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Maquette de couverture : Misteratomic

© Dunod, 2018
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-077503-3
Sommaire

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Remerciements VII

Introduction 1

Partie 1
Vers une économie circulaire 3

Chapitre 1  n  Les limites de l’économie linéaire 5

Chapitre 2  n  Les enjeux de l’économie circulaire 23

Partie 2
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les business models de l’économie circulaire 53

Chapitre 3  n  Le recyclage des matières en boucle longue 55

Chapitre 4  n  Le recyclage des matières en boucle courte 89

Chapitre 5  n  L’exploitation de symbioses industrielles 101

Chapitre 6  n  Le prolongement de la durée de vie d’un produit 111

V
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Chapitre 7  n  La vente de l’usage d’un produit 137

Chapitre 8  n  Le partage de l’utilisation d’un produit 153

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Partie 3
Feuille de route pour une économie circulaire 167

Chapitre 9  n  Quelles stratégies pour les entreprises ? 169

Chapitre 10  n  Quelles stratégies pour les territoires ? 193

Conclusion 215

Index 217

VI
Remerciements

J www.scholarvox.com:None:1497476625:88852369:105.66.129.125:1613124871
e remercie tous ceux qui ont contribué à la rédaction de ce livre et,
en particulier, Laurent Auguste (Veolia), Fabrice Bonnifet (Bouygues),
Jean-Philippe Hermine (Renault), François-Michel Lambert (Institut de
l’économie circulaire), Robert Metzke (Philips), Hervé Montaigu (SEB),
Angela Nahikian (Steelcase), Henry Saint Bris (Suez), Julie Robert, Sara
Pereira et Chloé Schiltz des éditions Dunod.
Je remercie aussi Maya et Paolo qui m’ont accompagné tout au long de
l’écriture de cet ouvrage.
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

VII
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À Maya, pour Paolo.
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Introduction

L www.scholarvox.com:None:1497476625:88852369:105.66.129.125:1613124871
a consommation des ressources naturelles, très faible pendant
3,8 milliards d’années, a connu une croissance exponentielle depuis
la Révolution industrielle. Cette croissance se poursuit encore
aujourd’hui. L’extraction de matières premières par habitant a augmenté
de sept à dix tonnes entre 1970 et 2000.
Progressivement, les réserves des ressources naturelles diminuent et certaines
d’entre elles s’épuisent. Les réserves en eau, si rien n’est fait, ne couvriront
que 70 % de la demande en 2030. Les réserves disponibles en sol arable
seraient seulement de 60 ans. Certains métaux, comme l’europium qui est
utilisé dans la fabrication des smartphones, présentent un risque élevé de
pénurie. La raréfaction des ressources devient l’un des plus importants défis
auquel l’humanité va devoir faire face.
Les stratégies d’utilisation efficace des ressources tardent cependant à être
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

mises en œuvre. Les acteurs économiques préfèrent optimiser le modèle


peu performant «  extraire, fabriquer, utiliser puis jeter  » de l’économie
linéaire plutôt que d’adopter de nouveaux modèles. Ainsi, un tiers de la
production alimentaire destinée à la consommation humaine dans le
monde est perdue ou gaspillée. Seuls 6 % des matériaux qui circulent dans
l’économie sont recyclés. Parmi les plus de 140 000 produits chimiques mis
sur le marché, nombre d’entre eux ne sont pas recyclables et, quand ils le
sont, ne disposent pas de filières de recyclage. De nombreux métaux, en
dépit de leur quantité limitée et de leur coût d’exploitation très élevé, ne
sont utilisés qu’une seule fois.

1
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Pourtant, des pionniers ont démontré que d’autres modèles, utilisant plus
efficacement les ressources, étaient possibles : les modèles de l’économie
circulaire. La ville d’Amsterdam produit de l’engrais grâce à ses eaux usées.
Covestro a développé un procédé de fabrication du plastique à partir
de CO2. Novamont produit des emballages en plastique compostables.

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Delta Development Group construit les immeubles de bureau comme des
banques de matériaux. Atlas Copco vend à ses clients de l’air comprimé au
mètre cube plutôt que des compresseurs. SKF prolonge la durée de vie de
ses roulements à billes en détectant les pannes avant qu’elles ne surviennent.
Les acteurs économiques doivent à présent, soutenus par des pouvoirs
publics, entreprendre ou accélérer leur transition vers l’économie
circulaire. Cette transition sera probablement difficile. Pendant plus
d’un siècle, les produits, les procédés industriels, les règlementations et
les fiscalités ont été optimisés pour l’économie linéaire. Par exemple,
les énergies fossiles sont subventionnées à hauteur de 5,3 milliards de
milliards de dollars, soit 6,5 % du PIB mondial, pour rester compétitives.1
Mais cette transition est indispensable.
Cet ouvrage propose d’accompagner les entreprises et les territoires
dans leur transition vers l’économie circulaire. Il est organisé en trois
parties :
•  La première présente les limites de l’économie linéaire et les enjeux de
l’économie circulaire.
•  La deuxième décrit les six principaux business models de l’économie
circulaire.
•  Enfin, la troisième propose une feuille de route pour les entreprises et
les territoires qui veulent entreprendre une transition vers l’économie
circulaire.
L’économie circulaire représente une formidable opportunité, non
seulement environnementale mais aussi économique et sociale. C’est ce
que cet ouvrage va s’efforcer de montrer.

1  World Development.

2
Partie 1

Vers

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une économie
circulaire

D
ans une économie linéaire, les acteurs économiques
consomment des matières premières comme si elles
étaient inépuisables. Ils fabriquent des produits sans payer
les coûts de la pollution. Ils vendent à des clients qui n’en ont
pas forcément besoin des produits qui deviendront rapidement
obsolètes. Enfin, ils ne récupèrent pas la valeur souvent élevée des
produits qui ont atteint leur fin de vie.

L’économie linéaire n’est pas viable. Elle montre déjà de


nombreuses limites. La transition vers une économie circulaire,
plus durable, est aujourd’hui nécessaire.
4
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Chapitre 1

Les limites

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de l’économie linéaire

Executive summary

 L’économie circulaire est héritée de la Révolution


industrielle.
 Elle repose sur l’extraction, la transformation, l’utilisation,
puis l’élimination des ressources.
 Mais l’économie linéaire est-elle durable ? Est-il
encore possible de n’utiliser qu’une seule fois les métaux,
de ne pas recycler l’eau ou de gaspiller le phosphore ou
l’azote ?

5
1  Vers une économie circulaire

P
endant 3,8  milliards d’années, la terre n’a produit aucun
déchet. Elle a géré dans des cycles fermés les ressources indis-
pensables à la vie, comme l’eau, l’azote, le carbone ou encore
le phosphore. Les premiers hommes, apparus il y a environ 2,5 mil-
lions d’années, bouleversèrent peu ces cycles naturels. Ils utilisaient

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et réutilisaient avec sobriété des ressources auxquelles ils avaient un
accès limité. Ils réutilisaient les déchets alimentaires comme alimen-
tation pour les animaux. Ils réparaient les outils et ustensiles qui
étaient souvent transmis de génération en génération. Ils apprirent
à recycler les métaux, 1200 avant J.-C., et à extraire la cellulose des
chiffons pour fabriquer du papier, au iie  siècle. Au Moyen Âge, ils
utilisèrent les matériaux issus de ruines romaines pour construire de
nouveaux bâtiments médiévaux.
Mais l’apparition d’énergies bon marché, le charbon d’abord, le
pétrole ensuite, donna accès, à faible coût, à de nombreuses res-
sources. Le charbon, grâce aux fourneaux à coke, permis de produire
à bas coût de grandes quantités d’acier. Il fit également fonctionner
des machines à vapeur dans les mines, les usines ou les locomotives.
Au Royaume-Uni ou en France, d’importants secteurs industriels
virent le jour comme la sidérurgie ou la construction mécanique.
Avec l’industrialisation, les populations se regroupèrent dans les
villes, favorisant la consommation de biens mais aussi la produc-
tion de déchets.
Le modèle économique reposait sur une utilisation sans limite
des ressources. Il consommait de grandes quantités de matières pre-
mières et produisait d’importantes quantités de déchets. Depuis, ce
modèle n’a jamais cessé de se développer. Si en 1970 sept tonnes de
matières premières étaient extraites par habitant, 30 ans plus tard ce
chiffre s’élevait à dix tonnes.1

1  Programme des Nations Unies pour l’environnement.

6
Les limites de l’économie linéaire

Qu’est-ce que l’économie linéaire ?


L’économie actuelle est ainsi basée sur le modèle linéaire « extraire,
fabriquer, utiliser puis jeter  » qui consomme des ressources natu-
relles et de l’énergie pour fabriquer des produits qui deviendront, en

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fin de compte, des déchets (voir figure 1.1).

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Ressources Déchets
Figure 1.1 – Le flux des matériaux, des composants et des produits dans
une économie linéaire

1.  Les matières premières sont d’abord extraites ou récoltées. Du


minerai de fer est extrait des mines pour être transformé en fer.
Du pétrole est extrait des gisements d’hydrocarbures. Du blé est
récolté dans des exploitations agricoles.
2.  Les matières premières sont ensuite utilisées pour fabriquer des
pièces. Le fer est utilisé dans la fabrication de pièces métalliques,
le pétrole dans celle de pièces en plastique, le blé dans celle de
farine.
3.  Les pièces sont ensuite assemblées en composants. Des films
plastiques sont assemblés entre eux pour fabriquer des emballages
multicouches. La farine est mélangée à de l’eau et de la levure
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

pour fabriquer de la pâte à pain.


4.  À leur tour, les composants sont assemblés entre eux pour fabri-
quer des produits comme des téléphones portables, des machines
à laver ou encore des produits alimentaires.
5.  Les produits sont distribués dans des points de vente ou vendus
en ligne.
6.  Le produit est alors acheté puis utilisé par un client.
7.  Arrivé en fin d’usage ou en fin de vie, le produit est, le plus sou-
vent, jeté.

7
1  Vers une économie circulaire

De l’énergie est consommée à chacune de ces étapes, de l’extrac-


tion des matières premières à la mise en décharge du produit.
Dans une économie linéaire, la production, la distribution puis
l’utilisation d’un produit, même d’un simple tee-shirt (voir enca-
dré), consomme beaucoup de ressources et d’énergie et génère de

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nombreux déchets et émissions polluantes.

Quel est le cycle de vie d’un tee-shirt ?


Un tee-shirt est fabriqué à partir de pétrole ou de coton. L’extraction du
pétrole est une activité polluante. La production du coton l’est également.
Si elle ne couvre que 2,4 % des terres arables, elle consomme à elle seule
24 % des insecticides et 11 % des herbicides utilisés dans le monde.1
Le coton est utilisé dans la fabrication de fibres naturelles, le pétrole dans
celle de fibres synthétiques comme le polyester. Les fibres, par filage,
sont transformées en fils.
Les fils sont tissés pour fabriquer du tissu. Le tissu est ennobli : teinture,
impression, apprêtage, enduction,  etc. L’ennoblissement consomme
d’importantes quantités d’eau pour le lavage, le rinçage ou l’application
de colorants et de produits d’apprêt. Au total, la fabrication d’un tee-
shirt consomme 2 700 litres d’eau.2 Ces traitements utilisent également
de nombreux produits chimiques comme des colorants, des pigments
ou des acides. Une partie de ces produits est rejetée dans les effluents.
L’industrie textile est responsable de la pollution de l’eau à hauteur de
21 % en Chine, 44 % au Maroc et jusqu’à 94 % au Lesotho.3 La fabrica-
tion du tissu est également responsable d’importantes émissions de gaz
à effet de serre : 23 kg de gaz à effet de serre par kg de tissu.4
Les tissus sont découpés puis assemblés pour fabriquer un tee-shirt. Les
chutes de tissu, par exemple, peuvent être la cause d’importantes pertes
de matière. L’industrie du textile au Royaume-Uni perd près d’un tiers de

1  WWF.
la matière tout au long du procédé de fabrication des vêtements.5
...
2  WWF.
3  World Bank.
4  McKinsey.
5  WRAP.

8
Les limites de l’économie linéaire

... Le tee-shirt est livré dans un point de vente en parcourant souvent de


nombreux kilomètres. Du champ de coton au point de vente, un jean
peut parcourir jusqu’à une fois et demie le tour de la terre.1
Le tee-shirt est ensuite vendu puis utilisé. Durant son utilisation, il conti-
nuera à être une source de pollution. Par exemple certains vêtements

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en fibre synthétique, les polaires par exemple, libèrent lors de leur
lavage des microfibres qui ne sont pas toujours filtrées par les stations
de traitement des eaux et qui finissent dans les océans. Un lavage en
machine de 6 kg de linge peut libérer plus de 700 000 fibres.2 Mais il est
également possible que le tee-shirt reste inutilisé dans un tiroir. 30 %
des vêtements dans les dressings du Royaume-Uni seraient inutilisés
depuis plus d’un an.3
Enfin, arrivé en fin d’usage, le tee-shirt, peut-être encore en bon état,
sera probablement jeté. Les vêtements usagés représentent à eux seuls
près de 8 % des déchets urbains solides aux États-Unis.
Consommer de très importantes quantités d’eau, une ressource critique,
et générer d’importantes quantités de déchets, souvent toxiques, pour
fabriquer un tee-shirt dont les clients n’auront peut-être pas besoin ne
peut pas être viable.

Dans une économie linéaire, les ressources sont extraites, trans-


formées, utilisées puis jetées d’une façon souvent très préjudiciable
pour l’environnement.

Extraire
L’économie s’est appuyée pendant des décennies sur une utilisa-
tion sans limite des ressources. Mais aujourd’hui, des ressources cri-
tiques, comme l’eau, les sols ou les nutriments se raréfient tandis
que d’autres, comme les métaux, sont gaspillées.

1  ADEME.
2  Marine Pollution Bulletin.
3  WRAP.

9
1  Vers une économie circulaire

Des réserves en eau insuffisantes


pour répondre à la demande
95 % des réserves liquides d’eau douce sont stockés dans les nappes
phréatiques.1 Mais, bien que l’eau soit une ressource naturelle

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renouvelable, ces réserves, gaspillées et polluées, s’épuisent plus vite
qu’elles ne se reconstituent.
Trop souvent, l’eau douce est gaspillée. En France, les 856 000 kilo-
mètres de réseaux de distribution d’eau potable présentent des pertes
par fuite de 25 % en moyenne et ces pertes peuvent atteindre 40 %
par endroits.2 En Europe, seulement 35 % de l’eau utilisée pour l’irri-
gation des cultures agricoles est consommé par les plantes.3
L’eau est également polluée. Aux États-Unis, l’exploitation du gaz
de schiste par fracturation hydraulique a pollué la nappe phréatique de
l’État du Wyoming.4 Dans les pays d’Amérique Latine, 80 % des eaux
usées sont rejetées dans l’environnement sans traitements appropriés.5
Avec une augmentation annuelle de 2  % de la consommation
d’eau, la raréfaction des ressources en eau risque de s’aggraver.6 Près
de 1,8 milliard de personnes vivront en 2025 dans des régions ou
des pays qui connaîtront une pénurie d’eau absolue. D’ici 2030, si
rien n’est fait, les besoins en eau devraient excéder les réserves dis-
ponibles de 40 %.7
La pénurie d’eau potable est l’un des risques présentant l’impact
le plus élevé auquel sera confrontée la planète dans les années à
venir.8 En particulier, la réduction des ressources en eau pourra
mettre en péril l’agriculture qui consomme, à elle seule, 70 % des
prélèvements en eau.

1  World Economic Forum.


2  Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer.
3  Fondation Ellen MacArthur.
4  Scientific American.
5  Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau.
6  ING.
7  Banque Mondiale.
8  World Economic Forum.

10
Les limites de l’économie linéaire

Des terres cultivables dont un tiers déjà est dégradé


Constitués de minéraux, d’eau, d’air et de matières organiques, les
sols fournissent 95 % de notre alimentation.1 Ils stockent de grandes
quantités de carbone, et contribuent à réguler les émissions de CO2

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et autres gaz à effet de serre. Ils filtrent des dizaines de milliers de
km3 d’eau chaque jour.
Les sols sont une ressource renouvelable. Mais, comme l’eau, leurs
réserves sont consommées plus rapidement qu’elles ne se reconsti-
tuent. 33 % des terres cultivables sont déjà dégradées.2 Or un millier
d’années peut être nécessaire pour reconstituer un sol arable de seu-
lement deux à trois centimètres.3 Certains experts estimeraient que
la réserve de sol arable disponible serait seulement de 60 ans.4
L’urbanisation est l’un des responsables de cette dégradation.
Toutes les heures, les villes européennes envahissent 100  000  m2
de terres arables supplémentaires.5 Chaque année, la terre perd une
surface du sol équivalente à celle du Costa Rica.6 L’agriculture inten-
sive est un autre responsable. Elle pollue les sols par l’usage excessif
d’engrais chimiques, les tasse par l’utilisation d’équipements et les
appauvrit en nutriments par une culture intensive.
À cause de la dégradation des sols, la croissance de la productivité
agricole est en baisse dans le monde. Elle est passée de 2,5 % par an
dans les années 1970 à 1,3 % dans les années 2000 et 0,9 en 2010
en dépit de l’augmentation de l’utilisation d’intrants.7 À l’horizon
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

2050, la dégradation des sols pourrait entraîner une réduction de la


production de riz de 11 %, de maïs de 19 % et de soja de 28 %.8

1  Food and Agriculture Organization.


2  Food and Agriculture Organization.
3  Food and Agriculture Organization.
4  Food and Agriculutre Organization.
5  Food and Agriculture Organization.
6  Food and Agriculture Organization.
7  Fondation Ellen MacArhur.
8  Food and Agriculture Organization.

11
1  Vers une économie circulaire

Pourtant la production agricole devra augmenter de 60 % globa-


lement et de près de 100 % dans les pays en développement afin de
répondre à la seule demande alimentaire.1

Des nutriments indispensables à la vie gaspillés

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Les nutriments contenus dans le sol, comme le phosphore ou
l’azote, sont indispensables à la production alimentaire et donc à la
vie. La production alimentaire, réalisée en zone rurale, est achemi-
née dans les zones urbaines pour être consommée. Aussi, après avoir
été absorbés par les plantes, les nutriments se retrouvent dans les
déchets ménagers et les eaux usées des villes. Là, ils sont rarement
récupérés pour être retournés au sol. En Europe, 70 % du phosphate
qui se retrouve dans les eaux usées et les déchets alimentaires n’est
pas récupéré.2 À Paris, le recyclage de l’azote issu de l’alimentation
a chuté de 40 % en 1900 à seulement 5 % en 2000.3 Le plus souvent
les déchets organiques sont incinérés. Principalement composés
d’eau, ils génèrent une énergie limitée. En se développant, les villes
ont mis fin aux cycles naturels du phosphore et de l’azote.
Les sols qui contiennent de faibles quantités de phosphore
peuvent être enrichis à l’aide d’engrais phosphatés. Ces engrais sont
produits à partir des roches de phosphate. Dans les pays développés,
les engrais phosphatés sont souvent utilisés de façon excessive et
moins de 30 % des engrais sont absorbés par les plantes. Une part de
l’excédent de phosphore s’infiltre alors dans les nappes phréatiques,
pollue les rivières et cause l’eutrophisation des lacs et des océans
au lieu de retourner au sol. Paradoxalement, bien que les engrais
phosphatés soient surutilisés dans de nombreux pays, la roche
phosphatée a des réserves non seulement limitées dans le temps,
quelques centaines d’années, mais très inégalement réparties dans
l’espace. 70 % des réserves de phosphate, de bonne qualité et facile-

1  FAO.
2  Fondation Ellen MacArhur.
3  Fondation Ellen MacArthur.

12
Les limites de l’économie linéaire

ment accessibles, sont situées au Maroc. Au cours des sept dernières


années, le prix de la roche phosphatée a fluctué de 800 %. Ce prix
pourrait croître de façon exponentielle durant les 20 prochaines
années.1 La roche phosphatée est l’une des 20 matières premières
critiques identifiées par la Commission européenne.2

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Si l’azote existe en quantité très limitée dans la nature, le procédé
Haber-Bosch permet de produire de l’engrais azoté synthétique. La
production industrielle d’engrais azoté synthétique permit d’aug-
menter significativement la productivité des exploitations agricoles.
Bon marché, l’engrais azoté a été surutilisé tandis que son rende-
ment n’est pas élevé. En Europe, entre 40 et 70 % des engrais azotés
utilisés pour la culture des céréales sont perdus dans l’atmosphère
ou l’hydrosphère.3 Ces pertes ont un impact important sur la santé
et l’environnement : perte de biodiversité, eutrophisation des eaux
et des sols, pollution de l’eau potable, acidification, émissions de
gaz à effet de serre, risques pour la santé humaine par l’exposition à
l’azote oxydé, etc. Le coût sur l’environnement du total des pertes
d’azote en Europe est estimé entre 70 et 320 milliards d’euros, dépas-
sant les bénéfices directs dans l’agriculture.4

Des métaux qui ne sont utilisés qu’une seule fois


Il aura fallu des millions d’années pour constituer les réserves miné-
rales de la Terre. Si rien n’est fait, quelques centaines d’années
suffiront, au total, pour les épuiser. Depuis le début du siècle der-
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nier, l’industrie minière exploite de façon exponentielle les grands


métaux comme l’aluminium (voir figure 1.2), le cuivre, le titane ou
encore le chrome et les métaux rares comme l’or ou les métaux du
groupe du platine.

1  Nutrient Cycling in Agroecosystems.


2  Commission européenne.
3  European Nitrogen Assessment.
4  European Nitrogen Assessment.

13
1  Vers une économie circulaire

Millions
de tonnes
50

40

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30

20

10

0 Année
1 2012

Figure  1.2 –  L’évolution de la production d’aluminium depuis le début


de l’ère chrétienne1

Les métaux seraient recyclables à l’infini. Mais la réalité est toute


autre. Par exemple, sur 100 tonnes de nickel extraites du sol, 82 tonnes
sont effectivement utilisées en fabrication, 65 tonnes sont collectées
pour recyclage une fois les produits arrivés en fin de vie et seulement
52 tonnes sont recyclées fonctionnellement en nickel.2 Même avec un
taux de recyclage de 52 %, le nickel est perdu au bout de seulement
quelques cycles et le recyclage à l’infini des métaux une légende.
De plus, en dépit de leur quantité limitée et de leur coût d’ex-
ploitation très élevé, de nombreux métaux ne sont utilisés qu’une
seule fois. Le taux de recyclage du tungstène, du mercure ou de l’iri-
dium est inférieur à 50 %.3 Celui de certains métaux rares, comme le
­tantale, le lithium ou l’indium, est même inférieur à 1 %.4 Certains
métaux sont utilisés dans des produits à faible durée de vie et à usage
dispersif qui interdisent le recyclage : le titane comme pigment dans
le dentifrice, le cobalt comme colorant pour le verre ou encore le
zinc dans les cosmétiques.

1 United States Geological Survey.


2  Science.
3  ONU Environnement.
4  Idem.

14
Les limites de l’économie linéaire

Les réserves de nombreux métaux seront suffisantes pour cou-


vrir les besoins à court terme. Toutefois le coût environnemental et
économique de leur extraction sera de plus en plus élevé. En effet la
densité en métaux des minerais est en diminution : il faut extraire
50  % de plus de minerai de cuivre qu’au milieu des années 1990

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pour obtenir la même quantité de cuivre.1 Pour d’autres métaux, les
risques de pénurie sont élevés. Par exemple la plupart des 50 maté-
riaux nécessaires à la fabrication d’un smartphone sont des métaux
rares comme l’europium, le dysprosium et le thulium.

Fabriquer
Une entreprise ne paie pas le coût des conséquences externes néga-
tives, appelées externalités négatives, dont son activité est responsable.
Par exemple un industriel ne paie pas le coût pour l’environnement
de ses émissions de gaz à effet de serre. Pourtant ces coûts sont très
élevés. De nombreuses industries des secteurs de la production et de la
transformation primaire, comme la production de ciment, d’engrais
synthétiques, de carton, de fer et d’acier ou de blé, seraient en fail-
lite si elles devaient supporter le coût des externalités négatives. Par
exesmple, le coût de l’impact sur l’environnement de la culture du
coton au Pakistan est 120 fois plus élevé que le revenu qu’il génère.2
Beaucoup d’entreprises n’utilisent pas de façon toujours très effi-
ciente les ressources dont elles ne paient pas tous les coûts. Elles
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ont souvent préféré investir dans l’amélioration de la productivité


du travail. Aux États-Unis par exemple, la productivité du travail a
triplé entre les années 1950 et 2000 tandis que celle des matières ou
de l’énergie a peu évolué.
Aussi, de nombreuses ressources sont perdues ou gaspillées le
long des supply chains. Par exemple le taux de rendement du pro-
cédé de conversion d’oxyde de cobalt en cobalt est de seulement

1  Barclays Capital.
2  Trucost.

15
1  Vers une économie circulaire

50  à  70  %.1 Le taux de rebut du procédé de pulvérisation du sili-


cium pour la fabrication de plaquettes de silicium s’élève à 50 %.2
Un tiers de la production alimentaire destinée à la consommation
humaine dans le monde est perdu ou gaspillée, ce qui représente envi-
ron 1,3 milliard de tonnes par an. Du stade initial de la production agri-

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cole jusqu’au stade final de la consommation des ménages, des pertes et
gaspillages sont constatés tout au long de la chaîne alimentaire.3

Consommer
Les entreprises ne gagnent pas toujours à fabriquer et vendre des
produits durables. Les clients préfèrent souvent acheter des produits
à bas coût et ne sont pas toujours regardants, lors de l’achat, sur la
durée de vie du produit et son coût total de possession. Les entre-
prises, quant à elles, peuvent tirer un bénéfice à vendre des produits
qui deviendront rapidement obsolètes.
Parmi les différentes formes d’obsolescence délibérée (voir enca-
dré), l’obsolescence programmée est sans doute la plus connue, mais
c’est peut-être aussi la moins utilisée. Les autres formes d’obsoles-
cence, moins médiatisées, sont tout aussi efficaces pour inciter les
clients à renouveler leurs produits.

Qu’est-ce que l’obsolescence délibérée ?


L’obsolescence délibérée permet à un fabricant de rendre un produit
obsolète de façon intentionnelle et d’inciter à son renouvellement. Un
produit obsolète désigne un produit qui ne répond plus aux besoins de
son usager. Dans son ouvrage Made to Break : Technology and Obsoles-
cence in America, Giles Slade définit trois formes d’obsolescence délibé-

...
rée : technologique, psychologique et programmée.

1  MIT Press.
2  MIT Press.
3  FAO.

16
Les limites de l’économie linéaire

... L’obsolescence technologique consiste à apporter une innovation


technologique au produit pour inciter les clients à l’acheter. Les fabri-
cants d’ordinateurs ou de téléphones portables, par exemple, utilisent
l’obsolescence technologique pour augmenter leurs ventes. En par-
tie pour cette raison, chaque jour, les Américains se débarrassent de

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142 000 ordinateurs et 416 000 téléphones portables. Le passage à la
télévision numérique terrestre (TNT) a rendu obsolète les téléviseurs à
tubes cathodiques qui auraient nécessité un boîtier complémentaire
pour fonctionner, mais sque les usagers ont préféré échanger contre des
téléviseurs à écran plat, arrivés peu avant sur le marché.
L’obsolescence psychologique désigne le mécanisme qui consiste à
changer le style d’un produit afin d’inciter les consommateurs à effec-
tuer des achats répétitifs. L’industrie de la mode utilise l’obsolescence
psychologique pour inciter ses clients à acheter de nouveaux vêtements.
L’obsolescence programmée désigne l’ensemble des techniques utilisées
pour limiter artificiellement la durabilité d’un bien manufacturé afin de
stimuler une consommation répétitive. Elle peut être mise en œuvre par
exemple en concevant un produit pour une durée de vie limitée ou qui
ne peut pas être réparé facilement. Le terme obsolescence programmée
est apparu pour la première fois en 1932 dans l’ouvrage d’un auteur
américain, Bernard London : Ending the Depression Through Planned Obso-
lescence. Vance Packard fut le premier à dénoncer les méfaits de l’obso-
lescence délibérée dans son ouvrage, The Waste Makers, publié en 1960.

Le secteur hospitalier français s’est appuyé sur l’obsolescence tech-


© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

nologique. Si les coûts d’acquisition et d’installation des équipements


médicaux, comme les scanners ou les IRM, sont souvent très élevés, leur
durée d’exploitation est relativement courte. Les hôpitaux remplacent
souvent des équipements en bon état pour bénéficier des dernières
innovations technologiques ou de forfaits techniques plus élevés. En
France, les forfaits techniques, facturés à chaque acte et remboursés par
la sécurité sociale, sont en effet diminués de 30 % pour les IRM et scan-
ners de plus de 7 ans. Les équipements médicaux ont non seulement
une durée d’exploitation courte, mais ils restent également inutilisés en
moyenne 58 % du temps. Cette utilisation peu efficace des équipements

17
1  Vers une économie circulaire

va jusqu’à inquiéter des fabricants comme GE qui a récemment publié


une étude intitulée « Hors de contrôle : Comment la prolifération des
équipements et leur faible utilisation affectent le budget des hôpitaux ».
Les grandes marques de fast fashion utilisent l’obsolescence psy-
chologique pour inciter leurs clients à acheter continuellement de

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nouveaux vêtements. Elles renouvellent sans cesse leurs collections en
magasin en s’appuyant sur une organisation industrielle et logistique
très réactive. Les vêtements n’ont souvent pas vocation à être gardés
d’une saison à l’autre par leurs acheteurs.

Jeter
Si les déchets des ménages sont les plus médiatisés, ce sont les déchets
des activités économiques (les industriels, les distributeurs, les arti-
sans ou les hôpitaux) qui en France sont responsables de 92 %, en
poids, des déchets. Le secteur de la construction représente à lui seul
les trois quarts du poids total des déchets (voir figure 1.3).

Quantités de déchets
en millions de tonnes

260,2

355,1

1,7 15,8
25,6
22,4
29,3
Ménages Industrie Tertiaire Agriculture Traitement Construction Total
pêche déchets eau BTP
assainissement
dépollution

Figure 1.3 – La production de déchets en France en 20101

1  Commissariat général au développement durable.

18
Les limites de l’économie linéaire

Encore aujourd’hui, de nombreux déchets ne sont ni enfouis, ni


incinérés mais sont absorbés par l’environnement. Par exemple,
environ huit millions de tonnes de déchets en plastique finiraient
dans l’océan chaque année.1 Si rien n’est fait, l’océan pourrait conte-
nir 250 millions de tonnes de plastique en 2025, soit une tonne de

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plastique pour trois tonnes de poissons.2 En extrapolant, en 2050, il
pourrait y avoir autant de plastique que de poissons dans l’océan.3
Une petite partie de ce plastique se retrouve à la surface des océans
comme la grande poubelle du Pacifique (Great Pacific Garbage Patch)
ou sur les plages. Mais la majorité du plastique, sans doute plus
de 95 %, se trouve dans l’océan et devient difficile à éliminer. Ces
déchets nuisent à plus de 600 espèces marines.4 En se fragmentant
en microplastiques, ils sont absorbés par l’environnement marin.
Une étude conduite au Royaume-Uni a trouvé du microplastique
dans plus d’un tiers des poissons de la Manche.5

L’économie linéaire, une voie sans issue ?


L’économie linéaire a permis d’améliorer les conditions de vie des
populations. Depuis le début de la Révolution industrielle, il y a plus
de 200 ans, elle a contribué à réduire la pauvreté dans le monde. Le
taux d’extrême pauvreté, mesuré par le pourcentage de la popula-
tion vivant avec moins de 1,90 dollar par jour, a chuté de 44 % en
1981 à 12,7  % en 2012. Par exemple, la Chine, qui a contribué à
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’essentiel de la réduction de l’extrême pauvreté dans le monde au


cours des trois dernières décennies, a vu 753 millions de personnes
sortir de l’extrême pauvreté entre 1981 et 2011.6

1  Science.
2  Science.
3  Fondation Ellen MacArthur.
4  ONU Environnement.
5  Marine Pollution Bulletin.
6  Banque Mondiale.

19
1  Vers une économie circulaire

Mais cette réduction de la pauvreté s’est faite à un coût environ-


nemental très élevé. En Chine, 40  % des rivières sont gravement
polluées tandis que la pollution atmosphérique tue chaque jour
4 000 personnes.1 2 Les coûts de l’économie linéaire dépassent à pré-
sent ses bénéfices.

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De plus, l’économie linéaire a aujourd’hui atteint ses limites,
les limites de la planète Terre. Le Stockholm Resilience Center a
identifié neuf « limites planétaires » à ne pas franchir pour que la
Terre ne bascule pas dans un état probablement bien moins favo-
rable au développement des sociétés humaines. Quatre limites ont
déjà été franchies : le changement climatique, l’érosion de la bio-
diversité, l’utilisation des terres, le cycle de l’azote et le cycle du
phosphore.
Déjà, depuis plus d’un siècle, des voix se sont élevées pour alerter
sur l’impact de l’économie linéaire sur l’environnement. ­Nathaniel
Southgate Shaler, un professeur de géologie de l’université de Har-
vard, fut l’un des premiers à signaler le risque de pénurie de res-
sources dans son ouvrage Man and the Earth publié en 1905. En
1907, le président des États-Unis d’Amérique, Theodore Roosevelt,
aborda la question de la conservation des ressources naturelles dans
son message annuel au congrès  : «  La conservation et l’utilisation
raisonnée de nos ressources naturelles constituent notre principal
enjeu qui sous-tend presque tous les autres enjeux de notre nation.
[…] Mais nous devons regarder en avant, nous devons réaliser que
de gaspiller ou de détruire nos ressources naturelles, de déplacer ou
d’épuiser la terre plutôt que de la fertiliser, affectera la richesse de
nos enfants que nous devions pourtant leur transmettre en l’aug-
mentant ». En 1972, quatre scientifiques du MIT mirent en évidence
dans The Limit to Growth, rapport réalisé à la demande du Club de
Rome et souvent appelé rapport Meadows (du nom de deux de ses
auteurs), les conséquences d’une croissance exponentielle dans un

1  Shanghai Daily.
2  Bloomberg.

20
Les limites de l’économie linéaire

monde fini : « Si les tendances actuelles de croissance de la popula-


tion, de l’industrialisation, de la pollution, de la production agricole
et de la consommation des ressources restent inchangées, les limites
de la croissance de cette planète seront atteintes quelque part dans
la prochaine centaine d’années à venir. Le résultat le plus probable

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sera un déclin plutôt soudain et incontrôlé de la population et des
capacités industrielles ».

L’essentiel

 Dans une économie linéaire, les matières premières


sont extraites, transformées, utilisées puis jetées.
 De nombreuses matières premières sont extraites
ou récoltées puis gaspillées comme l’eau, les sols,
les nutriments ou les métaux.
 La transformation des matières premières
en produits ne supporte pas le coût des externalités
négatives pourtant parfois très élevé.
 L’obsolescence délibérée incite les consommateurs
à renouveler les produits qu’ils utilisent.
 Les particuliers et plus encore les professionnels
produisent de très importantes quantités de déchets dont
une partie se retrouve dans l’environnement.
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

21
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Chapitre 2

Les enjeux

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de l’économie
circulaire

Executive summary

 L’économie linéaire a accru la prospérité


au prix d’une utilisation intensive et souvent inefficace
des ressources. Mais le temps des ressources abondantes
et bon marché est désormais révolu.
 La transition vers de nouveaux modèles
de production, de distribution et de consommation,
les modèles de l’économie circulaire, est aujourd’hui
une nécessité.
 Mais qu’est-ce que l’économie circulaire ?
Comment gère-t-elle le cycle des matières,
des composants et des produits ? Quels sont ses bénéfices
environnementaux, économiques et sociaux ?

23
1  Vers une économie circulaire

L
’économie circulaire est une économie dans laquelle la valeur
des produits, des matières et des ressources est maintenue
dans l’économie aussi longtemps que possible et la produc-
tion de déchets est réduite au minimum.1
À cette fin, l’économie circulaire réintroduit les produits, les

www.scholarvox.com:None:1497476625:88852369:105.66.129.125:1613124871
composants et les matières dans les cycles de production, de dis-
tribution et d’utilisation autant de fois que cela est nécessaire et
possible. Elle s’inspire du fonctionnement cyclique de la nature
(voir figure 2.1).
Les matériaux, les composants et les produits techniques, comme
le plastique, les moteurs électriques ou les lave-linge, évoluent
dans un cycle différent de celui des matériaux et produits biolo-
giques, comme le coton ou les produits alimentaires. Dans le cycle
technique, les matériaux, composants et produits sont recyclés,
remanufacturés, reconditionnés, réparés, préparés pour le réem-
ploi ou maintenus. Dans le cycle biologique, ils sont compostés,
méthanisés, valorisés en extrayant des composés chimiques ou
réutilisés en cascade.
L’utilisation en boucle des matières, des composants et des pro-
duits permet de conserver leur valeur. En général, plus la boucle est
courte, plus la conservation de valeur est importante. Par exemple
la boucle de reconditionnement consomme moins de ressources
(énergétiques, matières ou humaines) que la boucle de recyclage.
À partir des années 1960, des représentants du monde industriel
et académique proposèrent des alternatives à l’économie linéaire
(voir encadré). Ces propositions sont à l’origine de l’économie cir-
culaire.

1  Commission européenne.

24
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

Extraire les
Composter ou composés Réutiliser
méthaniser chimiques en cascade

er bler s bler
riqu em t em
Fab es Ass posan Ass uits er
d
pièc com pro ribu iser
Dist Util
Ressources Déchets

Rec Rec Pré Ma


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25
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Cycle des produits organiques

Cycle des produits techniques


Les enjeux de l’économie circulaire

Logistique inverse

Figure 2.1 – Les cycles des matériaux, des composants et des produits dans une économie circulaire
1  Vers une économie circulaire

Quelles sont les origines de l’économie circulaire ?


En 1966, l’économiste Kenneth E. Boulding propose de passer de l’éco-
nomie du cow-boy à l’économie du cosmonaute, économie «  dans
laquelle la Terre est devenue un vaisseau spatial isolé, sans réservoirs
illimités ni pour l’extraction, ni pour la pollution, et dans lequel, par

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conséquent, l’homme doit trouver sa place dans un système cyclique
écologique, capable d’une reproduction continue de toute forme
matérielle ».1
En 1976, Walter Stahel et Geneviève Reday, dans une étude pour la Com-
mission européenne, décrivent les principes d’une économie en boucle
qui permettrait de créer des emplois et de réduire la consommation en
énergie.2
En 1989, le terme économie circulaire apparaît pour la première fois
dans un ouvrage qui s’appuie sur les travaux de Kenneth E. Boulding.3
En 1989, deux chercheurs de General Motors proposent que les déchets
d’un procédé industriel puissent être utilisés comme matières premières
d’un autre procédé et contribuent à faire connaître l’écologie indus-
trielle.4
En 1995, un article de la California Management Review décrit les diffé-
rentes boucles de l’économie circulaire pour les produits techniques :
remanufacturing, reconditionnement, réparation, réutilisation, etc.5
En 1996, John T. Lyle, un professeur d’architecture de paysage, propose
d’utiliser la conception régénérative (regenerative design) pour créer
des systèmes qui remplacent eux-mêmes les matériaux et l’énergie qu’ils
utilisent.6
...
1  The Economics Of The Coming Spaceship Earth, Kenneth E. Boulding, Environmental Quality
In A Growing Economy (1966).
2  Jobs For Tomorrow, The Potential For Substituting Manpower For Energy, Walter R. Stahel,
Geneviève Reday-Mulvey, Vantage Press (1981).
3  Economics Of Natural Resources And The Environment, David W. Pearce, R.  Kerry Turner,
Johns Hopkins University Press (1989).
4  Strategies For Manufacturing, Robert A. Frosch, Nicholas E. Gallopoulos, Scientific A
­ merican
(1989).
5  Strategic Issues In Product Recovery Management, Martijn Thierry, Marc Salomon, Jo Van
Nunen, Luk Van Wassenhove, California Management Review (1995).
6  Regenerative Design For Sustainable Development, John T. Lyle, Wiley (1996).

26
Les enjeux de l’économie circulaire

... En 2002, un architecte qui avait travaillé avec Lyle, William McDonough,
et un ingénieur chimiste, Michael Braungart, proposent l’approche
Cradle to Cradle pour concevoir des produits qui puissent être récupérés
et réutilisés continuellement.1
En 2010, dans son ouvrage sur l’économie bleue, Grunter Pauli pré-

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sente 100  innovations qui s’inspirent de la capacité des écosystèmes
à utiliser des nutriments et l’énergie en cascade2. Toujours en 2010, la
navigatrice Ellen MacArthur, qui avait battu le record du tour du monde
à la voile en solitaire en 2005, crée la Fondation Ellen MacArthur dont la
mission est d’accélérer la transition vers l’économie circulaire. La Fonda-
tion contribua beaucoup à faire connaître l’économie circulaire auprès
des entreprises et des gouvernements.

Il existe plus d’une centaine de définitions de l’économie cir-


culaire.3 Ces définitions différentes peuvent être, à terme, pré-
judiciables à l’économie circulaire. En France, la loi relative à la
transition énergétique pour la croissance verte du 18  août 2015
donne une définition de l’économie circulaire  : «  La transition
vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle écono-
mique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter
en appelant à une consommation sobre et responsable des res-
sources naturelles et des matières premières primaires ainsi que,
par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets,
notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie
des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets. »


La Fondation Ellen Macarthur a réalisé un schéma de l’écono-
mie circulaire qui est aujourd’hui couramment utilisé pour repré-
senter le cyclse des matériaux, des composants et des produits (voir
figure 2.2).

1  Cradle To Cradle: Remaking The Way We Make Things, William McDonough, Michael Braun-
gart, North Point Press (2002).
2  The blue Economy: 10 years, 100 innovations, 100 Million jobs, Gunter Pauli, Paradigm Publi-
cations, 2010.
3  Resources, Conservation and Recycling.

27
Ressources
renouvelables Ressources finies

Régénérer Matériaux de substitution Dématérialiser Restaurer

Gestion des flux renouvelables Gestion des stocks

Agriculture
Collecte 1
Fabricant de
pièces détachées.

Matières premières
organiques Fabricant de produits
manufacturés
Régénération Biosphere Recycler

Prestataire de service
Rénover/Réusiner
Partager

Réutiliser / Redistribuer

28
Biogaz Cascades Maintenir / Prolonger
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Consommateur Utilisateur
Méthanisation
Collecte Collecte
1  Vers une économie circulaire

Extraction
de composés
biochimiques 2

Schéma basé sur “Braungart & McDonough, Cradle to Cradle (C2C)”.


Minimiser les fuites systématiques
et les externalités négatives

1. Chasse et pêche
2. Les déchets post-récolte et post- consommation peuvent y contribuer

Figure 2.2 – Le schéma de l’économie circulaire de la Fondation Ellen MacArthur1

1 Ellen MacArthur Foundation, SUN, et McKinsey Center for Business and Environment;
Les enjeux de l’économie circulaire

L’utilisation en boucle des matières, des composants et des produits


n’est pas l’unique moyen de préserver leur valeur. Le partage d’un
produit permet d’augmenter son utilisation. Par exemple, un bien
sous-utilisé comme une voiture peut être partagé entre plusieurs uti-
lisateurs. L’amélioration de la performance d’un produit ou d’un

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procédé permet de réduire la consommation de matières, d’énergie
ou la production de déchets. Par exemple le lean manufacturing per-
met de réduire les déchets de production.

Les boucles de l’économie circulaire


Le cycle technique
Dans le cycle technique, les matériaux, les composants et les pro-
duits sont recyclés, remanufacturés, reconditionnés, réparés, prépa-
rés au réemploi ou maintenus.

■■ Recycler

Un produit arrivé en fin de vie a toujours une valeur résiduelle, celle


des matériaux qui le composent. Grâce au recyclage, ces matériaux
peuvent être récupérés puis réutilisés dans la fabrication de nou-
veaux produits. Le recyclage désigne toute opération de valorisation
par laquelle les déchets sont retraités en produits, matières ou subs-
tances aux fins de leur fonction initiale ou à d’autres fins.1 Il permet
aux déchets de devenir de nouvelles matières premières, qualifiées
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

de matière première recyclée ou matière première secondaire, par


opposition à la matière première vierge.
Si le procédé de recyclage varie suivant les matériaux et les pro-
duits à recycler, il se déroule souvent esn cinq étapes. Les produits
(ou les déchets) et les matériaux à recycler sont d’abord contrôlés.
Ceux dont la teneur en contaminants est trop élevée ou qui ne
peuvent pas être recyclés sont écartés. Les déchets sont broyés afin

1  Journal officiel de l’Union européenne.

29
1  Vers une économie circulaire

de séparer entre elles les différentes matières. Le broyage pourra être


précédé d’une étape de désassemblage. Par exemple avant de broyer
un ordinateur, la carte mère, qui contient de nombreux métaux
précieux, est souvent retirée. Les déchets sont ensuite triés par type
de matière comme le métal, le verre ou le papier. Les déchets sont,

www.scholarvox.com:None:1497476625:88852369:105.66.129.125:1613124871
lorsque cela est nécessaire, lavés, essorés et séchés. Enfin les déchets
sont transformés en matière par un procédé mécanique, chimique
ou thermique.
La qualité des matières premières recyclées dépend beaucoup du
procédé de recyclage et des matériaux recyclés (verre, métal, papier,
plastique, etc.).

Le polytéréphtalate d’éthylène (PET) est un plastique très utilisé pour


la fabrication de bouteilles. Pendant longtemps l’usage de la résine
de PET recyclé (ou r-PET) était limité à la fabrication de produits
non alimentaires comme le textile. Pour répondre à la demande
de l’industrie des boissons, Sita et Paprec ont mis en place une usine
bottle to bottle capable de produire de la résine de PET recyclée à usage
alimentaire à partir de bouteilles usagées. Le procédé de conversion
comprend plusieurs étapes. Les bouteilles sont d’abord triées à l’aide
d’un système à infrarouge, lavées puis broyées sous forme de paillettes.
Ces paillettes sont déposées dans des bassins de flottaison afin d’éliminer
les résidus de colle et d’étiquettes et de les purifier des éléments plus
denses provenant par exemple des bouchons. Les paillettes sont ensuite
transformées en granulés par extrusion suivie d’une granulation. Enfin,
les granulés de PET recyclé sont portés à 200 °C pendant sept heures
dans des réacteurs à polycondensation pour être décontaminés.
La polycondensation permet de libérer les granulés des éventuelles
substances polluantes qu’ils contiennent. Les granulés de r-PET répondent
ainsi aux exigences du contact alimentaire.

Le recyclage peut augmenter (upcycling) ou diminuer (­downcycling)


la valeur d’un matériau.
Le downcycling est un procédé de transformation de matériaux
en de nouveaux matériaux de moindre qualité et de fonctionna-
lité réduite. Par exemple, en théorie, les métaux sont recyclables

30
Les enjeux de l’économie circulaire

à ­l’infini. Leurs propriétés ne s’altèrent pas lors des refontes succes-


sives. Toutefois, dans la réalité, les métaux recyclés sont souvent
issus de mélanges (comme des aciers qui ont des teneurs différentes
en carbone) et pollués par des contaminants (comme le cuivre
qui est difficile à séparer de l’acier). Les propriétés des métaux se

www.scholarvox.com:None:1497476625:88852369:105.66.129.125:1613124871
dégradent alors à chaque refonte. Un matériau dont la qualité a été
dégradée ne peut plus être utilisé dans la fabrication du même pro-
duit. Ainsi, si 85 % du poids d’une voiture est recyclé, une voiture
neuve n’utilise que 25 % de matériaux recyclés.
L’upcycling (traduit en français par «  recyclage valorisant  »)
est un procédé de transformation de matériaux en de nouveaux
matériaux de qualité supérieure et de fonctionnalité augmentée.
Quelques industriels commercialisent des biens fabriqués à partir de
plastiques collectés dans les océans. P&G vend un flacon de sham-
poing fabriqué à partir de plastiques collectés sur les plages. Adidas a
fabriqué des baskets à partir de déchets plastiques récupérés en mer
comme des filets de pêche. La marque G-Star commercialise une
collection de jeans réalisés à partir de plastiques collectés dans les
océans puis recyclés.

Total commerciale une résine de polyéthylène haute densité (PEhd)


contenant entre 25 et 50 % de plastique recyclé et dont les performances
sont supérieures ou égales à celles des résines vierges. Des recycleurs
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

sélectionnés approvisionnent Total en plastique recyclé à partir


de déchets post-consommation. Dans son usine d’Anvers, Total procède
à une ultime décontamination du plastique recyclé qui est ensuite mélangé
avec de la résine vierge.

Le terme upcycling est également utilisé pour désigner la fabri-


cation, à partir d’objets ou de matériaux de récupération, de pro-
duits de plus haute valeur que les objets ou matériaux d’origine.
Par exemple en Afrique du Sud, l’entreprise Little Green Number
commercialise des sacs fabriqués à partir de panneaux publicitaires
en polychlorure de vinyle (PVC).

31
1  Vers une économie circulaire

Actuellement, seuls 6 % des matériaux qui circulent dans l’éco-


nomie sont recyclés.1 La marge de progression est donc significative.

■■ Remanufacturer

L’usine la plus profitable de Renault ne fabrique pas des moteurs

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neufs, elle remanufacture des moteurs usagés. Située à Choisy-le-
Roi, elle démonte entièrement, nettoie, contrôle, remonte puis teste
les moteurs et les boîtes de vitesses en provenance des garages du
réseau Renault.
Encore peu connu, le remanufacturing, ce procédé industriel de
remise en état des produits usagés à un niveau de performance
identique ou supérieur à celui des produits neufs, existe pourtant
depuis près d’un siècle. Ford remanufacture ses moteurs depuis
les années 1930, Caterpillar le fait avec les pièces mécaniques de
ses engins de chantier depuis 1973 et Xerox avec ses imprimantes
depuis 1987.

Caterpillar, le fabricant d’équipements industriels, remanufacture


7 000 références de composants et de pièces détachées : bloc-moteur,
injecteur de carburant, boîte de vitesses, vérin hydraulique, etc.
Les composants sont commercialisés sous la marque Cat Reman.
Un composant remanufacturé offre la même performance qu’un composant
neuf à un prix 40 à 60 % moins élevé et en bénéficiant de la même garantie.
En 2013, la division Remanufacturing & Components de Caterpillar comptait
17 sites et plus de 4 000 employés.

Le remanufacturing est un procédé en 4 étapes (voir figure 2.3).

1  Journal of Industrial Ecology.

32
Les enjeux de l’économie circulaire

Utilisation
Collecte
des produits
des produits
usagés

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Revente
Tri
des produits
des produits
usagés

Remontage
et test Démontage
des produits des produits
Remise
en état usagés
des pièces
et composants

Figure 2.3 – Le procédé de remanufacturing

Les produits usagés (quelquefois appelés carcasse ou core en anglais)


sont réceptionnés, contrôlés, nettoyés et triés. Ceux qui ne peuvent
pas être remis en état économiquement sont écartés. D’autres, en
meilleur état, peuvent l’être également afin de limiter la variabilité
du procédé de remanufacturing.
Les produits sont ensuite démontés. Le niveau et la séquence de
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

démontage doivent être de préférence connus au préalable. Le niveau


de démontage peut être total, lorsque le produit est désassemblé en
chacune des pièces qui le constituent, ou partiel, dans le cas contraire.
La séquence de démontage est définie pour minimiser les coûts. Elle
est d’autant plus difficile à déterminer que le produit à désassembler
comprend un nombre important de pièces et composants.
Une fois démontés, les pièces et composants sont nettoyés. Le
nettoyage peut être réalisé par un procédé mécanique, chimique ou
thermique. Un procédé mécanique élimine les contaminants par
brossage, sablage ou encore grenaillage. Un procédé chimique dis-

33
1  Vers une économie circulaire

sout les contaminants à l’aide de solvants. Un procédé thermique


retire de la peinture, de la graisse ou encore des adhésifs en faisant
varier la température.
Les pièces et les composants sont alors triés. Un travail signifi-
catif peut être nécessaire pour trier des pièces, comme les vis par

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exemple, qui sont similaires en apparence mais différentes.
Les pièces sont inspectées afin d’identifier celles qui pourront
être réutilisées. Les pièces d’usure sont systématiquement écartées.
La remise en état des pièces et composants, lorsqu’elle est nécessaire,
doit respecter les spécifications du fabricant du produit neuf. Elle peut
consister, par exemple, en un traitement thermique, l’usinage d’une
pièce métallique, la soudure de deux pièces ou encore la peinture d’un
composant. Les composants et pièces sont ensuite testés.
Les pièces remises à neuf sont enfin assemblées en composants
qui sont eux-mêmes assemblés en produits. Des pièces neuves
sont également utilisées pour remplacer les pièces d’usure ou si les
pièces remises à neuf ne sont plus disponibles. L’assemblage peut
s’accompagner d’une mise à niveau technologique en remplaçant
d’anciennes pièces ou composants par d’autres techniquement
supérieurs. Les produits remontés sont testés. Typiquement, un pro-
duit remanufacturé est plus testé qu’un produit neuf. Le produit est
enfin conditionné pour être commercialisé.
Tous les produits ne sont pas destinés à être remanufacturés. Les
produits remanufacturés sont en général peu soumis aux évolutions
technologiques ou règlementaires. Les pompes et compresseurs ­utilisés
dans les usines sont souvent remanufacturés, à l’inverse des smart-
phones qui reposent sur des technologies en constante évolution.
Un produit destiné à être remanufacturé doit également être facile à
remettre en état. En particulier il doit pouvoir être simplement démonté
et remonté comme les fauteuils de bureau ou les boîtes de vitesse des
véhicules. Enfin la valeur résiduelle du produit usagé doit être élevée.
Dans une voiture, les alternateurs sont très souvent remanufacturés,
les moteurs des lève-vitres électriques le sont beaucoup plus rarement.

34
Les enjeux de l’économie circulaire

Par exemple Valeo remanufacture ses alternateurs, John Deere des


composants de ses tracteurs, Rockwell Automation ses équipements
électriques, Cummins ses moteurs industriels, SKF ses roulements
à billes, ­Philips ses équipements médicaux, Kässbohrer ses engins de
damage ou encore Neopost ses équipements de traitement du courrier.

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Le mot remanufacturing n’a pas de traduction en français, rendant
difficile son utilisation dans les textes de loi et les contrats.

■■ Reconditionner

À la différence du remanufacturing, qui démonte souvent entièrement


un produit usagé pour le remettre à neuf, le reconditionnement le
démonte partiellement pour le mettre en état. Le reconditionne-
ment (refurbishing en anglais) est le procédé industriel de remise en
état des produits usagés à un niveau de performance donné. Les
standards de qualité des produits reconditionnés sont en général
moins exigeants que ceux des produits neufs. Le reconditionnement
est réalisé en plusieurs étapes. Le produit usagé est d’abord désassem-
blé en composants. Tous les composants critiques sont contrôlés et
réparés ou remplacés. Les composants sont ensuite réassemblés en
un produit reconditionné. Occasionnellement, le reconditionne-
ment s’accompagne d’une mise à niveau technologique. Le recon-
ditionnement améliore significativement la qualité et prolonge la
durée de vie des produits usagés. Toutefois, la durée de vie moyenne
restante d’un produit reconditionné est généralement inférieure à
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

celle d’un produit neuf.

DLL, une filiale de Rabobank, finance le parc d’ambulances du National


Health Service (NHS), le service public de la santé du Royaume-Uni. Au bout
d’environ six à sept ans, NHS retourne à DLL les ambulances usagées.
DLL reconditionne le compartiment réservé au patient (qui contient
de nombreux équipements) et remplace le châssis. DLL prolonge ainsi
la durée de vie des ambulances de cinq à sept années.

35
1  Vers une économie circulaire

Les équipements électroniques, comme les ordinateurs ou les


téléphones portables, les avions de ligne, les trains sont souvent
reconditionnés.

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Les produits reconditionnés certifiés Apple sont des produits Apple
d’occasion qui font l’objet d’une procédure de reconditionnement
avant d’être remis en vente. Chaque produit reconditionné est
d’abord entièrement testé. Chaque pièce défectueuse identifiée lors
des tests est remplacée. Le produit est ensuite nettoyé et inspecté.
Il est reconditionné avec les manuels appropriés, câbles, nouveaux
coffrets, etc. Il inclut une version du système d’exploitation fournie
à l’origine avec le produit ou, parfois, une version plus récente. Il reçoit
une nouvelle référence et un nouveau numéro de série. Enfin il fait l’objet
d’un dernier contrôle qualité avant d’être ajouté au stock des produits
reconditionnés vendables. Les produits reconditionnés bénéficient
d’une garantie limitée d’un an.

■■ Réparer

Si le reconditionnement remet en état des produits usagés à un


niveau de performance donné, la réparation se limite à les remettre
en état de marche. La qualité des produits réparés est généralement
moindre que celle des produits neufs. Lors de la réparation, les pièces
ou composants endommagés sont remis en état ou remplacés. Les
autres pièces et composants sont laissés en l’état. La  réparation
nécessite généralement des opérations limitées de désassemblage et
d’assemblage. Les opérations de réparation peuvent être réalisées sur
le site de l’utilisateur du produit ou dans un centre de réparation.
La réparation est en œuvre depuis longtemps déjà pour les biens
de production dont la valeur est élevée comme les machines-outils,
les équipements de chantier ou encore les trains. Elle est par contre
moins souvent mise en œuvre pour les biens de consommation.
Toutefois des fabricants de biens de consommation durables pro-
posent des services de réparation afin de se différencier des fabri-
cants de produits concurrents à bas coût. Par exemple le fabricant

36
Les enjeux de l’économie circulaire

de vêtements outdoor Patagonia propose à ses clients de retourner


leur vêtement endommagé par l’usure ou un accroc dans un centre
de réparation qui le réparera pour une somme modique. Dans plus
de 80 points de vente, le fabricant de vêtements Levi’s a ouvert des
ateliers (tailor shops) qui réparent les jeans abîmés.

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Le Groupe SEB, fabricant de petits équipements domestiques, veut
favoriser la réparation de ses produits plutôt que leur échange. Pour cela
il s’appuie sur un réseau de 6 500 réparateurs agréés dans le monde
et d’un entrepôt de 15 000 mètres carrés dans lequel il stocke cinq millions
de pièces détachées. Le fabricant prévoit de fabriquer 20 000 références
de pièces détachées en utilisant l’impression 3D et de réduire ainsi l’espace
de stockage de 50 à 75 %. Afin de faciliter la réparation des produits
au-delà de leur période de garantie, le Groupe SEB assure à ses réparateurs
la disponibilité des quelque 36 000 références de pièces détachées
pendant sept à dix ans en moyenne, à un prix le plus bas possible. 67 %
des produits commercialisés sont entièrement réparables.

Quelle est la différence entre les termes remanufacturing,


reconditionnement et réparation ?
Il est parfois difficile de comprendre la différence entre les termes
­remanufacturing, reconditionnement et réparation. En France, il n’existe
pas de traduction du terme remanufacturing. Seul l’organisme de nor-
malisation du Royaume-Uni en propose une définition. De plus, chaque
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

industrie peut utiliser une terminologie qui lui est propre : overhaul dans
l’industrie aéronautique, rebuid dans l’industrie automobile ou reset dans
celle de la défense. Enfin les industriels utilisent souvent d’autres termes
dont le sens est proche comme recondition, reconstruct, renew, renovate,
restore ou rework.
Le remanufacturing, le reconditionnement et la réparation peuvent être
toutefois différenciés par le niveau de démontage du produit usagé et la
performance du produit résultant (voir figure 2.4). Le niveau de démon-
tage du remanufacturing est plus élevé que celui du reconditionnement
qui est, à son tour, plus élevé que celui de la réparation.
...
37
1  Vers une économie circulaire

... Performance
produit
Identique à celle
du produit neuf
Remanufacturing

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Reconditionnement

Réparation

Limitée Niveau de
Limité Complet désassemblage

Figure  2.4 –  Les différences entre le remanufacturing, le recondi-


tionnement et la réparation

Des produits remanufacturés, reconditionnés et réparés bénéficient


également de garanties différentes. Si un produit remanufacturé a une
garantie identique à celle du produit neuf, un produit reconditionné
bénéficie d’une période de garantie plus courte. Un produit réparé ne
bénéficie généralement d’aucune garantie.

■■ Préparer en vue du réemploi ou de la réutilisation


Il n’est pas toujours nécessaire de remanufacturer, reconditionner ou
réparer un produit usagé avant de pouvoir le réemployer. Quelque-
fois une simple opération de préparation en vue du réemploi est suffi-
sante. Cette préparation se limite généralement à contrôler, nettoyer
et réemballer le produit usagé. Par exemple, un produit commandé
sur Internet par un client puis retourné par ce dernier quelques jours
plus tard sera souvent préparé en vue du réemploi puis remis en stock
rapidement afin d’être de nouveau disponible à la vente.
Souvent, de nombreux composants et pièces d’un produit arrivé
en fin de vie sont encore en bon état et peuvent être réemployés. Par
exemple, la durée de vie de certains matériaux de construction est
beaucoup plus élevée que celle des bâtiments qui les utilisent. Quel-

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