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TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
Hervé AVETLOISEAU1
MOTS-CLÉS
Hématologie, biologie moléculaire, pronostic, diagnostic.
1
Laboratoire d’Hématologie − Institut de Biologie − CHU, 9 quai Moncousu − 44093 Nantes. − Tél. : 02 40 08 40 34 − Fax : 02 40 08 40 50
E-Mail : havetloiseau@chu-nantes.fr
NOTE
II - Différentes techniques MRD) après traitement. La mise en œuvre des
techniques de RQ-PCR sont d’une complexité Cet article constitue
disponibles variable selon que l’on analyse une cible univer- une adaptation
La découverte quasi continue de nouveaux pa- selle (par exemple, BCR-ABL dans la Leucémie de la présentation
ramètres pronostiques conduit à utiliser un pa- myéloïde chronique), ou une cible spécifique « Place de la
nel de techniques moléculaires de plus en plus du patient (par exemple, réarrangements IGH biologie moléculaire
étendu et sophistiqué (tableau I). La technique ou TCR dans les Leucémies aiguës lymphoblas- dans la stratégie
moléculaire la plus simple est sans doute l’hy- tiques). diagnostique des
bridation in situ en fluorescence (FISH). Celle- Les techniques de séquençage prennent quant hémopathies »
ci repose sur l’hybridation de sondes spécifi- à elles une place de plus en plus importante. donnée le 8 juin
ques marquées par un fluorochrome sur des Permettant de déterminer l’enchaînement des 2006 dans le cadre
prélèvements cellulaires de nature variable (cu- nucléotides d’une séquence d’ADN, elles sont de la réunion
lots de cytogénétique, frottis sanguins ou mé- devenues indispensables pour mettre en évi- « Hématologie
dullaires, cellules congelées, voire même pré- dence des mutations ponctuelles ou pour ca- et Hémostase de
lèvements d’anatomie pathologique). La mise ractériser une anomalie révélée par une techni- demain » Organisé à
à disposition de sondes commerciales de plus que de PCR par exemple. Paris par le Collège
en plus nombreuses étend progressivement le Enfin, les techniques d’hybridation sur sup- d’Hématologie des
champ d’utilisation de cette technique. ports miniaturisés (puces à ADN (DNA Chips), Hôpitaux.
Les techniques d’amplification des acides nu- micro-réseaux (microarrays)), qu’elles soient
cléiques par réaction de PCR (Polymerase Chain réalisées à partir d’ARN ou d’ADN, ont ouvert
Reaction) deviennent maintenant de pratique de nouveaux champs d’exploration particuliè-
courante. Elles peuvent être réalisées sur ADN rement intéressants. Toutefois, elles ne sont
(technique de PCR « classique ») ou sur ARN. clairement pas aujourd’hui encore du domaine
On parle dans ce dernier cas de Reverse Trans- de la routine diagnostique et ne seront donc
criptase PCR (RT-PCR), une technique qui pas abordées dans cet article.
constitue en fait une PCR « classique » réalisée
sur un ADN complémentaire (ADNc) obtenu
après transcription inverse de l’ARN.
Ces deux techniques, et plus particulièrement
III - Leucémies aiguës
la RT-PCR, permettent d’amplifier des séquen- myéloïdes (LAM)
ces de gènes chimériques, produits des diffé-
rentes translocations fréquemment observées Les progrès thérapeutiques ont été extrêmement
dans les hémopathies malignes. modestes au cours des 20 dernières années dans
La possibilité de mesurer en continue la quan- cette pathologie, principalement du fait de l’ab-
tité d’ADN total produite lors de l’amplification sence de développement de nouvelles molécules
(grâce à un marqueur fluorescent) a permis le actives. Les quelques progrès réalisés, et ceux
développement au cours des années 1990 de la que l’on peut espérer pour le futur, découlent en
PCR quantitative ou (RQ-PCR pour Real-time fait d’une meilleure caractérisation du pronos-
Quantitative-PCR). L’obtention d’un résultat tic individuel de chaque patient. En pratique, il
réellement quantitatif permet ainsi une utili- est aujourd’hui indispensable d’identifier dès le Tableau I
sation pour la quantification de la maladie ré- diagnostic les anomalies moléculaires associées Indications des
siduelle minime (minimal residual disease ou à un pronostic favorable, permettant de ne plus principales techniques
moléculaires.
ratif. L’hyperdiploïdie est classiquement détectée globalement péjoratif, tout particulièrement chez
par le caryotype, et se trouve mise en évidence le nourrisson.
chez environ 30 % des enfants présentant une LAL Plus récemment, les techniques de biologie molé-
(essentiellement des types B). En cas d’échec de la culaire ont pris une place prépondérante pour le
cytogénétique, on peut avoir recours soit à l’index suivi de la MRD. En effet, les LAL se caractérisent
d’ADN, soit à la FISH en sélectionnant les chro- par des réarrangements monoclonaux des gènes
mosomes les plus souvent en excès. À l’inverse, la IGH et TCR. La caractérisation moléculaire de
translocation t(12;21) n’est pas détectable par le ces réarrangements permet la sélection de sondes
caryotype. Cette anomalie est présente chez 25 à spécifiques pour chaque patient, permettant un
30 % des enfants, là encore essentiellement dans suivi quantitatif de la MRD par PCR. Chez l’en-
les LAL de phénotype B. Chez l’enfant, il faut donc fant, la quantification de cette MRD est devenue
avoir recours systématiquement à des techniques le principal paramètre pronostique, permettant
de type FISH ou RT-PCR (5). Cette translocation une adaptation thérapeutique en temps réel (8, 9).
donne en effet naissance à un gène chimérique Il faut noter que ce suivi peut également être réa-
fonctionnel ETV6-AML1, dont le transcrit peut lisé par cytométrie en flux, technique qui sort du
être détecté par RT-PCR. Cette translocation champ de cette revue.
(tout comme l’hyperdiploïdie) étant virtuellement
absente chez l’adulte, il n’est donc pas nécessaire
d’aller la rechercher chez les patients au-delà de 20
ou 25 ans.
V - Leucémie myéloïde
A l’opposé de ces anomalies, la t(9;22) ainsi que les chronique (LMC) et syndromes
réarrangements du gène MLL sont associés à un pro- myéloprolifératifs chroniques (SMP)
nostic très défavorable. La t(9;22) est rare chez l’enfant,
observée chez environ 5 % des patients (5, 6). A l’in- Si la LMC est rare (500 à 600 nouveaux cas diagnos-
verse, elle est observée de manière plus fréquente tiqués chaque année en France), le suivi de ces pa-
chez l’adulte, l’incidence augmentant avec l’âge tients est devenu une des principales activités molé-
(près de 30 % chez les patients âgés). Au plan chro- culaires des Laboratoires d’Hématologie. La raison
mosomique, cette translocation est similaire à celle de cette flambée d’examens est liée à l’extraordi-
observée dans la LMC, le classique chromosome naire efficacité de l’imatinib (Glivec®) dans le traite-
Philadelphie. Au plan moléculaire, certaines diffé- ment de cette pathologie. Cet inhibiteur de l’activité
rences sont cependant notées. Même si le trans- tyrosine kinase d’ABL est devenu le traitement de
crit chimérique de type M-BCR-ABL est observée référence des patients atteints de LMC, transfor-
chez près de 50 % des LAL (plus volontiers chez mant cette pathologie en réelle maladie chronique
l’adulte, et sans que ces formes correspondent à (au sens non oncologique du terme), entraînant des
des transformations d’emblée de LMC), un trans- rémissions de très longue durée (sans qu’il soit en-
crit chimérique plus court est également retrouvé, core possible de parler de guérisons). Les patients
dénommé mBCR-ABL. Ces formes mBCR-ABL étant suivis 3 à 4 fois par an, l’allongement de la file
s’observent plus volontiers chez l’enfant. Ne pou- active de patients entraîne une augmentation conti-
vant être distinguées au plan cytogénétique, ces nue du nombre d’examens à réaliser. Le suivi repose
formes doivent néanmoins être identifiées dès le typiquement sur la quantification par RQ-PCR des
diagnostic afin de sélectionner les amorces spéci- transcrits MBCR-ABL (10).
fiques destinées à permettre le suivi de la maladie Plus récemment, une mutation spécifique touchant
résiduelle en cours de traitement ou après celui-ci. le gène JAK2 a été rapportée dans un nombre si-
Cette caractérisation peut se faire par RT-PCR ou gnificatif de cas de syndromes myéloprolifératifs,
par FISH. Ces formes pouvant bénéficier de trai- essentiellement dans les polyglobulies de Vaquez
tement par inhibiteurs de tyrosine kinase (Glivec®, (PV), dans les thrombocytémies essentielles (TE),
Sprycel®), il est impératif de les identifier formelle- et à un moindre degré dans les splénomégalies
ment dès le diagnostic. myéloïdes (SM) (11-14). Ces mutations affectent
Les réarrangements de MLL sont retrouvés chez toujours le même codon V617F, et peuvent donc
environ 5 % des patients également, que ce soit être recherchées aisément par une RQ-PCR spé-
chez l’adulte ou chez l’enfant, et touchent la bande cifique. Compte tenu de la fréquence extrême de
chromosomique 11q23 (5-7). Il faut toutefois met- cette mutation dans les cas de PV (de l’ordre de 95
tre à part les petits nourrissons (< 12 mois), chez à 98 %), cette analyse par RQ-PCR est devenue un
lesquels un réarrangement de ce gène est retrouvé test diagnostique majeur en cas d’érythrocytose, de
dans 80 % des cas. La caractéristique essentielle de même que dans les cas de thrombocytose isolée.
ce type de réarrangement est la multiplicité des
partenaires chromosomiques décrits, rendant les
approches moléculaires classiques peu adaptées à
leur détection. La méthode de choix est dans ce
VI - Lymphomes malins
cas la FISH, permettant la détection rapide et sim- Le diagnostic des lymphomes malins repose
ple de tous les cas, indépendant de la nature du avant tout sur l’examen anatomo-pathologique
partenaire chromosomique. Au plan pronostique, de biopsies tumorales. Néanmoins, la description
ces réarrangements sont associés à un pronostic de nombreuses anomalies chromosomiques, plus
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