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L’autre morale de
Thomas d’Aquin
Son rapport à notre temps
Pierre Métivier
L’autre morale de
Thomas d’Aquin
Son rapport à notre temps
Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année du Conseil des Arts du Canada et
de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec une aide financière
pour l’ensemble de leur programme de publication.
ISBN 978-2-7637-3408-8
PDF 9782763734095
Toute reproduction ou diffusion en tout ou en partie de ce livre par quelque moyen que
ce soit est interdite sans l'autorisation écrite des Presses de l'Université Laval.
Introduction
T homas d’Aquin élabora dans son œuvre une morale qui était en
lien étroit avec les sensibilités religieuses de son temps mais qui
n’est plus en prise directe avec les nôtres aujourd’hui. Et ce n’est pas une
simple question de vocabulaire, qui souffrirait de n’être plus contem-
porain, ni de procédés d’études, qui n’ont plus cours. En un mot, les
temps ont bien changé, voilà tout. Nous trouvons cependant dans
l’œuvre de frère Thomas les principes d’un autre déploiement de la
morale, celle-ci plus en affinité avec notre aujourd’hui, et nous offrant
une structure d’accueil des nouveaux accents et développements mis
en avant par Vatican II.
La pensée de Thomas d’Aquin est marquée par les perspec-
tives de son temps ; le serait-elle trop, le serait-elle au point de n’être
plus que le témoin privilégié d’un temps, mais celui-ci révolu, pour
lequel seulement elle garderait toute sa valeur ? Mis à part la langue
et les procédés didactiques de la scolastique qu’elle emploie, est-ce
que cette pensée ne serait plus pour nous aujourd’hui l’instrument
de la grande tradition théologique ? Nous reculons tout spontané-
ment devant de telles positions extrêmes, qui équivaudraient à
reléguer en arrière-plan, dans une simple histoire des doctrines, des
trésors incontestables.
En même temps, nous ne pouvons plus simplement reprendre
la pensée de Thomas d’Aquin, dans la meilleure intelligence qui
nous en fut donnée. Nous avons plutôt à chercher comment cette
pensée, dans le domaine moral notamment, peut être actuelle pour
nous. Mieux, comment elle peut nous redevenir présente, au-delà
d’une nécessaire transposition langagière, et nous offrir une struc-
ture d’accueil pour les développements récents en morale depuis
Vatican II. N’est-ce pas le signe d’une tradition vivante que de s’ou-
vrir à des développements nouveaux et de pouvoir les incorporer ?
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L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
2
INTRODUCTION
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L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
4
INTRODUCTION
2. Dans la suite de cette étude, nous identifions plus simplement cette autre
morale comme étant celle de la manifestation par comparaison à celle du chemin.
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L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
6
INTRODUCTION
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Première partie
Le temps et l’histoire humaine,
et la morale chez Thomas d’Aquin
CHAPITRE 1
3. Ps 89 (88), 48 ; 90 (89), 9-10 ; 144 (143), 4 ; Jb 7, 7 ; 14, 1-2 ; Sg 2, 1-5 ; etc.
4. Jacques Le GOFF, La civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Arthaud, 1977.
5. Op. cit., p. 190.
6. « La roue de Fortune, c’est l’armature idéologique des roses gothiques. Elle
est explicitement à la cathédrale d’Amiens, à Saint-Etienne de Beauvais, à la cathé-
drale de Bâle, ailleurs, et, stylisée, partout au XIIIe siècle. Nous la retrouverons, sym-
bole et expression d’un monde où règne l’insécurité, où l’exemple de l’insécurité
sert de leçon de résignation et d’immobilisme. » (Ibid., p. 190)
7. « C’est pourquoi toute chronique, dans le Moyen Âge occidental, com-
mence à la Création, à Adam, et si, par humilité, elle s’arrête à l’époque où écrit le
chroniqueur, elle sous-entend comme véritable conclusion le Jugement dernier.
Comme on l’a dit, toute chronique médiévale est, « un discours sur l’histoire uni-
verselle » […] les lecteurs modernes sont en général frappés par le contraste entre
l’ambition de cette référence globale et la mesquinerie de l’horizon concret des
chroniqueurs et historiens médiévaux […] Cette référence globale, c’est le plus bel
aspect du totalitarisme médiéval. » (op. cit., p. 190-191)
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 1 – TEMPS ET HISTOIRE HUMAINE
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
Ce qui vient d’être dit doit être nuancé pour le XIIIe siècle. Non
pas que la recherche de leur salut ne soit plus primordiale pour les
hommes, mais elle s’allie à un plus grand intérêt pour le monde
terrestre et humain.
Sous le titre « La belle Europe des villes et des universités17 », Le
Goff étudie quatre réussites du XIIIe siècle, « où se sont affirmées la
personnalité et la force nouvelle de la Chrétienté réalisées au cours
des siècles précédents » (p. 135) : l’essor urbain ; le renouveau du
commerce et la promotion des marchands ; la réussite du savoir
(création d’écoles et d’universités) ainsi que la création et l’extraor-
dinaire diffusion des Ordres mendiants. Le Goff conclut ce chapitre
par « La descente des valeurs du Ciel sur la Terre » (p. 198-203).
Qu’est-ce que cela signifie ?
Il s’agit, bien entendu, d’une prise de conscience et d’une
mutation des valeurs liées au grand essor du Moyen Âge central.
« La Chrétienté latine, sans éliminer complètement la doctrine du
mépris du monde (contemptus mundi) qui survivra longtemps, a
choisi la conversion au monde terrestre dans des limites compa-
tibles avec la foi chrétienne. » (p. 198)
Dans cet essor dont parle Le Goff, signalons l’acceptation de la
nouveauté, la valeur positive du travail comme collaboration à
l’œuvre du Créateur, l’Histoire non plus comme déclin vers la fin du
monde mais comme montée vers l’accomplissement des temps, les
valeurs de croissance et de rendement, la place donnée à la raison
et au calcul, l’apparition de deux types d’idéal humain (courtoisie et
prud’homie) « qui visaient à une réussite essentiellement terrestre
même si elle devait être aussi une préparation au salut » (p. 202). Il
signale « l’intérêt passionné du franciscain Roger Bacon et de la
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CHAPITRE 1 – TEMPS ET HISTOIRE HUMAINE
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
21. Traduction de Jean KREIT, Job : Un homme pour notre temps, Paris, Téqui,
1982.
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CHAPITRE 1 – TEMPS ET HISTOIRE HUMAINE
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 1 – TEMPS ET HISTOIRE HUMAINE
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
« […] le bon plaisir de Dieu n’est pas que l’on souffre de l’adversité
sans qu’en provienne un bien ; d’où l’adversité bien qu’elle soit amère
et engendre la tristesse, cependant en considérant son utilité qui fait
qu’elle plaît à Dieu, elle doit nous être agréable, comme il est dit au
sujet des Apôtres : « Ils s’en allèrent joyeux d’avoir eu à souffrir le
mépris pour le Christ » (Ac. 5,4)33. »
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CHAPITRE 2
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 2 – LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
42. La téléologie est cependant plus ample chez Thomas d’Aquin que chez
Aristote. Elle est située dans le cadre d’une via (voie, chemin, voyage) vers l’ultime
de la vie humaine et au-delà de celle-ci. La téléologie chez Aristote n’échappe pas
à notre présent : elle est ce que nous visons à travers la multiplicité de nos actes et
entreprises, et ce que obtenons dans des « excellences » (vertus, actions) voulues
pour elles-mêmes.
43. J.-Y. JOLIF, o.p., l’a magnifiquement démontré, et textes à l’appui, dans
« Le sujet pratique », Saint Thomas d’Aquin aujourd’hui, Recherches de philosophie VII,
Paris, Desclée de Brouwer, 1963, p. 13-44, particulièrement p. 21-31.
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CHAPITRE 2 – LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
intervient45, mais sans nous donner d’un coup sa clef. Son approche
par questions, objections et réponses, fractionne l’objet d’étude et
multiplie les points de vue et les angles retenus ; ce procédé péda-
gogique ne lui permet pas de nous donner sa conception du mérite
en un seul lieu et toute structurée comme nous aimerions la trouver.
Il nous reste à la recomposer pour la saisir dans sa fermeté et ses
appuis. Par ailleurs, Thomas est bien sensible, même en cette ques-
tion, à l’apport que la philosophie peut lui fournir. Aussi convient-il
que nous nous arrêtions tout d’abord aux paramètres du mérite
humain pour passer ensuite à leur transposition sur le plan
chrétien.
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CHAPITRE 2 – LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 2 – LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 2 – LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
63. Ibid.
64. Voici ce que Thomas d’Aquin écrit : « […]l’effet de la miséricorde divine
est le fondement de toutes les œuvres divines ; en effet, rien n’est dû à personne
si ce n’est en raison de ce qui lui fut donné d’abord gratuitement par Dieu. Or, la
toute-puissance divine se manifeste surtout en ce que la première institution de
tous les biens lui revient. » (Ia q.25 a.3 ad 3 – traduction dominicaine)
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CHAPITRE 2 – LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
65. « Terminus autem motus gratiae est vita aeterna, progressus autem in
hoc motu est secundum augmentum caritatis vel gratiae. » (Ia IIae q.114 a.8)
66. IIa IIae q.24 a.10 et a.11 et 12, où la charité ne peut décroître mais est
enlevée par le péché mortel, qui est son contraire. Il y a alors démérite.
67. IIa IIae q.24 a.6.
68. Ia IIae q,114 a.8 ad 3. Voir aussi Ia IIae q.114 a. 8 ; IIa IIae q.24 a.4.
69. IIa IIae q.24 a.6.
70. IIa IIae q.24 a.4 ad 3.
71. « … caritatis imperfectae, quae est viae, est mereri, caritatis autem per-
fectae non est mereri, sed potius praemio frui. » (Ia q.62 a.9 ad 1) – Voir aussi Ia q.62
a.4 et a.5 ad 2.
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CHAPITRE 3
La béatitude
et l’acte de présence à Dieu
72. « … de ultimo fine possumus loqui dupliciter, uno modo, secundum ra-
tionem ultimi finis ; alio modo, secundum id in quo finis ultimi ratio invenitur. » (Ia
IIae q.1 a.7) Voir aussi q.5 a.8.
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 3 – LA BÉATITUDE ET L’ACTE DE PRÉSENCE À DIEU
société des amis et leur amitié, est lié à leur béatitude de quelque
manière, sans en être l’essence même79.
Quant à l’activité de présence à ce bien, à Dieu en lui-même, elle
est essentiellement pour Thomas d’Aquin un acte d’intelligence,
comme toute saisie, mais cet acte est à la fois précédé, accompagné
d’un acte d’amour, et achevé en celui-ci80. Il importe de nous y arrêter.
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
82. Ia IIae q.66 a.6 ; cf. aussi : Ia q.19 a.3 ad 6 ; Ia q.19 a.6 ad 2 ; Ia q.22 a.2 ; Ia
q.82 a.3 ; Ia IIae q.40 a.2 ; IIa IIae q.26 a.1 ad 2 ; IIa IIae q.27 a.4.
83. Ia q.82 a.4 et ad 1 ; aussi Ia q.16 a. 4 ad 1.
84. « […] quando actus duarum potentiarum ad invicem ordinantur, in utro-
que est aliquid quod est alterius potentiae : et ideo uterque actus ab utraque po-
tentia denominari potest. » (Ia I Iae q.14 a.1 ad 1).
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CHAPITRE 3 – LA BÉATITUDE ET L’ACTE DE PRÉSENCE À DIEU
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
lumière, de telle sorte que la connaissance est déjà en lui, lui donnant son sens
et sa réalité. » Connaissance et amour. Essai sur la philosophie de G. Marcel, Paris,
Beauchesne, 1958, p. 230-232.
91. « Actiones autem sunt suppositorum et totorum, non autem, proprie
loquendo, partium et formarum, seu potentiarum, non enim proprie dicitur quod
manus percutiat, sed homo per manum […]. Secundum tamen similitudinem
quandam haec dicuntur. Justitia ergo proprie dicta requirit diversitatem supposito-
rum, et ideo non est nisi unius hominis ad alium. Sed secundum similitudinem acci-
piuntur in uno et eodem homine diversa principia actionum quasi diversa agentia,
sicut ratio et irascibilis et concupiscibilis. » (IIa IIae q.58 a.2)
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CHAPITRE 3 – LA BÉATITUDE ET L’ACTE DE PRÉSENCE À DIEU
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CHAPITRE 4
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 4 – LA CHARITÉ ET LA VIE CHRÉTIENNE
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 4 – LA CHARITÉ ET LA VIE CHRÉTIENNE
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
parler et que la charité n’existe pas en soi, qu’elle n’agit pas par elle-
même, mais qu’elle est une perfection d’un être ; c’est lui qui agit. Dans
une autre approche, disons par l’unité du sujet, c’est l’homme aimant qui
se fait généreux, se rend utile, fait preuve de force, etc. Nous retrouvons
ici chez Thomas son approche analytique, dont nous avons parlé précé-
demment, qui distingue et sépare.
Ainsi soumises à la charité et ayant par elle leur état parfait (et
formé), les vertus sont alors réalisatrices d’un bien qui est ordonné à
la fin ultime de l’homme. Elles supposent la charité, qui est leur
source et leur perfection (forme), car elle seule dispose l’homme à
cette fin ultime. Et réciproquement, la charité appelle ces vertus
unies entre elles. Car pour bien agir sous la charité, l’homme a
besoin d’être bien disposé à l’égard des moyens à déterminer et à
prendre. Nous parlons ici des vertus morales infuses, données avec
la charité, et de leur connexion, c’est-à-dire de leur liaison et de leur
présence obligées dans un sujet. Dieu, nous donnant la charité, l’ac-
compagne de ce qui lui est nécessaire pour l’accomplissement des
œuvres qu’elle va susciter et orienter à sa fin111.
Pour dissiper toute confusion, il importe de reprendre ce que
Thomas d’Aquin distingue sous le nom de vertu. Il peut ne s’agir
tout d’abord que d’une disposition naturelle ou acquise, qui ne
mérite pas, à proprement parler, le nom de vertu. Tel homme est
porté à être généreux, tel autre est enclin à se montrer courageux
dans les difficultés ; ce sont comme des traits de caractère, et la
présence de l’un de ces traits n’entraîne pas la présence d’un autre,
111. « […] cum caritate simul infunduntur omnes virtutes morales. Cuius
ratio est quia Deus non minus perfecte operatur in operibus gratiae, quam in
operibus naturae. Sic autem videmus in operibus naturae, quod non invenitur
principium aliquorum operum in aliqua re, quin inveniantur in ea quae sunt ne-
cessaria ad huiusmodi opera perficienda […] Manifestum est autem quod caritas,
inquantum ordinat hominem ad finem ultimum, est principium omnium bonorum
operum quae in finem ultimum ordinari possunt. […] Et quod qui amittit caritatem
per peccatum mortale, amittit omnes virtutes morales infusas. » (Ia IIae q.65 a.3). –
Voir aussi De caritate a.5.
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CHAPITRE 4 – LA CHARITÉ ET LA VIE CHRÉTIENNE
comme lui étant lié112. Lorsqu’il y a vertu au sens propre, il s’agit d’un
habitus réfléchi qui porte sur un choix d’agir mais suivant la raison
et dans un domaine donné. Si cette volonté est profonde, elle doit
se retrouver finalement en tout domaine d’agir ; elle serait même un
idéal de vie. Thomas d’Aquin n’utilise pas cette voie pour établir la
connexion des vertus par la volonté bien arrêtée d’agir suivant la
raison en tout domaine, mais il emprunte à Platon et surtout à Aris-
tote d’autres arguments.
Platon pose qu’il y a quatre vertus dans l’âme humaine, comme
dans sa cité idéale. Ces vertus, considérées comme vertus cardi-
nales, donnent en fait les conditions communes à tout agir vertueux :
le discernement relève de la prudence, la rectitude vient de la
justice, la modération ressort de la tempérance et la fermeté d’âme
est rattachée à la force. Ainsi se détermine la connexion des vertus,
leur nécessaire présence liée113.
Aristote procède autrement. Pour lui, il ne suffit pas encore
d’être bien disposé en tout domaine d’agir et vis-à-vis des réalités
objets de désir et de poursuite – ce qui est déjà assuré par les vertus
morales –, il est de plus nécessaire de bien choisir comment réaliser
le bien envisagé dans les circonstances concrètes. Tout comme il ne
suffit pas d’avoir des valeurs et des bonnes intentions, il faut encore
bien agir. Ce qui ne va pas, pour Aristote et Thomas d’Aquin, sans
une sagesse pratique (phronèsis) ou une prudence (prudentia) qui
délibère et détermine le comment de l’agir vertueux et son équi-
libre. Et cette sagesse ou cette prudence n’est possible que si l’être
humain est déjà sensibilisé et bien ajusté à tous les ordres de biens
ou de valeurs. On conclura à la nécessaire connexion des vertus,
parce que les vertus supposent dans leur exercice la sagesse
pratique ou la prudence qui les guide, et que la sagesse pratique ou
la prudence ne peut s’exercer sans que l’être humain soit déjà bien
orienté vis-à-vis de tous les biens et valeurs114.
En troisième lieu – après la simple disposition de caractère et
l’habitus réfléchi de la visée du bien –, la vertu désigne sur le plan
moral la vertu infuse, donnée avec la charité. Ici encore, en plus de
49
PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 5
En guise de conclusion
de la première partie
1. RETOUR À ARISTOTE
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PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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CHAPITRE 5 – EN GUISE DE CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
2. DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
123. Aristote a tout centré sur l’acte lui-même, – la vertu est envisagée
comme sa source et l’objet comme ce qui peut lui ajouter un plus de valeur. Ce qui
prive l’Éthique d’une unité profonde. Cette centration sur l’acte empêche Aristote,
lorsqu’il est en présence d’un autre absolu, comme la personne de l’ami, de pouvoir
justifier un authentique altruisme, parce que tout doit se rapporter à l’acte. – Voir
L’Éthique dans le projet moral d’Aristote, p. 338-344 et 399-400.
53
PREMIÈRE PARTIE – LE TEMPS ET L’HISTOIRE HUMAINE, ET LA MORALE CHEZ THOMAS D’AQUIN
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Deuxième partie
Autre lecture du temps et de l’histoire,
autre morale
CHAPITRE 6
57
DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
58
CHAPITRE 6 – UNE AUTRE LECTURE DE NOTRE TEMPS ET DE NOTRE HISTOIRE HUMAINE
59
CHAPITRE 7
P our mieux présenter cet autre schème que nous trouvons dans la
Somme de théologie, commençons par l’illustrer avec un exemple
simple : inviter et accompagner un ami déprimé à un concert.
Ce geste vient de notre charité et de notre affection pour cet
ami qui les manifeste et les exprime dans une situation concrète et
de manière appropriée, car cet ami aime la musique. Même s’il a son
utilité, ce geste n’est pas quelconque, car il est riche de sa source,
c’est-à-dire de notre bienveillance pour cet ami.
En même temps, comme tout agir, ce geste d’inviter au concert
vient accroître et développer en nous ce qui est charité et affection
pour cet ami.
Dans un sens, il y a dans le geste une manifestation d’une
charité, une expression d’une affection. Dans un autre sens, il y a par
ce geste une émergence de cette charité, un développement de
cette affection, qui en est la source.
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DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
Dans ces textes, il est question des liens entre, d’une part, la
charité et l’amour par lequel nous adhérons à Dieu et, d’autre part,
la vertu de religion et l’acte de dévotion par lesquels nous lui présen-
tons des gestes de culte. Thomas d’Aquin précise que ces œuvres de
culte viennent immédiatement de la vertu de religion, mais qu’en
fin de compte ils jaillissent de la charité, principe et source de cette
vertu. Puis, si la charité suscite l’acte de dévotion parce que l’amour
dispose à servir la personne que l’on aime, cet acte lui-même nourrit
la charité et l’amour, et les augmente.
Ainsi résumés dans leurs contenus, ces textes nous présentent
un admirable mouvement de vie. Il nous sera utile de le décom-
poser pour le mieux saisir.
– Une première ligne va de la charité à la religion et aux actes de
dévotion ; la charité est dite expressément principe et source
de la religion et cause de la dévotion.
Suivant cette ligne, voici comment se lient et se compénètrent
les réalités engagées : parce que la charité est ici la réalité la
plus profonde et la plus intérieure, la plus riche et la plus enve-
loppante, c’est elle qui se suscite dans la religion et la dévotion
des médiations qui l’expriment ; ces médiations, insérées dans
le mouvement de la charité, sont revêtues de ses valeurs.
En d’autres mots, si la charité se manifeste dans l’acte de dévo-
tion, suivant un rapport particulier à Dieu, cet acte est porteur
de la charité elle-même.
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CHAPITRE 7 – INDICES TEXTUELS D’UN AUTRE SCHÈME CHEZ THOMAS D’AQUIN
63
DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
129. « […] dicendum quod sicut religio est quaedam protestatio fidei, spei
et caritatis, quibus homo primordialiter ordinatur in Deum ; ita etiam pietas est
quaedam protestatio caritatis quam quis habet ad parentes et ad patriam. » (IIa IIae
q.101 a.3 ad 1)
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CHAPITRE 7 – INDICES TEXTUELS D’UN AUTRE SCHÈME CHEZ THOMAS D’AQUIN
– C’est la piété qui elle aussi est une protestation, une manifesta-
tion de la charité130.
La piété, qui relève du culte divin, manifeste notre foi ; comme
elle manifeste aussi la sagesse131.
– C’est la foi qui, par la charité, suscite extérieurement toute
activité des vertus en se servant d’elles comme des média-
tions132 ;
la foi se manifeste dans des actes d’espérance133 ;
la foi manifeste à l’homme qu’il doit obéir à Dieu134 ;
l’acte de foi manifeste la vie spirituelle, qui lui est attribuée135.
– C’est la grâce de l’Esprit saint qui se manifeste dans la foi agis-
sant par la charité136 ;
les charismes sont ordonnés à la manifestation de la foi et de
l’enseignement spirituel137 ;
le martyre manifeste la charité et la force138.
– C’est la foi et la charité qui agissent primordialement dans
l’acte de pénitence et dans la justification de l’impie139.
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DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
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CHAPITRE 7 – INDICES TEXTUELS D’UN AUTRE SCHÈME CHEZ THOMAS D’AQUIN
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DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
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CHAPITRE 8
1. LA MANIFESTATION
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DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
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CHAPITRE 8 – ASSISES THÉORIQUES DU SCHÈME
2. L’AMOUR ET LA CHARITÉ
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DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
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CHAPITRE 8 – ASSISES THÉORIQUES DU SCHÈME
un seul acte de l’amour mais bien deux184, qu’il situe dans le cadre
des deux voies185.
L’un de ces actes se situe comme au terme de la via receptionis,
c’est-à-dire de la voie selon laquelle l’affectivité reçoit de l’intelli-
gence son objet : l’amour est ici une complacentia boni, une
complaisance, une connaturalité, une harmonie avec l’objet
connu186. L’autre acte est le principe de la via motionis, c’est-à-dire de
la voie selon laquelle l’affectivité se meut et meut toute chose vers
un bien : l’amour est ici une intentio boni, c’est-à-dire l’acte de se
porter vers l’objet aimé187.
Pour Crowe, il est évident que la complacentia boni précède et
soutient l’intentio boni. En d’autres mots, l’amour affectif vient tout
naturellement avant l’amour effectif. Sur le plan des textes, si cette
complacentia boni est présente dans le traité des passions de l’âme
humaine188, elle l’est beaucoup moins par la suite : sur le plan de la
charité, c’est le terme amitié qui l’exprime et ce sont ses objets qui
occupent la scène189.
Chez Thomas d’Aquin, ces deux actes – celui de la complace-
netia boni et celui de l’intentio boni – ne sont pas intégrés dans une
théorie d’ensemble. Il en résulte un certain flottement dans sa
pensée.
Nous comprenons mieux maintenant que le rôle de la charité
vis-à-vis des autres vertus – elle est leur racine et leur mère190, leur
73
DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
191. « Dans les actes de toutes les vertus est formel ce qui est de la part de la chari-
té et pour autant elle est dite la forme de toutes les vertus, c’est-à-dire que tous les actes
de toutes les vertus sont ordonnés vers le bien suprême aimé. » (De caritate a.3 ; voir Sum-
ma theologiae Ia IIae q.62 a.4 ; IIa IIae q.4 a.3 ; q.23, a. 8 ; q.24 a.12 ad 4.)
192. Tous les préceptes moraux se fondent dans sa loi (IIIa q.47 a.2 ad 1). La
charité est la perfection de la vie spirituelle (IIa IIae q.184 a.1 et 3) ce qui par excel-
lence rapproche le viator de son but (IIa IIae q.24 a.4).
193. Chez Thomas d’Aquin, la façon habituelle de traduire l’influence et l’ac-
tion de la charité, c’est d’affirmer qu’elle peut se servir de tout autre vertu en im-
pérant leurs actes pour les ordonner à sa propre fin, qui est fin ultime. Sur les actes
impérés et sur des questions connexes, voir note à la fin de ce chapitre.
74
CHAPITRE 8 – ASSISES THÉORIQUES DU SCHÈME
75
DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
Dans la même ligne, rappelons que l’information (ce qui donne une
forme, une perfection) par la charité des autres vertus et de leurs
actes ajoute à ceux-ci ; la foi demeure cependant la foi lorsqu’elle
devient une foi formée, selon l’expression technique. S’il y a influence
et action de la charité, la foi s’en trouve enrichie, comme porteuse
des richesses de la charité. La transformation est telle que Thomas
d’Aquin parle d’une forme apportée à une matière et la pénétrant.
Voir Ia IIae q.18 a.6 ; IIa IIae q.110 a.1. – « […] la fin communique à la
vertu sa forme. Ainsi jeûner pour Dieu, c’est faire d’un acte de tempé-
rance la matière d’un acte de religion. Cela est vrai non seulement de
tout acte mais des vertus elles-mêmes, reprises dans leur fond par
cet engagement à l’intérieur de la charité. Beaucoup de vertus
peuvent en impérer d’autres, seule la charité peut les impérer toutes.
Et elle le doit pour que chaque vertu, ordonnée à la fin ultime, puisse
être vraiment et intégralement vertu. » (Somme de théologie, Les
Éditions du Cerf, note sur IIa IIae q.23 a.8 ad 1). – Voir également Ia
IIae q.18 a.7 et IIa IIae q.11 a.1 ad 2.
Résumons. D’une part, des expressions chez Thomas d’Aquin
semblent oublier la théorie des actes impérés au profit d’une action
directe de la charité sur des agirs. D’autre part, une diffusion de la
charité et une transformation par la charité des autres vertus et de
leurs actes indiquent une présence qui compénètre et enrichit. Ne
faudrait-il pas concevoir l’influence et l’action de la charité d’une
autre manière que par celle des actes commandés, impérés, avec l’ex-
tériorité qui lui est associée ? Ou encore, est-ce que la nette distinction
entre la charité et les autres vertus ne tend pas à s’estomper quand
une vie s’unifie dans un amour profond ?
76
CHAPITRE 9
L ’autre morale n’est pas que rêvée, elle trouve ses formules et ses
appuis chez Thomas d’Aquin. Elle se présente comme une manifes-
tation de la vie et de l’amour que Dieu met et diffuse en nos êtres, et qui
se développent vers leur plénitude auprès de Dieu en s’exprimant et en
s’engageant ici-bas. Si cette manifestation est une en sa source de vie et
d’amour, et si elle est diverse en ses expressions, c’est sans doute son
pôle d’unité qui l’emporte et nous retient. La perspective est plus
franchement holistique.
Deux points dans la pensée de Thomas d’Aquin appellent des
correctifs si nous voulons que cette autre morale y trouve toute sa
place et s’y insère le plus harmonieusement possible.
Chez Thomas d’Aquin, nous sommes mis en présence d’un
découpage de l’agir humain et chrétien, de son fractionnement en
diverses unités correspondant à autant d’éléments de l’agir ou de
domaines engagés. Il y a là, nous semble-t-il, un excès qui agace
aujourd’hui. Ce malaise s’accroît quand l’action de l’amour et de la
charité nous est présentée sous la forme de commandements et d’or-
dinations (même au sens figuré) vis-à-vis de ces diverses unités d’agir.
L’autre point touche à la vertu, à son intentionnalité première :
la vertu est-elle immédiatement orientée à un agir et à son choix
délibéré, ou n’est-elle pas plutôt un type de présence à un bien, à
une personne, d’où suivra un agir conséquent ? Qu’est-ce qui la
définit premièrement, une intentio boni (un amour effectif du bien)
ou une complacentia boni (un amour affectif du bien, d’une
personne). La question est loin d’être futile, comme nous le souli-
gnerons pour la charité, et plus globalement pour l’aspect théologal,
pour les vertus de religion et de justice.
77
DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
78
CHAPITRE 9 – POUR L’INSERTION DE L’AUTRE MORALE
79
DEUXIÈME PARTIE – AUTRE LECTURE DU TEMPS ET DE L’HISTOIRE, AUTRE MORALE
196. Pour Aristote, voir notre étude, L’Éthique dans le projet moral d’Aristote,
p. 525-533 et 542-545.
80
Troisième partie
Comparaisons entre les deux morales
CHAPITRE 10
Comparaisons globales
entre les deux morales
Dès lors, il n’est pas étonnant qu’ayant travaillé vite il n’ait pas
eu le temps de tout parfaire et que, dans la Somme, des éléments
demeurent non harmonisés à l’ensemble198, ou encore juxtaposés,
tels les deux modèles du mérite. Pas étonnant non plus qu’il ait
puisé chez Aristote le schème alors disponible qui lui permettait
83
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
Avant d’aller plus loin, nous nous devons ici d’ajouter une note
lexicographique. Lorsque Thomas d’Aquin nous indique suivant
quelle structuration s’organise sa morale – le mouvement de l’être
humain vers Dieu –, il emploie deux termes : l’un, celui de finis (fin),
va de soi ; l’autre, celui des ea per quae (moyens), pose une certaine
difficulté. Il importe de nous y arrêter.
Dans le Prologue à la la IIae, il écrit :
« Ce que nous avons d’abord à considérer, c’est la fin ultime de la vie
humaine. On devra se demander ensuite par quels moyens l’homme
parvient à cette fin ou s’en détourne ; car c’est d’après la fin qu’on doit
se faire une idée des moyens qui y conduisent200. »
84
CHAPITRE 10 – COMPARAISONS GLOBALES ENTRE LES DEUX MORALES
À la question 5, a. 7, il ajoute :
« […] puisque la béatitude dépasse toute la nature créée, une simple
créature ne peut logiquement obtenir la béatitude sans le mouve-
ment de l’activité par laquelle cette créature y tend. […] Quant aux
hommes, ils l’obtiennent par de multiples mouvements d’activité
qu’on appelle mérites201. »
85
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
86
CHAPITRE 10 – COMPARAISONS GLOBALES ENTRE LES DEUX MORALES
87
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
212. Poser qu’il y a des fins intermédiaires ou des fins secondes ne règle rien :
ou bien on juxtapose ces fins à la première, sans les lier à celle-ci de quelque ma-
nière, ou bien on les subordonne, ce qui ramène au schème moyens-fin. Sur le plan
de la motivation et de la valeur, il n’est pas toujours facile de poursuivre à titre de fin
en soi une action qui vaut par elle-même sans en faire un moyen. D’où le raccourci,
en morale : bien agir pour obtenir la récompense finale.
213. Les vertus théologales portent sur Dieu ; à ce titre elles ne comportent
aucune mesure et ne sont susceptibles d’aucun excès, sauf dans les actes exté-
rieurs (Ia IIae q.64 a.4 ; IIa IIae q.27 a.6 et ad 3 ; q.44 a.4 ; q.184 a.3 ; Commentaire
de l’Épitre aux Romains n. 974). Par contre, tout ce qui est ordonné à la fin comme
moyen ou instrument n’est bon qu’en relation à la fin (IIa IIae q.23 a.7) et comporte
une mesure (IIa IIae q.152 a.2).
88
CHAPITRE 10 – COMPARAISONS GLOBALES ENTRE LES DEUX MORALES
214. Voir par exemple IIa IIae q.23 a.7 et IIa IIae q.152 a.2.
89
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
ceux-ci. Si l’agir humain se sert de réalités qui lui sont vraiment des
moyens, on ne peut cependant pas articuler les vertus ou les expres-
sions de valeur comme de simples moyens ou instruments.
Le domaine du faire et celui de l’agir proprement humain sont
bien différents, au-delà des analogies qu’une première vue saisit de
l’un à l’autre. Celui du faire engage, par exemple, des matériaux qui
sont des réalités extérieures les unes aux autres et qui occupent un
espace suivant la loi de la matière. Celui de l’agir proprement
humain engage de son côté un amour et une liberté qui sont des
réalités intérieures les unes aux autres suivant la loi de l’esprit et
selon la surabondance de la vie. Le même schème ne peut convenir
également pour des domaines aussi différents.
90
CHAPITRE 10 – COMPARAISONS GLOBALES ENTRE LES DEUX MORALES
91
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
4. OBSERVATION ET COMPRÉHENSION
DES RÉALITÉS HUMAINES
92
CHAPITRE 10 – COMPARAISONS GLOBALES ENTRE LES DEUX MORALES
217. Dans « L’univers ordonné à Dieu et par Dieu », Revue thomiste 1991,
p. 357-376, Jean-Hervé NICOLAS présente la position classique sur l’agir pour une
fin (« L’action appelle la fin comme la détermination ontologique appelle la forme »
p. 358).
218. Dans l’expression d’un amour, rien n’est extérieur à l’amour lui-même
et rien n’est orienté à ce qui lui serait autre. L’amour jaillit d’une plénitude ; il est
marqué d’une spontanéité. Ne faudrait-il pas faire intervenir ici la distinction entre
la complacentia boni et l’intentio boni ? Nous le croyons. La notion de fin, si facile à
reconnaître dans les œuvres humaines, fait pour le moins difficulté ici. – Pour com-
pléter, se reporter aux notes 284, 285 et 289.
219. « […] dicendum quod ex amore, […] causantur et desiderium et tristitia
et delectatio, et per consequens opmnes aliae passiones. Unde omnis actio quae
procedit ex qucumque passione, procedit etiam ex amore, sicut ex prima causa. »
(Ia IIae q.28 a.6 ad 2)
93
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
94
CHAPITRE 10 – COMPARAISONS GLOBALES ENTRE LES DEUX MORALES
221. Ibid.
222. Prologue, Constitutions des frères prêcheurs (1968, 1998). Traduction faite
par la Province domincaine de Lyon en l’an 2000.
95
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
est remplacé par celui des valeurs. C’est déjà une première correc-
tion.
En se reportant aux Actes des apôtres sur la première commu-
nauté chrétienne (2,42-47), le nouveau Prologue regroupe, sous le
thème de valeurs, ce qui caractérisait cette communauté et ce qui
est au cœur de toute vie religieuse. On a pris soin de noter que ces
valeurs à la fois glorifient Dieu et préparent les frères à la prédica-
tion, et les y incitent. Voilà la deuxième correction qu’opère ce
nouveau Prologue par rapport à l’ancien.
96
CHAPITRE 11
97
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
224. Suppl. q.41 a.1, et ad 4 ; C.G III chap. 122. – Le chapitre 123, n. 6 et 8,
ajoute – entre autres raisons qui ne se trouvent pas dans le Supplément, pour
l’union stable et durable de l’homme et de la femme – la suivante : plus une amitié
est profonde, comme celle entre époux, plus elle est stable et durable.
225. « […] quia ratio naturalis ad ipsum inclinat dupliciter. Primo, quantum
ad principalem ejus finem, qui est bonum prolis. […] Secundo, quantum ad se-
cundarium finem matrimonii, qui est mutum obsequium sibi a conjugibus in ebus
domesticis impensum. » (Suppl. q.43 a.1). – Voir aussi q.41 a.1 ad 1.
226. « […] quia ratio naturalis ad ipsum inclinat […] ?» (Suppl. q.43 a.1)
227. Suppl. q.49 a.2 et a.3.
228. « […] natura inclinat ad aliquid dupliciter. Uno modo, sicut ad id quod
est necessarium ad perfectionem unius. […] Alio modo inclinat ad aliquid quod
est necessarium multidini. Et cum multa sint hujusmodi, quorum unum impedit
aliud, ex tali obligatione non obligatur quilibet homo per modum praecepti […]
sed inclinationi naturae satisfit cum per diversos diversa complentur de praedic-
tis. » (Suppl. q.43 a.2)
98
CHAPITRE 11 – LES DEUX MORALES APPLIQUÉES AU MARIAGE
99
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
100
CHAPITRE 11 – LES DEUX MORALES APPLIQUÉES AU MARIAGE
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TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
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CHAPITRE 11 – LES DEUX MORALES APPLIQUÉES AU MARIAGE
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TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
104
CHAPITRE 12
245. On lira ici avec profit Jean-Pierre TORRELL, o.p., Saint thomas d’Aquin, maître spiri-
tuel, Paris, Cerf, 1996. Le chapitre X porte sur « Une certaine idée de la création ».
105
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
reçu n’a pas, en tant que tel, de lien direct avec une ouverture à Dieu.
Tandis que l’enseignement, par son contenu, a ce lien.
106
CHAPITRE 12 – LES DEUX MORALES SUR LES RAPPORTS DE L’HUMAIN ET DU DIVIN
246. Sur ces questions, voir l’étude d’ensemble signée par François DAGUET,
« Le politique chez saint Thomas d’Aquin », dans Saint Thomas d’Aquin, Les Cahiers
d’Histoire de la Philosophie, Paris, Cerf, 2010, p. 379-409. – « La conception tho-
masienne des deux pouvoirs est […] une conception dualiste des ordres naturel
et surnaturel, sans confusion mais aussi sans séparation, leur relation s’établissant
selon une relation d’ordre qui veut que l’ordre surnaturel s’impose lorsque c’est le
salut des créatures qui est en cause. » (p. 393)
247. En partie authentique (jusqu’à II, 8), le De regno (1265-1266) fut com-
plété par Ptolémée de Lucques. L’œuvre soulève des questions quant à son desti-
nataire et quant à l’harmonie de son contenu sur la meilleure forme de gouverne-
ment avec d’autres textes – ici c’est la royauté, ailleurs c’est un régime mixte (Ia IIae
q.95 a.4). Voir TORRELL, Initiation à saint Thomas d’Aquin, p. 247-249, et DAGUET, op.
cit, p. 404-409 (sur le meilleur régime politique). Pour Thomas d’Aquin, il y a une
analogie entre l’action de Dieu vis-à-vis de la nature, entre le rôle de l’âme vis-vis
du corps, et l’office du roi vis-à-vis de ses sujets.
107
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
108
CHAPITRE 12 – LES DEUX MORALES SUR LES RAPPORTS DE L’HUMAIN ET DU DIVIN
109
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
110
CHAPITRE 12 – LES DEUX MORALES SUR LES RAPPORTS DE L’HUMAIN ET DU DIVIN
Ce que nous pouvons dire d’emblée, c’est que les textes que
nous retiendrons ici nous orienteront vers le deuxième versant, du
divin à l’humain. Ils appartiennent à Gaudium et spes, portant sur
l’Église dans le monde de ce temps, et à des encycliques qui en
prolongent l’enseignement.
111
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
pour une part une étude que le Père Congar a présentée dans le tome II, et dont
nous reparlerons plus loin.
112
CHAPITRE 12 – LES DEUX MORALES SUR LES RAPPORTS DE L’HUMAIN ET DU DIVIN
250. Y. CONGAR, o.p., « Le rôle de l’Église dans le monde de ce temps », dans
L’Église dans le monde de ce temps. Constitution pastorale « Gaudium et spes », ou-
vrage collectif, tome II, Les Éditions du Cerf, 1967. Nous résumons ici la première
partie, intitulée Problématique (p. 305-320). La deuxième est un commentaire tex-
tuel (p. 320-327).
251. Congar ajoute : « L’eschatologie ou le salut (c’est tout un) est englobante
par rapport à la nature ou à l’Histoire, elle est achèvement, transfiguration. Elle n’est
pas une étrangère. C’est pourquoi en ordonnant leur activité et leur vie à l’eschato-
logie, les chrétiens n’ont pas à renoncer à l’œuvre terrestre, encore moins à la trahir :
ils lui assurent son intégrité finale et réalisent leur vocation intégrale d’hommes. »
(p. 314-315)
113
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
114
CHAPITRE 12 – LES DEUX MORALES SUR LES RAPPORTS DE L’HUMAIN ET DU DIVIN
115
TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
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CHAPITRE 12 – LES DEUX MORALES SUR LES RAPPORTS DE L’HUMAIN ET DU DIVIN
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TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
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CHAPITRE 12 – LES DEUX MORALES SUR LES RAPPORTS DE L’HUMAIN ET DU DIVIN
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TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
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CHAPITRE 12 – LES DEUX MORALES SUR LES RAPPORTS DE L’HUMAIN ET DU DIVIN
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TROISIÈME PARTIE – COMPARAISONS ENTRE LES DEUX MORALES
122
CHAPITRE 12 – LES DEUX MORALES SUR LES RAPPORTS DE L’HUMAIN ET DU DIVIN
123
Conclusion générale
L’autre morale aux côtés de la morale
de la Somme
125
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
270. Proemium, Ia q.2.
271. Proemium, Ia IIae.
272. Proemium, IIIa.
126
CONCLUSION GÉNÉRALE – L’AUTRE MORALE AUX CÔTÉS DE LA MORALE DE LA SOMME
127
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
276. La charité ne devient-elle pas, dans la IIIa pars, la charité du Christ ré-
pandue dans les cœurs par l’Esprit Saint ? Le Christ n’a-t-il pas mérité notre salut
(IIIa q.48 a.1) et ne nous a-t-il pas réconciliés avec Dieu (IIIa q.49 a.4) ? Si Thomas
d’Aquin avait pu terminer la Somme de théologie, n’aurait-il pas dit que la béatitude
est notre participation à la résurrection et à la gloire du Christ ?
128
CONCLUSION GÉNÉRALE – L’AUTRE MORALE AUX CÔTÉS DE LA MORALE DE LA SOMME
277. L’une et l’autre parties sont alors lues avec les accents de l’autre morale,
tels qu’ils ont été présentés plus haut.
129
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
précédés278. Dans un sens, rien n’est écarté, mais tout est enrichi et
transformé d’une étape à l’autre.
Nous croyons que la morale peut, elle aussi, avoir ces deux
temps principaux. Dans cette perspective, la morale qui nous est
donnée dans la Prima secundae (Ia IIae) esquisse fort bien le chemin
à parcourir pour atteindre auprès de Dieu notre épanouissement
dernier. Elle établit que Dieu seul peut être notre souverain bien et
que nous parviendrons à lui par des actes d’amour qui auront valeur
de mérite de cette béatitude. Ces actes devront être des actes libres,
jaillissant en nous des dispositions vertueuses, sous l’aide de la
grâce et de la loi nouvelle.
Cette esquisse de morale est présentée par Thomas d’Aquin
sous forme de petits traités, qui ont la finesse de ne pas oublier nos
278. Qu’il nous suffise ici de citer les stades de Piaget dans le développement
intellectuel, les niveaux et les stades de Kohlberg dans le jugement moral et les
sorties de soi (l’expérience, la compréhension, le jugement et le choix) de Lonergan
dans le développement de l’homme. S’il y a un ordre séquentiel, qui va du plus
élémentaire au plus élevé dans les stades, on trouve, en sens inverse, une réorgani-
sation et un enrichissement lorsqu’on revient du plus riche et du plus élevé au plus
élémentaire ; ce dernier est transformé.
130
CONCLUSION GÉNÉRALE – L’AUTRE MORALE AUX CÔTÉS DE LA MORALE DE LA SOMME
279. Cette morale appelle cependant des ajustements, que nous avons déjà
signalés (plus haut, p. 29-32 et 37-41), – sur le mérite (le modèle de l’amour et non
celui de la justice), – sur l’approche concrète par l’unité du sujet (et non sur la seule
approche analytique par les facultés et leurs actes), – sur le langage du sujet agis-
sant (le proprie loquendo et non le metaphorice, qui est celui des facultés et de leurs
actes).
280. Pour être heureux, l’homme est invité à un agir vertueux et bon, équi-
libré et mesuré en présence des biens et selon leur qualité de bien. Cet agir est
choisi et voulu pour lui-même, et il s’accompagne de fermeté et de joie. Derrière
l’agir, il y a l’être qui se transforme, qui devient bon en s’ouvrant au spirituel (le logos
d’Aristote). Si l’homme est capable d’amour et de don, s’il y trouve sa joie la plus
profonde, son accomplissement moral sera celui d’un être de justice et d’amitié,
œuvrant pour l’édification d’une société juste et partageant un vivre avec ses amis.
281. On peut distinguer ici le point de vue de l’implicite dans l’acte et celui
de l’intention du sujet agissant. Il est vrai que l’amour d’un bien est déjà en lui-
même un hommage à ce qui en est la source. Ainsi, aimer Dieu parce qu’il est notre
béatitude engage déjà, sur le plan de l’implicite, un amour premier de Dieu en lui-
même. Sur le plan de l’intention, le sujet peut se porter sur le bienfait reçu et aimer
Dieu parce qu’il en est l’auteur, ou s’ouvrir à Dieu pour lui-même. À ce plan-ci de
l’intention se jouent donc diverses situations et divers équilibres.
131
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
282. Par comparaison avec celui qui est un commençant et avec celui qui est
un progressant dans l’amour de Dieu, Thomas d’Aquin n’affirme-t-il pas du parfait
ici-bas qu’il « cherche principalement à s’unir à Dieu et à jouir de lui » et qu’il désire
« mourir et être avec le Christ » ? (IIa IIae q.24 a.9 et ad 3)
283. L’amour de Dieu est à ce point la finalité qu’il n’a pas de mesure qui le
limiterait, comme c’est le cas de ce qui est orienté vers autre chose. C’est aussi ce
qui va distinguer dans la charité ce qui est de précepte et ce qui est de conseil. (IIa
IIae q. 84 a.3)
284. « Il est cependant possible de dire ce qui ne saurait en aucun cas repré-
senter une signification valable pour une existence humaine. Cette signification
ne réside pas, en particulier, dans cet accomplissement et cette réalisation de soi-
même […] – au contraire, l’homme n’est pas fait pour s’accomplir soi-même et se
réaliser soi-même. Si tant est que l’accomplissement et la réalisation de soi-même
ont leur place dans une vie humaine, ils ne peuvent être atteints que per effectum,
non per intentionem […], comme par surcroît. » (V. FRANKL, La psychothérapie et son
image de l’homme, 1974, Resma, p. 71-72)
285. « Il n’y a que lui (l’amour) qui ne soit pas un moyen destiné à nous per-
mettre d’atteindre à une certaine fin, mais la fin même qui donne à la conscience
tout à la fois cette plénitude et cette suffisance, cette fécondité et cette joie créa-
trice qui montrent que toutes les fins particulières ne sont par rapport à lui que des
expressions ou des moyens… » (L. LAVELLE, De l’acte, Aubier, 1946, p. 446) – Voir
aussi G. MADINIER, Conscience et amour, Alcan 2e éd., 1947, p. 92, et M. NÉDON-
CELLE, Vers une philosophie de l’amour, Aubier, 1946, p. 101-102.
132
CONCLUSION GÉNÉRALE – L’AUTRE MORALE AUX CÔTÉS DE LA MORALE DE LA SOMME
Il est vrai que l’être humain désire son bonheur et son accom-
plissement, et que ce désir profond est inscrit en lui ; il ne s’agit pas
de l’écarter, mais de bien le situer. Par ailleurs, le chrétien sait que
Dieu seul dans son infinie bonté peut lui donner le bonheur parfait
(sa béatitude) auquel il aspire et l’accomplissement définitif de son
être286, et qu’il ne peut, lui, que les mériter par la charité que l’Esprit
répand dans son cœur. Se pose alors chez lui l’équilibre entre d’une
part son désir du bonheur et d’autre part, son amour de Dieu287.
Laquelle de ces motivations – du bonheur recherché ou de
l’amour de Dieu – l’emporte sur l’autre288 ? Dieu doit-il être aimé
pour lui-même ou doit-il être aimé et désiré parce qu’il est la béati-
tude de l’homme et sa fin (« cum inducimur ad diligendum Deum,
inducimur ad desiderandum Deum, per quod maxime nos ipsos
amamus, volentes nobis summum bonum », De caritate, a.7 ad 10) ?
Et voici d’autres textes :
« […] de ratione caritatis ut Deus super omnia diligatur, et ut nullum
ei praeferatur in amore » (De caritate a.10 ad 4) ; – « Deus autem
maxime propter seipsum est diligendus » (a.1 ad 6) ; – « diligatur
summum bonum prout est beatitudinis obiectum » (a.12 ad 16).
286. Dieu nous ouvre à sa vie et à son bonheur. Il est celui qui se donne à
nous en son Fils et dans l’Esprit, et qui nous invite à nous donner à lui. C’est ainsi
que la charité présente en nos cœurs devient une amitié et un partage. Dans la
complencentia boni, dans l’amour affectif qui est premier, s’enracine l’intentio boni,
l’amour effectif, qui nous porte à aimer Dieu et être avec lui, et qui s’exprime non
moins dans une même volonté à l’égard de notre prochain.
287. S’il est vrai que Dieu est pour nous à la fois l’Être (le Bien) suprême et
celui qui nous rend parfaitement heureux, il y a pourtant un ordre entre Dieu lui-
même et ce que nous recevons de lui. Ce qui ouvre la possibilité que le désir de
voir Dieu et d’être en sa présence ne soit pas nécessairement et toujours un désir
intéressé et tourné vers soi. Comme tout désir de connaître, de voir ce qui est beau,
de se trouver en présence d’une personne exceptionnelle, n’est pas affecté d’une
recherche de soi.
288. Qu’il s’agisse de la ratio diligendi (IIa IIae, q.26 a.13 ad 3), de l’objectum
formale (De caritate, a.4 ad 5) ou encore de la radix beatitudinis (De caritate, a.7),
c’est Dieu lui-même qui est cette réalité. Parce que Dieu est le bien qui correspond
à la totalité du bien de l’homme, il est pour lui la raison d’aimer. Parce que la charité
a comme objet formel le divin, Dieu est lui-même l’objet per se de la charité. Parce
que Dieu est le bien infini et le bien total pour l’homme, il est lui seul la béatitude
éternelle proposée au croyant. – Ajoutons qu’il y a aussi l’ordre psychologique et
que l’homme commence toujours par saisir et aimer des biens particuliers, et pour
lui-même.
133
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
289. Traité de saint Bernard sur l’amour de Dieu, chap. VIII-X. Dans son ar-
ticle « Dieu peut-il être légitimement convoité ? » (Revue thomiste 1992, p. 239-266),
Thierry-Marie HAMONIC, o.p., affirme que la charité est d’abord amour de Dieu
pour lui-même, au titre de vertu infuse déjà parfaite. Le dynamisme premier de
cette charité va conduire l’homme à purifier ses affections, et donc son amour de
soi, et non moins son espérance. Là où saint Bernard voit une évolution dans notre
amour de Dieu, Hamonic distingue entre la charité en elle-même et son rayonne-
ment qui nous transforme.
290. IIa IIae, q.24 a.9 – voir aussi ad 2 et ad 3 du même article – L’idée de
degrés est souvent présente dans la Somme : par exemple dans les êtres créés et
dans leur bonté, dans la connaissance humaine, dans la contemplation, chez les
bienheureux, sur le plan des actes vertueux et des péchés, ainsi que dans les pro-
phéties.
134
CONCLUSION GÉNÉRALE – L’AUTRE MORALE AUX CÔTÉS DE LA MORALE DE LA SOMME
135
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
292. Dans la Ia IIae, la charité est considérée comme le principe des actes
méritoires – qui sont de bonnes actions – dont la béatitude sera la récompense
promise par Dieu. Dans la IIa IIae, la charité est étudiée pour elle-même, elle est une
amitié avec Dieu, dont on analyse les diverses expressions. L’étude de la charité est
précédée par celles de la foi et de l’espérance, qui lui donnent déjà son contexte
interpersonnel avec Dieu ; l’une est confiance en Dieu et accueil de sa Parole, l’autre
est assurance que cette amitié avec lui se vivra un jour dans un face à face.
293. L’autre morale prend appui sur la charité comme amitié avec Dieu déjà
présente dans l’homme et à l’œuvre en lui. Cette morale l’inscrira dans le schème
d’une manifestation–émergence, et dans une ouverture à des tâches à assumer
dans le monde d’aujourd’hui, qui seront comme une ébauche de la Cité future.
294. Cette morale d’une vie déjà unifiée appellera, elle aussi, des ajuste-
ments : le langage de la manifestation et non celui de l’architectonie ; – l’approche
dite concrète (par l’unité du sujet) plutôt que l’approche analyique (par les facultés
et leurs actes). Ajoutons que la complacentia boni précèdera dans la charité l’in-
tentio boni : notre regard d’amour, qui nous émerveillera devant Dieu et qui nous
rendra autrui cher et précieux, précèdera notre réponse et notre agir.
295. En d’autres mots, si la finalité de l’agir vertueux demeure, elle sera dans le
plan objectif de Dieu ce qui conduira l’être humain à lui, mais sans être en première
place dans le plan psychologique du sujet agissant et dans sa motivation. Bref, si on
exprime sa charité, ce sera pour la vivre et non pour augmenter son mérite.
136
CONCLUSION GÉNÉRALE – L’AUTRE MORALE AUX CÔTÉS DE LA MORALE DE LA SOMME
296. En son psychisme, l’être humain est d’abord tout tourné vers lui-même,
et s’il pense à Dieu c’est pour en recevoir les bienfaits qu’il désire. Il est d’abord dans
un état de faiblesse et il doit se construire en ramenant tout à lui-même. L’évolution
le conduira à s’ouvrir progressivement aux autres et finalement, dans l’amour au-
thentique, à leur donner la première place dans son cœur. Notons que le désir de
Dieu suit une même courbe dans le cœur de l’homme.
137
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
138
CONCLUSION GÉNÉRALE – L’AUTRE MORALE AUX CÔTÉS DE LA MORALE DE LA SOMME
139
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
298. Soulignons ici que la morale a une tâche qui lui est particulière, car la
métaphysique et l’épistémologie n’ont comme telles aucun rapport avec une lec-
ture du temps et de l’histoire humaine : elles sont affaire de philosophie, d’aptitude
à rendre compte du réel ; on peut les défendre, mais sans les retoucher substantiel-
lement si elles sont justes.
140
CONCLUSION GÉNÉRALE – L’AUTRE MORALE AUX CÔTÉS DE LA MORALE DE LA SOMME
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L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
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Bibliographie
143
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
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145
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
146
Table des matières
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Première partie
Le temps et l’histoire humaine,
et la morale chez Thomas d’Aquin
Chapitre 1
Temps et histoire humaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1. La conception médiévale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2. Au XIIIe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
3. Temps et histoire dans le Commentaire scripturaire
de Thomas d’Aquin sur Job . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
La condition humaine est fragile, misérable, la
vie de l’homme est un combat et un service (16).
Le souci de Dieu pour l’homme ne se comprend
que dans la perspective d’une autre vie (18).
La sagesse à tenir en cette vie est celle du serviteur
et celle de l’ami (19).
Chapitre 2
La morale chez Thomas d’Aquin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
1. Un univers structuré et ordonné . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2. Emprunts à Aristote et leur transposition . . . . . . . . . . . . . . 23
3. La clef du mérite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
3.1 Paramètres du mérite humain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.2 Transpositions : le mérite chrétien . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Une notion enrichie (27). Le mérite suivant la
justice et suivant la charité (29). Deux précisions
sur le mérite (33).
147
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
Chapitre 3
La béatitude et l’acte de présence à Dieu . . . . . . . . . . . . . . . 35
1. Les distinctions importantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2. L’acte de présence à Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Chapitre 4
La charité et la vie chrétienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
1. La charité définie comme une amitié avec Dieu . . . . . . . . 44
2. La charité comme source et perfection des vertus . . . . . . 45
3. La charité comme vertu impérante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
4. La charité et la nécessaire présence ou connexion
des vertus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
Chapitre 5
En guise de conclusion de la première partie . . . . . . . . . . . 51
1. Retour à Aristote . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
2. Difficultés rencontrées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Deuxième partie
Autre lecture du temps et de l’histoire, autre morale
Chapitre 6
Une autre lecture de notre temps et de notre histoire
humaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
1. Un temps et un univers agrandis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
2. L’autre morale possible en lien avec cette lecture . . . . . . . 59
Chapitre 7
Indices textuels d’un autre schème chez Thomas
d’Aquin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
1. Premiers indices textuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
2. Autres textes : ligne de manifestation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
3. Autres textes : ligne d’émergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
4. Réflexions sur la dialectique de manifestation et
d’émergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
148
TABLE DES MATIÈRES
Chapitre 8
Assises théoriques du schème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
1. La manifestation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
2. L’amour et la charité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Complacentia boni et intentio boni (72).
3. Amour et charité : des réalités premières, englobantes et
unifiantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
Note sur les actes impérés et sur des questions
connexes (75).
Chapitre 9
Pour l’insertion de l’autre morale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
1. Découpage de l’agir en diverses unités . . . . . . . . . . . . . . . . 78
2. L’intentionnalité première de la vertu . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
Troisième partie
Comparaisons entre les deux morales
Chapitre 10
Comparaisons globales entre les deux morales . . . . . . . . . 83
1. Le schème moyens-fin comme schème organisateur . . . 84
1.1 Note sur les termes employés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
1.2 Deux lectures du schème organisateur moyens-fin . 86
1.3 Remarques sur le schème organisateur moyens-fin . 87
2. Le schème de manifestation-émergence . . . . . . . . . . . . . . . 90
3. Deux périodes qualitativement différentes de nos vies . 91
4. Observation et compréhension des réalités humaines . . 92
5. Un exemple des deux schèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
Chapitre 11
Les deux morales appliquées au mariage . . . . . . . . . . . . . . . 97
1. Le mariage selon Thomas d’Aquin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
2. Le mariage selon Gaudium et spes et après . . . . . . . . . . . . . 100
149
L’AUTRE MORALE DE THOMAS D’AQUIN – SON RAPPORT À NOTRE TEMPS
Chapitre 12
Les deux morales sur les rapports de l’humain et du
divin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
1. L’humain et le divin chez Thomas d’Aquin . . . . . . . . . . . . . . 106
1.1 Le premier versant : de l’humain au divin . . . . . . . . . . . 106
1.2 Le deuxième versant : du divin à l’humain . . . . . . . . . . 109
2. Humain et divin à Vatican II et dans le Magistère de
l’Église . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
2.1 Présentation de Gaudium et spes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
La tradition catholique du Moyen Âge (112).
L’enseignement de Gaudium et spes (113).
2.2 L’humain et le divin dans Gaudium et spes . . . . . . . . . . 115
2.3 L’humain et le divin dans Populorum progressio . . . . . 116
2.4 L’humain et le divin dans Caritas in veritate . . . . . . . . . 119
2.7 Le divin et l’humain dans Vatican II et dans le
Magistère de l’Église . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
Conclusion générale
L’autre morale aux côtés de la morale de la Somme . . . . . . 125
1. Un principe d’articulation des deux morales . . . . . . . . . . . 126
La morale et ses trois niveaux dans la Somme :
une approche de sagesse (126).
2. L’articulation des morales suivant une séquence
temporelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
2.1 Une identification aux deux périodes de nos vies . . . 130
2.2 La Prima secundae (Ia IIae) et ses limites : la première
période de nos vies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
2.3 La Secunda secundae (IIa IIae) et la Tertia pars de la
Somme en lien avec la deuxième période de nos
vies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
2.4 Plan théorique et plan concret de nos vies . . . . . . . . . . 136
3. Plan humain et plan chrétien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
4. Retour sur notre étude de Thomas d’Aquin . . . . . . . . . . . . . . 138
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Œuvres et articles cités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
150
Il y a chez Thomas d’Aquin une autre morale que celle que nous
connaissons. Si elle n’a pas été développée, c’est que le temps d’alors
ne la réclamait pas. Cette autre morale, dont les assises ne font aucun
doute, se trouve en rapport avec le meilleur des options et des sensi-
bilités de notre temps.
Illustration de couverture :
Vitrail de Gaston Petit o.p.
Inochi no nami (La vague de la vie) 2011.
Propriété de M. et Mme K. Tokûé, Tokyo. Philosophie