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P.

Hippolyte AGNIGORI

Pour mieux comprendre aujourd’hui le dogme de


L’Assomption de La Vierge Marie :
15 Aout …

1
Au Père Jean-Baptiste TILO (de vénérée mémoire),

Au Rev. Père Blaise ANOH, fidèle père et professeur

Aux ainés et confrères dans le sacerdoce ministériel

A mes parents M.et Mme AGNIGORI, Mémé HIBA,

A mon indéfectible ami ALI, ami de Dieu,

A mes amis Mélaine K.et Emmanuel K.,

A monsieur et madame Jean-Michel M,

A tous mes étudiants, amis intrépides de la foi,

Aux amis de l’Emmanuel, fidèles et vrais adorateurs,

A tous ceux qui vénèrent la Très Sainte Vierge Marie…

« Etant en Dieu, qui est proche de nous, qui est même "à l'intérieur" de nous tous, Marie participe à cette proximité de Dieu. Etant en Dieu
et avec Dieu, elle est proche de chacun de nous, elle connaît notre cœur, elle peut entendre nos prières, elle peut nous aider par sa bonté
maternelle et elle nous est donnée - comme le dit le Seigneur, - précisément comme "mère", à laquelle nous pouvons nous adresser à tout
moment. »Benoit XVI

« L’assomption, c’est la décoration de Marie par Dieu pour service rendu :

de l’annonciation, en passant par la crèche, jusqu’au pied de la croix

de son fils, Marie n’a dit que «oui » à Dieu. »

Mgr Boniface ZIRI

« Assomption de Marie : quand la divinité rencontre l’humanité,

la résurrection ne peut qu’exploser. En cela Marie nous devance... »

P. Elie KRAMO

« La résurrection de Jésus fonde notre croyance en la vie éternelle.

L’Assomption de Marie en est un signe évident... »

P. Anselme DANGBO

2
Préface

La plupart de nos fidèles achète volontiers bougies, chapelets, encens,


statues….. oubliant que l’un des piliers les plus importants de la vie chrétienne
est la formation.

Un médecin qui refuse de se former aux nouvelles techniques et technologies


de la médecine sera vite dépassé et deviendra incapable de prendre en
compte les découvertes de la science pour aider à soulager les malades.

De même un chrétien qui ne se soucie pas d’approfondir la formation reçue au


baptême devient très rapidement une cible facile pour ceux qui s’acharnent à
semer le doute dans le cœur des fidèles

Le Père Hippolyte Agnigori veut nous aider à combler ce vide ; il met à notre
portée ce livre qui traite d’un thème qui nous intéresse tous et toutes :
l’Assomption de la Vierge Marie notre mère du ciel

Voici un extrait de ce qu’il nous propose : la Vierge Marie a été glorifiée, corps
et âme, au terme de sa vie. Non qu’elle ait été d’elle-même, mais par les
mérites du Fils qu’elle a porté et qui a en son sein l’union hypostatique
(Homme/ Dieu). Marie ne peut aucunement d’elle-même monter au ciel.
Elle est portée pour bénéficier de la gloire de son Fils. Le concile entend
mettre en évidence la notion de subordination de Marie à son Fils ; elle
met au monde le Fils de Dieu qui demeure libre de lui faire bénéficier
d’une telle grâce. Marie ne rivalise en rien avec la Sainte Trinité qu’elle
adore, mais reconnait sa place d’humble servante bénéficiant de la bonté
du cœur de son Fils. Vrai Dieu et Vrai Homme. Il n’y a donc plus de
confusion entre Ascension qui fait entrevoir la divinité du Christ qui
s’élève sans se faire aider (après sa résurrection) et l’Assomption de la
Vierge Marie qui n’est qu’une résultante de cette Ascension. La Vierge
reçoit cette grâce du Christ, de la liberté du cœur sacré de son Fils. »

Ici nous apprenons que Luther le père du mouvement protestant fut un grand
dévot de la Vierge ; il nous partage le fruit de sa méditation : « De la fête de
l’Assomption de la Vierge nous ne pouvons déduire les détails sur la manière
dont Marie est au ciel : ce n’est d’ailleurs pas nécessaire, étant donné que nous

3
ne pouvons pas épuiser par notre compréhension tout ce qui se passe avec les
saints dans le ciel. Il nous suffit de savoir qu’ils vivent en Christ »

De même son commentaire sur le Magnificat est édifiant : « il devait être appris
et retenu par tous écrit-il, car dans le Magnificat Marie nous enseigne
comment aimer et louer Dieu…Elle veut être le plus grand exemple de la grâce
de Dieu, au point d’inciter chacun à la confiance et à la louange de la grâce
divine »

Quand on aime on s’efforce toujours de mieux connaitre celui ou celle que


nous aimons pour l’aimer davantage et lui procurer du plaisir, de la joie. Ce
désir doit être encore plus grand quand il s’agit de celle qui nous a donné la
vie. Le Christ sur la croix nous a confié à sa mère ; elle est devenue notre mère.
Faisons en sorte de mieux la connaitre pour mieux l’aimer et mieux l’imiter.
nous éviterons la mariolâtrie une déformation dans le culte rendu à Marie,
un mal qui guette malheureusement bon nombre de chrétiens ; agissant ainsi
nous bénéficierons nous aussi un jour de la grâce dont Dieu l’a comblée en la
faisant entrer dans sa béatitude. C’est à cela que ce livre veut nous conduire.

Mgr Joseph AKE

Archevêque de Gagnoa

Président de la CECI

4
INTRODUCTION

Parler de la Vierge Marie1 a toujours suscité de nombreuses polémiques et interrogations


respectivement chez les gens hors de l’Eglise catholique et chez les catholiques eux-mêmes :
l’Assomption de Marie en est bien une illustration. Elle enseigne qu'après sa mort, la mère de Jésus a
été glorifiée, et enlevée physiquement au ciel. Le terme Assomption est tiré du mot latin « assumere »
signifiant "faire monter’’ (différent de « monter soi-même »." L’Assomption de Marie est enseignée
par l'Eglise Catholique et, à un moindre degré, par l'Eglise Orthodoxe Orientale.

Dans la Bible, Dieu a "enlevé" Enoch et Elie2 au ciel (Genèse 5:24 ; 2 Rois 2:11). Il n'est donc
pas impossible que Dieu ait fait de même pour Marie. Il n’est pas mauvais de croire que Dieu ait
"enlevé" Marie au ciel. Le problème est qu'il n'y a aucune base scripturaire à l'Assomption de Marie.
La bible ne mentionne pas la mort de Marie et ne parle même plus d’elle après Actes chapitre 1.Pour
beaucoup, une telle absence est une faute très grave de la part de l’Eglise ; mais ce qu’ils ignorent,
c’est que la doctrine de l'Assomption a pris forme dans la Tradition de l’Eglise que nous aurons à
éclaircir.

C’est vrai, certains Catholiques romains vont même jusqu’à enseigner que Marie est ressuscité3
le troisième jour, tout comme Jésus, et qu’elle est montée au ciel, tout comme Jésus (ces conceptions
ont prévalu à un moment donné). Ces aberrations frisent une « Mariolatrie ou Marilatrie », d’où la
délicatesse de parler de Marie .Parler de Marie, c’est absolument se référer aux documents mis en
vigueur par l’Eglise (Lumen Gentium, Dei verbum,etc.).Des fois, les convictions mal argumentées,

1
Bien avant la naissance de Jésus-Christ, plusieurs cultes de déesses existaient. En Chine, ce fut le culte de la sainte SHING
MOO. En Inde, celui de DEVAKI (la déesse) et de KRISHNA (son fils). A Ephèse, celui de DIANE (la mère des dieux identifiée à
Sémiramis), En Egypte, ce fut le culte d’ISIS (la déesse mère) et d’HORUS (son fils). En Scandinavie, celui de DISA,
représentée avec un enfant. En Grèce celui d’APHRODITE, la déesse médiatrice. A ROME, celui de VENUS (la déesse mère)
et de Jupiter enfant. En Palestine, celui d’ASTARTE (la déesse mère) et de BAAL (son fils).
Vers les années 300 après Jésus-Christ, lorsque la religion Catholique Romaine s’est constituée, beaucoup d’historiens
athées avaient perçu seulement l’image de la Vierge comme pure invention pour drainer un nombre important de païens
au christianisme. C’ est une erreur grave, le christianisme ne prône pas la valeur de la vierge indépendamment de du Fils
Jésus. C’est bien au contraire Jésus, du fait de sa divinité révélée qui éclaire la place de Marie dans le mystère du salut. Sans
la divinité reconnue de Jésus, on ne parlerait jamais de La Vierge Marie.

2
Élie et Énoch sont deux personnages bien importants dans l’antiquité. Ils sont tous deux les seuls qui n’aient point goûté
de la mort, et qui aient été transportés hors du monde. La sainte Écriture, qui est toujours notre guide infaillible, nous
apprend qu’Énoch fut père de Mathusala ou Mathusalem, et qu’il ne vécut sur la terre que trois cent soixante et cinq ans,
ce qui a paru une vie bien courte pour un des premiers patriarches. Il est dit qu’il marcha avec Dieu, et qu’il ne parut plus,
parce que Dieu l’enleva. « C’est ce qui fait, dit dom Calmet, que les Pères et le commun des commentateurs assurent
qu’Énoch est encore en vie, que Dieu l’a transporté hors du monde aussi bien qu’Élie, qu’ils viendront avant le jugement
dernier s’opposer à l’antéchrist, qu’Élie prêchera aux Juifs, et Énoch aux Gentils. Saint Jérôme (in commentaire sur Amos)
croit qu’Énoch et Élie sont dans le ciel.

3
Très tôt, certains chrétiens ont voulu attribuer à la vierge Marie les mêmes effets de grâce accordés à Jésus. Puisqu’il était
difficile de parler de Marie sans référence à Jésus, il était normal de leur attribuer les mêmes exaltations. Cette hérésie fut
vite combattue après le concile d’Ephèse en 431.

5
fougueuses de certains catholiques ou adeptes de Marie peuvent prêter à confusions. Le Nouveau
Testament enseigne que Jésus est ressuscité le troisième jour (Luc 24:7) et est monté physiquement au
ciel (Actes 1:9). Affirmer la même chose pour Marie revient à lui attribuer certains des attributs du
Christ. Bien que l'idée de l'Assomption de Marie ne soit hérétique en soit, elle constitue, dans l'Eglise
catholique romaine, un pas important vers les raisons pour lesquelles Marie est vénérée, honorée et
priée.

Enseigner l'Assomption de Marie est un fait délicat et n’est pas loin d’en faire une personne
égale au Christ : c'est ce qui motive l’élaboration de ce livret pour élucider un certain nombre
d’ambiguïtés chez les catholiques et les non-catholiques .Ce travail voudrait aider les hommes de ce
monde à comprendre aisément, sans ambages , comment est-ce que l’« Assomption de La Vierge
Marie » a pris forme, a évolué pour, enfin, devenir un dogme dans l’Eglise Catholique.

Notre exposé se repartira en quatre points progressifs :

- Christianisme antique et la mère de Jésus

-Marie dans la médiévale

-La renaissance mariale et la surprise luthérienne

-Le dogme de l’Assomption en lui-même

I-MARIE DANS L’ANTIQUITE CHRETIENNE

Le christianisme antique avait, face à l’expansion des réseaux des croyances


gnostiques et païennes, focalisé aux premiers et deuxième siècles son attention sur la divinité 4
de Jésus. Les nombreux écrits des pères apostoliques (les pères de l’Eglise qui ont connu les
apôtres) en sont un bel exemple. C’est dans cet élan de précision de leur contenu doctrinal que
les chrétiens ont d’abord voulu abonder. Il fallait, à cette époque démontrer la divinité de
Jésus. C’est ce qui importait avant toute autre investigation théologique.

4
Il est vrai que l’Église a affirmé au concile de Nicée(325) que Jésus-Christ est de nature divine, de même nature que le Père,
et qu’il a existé de toute éternité. Toutefois, prétendre que cela a été décidé lors de ce concile est du révisionnisme
historique pur et simple. La réalité est tout autre, comme l’atteste très clairement les écrits de l’époque. Avant les
controverses soulevées par Arius, la quasi-totalité de l’Église affirmait que Jésus-Christ est Dieu manifesté en chair, de la
même nature que le Père. Il est le Créateur, et non une créature. Quand cette doctrine a été mise en doute par Arius et
autres, c’était justement l’influence récente du paganisme dans l’église qui a permis que ces idées se répandent assez
largement.

6
Cependant certains écrits, les évangiles, mêmes s’ils abordaient le fait Marial,
l’évoquaient juste pour situer l’avènement de Jésus dans une histoire qui impliquait
nécessairement l’énoncé de Marie .Il faut attendre Leucio, un disciple de St jean l’évangéliste
pour commencer à faire émerger la valeur cachée de Marie, non qu’elle aie été sans
importance, mais parce que le fait de la divinité prouvée du Christ impliquerait
nécessairement une vénération de celle qui a porté en son sein le divin sauveur.

1-Leucio ou le pseudo-Jean : la naissance d’une nouvelle


mariale
Au deuxième siècle, un écrit appelé le « Transitus viginis ou Dormitio Mariae5 » fait son
apparition en bousculant les écrits en vigueur avec une affirmation qui ne figurait littéralement pas
dans les écrits reconnus inspirés appelés « évangiles ».Mais loin de voir dans le transitus ,un écrit qui
contrecarrait les évangiles ,le transitus venait extérioriser ce que la tradition, gardait comme dépôt
(condensé) et suite logique de la foi déjà confessée dans les écrits inspirés .Cet écrit Transitus qui
signifie « Passage » (Pâque) a voulu mettre en exergue ce qu’a été la fin de la vie terrestre de la
Vierge Marie. Il se préoccupe de faire pressentir au lecteur que le corps de Marie n'a pas subi
les effets de la décomposition du sépulcre : il fut emporté au ciel. Dans sa forme actuelle, le
document remonte au IVè-Vè siècle. Mais les informations qu'il contient autorisent une
origine bien antérieure (IIè et IIIè s.). Le texte le plus ancien, partiellement conservé en grec et
plus complètement en éthiopien, est attribué à un certain Leucio, disciple de saint Jean
l'évangéliste. C’est lui qui aurait commencé par identifier l’incorruptibilité du corps marial.
Disciple de St Jean, il spécifie que la Vierge aurait vécu à Ephèse avec l’évangéliste et à la fin
de sa vie, son corps ne connut pas de décomposition et aurait disparu.
Le message central de cet écrit tombé en ruine était : « le corps de la Vierge Marie, ne se
décomposa pas, mais suivit le sort de son Fils ».Cette hypothèse d’études des faits historiques
soutenue par BAGATTI6, porte à conclure que la foi de l’Eglise dans l’Assomption corporelle
de Marie au ciel rentre dans une tradition ininterrompue et vivante même si l’évènement est
enveloppé dans le voile du mystère. Certains pères de l’église s’inspireront de cet écrit pour
porter déjà en germe le mystère de l’Assomption. Le concile d’Ephèse ne restera pas sans
apporter sa contribution au mystère de Marie.

2 - Les pères de l’Eglise et la Vierge

5
Le Virginis' ou 'Dormitio Mariae' est un document qui présente les derniers instants de la vie terrestre de Marie et se
préoccupe de faire pres'Transitus sentir au lecteur que dans le cas de Marie le corps ne subit pas les effets de la
décomposition du sépulcre, mais il fut porté au ciel.

6
BAGATTI,B., Le due redazioni del "Transitus Mariae", o.c. 287.
7
L’autorité des Pères est d’une importance capitale selon la doctrine de l’Église qui
voit en la Tradition, un élément constitutif de la règle suprême de sa foi : « l’Église a
toujours eu et elle a pour règle suprême de sa foi les Écritures, conjointement avec la sainte
Tradition. » (Dei Verbum.6, 21).L’Écriture est source et origine de la Tradition qui l’explicite
et l’interprète et de cette Tradition, les Pères sont les organes privilégiés. Ce que nous
recherchons dans les œuvres des Pères de l’Église, c’est précisément, au-delà de leur
enseignement personnel, le reflet authentique de la foi de l’Eglise. Parler donc de
l’Assomption de la Vierge sans référence aux pères serait errer puisqu’ils sont les garants de
cette Tradition7. A la suite de Leucio, les pères vont se prononcer sur le fait de la destinée
finale de la Vierge Marie. Le concile d’Ephèse ne sera qu’une phase finale de cette foi
révélée.

a- Assomption chez les pères


Tôt, après la mort de Jésus, sa Mère sera évoquée par les premiers pères de l’Eglise8.
Ignace d'Antioche (mort martyr en 110) aurait connu des témoins directs du Christ (Pierre ou
Paul selon les textes); il est le premier après les Evangiles à mentionner Marie : " Notre Dieu
Jésus-Christ a été porté dans le sein de Marie selon l'économie divine " et encore, "Jésus né
de Marie et de Dieu "...; il laisse entendre dans une lettre aux Ephésiens que les premiers
chrétiens vénéraient déjà Marie. Vers 165, c’est saint Justin qui nomme le premier "la Vierge
"; puis saint Irénée de Lyon (mort vers 202) évoque la coopération de Marie à l'œuvre du
Salut et esquisse la théorie de Marie, Mère de l’Eglise. A voir de près, leur but est d'affirmer
l'Incarnation et la spécificité de Marie dans l’économie de la foi.

Cependant, personne, même si compris, ne semble mettre en évidence l’énoncé du futur


dogme de l’Assomption. La démarche de ces premiers Pères se voulait progressive et

7
L’Eglise tient pour infaillible l’unanimis consensus Patrum. « Tous les Pères, quand ils sont unanimes, ne peuvent errer dans
les dogmes de foi ». CANO, De locis 7. 3. Melchior Cano est un théologien espagnol dominicain du XVIème s. « Que nul n’ait
l’audace, dit un décret de 1546, en des questions touchant à la foi et aux mœurs, d’interpréter l’Écriture contrairement au
sentiment de l’Eglise et au consentement unanime des Pères », ce décret eu l’approbation du Concile du Vatican en 1870, il
affirme l’importance de ce qu’on appelle la preuve par les Pères.

8
Les Pères de l'Église ont été les chantres de Marie, particulièrement saint Ambroise de Milan (IVe siècle) considéré comme
un père de la mariologie occidentale et qui disait de Marie : "Elle est le Temple de Dieu non pas le Dieu du Temple " et saint
Jean Damascène, considéré comme le grand chantre de la piété mariale en Orient (VIIe-VIIIe siècle). Peu à peu la piété
populaire et la réflexion des intellectuels approfondissent l'image de Marie.
En Orient, à partir de 350, on attribue couramment à Marie le titre de "Mère de Dieu." D'ailleurs la Vierge Marie est citée en
tant que Mère du Verbe Incarné, tant dans le "Symbole des Apôtres" que dans le "Credo de Nicée-Constantinople", les deux
grandes affirmations de la foi chrétienne, communes à toute la chrétienté. Comme l'écrit saint Grégoire de Naziance (330-
390), Marie devient modèle de vie chrétienne : " Le Christ est né d'une Vierge, femmes cultivez la virginité et vous arriverez
à être la Mère du Christ ".

8
méticuleuse, comme nous l’affirmions plus tôt : affirmer d’abord la divinité du Christ et faire
découler par la suite le supposé de la destinée de la Vierge Marie. Dans une foi devançant le
dogme de l’Assomption, les pères de l’âge d’or (IV-Vè s.) ont exprimé cette vérité de foi : ce
qui justifierait qu’ils auraient eu entre leurs mains le transitus de Leucio et l’auraient adopté.
Par ailleurs, nombreux sont les pères de l'Eglise qui font une référence explicite à la
mort de Marie. Elle est morte à cause de sa nature humaine, en tant que descendante d’Adam
elle suit, elle aussi, les lois de la nature, elle est morte parce que le Christ aussi est mort selon
la chair.
D'autre part, ces affirmations sont considérablement adoucies ou réduites. La mort
naturelle de Marie ne comporte pas - comme pour toute l'humanité - un esclavage, mais elle
consiste presque dans un sommeil extatique, semblable au sommeil d'Adam quand de son côté
Ève a été formée. Il ne faudrait donc pas appeler son départ du monde une « mort », mais il est
plus logique de le définir « dormition » ou « passage » ou plutôt une « entrée dans la demeure
de Dieu »: en effet, elle entre dans une condition meilleure, il s'agit d'un sommeil bienheureux
d'un passage glorieux de la terre au ciel. Parmi ces pères, nous avons :

° Ephrem9 de Nisibe, le chantre de l’assomption (306-373) : Bien que la proclamation du


dogme de l’Assomption soit postérieure à son époque, saint Ephrem, un diacre, théologien et
auteur prolifique d'hymnes en langue syriaque, avait déjà chanté l’événement de l’Assomption
de la Vierge Marie. Il affirmait, dans la liturgie syrienne, la présence de la Vierge dans les
hauteurs et demeures célestes, (hymnes à Marie pour la liturgie des heures, n° 16) :

« Le corps de Marie est resté vierge après l’enfantement, ce corps ne connaît pas la
corruption après la mort. Elle est celle qui a porté le Créateur devenu enfant dans son sein,
qu’elle habite désormais dans les demeures divines, et que l’épouse de Dieu entre dans la
maison du ciel. Elle a vu son propre fils en croix, et reçu dans son corps la douleur qu’elle
n’a pas soufferte durant l’enfantement. Elle le contemple siégeant à la droite du Père, et elle

9
Éphrem le Syrien (en syriaque :‫ܣܘܪܝܝܐ ܐܦ ܪܝܡ‬, Aprêm Sûry yâ en grec : Ἐφραιμ Συρος, Ephraim Syros en latin : Ephraem
Syrus) naquit à Nisibe vers 306 et vécut à Édesse ; il mourut en 373. Ses œuvres étaient si populaires qu'on allait jusqu'à les
lire à l'office au titre d'écritures inspirées, comme on le fit un certain temps pour le Pasteur d'Hermas et les Épîtres de
Clément Romain, et que durant des siècles après sa mort, des auteurs chrétiens rédigèrent sous son nom des centaines
d'ouvrages pseudépigraphiques. Les écrits d'Éphrem témoignent d'une expression de la foi chrétienne encore primitive
mais vibrante, peu influencée par les modes de pensée européens et plus enracinée dans les façons de parler de l'Orient.

9
ne connaît pas la corruption après la mort. […]Qu’elle soit honorée par toutes les créatures
comme la mère et la servante de Dieu. »
A sa suite, les autres pères feront des discours et des homélies qui militent en la faveur
de l’incorruptibilité du corps de la vierge Marie à travers trois arguments fondamentaux du
mystère de Jésus10 :
- Le premier argument est le mystère de l'incarnation : ce thème sera répété avec une
fréquence considérable. Le corps de Marie est incorruptible parce que durant sa vie terrestre il
a accueilli le corps du Christ (Modeste de Jérusalem), parce qu'il a été "temple vivant du Fils
unique de Dieu"(Germain de Constantinople), parce qu'elle a reçu la vie (idem).A ce niveau,
St Augustin est plus expressif quand il dit : « C’est pourquoi Jésus-Christ voulut que le corps
de Marie fût préservé de la corruption du tombeau car cette chair virginale, à laquelle il avait
emprunté sa propre chair, ne pouvait, sans déshonneur pour lui-même, subir d’ignominieuses
atteintes… Quel opprobre n’est-ce pas pour la nature humaine, dit saint Augustin, que la
pourriture du tombeau ! Aussi, étranger lui-même à l’opprobre universel, Jésus en exempta-t-
il sa sainte Mère, car la chair de Jésus, c’est la chair de Marie…De quelque gloire que la
résurrection l’ait couronnée, elle n’en reste pas moins celle qu’il a prise de la sainte Vierge . »
(De Assumptione B. M. V., liber unus. - cité dans les Gloires de Marie)
- Le second argument se réfère au mystère de la virginité dans la conception et
l'enfantement. En effet, « comment peut-elle supporter la sépulture celle qui n'a pas connu le
rapport viril?»(St Jean Damascène). De même que l'utérus de Marie est resté intègre lors de
l'accouchement, de la même façon, sa chair ne s'est pas dissolue lors de sa mort. Elle a
échappé à la corruption de l'accouchement et le sépulcre ne l'a pas accueilli dans l'extrême
corruption de la mort (André de Crète).

- Le troisième argument est déduit du rôle de Marie dans l'œuvre de la rédemption réalisée
par le Christ. « En effet, comment ta chair pouvait-elle se dissoudre en cendre et se réduire
en poussière, alors que tu avais libéré le genre humain de la corruption de la mort, par
l'incarnation de celui qui est né de toi?» (Germain de Constantinople)

10
Tout est en rapport avec le Christ. C’est dans la logique démonstrative du Mystère de la Divinité de Jésus que les pères de
l’Eglise font résonner l’importance de la Vierge inscrite aussi dans l’élaboration du mystère de l’Emmanuel, du Dieu-avec-
nous .La divinité du Christ inclut nécessairement une mise à part de Marie. Parler de Marie a donc un sens. Elle donne son
corps, elle collabore, elle accepte, elle plonge sa volonté dans la volonté de Dieu. Quoiqu’il en soit son identité subit une
transformation qu’il convient de ne pas ignorer. Ce serait offenser la divinité de Jésus que d’oublier Marie. La rencontre
entre la divinité et l’humanité créé absolument un gain dans l’humanité. Les pères de l’Eglise, en véritables théologiens de
leurs temps ont compris déjà que la Christologie donne à la mariologie un contenu absolu.

10
Ainsi nous pouvons faire le constat de ce que le présupposé de l’Assomption de la Vierge
Marie (Incorruptibilité de son corps) avait pris forme dans les écrits des pères. Le concile
d’Ephèse ne viendra qu’entériner ce qui prévalait.

b- La « theotokos11 » (Mère de Dieu) du concile d’Ephèse :


propulsion de la croyance mariale

Ce concile proclame le Christ « homme et Dieu ». Cette explicitation et cette


proclamation ont été rendues nécessaires face à l'émergence de l'hérésie de Nestorius. Il niait
la doctrine apostolique sur l'unicité de la personne du Christ. Il considérait que, dans la
personne de Jésus-Christ, il y a dissociation (dissociation hypostatique) entre le Fils coéternel
au Père, d'une part, et l'homme Jésus de Nazareth d'autre part, dans lequel le Verbe divin est
venu s'incarner, c'est-à-dire que Dieu serait venu « visiter », comme "un autre" résidant dans
"un autre ".

Du fait de cette dissociation, toujours selon Nestorius, la Vierge Marie est seulement la
mère de l'homme Jésus, qui, seulement de manière ultérieure a été investi par le Verbe divin.
Il en vint à nier que l'on puisse appeler la Vierge Marie la « Mère de Dieu » (théotokos).Le
concile tout en précisant l’union hypostatique en Jésus, proclama la Vierge theotokos .Mère
de Dieu ; les chrétiens vont commencer à abonder en ce sens en extériorisant leur vénération
de manière grandiose. De nombreuses interrogations fusaient alors : ‘’si elle est Mère de
Dieu, c’est que son corps aurait subi les mêmes transformations que celles de son Divin fils’’.
Ce Ve siècle viendra marquer avec une telle proclamation, l’essor marial dans les milieux
chrétiens. C’est dans cette ambiance que naitra la fête de la dormition qui deviendra plus tard

11
« Theotokos, est le titre attribué officiellement à Marie au V siècle, plus exactement lors du Concile d'Ephèse de 431, mais
qui s'était déjà affirmé dans la dévotion du peuple chrétien à partir du III siècle, dans le contexte des discussions enflammées
de cette période sur la personne du Christ. On soulignait, par ce titre, que le Christ est Dieu et qu'il est réellement né, comme
un homme, de Marie: on préservait ainsi son unité de vrai Dieu et de vrai homme. En vérité, même si le débat semblait
porter sur Marie, celui-ci concernait essentiellement son Fils. Voulant sauvegarder la pleine humanité de Jésus, certains
Pères suggéraient un terme plus atténué: au lieu du titre de Theotokos, ils proposaient celui de Christotokos, "Mère du
Christ"; cela fut cependant vu à juste titre comme une menace contre la doctrine de la pleine unité de la divinité avec
l'humanité du Christ. C'est pourquoi, après une longue discussion, lors du Concile d'Ephèse de 431, comme je l'ai dit, furent
solennellement confirmées, d'une part, l'unité des deux natures, divine et humaine, en la personne du Fils de Dieu (cf. DS, n.
250) et, de l'autre, la légitimité de l'attribution à la Vierge du titre de Theotokos, Mère de Dieu (ibid., n. 251). » BENOÎT XVI,
Marie, Mère de Dieu, Audience générale, Mercredi 2 janvier 2008,

11
le dogme de l’Assomption. L’époque médiévale sera une période bien favorable à cet essor
marial.

II- LA MEDIEVALE MARIALE : ELABORATION DE


LA FETE
L’époque médiévale est la période qui débute avec la chute de l’empire romain
d’occident en 476 après Jésus-Christ et prend fin avec la chute de l’empire d’orient en 1453
(ou à la découverte de l’Amérique 1492).

Le début de cette médiévale verra (entre le 5ème et le 6ème siècle,) une diffusion
extraordinaire du transitus du fait de la proclamation de Marie comme Théotokos.

1-Les premières célébrations


La fête de l'Assomption est née à Jérusalem, mais il est difficile de savoir à quelle époque. Nous
sommes en orient et l'origine de la fête viendrait peut-être de la consécration par l'évêque Juvénal
(422-458) d'une église12 dédiée à Marie, à Kathisma (étape supposée de la Vierge entre Nazareth et
Bethléem). Elle a plus probablement pour origine la consécration d'une autre église à Gethsémani, à
côté de Jérusalem, au VIe siècle. Selon la tradition, la Vierge aurait alors été âgée de cinquante-neuf
ans (soit onze ans après la crucifixion de Jésus) aurait été enterrée dans le jardin de Gethsémani, à
Jérusalem.

*** La ferveur mariale montant, finalement, l'empereur byzantin Maurice (entre 582 et 602), décréta
que le 15 août serait fêté avec la plus haute révérence, et en observant tout le repos festif, sous le nom
de « Koimisis » ou « Dormition de la Très sainte Theotokos et Toujours Vierge Marie ».Il étend la
fête à tout l’empire d’orient. Le mot, venu du latin « dormitio », « sommeil », exprime la croyance
selon laquelle la Vierge est morte sans souffrir, dans un état de paix spirituelle. A cette époque, on
n’utilise pas encore le terme « Assomption », mais on parle de « dormition ». On entendait par ce mot
la mort de la Vierge Marie et sa montée au ciel avec son corps.

12
En 451, Juvénal, patriarche de Jérusalem de 418 à 458, aurait été à l’origine de la première église dans les jardins de
Gethsemani là ou la « Dormition de Marie du Pseudo-Jean » (un des Transitus Mariae) situe le tombeau vide de la vierge.
Dans la dynamique du concile d’Ephèse, avait lieu à cet endroit le 15 Août « La commémoration de la sainte mère de Dieu »
depuis le cinquième siècle. Cette fête qui célébrait globalement la maternité divine de Marie devint la fête de la dormition
tout en gardant son nom dans un premier temps.

12
*** La date du 15 Aout13 trouve son explication dans le calendrier de célébration de l’année
liturgique en orient à cette époque. L’année liturgique des Orientaux commençant le 1er septembre,
elle s'ouvre vraiment avec la Nativité de la Vierge et se clôt avec son entrée dans la gloire le 15 août.
A cette époque, l’Eglise d’orient, en pleine force ventila ses vues mêmes à l’occident. Pour notre
gouverne, n’oublions pas que l’Eglise d’Occident est en tribulation avec l’invasion des barbares
justement à cette même période. (Chute de l’empire romain d’occident).C’est l’ère carolingienne qui
insufflera un nouvel esprit à cette église d’occident.

Au fur et à mesure que la pratique se répandait vers l'Occident, un accent a été mis sur la
résurrection de Marie ; certains chrétiens, bercé par l’essor marial ont vu, malheureusement en la
Vierge Marie, en orient comme en occident, une divinité, égalant ainsi son Fils Jésus. C’est ce qu’on
dénomma la Mariolatrie ou la marilatrie, adoration de la Vierge Marie. Très tôt, un combat a été
engagé contre les les mariolatres pour les ramener sur la voie de l’orthodoxie. Comme signifié plus
haut, le terme dormition en lui-même créait une confusion dans l’esprit des chrétiens, dans la mesure
où l’on entendait par dormition, la mort et la montée de Marie au ciel. Cette combinaison était à la
base de certaines doctrines qui mettaient en évidence la montée directe et sans aide divine de la Vierge
au ciel d’où la confusion énorme entre dormition et Ascension. Cependant, cet essor marial amorcé
par l’église d’orient, au début cautionné par tous, connaitra, avec le relancement des écoles
presbytérales et épiscopales14 en occident au IXe siècle, quelques retouches.

2- Evolution de la fête en occident : de «dormition » à


« Assomption15 »
La première apparition du terme « Assomption » est l’œuvre, en occident, du Concile de
Mayence, en 813.Il instaure à son tour la fête du 15 août sous le nom de fête de l'Assomption de la
Vierge Marie. l'empereur byzantin Maurice (entre 582 et 602), décréta que le 15 août serait fêté avec

13
La fête de la dormition était célébrée aussi le 18 Janvier particulièrement en Egypte et en Gaule. La date proche de
l’épiphanie avait été vraisemblablement choisie en ne gardant que le sens strict de maternité divine. On trouve aussi des
martyrologes dans lesquels la fête est marquée pour le 23 Septembre.
14
A partir des écoles monastiques, à l’époque carolingienne, il fut rétabli un système scolaire. Les écoles presbytérales
ressuscitèrent avec les écoles épiscopales. Charlemagne envoya des circulaires aux religieux pour imposer au clergé l’étude
du latin et des belles lettres, mais aussi ’l’obligation de dispenser l’instruction à ceux qui grâce à Dieu, sont capables
d’apprendre (. . .) qu’ils recrutent et s’associent non seulement des enfants de condition servile mais encore les fils de
parents libres. Et que des écoles soient fondées qui enseignent la lecture aux enfants. Qu’ils apprennent les psaumes, la
sténographie, le chant, la grammaire (. . .) qu’ils aient des livres catholiques bien corrigés (...) et ne tolérez pas que vos
enfants soient corrompus, soit par la lecture, soit par ce qu’ils écrivent... "
15
Le pape Théodore (642-649) originaire de Constantinople apporte cette fête à Rome, elle s’appelle la « Dormition de
Marie ». Elle porte de nom de Pausatio (Repos de Marie) dans un évangéliaire de 740. Elle s’appelle enfin l’Assomption dans
un missel ou sacramentaire qu’on date de 770.
En 813, le concile de Mayence la rend obligatoire dans tout l’empire franc.
En 847 une octave est jointe à cette solennité par le pape Léon IV c’est à dire qu’on célèbre l’Assomption pendant huit
jours.

13
la plus haute révérence, et en observant tout le repos festif, sous le nom de « Koimisis » ou
« Dormition de la Très sainte Theotokos et Toujours Vierge Marie ».Il étend la fête à tout l’empire
d’orient. Il faut encore le préciser, à cette époque, on ne parlait pas encore de dogme, mais de fête.
La date de Maurice, l’empereur byzantin d’orient, est maintenue mais le vocable change. En fait, que
de parler de dormition, l’Eglise d’Occident, utilise à la place du mot latin dormitio (en orient), le
verbe latin Assumere (qui donna Assomption) qui signifie « enlever, prendre, monter en se faisant
porter (à l’instar d’un impotent qu’on porte) ».

Ainsi, le concile reconnaissait que la Vierge Marie a été glorifiée, corps et âme, au terme de sa
vie .Non qu’elle ait été d’elle –même, mais par les mérites du Fils qu’elle a porté et qui a en son sein
l’union hypostatique (Homme /Dieu).Marie ne peut aucunement d’elle-même, monter au ciel. Elle est
portée pour bénéficier de la gloire de son Fils. Le concile entend mettre en évidence la notion de
subordination de Marie à son Fils ; elle met au monde le Fils de Dieu qui demeure libre de lui faire
bénéficier, un temps soit peu, d’une telle grâce. Marie ne rivalise en rien avec la Sainte Trinité qu’elle
adore, mais reconnait sa place d’humble servante bénéficiant de la bonté du cœur de son Fils, Vrai-
Dieu et Vrai-Homme. Il n’est donc plus de confusion à avoir entre Ascension qui fait entrevoir la
divinité du Christ qui s’élève sans se faire aider( après sa résurrection) et l’Assomption de la vierge
Marie qui n’est qu’une résultante de cette Ascension. La vierge reçoit cette grâce du Christ, de la
liberté du cœur sacré de son Fils. Marie n’est donc pas Dieu pour monter d’elle-même, elle est un être
humain.

L'Eglise Catholique ne voit rien d'hérétique à cette croyance. Il n’est nullement fait cas du
mouvement protestant car la renaissance n’avait pas encore sonné. C’est elle qui verra, pour
contrecarrer aussi quelques interrogations nobles de clercs comme de laïcs, surgir des expériences
mystiques qui feront croitre la ferveur Mariale.

III-LA RENAISSANCE16 MARIALE

Les hommes de la Renaissance affichent un regard d’indépendance vis-à-vis de tout


ce qui a été une lourdeur moyenâgeuse : religion, etc. Cet état de fait met en branle l’élan
humaniste qui effraie plus d’un. Nous sommes à la fin du 15è s. ;même si amorcée avec force
et ambition, la renaissance angoisse bon nombre de chrétiens , et pour cause : la fin du

16
La Renaissance est une période de l’Histoire qui se situe entre la deuxième moitié du XVème siècle et la fin du XVIème.
Avec la découverte de l’imprimerie l’Europe amorce un nouveau départ, une nouvelle naissance.

14
XVème siècle se trouve dans une atmosphère de fin du monde (commentaires de
l’Apocalypse, les millénaristes , religions syncrétistes , un regain de sorcellerie, du culte de
Satan (pacte), de magie).C’est ce qui va motiver la naissance de dévotions et de superstitions
pour conjurer le mauvais sort : culte marial, culte des saints, cultes des reliques,
indulgences…les mêmes phénomènes de mariolatrie apparaitront ;ils se dissiperont par la suite
même s’ils ont permis des éclats de voix d’indignation. Luther dans cette ambiance de la
renaissance, devant la teneur de la fête de l’Assomption se prononcera parce que partie
prenante, tout comme le roi Louis XIII, d’une histoire en pleine effervescence mariale.

1-La surprise17 luthérienne


Celui que l’histoire retient comme père du mouvement protestant, n’est personne
d’autre qu’un professeur d’Ecriture Sainte fortement marial : son nom est Luther.

Dans de nombreux sermons, il montre que la Vierge est aimée de Dieu. Dans son
commentaire sur le Magnificat en 1521, il affirme que l'hymne « devrait être appris et retenu
par tous", car "dans le Magnificat, Marie nous enseigne comment nous devons aimer et louer
Dieu... Elle veut être le plus grand exemple de la grâce de Dieu, au point d'inciter chacun à la
confiance et à la louange de la grâce divine ». Il revient souvent sur cette affirmation: "Marie
fut libérée du péché originel pour que la chair du Rédempteur ne fût pas non plus effleurée
par l'ombre du péché"18. Luther reconnaît ainsi Marie comme immaculée depuis l'instant
premier de sa conception (pourtant le dogme de l’Immaculée conception n’avait pas été
encore promulgué).Ces paroles sur la Vierge était vraiment remplies de respect, c’est ce qui
fait que devant l’ampleur de la fête de l’Assomption, il affirmait l’évidence que Marie est
auprès de Dieu, dans la communion des Saints. Il révèle sur la montée de Marie que « De la
fête de l'Assomption de la Vierge, nous ne pouvons déduire les détails sur la manière dont
Marie est au ciel : ce n'est d'ailleurs pas nécessaire, étant donné que nous ne pouvons pas
épuiser par notre compréhension tout ce qui se passe avec les saints dans le ciel. Il nous suffit
de savoir qu'ils vivent en Christ. »Ainsi, il affirmait sa foi en l’Assomption de Marie qui
désormais bénéficiait de la présence du Christ : elle est en Christ. Pour lui, la destinée de

17
L’histoire de l’Eglise retrace des faits qui sont confinés dans des écrits. Il est fort intéressant de les consulter et de
comprendre ainsi ce qu’ont été véritablement nos prédécesseurs dans la foi. Des idées qu’on aurait de manière éparse,
peuvent ne pas être la vérité de l’histoire. Le terme ‘’surprise’ voudrait ici demander à tout chrétien, avant une quelconque
élévation de voix, d’oser remonter le temps pour comprendre aisément celui ou celle qu’il dit suivre. Des surprises
pourraient s’offrir à ces argumentations non fondées. Heureusement qu’il y a l’histoire !
18
Luther devance le dogme de l’immaculée conception. Il le partage déjà. Ne pas comprendre ce fait, serait une aberration,
une erreur grave vis-à-vis de la Divinité de Jésus.

15
Marie est bien évidemment scellée en celui qu’elle a porté, le rejoindre n’est absolument pas
avoir une prétention à la divinité, ni une invention d’une autre divinité, mais l’élan longtemps
amorcé depuis sa libération du péché originel. Marie est à comprendre dans le mystère du
salut réalisé en Jésus, par Jésus et avec Jésus.

Comme Luther qui fait un commentaire extraordinaire au fait marial, beaucoup d’autres
chrétiens de la renaissance vont aussi vivre une renaissance au travers de la Vierge Marie à
qui ils attribueront (de par son intercession) la réalisation de certains de leurs projets. Le roi
Louis XIII en est bien un exemple.

2-Louis XIII et la France

Dans le tourbillon des faits mystiques, en 1637, le roi Louis XIII désirant un héritier
consacre la France à la Vierge Marie et demande à ses sujets de faire tous les 15 août une
procession dans chaque paroisse afin d'avoir un fils. Voilà qu’un simple désir de roi plonge
toute un royaume dans une dévotion qui émeut plus d’un. La force de l’époque de la
Renaissance, c’est aussi l’élan des expériences mystiques que beaucoup de personnes feront
dans une quête de spiritualité agissante. Louis XIII, ne recourt à aucune magie. Il demande
tout simplement, pour la maternité d’un enfant male, que soit organisée une longue file de
pérégrination encore appelée procession le jour de la célébration de l’Assomption de la vierge
Marie au ciel. Il reçoit cette grâce l’année suivante19.

La fête du 15 Aout, Assomption de Marie prit à partir de cet instant une importance
particulière en France et bientôt dans les autres pays qui forment le bastion du catholicisme.
On n’est pas loin de donner à cette fête un caractère plus sacré.

IV- L’ASSOMPTION : UNE FETE DEVENUE UN DOGME20


19
Le 10 février 1638 le roi Louis XIII consacre sa personne et son royaume à le Vierge Marie par une déclaration donnée à
Saint Germain en Laye. Il demande que des processions aient lieu en son honneur le 15 Août. L’Assomption devient une fête
nationale.

20
Le mot « dogme » (mot attesté en 1580, issu du latin ecclésiastique dogma, lui-même du grec δόγμα [dogma],
« opinion ») appartient au vocabulaire philosophique et religieux. Pour le catholicisme, la foi n'est pas une connaissance
intellectuelle, mais un cheminement vers Dieu, où les dogmes jouent le rôle de moyens. « Il existe un lien organique entre
notre vie spirituelle et les dogmes. Les dogmes sont des lumières sur le chemin de notre foi, ils l'éclairent et le rendent sûr.
Inversement, si notre vie est droite, notre intelligence et notre cœur seront ouverts pour accueillir la lumière des dogmes de
la foi. »Catéchisme de l'Église catholique, n° 89.Le dogme ici, est une vérité de foi.

16
De croyance populaire au début, on est arrivée à parler de la dormition de Marie comme
étant une fête bien instaurée depuis le VIe s par l’orient. Cette fête changea de nomination en
Occident au Ixe s. en devenant fête de l’Assomption pour mettre en exergue la différence
d’avec l’Ascension du Seigneur.
Cependant devant l’ampleur d’une telle fête d’autres dispositions surgissant peuvent la
propulser à un degré un peu plus élevé. Le dogme de l’Immaculée conception pourrait nous
éclairer à ce niveau.

1-L’aide précieuse du dogme de l’immaculée conception.


En 1854, le dogme de l’immaculée conception est proclamé. Ce dogme signifie que Marie,
mère de Jésus-Christ, fut conçue exempte du péché originel. La bulle déclare :

« Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que la


bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception par une grâce et une
faveur singulière du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre
humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de
Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement, et constamment par tous les fidèles. »

Luther, auparavant, ne s’opposa pas à cela, au contraire il a compris que Marie est
comblée de grâce .La salutation de l’Archange démontre la valeur de l’humble servante. Ce
qui est enchantant, c’est que cette proclamation émeut à un double niveau la religion
catholique. Au premier niveau, la Vierge est sans péché depuis sa naissance. De ce fait, elle
est spéciale : Luther le dit bien en affirmant : "Marie fut libérée du péché originel pour que la
chair du Rédempteur ne fût pas non plus effleurée par l'ombre du péché".

Le deuxième niveau se veut la résultante du premier niveau. Si Marie est reconnue


comme Immaculée Conception, c’est-à-dire pure de tout péché, qu’adviendra-t’il de ce corps
pur à la fin de son existence terrestre ? En d’autre terme, Marie qui a porté Dieu pourrait-elle
subir la corruption charnelle si tant est qu’elle est sans péché ?

La croyance, la fête de l’Assomption n’était pas loin de devenir un dogme. Cette vérité
qui était déjà soutenue, extériorise le fait que Marie ne reçoit ses privilèges que par les
mérites de son Fils. De nombreuses pétitions militeront à la faveur de la proclamation du
dogme de l’Assomption.

2 -Le dogme de l’Assomption en lui-même


En 1950, Pie XII proclame le dogme de l'Assomption : n'ayant commis aucun péché, Marie est
directement portée au Paradis à sa mort, avec son âme et aussi avec son corps car épargnée par le
péché originel (dogme de l'Immaculée Conception), rien n'oblige son enveloppe charnelle à attendre la

17
er
résurrection des corps à la fin des temps. Le 1 novembre, jour de la célébration de tous les
saints, est la date choisie par le pape pour proclamer, par le biais de la Constitution
apostolique « Munificentissimus Deus », le dogme de l'Assomption comme un acte de louange
envers Dieu.
« Pour la gloire du Dieu tout-puissant qui a répandu sur la Vierge Marie les largesses d'une
bienveillance toute particulière, pour l'honneur de son Fils, roi immortel des siècles et
vainqueur du péché et de la mort, pour une plus grande gloire de son auguste Mère et pour la
joie et l'exultation de toute l'Eglise, par l'autorité de notre Seigneur Jésus Christ, des
bienheureux apôtres Pierre et Paul et par notre propre autorité Nous affirmons, déclarons et
définissons comme un dogme divinement révélé que : l'Immaculée Mère de Dieu, Marie
toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en
âme à la gloire céleste. »
Ainsi, le dogme qui nait a pris effet depuis l’antiquité chrétienne. Cette constatation met
en évidence la réflexion progressive de l’église quant à l’élaboration des vérités de foi. Cette
procédure donne à l’humanité de voir le temps qui précède la promulgation d’un dogme. Il
n’est aucunement défini. Dans notre cas, force est de savoir que l’église a attendu plus de
quinze siècles pour ériger la croyance, la fête de l’Assomption en dogme. Ainsi la continuelle
union entre tradition et Ecriture était respectée21.Le dogme de l’Assomption n’est ni monté de
toute pièce, ni en déphasage avec l’Ecriture, il obéit à la tradition. La Tradition est vivante,
elle se développe - dans le sens où la compréhension du message révélé s'approfondit et

21
« Il y a donc deux canaux par lesquels se transmet la vérité : d’une part la Tradition, de l’autre les écrits des apôtres. Et ces
deux canaux peuvent prétendre à une égale autorité : le premier par la succession apostolique, le second par la rédaction
apostolique » BENOÎT, A., « Écriture et Tradition chez Saint Irénée » art. cit., p. 39. Pour l’évêque de Lyon, St Irénée, il est
clair en effet que les écrits néotestamentaires se sont formés dans une tradition apostolique, et donc que la Tradition
précède chronologiquement l’Écriture. La distinction de ces deux temps est capitale, car elle montre que la tradition
vivante enveloppe l’Écriture. La Tradition est la transmission d'un message et d'un savoir par des témoins, à partir de la
source, pour la génération actuelle et les générations futures. La Tradition apostolique est la transmission du message du
Christ, qui s'accomplit, depuis les origines du christianisme, par la prédication et le témoignage, les institutions (magistère
de l'Église), le culte (liturgie) et les écrits inspirés (livres retenus dans le canon des Écritures). Les Apôtres ont transmis à
leurs successeurs, les évêques, ce qu'ils ont reçu du Christ et ce qu'ils ont appris de l'Esprit Saint. Cette transmission se
poursuit jusqu'à la fin des temps. La Tradition apostolique se réalise de deux manières :Par la transmission vivante de la
Parole de Dieu, Bonne nouvelle du salut (commandements, dogmes, liturgie, etc. : ce qu'on appelle la "Tradition") et par
l'Écriture Sainte (la Bible), qui est la même annonce du salut, consignée par écrit. La Bible est "dans" la Tradition : c'est
l'Église, guidée par l'Esprit Saint, qui a reconnu l'inspiration des livres de la Bible et qui les interprète authentiquement. Ce
que transmet la tradition apostolique, c'est le dépôt de la foi, où les fidèles peuvent puiser leur certitude sur tout ce qui a
été révélé, pour le salut. Ce dépôt a été confié à l'ensemble de l'Église, et spécialement aux Apôtres et à leurs successeurs,
les évêques. La Tradition est vivante, elle se développe - dans le sens où la compréhension du message révélé s'approfondit
et s'accroît de génération en génération, avec les définitions apportées par le magistère (Pape, conciles, évêques) et
l'apport des Pères de l'Église et des docteurs. Cependant, la Tradition n'introduit rien de "nouveau". Il n'y a pas de
"Troisième Testament" et les apparitions du Christ ou de la Vierge, p.ex., ne se substituent pas à ce qui a été révélé
antérieurement. Le canon de la Bible est clos. La foi catholique est, selon saint Vincent de Lérins, ce qui a été cru "toujours,
partout et par tous".

18
s'accroît de génération en génération, avec les définitions apportées par le magistère (Pape,
conciles, évêques) et l'apport des Pères de l'Église et des docteurs.

3-Comment comprendre le dogme de l’Assomption


aujourd’hui
Dans l’évocation du dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, il faut absolument
éviter un langage spatial qui ferait monter la Vierge Marie comme une fusée qui s’élève au
dessus des nuages .On parle de vie céleste pour montrer la suprématie d’une vie glorieuse
éternelle comparée à notre vie terrestre et temporelle. L’Assomption de Marie ne la situe donc
pas, ni en haut, ni en bas, ni à gauche, ni à droite. Elle est l’anticipation de la Résurrection du
genre humain. Même si il souffre d’attestation scripturaire, le dogme de l’assomption trouve
son sens dans la tradition dont les pères de l’Eglise sont les garants. L’Eglise catholique, dans
sa constitution dogmatique sur la Révélation Divine spécifie que l’église universelle est
préservée de toute erreur en ce qu’elle enseigne(DV).

Par ailleurs, l’assomption de Marie nous enseigne six points fondamentaux :

- Marie est immaculée conception22 : ce dogme donne de la valeur à l’Assomption. Sans ce


dogme il aurait été difficile (pas impossible) de proclamer le dogme de l’Assomption. Il
définit qu’à la racine de celle qui est portée au ciel, il y a une action divine qui l’a soustraite
de toute souillure faisant de son corps un temple saint près à recevoir le germe divin.
L’Assomption est la conséquence logique de l’Immaculée. Ces deux dogmes disent de Marie
quelque chose de très beau : qu’elle est toute entière possession du Christ, depuis la
conception et que la résurrection du Seigneur ne connaît pas de limites dans la personne de
Marie, elle envahit son cœur et son corps. Nous proclamons la seigneurie de Jésus sur sa
mère et nous voyons en elle ce qu’il veut faire de nous, des « saints et immaculés dans
l’amour » Eph 1,4.La vierge immaculée, préservée de toute tache de la faute originelle, au
terme de sa vie, fut élevée à la gloire du ciel, en son âme et en son corps .LG 59

22
L'Immaculée Conception se fête le 8 décembre, date « supposée » de la conception de Marie, depuis 1477, par décision
de Sixte IV. La fête a été confirmée par Clément XI en 1708. Elle est à l'origine de la Fête des lumières, célébrée chaque
année à Lyon le 8 décembre. Le terme « immaculée » signifie pure et sans tache.

19
- Marie est perpétuellement vierge23 : La Virginité de la Vierge Marie la libère de toute
dégradation corporelle devant Dieu. Jésus a été conçu par l’Esprit de Dieu dans le sein de la
de cette humaine qu’est la Vierge Marie. L’Assomption révèle que le dogme de la conception
virginale de Jésus est déjà un signe avant coureur de ce qu’elle, la vierge, saine de corps
serait dans la félicité de son fils. Elle signifie que Jésus a été conçu dans le sein de la Vierge
par la seule puissance de l'Esprit Saint, sans intervention de l'homme. Il est Fils du Père
céleste selon sa nature divine, Fils de Marie selon sa nature humaine, mais vraiment Fils de
Dieu dans ses deux natures, étant en lui-même une seule Personne, qui est divine. Marie est
donc demeurée vierge durant sa vie entière. Cette virginité est une valeur qui pèse et milite en
la faveur de l’Assomption.

- Marie est la Nouvelle Eve24 : De même qu’Eve a été vaincue par le serpent, de même en
Marie le serpent est vaincu. La perte du paradis par l’humanité est le résultat d’un péché dans
lequel une femme a cru à la parole de Satan plutôt qu’à celle de Dieu. Par la miséricorde de
Dieu, le paradis sera regagné par un acte d’obéissance dans lequel une femme a cru à la parole
d’un ange envoyé par Dieu. Quoique le nouvel Adam (Jésus) et le vieil Adam aient joué les
rôles critiques dans les deux événements, des femmes ont joué un rôle important également.
Si Satan commence son triomphe par une femme, Dieu a fait de même. Dieu est juste, et
Satan doit recevoir une humiliation appropriée pour avoir humilié l’humanité. C’est
également pourquoi Marie est inspirée de dire: «Il renverse les puissants de leurs trônes; Il
élève les humbles» (Lc 1.47), tandis que sa cousine Elisabeth, inspirée par le Saint Esprit, dit:
«bienheureuse es-tu, toi qui as cru que s’accomplirait ce qui t’a été dit par le Seigneur» (Lc
1.45). Marie, à la différence de l’Eve déchue, est une femme de foi et d’obéissance. Elle peut
être enlevée au ciel pour partager la gloire de celui qu’elle a porté.

23
« Que le Christ ait été conçu d'une vierge, cela convient pour quatre motifs : Pour sauvegarder la dignité de celui qui
l'envoie… Il est le Verbe de Dieu. Or le verbe (la parole) est conçu sans aucune corruption de notre cœur… Cela convenait à la
dignité de l'humanité du Christ, ou le péché ne pouvait trouver place, puisque c'est elle qui devait enlever le péché du monde
selon la parole rapportée par S. Jean (Jn 1,29) : " Voici l'Agneau de Dieu ", l'être innocent, " qui enlève le péché du monde…
Cela convenait à cause de la fin même de l'incarnation du Christ, qui est de faire renaître les hommes en fils de Dieu " non
d'un vouloir de chair ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu" (Jn 1,13) c'est-à-dire par la puissance divine » St Thomas
d’Aquin, somme théologique, question 28 : la virginité de la Bienheureuse Marie

24
« Ève encore vierge et intacte a conçu la parole du serpent et a enfanté la désobéissance et la mort. Par contre, Marie, la
Vierge, en accueillant la foi et la joie quand l'ange Gabriel lui apporta l'annonce heureuse [...] répondit: Qu'il m'advienne
selon ta parole. D'elle est né celui dont nous avons montré que parlent beaucoup d'écritures; au moyen de qui Dieu anéantit
le serpent traître et les anges et les hommes qui lui ressemblent, et libère de la mort ceux qui se repentent et croient en lui. »
Saint Justin, Dial. 100: PG 6, 709-71

20
-Marie est la mère du Christ ressuscité 25 Le Regina cœli. lætare, alleluia! porte la Vierge
Marie à se réjouir car celui qu’elle a porté dans son sein et qui est mort au calvaire, est
ressuscité. Elle devient mère du Ressuscité parce qu’elle a toujours été unie à la souffrance
rédemptrice de son Fils. Au terme de son existence terrestre, elle vit pleinement cette
maternité du ressuscité par le fait de l’Assomption. Mère donc du ressuscité, elle est unie par
l’Assomption au divin fils ressuscité.

-Marie est la mère de tous les hommes : Marie renforce notre espérance en notre propre
résurrection.Dieu appelle tout être humain au partage de sa divinité. L’Écriture nous enseigne
que, dès sa création, l’homme a été fait à son image et comme sa ressemblance (Gn 1,26).
Cette intention originelle reste bien notre destination ultime. Et elle demeure universelle. Oui,
Dieu a créé l’homme incorruptible, affirme le livre de la Sagesse ; il en a fait une image de sa
propre nature (2,23). On est donc déjà dans la droite ligne de la Révélation biblique en disant
que Marie, que toute une tradition se plaît à appeler la Nouvelle Ève, au terme de sa course,
est pleinement glorifiée, dans son âme et dans son corps, comme image et ressemblance de
Celui qui l’a créée. L’apôtre Pierre lui-même ne nous rappelle-t-il pas que nous devons
devenir participants de la nature divine (2 P 1,4) ? Ainsi sommes-nous tous transformés en
image toujours plus glorieuse, comme il convient à l’action du Seigneur qui est Esprit (2 Co
3,18).
Affirmer que Marie est glorifiée dans son âme et dans son corps, elle que Dieu a comblé
de grâce et que l’Esprit a couverte de son ombre (Lc 1,28.35), n’est donc pas en contradiction
avec la foi chrétienne. Elle la montre simplement arrivée à son terme. Au terme où il est dit
que nous entrerons alors de toute notre plénitude dans toute la plénitude de Dieu (Ep
3,19).Marie vient donner par le fait de sa glorieuse assomption, aux hommes d’espérer leur
propre résurrection. L’espérance en la résurrection déjà rendue évidente par la résurrection du
seul Fils de Dieu, est ici enrichie par celle de Marie. Nos craintes doivent tomber et faire place
à la réelle résurrection de nos personnes humaines.

25 À travers les Écritures, Marie a entendu et reconnu l'appel qui lui était adressé. Elle a surmonté ses
incompréhensions et ses réticences. Elle a surtout pressenti ce dont Pâques devrait un jour apporter la révélation :
Jésus est le Messie de la promesse, le Fils de Dieu, le Seigneur dont le Règne est éternel. Le « oui » qu'elle formule
est une acceptation de l'incarnation, de la rédemption et de la Résurrection. En devenant la mère du Ressuscité,
Marie dit « oui » à l'avenir de Dieu et à l'avenir de l'humanité.

21
-En Marie, dans l’Assomption, le corps humain est valorisé26 : Nous croyons à la
résurrection de la chair. Par l’assomption le corps humain a une place en Dieu. Marie est
considérée comme la première des croyantes, la première Eglise parce qu'elle a cru en la
venue du fils de l'Homme. La fête de l'Assomption tient cette logique de foi sinon elle serait
pure aberration. En tant que première femme à manifesté sa foi en Jésus, il est tout à fait
normal qu'en elle soit aussi manifestée avant tout autre ce en quoi elle a vraiment cru. En son
sein, en recevant le Fils Unique de Dieu, Marie comprit que sa chair avait une valeur
éminente devant Dieu. Elle porte celui qui est l’auteur de la vie. La résurrection de la chair
fait partie de la foi de la Marie. Aussi l'Assomption est-elle la célébration de la réception en
Marie de la vie éternelle jusque dans sa chair. Le corps humain doit être respecté parce que
Dieu se sert de lui pour actualiser sa présence. Ce corps, c’est le temple de l’Esprit saint.

En conclusion
Que pouvons-nous en conclure par rapport à l’Assomption de la Vierge Marie ? Tout
simplement ceci : elle a parfaitement écouté la parole de Dieu et cru sans réserve à Celui qui a
envoyé son Fils dans le monde (Lc 1,38). Elle est donc, comme promis, passée de la mort à la
vie, ayant déjà en elle la vie éternelle (Jn 5,24). Elle a parfaitement gardé la parole de Jésus,
elle dont toute la vie n’a été qu’un pur fiat, disant elle-même aux hommes : Faites tout ce
qu’il vous dira (Jn 2,5). Elle a simplement traversé la mort comme une pâque vers l’éternité.
Elle a parfaitement vécu et cru en lui, Jésus, qui a dit : Je suis la Résurrection et la Vie. Au
nom même de Sa parole, elle a connu la réalisation de la promesse du Christ disant :
Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais.

Si l’on veut donc des appuis scripturaires pour fonder la définition du dogme de
l’Assomption de la Vierge, en voilà au cœur même de l’Évangile !En relisant, à cette lumière,
ce que l’apôtre Paul nous dit du mode de notre propre résurrection, on comprend ce qu’a pu
vivre Marie en passant de cette vie corruptible, où elle ne pouvait tomber, pour n’avoir jamais
péché, à l’incorruptibilité ; et de cette vie mortelle, où elle ne pouvait sombrer, pour avoir

26
Le symbole des apôtres le signifie bien. Croire en cela, c’est déjà voir en l’Assomption de Marie l’union entre la divinité et
l’humanité. Dieu accorde une valeur à notre corps périssable.
C'est en 1950, très peu de temps après la fin de la guerre mondiale et Auschwitz où le corps humain a été si gravement
humilié et désacralisé que le dogme de l'Assomption proclame le destin surnaturel et la dignité de tout corps humain,
appelé par le Seigneur à devenir un instrument de sainteté et à participer à sa gloire. Cf. Jean Paul II, Catéchèse (audience) du 9
juillet 1997

22
toujours été de plein pied avec la grâce divine et avoir été sans cesse ouverte aux valeurs
d’éternité, à l’immortalité (1 Co 15,53).Il n’est donc plus de confusion à faire entre Ascension
et Assomption. La longue histoire qui porte la croyance, la fête et enfin le dogme de
l’Assomption de la Vierge met bien en lumière que la Vierge n’est aucunement à adorer mais
à vénérer. Vouloir à tout prix voir dans la prière adressée à Marie, comme une adoration et la
rejeter sans vénération, c’est ne pas comprendre que pour la réalisation du mystère de salut,
Dieu a eu besoin de la collaboration de la Vierge Marie. Alors pourquoi crier au scandale
devant la ferveur de la vénération Mariale ? Le vrai scandale serait d’adorer Jésus en
méprisant totalement celle qui l’a un jour porté. Que les êtres humains ne soient pas
offusqués, la Bible ne sera pas réécrite, et si tant est qu’elle demeure ainsi close, c’est que le
nom de Marie qui y figure ne pourra jamais être effacé.

Qu’on le veuille ou pas, on ne pourra jamais gommer le nom de Marie dans


l’actualisation du verbe en notre humanité. Quel homme sensé peut remettre en cause la
valeur de la petitesse, de l’humilité de Marie ? Même l’Archange la salue avec vénération ! Le
canon des Ecritures est bien scellé et Marie y figure en toute simplicité et elle est Mère de
Dieu. En son Assomption, à la suite de la résurrection du Christ, tout humain comprend
aisément ce que c’est que la glorification du corps humain. Celui qui a des oreilles, qu’il
comprenne !

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PLAN

INTRODUCTION

I-CHRISTIANISME ANTIQUE ET LA MERE DE JESUS

1- Leucio ou le pseudo-Jean : la naissance d’une nouvelle mariale

2- Les pères de l’Eglise et la Vierge

a-Assomption chez les pères


b-la « theotokos » (Mère de Dieu) du concile d’Ephèse :
propulsion de la croyance mariale

II—MARIE DANS LA MEDIEVALE


1-Les premières célébrations
2-Evolution de la fête en occident : de «dormition » à « Assomption »

III-LA RENAISSANCE MARIALE


1-la surprise luthérienne

2-Louis XII et la France

IV-ASSOMPTION : UNE FETE DEVENUE UN DOGME

1-l’aide précieuse du dogme de l’immaculée conception

2- Le dogme de l’Assomption en lui-même

3-Comment comprendre le dogme de l’Assomption aujourd’hui

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CONCLUSION

« Pour la gloire du Dieu tout-puissant qui a répandu sur la Vierge Marie les largesses d'une
bienveillance toute particulière, pour l'honneur de son Fils, roi immortel des siècles et
vainqueur du péché et de la mort, pour une plus grande gloire de son auguste Mère et pour la
joie et l'exultation de toute l'Eglise, par l'autorité de notre Seigneur Jésus Christ, des
bienheureux apôtres Pierre et Paul et par notre propre autorité Nous affirmons, déclarons et
définissons comme un dogme divinement révélé que : l'Immaculée Mère de Dieu, Marie
toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en
âme à la gloire céleste. » ‘’Munificentissimus Deus’’

AGNIGORI Kpandjé Florent Hippolyte est prêtre de l’Archidiocèse d’Abidjan depuis 2004 .Il passe trois ans
comme vicaire à la Cathédrale St Paul d’Abidjan et part aux études à Strasbourg. Après sa maitrise et son
Master, il prépare un doctorat en Christianisme antique, option Pères de l’Eglise (Le pasteur d’Hermas).Il est
actuellement professeur d’Histoire de l’Eglise et de Patristique au Grand Séminaire (Cycle de Théologie) Notre
Dame de Lourdes sis à Guessihio (Gagnoa-Cote d’Ivoire).

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