle a quand même fait preuve d’ex
cellentes qualités générales, la Maison Bellanca aurait en fabri
cation, suivant la même formule, un appareil monomoteur pour
la Marine — bombardier torpilleur probablement; mais, on ne
nous l ’a pas montré.

IBBunmnneeenunueununenenenenunnunenununenuuneneeeenenenenunnenenunennnneH—eeeun»ununeeenEHHneeEAAHuEenenuuene—nenenunnaueuuneeaananu—eem
1 226 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.

VUES ET VITESSE.
Si les appareils militaires américains sont plus rapides
les autres, c’est parce que la vitesse prime l'aménagement, que
les
vues et même l’armement.
Tout le monde est cependant suffisamment averti,
en
France, maintenant, des conditions dans lesquelles
peuvent tra
vailler les trois hommes d’équipage d’un Glenn Martin
B. 10,
qui ne peuvent bouger de leur poste, et sait combien
leur arme
ment défensif est réduit, avec des champs de tir limités.
Ils font d'ailleurs peut-être bien, sur ce dernier point,
preuve
de simple bon sens en déclarant
que le tir par le travers ou
un peu à l’écart de l’axe est illusoire avec les vitesses actuelles.
Le biplace d’observation pour la Marine
que nous avons vu
chez Curtiss est aussi significatif à cet égard. Malgré
ses 270 kmh
à 3000m, personne n’en voudrait chez
nous car, pour obtenir
cette vitesse, pilote et observateurs sont inclus dans splen
un
dide carénage transparent. Les
vues du pilote sont fort réduites;
quant à l’observateur, il peut certainement moins bien observer
que dans les biplaces d’il y a 10 ans car, à cette époque tran
quille, celui-ci avait au moins, dans des appareils de
même
catégorie, la ressource de se mettre debout
et de pouvoir
regarder par-dessus bord, avec
on même sans lunettes !
Quant au tir vers l’arrière permis
par une mitrailleuse unique
se déplaçant d’un bord à l’autre sur un petit chariot,
nous
nous sommes dit en la voyant que vraiment les constructeurs
américains étaient heureux de n’avoir
pas plus à se préoccuper
de ces questions.
Evidemment, à la même altitude, le Loire 130 fait
une qua-
rantaine de kilomètres de moins, mais, d’abord, il les fait
avec
tout son armement en plus et, ensuite, il donne d’autres facilités
de travail tactique que ce petit biplace qui doit être
sûrement
plus apte au sport qu’aux difficiles missions navales.
Un des plus beaux exemples d’effets des
programmes est
certainement la comparaison de
nos avions et hydravions de
chasse avec les appareils Seversky de même catégorie
:
Seversky a réalisé, en effet,
un amphibie, sorte de biplace
de chasse qui, avec le même moteur
que le Loire 21, un peu
plus poussé cependant (750 HP au lieu de 720) réalise, paraît-il,
la vitesse de 362 mh à 3350m
au lieu de 305 kmh à 3000m, soit un

«llllllllllHllllllllliililllllllHIIIIIIIIUIIItlIIIIIIIIIItlIIIIIIIHIIIIIIIIIItllIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIHUlilllllll
écart d’une cinquantaine de kilomètres ramenée à la même alti
tude. Or, cet appareil a 20m2 de surface tout comme le 21.
Il y a aussi un biplace de chasse terrestre à train rentrant
qui réaliserait 426kmh à 3350m avec le même moteur ! alors que
nous espérons, sur le Loire 250, 480kmh à 4500m avec un moteur
de plus de 1000 IIP. Et encore, le Loire 250 n’a que 15m2 de
surface.
...
D’où peut donc provenir une pareille supériorité de vitesse
car, même si les chiffres indiqués sont un peu bonifiés, il y a
un écart important ?
Il suffit de voir l’appareil pour s’en rendre compte. Tout
a été sacrifié à la réduction de la traînée. Seversky avait, à
l’origine, réalisé un avion de course. Cet avion ayant fait preuve
de bonnes qualités générales, il fut décidé d’en faire un avion
de chasse. On voit aussi chez nous émettre de pareilles opinions
sur le terrain, lorsqu’on admire les résultats obtenus à la Coupe
Deutsch, par exemple. Mais, lorsque, chez nous, on passe à la
réalisation de cette idée en y mettant les conditions de vues,
celles de secteurs de visée, les coefficients de sécurité, le rayon
d’action, etc., on est tout étonné de voir les sveltes et légers
appareils de course devenir de lourds bolides.
Chez Seversky, au contraire, l’avion, en s’adaptant à la
chasse a gardé ses lignes de course, consistant essentiellement
en un parfait profilage du moteur par un fuselage qui en a le
diamètre, et celui-ci est de m ,45. l
Parallèlement, l’aile a été renforcée, mais le coefficient
imposé est de 12, au lieu de 16 en France. De plus, le pilote
a été placé au point le plus convenable pour le centrage. Il se
trouve ainsi au-dessus de l’aile, bien en avant du bord de fuite,
sans souci des vues de surveillance en arrière de l’aile. Alors
un centrage avant devient facile et les empennages sont net
tement plus petits (2m3,9 au lieu de 4m2 sur le Loire 21). Avec
une pareille façon de faire, le pilote voit ce qu’il peut. Sa tête
dépassant à peine d’un fuselage de m ,45 de diamètre, il ne l
voit sûrement pas à la verticale latéralement, et de beaucoup;
aussi son secteur de surveillance vers l’avant doit-il être masqué
sur une grande largeur de part et d’autre de l’axe. Quant aux
vues de surveillance en arrière de l’aile, il n’en est pas question,
tout se passant en arrière de l’œil. Seule la vue de combat est
bonne. Mais, en contre-partie il y a une belle vitesse !

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiMiuiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiini
1228 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
A côté de cela, dans un même programme
en France, les
angles de vues de surveillance, en avant et en arrière de l’aile
nettement définis déterminent fatalement la position de l’œil
du pilote en arrière de celle-ci. Les vues bilatérales demandées
forcent à des fuselages étroits, et l’angle exigé pour le colli
mateur force à mettre le pilote assez haut. Impossible alors de
profiler d’une façon aussi parfaite que sur le Seversky un moteur
en étoile.
D’autre part, la position arrière du pilote cause un centrage
arrière, d’où nécessité de grands empennages, et si l’on veut
avancer ce centrage par l’avancement du moteur, l'avancement
des surfaces de contre-dérive de celui-ci cause aussi une aug
mentation des empennages et de poids dans les bâtis-moteurs.
A cela on peut encore ajouter les questions de garde d’hélice
qui, d’après des photographies, sont nettement moins grandes
qu’en France. Il y a peu de cas où la cascade de toutes les
conditions et les conséquences des réactions des unes sur les
autres soit aussi nette.
Encore une fois,' il n’est pas dit qu’en ayant un tel mépris
des vues, les Américains aient raison. Mais peut-être exagérons-
nous en sens inverse et, en tout cas, il faut bien tenir compte
de toutes ces contingences lorsqu’on compare les performances
réalisées dans les deux pays.

J \N-KERGUISTEL.

II. — Notes du Lieutenant de réserve P. Servel.

SEVERSKY.
Nous n’avons vu aucun avion de chasse moderne, ce matériel
étant gardé rigoureusement secret ; toutefois, nous avons eu un
aperçu de leur technique grâce à notre entrevue avec M. Sever-
sky. Nous ne disposions par de l’autorisation du War-Department
pour visiter ses ateliers, mais M. Seversky ayant manifesté le
désir de nous rencontrer, nous avons été jusqu’à l’usine, située
à 60km environ de New-York, côte à côte avec les usines Grum
man et en bordure d’un terrain de très grande superficie.
Nous avons pu visiter seulement les hangars dans lesquels
se trouvaient l’amphibie à flotteurs détenteur du record du

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiihiiiiiiiiiiiiii
Le biplace d’entraînement au pilotage des appareils rapides, de la SEVERSKY
AIRCRAFT Corp.

monde de vitesse des amphibies (370 à 3350m) et des appa


reils terrestres directement dérivés de celui-ci : avion d’entraî-
nement et d’observation biplace de 440HP et avion de chasse
biplace de 750 HP (moteurs à refroidissement par l’air Wright
ou Pratt and Whitney) . La vitesse maximum du biplace de chasse,
qui n’a pas de train rentrant, serait de 425kmh à 3350m. Ces
appareils sont visiblement des appareils de performance dans
lesquels il a été recherché avant tout la vitesse au détriment de
la visibilité, de l'aménagement et, sans doute, aussi des qualités
de vol.
Les formes sont très ramassées. Le fuselage a un maître-
couple à l‘habitacle-pilote égal au maître-couple de l’anneau-
moteur; en outre, il est très court (8 m ,53) et les surfaces de
queue sont excessivement réduites. L’aile est de forme elliptique,
de faible envergure (10m ,97) et placée sous le fuselage avec un
raccord à celui-ci rejoignant presque les empennages. Malgré la
faible surface de ces derniers, le constructeur prétend avoir une
très bonne stabilité, grâce à l’interaction de l’aile qui a été par
ticulièrement étudiée au cours d’essais multiples en vol. A
signaler enfin, comme particularité, l’anneau-moteur très fermé,
mais à double écoulement, qui donnerait de très bons résultats.
Au point de vue constructif, nous n’avons rien relevé de par-

IIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIII»
1 230 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Les appareils modernes de la Seversky AIRCRAFT Corp.


De gauche à droite, l’amphibie détenteur du record du
monde de vitesse, un
appareil de transport, le nouveau monoplace de chasse et le biplace d'entraîne-
ment dont une vue en vol est donnée à la page précédente.

ticulier, si ce n’est la constitution de l’aile multi-cellulaire


avec
recouvrement renforcé intérieurement par des tôles ondulées.
La partie centrale de cette aile constitue elle-même le réservoir
d’essence.
appareils étaient intéressants à examiner,
Ces
car c’est d’eux
qu'a été dérivé l'avion de chasse monoplace prototype qui vient
d’achever des essais officiels et pour lequel il est attendu
une
commande de série.
Les performances réalisées seraient de 500km
avec un moteur
à refroidissement par l’air de 800 HP et
au poids total de 2200k.
Le plafond serait de 10.000 à 11.000m. Cet avion aurait les mêmes
lignes que les précédents avec un train relevable dans l’aile
d’avant en arrière, une partie des
roues restant à l’extérieur;
il aurait aussi, bien entendu, des volets d’intrados et une hélice
à pas variable.
L’armement comporterait quatre mitrailleuses.

GLENN L. MARTIN.
Nous avons vu en cours de fabrication, dans les usines Glenn
L. Martin, une grosse série d’avions de bombardement B-10
et B-12, types qui équipent déjà les formations militaires. Ces
usines achèvent, en outre, le troisième hydravion quadri-
moteur type China Clipper, destiné à la ligne commerciale
transpacifique qui vient d’être inaugurée. L’usine
occupe, pour
ces travaux, 1800 ouvriers.

«Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllicillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltlllllllllllllllllllllli
L’avion de bombardement est un monoplan bimoteur (2 Cur-
tiss-Wright de 750 HP) intégralement métallique avec train
rentrant, de la classe, en somme, du Bloch 200, avec cependant
des performances plus élevées, puisque sa vitesse maximum est
de 313 kmh mais avec un aménagement et un armement beaucoup
,
moins étudiés. Le fuselage, qui est de section elliptique et très
étroit, ne permet pas le déplacement des membres de l'équipage
en cours de vol; de plus, le tir vers l’arrière nous a semblé moins
bien réalisé que sur les appareils français. Nous avons remarqué
la structure monocoque du fuselage, constituée essentiellement par
des couples qui sont de simples tubes de duralumin mis en forme.
Les réservoirs sont en duralumin soudé, comme d’ailleurs
dans tous les appareils que nous avons vus en cours de cons
truction. La fabrication de ceux-ci est très simplifiée du fait
que ce sont des cylindres elliptiques, donc constitués par une
tôle roulée et soudée sur deux fonds. Ces réservoirs logés dans
les ailes entre les deux longerons, n ‘utilisent pas, par consé
quent, tout le volume disponible, qui aurait conduit à une forme
plus onéreuse. Nous trouvons là un nouvel exemple de la sim
plicité et de l'économie dans la fabrication.

BELLANCA.
Dans les usines Bellanca, dont l’activité est actuellement très
réduite, il nous a été montré un hydravion de bombardement
à flotteurs. C’est un monoplan à aile haute et mâture « Bel
lanca », équipé de deux moteurs Wright « Cyclone » placés
dans les ailes. Son poids total doit être de 7000'8 environ. Le
fuselage, la partie centrale de l’aile et les flotteurs sont inté
gralement métalliques (tubes d’acier soudés et alclad) ; les
ailes extrêmes et les empennages sont à structure bois et
entoilés.
Le fuselage comporte un poste de tir à l’avant, un poste
double de pilotage, et une cabine assez spacieuse pour per
mettre une installation aisée ainsi que le déplacement des
autres membres de l’équipage. La vitesse maximum de cet
appareil est de 280kmh à 2000m

ÉCLIPSE.
Comme accessoire moteur, l’appareil le plus intéressant est

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIllllllllllllllllllllllllllllllllIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIllllllllllllllllllllll
1232 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
le « mixture-control » qui donne automatiquement le mélange
optimum pour la carburation. Le réglage automatique et ins
tantané du carburateur est obtenu par l’action de la pression
atmosphérique sur des capsules manométriques qui commandent
le débit des différents gicleurs. Cet accessoire fait maintenant
partie de l’équipement du moteur Wright « Cyclone du der
»
nier type. 11 a permis de réduire d’une façon très appréciable
la consommation spécifique en vol de ce moteur.

SPERRY GYROSCOPE COMPANY.

Parmi les équipements de navigation, notre attention


a été
particulièrement retenue par le Sperry Pilot ou pilote automa
tique dont nous avons vu les utilisations pratiques
sur les
lignes commerciales. L’appareil est de dimensions suffisamment
réduites pour être placé sans difficultés sur la planche de bord.
Le poids de l'ensemble de l’installation est de 27k6;
son prix
de 75.000 fr.

«o
De notre visite-exploration, très rapide et plutôt limitée, à
l’aéronautique des Etats-Unis, nous pouvons conclure
que la
technique américaine réalise de beaux appareils à performances
élevées et de construction parfaite mais,
; sans vouloir méses
timer la valeur de ses ingénieurs, il nous semble
que la tâche
de ceux-ci est grandement facilitée
par les moyens dont ils dis
posent.
Dans leurs recherches aérodynamiques, ils sont secondés
par
les laboratoires officiels du N. A. C. A. Cet organisme, de répu
tation universelle, entreprend sans relâche des études aérody
namiques très approfondies dont bénéficient directement les
constructeurs; en France, chaque bureau d’études doit effectuer,
pour son propre compte, avec des moyens par conséquent limités,
les recherches qui lui permettent d'améliorer sa production.
De là résulte une dispersion d’efforts qui se traduit,
pour l’en
semble de l’industrie aéronautique française, par une perte
d’argent et de temps. Or, en aviation, tout gain de temps est
un facteur important de succès.
Les conditions de calcul fixées par les services officiels sont
moins dures que les conditions françaises. A titre d’exemple,

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
Le quadrimoteur de bombardement Boeing.

les avions de chasse américains sont calculés au coefficient 12,


alors qu’en France ce coefficient est aujourd’hui de 15 pour
les appareils nouveaux et de 16 pour les avions de fabrication
antérieure.
Les matériaux mis à la disposition des ingénieurs américains
sont, dans l'ensemble, de qualité supérieure aux nôtres. Les
aciers spéciaux américains sont réputés pour leurs caractéris
tiques et leur homogénéité : l’alliage léger 24-ST, qui corres
pond à notre alliage L-2R a des caractéristiques d’emploi plus
intéressantes que ce dernier : R = 48 kg/mm2 A = 10 %, contre
,
R — 40 et A = 16 %. Ce gain de 20% sur la résistance uni
taire procure un allégement dans la construction ; par ailleurs,

Aspect de la partie centrale du quadrimoteur de bombardement Boeing.

«tint11 uni 11 iniiiiiiin1111nn ii i ii 11 nnni i m il iiiiin i iiiiiniiiniiiiiiiniiiiinii ni i ii ni uni 1111ni 111 ii ii 11 n 111 minii >>

R. A. J. — N° 88.
1234 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
l’état légèrement écroui des tôles 24 ST permet de réaliser
des revêtements d’une présentation impeccable.
L’emploi de ces matériaux conjugué avec les conditions de
calcul que nous venons de préciser permet, dans certains cas,
de ne plus considérer le poids comme le principal
« ennemi »
du constructeur. Aussi remarque-t-on souvent des pièces mani
festement plus lourdes que ne l’exigerait un calcul serré, mais,
par contre, d’une grande simplicité de conception et de fabri
cation. De même, et toujours dans le même esprit d’économie,
les pièces forgées ou coulées sont, presque toujours, utilisées
à l’état brut. La présentation
en est moins belle, le poids en
souffre légèrement, mais l’économie d’usinage ne doit pas être
négligeable.
L’outillage moderne et l’organisation des ateliers permettent
également de réduire les temps de fabrication. La
presse à
emboutir procure une économie certaine et très appréciable; de
plus, elle permet d’obtenir des formes beaucoup mieux planées
et plus correctes que celles réalisées à la main.
Enfin, la recherche des qualités de vol est moins poussée
qu’elle ne l’est actuellement en France par les services officiels.
La preuve vient de nous eu être donnée par l’examen du
Douglas au S. T. Aé; cet appareil aurait été refusé
par ce ser
vice pour défaut de stabilité. Ce défaut
— que nous avons
constaté nous-même en cours de vol
— n’a pas arrêté la fabri
cation en série du bimoteur bien connu, comme il l’aurait fait
chez nous.
Ces divers avantages, qui facilitent le travail des construc
teurs, sont également une source d’économie puisqu’ils rédui
sent les frais d’études, de fabrication et d'essais.

En se basant sur les quelques appareils militaires que nous


avons pu voir et également sur les renseignements recueillis
chez certains constructeurs, on peut conclure qu’à la fin de 1935,
les U. S. A. ne possédaient pas une aviation militaire et maritime
très supérieure à celle qui se constitue actuellement en France.
D’ailleurs, voici les types des principaux appareils militaires
en service dans les formations :
Chasse.
— 140 avions monoplaces Boeing P-26 monoplans.
Poids total, 1300*5; vitesse maximum, 37Okmh
.
200 avions monoplaces Boeing P-12-E monoplans. Poids total,
1250ks ; vitesse maximum, 315 kmh
.
40 avions monoplaces Curtiss P-6-E biplans. Poids total,
1550ks ; vitesse maximum, 315 kmh
.

Attaque. — (?) avions biplaces Curtiss A-8 et A-12 monoplans.


Poids total, 2850 ks ; vitesse maximum, 300 kmh
.
110 avions biplaces Northrop A-13 monoplans. 6 mitrailleuses
et 250 kg de bombes; vitesse maximum, 360kmh
.

Mouton de rom de hauteur construit par Boeing.


pour l’essai des trains des quadrimoteurs Boeing 299.

Observation. — 100 avions Dottglas 043 et 046. Vitesse maxi


mum, 340kmh .

Bombardement.
— 100 avions Martin B-16 et B-12 monoplans
bimoteurs. Vitesse maximum, 313kmh
.
Pour la chasse, Consolidated a en construction une série de
50 biplaces type P-30 ayant une vitesse maximum de 405 kmh
.
Les prototypes en cours d'essai semblent avoir des vitesses du
même ordre que celles de nos prototypes avec, toutefois, des
puissances moins élevées.
Cette aviation apparaît, dans son ensemble, plus brillante
1236 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.

que la nôtre étant donné les performances des appareils; mais


ces performances sont payées par des sacrifices sur les autres
qualités, en particulier sur la visibilité et l'armement. Compte
tenu de nos études très poussées, et des réalisations actuelle
ment en cours en France, dans le double domaine des aménage
ments et de l’armement, il n’est pas certain, en définitive, que
l’armée de l’air américaine soit de qualité tactique supérieure
à l’armée de l’air française.
Les méthodes de travail
et les rapports entre les services
officiels et les constructeurs sont, dans les grandes lignes, à
peu près les mêmes qu’en France : présentation du prototype
aux frais du constructeur, essais officiels, choix de l'appareil
à commander en série. Dans chaque usine, nous avons remarqué
les bureaux respectifs des représentants du « War Department »
et du « Navy Department » qui suivent en usine la fabrication
des appareils qui sont destinés à leur arme.
Nous avons reçu des constructeurs les mêmes doléances que
celles que nous faisons nous-même sur l'exigence des services
utilisateurs, les difficultés et longueur des essais officiels, les
obstacles et les luttes pour obtenir la commande de série....
Mais il semble toutefois que, si ces difficultés sont de même
nature, elles ne sont pas du même ordre de grandeur puisque,
en définitive, le passage du projet du prototype à la commande
de série s’effectue dans des délais beaucoup plus réduits que
ceux que nous subissons.
P. SERV EL.

|||||||||lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHnr
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin milii hui iiiniiiiiiiiitiii

Le sondage acoustique et les bruits des avions

Par Gaëtan JACQUET.

Les seuls soudeurs actuellement en honneur paraissent être


les sondeurs acoustiques malgré les graves difficultés que
créent, pour un récepteur microphonique sensible, les bruits
considérables des avions. Il est certain qu’une protection effi-
ciace contre ces bruits apporterait une aide appréciable à la
solution encore incomplète du problème du sondage.
Nous nous proposons d'expliquer succinctement à ce sujet la
conclusion à laquelle nous ont conduit diverses expériences
qu’il nous a été permis d’effectuer.
Nous allons d’abord rappeler rapidement quels sont les diffé
rents bruits des avions, et les moyens dont on dispose actuel
lement pour les réduire.
Les plus importants proviennent du ou des moteurs : bruits
mécaniques d'engrenages, de soupapes, de transmissions di
verses, etc., et surtout bruits d’échappements.
Les bruits mécaniques seuls, en marche normale, ont un
niveau assez faible : c’est approximativement celui du tramway
ou du train. Les bruits d’échappements, au contraire, sont consi
dérables. La bruyance totale d’un moteur d’avion se situe entre
100 et 120 décibels (pression de 31,6 et 316 baryes), et atteint
dans certain cas le seuil de la douleur pour l’oreille humaine
(130 décibels ou 1000 baryes environ) (1).
Ensuite viennent les bruits d'hélice dont le son fondamental
a pour fréquence le produit du nombre de tours par le nombre
de pales. Cette fréquence est basse (60 pour une hélice bipale
tournant à 1800 tours), mais elle s’accompagne d’harmoniques
nombreux pouvant atteindre des fréquences voisines de 500.

(l ) Rappelons que la force auditive subjective, en décibels, est donnée appro-


ximativement par l’expression S=2olog (P. 103) dans laquelle P est la pression
en baryes.
1238 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Dans l’ensemble, leur intensité est généralement moindre que
celle des bruits d'échappements.
La dernière source de bruits dans l’ordre d'intensité se trouve
dans l’écoulement de l’air le long de la carlingue et des ailes.
On distingue les sons de sillage, analogues à ceux qu’on entend
par grand vent derrière les poteaux télégraphiques; les sons
de jet, qui peuvent prendre naissance dans les fentes avant ou
dans les fentes des ailerons; les sons de biseau, qu’on observe
toutefois plus rarement. Tous ces sons sont d’origines tourbil
lonnaires.
Jusqu’à ces derniers temps, on a fait assez peu de cas de ces
différents bruits parce qu’on les a d'abord considérés comme
inévitables. Le problème du confort se pose toutefois dans les
lignes commerciales, et celui de la discrétion, dans l’aviation
militaire. Aussi des efforts sont-ils entrepris de différents côtés
pour les diminuer.
Disons sommairement que plus un avion est affiné et moins
importants sont les sons dits d'écoulement, que les hélices
démultipliées sont moins bruyantes parce qu’elles tournent
moins vite, que les hélices à pas variable, qui ont un rendement
supérieur, dispersent également moins de bruit, et qu’on par
vient aisément à étouffer les bruits mécaniques des moteurs à
l’aide de capotages isolants, surtout dans le cas des moteurs
en ligne.
Contre les bruits d’échappements la lutte est beaucoup plus
difficile, bien qu’aient été proposés de nombreux systèmes
amortisseurs ou filtrants, appelés un peu prématurément des
silencieux. On admet généralement qu’un bon silencieux permet
d'atténuer les bruits d'échappements d’une dizaine de décibels,
sans réduire la puissance du moteur de plus de 1 à 2 %.

En définitive, il subsiste des bruits d’hélice et surtout des


bruits d'échappements extrêmement redoutables pour un micro
phone de récepteur. Ajoutons, d’ailleurs, que quantité de
moteurs d’avions ne sont même pas pourvus de silencieux.
Sans doute les plus intenses ont-ils des fréquences rela
tivement basses et songe-t-on immédiatement à s’en protéger,
dans un sondeur, en utilisant une émission sonore de fréquence

llllllllllllllllllllllllllllIflIIIIItlIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIItlIIIIIIIIIIIIIItlIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIItlIIIHIIIIIIIIIIIIIIIMIII»
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1239

élevée un récepteur sélectif étroitement accordé. Nous


et
croyons bien, en effet, que ce soit le seul moyen possible, mais
jusqu’où doit-on pousser la sélectivité ?
Un moteur à 4 temps faisant n tours par minute et possé
dant c cylindres, a une fréquence d'explosions

en
/
120
Ily a des moteurs à 5 cylindres qui tournent à 1500 tours, et
des moteurs à plus de 20 cylindres qui tournent à plus de
2500 tours, ce qui assigne à f des valeurs pouvant varier de 60
à 400 environ. A ces fréquences il faut ajouter tout un cortège
d'harmoniques, si bien qu’on est en présence d'une bande très
étendue pouvant même empiéter sur la fréquence d’émission
d’un sondeur, et apporter un trouble extrêmement gênant. De
plus, les bruits de basse fréquence, en raison de leurs ampli
tudes considérables, agissent séparément comme de véritables
chocs acoustiques et peuvent faire vibrer à sa fréquence propre
un récepteur résonnant.
Pratiquement, pour obtenir une protection sérieuse, de mul
tiples essais nous ont convaincu qu’il est indispensable de
prévoir au récepteur un filtre de bande aussi étroite que possible.
A première vue on peut penser que l’étroitesse de la bande
n’est limitée que par les possibilités de réalisation technique,
et par la constance de la fréquence de l’émission. En fait, c’est
l’effet Doppler qui impose une limite inférieure à cette bande,
car il est possible d’établir un émetteur d’une stabilité rigou
reuse, et une bande aussi étroite que l’on veut.
L’effet Doppler dû, comme on sait, au fait que l’émetteur et
le récepteur sonores se déplacent dans le sens de la propaga
tion, ou en sens inverse, lorsque l’avion s’abaisse ou s’élève,
exige une bande assez large. En supposant que la vitesse verti
cale de l’avion puisse atteindre 3 m./.sec., la vitesse du son
étant prise égale à 340m, la fréquence d’émission, quand l’avion
atterrit, se trouve multipliée par le coefficient

c’est-à-dire qu’elle s’accroît de 1,5 %. On pourrait adopter une


bande de 2 %, par exemple, pour un sondeur d’atterrissage.
Avec une fréquence d’émission de 1500, les frontières du filtre

IIIIIIIHI IIIIIHIIIIIIIIIIIIt IIII IIIIIIIHI IIIIIIIII f IIIIIIIIIIIII IIIIIIIIIIIIIIIIIMIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIlillIIIIIIItlIII;


1 240 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.
setrouveraient vers 1500 et 1530. Il sera bon de
ne pas les écarter
davantage, si l’on tient à s’assurer une protection efficace.

*
**
Mais un récepteur muni d’un tel filtre présente
une parti
cularité qui, dans certains cas, peut être
un défaut majeur :
c'est de n’obéir aux échos qu’après une durée de résonance
atteignant 2/100° et même 3/100e de seconde. Remarquons,
en
effet, que, pour une émission de fréquence 1500,
une durée de
réception de 3/100° de seconde n’autorise
que l’intervention
de 45 oscillations sur le microphone,
ce qui n’a rien d’exagéré
pour un récepteur très sélectif.
Il ne serait donc pas possible avec un récepteur conçu pour
opérer en milieu très bruyant, c’est-à-dire capable de
conserver
une grande sensibilité à l’écho sans être troublé par les para
sites, d'utiliser des émissions très brèves, particulièrement de
l’ordre du centième de seconde.
En d’autres termes, la différence qui existe entre la fréquence
de l’émission et les fréquences des bruits parasites
ne serait
pas assez grande pour qu’on puisse se contenter d’un récepteur
de sélectivité moyenne. Cette sélectivité devrait être très
poussée, au point que le récepteur n’obéisse plus qu’à
un effet
de résonance prolongé, et cette obligation,
par nature, ferait
écarter les émissions trop brèves.
Certains expérimentateurs ont essayé d’augmenter l’écart des
fréquences, en adoptant des émissions de fréquence 3000 et
davantage. Mais nous croyons savoir que
ces fréquences élevées
n’ont pas permis de bonnes réflexions sur le sol et. de plus, le
rendement d‘émetteurs sonores d’aussi hautes fréquences
devient tout à fait mauvais. Aussi ont-elles été abandonnées.
D’autres, pour se protéger, ont résolument diminué la sensi
bilité du récepteur et augmenté corrélativement la puissance de
l’émission, mais ils ont été conduits à un matériel lourd,
encom
brant et nécessairement coûteux, comme il arrive chaque fois
qu’on sacrifie au rendement.
Nous croyons donc, en définitive, qu’on devrait adopter
un
récepteur extrêmement sélectif et, par voie de conséquence,
ne
pas utiliser d’émissions très brèves, contrairement à ce qui paraît
avoir été fait jusqu'à ce jour dans la majorité des sondeurs.
Gaëtan JACQU ET.

«HUHIIinillUllllillllUIIIIIHIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIliUlliMlllllllllllilllllllllHIllllllilllHlllllllllllllilllllllllllllilllliail»
linUHIIIIIIIIIIIIIlllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllKlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHli

Notes et souvenirs
sur la
création de l Aviation militaire française "1

Par le Lieutenant-Colonel BELLENGER,


Ancien commandant de l’Aéronautique de la 6e Armée

VII.

DU 9 JUIN AU 6 AOUT 1910.

Je reprends maintenant à partir du


juin, la suite des évé 9
nements dont j ’ai abandonné le récit pour montrer les répercus
sions du raid de Féquant et Marconnet sur l’organisation de
l’Aviation militaire.
Le 11 juin, voulut essayer lui-même son appareil,
dont la complexité continuait à inquiéter ses camarades de Vin-
cennes. L’engin était bien muni d’un stabilisateur gyrosco-
pique : faut-il dire que certains d’entre nous en étaient plus
inquiétés que rassurés ? Après un certain parcours, l’appareil
culbuta et s’effondra, sans que personne fut bien sûr s’il avait
ou non décollé. s’en tira, par bonheur, avec de
légères blessures, malgré la forêt de tendeurs qui l'entourait.
Il ne perdit même pas sa foi en son appareil. Toutefois, celui-ci
se trouva, pour quelque temps, hors d’état de nuire à son inven
teur.
Le 12 juin, Morane, à Tonry, sur Blériot biplace, battait le
record officiel mondial du vol avec passagers, en évoluant pen
l
dant h 30min autour de pylônes donnant un trajet théorique
de 85km sensiblement inférieur au parcours réel (l’appareil fai-

(1) Voir les numéros de février, puis de mai à octobre de la « Bevue de l’Armée
de l’Air ».

(luuttiiiiHHiHiHiiiiiiiiiiHiiHiiiiHiiiiiiiiiiiiuiiiilliliiuiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiHiHiiiiiiiiiiiiiiiimiimi
1242 REVEE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
sait 72kmh et, le vent étant presque nul,
ce parcours réel doit
dépasser 100km).
On remarquera que ce record, qui figure
comme tel dans les
tableaux établis par l’Aéro-Club, est nettement inférieur à
ce
que l’Aviation militaire venait d'accomplir avec Féquant et
Marconnet. Le fait s’est produit à plusieurs reprises à
cette
époque. Il tient à ce que seuls entraient
en ligne, pour l'Aéro-
Club, les vols exécutés dans les conditions de contrôle
prévues
par ses commissions — à juste titre, d’ailleurs. L’Aviation
militaire, organisation officielle de l’Etat, estimait n’avoir
pas
à se soumettre au contrôle d’une organisation privée,
quelle que
fût la valeur de celle-ci. Il en résultait que les performances
des aviateurs militaires, bien
que dépassant souvent de beau
coup celles des aviateurs civils en ce qui concernait les vols
sur
la campagne, n’étaient jamais retenues
comme records, tout en
étant fêtées par l’Aéro-Club.
Le 16 juin, Blériot, convoqué comme lieutenant de réserve
d’artillerie pour une période militaire par les soins du colonel
Estienne, se rendait par air d’Issy-les-Moulineaux à Vincennes,
à bord de son appareil biplace XI bis,
et faisait livraison de
celui-ci au service d’aviation de Vincennes. Enfin, j’allais
pou
voir voler.
Le soir même, l’Aéro-Club offrait
un grand banquet aux avia
teurs militaires, sous la présidence du général Brun et de
son
sous-secrétaire d’Etat M. Sarraut. Quantité de notabilités
mili
taires avaient été invitées. Il n’y eut
que deux discours, celui
de M. Cailletet, président de l’Aéro-Club, et celui du général
Brun. Celui-ci remit une série de décorations la Légion d'Hon-
:
neur à Féquant et à Marconnet, les palmes académiques à
cinq pilotes civils et à dix officiers aviateurs
ou aérostiers. Le
colonel Hirschauer, déjà palmé, se vit attribuer la croix d’Offi
cier du Mérite agricole,.
. .
en rapport très lointain, semble-t-il,
avec l’aéronautique..
. .
Le 17 juin, Féquant et Marconnet rendaient à l’aviation
civile la politesse de Blériot, en se rendant
par air de Vincennes
à Issy-les-Moulineaux.
Le 20 juin, Blériot essayait à Vincennes,
avec le capitaine
Marie comme passager, son biplace qui avait
eu besoin de
quelques petites réparations après l’atterrissage du 16.

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll>l)llll>lll>»l>>lll
Enfin, le 21 juin, je pris possession du biplace Blériot XI bis.
Le polygone de la Maison-Blanche étant fort exigu, j'avais fait
pousser l’appareil sur le terrain de manœuvres comme Blériot
l’avait fait la veille, et le vent, presque insensible au sol,
venant de l’Ouest, je m’envolai face à l’Ouest. Tout se passa
bien d’abord, et je décrivis deux grands cercles sans incident.
Mais ayant alors voulu atterrir face au vent, suivant la règle
habituelle, j’eus la surprise de sentir la vitesse me manquer en
approchant du sol -—- ce qui occasionna une glissade sur l’aile,
et une prise de contact fâcheuse avec le sol, avant que je n’aie
pu redresser complètement l’appareil. Je m’en tirai personnel
lement indemne, ainsi que le fuselage et les ailes de l’avion,
moteur inclus, mais le train d’atterrissage souffrit assez sérieu
sement.
Que s’était-il J’avais conscience d’avoir scrupuleu
passé ?

sement observé toutes les règles alors admises, et j ’était parti


culièrement étonné du défaut de vitesse constaté, alors que je
n’avais rien fait qui pût la réduire.
A la réflexion, je compris que la règle générale d’atterrir
face au vent devenait inapplicable sur tous les terrains où le
sol et son voisinage immédiat se trouvent abrités du vent, ce
qui était le cas à Vincennes.
Je vais ici entrer dans quelques explications, car j’ai eu,
récemment, occasion de constater que bien des pilotes actuels
n’en savent pas plus en 1936 que je n’en savais au matin du
21 juin 1910; sans doute, la vitesse de leurs appareils est aujour
d’hui beaucoup plus grande, et de même l’écart entre la vitesse
normale de l’avion et la vitesse-limite qui assure la sustentation ;
cet écart leur permet de supporter des pertes de 10 à 15m de
vitesse par rapport à l’air, pertes auxquelles un appareil fai
sant 15 à 20m par seconde ne pouvait s’exposer sans chute
en 1910. Mais, d’autre part, lorsqu’un appareil moderne réduit,
pour atterrir, sa vitesse de vol à la vitesse-limite de sustenta
tion, une perte de vitesse de 10 à 15m indépendante de la
volonté du pilote surprend celui-ci et peut amener un accident
d’autant plus grave que les avions actuels sont beaucoup plus
lourds et ont besoin, pour manœuvrer, de plus d’espace que
ceux de 1910.
Replaçons-nous dans les conditions où je me trouvais le
21 juin 1910 : un terrain d’atterrissage abrité par un massif

nitii ni uni 111 uni


11 mu mmm
1244 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
boisé de de haut, impénétrable au vent,
30m
un avion dont les
vitesses maximum et minimum (nécessaire à la sustentation)
étaient presque confondues et égales à 20 m/sec,
un vent de
lOm/sec au-dessus des arbres.
Nous pouvons considérer deux plans inclinés AB et AC, des
cendant vers le sol à partir du sommet des arbres
en bordure,
et représentant, le plan AB (incliné à 1 % environ) la limite
au-dessus de laquelle le vent garde toute
sa force, le plan AC
(beaucoup plus incliné, 5 à 10%) la limite au-dessous
de
laquelle le vent est insensible (voir figure ci-dessous).
Supposons que l’avion, descendant contre le vent,
passe en P,

Schéma expliquant l’accident d’atterrissage du juin, dont il


21 est question
dans le texte.

son axe dirigé vers le point avec une vitesse de 20m orientée
1,
suivant PI. L’avion est entraîné par le vent
en arrière avec
vitesse de 10m, en sorte qu’il descend,
en réalité, suivant une
ligne PK jusqu’à la rencontre du plan AB; et
sa vitesse réelle
par rapport au sol est nettement inférieure à 20 ra puisqu’elle
est la résultante de la composition des vitesses , V 20m
= et
v = 10m faite à partir de P, comme l’indique la figure.
Sur le parcours KQ entre les deux plans AB et AC,
parcours
d’autant plus réduit que l’avion est plus près de la bordure des
arbres A, et qu’il marche contre le vent, la vitesse du
vent
tombe de 10m à zéro (ou presque zéro). L’avion,
parvenu en Q,
ne possède plus par rapport à l’air que la vitesse qu’il possédait
tout à l’heure par rapport au sol, vitesse nettement inférieure
à celle qui est nécessaire
pour sa sustentation. L'appareil va
donc tomber, et la pesanteur pourrait lui rendre
par cette
chute, si elle était suffisamment prolongée, la vitesse
man-
iiiiHnniMiiHiiiiiriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuritiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
quante. Mais le point Q étant peu élevé, l’avion n’a pas le temps
de récupérer ainsi sa vitesse et arrive brutalement à terre en S,
en exécutant généralement une embardée, à droite ou à gauche.
La condition d’un bon atterrissage étant de posséder encore
au point Q la vitesse nécessaire à la sustentation, le pilote peut
la réaliser de différentes manières.
L’une est de descendre suivant PQ avec une vitesse par rap
port à l’air égale ou supérieure à la somme de la vitesse de
sustentation et de la vitesse du vent : c’est la solution qu'ap-
plique habituellement la généralité des pilotes actuels, sans
même s’en rendre compte bien souvent. C’était, en 1910, une
solution d’application délicate, le moteur n’ayant pas la puis
sance nécessaire, et une descente en piqué à plein moteur (la
pesanteur s’ajoutant ainsi au moteur) étant alors dangereuse
pour la solidité des appareils.
L’autre solution, applicable en 1910, était de franchir les
plans AB et AC dans une orientation telle que ce franchisse
ment n’entraînât pas de perte de vitesse, c’est-à-dire dans une
direction intermédiaire entre la direction parallèle à la lisière
boisée (en ce cas, l’avion n’éprouvait pas de changement de
vitesse), et celle du vent (en ce cas, la vitesse de l’avion par
rapport à l’air augmentait en traversant les plans AB et AC).
Cette solution n’allait pas d’ailleurs sans inconvénients : si
l’avion descendait parallèlement à la lisière, il était assez for
tement secoué au voisinage des plans AB et AC. S’il descendait
avec le vent dans le dos, il lui fallait une course plus longue
pour atterrir et, bien que cette course se fit à l’abri du vent,
sa longueur pouvait avoir des inconvénients.
A Vincennes, où le polygone de la Maison-Blanche ne se
prêtait à l’atterrissage que dans le sens de sa longueur (600m
pour une largeur variant de 100 à 200m ), j’abordais toujours
le polygone par le fond, dans une direction plus ou moins
oblique suivant le sens et la force du vent, et me redressais près
du sol face au Nord pour m’arrêter près des bâtiments.
De même, pour m’envoler, je quittais toujours le sol face
au Sud, près des bâtiments, et, en arrivant au niveau du sommet
des arbres, j’obliquais plus ou moins à droite ou à gauche sui
vant le vent, pour prendre de la hauteur contre le vent avant
de chercher à sortir de la zone boisée.
J’ai ainsi fait des centaines de départs et d’atterrissages sans

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllMIIIHIIHIHIIII
1246 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
accident après le 21 juin 1910, le mauvais
atterrissage survenu
ce jour-là — sur le champ de
manœuvres, cependant plus vaste
et pour cette raison plus favorable
que le polygone de la Maison-
Blanche
— m’ayant servi de leçon.
Le 21 juin au soir, je considérais
mon accident comme dénué
d’importance, à part l’ennui du délai nécessité
tion, et je discutais avec le colonel Estienne par la répara
la leçon à en tirer,
leçon que je viens d’exposer ci-dessus.
Mais on ne pouvait, en
juin 1910, quitter le sol sur
un terrain accessible au public sans
attirer des curieux. Et il y
en avait d’autant plus ce jour-là
Blériot avait volé la veille à la même que
heure sur le même terrain
avec le même appareil, et que les journaux l’avaient
signalé.
Le public était donc nombreux, des
reporters ou des corres
pondants de presse furent heureux
d’avoir un accident à
raconter et ne se privèrent pas de le grossir. Aussi,
qui venait d’arriver pour mes parents
une cure à Aix-les-Bains lurent,
le 22 juin, à l’arrivée des journaux
de Paris :
Le lieutenant Bellenger, essayant à
« Vincennes un Blériot biplace,
a fait une chute grave. On espère le sauver.
»
La phrase finale, malgré
son intention rassurante, ne l’était
guère pour mes parents télégramme
: au colonel Estienne pour
demander d’urgence de
mes nouvelles, confection précipitée des
malles. Je causais tranquillement
...
télégramme lui arriva
avec le Colonel lorsque le
: « Tenez, Bellenger, voilà qui
regarde ». Je me hâtai de répondre vous
: « Vais très bien. Dégâts
purement matériels ».
C’était le premier tour de
ce genre que me jouait la presse.
Depuis, elle a fait mieux, mais, jusqu’ici,
c’est toujours moi
qui ai enterré les journalistes trop pressés
d'annoncer ma mort.
Le 23 juin, Féquant revenait d'Issy à
Vincennes où son
appareil était aussitôt partiellement démonté.
Transporté par
auto sur remorque à Mourmelon, cet avion
y était remonté à
temps pour permettre à Féquant de voler
le 25 après-midi
devant le président Fallières et le tzar Ferdinand
de Bulgarie
temps maussade, visite protocolairement :

ennuyeuse, effusions
protocolaires du tzar, rappel du
sang français qu’il portait dans
ses veines, etc. Pour terminer, distributions de décorations
bul
gares à tous les aviateurs présents nous commencions à
transformer en constellations. : nous

iiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Un petit incident insignifiant, mais bien caractéristique,
montre la situation faite aux aviateurs à ces débuts du service.
Féquant avait laissé partir son avion par route avec son méca
nicien, mais, après avoir muni celui-ci d’argent pour le cas
d’incident de route, il se trouva lui-même dépourvu au moment
de prendre le train et dut s’adresser aux camarades partant
avec lui. Nous nous cotisâmes. Confidences réciproques : plu
sieurs d’entre nous étaient presque aussi démunis que Féquant.
La vie que nous étions obligés par notre service de mener nous
coûtait cher. Pour moi, qui détenais le record du changement
d’écoles et de résidences, j’avais en cinq mois et demi entamé
mes économies d’un millier de francs (il s’agissait alors de
francs-or et la solde d’un lieutenant variait entre 200 et
et 250 francs par mois, suivant son ancienneté). Quant à Féquant,
après son raid, son déjeuner chez le ministre, sa réception et
son banquet à l’Aéro-Club, sa décoration, les frais de taxi qu’il
lui avait fallu payer pour se rendre à ces cérémonies le rédui
saient à vivre à crédit au mess de Mourmelon sans en bouger
jusqu’à la fin du mois.
Marconnet, qui était alors notre porte-parole au ministère,
se chargea d’y faire ressortir ce que cette situation avait de
choquant et d’injuste : nous nous endettions pour exécuter un
service où nous risquions notre peau. Ceux d'entre nous qui
. . .
n’avaient pas de fortune personnelle allaient être obligés
d’abandonner l’Aviation.... Ces démarches aboutirent à une
décision ministérielle du 10 août nous allouant enfin des indem
nités spéciales, indemnité journalière de fonctions (1,50 fr. pour
les officiers subalternes, chiffre qui ferait sourire aujourd’hui)
et une indemnité fixe d’ascension pour les vols d’au moins 5km
et les ascensions en ballon (de 5 à 25 fr, suivant la durée tota
lisée des vols de la journée). Marconnet avait eu l'adresse
d’intéresser les officiers d’Etat-Major à son projet en englobant
les passagers et observateurs dans le personnel ayant droit aux
indemnités.
Ce système se montra franchement défectueux dans la suite
par l’importance des indemnités de vol et leur tarification basée
sur la durée totalisée : on vit des officiers qui ne se hasardaient
jamais sur la campagne et ne sortaient même pas sur aéro
drome par mauvais temps toucher de fortes indemnités, sans
aucuns frais correspondants, en tournant indéfiniment sur piste

iiiiniiHUiniiHniHHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1248 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
par beau temps. On vit aussi des chefs de centre, peu conscients
de leur devoir, attribuer sans contrôle des indemnités de vol
comme passager à tout le personnel sous leurs ordres. Mais,
à l’été 1910, la petite poignée d’aviateurs existants,
. . .

venus à
l’aviation pour elle-même et sans qu’il fût aucunement question
d’avantages à y recueillir, avait réellement besoin d’indemnités
et fut heureuse de voir l’autorité y songer.

Grand Prix des Ballons de l’Aéro-Club.

Le soir même de la visite à Mourmelon du tzar Ferdinand,


je rentrais à Paris pour le Grand Prix des Ballons de l’Aéro-
Club, fixé au dimanche 26 juin et pour lequel je m’étais engagé.
Ayant fait à mes frais mon instruction d'aéronaute, concourant
à mes frais dans les mêmes conditions que tous les pilotes civils,
je n’éprouvais pas à les concurrencer sur ce terrain les mêmes
scrupules qu’en aviation. D’autre part, les événements m’em
pêchant jusque-là de me distinguer en aviation, je profitais
volontiers d’une occasion de me classer honorablement dans un
sport voisin.
15 ballons participaient à l'épreuve; le tirage
au sort me
donna le n° 15 pour le départ : avantages et inconvénients
balancés : je pouvais observer avant de partir la direction prise
par mes concurrents selon leur altitude et manœuvrer en con
séquence, mais, les départs étant échelonnés de 12 en 12 minutes,
je partais bien tardivement, à 18h 3min. « In medio stat virtus »
:
Georges Blanchet, pilote des plus connus et lauréat d'innom-
brables concours, confirma le proverbe en se classant premier
après être parti huitième, soit juste au milieu des concurrents.
Pour mon compte, je remontai le cours supérieur du Loing
vers l’étang de Saint-Fargeau, identifié nettement aux dernières
lueurs du crépuscule. Ma course s’infléchit ensuite peu à peu
vers l’Est sur le Morvan. Je reconnus au passage le canal du
Centre, puis les brumes me cachèrent la vallée de la Saône et
celle du Doubs, le relèvement du sol m’avertissant seul de
mon
passage sur le Jura.
A l’aube, une couche de nuages me cachait complètement le
sol sous moi, mais je voyais à l’horizon du Sud les sommets
majestueux du Mont-Blanc et de la Jungfrau, aisément recon
naissables. Puis le soleil se leva sur une mer de nuages, et,
en

HllllllllllllilllllllillIlllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllHllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllH
Départ en ballon.
Dans la nacelle, le lieutenant-colonel Estienne (coiffé d’un chapeau mou),
alors directeur de l'Établissement d’Aviation de V incennes, et inventeur des
chars d’assaut pendant la guerre. A côté de lui, le capitaine aviateur Clavenad,
tué en 1913. En face, le capitaine Bellanger, pilote du ballon.

séchant mon ballon, l’allégea et le fit monter progressivement


vers 2000, puis 3000m. Les nuages me suivaient dans cette ascen
sion en me réverbérant la chaleur solaire tandis que les sommets
rocheux et glacés défilaient de plus en plus vite devant moi.
De nouveaux pics apparaissaient sans cesse dans l’Est tandis
que les premiers aperçus s’éloignaient au Sud-Ouest. Je sur
volais sans la voir la partie septentrionale de la Suisse.
Heureusement, les remous, craints des aviateurs, ont un bon
côté pour les aéronautes en peine de repérer leur itinéraire en
pays de montagnes. Ces remous, provoqués par les accidents
du sol, se produisent toujours au voisinage des points carac
téristiques de la topographie régionale en y déchirant la couche
nuageuse. Une première fois, des remous locaux me permirent
d’apercevoir par une déchirure des nuages l'éventail de rivières
qui se réunissent vers Brugg pour percer le Jura suisse, puis
j’aperçus la chute du Rhin à Schaffouse, fort éloignée vers le
Nord mais facile à reconnaître.

<iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiihiii
R. A. AJ— No 88.
1 250 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
Je passai ensuite un temps assez long sans pouvoir repérer
aucun point précis. Les cimes qui perçaient les nuages passaient
de plus en plus près de moi, et de nouveaux sommets conti
nuaient d’apparaître à l'Est vers lesquels je semblais me diriger.
Ce spectacle devenait inquiétant
: mon
lest s’épuisait, il fau
drait bientôt atterrir, et un itinéraire voisin de l’axe des Alpes
autrichiennes présentait sur des centaines de kilomètres peu de
facilités pour un atterrissage : sur quel glacier risquai-je de
tomber si je me laissais plonger dans les nuages ?
Vers 10h 30min, une éclaircie vers le Nord me montra dans un
tourbillonnement de vapeurs, le coude brusque de l’Inn à Lan-
deck. Presque aussitôt, une déchirure se formait sous moi, et
la cessation de la réverbération des nuages amenait un refroi
dissement et une contraction sensible du gaz de mon ballon
:
d’où descente que je ne pus enrayer à temps pour éviter de
glisser entre deux nuages. Leur ombre réfrigérante, l’absorp
tion de leur humidité par les cordages m’alourdirent encore
et me forcèrent à jeter du lest et à préparer un atterrissage
immédiat. Je me trouvais à ce moment au-dessus d’un chaos
rocheux, entre deux parois latérales qui disparaissaient dans
les nuages tandis que le vent m’entraînait à toute allure vers
la naissance du ravin, le mouvement ascensionnel du vent dans
le ravin ayant arrêté ma descente pour la transformer en
montée. Brusquement, une crête m’apparut, formant devant
moi un col vers lequel je me précipitais.
Comme il est de règle en pareil cas, le ballon, formant bloc
avec la masse d’air en mouvement, franchit le col sans se sou
cier de la pauvre nacelle qui, sous lui, heurtait brutalement les
rochers. J’avais espéré pouvoir atterrir de l’autre côté, à l’abri
de la crête, mais le revers était constitué par un éboulis de
rocs où il n’y avait aucune possibilité d’atterrir. Au delà se
présentait une nouvelle paroi rocheuse verticale vers laquelle
mon ballon se ruait à l’allure de 100kmh
.
Me rendant compte que le ballon allait franchir l’arête, mais
au prix d’un choc de ma nacelle encore plus désagréable que
le précédent, vu la verticalité de la paroi, je pris le parti d’at
terrir sur une corniche fort étroite située un peu en contrebas
de la crête, marquée par quelques touffes d’herbe et
un sapin
rabougri poussé là, Dieu sait comment. Je tirai à fond le pan-

IIIIIIIII1IIII1IIIIIII1I1IIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
neau de déchirure, et, en beaucoup moins de temps qu’il n’en
faut pour le raconter, je me trouvai solidement coincé sur ma
corniche contre le sapin, au milieu des débris de tout ce qui
était verre à bord, thermomètre, glaces de mes deux baro
mètres (dont un enregistreur), bouteille Thermos, verre, etc.,
mais sans autre accroc personnel que des écorchures aux mains.
Le tout avait duré à peu près cinq secondes à partir du moment
où j’avais aperçu la paroi rocheuse.
Mon ascension était terminée, mais il s’agissait de descendre
de ce perchoir. Rien ne me pressant plus, je pris le temps de
faire un examen sérieux de la situation. Ma nacelle se trouvait
en partie en porte-à-faux, débordant comme un balcon sur le
vide, mais il n’y avait pas à craindre de la voir tomber, appli
quée comme elle l’était contre le rocher par les cordes de sus
pension qui la rattachaient au ballon. Je ne voyais pas celui-ci,
qui devait se trouver couché sur le revers opposé de l’arête,
complètement vidé puisqu’il n’imprimait plus la moindre
secousse à mes cordages. Mes instruments de bord vérifiés, je
mis dans mes poches mes provisions de bouche et j’escaladai la
paroi en m’aidant des cordages et du sapin contre lequel était
coincée la nacelle. Mon ballon était bien au revers de l’arête
étendu, non sur le rocher, mais sur une prairie fort verte où
il ne risquait rien. A 50m de là, une eau fraîche coulait au pied
d’un glacier minuscule dans une coulée entre des roches. L’en
droit était tout à fait engageant pour un déjeuner sur l’herbe,
et j‘en profitai incontinent.
Cependant, j’avais constaté une altitude de 1850m au baro
mètre, et je ne savais comment tirer de là mon matériel pour
gagner un village que j’apercevais bien au-dessous de moi. Un
cambriolage étant peu à craindre, j'abandonnai ballon et acces
soires pour aller chercher du renfort, en contournant la paroi
verticale et suivant un itinéraire jalonné de prairies et soigneu
sement repéré du haut de la crête.
A peine au quart de la descente, je vis venir dans une de ces
prairies un groupe d’hommes qui, à ma vue, firent de grands
gestes accompagnés d’appels sonores. D’en bas, on avait vu mon
ballon s’effondrer sur la crête, on avait cru à une catastrophe,
et une demi-douzaine de solides montagnards, armés de cordes
et de bâtons ferrés, accouraient à la rescousse, suivis par un
brave curé.

'IIIIIIIIII1111<1111•1111111111111111111111111111111«111i11111111111111111111111111111111(111111|1111111II111|11111111f1111IIIllllllltlll*
Pensant qu’il allait falloir remonter tout le terrain dont je
serais descendu, je m’assis pour les attendre. Aussi me crurent-
ils blessé et s’empressèrent-ils vers moi.... La signification
d’une gourde tendue se comprend aisément dans toutes les
langues, .mais l’offre de la gourde s’accompagnait de phrases
. .
interrogatives où revenait le mot « Kamarade » : je compris
que mes sauveteurs pensaient trouver plusieurs aéronautes et
me demandaient de les guider vers mes compagnons. Je ras
semblai toutes mes connaissances en allemand pour leur expli
quer que j’étais seul : explication pénible. Le curé surtout
paraissait pressé de découvrir des moribonds pour leur donner,
sans doute, une absolution in extremis. Enfin, à force de répéter
« Nicht Kamarade » et d’exprimer sous toutes les formes que
j’étais seul, je parvins à les convaincre, et le curé poussa un
« Deo gratias » bien senti qui me rappela instantanément mon
professeur de rhétorique.
Je bénis le Ciel d’avoir été un élève passable et interpellai
aussitôt mon curé dans la langue de Cicéron : « Visne mecum
latine loqui ? » Et me voilà faisant le thème le plus utile de
ma vie. Présentation : « Ego nominor Bellenger ». (Presque la
règle Ego nominor leo de ma vieille grammaire.) « Gallus sum
civis (autre règle), inter milites centurio. ...» J’expliquai aussi
que je venais de Paris, mais là, le latin eut tort : Lutetia ne
disait rien au curé, tandis qu’au mot « Paris » toute l'assistance
comprit.
J’eus bien quelques difficultés dans mon thème, Cicéron
n’ayant jamais prévu, que je sache, ni les ballons (je voulais
ramener le mien), ni les gares de chemin de fer (où je voulais
conduire mon ballon), mais les montagnards avaient vu le ballon
atterrir, et comprirent le mot « ballon » répété en montrant la
direction où je l’avais laissé. Quant au chemin de fer, une loco
motive crachant la fumée, sommairement dessinée sur un carnet,
eut un plein succès.
Remontant les pentes, mes Tyroliens réussirent assez vite à
dégager la nacelle de sa corniche et à la ramener sur l’herbe
près du ballon. L’enveloppe pliée, emballée dans la nacelle,
le tout bâché, un schlittage fut organisé, et nous dévalâmes les
pentes à toute allure, le curé continuant à servir d'interprète.
Au village, un repas plantureux m’attendait, préparé par la
nièce du curé pour « les aéronautes » supposés. Cette jeune

lllllllllllllllllllllllllllllllfllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllill
personne avait appris le français, mais son français ne valait
pas sa cuisine et n’était pas plus compréhensible pour moi que
mon allemand pour elle. Cela ne nous empêcha pas de nous com
prendre en continuant de mélanger français, allemand et latin,
avec accompagnement de dessins hiéroglyphiques, sans oublier
les gestes, le tout assaisonné de bonne humeur, condiment qui
a toujours remarquablement facilité la bonne entente. Enfin,
mon hôte, le curé de Piller- Wiesen, me procura un chariot à
bœufs, de modèle antique, qui transporta mon matériel à la
gare d’Imst, et un train de nuit me rapatria par l'Arlberg,
Delle et Belfort.
Je me trouvais classé second, à quelques kilomètres de Blan-
chet, premier. Celui-ci avait atterri dans la plaine bavaroise,
.si l’on peut exprimer ainsi sa descente, absolument à bout
. .
de lest, dans un lac où il avait barbotté un bon moment, sans
lâcher son parapluie emporté en ballon, jusqu’à l’arrivée d’un
canot secourable.

Un Général aviateur.

Après cet intermède, je rejoignis le Camp de Châlons pour


y attendre mon Blériot dont les préparatifs de la deuxième
semaine de Reims retardaient les réparations.
Parmi les aviateurs présents au Camp, se trouvait alors le
général Bonnier, de l’Artillerie coloniale. Polytechnicien, ayant
participé à de nombreuses campagnes coloniales sous les ordres
de Borgnis-Desbordes, Archinard, Humbert, etc., brillant pro
fesseur à l’Ecole de Fontainebleau, puis à l’Ecole supérieure de
la Marine dans les intervalles de ses campagnes coloniales, le
général Bonnier était certainement l’un des premiers généraux
à croire à l’avenir militaire de l’aviation. Et comme il avait
l’habitude de traduire ses convictions en actes, comme son état
d’entraînement physique le lui permettait, il avait voulu prê
cher d’exemple. Le ministère se refusant à admettre un général
comme stagiaire à l’Aviation, il avait pris un congé d’un mois
pour faire son apprentissage à ses frais.
Le 1er juillet, le général Bonnier passait avec succès les
épreuves du brevet de l'Aéro-Club. Je ne pense pas qu’en con
tinuant, il serait jamais devenu un as du pilotage, mais, promu
général à 50 ans et âgé de 52 ans en juillet 1910, très énergique,
125 4 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
n’hésitant jamais à mettre la main à la pâte, il pouvait devenir
pour l’Aviation un excellent chef, si le ministère avait con
senti à l’y utiliser. Il eut été, à l’Etat-Major Général, l’apôtre
dévoué et autorisé des diverses applications militaires de l’avia
tion que nous avons mises sur pied à Vincennes de 1910 à 1914,
sans réussir à les faire adopter avant la mobilisation (1). Le
fait de piloter personnellement lui eût permis de se rendre
compte expérimentalement de la valeur des innovations au lieu
de les juger sur rapports, et aussi de se garder des beaux
par
leurs qui ont été si longtemps le fléau de notre aviation.
Mais le général Bonnier avait contre lui deux choses
:
général, il ne pouvait être utilisé dans l’aviation sans
en devenir
bientôt le chef, et, comme il était artilleur, le Génie qui venait
d’absorber la direction du service ne voulait pas, en l’utilisant,
perdre tout le bénéfice de sa victoire sur l’Artillerie. Si le
général Bonnier avait appartenu au Génie, c’eût été autre chose,
mais.
. . .
En second lieu, le général Bonnier avait le tort d’être le
frère du colonel Bonnier qui, en janvier 1894, s'était emparé
de Tombouctou en profitant d’une surprise audacieuse réussie
par le lieutenant de vaisseau Boiteux. Or, le colonel Bonnier
avait pris Tombouctou avec une colonne légère que devait
rejoindre au plus tôt une colonne lourde de ravitaillement coup
mandée par son second, le commandant Joffre. Joffre dut
con
tourner une inondation qui le retarda et ne lui aurait pas per
mis, en toute hypothèse, d’arriver à la date prévue.
Joffre mit-il toute l’activité désirable à rejoindre son chef
qui comptait sur lui et avait absolument besoin des approvi
sionnements portés par la colonne lourde ? Beaucoup disaient,
lorsque Joffre n'était pas encore le vainqueur de la Marne, qu’il
avait réglé sa marche, en 1894, bien plus en vue de la sécurité
de sa propre colonne qu’en fonction du désir de rallier rapide
ment son chef. Toujours est-il que Bonnier, sans nouvelles de
Joffre, crut nécessaire de se porter à sa rencontre et, négligeant
quelques précautions pour aller plus vite, fut surpris et tué à
Takoubao....

(1) Relèvement et désignation des objectifs d’artillerie, observation des


tirs. Photographie en avion. Armement des avions par mitrailleuses, fléchettes,
bombes.

iifiiiiiiiitiiiittieHitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiniiiitiniiiiiiiiiiiifiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
En 1910, le général Bonnier était considéré comme imputant
une lourde responsabilité à J offre dans la mort de son frère et
comme Joffre, prédécesseur du général Roques à la direction du
Génie, membre en 1910 du Conseil Supérieur de la Guerre, était
déjà fort puissant, les adorateurs du soleil levant, nombreux
au Ministère, n’auraient eu garde de donner la moindre satis
faction au général Bonnier classé parmi ses adversaires.
Le général Bonnier se vit donc écarté de l’aviation avec
d’autant plus de soin qu’il s’y intéressait davantage, et, pour
plus de sûreté, reçut un commandement de brigade en Afrique
Occidentale : ainsi, il n’y avait aucun risque qu’il pût s’imposer
par quelque prouesse d’aviateur.
Peu après parut une circulaire faisant savoir à toute l’armée
que les militaires pratiquant l’aviation à leurs frais ne seraient
pas considérés, en cas d’accident, comme blessés en service com
mandé, et qu’en cas de mort, leurs femmes et enfants n’auraient
droit à rien. Il n’y avait certainement rien à reprendre dans
cette circulaire au point de vue du droit strict. Il est cependant
permis d’y trouver un singulier encouragement à la diffusion
de l’aviation dans l’armée. Elle atteignit d'ailleurs son but,
qui était de dissuader les officiers d’apprendre à voler et de se
créer une notoriété en dehors de l’aviation officielle.
En même temps, toutes les demandes d’apprendre à piloter
venant d’officiers supérieurs étrangers au Génie était impi
toyablement éliminées, de manière à réserver le plus possible
les postes dirigeants aux officiers de cette arme. Par la suite,
on fut bien conduit à utiliser pour commander les principaux
groupements aéronautiques des officiers supérieurs brevetés
provenant d’autres armes mais, comme leur qualité de brevetés
les faisait rentrer au bout de deux ans dans un Etat-Major,
comme le défaut de brevet de pilote les privait de toute autorité
personnelle en cas de désaccord avec les directeurs du service
et permettait de s’en séparer sans difficulté, aucun des offi
ciers ainsi utilisés ne pouvait se permettre la moindre indépen
dance d’idées.
partie l’origine de l’insuffisance
Ces errements sont en grande
lamentable de cadres supérieurs dont l’Aviation a si longtemps
souffert.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniKinnniiiiiiiiii
1
256 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Meetings, courses et ascensions.

Le 3 juillet commençait
Reims la seconde semaine de Cham
à

pagne. Elle réunit la plus grande affluence d’aviateurs qu’on


eût encore vue —-76 appareils engagés — mais fut loin cepen
dant d’atteindre le succès de la première.
En août 1909, le grand public ignorait encore totalement
l'aviation. La traversée de la Manche par Blériot avait retenti
comme un appel de clairon. éveillant les curiosités, mais ne les
satisfaisant pas : le public accourait pour se rendre compte et
s’émerveillait que des hommes évoluent dans les airs sur un
fragile assemblage de bois, de toile, et de métal. C’était une
révélation. La note dominante de la semaine fut l’enthousiasme.
Le public de juillet 1910 savait qu’on volait, la plupart des
assistants avaient déjà vu voler, et n’éprouvaient aucune émo
tion à le revoir. Le pilote qui battait un record ne soulevait
même pas l’enthousiasme, car l’on attendait beaucoup de lui.
Le spectateur apportait une mentalité de critique sportif, il
notait avec intérêt le point où en étaient parvenus les cons
tructeurs : ceux-ci recueillaient des éloges, mais ce n’était plus
l’emballement de 1909.
La journée d’ouverture, à laquelle j’assistais, fut assombrie
par un accident tragique : Wachter, chef pilote de la maison
Antoinette et l’un de mes compagnons à l’aérodrome de Pau,
était avec Latham le meilleur pilote de sa maison, et une série
de vols par temps très médiocre dans cette première journée
avait confirmé sa réputation. L’atmosphère revenant au calme
vers le soir, il voulut en profiter pour tenter le record de la
hauteur.
Je me trouvais à ce moment avec le personnel de la maison
Antoinette, et je félicitais Mme Wachter des beaux vols exécutés
le jour même par son mari, en y ajoutant des vœux de succès
pour les jours prochains, tandis que Wachter s’élevait en tour
nant sur la piste. J’étais face à la piste, Mme Wachter lui tour
nant le dos, et Wachter, après un tour et demi de piste, arrivait
à peu près à 200m d’altitude, lorsque son enfant s’écria tout à
coup à côté de nous : « Regarde, maman, papa qui monte au
ciel. » Au même instant, un lambeau de toile se détachait de
l’avion, puis une aile entière, et c’était la chute verticale,
effroyable. Tandis qu’on s’efforcait d’emmener Mme Wachter

IIIIIIIIIIIIIItlIlllllllllllllllllllllllIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIItlIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIH
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1257

en lui disant qu’il s’agissait d’un autre pilote de la maison, je


courais en auto avec un ami au point de chute : nous n’y trou
vions qu’une bouillie sanglante.
L’examen des débris donnait, comme il est souvent arrivé,
beaucoup moins de renseignements que la vue même de la
chute, à cause de la difficulté de distinguer sur ces débris les
ruptures résultant de la chute de celles qui l’avaient causée.
J'étais certain d’avoir vu un lambeau de toile, puis une aile, se
détacher en vol. Mais la toile avait-elle cédé d’elle-même par
insuffisance de résistance, ou après rupture d’une des nervures
sur lesquelles elle était fixée, était-ce le collage qui avait cédé,
était-ce la fixation par clous sur les nervures ? Les vols du
matin par mauvais temps avaient-ils fatigué la toile, la pluie
avait-elle diminué l’adhérence du collage, les alternatives de
pluie et de coups de soleil avaient-elles réduit la résistance soit
de la colle, soit de la toile ? Fallait-il incriminer le caractère
un peu cassant de la toile encollée, etc. Autant de questions
auxquelles il était difficile de répondre sur le moment, mais sur
lesquelles il faudrait veiller à l'avenir pour éviter de semblables
accidents.
. . .

Au cours des journées du 3 au 10 juillet, tous les records


antérieurs furent battus : Olieslagers, sur Blériot, battit ceux
de distance et de durée par 392km sans escale en 5 h 3min 5sec.
Latham, sur Antoinette, celui de l’altitude avec 1384m. Morane,

Biplace Blériot sur le terrain de Vincennes, en juin 1910.

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll>>|||lllllllllllll•<llllllllllllllll
1258 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.

sur Blériot, celui de la vitesse avec 201m en 12min 45* 3 5. soit


un peu plus de 94kmh.
Les monoplans s’étaient taillés la part du lion et, bien
que
IL Farman et Sommer se fussent très honorablement défendus,
les biplans n’auraient pas figuré au palmarès
sans les épreuves
militaires où Camermann et Féquant gagnèrent les prix.
L'épreuve était d’ailleurs dépourvue de toute valeur probante
en ce qui concernait les appareils employés car, appareils et
pilotes étant désignés par l’autorité militaire, celle-ci n’avait
engagé, en dehors des gagnants, qu'Etevé,
sur biplan Wright,
et Acquaviva sur Blériot-Anzani.. ce qui revenait à engager
.
en 1910 les appareils les plus remarquables de 1909. L'admi
. . .
nistration militaire prenait dès lors la marge de retard qu’elle
a toujours sur la construction civile (la période de guerre
exceptée).
Il y avait aussi un prix de cerfs-volants montés pour lequel
s’étaient seuls engagés des officiers : il fut gagné par le lieu
tenant Basset avec un séjour de 42min à 130m sur un cerf-volant
du capitaine Saconney. Le capitaine Madiot s’était bien élevé
à 180m, mais n’y était resté
que 37min : il ne remporta donc pas
le prix, ce dont je fus désolé, car Madiot, construisant à
ses
frais et montant lui-même ses appareils, méritait bien
ce succès.
D’autres meetings avaient eu lieu ou étaient annoncés, à Rouen
fin juin, à Lille du 11 au 18 juillet, à Caen fin juillet, mais
aucun de ces meetings n’eut le retentissement de la semaine de
Reims, et d’ailleurs l’attention se détournait déjà de
ces compé
titions en vase clos pour s’intéresser aux vols sur la campagne.
a Le Matin» annonçait une grande course en six étapes sur le
parcours Paris-Troyes-Nancy-Mézières-Douai-Amiens-Parispour
la période du 7 au 17 août.
Le 10 et 17 juillet, je pilotai deux ascensions militaires
en
ballon libre, mais à titre civil, ce qui peut paraître un comble.
Le ministère avait estimé nécessaire d’entraîner les officiers
d’Etat-Major à l’observation aérienne, mais manquant de diri
geables, et les voyages à deux
en avion étant encore très exception
nels, il avait jugé commode de recourir au ballon sphérique libre.
Le Génie ayant dû, là encore, déclarer ses
ressources insuffi
santes, le ministère s’était adressé à l’Aéro-Club, lequel faisait
appel à des pilotes de bonne volonté pour
assurer ce service.
Je m’étais inscrit et, en conséquence, je recevais à chaque
ascen-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiii!
sion, ainsi que mes collègues, un avis du ministère de la Guerre
(direction du Génie) m’informant que ma prochaine période
d’instruction comme réserviste serait réduite de 48 h pour tenir
compte de cette ascension. N’eût-il pas été plus simple que
. . .
le Génie voulût bien admettre l’existence dans l’armée de
pilotes instruits en dehors de lui et les utilisât sans passer par
l’Aéro-Club ?.... Il est vrai qu’en même temps qu’elle recou
rait à mes services à titre civil, elle m’adressait, en tant que
militaire, une note menaçante pour avoir franchi la frontière
à l'occasion d’un concours aéronautique sans avoir au préalable
demandé une permission pour le pays étranger où je comptais
atterrir. Encouragement au sport aéronautique.
Il est impossible d’imaginer une ascension plus différente de
. . .

ma course du 26 juin que mon ascension du 10 juillet. Parti


à 14h 10min du parc de l’Aéro-Club aux coteaux de Saint-Cloud

avec le commandant Baignol, les capitaines Maure et Sazerac


de Forges, nous fîmes, pendant trois heures, maints tours et
détours entre le Mont-Valérien, la Malmaison et le vallon de
Sèvres, pour atterrir finalement à la lisière du parc de Saint-
Cloud, dans le potager d’une propriété privée, que cinquante
gaillards trop curieux s’empressèrent de piétiner, après escalade
de la clôture, pour contempler mon ballon de plus près : j ’étais
plutôt ennuyé d’être l’occasion très involontaire du massacre
des plates-bandes et, le pliement du matériel organisé sous la
direction de mes passagers, je me dirigeai vers l’habitation
aperçue à travers les arbres pour devancer par mes excuses les
reproches attendus.... Une porte-fenêtre largement ouverte
donnait accès dans un salon obscur où j’entendais parler et,
passant du grand jour à une pièce sombre, je clignais des yeux
sur le pas de la porte sans rien distinguer, quand une voix
connue m’interpella gaiement : «Bonjour, mon cher camarade.
— C’est plutôt l’absence de vent... ».
Quel bon vent vous amène ?
J’étais chez M. Laroche, ancien polytechnicien et beau-père de
l’un de mes meilleurs camarades, qui retint à dîner les hôtes
ainsi tombés du ciel.
Le 20 juillet, l’Aéro-Club communiquait à la presse un tableau
des officiers possesseurs du brevet d’aviateur au nombre de
dix-neuf. Ce tableau établi par grade, commence par le général
Bonnier, déjà cité, le commandant Clolus et le capitaine Bur-
geat, cuirassiers tous deux, brevetés à leurs frais mais que la

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIflIlHlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll!
1
260 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
direction de l’Aviation militaire n’a jamais voulu connaître
comme aviateurs. Puis viennent Marie, Etévé, Marconnet,
Madiot, Camermann, Sido, Acquaviva, dont j’ai déjà parlé. La
liste est complétée par Maillols et Chevreau, qui venaient d’être
brevetés sur Wright, Letheux, Remy et Basset, premiers élèves
de Camermann, Mailfert et Gronier, élèves de Féquant (moi-
même complétant le chiffre 19).
Chevreau détint peu après le record de deux appareils
détruits en un seul jour sans accident personnel. Il avait été
envoyé représenter l’armée au meeting de Caen. Un matin, il
fait une chute dont il se tire personnellement indemne, mais où
son Wright est anéanti ; il prend le train, se précipite à Vin-
cennes dans le bureau du colonel Estienne :
«Mon colonel, j’ai eu ce matin un accident à Caen. Mon Wright
est en morceaux, mais je n’y ai rien compris. Pouvez-vous m’expliquer
ce qui s’est passé ? »

Discussion. Pour plus de clarté, Chevreau fait sortir du


hangar le Wright de Maillols, renouvelle sur lui ses explications,
puis, emporté par le feu de sa démonstration, s’y installe et
s’envole en disant au colonel Estienne :

« Je vais vous montrer ce que j’ai fait. »

Quelques minutes après, en tentant de reproduire la ma


nœuvre malheureuse du matin, Chevreau brisait complètement
ce nouvel appareil aux pieds du colonel, mais, indemne comme
le matin, bondissait du milieu des débris vers lui en déclarant :
C’est trop fort; c’est tout à fait comme ça que ça s’est passé ce
«
matin, mais je n’y ai encore rien compris. » — « En tout cas, répond
le colonel, ne recommencez pas une troisième fois : nous n’y com
prendrions peut-être encore rien ni l’un ni l’autre, mais vous finiriez
par y rester. »
D’après ce qui m’a été raconté, je pense que la seconde casse
tout au moins est due à un atterrissage exécuté vent debout
sur terrain abrité, comme je l’ai expliqué à propos de mon
accident du 21 juin : Chevreau n’avait pas, à cette époque,
l’expérience du polygone de la Maison-Blanche, et ni le colonel,
ni moi, ne possédions encore l'explication complète de ce genre
d’accidents.
Le sous-lieutenant Gronier fit dans l’Aviation une carrière
brillante, mais fort courte. Venu des cuirassiers à l’Etablisse-
ment de Vincennes, et détaché à Mourmelon, il apprit en quel
ques jours à piloter sous la direction de Féquant. Arrivé le
17 juin, pilote le 4 juillet, il paraissait assez confirmé vers le
14 juillet pour qu’on songeât à l’envoyer survoler la revue, ce
qui eût été bien imprudent, le temps étant brumeux, et les
avions bien peu sûrs (comme tous ceux de cette époque). Il se
produisit heureusement au départ quelques incidents sans gra
vité mais suffisants pour entraîner un contre-ordre.
Le 25 juillet, Gronier était envoyé au meeting de Caen, où
il se distingua, et d’où il revint le 6 août par air à Vincennes,
soit 217km en 3 h 30min de vol, coupées par une escale au champ
de manœuvres du 6 e Dragons près d’Evreux, le tout avec le
lieutenant Clavenad comme passager, ce qui était un fort beau
vol pour l’époque. Malheureusement, quelques jours après, en
voulant rejoindre le Circuit de l’Est, Gronier faisait une chute
où il se brisait la cuisse de façon si malheureuse qu’il dut être
réformé et quitter l’armée.
Dans un service où la doctrine était incertaine et souvent
inexistante, l'emploi d’officiers provenant de l’Infanterie ou de
la Cavalerie était beaucoup plus délicat que celui d’officiers
d’Artillerie ou du Génie.
La formation des officiers de chaque arme est réglée d’après
les conditions d’emploi de l’arme : l'attaque à l’arme blanche
étant, jusqu’à 1914, considérée comme l’acte décisif du combat
d'infanterie ou de cavalerie, les qualités primordiales recher-
chées dans ces armes étaient l’élan et l’entrain; mais l'ajustage,
la précision du tir de batteries immobilisées par leur tir même
étant indispensable à l'efficacité de l’artillerie, la formation des
officiers de cette arme était orientée vers le sang-froid, l’apti
tude à l’observation et au calcul sous le feu ennemi. Et de
même, l'ordre d’attaquer un bois ou un village donné à un
officier d'infanterie par un supérieur toujours très rapproché
ne comportait ni discussion ni interprétation, au lieu que l’offi
cier d'artillerie, souvent éloigné de son chef, devait fréquem
ment faire acte d’analyse critique et juger la situation pour
agir. De là, une mentalité caractéristique de chaque arme et
que chaque officier apporte avec lui, compte tenu de son tem
pérament propre, dans le service auquel il est affecté.
Fantassins et cavaliers apportaient donc dans l'aviation, avec

hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiii
<1111111111
1
262 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
leur entrain habituel, leur tendance à l’obéissance passive, à la
confiance aveugle dans l’autorité, alors que les artilleurs cher
chaient davantage à contrôler les affirmations, à se rendre
compte par eux-mêmes. Il en résultait que les premiers progres
saient souvent plus vite tant qu’ils ne sortaient pas du terrain
complètement exploré par leurs devanciers, mais qu’au delà de
ce terrain, ou bien ils couraient droit à l'accident en se fiant
à des théories assez hypothétiques, ou bien ils étaient paralysés
par l’absence d’instructions et l’impréparation aux tâtonne
ments méthodiques des recherches expérimentales.
La formation de l’Ecole Polytechnique s’est montrée très
supérieure à cet égard par la distinction qu’elle habitue à faire
entre la manœuvre, où la discipline et la soumission hiérarchique
sont de règle, et les questions techniques où le culte de la vérité
doit seul faire loi. Aussi les Polytechniciens ont-ils grandement
contribué aux progrès de l’Aviation militaire; par contre, leur
indépendance dans les questions techniques, mal appréciée par
des supérieurs d’origine différente, a conduit à leur élimination
presque complète du haut commandement de l’Air.
Lieutenant-Colonel BELLENGER.
(A suivre.)

IIIIIIIIIIIIun IIIIIII[1IIIIIIIIIIllllllllllIIIIIIIIIIII11IIIllIlllllllllllllIII1IIIII1II111IIII11I1I1IIIIIII1IIIIIIIII11IIIIIII1II1IIIII
*lllll<lllllll I Itll 11IIIIIII llltlllllllIIIIIIIIIIIII Htl IIIKIIIIIIIIIIItlll I IIHIIIIPil I IIIIIIIIIII II 1111111IIIIII11IIIIIIIIIIIIIIIII

Réflexions sur la deuxième Fête de l'Air

Les notes ci-dessous, relatives à la Fête de l’Air donnée au Bourget


le 12juillet, visent à l’objectivité et à la critique constructive. Elles se
proposent ainsi de rendre service aux officiers qui seront chargés en 1937
d’organiser la grande manifestation désormais classique.

I. La fête.
De même qu’une bonne conférence ne doit pas excéder 1115min,
un bon meeting ne doit pas dépasser 3h. C’est une erreur d’étirer la
Fête sur 8h, de 1oh à 18h, même avec un arrêt pratique des exhibi
tions entre i2 h et 15h.
La matinée a été vide, et il ne pouvait en être autrement. Un moto-
ballon, oscillant comme une balançoire, s’est chargé du lever de
rideau. Trois D. ont fait de leur mieux, passant et repassant;
500
un planeur a atterri. C’est fort peu pour 2 de spectacle. 11

On fera sagement, l’an prochain, en supprimant toute exhibition


avant 15h. Si l’on veut que la Fête de l’Air dure réellement une
journée entière, une façon intelligente d’occuper le public jusqu’à 14h
consisterait à lui ouvrir les hangars, à l’admettre familièrement autour
des appareils en service, près desquels des sous-officiers se tiendraient
prêts à satisfaire toutes
les curiosités. Une telle
visite passionnerait nom
bre de jeunes gens.
Un parc de prototypes
s'impose, parc avec circu
lation à distance si l’on
désire garantir un certain
secret.
<o
A partir de i5 h , le spec
tacle a compensé les fati
gues d’une attente insipide
et d’un déplacement sans Un moloballon s’est chargé du lever de rideau
confort. Bien que tous les Prototype ZODIAC M. B. Z. 3).

• •••«l••••«•••l••a••tllllt•l«|||||||||||||1ll|||||||||||*|||*|||*||||*|||l1****11111111*1*111*11111111*1
III*1111111*1**1l*il(*lllll**l«tr
1264 BEVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.

Trois D. 500 ont fait de leur mieux, passant et repassant...

exercices de voltige aérienne ressemblent et que, pour éblouir, le


se
programme eût dû comprendre deux fois plus de numéros, deux d’entre
eux ont traduit un effort réel et laissé au spectateur une impression
de réussite : la présentation des escadrilles de haute voltige de Dijon,
les évolutions de neuf D. 500 commandés par T. S. F.

Des side-cars militaires ramènent en bordure du terrain les parachutistes : ici


deux « infirmières de l’air ».
Voici, sauf erreur, ce
qui nous fut offert.
Un hors d’œuvre. -—
Douze hommes— dont
quatre femmes, on ne
l’a vu qu’après — sau
tent de quatre Caudron.
Les femmes sont des
« infirmières de l’air ».
Les sauteurs posés,
des side-cars militaires
s’élancent vers les
points de chute et ra
mènent en bordure les
parachutistes.
Vinrent ensuite les
escadrilles de haute
voltige de Dijon, con
duites par le comman
dant Weiser. Trente
avions, en colonne par
un sur 1000 à 1500m,
réalisèrent ces figures
linéaires qu’une corde
ondulante peut dessi
ner dans l’air : montée
en spirale (véritable
carrousel hélicoïdal),
double looping en file, Deux infirmières de l’air après leur saut en
« »

etc. Chaque avion, par parachute, au cours de la Fête.


venu au point de l'es
pace où avait opéré le commandant, y recopiait la figure indiquée.
Puis nous vîmes des passages de patrouilles en escalier, en échelons
de toutes catégories, et enfin une très belle dislocation en gerbes.
Et ce fut le tour de Doret, aimé du public et dont les très longues
montées en chandelle, sur son Dewoitine à l’extrados zébré rouge et
blanc, font partie du vieux fonds, maintenant classique, de ces
sortes de spectacles.

Arrivons au défilé des prototypes. Chacun d’eux est passé sur le


front du pesage au moins deux fois, dont l’une en vitesse et l’autre
au ralenti, semble-t-il.
On connaissait la plupart des appareils : Caudron-Renault 670
(bimoteur transporteur de troupes à dérive dédoublée), Bloch 210,
Breguet 460, Farman 221 et 222. Deux nouveaux venus : le mono
place de chasse Morane-Saulnier 405 et le bimoteur triplace de chasse
Potez 63.

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll'lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
R. A. A. — N° 88. 5
1266 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Le Potez 63, auquel ses deux Hispano-Suiza 14 H b entraînant des
hélices tripales Hamilton-Standard Hispano-Suiza à pas variable

donneraient une vitesse de 5ookmh, est d’un dessin agréable. On dirait
une réduction au pantographe de ces puissants bimoteurs nés
États-Unis et que les bureaux d’études ont acclimatés aux
un peu partout.
Mais c’est une réduction à indices offensifs dérive dédoublée,
: nez
pointu avec quelque méplat par-dessous et, plus loin, deux bossages
de canons, toit transparent en arches coulissantes. Vu
sa petitesse,
on soupçonne son aile tranchante d’être bourrée en son centre des
multiples organes indispensables à sa perfection tringles, tiges,
:
canalisations, liaisons innombrables, se mangeant l’espace les
unes
aux autres.
Dans ce fuseau étroit, trois hommes, trois petits hommes prison
niers, en file, servants de mécanismes dont il vaut mieux oublier la
complexité pour n’en pas craindre les défaillances, vérifieront les
lois du hasard dans le tir des bouches à feu aux grandes distances.
Le Morane-Saulnier 405, aux mains de M. Détroyat, atteint
un
degré inouï de maniabilité. Son hélice à pas variable doit développer
au point fixe une traction considérable, car l’appareil paraît monter
indéfiniment, sans effort. Dans cette lutte directe contre la
pesan
teur, suivant la verticale ou presque, le propulseur triomphe long-

Évolutions de l’une des escadrilles de Morane-Saulnier


225 conduites par le commandant Weiser..

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1
267

Une escadrille de neuf MORANE-SAULNIER 225 s’apprête à se disloquer en trois


gerbes de trois avions.

temps, plus fort la vitesse diminue, pas assez cependant


à mesure que
pour éviter le basculement final, au sommet de la trajectoire, alors
que l’appareil, suspendu à son hélice, semblait s’élever encore.
C’est la possibilité de l’envol sans roulement que la course à la
puissance, combinée avec la variation de pas du propulseur, nous
laisse entrevoir comme prochaine. Des solutions ont déjà été envi
sagées qui toutes, pour l’instant, passent par l’intermédiaire de
l’hélice inclinée. Par exemple, Caproni propose un fuselage articulé,
reposant au sol non par sa béquille mais par le milieu de son fuselage,
de manière à cabrer l’axe d’hélice de 45° environ; et Dornier a
envisagé, sur un bimoteur, le pivotement vers le haut des groupes-
moteurs montés sur le bord d’attaque de la voilure.
Le jour où la charge au cheval des ailes sera voisine de la traction
par cheval des propulseurs au point fixe, les pilotes auront le choix
entre l’emploi de l’aérodyne comme avion ou comme hélicoptère;
un nouveau champ d’acrobaties s’ouvrira, auprès desquelles nos
loopings actuels ne seront qu’amusettes.
Le Morane 405 atterri, une foule de curieux se rue et l’entoure,
parmi lesquels les inévitables fervents de la plaque sensible. Ces
misérables n’opèrent en toutejquiétude que peu de temps, dix à
quinze secondes, mais
c’est plus qu’il n’en
faudra pour alimenter
toutes les publications
du monde en aspects
sous tous les angles de
l’espoir de l’aviation
française. Cependant
une consigne circule :
« Pas de photographie !
Pas de photographie ! »
Si vraiment la divul

2 gation de tels aspects


devait mettre notre
aviation de chasse en
grand danger d’être
battue, mieux vaudrait
encager d’abord les Les neuf MORANE-SAULNIER 225 un instant avant
prototypes dans un leur passage au dessus du pesage.
\eiser.

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll»|llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1268 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
parc bien défendu. Mais inter
dire les kodaks d’amateurs lors
que les professionnels des
agences ont opéré est une plai
santerie.

Sont présentées ensuite :

— La patrouille d'Étampes.—
Cinq Morane 225 (très belle dé
monstration de vol inversé ;
synchronisme parfait ; progres
sivité impeccable dans les pas
sages sur le dos et les retours à
la position normale);
— Des figures acrobatiques
avec émission de fumée, par
M. Détroyat;
— L’école de parachutistes
d'Avignon-Pujaut. — Cinq LeO
Descente en parachute de quelques élèves 256 et un Potez 25 larguent une
du centre d’Avignon-Puiaut. quinzaine de parachutistes; il
semble que les vitesses de con
tact avec le sol soient élevées. Les sauteurs firent preuve d’un en
traînement poussé en demeurant presque tous debout à l’atterrissage,
malgré l’obliquité prononcée des trajectoires de descente due à
un vent plutôt fort.
«
Les évolutions commandées du sol par T. S. F. de neuf Deivoitine 500
devaient être le « clou » de l’exhibition. Les avions volant en file,
par exemple, le speaker
annonçait : « Tonneau
à droite. A mon com
mandement ». Et il
comptait lentement :
« Un, deux, trois,
quatre... ». Les hauts-
parleurs portaient l’or
dre donné à tous les
points du terrain, les
ondes aux oreilles des
pilotes. A l’appel de
son numéro d’ordre,
chaque avion exécutait
la manœuvre indiquée,
sans une erreur, sans
une fausse note dans
l’ensemble. L’escadrille Calotte de parachute un instant avant l’atterrissage.

**<111111 nu un muun 11 m 11 h 11ni ii 11111 nu uni iiiiiiiiiii11 111 u 111 m 11 u u11111u i un 1111 m iiiiiiii i iiiiiiii iiiiiiiiiiii
a ainsi défilé à plusieurs reprises, viré et pirouetté. Le « rompez
vos rangs » final, trois par trois, toujours au commandement, en
trois gerbes successives, déclencha des applaudissements mérités.
Sous l’angle du combat, la transmission par téléphonie des ordres,
soit de terre avion, soit d’avion à avion, apparaît comme un perfec
à
tionnement capital. Elle apporte la possibilité de rassembler en un
point de l’espace tel groupe de chasseurs dont la présence va être
décisive et, dans la patrouille en vol, la possibilité des actions d’attaque
combinées.
L’équipement en T. S. F. des monoplaces de chasse, réalisé en
nombre de pays depuis plu
sieurs années, n’a que trop
tardé en France. On doute
simplement qu’avec le nom
bre effarant d’instruments à
surveiller, de commandes à
manipuler, de consignes à
observer, d’ordres à exécuter,
la conduite en guerre des
monoplaces n’exige tant de
dons qu’il se trouve un pour
centage suffisant d’individus
susceptibles d’y réussir.
Cependant, s’il fallait net
toyer les avions de chasse
de ces équipements de conser
vation et de conduite ra
tionnelle qui pullulent sur
eux, la téléphonie sans fil Évolution, commandée du sol par T. S. F.,
serait parmi les derniers à d’une escadrille de DEWOITINE D. 500
démonter. (en réalité, neuf appareils).
Quelques progrès à réaliser :
a. Il ne semble pas que les écouteurs soient intégrés au casque;
leur pression d’appui doit blesser à la longue les pavillons;
b. La puissance des appareils serait insuffisante et, suivant la di
rection d’émission, la réception plus ou moins nette; ainsi, on a cru
remarquer que l’hélice en rotation formait un écran gênant poul
ies ordres transmis de l’avant.
Ces difficultés ne sont pas spéciales aux avions de chasse. Dans les
atterrissages radioguidés d’appareils intégralement métalliques, par
exemple, la position de l’antenne pour laquelle les diverses masses du
fuselage ou du planeur ne forment pas obstacle à la réception, lors
du vol aux grands angles, est quelquefois difficile à trouver. C’est
pourquoi l’on va jusqu’à monter les antennes sur le nez des fuselages,
où l’on dispose d’ailleurs d’une surface trop réduite pour que cet
emplacement soit pratique : les émetteurs des radiophares sont
pourtant puissants. Dans ces conditions, quelles limitations ne

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1270 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
peut-on accepter de la part d’installations soumises aux contraintes
d’encombrement et de poids maximum que l’on sait ?
Quoi qu’il en soit, la transmission de la parole en vol ne serait,
pour l’instant ni si forte, ni si régulière que l’on ne préfère utiliser
un code chiffré; on trouve à cette solution l’avantage supplémentaire
d’un secret relatif.
Re ¬

passons sur les acrobaties de Massotte sur Loire 46, de Cavalli sur
Gourdou-Leseurre, de Détroyat à l’occasion de l’amusant numéro
«
Adémaï aviateur ».

Vers 1714omin, dans


un ciel sombre qui va
dégénérer en pluie, ap
paraissent à l’Est les
formations que con
duit le général Vuille-
min. On dénombre, au
passagesur les tribunes:
35 Potez 54, 36Bloch 9.00
et 35 Dewoitine 5oo.
Un défilé beaucoup
plus important avait
été prévu. Dès le 10
juillet, les concentra
tions suivantes s’é
taient opérées : à
Chartres 70 bimoteurs
Amiot et Bloch, à
Étampes 5o Potez 54
et 40 Mureaux », à
«
Villacoublay 55 Dewoi
tine 5oo, à Orly 47
Huit resquilleurs
«
l’Armée de l’Air suivent
» de monoplaces Dewoitine
la Fête du sommet d’un hangar. 500 et Morane 225. Ces
262 avions, en trois
escadres comprenant respectivement 9, 11 et 7 pelotons de sept
avions, en principe, devaient se rassembler au-dessus du Bourget
et défiler à 2oo kmh environ. Le général pouvait communiquer par
T. S. F. directement avec chacun des avions lourds; la liaison avec
les escadres de chasse était assurée par l’intermédiaire d’une retrans
mission, faite de terre, des ordres du général.
Vers 16h, M. Bureau, directeur de 1’0. N. AL, avait été appelé
au P. C. du régiment. Les services de la rue de l’Université, consultés
sur l’aggravation possible du temps, durent émettre un avis pessi
miste, et Chartres ne se dérangea pas; voilà pourquoi l’on ne vit
dans le ciel du Bourget qu’une centaine d’avions au lieu de 200.
Bendons hommage, en passant, au service de la prévision du temps :

<11 iiiiiiiii 11 mi 1111111111111111111111imi mil 11111111111 nui 1111111111111111


uni 1111111111111it 111111M1111111111111111111111111111111
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1271

Les mêmes vus de trois-quarts arrière.

la pluie orageuse annoncée la veille, pour la région parisienne, aux


environs de 16h, survint vers 18 au Bourget.
«
Les prototypes d’avions de transport Breguet « Fulgur », Caudron
« Goéland », Bloch 220, Potez 60, Deivoitine 338,
auxquels se joignit
un Wibault 283, défilèrent sous des nuages de plus en plus menaçants.
Puis une collection disparate d’avions de tourisme s’empara du
ciel : toute une gamme de Caudron
— « Rafale», « Simoun », « Aiglon » -—-,
les Farman 400 et Moustique », le
«

nouveau Alauboussin « Hémiptère »,


un « Corsaire » à empennage en
V, le S. F. A. N. biplace et un vieux
Caudron G. 3.
C’est enfin sous une pluie bat
tante qu’un Blériot 510 s’efforça,
par des piqués téméraires et bru
yants, de forcer l’attention des
derniers amateurs.

II. Suggestions.
Bâtir un programme, sans trous
ni faiblesses, qui présente un intérêt
égal pour des spectateurs placés à Dans la zone de sécurité.
des distances très différentes, n’est
Deux spectateurs privilégiés
pas une entreprise commode. suivent l’atterrissage d’un bimo
Remplir le ciel. — Une Fête de teur Breguet « Vultur ».
127 2 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
l’Air n’aura jamais trop
de densité. Réfléchis
sons à l’immensité du
ciel : une escadre d’a
vions n’en occupe
qu’une infime tranche.
Que dire si, pour la
meubler, on n’y lance
qu’une machine dont
les évolutions, morne à
grand rayon et grande
vitesse, apparaissent
comme de fugitifs
griffonnages ?
Spectacle de même
qualité pour tous. — Un
autre écueil. Les pilotes
tendent -— involontai
rement , sans doute,
mais d’indiscutable
façon — à centrer leur
exhibition par rapport
à la tribune officielle.
Où « Adémaï aviateur »
tente-t-il de poser son
Morane 1 à 100m du
carré où siège M. Le
L’escadre du général Vuillemin défile. brun. Où les prototy
pes font-ils leurs belles
lignes droites à faible altitude ? parallèlement au pesage, à des
distances variant entre 50 et 200m de la zone de sécurité.
Le spectacle dut paraître insignifiant et lointain aux occupants des
enceintes populaires. Seules les descentes en parachute, la présen
tation des trente Morane 225 du commandant Weiser et celle de
neuf D. 500 commandés par T. S. F. purent être suivies par eux
avec commodité.
La répétition des figures sur les deux côtés du terrain augmenterait
la dilution du programme, bien qu’on puisse se limiter aux deux ou
trois numéros les plus importants. On pourrait encore déplacer l’axe
des exhibitions alternativement côté route de Flandre et côté route
de Dugny.
Spectacles simultanés.
— Une solution qui pallierait à ces difficultés
réelles et semble digne d’être étudiée consisterait à présenter simul
tanément un spectacle au sol et un spectacle en l’air.
L’inconvénient d’un « trou » entre deux exercices sensationnels est
bien compris au cirque où, le salut de la vedette à peine terminé,
une troupe de clowns s’empare de la piste. Pour un meeting d’avia-

iiiiiiinmniin iiiiiin iniiiiiiiiiiiii iihi un mi m 111111111111uni 000001111 ii ininiiiiiiiiiiiiiiiniiiiuni 088050660060600060.


Où Adémaï aviateur » tente-t-il de poser son Morane ?
«

à 1oom du carré où siège M. Lebrun.

tion, le problème, bien que concernant une foule, est d’une nature
similaire.
Le spectacle au sol devrait être édité, par les équipes nécessaires,
en un nombre d’emplacements tel (trois ou quatre) que chacun,
quelle que soit sa place, en ait une vue claire et satisfaisante. Commenté
avec adresse dans les intervalles où le ciel serait vide, il rendrait
ceux-ci acceptables; il constituerait l’élément continu et élastique
de la manifestation.

La tribune des attachés de l’Air, au pesage.

Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1274 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
On doit pouvoir
trouver, dans les acti
vités de l’aéronautique
à terre, et dans celles
de la D. C. A., des thè
mes intéressants et
d’exploit ation com
mode.
Quelques spectacles au
sol possibles. — 10 Gon
flement et ascension à
faible altitude d’un
ballon captif. En fin
d’ascension, attaque
par un avion de chasse
qui se rend d’un ballon
à l’autre; rappel au
treuil.
20 Franchissement,
par un ballon captif,
d’obstacles simples
matérialisés sur le ter
rain : voie ferrée avec
fils télégraphiques, ri
vière, etc. (concours
de rapidité).
La pluie ayant cessé, les spectateurs abandonnent les 3° Transformation
hangars où ils s’étaient réfugiés. d’une « saucisse » en
motoballon, tour de
terrain à faible altitude, retour au point de départ, démontage,
dégonflage, mise sur remorque (concours de rapidité).
4° Poursuite par un projecteur moderne, commandé à distance
au moyen d’une simple lunette de pointage, d’un avion manœuvrant
bien au-dessus de la zone où se déroulent les acrobaties. L’avion est
peint en blanc; la lumière du projecteur est colorée. On constate
que l’avion est toujours illuminé. Les projecteurs se passent l’avion
de l’un à l’autre et posent sur lui, chacun à leur tour, mais sans
solution de continuité, leur faisceau rouge, vert, etc.
Il appartient aux spécialistes d’étudier si des exercices de ce
genre sont possibles sur un terrain tel que le Bourget, dans le cadre
d’une Fête de l’Air. D’autres réalisations semblent ne présenter
aucune difficulté. Par exemple :
5° Des Amiot et des Bloch revenant d’un bombardement atter
rissent. Ils se dirigent vers trois (ou quatre) postes qui représentent
des terrains différents et où les attendent autant d’équipes de méca
niciens. Les appareils sont ravitaillés en combustible et en bombes

lllllllllllllmmlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltllllmlll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1275

sous les yeux du public, et ils décollent pour une nouvelle mission
(concours de rapidité).
Sujets d’exhibitions aériennes. — Voici quelques exercices que l’on
pourrait tenter de présenter en public si leur exécution n’est pas trop
dangereuse; ils intéresseraient certainement.
Évolutions d’avions radioguidés;

— Catapultages d’appareils;
— Décollages et atterrissages automatiques;
Appel au concours de la Marine pour des défilés d’hydravions
et d’un dirigeable;
•—
Doubles et triples sauts en parachute. Il est souhaitable que
l’on prévienne — par fusée par exemple — de l’instant où les sauts
vont avoir lieu : un homme plié en deux, à 1000m, est vu sous un
angle d’un millième, peu de chose comme chacun sait;
— Saut d’ensemble de cinq ou six parachutistes à partir d’avions
en file. Les hommes déclenchent leurs voilures avec des retards en
progression arithmétique : le premier au bout de 3 secondes, le
deuxième de 4, le troisième de 5, etc. (effet artistique; épreuve de
régularité mettant en évidence le sang-froid des sauteurs);

Aspect d’une partie du pesage dans l’après-midi.

11 un ii iiiiii i un nu i un uni i ii mi ii in 111 ni i iiiiii in iiiiii i ii 111 in ii 11111 ni ii ii 111 un ii i iiiiiii mi i iiiiiii t iiiiiiii
11 11 iiiiiiii
1
276 BEVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.

— Exploitation
poussée des possibilités
du si curieux appareil
qu’est l'autogire : dé
monstrations de décol
lage sur place, prise
de charges en vol,
concours de vitesse
minimum de descente
entre autogires, entre
autogire et parachu
tiste, etc. ;
•—-
Concours de bom
bardement à ooo m par 1
La musique de l’Air fut trop discrète.... bombes traçantes. Le
réglage des viseurs
peut être le plus précis qui soit pour de telles bombes, car il est
loisible, au préalable, de cinématographier les trajectoires dans
des conditions de jet données et d’en déduire les temps de chute,
traînées, etc. pour toute une série de vents;
—- Démonstrations de bombardement en vol rasant, et en piqué,
de panneaux verticaux ou horizontaux.

So
Tenue et attitude des soldats sur le terrain : parfaite, aucune
fausse note. Complaisance et courtoisie des officiers de service :
au-dessus de tout éloge, comme il se doit. La musique de l’Air fut
trop discrète; on l’aurait entendue volontiers plus longtemps et
plus souvent. Transmission et amplification excellentes, sauf pour
les réponses d’Adémaï aviateur; débit du speaker un peu rapide
pour les auditeurs étrangers. On aimerait enfin que le résultat finan
cier des Fêtes de l’Air fût publié.

«tiiiiivaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinr
aBllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIllIllllllIllllIlllllllllllllllllllllllllllIllIlllllllllllllllllll

INFORMATION GÉNÉRALE

L’interception des bombardiers.


Ceproblème de cinématique vient de faire l’objet d’une étude du
capitaine G. Feuchter de l’Aviation allemande (« The Army, Navy
and Air Force Gazette », 3 septembre 1936), qui est une contribution
de données numériques plutôt qu’une étude d’ensemble.
Le temps pour amener le chasseur au contact sur alerte est estimé
comme suit :
i° Arrivée des informations, des postes de guet et transmission
à l’escadrille de chasse : 2min (on sait combien, en pratique, on est
encore très loin d’une pareille rapidité de transmission);
2° Décollage des chasseurs : 4min;
3° Montée des chasseurs à l’altitude de vol des bombardiers.
L’auteur prend un exemple : bombardiers à 5000m, vitesse ascen
sionnelle des chasseurs égale à 66
par minute. soit 7min,5.
Au total : i3 min ,5. C’est le minimum théorique en supposant toutes
conditions favorables remplies.
En fait, arrivés à l’altitude des bombardiers, les chasseurs vont les
dominer et chercher une position d’attaque (soleil dans le dos), ce
qui pourra demander Donc 15min comme minimum.
Supposons que les chasseurs aient une vitesse de 288kmh; dans le
délai, ils auront parcouru 72 km.
Durant ce même délai qui ne comporte que 9min de vol, les
chasseurs auront parcouru horizontalement seulement 36km, si
l’on admet que leur vitesse horizontale, pendant leur montée, est
de 24okmh, chiffre raisonnable pour une vitesse maximum en vol
horizontal de 465kmh.
Dans le cas le plus favorable, où les chasseurs peuvent se diriger
en ligne droite vers l’ennemi, une interception n’est possible avant le
bombardement que si l’objectif se trouve à plus de 72km du poste
de guet ayant le premier alerté. Cette possibilité appartient à tout
chasseur dont le terrain de départ se trouve dans un cercle ayant
pour centre le point situé à 72km du poste de guet, et pour rayon 36 km .
Avec des bombardiers réalisant 4ookmh et des chasseurs à 48okmh

III IIIII
III11III111111II11111II1111II111111111II111IIII111111II1111111II111111111II111II111II111111111111111II1II1I1IIIII111IIII1111111111
1278 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.
et une vitesse ascensionnelle de 1150m par minute, chiffres réalisés
par les derniers prototypes, il ne peut être question d’interception
à moins de i6o km de profondeur, dans l’hypothèse la plus favorable.

Quelques détails d’organisation des réseaux de guet.


Sur le mécanisme d’ensemble des réseaux de guet, les informations
sont rares; voici quelques renseignements intéressants, mais de
détail, extraits d’une étude parue dans Militctr Wochenblatt (no 10, 36).
Distance des postes de guet avancés à l’objectif à protéger contre
les bombardiers. — 9okm d’après le colonel Chennault (U.S.A.),
200km d’après Montinari (Italie).
Rayon de visibilité des postes. — 7km par ciel clair.
Rayon d’écoute. — 6 km
.
Espacement des postes. — io km dans la plupart des pays, pour les
postes d’une même ligne. On pourrait, selon certains auteurs,
augmenter jusqu’à 20km.
Entre deux lignes de postes, on admet 4o à 6o km
.
Occupation des postes. — Deux hommes à la fois. Six hommes en
tout pour assurer un roulement dans les 24 heures.
Transmissions. — Le plus souvent par téléphone, des postes aux
centrales, par T. S. F. ou téléphonie sans fil entre les centrales.
Postes en mer. — Il est prévu l’emploi de bateaux de pêche, équipés
avec poste radiotélégraphique, jusqu’à une trentaine de kilomètres
des côtes.
Postes des armées. — Les armées ont un réseau mouvant de postes
de guet, se raccordant au réseau territorial, et complété par le service
d’alerte de chaque unité, grande ou petite.

«
Essai d’une maquette d’aérodrome dans une soufflerie.
M. Kirste exposait dernièrement ici-même la façon dont les
Anglais étudièrent le régime des vents et des remous autour du roc
de Gibraltar, tout d’abord en soufflerie, puis en vraie grandeur, par
le moyen de ballons-sondes.
L’aérodrome de Rongotai, près de Wellington en Nouvelle-Zélande,
a fait à son tour l’objet d’investigations au tunnel. Cet aérodrome,
inauguré en novembre 1929, ne convenait plus au trafic des grands
avions; les pistes que l’on était amené à y tracer aboutissaient trop
près de certaines éminences pour que l’influence de celles-ci, dans
certaines conditions de vent, ne risquât pas de devenir dangereuse.
L’étude en soufflerie d’une maquette de l’aérodrome et des terrains
environnants montra qu’une réduction à 25 m de la hauteur de
Moa Point réduirait considérablement, d’une part, les tourbillons

1 iiiiiiiii iiiiiiiiiiiiii iiiiiiiiiiiiiii


11 11 iiiii 11111111111 uni uni 111 un 11111111
nu 111111 un 1111111111111111111111111111111111111111
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1279

britannique.

soufflerie

une

dans

installée

environs

ses

de

et
Rongotai

de

l’aérodrome

de

Maquette
1280 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
qu’entretenait cette pointe, d’autre part, la zone morte qui stagnait
près de sa base. Par ailleurs, un « filet » en terre rapportée au bas de
l’éminence (on sait que les Américains désignent par le terme « fillet »
les carénages ou congés de raccordement des voilures aux fuselages)
améliora l’écoulement de l’air sur le terrain même. Les transfor
mations suggérées par l’étude aérodynamique de la maquette furent
entreprises en août 1935 et terminées en juin dernier : elles entraî
nèrent le déplacement de 300 ooo m3 de terre.
Rongotai dispose maintenant de deux pistes, l’une de 900m, l’autre
de 6oo m sur lesquelles le régime des vents n’est en aucun cas tour
,
billonnaire.
<
La route tactique et la liberté de manœuvre.
Le général Visconti Prasca, dont le lecteur n’a pas oublié le livre
sur « La guerre décisive », a publié récemment (Echi e Commenti, N. 19),
une étude sur la route tactique.
Après avoir montré comment les armées modernes ont été jusqu’à
présent obligées d’adopter comme directions de manœuvre celles
qu’imposait le réseau routier, et ont été soumises à une sorte de
paralysie par la succession des mouvements de dilution pour avancer
suivis de concentrations pour combattre, l’auteur insiste sur les
possibilités nouvelles qu’offrent d’une part les véhicules « tous
terrains », d’autre part les moyens modernes d’aménagement de
routes ou de simples « bandes de passage », orientées suivant les
directions choisies pour la manœuvre, de sorte qu’on libérerait dans
une certaine mesure la manœuvre du terrain.
Parmi ces moyens modernes il envisage l’emploi de matériaux arti
ficiels métalliques, assemblables rapidement comme un « Meccano »
d’enfant, qui permettraient de lancer des éléments de route comme
on lançait des ponts. C’est en somme un développement considérable
de la technique des moyens de franchissement.
Naturellement, parmi les véhicules « tous terrains », l’aviation
tient une place de choix par ses possibilités considérables de libération
à l’égard du réseau routier dans le problème du ravitaillement.
L’étude paraît évidemment inspirée de la campagne éthiopienne;
néanmoins une adaptation aux pays européens, cependant pourvus
de nombreuses routes, aurait sa raison d’être.

L’attaque aérienne des voies ferrées.


D’une étude du major Kretzschmann, dans Militar-Wochenblatt,
n° 47. Pendant la guerre mondiale les destructions ferroviaires par
l’aviation ont eu des effets minimes. On cite cependant deux coups
très heureux : le 26 septembre 1915, des bombardiers anglais ont
fait sauter en gare de Valenciennes un train de munitions qui néces-

>|llllllllllltlllltlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1281

sita une déviation de trafic assez gênante pendant la bataille de


l’Artois; le 15 octobre 1916 un avion allié fit sauter un pont de la
ligne Salonique-Andrinople sur la rivière Mesta, déterminant la
chute dans la rivière de la locomotive et de 14 wagons d’un train
sanitaire bulgare qui venait de s’engager sur le pont: là, l’effet fut
complet et l’interruption de trafic dura plusieurs semaines.
L’attaque des grandes gares, estime l’auteur, est peu indiquée,
car l’ennemi y dispose de facilités pour dérouter les convois. Les
petites stations sont plus avantageuses, d’autant qu’elles sont
rarement défendues par la D. C. A.
Atteindre un pont est extrêmement difficile. Cependant les consé
quences peuvent avoir une telle gravité qu’on se demande pourquoi
le passage des rivières en tunnel, sans complexité pour la technique
moderne, ne devrait pas être envisagé dans certains cas fondamentaux.
L’attaque en pleine voie est intéressante, surtout dans les parties
en tranchée ou en remblai.
De toutes façons on ne peut attendre une efficacité réelle que d’un
plan d’attaque d’ensemble par interventions multiples et répétées
avec des moyens puissants et variés.

Influence de l’aviation sur le développement des navires de guerre.


C’est une des questions qu’envisage le contre-amiral Thursfield
dans une conférence donnée récemment à la Society of the Naval
Architects de Grande-Bretagne.
Question complexe, car l’influence de l’aviation a conduit à deux
conséquences opposées. La nécessité de la protection contre les
bombes, soit par le cuirassement des ponts, soit par le développement
de l’artillerie antiaérienne conduit à l’accroissement du tonnage,
tout au moins pour les bâtiments de ligne dont la maniabilité est
réduite. Par contre, on a tendance à rechercher précisément à échapper
aux bombes en augmentant cette maniabilité, d’où réduction du
tonnage.
Dès lors -— estime l’auteur -— le navire intermédiaire, le croiseur
lourd, serait appelé à disparaître, phénomène qu’on a toujours
constaté d’ailleurs en temps de guerre.
Autre influence, la substitution du gros hydravion au petit croiseur,
mais jusqu’à présent on a fait trop peu pour développer lespossi-
bilités de l’hydravion, qui devrait disposer de bâtiments-bases comme
les sous-marins et torpilleurs.
L’extension de l’aviation a également conduit au développement
de l’artillerie antiaérienne, de telle sorte que les navires ont mainte
nant trois catégories de canons, les gros contre les bâtiments de
ligne, les petits contre les flottilles de surface, les canons de D.C.A.
contre l’aviation.
La fusion des deux dernières catégories d’artillerie semble inévi
table.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIB
R. A, A. — No 88.
6
1282 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.

Les batteries flottantes de D.C.A.


On peut imaginer, pour protéger les ports et les flottes en rade
contre les attaques aériennes, d’armer un certain nombre de navires
d’une multitude de pièces de D.C.A., véritables batteries flottantes.
C’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne avec les croiseurs « Curleiv »
et « Coventry ». L’expérience ne paraît pas avoir donné satisfaction
et ces navires viennent de quitter la Méditerranée pour rentrer à
leurs ports d’attache, après avoir stationné pendant plusieurs mois
en rade d’Alexandrie. Leur conception est vivement critiquée dans
« Army, Navy and Air Force Gazette » (27 août 1936).
The
Ces navires appartenaient à la flotte de réserve.Aussi considère-t-on
leur emploi comme déterminé par une improvisation hâtive, la
création de batteries flottantes n’exigeant pas des navires capables
de donner 29 nœuds, et dont on n’aurait pas trop en cas de guerre.

<
Le nouveau tunnel à grande vitesse du N.A.C.A.
Les techniciens américains disposent maintenant d’une remar
quable installation de recherches dans le domaine de la vitesse :
la nouvelle soufflerie du Langley Field, inaugurée le 20 mai 1936.
Le bâtiment est en ciment armé et les parois contre lesquelles
circule la veine sont blindées d’acier. Lorsque le courant d’air est
établi à sa vitesse maximum, la pression barométrique dans la
chambre d’expériences tombe à la valeur qui correspondrait à une
altitude de 365o m ; c’est pour cette raison que cette chambre présente
extérieurement la forme d’une ruche (grande résistance à l'écrase-

Le nouveau tunnel à grande vitesse (jusqu’à 804kmh) du N.A.C.A., au Langley Field.

mniittttiiiiMHiiiiiiiiiiiiiiiaiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiaiiiiiiEiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiikiiiiiilaiiiiiiiiiianaiiiiiiiiiiiiitia*
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1283

ment); l’effort total qu’elle supporte du fait de l’abaissement de la


pression interne s’élève, en effet, à 1360 tonnes.
Le moteur, d’une puissance de 8000 HP, entraîne une hélice
de 4m,87 de diamètre; la veine, à l’emplacement de la maquette,
a la forme d’un cylindre de 2m,44 de diamètre; sa vitesse peut varier
de 137 à 8o4 kmh La balance est du type enregistreur, à six compo
.
santes.
Cette installation est en cours de mise au point; il semble que
quelques difficultés aient surgi pour le refroidissement de la veine
d’air, évidemment utilisée en circuit fermé.

Extension du réseau de sondages par avions aux États-Unis.


Quatre nouvelles stations de sondages par avions viennent d’être
ouvertes aux États-Unis à Miami, Sault Sainte-Marie (Michigan),
Sait Lake City et Oakland (Californie). Ces stations dépendent du
Weather Bureau et viennent s’ajouter au réseau de huit stations
déjà créées par cet organisme, et qui, chaque matin, effectuent à
l’aube un sondage par avion jusqu’à 6ooo m d’altitude. L’avion
emporte un « aerometerograph » qui enregistre à la fois la pression,
la température et le degré hygrométrique de l’air. En outre, le pilote
note les formations observées avec les altitudes de leur base et de
leur sommet ainsi que leurs principaux caractères.
Rappelons que, outre les douze stations du Weather Bureau, le
service météorologique dispose aux États-Unis de :
7 stations de l’Aéronautique maritime;
9 stations de VArmy Air Corps;
i station de la National Guard;
i station de l’Institut de technologie de Boston, soit au total
26 stations de sondages par avion.

Organisation des sondages dans les régions polaires. — Le Weather


Bureau vient de créer à Fairbanks (Alaska) une station de sondage
par avion qui fera chaque jour un sondage jusqu’à 5000m. Les pilotes
Harold Gilliam et Bert Lien sont affectés à ce service avec deux avions.
Le Weather Bureau espère pouvoir, grâce à cette station, annoncer à
l’avance les invasions d’air polaire qui, en l’état actuel du réseau de
sondage, ne sont décelées qu’au moment où elles arrivent aux États-
Unis. Ces prévisions seront utiles non seulement pour la navigation
aérienne, mais aussi pour l’agriculture, et en particulier pour les pro
ducteurs d’oranges de Californie et de pèches de Géorgie qui pourront
ainsi prendre en temps utile des mesures préventives contre le gel.

Équipement de parachutes pour atterrissages dans la jungle.


Les parachutes utilisés par les pilotes militaires qui opèrent dans
les zones désertiques de Panama ou des Philippines viennent d’être
dotés d’un équipement de secours comprenant :

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllll
1284 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
— un compas à prisme du type standard de VArmy Air Corps;
— une « machete » (gros couteau à lame large pour couper les
-

lianes) ;
— une moustiquaire du type standard de l’armée;
—- une boîte d’allumettes imperméable à l’eau;
— un flacon de teinture d’iode;
— un flacon contenant des cachets de quinine;
— un pistolet automatique avec ses munitions;
•—
un kilo de vivres de conserves;
Cet équipement est enfermé dans un coussin qui sert de siège au
pilote et qui est attaché au parachute.

Les débuts de l’aviation militaire américaine.


Les premiers projets d’achat d’avions pour l’Armée remontent
à février 1908. L’appel à la concurrence adressé, à cet effet, à l’in
dustrie par le Signal Corps, spécifiait :
— que l’appareil devait, si possible, être démontable en vue de
son transport dans les fourgons de l’Armée;
— que l’avion devait transporter deux personnes et assez d’essence
pour 200km;
•— que
la vitesse devait être supérieure à 64kmh.
Il y eut vingt-deux offres comprises entre 500 et 10 000 dollars.
Celle des frères Wright, s’élevant à 2 5 000 dollars, fut cependant
choisie.
Le 9 septembre 1908, Orville Wright commença les premiers vols
qui remplirent aisément les conditions requises. L’accident du 17 sep
tembre, où périt le lieutenant Selfridge, passager d’Orville, arrêta
les essais jusqu’au mois de juillet 1909.

Les manœuvres aériennes britanniques de 1936.


Les manœuvres aériennes annuelles de la Royal Air Force ont eu
lieu cette année les 27, 29 et 3o juillet. Même thème classique :
défense aérienne de Londres contre des attaques venant de la mer.
Leur faible ampleur est caractéristique : à peine 100 avions, moitié
moins qu’en 1935. Résultat certain de la tension anglo-italienne en
Méditerranée et dans le Proche-Orient au cours de l’hiver dernier.
On sait qu’en septembre et octobre 1935, nombre d’escadrilles de
la Home Defence furent transférées en Égypte.
Au point de vue stratégique et tactique de la D.A.T., les manœuvres
aériennes britanniques de 1936 présentent les caractéristiques
ci-après :
-—•
Les cibles désignées aux bombardiers furent uniquement des
aérodromes, notamment ceux occupés par la chasse : Hornchurch,
North Weald et Biggin Hill;

IIIIIIIIIIIIIKIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIKIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIUIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1285

— Emploi alterne et même simultané de raids à haute altitude


(jusqu’à 7500m), à moyenne altitude (3500m) et en vol rasant (6o m
à 150m);

— Mise en œuvre de nombreux projecteurs pour la chasse de nuit


(120 projecteurs).
Pour la première fois, les chroniqueurs semi-officiels taisent cette
année la proportion des raids interceptés par la chasse. On peut
supposer que la proportion ne fut pas très rassurante, notamment
pour les raids à grande altitude, car le correspondant de « The Aéro
plane » conclut en exprimant qu’une défense plus efficace serait
obtenue par des bombardiers de grand rayon d’action faits pour
atteindre des objectifs situés à 1600km et susceptibles de détruire
les assaillants dans leurs bases.
P. Ba.
«
Observation d’artillerie.
Le problème n’est pas négligé en Allemagne. Un auteur passe en
revue, dans Militar-Wochenblatt, no 3, divers moyens possibles,
comme l’autogire, le ballon captif ou à moteur.
Il reprend également une vieille idée, qui pourrait avoir sa valeur
après modernisation : c’est l'échelle-observatoire. L’échelle envisagée
serait motorisée, tant pour pouvoir se déplacer rapidement, que
pour monter et descendre également rapidement. La hauteur dépas
serait 20m.
L’auteur insiste sur le fait que la guerre de mouvement avec engins
motorisés exige un développement intensif de moyens d’obser
vation.
Il est intéressant, d’autre part, que soit étudié tout ce qui peut
décharger l’aviation des missions qu’elle n’est pas seule à pouvoir
remplir : entre l’échelle de 20m et l’avion de contact volant à 200
ou 3oo m , il peut y avoir place pour un nouveau système élevant
fugitivement l’observateur à 5om par exemple.

L’Artillerie réclame des avions.


Donnez-nous nos propres yeux », s’écrie dans « The Journal of ihe
«
Royal Arlillery » (juillet 1936) un auteur anonyme qui signe Pancake.
« Il n’est pas question, dit-il, de supprimer totalement le travail
de l’Aviation de la R. A. F. en coopération avec l’Artillerie. Le
système actuel a été adopté pour des raisons solides, mais celles-ci
existent-elles encore ? »
dit que si l’aviation de coopération n’appartient pas au
1. On
même service que la chasse, sa protection sera difficilement organisée.
Réponse. La politique générale de l’aviation de combat est
de rechercher l’ennemi pour le détruire, plutôt que d’assurer une

mu 11111111 iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin 111111111111111 nu llllllllllllllllllllllllll 11


protection passive. Dans les cas où une escorte est nécessaire, elle
peut être organisée auparavant.
2. Une unité d’artillerie pourrait-elle entretenir des avions ?
Réponse. — L’Artillerie mécanisée a des techniciens de la méca
nique capables de l’entretien élémentaire. Les opérations de répa
ration des appareils seraient pratiquées dans des centres communs
à l’Artillerie et à l’Aviation. L’Artillerie, à l’origine, fut considérée
comme incapable d’avoir ses conducteurs de chevaux, et l’on créa
un corps de train d’artillerie, maintenant disparu; objection analogue
à l’origine de la mécanisation de l’Artillerie.
3. Nécessité de concentrer le matériel et le personnel disponibles,
en raison des pertes élevées probables.
Réponse. — L’aviation d’artillerie est inappropriée au combat
aérien et ne saurait donc fusionner avec l’Aviation employée aux
autres missions.
4. Les Artilleurs désirent contrôler le feu de leurs propres canons;
les stages de quatre ans qu’ils font dans l’Aviation ne suffisent-ils
pas ?

Réponse.— C’est insuffisant. Une combinaison totale des obser


vations aérienne et terrestre est essentielle, car les trois-quarts de la
zone ennemie sont invisibles des observatoires d’artillerie.
5.A la fin de la guerre mondiale, le recrutement des officiers
d’artillerie était insuffisant. Est-il sage de leur donner des missions
supplémentaires ?
Réponse. — On peut supposer qu’une proportion appréciable de
candidats actuels à l’Aviation serait apte à l’aviation d’artillerie,
alors qu’ils n’auraient pas les capacités exceptionnelles requises
pour le combat aérien moderne.
6. L’infanterie pourrait demander à avoir, elle aussi, ses aviateurs.
Réponse. — La situation n’est pas la même. L’observation pour
l’infanterie implique des vols chez l’ennemi ou, tout au moins sur
les premières lignes. L’avion d’artillerie est un observatoire surélevé,
situé à l’arrière; l’aviation tirera sa protection d’un piqué vers les
batteries de D. C. A.
7.L’expansion de la R. A. F. peut être allégée par cette disso
ciation de l’aviation d’artillerie, qui demande une durée de deux ans
pour former un bon pilote-observateur.
8. Avec les avions modernes, l’homme qui ne peut apprendre à
voler avec assez d’adresse pour obtenir le brevet de pilote, n’a pas
non plus les capacités nécessaires au commandement efficace d’une
batterie en temps de guerre.
9. Un avion d’observation triplace n’est pas économique en
hommes et est probablement plus vulnérable qu’un biplace. Dans

«•itaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiitiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiMaiiB
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1287

ce dernier, il ne fait pas de doute que le pilote doit être l’observateur :


il peut tourner son avion pour observer au mieux, pendant que le
sous-officier mitrailleur, qui l’accompagne, surveille le ciel. Il est
plus aisé d’apprendre à voler qu’à observer convenablement le tir.
Il faut demander à l’artilleur de voler plutôt qu’à l’aviateur d’observer.
10. Une armée moderne doit admettre que la chasse à courre,
le polo, le tir sont parmi les meilleurs moyens de formation d’un
tempérament d’officier de valeur. Le vol en est également un. Des
officiers, autres que ceux de l’Aviation, peuvent et doivent piloter.
11. La mentalité du combat aérien ne convient pas pour l’obser
vation.
12. La communauté de sentiment entre officiers d’une même arme
est précieuse pour leur collaboration. Si l’observateur et le comman
dant de batterie sont artilleurs, tous deux, la « puissante tendance
à croire que l’homme à l’autre bout de la T. S. F. est un idiot congé
nital » sera réduite.
13. Des unités d’aviation d’artillerie doivent donc être créées :
une par artillerie divisionnaire et une par brigade d’artillerie lourde.
Chaque unité serait équipée pour fournir un maximum de six sorties
de 2 heures par jour, ce qui suppose huit avions. En outre, des auto-
gires de liaison avec les Q. G. d’artillerie et les batteries seront néces
saires.
14. Les suggestions ci-dessus paraissent troublantes. En 1950,
quand les terrains d’atterrissage auront les dimensions d’un jeu de
cricket et que les avions seront plus aisés à manier que les bicyclettes,
les méthodes actuelles paraîtront ridicules.
<
La « Revue de l’Armée de l’Air
publié dans son n° 80 une étude
» a
sur « l'avion-projectile », où l’auteur s’efforcait de souligner comment
l’évolution de la technique aéronautique tendait manifestement à
séparer de l’Aviation l’observation aérienne pour l’Artillerie, qui
se rattacherait par nature à une sorte d’ « Aérostation généralisée ».
Le travail de l’auteur britannique est fondé sur les nécessités de
l’Artillerie et sur les capacités « aériennes » de tout officier; en parti
culier, cette idée du sport aérien, étendu aux officiers des différentes
armes, paraît fort intéressante. L’Aviation n’a pas à en prendre
ombrage : c’est la reconnaissance de l’extension de la locomotion
aérienne à toutes sortes de domaines.
Il est singulier qu’en France les artilleurs ont à peu près aban
donné jusqu’à ces derniers temps la prétention à posséder leur
aviation qu’avait émise l’un des initiateurs (le général Estienne)
vers 1912. Le développement de l’autogire a suscité un « vif intérêt »
chez eux, mais sans réalisations apparentes. D’ailleurs les autogires
exécutés semblent par leur puissance, leur vitesse, leur prix, etc.,
bien loin du modeste observatoire aérien monoplace surélevé de 100

.1111111111111111111 iiiiiiiiii un 1iniiiiiiii1111111111111111111111iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniuiiiiiiiii11111111111111111111111111111!


1
1288 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ou 200m, au plus, dont l’artillerie aurait notamment besoin pour
ajuster ses tirs sur les objectifs motorisés des armées modernes.
P. E.
Le motoballon
Le commandant J. Lemoine a fait récemment une conférence sur
le motoballon, dont nous extrayons les renseignements ci-dessus.
Comparaison des motoballons Zodiac n° 2 et RIEDINGER K.
Zodiac. Riedinger.
Volume au sol (m 3 ) 1050
Poids total (kg) 1500
Puissance moteur (HP) 60 120
Vitesse (km/h) 50 60

Le motoballon Zodiac est caractérisé par un diamètre de giration


de 33o m ; il peut évoluer près du sol [avec des vents de 18m à 5o m ,
c’est-à-dire à la limite d’utilisation du ballon captif.
Il est envisagé que tous les ballons captifs seront progressivement
transformés en motoballons.
<
La législation allemande
des brevets intéressant la défense nationale.

La « Revue de l’Armée de l’Air » a signalé dans son numéro 76 les


dispositions prises en France, l’an dernier (décret-loi du 3o octobre 1935),
pour limiter au bénéfice de l’État les droits des inventeurs par une
législation spéciale des brevets intéressant la défense nationale.
En Allemagne, pays où la matière des brevets est, comme l’on sait,
étudiée au préalable, des dispositions récentes ont été prises par
le Gouvernement; elles ont fait l’objet d’une étude dans« Wehrtechnische
Monatshefle » (septembre 1936) que nous analysons ci-après.
Elles concernent essentiellement le droit de priorité d’exploitation
et la publication des brevets.
D’une manière générale, aucune différence fondamentale n’y est
faite entre le brevet et le modèle déposé.
Au sujet de la priorité d’exploitation, la nouvelle loi stipule évidem
ment que le brevet ne protège pas l’inventeur contre celui qui, au
moment du dépôt, avait déjà mis l’invention en exploitation dans
le territoire national ou qui avait déjà pris à cet effet les dispositions
nécessaires. Cette prescription est étendue à l’avantage du Reich,
de l’Armée et des organisations commerciales autonomes de l’État
quand, au moment du dépôt, l’invention était déjà décrite dans des
publications officielles; et il y a alors possibilité pour ces communautés
d’utiliser l’invention, soit par elles-mêmes, soit à leurs fins par l’inter
médiaire des tiers. Cette simple modalité ne suffit cependant pas à
limiter le droit de l’inventeur, quand la description repose sur une

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIH1IIIIIIIIIIIUIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1289

communication de celui-ci ou de son mandataire ou de personnes


étrangères à l’administration. La faculté est donc donnée ainsi à
l’inventeur de faire connaître aux autorités son invention avant de
demander le brevet.
Il faut mentionner également que la parution dans une publica
tion doit avoir eu lieu, pour produire cette limitation du droit de
l’inventeur, avant toute demande de brevet à l’étranger.
Pour les étrangers, cela ne vaut qu'autant que leur pays garantit
la réciprocité.
D’autre part, les brevets, pour lesquels l’Administration n’a pu
acquérir ainsi aucun droit de priorité d’exploitation, peuvent être
utilisés par l’administration, quand le gouvernement l’ordonne
dans l’intérêt public, ou même quand certaines autorités en reven
diquent le bénéfice pour la défense nationale. Dans ces cas-là, le
propriétaire du brevet a droit à une indemnité fixée, à défaut d’entente,
par voie judiciaire.
Il faut que la déclaration d’intérêt public soit faite par l’admi
nistration au propriétaire du brevet avant que ce dernier soit en
exploitation et que le propriétaire soit également avisé de la consti
tution de son droit à indemnité.
Ainsi se crée une sorte de licence obligatoire.
Les brevets secrets — modalité employée pendant la guerre —-
ne sont plus admis qu’au bénéfice de l’État; en ce cas, est suspendu
l’enregistrement du brevet.
L’inventeur est, sans plus, autorisé à faire une demande de brevet
et, seulement après, à apporter l’invention, qu’il croit utile à la
défense nationale, à l’examen du gouvernement ou de l’industrie
de guerre.
C’est à l’administration de prendre l’initiative des brevets secrets;
l’Office des brevets, lui, est tenu par la loi de publier ce qui lui est
soumis par les particuliers.
La détermination du caractère d’intérêt public, ou d’utilité pour
la défense nationale, n’est pas faite, et il faut y comprendre non seule
ment les armes de guerre, mais les productions techniques à usage
militaire, les matériels de transport notamment.
<
Si l’on rapproche cette législation du décret français du 3o octo
bre 1935, on peut faire les remarques suivantes.
En ce qui concerne les brevets pris par les particuliers, dans
l’un et l’autre pays, l’État peut exproprier l’inventeur par décret,
avec contrepartie d’une indemnité. En France, seuls les trois minis
tères de défense nationale peuvent surveiller les demandes de brevets;
en Allemagne, d’autres organismes ont également cette faculté.
Dans les deux pays, si l’expropriation n’est pas prononcée, une
licence d’exploitation peut être imposée au bénéfice de l’État par
celui-ci à l’inventeur.

mil 111111111111 n uni nu 1111111B1in 11111111111111111111111111111111111


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1 290 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
En Allemagne, l’État a, en outre, la faculté de provoquer la
déchéance à son profit de l’inventeur breveté, si ses fonctionnaires
ont été assez vigilants et avertis pour publier une description de
l’invention avant la demande de brevet, pourvu qu’ils n’aient pas
été, bien entendu, informés par l’inventeur lui-même, sans quoi il y
aurait abus de confiance. Ceci peut avoir un champ d’application
assez vaste, par exemple dans le cas de recherches faite avec la
collaboration, réelle mais mal définie, de fonctionnaires avec
des chercheurs.
En France, rien de semblable n’existe.
Enfin, dans l’un et l’autre pays, l’État seul peut prendre des
brevets secrets.
Quant au secret relatif aux inventions des particuliers, les deux
législations sont, bien entendu, également impuissantes à l’égard
de l’inventeur qui aura, préalablement à sa demande à l’Office de
son pays, fait une demande à l’Office étranger d’un pays à examen
préalable, ce qui est fréquent pour les inventeurs français et pour des
raisons multiples.
Laissant de côté les inventeurs de mauvaise volonté, décidés à
désavantager délibérément leur propre pays —- et contre lesquels on
ne saurait guère agir -— il faudrait essayer de remédier à cette anomalie
choquante de voir, par exemple, un inventeur français courir en
premier lieu au bureau d’un Office belge ou allemand. Il faudrait,
sans doute, ou bien procurer à l’inventeur par l’Office français de
la propriété industrielle les mêmes avantages que ceux qu’il trouve
ailleurs (uniformisation des Offices), ce qui suppose un bouleversement
de l’institution actuelle; ou, tout au moins, réserver à l’inventeur,
qui se serait adressé en premier lieu à l’Office de son pays, des avan
tages substantiels qu’il paraît d’autant plus facile d’accorder que la
législation nouvelle procède d’une conception régalienne où le droit
de l’État apparaît sans grandes limites.
P. E.
<
L’Aéronautique Maritime. - L’accord Air-Marine du 22 Août 1936.
Un décret, en date du 22 août 1936, consacre l’accord Air-Marine
concernant le statut de l’Aéronautique maritime. Le nouvel accord,
contresigné Pierre Cot—Gasnier-Duparc, remplace l’accord Paul Pain-
levé-Georges Leygues du 27 novembre 1932, ainsi que les arrêtés
interministériels d’application du i3 janvier 1933 et du 7 mars 1933.
Le nouveau décret Air-Marine présente plusieurs progrès sur les
anciens textes :
i° il simplifie la terminologie. Les appellations compliquées,
telles que : « Aéronautique de coopération navale non embarquée »,
« Aéronautique maritime autonome », « bases mises en permanence à
la disposition de la Marine », « bases mixtes », etc., sont abandonnées.

•iiiiiiiiiiiiiiiüiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiifiiiiiiiiiiiiiiiittiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiifiiii
REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR. 1291

Notre Aéronautique maritime se divisera dorénavant en deux


parties (au lieu de trois) :
opéra
— L’une, dont la Marine dispose en permanence pour les
tions navales, que les avions soient côtiers ou embarqués, c’est
Y Aéronautique navale;
-—- L’autre, partie intégrante de l’Armée de l’Air, mais
plus spécia
lement préparée aux opérations en liaison avec la Marine. C’est
Y Aviation de coopération maritime de l’Armée de l’Air.
La première est armée avec du personnel « marin », la seconde
avec du personnel « Air ». La première est organisée par « régions
maritimes », la seconde par « régions aériennes ».
2 0 II est bien précisé que c’est l’Air et non la Marine qui a à sa
charge tout ce qui concerne la fourniture du matériel volant : études,
essais techniques, fabrications, marchés, construction, réparations,
modifications, mobilisation industrielle, inspection technique.
Cette précision était nécessaire à la bonne entente Air-Marine;
car, depuis qu’elle avait obtenu de disposer de ses crédits pour l’Aéro
nautique navale, la Marine tendait à choisir seule et acheter directe
ment son matériel volant. La Marine continue à faire figurer ces
crédits à son budget, mais les crédits affectés aux achats sont trans
férés au budget de l’Air.
Un point intéressant à l’article 4 : l’amorce d’une liaison entre
l’Air et les Services d’armement spéciaux de la Marine qui peuvent
fournir l’Aéronautique navale : torpilles, bombes de perforation,
armes spéciales.
3° Le régime des écoles est mieux défini. Toutes les écoles qui
forment le personnel de l’Aéronautique navale passent sous l’autorité
complète du Ministre de l’Air. Les centres-écoles de Rochefort et
d’Hourtin feront maintenant partie intégrante de l’École de l’Air,
réorganisée d’ailleurs deux mois plus tôt par M. Pierre Cot.
Il est maintenant entendu que la Marine prêtera à l’Air le personnel
nécessaire au fonctionnement des centres-écoles de Rochefort et
d’Hourtin et que ce dernier centre-école d’hydravions sera commandé
par un officier de marine, sous l’autorité du général commandant
l’École de l’Air.
Ainsi, l’Air prend la haute main sur la formation aérienne du
personnel de l’Aviation maritime.
Le corollaire de cette mesure est que la Marine a été amenée à créer
la spécialité de pilote d’aviation (arrêté Marine du 5 septembre 1936).
Jusqu’ici, dans l’aviation maritime, le pilotage n’était qu’un certificat
accolé aux spécialités d’arrimeur d’aéronautique ou de mécanicien.
La création d’une spécialité particulière de pilotes donnera au per
sonnel subalterne de l’aviation navale un statut presque identique à
celui du même personnel de l’Armée de l’Air.
P. Ra.

1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIH
1 292 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Variation du point d’ébullition de l’oxygène liquide
aux grandes altitudes.
Dans le numéro de septembre 1986 du Journal of Aeronautical
Sciences, M. Jean Piccard, de l’Université du Minnesota, attire l’atten
tion des aviateurs sur le danger que présentent les variations du point
d’ébullition de l’oxygène liquide, variations qui peuvent se traduire
par un arrêt du débit du gaz dans certaines conditions de variation
de pression. La note, qui résulte de remarques faites par l’auteur à
l’issue d’une ascension stratosphérique, est intéressante d’un bout à
l’autre; il nous aurait été d’autant plus difficile de la présenter dans le
cadre réduit d’une analyse qu’elle est déjà condensée. Le médecin-
commandant Flamme a bien voulu se charger de sa traduction en
français.
Après être restés pendant 5 heures dans la stratosphère, dans une
nacelle, Mme Piccard et l’auteur descendaient. Les conditions étaient
très favorables, bien qu’ils ne connussent pas ce qui se passait au-
dessous de la mer de nuages qui s’était formée sous le ballon quelques
minutes après son départ de Ford Airport, Dearborn, Michigan.
Le baromètre intérieur restait stationnaire et le baromètre extérieur
arriva rapidement au niveau du premier. A 3200m les deux baro
mètres furent à égalité et les portes de la nacelle s’ouvrirent permet
tant à M. et Mme Piccard de respirer à nouveau l’air naturel extérieur.
A ce moment, l’oxygène ne s’échappa plus de la bouteille de cuivre,
ce qui leur donna l’impression que ce gaz avait été entièrement utilisé.
Ils n’eurent pas le loisir d’approfondir leur remarque, car le ballon
entrait à nouveau dans la mer de nuages et s’enfoncait rapidement;
du lest avait dû être jeté sans arrêt et il importait de préparer l’atter
rissage. En quelques minutes, le ballon traversa les nuages et ce fut
un grand soulagement que de découvrir, non la pleine mer, mais une
riante campagne. Ce sentiment de sécurité disparut toutefois lorsque
les aéronautes constatèrent que le ballon se dirigeait à toute allure
vers les cheminées d’une ferme. Par bonheur, deux lourds sacs de
lest avaient été réservés hors de la nacelle ainsi que quelques petits
sacs à l’intérieur. Mme Piccard, pilote de l’auteur, s’écria : « Jetez
deux sacs »; en moins d’une seconde deux capsules commandées
électriquement explosèrent dans le fond des sacs, vidant instanta
nément 9oks de sable dans la cour de la ferme. Quelques minutes
plus tard, l’atterrissage avait lieu dans un bosquet d’ormes.
L’oxygène avait été oublié, mais, 3 heures après l’atterrissage, il
commençait à bouillir de nouveau, emplissant la partie inférieure de
la nacelle d’une vapeur dense. Qu’était-il arrivé ?
Au cours du séjour dans la stratosphère, la pression intérieure
correspondait à une altitude de 3ooo m celle même à laquelle les
,
hublots avaient été rabattus dans la première partie de l’ascension.
Sous cette pression réduite, l’oxygène bout à une température consi
dérablement plus basse et le liquide fut porté à son nouveau point
d’ébullition. Quand les hublots furent ouverts, à la descente, la
pression dans la nacelle recommença à croître et le point d’ébulli
tion théorique de l’oxygène s’éleva graduellement à son niveau
normal. L’ébullition s’arrêta pour cette raison, car aucun liquide
ne bout lorsqu’il est plus froid que le point d’ébullition correspondant
à la pression environnante. Dans le cas d’un ballon stratosphérique
moderne avec une nacelle fermée, le phénomène décrit sous le_nom
de « non ébullition de l’oxygène à la descente » n’est que la consé
quence de faits scientifiques bien connus. L’oxygène s’arrêtera de
bouillir lorsque les hublots auront été ouverts et, à partir de ce
moment, on n’a plus besoin de ce gaz.
Dernièrement, l’auteur entendit parler d’une mise au point d’avions
pour grandes altitudes; cette histoire lui revint à l’esprit et il se
rendit compte du danger certain que couraient les aviateurs s’ils
se fiaient à un masque respiratoire alimenté par une bouteille d’oxy
gène liquéfié, comme on le fait fréquemment.
L’oxygène liquide, même conservé dans une bouteille bien fermée,
bout continuellement et cette ébullition produit le gaz utilisé pour
la respiration. Si le volume gazeux produit de cette façon n’est pas
suffisant, on l’accroît en fermant le robinet de sortie du gaz; ceci
force un volume correspondant d’oxygène liquide à sortir de la
bouteille. Cet oxygène liquide coulant dans un tube de métal chaud,
hors de la bouteille, se transforme en gaz. Un volume donné d’oxygène
liquide produit environ un million de fois son volume de gaz.
De l’expérience de l’auteur, telle qu’elle est relatée précédemment,
il apparaît comme évident que l’aviateur qui compte'sur untel
masque à gaz, est dans un très réel danger d’étouffement à la descente.
Ce danger doit être porté à son attention. Lorsque l’avion s’élève
et que la pression atmosphérique diminue, le point d’ébullition de
l’oxygène liquide diminue constamment. Le liquide bout cependant
plus violemment et est porté bien au-dessous de son point normal
d’ébullition. Quand le plafond est atteint et que le pilote[se met
en descente, la pression atmosphérique commence à s’élever dans
l’appareil d’oxygène, et le liquide s’arrête de bouillir. Ce n’est pas
seulement une ébullition plus lente qui se produit; l’ébullition et la
production de gaz s’arrêtent entièrement et, en outre, le liquide froid
commence à condenser l’azote et l’oxygène à sa surface. De cette
façon, l’air est même refoulé du masque vers la bouteille. Ceci signifie
que, lorsque le pilote commence à redescendre, il devra utiliser une
bouteille supplémentaire pour le reste du voyage.
Ces remarques expliquent l’apparition des points noirs devant
les yeux, les évanouissements et les morts qui peuvent survenir
dans l’espace de quelques secondes.
Essai des mano-détendeurs pour bouteilles d'oxygène (').
Pour essayer les mano-détendeurs dans les conditions réelles de

Méthode d’essais pour les manomètres-détendeursd’oxygène, par H. Sontag


(1)
et E.-L. Borlik (Technical Note no 532 du N. A. C. A., 7 p., 2 fig.').

1111111111111111 iiiiiiiiiiii 111111111111111111111111uni 111111111111111111111111111


iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1 294 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Schéma de l’installation d’essais du N.A.C.A., pour mano-détendeurs d’oxygène.


G, compteur à gaz; R, réservoir de 2001 environ; V, à Ve, valves ou robinets.

leur emploi, on les installe dans une cloche à vide et on les connecte,
d’une part, à une bouteille d’oxygène, d’autre part, à un grand
réservoir. A l’aide d’une pompe à vide, on établit, dans la cloche
et dans le réservoir, la pression correspondant à l’altitude choisie
pour l’essai. Le débit sous cette pression est mesuré à l’aide d’un
compteur à gaz, rendu absolument étanche et pouvant fonctionner
avec une différence de pression d’environ io mm d’eau. La méthode
présente surtout l’avantage d’exposer le mano-détendeur entiè
rement à la faible pression atmosphérique et de faire ressortir plus
facilement les fuites éventuelles.
«
Un exemple de guerre aéro-navale : la guerre civile d’Espagne.
La guerre civile d’Espagne, déclenchée le 17 juillet 1986 par la
révolte des armées du Maroc, a entraîné dans les eaux voisines de
Gibraltar une curieuse guérilla aéronavale. On sait que la plupart
des forces aériennes stationnées dans le sud de l’Espagne et au
Maroc passèrent aux insurgés, tandis que les forces navales basées
dans cette région restèrent fidèles au gouvernement du Frente popular.
Or, les insurgés avaient besoin de la maîtrise de la mer pour faire
passer le détroit aux navires chargés de transporter les troupes, du
Maroc. La lutte s’engagea donc bientôt entre forces aériennes rebelles
et forces navales gouvernementales en territoire espagnol. De
fréquentes méprises eurent lieu avec les forces navales britanniques
basées à Gibraltar ou des bâtiments de commerce étrangers.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiniiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1295

Voici, d’après « The Aéroplane » (numéros du 29 juillet, 12 août,


19 et 26 août), les éphémérides aéronavales du 20 juillet au 25 août 1936.

20 juillel. — Un avion gouvernemental bombarde Tétouan et lance


par erreur une bombe sur un paquebot anglais faisant route de
Tanger à Gibraltar, qu’il avait pris pour un navire transportant des
troupes rebelles.
22 juillet. •—- Les avions des forces rebelles, basées à Ceuta, bom
bardent deux navires gouvernementaux croisant dans le détroit qui
répondent vigoureusement au moyen de leurs pièces anti-aériennes-
Le paquebot anglais « Chitral » qui passait au voisinage est, lui aussi,
attaqué. De même, le destroyer anglais « Shamrock » essuie les bombes
des avions de Ceuta. Les navires gouvernementaux mouillés dans
la baie de Gibraltar sont bombardés par les avions rebelles.
2 3 juillet. — Un cargo anglais qui entrait à Tanger est pris à
partie
par un avion rebelle. Le destroyer anglais « Whitehall » riposte.
27 juillet. — Atalayou, la base d’hydravions voisine de Mellila,
est attaquée au canon par les forces navales gouvernementales : le
croiseur « Jaime-I », deux torpilleurs, un sous-marin en protection.
G1:

Trois avions rebelles bombardent les navires de guerre, sans succès.


28 juillet. — Les sous-marins gouvernementaux patrouillent en
permanence dans le détroit; plusieurs sont bombardés dans le port
de Tanger. L’un d’eux est avarié.
29 juillet. — N’étant pas maîtres de la mer, les insurgés ont recours
à l’aviation pour faire passer leurs troupes du Maroc en Espagne.
Six trimoteurs italiens Savoia-Marchetti S. 79, partis de Sardaigne,
sont arrivés dans ce but. On sait que trois de ces mêmes S. 79 ont
atterri, faute d’essence, en territoire français : l’un d’eux devant
Oran, les autres près de Saïdia et de la Moulaya. L’enquête montra
que ces trimoteurs avaient appartenu aux Escadrilles nos 55, 57 et 58
de l’Aéronautique royale italienne (Regia Aeronautica) basées à
Bologne.
Un sous-marin gouvernemental est bombardé et avarié par les
avions rebelles dans le détroit de Gibraltar.
3o juillet. — Quatorze trimoteurs italiens Savoia-Marchetti sont
arrivés au Maroc espagnol.
2 août. — Un torpilleur gouvernemental est attaqué devant Ceuta
par deux avions rebelles.
3 août.
—•
Un croiseur gouvernemental est bombardé devant la
pointe d’Europe par un avion de Ceuta.
4 août.
— Un destroyer gouvernemental tire par méprise sur un
hydravion anglais allant de Gibraltar à Malte. De même, pour deux
autres hydravions anglais allant d’Alger à Gibraltar.
5 août.
—- Les rebelles ont essayé de passer par mer de
Ceuta à
Algésiras, avec l’escorte des Savoia. Un torpilleur gouvernemental,
venu de Malaga, essaie d’attaquer le transport, est attaqué par deux

fiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
1296 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Savoia et s’échappe. Un autre torpilleur gouvernemental est endom
magé par les avions devant la pointe d’Europe.
8 août.
— Vingt et un avions italiens arrivent au Maroc espagnol
Les avions seraient partis d’Orbetello.
Les troupes marocaines sont transportées de Ceuta à Algésiras
par la voie des airs.
12 août. — Le général Franco annonce qu’il dispose de 20 Junkers
de transport, de 5 avions de chasse allemands et de 7 Caproni.
13 août.
— Bombardement de Malaga par les avions rebelles. Le
croiseur « Jaime-l eï », mouillé en baie de Malaga, est avarié.
16 août. — Le gouvernement britannique donne son accord à la
proposition française de neutralité.
17 août. — Le « Daily Express » annonce la présence à Séville
de 3o Junkers trimoteurs et d’une douzaine d’avions de chasse
italiens. Les pilotes italiens seront enrôlés dans la Légion étrangère
espagnole.
19 août.— Débarquement des forces gouvernementales à Majorque,
en dépit du bombardement d’hydravions rebelles.
21 août. — Le gouvernement italien déclare accepter la proposition
française de neutralité. Même déclaration, le 23 août, de la part du
gouvernement allemand.

A propos situation aéro-navale 1935 en Méditerranée.


de la
Avec la liquidation des sanctions contre l’Italie, les escadrilles
britanniques qui furent détachées à l’automne 1935 en Méditerranée
et en Mer Rouge ont rallié la métropole au cours du mois d’août 1936.
Maintenant que ces événements appartiennent au passé, les
journaux anglais révèlent les déplacements des forces aériennes
britanniques au cours du mois de septembre et d’octobre 1935.
Tandis que les mouvements des bâtiments de la flotte avaient été
publiés, ces déplacements de forces aériennes avaient été tenus
secrets ( 1 ).
Pour les hydravions, l’Escadrille 203 (Short « Singapore ») se
rendant à Bassorah avait été arrêtée à Malte, puis envoyée à Aden.
L’Escadrille 210 (.« Singapore ») et l’Escadrille 204 (Supermarine
« Scapa
») furent dépêchées de Pembroke à Alexandrie par la voie
des airs.
Le 4 octobre 1935, le paquebot « Cameronia » quittait Liverpool
pour Alexandrie avec neuf escadrilles à bord (avions en caisses) :
cinq de bombardiers légers et quatre de chasse.
Bombardiers. — Les Escadrilles n cs 33 et 142 (Hacker « Hart »),
qui furent installées à Mersa-Matrouh (côte d’Égypte);

(1) Voir « The Aéroplane » du 19 août 1986.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii**
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1297

Les Escadrilles nos 35 et 207 {Fairey « Gordon ») à Ed Damer près


d’Atbara, au Soudan Égyptien;
L’Escadrille n° 12 (Hawker « Hart ») fut envoyée à Aden.
Chasseurs. — L’Escadrille no 41 (Bristol « Bulldog ») fut envoyée
à Aden;
L’Escadrille n° 3 (Bristol « Bulldog ») à Port-Soudan;
L’Escadrille no 29 (Bristol « Bulldog ») à Amirya, près d’Alexan
drie ;
Enfin, l’Escadrille no 74 (Haivker « Fury ») avait été débarquée
à Malte.
<
D’autres escadrilles de chasse furent tenues prêtes à être mises
en caisses et embarquées pour l’Égypte, et les Handley Rage « Heyford »
se préparaient à gagner l'Orient par la voie des airs.
Pour mémoire, citons les huit escadrilles embarquées sur les
deux porte-avions détachés d’Alexandrie, et le renforcement à
douze appareils des escadrilles normalement basées dans le Proche-
Orient et au Soudan.
Au total, on peut dire qu’en octobre 1935, les Anglais avaient
envoyé en Égypte, au Soudan et dans le Proche-Orient, en plus des
forces aériennes qui y étaient déjà stationnées, près de 250 avions
ou hydravions.
P. Ba.

llllllllllllilIlillllllllllllllllHIHIHIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIlItlIllIflIilllllllllllllllllllllllllllllHIIHIIIIIHIHHHHHHHIUI
R. A. A. — No 88.
iiitiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiifiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifiiiiiniitiiiiiitiiiiiiiiiiiitiiiii»

LE MATÉRIEL
DES AVIATIONS NATIONALES

France.

Le four électrique basculant Ripoche


pour la construction aéronautique.
Au cours d’une visite aux usines Farman, nous avons pu voir en
fonctionnement un four électrique de belles dimensions destiné au
traitement thermique de pièces de grande longueur, des étirés de
duralumin en particulier. Il nous paraît intéressant de donner sur
ce matériel quelques renseignements, non point tant pour décrire
une installation nouvelle, que pour montrer comment la construction
des appareils de tonnage élevé et intégralement métalliques (en l’espèce
les quadrimoteurs Farman 221) pose des questions d’outillage de
plus en plus complexes.
Considérations générales sur le choix d’un four.
Le four électrique basculant est connu depuis une douzaine d’années
et a été utilisé pour effectuer la trempe de pièces longues (barres,
tubes, profilés) en alliages d’aluminium.
Précédemment, la trempe de ces pièces s’effectuait dans des fours
à bains de sels (nitrate en fusion, température moyenne 5000). Les
pièces plongées dans ce bain se trouvaient chauffées par lui; après
chauffage, elles étaient sorties du four et trempées dans un bac
approprié.
Le four basculant procura, par rapport à ces installations, les
avantages importants suivants :
i° Les pièces n’étaient pas plongées dans un milieu étranger
susceptible d’avoir une action défavorable sur elles.
20 L’installation était beaucoup plus simple (élimination de la
cuve et des sels en fusion).
3° L’installation permettait, au moment de la trempe, de faire
basculer le four, de façon que l’ouverture de la chambre de chauffe
vienne se placer à proximité du niveau du liquide de trempe; par
ouverture de la porte, les pièces longues pénétraient dans le bain

1IIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII!IIIIIIIIIIIIIII||||||||||!||||||||||||
REVUE DE L’ARMÉE DEM’AIR. 1299

four électrique basculant Ripoche.


Schémas du
Au centre, élévation de face, le four étant vu de bout (les pylônes P et P' ont été
rognés, pour diminuer la hauteur de la figure). A gauche et à droite, extrémités
du four.
Toutes les références sont appelées dans le texte, excepté les suivantes : B, boîte
de raccordement fixée au pylône; G, gaine souple contenant les connexions du
four au tableau d’appareillage; G, groupe des contacteurs; R, régulateur
automatique de température à trois directions; c. contacteur.

de trempe verticalement (c’est-à-dire parallèlement à leur grande


dimension); leurs déformations étaient ainsi réduites au minimum.
En contre-partie, le four basculant chauffé électriquement révéla
des inconvénients sérieux :
i° Difficulté d’obtenir une température absolument uniforme
suivant toute la longueur du four.
2 0 Longueur du temps nécessaire pour la mise en température
d’une charge ; les pièces à traiter étant réunies en bottes et le chauffage
s’effectuant par conductibilité, il fallait, en effet, un temps très long
avant que le centre même de la botte atteigne la température désirée.
La production industrielle d’un tel four était très faible, et ce
genre d’installation fut momentanément abandonné.
M. Ripoche eut l’idée d’adjoindre au four électrique basculant
des ventilateurs, pour mettre en circulation l’air contenu dans la
chambre de chauffe. On constata dès lors, d’une part, que les
turbulences créées dans le four uniformisaient parfaitement les
températures, d’autre part que les calories étaient transmises beau
coup plus rapidement du fluide aux pièces. Le four électrique bascu
lant reprit ses avantages.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1
30o REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

,
Description d’un
ÉLECTRIQUE
FOUR
BASCULANT RIPOCHE.
L'enfou r ne ment
des profilés à traiter
s'effectue par une
plate-forme de char
gement, le four étant
dans la position hori
zontale.
Au moment de la
trempe, le four passe
à la position verti
cale (rotation com-
inan dée par chaîne C) ;
la porte est ouverte,
et les produits sont
évacués verticale
ment dans un puits
de trempe situéimmé
diatement sous le
four, entre les pylônes
P et P' le supportant.
Le four comporte,
dans la paroi arrière
de la chambre de
chauffe, une turbine
de brassage T, proté
gée par une grille
métallique très ro
buste g qui empêche
tout contact avec les
pièces à traiter. T est
actionnée par un
moteur électrique M, Le four électrique basculant RIPOCHE
dont le sens de rota en position verticale, prêt à laisser tomber les
tion est inversé auto profilés traités thermiquement dans le puits de
matiquement à inter trempe situé sous lui.
valles de temps régu
liers (2,5 à 3min); l’air circule donc tantôt dans un sens et tantôt en
sens inverse.
La chambre de chauffe est limitée par une paroi p qui constitue
la capacité contenant la charge. A l’extérieur de cette paroi sont
disposés les éléments chauffants électriques E qui s’étendent sur
toute la longueur de la chambre de chauffe. Les E sont séparés de
l’isolant calorifique 1 par une autre paroi p'.
L’air mis en circulation traverse donc successivement- la chambre
iiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiHiinn
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1301

Aspect d’ensemble du four électrique, basculant RIPOCHE installé aux usines FARMAN.

de chauffe d’un bout à l’autre, et ensuite l’espace compris entre les


parois p et p'.
Les dimensions intérieures du four sont les suivantes :

Diamètre intérieur utile om,350


Longueur intérieure utile 6m,500

La puissance du four, qui est de 45 kilowatts, est divisée en


trois groupes de circuits chauffants indépendants suivant la longueur
de la chambre de chauffe; la densité de puissance par unité de surface
se trouve, dans chacun de ces groupes, judicieusement répartie.

lillllllllllllllllllllllllllillllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll»
1
302 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
De plus, pour diminuer l’amplitude des oscillations de température
autour de la valeur désirée, on peut à volonté, dans chaque groupe,
mettre en jeu une puissance réduite (P/3) par couplage des résis
tances.
Dans chacun de ces groupes, un couple thermoélectrique est relié
par câble de compensation à un régulateur de température à trois
directions, de La Pyrométrie industrielle, qui maintient automatique
ment la température intérieure du four à la valeur désirée.
Ces dispositions, jointes à l’action régulatrice de la circulation
d’air méthodique à l’intérieur du four, font que pratiquement les
écarts de température contrôlés en des points quelconques du volume
utile de la chambre de chauffe ne dépassent pas ±3°.
Ce résultat se traduit non seulement par une qualité de trempe
rigoureuse tout le long des profilés traités, mais encore par une grande
économie de main-d’œuvre au redressage, les profilés n’étant presque
pas déformés par un traitement très régulier. Il est à remarquer,
du reste, qu’à leur sortie du four, les profilés ont la teinte uniforme
« parfaitement blanche », bien connue des trempeurs d’alliages
légers.
Pour la trempe des profilés lourds et épais en « oméga », la rectitude
est à peu piès parfaite, ces pièces étant posées dans le four sur une
sole plane amovible S prévue à cet effet.
Les frais de main-d’œuvre que nécessite l’installation se limitent
uniquement aux enfournements et aux défournements, le chauffage
étant entièrement automatique.
La capacité de production du four peut atteindre (suivant les
dimensions des charges) 200k% à l’heure pour une température d’uti
lisation de 500°.

Allemagne.

La valise d'instruments Schneider-Bosch,


pour ascensions en ballon libre.
Les pilotes de ballons libres ne disposaient pas jusqu’ici d’un
groupement rationnel des instruments de bord et de certains équi
pements analogues, par exemple, celui qui existe dans les postes
à
de pilotage ou de navigation des avions. Cette lacune est main
tenant comblée; un équipement commode a été réalisé outre-Rhin,
pour les aéronautes, par la maison Bosch und Bosch, de Freiburg,
suivant les indications de M. Schneider; l’ensemble est enfermé
dans une valise facilement transportable et accrochable.
La valise, dont les dimensions extérieures sont 5o cm x 35cm x 14cm,
est en fibre vulcanisée et pèse, complète, 7k8,500. Son couvercle se
rabat et forme table à cartes ou sous-main; une lampe mobile,
avec 3m de câble, permet la nuit d’éclairer les instruments; on peut
l’utiliser, en outre, comme lampe à signaux.

iiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiioitiiiiiüiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiriiiiiiiiiiiiiiiiiiM
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1
303

La mallette d’instruments Schneider-Bosch, pour aéronautes.

L’ingéniosité avec laquelle la mallette a été compartimentée en


vue de loger dans leurs casiers propres, et protéger éventuellement
par des portes, les divers instruments est visible sur la photographie
ci-dessus.
Voici d’ailleurs ce que contient la valise :
— un altimètre pour 6000 ou 10 000m (graduations lumineuses);
— un barographe pour les memes hauteurs;
— un variomètre;
— un thermomètre et un hygromètre, à graduations lumineuses,
dans un casier ventilé;
une montre à graduations lumineuses (durée de marche sans
remontage, 8 jours);
—• un moulinet;
—- un curvimètre et un compas à pointes sèches;
une pharmacie de poche;
— une jumelle à prismes;
— un couteau de bord à lame rabattable;
une lampe mobile; les batteries, pourvues d’un commutateur,

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllHIIIIIIN
1304 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Aspect de profil du monoplace de chasse CHANCE-VOUGHT V. 143.

font partie du corps de la valise et donnent plusieurs heures d’éclai


rage continu;
— une boussole.
États- Unis.

Le nouveau monoplace de chasse Chance-Vought V. 143.


Le nouveau monoplace de chasse Chance-Vought a été étudié par
le bureau d’études de cette Société en liaison avec les ingénieurs de
la Northrop Corp. (grande expérience de la construction métallique).
Il peut être équipé soit d’un Pratt and Whitney « Tivin Wasp Junior »
750 HP, soit d’un « Wasp Junior » (600 HP au décollage et 525 HP
à 2400m).
L’appareil comporte un train d’atterrissage repliable (roues rele
vées dans le bord d’attaque de l’aile, à l’emplanture même de la
voilure sur le fuselage), des volets d’intrados, une collerette de réglage
au bord de fuite du capot N. A. C. A., un habitacle clos. Structure
intégralement métallique, excepté le recouvrement des gouvernes,
exécuté en toile.
Armement. — Deux mitrailleuses synchronisées, soit du calibre
de 7mm,6, approvisionnées chacune à 500 coups, soit du calibre
de i2 mm ,-, l’approvisionnement n’étant alors que de 200 cartouches
par armes. Le Chance-Vought V. 143 peut, en outre, recevoir sous
le fuselage des lance-bombes (transport de 136k8 de projectiles).
Caractéristiques et performances avec un « Wasp Junior » 525 HP. —
Envergure, io m ,2o; poids total en vol, 184oks. Vitesse maximum

iiiiiiiiifiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiim
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1305

à 2400m, 402kmh; vitesse à la même altitude avec 75 pour 100 de


la puissance, 354kmh (299kmh avec 50 pour 100 de la puissance).
Vitesse ascensionnelle entre le niveau de la mer et 2400m, 10,5om/sec.
Plafond pratique, 8500m. Rayon d’action à 2400m avec 75 pour 100 de
la puissance, 124okm (1720km avec 5o pour 100 de la puissance,
ce qui ferait ressortir une autonomie supérieure à 5h, à la vitesse de
croisière de 3oo km ). Vitesse d’atterrissage en fin de mission, 96kmh.

Grande-Bretagne-

Un «
commercial bomber » britannique.
L’expression « vient d’être créée outre-Manche
commercial bomber »

pour désigner un type d’appareil de transport rapidement transfor


mable en bombardier, et vice versa. Le premier « commercial bomber »,
officiellement présenté comme tel, a été établi par la Société Airspeed;
c’est le « Convertible Envoi] », dont le gouvernement de l’Union Sud-
Africaine a commandé 7 exemplaires.
Pour les transports civils, le « Convertible Envoy » peut accueillir
six passagers et un pilote, la charge utile totale atteignant 94oks.
En 8 h (en réalité, le travail peut être réalisé par une équipe entraînée

Aspect en vol du « Convertible Envoy ».

fIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1111111IIIII11III11IImil111II11III111IIII111III1II11111111mil111
1306 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Autre aspect en vol du « Convertible Envoy », de la Société Airspeed.


Noter les larges fenêtres rectangulaires du fuselage, qui correspondent en général
à un appareil commercial, et la tourelle orientable Armstrong-Whitivorth.

en deux fois moins de temps), 4 hommes transforment l’appareil en


un bombardier très convenable. Il suffit de démonter une portion
du toit de la cabine, par laquelle on retire le lavabo, et de la remplacer
par un panneau de même forme portant, en son centre, une tourelle
protégée Armstrong-Whitivorth. Simultanément, on monte dans le
poste de pilotage une mitrailleuse, qui n’a pas besoin d’être synchro
nisée, l’appareil comportant deux moteurs latéraux (deux Armstrong-
Siddeley « Cheetah » 350 HP), et l’on boulonne, sous le fuselage, les
lance-bombes prévus. Les circuits électriques étant installés à
demeure dans l’appareil, il suffit d’ajouter au peste de pilotage
les manettes de déclenchement. Naturellement, les fauteuils sont
démontés, excepté l’un d’eux qu’utilise le navigateur radiotélé
graphiste.
Performances du Convertible Envoy » en appareil civil. — Vitesse
«
maximum à 2200m, 3 3 8 kmh ; vitesse à la même altitude avec 75 pour i oo
de la puissance, 3ogkmh. Rayon d’action à 3ooo m à la vitesse de
,
croisière de 290kmh, 1050km. Montée à 3ooo m en 8min; plafond
pratique, 68oo m
.
La vitesse maximum après adjonction des « excroissances » mili
taires serait encore supérieure à 3ookmh; l’appareil pourrait supporter
des vitesses de près de 5ookmh, atteintes au cours de piqués. L’équi
page de l’« Envoy » bombardier est de trois hommes.

Illlllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1
307

Hollande.

Le monoplace de chasse Fokker D. 21.


Parmi les nouveaux appareils de chasse dont la vitesse à l’altitude
d’utilisation atteint ou dépasse le cap des 4ookmh, il faut mentionner
le Fokker D. 21, livrable, sur demande, avec train escamotable.
Construction mixte, dans laquelle on a recherché l’absence totale
de vibrations et de torsions de la voilure, même au cours des piqués
les plus longs (garantie de précision dans le tir des mitrailleuses de
voilure).
Armement. — Fokker a étudié les combinaisons suivantes :
— 1 canon de 20mm sur moteur et 2 ou 4 mitrailleuses de 7mm,6
dans la voilure;
— 1 mitrailleuse synchronisée de 12mm,7 dans le fuselage et
2 mitrailleuses de 7mm,6 dans la voilure;
— 2 mitrailleuses synchronisées de 12mm,7 dans le fuselage et
2 mitrailleuses de 7mm,6 dans la voilure;
— 2 canons de 2o mm dans la voilure et 2 mitrailleuses de 7mm,6
dans le fuselage.
La comparaison des caractéristiques et performances du D. 21
équipé de divers moteurs est intéressante; V Hispano-Suiza 12 Vers
l’emporte pour la vitesse maximum, mais le Bristol « Mercury VII »

Le monoplace de chasse Fokker D. 21 au-dessus d’une mer de nuages.

iiiiiiiii 11111111 iiiiiiiiii ii i n 1111ÜI1111111111111111111111


diiii 11111111111111111111 iiiiiiiiiiiiii 1111 nuiuni 111 iijiiiiiiitiii
1308 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
donne un meilleur plafond. Le Wright « Cyclone » confère le plus
grand rayon d’action, et V Hispano-Suiza 12 Vers le plus faible.

Caractéristiques et performances comparées du Fokker D. 21


avec divers moteurs.

Autre aspect en vol du monoplace de chasse Fokker D. 21.


REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. i 309

Aspect de profil du monoplace de chasse FOKKER D. 21.

Caractéristiques et performances comparées du Fokker D. 21


avec divers moteurs (suite et fin).

Les poids et performances ci-dessus sont garantis sauf une marge de 30/. pour le poids
à vide, de 3 0/ pour la vitesse et de 6 °/ pour les montées, à condition que la puissance
du moteur et la consommation d’essence correspondent aux valeurs indiquées par les
fabricants des moteurs.

Italie.
Le trimoteur de bombardement Piaggio P. 16.
Le trimoteur de bombardement Piaggio, qui atteindrait une
vitesse maximum de 400km à 5000m, est un appareil à structure
métallique dont les ailes sont recouvertes de toile.

IIIIIIIIIIIItlIIIIIIUIIIIIIHIIIIIlIflIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIHininillllllllHllllllllltILIIIIIinillllllllIllHIIIIliiliililHi
1310 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
L’aile monoplane, dont la photographie de face de l’appareil
révèle la forme très curieuse, comporte une ailette de fente avant,
des volets de courbure et des ailerons classiques, ces derniers pouvant
d’ailleurs contribuer à l'hypersustentation par leur abaissement
simultané. Les ailettes de fente avant fonctionnent automatique
ment, mais le pilote peut avancer ou retarder l’instant de l’ouverture.
Les volets de courbure sont commandés à la main. L’ensemble de
ces dispositifs a permis de charger l’appareil à 121,5kg/m2 et d’obtenir
une vitesse minimum de sustentation encore très acceptable à pleine
charge : io5 kmh .
Fuselage en tubes d’acier, avec revêtement de duralumin à l’avant
et de toile à l’arrière. Train d’atterrissage relevable dans les fuseaux-
moteurs latéraux, hélices à pas variable Piaggio-Carrello. Poste de
pilotage à double commande.
Armement défensif. — Une tourelle protégée, escamotable, équipée
d’un jumelage sur le dos du fuselage, une mitrailleuse de queue,
dans un balcon sous la dérive, et une mitrailleuse sur l’aile pour le
tir en chasse.
Caractéristiques, avec moteurs Piaggio IX RC (610 HP à 2350 t/min).
—- Envergure, 22m; longueur, i3 m ,35; hauteur, 3 m ,5o; surface
portante, 70 m2. Poids à vide, 5600ks; charge utile, 2900kg. Poids
total en vol, 8500kg.

Aspects du Piaggio P. 16 à trois moteurs Piaggio IX RC 610 HP.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiir.iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinr>
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. i3ii

Aspect de face du trimoteur de bombardement Piaggio P. 16.

Détail agrandi de la partie centrale de la photographie ci-dessus (3 Piaggio 610 HP).

Les photographies ci-dessus précisent les formes ramassées de


l’appareil. Le Piaggio P. 16 monte à 6ooo m en 17min et son coef
ficient de sécurité est de 7,8. Son rayon d’action n’est pas com
muniqué.

Japon.

Quelques types récents d’appareils militaires japonais.


La Kawasaki Dockgard C°, qui s’est limitée pendant de nombreuses
années à des fabrications sous licence, d’appareils Dornier en parti
culier, construit maintenant le bimoteur de bombardement « Ar-
my 93 » (deux 700 HP). Une autre de ses productions intéressantes
est le C. 5 ; nous mentionnons cet appareil ici à cause de ses perfor
mances, bien qu’il s’agisse d’un type civil.

/Illllllllllllllllllllllllllllllllllllfllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1312 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Le triplace de transport rapide Kawasaki C. 5, à moteur KAWASAKI-B.M.W. VIII


600 HP.

Le C. est un triplace de transport rapide dont les formes rap


5
pellent celles de certains monoplaces de chasse ou biplaces d’attaque
américains (Northrop, en particulier). Structure intégralement
métallique. Équipement radiotélégraphique et de navigation complet.
Le moteur est un Kawasaki-B. M. W. VIII 600 HP.
Caractéristiques. — Envergure, 13m,42; longueur, 9m, 13; hau
teur, 2m,60; surface portante, 3om2. Poids à vide, 1725k8; poids
total en vol, 286oks.
Performances. — Vitesse maximum (au sol), 335kmh; vitesse

Le trimoteur d’exploration KAWANISHI « NAVY 90-1 », à trois moteurs ROLLS-ROYCE


«
Buzzard » 8x5 HP.

(IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIV
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1313

à 4 000 m, 3 o 2 k 11111 ; montée


à 1000m en rmini2sec.
Plafond pratique, 7000m ;
rayon d’action, 7.
Le C. 5 est utilisé
pour des reportages aé
riens ou pour le trans
port de journalistes dans
des régions d’accès dif
ficile.
La Kawanishi Aircraft
Le KAWANISHI «
NAVY 94 » C u de Hyogo (Kobé),
,
a livré aux Forces
aériennes de mer le « Navy 90-1 », modification d’un
Short à trois Rolls-Royce « Buzzard » 825 FIP. Le « Navy 90-11 » est
équipé de trois Hispano-Suiza 650 HP construits au Japon. Équi
page de 8 hommes. Caractéristiques. — Envergure, 3i m ; longueur, 23m ;
hauteur, 7m. Poids total en vol, 12 o00ks. Vitesse maximum, 220kmh.
Cette compagnie fabrique, d'autic part, l’hydravion triplace de
reconnaissance « Navy 94 ». Aile en bois recouverte de toile; fuselage
en tubes d’acier recouvert, à l’avant, de tôle de duralumin et, à
l’arrière, de toile. Le moteur est un « Navy 91 » 500-600 HP. Caracté
ristiques. — Envergure, 14m; longueur, io m ; hauteur, 4m,70.
Mitsubishi aurait construit un bimoteur (deux 450 HP) et livre
rait encore actuellement en série des « Army 93 ».

Parmi les autres appareils militaires sur lesquels il est possible de

Le triplace de bord Aichi « Navy 92 », à moteur « Navy 91 »


500-600 HP.

B. A.A. — No 88.
1314 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Le monoplace de chasse Nakajima « NAVY 90 », à moteur KOTOBUKI II 450 HP.


publier quelques renseignements, citons le Nakajima « Navy 90 »
et l’Aichi « Navy 92 », tous deux appartenant à la Marine, comme
leur nom l’indique.
Le Nakajima « Navy 90 » est un monoplace de chasse à structure
métallique et recouvrement de toile, équipé d’un moteur Koto-
buki 111(50 HP refroidi par l’air. Caractéristiques et performances. -—
Envergure, 9m,40; longueur, 6 m ,6o; hauteur, 3m, 20. Poids total en
vol, 1000k. Vitesse maximum, 31okmh; montée à 3ooo m en 4min io sec
L’Aichi « Navy 92 » est un bombardier triplace de bord équipé.
d’un moteur « Navy 91 » 500-600 HP. Caractéristiques. -—• Enver
gure, i3 m ,5o; longueur, 9m,50; hauteur, 3m,90. Poids total, 3oookg.
Rayon d'action supérieur à 1000km à pleine charge. Aucune autre
performance n’est communiquée.

'•llllllllllllll l lllllllllllilllliiil iiiiiiiii


1 11111111 1111111 111111111111 min i iiiii>(i 11 iiiiicïx iiiiinii iiiiiiaiii 11111111 > 11 ».
niiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin 1111111111111111111 1111111 1111 mu iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii)

BIBLIOGRAPHIE

Des Bancs de Flandres aux Dardanelles,


par l’amiral Sir Roger Keyes.
(LaÉSouvelle Revue critique, Paris. 35g p. •—- Prix : 25îr.)
Passionnants, ces mémoires de l’un des chefs les plus entreprenants
de la Marine britannique. On ne sait ce qui est le plus attachant
du récit des opérations des flottilles sous-marines qu’il menait auda
cieusement en baie d'Héligoland, ou de son exposé de la tentative
malheureuse des Dardanelles, qu’il suivit en qualité de chef d’État-
Major de l’amiral commandant en chef, et où il conserva, jusqu’à
l’heure imposée de l’abandon, la conviction que le forcement des
Détroits était raisonnablement possible.

Les Flottes de Combat 1936,


par le Commandant VINCENT-BRÉCHIGNAC.(Société d’Éditions géogra
phiques, maritimes et coloniales, Paris. 811 p., très nombreuses
illustrations. -— Prix, relié : 45f.)
L’annuaire 1936 du célèbre memento, qui comporte des rensei
gnements, plus nombreux qu’auparavant, sur le stationnement des
Aéronautiques maritimes.

The Aircraft Year Book 1936.


(L’annuaire aéronautique pour 1986), publié par la Chambre
de Commerce aéronautique des États-Unis, New-York. 509 p.,
nombreuses illustrations. -—- Prix, relié : 3,5o dollars.)
C’est la édition de l’annuaire bien connu, indispensable pour
18 e
toute étude sur l’aviation américaine. Quelques chiffres :
Production :
Avions militaires clans l'année fiscale 1935 459
» » » » » 1934 437
Moteurs militaires dans l’année fiscale 1935 991
» » » » » 1934 688
1316 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Moteurs militaires, classés par puissance, construits en 1935 :

IIP moins de 225 IIP de 225 à 300 de 300 a 500 de >00 à 600 de 600 à 700 plus de 700
Nombre 20 106 28 169 l68 400
Mat'chés pusses par l'Armée :
51 avions de chasse Consolidated A.
ni avions d'attaque Northrop A-17.
71 avions d’observation Douglas 0-^6.
3o avions de bombardement Seversky BT-3.
1 autogire Kellet YG-J.
1
autogire Pitcairn PA-33.
Marchés passés par la Marine :
32 hydravions d’observation Vought.
135 hydravions d’observation Curtiss.
86 avions de reconnaissance et de bombardement Vought.
16 avions de bombardement Great Lakes.
5 avions de transport.
4o avions de service Grumman.
86 avionsd’entraînement N. A. F.
60 hydravions de patrouille Consolidated.

Souvenirs sur Guynemer.


Nous nous en voudrions de ne pas signaler les Souvenirs sur Guy-
nemer, petite plaquette d’une trentaine de pages, rédigée par J. Rouch.
le météorologiste qui vécut dans l’intimité de Guynemer
sur le terrain
de Cachy. Cet article, publié d’abord dans la Revue maritime, est d’une
grande délicatesse de pensée: il plaira aux jeunes comme aux
anciens.
Notions de médecine aéronautique,
par le Docteur Jean Leduc (Imprimerie Moderne, 75, rue d’Isle,
Saint-Quentin, ou chez V Auteur, 8, rue Cannebière, Paris.
Prix 2,ofr ). —

Cet ouvrage, préfacé par M. le général Denain, ancien ministre


de l’Air et par M. le Professeur agrégé Brocq, constitue un livre
qui, comme le dit le général Denain, vient à son heure et qu’il est
souhaitable de voir dans tous les cercles ou mess de nos aérodromes, à la
disposition constante de l’Aviation civile et de l’Armée de l’Air.
«Simple manuel », nous dit son auteur, « uniquement destiné »
au corps d’élite, élite parmi les élites, des infirmières de l’Air;
nous pouvons cependant affirmer que tous les aviateurs et tous les
médecins le liront de bout en bout avec un intérêt qu’ils ne verront
pas faiblir, car il rassemble, pour la première fois à notre connais
sance, une quantité de notions inconnues il y a vingt ans, qui forment
aujourd’hui le fondement même de l’aérophysiologie.
L’auteur nous expose lui-même les divisions de son ouvrage
(p. 18).

IIIIIII111111111111111111111111II11111111!
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La première partie, la plus importante, est consacrée à l’Aviation
sanitaire proprement dite : le Dr Leduc y étudie la physiologie de
l’altitude, en partant de ce principe vérifié que l’altitude donnant,
à partir d’une certaine hauteur, des troubles déterminés chez le
sujet sain, ces troubles apparaîtront plus bas et plus vite encore
chez un individu diminué dans sa vigueur normale, que ce soit un
blessé ou un malade. Les Chapitres II et III de la première partie
exposent la physiopathologie du sujet sain : le mal des aviateurs,
le mal de l’air, les troubles dus aux accélérations, aux intoxications
par les gaz émanés du moteur y sont succinctement étudiés avec
leurs symptômes et leur traitement.
Le Chapitre IV nous fait connaître les contre-indications relatives
ou absolues de transport par avion d’un blessé ou d’un malade :
c’est le chapitre capital de l’ouvrage que doit connaître par cœur
toute infirmière et tout médecin. Le Chapitre V nous indique quels
peuvent être les soins « de bord » ainsi que ceux qui doivent être
préparatoires au voyage aérien.
Dans la deuxième partie, l’auteur nous expose le « rôle théra
peutique du vol en avion », en particulier dans la coqueluche, les
utilisations médicales de l’avion (transport de médicaments, lutte
contre certaines maladies, par exemple contre le paludisme par
épandage de vert de Paris, contre les parasites des cultures de coton
aux U.S.A., et enfin ce que doit contenir une boîte de secours de
bord (avions de transport coloniaux, appareils sanitaires). Il ne
nous cache pas non plus le rôle nuisible, au point de vue épidémio
logique, de l’avion comme propagateur possible d’épidémies, aussi
redoutables que lointaines, à cause même de sa rapidité de déplace
ment (choléra, peste, fièvre jaune, typhus, variole, etc.), mais il nous
donne en même temps les éléments d’une prophylaxie efficace.
Il nous parle encore de la surveillance médicale des aérodromes
et des aéronefs (Convention sanitaire internationale pour la naviga
tion aérienne, entrée en vigueur le 1er août 1935), puis des conditions
d’aptitude physique exigées du personnel navigant de l’Aéronautique
civile (pilote de tourisme, de transport public, de ballon libre, de
dirigeable, navigateur, radiotélégraphiste ou radiotéléphoniste, infir
mière) et des centres où l’on peut se présenter à l’examen médical.
Il termine par un historique de l’Aviation sanitaire dans la métro
pole et dans les colonies.
Nous exprimerons notre gratitude au Dr Jean Leduc pour son
livre dont le plan nous apparaît si complet, et qui fait si bien voir
tout ce que le médecin peut attendre de l’aviation et l’aviation de la
médecine. Première vue d’ensemble de la médecine aéronautique,
c’est non seulement dans le milieu des aviateurs civils et militaires
que ce livre sera lu avec intérêt, mais aussi par le corps médical tout
entier. Il devrait être aussi largement répandu dans le grand public
où l’on n’a pas encore une idée bien exacte de l’importance que
prendra encore l’aviation dans l’avenir.
Médecin-Commandant Flamme.
1318 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.

Manuel de météorologie du pilote,


par G. DEDEBANT et A. VIAUT (Blondel La Rougery, Paris. 200 p.,
87 fïg., 25 planches.
— Prix : 3oïr).
Nous avons rendu compte dans cette revue de l’ouvrage de
M. Van Mieghem « Prévision du Temps par l’analyse des cartes
météorologiques ». Pour situer l’ouvrage de MM. Dedebant et Viaut,
respectivement chef du Service scientifique et chef de la Section des
avertissements de l’O. N. M., par rapport à celui de M. Van Mieghem,
nous dirons que celui-ci constitue une initiation aux théories les plus
modernes de la météorologie, tandis que le premier constitue
une
petite encyclopédie de tout ce que le pilote et le navigateur aérien
doivent connaître de la météorologie et de ses applications à la naviga
tion aérienne. Nous ajouterons que l’ouvrage de MM. Dedebant
et Viaut a le grand mérite de mettre toutes ces questions,
sous une
forme simple et agréable, à la portée même des
personnes n’ayant
pas de culture scientifique.
A notre avis ce petit manuel doit devenir le livre de chevet de
tous les pilotes. Ce n’est pas un ouvrage à lire tout d’une traite et
à reléguer ensuite au fond de sa bibliothèque. C’est
un ouvrage qu’un
bon pilote doit avoir constamment à portée de sa main
pour le
consulter chaque fois qu’il aura rencontré en
cours de
situation météorologique complexe, et aussi chaque fois voyage une
qu’il aura à
préparer un voyage aérien pendant une période où les conditions
météorologiques seront susceptibles d’avoir une influence marquée
sur la navigation aérienne. En particulier nous ne saurions trop répéter
que la navigation dans les nuages sera toujours dangereuse pour
un
pilote ou pour un navigateur qui n’auront pas une pratique sérieuse des
méthodes modernes de la météorologie, car
ces navigateurs s’exposeront
à pénétrer sans s’en douter dans des zones de grains
ou de givrage
aussi redoutables les unes que les autres.
En s’inspirant des enseignements de MM. Dedebant et Viaut,
ces navigateurs apprendront à connaître les différents états de l’atmos
phère ainsi que les différentes espèces de nuages qu’ils sont exposés
à rencontrer suivant la région, la saison et l’altitude. Ils apprendront
à en reconnaître les caractères extérieurs, et ils sauront à
quelles
sortes de risques ces différents météores exposent leurs avions.
Ils apprendront avec les lois, d’ailleurs assez simples, de la circu
lation aérienne autour du globe terrestre, comment les systèmes
nua
geux prennent naissance, comment ils sont constitués, comment ils évo
luent, et comment les vents sont répartis à l’inférieur de chacun d’eux.
Ils apprendront comment les circonstances locales (voisinage de
la mer, d’un massif montagneux, d’une vallée) perturbent l’évolution
de ces systèmes, et quelles précautions doivent être prises
éluder les conséquences dangereuses de ces perturbations. pour
Ils apprendront enfin comment se font les prévisions météoro
logiques au moyen des cartes d’isobares, d’isothermes, de nébu-

uhiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiihiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1319

losité et de répartition des vents, et au moyen des coupes verticales


de l’atmosphère obtenues chaque matin par les sondages de tempé
rature et de degré hygrométrique de l’air. Ils verront comment se
fait, à partir de ces prévisions, la protection météorologique de la
navigation aérienne. En particulier, ils se rendront compte de ce
fait que la sécurité de la navigation aérienne aux États-Unis, où elle
a pris l’essor formidable que tout le monde connaît, est due avant
tout à une protection météorologique très efficace, assurée par des
moyens extrêmement puissants, et par une étroite collaboration
entre les pilotes et le personnel du Weather Bureau. C’est précisément
à développer celte collaboration en Europe que doit servir l’ouvrage
de MM. Viaut et Dedebant.
Ajoutons enfin que, très loin de constituer une théorie aride et
abstraite, leur ouvrage est semé d’une foule d’exemples pratiques,
illustré de nombreuses figures et de 2 5 photographies des différents
types de nuages, chacune d’elles étant accompagnée d’un schéma
explicatif: si bien qu’il est impossible d’en lire trois pages prises au
hasard sans conserver dans la mémoire un conseil utile dont on
trouvera des applications au cours de chaque voyage aérien.
En dehors même de toute application pratique, cet ouvrage sera
d’un intérêt passionnant pour tous ceux qui sont curieux des choses
de l’atmosphère : par le sortilège de ses incantations, les troupes de
nuages qui, jusqu’ici, leur apparaissaient comme des masses amorphes
charriées au fil du vent, s’animeront de la vie de chacun des groupes
qui les composent pour devenir des cohortes ordonnées dont le ballet
aérien, réglé dans tous ses détails par les évolutions des masses d’air
qui les engendrent, constitue l’une des plus belles harmonies de la
nature. C’est un coin du voile qui nous cache le mystère de ces har
monies que l’ouvrage de MM. Dédebant et Viaut lèvera pour ceux
qui auront la bonne fortune de le lire.
A. V.
Le péril sous-marin,
par l’amiral Jellicoe (Éditions de la Nouvelle Revue Critique, Paris.
211 p., nombreux tableaux. —- Prix : 18îr).
Le livre de l’amiral Jellicoe : « Le Péril sous-marin» (« The Submarine
Péril »), complète la série des principaux ouvrages déjà parus et
traduits en français sur la guerre sous-marine allemande : ceux de
l’anglais Prendergast, de l'amiral allemand Michelsen, de l’amiral
américain Simms....
La guerre sous-marine allemande, entreprise, au début de 1917,
avec 115 sous-marins et poussée, à partir de l’été 1917, avec une
moyenne de 175 de ces bâtiments, constitue la plus formidable
menace qu’ait couru le commerce maritime britannique depuis le
blocus continental de Napoléon et les guerres anglo-bataves et
franco-anglaises du xvn e siècle. La maîtrise de la mer était passée
aux sous-marins allemands, reconnaît l’amiral Jellicoe, aveu rétros
pectif dont on appréciera toute la gravité.

11111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
1111111111111111111111111111111111111
1320 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
Les Anglais ne purent faire face à la
menace avec leurs seules
ressources. En particulier, à cette période critique, l’appoint américain
fut déterminant. Au plus fort de la crise, en effet, en avril 1917, les
États-Unis commencèrent à fournir la trentaine de torpilleurs
que
réclamait l’organisation des convois dans l’Atlantique.
Sans cette organisation de toute la navigation commerciale
en
convois escortés, les torpillages n’auraient
pu être maîtrisés.
Du point de vue aéronautique, l’ouvrage de l’amiral Jellicoe
apporte une contribution intéressante aux opérations des hydravions
alliés contre les sous-marins allemands. En 1917, déclare l’amiral
Jellicoe, les patrouilles aériennes britanniques coulèrent six
sous-
marins. Dans le deuxième semestre 1917, les avions et hydravions
patrouillèrent entre 70 000 et 90 000 milles par mois au-dessus de
la mer. Il y eut un sous-marin attaqué par 6000 à 9000’milles.patrouillés
en vol.
Pour l’attaque des bases belges, l’amiral Jellicoe déclare
que,
pendant le seul mois de septembre 1917, l’aviation britannique de
Dunkerque déversa 86 tonnes de bombes.
Ces renseignements complètent l’étude historique
parue dans la
« Reune de l’Armée de l’Air » sur la « Guerre aéromurilime dans les
Flandres ».
P. BA.

Le Gérant : E. THOUZELLIER.
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiii iiiiiiiiiiiTiiiiiiiiiiiiiiiiiiiriii
1111 nu i niiiiiiii^
105'152. — Imp. Gauthier-Villars.
Aspect intérieur de l'hydravion hexamoteur Short « SARAFAND ».

Revue de l’Armée de l’Air


N“ 89 SOMMAIRE Décembre 1936

PREMIÈRE PARTIE.
Pages.
Les projectiles du combat entre avions,
par l’Ingénieur en chef de l’Aéronautique A. BRISSOT 1323
Sur le bombardement d’une cible mobile,
par le Capitaine DAVOUT D'AUERSTAEDT 1337
L’École des Remous (suite...),
par le Capitaine J. THORET 1361
Notes et souvenirs sur la création de l’Aviation militaire française
{suite ),
par le Lieutenant-Colonel BELLENGER 1374
Zigzags à travers le Salon,
par P. E 1391

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
R. A. A. — N° 89. 1
1322 REVUE DE L'ARMEE DE L'AIR.

DEUXIÈME PARTIE.

INFORMATION GÉNÉRALE
Pages.
Eclairage des escadres d’attaque et de bombardement 1401
Un exemple de navigation aérienne au long cours par A. V. 1403
Les dispositifs d’atterrissage en p. s. v. aux Etats-Unis par A. V. 1406
. .
Sondeur à écho radioélectrique par G. J. 1408
Influence du manque d’oxygène sur la limite supérieure de l’audi¬
bilité par le Médecin-Commandant FLAMME. 1410
L’organisation des communications et ravitaillements aux armées. 1416
La menace de l’agression rapide à l’égard de la sécurité collective. 1418
Un indicateur à rayons cathodiques pour le guidage des avions 1423
. .

LE MATÉRIEL DES AVIATIONS NATIONALES

France. — Le calculateur-marqueur de point astronomique, Bas-


tide-Lepetit, type 300. — Matériels modernes Técalémit pour
le ravitaillement des avions 1425
Etats-Unis. — Quelques avantages du moteur radial à deux étoiles
de cylindres décalées. — Les nouveaux Wright « Cyclone »
G. 100 1431
Brésil. — Appareils d’entraînement pour l’Aviation brésilienne 1433
. .

REVUE DES BREVETS

Atterrissage des avions sans visibilité (Siemens ApRarate und


Maschinen Gesellschaft) par Gaëtan JACQUET. 1435

1111111 mil 1111111111111111111iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii1111111111111111


iiriiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiitiiiiitiiiiiiiiiiiMiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiimmiiii

Les projectiles du combat entre avions

Par M. A. BRISSOT,
ingénieur en chef de l’Aéronautique.

Toute étude de l’armement aérien doit logiquement com


mencer par celle des projectiles, car ce sont eux qui condi
tionnent en grande partie les armes et, par suite, les avions qui
les portent. En particulier le projectile du tir d’avion contre
avion est un des éléments déterminants de l’avion de défense
légère, comme la bombe en est un de l’avion d’attaque du sol.
On a dit souvent que l’avion de chasse devait être construit
autour de ses armes; nous dirions, nous, que c’est à partir de
ses projectiles qu’il doit être conçu.
Nous nous proposons, dans ce qui suit, de donner un aperçu
de ce que sont et pourraient être les projectiles du combat
entre avions. Nous ne considérerons pas comme tels les bombes
que l’avion largue sans vitesse initiale, bien que le bombarde
ment puisse être envisagé dans certains cas pour l’attaque des
formations aériennes en vol. Nous laisserons de côté également
les projectiles automoteurs, dont l'intérêt n’est pas certain et
qui sont très loin du stade des réalisations simplement cor
rectes. Il ne nous reste donc à examiner que les projectiles
normaux de l’artillerie, ceux qui peuvent être lancés par des
bouches à feu, mitrailleuses ou canons.

QUALITÉS GÉNÉRALES DES PROJECTILES.


Différentes catégories de projectiles.
Les contingences ont limité pendant longtemps aux seuls
projectiles pleins, aux balles, les munitions en service dans l’avia
tion; les faibles poids disponibles sur les avions de la dernière

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min mu iiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiii un un ni 111111111111111 ii
i32 4 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

guerre interdisaient de songer à des projectiles d’un calibre


suffisant pour envisager d’autres solutions. On se contenta
d’augmenter le pouvoir de perforation des balles du calibre
courant et de les munir d’une composition traçante. Ne mépri
sons pas ces balles de petit calibre; elles ont joué dans la
bataille aérienne un rôle qui est loin d’être terminé.
La mise en service de mitrailleuses d’un calibre plus élevé
permit de réaliser des projectiles incendiaires de quelque effi
cacité qui ne servirent pas en général à l’attaque des avions,
mais permirent d’obtenir de bons résultats sur les cibles assez
faciles à atteindre et à enflammer que sont les ballons.
On se serait contenté pendant longtemps de ces balles per
forantes, traçantes ou incendiaires, si la découverte en Alle
magne, après l’armistice, de canons d’avions, dont le canon
actuellement en service dans certaines aéronautiques est une
reproduction fidèle, et accompagnés d’obus explosifs, n’avait
suscité une vive curiosité et des recherches méthodiques sur
l’efficacité des engins de petit calibre de cette espèce. Après
un grand nombre d’années, au cours desquelles les études de
canons automatiques pour avions furent poussées, à ce qu’il
semble, sans grande conviction, le moteur-canon (dont une pre
mière réalisation date d’ailleurs de 1917) apparut brusquement
comme capable de rendre la vie à l’avion de chasse moribond.
Un grand essor a été donné de ce fait à la question du canon
d’avion et, en même temps, à celle de l’obus explosif.
Enfin des projectiles d’une autre catégorie, auxquels il
semble qu’on n’ait pas encore songé pour l’avion, doivent faire
un jour leur apparition, si l’emploi de canons sur avions se
confirme. Ce sont les projectiles fusants, dont l’emploi paraît
assez indiqué pour le combat entre avions.

Efficacité du projectile.

Le premier point à considérer est l’efficacité du projectile,


supposé avoir atteint le but. A cette qualité du projectile,
l’efficacité, correspond un défaut du but, la vulnérabilité. Exa
minons d’un peu près la vulnérabilité d’un avion.
On peut la définir par la fraction de surface offerte au tir
qui soit vulnérable à tel ou tel projectile. Mais cela ne suffit
évidemment pas.

iiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHUiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiir
faut tout d’abord fixer l’enjeu du combat. Selon qu’il
11
s’agira de détruire l’avion adverse ou seulement de lui inter
dire sa mission, la surface vulnérable de ce dernier sera plus
ou moins réduite. Un avion de bombardement n’est pas détruit
parce qu’un obus a brisé son appareil de conduite de lancement
ou rompu les transmissions entre les postes de commande et les
lance-bombes, mais sa mission est compromise; son bombarde
ment sera imprécis dans un cas, impossible dans l’autre :
l’appareil de conduite de lancement, le poste de lancement, les
transmissions sont-elles des points vulnérables du bombardier ?
Un avion de coopération a son poste de T. S. F. brisé par un
obus; il peut continuer à voler et recueillir des renseignements,
mais ne peut plus les transmettre : le poste de T. S. F. est-il
un point vulnérable de l’avion de coopération ? On est ainsi
conduit à distinguer des degrés dans la vulnérabilité des dif
férentes parties d’un avion : l’atteinte du point vulnérable peut,
soit entraîner la perte de l’avion, soit l’obliger à descendre
(ce qui équivaut à la perte si l'atterrissage a lieu en territoire
ennemi ou l’amerrissage en des eaux inhospitalières), soit inter
dire sa mission, soit seulement la compromettre gravement. Le
but idéal du combat est évidemment la destruction de l’adver
saire et les projectiles doivent permettre d’obtenir autant que
possible ce résultat, mais nous avons voulu montrer par cette
analyse de la vulnérabilité, combien il serait superficiel de tenir
compte uniquement de l’effet purement destructeur dans
l’étude comparative de l’efficacité des projectiles ou de la vul
nérabilité des avions. Nous distinguerons dans ce qui va suivre
entre l’efficacité destructive et l’efficacité d’interdiction et de
même entre la vulnérabilité totale (entraînant la perte ou
l’atterrissage forcé) et la vulnérabilité partielle (entraînant
l’arrêt de la mission ou sa compromission grave).
Mais la vulnérabilité dépend aussi de la direction du tir.
Si par exemple le tir vient exactement de l’arrière ou de l’avant,
la surface offerte au tir se réduit à peu près à la section droite
du fuselage et des nacelles-moteurs, la voilure se présentant
par la tranche. Si le tir vient exactement de côté, la surface
offerte au tir se réduit presque uniquement au profil du fuselage,
la voilure se présentant par le bout. Dans le premier cas la
vulnérabilité totale à la balle pleine est voisine de 1, l’équipage

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
et les moteurs remplissant sensiblement tout le maître-couple;
dans le second cas, la vulnérabilité totale tombe à 1/4 ou 1/5,
l’équipage et les moteurs n’occupant guère que cette fraction
du profil du fuselage. Elle devient extrêmement faible si le
tir vient de dessus ou de dessous, la voilure, presque totalement
invulnérable à la balle pleine, occupant la majeure partie de
la surface offerte au tir. Nous devrons donc étudier la vulné
rabilité d’un avion en fonction de la direction du tir.

Les qualités balistiques.

L’efficacité, au sens que nous venons de donner à ce mot,


est insuffisante en soi; il faut d’abord que le projectile atteigne
le but. Ici interviennent les qualités balistiques du projectile.
La trajectoire de celui-ci dépend évidemment de la bouche à
feu qui l’a tiré, mais aussi de la forme et de l’organisation du
projectile lui-même, en un mot de son coefficient balistique.
De plus, si l’on considère non plus un seul projectile mais
une salve, la probabilité d’atteindre le but avec un ou plusieurs
projectiles de la salve croît évidemment avec la cadence de tir,
laquelle varie en sens inverse du calibre. Réduction du coeffi
cient balistique et du calibre sont donc à rechercher pour les
projectiles du combat entre avions. Plus le premier sera faible,
plus le projectile conservera sa vitesse, plus sa trajectoire sera
tendue et moins grande sa durée de trajet. Le tir sur but
mobile sera facilité et la probabilité d’atteinte augmentée. Plus
le calibre sera faible, plus grande sera la cadence de l’arme
automatique et les chances d’atteinte seront accrues.
Mais il y a plus. L’amélioration du coefficient balistique
ne fait pas qu’agir sur la probabilité d’atteinte. Elle influe sur
l’efficacité, au sens donné plus haut à ce mot. On admet en
artillerie que l'importance de la brèche faite à un objectif résis
tant est en raison directe de la vitesse restante de l'obus à
l'impact. A première vue, ce principe n’est pas applicable au
combat aérien, l’avion étant un objectif fragile. Mais il ne faut
pas oublier qu’il y a, à bord des avions, des points particuliè
rement sensibles, comme les bombes, que l’on cherche en général
à protéger contre certains coups, dont la vulnérabilité devien
drait par trop faible si la vitesse restante des projectiles aux
distancés de combat usuelles tombait trop bas. Plus générale-
ment, si cette éventualité se produisait, il deviendrait possible
de réaliser une protection très convenable d’un avion sans
augmentation considérable du poids mort. En outre cette insuf-
finance de vitesse restante serait aggravée dans certaines cir
constances du combat, qui ne sont pas rares, où le but s’éloigne
du tireur pendant le trajet du projectile. Dans l’état actuel de
l’aviation, la vitesse restante relative peut être ainsi réduite
de plus de 150 m./s. Notons d’autre part qu’un minimum de
vitesse restante est nécessaire pour assurer le fonctionnement
des fusées à refoulement ou inertie qui arment les obus
explosifs. Un bon coefficient balistique est donc une condition
nécessaire à l’efficacité des projectiles d’avion contre avion.

RÉALISATIONS.
Après cet aperçu sur les qualités générales des projectiles
du combat aérien, nous allons examiner comment elles sont
ou pourront être obtenues sur les quatre espèces de projectiles
(pleins, incendiaires, explosifs, fusants) énumérées au début de
cet exposé.
Le projectile plein.
L’efficacité d’un projectile plein est évidemment à peu près
indépendante de son calibre. Qu’il soit petit ou gros, ses effets
sur le personnel, les réservoirs, les radiateurs, les chemises
d’eau et carters de moteurs, les postes de T. S. F. et tous équi
pements délicats seront les mêmes. Si la vitesse restante n’est
pas trop faible, un petit calibre est également suffisant pour
arrêter brusquement un moteur par perforation d’un organe
un peu résistant (cylindre, magnéto, pompe, etc.), pour faire
exploser les chargements de bombes et pour rompre des câbles
de commande de gouverne ou de petits haubans de charpente.
Seules certaines pièces de charpente ne deviennent vulnérables
qu’à une balle de gros calibre (ferrures principales où la matière
travaille au maximum, barres secondaires de poutre, etc.). Mais
il y a peu de points vulnérables de cette dernière espèce sur
les avions, et comme d’autre part un calibre faible augmente
la cadence du tir, il y a certainement intérêt au point de vue
efficacité et débit à adopter un petit calibre pour le projectile
plein.
Ce qui limite dans cette voie, c’est la nécessité de ne pas

llllllltllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
i3 2 8 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
trop augmenter le coefficient balistique. On sait que ce dernier
est proportionnel au carré du calibre et inversement propor
tionnel au poids, en sorte que pour des balles géométriquement
semblables et de même densité le coefficient balistique augmente
quand le calibre diminue. On ne pourra accepter un petit
calibre que si le projectile est assez dense (noyau en plomb) et
assez long.
On estd’ailleurs arrêté assez vite dans cette voie de l’allon
gement par la nécessité de ne pas augmenter l’indice de forme,
autre facteur du coefficient balistique, de conserver une stabilité
suffisante du projectile sur sa trajectoire, et aussi parce que la
cadence des mitrailleuses est fonction directe de la longueur
de la cartouche (qui fixe un minimum au trajet obligatoire du
mécanisme mobile de l’arme entre deux coups consécutifs), de
sorte que tout allongement de la balle devrait être compensé
par le raccourcissement de l’étui contenant la charge de poudre
propulsive. Un raccourcissement important de l’étui ne pour
rait être obtenu que par des moyens non encore éprouvés, tels
que l’enfoncement sur une très grande longueur de la balle
dans l’étui ou le chargement à grande densité de l’étui avec
une poudre très forte ( 1 ).
Donc, la balle pleine doit être d’un calibre aussi petit que
possible, dense, longue et d’un bon indice de forme; elle devra,
en outre, posséder une pointe dure pour augmenter la puissance
de perforation. Mais une question se pose : quel calibre adopter,
celui des mitrailleuses dites légères (de 7 à 8 mm ), celui des
mitrailleuses de D. C. A. (de 13 à 17) ou un calibre intermé
diaire ?
La réponse à cette question dépend de l'importance plus ou
moins grande attribuée à la cadence du tir ou à la durée de
trajet de la balle. Voyons d’abord de quelle manière, l’augmen
tation du calibre influe sur la cadence de l’arme. Il est difficile
de faire état des résultats obtenus avec les mitrailleuses exis
tantes de divers calibres, car la conception de ces armes n’a pas
toujours été orientée vers la recherche des grandes cadences.

Notons en passant que l’étude et la mise au point de poudres propul


(x )
sives très fortes, spéciales à l’Aéronautique, conduirait à un progrès certain de
l’armement aérien, non seulement pour la raison indiquée ci-dessus, mais
surtout par l’amélioration des vitesses initiales des projectiles.

•Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
On peut cependant admettre qu’en l’état actuel de la technique
une cadence de 1100 à 1200 coups à la minute, réalisée avec
la plupart des mitrailleuses légères d’aviation, de calibre com
pris entre 7 et 8 mm représente le maximum compatible avec
normale du matériel. Il semble que ce soit la
,

une longévité
vitesse linéaire moyenne du mécanisme mobile, dont le va-et-
vient produit l’introduction et l’extraction des cartouches, qui
fixe la limite de cadence d’une mitrailleuse. L’amplitude de
ce va-et-vient représente environ deux fois la longueur de la
cartouche. La cadence maximum devrait donc être à peu près
inversement proportionnelle à cette longueur. Or la balistique
nous apprend qu’avec une poudre et une densité de chargement
données, des tubes et des projectiles géométriquement sem
blables et une charge de poudre proportionnelle au cube du
calibre, on obtient la même vitesse initiale, si la vivacité de la
poudre est inversement proportionnelle au calibre. Pour une
famille de mitrailleuses répondant à ces conditions, la longueur
de la cartouche est proportionnelle au calibre. Il est naturel
d’admettre qu’en augmentant de calibre les mitrailleuses sui
vront une telle évolution, car dans une mitrailleuse on
recherche toujours la longueur de canon minimum (pour des
raisons d'encombrement et de maniabilité de l’arme) corres
pondant à la densité de chargement maximum (pour améliorer
la vitesse initiale).
Voici donc quel pourrait être le tableau des cadences maxima
en fonction du calibre, tableau valable pour l’avenir immédiat
et sauf révolution apportée dans le choix des matériaux et
l’agencement des mitrailleuses et des cartouches.
Tableau des cadences en fonction du calibre.
Calibre... 7,5 9 11 13 16 20 25 3o 37
Cadence.. 1200 1000 820 700 560 450 36o 300 240

voit que la cadence reste acceptable lorsque le calibre


On
passe de 7,5 à 13. Ce n’est donc pas, à notre avis, la considé
ration de la cadence de tir qui nous fixera sur le calibre à
adopter, d’autant plus qu’on peut toujours améliorer le débit
en groupant plusieurs mitrailleuses.
Voyons maintenant, l’influence du calibre sur la durée de
trajet de la balle. Le tableau ci-dessous donne l’ordre de gran
deur des trajets (en mètres) parcourus, à l’altitude 0, par les

Illlllllll!llllllllllllllllllllllllllllll|||||||||||||lll||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||!|||||||||||||||||||||||||
l ||||||||
balles de 7,5 et de 13, tirées à 800m de vitesse initiale pendant
0,5, 1, 1,5 et 2sec (les différences d’un calibre à l’autre se con
servent sensiblement en première approximation, avec l’altitude
du tir).
Tableau des distances parcourues.
Durées du trajet o sec,5 pec
Balle de 7,5 33om 56om 750m 910m
Balle de 13 4oom 700m 950m 1200m

On voit par ces chiffres qu’une conduite de tir, dont la


justesse est fonction directe de la durée de trajet du projectile,
permettra des tirs de même exactitude à des distances qui aug
mentent de 20 à 30 %, lorsqu’on passe de la mitrailleuse légère
à la mitrailleuse lourde. D’autre part, la vitesse restante d’une
balle de 7,5 à 1000m est de l’ordre de 350 ra , c’est-à-dire que la
balle devient peu précise. A cette même distance la balle de 13
a encore 500m de vitesse et par conséquent une
bonne précision.
Ces constatations sont, à notre avis, décisives et devraient con
duire au choix d’un calibre élevé, si la considération du poids
d’armement transporté ne devait entrer en ligne de compte.
Il nous semble qu’une mitrailleuse de 10 ou 11 conviendrait
aux petits avions, le calibre de 13 ou même de 15 étant réservé
aux avions plus importants.
Pour ce qui est de la vulnérabilité d’un avion à la balle
pleine, notons qu’elle n’est pas aussi faible qu’on pourrait le
croire de prime abord. Nous avons déjà fait remarquer qu’elle
est quasi totale lorsque le tir vient de l’avant ou de l’arrière.
C’est dire en particulier que l’avion de chasse, attaquant avec
une arme fixe dirigée suivant son déplacement, est tout à fait
justiciable de la balle. La vulnérabilité est loin d’être négli
geable, lorsque le tir vient de côté. Elle n’est vraiment faible
que dans le cas du tir venant de dessus ou de dessous sous un
angle voisin de la normale. L’expérience de la dernière guerre
est d’ailleurs là pour démontrer la vulnérabilité réelle de
l’avion. Si les avions revenus au terrain sans dommage avec
20 ou 30 traces de balles ne furent pas très rares, nombreux
furent ceux que quelques balles suffirent à « descendre ». Pour
notre part, nous avons des raisons de connaître tout particu
lièrement un jeune sous-lieutenant qu’une blessure obligea à
interrompre sa mission alors que 9 balles seulement avaient
atteint son appareil.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuii
Le projectile incendiaire.
Nous dirons peu de choses des projectiles incendiaires dont
les possibilités contre avion paraissent limitées. D’une manière
générale, on ne peut songer à enflammer des matières peu com
bustibles qu’au moyen d’engins restant assez longtemps en
contact avec elles. Il paraît donc impossible d’enflammer direc
tement le bois ou la toile -—- même enduite de vernis assez
combustibles — d’un avion avec des projectiles que leur vitesse
restante, relativement grande en regard de la fragilité de
l’objectif, empêcherait de laisser au contact une quantité suffi
sante de composition incendiaire. Il y a bien, à bord d’avion,
des points particulièrement vulnérables à l'incendie, tels que les
réservoirs de combustible, mais il semble que sur eux les effets
des balles incendiaires soient à peine supérieurs à ceux des
balles ordinaires, au moins dans les petits calibres. Les expé
riences sur réservoirs avec des calibres plus élevés manquent;
il semble qu’elles offriraient peu d’intérêt, les obus explosifs
étant probablement plus efficaces.

Le projectile explosif.
Avec les projectiles explosifs nous abordons les possibilités
d’avenir. Il est évident que l’apparition d’engins capables
d’ouvrir des brèches de quelques décimètres carrés dans le
bordé d’un avion peut révolutionner l'armement aérien. Mais
il convient d’examiner de très près si cette nouveauté (qui date
d’ailleurs de 1918) mérite entièrement la faveur, dont elle
semble jouir depuis quelques années dans certains pays.
Les plus grands effets de l’obus explosif doivent être attendus
du souffle plutôt que des éclats. Par son souffle, un obus de 20mm
percutant instantanément sous incidence normale peut arracher
des revêtements métalliques d’ailes sur quelques décimètres
carrés aussi bien à l’entrée qu’à la sortie, l’effet étant maximum
pour des épaisseurs d’aile de quelques décimètres; il peut
ébranler des éléments secondaires de poutre placés à quelques
centimètres de l’impact, mais son effet est douteux sur une pièce
maîtresse comme un longeron d’aile, si l’atteinte n’est pas à son
voisinage immédiat. Sur le bordé métallique ou en toile d’un
fuselage, le trou d’entrée est plus petit (à peine un décimètre
carré) ; le volume dangereux, derrière la paroi d’entrée pour
1332 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
le personnel et les équipements délicats, est de quelques déci
mètres cubes; il ne se produit rien sur la paroi opposée du
fuselage dans les zones où elle est distante de plus de 0 m ,75
l
ou m de la paroi d’entrée. En sorte qu’une simple toile ou une
tôle de quelques dixièmes de millimètre constitue une protec
tion suffisante contre l’effet de souffle pour l’homme abrité à
l m en arrière. Ces effets n’ont rien de terrifiant et nous sommes
loin du projectile, rêvé des usagers, dont un seul serait mortel,
quel que soit le point d’impact sur l’avion. Ces résultats sont
obtenus avec un explosif puissant, une forte densité de charge
ment et un amorçage de fusée très instantané. Si l’amorçage
est moins instantané, les brèches de sortie sur fuselage sont
augmentées, mais celles d’entrée et de sortie sur aile sont
diminuées. Si la densité de chargement est diminuée, au lieu
de produire une poussière d’acier inefficace, l’obus peut donner
des éclats assez gros de quelque efficacité, mais l’effet de souffle
est diminué et les brèches réduites.
Bien entendu, ces effets peuvent être augmentés considéra
blement avec le calibre. Faut-il se contenter du calibre de 25
question
ou aller jusqu’à 37 ? Nous n’aborderons pas ici cette
qui nous entraînerait trop loin.
Quant à la vulnérabilité d’un avion à l’obus explosif, elle
est — elle aussi — essentiellement fonction du calibre. Consta
tons simplement que, si l’on s’en tient aux petits calibres
(de 20 à 23), la vulnérabilité totale à la balle pleine ne lui est
être consi
pas tellement inférieure. Cette dernière peut même
dérée comme supérieure lorsque le tir vient de l’arrière, car
les effets de l’obus explosif touchant l’arrière du fuselage sont
limités à cet arrière, alors que la balle pleine venant de la même
direction traversera toute la longueur du fuselage et sera pro
bablement efficace. Si le tir vient par le travers, la surface
vulnérable à l’obus explosif sera celle vulnérable à la balle
pleine, augmentée de la somme des surfaces entourant chaque
élément vulnérable à la balle et de dimensions dilatées de
quelques décimètres par rapport à celles de cet élément. Pour
pousser plus loin la comparaison, il faudrait d'ailleurs envisager
non plus les surfaces vulnérables mais les volumes, puisque les
effets de l’obus explosif sont limités à un certain volume en
arrière de la paroi d’entrée. Nous ne nous engagerons pas dans
cette voie ; constatons seulement que la considération du volume

iiiiiiiiiiiin 11111 il un 111 ii mu 11 il mil 11111 uni U i i in 11 nu i un ni ii iiii i mi mil in 11 nu i un i in ii mil ii 11 mil i in 11 iiiiii
K
efficace désavantage le projectile explosif. Dans le tir venant
de dessus ou de dessous, à la surface vulnérable précédente
s’ajoute celle due aux ailes qui, pour un calibre de 20 à 23,
peut être évaluée au tiers ou à la moitié de la surface portante
(suivant la valeur de cette surface) et atteindre la totalité de
cette surface avec des calibres supérieurs.
Au point de vue balistique, l’obus explosif est a priori infé
rieur au projectile plein. Si les projectiles étaient semblables,
l’obus explosif aurait même coefficient balistique que la balle
pleine ayant même a 2 /p (quotient du carré du calibre par le
poids). A l’obus explosif de 20 correspondrait la balle de 13
et à l’obus de 25 la balle de 15. En réalité, si l’on recherche un
taux de chargement élevé, ce qui est nécessaire pour que les
projectiles de petit calibre soient efficaces, on est obligé d'enfler
l’ogive, ce qui augmente très rapidement l’indice de forme.
La présence d’une fusée d’ogive n’est pas faite non plus pour
améliorer cet indice. De la sorte, un obus de 20 chargé au maxi
mum permis par les conditions de résistance du corps d’obus
au tir peut voir son coefficient balistique devenir double ou
triple de celui d’une bonne balle de 13, c’est-à-dire plus mau
vais que celui de la balle de 7 ou 8. Il faut sacrifier la moitié
ou les deux tiers de la charge d’explosif pour obtenir un obus
comparable à la balle de 13.
Les partisans de l’avion-canon espèrent avec cette arme aug
menter la distance efficace de combat, ce qui doit permettre
au chasseur de descendre à coup sur son adversaire avant que
ce dernier ait pu ouvrir le feu avec ses faibles mitrailleuses
(ces partisans posent, en effet, en principe, que le canon est
réservé au tir en chasse). Les quelques indications précédentes
font ressortir leur erreur. En fait les durées de trajet d’un obus
de 20 efficace sont supérieures à celles d’une balle de 7 ou 8
et a fortiori de 13, c’est-à-dire qu’à distance égale les chances
d’atteinte sont plus faibles avec l’obus de 20 et il est à craindre
que le chasseur avant de toucher son adversaire n’ait reçu lui-
même quelques balles qui, venant de l’avant, seront presque
toutes efficaces. Si l’avion attaqué se défend à la mitrailleuse
de 13, son avantage est encore plus marqué. D’une manière
générale la défense peut tenir tête à la chasse avec une balle
pleine de calibre nettement plus faible que celui de l’obus explosif
du chasseur.

ni iiiiin unu
1334 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Un autre point, qui paraît avoir échappé aux partisans du
canon, est la nécessité d’une vitesse restante à l’impact assez
-considérable pour que la fusée, dont la sensibilité n’est pas
illimitée, puisse fonctionner. Au-dessus des distances correspon
dantes l’obus n’est plus explosif. La limitation ainsi apportée aux
distances efficaces de combat est d’une brutalité telle que tout tir
à grande distance paraît absolument interdit à l’obus explosif per
cutant, si l’on n’augmente pas sérieusement sa vitesse initiale.
Nous ne pousserons pas plus loin la comparaison entre la
balle pleine et l’obus explosif, qui demanderait de longs- déve
loppements et notamment l'étude détaillée de l’influence de la
cadence du tir sur les probabilités d’atteinte. Mais nous don
nerons les quelques chiffres suivants, basés- sur la considération
du poids d’armement transporté, considération que nous avons
jusqu’ici négligée.
Pour obtenir des obus explosifs efficaces, il faut dépasser
résolument les calibres admis pour la balle pleine, les balles
explosives de petit calibre étant à peine plus efficaces sur la
presque totalité de la surface vulnérable d’un avion que les
balles pleines, et présentant d’autre part des caractéristiques
balistiques bien plus mauvaises. Le calibre de 20 est universel
lement reconnu comme un minimum absolu pour l’obus explosif
et nous avons vu qu’il y aurait un grand intérêt à le dépasser.
Or un obus explosif de 20, tiré à 800m de vitesse initiale, pèse
deux fois plus que la balle de 13 et dix fois plus que celle de 7,5.
Une cartouche de 20 pèse 2,3 fois celle de 13 et 12 fois- celle
de 7,5. Une mitrailleuse de 20 avec 60 cartouches équivaut
comme poids à 3- ou 4 mitrailleuses légères avec 900 ou 1200
cartouches et à une mitrailleuse de 13 avec 300 cartouches. La
mitrailleuse de 20 débite ses 60 obus en 6 à 9 secondes. Pen
dant ces 6 à 9 secondes, les 3 ou 4 mitrailleuses légères débitent
de 350 à 700 balles et, pour le même poids transporté, peuvent
recommencer deux ou trois fois ce tir. Pendant le même temps,
la mitrailleuse de 13 débite de 80 à 115 balles et, à poids égal
transporté, peut recommencer trois fois ce tir. On ne doit pas
oublier ces chiffres lorsqu’on compare l’obus explosif et la balle
pleine.
Les obus fusants.

Si le calibre des canons d’avion pouvait atteindre des valeurs

illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
Comparaison de projectiles de lancés par un canon de bord avec une
2omm
cartouche de mitrailleuse de 8mm {au centre).
A gauche, obus à percussion instantanée. A droite, obus percutant ordinaire.

suffisantes, et rien ne dit que cela ne sera pas, les obus fusants
parviendraient à soutenir la comparaison avec les obus explosifs.
Organisés de manière que leur éclatement projette vers l’avant
quelques grosses balles en une gerbe de très faible ouverture,
ils équivaudraient à plusieurs balles pleines à vitesse restante
élevée, la vitesse de projection des balles s’ajoutant à la vitesse

lllllllllllllllllllllIlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIllllllllB
1336 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
restante de l’obus à l’instant de l’éclatement. La distance effi
cace de combat serait augmentée dans des proportions très
intéressantes. Pour les raisons développées plus haut, ce pro
jectile serait particulièrement utile dans le tir eu chasse. Nous
n’insisterons pas ici sur cette question qui mériterait une étude
spéciale.
CONCLUSIONS.

Nous n’avons pas eu d’autre prétention, dans ce qui précède,


que d’ouvrir les yeux du lecteur sur l’importance de la question
des projectiles dans le combat aérien. Si nous n’avons pas
toujours pu prendre position, c’est que la question du tir d’avion
contre avion est d’une complexité telle que des bases sûres
manquent pour étayer les raisonnements a priori que l’on serait
tenté de faire. Quelques points cependant ont pu être précisés
qui, nous l’espérons, doivent mettre en garde contre les opi
nions hâtives, notamment en ce qui concerne la comparaison
entre les obus explosifs et les balles. Nous serons pleinement
satisfaits si ces quelques réflexions amènent quelques chercheurs
à approfondir la question difficile et d’importance si méconnue
de l’armement des avions.
A. BRISSOT.
iiiiiiiiiiiiiini 111 ii ii iiiiiiiiiiiiu ii iiiiin iiiiiiiiin i uniuni ii ii 1111 un i in in 11 ii i ni
11 11 11 ii in
11

Sur le bombardement d’une cible mobile

Par le Capitaine DAVOUT D’AUERSTAEDT.

L’étude ci-dessous étant longue et suffisamment complexe, il


nous paraît utile d’en mettre tout d’abord le plan sous les yeux
du lecteur.

1. — Sur le bombardement d’un bateau à l’aide du viseur S. T. Aé.

A. — Méthode de bombardement, dans le lit du vent fictif, d’un bateau


animé d’un mouvement rectiligne uniforme.
Principe.
Détermination du cap théorique à suivre.
Première remarque.
Deuxième remarque.
Réalisation pratique.
Remarque.
Erreur introduite par le procédé pratique.
Remarque.
Exemples numériques de l’erreur-direction due à la méthode.
B. — Propriétés mathématiques de la courbe L, trajectoire imposée
au bombardier dans la méthode ci-dessus.
Définition géométrique et équation.
Représentation graphique. — Propriétés géométriques.
Applications pratiques.
C. — Expériences pratiques réalisées et conclusions.
II. — Note sur une transformation possible du viseur S. T. Aé.
qui en faciliterait l’emploi dans la méthode préconisée.
D. — Projet d’indicateur.
Résultat cherché.
Principe
l’indicateur proposé.
de
Conditions à remplir par l’appareil.
Réalisation pratique.
Mode d’emploi de l’indicateur proposé.
E. — Projet de viseur.
Résultat cherché.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
R. 4. A. _ No 89. o
1338 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Principe du viseur proposé.
Conditions à remplir par l’appareil.
Réalisation pratique.
Mode d’emploi du viseur proposé.
e
I. — Sur le bombardement d’un bateau
à l’aide du viseur S. T. Aé.

Les méthodes de bombardement d’un but fixe basées sur la


connaissance exclusive des positions et vitesses relatives de
l’avion par rapport au but peuvent s’appliquer sans aucune
modification au cas où la cible est animée d’un mouvement
rectiligne uniforme. Tout se passe comme si le but était immo
bile et l’avion soumis à un vent fictif, résultante géométrique
de la vitesse du vent réel et de la vitesse du but changée de
signe. Néanmoins, le cas particulier où le but mobile est cons
titué par un bateau sur mer donne lieu à quelques considérations
intéressantes le rendant justiciable d’une étude spéciale.
Nous remarquerons en effet que, par suite de son isolement,
une telle cible ne peut en général être prévenue aussi facile
ment qu’une cible terrestre de l’approche d’un peloton de bom

Fig. «.

bardement. De plus, le bruit des machines ne permet pas d’en


tendre des avions, alors que, pour ceux-ci, un bateau en mer
est visible de très loin. La surprise est donc souvent possible,
ne laissant pas au bateau le temps de se défendre par des
manœuvres que rend difficiles son inertie. Il en résulte que,
dans nombre de cas, les bombardiers seront libres de choisir
la direction d’attaque du bateau. Ils choisiront pour cette direc
tion le lit du vent fictif, ce qui leur permettra d'employer la

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIllllllllllllllllllllllIllIIIIIIIIIIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
méthode ci-après : extension, au cas où le but est mobile, du
bombardement d’un but fixe dans le lit du vent. Le rendement
pratique en pourra être amélioré par l’adjonction au viseur
S. T. Aé. des deux appareils très simples décrits dans la deuxième
partie de ce travail.

A. — MÉTHODE DE BOMBARDEMENT, DANS LE LIT DU


VENT FICTIF, D’UN BATEAU ANIMÉ D’UN MOUVE
MENT RECTILIGNE UNIFORME.
Principe.
Voler à un cap constant, tel que la cible se déplace dans le
plan de symétrie de l’avion, puis bombarder avec le viseur
S. T. Aé. comme si le but était fixe (tir direct ou tir à temps).
Pour la facilité de l’exposé, nous supposerons d’abord
connues en grandeur et direction la vitesse a de la cible, et
la vitesse b du vent. Nous montrerons ensuite que la connais
sance explicite de ces deux éléments n’est pas nécessaire; elle
permet seulement d’opérer plus rapidement.
Détermination du cap théorique à suivre.
Pour étudier leur mouvement relatif, on peut considérer
l’avion comme animé de sa seule vitesse aérodynamique v, et
le bateau de sa vitesse propre (a) et d’une vitesse (—b) égale
à celle du vent et de sens contraire. Le bateau avance alors
selon la résultante (a)—(b) et l’avion suivant son axe. Pour
que le bateau reste dans le plan de symétrie de l’avion, il faut
donc que le cap de celui-ci soit précisément celui du vecteur
± [(»—(&)].
Dans ces conditions, si à un instant donné {fig. 1) la cible
est dans le plan de symétrie de l’avion, elle y restera indéfini
ment. Résultat facile à contrôler géométriquement :
A l’instant o :
Avion en Ao, cible en Bo.
A l’instant t : Avion en A, sur A,, parallèle à Ao avec Ao I) 2 bt.
et I ) A 2 ot, cible en B (B.B&at).
1

La cible est toujours dans le plan vertical de l’avion.


PREMIÈRE REMARQUE.

Le signe — (ainsi que la figure géométrique) nous indique que

.niiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiriiiiiiuiiiiii
1340 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Fig. 2. — 9, < 6,, stabilité.

le sens du déplacement de l’avion sur la direction A est indif


férent. Cette indétermination de 180° est seulement apparente,
les mouvements correspondants n’étant pas physiquement équi
valents : l’un d’eux est stable, c’est-à-dire que, si un avion placé
dans le voisinage de la trajectoire correspondante conserve son
axe dirigé sur la cible, cet axe tend à venir se confondre avec
la trajectoire. Pour l’autre, au contraire, l’angle de cet axe
avec la trajectoire correspondante augmente et tend vers 180°:
nous dirons que le mouvement correspondant est instable.

Fig. 2 bis. — 0, > 6,, instabilité.

Les figures 2 et 2 bis se rapportent à ces deux cas. Dans cha


cune d’elles :

\ l'instant t n avi >11 en \ 0 , cible en C o ,


A !' i n s l a ni
.

— dt, avion en \, cible en Ci,

avec
C,C,Nadt, A, I ) Q b dt.
On que, suivant le cas, l’axe de l’avion tend à se rap
voit
procher ou à s’éloigner de la direction théorique A. Nous ver
rons plus loin l’interprétation géométrique de ce fait. Dans ce
qui va suivre, nous supposerons nous trouver toujours dans le
cas de stabilité.
DEUXIÈME REMARQUE.

Il
est facile à l’observateur, par la seule considération du
vent et du mouvement de la cible, de se placer dans le secteur
correspondant à la stabilité. On voit sur la figure que, dans ce
cas, le bateau s’éloigne de l’avion supposé immobilisé dans le
vent. Si le bateau émet de la fumée, celle-ci est sensiblement
immobile dans le vent, de sorte que la direction du panache1 est
approximativement la direction A à suivre, la fumée se trou
vant entre l’avion et le bateau dans le cas envisagé de stabilité.

Réalisation pratique.
Dans la pratique, deux difficultés surgissent :

Evaluation du cap c;

2° Mise en direction de Eavion sur la cible avec un cap donné.
On opérera de la façon suivante (la justification de cette
méthode, par le calcul de l’erreur maximum qu’elle' introduit,
sera traitée au dernier paragraphe). Le cap est d’abord estimé
comme il est dit plus haut, à l’aide des éléments approximatifs
(a) et (b). Soit a ce cap. Le pilote manœuvre ensuite de façon
à placer l’avion en direction de la cible, à 3 ou 4km de celle-ci,
le relèvement de l’alignement avion-cible étant 3, 3 ne diffé
rant d’a que d’une vingtaine de degrés. Avec cette précision
(suffisante puisqu’il ne s’agit que d’un dégrossissage) la ma
nœuvre est facile et rapide même pour le pilote qui ne dispose
que de son propre compas (c’est-à-dire dont l’observateur ne
possède pas de compas de relèvement).
Deux cas sont à considérer :
but reste dans le plan de symétrie de l’avion, celui-ci
1° Le
marchant au cap constant 3; alors ce cap est le cap c théorique :
3 = c. Le but continue indéfiniment à défiler sous l’axe, le bom
bardement se fait suivant les méthodes habituelles;
2° Pour maintenir le nez de l’avion sur la cible, le pilote doit
virer (par exemple, à gauche dans le cas de la figure), cela signifie
que 3 > c; son cap est trop élevé, il effectuera donc un virage
à droite sans se rapprocher de la cible et, quelques instants
plus tard, remettra son capot sur la cible. Après plusieurs

'IIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIII1IIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIII1II11IIIU
1342 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
manœuvres analogues, l’encadrement sera obtenu, de sorte qu’à
un cap C, (fig. 3) le but défilera à gauche; au cap c, = c, — 20°,
le but défilera à droite. Alors

A partir de ce moment, l’avion effectuera un nouveau virage

de façon à se trouver le nez sur la cible approximativement au


cap = C 7 c qui fait avec la direction c un angle < 10°,
c3 -
puis se dirigera en conservant le nez sur la cible sans plus tenir
compte du cap, manœuvre qui ne présente aucune difficulté.
L’avion suivra alors une courbe L analogue à la courbe du chien.
L’étude mathématique de L est exposée plus loin. Elle permet
de dessiner la forme de L et montre que cette courbe ne pré
sente pas de point d’inflexion. L’axe de l’avion se rapproche
de plus en plus, du cap théorique c; au moment où se fait la
visée sur la cible, le cap y de l’avion est tel que :
|
y— c ! < |
Ca —c | < io° par hypothèse.
Dans le voisinage de la cible, l’avion suit sensiblement une
ligne droite. L’observateur effectue le bombardement suivant
les méthodes habituelles (tir à temps aux hautes altitudes,
direct en dessous de 1800m).
Nous voyons maintenant que le bombardier peut se passer
de l’évaluation même approximative des éléments (a) et (b) ; le

iiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiirtffiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiqiiiiiii.
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1343

cap précédemment envisagé étant quelconque (soumis seule


3

ment à la condition de stabilité), il n’en résultera qu’un nombre


plus grand de manœuvres avant d’obtenir les deux caps enca
drants C, et c,.
REMARQUE.
Le procédé décrit résout simultanément par approximations
successives les problèmes de la direction et de l’emplacement
de la trajectoire à faire parcourir à l’avion. On peut envisager
une variante résolvant ces deux problèmes successivement :
1° Direction. — Un œilleton et un cadre horizontal muni
de fils parallèles à l’axe de l’avion permettent à l’observateur
de déterminer avec précision le cap c pour lequel la cible défile
parallèlement à cette même direction, opération facile et rapide.
La réalisation pratique de ce cadre doit donner à l'observateur
un champ visuel suffisant pour que les visées puissent se faire
quelles que soient les positions relatives initiales.
2° Emplacement de la trajectoire.
— Le cap c étant déterminé,
un compas de relèvement permet facilement et rapidement à
l’observateur de se placer convenablement. Si un tel compas
n'existe pas à bord, il est néanmoins facile, pour le pilote
entraîné, d’obtenir à son premier essai un résultat satisfaisant
(à 10° près) en utilisant seulement son propre compas.
Cette variante nécessite donc un certain matériel, inutile dans
la première méthode exposée, mais son application donnerait
peut-être des résultats meilleurs au point de vue rapidité et
difficulté de repérage de l’avion par la cible.

Erreur introduite par le procédé pratique.


Prenons un système de référence Çfig. 4) lié au vent; vitesse

de la cible a', Ça') = Ça) —Çb). Si l’avion marchait au cap théo


rique c, il aurait lâché ses bombes alors qu’il se trouvait en A,
13 44 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
(fig. 5), sa ligne de tir passant par la cible B,. Les bombes
seraient tombées en B, dans la prolongation de la ligne A, B,.
B, B, = déplacement de la cible = temps de chute multiplié
par la vitesse de la cible.
L’avion étant en A', au lien de A,, lorsque la ligne de tir

passe sur B,, il lâche ses bombes; elles éclatent en B, de telle


sorte que A', B‘, = A, B,. L’erreur est donc B, B‘, < B, B, 0
(9 étant exprimé en « radians »); t étant le temps de chute
on a :

erreur < a t 0,
(a)=(a)—(b), donc o<d<|a|+|b|.
Si ô < 10°, ce que la pratique montre facile à obtenir, on a :

at.
erreur - 6 2

écart en général négligeable devant les erreurs dues aux causes


habituelles.
REMARQUE.
A l'erreur-direction signalée s’ajoute une erreur-portée. En
effet, la vitesse d’approche W de la cible n’est pas rigoureu
sement constante, comme l’exigerait l’emploi correct du viseur
S. T. Aé. :

W — e —
d sin o,
? étant l’angle de la normale à L avec la directioir A.
W décroît constamment à mesure que l’avion se rapproche
de la cible. Au moment du tir, W est donc inférieure à sa
valeur moyenne pendant la visée, d’où un tir systématigiiement
court. Nous allons montrer que l’erreur est négligeable. Eva-
luons-en une limite supérieure :
La variation de vitesse envisagée est évidemment inférieure

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll»
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1345

à la variation totale AW de vitesse entre le début de la visée


et le moment où l’avion rejoint le bateau. On a donc, puisque
par hypothèse 9 > 80°,
15
A W < a (1
— si 11 80°) < a

-
1000 .

Le temps de chute étant t, il erreur en portée


en résulte une
maximum de a' t. Cette limite supérieure est de l’ordre
1000
du — de l’erreur en direction.
10
L’erreur en portée, dont on connaît d’ailleurs le sens, est
donc négligeable.

EXEMPLES NUMÉRIQUES DE L'ERREUR-DIRECTION DUE A LA MÉTHODE.


1° Cas très défavorable (Bateau rapide — vent défavorable).
Altitude élevée = 4 000"', t = 30 secondes, a‘ = 20 m/sec,
20 x 3o
erreur —
b
= 1oom.

Avec un peloton et un tir en traînée, l’objectif est normale


ment coiffé, aux erreurs habituelles près, la méthode employée
faisant commettre une erreur comprise dans la zone de dis
persion du peloton.
2° Cas très favorable (Bateau lent — vent favorable).

Altitude moyenne = 1800, t = 20 secondes, a‘=6m/sec,


6 x 20
erreur = G
= 20!.

B. — PROPRIÉTÉS MATHÉMATIQUES DE LA COURBE L,


TRAJECTOIRE IMPOSÉE AU BOMBARDIER DANS LA
MÉTHODE CI-DESSUS.
Définition géométrique et équation.
Rapportée à un système de référence lié au vent, c’est la
courbe suivie par un mobile M (avion bombardier) dont la
vitesse est constante en grandeur (fig. 6) et dirigée à chaque
instant sur un mobile B (cible), parcourant la droite D d’un
mouvement uniforme de vitesse a'-, a' est la projection sur D
de la vitesse absolue a du bateau, considérée plus haut, la pro
jection étant faite parallèlement au vent.

illl 11111II111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111II111111111111111111111111111111111111111111IIIIIII111111II
|| llf
1346 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Prenons comme origine des coordonnées la position de la
cible à l’instant initial, l’axe des x étant la route de la cible,
l’axe des y lui étant perpendiculaire.
Nous pouvons envisager la courbe cherchée comme étant

l’enveloppe de sa tangente. Ses équations paramétriques sont


distance
(q étant l’angle de la normale avec l’axe des x et p la
de l'origine à la tangente)

x = 1p COSO , sin
do
dp
.
O,

y = p si n
1
©
dp
dp
H—— cos o.

La tangente coupe l’axe des x sur la cible au point d’abscisse


a't étant la vitesse du mobile B dans le système de
x= Ça'
référence envisagé) ; donc :
(2) p = a' t coso.
Enfin la vitesse est constante :
dy dx
„,
(3) dt coso h dt— sino =
— . p.

En différentiant les équations (I) et en portant dans (3),


on obtient l’équation
différentielle (4) :

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1347

Différentions deux fois l’équation (2). Portons dans (4), il


vient :

d’où, en intégrant deux fois

Et
t

en
==
A
—2
a
P—a'sino
cos o \ COS© /
:

/i— sino" h
portant dans (2) et dans (1)
a
B
7

:
.
(A et B = const. ). x

avec

Représentation graphique. Propriétés géométriques.


La position initiale du mobile M détermine A et B. Nous pou
vons tirer de ces équations les conclusions suivantes :
do
1° 7l ne change pas de signe;
.
donc la courbe ne présente
,

pas de point d’inflexion (évident géométriquement).


2° Lorsque P->—*,
x/13, y 7™-
Donc la courbe présente une branche parabolique dont le
point à l’infini se trouve sur l’axe des abscisses.
3° Lorsque p->".

Donc la courbe (fig. 7) est tangente à la trajectoire de la


cible au point x = B. D’où la forme générale des courbes L
et un procédé théorique séduisant permettant, a et b étant
inconnus, de déterminer par une simple lecture le
cap c. Il
suffit à l’avion, partant d’une position initiale quelconque, de

nu Illlllt
1348 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

se diriger constamment sur la cible. Son cap, au moment où il


arrive à la verticale de celle-ci, est égal à c.
Ce procédé ne saurait avoir d’intérêt pratique. Les opérations
indiquées plus haut de détermination approchée du cap à suivre
sont rapides pour un équipage exercé, plus avantageuses au
point de vue surprise, par suite de la distance à laquelle elles
peuvent s’effectuer, et généralement plus précises.
4° La courbe L nous donne l’interprétation géométrique de

la stabilité envisagée plus haut. En appelant C le point à tan


gente verticale pour lequel
o = o, x = Ak -t- B, y = A (i — Æ2 ),
le mouvement, correspondant à la partie de la courbe comprise
entre C et le point à l’infini, est instable au sens que nous avons
défini (fig. 7 bis). Le mouvement stable correspond au contraire
à l’autre partie de la courbe L. C’est la seule que nous envi
sagions aujourd’hui.
5° En ramenant, pour chacune des courbes L, l’origine des
coordonnées et des temps au point x = B où elles rencontrent
la cible, nous avons la famille des courbes permettant d’at
¬

teindre la cible pour une valeur donnée de k = \

k—sino / i — sinok A
t = —; ‘ ( ‘
a coso \ cos© /
Ce sont des courbes homothétiques. Le centre d’homothétie
{fig. 8) est la nouvelle origine, propriété d’ailleurs évidente

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiii
en se reportant à la définition mécanique des courbes L. Les
trajectoires de la cible et de l’avion étant parcourues à des
vitesses constantes, tout arc d’une de ces courbes L est propor¬

tionnel au segment découpé sur la droite trajectoire de la cible


par les tangentes aux extrémités de l’arc. Il en résulte immé
diatement la propriété d'homothétie énoncée.

Applications pratiques.
Cette propriété d’homothétie est très intéressante. Choisis
sons, en effet, arbitrairement l’une des courbes, soit 2. Le mou
vement correspondant à chacune des trajectoires peut être
représenté graphiquement sur la courbe 2, l’échelle étant fonc
tion de A (c’est-à-dire des conditions initiales). Nous substi
tuerons ainsi, à la famille des courbes parcourues à la vitesse v,
une seule courbe parcourue à une vitesse uniforme, variable
avec A. Cette représentation permet des solutions graphiques
simples de quelques problèmes intéressants.
Affectons les majuscules aux figures dans l’espace, les minus
cules à leur représentation graphique et supposons que M soit
un avion bombardier, B un bateau. Appelons P le point de
tangence de A et D, Q la position de B au moment du déclenche
ment des bombes. Construisons la courbe X. Voici quelques

'llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIIIIIIIIU
1350 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
exemples d’utilisation graphique de X pouvant intéresser le chef
désireux de fixer approximativement les conditions minimum
et optimum du bombardement dans un cas concret.

1° Erreur commise dans le bombardement, étant données


l’altitude et les positions M et B o de M et B au début de la
o
visée.
Considérons sur la courbe X le point m0
{Ég. 9) ; il est tel que la tangente à X en ce
point fasse avec d le même angle 0. que
la tangente MB avec D. b. est l'intersec

Fig. 9,

tion de la tangente en m0 et de d. D’où l’échelle E de la figure :

F _ mobo
MME ’

Soit t le temps de chute à l’altitude II; menons sur d la lon


gueur pq = E a' T. q est la position de b au moment du déclen
chement.
Menons de q la tangente à X et portons dessus la lon
gueur qr = pq. Les bombes tomberont en r. L’erreur commise
est :

2° Temps T mis par l’avion pour rejoindre le bateau :

M o Bo bo p
mobo a
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1351

3° La distance initiale MB. étant donnée, quel est l’angle 0,


maximum que peut faire initialement l’axe de l’avion avec la
direction théorique D pour que le maximum de l’erreur commise
dans le bombardement soit s ?

Déterminons la direction qr. A une échelle quelconque


portons sur d : pq' = a' T. Menons le cercle de centre p (fig. 10)
de rayon e qui coupe en r' le cercle de centre q' de rayon q' p ;
q' r' est la direction cherchée. Menons maintenant une tangente
à 2. parallèle à cette direction, soit mq. q est le point d’inter-
section avec d, d’où l’échelle E de la figure

- T-
a t
Menons à A la tangente de longueur m. b. = M, B. X E; elle
fait avec d l’angle 6 demandé.
0

4° Etant donnée l’erreur maximum s que l’on veut commettre


sur le bombardement et la précision ô 0 avec laquelle peut
s’effectuer la mise en direction, à qicelle distance minimum A
doivent se trouver l’avion et la cible au début de la visée ?
Déterminons, comme au paragraphe 3, l’échelle de la figure.
Menons ensuite une tangente à A qui fasse avec d l’angle 6,,
soit M, b. :
A = MB
,
1352 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Remarque. — Lorsque — varie, c’est-à-dire a', la courbe X
varie.
On dessinera une fois pour toutes un réseau de courbes X uti
lisables par interpolation. On pourra le traduire, pour les besoins
pratiques, en abaques et tables numériques.

C. EXPÉRIENCES PRATIQUES RÉALISÉES



ET CONCLUSIONS.

La méthode fut expérimentée dans la baie d’Agadir, un


peloton de trois avions du 37 e Régiment d’Aviation bombar
dant une cible remorquée par le « Mondement » (13 octobre 1933)
et par le « Commandant Teste » (4 et 7 novembre 1933).
Un avion prenait les photographies verticales des points
d’impact (fig. 11 à 13).
Les altitudes de bombardement furent de 800, 1500, 3000
et 4000m
Le 13 octobre, l’Aviation connaissait la route et la vitesse de
la cible; elle l’ignorait pour les deux exercices suivants :
Les résultatsfurent probants : absolument comparables,
comme il fallait s’y attendre, à ceux d’un bombardement sur
but fixe dans le lit du vent.
En portant le peloton à cinq avions, l’objectif remplacé par
un bateau fictif de 200m était coiffé 8 fois sur 10.

Fig. 1i. — Salve de douze coups-à 15oo m


.

Sur la photographie ci-contre, et sur


les deux suivantes, le but remorqué par
le « Commandant Teste » est constitué
par deux flotteurs de drague dont on
distingue les courts sillages, sensible
ment parallèles.

<
En substituant, par la pensée, le volume
du « Commandant Teste » à celui des
flotteurs, on voit que le bâtiment visé
aurait été touché en deux points.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiuiiiii
On peut donc admettre qu’un bateau ennemi surpris, c’est-à-
dire animé d’un mouvement rectiligne uniforme, est bombardé
dans d’excellentes conditions.
Il par suite intéressant de constater que précisément la
est
surprise a des chances d’être réalisée en employant la méthode
préconisée.
En effet :

Elle permet le bombardement en altitude, d’où faible visi



bilité de l’avion et un seul passage sur la cible (tir à temps).
2° Les opérations de mise en direction sont lointaines, et
rapides pour un équipage exercé :
(b) est mesuré hors de vue;
(a) est déterminé approximativement par la forme allongée

Fig. i2. — Salve à 3ooom


.

du bateau, sa nature et parfois l’aspect de son sillage.


Le cap estimé à l’aide de ces éléments a et b permet, après
deux ou trois manœuvres, de se trouver dans les conditions
requises par la théorie. Si le bateau émet de la fumée, la durée
de ces opérations est réduite encore puisqu’on a immédiatement
une bonne approximation de la direction à suivre; de plus, il
est vraisemblable que le panache de fumée masquant l’avion
en gênera considérablement la découverte.
En tous cas, durant ces premières manœuvres, l’avion, ou
le peloton, est loin du bateau, et il ne peut en être entendu. Il
a donc de fortes chances de ne pas être aperçu.
La surprise est donc souvent possible. Si elle n’est pas réa
lisée, peut-on adapter la méthode aux manœuvres défensives
du bateau ? Si le bateau ne se défend pas par la manœuvre,
les conditions de tir idéales de ses pièces laissent-elles au bom-

'Mlillllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllll
R. A. A. — No 89. 3
1354 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
bardement un rendement suffisant ? Ces questions devront être
étudiées en collaboration avec la Marine. Quoi qu’il en soit,
il est dès à présent permis de conclure.

Si la méthode préconisée implique la surprise, cette surprise


est souvent possible. Dans ce cas, la précision du bombardement
est la même que sur un objectif fixe bombardé dans le lit du

Fig. 13.
— Salue de Il convient de noter
bombes à 4ooom. que les photographies
Le « Commandant étaient prises avec
Teste est visible en
» une seconde de retard
haut et à gauche du approximativement
cliché; l’impact se e t q u e lebut ( flot-
trouvant (à l’inté t e ur s ) progressait,
rieur du cercle I, le pendant ce temps,
bâtiment aurait été de deux fois sa lon
touché. gueur environ.

vent. Ce résultat, obtenu à l’aide du seul viseur S. T. Aé., ne


nécessite la connaissance explicite d’aucun des trois éléments :
vitesse de l’avion, vitesse de la cible, vitesse du vent.

<
Certes les viseurs spéciaux utilisés par la Marine, ou encore
la méthode « en piqué », donnent des résultats très intéressants,
même sans surprise ; mais ces viseurs sont lourds, encombrants
et coûteux. Le piqué, lui, exige pour l’avion bombardier des
qualités exceptionnelles à cause du poids à enlever. Le viseur
S. T. Aé. n’a pas la prétention de rendre inutiles ces méthodes
coûteuses, mais il a celle d’y suppléer dans les nombreuses
circonstances où peut être obtenue la surprise. Il revendique
alors ses supériorités : existence, prix de revient, légèreté, robus
tesse, possibilité d’être mis entre toutes les mains. Ce vieux ser-

iiiiiiu i uni i nui nui uni uni uni uni uni uni i in 111111 in i un i un ni i uni nu i in 111 u 1111111 u 11 u ni uni u iinii i nu ii i
viteur ne doit pas encore être' admis à faire valoir ses droits
à la retraite.

II. — Note sur une transformation possible du viseur S. T. Aé.


qui en faciliterait l’emploi dans la méthode préconisée-
La méthode préconisée de bombardement d’une cible mobile,
à l’aide du viseur S. T. Aé., serait facilitée et la surprise aurait
plus de chances d’être réalisée en adjoignant à ce viseur les
deux appareils suivants :

indicateur déduisant le cap c à suivre d’une mesure


1° Un
faite successivement à deux caps constants quelconques;
2° Un viseur, permettant :

lire le relèvement de l’alignement avion-cible et de


a. de
vérifier qu’il diffère du cap c d’un angle inférieur à 10°;
b. de maintenir facilement l’axe de l’avion dirigé sur la
cible.

D. — PROJET D’INDICATEUR.
Dans ce qui va suivre, pour simplifier le langage, nous dési
gnerons par avion, la projection de l’avion sur le plan horizontal
de la cible.
Résultat cherché.
Lecture facile du cap c après des mesures convenables effec
tuées pendant deux parcours rectilignes quelconques de l’avion
(ce qui permet de ne pas attirer l’attention du bateau).

Grandeurs géométriques à considérer. — Soient :


(a), la vitesse propre de la cible en grandeur et direction,
(bf la vitesse du vent, en grandeur et direction,
(v), la vitesse de l’avion par rapport à l’air, en grandeur et
direction,
(v,), la vitesse de la cible par rapport à l’avion.
A=(a)—(6).

La direction A est celle que nous cherchons à obtenir.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIII1IIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1356 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Le théorème de la composition des vitesses nous donne :

Vitesse absolue cible = Vitesse relative cible — Vitesse système référence


Y Ÿ Ÿ
(a) = (,) + (e)—+(b)
D’où
A = + (,).
Principe de l’indicateur proposé.
restant constant en grandeur (même régime du moteur),
v
la connaissance des seules directions (et non grandeurs) des
vecteurs (v) et (v, ) pour 2 caps C, et c 2 quelconques, permet la
construction de la direction A. Menons, en effet (fig. 14), à

partir d’un point deux vecteurs de même lon


O quelconque,
gueur OA = OB, parallèles aux vecteurs vitesse (v,) et (v,) (diri
gés comme l’axe de l’avion aux caps C, et c ). Par leurs extrémités
2
A et B menons des demi-droites respectivement parallèles aux
vitesses relatives (v,), et (v,),; ces demi-droites se coupent en
un point P tel que OP ait la direction cherchée.

Conditions à remplir par l’appareil.


Robustesse, facilité d’emploi, précision, nombre minimum de
constructions graphiques.

Réalisation pratique.
L'indicateur se composera des deux appareils Y et Z sui
vants :

1° Y dessinera une parallèle à la trajectoire relative du

çupuunuaruBenGKnrcDunanuunaaenusanGnacunanaaananRBcccAacecBunpannADSDcGuBNSunnSnunaSaR2SNccAuucAaEnSAnnASanSSGuzuunAASuncuuuAAA*SAS*RSUD
bateau par rapport à l’avion, celui-ci marchant à cap constant.
Y pourra, par exemple, être constitué par un parallélogramme
articulé, dont un des côtés sera constamment dirigé sur la cible
au moyen d’une lunette. Le côté parallèle sera un crayon, lais
sant sa trace sur un papier horizontal ;
2° Z matérialisera la figure OABP; il sera constitué par deux
tiges métalliques OA, OB, de même longueur, articulées en O
(fig. 15). A et B se déplaceront sur un cercle gradué. En A et B

Fig. 15.

seront articulées deux nouvelles tiges, libres à leur autre extré


mité. Enfin une cinquième tige OP, articulée en 0, matérialisera
la direction A à suivre.

Mode d’emploi de l’indicateur proposé.


L’avion marche à cap constant c, à la distance maximum per
mettant d’utiliser la lunette de Y avec précision. Le crayon
dessine la trajectoire relative T Le régime du moteur ne variant
r
pas, au cap c, correspond la direction T,. L’observateur applique
les tiges :

OA suivant C,,
AA' suivant T,,
OB suivant C,,
BB' suivant T
2,
1358 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
AA' et BB‘ se coupent en P.
La tige OP est dirigée suivant A. Une simple lecture sur le
cercle gradué donne le cap cherché.

E. — PROJET DE VISEUR.

Résultat cherché.
Permettre au pilote une mise en direction facile de son avion,
en application de la méthode décrite.

Principe du viseur proposé.


Amener devant l’un des yeux du pilote, simultanément et
sans que celui-ci ait besoin de déplacer la tête, les images sui
vantes (fig. 16) :
1° En A, l’indication de son compas;
2° En B, la vue de la portion de mer que l’avion a devant
lui jusqu’à l’horizon, limitée latéralement par un angle au som
met d’une vingtaine de degrés de chaque côté;
3° En C, traversant B sur toute sa longueur, l’image d’un
fil ou d’un trait vertical matérialisant le plan de symétrie de
l’avion.
Conditions à remplir par l’appareil.
1° Optiques.
— Le grossissement n’a aucune importance et
a.
pourra être, comme l’exigeront sans doute les commodités de
construction, inférieur à 1.
b.Clarté et champ sont indispensables.
c. L’image de B pourra être déformée sans que l’application
de la méthode en souffre : seule importe la position par rap
port à C.
2° Diverses.
— Robustesse et facilité de réglage et d’adapta
tion à différents avions, légèreté; le pilote ne devra pas être
gêné par le viseur, qui devra être repliable contre la paroi de
la carlingue, etc.
Réalisation pratique.
L’appareil (fig. pourra donner A par vision directe dans
17)
une bonnette dirigée sur le compas, si celui-ci est devant le
visage du pilote, et B au moyen d’une lunette à prismes ou
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1359

d’un simple périscope aboutissant à un miroir cylindrique d’axe


horizontal, perpendiculaire à l’axe de l’avion.
Les parties extérieures à la carlingue devront être profilées

Vision du pilote
A gauche, fig. 16; à droite, fig. 17.
Sur le dernier document, le huitième de sphère en celluloïd dont parle l’auteur
a, en réalité, été remplacé par un carénage transparent C.

et protégées contre les projections d’huile, poussières, par un


carénage C comportant, à l’avant et en bas, un 1/8® de sphère
en celluloïd et, derrière, une pointe en tôle. Sur un hydravion
à coque, bimoteur, monoplan à ailes surélevées, l’appareil pourra
se présenter sous la forme d’un tube horizontal, coulissant
comme une longue vue. Sur Potez 25, ou sur un monoplan à
ailes surbaissées, périscope oblique traversant le plancher, avec
partie supérieure mobile autour d’une charnière parallèle à
l’axe de l’avion.

Mode d’emploi du viseur proposé.

Si P observateur ne dispose pas de Pindicateur décrit plus


a.
haut, une première approximation est faite à l’œil du plus loin

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1360 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
possible (au moyen de la fumée, par exemple, il manœuvre pour
voir la cible au delà du panache de fumée et dans l’axe de
celui-ci). La cible est alors dans le champ de notre viseur; ma
nœuvrer pour l’amener sur C. Lire le cap. Garder C sur la cible
pendant que l’on compte jusqu’à 5, 10 ou 20.. (à déterminer).
.
Lire de nouveau le cap :
1° S’il n’a pas varié, continuer;
2° S’il a augmenté, large virage à droite; s’il a diminué, large
virage à gauche, etc.
à. Si l’équipage dispose d’un indicateur, il connaît le cap à
suivre. Le viseur ci-dessus lui donnant, pour un large secteur,
le relèvement de la cible, la mise en direction de l’avion sur la
cible avec ce cap ne présente aucune difficulté pour le pilote.
Il n’a plus ensuite qu’à conserver C sur la cible.
Capitaine DAVOUT VAUERSTAEDT.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiii mu ii 1111 r a
'i i in ii ni ii i ii min 111 iiini un i 1111 mu i ii i ii 11 ii ii
11 11 11 11 iiiiiiiii ii ii iiiiiiiii 11 un i nu in ii i in 1111 n mu i ni n n ii mu i m i

L’Ecole des remous (suite...)

Par le Capitaine J. THORET.

L — A PROPOS DE DEUX ACCIDENTS BIZARRES.

Le 22 juin 1936, un pilote militaire anglais brisait sur l’avant


du « Normandie » un avion torpilleur Blackburn; il avait été
plaqué par un remous, remous causé par l’énorme masse immo
bile (1). Puis, le 27 juillet, un pilote américain percuta en mer
dans le sillage aérien du « Queen Mary » en marche; il avait
à bord huit passagers, dont l’un mourut. Cette plaisanterie
va-t-elle durer ? Oui, car l’optimisme insouciant de la gent ailée
est sans égal. On croirait voir une nuée de moucherons fauchée
sans répit par l’hirondelle, et qui continue à danser au soleil.
Le pilote de l’hydravion américain expliqua qu’il fit trois fois,
à 90m de haut, le tour du navire géant, tout en essayant de
se maintenir à une distance d’au moins 300m pour éviter les
courants produits par cette masse énorme; mais, au troisième
tour, il coupa l’avant du « Queen Mary ». L’avion rencontra
alors « une sorte de courant thermique totalement inattendu »
et, plus il allait vers l’arrière, pire devenait le courant. Le
pilote se battit avec ses commandes, essayant -— mais en vain —
de revenir en vol normal ». Tout ce qu’il put faire fut d’ar
«
rêter une vrille à plat serrée, mais l’avion percuta dans l’eau;
bien qu’une aile inférieure et un ballonnet aient absorbé le pre
mier choc, l’appareil disparut, puis -—- brisé — émergea à moitié.

(x ) Le « conseil de guerre », devant lequel le pilote fut traduit, vient de le


condamner à la rétrogradation.

iiBiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiii
iiiiiiiii
Sept des huit occupants furent sauvés; le huitième succomba
à une immersion qui l’avait trop affaibli.
Ainsi, un siècle après que les aéronautes eurent signalé les
premiers remous de relief et leurs dangereux « coups de rabat »,
un quart de siècle après le premier « avion plaqué par un
remous », il se trouve encore des « pilotes de l’océan aérien »
pour ignorer — faute d'Instructions nautiques et faute de vrais
pilotes moniteurs — qu’en navigation on doit « arrondir un
cap », c'est-à-dire passer au large de l’obstacle qui engendre
des tourbillons.
Et pourtant que de catastrophes aériennes n’y eut-il pas où
des équipages périrent « en perte de vitesse, plaqués par un
remous ». Tl faut dire que par une sorte de politesse mal placée
les accidents ne sont pas assez exploités pour l’instruction de
ceux qui restent.
Avant la guerre, Esnault-Pelterie faisait aux officiers avia
teurs de la région parisienne des conférences où il signalait le
révolin qui se produit lorsque le vent « se décolle » après avoir
escaladé un plateau. En province, le sapeur-pilote que j'étais
—-
s’il devait prendre sa revanche — ignorait alors ces intéres
santes causeries ; ainsi on passe son temps à réinventer ce que
d’autres ont appris et dit.
En 1926, envoyé par le Ministère au Laboratoire Eiffel pour
reconstituer au tunnel les ascendances, rabattements, contre-cou
rants et tourbillons observés depuis quelques années à Biskra,
aux Alpilles et ailleurs, le directeur, M. Lapresle, me montra
une maquette de hangar à dirigeable : chb temps d’Eiffel, ils
avaient eu à passer au tunnel cette maquette, afin de déterminer
pourquoi les toitures des hangars s’arrachaient du côté opposé
au vent !
Quel dommage que ces savants n’aient pas eu l’idée de dire
non seulement aux couvreurs, mais aussi aux aviateurs, que la
dépression régnant derrière un obstacle exposé au vent et les
contre-courants, tourbillons et rabattements qu’elle engendre
sont virulents. Mais les aviateurs ne les auraient pas crus !
Depuis treize ans que je vais prêchant les dangers de rabat
tements « turbulents », combien de mes camarades périrent,
plaqués par un remous, cpii avaient bien souvent ri de ces
théories, fruit pourtant de scabreuses observations faites en
vol !

iiniiii in il il i min i mu ii iiimiiiiiiiiimimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii uni niiiiiiiii i mini min ii niiiiiiii im in i un


11 11
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1363

Le pilote américain, au début de l’interview que j’ai eue en


main, déclare qu’il a rencontré un « courant thermique très
spécial » résultant de la marche du navire. Le journaliste n’aura
pas compris ce que le pilote voulait dire, soit qu’il ait parlé
d’un courant aussi mauvais que les plus mauvais remous
thermiques, soit qu’il ait voulu laisser entendre que les courants
thermiques des puissantes cheminées avaient aggravé la tur-

Cliché de « L’Illustration ».
L’accident de l’avion anglais BLACKBURN tombé sur l’avant du « Normandie ».
La « montagne » va à l’air et l'air va à la « montagne ».... La totalisation des vents
réels et relatifs crée une ascendance et des remous tels que les aviateurs ne
devraient jamais survoler à basse altitude un navire en marche.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiii.iiiiiiiiiiii
i364 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
bulence (rien n’est plus scabreux à survoler que le moindre
incendie de broussailles).
Mais, quelque chaleur que dégagent les cheminées, lorsqu’il
s’agit d’une masse aussi énorme qu’un transatlantique géant,
deux choses sont surtout à considérer : d’abord la vitesse du
vent régnant qui heurterait le navire s’il était immobile, puis
le vent relatif résultant de sa vitesse propre; plus exactement,
le vent qui traduit la composante de ces deux vitesses (si tou
tefois les deux vents, le réel et le relatif, ne sont pas égaux et
de sens contraire pour s’annuler).
Si le vent réel vient des secteurs avant et s’ajoute au vent
relatif, il est clair que le danger est au maximum. Mais, même
par des vents venant des secteurs arrière (si ceux-ci ne réus
sissent pas à annuler le vent de la marche), il y a là tout ce
qu’il faut pour tuer un pilote qui n’a pas été initié et entraîné
au pilotage dans les remous. D’autant plus que les turbulences
thermiques aggravent toujours la situation.
Un pilote, survolant un grand navire en marche, risque :
—• soit le coup de vent sous une aile, coup de vent qui résulte
d’une ascendance verticale montant du flanc ou des flancs des
superstructures;
— soit le révolin de décollement, lorsque ces ascendances
générales ou locales se rabattent sur le pont supérieur;

•—-
soit le rabattement général (et les tourbillons qui en résul
tent) dans le sillage aérien du navire.
Si le pilote américain avait, une seule fois, regardé la turbu
lence effrénée qui règne dans les gaz d’échappement, bien après
leur sortie d’une voiture, ou s’il avait vu se précipiter à la
suite de cette voiture, en tourbillons frénétiques, poussières,
feuilles d’arbres, fragments de papier, il n’eût pas commis cette
imprudence.
Dans le premier accident, celui du « Normandie », le navire
était au port. C’est donc d’un simple remous d’obstacle qu’il
s’agit, augmenté peut-être des remous thermiques des cheminées.
Mais les pilotes ne doivent pas oublier que, si l’air va à la
montagne, la montagne aussi peut aller à l’air -—- si cette mon
tagne s’appelle « Queen Mary ».
Il y a plus d’une décade que je conseillais de passer au
Le MORANE-SAULNIER 315 (moteur SALMSON 135 IIP), pesant une tonne,
qui a volé à voile, hélice calée, gh et gh 17min à l’École des Remous des Alpilles.
Devant l’appareil, l’adjudant-chef Peyrard et le capitaine Thoret.
A 980k8 de poids total,‘la charge du M. S. 315 atteint 44*8,300 par mètre carré,
le triple de la charge d’un planeur de performance, et sa vitesse verticale de
descente en vol "plané, par ascendance nulle, est de 2,82 m/sec.

tunnel la maquette des porte-avions ; depuis, à travers le vaste


monde, bien des pilotes évoluant au voisinage de porte-avions
ont percuté, « plaqués par un remous ». S’il n’y avait pas à
tenir compte ici d’exigences nautiques, il conviendrait de
donner aux porte-avions la forme d’une voiture aérodynamique,
ou même (l’hélice et la roue, tout est dans la nature) simple
ment la forme d’une coccinelle tronquée, insaisissable par le
même vent qui roule une fourmi sur le sable.
Il convient enfin d’interdire efficacement le survol des
« agglomérations », même flottantes. Mais il faut aussi apprendre
aux aviateurs à piloter correctement dans les remous. D’où la
seconde partie de cette note.

II. — MISSION AUX ALPILLES, OU DOUZE ANS APRÈS...


Il n’est qu’une région au monde qui ait permis d’effectuer
avec régularité du vol à voile en «poids lourds». Or le pays

IIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIII11I1IIII1III1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1III1I1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIP
1366 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
qui a la chance de posséder ce terrain unique l’avait laissé
inemployé depuis douze ans.
En effet, c’est en 1924 que j’avais effectué aux Alpilles, avec
un biplan Hanriot à moteur de 80 HP, hélice calée, divers vols
dont un de 9 heures seul à bord et, dans les mêmes conditions,
donné en double commande une leçon de 3 heures. Les deux
premiers « lâchés », Antoine et Wernert, volèrent 8 h 54min et
9h 17min; mais ces expériences eurent une fin soudaine, alors

que les autres élèves ès-courants, Réginensi, Vaconsin, Vigué,


Aldeguer, Gisson, Mayadoux, Lantiéri, etc. étaient prêts à faire
comme leurs camarades.
Depuis lors, en France, on fait du vol à voile un peu partout
sauf aux Alpilles. Et pourtant aucun vent n’a simultanément
la régularité, la puissance et la fréquence du mistral. Son
retroussis par-dessus la chaîne des Alpilles — qui lui est
exactement perpendiculaire — constitue une rampe de vent
ascendant énorme, de potentiel décroissant, mesurant approxi
mativement, en envergure 10km en altitude 1km et en profon
,
deur 500m : en leur fixant des coordonnées en altitude et en
distance de la crête, on y ferait voler à voile à la fois, étagés

Vitesses de vent, au sol, à Istres (25km au Sud des Alpilles), le 9 juin 1936,
pendant le vol à voile du Morane-Saulnier 315. Le mistral, très médiocre au
début, croît jusqu’à 16h puis faiblit, restant irrégulier tout le long du jour.
,

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll•
selon leurs plafonds, une centaine ou deux d’avions «légers»
(d’une tonne et au-dessous), de motoplaneurs hélice calée et
de planeurs plus ou moins lourds, largués au treuil ou en vol
remorqué. Etant donné la richesse du potentiel ascendance, il y

Carte de « L'Illustration ».
Schéma du vol de g 11 effectué, le 9 juin, avec U adjudant-chef Peyrard,
sur la face Nord des Alpilles. La zone optima, le plus fréquemment utilisée,
A à B. allait de
Les ascendances étaient telles, par mistral de N. N. O., que le Morane, se
tenant au ras de la crête (à 55-6o kmh au Badin) par vent médiocre et gagnait 200
à 3oo m de plafond dès que le mistral atteignait les vitesses de 50 à 70kml. Dans
ces conditions, des retournements purent être effectués. D’autre part si le pilote,
renonçant au plafond, maintenait l’avion en palier, toujours hélice calée, en
«rase-rocs », sa vitesse passait, vers chaque terminus de la zone optima (longue
de i km ,5oo), à plus de 14okm!.

serait possible d’employer principalement des doubles mono


plans, genre Peyret « Taupin » ou Mauboussin « Hémiptère »
que leur envergure réduite rend particulièrement désirables par
mistral ; car le même vent qui porte la machine peut souvent
la retourner à l’atterrissage.
La zone optima la plus propice au vol à voile en « poids
lourd» s’étend sur 1500m de crête, à 6km au Sud-Est de Saint-
Rémy de Provence, en face du maset de Romanin, non loin de
la route Saint-Rémy-Cavaillon.
Le terrain de Vau ville, qui est pourtant à 100m seulement
au-dessus de la mer, voit très souvent son plateau obstrué par
de simples condensations instantanées dues à l’ascendance

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiNiniiiiiiiiiii
wd

1368 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.

Cliché de « L‘Illustration ».
Vol, hélice calée, de gh, effectué le 9 juin 1936.
Aux variations du potentiel «ascendance du mistral (voir figure » de la page 1366)
correspondent les variations du plafond : la «
coquille d’œuf sur le jet d’eau ».

(dépression et refroidissement). A la Banne d'Ordanche, qui


de plus se trouve à l’altitude de condensation normale des
nuages, sommet et pentes sont dans le brouillard dès que les
vents dominants deviennent réellement propices. Et, à cette
altitude (1400m), l’air déjà raréfié porte mal.
Au contraire les Alpilles sont à 380m au-dessus de la mer,
donc bénéficient d’un air dense et n’ont jamais de nuages
lorsque souffle le vent le plus fréquent et le plus intéressant :
le mistral, c’est le ciel bleu.
La dénivellation du déflecteur n’est que de 300m, mais une
longue pratique du vol à voile en poids lourd, dans cette zone,
en 1924 et en 1936, a démontré l'extraordinaire qualité du
potentiel qui y règne.
Ce potentiel tient non seulement à la puissance énorme du
mistral et au profil de la pente, mais aussi à l’insolation de la
vaste étendue rocheuse désertique qui domine une plaine abon
damment irriguée. Le soleil de Provence n’est pas négligeable :
lorsqu’il chauffe tout le jour le versant Sud, tout se passe
comme si les ascendances thermiques tendaient à combler le
rabattement et augmentaient la hauteur de la montagne.
Or l’après-midi, les deux versants sont ensoleillés à la fois.
Ce qui ne veut pas dire qu’il faille s’endormir et se laisser
entraîner dans le rabattement : il convient au contraire de

UllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllK
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1369

regarder la crête (je l’ai fait 3 fois pendant 9 heures) : si la


dérive augmente, faire face au vent et piquer.
En juin et juillet 1936 — en deux mois — j’ai effectué aux
Alpilles, à bord d’un Morane 315 à moteur Salmson de 135 HP,
pesant presque une tonne, en double commande avec des sta
giaires, moniteurs de l’Ecole d'Istres, 35 heures de vol à voile
hélice calée.
Les leçons duraient d’ordinaire une heure. Mais il y eut
mieux, en double commande, avec divers coéquipiers : avec
l’adjudant-chef Peyrard 9 1’, avec le sergent Feltz 9h 17min, avec
l’adjudant Gohard (qui pèse 96 ks ) 21 15min. Deux «lâchés»
volèrent : l’adjudant Toldo une demi-heure, le sergent-chef
Richet 11 15min. Une douzaine d’autres stagiaires étaient prêts
à en faire autant lorsque ma mission se termina.

o
IY
En quelques semaines, 170 heures de leçons de remous (1)
furent données, non seulement aux Alpilles, mais depuis Sis-
teron jusqu’aux falaises de l’entrée des gorges du Verdon,
depuis le Ventoux jusqu’au mont Aurélien — sans oublier
Sainte-Victoire, la montagne d’Aix. Les leçons comportaient
non seulement l’utilisation pratique des ascendances (panne le
long d’une montagne et cabotage pour chercher un terrain;
essai d’atterrissage au pied d’une montagne dans un petit ter
rain sans excès de vitesse malgré le vent ascendant, gain de
vitesse horizontale ou ascensionnelle et économie de combus
tible, etc.), mais aussi, pendant des séances de 15 à 45 minutes,
du pilotage dans les tourbillons des rabattements.
On dit bien, en théorie :

«Dans les remous, travailler au minimum de moteur pour ne pas


fatiguer son avion, et avec le minimum de commandes pour ne pas le
freiner et risquer perte de vitesse et vrille. »
Dire cela aux pilotes est bien, le leur montrer est mieux. Et
surtout dans les pires remous qui soient : les cascades de tour
billons qui tombent d’une crête aiguë. Quand on prend un pilote
qui se croit un pilote et qu’on le met en double commande dans

(9 Qui se sont transformées en 478h (depuis juin) au cours d’une mission


analogue en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

lllllllllllllllllllllllllllllIllllllllllüllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllIflIlllKIIIIIIIHIllIlllllllllllllllll
R. A. A. — No 89.
1370 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

vrai rabattement, avec des remous de choix, on voit très bien


que les aviateurs qui ne sont pas passés par l’« école des
remous» ne comprennent pas plus le pilotage dans les remous
qu’un chien, pédestrement expulsé, ne saisit les règles du jeu
de quilles. Trop d’amplitude et trop de brutalité dans l’action
sur les commandes ; de nombreuses manœuvres superfétatoires
ou effectuées à faux, et même — si les remous sont assez mau
vais
— des inversions de commandes ; aucune dissociation entre
le travail du pied et le travail de la main, mais une conjugaison
enfantine (ou alors «tout au pied» ou «tout à la main»);
aucune sélection des réflexes, mais au contraire cette gesticula-
tion que nous appelons « la mayonnaise » déclenchée au pre
mier frétillement de l’appareil, au lieu de deviner si le remous
va être mauvais ou non. D'où maintes catastrophes.
Aux Alpilles on étudie les ascendances aussi bien ou même
mieux qu'ailleurs, puisque cette étude se fait en double com
mande; mais on étudie aussi les rabattements, par exemple celui
du mistral sur la Cran, vers la piste de Salon-La Jasse.
Il y a là une variété de remous extrêmement intéressante ;
mais il y faut déjà une bonne vitesse de mistral, car la cote 492
est un piton que le vent a la faculté de contourner et, de plus,
des contreforts empêchent le rabattement d’être parfait. Par
vent faible, il s’agit donc plutôt d’un sillage turbulent, avec
seulement des « coups de rabat » ; mais, si le mistral force, le
rabattement, extrêmement puissant, règne à des centaines de
mètres plus haut et plus loin que la crête.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1371

Au contraire, par les vents des secteurs Sud, retombant de


la muraille à pic qui constitue la face Nord, il se produit, même
pour des vents encore modérés, un rabattement tourbillonnaire
d’une puissance extraordinaire. Le capitaine Battesti, qui assu
rait l’intérim de directeur du pilotage de l’Ecole d’Istres et
qui tint à inaugurer à mon bord les expériences de cet été,
vit alors une séance de remous comme en 24 ans d’aviation
il n’en avait jamais vu et moi-même — en 25 ans de métier,
dont 13 ans de spécialisation — j’en ai peu rencontré.
Mais les Alpilles ne sont qu’une école primaire. Nous avons
également besoin d’une Sorbonne des Remous; j’avais obtenu de
la créer à Chambéry-Challes-les-Eaux, et il faudrait bien la rou
vrir un jour. Car, si les rabattements à tourbillons sont, à cer
taines heures ou certains jours, plus rares dans les Alpes qu’aux
Alpilles, ils y sont encore plus brutaux; et puis il y a l’étude
pratique de la condensation des nuages par l'ascendance (con
densation qui enveloppe soudain l’avion et l'expose à percuter),
et celle de leur fusion par les rabattements (la « loi du trou
bleu», que j’ai formulée), phénomène qui permet parfois à un
initié de se faufiler dans les Alpes par des temps où en plaine
on n’oserait pas mettre un avion dehors.
Capitaine J. THORET.

ANNEXE.
Au cours de ses deux mois d’expériences de vol dans les remous,
aux Alpilles, le capitaine Thoret fit, pour les archives de l’Ecole des
Remous, avec des fumigènes Ruggieri, une démonstration de courants
de relief. Les quatre photographies ci-après, prises par la Section
Photo d’Istres pendant cette démonstration, sont commentées ci-dessous.
Il semble qu’il y aurait intérêt à exécuter dans les formations, par
grand vent, des démonstrations de rabattement turbulent; on pourrait,
par exemple, briser «sous le vent » d’un hangar des fumigènes d’atter
rissage.
s
Fig.
1.— Le vent Sud (vitesse 30 kmh ), bien que troublé par un
groupe de bâtiments qui se trouve à droite, est dévié selon une ascen
dance régulière.
Fig. — Le rabattement turbulent du vent (qui vient de la droite)
2.
épanouit la fumée et la distribue de façon fantaisiste, avec des varia
tions de vitesse et de direction assez grandes, malgré la faible déni
vellation, la forme de l’obstacle et la médiocrité du vent.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1372 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Par conséquent, même pour un « relief » médiocre et un vent


médiocre (30"), le rabattement est énergique et « turbulent ».

Fig. 2.

un 111 ii 11 ii uni 11 in i in 111 ii iiiiiiiiuiin i il 111 ii 11 ii 111 il 111111 ii ii ni il ni ii 11 in i min iiiiiiii uni 11111111111 ii i uni i uni uni
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1373

Fig. 3.

Fig. 3. —- Le fumigène matérialise ici, « sous le vent » du hangar,


un contre-courant, puis le i abattement du vrai vent supérieur qui vient
de la droite. Le tourbillon est cassé de façon inusitée selon un angle
aigu, probablement du fait d’une variation de vitesse.
Fig. 4. —- Le fumigène matérialise, selon un tourbillon assez arrondi,
le contre-courant ascendant puis le rabattement du vent supérieur
venant de la droite.

iiiiiii in 111 in iiiiii i iiiiiiiiiii ii nu mu ni


Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllll

Notes et souvenirs
sur la
création de V Aviation militaire française ^

Par le Lieutenant-Colonel BELLENGER,


Ancien commandant de l’Aéronautique de la 6» Armée.

DU 7 AU 30 AOUT 1910.
Le 7 août commençait le Circuit de l’Est, organisé par
«Le Matin » sous la direction et le contrôle de V Aéro-Club de
France. Bien que ce circuit fût une épreuve purement civile,
ouverte à tous les pilotes brevetés, français ou étrangers, il n’en
a pas moins exercé une grosse influence sur la création de
l’aviation militaire en levant les dernières objections contre
l’essai, aux grandes manœuvres de 1910, du service constitué
jusque-là à titre d’étude.
Jusqu’au Circuit de l’Est, les vols à travers pays étaient rela
tivement rares et les aviateurs, libres de choisir le jour et
l’heure qui leur convenaient, ne partaient guère que par beau
temps. Seul, le prix de Londres-Manchester, en avril 1910, avait
été disputé par mauvais temps, s’étant transformé en une véri
table course entre les deux concurrents, Paulhan et Graham
White, prêts simultanément : encore partaient-ils de deux aéro
dromes différents de la banlieue londonienne.
Au Circuit de l’Est, pour la première fois, les dates des vols
et les itinéraires ont été fixés longtemps d’avance, sans pouvoir
tenir compte des circonstances météorologiques. L’heure même
était précisée et un retard à l’arrivée éliminatoire, à partir de

(9 Voir les numéros de février, puis de mai à novembre, de la «


Revue de
l’Armée de l’Air ».

iiiuiiiiriHiiiH iiiiiititiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuuiitin
la fermeture du contrôle. Ce n’était plus une étape qu’il s’agis
sait de parcourir, mais six qui devaient être parcourues de deux
en deux jours, ce qui rendait également éliminatoire tout acci
dent grave, même à l’atterrissage, non réparable avant le
départ de l’étape suivante. Les aviateurs devaient survoler non
plus seulement les plaines de la Champagne et de la Picardie,
mais les régions accidentées et boisées de la frontière Nord-Est.
Enfin, la réunion des concurrents sur un même terrain, créant
l’émulation, les incitait, pour devancer leur émules, à partir
coûte que coûte à l’heure fixée, dans des conditions où, isolés,
ils ne seraient sans doute pas partis.
Pour toutes ces raisons, les conditions matérielles du vol se
rapprochaient beaucoup de celles d’une reconnaissance mili
taire, envoyée à une heure choisie pour l’utilité du comman
dement et non pour ses avantages météorologiques.
Le 7 août, au matin, le temps était beau, mais des brumes
couraient sur la campagne, gênant l’orientation.
Les trois appareils engagés par Blériot, monoplaces types
Blériot XI à moteur Gnome 50 HP, partaient les premiers,
Aubrun à 5h 13min, Leblanc à 5h 18min, Mamet à 5h 22min. Der
rière eux, l’allemand Lindpaintner partait sur Sommer à 5h 30min,
puis Busson sur Blériot à 6 h 5min. Enfin, après un assez long
intervalle, à 7 11 5min, Legagneux, sur Voisin, Bregi sur H. Bar
man et Weymann également sur II. Barman à 9 11 13min. Le départ
des derniers avait été déterminé par l’annonce au téléphone
de l ’arrivée à Troyes des premiers, Aubrun à 6 h 50min, Leblanc
à 6 h 52min.

La difficulté de cette première étape avait été pour la plu


part des pilotes de reconnaître leur route. Les commissaires
l’avaient jalonnée d’oriflammes et de signaux optiques : les
uns et les autres se révélèrent peu visibles pour des aviateurs
les cherchant de haut en bas.
Leblanc avait soigneusement parcouru la route en auto
quelques jours auparavant, et s’était muni d’une collection de
cartes postales représentant les clochers et autres points sail
lants; il put ainsi reconnaître Mormant, Nangis, Provins,
Nogent, et arriver à Troyes dans le plus court délai.
Aubrun préféra suivre la Seine jusqu’à Corbeil et marcher
ensuite à la boussole.

UlllllllllIflIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllHllllllllllllllillllllllItlIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilinii
1376 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
Legagneux, Weymann, Mamet s’étaient égarés et avaient dû
atterrir pour se retrouver.
Lindpaintner, au contraire, paraît avoir fort bien repéré sa
route et était arrivé sans escale en 2h 25min.
Les vitesses pratiques étaient de 86 kmh pour Leblanc, 83 pour
Aubrun, 56 pour Lindpaintner, les Blériot des deux premiers
fournissant une vitesse propre d’environ 100kmh et le Sommer
du troisième 60 kmh
.
Legagneux, Weymann et Mamet, arrivés avant fermeture du
contrôle, restaient qualifiés, mais avec des temps de vol respec
tivement fixés à 3 h 59min 4h 13 min-5h 8min.
Cette étape fournissait donc deux enseignements très nets :
le premier était la grosse supériorité conférée aux pilotes de
Blériot par la vitesse de leurs appareils, la seconde était l’im
portance de l’aptitude au repérage de la route, cette aptitude
décidant du classement entre appareils; équivalents et de la
pénalisation automatique des concurrents insuffisamment pré
parés à se diriger.
Une inquiétude venait au soir de ce 7 août : sans doute les
Blériot prenaient les deux premières places, mais le troisième
était un Allemand, Lindpaintner (appelé familièrement « La
Panthère »), lequel paraissait s’être remarquablement dirigé,
n’ayant perdu que fort peu de kilomètres sur la vitesse théo
rique de son appareil.
Le Blériot XI, de type alors nouveau, allait-il être en état de
résister à l’épreuve ? S’il ne le faisait pas, le succès pouvait
aller l’Allemand.
à
Dans la même journée, un certain nombre d’aviateurs mili
taires avaient fait des vols intéressants.
Chevreau, parti de Villacoublay sur Wright, avait atterri près
de Vulaines où il avait cédé son avion à Maillols qui l’attendait
et, l’ayant remplacé, était arrivé à Troyes.
Camermann, emmenant Vuillierme comme passager, Féquant,
emmenant le capitaine Marie, et de Gaumont, pilotant seul à
bord, étaient allés de Mourmelon à Nancy par trois itinéraires
différents, les premiers par Verdun et Toul, les seconds par
Bar-le-Duc et Toul, de Gaumont par Vitry-Saint-Dizier et Toul.
Aucun d’eux — y compris de Gaumont, seul à bord — ne
s’était égaré, bien que la région traversée par eux fût sensi
blement plus accidentée que le trajet de Paris à Troyes.

Illllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllülllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
Il est certain que cette arrivée sans accroc des trois avions
militaires à Nancy le 7 encouragea fortement les concurrents
du Circuit, assez inquiets du terrain accidenté de leur seconde
étape de Troyes à Nancy.
En ce qui me concernait, j’avais reçu mon biplace Blériot
réparé quelques jours avant et avais pu effectuer sur lui
quelques vols, sans sortir encore des plaines du Camp de Châ-
Ions, ni monter à plus de 100m.
Ayant assisté le matin à Paris au départ du Circuit et pris
ensuite le train pour Mourmelon, j’y apprenais, au début de
l’après-midi, les arrivées à Troyes de Leblanc, Aubrun, Lind-
paintner et Mamet. Je me décidai là-dessus à faire quelque chose,
et jugeant mon entraînement insuffisant pour gagner Nancy
d’un vol comme mes camarades, je me décidai à me rendre à
Verdun, mon ancienne garnison, pour m’y arrêter et continuer,
si possible, sur Nancy le lendemain.
La route de Mourmelon à Verdun n’était pour moi qu’un jeu
d’enfant, grâce à mon habitude du ballon, et à ma connaissance
de la région.
Dès que j "eus pris quelque hauteur le long de la voie ro
maine, j’aperçus en avant, à gauche, l'Argonne avec le défilé
des Islettes vers lequel je m’orientai. Je constatai bientôt que
la vue de l’Argonne, au-dessus de laquelle il fallait passer sans
y disposer de terrain d’atterrissage, m’entraînait à monter avec
une facilité que je ne soupçonnais pas moi-même jusque-là et
c’est à 800m d’altitude, soit 500 à 600m au-dessus du sol, que je
survolai Sainte-Menehould, Les Islettes, Clermont; les ailes de
mon appareil, me masquant le sol sous moi, ne me permettaient
d’ailleurs pas de voir si je passais réellement au-dessus de ces
localités ou dans leur voisinage.
De l’Argonne, je découvrais Verdun, dont l’aspect aérien
m’était familier pour l’avoir contemplé bien des fois, du bord
d ’un ballon captif, au cours de manœuvres.
Je me dirigeai vers le hangar à dirigeables situé au pied de
la colline de Belleville et atterris dans la prairie voisine. Tout
allait bien, et je fus fêté le soir au Cercle par mes camarades.
Le lendemain 8 août, je tentai de repartir pour Nancy; mais
les herbes de la prairie, un peu hautes, me cachèrent une borne
sur laquelle mon hélice vint se briser au départ.
Le jour suivant, 9 août, mon mécanicien m’ayant apporté

llllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllüllllllll
1378 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
une hélice de rechange, je tentai à nouveau le départ, en me
plaçant dans une partie de la prairie où l’herbe fauchée ne
pouvait me masquer de borne. Hélas, le sol un peu marécageux
gêna mon essor et, voyant approcher la barrière limitant la
prairie avant d’avoir pris la hauteur nécessaire pour la fran
chir, je coupai l’allumage..., trop tard malheureusement pour
m’arrêter avant cette barrière : la planche qui reliait le fuse
lage au train d’atterrissage fut brisée : grave avarie, après
laquelle il ne me restait plus qu’à renvoyer l’appareil tout entier
en usine.
Ce même jour, 9 août, les concurrents du Circuit se rendaient
de Troyes à Nancy.
Eclairés sur le manque de visibilité du jalonnage de la route,
les commissaires avaient demandé aux populations d’allumer
des feux et de faire de la fumée au voisinage des jalons. Feux
et fumées furent vus et contribuèrent à orienter les concurrents.
Le départ fut pris successivement à 5 h 14min par Lindpaintner,
à 5h 24min par Legagneux, à 5 h 39min par Aubrun et à 5 h 40min
par Leblanc.
Le vent était fort sensible. Les aviateurs, pour mieux voir
leurs repères, volaient entre 50 et 100m de terre ; aussi furent-ils
terriblement secoués.
Leblanc arriva le premier à 7 h 59min, Aubrun derrière lui à 8h,
Legagneux après deux escales arriva à 10 h 56min ; Lindpaintner,
ayant atterri près de Wassy, ne put repartir. La pluie survint
dès le début de l’après-midi, et coupa court aux tentatives de
Brégi, Mamet, et Weymann, dont les appareils, précédemment
endommagés, n’avaient pu être prêts le matin.
Leblanc, Aubrun et Legagneux restèrent seuls en course pour
l’ensemble du parcours.
Le 10 août, la. journée fut consacrée à un meeting où se dis
tinguèrent les aviateurs militaires. Féquant prit comme pas
sager le général Maunoury, Commandant le 20 e C. A., et, sur
sa demande, lui fit visiter toute la zone frontière de la 20 e région,
visite d’où le général revint convaincu de l’excellence de l’aé
roplane comme instrument de reconnaissance.
De Gaumont se rendit à Lunéville, son ancienne garnison, et
en revint après y avoir été fêté par ses camarades.
J’étais venu par voie ferrée rejoindre mes camarades à Nancy
et y assister au meeting, auquel participaient quelques avia-

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllillllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1379

Le monoplan BLÉRIOT du lieutenant Bellenger dans le hangar à dirigeables


de Verdun, en 1910.

teurs non concurrents du Circuit. Ce qui me frappa le plus fut


une certaine envolée de Paul de Lesseps sur Blériot XI. J’étais
habitué à voir les appareils s’enlever lentement et progressive
ment, faire de nombreux tours de piste pour gagner de la hau
teur. . . . Paul de Lesseps, partant à mes côtés, gouverna immé
diatement à monter à fond, sans aucun virage. Je mesurai par
les procédés approximatifs familiers aux artilleurs, l’angle dont
je le voyais au-dessus de l’horizon et trouvai 200/1000....
A moi, qui avais été arrêté la veille par la lourdeur de mon
biplace au départ, cet angle de montée parut merveilleux.
Aussi, tandis que mes camarades, fêtés et choyés par les
Nancéens, étaient enchantés de leurs biplans II. Barman ou
Sommer à deux places, pour moi, la leçon du Circuit était la
supériorité de l’appareil rapide et léger, à grande puissance
disponible en excédent de la force nécessaire à la sustentation,
puisque sur trois appareils restés en course, les deux premiers
étaient des Blériot 50 HP, et que leur durée de trajet n’attei
gnait pas la moitié de celle du troisième (biplan Sommer}.

IIIIIIIII111IIIIIIIIIIIIIIIIII11II1111II111IIIIIIIIIIIIIIIIllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll11III
1
38o REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
L’étape du 11 août, Nancy-Charleville, 110km, ne fit que me
confirmer dans cette manière de voir.
pluie,
Le temps était franchement mauvais : orages, vent,
rouleau sur
brumes. Les porte-cartes où la carte passe d’un
l’autre, sous une plaque transparente, n’étaient pas encore en
Les cartes de Leblanc et d'Aubrun, mouillées par la
usage.
furent enlevées
pluie et assez mal fixées devant eux, leur
dès le départ par des rafales. Leblanc, familiarisé par
presque
ascensions ballon avec la topograhie de la région, con
ses en
Meuse terrasse au-dessus
naissait la disposition des Côtes de en
conduisait à Charle-
de la Woëvre et, sachant que la Meuse le
ville, il se tira de l’incident sans grande perte de temps et se
rendit directement à Charleville en 2h 5min.
la
Aubrun, beaucoup moins familier avec l’atmosphère et
topographie de l’Est, se dirigea à l’Ouest, se retrouva au Camp
cartes, arriva à
de Châlons, puis, ravitaillé en essence et en
Lega-
Charleville 3h 42min après son départ de Nancy. Quant à
dont le moteur fatigué par sa participation au meeting
gneux,
de la veille avait besoin de révision, il ne put
partir bien que
camarade de Gaumont eût mis son propre moteur à sa
mon atterrir
disposition. Camermann, parti avec Vuillierme à 7 h , dut
près de Saint-Mihiel et n’arriva à Charleville qu’à
en route
ll h 30min.
Féquant, parti à 5 h 15min pour Mourmelon, ne put pas davan
faire l’étape escale et atterrit à Saint-Dizier. Lind-
tage sans
paintner dut, presque aussitôt après le départ, s’arrêter à
Cham-
Mourmelon
pigneulles. Weymann, qui s’était rendu de Troyes à
le 9, voulut gagner Charleville, mais
dut s’arrêter à Bétheny.
des biplans civils put jour-là effectuer
En résumé, aucun ne ce
trajet qu’il s’était proposé, et les appareils militaires n’y
le
l’insuf
réussirent qu’avec une escale. Nouvelle confirmation de
qui, bien
fisance d’une vitesse de 60kmh pour tenir tête à un vent
fort, n’était cependant nullement exceptionnel. Leblanc,
que
monoplan, accomplit d’un trait le parcours grâce à sa
seul, sur
d’un appa
vitesse de 100kmh. Et il était clair qu’Aubrun, pourvu
rapide),
reil équivalent (et même, semblait-il, légèrement plus
aussi bien
eût pu remplir la même performance s’il avait été
préparé que son rival à trouver sa route.
journée du 12 fut remplie par un meeting à Charleville
La
Weymann, Lega-
pendant lequel rejoignirent les concurrents,

ii ii i ni mil i mm mu in 111 u i iiiinmi mi 11 mi i un ni 11


un 111111 ii in i mi i U111 nu mm ii ni i iiiiiiiiiin un i in i mu il 1111
gueux, Mamet, etc., qui, éliminés du Circuit, étaient en droit
de participer aux épreuves locales.
Le 13, pour l’étape Mézières-Douai, les deux pilotes de Blé-
riot, Leblanc et Aubrun, restés seuls en course, changent de
tactique. Le temps étant franchement mauvais, ils cherchent
surtout à ménager leurs appareils pour terminer sûrement le
Circuit où la victoire ne peut plus leur échapper.
Aussi, tandis que Legagneux et Mamet tentent l’aventure
dès le matin, font une série d’atterrissages et restent finalement
en route, impuissants à lutter contre le vent, Leblanc part
seulement à 3 h 57min, Aubrun à 4 h 5min. Tous deux sont aveu
glés par la pluie, et ne peuvent bientôt plus utiliser leur carte
trempée et réduite à l’état de bouillie, mais Aubrun qui, cette
fois, a sérieusement étudié sa route avant le départ arrive d’une
traite à 61 24min à Douai et Leblanc l’y rejoint à 6 h 59min, une
minute avant la fermeture du contrôle, après un atterrissage à
Landrecies pour se renseigner.
Le vent a réduit de 100 à 60 kmh la vitesse des deux Blériot.
Quant aux aviateurs militaires, se rendant compte de l’insuf
fisance de la vitesse de leurs H. Farman pour lutter contre un
vent de 10 m./sec., ils n’ont même pas essayé de prendre l’air.
Les étapes suivantes, de Douai à Amiens, et d’Amiens à Paris,
ne présentent plus le même intérêt. Le temps s’améliore, le vent
faiblit. Aussi, aviateurs civils et militaires rejoignent-ils de tous
côtés les pilotes restés en course, et donnent-ils de brillants
meetings à Douai et à Amiens.
L’arrivée Issy-les-Moulineaux, le 17 août, se change en apo
à
théose. Le général Brun, ministre de la Guerre accompagné des
généraux Dalstein, Ebener et Sauret, attend les vainqueurs au
terrain d’arrivée. Le public acclame successivement Leblanc,
Aubrun, Camermann et Lagagneux.
. . .
Réception au « Matin », organisateur du Circuit.
Réception vers 5 h à l'Aéro-Olub, où le général Brun et
M. Barthou, vice-président, se congratulent réciproquement de
l’essor de l’Aviation. Le général Brun méritait d’ailleurs les
compliments reçus, et si je n’ai rien caché, dans les récits qui
précèdent, de ses tergiversations et de ses volte-faces parle
mentaires, je lui dois cette justice qu’il a été l’un des premiers
personnages officiels à croire à l’avenir militaire de l’aviation,

suunonnnununonuunanuunaanunananananuasananacuunnuuucnunusaanasananananazannsnanccnazunannezcenenencnananunanunanececanenacseszannuzsanum
138a BEVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Trois jours après, le 20 août, c’était au tour de la Ville de
Paris d’offrir une réception aux aviateurs civils et militaires.
Ces réceptions à l'Hôtel-de-Ville — j’ai participé à un certain
nombre à cette époque — se passaient suivant un rite immuable :

arrivée en auto des héros de la fête, réception solennelle dans


la grande salle du premier étage, discours multiples, cham
pagne. Sitôt les premières coupes hues, le protocole disparais
sait, et toute l'assistance se précipitait en divers sens, les uns
vers le buffet (la célèbre chanson de Mac Nab n’a guère exa
géré les réalités), les moins affamés se disputant les héros de
la fête pour paraître les connaître et se faire voir en leur com
pagnie.
.. .
Les premières effusions passées, le président du Conseil muni
cipal entraînait ses invités sur le balcon la foule, restée sur la
:

place, poussait des clameurs variées tandis que reprenaient les


visites au buffet et les papotages.
Pour mon compte, si je n’avais pas fait grand ‘chose dans le
Circuit, j’étais néanmoins officier aviateur, et de plus, connu
par mes voyages antérieurs en ballon.... Je devins la proie
d’un groupe dont les deux principaux personnages étaient la
femme d’un notoire conseiller municipal et un journaliste explo
rateur. La dame n’était plus de première fraîcheur, mais n’en
paraît que davantage des appâts débordants, et s’attendrissait
bruyamment sur le courage des aviateurs.

«Comment pouvez-vous monter en l’air comme cela ? Vous n'êtes


pas effrayé de vous voir si loin de terre .... »
Et maintes autres questions, déjà oiseuses à cette époque,
qui paraîtraient aujourd’hui fort ridicules. Elle s’inquiétait
aussi beaucoup de la manière dont nous pouvions nous diriger.
Je m’évertuai à lui expliquer que c’était très facile, beaucoup
plus facile même qu’à terre : le terrain vu de haut apparaissait
comme une carte en relief dont aucun premier plan rapproché
ne masquait les lignes principales. Et là-dessus je citai mon
atterrissage dans le Tyrol, du 27 juin précédent, où le coude
caractéristique de l’Inn à Landeck m’avait permis de faire ins
tantanément le point, après un long trajet au-dessus des nuages.
Là-dessus, le journaliste explorateur :

« officiers aviateurs sont admirables : ils savent même la géo


Ces
graphie. Pour l’amour de la géographie, permettez, mon lieutenant,
qu’on vous embrasse....»
Embrassade générale, nouvelles coupes de champagne, réem-
brassade. Le journaliste explorateur avait la moustache fort
humide; le contact de ses lèvres me produisit l’effet d’une
limace.... La conseillère mûrissante avait les lèvres fardées;
le tout devait faire un singulier mélange sur mes joues....
A partir de ce jour, et jusqu’en 1914, je n’ai pu rencontrer
dans une fête la conseillère sans qu’elle s’empare de moi et
me présente à toutes ses amies comme « son » aviateur, en
qui elle avait eu foi dès l’origine, ni le journaliste explora
teur sans que, pris d’attendrissement subit, il ne veuille
recommencer à m'embrasser, avec la même impression déplai
sante pour moi.... J’ai dépensé toutes les ressources de ma
stratégie pour les éviter, sans y réussir toujours. Tout
. . .
n’est pas rose dans les réceptions.

«
Le Circuit de l’Est, comme je l’ai dit, eut une grosse réper
cussion sur le développement de l’Aviation militaire, en déci
dant le Ministre à nous faire participer aux grandes manœuvres.
L’idée en avait été émise une première fois aussitôt après le
raid de Féquant et Marconnet de Mourmelon à Vincennes; mais
le peu d’enthousiasme manifesté par les pilotes — et surtout
par les pilotes les plus anciens et les plus renommés — pour
participer à la revue du 14 juillet, avait rendu l’autorité fort
hésitante. Le résultat des premières journées du Circuit la
décida.
En somme, le 7 août, trois aviateurs militaires — dont deux
pourvus d’observateurs — s’étaient rendus par air de Mour
melon à Nancy, en volant au-dessus d’une région considérée
comme difficile (le premier tiers excepté) ; d’autres officiers
avaient fait différents parcours; de nouveaux vols avaient eu
lieu les jours suivants, le tout sans qu’aucun équipage s’égare,
sans qu’aucun accident personnel survienne.
L’autorité militaire retenait également le fait que toutes les
parties du circuit avaient été parcourues par certains aviateurs
à la date fixée. On pouvait donc, désormais, demander aux
aviateurs d’exécuter à date fixe les itinéraires de 100 à 150km
répondant aux conditions d’une reconnaissance militaire. Et,
si tous ne réussissaient pas à les effectuer complètement, au
moins semblait-il qu’on n’avait pas à craindre de voir des échecs
i38 4 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
s’attrister d’accidents personnels graves le risque d’un essai
:

de l’aviation aux manœuvres paraissait donc minime.


L’autorité militaire paraît même s’être laissée entraîner à
exagérer l’importance des vols accomplis par les aviateurs mili
taires autour du Circuit de l’Est.
Brégi et Weymann qui représentaient la maison II. Farman
dans le Circuit, s’étaient trouvés éliminés tous deux — quoique
fort bons pilotes — dans la deuxième étape Troyes-Nancy. Mais
deux équipages militaires, Féquant-Marie et Camermann-Vuil-
lierme, montés tous deux sur II. Farman, étaient arrivés à
Nancy venant de Mourmelon d’un seul vol, sans erreur de
direction. H. Farman s’était alors empressé de reporter sur les
pilotes militaires de sa marque la publicité qu’il comptait faire
sur les pilotes civils engagés. Et, comme Camermann avait
accompagné le Circuit de Nancy à Paris par Charleville et
Amiens, il était en fait devenu le champion de la maison Farman
et avait été soigné comme tel.
Le lieutenant de Gaumont avait bénéficié d’une situation
analogue du côté de Sommer, après l’échec de Lindpaintner.
Toute cette publicité avait abouti à faire considérer Camer
mann comme une sorte de troisième gagnant du Circuit, par
venu au but malgré le handicap constitué par le transport d’un
passager.
Le sympathique Camermann méritait assurément ce succès,
mais il fallait cependant remarquer que son appareil n’avait
pu lutter contre le vent, ni dans la troisième, ni dans la qua
trième étape (Nancy-Charleville, et Charleville-Douai). Il avait
dû faire escale au cours de la troisième et avait renoncé à
prendre l’air à la date fixée pour la quatrième, se rendant
ensuite directement de Charleville à Amiens pour y retrouver
les concurrents,
Ainsi, si l ’on suppose les étapes correspondant à autant de
reconnaissances demandées par le commandement au-dessus
d’une zone occupée par l’ennemi, l’appareil H. Farman de
Camermann n’aurait exécuté que deux reconnaissances sur les
quatre où il avait voulu accompagner le Circuit.
La conclusion logique à tirer de là pour l’autorité militaire
aurait donc dû être que la vitesse du H. Farman (60kmh) ne
permettait son utilisation militaire qu’un jour sur deux, tandis
que celle du Blériot (100kmh) l’avait permis six jours sur six
Le biplan Wright du pilote Chauveau, en 1910.

et devait être considérée comme suffisante, sauf circonstances


exceptionnelles. Il ne semble pas que cette nécessité d’une
vitesse supérieure à 60kmh et de l’ordre de 100kmh ait retenu
, ,
l’attention des autorités militaires, puisque c’est en s’appuyant
sur les résultats du Circuit que cette autorité voulut organiser
l’observation aérienne, aux Manœuvres de septembre suivant,
par avions biplaces consistant surtout en H. Farman.

so
Je n’avais pas, après ma visite à Nancy, suivi les étapes du
Circuit de l’Est, et j’étais rentré à Paris surveiller et hâter les
réparations de mon appareil. Mais son retour par voie ferrée
de Verdun à l’usine Blériot, alors installée sur le glacis des
fortifications près de la porte Champerret, fut très lent. En
outre, l’atelier de réparations se trouvait fort démuni de per
sonnel, en raison de différents meetings où Blériot avait dû
envoyer des équipes pour soigner les appareils de sa marque.
Je n’avais encore que peu d’entraînement et craignais de le
perdre; le colonel Estienne n’avait, d’autre part, aucun appa
reil Blériot à mettre à ma disposition; aussi, je m’entendis avec
Blériot pour aller à son école d’Etampes et y suppléer aux

IIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIHIlllllllHillHmilitlIIMIIIMIHIHlIltlilHHIHIIHHItlIlIflIIIIIIIIHIHIIIIIHIIIIlllllllllllllllllll/
A. A. A. — 89.
1386 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
pilotes qui lui manquaient pour les essais d’appareils en livrai
son, ce qui me permettait à
moi-même de voler sous couleur de
les essayer.
Ces essais consistaient généralement en un ou plusieurs vols
d’une durée de 30min ou d’une heure, avec l’acquéreur ou un
représentant du pays acquéreur (Russie, Italie, etc.) comme
passager. Ces vols, effectués à très faible
hauteur sur la Beauce,
le long de la route nationale d’Orléans, n’avaient rien de
particulièrement intéressant, mais amélioraient mon entraîne
ment.
Je ne tardai pas à constater que, si les divers biplaces essayés
volaient correctement avec passager près du sol, ils semblaient
tous incapables d’atteindre une altitude de quelques centaines
de mètres. Aux heures chaudes, et avec des passagers lourds,
j’avais parfois peine à me maintenir à 25m, à d’autres heures
et avec passagers plus légers, j’atteignais 100m, mais je ne dépas
sais guère ce chiffre, et n’aurais pu franchir avec passager une
crête semblable à la falaise de Champagne ou aux Hauts de
Meuse.
Impossible de virer court : dès que je le tentais, la sensation
de perdre de la vitesse m’obligeait à suspendre mon virage.
Mais au ras du soh en ligne droite, j’avais la sensation de pou
voir soutenir un supplément de poids, comme si l’air comprimé
dans son écoulement, eût fourni
sous les ailes, et gêné par le sol
une réaction verticale plus forte vers
le haut.
Bien entendu, je gardais pour moi mes réflexions critiques,
dont la communication eût été fâcheuse pour Blériot ; mes pas
général, d’observer quoi
sagers étaient d’ailleurs incapables, en
conditions matérielles
que ce soit, en dehors de l’exécution des
prévues au marché d’achat (poids enlevé et durée du vol).
Un jour, pourtant, un passager faillit me jouer un mauvais
tour pour avoir constaté autre chose.
Les essais de réception s’étant trouvés retardés, l’obscurité
était presque venue lorsque je repartis pour un dernier vol de
30min. Cette obscurité ne m’inquiétait guère, car je savais pou
voir atterrir partout sur des champs unis et déjà débarrassés
de la moisson. Cependant, au bout d’une vingtaine de minutes,
je vis mon passager se pencher à gauche d’un air inquiet, exa
miner l’appareil, enfin m’adresser des paroles que je ne compris
mais mon passager me
pas. Je répondis par un geste vague,
montra le sol en me faisant signe d’atterrir, et enfin me saisit
brusquement le bras gauche. Je pilotais heureusement du droit
à ce moment : aussi la conduite de l’appareil ne se ressentit
pas de ce geste inopportun. Je tins d’ailleurs à continuer le vol
jusqu’à ce que la demi-heure fût révolue, mais me hâtai d’at
terrir à ce moment. Mon passager n’attendait que cela, et l’avion
roulait encore que déjà il avait sauté à terre, en criant un mot
que je distinguai cette fois : « Le feu ! ». Surpris je me hâtai
également de descendre et d’examiner mon appareil : rien
d’anormal. Explications. Finalement, je compris que l'échap-
peinent produisait dans l’obscurité une lueur qui éclairait les
pièces les plus voisines : c’était cette lueur que mon passager
avait aperçue et prise pour un début d’incendie !

Parmi les élèves que je rencontrais à l’école Blériot se


trouvait un homme d’environ 45 ans, déjà grisonnant, que je
voyais arriver chaque soir en auto entre 4 et 5h, avec sa femme :
ménage très simple et très correct. Le mari prenait un avion
d’école avec lequel il s’exercait à faire des bonds de plus en
plus étendus en roulant en ligne droite, puis à voler suivant une
boucle allongée. Les pilotes de la maison étant tous absents
pour participer à des meetings, les conseils manquaient totale
ment à ce débutant. Je n’osais cependant lui offrir les miens,
n’appartenant pas à la maison et ne sachant à qui j’avais
affaire.
Je m'informai près des mécaniciens. Aucun d’eux ne connais
sait cet élève; mais, l’ayant entendu appeler « docteur » par
M. Blériot, ils supposaient que c’était un médecin de la région,
peu absorbé par sa clientèle, et profitant de ses loisirs pour
apprendre l'aviation.
Un soir, je me trouvais à proximité de la femme de ce débu
tant, quand je vis celui-ci, au cours d’un virage, gouverner à
monter : l’appareil monta, mais avec perte de vitesse, d’où
flottement qui induisit le docteur-élève à manœuvrer ses com
mandes de direction et gauchissement pour rétablir son équi
libre; et la perte de vitesse empêchant celles-ci de répondre
convenablement, l’appareil s’inclina à gauche et revint au sol
sur l ’aile malgré deux ou trois nouveaux mouvements désor-

UtlllllllllllllllllllllllllllllUIIIIIIIIIIIIIII|llll||||||||||)lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
donnés des gouvernails. Casse. Je m’élance avec la dame vers
l’appareil, tout en grommelant :

C’est absurde de casser du bois comme cela lorsqu’il suffirait d’un


«
conseil pour l’éviter. — Mais, Monsieur, dit la dame, je puis vous
assurer que, si vous voulez donner conseil à mon mari, il en sera
enchanté. — Je n’aurais osé vous le proposer, Madame; mais si vous
le désirez, je me mettrai volontiers à la disposition de votre mari. »

Le débutant revenait vers nous, laissant l’appareil endom


magé aux soins des mécaniciens accourus. La dame s’adresse
à lui :

Tu n’es pas blessé ? — Non, je n’ai rien, mais l’appareil a quelque


«
chose, et je n’y ai rien compris. — Eh bien, mon ami, voici justement
Monsieur qui m’offrait de te donner des conseils, si tu voulais bien.
Lieutenant
— Comment donc ! » Présentations : « Docteur Reymond. —
Bellenger. — Vous avez vu ma chute ? — Parfaitement, et je puis
très bien vous expliquer ce qui vous est arrivé. »

Là-dessus, je lui donne ma leçon, en reconstituant les phases


de son accident et les lui expliquant à mesure.

«C’est extraordinaire, me dit-il, maintenant que vous m’expliquez


ça, je me rappelle parfaitement, et c’est en effet exactement ce que
j’ai senti.... Merci beaucoup.... Et pourriez-vous encore m’expli
quer. . . ? »
Chose le nom du sénateur Reymond m’était
extraordinaire :

bien connu depuis son interpellation du 31 mars, mais les dires


des mécaniciens m’avaient si bien mis en tête qu’il s’agissait
d’un médecin des environs de l’aérodrome que je ne songeai
nullement à identifier ma nouvelle connaissance avec ledit séna
teur. Je continuai donc à lui donner mes leçons; sans avoir de
particulières dispositions pour l’aviation, il possédait une maî
trise de lui-même qui lui permit, une fois pourvu d’un conseil,
de réaliser de rapides progrès; si bien que, le 28 août, il pas
sait son brevet de pilote de Aéro-Club sous mon contrôle.
L’adresse donnée était à Paris, boulevard Malesherbes; mais,
le titre de sénateur n’y figurant pas, je ne l’identifiai pas plus
que précédemment.
Toutefois, la sympathie s’étant développée entre nous pen
dant ces quinze jours, je causais maintenant avec lui de ques
tions quelconques et n’hésitais pas, à l’occasion, à dauber sur
les parlementaires.
C’est seulement deux semaines plus tard, aux manœuvres de

IIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1389

Picardie, que j’appris la qualité sénatoriale de mon premier


élève en aviation, en recevant sa visite à mon camp de Bou-
tavent, et en entendant le général qui l’accompagnait lui donner
du « Monsieur le sénateur » trois fois par phrase.
Je m’excusai alors de n’avoir pas employé ladite formule
en invoquant mon ignorance :

«Ne vous excusez pas !... Du tout ! Du tout !... Je suis enchanté:
ça m’a permis de vous apprécier en camarade, sans arrière-pensée
entre nous. J’en suis enchanté ! Et surtout continuez !... Et quand
vous aurez encore envie de dire du mal des parlementaires, ne vous
gênez pas : vous n’en penserez jamais autant que moi ! »

Et voilà comment commença une solide amitié qui a duré


quatre ans pendant lesquels nous avons souvent discuté avia
tion; nous n’étions pas toujours du même avis et, entre nous,
les arguments partaient comme des balles. Mais tous deux, nous
avions conscience que l’esprit de l’autre, quoiqu’il pensât,
n’était guidé que par le souci de la défense nationale. Je sais
qu’il a fait mon éloge de différents côtés, mais jamais je ne
lui ai rien demandé. Lui-même m’a dit un jour :

« Il
nous est impossible, à nous autres parlementaires, de refuser
toutes les recommandations qu’on nous demande. Et d’ailleurs, il en
est dans le nombre auxquelles donner satisfaction n’est que justice.
Mais, malgré tout, c’est toujours un peu d’indépendance que nous y
laissons. Et cependant, pour mon compte, je n’ai jamais appuyé une
demande que je ne la croie justifiée. Et j’accepterais tous les refus,
...
dès lors qu’ils seraient basés sur le bien du service. Mais il n’y a
.. .
rien de si répugnant que l’obséquiosité mise par certaines autorités,
civiles ou militaires, à nous répondre toujours oui. »
Il
causait de façon intéressante d’une foule de sujets et, par
dessus tout, on le sentait tout vibrant de patriotisme. La pensée
que, créateurs du dirigeable, nous nous étions laissés devancer
de ce côté par l'Allemagne, lui était odieuse, et il aurait accepté
n’importe quel sacrifice, y compris celui de sa vie, pour empê
cher que nous ne soyons encore devancés sur le terrain de
l’Aviation. C’est le soin de l’exactitude dans sa documentation
joint à la constatation de l’insincérité des rapports officiels, qui
l’avait entraîné à piloter lui-même :
« Quand je demande un renseignement aux autorités, me disait-il,
neuf fois sur dix, on cherche dans la réponse beaucoup plus à m’être
agréable qu’à me dire vrai. Aucun chirurgien ne voudrait opérer sur un
diagnostic ainsi établi. Et cependant, les neuf dixièmes de mes col
lègues acceptent de légiférer ainsi. Moi, je ne peux pas. En pilotant

un ii i ni ni iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii m i uni mu 11 un i uni 11 mu i nui 11 mm i min mu nui nu i u n un


11 niiiiii IIHIIHI
1390 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
moi-même, en fréquentant les aviateurs, j’arriverai bien à savoir la
vérité, et à connaître quelques braves gens, comme vous, qui pourront
se tromper, mais qui parleront sincèrement. »

En août 1914, mobilisé comme médecin à quatre galons et


affecté à une formation de l’intérieur, Reymond, pour la pre
mière fois, se réclama de sa qualité de parlementaire pour
obtenir un poste de son choix et ce fut un poste de simple
pilote à l’Escadrille N° 3 (future Escadrille des Cigognes), en
Alsace, sous mes ordres. Resté en Lorraine, comme observateur
à la 1re Armée après la dislocation de l’armée du général Pau,
il y rendit constamment les plus grands services jusqu’au
22 octobre, jour où, son pilote ayant atterri entre les lignes à
la lisière du bois de Mortmare, il fut atteint d’une balle au
ventre. Relevé quelques heures plus tard, et parfaitement cons
cient de la gravité de son état, il eut encore la force avant de
mourir de dicter un compte rendu absolument clair et cir
constancié des résultats de sa reconnaissance. Sa mort fut une
perte énorme pour l’Aviation où ses avis faisaient autorité
devant le Parlement. S’il eût vécu, bien des fautes, bien des
lenteurs dans l’organisation de l’aviation aux armées, auraient
pu être évitées. Sa disparition laissa le champ libre à des col
lègues plus empressés d’utiliser l’aviation pour eux-mêmes,
comme tremplin, que d’aller en étudier les possibilités au
milieu
des risques du combat.
De tels hommes compensent, par leur valeur morale, ce que
les mœurs parlementaires ont parfois de fâcheux et leur mort
ne saurait trop être déplorée.
Lieutenant-Colonel BELLENGER .
(A suivre.)

IIIIIIIIIllllllllllllllllllllliailllllllllllllllllllllllllIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII111111111111111111111111IIIIIIHHIB
iiiiii iiiiiii iiiiii i in mil uni ii iiii ii ii iiiiiii ii iiiii i ii iiiiiiiiin 1111 ii ii11111111111111nui 111ii iiiiiiiiii
11 111 111 11 ii 11 iiii i unit

Zigzags à travers le Salon.

C’est, à notre sens, un signe des temps que cette curiosité des
foules pour des appareils militaires, mitrailleuses, canons ou bombes,
tandis que le haut-parleur déverse un flot de valses ou de tangos.
Un constructeur, qui joint à de hautes qualités techniques un
sens psychologique aigu, avait pris soin de matérialiser la cadence
du tir des armes de son appareil en plaçant des ampoules électriques
à la bouche de ses mitrailleuses, qui s’allumaient à la cadence du tir.
Nous demandons la généralisation du procédé et qu’au Salon
de ig38 on voie des bombes en bois tomber, des cratères de carton-
pâte s’ouvrir, des mannequins s’écraser sur le sol faute de para
chutes, des réservoirs non protégés s’embraser de feux de bengale,
et des avions sanitaires habilement garnis de mannequins exsangues.
Puisque le Salon expose 9/10 e d’avions de guerre, puisque 1 visi
teur au plus sur 100 000 est un acheteur possible de cette fourniture,
la logique veut qu’on s’adresse exclusivement au contribuable
français, seul intéressant, qu’on lui montre l’usage des armes qui
l’éblouissent, qu’on lui apprenne à s’en protéger, enfin et surtout
qu’en conséquence du principe de l’unité de la défense nationale on
expose aussi bien devant le public aux réactions toutes puissantes,
nos mitrailleuses, mortiers d’infanterie, lance-flammes, canons,
chars, etc. Et d’ailleurs le problème de la défense nationale pénètre
tellement dans la vie du citoyen qu’il serait prudent, normal et
équitable de lui montrer tout cela, en réservant les petites salles de
l’avenue d'Antin à l’Aviation civile.
Sans espoir, d’ailleurs, de voir partager cette opinion, proposons
au lecteur quelques remarques suggérées en traversant les stands.

Aviation de vitesse.
C’est avec la satisfaction de trouver la réalisation des vieilles
gibernes sur l’avion petit et rapide, que nous avons constaté la
tendance générale aux dimensions réduites, aux fuselages étroits,
à la suppression des tourelles avant, à la transformation des grosses
tourelles et balcons arrières en petites tourelles lenticulaires aplaties

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIBIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIllllUlllllllllllllllllllIflIlllllllllIlllllliiiiiiiinu
1
392 RF£VUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ou dispositifs ana
logues qui témoi
gnent de l’abandon
de l’illusion du tir
par le travers, la
suppression des
doubles comman
des, couloirs et
tous aménage
ments inspirés du
navire volant.
Bien entendu,
cela s’est traduit
par des sacrifices
de confort, de vi
sibilité, de champ
de tir total, de
sécurité. Sur plu
sieurs des petits
bimoteurs rapides,
on se demande par
exemple comment
le pilote arriverait
à sauter en para
chute.
Mais la pro
messe d’une vi
tesse voisine de
celle des chasseurs
est une garantie
de sécurité dont
chacun sait le
prix.
Encore un effort
dans cette voie
pour reconnaître
que, si le combat
aérien disparaît
par la vitesse, on
pourra faire l’éco
nomie d’un moteur
sur deux, d’un
homme ou deux
sur trois, et le
Salon de 1938 nous
Aspects de la tourelle de défense arrière du FOKKER G. i. apportera les pre
En haut, tir vers le haut; au centre, document
montrant l’obturation de la fenêtre de tir par deux miers échantillons
volets; en bas, tir vers le bas. d’avions de guerre

llllllllllllIllIlllllllllIllllllllllllllllllllllIllIllllllllllllllllllIlllllillIllUllllllllllllIlllllllllllllllillllllllllllllllllllllllL
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1393

Aspect d’ensemble du Fokker G. 1.


Le nez du fuselage, décapoté, montre l’armement.

encore plus petits que ceux d’aujourd’hui, et 'pour lesquels on


pourra alors envisager une fabrication en grande série, convenable
pour ces nouvelles « munitions ».
Breguet. — Le « Vultur » 462 fait figure du dernier représentant
des grands multiplaces de combat, par ses dimensions importantes,
son maître-couple considérable, son fuselage aux flancs plats si
hauts.
Au poids de 9350k8, 1850k8 de charge militaire utile, 2000km d’auto
nomie; vitesse 475kmh. 1325 HP.
Une maquette bien intéressante du bimoteur d’accompagnement690
à deux moteurs Hispano-Suiza 650 HP. Vitesse 50okmh. Plus moderne
que le précédent, il a un fuselage étroit, une queue à deux plans
de dérive dégageant le champ de tir du mitrailleur R.
Autant qu’on peut juger sur modèle réduit, c’est l’exemple typique
du sacrifice des champs de vue et de tir aux exigences du corps
fuselé.
Morane-Saulnier. — L’avion d’entraînement 43° est présenté
en virage à la verticale, de sorte qu’on peut aisément en examiner

iiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiii
1394 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
l’aménagement intérieur. Vitesse 36okmh à 2000m, avee moteur
Salmson 9 Ag 390 HP ou Gnome-Rhône K. 7 400 HP.
Union Corporative Aéronautique. — Le « Mureaux » 200 A 3, triplace
d’observation et reconnaissance à moteur Hispano-Suiza 860 HP,
protubérances de toutes
marque déjà une époque ancienne avec ses
sortes. L’honnête avion de travail du passé.
Au contraire le monoplace léger 190 C. est une des belles pièces
du Salon. Sans doute le moteur Salmson 12 Vars, 450 HP, avantageux
à profiler, est-il l’inconnue de l’appareil, dont les lignes très pures
annoncent les performances indiquées comme suit : 5oo kmh à 4000m,
plafond de 11000m, atterrissage à 1ookmh, poids total de 1280k8.
La position du pilote est remarquable pour la visibilité.
Loire-Nieuport. — Le monoplace 46, qui est en service, fait aussi
figure d’avion périmé. L’aspect de profil est désuet, tant le
raccordement du gros capotage du Gnome-Rhône K. 14 au fuselage
et à l’aile infléchie se présente mal.
Vitesse au sol 296kmh à 4500m, 37okmh.
Le monoplace 250 témoigne d’un gros effort de disparition totale
vol de l'atterrisseur dans l’intrados de l’aile qui apparaît singu
en
lièrement plate. A cet égard, l’avion n’était pas présenté sous son
aspect le plus heureux. Belles performances annoncées : 490kmh
sol,- 395kmh.
à 4500m. Montée à cette altitude en 5minzosec. Vitesse au
Lioré et Olivier. -—- L’autogire C. 34, prototype militaire, n’a pas
l’aspect d’un avion de guerre.
Hispano-Suiza)
On se demande pourquoi 350 HP ( Gnome-Rhône ou
sont nécessaires à un avion qui ne doit ni voler haut, ni porter
des bombes, ni aller vite. L’autogire doit se décider à copier
l’avion,
formule toute différente,
ou à chercher franchement sa voie dans une l’échelle-
celle d’un appareil petit, léger, sans grande vitesse,
observatoire -surélevée et mobile, à une ou deux.. places, que les
artilleurs réclament.
Deivoi-
Société Aéronautique française. — Le bel avion de chasse
Une 510, bien connu.
Union des Industries polonaises d’Aéronautique. -—- On retrouvait
lignes un peu
le monoplace de- chasse P. 24, robuste machine aux
anciennes. Poids 2000k8. Belles performances : 43okmh à 4250m.
Montée à 5000m en 5min 4osec. Autonomie de 700km qui paraît un
emportés.
peu juste. 100kg de bombes peuvent être
L’avion de reconnaissance et bombardement P. 23-43 était présenté,
rustique avec son système d’échappement très développé :
un peu
p. 23 p. 43
2750 3450
Poids total (kg)
Vitesse à 4000m (km h) 34'2 370
Autonomie (hm) 1500 1300

Montée à 4000m (min.) 14 12


REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR. 1395

Ensemble de l’armement du FOKKER G. 1 :


deux canons Madsen de 23mm, et deux mitrailleuses de même marque, du
calibre de 7mm,9. Chacun des canons est approvisionné à roo obus et, pour
chacune des mitrailleuses, on a prévu 6 bandes de 100 cartouches.

Fokker. — Son avion d’attaque G. i est une des grandes curiosités


du Salon.
Pourquoi le constructeur a-t-il repris la formule du double fuse
lage, toujours malheureuse 'jusqu’à présent sur avion ? Nous en
trouvons l’explication dans l’amélioration de la défense vers l’arrière
par le dégagement du champ de tir du mitrailleur; mais, pour un
appareil essentiellement offensif, n’est-ce pas payer un peu cher
l’augmentation probable de traînée.
La tourelle Fokker, dont la circulaire tourne dans un plan perpen
diculaire à l’axe de l’avion, paraît offrir la meilleure disposition
réalisée jusqu’à ce jour du point de vue de la conservation de la
finesse de l’appareil et de la protection du mitrailleur. Elle semble
également des plus appropriées au montage d’un canon mobile.
Vitesse, 450-47okmh. 4ooks de bombes.

Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllltlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
1396 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
U. R. S. S. — Sous les ailes indéfiniment allongées de l’avion de
grand raid à voilure surbaissée, le monoplace de chasse Zk. B. 19 trou
vait place : une sorte de Dewoitine de 1934 moins fignolé. L’intérêt du
stand consistait surtout en la manifestation de l’activité remarquable
de l’Aviation dans tous les domaines, en particulier dans les régions
polaires de la Sibérie.
Bloch 131. — Sur cet appareil était sensible la transformation des
grosses tourelles sphériques en petites tourelles aplaties parfaitement
raccordées au fuselage.
Potez 63. — Le globe formant trépied de ce bimoteur manque
de simplicité. La queue en dièdre avec 2 gouvernails est anormale;
la commande ne doit pas en être simplifiée, et l’intérêt n'apparait pas.
«
L’Aéronautique » a donné, dans son numéro de novembre, de
cet appareil, comme d’ailleurs des autres matériels figurant au
Salon, une description extrêmement détaillée.
Mais il ne faut pas dissimuler que nous retrouvons ici, condensé,
affiné grâce au progrès de la technique, le multiplace « tous usages »
qui a la vie dure.
L’observateur-chef de bord verra-t-il convenablement, étant placé
vers le milieu de l’aile et avec deux gros capots de moteurs vers
l’avant ? La vitesse annoncée de 44okmh sera d’au moins 6o km infé
rieure à celle du monoplace adverse contemporain. S’il faut trois
hommes et 1300 HP pour prendre une photographie, c’est cher.
Quant à la formule du triplace de chasse, elle dépendrait, dit-on,
du bien-fondé (secret naturellement) de l’emploi du canon avec un

Ci-dessous, aspect de profil du monoplace de chasse soviétique ZK. B. 19.

IIIIIIIIIIII1IIIII1IIIII1III1IIIIIII1IIIIII1II1IIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIII1IIIII11IIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIII1IIIIIIIII1IIIII1III
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1397

Groupes-moteurs HISPANO-SUIZA 14 HBs et avant de fuselage du triplace de chasse


Potez 63.
Les deux bossages allongés, sous le fuselage, carènent les deux canons de 20mm
dont l’appareil est équipé.

certain degré de liberté par rapport à l’avion; alors nous ne compre


nons pas que les canons soient fixés sous le plancher. Mais, s’il
faut maintenant de tels appareils pour abattre le moindre bombar
dier, aucun budget n’y résistera. D’ailleurs le bombardier contem
porain, qui est le Potez 63 lui-même, a la même vitesse de 46okmh
et nous ne voyons pas comment il pourra être rejoint par ce multi-
place de chasse.
Au total, on peut croire qu’au prix d’une dépense considérable,
on a réalisé des avions merveilleux, mais qui ne modifient en rien
les positions respectives de la chasse et du bombardement, ce qui
est en somme le problème fondamental auquel on est accroché.
L’avion de reconnaissance est discutable, et onéreux au point que
les missions auront difficilement la fréquence nécessaire. Le bombar
dier léger est remarquable de vitesse; mais le pilote et le mitrail
leur sont loin l’un de l’autre, ce qui ne faciliterait pas la défense en
combat. Quant à la mission de chasse, nous avons indiqué plus
haut les objections possibles.

^iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1398 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.
Hanriot. —- La très belle machine qu’est le triplace 220 appelle,
à notre sens, les mêmes observations. En outre, on est frappé du
peu de longueur du fuselage, et de la projection des moteurs très en
avant du bord d’attaque; c’est un élément d’incertitude et une
difficulté pour l’observation.
5oo kmh à 4000m. Montée à 8ooo m en io mln .
Farman. •— Une queue imposante de visiteurs, attirée par le
colossal, attend patiemment le moment d’admirer les fauteuils et
le bar du Farman 224 commercial.
Renault-Aviation. — Le nom de Renault, parmi les constructeurs
d’avions, marque une date importante. Souhaitons vite un stand
Michelin, Citroën ou Peugeot.
Le C. 690, monoplace d’entraînement aux missions de chasse,
avec son moteur 220 HP, a une vitesse de 38i kmh , un plafond
de 9700m. C’est loin d’être négligeable comme valeur militaire,
et il ne paraît pas faire de doute qu’en cas de nécessité des appareils
analogues, sortis par milliers des puissantes usines du grand cons
tructeur, assureraient entre les mains de pilotes ardents un excellent
travail et à un prix singulièrement intéressant.
Amiot-S. E. C. M. — Nous saluons au passage le bimoteur de
bombardement 341, beau travail de chaudronnerie, dont l’absence
d’équipement diminue quelque peu l’intérêt.
Bristol. — Sous la surveillance du légendaire gardien à la face
enluminée et dont la poitrine s’orne d’une brochette de décorations,
Bristol expose le « Blenheim », bimoteur de bombardement, dérivé
de l’appareil de lord Rothermere, et que VAir Ministry fait construire
en série.
Moins moderne que les Potez et Hanriot ci-dessus, il se présente
avec une ligne plus séduisante que les autres gros bimoteurs, dont
notre Aviation fait actuellement usage. Aucun détail d’équipement.
Haivker. — De belles photographies dissimulent mal le vide du
stand, résultant d’une interdiction tardive de présenter le plus récent
monoplace de la firme.
Koolhoven. — Tout est singulier dans ce monoplace de chasse,
depuis la peinture noire, qu’on s’explique mal, jusqu’à la section
triangulaire inaccoutumée et au contrôle latéral sans ailerons.
Le succès dépend essentiellement, bien entendu, de la transmission
mécanique qui entraîne les deux hélices, tournant en sens inverse,
à i m ,5o environ en avant du moteur. Le problème étant supposé
résolu, l’avion est merveilleux : le pilote, à cheval sur la transmission
et placé à hauteur du bord d’attaque, jouit d’une visibilité incompa
rable.
Le système des deux hélices doit rendre la maniabilité excellente.
Des ouïes à peine visibles laissent entrer l’air de refroidissement
et évacuent les gaz d’échappement, sans que rien apparaisse à

tebe5s0BAmmnuBczcünccnncuuuuncccucucucuncccccuccDSBnccccunSBDGcSccuDSSSDcBucccSODBcBcaSBSSBcccSccSSSASuSBGnSBnSSAunSuSSBnaAunuSS5RSSSSSD
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1399

l’extérieur toute la chaudronnerie correspondante. Enfin les


de
roues disparaissent totalement dans l’aile.
Le pilote est protégé dans son dos par le moteur, ce qui est, en
somme, plus utile que d’être protégé de face, car les balles les plus

Schéma de l’équipement du Potez 63 en triplace de chasse.


C, chargeurs; D, dérivomètre ; K, canons; P, phare d’atterrissage; P., planchette
du chef de bord; P,, planche de bord; M, mitrailleuse arrière; T-H, poste de
T. S. F. Thomson-Houston T. H. 53; R-I, poste de T. S. F. Radio-Industrieno 2.
Au poids total de 364okz, l’appareil doit atteindre les performancessuivantes. —-
Vitesse maximum à 4ooom, 46okmh; plafond absolu, io ooo m ; distance fran
chissable à la vitesse de croisière de 320kmh, à 4ooom, 1000km.

inquiétantes sont celles qui le surprennent de dos plutôt que celles


auxquelles le pilote sait s’exposer en attaquant.
On peut craindre malheureusement qu’en cas de capotage le
pilote ne soit mis en bouillie par le moteur; cela rappellerait bien
des avions biplaces du temps de la guerre. En somme, une machine
très en avance sur son temps ou... une curiosité amusante de méca
nique; la technique de la maison Lorraine, constructeur du moteur
« Petrel » et de sa
transmission est sur la sellette.
Letov. — Un honnête biplan tous usages, ce S. 528, équipé pour
l’observation, la reconnaissance, le bombardement léger et la chasse
de nuit, en service courant dans l’aviation tchécoslovaque.
Au poids total de 300oks, avec le moteur Walter de 800 HP, on
annonce une vitesse de 33o kmh , à 4000m, une montée à 5000m
en 11min, une autonomie de 1000km, un plafond de 9000m.
Le constructeur, signe des temps, a supprimé la double commande :
aux vitesses modernes le retour de mission par pilotage de l’obser
vateur est une opération sans grande chance de succès. Chacun
prend son risque et saute en parachute.
Expositions des Aviations militaire et navale.
Les matériels sont sur les stands des constructeurs; dans les
salles remarquables du premier étage, le travail des écoles est présenté
en détail.
Mais il y aurait place, avec quelques crédits, pour une exposition
vivante, bien éclairée, de l’activité des escadrilles, constituant un
élément de propagande incontestable : par exemple, un petit stand,
propre à chaque base, où l’on verrait le terrain, les types d’avions
en modèle réduit, quelques beaux résultats d’exercice, photos excep
tionnelles, tirs, bombardements, etc., plans en relief des raids colo-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiii11111111111111111111111111iiiiiiinii||lllrvfvvi;3llll
1400 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
niaux, etc., une manifestation d’émulation, de saine rivalité entre
les unités.
Hélas, sur les murs, des panneaux présentent, richement fixées
par des punaises, une vingtaine de médiocres photographies, à moitié
voilées ou grises, et qui veulent signifier l’effort de nos aviations
d’A. O. F. et d’A. E. F. !
Également comme fond de tableau, l’Aviation sanitaire coloniale
donne des statistiques d’évacuations arrêtées en 1933 ou 1934;
nous sommes en 1936.
L’Aviation d’Afrique du Nord présente sur un mur une série de
belles photographies, mais toujours aussi minablement disposées.
Enfin, le Service géographique de l’Armée expose de belles cartes
et photographies, mais sans explications. La Société générale de
Phototopographie fait de même; c’est dommage, car son assemblage
de la région de Beauvais est un beau travail, qui méritait d’être
éclairé, placé sous verre, descendu à hauteur des yeux, et agrémenté
de renseignements simples.
En avant de cet attrayant fond de tableau, un avion « Pélican »,
et deux hydros Gourdou 83a et Potez 452, inaccessibles faute de
l’escabeau classique, voient tristement s’enfuir la foule vers le stand
petit, mais plus accueillant, de l'Aéronautique navale.
Là, c’est le succès de propagande, avec des maquettes d’hydravions,
un modèle réduit du « Commandant Teste », des tableaux lumineux
indiquant comment on peut devenir pilote ou mécanicien, et des
graphiques d’avancement et de salaires des mécaniciens et arri-
meurs, qui retiennent l’attention de bien des jeunes gens.
L’exposition du Ministère de l’Air.
L’expérience de M. l’ingénieur en chef Pitois, et les crédits appré
ciables dont il a certainement disposé ont produit un heureux
ensemble, sanctionné par une foule toujours dense et animée.
Toute la jeunesse a ressenti l’élan donné maintenant à son orien
tation vers l’Aviation, par la formation préaéronautique, les huit
centres de vol à voile destinés aux jeunes gens de 14 à 17 ans, et les
facilités de vol mécanique réservées aux plus âgés.
P. E.

nihniiiiiiiii1111ni 11111111111111111111111111111111111111111111111111
*111111111111111 mil 111111111111 nu
mu 111111111111111111111 11
uhhhiihihihhihihii 11 i11111 in 0000000009e ii 11 hi it ini 11 hi hhiiiihhiihhhhhhihhhhhhhhhhhihihhhhuhhi*

INFORMATION GÉNÉRALE

Éclairage des escadres d’attaque et de bombardement.


Le leader de l’un des derniers numéros de la revue militaire Air
Corps News Letter pose la question de l’éclairage des escadres d’attaque
et de bombardement qui vont être dotées d’avions modernes à grande
vitesse et grand rayon d’action.
à
Cette branche de la défense aérienne, désignée aux États-Unis
sous le nom de « Service d’observation de VAir Corps», est en train
de prendre une importance considérable.
Jusqu’à ce jour les jeunes pilotes s’efforcaient d’être affectés à la
chasse, ou, à défaut de la chasse, au bombardement, afin que leur
entraînement au pilotage des gros avions les prépare au métier de
pilote de ligne dans le cas où ils seraient obligés de quitter l’armée.
Mais quelques esprits prévoyants du Ministère de la Guerre s’étant
rendus compte que l’entraînement d’un bon observateur demande
beaucoup plus de temps que celui d’un pilote de chasse, se sont
efforcés de constituer une aviation de reconnaissance en décidant
que toutes les escadrilles de la Garde Nationale, réparties sur l’en
semble du territoire, seraient entraînées en premier lieu à l’obser
vation aérienne. Alors que, dans l’esprit de beaucoup d’aviateurs,
les escadrilles de chasse, d’attaque au sol, de poursuite et de bombar
dement ont une importance primordiale, l’État-Major de Y Air Force
a reconnu que, pour être capables d’une action efficace, les escadres
d’attaque et de bombardement devaient être éclairées par une avia
tion d’observation de premier ordre.
C’est ce point de vue qui a été développé dans le leader de l’Air
Corps News Letter du début d’octobre, lequel établit que l’avènement
des superbombardiers, tels que les quadrimoteurs Boeing, nécessite
une aviation d’observation préparée à rendre de nouveaux services
beaucoup plus étendus que par le passé, et destinée à devenir l’œil
de la défense nationale.
Cet article poursuit :
«
La découverte et l’identification des objectifs incombe à un nouveau type
d’escadrilles d’observation constituant l’escadre de reconnaissance de l'Air

aiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiKiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiu
R. A. A. — No 89. G
1402 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Force. Sa mission principale consiste à effectuer des reconnaissances lointaines
pour le compte des escadres d’attaque et bombardement du G. Q. G. et
de
pour le compte du Commandant de l'Air Force du G. Q. G. Ces escadrilles
équipées avec les avions les plus récents à grand rayon d’action et avec des
équipages entraînés de façon intensive doivent être capables d’une efficacité
de 100 pour 100 dès le premier jour de la mobilisation. Elles doivent donc être
constamment maintenues sur le pied de guerre, prêtes à entrer en action du
jour au lendemain. »
Missions des escadrilles de grande reconnaissance.
-

Entrant plus profondément dans la question, l’auteur de l’article


expose que non seulement les patrouilles d’observation doivent être
capables de garder le contact avec l’objectif jusqu’à l’arrivée des
escadres d’attaque ou de bombardement, mais que ce contact doit
être maintenu ensuite jusqu’à ce que l’objectif soit détruit ou tout
au moins neutralisé.

« Des observations constantes doivent être transmises au commandant de


l'A ir Force de la région sur la situation précise, la composition, le sens de marche
et la vitesse d’un objectif ennemi en mouvement de façon à en permettre l’inter
ception par nos escadrilles d’attaque ou de bombardement. Si un nouvel
objectif apparaît, la patrouille d’observation doit pouvoir être immédiatement
renforcée pour surveiller ce nouvel objectif. »
L’auteur indique deux organisations possibles pour l’entraînement
et l’utilisation des escadrilles d’observation, lesquelles sont pour
le moment encore à l’état de projet. La première est une organisation
territoriale qui consiste à affecter à chacune des régions du terri-
toire, qui peuvent être menacées par un ennemi éventuel, un groupe
de grande reconnaissance qui, en cas de guerre, serait mis au service
des escadres d’attaque et de bombardement opérant dans cette
région.
La seconde consiste à attacher ces groupes dès le temps de paix
aux escadres d’attaque et de bombardement avec lesquelles ils
opéreront en temps de guerre, et qu’ils accompagneront alors dans
tous leurs déplacements.
Caractéristiques des avions de grande reconnaissance.
Ces avions doivent être plus rapides que les avions d’attaque et
de bombardement et avoir un rayon d’action deux fois plus élevé,
de façon à pouvoir effectuer toutes missions de patrouille, de décou
verte et de surveillance jusqu’à la limite du rayon d’action des
bombardiers.
Leurs aménagements doivent être assez spacieux pour loger
confortablement un équipage contenant, outre le chef de bord, le
pilote, le navigateur, le radio et le mécanicien-mitrailleur.
Le plus grand soin doit être apporté au confort de l’équipage en
ce qui concerne particulièrement le chauffage, l’aération, la protection
contre le bruit, et d’une façon générale toutes les commodités destinées
à faciliter la mission de chacun des membres de l’équipage afin de

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiinhiiiiiiiiiiiiiiiliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR. 1403

maintenir son efficacité au degré le plus haut pendant toute la durée


d’une mission de plusieurs heures à grande altitude. Il est rappelé
à cette occasion que certains types d’avions modernes en service
dans Y Air Force sont considérés comme déjà périmés, faute d’être
pourvus de ces aménagements destinés à assurer le confort de l’équi
page. Un mitrailleur frigorifié ou engoncé dans des effets chauds
trop épais, un radio aux doigts gourds, un chef de bord incapable
de se faire entendre à cause du bruit qui règne à bord, sont hors d’état
d’assurer convenablement une difficile mission de reconnaissance.
Il n’est pas donné dans cet article d’autres précisions sur les
missions prévues. Mais, si l’on remarque que les nouveaux bombar
diers, tels que le quadrimoteur Boeing, ont une vitesse de croisière
de l’ordre de 35okmh et un rayon d’action de plus de 1600km à une
vitesse un peu moindre, on peut se rendre compte de la difficulté
du problème posé aux constructeurs par l’État-Major de YArmg
Air Corps.

Capacités requises du personnel des escadrilles


DE GRANDE RECONNAISSANCE.
L’auteur de l’article termine par les remarques suivantes :

Les standards du personnel affecté à ces équipages doivent être extrême


«
ment élevés. Les pilotes doivent être préparés à ce service par le pilotage des
gros bombardiers rapides, et ils doivent être entraînés à coopérer avec le navi
gateur qui a la responsabilité de la route suivie par l’avion et de la recherche
de l’objectif. »

«
Les navigateurs doivent non seulement être parfaitement entraînés à
l’emploi de toutes les méthodes de navigation; mais ils doivent, en outre,
recevoir une instruction pratique pour découvrir et situer les divers types
d’objectifs pour escadrilles d’attaque ou de bombardement. »
« Les radios et
mécaniciens-mitrailleursdoivent, chacun dans leur spécialité,
atteindre un degré d’efficience supérieur à celui qui est actuellement requis
pour les avions d’attaque et de bombardement. »
«
Enfin l’équipage tout entier doit, par une intime association resserrée
au cours de nombreuses missions aériennes, finir par se fondre dans une unité
d’une harmonie parfaite, constituant pour le chef de bord un outil bien en
mains répondant instantanément à ses directives et même le plus souvent les
prévenant avant qu’il ne les ait formulées. »
A. V.
s-
Un exemple de navigation aérienne au long cours.
«
L’Aéronautique » a signalé, dans un article paru sous la signature
de M. Helbronner (1), l’importante contribution que devrait apporter
à la sécurité des traversées transocéaniques la coopération des avions
et des navires suivant les mêmes routes. Ici même, un article paru

(1) La liaison entre les navires et les aéronefs. — «


L’Aéronautique », n» 201,
p. 33.

uni iiiiiiiiiiiii
1404 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
sous la signature de M. Verdurand (1), a mis en relief l’augmen-
tation de sécurité qui résulte de l’emploi des méthodes modernes de
prévisions météorologiques. Enfin on trouvera dans le no 86 de la
« Revue de l’Armée de l’Air » (p. 1057) le compte rendu des essais
effectués aux États-Unis pour déterminer le degré de précision du
point astronomique relevé au cours d’un voyage aérien.
Ces diverses techniques trouvent une illustration particulière
ment instructive dans le rapport de voyage du capitaine J. H. Tilton
du « China Clipper », pour la traversée San Francisco-Honolulu
effectuée le 10 mai 1986.
En se reportant à la carte sur laquelle sont représentées les
conditions météorologiques à cette date, ainsi que les positions
successives de l’hydravion, on constatera qu’il régnait alors, entre
les escales extrêmes, une profonde dépression dont le centre se
trouvait sur l’arc de grand cercle qui les réunit. En suivant la
route la plus courte, l’hydravion aurait traversé une zone dange
reuse au milieu de laquelle se trouvait un front complexe (occlusion)
qui, généralement, coïncide avec des grains dangereux. En passant
au Sud, il aurait trouvé un front froid, également dangereux par
ses grains et, en outre, des vents contraires.
En contournant la dépression par le Nord, il a trouvé des vents
constamment favorables et des conditions atmosphériques relati
vement bonnes (absence de grains et d’orages, et précipitations
faibles). En s’écartant ainsi de 5oo km au Nord de l’arc de grand cercle,
il a gagné trois heures et demie sur la durée moyenne des traversées
qui est de 22h2omin pour 385o km .
Ajoutons que, par suite d’un accord conclu avec les compagnies
de navigation du Pacifique, les hydravions des P. A. A. peuvent
demander à leurs navires de faire des sondages aérologiques qui,
donnant les vitesses et directions du vent aux diverses altitudes,
permettent de choisir l’altitude de croisière où les vents sont le
plus favorables. Ils peuvent également se servir de ces navires pour
prendre des relèvements radiogoniométriques qui leur servent à
déterminer leurs positions. Le cas échéant ils pourraient, en cas
d’avarie grave, se diriger sur le navire le plus proche en utilisant
leur cadre radiogoniométrique et amerrir auprès de lui pour lui
demander assistance.
Les rapports de voyage du capitaine J. H. Tilton et du lieutenant-
radiotélégraphiste John D. Poindexter sont particulièrement instruc
tifs à ces divers points de vue, et démontrent l’efficacité de cette
organisation sur la ligne San Francisco-Manille, ainsi que la puis
sance des appareils de navigation utilisés sur les hydravions trans
océaniques des P. A. A.
Durant le voyage, qui dura 18h49min, John D. Poindexter utilisa
49 relèvements par radiogoniométrie.

(1) Les méthodes modernes de prévisions météorologiques pour l’Avia


tion. — « Revue de l’Armée de l’Air », juin 1986.
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1405

1450 0 135° 130°


W125° 120 0
T -
- . .o
<

13 Gexv,7 San Francisco


Décollage
23 10
à.
G.M.T

10h3û — Malolo"
Uh
"Manulani

°14 h30

( * 15h30
A 16 h
>

0 IS h30

30+90NOLULU
0^Amerrissage

Navigation et relèvements du China Clipper » qui effectua le voyage San Francisco-


«

Honolulu, le 10 mai 1986.


o Positions déterminées par relèvements radiogoniométriques et par estima
tion de la vitesse.
• Positions déterminées par relèvements d’astres au sextant à bulle.
—« Direction du vent.
— Communications radiotélégraphiques avec les postes de terre.
• * Position et direction de marche des navires ayant communiqué avec
l’avion pendant cette traversée.

28 relèvementsfurent faits par les stations terrestres de San Fran


cisco et d'Honolulu; 12 par le radiogoniomètre de bord sur ces mêmes
stations terrestres; enfin 9 sur les postes émetteurs des navires. Les
positions ainsi déterminées sont portées sur la carte, avec indication
des heures G. M. T. correspondantes.
Le décollage eut lieu à 23h1omin.
Le premier relèvement fut effectué à minuit par le radiogoniomètre
de San Francisco.
A i 11 l’hydravion entra en relation avec le « Malolo » qui se trouvait
,
alors à 507 milles à l’Ouest-Sud-Ouest. Pendant trois heures il
continua ses relèvements sur ce navire.
Six heures après le départ, il entra en communication avec le
paquebot « Manulani ». Puis, de gh à 14h, il prit d’heure en heure ses
relèvements sur le paquebot « Lurline ». A gh également, il entra en

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiigiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiii
1406 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
communication avec le « Mariposa » qui se trouvait à 800 milles au
Sud-Sud-Ouest.
Le dernier relèvement par San Francisco eut lieu à gh alors que
l’hydravion était à 1400 milles de cette station. A partir de ce moment,
les relèvements incombèrent à Honolulu.
Pendant la nuit, des mesures de hauteur au sextant furent effec
tuées sur la Polaire, Arcturus et Régulas. Avec les instruments
en service, deux mesures de hauteur et une mesure de dérive
demandent 8min. Les relèvements astronomiques confirmèrent les
relèvements par radiogoniométrie.
Par ces moyens, le voyage s’effectua avec une précision parfaite
à des altitudes variant de 1500m à 2300m, le plus souvent au-dessus
des nuages. La traversée comporta 11 heures de vol de nuit, et suivit
constamment la route la plus favorable aux points de vue des condi
tions météorologiques et des courants aériens.
Rappelons que les mêmes méthodes sont en usage sur la ligne
transatlantique Dakar-Natal de la C ie Air-France où elles rendent les
mêmes services que sur la ligne transatlantique des P. A. A.
A. V.

Les dispositifs d’atterrissage en p. s. v. aux États-Unis.


Nous avons récemment publié (1) la traduction d’un article de la
revue « Aviation » qui exposait les avantages et inconvénients des
deux systèmes d’atterrissage en p. s. v., actuellement en essais aux
États-Unis.
L’un de ces systèmes, celui du Department of Commerce, repose
sur l’emploi d’un radiophare spécial à faisceau incurvé (bent beam)
destiné à guider l’avion pendant sa descente jusqu’au sol.
L’autre système, celui de l’Army Air Corps, est basé sur l’utili
sation du radiocompas et de deux radiophares de position à rayons
verticaux placés dans l’axe d’atterrissage.
A l’époque où l’article original fut publié (octobre 1935), le système
qui paraissait devoir être généralisé, parce que le plus pratique,
était celui de l’Army Air Corps. Mais, depuis cette date, des perfec
tionnements importants ont été apportés aux radiophares à rayon
incurvé, en sorte que le procédé du Department of Commerce est à
nouveau pris en considération.
Ces perfectionnements ont été réalisés par les techniciens des
United Air Lines qui, depuis quatre ans, se livrent à des expériences
sur l’aéroport municipal d’Oakland (Californie). Des essais sont
encore en cours sur les bimoteurs Boeing de la compagnie; près

( l ) Les méthodes d’atterrissage radioguidé aux États-Unis. —- «


Revue de
l’Armée de l’Air », no 78, p. 88.
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1407

de atterrissages
300
radioguidés ont été
jusqu’ici exécutés avec
ce type d’appareil.
La plupart des
complications rencon
trées par le pilote dans
ce système d’atterris
sage ont été éliminées
grâce à l’emploi du
dispositif de pilotage
automatique Sperry
qui fait partie de l’é
quipement normal des
Boeing. Rappelons que
ces complications
tenaient principale
ment aux difficultés
éprouvées par le pilote
pour maintenir cons
tamment un gros avion
bimoteur à la fois dans
l’axe d’atterrissage et
sur le rayon incurvé
du radiophare d’atter
rissage. En fait, l’avion,
conduit par un pilote,
ondule constamment
de part et d’autre de
cet axe et de ce rayon
incurvé, ce qui n’est
pas sans inconvénients Antenne de réception des émissions de deux radio-
sérieux au moment phares montée sur le nez du fuselage d’un
du contact avec le Boeing des United Air Lines.
sol.
On se rappelle que l’indicateur d’atterrissage comporte une aiguille
horizontale et une aiguille verticale : la première indique au pilote
si l’avion se trouve au-dessus ou au-dessous du rayon incurvé, la
seconde précise s’il se trouve à droite ou à gauche de l’axe d’atter
rissage. Avec le nouveau dispositif, ces aiguilles agissent, par l’inter
médiaire de relais, sur le dispositif de pilotage automatique qui
actionne les gouvernes de l’avion. Ce dispositif maintient l’équilibre
latéral de l’avion. En vol plané, avec moteur réduit et volets de
courbure braqués partiellement, il est réglé de telle façon que la
descente s’effectue à la vitesse de 13okmh. C’est à cette vitesse que
l’avion entre en contact avec le sol à la fin d’une descente guidée
automatiquement par radiophares, dans les conditions que nous
venons d’indiquer. Il s’arrête ensuite rapidement sous l’action des

iiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1408 REVUE DE L'ARMÉE DE L'AIR.
freins de roues sans avoir tendance à se mettre sur le nez. Le pilote
n’a pas à craindre de fausse manœuvre en roulant au sol, car le
dispositif de pilotage automatique continue à maintenir l’appareil
sur sa trajectoire rectiligne jusqu’à l’arrêt complet.
On n’a éprouvé aucun mécompte au cours des atterrissages d’essai
effectués avec ce dispositif. Cependant les techniciens des United
Air Lines, aussi bien que ceux du Department of Commerce, déclarent
que la sécurité de fonctionnement du système n’est pas encore suffi-
samment garantie en toutes circonstances pour qu’on puisse passer
à l’application aux transports de passagers. Ils estiment que deux
années de mise au point seront encore nécessaires avant que ce
résultat soit obtenu.
Il en est de même de la méthode de l’Army Air Corps.
Cette méthode présente, par rapport à celle du « faisceau incurvé »,
l’inconvénient de nécessiter un terrain d’atterrissage très vaste
et bien dégagé d’obstacles, pour pouvoir être utilisée en toute sécu
rité. Or, bien peu d’aéroports commerciaux satisfont à ces deux
conditions. C’est pourquoi les United Air Lines continuent à fonder
leurs espoirs sur la méthode du « faisceau incurvé » qui permet de
guider l’avion avec plus de précision pendant la descente planée.
La figure ci-dessus montre la disposition des deux antennes fixées
sur le nez de l’avion et destinées à capter les émissions des deux
radiophares d’atterrissage.
A. V.
<o

Sondeur à écho radioélectrique.


La description d’un sondeur à écho radioélectrique est parue en
juillet 1936, dans le Journal of the Aeronautical Sciences. Cet appareil
aurait déjà été essayé en 1928, et réservé par son inventeur qui
aurait attendu pour publier ses travaux, n’étant pas lui-même
aviateur, d’être sollicité par les milieux compétents.
Nous croyons utile de rappeler que des recherches tout à fait
analogues ont été effectuées en France par VE. C. M. R. (M. le com
mandant Mesny), dès 1926.
<
Le principe de l’appareil est le suivant :

Une onde radioélectrique est émise d’un avion, se réfléchit sur


le sol survolé et revient à bord. L’onde émise et son écho interfèrent :
il en résulte une onde stationnaire qui présente successivement des
nœuds et des ventres d’amplitudes le long de la hauteur à mesurer.
Ces nœuds et ventres sont décelés, grâce à un récepteur convenable
qui commande un appareil de mesure, par les amplitudes de l’aiguille
indicatrice dont la position de repos est au milieu du cadran. Connais-

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIII1I1IIIII1II1IIIII1IIIIIIIIIIIIIIIH
sant la longueur d’onde de l’é
mission, 122 m dans les essais
cités, l’observateur sait, par ex
emple, qu’entre deux déviations
consécutives maximums de l’ai
guille, positives ou négatives,
s’étend une hauteur verticale de
122m; il y a 61m entre un ma
ximum positif et un maximum
négatif; 3o m ,5o entre un maxi
mum, positif ou négatif, et la
position zéro. Il peut savoir aussi
s’il prend de l’altitude ou s’il
descend, les maximums successifs
étant décroissants dans le premier
cas, et croissants dans le second.
Ces indications, toutefois, ne
fournissent que des différences,
indépendantes delà hauteur réelle
au-dessus du sol, qui est pourtant Schéma des indications données par
celle qu’il s’agit en définitive de le sondeur à écho radioélectrique.
connaître.
L’inventeur propose alors d’utiliser la valeur absolue de l’ampli
tude pour mesurer cette hauteur, et il gradue en pieds chacune des
amplitudes successives sur l’appareil indicateur, le zéro étant toujours
au milieu de l’échelle comme l’indique le schéma ci-dessus. Il est
clair toutefois que les amplitudes sont, non seulement fonction de la
hauteur, mais aussi de la puissance d’émission et du pouvoir réflec
teur, essentiellement variable, du sol, de sorte que cette graduation
des amplitudes reste illusoire.
L’inventeur s’en est rendu compte, car, en définitive, il conseille
le mode opératoire suivant au cours d’un vol :
A une altitude convenable, au-dessus de 450m, on agit sur le
récepteur de manière à amener l’aiguille au zéro. En réalité, l’aiguille
serait rarement stable en raison des irrégularités d’altitude du sol
survolé, mais on choisit une position moyenne. Dès lors, aussi long
temps que l’avion vole à 45om ou au-dessus, les amplitudes marquées
par l’aiguille sont toujours faibles, et aucune attention particulière
n’est nécessaire de la part du pilote. Quand l’avion descend, les
amplitudes augmentent et quand une certaine valeur est atteinte,
un coup de gong, commandé par un relais ad hoc, avertit le pilote
de l’approche du sol. Si l’avion continue à descendre, l’amplitude,
qui tend d’abord vers un nœud, diminue, puis augmente à nouveau et,
au ventre suivant, fait déclencher une corne qui fournit un deuxième
avertissement. Le pilote est donc prévenu deux fois qu’il doit reprendre
de la hauteur pour continuer son vol.
On peut ainsi franchir la crête d’une colline, mais on ne connaît
jamais sa hauteur exacte. Il ne peut bien entendu être question
i4io REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
d’atterrir avec un tel sondeur. Le problème du sondage n’est donc,
par ce procédé, que très incomplètement résolu.
L’appareil utilisé au cours des essais pesait 3k8, y compris un
altimètre anéroïde.
G. J.
<
Influence du manque d’oxygène
sur la limite supérieure de l’audibilité.
MM. H. Hartmann et F. Noltenius, membres de l’Institut de
Recherches médico-aéronautiques du Ministère de l’Air allemand,
ont étudié, dans le tome 13 de la revue Luftfahrtforschung, l’influence
de l’oxygène sur la limite supérieure de l’audibilité (1). Il nous paraît
intéressant de donner une analyse substantielle de leur travail.
ss
Les premières apparitions du « mal des altitudes » commencent
pour l’homme au repos dans les fonctions psychiques et sensorielles.
De la manière dont se comportent ces fonctions sous l’action d’une
pression atmosphérique réduite, on déduit facilement leur degré de
résistance à l’altitude, domaine dans lequel la plupart des résultats
obtenus jusqu’à ce jour n’ont une valeur réelle qu’à titre qualitatif.
Cependant, dans l’étude des organes sensoriels, le comportement du
sens de l’ouïe offre, par la limite supérieure de l’audibilité, un point
de repère quantitatif exact.
Les auteurs divisent leur étude en quatre parties; nous respectons
leur ordre :
1. Tests sensoriels étudiés jusqu’à ce jour.
11. Détermination de la limite supérieure de l’audibilité.
III. Résultats des essais de caissons pneumatiques.
IV. Vue d’ensemble.
— Tests sensoriels étudiés jusqu’à ce jour.
1.

La résistance humaine contre le manque d’oxygène varie beaucoup


avec les individus. En supposant qu’il n’y ait aucun entraînement
préalable, les uns peuvent rester pour un temps relativement court,
et sans que celui-ci exerce sur eux une influence trop néfaste, jusqu’à
une altitude de 8000m, ou supporter, dans la chambre pneumatique,
la pression à peu près équivalente de 275mm de mercure, tandis que
d’autres sont déjà sujets à des troubles appréciables à 6ooo m et
au-dessous.
Pour un corps au repos, les premiers symptômes du mal des
hauteurs apparaissent dans le domaine des fonctions psychiques et

Das Absinken der oberen Horgrenze als Indikator für die Beeintrâchti-
(1)

gung der sensorischen Funktionen bei Sauerstoffmangel.

iiiiiin uni i in il iiiiii iiiiiiiiii ii i i iiiiiiiniiii iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinuni ii i nn ii nn 1111111111111111ii 1111111111 uni


11 111
sensorielles, expérience dans laquelle les moindres atteintes portées
à l’état normal ne peuvent être que difficilement jugées de façon
objective.
Dans les expériences d’altitude, les dérangements brutaux et
apparents (évanouissements, troubles circulatoires, etc.) apparaissent
la plupart du temps de façon inattendue; l’évolution des déviations
de la normale psychique les précédant immédiatement ne peut être
interprétée scientifiquement d’une manière uniforme. Même si le
physiologiste expérimenté constate nettement, à partir de certaines
altitudes, la diminution des facultés mentales, il ne peut cependant
pas l’apprécier quantitativement. Cela se fait plus facilement poul
ies fonctions des organes cérébraux sur lesquels la répercussion d’une
raréfaction d’oxygène a été maintes fois étudiée et décrite.
Lowy nous donne, dans sa monographie « Physiologie du climat des
hauteurs » une vue d’ensemble des différentes observations sur l’arrêt
de la vue, de l’ouïe, du goût et de l’odorat comme nous les ont relatées
Barcroft, Beyne, Hingston, Koschel, Richter, Schneider. Toutes ces
données ne permettent pas, à cause de leur nature par trop qualita
tive, un jugement uniforme sur la limite de l’audibilité au delà de
laquelle apparaissent avec certitude — chez le non entraîné comme
chez l’entraîné — la disparition des fonctions sensorielles.
Des recherches scientifiques, quant au sens que possède la peau
de résister à la pression dans une atmosphère d'oxygène décroissant,
furent d’abord entreprises par H. Strughold d’après la méthode de
M. de Frey qui mesure l’enflure de la peau causée par des poils
excitateurs. Par ce procédé, on arrive, comme l’ont prouvé les
nombreux essais ultérieurs faits par Hartmann, lors de l’expédition
allemande sur l’Himalaya en 1931, à une limite assez nettement
définie où s’arrête la fonction sensitive de la peau et qui se trouve,
pour des montagnards, entre 7000 et 7500m.
Dans ces essais, l’écart est néanmoins très grand et l’arrêt des
fonctions apparaît seulement dans une atmosphère dans laquelle
l’oxygène fait fortement défaut, tandis que les fonctions sensorielles
supérieures et leurs centres subissent déjà, à cause de leur grande
finesse et de leur grande excitabilité, une influence à des altitudes
beaucoup moins grandes. Les enquêtes de H. Goldmann et G. Schubert
sur la limite de visibilité par manque d’oxygène paraissent en donner
la preuve. Elles montrèrent en effet, de façon précise, une diminution
nasale et supérieure du champ visuel dans des pressions atmosphé
riques au-dessous de 41omm (correspondant à des altitudes supé
rieures à 5000m), et des phénomènes de disparition complète qui
s’accentuèrent encore dans une pression d’oxygène toujours diminuant.
C’est ainsi que Berens constata une légère réduction du champ
visuel aux altitudes de 4800 et 64oom, que précéda un élargissement
passager et peu important (de 1600 à 3200m). Cependant, les résultats
d’un examen ultérieur très serré, entrepris dernièrement par A. Kyrié-
leis et P. Siegert, n’ont pas confirmé entièrement ces affirmations.

iiiniiitiiiiitiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiitiiiinitiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiitiiiiiiiiiiii iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHfi
14 1 2 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
Même en présence d’une anoxhémie très élevée (au-dessus de 7000m),
Kyriéleis et collaborateurs n’ont pu constater un rétrécissement
ses
du champ visuel dépassant la portée de ces facteurs de trouble.
Suivant leur idée, les résultats donnés par Goldmann et Schubert
ne seraient pas attribuables à « des dérangements organiques quel
conques » de l’épiderme, mais proviendraient vraisemblablement, à
partir du moment où commence le mal des hauteurs, d’une diminu
tion progressive de l’attention, c’est-à-dire que ce soi-disant rétré
cissement du champ visuel ne serait pas le signe d’une influence
profonde exercée sur une fonction sensorielle, mais une preuve indi
recte de cette forte prédisposition à la fatigue, dont nous avons si
souvent parlé, que subit l’attention dans une atmosphère pauvre en
oxygène.
La manière de procéder dans la détermination du champ visuel
ne nous permet pas, en tout cas, d’après ce que nous venons de dire,
d’établir une échelle dans la nocivité sensorielle résultant d’une
trop faible pression; sans oublier que cette méthode de travail est
très délicate et qu’elle présuppose une intelligence très vive de la
personne examinée.
La possession d’un tel test est pourtant d’une très grande impor
tance. Quand on procède à des essais de basse pression, il faut tendre
à découvrir le plus tôt possible l’entrée en jeu de dérangements
quelconques, et traduire leurs résultats quantitativement; il importe,
en effet, d’apprécier le plus vite possible l’aptitude plus ou moins
grande des sujets au séjour en altitude, sans essayer de pousser
chaque fois les essais jusqu’au moment où les sujets expérimentés
perdent connaissance.
IL — Détermination de la limite supérieure de l’audibilité.
Comme la détermination de la limite supérieure de l’audibilité
dans la transmission des sons à travers les os se distingue par la
simplicité du procédé et sa grande certitude, on a essayé de l’employer
pour l’appréciation des fonctions sensorielles supérieures dans les
essais de chambres à vide, bien qu’on se soit attendu à ce que les
cellules délicates de l’oreille interne réagissent très tôt par arrêt
de leur fonction en présence d’un manque d’oxygène.
De plus, l'atteinte de la limite supérieure de l’audibilité présente
un intérêt spécial qui repose sur le processus fonctionnel de l’organe
de l’ouïe. Dans son ensemble, l’oreille interne est un organe échelonné
suivant des degrés de sensibilité décroissante. Plus la tonalité qu’ils
perçoivent est élevée, plus les éléments nerveux deviennent sensibles.
Ceci résulte du fait que, dans les troubles de l’oreille interne causés
par des poisons chimiques ou provenant d’une maladie, ou ceux occa
sionnés par un bruit trop intense, les sons les plus élevés s’évanouissent
d’abord.
Selon toute apparence, les éléments qui transmettent la perception
sont les plus délicatement organisés et, par conséquent, les plus
vulnérables. Il faut donc supposer que, pour une influence progressive

(lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllnllllllllllllllllllllllll)
exercée sur les fonctions sensorielles, par exemple pour un manque
d’oxygène, la frontière supérieure du son tombe elle-même progressi
vement : cette supposition a d’ailleurs été prouvée dans de nom
breuses expériences de chambres à vide.
Dans ce procédé, il faut aussi considérer les sources d’erreur.
D’après Struycken-Scharfer, il faut employer la corde unique et
non le sifflet de Galton, car celui-ci donne trop de sons secondaires.
En dehors de ce procédé, on ne peut obtenir de résultats exacts que
dans la transmission du son au moyen des os, car la fonction de
l’oreille moyenne est trop influencée par la différence de pression,
d’une part, et, d’autre part, la transmission du son dans l’air avec
une pression barométrique décroissante devient trop médiocre.
L’examen au moyen de la transmission par les os est d’ailleurs le
plus sensible; il donne des résultats d’une valeur supérieure à celui
de la transmission par l’air.
Le procédé de production d’oscillations par une corde d’acier
doit être étudié de près. Le frottement avec du feutre rugueux et
dense, fortement imprégné d’alcool, est particulièrement conseillé
(l’éther ne peut servir, à cause de sa grande volatilité et de son
mélange intime avec l’air de la chambre en présence d’une pression
atmosphérique décroissante). Le frottement avec de l’ouate donne
des résultats variables. Une ouate trop peu dégraissée ne fait même
plus osciller la corde pour une tonalité très élevée.
Quand on applique le procédé qui provoque le mieux les vibrations
de la monocorde, on remarque que la limite supérieure de l’audibilité
se détermine avec une très grande précision; l’écart dans lequel
varie cette limite est seulement très réduit : qu’on procède indis
tinctement de haut en bas, on aboutit pratiquement toujours au
même point. Ce qui est particulièrement convaincant, c’est le passage
de la zone perçue de sons pas encore très élevés, au point limite.
Le premier son perçu n’est presque pas reconnaissable, par suite de
sa qualité stridente et perçante. Il ne faut naturellement pas omettre
d’avertir la personne d’essai que ce n’est que le son qui compte,
et non le bruit du frottement.

III.
— Résultat des essais de chambre a vide.
La figure ci-après montre comment se comporte la limite supé
rieure de l'audibilité dans les essais de chambres à vide. La courbe
de Noltenius (N) donne la moyenne de trois essais entrepris. Chez
Hartmann (H), l’écart est représenté par l’espace compris entre les
essais différents (courbes) et au surplus une autre courbe.
Les courbes montrent que, jusqu’à 4000m (pression de 46omm de
mercure), il n’intervient aucun changement dans la perception des
sons élevés. La limite supérieure de l’audibilité n’oscille donc que
dans un intervalle très restreint, quand les mesures sont faites de
la même façon et suivant la technique expliquée plus haut. Il est
compréhensible que les valeurs absolues, pour des personnes diffé-

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
1414 REVUE DE L’ARMÉE DE L'AIR.

Variations la limite supérieure de l’audibilité chez deux sujets,


de
au cours d’essais dans une chambre à vide.

rentes, soient souvent très distantes, mais cet abaissement progressif


de la limite supérieure de l’audibilité augmente avec l’âge, qui en
est la cause essentielle.
La limite pour les deux oreilles se trouve, par exemple, chez H
(27 ans) à 21 620 oscillations en 1 seconde. Pour les mesures effectuées
à 5000m (pression de 41omm de mercure), on a constaté, dans tous
les essais, un abaissement de la limite supérieure de l’audibilité.
Cet abaissement augmente à mesure que la pression tombe. Mais,
en même temps, l’écart augmente avec l’altitude qui est partie inté
grante de la propriété que possède l’attention de se fatiguer plus
ou moins rapidement et avec l’ensemble des variations psychiques
que traverse la personne d’essai.
Ceci conduit si loin que l’on ne peut plus obtenir de valeurs quanti-
tatives, pour la limite supérieure de l’audibilité, et il nous faut
encore ajouter à cela les grands troubles du mal des hauteurs. La
limite du son tombe davantage encore, mais les données concernant
la personne essayée ne sont plus utilisables.
Par une respiration de 3 à 5 minutes dans une atmosphère d’oxygène,
on peut faire rétrograder entièrement l’abaissement de la limite
supérieure du son mesuré dans la chambre à vide, même si la basse
pression de la chambre persiste, ce qui nous prouve une fois de plus
la nature anoxhémique de ce trouble.
Ce qui est le plus intéressant dans cet ensemble de faits, c’est
qu’on peut prouver par des moyens très simples — en étudiant le
comportement de la limite supérieure de l’audibilité — un arrêt
des fonctions sensorielles, à une altitude de 5000m (pression
de 41omm de mercure), c’est-à-dire à des hauteurs auxquelles, pour
une personne d’essai habituée à l’altitude — comme par exemple
Tableau correspondant aux points de la figure ci-contre.

H — chez qui, à l’état de repos, nul trouble d’aucune sorte causé


par le manque d’oxygène ne s’est jusqu’ici manifesté.
On constate alors, par des moyens très simples et avec une très
grande certitude, que les fonctions supérieures des sens subissent
déjà une influence. Des essais ultérieurs, faits dans les chambres à
vide, avec des personnes chez lesquelles on constate rapidement un
manque de résistance à l’altitude, doivent nous montrer clairement
la valeur de ce procédé et l’emploi éventuel de ces personnes comme
tests dans l’appréciation de la facilité d’adaptation à l’altitude.

IV. — Vue d’ensemble.


Dans les essais de chambres à vide, on peut constater pour l’homme
un abaissement très marqué de la limite supérieure de l’audibilité
au delà de 5000m (pression de 4romm de mercure), abaissement qui
s’accentue encore à mesure que la pression diminue. Ce trouble est
écarté en quelques minutes par une respiration en atmosphère
oxygénée, ce qui prouve sa nature anoxhémique.
L’examen de la limite supérieure de l’audibilité dans la transmis-

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1416 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
sion des sons au moyen des os est un procédé plus sûr que tous les
autres employés jusqu’à ce jour pour prouver les troubles des fonctions
des sens par manque d’oxygène.
Médecin-Commandant Flamme.

<
L'organisation des communications et ravitaillements aux armées.
La « Revue de l’Armée de l’Air », dans la note édi oriale d’octobre
dernier, a reposé le problème de l’organisation des arrières soumis
à la menace aérienne.
A ce sujet, nous signalons au lecteur une étude fort intéressante
du chef de bataillon Albord dans la « Revue militaire française »,
de septembre 1982, dont l’évolution des dernières années a singu
lièrement confirmé les vues; c’est ce qui nous incite à en donner
une analyse.
La manœuvre a généralement pour objectif final l’action sur les
arrières. L’aviation permet aujourd’hui de substituer une attaque
immédiate et directe sur les communications aux classiques
manœuvres d’aile ou frontales à effet plus ou moins rapide.
Autre transformation profonde : les divisions motorisées pourront
« réaliser une sûreté éloignée efficace, une vérification plus rapide
et plus complète des contacts, une action profonde, enfin une exploi
tation décisive ». Ainsi revivra la manœuvre dans les espaces libres
qui conduisent aux points sensibles ou vitaux de l’organisme ennemi.
Mais il faudra alimenter la bataille : complication de quantité,
complication aussi de changements brusques des directions de marche
à attendre de la motorisation nouvelle.
Or l’organisation actuelle est lourde, et hétérogène parce qu’elle
est le résultat d’adaptations successives.
Il faut soustraire les préparatifs de l’arrière aux yeux de l’adver
saire :

— substituer le principe de l’afflux continu à celui du stock pour


les vivres, les munitions et l’essence;
— refouler à l’intérieur du pays toutes les opérations de répara
tion ;
— procéder par évacuations massives des blessés;
— utiliser la portée des avions pour ne pas créer des terrains
nouveaux en quantité;
— motoriser les services de l’arrière (et accroître la densité de
chargement par les camions).
En compensation de l’allègement général du mode des ravitail
lements et évacuations, il sera fait un large appel à l’équipement du
sol national et aux voies de communication à grand débit.
La base d’entretien que constituait l’ensemble des Services d’une
armée sera refoulée de 25 à i5o km des éléments les plus avancés,

iiimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiun11111111111111111111111111111111111111111111 uniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

D’après la « Revue Militaire Française ».

Schéma de l’organisation d’une base régulatrice.

distance nécessaire pour la rendre indépendante des fluctuations


du front pendant un certain temps. La dite base d’entretien viendrait
absorber la gare régulatrice qui ne peut plus être repoussée à son
tour, sous peine de ne plus répondre aux buts qu’on lui a fixés.
On aurait ainsi des bases régulatrices placées dans des régions
bien desservies et pourvues de ressources, utilisant au maximum les
établissements civils existants, et comprenant des ateliers de répa-

lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
R. A. A. — No 89. 7
1418 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
ration et d’entretien, des dépôts, zones d’hospitalisation, réserves
de personnel et matériel, et la gare régulatrice.
Pour l’Aéronautique, on renoncera à l’édification de hangars,
on multipliera le nombre des terrains du temps de paix, on cherchera
à s’affranchir de la servitude de l’aménagement des terrains, on
dotera les grandes unités d’aviation d’appareils de transport, on
supprimera le parc d’armée et on allégera le parc des unités.
Le schéma ci-dessus donne un projet d’organisation d’une base
régulatrice.
A l’objection que la marche en avant devient alors impossible,
l’auteur répond qu’il faut faire état des capacités nouvelles des
moyens de transport et de la possibilité de prolonger le rail rapi
dement.

Cette nécessité évidente d’une adaptation des services de l'arrière


à la menace aérienne nous semble appeler les remarques suivantes
complétant la note éditoriale du numéro d’octobre de cette revue.
— L’utilisation par les services de l’arrière des disponibilités en
surface couverte de l’arrière-front serait facilitée par les évacuations
massives de la population civile, imposées par les fluctuations possibles
de la ligne de bataille et les risques considérables de bombardement
aérien.
•—•
L’éloignement des stocks doit avoir pour contre-partie l’inten
sification des moyens de transport, mais les ressources automobiles
ont certainement décuplé depuis 1914. Il faut cependant résoudre
le problème de la production et de la distribution massive de l’es
sence, et que les routes puissent résister à un trafic intense.
•— Problèmes nouveaux également pour les voies
ferrées.
— Au ravitaillement statique par les stocks, on substituera le
ravitaillement dynamique par un afflux continu, qui devra être
contrôlé constamment grâce à un réseau téléphonique très développé.
— Cent cinquante kilomètres de recul pour les bases régulatrices,
cela n’a pas de signification pour un petit pays comme la Belgique.
Pour la France, cela veut dire que la zone des armées occuperait la
moitié du pays. P. E.

La menace de l’agression rapide à l’égard de la sécurité collective.


Le major général Fuller vient de publier dans « Armij Ordnance »,
novembre 1936, une étude extrêmement intéressante sur la guerre
totale, dont voici l’essentiel :
i°une prochaine guerre aurait son origine dans une rupture entre
des systèmes politiques;
20 la façon dont elle serait menée dépendrait autant des idées,
situées à la base de ces systèmes politiques, que des armes utilisées;

jiiiiiiiiiiiiiiiimiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiii^
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1419

3° ànotre époque scientifique la puissance des armes croît jour


nellement ;
4° ce développement des armes aurait une influence prononcée
sur la politique.
Les systèmes politiques.
D’un côté, le système démocratique, inspiré de la Révolution
française, centré sur le principe de la liberté de l’individu, sur la
prééminence de la personnalité; de l’autre, le système autocratique,
inspiré de la révolution scientifique, centré sur la liberté de l’État,
sur l’autorité.
Le passage du premier système, trouvé approprié à l’âge du travail
manuel agricole, au système autocratique, que d’aucuns pensent
convenir à une civilisation scientifique, a été longuement développé
par le philosophe allemand Hegel, mais n’a pas eu de réalisation
avant la guerre mondiale.
Or cette dernière a déterminé non seulement l'effondrement mili
taire des puissances vaincues, mais leur anéantissement politique,
ainsi que celui de deux de leurs adversaires, la Russie et l’Italie.
Les rédacteurs des traités de paix avaient eu si peu conscience de
ce fait qu’au lieu d’établir une paix sûre pour la démocratie, ils ont
rendu impossible le retour au système démocratique dans les pays
vaincus. Il en est résulté, pour l’Allemagne notamment, une banque
route morale qui accompagna la banqueroute monétaire.
Tout était mûr pour l’arrivée d’Hitler : la misère de ses concitoyens,
l’espoir qu’il apportait, la faillite du système économique.
«
Que fit-il ? La restauration de l’unité nationale, de la dignité et de la
discipline. Il se résolut à créer une nation autonome défendue par les forces
armées les plus modernes. Il est absurde de dire qu’il recherchait la guerre,
car la guerre ne pourrait lui valoir la résurrection nationale. Ce qu’il voulait,
c’était la dignité d’une paix forte et prospère. Étant un réaliste autant qu’un
idéaliste, comprenant que nous sommes à un âge guerrier, la seule chose qu’il
craignait c’était non pas la guerre, mais une guerre comme la dernière. »
« Au
lieu de croire comme Marx que l’homme est animé par ses besoins
matériels, il a pensé que, par-dessus tout, à notre époque, l’homme est animé
par la grandeur de l’esprit national, auquel la liberté personnelle doit être
sacrifiée. Il savait que l’unité est impossible sans discipline nationale, d’où
la réglementation de la vie allemande et le retour à la conscription. Il savait
aussi que l’autonomie nationale est la base de la guerre moderne, et il s’est lancé
dans l’autarchie. Finalement Hitler a compris que cette nouvelle structure
nationale serait construite sur le sable, à moins de reposer sur une armée et
des forces aériennes assez puissantes pour empêcher toute agression pendant
la reconstruction nationale.
Il lui a été impossible de s’entendre avec les Pays qui avaient imposé le
Traité de Versailles, non seulement en raison des termes de ce traité, mais
parce que ces Pays redoutaient le type de guerre qui résulterait des armes
nouvelles, et voulaient, en conséquence, que, s’il devait y avoir une nouvelle
guerre, elle fût du type de la guerre mondiale, celle qui avait vu la défaite de
l’Allemagne. Cette attitude est assez visible non seulement dans le système

iiiiiiiitiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuii
1420 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
des sanctions économiques du Covenant, qui sont inopérantes, sauf au cours
d’une longue guerre, mais dans toutes les conférences de désarmement tenues
depuis 1919, au cours desquelles les puissances démocratiques ont essayé
d’abolir ou restreindre l’usage dites d’agression, afin qu’une prochaine
des armes
guerre puisse être traînée en longueur. En cela l’U. R. S. S. a soutenu ces
puissances, parce que la dictature communiste sait bien qu’une nouvelle longue
guerre se terminerait par la bolchevisation de l’Europe.
Il y a donc non seulement rupture entre deux systèmes politiques, mais
également opposition de deux idées militaires. Tandis que les puissances démo
cratiques ont essayé de restreindre les nouvelles armes (car, sans cette restriction,
la sécurité collective devient très difficile, puisque c’est « la sécurité par collec
tion », et qu’il faut du temps pour « collecter »), les puissances dictatoriales ont
travaillé nuit et jour pour exploiter l'effet de ces armes. Aujourd’hui, ces der
nières sont devenues si puissantes que, pour le plein développement de leur
efficacité, la surprise est nécessaire; et si la surprise totale est obtenue, la victoire
et la défaite peuvent être si rapides que la sécurité collective et l’application
de sanctions économiques ou militaires finiront par devenir impraticables.
On arrive dès lors à une situation contradictoire : les tactiques « totali
taires » — en désignant ainsi les nouvelles méthodes de combat — s’imposent
aux puissances démocratiques pour la préservation de celles-ci. Ces puissances
— politiquement, et par conséquent stratégiquement — sont les moins aptes
à développer ces tactiques, parce que, la guerre étant un instrument politique,
leur emploi dépend largement des théories politiques. Si les puissances démo
cratiques sont forcées — comme elles paraissent l’être —• d’adopter les tactiques
totalitaires, à moins de devenir également totalitaires en politique elles combat
tront avec un tel désavantage qu’elles sont assurées de la défaite. »
L’influence des armes scientifiques sur la politique.
Les premiers germes de la guerre totalitaire ont été lancés par
Clausewitz. Pourquoi n’ont-ils rien produit pendant 30 ans ? Parce
que le principe de la nation armée exigeait un nouveau système
d’approvisionnement que les chemins de fer allaient seuls pouvoir
permettre. En 1870 on a observé le développement rapide de la
stratégie des chemins de fer, l’augmentation des effectifs suivant
celle des ravitaillements. Mais en 1914, rupture complète : quoique
les chemins de fer aient pu ravitailler des millions d’hommes, ils n’ont
pas créé le ravitaillement lui-même, qui n’a pu se réaliser que par
le concept totalitaire de la nation transformée en usine de guerre.
Hitler, libéré des traités de paix, est revenu à Clausewitz avec
cette différence, importante d’ailleurs, que l’écrivain militaire regarde
la guerre comme une continuation de la politique, alors que le Führer
en fait la source de cette dernière.
L’affaire d’Éthiopie, qui illustre la théorie précédente, a opposé
l’Italie totalitaire à la Société des Nations. Si celle-ci n’avait pas
été en cause, la guerre aurait eu probablement la longue durée des
opérations coloniales.
Lorsque le général Fuller arriva en Erythrée (comme correspondant
de guerre du « Daily Mail »), il trouva plus une « démonstration
politique armée » qu’une opération de guerre : une masse importante,
répartie sur un large front, conduite par un chef d’esprit politique,

aataaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaavaaaaaiiaiiiiaiiiiaiiiiHHiHHiaaiaaiiiiiHaaaaiaiiaaaaaiaiiiaaiaaiiaiiiiiiiaiaiaiaaiiaaiaiiiaaiiaaaiiifHaB
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1421

et progressant sans combat, avec tous égards pour les indigènes


comme le paiement des dommages causés aux récoltes, l’autorisation
de garder des armes, etc.
Le 18 novembre, les sanctions sont mises en vigueur; alors le
caractère de la guerre change complètement : le commandement
passe au professionnel militaire le plus réputé; les Abyssins, stimulés
par l’espoir de l’appui de la S.D.N., engagent l’attaque et refoulent
l’aile droite italienne un peu aventurée. En décembre la sécurité
des communications italiennes devient assez précaire; et les partisans
de la S. D. N., réalisant l’insuffisance des premières sanctions,
réclament l’embargo sur le pétrole. Ceci détermine une seconde crise
contraignant l’Italie à en finir rapidement.
Alors la guerre prend une forme totalitaire, et aboutit en quelques
semaines.

«Si les gouvernements démocratiques n’apprennent pas cette leçon, il n’y


a pas de doute que les nations totalitaires l’apprendront par cœur. Tandis
qu’il y un an la stratégie et la tactique totalitaires reposaient presque entiè
a
rement sur la théorie, elles ont maintenant une base de faits. On peut bien dire
qu’une guerre en Europe serait différente de la lutte entre une armée moderne
et une horde africaine, mais il ne faut pas perdre de vue que l’effet maximum
de la guerre totalitaire est réalisé dans l’attaque des pays à haute civilisation,
puisque son idée maîtresse est la lutte contre la volonté de résistance de la
population civile. »

Autre considération : plus les belligérants ont des forces équiva


lentes, plus la surprise aurait une importance capitale; au point que
le premier choc pourrait être le dernier. Dans une telle guerre, quelle
place y aurait-il pour la machinerie difficile à manier de la S. D. N.
avec ses sanctions longues à mettre en branle et sa sécurité collective,
à moins que ses adhérents ne souscrivent entièrement à la guerre
totalitaire et n’aient des forces aériennes considérables, prêtes à une
action instantanée ?
Mais, est-ce possible sans adopter la discipline totalitaire ?
Et l’auteur arrive à la leçon fondamentale de cette étude qui n’est
d’ailleurs pas nouvelle : si la discipline fait la force des armées, elle
fait également celle des nations.
« Aussi étrange que cela puisse paraître, je crois que l’avion, plus qu’un autre
facteur, obligera les pays démocratiques européens, à adopter sous une forme
ou une autre la politique totalitaire; tandis qu’au siècle dernier la guerre était
l’instrument de la politique, aujourd’hui la politique devient l’instrument de
la guerre et le restera jusqu’à ce que toutes les nations européennes cultivent
une nouvelle discipline.
» De plus, je crois que si cette discipline peut protéger la volonté du civil,

pas nécessairement d’une attaque, mais d’un effondrement moral, la guerre


totalitaire aura perdu sa raison d’être et une nouvelle conception politique
surgira. Où il me semble que les puissances démocratiques se sont égarées
dans leurs tentatives d'établir la paix du monde, c’est quand elles ont envisagé
la sécurité collective comme un problème économique ou de force, alors qu’en
réalité il y a au fond un problème moral et de discipline. Au lieu de jeter fana-

weesasseGesBaGBGscebecDRcaGDaSGGDGGacaGaDBDDbcBSGBBGGDGHNSSGccaniBGBcOBDGcencccSGcSGSBnDaBGAcDBBaGSBSBGGaAsOGBnGnuGnaGanSRSSGSSSSRSSRBScR
1 422 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
thème, elles devraient apprendre la leçon de leurs adversaires totalitaires;
car, quoique le système politique de ceux-ci apparaisse comme l’apothéose de
la force, en lui palpite une nouvelle spiritualité, le contrôle des instincts humains
et leur contrainte volontaire pour assumer une forme disciplinée. Comme dans
ces instincts se cache l’âme de la lutte, en dépit des ténèbres existantes il y a
de l’espoir pour demain. »
«
Le général Fuller a posé un des problèmes qui appellent la médi
tation, car ils sont à la base de toute politique.
L’idée d’une interdépendance de la politique et des doctrines de
guerre est particulièrement intéressante. Elle mériterait d’être appro
fondie, car les explications de l’auteur, pour séduisantes qu’elles
soient, ne nous semblent pas absolument démonstratives.
Il nous paraît un peu simple qu’une doctrine de guerre découle
inévitablement d’un état politique : l’art militaire est fait de plus
de nuances : il apprend depuis longtemps qu’avec les moyens dont
on dispose on doit aussi compter sur ceux de l’adversaire (force et
terrain).
Il
nous semble hasardeux — et d’une généralisation trop hâtive —
d’affirmer que l’Allemagne et l’Italie rechercheraient une guerre
par surprise, foudroyante, à coups d’aviation et de chars, parce
qu’elles sont en état de dictature.
La Grande-Bretagne, pays de la guerre lente des communications
maritimes, nation démocratique s’il en fut, délaisse son Armée
pour l’Aviation et les Chars, raisons de circonstances.
Il est plus juste de dire qu’un État, qui veut la guerre ou seulement
jouer de la menace de guerre pour agrandir sa place au soleil, fait
naturellement son choix parmi les armes les plus efficaces contre
l’adversaire éventuel.
Cette efficacité dépend de bien des éléments :
— accessibilité;
— points sensibles;
— état du moral de l’adversaire.
Pour prendre le cas de l’Allemagne, on conçoit qu’elle ait besoin
contre la France de l’arme aérienne, puisqu’il y a contiguïté, que
Paris et certaines villes constituent des points très sensibles à l’Avia
tion, et que l’homogénéité morale n’y apparaît peut-être pas aussi
forte que dans un pays à dictature.
Mais contre la Russie, par exemple, quelle serait pour l’Allemagne
la valeur de l’arme aérienne ? Tandis que des troupes à terre, ayant
d’une quelconque manière pris pied en territoire soviétique, y
trouveraient non point l’occasion d’une marche lointaine sur Moscou,
mais d’une occupation fructueuse de territoires-frontières.
Peut-être le général Fuller a-t-il seulement voulu rappeler le titre
fameux du livre de Sembat « Faites un roi, sinon faites la paix »...,
modernisé de telle sorte qu’on comprenne qu’une guerre moderne
représenterait un effort moral difficilement réalisable par des peuples

1IIIIIII1IIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII11IIII1IIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1423

non forgés sur l’enclume de la dictature. Cela paraît incontestable, et


le régime totalitaire semble s’imposer, si c’est là le but cherché.
Enfin l’argumentation de l’auteur sur la S. D. N. attire spécia
lement l’attention : il ne paraît pas douteux — plusieurs auteurs
l’ont maintes fois souligné, H. Bouché notamment — qu’il y a illusion
dangereuse à vouloir monter un système de sécurité collective sans
mesures concomitantes relatives aux aviations militaires, pour les
supprimer, les transférer à la S. D. N., ou simplement les mettre en
état d’intervention immédiate et décisive (les unes et les autres de
ces méthodes s’opposant, et nous ne faisons pas ici de choix, mais
l’une d’elles est à prendre). P. E.

<
Un indicateur à rayons cathodiques pour le guidage des avions.
La marine américaine vient de mettre en service sur ses avions
garde-côte des indicateurs cathodiques actionnés par l’émission
radiotélégraphique du poste émetteur sur lequel l’avion veut se

Photographies aimablement communiquées par « Aero Digest ».


MJichages sur le cadran d’un indicateur cathodique.

En haut, cas du repé


rage d’un émetteur
lointain. — A gauche,
émetteur dans l’axe de
l’avion. Au centre, l’a
vion dirige vers la
se
gauche de l’émetteur.
A droite, l’avion se
dirige vers la droite
de l’émetteur.
Ci-contre, cas du re
pérage d’un émetteur
proche. A gauche, cas
général d’un émetteur
proche lia droite est
devenue une ellipse). A droite, passage au voisinage de la verticale de l’émetteur.

nu 1111 ni 1111111111
111111111111111111111 111111 111111111111111 1111111 un 11111111111111 mu iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuuiKi
1424 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Photographies aimablement communiquées par « Aero Digest »

Installation d’un indicateur à rayons cathodiques dans le poste de pilotage d’un


hydravion de l’U. S. Coast Guard.

diriger. Comme pour un radiocompas, cette émission est captée par


une antenne en forme de cadre. Le rayon cathodique trace un trait
lumineux sur l’écran qui sert de cadran à l’indicateur placé sous
les yeux du pilote. Tant que l’avion maintient son cap sur le poste
émetteur, le trait lumineux est vertical.
S’il se dirige à droite du poste émetteur, le trait lumineux s’incline
vers la droite.
Lorsque l’avion arrive dans le voisinage du poste émetteur, le
trait lumineux se transforme en une ellipse. Et
lorsqu’il se trouve à la verticale de ce poste,
l’ellipse devient cercle.
On conçoit que cet appareil soit précieux
pour la recherche des navires ou des hydravions
amerris au large, car il conduit l’avion garde-
côte exactement à la verticale du navire ou
de l’hydravion cherchés. L’installation est uti
lisable même de nuit, comme l’ont montré
les essais effectués par la marine américaine.
Elle présente, en outre, l’avantage d’être peu
sensible aux parasites atmosphériques, ce qui est
intéressant par temps orageux. Un écouteur est
d’ailleurs installé sur l’appareil en cas d’avarie à
l’indicateur cathodique.
Manœuvre de l’indi- Cet indicateur a été établi par Edward
cateur dans le poste Hefele, ingénieur en chef de la maison Lindenhur.
de T.S.F. L’emploi d’un tube à rayons cathodiques pour
le guidage horizontal et vertical des avions a été
également prévu par la Société Française Radioélectrique. L’un des
brevets de cette Société, correspondant à une méthode du même
genre que celle qui est sommairement décrite ci-dessus, était analysé
dans le no 82 de la « Revue de l’Armée de l’Air », p. 58g.

IIIIIIIIIIIII1II1III11IIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIHIIIIIGlHlIIIIIIIIIIIIIJIlIltillllllllllllllllllllIIIIIIII1I
IIIIIIIIIIIII!IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII!IIIII|I|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||!IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

LE MATÉRIEL
DES AVIATIONS NATIONALES

France

Le calculateur-marqueur de point astronomique Bastide-Lepetit


type 300.
Le calculateur marqueur de point astronomique Bastide-Lepetit,
type 300, inventé par M. Bastide, sous-chef de bureau au ministère
de l’Air, et réalisé par les Établissements Lepetit, a récemment subi
avec succès les épreuves imposées par le ministère de l’Air.
Le procédé utilisé pour la détermination du point repose sur
l’emploi de bandes transparentes sur lesquelles sont tracés des
graphiques et que l’on superpose deux par deux.
Les graphiques utilisés sont de deux sortes :
— Graphiques pour la détermination d’une droite de hauteur
pour un astre quelconque, dits « graphiques d’orthodromie »; ils servent
principalement à la
détermination du
point par observa
tion de soleil;
— Graphiques
pour la détermina
tion du point par
observations de deux
étoiles déterminées.

Graphiques
d’orthodromie.
Les graphiques
d’orthodromie (fig.
2) comportent deux
systèmes de cour
Fig. i. — Schéma d’ensemble du calculateur-marqueur bes : l’un (en traits
de point astronomique Bastide-Lepetit, type 300. pleins sur la figure)

Hllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllf»
XII

servant partiellement au calcul de la hauteur


estimée, et donnant, par ailleurs, la direction
azimutale de l’astre, l’autre (en traits inter
rompus sur la figure) servant à parachever le
calcul de la hauteur estimée.
Ces courbes sont rapportées à deux axes
rectangulaires : l’un, horizontal, correspondant
aux latitudes estimées et aux déclinaisons,
l’autre aux temps de oh à i2h (ou aux longitudes
de 00 à i 800).
Les latitudes et déclinaisons sont graduées en
latitudes croissantes de 10' en io'. On peut les
apprécier à i ‘ près.
Les temps sont gradués de 20 en 20sec. On
peut les apprécier à 5sec près, soit 1‘,2 en longi
tude.
On procède par superposition de deux gra
phiques, l’un pour la latitude estimée, l’autre
pour la déclinaison de l’astre. On obtient la
hauteur estimée He en fonction de la latitude
estimée, de la déclinaison et de l’angle au pôle
90 VI
correspondant à la longitude estimée. Il suffit
d’une seule opération : une soustraction.
Les intervalles correspondant aux hauteurs
(courbes en traits interrompus sur la figure)
étant de 10' sur les graphiques, on déterminera
la longueur de l’arc correspondant à H,.—H,,
(hauteur vraie — hauteur estimée). Sur une
carte transparente — à la même échelle que les
graphiques, et en projection de Mercator —
appliquée sur le graphique des latitudes, on
portera, à partir du point estimé, cette longueur
H,. — H,, suivant la direction azimutale (courbes
en plein sur la figure). Par le point ainsi obtenu,
on tracera la normale à la direction azimutale.
Ce sera la droite de hauteur.

Graphiques d’étoiles.
On utilise pour chaque étoile de première
grandeur, susceptible d’intéresser la navigation
aérienne, un graphique de courbes de hauteur
rapporté aux latitudes (axe horizontal) et aux
temps sidéraux locaux (axe vertical) de oh à
24h (fig. 3 et 4).

Lati deset déclinaisons A gauche (fig. 2). •— Aspect d’un graphique d’orthodromie.

illilllllllilllllllllllliiiiiiiiilliilllliilliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiilliilliiliillllliiiiiiiillliliiiiiillllliillilllliiiib
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1427

Les latitudes sont graduées de 10' en 10' (en latitudes croissantes).


On peut les apprécier à i' près.
Les temps sidéraux sont gradués de 20 en 20sec; on peut les appré
cier près, soit 1,2 en longitude.
à 5sec
Ayant observé à l’instant t de la montre sidérale la hauteur a de

l’astre A et la hauteur b de l'astre B, si l’on superpose le graphique A


au graphique B, il suffira de chercher par transparence le point
d'intersection de a et b. On lira à quelle latitude et à quel temps
sidéral local V correspond le point d’intersection. La latitude trouvée
sera celle du lieu. La différence t — t‘ sera la longitude du lieu.
On voit donc que là encore le calcul se réduit à une simple sous
traction. On apposera par transparence directement le point trouvé
sur la carte.
Description schématique de l’instrument.
En principe, l’instrument utilisé se compose de (fig. 1) :
—- deux flasques F et F' reliés par des tirants;
-—• un
cylindre G recevant enroulée la carte transparente;

lllllllllllülllllllllllllllllllllllllliuilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllll
1428 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
deux cylindres c et c pour le déroulement des deux gra
— r/ (l
phiques ;
deux cylindres et c' pour l’enroulement correspondant des
—- Ce
e
deux graphiques;
règle R, graduée en latitudes ou déclinaisons (croissantes
— une

graphiques), appliquée contre l’entablement E et pouvant


comme les
pivoter autour de l’axe AA;
K et K';
— deux curseurs deux rouleaux r et r', parallèles et conjugués,
système de
— un simultané de deux graphiques superposés.
pour le déroulement
opérer, déroule les deux graphiques de c ri et c d , on les
Pour on
l’entablement précisé par un grisé et sous la règle R,
fait passer sur enroule suivant la longueur et
puis entre les rouleaux r et r'. On les
le décalage voulu sur les cylindres ce et ce.
avec
L’encombrement de l’instrument est de 37em x 29°m x
6 cm
.

Son poids est de 2k8,200.


le point déterminatif (méthode de la droite
On peut estimer que

111 llllll nui 11111111111111


REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1429

de hauteur) et le point exact sont exacts en moyenne à 3‘,5 près.


Les temps d’opération sont en moyenne :
— de 4min pour la détermination de la droite de hauteur et son
marquage sur la carte;
— de 3 min 3osec pour la détermination du point exact et son
marquage sur la carte.
Avec quelques légères modifications à l’instrument ces résultats
pourraient sans doute être encore améliorés.

«
Matériels modernes Técalémit pour le ravitaillement des avions.
Le ravitaillement des unités aériennes en combustible, huile et eau
pourrait poser, au cours d’une campagne, des problèmes difficiles
étant donné, d’une part, les quantités importantes de ces fluides que
consomment les avions modernes et, d’autre part, les conditions
rustiques dans lesquelles fonctionneraient les éléments distributeurs.
La Société Técalémit s’est intéressée à ces divers problèmes; nous
présentons ci-dessous rapidement ses solutions.

Ravitaillement en essence.
Técalémit propose des citernes roulantes, robustes récipients de
forme cylindro-conique, montés sur deux bandages semi-pneuma
tiques de 1140 x 20.
Chaque citerne, d’une capacité de 10001, est montée sur un cadre
d’attelage par l’intermédiaire de deux tourillons à billes. Le cadre
porte, à l’avant, un timon avec ressort-amortisseur et, à l’arrière,

Train de citernes roulantes Técalémit, sur route.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiifiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniir
1430 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
un crochet à linguet
de sûreté. Il est,
en outre, muni d’un
ruban de frein qui
entoure la citerne
sur la moitié de
son pourtour ; le
frein est commandé
par le timon et se
serre lorsque ce der
nier recule.
On peut, en
attelant des citernes
les unes derrière
Train de citernes roulantes TÉCALÉMIT en terrain varié. les autres, cons
tituer de véritables
trains de ravitaillement qu’un camion tire aisément, sur routes
même médiocres, à 10 ou 15kmh. Avec un tracteur à chenilles,
le train peut circuler en terrain varié, comme le montre d’ail
leurs la photographie ci-dessus. On voit que le procédé est simple
et original.
Les citernes roulantes réalisent un ravitaillement d’une extrême
souplesse, dans des conditions de rapidité inconnues jusqu’ici. Elles
constituent, en outre, un excellent moyen de stockage. Enfin, la
sécurité est maximum, puisque, de l’usine productrice au lieu d’emploi,
le carburant ne subit ni transvasement, ni manipulation.
Distribution de l’essence. — Entre la citerne et le réservoir de
l’avion, il ne peut être question de transvaser l’essence au moyen
de récipients intermédiaires : l’opération serait à la fois trop longue
et trop dangereuse. Les Établissements Técalémit ont étudié des
distributeurs ra
pides, comprenant
une pompe, un
filtre et un comp
teur que l’on relie
d’un côté à la
citerne, de l'autre
au réservoir de
l’avion.
Dans le type
DE (débit horaire
de 40001), monté
sur chariot, la
pompe se manœu
vre à bras à l’aide
d’un volant-mani
velle ; dans le type Distributeur d’essence Técalémit de 18000 Itheure.

iimnii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1431

de 180001 de débit horaire, monté sur tracteur, la pompe est


entraînée par un moteur à essence refroidi par l’air.
Ces appareils distribuent de l’essence parfaitement filtrée, déshy
dratée et dégazée.
Distribution d’huile.
Le remplissage rapide des carters de moteurs d’avions est toujours
gêné, en hiver, par
l’épaississement de
l’huile.
Técalémit présente
un distributeur-
réchauffeur qui com
prend un réservoir
d’huile, une pompe
à main avec comp
teur de distribution,
et un dispositif de
réchauffage consis
tant en chalumeaux
à essence; le tout est
monté sur chariot.
Ensuite un ré
chauffeur de fûts, Appareil TÉCALÉMIT pour le réchauffage de l’huile.
sorte d’enveloppe
cylindrique dans laquelle on introduit les fûts d’huile de 501, qui
sont également réchauffés par un chalumeau.

Distribution d’eau chaude.


Le distributeur-réchauffeur d’eau Técalémit est basé sur le même
principe que le réchauffeur d’huile.

Etats-Unis.

Quelques avantages du moteur radial


à deux étoiles de cylindres décalées.

Les éléments ci-dessous, extraits d’une note communiquée par la


Société Pratt and Whitney, précisent les raisons pour lesquelles le
moteur radial à deux étoiles de cylindres décalées — que nous dési
gnerons par R 2 — développera de plus en plus, pour les fortes
se
puissances, au détriment du moteur à une seule étoile de cylin
dres (R ). X

R, ne peut guère convenir au delà de 800 HP pour trois raisons


principales :
— Limitation du nombre des cylindres. -— D’un point de vue
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiniiiiiiiiiiiiHniiiiiii
1432 REVUE DE L'ARMÉE DE L’AIR.
simplement méca
nique, il est peu
pratique de mon
ter plus de neuf
cylindres sur un
carter. La puis
sance croissant,
les impulsions sur
le vilebrequin de
viennent de plus
en plus fortes, d’où
plus grande irré
gularité du couple
et vibrations dan
gereuses, non
seulement pour la
structure de l'a-
Aspect de profil du moteur radial à deux étoiles de vion, mais aussi
cylindres PRATT and Whitney « Twin WASP ». pour les hélices à
Ce type de moteur moderne, classique aux États- pas variable.
Unis, n’est normalement utilisé qu’à 1000 HP poul — Limitation
ie décollage, bien qu’il puisse fournir plus de 150 HP.
1
du régime. — L’ac
On notera la compacité de l’ensemble, qui se retrouve croissement d’alé
d’ailleurs sur les moteurs français présentant la même sage et de course
disposition en deux étoiles décalées. nécessaire pour
toujours obtenir
plus de puissance d’un nombre de cylindres donné est suivi d’un
accroissement de poids des équipages mobiles. Or on sait que la
possibilité de régimes élevés est liée à l’allègement des masses
mobiles.
— Maître-couple. — Les capots annulaires ont déjà considé
rablement réduit la résistance à l’avancement des moteurs radiaux,
mais celle-ci demeure toujours fonction des surfaces frontales. Or,
deux moteurs radiaux R2 et R,, de même puissance, étant donnés,
on calcule que le diamètre de R2 est, en moyenne, inférieur de
20 pour 100 à celui de R,; réduction correspondante de la surface
frontale, 35 pour 100. Signalons en outre, pour mémoire, l’amélio
ration des vues qui résulte de la diminution de diamètre du groupe-
moteur, dans un monoplace de chasse en particulier.

On pouvait craindre, lorsque débuta l’étude des moteurs du type R,,


certaines difficultés dans le refroidissement des cylindres arrière.
Grâce aux déflecteurs sous capot N. A. C. A., dont les Américains
ont eu, les premiers, l’idée (déflecteurs formant de véritables corsets
qui conduisent l’air à l’arrière des fûts où, sans eux, stagnerait une
zone d’air mort), ces difficultés ont été surmontées. Plus récemment,

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiHii
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1433

le montage de collerettes réglables au bord de fuite des capots annu


laires a permis d’accroître la vitesse de circulation de l’air à l’intérieur
des capots lorsque, en montée par exemple, cette vitesse devenait
insuffisante pour refroidir convenablement le moteur.
On admet enfin que, pour un même régime et une même puissance,
une hélice donnée, montée sur un moteur R2, aura un rendement
supérieur de 2 pour 100 à ce qu’elle donnerait sur moteur R,. Ce
gain est dû à la diminution de maître-couple du moteur, qui forme
obstacle au refoulement de la veine.

Les nouveaux Wright « Cyclone » G. 100.


Le nouveau type de Wright « Cyclone » dont il a été commandé
41 exemplaires par la Compagnie américaine T. W. A. {Transconti
nental and Western Air) est très vraisemblablement le moteur à
9 cylindres le plus puissant du monde. Il fournit normalement 1100 HP
au décollage, mais il pourrait, en réalité, en donner 1205, soit un
peu plus de 130 HP par cylindre, comme l’ont montré les essais au
banc. Sur les lignes, il ne sera cependant utilisé qu’à 1000 HP au décol
lage et à 550 HP en croisière.
Le « Cyclone » G. 100 dérive du « Cyclone » G., dont 1500 exemplaires
ont été fabriqués par la Curtiss-Wright Corp. au cours des neuf derniers
mois, pour la clientèle civile et militaire.
Parmi les améliorations incorporées au G. 100 citons :
— la substitution de l’acier à l’alliage léger pour le carter prin
cipal (augmentation de 50 pour 100 de la résistance, sans accrois
sement du poids);
-—-
augmentation de 22 mm de la longueur du cylindre, permettant
l’emploi d’un piston plus haut (l’augmentation de surface de la
chemise qui en résulte garantit un meilleur refroidissement); cylindres
nitrurés ;
— suspension bifilaire des contrepoids du vilebrequin (excellent
amortissement des vibrations de torsion);
— enfin et surtout, montage d’un carburateur entièrement auto
matique, non seulement pour le vol en palier aux diverses puissances,
mais aussi aux diverses altitudes. La consommation descendrait
en croisière à 195 gr/HP/h.

Brésil.

Appareils d’entraînement pour l’Aviation brésilienne.


Le récent concours d’appareils d’entraînement ouvert par l’Avia
tion brésilienne a abouti au choix du biplace Stearman 76-C. 3,
équipé d’un moteur Wright R. ^j5-E. 3 donnant 420 HP à 220 t/min.
Ce biplan classique, à fuselage en tubes d’acier soudés à l’autogène

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
R. A. A. — N° 89. 8
1434 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.

Le STEARMAN 76-C. 3, à moteur Wright 420 HP,


utilisé pour l’entraînement de l’Aviation brésilienne.

et ailes en bois, le tout revêtu de toile, a une vitesse maximum de


267kmh et atterrit à 95kmh. Autonomie de 3h 45min avec 3801 d’essence.
Poids total en vol de 1680ks pour un poids mort équipé de 1100k.

iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii>iiiiiii>iiiiiiiiiiiiiiiiiiii>iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
aiiiiiiiiiiiiiiiteiBüiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuii

REVUE DES BREVETS

Atterrissage des avions sans visibilité.


790 229 (18 mai 1935), Société Siemens Apparate und Maschinen
GESELLSCHAFT. -— Procédé et dispositif de commande en profondeur
des avions atterrissant sans voir le terrain.

L’avion étant amené au-dessus de son terrain par un procédé de


guidage horizontal quelconque, il s’agit de le guider verticalement
pour le faire atterrir sans danger, la visibilité étant nulle.
«
On a essayé, ces dernières années, d’équiper les terrains à l’aide
d’émetteurs à ondes courtes produisant autour d’eux des surfaces
d’intensités constantes, de sections verticales paraboliques, et d’uti
liser une des paraboles comme trajectoire d’atterrissage, l’avion
étant pourvu d’un récepteur qui lui permette de mesurer l’intensité
du champ rayonné et de se maintenir sur une trajectoire d’intensité
constante.
Ce procédé, assez riche de promesses pour que de nombreux aéro
dromes aient tenté de l’utiliser, présente toutefois plusieurs graves
défauts :
i 0 En raison des faibles longueurs d’onde nécessairementemployées,
les bâtiments voisins jouent fréquemment le rôle de réflecteurs
indésirables;
2,0 Les courbes d’atterrissages obtenues présentent en général une

pente trop forte;


3° Cette pente varie d’ailleurs avec le pouvoir réflecteur du sol et,
par conséquent, avec les agents atmosphériques ;
4° La même courbe, au surplus, ne peut convenir à des avions
de caractéristiques très différentes, ni même au même avion lorsque
la vitesse du vent varie.
On combine quelquefois plusieurs courbes d’intensités différentes,
pour réaliser une trajectoire d’atterrissage plus souple, s’adaptant
mieux aux besoins pratiques, mais on est alors conduit à un appa
reillage complique, et l’on ne peut, en tout cas, éviter les inconvé
nients signalés aux premier et troisième paragraphes ci-dessus.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII
1436 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
La Société Siemens, abandonnant tout procédé radioélectrique,
préfère s’adresser à un « altimètre relatif », c’est-à-dire à un sondeur,
pour déterminer une courbe d’atterrissage en fonction du temps.
Cette courbe est toujours la même pour un avion donné, sauf adap
tation en fonction de la vitesse du vent. La méthode Siemens fait
l’objet du présent brevet.

Principe.
On admet que l’avion, amené comme nous avons dit au-dessus
de son terrain à l’aide d’un dispositif de guidage quelconque, par
exemple le dispositif Siemens décrit dans le no 84 de cette revue,
doit atterrir au point T du terrain (fig. i).

Fig.

Le guidage vertical, assurant un atterrissage correct, s’effectue en


assignant à l’avion une hauteur variable d’instant en instant, déter
minée d’avance, la hauteur maximum étant la hauteur d’arrivée h
au-dessus du terrain, et la hauteur minimum, en T, étant nulle par
hypothèse.
Notons, au préalable, que l’avion est généralement prévenu de la
proximité du terrain par un premier poste balise A, et une deuxième
fois par un nouveau poste B. Ces deux postes, qui jalonnent la direc
tion d’approche de l’aérodrome, sont éloignés l’un de l’autre d’une
distance connue D. L’atterrissage commencera en C, après le poste B,
à une distance d de B qui dépendra de la vitesse du vent. Le passage
au-dessus de A et de B est décelé par un récepteur ad hoc porté par
l’avion.
L’avion possède, en outre, l’appareillage suivant :
1° Un sondeur qui permet de déterminer d’une manière continue
les hauteurs au-dessus du terrain, ces hauteurs se traduisant dans
un appareil indicateur électrique par la déviation d’une aiguille;
20 Un dispositif qui agit sur le courant d’excitation de l’indica
teur précédent, de manière à faire suivre à ce courant, à partir de G,
indépendamment de la loi que lui impose le sondeur, une deuxième
loi qui lie les hauteurs au temps et qui résulte de la courbe d’atter
rissage prédéterminée.
Fonctionnement.
L’avion franchit les postes A et B, à la hauteur h qu’indique le
sondeur, et parcourt la distance D qui les sépare en un temps t
REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR. 1437

que note l’observateur. Ce temps t permet de déterminer la vitesse


du vent suivant AB, connaissant la vitesse normale de l’avion sans
vent au régime auquel se trouvent les moteurs.
De cette vitesse du vent on déduit immédiatement la distance d,
comptée à partir de B, après laquelle doit commencer en G la courbe
d’atterrissage ou, si l’on préfère, le temps au bout duquel doit être
mis en mouvement le dispositif du paragraphe 20 ci-dessus.
Ce dispositif est alors réglé, conformément à l’invention, de manière
que son action sur l’appareil indicateur, et celle simultanée du
sondeur sur le même appareil, maintiennent l’aiguille au zéro si
l’avion parcourt la courbe d’atterrissage choisie.
Il suffit donc au pilote de manœuvrer, à partir du début de l’atter
rissage, de manière à maintenir cette aiguille au zéro, pour qu’il soit
théoriquement assuré de venir se poser automatiquement en T,
suivant la trajectoire donnée.
Description.
Le sondeur, en principe, est d’un type quelconque, pourvu qu’il
puisse assurer un sondage rigoureusement continu, depuis la hauteur
maximum h jusqu’au ras du sol.
Le dispositif qui s’y adjoint comprend essentiellement une résis
tance variable montée dans le circuit de sortie du sondeur, en série
avec l’appareil indicateur. Le curseur de cette résistance est entraîné
par un moteur à vitesse constante. La caractéristique de cette résis
tance, c’est-à-dire la variation de résistance en fonction des angles
de rotation du moteur, c’est-à-dire encore en fonction du temps,
est choisie pour correspondre à la courbe d’atterrissage désirée,
le moteur étant mis en marche quand l’avion arrive en G.
Sur la figure 2, on a représenté en S le sondeur, en R la résistance

variable et en I l’indicateur, tous deux montés dans le circuit de


sortie du sondeur. Le curseur de la résistance est entraîné par l’engre
nage E mû par le moteur M.
L’appareillage se complète par un récepteur radioélectrique r
suivi d’un indicateur à lampe i, qui décèle les passages de l’avion
au-dessus des postes balises A et B.
Commande automatique.
Il est prévu, dans ce qui précède, que le moteur M est lancé à la

amunnumunmnnunuuanunannauauannunmuuunanuununuunmunezununanununensnenacnnanuanccunuununuanuensnnenvennnunnununnnnnnannanaeeananannnandenan
1438 REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
main, au moment opportun qui dépend de la vitesse du vent, celle-ci
étant calculée comme nous avons dit en fonction du temps t mis
par l’avion pour parcourir la distance AB.
La Société Siemens prévoit également un dispositif automatique
qui déclenche le moteur M sans intervention manuelle, compte tenu
du temps t. Ce dispositif est représenté sur la figure 3.

Le petit pignon de E est séparé du moteur M par un embrayage


électromagnétique e; d’autre part, le moteur, par l’intermédiaire
d’un deuxième embrayage e', entraîne un deuxième engrenage E'
qui commande la partie mobile du mécanisme automatique.
Celui-ci comprend trois relais électromagnétiques R,, R2, R,, dont
le rôle sera expliqué plus loin, et une boîte ou tambour d’amortis
sement b, qui contient un piston ou volet d’amortissement sollicité
par l’axe O; O est entraîné lui-même par l’engrenage E'. L’axe O
porte, en outre, un levier l capable de fermer un contact c au moment
opportun, sous l’action du ressort de rappel r'.
Le fonctionnement est le suivant :
Avant que l’avion franchisse le poste A, l’embrayage e' est excité
par la pile P, le contact de repos C2 du relais R, étant fermé, et
l’embrayage e, libre, le contact de travail C1 du relais R, étant ouvert.
On peut s’en rendre compte en parcourant les circuits d’excitation
des relais.
Quand l’avion franchit le poste A, le récepteur r, excitant le
relais R, et fermant le contact C 3 lance le moteur M qui entraîne
,
l’engrenage E' (puisque e' est embrayé) et le volet amortisseur du
tambour b. Cet entraînement, qui fait tourner le levier 1 de manière à
ouvrir le contact e et à bander le ressort r', dure tant que l’avion n’a
pas atteint le poste B, de sorte que l’angle dont tourne le levier
mesure le temps l.

Illlllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
Quand l’avion franchit le poste B, le récepteur r excite le relais R2,
d’où coupure du contact de repos C2 et fermeture du contact de
travail C2. Il en résulte que l’embrayage e' devient libre et que le
volet amortisseur du tambour b, entraîné par le levier que rappelle 1

le ressort r', revient lentement vers sa position de repos, et que le


temps qu’il met pour revenir est fonction du temps t.
Quand le levier l est complètement revenu, à un instant qui,
par construction, doit marquer le début de la courbe d’atterrissage,
c’est-à-dire quand l’avion arrive en C, le contact e se ferme et le
relais R, est excité par la pile P. Aussitôt le contact Cj se ferme,
l’embrayage e fonctionne et le moteur M entraîne l’engrenage E.
Le résultat final est ainsi obtenu.
Remarquons qu’on a supposé implicitement que lorsque l’avion
franchit A, le récepteur excite seulement le relais R,, à l’exclusion
du relais R 2 . Ce résultat peut être obtenu simplement en astreignant,
par exemple, le relais R, à n’obéir qu’après deux impulsions.
Des dispositifs spéciaux non figurés maintiennent en place les
armatures des trois relais après leurs déclenchements. Pour ramener
les relais à leurs positions de repos, après l'atterrissage, on peut faire
couper leurs circuits d’excitation par un contact de fin de course
affecté à la résistance R.
Poussant plus loin encore le souci de l’automaticité, la Société
Siemens prévoit qu’un dispositif de pilotage automatique pourra
être substitué au pilote lui-même. Il devra entrer en action dès
que l’aiguille de l’indicateur 1 aura abandonné le zéro, c’est-à-dire
dès que l’avion se sera lui-même écarté de la courbe d’atterrissage
imposée. Un tel ensemble est parfaitement réalisable. Nous en
avons donné un exemple dans la description du système de guidage
horizontal rappelé ci-dessus et parue, comme nous l’avons déjà dit,
dans le no 84 de la présente revue.

«
Nous croyons, comme la Société Siemens, que l’atterrissage sans
visibilité ne peut être résolu qu’avec le concours des sondeurs,
lesquels permettent d’ailleurs à un avion de s’attaquer à n’importe
quel terrain, mais •— nous le rappelons — de sondeurs absolument
continus, capables de fonctionner jusqu’au ras du sol. Nous pensons
même que ce sera dans l’avenir le rôle essentiel des sondeurs, que
nous jugeons par ailleurs moins intéressants comme appareils de
navigation.
L’invention, dont le but est d’assujettir l’avion à suivre une courbe
d’atterrissage choisie d’avance, paraît pouvoir être perfectionnée
en prévoyant un système simple, un commutateur par exemple,
qui permettrait de changer instantanément de courbe d’atterris
sage, en changeant de résistance variable, pour mieux adapter
l’avion à la vitesse du vent, dès que celle-ci est calculée.
Mais quand l’avion ne sera pas astreint à se poser exactement

Il 1111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111311111111
111111111111111111111111111111111111111111111111111111
B*
i3 4 o REVUE DE L’ARMÉE DE L’AIR.
en un point donné du terrain, ce qui sera souvent le cas, et que le
vent ne sera pas trop gênant — ce qui arrive ordinairement, en
temps de brume — que, par conséquent, la courbe d’atterrissage
pourra varier sans danger dans d’assez larges limites, nous croyons
que le pilote atterrira très bien avec un sondeur seul, ce qui sera
beaucoup plus simple.
Nous souhaitons donc d’abord voir entrer dans la pratique un
bon sondeur d‘atterrissage-(5 p., 3 fig., 3o réf.).
Gaëtan JACQUET.

Le Gérant : E. THOUZELLIER.
iiiimii i mi i iiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiu i mi i nui mi mil mi iiiiiu i un i uni i mini i iiuiuiiiiiiiiiiiiu uni i iiiiiiiiiiiiiu ie
11
105600. — Imp. Gauthier-Villars.
Août 1936

de l’Air

GAUTHIER-VILLARS, ÉDITEUR
66, Quai des Grands-Augustins, PARIS (6 e )

PUBLICATION MENSUELLE FONDÉE EN 1929

FRANCE
Le N° : 10 francs—Abonnement annuel : 100 francs

ETRANGER
Le N° : 20 francs —Abonnement annuel : 200 francs

1 5 s
"onaar”
REVUE DE L’ARMEE DE L'AIR
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D août 1929 à décembre 1933, cette revue a paru sous le titre
REVUE DES FORCES AÉRIENNES

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55, quai des Grands-Augustins
Paris (6')

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N 86
u Septembre 1936

Revue
de
l’Armée
de l’Air

GAUTHIER-VILLARS, ÉDITEUR
55, Quai des Grands-Augustins, PARIS (6*)

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N’ 88 Novembre 1936

Revue
l’Armée

20.

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N 89
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CONVENTION STOCKHOLM
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REVUE DE L'ARMEE DE L'AIR
Secrétaire général : Pierre Léglise
D'août 1929 à décembre 1933, cette revue a paru sous le titre
REVUE DES FORCES AÉRIENNES

RÉDACTION
Les communications concernant la Rédaction de la Revue doivent
être adressées comme suit :

Revue de l’Armée de l’Air


55, quai des Grands-Augustins
Paris (6 )

s
Les articles proposés doivent être tapés à la machine, au recto des
feuilles seulement ; figures ou photographies sur feuilles séparées.

Tous droits de reproduction et de traduction réservés.

ADMINISTRATION
Les communications et envois concernant les abonnements, les
changements d’adresse, la vente, les expéditions, la publicité
doivent être adressés comme suit :
Revue de l’Armée de l’Air
55, quai des Grands-Augustins, Paris (6 )
Téléphone : DANTON 05-11, 05-12

Conditions d'abonnement annuel et de vente

Abonnemeni | Vente au numéro

FRANCE ET COLONIES 120 fr. 12 tv.


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(Convention Stockholm 220 francs).


:

Gauthier-Villars édite également L'Aéronautique, revue


men
suelle illustrée, fondée en 1919, dont le prix d’abonnement annuel
est : France, 120"'; Étranger, 240fl et 220fr Des abonnements
simultanés à la Revue de ! Armée de l’Air et. à L'Aéronautique
sont acceptés au prix global de 215r pour la France et 425' r
pour l’Étranger.
(385"' pour les pays ayant adhéré à la Convention de Stockholm)
Conditions de publicité
Les tarifs et conditions d’insertion sont envoyés
sur demande.
Aucune publicité rédactionnelle n’est admise.
Octobre 1936

Revue
de
l’Armée
de l’Air

GAUTHIER-VILLARS, ÉDITEUR
55, Quai des Grands-Augustins, PARIS (6)

PUBLICATION MENSUELLE FONDÉE EN 1929

FRANCE :

Le N LO francs—Abonnementannuel : 100 francs


ÉTRANGER
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Le N° : 20 francs—Abonnementannuel : 200 francs
REVUE DE L’ARMEE DE L’AIR
Secrétaire général Pierre Léglise
:

D’août 1929 à décembre 1933, cette revue a paru sous le titre


REVUE DES FORCES AÉRIENNES

RÉDACTION
Les communications concernant la Rédaction de la Revue doivent
être adressées comme suit :

Revue de l’Armée de l’Air


55, quai des Grands-Augustins
Paris (6 )

c
Les articles proposés doivent être tapes à la machine. au recto des
feuilles seulement ; figures ou photographies sur feuilles séparées.

Tous droits de reproduction et de traduction réservés.

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Les communications et envois concernant les abonnements, les
changements d’adresse, la vente, les expéditions, la publicité
doivent être adressés comme suit :

Revue de l’Armée de l’Air


55, quai des Grands-Augustins, Paris (6 )

Téléphone : DANTON 05-11, 05-12

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Abonnements Vente au numero

FRANGE ET COLONIES 10O tr. 10 tr.


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Gauthier-Villars édite également E Aéronautique, revue men


suelle illustrée, fondée en 1919, dont le prix d’abonnement annuel
est France, 100fr ; Étranger, 200 fr Des abonnements simultanés
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à la Revue de l'Armée de l’Air et à EAéronautique sont acceptés


au prix global de 180fr pour la France et 350 fr pour l’Étranger.
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