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Adénogramme : technique
et interprétation cytologique
K. Maloum, C. Settegrana
La cytoponction ganglionnaire est un geste simple, non invasif et peu douloureux, facile à réaliser devant
toute adénopathie superficielle. Elle permet le plus souvent une orientation diagnostique rapide vers un
contexte réactionnel bénin ou vers une pathologie tumorale, hématologique ou non, imposant alors la
réalisation d’une biopsie chirurgicale pour analyse histologique. La parfaite connaissance de la structure
du ganglion et de la physiologie des réponses immunitaires est indispensable à la compréhension et
à l’étude de la cytologie ganglionnaire. La cytoponction consiste à introduire une aiguille fine dans le
ganglion et à réaliser quelques frottis avec le suc ganglionnaire recueilli.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Indications et valeur
diagnostique
Introduction
La ponction ganglionnaire est un geste médical, simple, peu
La ponction ganglionnaire à l’aiguille fine est le premier douloureux et réalisable pour toute adénopathie au moins cen-
geste diagnostique d’une adénopathie, qui peut être suffisant ou timétrique et suffisamment superficielle pour être accessible. Elle
conduire à la biopsie dont la réalisation dirigée permet de prévoir peut donc être réalisée dans tous les cas où le contexte clinique
des analyses complémentaires. De plus, lors des biopsies ganglion- n’est pas d’emblée évident. La cytologie ganglionnaire apporte
naires, la réalisation systématique d’empreintes ganglionnaires rapidement des éléments d’orientation, en faveur soit d’un proces-
permet par la rapidité et la précision de leur analyse cytologique sus réactionnel permettant alors de temporiser, soit d’une maladie
une orientation mais aussi un complément diagnostique des lym- maligne imposant une biopsie ganglionnaire d’emblée. Le résul-
phomes malins. Enfin, grâce aux possibilités de confrontation tat de la cytoponction ganglionnaire permet alors d’anticiper
cytohistologique, c’est un moyen d’apprentissage et de perfec- les examens complémentaires qu’il faudra pratiquer sur le pré-
tionnement dont l’expérience est indispensable à la maîtrise des lèvement biopsique (immunophénotypage, caryotype, biologie
données de la cytoponction. L’architecture ganglionnaire est répu- moléculaire, bactériologie, parasitologie, etc.). En cas de polyadé-
tée inaccessible à l’étude cytologique, mais l’identification de nopathies, la ponction ganglionnaire peut guider le choix du site
critères morphologiques basés sur l’analyse détaillée des cellules à biopsier. La principale limite de la cytoponction ganglionnaire
présentes sur les frottis ou empreintes ganglionnaires permet de est le risque de biais d’échantillonnage, seule une petite fraction
l’apprécier et de poser le plus souvent un diagnostic relativement du ganglion étant analysée. De ce fait, toute adénopathie estimée
précis, qu’il s’agisse d’un processus réactionnel ou lymphoma- bénigne mais persistante ou a fortiori progressive doit faire l’objet
teux. d’un prélèvement biopsique. Au cours du suivi d’une patholo-
L’interprétation cytologique d’une ponction doit toujours être gie tumorale bien identifiée initialement, un résultat non ambigu
confrontée à l’ensemble du contexte clinicobiologique. Elle ne d’adénogramme peut suffire à affirmer une récidive. Dans tous les
peut pas se substituer à une étude histologique après exérèse cas, la réalisation préalable d’une numération formule sanguine
chirurgicale du ganglion en cas de pathologie maligne. Des avec examen du frottis est nécessaire.
Hyperplasie interfolliculaire
L’aspect cytologique est dans ce cas caractérisé par un fond
lymphoïde peu pléomorphe constitué de petits lymphocytes asso-
cié à d’assez nombreuses cellules interdigitées et parfois quelques
immunoblastes à cytoplasme clair (Fig. 4). C’est une réaction
ganglionnaire sans franche spécificité étiologique, observée le
plus souvent au cours de contextes bénins mais parfois en
accompagnement d’une atteinte tumorale partielle (carcinome,
lymphome).
Le principal diagnostic différentiel est celui d’un lymphome
à cellules T périphériques, où la population lymphoïde est plus Figure 4. Hyperplasie interfolliculaire : présence d’un fond lymphocy-
polymorphe avec des atypies cellulaires. Dans ce cas, la biopsie taire mature et des cellules interdigitées alignées.
ganglionnaire doit être réalisée. Par ailleurs, les cellules interdigi- A. Coloration au May-Grünwald-Giemsa × 50.
tées sont parfois peu visibles sur une cytoponction ganglionnaire, B. Coloration au May-Grünwald-Giemsa × 100.
le frottis apparaît alors monomorphe, constitué de petits lympho-
cytes ne permettant pas d’exclure un lymphome à petites cellules.
La biopsie peut là aussi être indiquée.
Des cas d’hyperplasie mixte mêlant des aspects d’hyperplasies
folliculaire et interfolliculaire sont également possibles.
Adénites granulomateuses
Elles sont caractérisées par une hyperplasie de cellules épithé-
lioïdes. Ces cellules sont des cellules histiocytaires transformées,
de grande taille, à cytoplasme clair, hétérogène, étendu, bien
limité, à noyau allongé ou ovalaire et à chromatine régulière, fine-
ment réticulée, avec un ou deux nucléoles. Les trois situations
réactionnelles les plus fréquemment associées sont la tuberculose,
la sarcoïdose et la maladie des griffes du chat. La présence d’un
granulome est également possible en situation tumorale, on peut
en retrouver lors de certains lymphomes T ou du lymphome de
Hodgkin.
Tuberculose
Le diagnostic peut être posé sur la seule cytoponction ganglion-
naire devant la présence : Figure 5. Tuberculose : amas de cellules épithélioïdes (1) sur un fond
• d’une nécrose caséeuse, grumeleuse, avec des débris cellulaires ; lymphocytaire.
• de cellules épithélioïdes plus ou moins regroupées en amas
formant parfois une seule cellule de très grande taille, multi-
nucléée, appelée cellule géante. Sarcoïdose
Il peut persister une population lymphoïde d’allure réaction- L’aspect est proche de celui de la tuberculose du fait de
nelle, parfois avec une composante plasmocytaire importante la présence de cellules épithélioïdes isolées ou regroupées en
(Fig. 5). Très souvent, une biopsie exérèse est réalisée. amas à distinguer des cellules géantes. On ne retrouve pas
Figure 6. Maladie des griffes du chat : mélange de lymphocytes, poly- Figure 7. Lymphome lymphocytique : population lymphocytaire
nucléaires neutrophiles (1) et cellules épithélioïdes (2). monomorphe constituée de petits lymphocytes matures à chromatine
mottée (1). À noter la présence d’une cellule de plus grande taille nucléo-
lée (prolymphocyte [2]).
Figure 8. Lymphome folliculaire (A, B) : population lymphocytaire constituée d’une majorité de petits centrocytes (1) au sein de laquelle on note la présence
de cellules dendritiques folliculaires (2)
Figure 10. Lymphome B diffus à grandes cellules (A, B) : population cellulaire monomorphe constituée de grandes cellules lymphoïdes à chromatine fine
et nucléoles multiples plutôt périphériques (centroblastes). À noter la présence d’un macrophage à corps tingibles et d’une mitose (× 40).
Figure 11. Lymphome de Burkitt : population cellulaire monomorphe avec des cellules lymphoïdes de taille moyenne, à chromatine relativement mottée,
parfois finement nucléolée, à cytoplasme fortement basophile et vacuolé. À noter un macrophage à corps tingibles.
un diagnostic formel. Le frottis de cytoponction est massivement • le polymorphisme cellulaire associant des cellules lymphoïdes
envahi par une population monomorphe de cellules lymphoïdes de taille inégale allant de la petite à la grande cellule, à des
de taille moyenne, régulières, à chromatine de densité intermé- cellules non tumorales, cellules épithélioïdes, éosinophiles,
diaire, plus ou moins nucléolée et à cytoplasme très basophile plasmocytes et parfois cellules interdigitées ;
et souvent vacuolé. À cette population lymphoïde s’ajoutent de • les cytoplasmes très évocateurs sont marqués essentiellement
nombreux macrophages à corps tingibles reproduisant l’aspect de par leur abondance, une basophilie variable et la présence pos-
« ciel étoilé » décrit par les anatomopathologistes (macrophages à sible de granulations azurophiles ;
cytoplasme clair sur un fond cellulaire dense et sombre) (Fig. 11). • les irrégularités nucléaires parfois peu visibles en cytologie et
On observe également sur le frottis de nombreuses images de particulièrement utiles au diagnostic des lymphomes liés à
mitoses et des cellules en apoptose (chromatine dense pycno- l’human T cell lymphoma virus 1 (HTLV1). On note souvent la
tique). En l’absence de tous ces critères, et notamment lorsque présence de quelques volumineuses cellules sternbergoïdes.
les cellules lymphoïdes sont plus grandes, irrégulières ou à chro- Lymphome T périphérique. Dans sa forme commune, c’est
matine fine, il peut s’agir d’une forme frontière définie par l’OMS le caractère pléomorphe du frottis associant des cellules lym-
« Lymphome B inclassable intermédiaire entre un lymphome B phoïdes de taille inégale, des cellules histiocytaires parfois en
diffus à grandes cellules et un lymphome de Burkitt ». La confir- amas, des polynucléaires éosinophiles qui font évoquer le diag-
mation histologique complétée par l’immunohistochimie et la nostic de lymphome T pléomorphe. Des cellules pseudo-Sternberg
recherche de réarrangements de l’oncogène c-myc et de Bcl-2 sont peuvent être présentes. L’histologie, complétée par les études
indispensables, en particulier dans les formes atypiques. immunohistochimiques, confirme le diagnostic.
Lymphome T angio-immunoblastique. La première caracté-
Lymphomes T ristique cytologique du lymphome T de type LAI est l’important
Les lymphomes T sont beaucoup moins fréquents que les lym- panachage cellulaire du frottis qui peut faire discuter un pro-
phomes B (environ 10 % des lymphomes ganglionnaires) et de cessus réactionnel. L’observation attentive du frottis montre la
pronostic plus péjoratif. Le diagnostic cytologique d’un lym- présence d’une population lymphoïde très pléomorphe avec
phome T repose sur trois critères morphologiques : un mélange d’immunoblastes parfois atypiques à cytoplasme
Figure 12. Lymphome anaplasique (A, B) : grandes cellules regroupées Figure 13. Maladie de Hodgkin.
en petits îlots caractérisées par un noyau polylobé ou irrégulier, à chroma- A. Volumineuse cellule de Sternberg (2) avec un noyau polylobé, à chro-
tine lâche peu ou non nucléolée, le cytoplasme est étendu et modérément matine lâche fortement nucléolée au sein d’une population cellulaire
basophile. polymorphe (lymphocytes matures et polynucléaires éosinophiles [1])
(grossissement × 40).
B. Cellule de Sternberg (2), noter les volumineux nucléoles bleutés (gros-
basophile (immunoblastes B) ou clair (immunoblastes T) asso- sissement × 100).
ciée à de nombreux plasmocytes. On peut retrouver des cellules
pseudo-Sternberg ainsi que des cellules dendritiques folliculaires,
des cellules épithélioïdes et des éosinophiles. Sur ces éléments immunocytochimiques montrent que ces cellules expriment la
cytologiques, le diagnostic de LAI peut être évoqué mais c’est molécule CD30 et l’antigène épithélial membranaire. Il s’agit le
l’histologie qui le confirmera en mettant en évidence, en plus plus souvent de cellules ni B, ni T (« nulles »), plus rarement de
d’une destruction de l’architecture, une hyperplasie vasculaire cellules T et très rarement de cellules B. Dans tous les cas, la biop-
associée au polymorphisme cellulaire. La confrontation de cet sie ganglionnaire est indispensable pour le diagnostic de certitude.
aspect morphologique au contexte clinicobiologique est particu- Dans 60 à 85 % des cas, une expression de l’antigène ALK (ana-
lièrement importante. Bien qu’il s’agisse de signes cliniques et plastic large cell lymphoma kinase) peut être mise en évidence par
biologiques non spécifiques, l’existence de certains d’entre eux : des techniques d’immunohistochimie.
fièvre, altération de l’état général, rash cutané, test de Coombs
positif, hypergammaglobulinémie polyclonale, constitue un argu- Lymphome de Hodgkin
ment de poids en faveur d’une LAI. Le lymphome de Hodgkin est une pathologie ganglionnaire
de reconnaissance relativement aisée par la mise en évidence
Lymphome anaplasique de cellules tumorales caractéristiques, les cellules de Sternberg et
L’adénogramme retrouve une population lymphoïde pléo- les cellules de Hodgkin. L’adénogramme est polymorphe consti-
morphe marquée par la présence d’un nombre variable de tué d’un fond lymphocytaire réactionnel associé souvent à des
grandes, voire très grandes, cellules lymphoïdes à noyau par- polynucléaires éosinophiles et parfois à des cellules épithélioïdes.
ticulièrement irrégulier ou polylobé et nucléoles généralement Au sein de cette population cellulaire, on reconnaît les cellules
peu visibles (Fig. 12). Cet aspect peut être difficile à distin- de Sternberg, caractérisées par leur très grande taille, un noyau
guer d’un lymphome de Hodgkin riche en cellules tumorales volumineux irrégulier, bi- ou multilobé, une chromatine fine et
dans laquelle les noyaux ont une chromatine boursouflée et boursouflée fortement nucléolée (volumineux nucléoles bleutés)
de volumineux nucléoles. Ces cellules sont parfois cohésives et un cytoplasme faiblement basophile et étendu. Classiquement,
et peuvent être confondues avec des cellules métastatiques, ces cellules possèdent un noyau bilobé symétrique en « miroir »
mais l’absence de chevauchement des noyaux, la chromatine avec dans chaque lobe un volumineux nucléole basophile (Fig. 13)
d’aspect « lymphoïde » et les nucléoles peu visibles sont plus en et sont très visibles dès l’observation au faible grossissement. À
faveur d’un lymphome anaplasique à grandes cellules. Les études côté des cellules tumorales typiques, on peut observer les cellules
Figure 14. Séminome : grandes cellules arrondies plutôt isolées, à Figure 15. Carcinome bronchique à petites cellules : amas de cellules
cytoplasme d’abondance moyenne sur un fond cellulaire vacuolé carac- pseudoblastiques, de taille moyenne à haut rapport nucléocytoplasmique
téristique (grossissement × 100). à chromatine fine contenant une inclusion arrondie de coloration variable
gris-bleu (flèche) (grossissement × 100).
K. Maloum (karim.maloum@psl.aphp.fr).
C. Settegrana.
Service d’hématologie biologique, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Maloum K, Settegrana C. Adénogramme : technique et interprétation cytologique. EMC - Biologie
médicale 2013;8(3):1-8 [Article 90-15-0005-A].