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Il semble que, jusqu’à présent, l’augmentation de la productivité du travail ait dû être payée par la perte
de la joie au travail.
Autrefois, pour vivre, les hommes ont toujours dû se livrer à des activités comme la chasse, la pêche, le
labourage, la construction, le tissage, etc. Mais il me semble que ces activités d’ordre matériel, destinées à
5 permettre la vie, comportaient, pour ceux que nous appelons des primitifs, une part de jeux, de sport ou de
dévotion1, comme nous pouvons encore la voir pour les vendanges2 qui sont toutes pleines de rires, de
plaisanteries3, où tantôt les vendangeurs font la course à qui ira le plus vite et où, tantôt, le badinage 3
retrouve ses droits, les garçons prenant le temps de faire la cour 4 aux filles. Au contraire, le travail à
l’époque moderne est devenu une affaire triste, une tâche accomplie uniquement pour son résultat sous le
1 signe de l’efficacité.
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C’est, je pense, ce caractère morne et sombre du travail qui a conduit au découpage actuel du
comportement humain : pendant les heures de travail, on demande à l’homme d’être efficace et, pendant les
heures de loisirs, on l’autorise, que dis-je, on l’encourage à satisfaire ses besoins ; d’où il suit que rien n’est
plus important que de réduire au maximum le temps de travail. Mais la frustration psychologique 5 dont
1 souffre l’homme pendant son travail marque toute sa vie. Et l’on peut observer que les hommes qui
5 semblent avoir une vie agréable et heureuse ne sont pas ceux qui travaillent peu (autrement la vie agréable
serait celle du rentier6 qui ne travaille pas du tout) mais ceux qui prennent plaisir à accomplir leur travail.
C’est pourquoi nous devons considérer le développement de nouvelles capacités des individus au travail
comme un but bien plus important que la réduction de la durée du travail. […]
Je voudrais également aborder un dernier problème. Ceux qui ont cessé de travailler en raison de leur
2 âge et qui vivent d’une retraite forment un groupe toujours plus nombreux. Il va en résulter une « classe
0 oisive » bien différente de la « classe oisive du XIXème siècle » qui possédait un capital lui permettant de
vivre sans travailler. D’une part, elle est beaucoup plus nombreuse et d’autre part, elle se distingue de la
classe des travailleurs à laquelle appartiennent les adultes, non par des revenus supérieurs, mais bien par des
revenus inférieurs. Notre société n’a plus de groupe d’hommes consacrant leur vie aux loisirs au sommet de
2 l’échelle des revenus, mais un vaste groupe d’hommes voués aux loisirs au bas de l’échelle des revenus :
5 les personnes âgées.
D’après Bertrand de Jouvenel, Arcadie : Essais sur le mieux vivre, éd. Gallimard,
1968.
2- Dites pour chacune des affirmations suivantes, si elle est vraie ou fausse. Justifiez,
quand c’est faux, en citant le texte. 2 pts
a. Les activités d’ordre matériel étaient une sorte de punition pour les primitifs.
b. Les êtres humains qui jouissent d’une vie agréable sont ceux qui travaillent peu.
c. Le dernier problème soulevé par Jouvenel concerne les personnes retraitées.
3- a. Dans le deuxième paragraphe (L.3 à 9), l’auteur compare le travail dans le passé à celui
de son époque. Relevez-y deux indicateurs temporels et un connecteur logique
d’opposition. 0.75 pt
b. Déduisez à la lumière de votre réponse en (a) les deux conceptions du travail. 1 pt
6- « Le travail à l’époque moderne est devenu une affaire triste » (L.8-9). Les travailleurs
dans votre entourage immédiat vous semblent-ils heureux ? Justifiez votre réponse. 1 pt
II- Production écrite Traitez, au choix, l’un des deux sujets suivants 6.5 pts
Votre texte fera 25 à 40 lignes dans une écriture de taille moyenne. (250 – 400 mots +/- 10 %)
Sujet 1 : Selon l’auteur, les hommes qui mènent une vie agréable sont ceux qui prennent
plaisir à accomplir leur travail. Partagez-vous son opinion ? Quelle que soit votre
réponse, vous la présenterez dans un développement argumenté illustré d’exemples
précis.
Sujet 2 : La plupart des jeunes de votre région sont à la recherche d’un travail. Au nom de
tous ces chômeurs, vous prenez l’initiative et vous rédigez un mail au chef de la
municipalité pour lui exprimer votre inquiétude et lui proposer des opportunités de
travail (entreprises, restaurants, manufactures, etc…) qui permettent aux jeunes de
gagner convenablement leur vie. Votre mail exprimera vos suggestions et vos
sentiments.