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31-480-A-10

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 31-480-A-10

Approche diagnostique des tumeurs


osseuses
F Diard
JF Chateil
M Moinard
Résumé. – Malgré les très grands progrès des techniques d’imagerie et en particulier de la
C Soussotte
tomodensitométrie et de l’imagerie par résonance magnétique, la première approche diagnostique des
O Hauger
tumeurs osseuses repose sur des clichés simples bien réalisés et soigneusement étudiés. L’analyse
sémiologique en est maintenant parfaitement codifiée. L’aspect des bords de la lésion et de la réaction
corticopériostée permet d’évaluer l’évolutivité de la tumeur. Ainsi, une lésion non agressive est plutôt bénigne,
une lésion agressive peut être maligne ou infectieuse, tandis que pour un certain nombre de lésions
intermédiaires, le diagnostic reste douteux.
L’analyse morphologique de la matrice tumorale, qui a beaucoup progressé avec la tomodensitométrie et
l’imagerie par résonance magnétique, permet parfois des diagnostics plus précis, mais les possibilités de
caractérisations tissulaires restent encore très limitées.
La confrontation des données radiologiques ainsi acquises avec les données épidémiologiques (âge, sexe,
localisation) procure le plus souvent un ensemble d’informations suffisantes pour décider de la meilleure
stratégie diagnostique et thérapeutique.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction La seconde étape, après cette étude analytique, est une étape de
synthèse : les propositions de diagnostic doivent tenir compte des
caractères radiologiques de la lésion et des données
Le diagnostic d’une tumeur osseuse repose sur la confrontation des épidémiologiques (âge, localisation) qui sont disponibles dans les
données cliniques, radiologiques et anatomopathologiques. La principaux ouvrages de référence [15, 17, 27, 33, 39].
collaboration doit donc être totale entre le chirurgien orthopédiste, Cette synthèse :
le radiologiste et l’anatomopathologiste, toute approche séparée
pouvant induire une erreur de diagnostic et/ou d’orientation. – permet parfois un diagnostic de certitude et il faudra alors décider
de la nécessité ou non d’une biopsie, d’un traitement et de leurs
Trois éléments sont fondamentaux à prendre en compte dans cette modalités ;
approche :
– ne donne, le plus souvent, qu’une orientation plus ou moins
– l’âge ; précise. La biopsie est alors impérative, mais il faut discuter de la
meilleure technique de prélèvement, une biopsie incorrecte pouvant
– la localisation ; modifier le diagnostic et hypothéquer la prise en charge
– l’aspect radiologique. thérapeutique [31].
L’examen anatomopathologique doit tenir compte des mêmes
La première étape repose sur la clinique et l’analyse des clichés données cliniques et épidémiologiques. Le radiologiste et le
radiologiques simples. Elle apporte un ensemble d’informations qui pathologiste doivent confronter leurs résultats car :
permettent d’apprécier l’agressivité de la lésion, en se rappelant que
dans la grande majorité des cas, une lésion non agressive est – des lésions très différentes peuvent correspondre à une même
bénigne, une lésion agressive est, soit maligne, soit infectieuse, et image radiologique ;
qu’une lésion intermédiaire est douteuse ; ceci n’est cependant pas – le pathologiste ne dispose souvent que d’un fragment limité dans
toujours vrai. L’orientation diagnostique ainsi prise permet de un territoire choisi par le chirurgien, alors que le radiologiste a une
décider de la stratégie diagnostique et de l’indication des autres vision beaucoup plus globale, souvent tridimensionnelle de la
techniques d’imagerie : scintigraphie, tomodensitométrie (TDM) et lésion [28].
imagerie par résonance magnétique (IRM).
Une fois le diagnostic obtenu, la stratégie de la prise en charge
thérapeutique et de l’éventuelle surveillance qui en découle sera
décidée avec le chirurgien et éventuellement l’oncologue
François Diard : Professeur.
responsables.
Jean-François Chateil : Praticien hospitalier.
Maryse Moinard : Praticien hospitalier. Malgré tous les moyens dont nous disposons aujourd’hui, le
Catherine Soussotte : Chef de clinique-assistant des Hôpitaux.
Olivier Hauger : Chef de clinique-assistant des Hôpitaux. diagnostic peut rester incertain et l’évolution du patient être le seul
Service de radiologie A, hôpital Pellegrin, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux, France. élément de critère final.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Diard F, Chateil JF, Moinard M, Soussotte C et Hauger O. Approche diagnostique des tumeurs osseuses. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris,
tous droits réservés), Radiodiagnostic – Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-480-A-10, 2000, 19 p.
31-480-A-10 Approche diagnostique des tumeurs osseuses Radiodiagnostic

1 Siège de la lésion dans le plan axial.


A. Lésion centrale. a. Centrée ; b. excentrée ;
c. amincissement de la corticale au point
de raccordement de la tumeur.
B. Lésion intracorticale. a. Lésion intracor-
ticale ; b. élargissement de la corticale au
point de raccordement de la tumeur.
C. Lésion juxtacorticale ou parostéale.
c b

a b a
*
A *
B *
C

Étude analytique des lésions osseuses


La première analyse doit définir le nombre, le siège, l’étendue et
l’aspect de la ou des lésions osseuses.

NOMBRE
Lors de la découverte d’une lésion osseuse, il faut préciser si cette
lésion est unique ou multiple.
La meilleure technique pour cela est la scintigraphie [18]. Si celle-ci
montre plusieurs zones d’hyperfixation, l’idéal est de compléter
l’exploration par des radiographies centrées sur les points
d’hyperfixation afin d’éliminer une autre pathologie et en particulier
l’arthrose chez les patients âgés. Des localisations multiples orientent
essentiellement, chez l’adulte de plus de 50 ans, vers un processus
métastatique ou un myélome, et chez l’enfant vers des métastases
de neuroblastome, une histiocytose X et une hémopathie. La
scintigraphie peut être prise en défaut ou donner des informations
incomplètes en cas de lésions isofixiantes. Cette insuffisance se
rencontre essentiellement dans deux maladies à localisations
multiples :
– le myélome chez l’adulte [40] ;
– l’histiocytose X chez l’enfant [34].
Dans ces cas, les radiographies simples du squelette restent la
technique la plus fiable pour le dépistage de lésions multiples. *
A *
B *
C
2 Siège de la lésion dans le plan axial.
SIÈGE A. Lésion centrale. Femme de 28 ans. Fracture pathologique sur enchondrome bé-
nin du radius. Noter l’amincissement de la corticale au point de raccordement de la
Il faut définir : tumeur.
B. Lésion intracorticale. Garçon de 16 ans. Antécédent de fracture pathologique
– l’os atteint en séparant les os longs, les os courts et les os plats ; sur fibrome non ossifiant du radius. Noter l’élargissement de la corticale au point
– la localisation dans l’os : de raccordement avec la tumeur.
C. Lésion juxtacorticale. Femme de 30 ans. Ostéosarcome parostéal de bas grade
– pour les os longs, il faut préciser le siège dans le plan de l’humérus (docteur S Neuenschwander. F Curie, Paris).
longitudinal, diaphysaire, métaphysaire, épiphysaire ou mixte ;
localisée, des critères de taille ont été proposés par Lodwick [21] : au
– pour tous les os, il faut préciser le siège dans le plan axial,
moment de la découverte, une taille inférieure à 6 cm est plutôt en
intraspongieux, intracortical ou juxtacortical (fig 1, 2) :
faveur d’une lésion bénigne et, inversement, une lésion supérieure à
– pour le diagnostic entre lésion intraspongieuse et 6 cm est plutôt maligne, mais ce critère est souvent pris en défaut.
intracorticale, sur les clichés simples, il faut bien regarder la
corticale au point de raccordement avec la lésion : si celle-ci est
amincie, elle est intraspongieuse [33] (fig 1A-2A) ; si celle-ci est MORPHOLOGIE
élargie, elle est intracorticale (fig 1B-2B) ; Les anomalies morphologiques osseuses induites sont liées au
– pour les lésions juxtacorticales ou parostéales (fig 1C-2C), il développement de la tumeur et à la réaction de l’os sain vis-à-vis de
faut essayer de différencier les lésions qui naissent de la face celle-ci. Leur analyse repose sur une sémiologie rigoureuse, avec une
interne du périoste (sous-périostées) de celles qui naissent de sa terminologie qui doit être la même pour tous.
face externe ou à son contact (juxtapériostées). Cette distinction L’analyse se fait en deux grandes étapes :
est très souvent difficile, voire impossible, même en s’aidant de – évaluation de l’agressivité de la lésion par l’étude de ses bords et
la TDM ou de l’IRM. Dans ce cas, il faut employer le terme du type de réaction corticopériostée ;
général de lésion parostéale, juxtacorticale, ou de surface [27].
– analyse de la matrice tumorale qui peut aider à la caractérisation
tissulaire et participer à l’orientation étiologique.
ÉTENDUE
Nous étudierons successivement :
Une lésion localisée a de grandes chances d’être tumorale alors
qu’une lésion étendue a de grandes chances d’être dysplasique ou – les modifications structurales de l’os ;
infectieuse, mais ceci n’est pas toujours vrai. En cas de lésion – les différents types de réaction corticopériostée ;

2
Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses 31-480-A-10

*
A "
B1 "
B2 "
B3
3 Différences de difficulté de diagnostic d’une ostéolyse en fonction de sa topographie Clichés simples face et profil : l’analyse attentive a beaucoup de mal à distinguer
corticale ou médullaire. la plage d’ostéolyse épiphysaire antérieure du tibia. B3. Imagerie par résonance magné-
A. Ostéolyse intracorticale. Femme de 58 ans. Métastase intracorticale de mélanome tique : coupe sagittale (séquence en écho de spin pondérée en T1, TR 600 - TE 12). Vo-
malin au niveau du fémur. L’ostéolyse intracorticale est parfaitement visible. lumineuse formation tumorale hypo-intense de la partie antérieure de l’épiphyse tibiale
B. Ostéolyse de l’os trabéculaire médullaire. Homme de 46 ans. Métastase intra- supérieure.
spongieuse de mélanome malin au niveau de l’extrémité supérieure du tibia. B1, B2.

– l’aspect de la matrice tumorale ;


4 Ostéolyses « géographiques » (type I
– l’extension tumorale. de Lodwick).
A. Type I A : ostéolyse à bords nets
¶ Modifications structurales de l’os avec sclérose marginale.
La lésion peut se manifester par une ostéolyse, une B. Type I B : ostéolyse à bords nets
sans sclérose marginale.
ostéocondensation ou un processus mixte. C. Type I C : ostéolyse à bords flous.
Ostéolyses
L’ostéolyse est liée à la destruction de l’os par le processus tumoral
mais aussi à l’hyperpression secondaire à la stimulation des
ostéoclastes et à l’hyperhémie. *
A *
B *
C

La perception d’une ostéolyse sur les clichés simples n’est pas


toujours facile et dépend de la charge calcique de la zone atteinte [29] : 5 Ostéolyse « géographique » de type I A.
Garçon de 15 ans. Fibrome non ossifiant :
– l’ostéolyse de l’os cortical compact est lente mais elle est dépistée
plage d’ostéolyse géographique excentrée
plus précocement à cause de la très forte différence de densité entre de la métaphyse fémorale inférieure. Les
l’os sain et l’os pathologique (fig 3A). En cas d’hésitation, la TDM bords lobulés sont nets et soulignés par un
est ici le meilleur complément du cliché simple ; liseré d’ostéosclérose.
– l’ostéolyse de l’os spongieux est plus rapide, mais difficile à voir
car il faut une perte de la masse osseuse de 50 à 70 % pour que la
lésion devienne visible. Cette limite est encore plus importante chez
les gens âgés où l’os trabéculaire est raréfié par l’ostéoporose. Ceci
rend compte de la difficulté pour dépister les métastases des cancers
ostéophiles qui surviennent surtout chez des gens âgés qui sont
essentiellement médullaires. La scintigraphie donne un niveau
lésionnel mais n’a pas de spécificité. La TDM est plus sensible que
les clichés simples, surtout pour les os plats et courts, mais c’est
aujourd’hui l’IRM qui est la technique la plus fiable pour le
diagnostic de ces ostéolyses de l’os trabéculaire, en montrant le
remplacement du signal graisseux par un signal anormal, variable
en fonction de l’étiologie (fig 3B).
Les différents types d’ostéolyse ont été parfaitement décrits par
Lodwick [21-23] et repris par d’autres auteurs [11, 24]. Aucun de ces
aspects n’est pathognomonique d’un type donné de tumeur, mais
ils donnent des informations capitales sur l’agressivité de la lésion.
Il y a trois grands types d’ostéolyse : géographique, « mitée » et – Type I A : ostéolyse géographique avec sclérose marginale (fig 4A,
perméative. 5). Les bords de la plage d’ostéolyse sont marqués par un liseré
dense de condensation. Plus le liseré est épais, moins la tumeur est
• Ostéolyse géographique (type I de Lodwick) (fig 4) évolutive. Cette sclérose périlésionnelle traduit une réaction
C’est une lacune osseuse dont les contours arrondis ou lobulés ostéoblastique de l’os porteur. Ce type d’ostéolyse correspond à une
ressemblent à ceux d’une carte de géographie. Trois sous-types sont lésion de croissance lente, très faiblement agressive et donc bénigne.
décrits en fonction de l’aspect des bords, la lésion étant d’autant – Type I B : ostéolyse géographique, à bords nets, sans sclérose
plus évolutive qu’elle est plus mal limitée. marginale (fig 4B, 6A, B). Les bords de la plage d’ostéolyse sont

3
31-480-A-10 Approche diagnostique des tumeurs osseuses Radiodiagnostic

6 Ostéolyse « géographique » de type I B.


A. Homme de 25 ans. Ostéomyélite de
l’extrémité inférieure de l’humérus :
plage d’ostéolyse géographique cen-
trale, à bords nets, sans liseré de sclé-
rose périphérique.
B. Fille de 4 ans. Granulome éosino-
phile de l’extrémité supérieure du fé-
mur : plage d’ostéolyse géographique
à bords nets sans liseré de sclérose. Le
bord inférieur est un peu moins net
que le bord supérieur par défaut
de tangence.

*
A *
A *
B
7 Ostéolyse « géographique » de type I C.
A. Garçon de 16 ans. Ostéomyélite de l’extrémité supérieure de l’humérus : plage
d’ostéolyse géographique centrale à bords flous.
B. Homme de 58 ans. Métastase de l’extrémité supérieure du fémur droit : plage
d’ostéolyse géographique, centrale, cervicotrochantérienne avec des bords flous.

8 Ostéolyse « mitée » (type II de


Lodwick).

*
B

nets, à l’« emporte-pièce », mais sans sclérose. La lésion est donc mais elle peut aussi se voir dans certains processus bénins de
plus évolutive que celle du type I A sans que l’os sain de voisinage résorption osseuse rapide (algodystrophie, hyperparathyroïdie) [24, 28].
ait pu développer une réaction ostéoblastique condensante. Ce type
d’image correspond donc à une lésion d’évolutivité moyenne. • Association des types I, II, III (fig 12)
L’aspect est donc douteux et peut correspondre à une lésion bénigne, – L’association du type II (ostéolyse mitée) et du type III (ostéolyse
mais aussi à une lésion maligne (plasmocytome) ou infectieuse. perméative) est fréquente et la différenciation entre les deux types
– Type I C : ostéolyse géographique à bords mal définis (fig 4C). Les peut être très subtile. Cette association est en faveur d’une lésion
bords de la plage d’ostéolyse sont flous (fig 7A, B), avec une zone agressive.
transitionnelle mal définie. L’agressivité du processus pathologique – L’ostéolyse de type I C est parfois associée avec des types II et III,
dépasse les possibilités de réaction ostéoblastique de l’os porteur. en périphérie, traduisant là aussi un processus agressif (fig 12A).
C’est en faveur d’une lésion rapidement évolutive, agressive, qui
– Des lésions de type II ou III peuvent également apparaître à la
peut donc être maligne ou infectieuse.
périphérie d’une lésion de type I B, traduisant alors l’accélération
de l’évolutivité de la lésion (transformation maligne d’un processus
• Ostéolyse « mitée » (type II de Lodwick) (fig 8, 9) bénin, changement de stade d’une tumeur maligne de bas grade, ou
Elle est caractérisée par la présence de nombreuses petites lacunes d’une tumeur à cellules géantes) (fig 12B).
rondes, ovales ou à bords déchiquetés, parfois confluentes en plages – L’ostéolyse de type I A n’est jamais associée aux autres types
à bords flous, l’ensemble étant comparé à un tricot « mangé par les puisqu’elle traduit une lésion lentement évolutive et donc bénigne.
mites ». Elle traduit une lésion agressive qui est donc le plus souvent
maligne ou infectieuse (fig 9A, C), mais elle peut se voir dans Ostéocondensation (fig 13)
certaines lésions bénignes (granulome éosinophile) (fig 9B).
Trois mécanismes isolés ou associés peuvent provoquer une
condensation :
• Ostéolyse perméative ou ponctuée (type III de Lodwick) (fig 10, 11)
Elle est caractérisée par de très petites images lacunaires, rondes ou – la réponse de l’os sain porteur à l’agression par stimulation
ovales, à bords flous. Compte tenu de la taille des lésions, elle se ostéoblastique. C’est le cas des ostéoscléroses qui entourent le nidus
voit essentiellement dans l’os compact. C’est la traduction d’une de l’ostéome ostéoïde et du liseré de sclérose des ostéolyses de type
réaction ostéoclastique intense en faveur d’une lésion très agressive. I A (fig 13A) ;
Elle se rencontre aussi dans les tumeurs malignes (fig 11) où elle – une matrice tumorale ossifiante comme dans les tumeurs
traduit une extension transcorticale du processus médullaire vers ostéogéniques bénignes et malignes (cf infra : analyse de la matrice
l’espace sous-périosté et les parties molles et dans les infections, tumorale) (fig 13B) ;

4
Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses 31-480-A-10

*
B

*
A *
B
*
A
9 Ostéolyse « mitée » (type II). 11 Ostéolyse ponctuée ou perméative.
A. Garçon de 6 ans. Ostéomyélite à A. Homme de 76 ans. Cancer de la prostate : métastase ostéolytique humérale su-
Fusobacterium necrophorium sep- périeure droite ; multiples petites images lacunaires, punctiformes, de la corticale.
sis : ostéolyse du col et de la partie B. Femme de 52 ans. Cancer du sein : métastase ostéolytique iliaque droite ; des-
haute de la diaphyse fémorale droite truction de la corticale iliaque avec nombreuses petites images microlacunaires ar-
avec petites lacunes rondes, ovalaires rondies.
ou polycycliques parfois confluentes.
B. Garçon de 8 ans. Granulome éosi-
nophile : ostéolyse fémorale supé-
rieure gauche avec multiples petites
lacunes à bords flous, confluentes, as-
sociées à une plage d’ostéolyse « géo-
graphique » de type I C à la partie in-
férieure.
C. Homme de 41 ans. Cancer bron-
chique lobaire inférieur gauche : mé-
tastases tibiales supérieures gauches.
Multiples plages d’ostéolyse de petite
taille, rondes, ovalaires ou polycycli-
ques, confluentes.
*
C

10 Ostéolyse ponctuée ou perméative


(type III de Lodwick).

*
A

12 Ostéolyses mixtes.
A. Homme de 61 ans. Histiocytofi-
brosarcome de l’humérus : plage
d’ostéolyse « géographique » de type
I C avec bords flous, associée, en pé-
riphérie, à une ostéolyse « mitée »
de type II avec destruction de la
corticale et volumineuse masse des
parties molles.
B. Homme de 51 ans. Chondrosar-
– une ostéonécrose connue dans les infarctus et les séquestres des come de l’extrémité supérieure du fé-
ostéomyélites. mur : lésion lytique lobulée avec ma-
Aspects mixtes (fig 14) trice homogène produisant des
érosions de la corticale interne. Le
Les réactions mixtes lytiques et condensantes peuvent prendre des bord supérieur est relativement net
aspects complexes ou alternant des plages d’ostéolyse et de type I B, mais le bord inférieur est
d’ostéocondensation quand l’aspect de l’ostéolyse est de type flou de type I C, avec une ostéolyse
agressif ; ces aspects mixtes relèvent le plus souvent des tumeurs perméative de type III associée.
malignes sarcomateuses (fig 14) ou d’ostéomyélites évoluées.
¶ Différents types de réponses corticopériostées [11, 15, 22, 23, 33] *
B
Le périoste répond a une agression par une ostéogenèse dont
l’intensité dépend de la rapidité évolutive de la lésion initiale
responsable. Cette réaction périostée n’est visible que lorsqu’elle est est plus jeune (15 jours à 3 mois après le début). Ceci explique qu’en
le siège d’une minéralisation qui apparaît toujours avec retard par pathologie tumorale d’évolution relativement lente, ces lésions
rapport à la stimulation initiale, mais d’autant plus tôt que le sujet soient toujours présentes lors des premières radiographies alors

5
31-480-A-10 Approche diagnostique des tumeurs osseuses Radiodiagnostic

13 Ostéocondensations.
A. Ostéocondensation réactionnelle de l’os sain en re-
gard d’une tumeur lentement évolutive. Homme de 27
ans. Ostéome ostéoïde intracortical postérieur de la
diaphyse fémorale : hyperostose de la corticale avec ostéo-
condensation autour d’une petite plage d’ostéolyse
« géographique » de type I A correspondant au nidus.
B. Matrice tumorale ossifiante. Homme de 24 ans. Os-
téome endostéal bénin. B1. Radiographie du tibia de
face : volumineuse formation condensante, intramédul-
laire, en continuité avec la corticale interne ayant une
densité homogène identique à l’os compact. B2. Coupe
tomodensitométrique millimétrique en haute résolution
confirmant une formation ossifiante endocanalaire pos-
"
B2 térieure à point de départ cortical. Une biopsie a permis
d’éliminer un ostéosarcome ostéogénique de bas grade.

*
A "
B1

14 Lésion mixte. Fille de 11 ans. Ostéosarcome ostéogé- 15 Réaction périostée


nique central de haut grade. La structure de la lésion mé- continue homogène pleine
taphysaire tibiale supérieure associe : une ostéolyse « mi- (hyperostose) avec conser-
tée » (type II) traduisant une évolutivité rapide ; une vation de la corticale.
ostéocondensation traduisant une matrice tumorale A. Régulière.
ossifiante. B. Irrégulière.

*
A *
B

äqu’en cas de pathologie infectieuse plus bruyante, elles ne sont pas


présentes lors des premiers clichés et apparaissent secondairement.
– Sur les os longs : les clichés simples de face, de profil et en oblique,
avec petit foyer et films à grains fins, ou cassettes photostimulables,
avec au besoin agrandissement, sont presque toujours suffisants
pour le diagnostic. L’examen TDM n’apporte pas d’élément
supplémentaire convaincant en dehors des hyperostoses corticales
où il met mieux en évidence un éventuel nidus d’ostéome ostéoïde. "
B2
– Sur les os plats et courts : les clichés simples sont plus difficiles à
réaliser et à lire, et la TDM devient alors utile pour l’analyse de la
corticale.
Dans tous les cas, l’IRM est un mauvais examen pour l’analyse de la
"
A1
corticale qui ne contient pas de protons et qui se manifeste par un
hyposignal, quelles que soient les séquences. L’ossification sous-
périostée n’est également pas visible. L’IRM reste capitale, nous le
verrons, pour l’analyse de l’os spongieux et des parties molles en
regard.
Selon que l’ostéogenèse périostée limite la lésion en périphérie ou "
B1
est débordée par elle, la réaction périostée peut être continue ou "
A2
rompue (discontinue) [32].
16 Réaction périostée continue homogène avec conservation de la corticale.
A. Réaction homogène pleine régulière et homogène. Garçon de 18 ans. Ostéome
Réaction périostée continue
ostéoïde intracortical du tibia. A1. Radiographie simple, de face : hyperostose cor-
Elle peut s’accompagner d’un respect ou d’une destruction de la ticale. A2. Coupe tomodensitométrique millimétrique en haute résolution :
corticale. le nidus qui n’était pas visible sur les clichés simples où il était masqué
par l’intensité de l’hyperostose est bien mis en évidence au sein de celle-ci.
• Réaction périostée continue avec conservation de la corticale B. Réaction homogène pleine irrégulière. Homme de 66 ans. Périostite péronière
et tibiale dans le cadre d’un syndrome Sapho (synovite, acné, pustulose, hyperos-
C’est une ostéogenèse sous-périostée sur le versant externe d’une tose, ostéite). B1. Radiographie simple de profil : épaississement cortical très irré-
corticale continue. gulier avec excroissances, étendu sur la diaphyse péronière avec « périostite » as-
Elle revêt plusieurs aspects, en fonction de l’évolutivité de la lésion, sociée du tibia. B2. Examen tomodensitométrique en coupes axiales fines :
hyperostose corticale irrégulière du péroné associée à une périostite de la face an-
qui vont de l’agressivité la plus faible à l’agressivité la plus forte
téroexterne du tibia.
(fig 15).

6
Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses 31-480-A-10

17 Réaction périostée continue unilamellaire avec conser- 19 Réaction périostée continue plurilamellaire avec
vation de la corticale. conservation de la corticale.

"
B2

"
B1

*
A
*
A *
B
20 Réaction périostée continue plurilamellaire avec
18 Réaction périostée continue unilamellaire avec conservation de la corticale. conservation de la corticale.
A. Réaction périostée unilamellaire fine. Garçon de 10 ans. Fracture de fatigue A. Garçon de 3 ans. Granulome éosinophile
de l’extrémité supérieure du tibia : apposition périostée unilamellaire fine (1 mm), de l’humérus gauche : appositions périostées pluri-
séparée de la corticale par un liseré clair en regard d’une ligne de condensation lamellaires en regard d’une plage d’ostéolyse « géo-
transversale correspondant à la fracture. graphique » centrale de type I C avec ostéolyse cor-
B. Réaction périostée unilamellaire épaisse. Garçon de 10 ans. Fracture patholo- ticale perméative (type III). La biopsie réalisée
gique sur fibrome non ossifiant du fémur : apposition unilamellaire épaisse pour le diagnostic différentiel entre ostéomyélite,
(4 mm), séparée de la corticale postérieure par un liseré clair, en regard d’un fi- sarcome d’Ewing et granulome éosinophile, a été en
brome non ossifiant postérieur. La fracture n’est pas visible sur ce cliché. faveur du granulome.
B. Garçon de 15 ans. Ostéomyélite circonscrite cen-
– Réaction périostée homogène pleine [12] : c’est un épaississement de trale de l’extrémité inférieure du tibia droit. B1. Ti-
la corticale (ou hyperostose corticale) par incorporation sur son bia de face : appositions périostées plurilamellaires
en regard d’une plage d’ostéolyse « géographique »
versant externe d’une couche d’os compact néoformé. Elle
centrale à bords nets sans liseré de condensation
correspond à une lésion très lentement évolutive et donc bénigne (type I B). B2. Coupe tomodensitométrique millimé-
(fig 16). Elle peut être : trique en fenêtre osseuse : réaction périostée plurila-
– régulière et homogène, mince ou épaisse, convexe en dehors, mellaire. La coupe montre bien les appositions cir-
conférentielles séparées par un liseré clair.
avec une surface lisse. C’est l’aspect typique de la réponse à un C. Fille de 12 ans. Sarcome d’Ewing du fémur : ap-
ostéome ostéoïde intracortical (fig 13A, 16A) . Quand cette positions périostées plurilamellaires en « bulbe
hyperostose est très marquée, elle peut masquer la lésion d’oignon » en regard d’une ostéolyse mixte « mitée »
responsable et il faut alors réaliser des coupes TDM (II) et ponctuée (III).
millimétriques avec une fenêtre très largement ouverte de 2 000 à *
C
4 000 pour mettre en évidence un éventuel nidus (fig 16A2) ;
– irrégulière et ondulée, hétérogène, souvent très étendue sur une séparée de la corticale externe par un fin liseré clair mais rattachée à
diaphyse ; elle évoque alors plutôt une insuffisance vasculaire celle-ci par ses deux extrémités. Elle se voit dans les tumeurs
veineuse, une ostéomyélite chronique, une périostite primitive ou bénignes si elles sont le siège de fracture pathologique, et surtout
dans le cadre d’un syndrome Sapho (synovite, acné, pustulose, dans les ostéomyélites au début et les fractures de fatigue. Elle
hyperostose, ostéite) (fig 16B). traduit une lésion d’évolutivité moyenne.
– Réaction périostée unilamellaire (fig 17) : c’est une seule couche – Réaction périostée plurilamellaire [43] (fig 19, 20) : c’est l’aspect
plus ou moins épaisse (1 à 3 mm) (fig 18A, B) d’os néoformé, classique en « bulbe d’oignon ». Il y a plusieurs lamelles osseuses

7
31-480-A-10 Approche diagnostique des tumeurs osseuses Radiodiagnostic

travers l’os cortical, il entraîne avec lui dans l’espace décollé des
21 Spiculation sous-
fibres de Sharpey et les vaisseaux portés par celles-ci. L’ostéogenèse
périostée.
A. Processus ma- va se faire autour de ces lames conjonctives, donnant de fins spicules
lin (spiculation ré- ossifiés plus ou moins perpendiculaires à la corticale. Le périoste
gulière en « ve- périphérique peut être visible en cas d’ostéogenèse sous-périostée
lours » ou en sous forme d’une fine ligne calcifiée couvrant les spicules et se
« coucher de so- raccordant avec la corticale. Quand il n’est pas visible, il correspond
leil »). à la ligne virtuelle joignant le sommet des spicules. Le respect de sa
B. Processus bénin continuité peut alors être confirmé par TDM ou IRM.
(spicules rares et
épais, érosions de Lodwick [21, 22] a distingué cinq types de spiculation sous-périostée :
la corticale ex- en « poils de brosse », en « rayons de miel », en « velours », régulière
terne). et indescriptible, mais cette sémiologie ne permet pas une
orientation étiologique fiable vers tel ou tel type de tumeur.
La spiculation sous-périostée traduit une lésion rapidement
évolutive. Elle est très fréquente dans les tumeurs malignes
primitives (ostéosarcome, tumeur d’Ewing, chondrosarcomes)
*
A *
B (fig 21A-22A), assez rare dans les tumeurs malignes secondaires et
très exceptionnelle dans les processus infectieux.
Elle peut se voir dans certains processus bénins sous-périostés
parallèles séparées les unes des autres et de la corticale externe par (tumeurs vasculaires, kystes anévrismaux, kystes synoviaux), mais
des liserés clairs et qui fusionnent entre elles aux deux points de les spicules sont en général plus rares et plus grossiers, souvent
raccordement supérieur et inférieur avec la corticale. accompagnés d’érosions régulières de la corticale externe
Histologiquement, les lamelles correspondent à de l’os compact et (fig 21B-22B).
les espaces clairs à du tissu ostéoïde avec des vaisseaux dilatés.
Les lamelles osseuses visibles correspondent à des bandes • Réaction périostée continue avec destruction de la corticale (fig 23)
d’ostéogenèse sous-périostées successives qui n’ont pas eu le temps Cet aspect est également décrit sous le nom de « soufflure » auquel
d’être assimilées par l’os. il faut préférer le terme de lésion expansive. Le processus
Cette réaction plurilamellaire traduit un processus rapidement pathologique naît dans l’os spongieux ou dans la corticale profonde.
évolutif qui peut être tumoral malin (tumeur d’Ewing) ou bénin Il érode la face endostéale de la corticale (érosion endostéale), puis
(granulome éosinophile) (fig 20A) , infectieux (fig 20B) ou la détruit progressivement en provoquant la rupture de la continuité
traumatique (cal en formation). corticale.
– Spiculation sous-périostée (fig 21, 22) : quand le périoste est décollé Stimulé par la croissance de cette lésion, le périoste construit une
de la corticale par un processus pathologique de l’espace sous- couche d’os néoformé sur sa face profonde au contact de la corticale
périosté, ou par un processus agressif venant de l’os médullaire à externe. Si la corticale est totalement détruite et la lésion reste limitée

*
B

"
A1 "
A2
22 Spiculation sous-périostée. néoadjuvante : le périoste décollé est finement ossifié ; spiculation perpendiculaire à la
A1. Fille de 12 ans. Ostéosarcome ostéogénique sous-périosté de bas grade du tibia corticale externe développée entre celle-ci et le périoste décollé ossifié.
(résection locale contre-indiquée réalisée à cause d’une erreur initiale B. Femme de 51 ans. Kyste mucoïde sous-périosté de la face postérieure du fémur.
de diagnostic). Radiographie de la pièce de résection : périoste décollé avec une dis- Le cliché simple de profil montre des érosions de la corticale externe postérieure
crète réaction plurilamellaire aux points de raccordement ; spiculation fine du fémur avec des spicules perpendiculaires épars. Les coupes tomodensitométriques
et régulière perpendiculaire à la corticale externe. montrent mieux les spicules qui sont épais (haut) et la masse sous-périostée bien limi-
A2. Fille de 15 ans. Ostéosarcome ostéogénique sous-périosté de bas grade du fé- tée, de densité hydrique (bas).
mur. Radiographie de la pièce de résection en fin de chimiothérapie

8
Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses 31-480-A-10

25 Réaction périostée continue avec des-


truction de la corticale et aspect de coque
épaisse avec trabéculation grossière.
Femme de 41 ans. Fibrome desmoplastique
de l’extrémité inférieure du fémur droit.
Le cliché simple de profil montre une ostéo-
lyse géographique, étendue, avec rupture
de la corticale, parcourue par de multiples
crêtes épaisses et denses, donnant un as-
pect de trabéculation grossière (docteur B
Bui, institut Bergonié, Bordeaux).

*A *
B
23 Réaction périostée continue avec destruction de la corticale.
A. Coque mince + arc boutant.
B. Coque épaisse + crêtes.

26 Arc-boutant. Garçon de 15 ans.


Chondrome bénin sous-périosté : plage
d’ostéolyse géographique à bords nets
et condensés (type I A), intracorticale avec
coque mince et crêtes osseuses. La corticale
épaissie au point de raccordement avec
la lésion forme un triangle d’os compact en
continuité avec la corticale et la coque
mince.

24 Réaction périostée continue avec destruction de la corticale et aspect de coque


mince. Fille de 14 ans. Kyste anévrismal de l’extrémité inférieure du tibia. Les clichés
simples montrent une plage d’ostéolyse métaphysaire, géographique, de type I C et des
appositions périostées plurilamellaires. L’examen tomodensitométrique en coupes mil- lésion exerce une pression régulière sur la corticale. Elle est
limétriques axiales (haut) et en reconstruction 2D sagittale (bas) montre : une inter- irrégulière et prend un caractère lobulé si la pression qui s’exerce
ruption complète de la corticale avec un épaississement triangulaire correspondant à un
arc-boutant ; une continuité de la membrane périostée, refoulée avec une ostéogenèse
sur la paroi est irrégulière. Des zones d’érosion osseuse avec
sous-périostée donnant une coque fine (professeur JP Pacros, hôpital Debrousse, Lyon). corticale amincie et refoulée, ou détruite, sont séparées par des zones
plus épaisses qui forment des crêtes. Ceci est le cas des tumeurs
lobulées fibreuses ou cartilagineuses. Ces crêtes osseuses traversent
en périphérie par le périoste, l’ostéogenèse sous-périostée va être la clarté tumorale sous forme de lignes épaisses arciformes, souvent
responsable de la formation d’une coque périphérique fine en cas entrecroisées, donnant un aspect trabéculé grossier (fig 25). Cette
de processus assez rapidement évolutif, et épaisse en cas de trabéculation grossière, secondaire à la présence de crêtes pariétales,
processus lentement évolutif. ne doit pas être confondue avec la trabéculation très fine provoquée
Il ne faut pas confondre, comme c’est l’usage, cette coque sous- par les tumeurs avec architecture en logettes séparées par des septa
périostée avec une corticale amincie et refoulée. ossifiés (cf infra : Analyse de la matrice tumorale).
– Les coques minces sont observées dans les processus expansifs – L’arc-boutant est une formation triangulaire d’os compact qui fait
bénins moyennement évolutifs : kystes anévrismaux (fig 24) , corps avec la corticale aux points de raccordement d’une coque
tumeurs à cellules géantes, ostéoblastomes, fibromes périostée en regard d’une corticale détruite (fig 26) . La coque
chondromyxoïdes...). L’épaisseur est proportionnelle à l’évolutivité associée peut être invisible sur les clichés simples, ce qui peut faire
de la lésion responsable. En cas de tumeur assez rapidement discuter la rupture de la continuité périostée, mais le caractère
évolutive (tumeur à cellules géantes, kyste anévrismal, homogène et dense est en faveur d’un processus lentement évolutif.
plasmocytome solitaire), la coque est si mince qu’elle peut ne pas En cas de doute, la TDM et/ou l’IRM permettent de montrer la
être visible sur les clichés simples. La TDM et/ou l’IRM sont alors coque mince, périphérique, associée.
d’une grande utilité pour la mise en évidence. Cet arc-boutant est fréquemment rencontré dans les tumeurs
Ces coques sont fréquemment le fait d’une fracture pathologique à cartilagineuses expansives (chondrome, fibrome chondromyxoïde).
cause de leur fragilité et peuvent alors s’accompagner d’une
apposition périostée unilamellaire. Réaction périostée discontinue (fig 27 à 29)
– Les coques épaisses correspondent à des processus lentement Une lésion rapidement évolutive qui vient de la médullaire ou de la
évolutifs et donc sûrement bénins (fig 25). Elle est régulière si la corticale induit une réaction corticopériostée qui, compte tenu de

9
31-480-A-10 Approche diagnostique des tumeurs osseuses Radiodiagnostic

Si le potentiel évolutif de la tumeur est supérieur à la capacité


27 Réaction périostée discontinue : ostéolyse corti-
d’ostéogenèse du périoste, la réaction périostée va être rompue au
cale perméative ; éperon de Codman ; interruption de la
spiculation. point d’activité tumorale la plus forte. Cette rupture de la continuité
périostée se manifeste par :
– le triangle de Codman ou éperon périosté (fig 28) : c’est une
réaction périostée plurilamellaire triangulaire, située à la face externe
de la corticale, à la limite entre la tumeur et l’os sain. Cet éperon
correspond à une réaction plurilamellaire initialement continue,
secondairement détruite et rompue en son centre, et dont il ne
persiste que les points de raccordement avec l’os sain à la périphérie
de la lésion. Il correspond au maximum d’agressivité lésionnelle et
ne se voit pratiquement que dans les tumeurs malignes. Son
caractère lamellaire l’oppose au caractère compact et homogène de
l’arc-boutant qui se voit dans certaines tumeurs bénignes,
expansives, lentement évolutives ;
– l’interruption de la spiculation (fig 29) : la réaction spiculaire,
organisée et régulière, est interrompue en un ou plusieurs endroits
et prend un aspect désorganisé et irrégulier, le plus souvent associé
28 Éperon périosté de Codman. Garçon de 9 ans. Ostéo- à une importante opacité des parties molles. Cet aspect correspond
sarcome ostéogénique diaphysaire tibial : remaniement
structural du tiers supérieur de la diaphyse avec juxtapo-
également au maximum d’agressivité lésionnelle et signe l’existence
sition d’une ostéolyse « mitée » et de zones condensantes d’une tumeur maligne.
(matrice ossifiante) ; corticale postérieure détruite ; rup-
ture d’une réaction périostée plurilamellaire dont il ne ¶ Analyse de la matrice tumorale [37]

persiste qu’un triangle en regard du raccordement infé- La matrice correspond au tissu tumoral proprement dit ; son analyse
rieur avec la corticale. macroscopique par l’imagerie vise à approcher la caractérisation de
la nature tissulaire de la tumeur.
Si les clichés simples restent fondamentaux pour l’analyse des
anomalies structurales corticales et de la réponse corticopériostée, la
TDM est le meilleur outil d’analyse des calcifications intratumorales
et l’IRM la meilleure technique pour l’analyse de l’architecture
interne de la lésion [1, 36].
En TDM : il faut systématiquement réaliser une analyse en fenêtre
osseuse et en fenêtre de parties molles :
– les calcifications sont étudiées par des coupes millimétriques en
haute résolution en fenêtre osseuse ;
– la densité de la matrice est toujours évaluée dans plusieurs
secteurs de la lésion ;
– le degré de vascularisation de la tumeur est analysé par
comparaison des coupes en fenêtre de parties molles avant et après
injection de produit de contraste ; l’évaluation optique du degré de
29 Réaction périostée discontinue avec rehaussement étant toujours précisée par une prise de densité.
interruption de la spiculation. Fille de
10 ans. Sarcome d’Ewing du péroné : lé- En IRM : il faut systématiquement réaliser des séquences en écho
sion centrale diaphysaire avec ostéolyse de spin pondérées en T1 et en T2, les séquences T2 pouvant être
« mitée » (type II) ; réaction plurilamel- sensibilisées par une suppression du signal de la graisse. Le degré
laire externe partiellement détruite de vascularisation est apprécié sur des séquences en écho de spin
par une ostéolyse perméative ; corticale in- pondérées en T1 par comparaison entre les coupes sans et avec
terne détruite avec désorganisation de la injection de produit de contraste.
réaction spiculaire.
Matrices ossifiantes
Elles traduisent la présence de tissu osseux et orientent vers une
tumeur de la lignée ostéogénique. L’ossification de la matrice se
traduit par des plages denses homogènes, à bords nets ou flous,
uniques ou multiples. Par ordre d’intensité, on décrit :
– des aspects en « verre dépoli » (fig 30) :
– sur les clichés simples, la lésion est une plage d’ostéolyse, de
type géographique, dont la transparence est moins marquée que
celle des lésions kystiques avec un aspect « gris » plus ou moins
homogène (fig 30A) ;
– en TDM, le coefficient d’atténuation se situe entre 100 et 1 000
UH (fig 30B) ;
– en IRM, la lésion est en hyposignal quelle que soit la séquence
(fig 30C).
C’est un aspect assez typique de la dysplasie fibreuse qui peut
également se voir dans l’ostéoblastome ;
l’agressivité, est une réaction de type plurilamellaire ou une – des places de forte densité, proches de celles de l’os cortical,
spiculation. La corticale est alors le plus souvent le siège d’une « nuageuses », disséminées (ostéosarcome) (fig 14) , ou plus
ostéolyse « mitée » et/ou perméative. organisées (ostéoblastome) ;

10
Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses 31-480-A-10

32 Matrice cartilagineuse avec calcifica-


tions. Femme de 58 ans. Chondrosarcome
central de grade 1 : plage d’ostéolyse cen-
trale « géographique » de type I B avec cal-
cifications floconneuses, arciformes et an-
nulaires ; festonnement de la corticale
* interne traduisant une érosion par une tu-
B
meur lobulée.

33 Matrice cartilagineuse avec calcifica-


tions. Fille de 17 ans. Chondroblastome fé-
moral épiphysaire inférieur. Coupe tomo-
densitométrique millimétrique en haute
résolution : plage d’ostéolyse « géographi-
que » de type I B avec destruction de la
corticale ; calcifications « floconneuses »
et annulaires au sein de la matrice
tumorale.
*
C

*
A
30 Matrice ossifiante avec aspect en « verre dépoli ». Fille de 16 ans. Dysplasie fi-
breuse du tibia. Matrices cartilagineuses
A. Tibia de profil. Lésions intramédullaires, centrales, étagées, bien limitées, avec
une densité homogène supérieure à celle de l’os trabéculaire et inférieure à celle Elles se caractérisent par la présence de calcifications, une
de la corticale, avec érosion de la corticale interne. architecture lobulée et un signal IRM particulier.
B. Analyse tomodensitométrique comparative des deux tibias. Le tibia droit pré-
sente un discret trouble du modelage. L’hypodensité graisseuse du canal médul- Les calcifications peuvent être visibles sur les clichés simples (fig 32),
laire est remplacée par deux formations : une antérieure en « verre dépoli » (den- mais sont très bien analysées par la TDM (fig 33) avec coupes
sité 350 UH) ; une postérieure plus dense, ossifiée (densité 800 UH). millimétriques en haute résolution. Elles peuvent être :
C. Imagerie par résonance magnétique. Séquence en écho de spin pondérée en T1
(TR 600 - TE 15) ; antenne corps. Les zones ossifiées du canal médullaire appa- – ponctuées de type granuleux ;
raissent en hyposignal au sein de l’hypersignal graisseux normal. – « floconneuses » par augmentation du volume des précédentes ;
– arciformes et annulaires.
31 Calcifications de matrice ossifiante.
Les calcifications arciformes et annulaires, liées à l’architecture
Garçon de 16 ans. Ostéoblastome bénin
de la 11e côte droite. Tomodensitométrie : lobulée de la tumeur, sont relativement spécifiques à l’opposé des
ostéolyse « géographique » à bords nets calcifications ponctuées et à un degré moindre, « floconneuses », qui
(type I A), avec ostéocondensation corti- peuvent se voir dans certaines matrices ossifiantes.
cale réactionnelle. La matrice présente des L’architecture lobulée peut être suspectée sur les clichés simples
calcifications annulaires, grossières, qui
avaient fait proposer le diagnostic d’en-
quand ils montrent des érosions de la corticale interne (fig 32), mais
chondrome costal. elle est surtout bien mise en évidence par l’IRM. La tumeur est faite
de multiples lobules juxtaposés, séparés par de fins septa, en
hyposignal quelle que soit la séquence. Chaque lobule a un signal
faible hypo- ou iso-intense sur les séquences en écho de spin
pondérées en T1 et en hypersignal franc qui augmente en fonction
du temps d’écho sur les séquences en écho de spin pondérées en T2
(fig 34).
L’association des deux anomalies est très évocatrice d’une tumeur
cartilagineuse mais ne préjuge pas de la nature bénigne ou maligne,
– des zones de condensation éburnante correspondant à l’os bien que les calcifications soient classiquement moins nombreuses
compact, de densité égale à celle de la corticale sur les clichés dans les tumeurs malignes [33].
simples et en TDM, et en hyposignal en IRM. Cet aspect se voit Il faut de plus souligner que :
dans l’îlot condensant bénin, l’ostéome (fig 13B), l’ostéoblastome, les
sarcomes condensants mais aussi les métastases condensantes, de – les calcifications ne sont présentes que dans 50 à 60 % des tumeurs
prostate en particulier ; cartilagineuses ;
– des calcifications, enfin, peuvent se rencontrer et posent alors de – en l’absence de calcification, le caractère lobulé n’est pas spécifique
très difficiles problèmes de diagnostic avec les calcifications des puisqu’il se voit également dans les tumeurs fibreuses, bien que
matrices cartilagineuses (fig 31). l’hypersignal T2 en IRM y soit moins marqué.

11
31-480-A-10 Approche diagnostique des tumeurs osseuses Radiodiagnostic

34 Matrice cartilagineuse avec architec- 36 Matrice kystique (aspect en imagerie par résonance
ture lobulée. Homme de 49 ans. Chon- magnétique). Fille de 6 ans. Kyste essentiel de l’humérus.
drome sous-périosté du calcanéus. Image- A. Coupe axiale en séquence en écho de spin pondé-
rie par résonance magnétique. Coupe rée en T1 (TR 500 - TE 11). Hyposignal de la lésion
coronale, séquence en écho de spin pondé- kystique.
rée en T2 (TR 2200 - TE 90) : la tumeur B. Coupe coronale en séquence en écho de spin pon-
présente une architecture lobulée avec des dérée en T2 (TR 2000 - TE 100). Hypersignal de la
septa en hyposignal persistant, séparant lésion kystique. Les bandes d’hyposignal correspon-
des formations tumorales arrondies, ova- dent à des crêtes pariétales.
laires ou polycycliques en hypersignal très
franc. *
A

35 Matrice « kystique » sur radiogra-


phie simple. Garçon de 5 ans. Kyste essen-
tiel du fémur gauche : plage d’ostéolyse
« géographique », à bords nets de type I A,
radiotransparente et homogène. *
B

*
B

Autres types de matrice


Les matrices kystiques apparaissent très radiotransparentes sur les
*
A
clichés simples (fig 35), avec une densité hydrique entre 10 et 20 UH 37 Matrice graisseuse. Femme de 70 ans. Lipome sous-périosté du radius gauche.
en TDM et un signal homogène en IRM avec une évolution A. Petite « exostose » de la corticale externe du radius gauche qui centre une for-
mation juxtacorticale hypodense de tonalité graisseuse.
caractéristique selon la séquence : hyposignal sur les séquences en B. Coupe tomodensitométrique en fenêtre de parties molles. Confirmation
écho de spin pondérées en T1 et hypersignal T2 (fig 36). La densité de l’exostose corticale antéroexterne et de la formation hypodense (densité
et le signal peuvent être modifiés en cas de complication -70,7 UH).
hémorragique (fracture), ou de contenu mucoïde (kyste synovial).
Les matrices graisseuses sont très spécifiques en TDM par leur – Les hémorragies intratumorales sont faciles à reconnaître en IRM,
hypodensité (de -70 à -100 UH) (fig 37) et par leur signal au stade initial, à cause de l’hypersignal spontané du sang sur les
caractéristique en IRM : hypersignal franc sur les séquences en écho séquences en écho de spin pondérées en T1. Ultérieurement, le
de spin pondérées en T1 qui décroît progressivement en fonction du signal devient très hétérogène en fonction des différents degrés de
temps d’écho sur les séquences en écho de spin pondérées en T2. dégradation du sang.
Cependant, le diagnostic de lipome ne peut être formellement retenu – La nécrose se manifeste par des zones en hyposignal sur les
que lorsque la totalité ou la plus grande partie de la lésion est séquences en écho de spin T1 ne se rehaussant pas après injection
graisseuse car il y a des composantes graisseuses dans de de gadolinium (fig 38), et en hypersignal sur les séquences en écho
nombreuses tumeurs (ostéochondromes, chondromes, de spin en pondération T2. L’évaluation du degré de nécrose
chondrosarcomes, fibromes, histiocytofibromes et fibrosarcomes...). spontanée d’une tumeur maligne, au moment du diagnostic, est
Les matrices homogènes sur les clichés simples, en TDM avec des particulièrement importante et se fait en séquences en écho de spin
densités de type tissulaire (20-60 UH) et un signal IRM hypo-intense pondérées T1 par comparaison entre les coupes avant et après
sur les séquences en écho de spin pondérées T1 et hyperintense sur injection de produit de contraste, la zone nécrosée ne se rehaussant
les séquences en écho de spin pondérées T2, ne sont pas spécifiques pas lors de l’injection.
et évoquent une tumeur tissulaire. – Les architectures en « logettes » et les niveaux hématohématiques
Les matrices hétérogènes relèvent de la nature hétérogène de la (fig 39 à 42).
matrice tissulaire elle-même mais aussi de la possibilité Certaines tumeurs ont un aspect multiloculaire avec un
d’hémorragie intratumorale et de zones de nécrose, ou d’architecture cloisonnement par des septa séparant des logettes de taille variable
tumorale particulière. plus ou moins communicantes (fig 39).

12
Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses 31-480-A-10

38 Nécrose centrotumorale. Femme 40 Niveau hématohématique en tomo-


de 25 ans. Tumeur à cellules géantes densitométrie. Fille de 14 ans. Kyste ané-
de l’extrémité supérieure de l’humérus vrismal de l’extrémité inférieure du tibia
gauche. Imagerie par résonance magnéti- (même cas que la figure 24). Coupe tomo-
que. Séquence en écho de spin pondérée en densitométrique en coupe axiale. Présence
T1 (TR 432- TE 15) avec injection d’un niveau liquide-liquide avec un surna-
de contraste : le centre de la tumeur reste geant (sérum) hypodense et un sédiment
en hyposignal, ce qui traduit la nécrose ; (culot cellulaire) plus dense.
tandis que la périphérie se rehausse avec
un rehaussement plus intense autour de la
zone de nécrose traduisant la prise
de contraste par le tissu tumoral.

39 Trabéculation fine intratumorale.


A. Femme de 26 ans. Tumeur
à cellules géantes de l’extrémité infé-
rieure du cubitus. Radiographie sim-
ple de face : plage d’ostéolyse géogra-
phique, métaphysoépiphysaire, à
bords flous, avec destruction de la
corticale et respect de la continuité
périostée, coque mince, avec une ma-
trice parcourue par de fins septa en- *
A
trecroisés donnant un aspect de tra- *
B
béculation fine. 41 Niveau hématohématique en imagerie par résonance magnétique. Fille de 6 ans.
B. Fille de 16 ans. Tumeur à cellules Kyste essentiel fracturé avec hémorragie intrakystique secondaire.
géantes de l’extrémité inférieure A. Imagerie par résonance magnétique, coupe axiale. Séquence en écho de spin
du fémur. pondérée en T1 (TR 500 - TE 11) : le sérum surnageant a un signal hypo-intense ;
Coupe tomodensitométrique axiale le sédiment cellulaire apparaît en léger hypersignal (méthémoglobine).
en fenêtre de parties molles : plage B. Même coupe. Séquence en écho de spin pondérée en T2 (TR 5300 - TE 65) :
*
A d’ostéolyse géographique, à bords le sérum surnageant apparaît en hypersignal franc ; le signal du sédiment aug-
flous (type I C), cloisonnée par des mente légèrement.
septa fins en « logettes », de densité
différente en fonction de la taille.
C. Femme de 22 ans. Tumeur
à cellules géantes de l’extrémité su-
périeure du tibia. Imagerie par réso-
nance magnétique. Séquence en écho
de spin pondérée en T1 (TR 500 - TE
20), coupe coronale : tumeur épiphy-
sométaphysaire en isosignal divisée
en de multiples « logettes » par de fi-
nes cloisons en hyposignal.

*
B

*
A *
B
42 Architecture tumorale en « logettes » avec niveaux hématohématiques. Garçon
de 8 ans. Kyste anévrismal du calcanéus.
A. Imagerie par résonance magnétique, coupe sagittale, séquence en écho de spin
pondérée en T1 (TR 525 - TE 20). La tumeur calcanéenne présente un isosignal
homogène avec quelques très fins septa en hyposignal. L’architecture en « loget-
tes » est globalement méconnue.
B. Même coupe. Séquence en écho de spin très fortement pondérée en T2 (TR 1500
- TE 90). L’architecture en « logettes » avec niveaux hématohématiques est très
bien analysable (professeur JP Pracros, hôpital Debrousse, Lyon).

*
C – Les niveaux liquides-liquides sont des niveaux hématohématiques
avec sédimentation des hématies et sérum surnageant. Ce ou ces
Sur les clichés simples (fig 39A), cette organisation peut être invisible niveaux peuvent apparaître en cas d’hémorragie intratumorale, en
ou se manifester par une trabéculation fine qu’il faut savoir particulier intrakystique, et sont presque toujours associés à
différencier des crêtes osseuses pariétales plus épaisses, induites par l’architecture en « logettes ». Ils ne sont pas visibles sur les clichés
les tumeurs lobulées lentement évolutives. simples. Ils sont visibles en TDM, sur les coupes en fenêtre de
En TDM (fig 39B), cette architecture est plus ou moins visible, le parties molles (fig 40) , avec une partie inférieure isodense aux
plus souvent méconnue. En IRM (fig 39C), en revanche, elle est très muscles, plus dense que la partie supérieure. Il faut prendre garde à
bien analysée, en particulier sur les séquences fortement pondérées ne pas faire de coupes trop précoces pour que les hématies aient le
T2 où les fins septa contrastent par leur hyposignal avec temps de sédimenter. Il est recommandé de garder le sujet allongé
l’hypersignal variable du contenu de chaque logette. 15 à 30 minutes avant l’examen. Une acquisition rapide, d’emblée,

13
31-480-A-10 Approche diagnostique des tumeurs osseuses Radiodiagnostic

Intensité
du signal

Temps
(secondes)
TYPE I *A TYPE II *
B TYPE III *
C
43 Imagerie par résonance magnétique dynamique. Évolution du signal en fonction A. Type I.
du temps, lors de la captation du produit de contraste par une tumeur (d’après [41]). B. Type II.
C. Type III.

en mode hélicoïdal, peut aussi totalement méconnaître ces images. grande surface de tissu tumoral, le plus représentatif de la tumeur.
C’est l’IRM qui les met le mieux en évidence, surtout sur les L’étude dynamique est réalisée en imagerie rapide : séquences
séquences en écho de spin fortement pondérées en T2 où le pondérées T1, en écho de gradient, avec des paramètres variables
surnageant apparaît en hypersignal et le sédiment en signal moins en fonction des machines ; ces machines les plus récentes qui
intense, l’intensité dépendant du degré de dégradation du sang permettent des séquences hyperrapides (echo planar imaging )
(fig 41, 42B). Sur les séquences en écho de spin pondérées en T1, cet autorisent de multiplier les plans étudiés et d’explorer un large
aspect peut être invisible (désoxyhémoglobine iso-intense en T1) volume de tumeurs.
(fig 42A), ou moins bien visible. Dans ce cas, le surnageant est L’injection de contraste est faite avec un débit de 5 mL/s avec une
toujours en hyposignal tandis que le signal du sédiment varie, quantité de 0,1 mmol/kg de poids corporel suivie par 20 mL de sérum
pouvant apparaître en hypersignal s’il s’agit de méthémoglobine. salé au même débit. Les acquisitions doivent couvrir
Globalement, le sérum surnageant a un signal qui suit celui de l’eau, 5 minutes au maximum, mais surtout les 2 premières minutes. Chaque
tandis que le signal du sédiment varie en fonction du degré de coupe ainsi acquise avec injection de produit de contraste est
dégradation de l’hémoglobine et donc de l’âge du sang (fig 41). soustraite automatiquement par la machine de la coupe identique
Cet aspect associant architecture en « logettes » et niveaux acquise sans injection de produit de contraste. Les zones d’intérêt sont
hématohématiques, ou niveaux hématohématiques seuls, a sélectionnées au curseur sur l’écran. Une courbe de l’intensité du
longtemps été décrit comme spécifique du kyste anévrismal [16] signal de rehaussement en fonction du temps est construite
(fig 42). Il a ensuite été décrit dans le kyste essentiel compliqué de automatiquement à partir des points de chaque acquisition. Deux
fracture (fig 41). courbes de référence doivent être recueillies, la première sur une artère
Plus récemment [38], il a été démontré que cet aspect n’est pas du bien identifiée, la seconde sur un tissu normal (muscle).
tout spécifique et peut se rencontrer dans le sarcome
Trois paramètres sont analysés à partir de la série d’images
télangiectasique, dans les tumeurs à cellules géantes, les
soustraites et des courbes obtenues :
histiocytofibrosarcomes... En fait, les niveaux liquides-liquides
peuvent se rencontrer dans toutes les tumeurs à forte composante – le débit du rehaussement qui correspond à l’arrivée des bolus
vasculaire et si l’architecture en « logettes » reste très évocatrice du dans les artères, et l’intervalle entre le rehaussement artériel et le
kyste anévrismal, on peut la retrouver dans toutes les tumeurs où début du rehaussement tumoral, un temps de moins de 10 secondes
peut se développer un kyste anévrismal secondaire. étant caractéristique d’un rehaussement précoce ;
– le type du rehaussement précoce : présent, soit périphérique, soit
Caractérisation tissulaire par l’IRM dynamique avec injection
diffus ou absent ;
de produit de contraste
– la progression du rehaussement du tissu tumoral dans le temps.
L’analyse, en IRM dynamique, de la captation du contraste et du
rehaussement secondaire d’une tumeur, pour essayer de différencier Trois types de courbes peuvent ainsi être obtenus (fig 43) :
une tumeur bénigne d’une tumeur maligne, a fait l’objet de travaux – type I avec une captation artérielle très précoce et une augmentation
importants sur les dix dernières années avec des résultats qui restent très rapide de l’intensité du signal avec une pente abrupte de la courbe
peu convaincants [10, 25, 26, 41]. Le principe consiste à étudier, à partir qui atteint très précocement un maximum pour se stabiliser en plateau
du rehaussement initial correspondant à la phase artérielle, la ou décroître lentement (rehaussement prévu) ;
progression du rehaussement tumoral avec une analyse qualitative
et quantitative. L’hypothèse de départ est que les tumeurs malignes – type II à partir de la captation artérielle ; l’augmentation de
capteraient précocement et massivement le contraste qui diffuserait l’intensité du signal est progressive avec un aplatissement
rapidement dans le tissu tumoral, alors que les tumeurs bénignes secondaire de la courbe (rehaussement retardé) ;
capteraient plus tardivement le contraste qui diffuserait peu et – type III : le rehaussement est linéaire avec une pente très faible ou
lentement, ou pas du tout, dans le tissu tumoral. même une absence de rehaussement, la courbe étant superposable à
La technique est aujourd’hui bien codifiée [41]. celle des muscles normaux (rehaussement tardif).
Après avoir réalisé les explorations classiques en séquences en écho L’hypothèse de départ était que les rehaussements rapides (courbe
de spin pondérées T1 et T2 dans deux ou trois plans orthogonaux, de type I), avec un début précoce du rehaussement tumoral inférieur
on choisit les plans longitudinaux ou axiaux correspondant à la plus à 10 secondes à prédominance périphérique, étaient en faveur d’une

14
Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses 31-480-A-10

44 Imagerie par résonance magnétique dynamique après injection de produit


de contraste. Femme de 22 ans. Tumeur à cellules géantes de l’aile iliaque gauche. Ima-
gerie par résonance magnétique, coupe coronale. Séquence en écho de spin pondérée en
T1 (TR 20 - TE 9). Injection de produit de contraste avec rehaussement très important
du signal de la tumeur. Le cercle correspond à la zone du recueil des données
pour construire la courbe. Courbe de type I.

tumeur maligne alors que des rehaussements plus lents (courbes de *


A *
B
types II et III) débutant au-delà de 10 secondes étaient plutôt en 45 Extension endocanalaire d’un ostéosarcome ostéogénique. Fille de 12 ans. Ostéo-
faveur d’une tumeur bénigne. sarcome ostéogénique du fémur.
Cette hypothèse a été confirmée par les tumeurs des tissus mous[4, 15, 41]. A. Fémur de face. Tumeur condensante avec rupture de la corticale, spiculation en
« coucher de soleil » et éperon de Codman. La tumeur visible intéresse le tiers in-
En revanche, cette recherche de caractérisation reste un échec en férieur de la diaphyse.
matière de tumeurs osseuses. En effet, si tous les patients avec des B. Imagerie par résonance magnétique, coupe sagittale, antenne corps. Séquence
sarcomes osseux et des métastases présentent une courbe de type I, en écho de spin pondérée en T1 (TR 450 - TE 16). La tumeur (signal iso-intense
beaucoup de tumeurs bénignes hypervascularisées présentent remplaçant le signal graisseux normal) dépasse largement vers le haut les lésions
également des courbes de type I (tumeurs à cellules géantes (fig 44), osseuses visibles sur le cliché simple et atteint la région trochantérienne (profes-
seur P Devred, hôpital de la Timone, Marseille).
kystes anévrismaux primitifs ou secondaires, ostéoblastomes,
granulomes éosinophiles...). De plus, des courbes de type II peuvent
se rencontrer avec des tumeurs malignes de bas grade. Cet échec 46 Skip metastases. Fille de 15 ans. Ostéosarcome os-
souligne encore un peu plus le grand rôle joué par les radiographies téogénique de l’extrémité inférieure du fémur. Imagerie
simples dans le diagnostic entre bénignité et malignité. par résonance magnétique, antenne corps. Séquence en
écho de spin pondérée en T1, coupe sagittale : multiples
¶ Évaluation de l’extension tumorale petites formations rondes, en hyposignal, disséminées
dans la graisse médullaire sur toute la hauteur du fémur
Cette extension est essentiellement le fait des tumeurs malignes et, à au-dessus du niveau lésionnel supérieur.
un degré moindre, de certaines tumeurs bénignes agressives
(tumeurs à cellules géantes). Elle peut être locorégionale intraosseuse
au niveau du canal médullaire et extraosseuse au niveau des parties
molles, et à distance avec des localisations secondaires,
principalement pulmonaires ou osseuses.

Extension locorégionale
L’extension des tumeurs se fait, selon les voies de moindre
résistance, dirigée par les barrières naturelles [7, 9, 31].
47 Extension épiphysaire transconju-
– Le canal médullaire n’offre aucune résistance à la croissance gale d’une tumeur maligne. Fille de
tumorale et l’extension intraosseuse est souvent plus étendue que 10 ans. Ostéosarcome télangiectasique
de l’extrémité supérieure du tibia. Image-
l’extension extraosseuse (fig 45). De petites métastases médullaires rie par résonance magnétique, coupe coro-
peuvent exister au-dessus de la limite supérieure de l’envahissement nale, antenne de surface. Séquence en écho
médullaire (skip metastases) [8] (fig 46). de spin pondérée en T1 (TR 450 - TE 15) :
– Le cartilage de conjugaison a longtemps été considéré comme une la tumeur métaphysaire a franchi le car-
tilage de conjugaison et s’étend à l’épi-
barrière à l’extension tumorale. L’IRM a montré qu’en fait, physe en respectant la plaque sous-
l’envahissement épiphysaire est beaucoup plus fréquent qu’on ne le chondrale articulaire, mais s’étend à
pensait [29] et d’autant plus fréquent que l’on se rapproche de l’âge l’articulation par le système capsuloliga-
de l’épiphysiodèse, au moment où les anastomoses vasculaires se mentaire interne.
créent entre le système épiphysaire et métaphysaire (fig 47).
– Le cartilage articulaire est une barrière certaine bien qu’il puisse
être franchi par certaines tumeurs à cellules géantes. L’envahissement
articulaire se fait le plus souvent par voie capsuloligamentaire (fig 47)
et s’accompagne d’un épanchement intra-articulaire.
– La corticale est une barrière modeste qui peut être rompue en
« boutonnière » ou infiltrée (ostéolyse perméative) [3]. – L’envahissement des tissus mous périosseux se fait :
– Le périoste est une barrière plus efficace qui parvient à contenir – soit par refoulement quand il existe une pseudocapsule
les tumeurs bénignes agressives et les tumeurs malignes de bas péritumorale qui peut correspondre au périoste refoulé (fig 48) ;
grade. Bien qu’il puisse contenir certains sarcomes ostéogéniques, il – soit par infiltration en cas de rupture périostée et d’absence de
est souvent rompu par les tumeurs malignes de haut grade. pseudocapsule. Les trajets vasculaires créent alors des voies de

15
31-480-A-10 Approche diagnostique des tumeurs osseuses Radiodiagnostic

graisseux, désorganisation de la réaction périostée, calcifications ou


éléments ossifiés à distance du foyer tumoral (ostéogenèse
sarcomateuse).
La scintigraphie apprécie l’extension endocanalaire, en la
surévaluant souvent à cause de l’hyperhémie périlésionnelle ; en
revanche, elle méconnaît les skip metastases. Elle analyse très mal
l’extension extraosseuse et elle est incapable de préciser les
compartiments atteints.
La TDM est plus précise : elle permet d’apprécier l’extension
médullaire en prenant la densité à tous les niveaux, ce qui n’est
possible que sur les os à canal médullaire large. La densité est
normalement négative (graisse) et se positive en cas
d’envahissement. Les skip metastases sont volontiers méconnues.
L’extension, au niveau des parties molles, s’apprécie sur les coupes
après injection, en fenêtre de parties molles, mais l’appréciation reste
très difficile à cause de l’isodensité fréquente entre le tissu tumoral
et les parties molles avoisinantes, et de l’effacement des faisceaux
par l’œdème.
L’IRM est aujourd’hui l’examen le plus performant pour répondre à
toutes ces questions [2, 5, 30, 31, 36, 42, 44].
– L’extension endocanalaire s’explore sur une coupe coronale ou
sagittale de l’os touché dans son ensemble, en antenne corps, en
séquences en écho de spin pondérées en T1 (fig 45), où l’hypersignal
graisseux normal est remplacé par un signal hypo- ou iso-intense.
La diffusion de cet hyposignal permet d’apprécier l’extension
48 Extension d’une tumeur maligne aux parties molles avec pseudocapsule. Fille supérieure et inférieure. Les skip metastases , le plus souvent
de 14 ans. Ostéosarcome ostéogénique. Imagerie par résonance magnétique, séquence méconnues en scintigraphie et en TDM, sont également bien mises
en écho de spin pondérée en T1 (TR 60 - TE 25). Coupe coronale en antenne corps en évidence, sous forme de petites formations en hyposignal au sein
et coupe axiale en antenne de surface : tumeur de l’extrémité supérieure du tibia inté-
ressant la diaphyse, la métaphyse et l’épiphyse ; extension aux parties molles.
de l’hypersignal graisseux au-dessus de la limite supérieure de la
La tumeur qui est en isosignal est bien limitée en périphérie par une pseudocapsule en tumeur (fig 46).
hyposignal. Les parties molles adjacentes sont refoulées (docteur D Couanet, institut – L’extension dans les parties molles s’apprécie sur les coupes des
Gustave Roussy, Paris). séquences pondérées en T2 et sur les coupes des séquences
pondérées en T1 après injection de contraste.
La pseudocapsule péritumorale est parfois individualisable sous
forme d’un liseré périlésionnel en hyposignal, persistant sur les
séquences pondérées en T2 (fig 48).
L’extension tumorale se traduit par un hypersignal qui se majore
sur les échos plus tardifs (fig 49) et par une augmentation de
l’intensité du signal après injection de contraste. L’évaluation précise
de l’extension est rendue souvent difficile par la présence de
l’œdème inflammatoire péritumoral qui a tendance, en se
confondant avec la tumeur, d’en faire surestimer l’extension.
La différence entre tumeur et œdème péritumoral repose sur :
– l’analyse morphologique, l’œdème présentant des
prolongements linéaires qui suivent les fascias musculaires
*
A *
B (fig 49B) alors que la tumeur ne les respecte pas (fig 49A). En fait,
49 Extension d’une tumeur maligne avec infiltration des parties molles. Garçon les contours sont souvent mal définis et la distinction est très
de 10 ans. Ostéosarcome ostéogénique de l’extrémité supérieure de l’humérus. Image- difficile avec les données de l’IRM conventionnelle [35] ;
rie par résonance magnétique, coupe axiale en antenne de surface. Séquence en écho – l’IRM dynamique, avec injection de produit de contraste [10, 13, 20,
de spin pondérée en T2 (TR 2 000 - TE 90).
A. Hypersignal péritumoral diffus, traduisant une extension extracompartimen-
35]
, bénéficiant des progrès techniques des machines qui
tale, avec infiltration des muscles. permettent une amélioration de la résolution spatiale et surtout
B. Hypersignal péritumoral dessinant les fascias intermusculaires. du temps d’acquisition sans perte du signal, permet aujourd’hui
de différencier l’œdème de la tumeur et de mieux préciser les
dissémination à travers les fascias intermusculaires, mais surtout limites de l’envahissement. Un temps d’acquisition, inférieur à 3
à travers les barrières principales que constituent les aponévroses secondes par image, apparaît nécessaire pour permettre une
entre les loges musculaires (fig 49A) . Cette possibilité différenciation fiable.
d’envahissement de plusieurs loges sous-tend la notion L’inclinaison de la pente, toujours mesurée à partir du
chirurgicale fondamentale du compartiment [7, 9, 31] . Chaque rehaussement artériel, est, en cas d’œdème, inférieure de 20 % ou
compartiment correspond à une loge musculaire entourée de ses plus à celle de la tumeur ou du muscle infiltré [20].
aponévroses. L’extension est considérée comme intra- L’IRM permet également d’apprécier l’extension articulaire et les
compartimentale quand elle intéresse uniquement la loge rapports vasculaires. Elle donne, par une analyse dans les trois
correspondante à la lésion et comme extracompartimentale quand plans de l’espace, une parfaite évaluation du volume tumoral
elle intéresse une loge différente du site d’origine. total. Elle permet enfin de prendre les mesures de l’os atteint pour
prévoir la prothèse idéale pour la reconstruction.
L’imagerie doit systématiquement apprécier tous ces éléments.
Les clichés simples ne permettent pas d’apprécier l’envahissement Extension à distance
endocanalaire et ne montrent que des signes grossiers La recherche des métastases pulmonaires nécessite un cliché
d’envahissement des parties molles : augmentation de densité, thoracique de face et de profil, mais la TDM est aujourd’hui
refoulement des faisceaux musculaires, effacement des faisceaux systématique dans le bilan initial en cas de tumeur agressive (fig 50),

16
Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses 31-480-A-10

51 Métastases osseuses d’un ostéosarcome ostéogénique


du tibia. Femme de 28 ans. Ostéosarcome de l’extrémité
supérieure du tibia droit : hyperfixation tibiale supérieure
en rapport avec la tumeur ; foyers d’hyperfixation dissé-
minés correspondant à des métastases osseuses.

50 Métastases pulmonaires d’un ostéosarcome ostéogénique. Fille de 9 ans. Ostéo-


sarcome ostéogénique de l’extrémité supérieure du tibia : les radiographies simples
montrent une tumeur condensante agressive de la métaphyse supérieure du tibia ;
l’examen tomodensitométrique des poumons montre des nodules parenchymateux, pé-
riphériques, bilatéraux (professeur P Devred, hôpital de la Timone, Marseille).

car c’est elle qui met le mieux en évidence les métastases et en


particulier les petites localisations pleurales périphériques qui ne se
voient pas sur les clichés simples.
La découverte d’une ou plusieurs opacités arrondies du poumon
n’implique pas systématiquement la malignité : en effet, certaines
tumeurs bénignes (chondroblastome, tumeurs à cellules géantes)
peuvent, surtout après le traitement chirurgical, présenter des greffes
pulmonaires bénignes.
La recherche de métastases osseuses ou de localisations multiples
Décennies
relève de la scintigraphie (fig 51) [14], dont c’est l’utilité principale. Tumeurs malignes
L’hyperfixation n’étant pas spécifique et ne permettant pas, en 1 2 3 4 5 6 7 8 9
particulier, de faire la différence entre lésions bénignes et malignes,
Neuroblastome
il est prudent, surtout chez les patients au-dessus de 60 ans
(fréquence de l’arthrose), d’analyser les zones fixantes en radiologie Sarcome d'Ewing
conventionnelle.
Ostéosarcome ostéogénique
Parmi les maladies susceptibles de donner des localisations osseuses
multiples, seuls l’histiocytose X, le myélome présentent des lésions Fibrosarcome
qui peuvent être isofixantes, et il est encore recommandé, dans ces
Ostéosarcome parostéal
deux cas, de rechercher des lésions multiples par des radiographies
du squelette. Lymphomes
Tumeur maligne à cellules
géantes
Synthèse des données Chondrosarcome
Orientation diagnostique Myélome

Métastases
Une fois l’analyse lésionnelle pratiquée, il faut confronter l’aspect
de lésion avec l’âge et la localisation, essayer d’évaluer la vitesse
80 % des tumeurs Pic de fréquence Âges limites
d’accroissement afin de dégager l’orientation diagnostique la plus
probable, pour pouvoir, après discussion pluridisciplinaire, dégager 52 Répartition des tumeurs malignes en fonction de l’âge (d’après [6]).
la meilleure stratégie thérapeutique.
Les tumeurs malignes ont également une répartition particulière :
l’ostéosarcome et le sarcome d’Ewing surviennent surtout dans la
ÂGE deuxième décennie, et à un degré moindre dans la troisième, alors
L’âge est une notion capitale. Les études épidémiologiques, sur des que les chondrosarcomes se retrouvent pendant les quatrième,
grandes séries rapportées dans les ouvrages de référence [15, 17, 27, 33, cinquième et sixième décennies (fig 52).
39]
, démontrent qu’il existe des pics de fréquence en fonction des Il faut donc, chaque fois que l’on donne une orientation
décennies. diagnostique, vérifier que celle-ci correspond à la tranche d’âge et,
La tumeur à cellules géantes, par exemple, ne se voit pas avant la en cas d’images identiques, orienter vers la lésion qui correspond le
puberté et est très rare avant 18 ans. plus à l’âge.

17
31-480-A-10 Approche diagnostique des tumeurs osseuses Radiodiagnostic

LOCALISATION
%
Nous avons déjà dit que devant la découverte d’une lésion, il faut 40
s’assurer qu’elle est solitaire ou multiple.
Garçons 32
Des lésions multiples orientent vers l’histiocytose X ou le 30 Filles 47
neuroblastome métastatique chez l’enfant et les métastases ou le
Total 79
myélome chez l’adulte. 20
En cas de localisation solitaire :
10
– certaines tumeurs ont une prédilection pour les os plats et les os
courts : chondrosarcome pour le bassin, plasmocytome pour le
0
rachis, les côtes, le sternum, métastases pour le squelette axial... ; 1 2 3 4 5 6 7
Âge en décennies
– certaines tumeurs sont presque exclusivement situées sur des os (d'après Dahlin)

particuliers : adamantinome sur le tibia, chordome sur le sacrum ou 53 Exemple des diagrammes de
le clivus, kyste essentiel sur l’extrémité supérieure de l’humérus et Dalhin [39] : épidémiologie des chondro-
blastomes.
du fémur, hémangiome sur le rachis ou la voûte du crâne... ;
– au niveau des os longs, le siège diaphysaire, métaphysaire ou
épiphysaire donne des orientations diagnostiques. La gamme des
tumeurs épiphysaires montre qu’il peut s’agir d’un
chondroblastome, d’un chondrosarcome à cellules claires, d’une
tumeur à cellules géantes, d’un kyste synovial ou mucoïde ou d’un
abcès. En tenant compte de l’âge, cette gamme se réduit encore
puisque, avant 15 ans, il ne peut plus s’agir que d’un
chondroblastome, ou d’une ostéomyélite circonscrite (abcès de
Brodie).

L’utilisation des données épidémiologiques, en faisant référence à


l’âge et à la localisation, est fondamentale pour l’orientation du
diagnostic. – Si l’on dispose de clichés antérieurs, l’évolution morphologique et
volumétrique peut être directement quantifiée.
Pour cela, il faut toujours faire référence aux ouvrages spécialisés et – Si l’on ne dispose pas de clichés antérieurs, il faut alors tenir
surtout ceux de Unni (Dahlin’s book) [39] et Mirra [27] (fig 53). compte de l’intervalle entre le début de la symptomatologie
Pour chaque type de tumeur, il existe un diagramme de répartition douloureuse et la première consultation et des signes radiologiques
en fonction de l’âge, du sexe et de la localisation. Si l’orientation permettant d’évaluer l’agressivité.
diagnostique proposée ne s’intègre pas dans ces données, elle a
toutes les chances d’être fausse.
Conclusion
VITESSE D’ACROISSEMENT
Au terme de cette analyse qui doit être méthodique et rigoureuse, l’âge
Elle est un autre élément à prendre en compte, une lésion bénigne du patient, la localisation de la lésion sur le squelette, le caractère
étant lentement évolutive alors qu’une lésion maligne est solitaire ou multiple, l’appréciation de l’agressivité de la lésion par
rapidement évolutive. Mais on sait que des tumeurs malignes de l’évaluation de la vitesse d’accroissement et par l’analyse sémiologique,
bas grade peuvent être lentement évolutives et que des lésions une physionomie caractéristique de certaines tumeurs permettent le
bénignes infectieuses ou tumorales (kyste anévrismal, tumeur à plus souvent de donner une orientation diagnostique et de mieux
cellules géantes) peuvent être rapidement évolutives. décider de la stratégie diagnostique et thérapeutique ultérieure.

18
Radiodiagnostic Approche diagnostique des tumeurs osseuses 31-480-A-10

Proposition de stratégie devant la découverte d’une lésion solitaire.


L’approche diagnostique aboutit, en général, à trois situations possibles :
– la lésion est bénigne ;
– la lésion est maligne ;
– la lésion est incertaine.
La lésion est bénigne.
Il faut dans ce cas définir :
– les lésions pour lesquelles il faut éviter la biopsie et établir une surveillance radioclinique simple ;
– les lésions dont il faut confirmer le diagnostic par biopsie ;
– les lésions pour lesquelles il faut réaliser un traitement chirurgical (injection médicamenteuse, traitement percutané, curetage plus ou moins
adjuvant, excision en bloc...).
La lésion est maligne.
Il faut alors, dans un délai rapide, pratiquer un bilan complet qui sera :
– locorégional avec clichés simples et exploration complète par IRM ;
– général avec scintigraphie osseuse, radiographie et TDM pulmonaires.
L’analyse soigneuse de la tumeur, par l’IRM, permet de choisir le ou les territoires qui doivent être biopsiés. Cette biopsie chirurgicale doit être réalisée
par le chirurgien qui effectue la reconstruction en cas de confirmation du diagnostic, afin de ne pas hypothéquer celle-ci par un geste inadapté. La
stratégie thérapeutique est ensuite discutée, en pluridisciplinaire, en fonction du bilan initial et du type histologique de la tumeur.
La nature de la lésion est incertaine.
Cette situation est, malgré nos progrès en imagerie, loin d’être rare et il reste souvent difficile de faire la différence entre une lésion bénigne et maligne.
Dans ce cas, il faut un diagnostic anatomopathologique précis pour décider de la thérapeutique et la biopsie est impérative.
Il faut agir comme s’il s’agissait d’une tumeur maligne afin, là aussi, de ne pas hypothéquer une chirurgie de reconstruction au cas où la tumeur
s’avérerait réellement maligne. Il faut soigneusement explorer ces patients avec tous les moyens dont nous disposons, dans un court espace de temps
et ne réaliser la biopsie qu’après, sans la retarder :
– pour que celle-ci soit mieux dirigée ;
– pour qu’elle ne modifie pas la sémiologie.

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