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Toute référence à cet article doit porter la mention : Philippe J et Loreille JP. Analyse céphalométrique simplifiée. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Odontologie/Stomatologie,
23-455-D-10, 2000, 12 p.
MCP / EMC CM J N
23-455-D-10 Analyse céphalométrique simplifiée Odontologie/Stomatologie
Téléradiographie, élément – la pédagogie : enfin, et cela ne contredit pas les critiques qui sont
exprimées ultérieurement, c’est un moyen pédagogique merveilleux
de l’imagerie qui permet, in vitro, sur un simple cliché ou des clichés successifs,
La téléradiographie de profil du sujet fut pratiquée par Carrea dès de mettre en évidence des phénomènes biologiques trop progressifs
1922. C’est une technique radiologique qui s’est substituée à la pour être perçus in vivo sur un enfant qui grandit.
céphalométrie qu’utilisaient autrefois les anthropologues par des Nous verrons que l’observation de certaines structures permet de
mesures directes sur des crânes fixés dans un « craniophore » pour rapprocher un sujet donné d’un « type » sans même effectuer de
obtenir des projections dans les trois sens de l’espace. mesures. L’analyse typologique la plus utilisée est celle de Bjørk.
La téléradiographie fut inventée très rapidement après la découverte
des rayons X et de la radiologie. Dans une première étape, l’image
CLASSIFICATION DES ANALYSES
du crâne et le contour cutané furent obtenus sur un même film grâce
à un fil de plomb placé sur le profil. Mais bien vite, des artifices Il existe trois sortes d’analyses :
imaginés par les radiologues réunirent sur le même cliché les tissus
– les analyses « typologiques » qui ne nécessitent que peu ou pas de
durs et les parties molles. C’est Broadbent [8], en 1925, qui fit les
mesures ;
premiers essais avec céphalostat, introduisant ainsi la
standardisation des clichés. – les analyses métriques, qui s’appuient sur des mesures linéaires ou
L’installation de téléradiographie est décrite dans l’article 23-455- angulaires ;
E-10 de l’Encyclopédie Médico-chirurgicale. – les analyses structurales ou architecturales et structurales [11, 14], qui
Rappelons qu’elle se compose de trois éléments : permettent d’objectiver et de quantifier les variations d’équilibre et
– le tube radiogène de rayons X ; l’étude des structures osseuses et des tissus mous avoisinants,
superficiels et profonds.
– le céphalostat qui immobilise la tête et assure la constance des
relations tube-sujet-film ;
¶ Analyses typologiques
– le film dans sa cassette et des grilles, filtres, écrans renforçateurs
qui assurent la qualité de l’image. Elles ont pour objectif de classer les individus en fonction de leur
Les constantes utilisées en Europe sont largement respectées : ressemblance vis-à-vis d’un caractère donné avec un sujet « type »
distance foyer du tube radiogène/film : 4 m ; distance plan sagittal présentant à l’extrême ce caractère particulier.
du sujet/film : 15 cm. Avec ces normes, le taux d’agrandissement Ce procédé est critiquable. Si, par exemple, les hommes sont classés
atteint seulement 2 %, ce qui est négligeable, même pour des travaux en petits et en grands, en considérant leur stature, il y a dans les
de recherche. Les orthodontistes américains, moins cartésiens, se grands des plus grands que le type et des grands un peu moins
contentent d’une distance foyer/film de 5 pieds, soit 1,52 m, ce qui grands, donc apparition de sous-types, et dans les sous-types, il y a
ne permet pas des mesures fines, le taux d’agrandissement étant des un peu plus grands, etc, et l’on revient à l’individu.
élevé et assez différent pour le côté droit et pour le côté gauche. Il Une typologie reste cependant un moyen simple de classification.
est rappelé ici que le côté gauche du sujet est, par convention, celui
La typologie de Bjørk est la plus répandue. Elle est fondée sur
qui est mesuré.
l’observation simple que les sujets qui possèdent une forte
La céphalométrie consiste à mesurer des distances entre des structures musculature et un tonus important des muscles élévateurs de la
osseuses ou des points de repères bien définis sur ces mandibule présentent une mandibule de forme « carrée », traduisant
téléradiographies standardisées. C’est une démarche biométrique. l’action de cette musculature. Au contraire, si l’action des muscles
L’analyse céphalométrique est l’interprétation des informations que ces abaisseurs est prédominante, la mandibule présente une forme
mesures fournissent. Elles peuvent être métriques, exprimées en différente traduisant une action musculaire dominante vers le bas,
millimètres et dépendent alors de la taille des différents sujets. Cet provoquant une sorte de flexion de la mandibule vers le bas.
écueil peut être contourné en établissant des rapports ; ces mesures
La technique des implants a été utilisée par l’auteur pour créer un
peuvent être angulaires, exprimées en degrés d’arc, et sont donc
référentiel indépendant de superpositions. Des implants métalliques,
indépendantes de la taille de différents sujets. L’analyse est une
donc radio-opaques, ont été placés par percussion dans la corticale
démarche intellectuelle.
osseuse en différents points et dans des zones connues pour se
L’analyse céphalométrique est principalement un instrument de remodeler très peu. En se servant de ces repères, Bjørk a décrit deux
diagnostic pour l’orthodontiste qui va identifier le siège et la nature « types » de croissance : la rotation antérieure et la rotation
des anomalies, en se référant à des normes, établies sur des postérieure.
échantillons de sujets plus ou moins nombreux qui répondent
rarement aux critères des lois statistiques, qui stipulent que cette La figure 1A, B illustre la typologie de Bjørk, le tableau I, le tableau
population devrait être panmictique, c’est-à-dire que les unions des caractères déterminants.
devraient être dues au hasard et d’effectif infini, ou composées d’un Malgré les critiques formulées, l’analyse typologique de Bjørk
très grand nombre de sujets. Ce recours à des « normes » est critiqué permet d’orienter la thérapeutique, soit vers la recherche de
dans cet article. traitement sans extractions dentaires (rotation antérieure) ou
L’analyse céphalométrique est aussi la source d’une démarche s’accommodant d’extractions (rotation postérieure). Cette interaction
intellectuelle qui va conduire à des objectifs de traitement pour thérapeutique-analyse est objectivée plus loin.
parvenir à rapprocher autant que possible un patient des normes de La terminologie de Bjørk mérite d’être correctement interprétée : le
la population dont il est issu par un moyen assez simple dans son mot « rotation » doit être compris comme modification de la forme
principe : soit inhiber la croissance d’une structure anatomique, soit de la mandibule au cours de la croissance. Cette rotation est donc
la stimuler par divers moyens pour retrouver une harmonie exclusivement de forme et n’est pas un mouvement.
morphologique et fonctionnelle.
– La recherche : l’analyse céphalométrique a été et reste un ¶ Analyses métriques
instrument de recherche qui a permis de comprendre les interactions
Ces analyses comportent des mesures linéaires et angulaires,
de la croissance de la base du crâne et de la face, de faire une étude
certaines des rapports.
précise du mode et du rythme du développement craniocéphalique,
de suivre l’évolution des anomalies, et aussi de vérifier les résultats
Analyse de profil
thérapeutiques en les quantifiant. La quantification, qui implique des
mesures, est une approche plus scientifique que la description ou Avant d’en faire la critique, il convient de rappeler les principes
l’« appréciation » ; d’une analyse classique simple.
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*
A
I
*
B
1 A. Schéma facial caractéristique de la typologie de Bjørk, type rotation antérieure.
H
B. Schéma facial caractéristique de la typologie de Bjørk, type rotation postérieure.
C. Indice facial, rapport de la hauteur à la largeur de la face. 1. Point nasion ; 2. largeur bizygomatique maximale ;
3. hauteur faciale N-Me ; 4. point menton.
*
C
4 Échancrure préangulaire Bord inférieur de la mandibule en « rocking chair » Existence d’une échancrure préangulaire
7 Angle postérieur entre les axes des dents de 6 ans > 180° < 180°
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7 Largeur intercanine mandibulaire mesurée de pointe 22,5 mm ±1 3 ans : 25 mm-13 ans : 26 mm convergence, puis divergence
à pointe cuspide 8 ans des couronnes
Le plan sagittal médian passe par l’apophyse crista galli et il est perpendiculaire à l’horizontale bizygomatique.
4 Analyse axiale.
A. Mandibule symétrique : le triangle construit entre les
têtes des condyles et le point interincisif mandibulaire est
isocèle.
B. Mandibule asymétrique : le triangle n’est plus isocèle.
*
B
*
A
Normes. Les trois principales permettent : des problèmes chez des sujets incapables de défléchir leur tête en
– de mesurer la largeur nasale ; arrière en raison de la brièveté de leur cou ou leur embonpoint. Elle
est donc assez peu pratiquée, bien qu’elle donne une excellente
– la relation maxillomandibulaire à droite et à gauche, donc de
image en projection de la mandibule (fig 4A, B). Les deux incidences
quantifier l’asymétrie ;
classiques sont celles de Berger [2], subaxiale, et de Bouvet [7], qui se
– de noter la déviation du point M à droite ou à gauche du plan situent topographiquement de part et d’autre de l’incidence
sagittal. classique de Hirtz.
Il est également possible de déceler une inclinaison du plan Un triangle ayant pour base des points choisis sur les têtes des
d’occlusion par rapport à la référence horizontale, inclinaison condyles mandibulaires et pour sommet le point interincisif
invisible sur le cliché de profil (tableau II).
mandibulaire, est isocèle si la mandibule est symétrique, il ne l’est
Ces normes métriques sont critiquables, mais il est vrai que le simple pas si la mandibule est asymétrique (fig 4B).
examen du cliché permet de constater la présence de déviation de la
cloison nasale, l’obstruction nasale par asymétrie, et même, toujours Ces trois analyses étant décrites sommairement, il est nécessaire
sans mesure, la position des structures osseuses et leur centrage. d’indiquer les critiques qui s’imposent.
Analyse axiale
CRITIQUE DE L’ANALYSE CÉPHALOMÉTRIQUE
Elle requiert une installation radiologique puissante afin que le
rayonnement X soit assez pénétrant pour traverser la hauteur de la Les critiques que l’on peut porter aux analyses céphalométriques
tête du vertex au menton. Techniquement, elle pose assez souvent sont de deux ordres : les unes sont d’ordre pratique et concernent
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les mesures dont le nombre s’est multiplié à l’excès, les autres sont
d’ordre théorique et visent les utilisations à but diagnostique et
thérapeutique des analyses.
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12 La valeur de l’angle
ANB est influencée par la
position du point N, indé-
pendamment du rapport
des bases maxillaires
qu’il est censé exprimer
(d’après [3]).
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16 Angle SN/plan mandibulaire proposé par Schudy [29] pour caractériser le type
de face dans le sens vertical.
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d’occlusion des arcades dentaires ; or cette notion est très classiquement Ainsi, le praticien, à partir de cinq mesures céphalométriques et de la
apportée par la classification d’Angle. Son usage est si répandu qu’il est classification d’Angle, semble disposer d’un mode de description de la
apparu inutile de recréer une nouvelle typologie. Il suffit d’établir une face et de la denture qui, bien que sommaire, paraît plus complet et plus
relation entre la position des arcades et les structures de la face pour réaliste que les indications fragmentaires dont il devait se contenter
donner une cohérence à cet ensemble descriptif. jusqu’à présent.
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