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LE FICHIER ELECTORAL SENEGALAIS

Le fichier électoral : un problème à la fois technique et politique.

I. PROBLEMATIQUE DE LA REFONTE TOTALE DU FICHIER ELECTORAL

Au cœur des contentieux électoraux au Sénégal, depuis 1976, se trouve la question du fichier électoral, qui, de

l’avis du politologue Abdou Aziz DIAGNE, a toujours constitué « la pomme de discorde entre le pouvoir et

l’opposition »1.

Malgré les alternances politiques intervenues en 2000 et en 2012, à la suite d’élections reconnues par tous les

observateurs comme sincères et transparentes, la question du fichier électoral n’est pas pour autant

définitivement réglée.

Discussions autour du fichier sur le choix d’un noyau dur.

C’est ainsi que dès le lendemain des élections locales du 12 mai 2002, des acteurs politiques ont engagé une

discussion autour du fichier pour trouver un consensus sur le choix d’un noyau dur qui devait servir à une refonte

partielle ou totale du fichier, en perspective des législatives initialement prévues en mai 2006 et de la

présidentielle de 2007. Après moult péripéties et discussions au sein de la classe politique, un consensus n’a pu

être trouvé sur le choix du noyau dur.

Le 15 Juillet 2004, le président de la République a tranché le débat en optant pour une refonte totale du fichier

électoral pour dit-il, « mettre tout le monde sur la même ligne de départ, et doter notre pays d’un instrument qui

mettra à jamais derrière nous toute possibilité de contentieux électoral »2.

1
Abdou Aziz DIAGNE : « Un régime parlementaire pour le Sénégal » , in, Walfadjri du jeudi 30 septembre et
vendredi 1er octobre 2004
2
Assemblée nationale, Xème législature. Première session ordinaire de l’Année 2004. Rapport de la
Commission des Lois de la Décentralisation, du Travail et des Droits Humains, 10 Août 2004.

1
2

Si l’intention du Chef de l’Etat est généreuse dans la formulation, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une

décision fondamentalement politique, qui n’a pas été précédée d’une réflexion technique, sur la faisabilité de la

chose au regard des délais impartis pour la nécessité d’une telle opération.

C’est la raison pour laquelle de nombreux partis politiques, du reste de l’opposition comme de la majorité, ainsi

que de nombreux observateurs avertis de la chose électorale, avaient formulé des réserves et doutes sur les

possibilités de succès d’une opération d’une telle envergure et complexité.

Il convient de retenir qu’à cette période, il n’était pas encore question de report des législatives de 2006 et de leur

couplage avec la présidentielle de 2007.

Au contraire, le Chef de l’Etat, le Président Abdoulaye Wade et le ministre de l’Intérieur Me Ousmane Ngom, ne

cessaient de donner des assurances sur le respect du calendrier républicain des élections.

Les nombreuses et pertinentes interrogations des parlementaires sur tous les aspects liés à la refonte totale au

regard des délais impartis, constituaient une illustration significative de leur scepticisme, quant à la faisabilité

d’une procédure aussi inédite, à la fois au regard des délais impartis et à la riche expérience électorale du peuple

sénégalais. Ainsi, les recommandations qu’ils ont formulées au cours de la session parlementaire du 10 Août

2004, illustraient on ne peut plus clair, le bien fondé de leurs appréhensions.

Entre autres recommandations, on peut citer : «  la transparence du processus à toutes les étapes qui conduiront

au fichier nouveau ; La concertation et le dialogue entre les acteurs qui accompagnent le processus ; La

recherche du consensus dans ce nécessaire dialogue et cette indispensable concertation ; L’obligation pour tous

de se départir de pratiques de politique politicienne sur une question aussi importante, qui engage l’avenir de

notre démocratie ; Le devoir, pour le Gouvernement, d’engager tous les moyens matériels, financiers et humains

nécessaires à l’aboutissement et à la réussite de ce processus de refonte totale du fichier électoral  ; Le respect

du calendrier électoral républicain ».

Quelles que soient les raisons qui ont été à la base de la décision de refonte totale du fichier électoral, force est

de reconnaître que dès le début, il y a eu deux problèmes qui n’étaient pas du tout liés. L’un était d’ordre

politique, et l’autre d’ordre technique. Mais pour bien comprendre la nature profonde de ces deux problèmes,

nous allons examiner successivement, dans un premier temps, les considérations générales sur le fichier

électoral, et, dans un deuxième temps, la problématique qui sous-tend la décision de refonte totale du fichier.

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II. CONSIDERATIONS GENERALES SUR LE FICHIER ELECTORAL

A). Le fichier électoral et le Code électoral de 1976.

Le fichier électoral est né dans les mêmes conditions que le Code électoral de 1976. Avant « l’ouverture

démocratique » limité à quatre (4) courants sous le Président SENGHOR (Socialiste – Libéral – Marxiste et

Conservateur), les élections étaient régies pour l’essentiel, par la législation coloniale en vigueur. C’est suite à

l’émergence de plusieurs formations politiques concurrentes consécutives à l’instauration du multipartisme

encadré, que le législateur a vu la nécessité de disposer d’un instrument de régulation du jeu électoral.

C’est ainsi qu’un nouveau fichier électoral a été créé en 1977 sous l’empire de l’article L. n°76-96 du 21 août

1976 portant Code électoral (modifié par la loi n°77-57 du 26 mai 1977). Il a été informatisé en 1978 et géré par

la Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF). L’article L.46 de la loi n°97-15 du 08 Septembre 1997

stipule :

« Le Ministère de l’Intérieur est chargé de faire tenir le fichier général des électeurs en vue du contrôle

des inscriptions sur les listes électorales. La CENA ainsi que les partis politiques légalement constitués

ont un droit de regard et de contrôle sur la tenue du fichier ».

Il convient de préciser qu’au moment de son informatisation, il a été procédé à une annulation par l’article 1 er de

la loi n°77 du 05 janvier 1977, de toutes les listes électorales. Le fichier est articulé en deux (2) volets sous

forme de répertoire national, d’une part, et d’autre part, de répertoire des Sénégalais de l’extérieur.

B). Un nombre indéterminé de pièces pour voter.

Une des caractéristiques essentielles de notre fichier, c’est qu’il renfermait au départ, un nombre considérable

d’électeurs n’ayant plus d’activité électorale effective, ce qui influait négativement sur sa fiabilité. Malgré les

nombreuses tentatives d’épuration du fichier, il subsistait encore un taux important de ce qu’on a appelé le

« stock mort ». Plusieurs facteurs ont été à la source de cette situation. Entre autres  : «  L’absence de connexion

des fichiers des pièces exigées avec le fichier de l’identification nationale et le fichier électoral devant permettre

à la Direction de l’Automatisation des fichiers de contrôler plus efficacement toutes les données par le

truchement par croisement des données des autres fichiers ; La tenue très approximative de l’Etat civil encore

embryonnaire dans notre pays ou ne sont pas enregistrés tous les décès, de même que le défaut de transmission

à la D.A.F des actes de décès ou des cas de perte de droit électoral ; Les cas d’inscriptions multiples non

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détectés résultant principalement du manque de rigueur des méthodes d’identification de l’électeur ; L’ampleur

de la mobilité sociale et l’émergence du secteur informel de plus en plus dynamique qui engendre une très

grande fluidité des activités professionnelles et de fréquents changements de résidence. Cela fait que les critères

de profession et de résidence n’étaient plus fiables pour l’identification des individus. »

Les nombreuses homonymies et les erreurs et variantes des transcriptions linguistiques avaient altéré fortement

la qualité du fichier. Ainsi, le fichier électoral, depuis sa confection initiale avait enregistré au fil du temps des

données accumulées et dont la fiabilité fut douteuse.

Par exemple, dans le fichier de 1977, les pièces exigées pour la justification de l’identité de l’électeur voulant

s’inscrire sur les listes électorales sont : - « Passeport ; - Carte Nationale d’Identité, - Livret militaire, - Permis

de conduire, - Extrait de naissance, - Livret de pension civil ou militaire, - Carte d’artisan, - Carte de

coopérateur » et « toutes autres pièces permettant d’établir l’identité de l’électeur »

En dehors des communes, le citoyen qui ne dispose pas de toutes ces pièces pouvait justifier son identité par la

« preuve testimoniale », en présentant deux témoins plus âgés que lui et figurant sur les listes électorales,

conformément au décret 77-881 du 05 octobre 1977 portant partie réglementaire du Code électoral.

Par la suite, la loi 82-10 du 20 juin 1982 portant Code électoral a ajouté la Carte d’étudiant. Plus tard, la loi 89-

33 du 12 octobre 1989 a ajouté la Carte consulaire au nombre des pièces justificatives de l’électeur.

Ainsi, il paraît de toute évidence que le nombre indéterminé de toutes ces pièces ne présentaient pas toutes les

garanties d’authenticité et la pratique de la preuve testimoniale était susceptible d’ouvrir la porte à tous les abus.

Toutes ces lacunes dans notre arsenal juridique électoral sont aggravées et amplifiées par la culture de Parti-Etat

qui prévalait à l’époque et qui faisait que l’issue des scrutins étaient déterminées par les luttes de tendances

internes au parti unique ou dominant. C’étaient les responsables de l’UPS/PS qui faisaient inscrire sur les listes

électorales les populations de leur localité et qui retiraient les cartes sans leur présence physique dans les

commissions administratives instituées à cet effet.

C’est cela qui explique que pendant longtemps, l’électorat sénégalais était entre les mains des socialistes. Ce

n’est que vers le début des années 1980 qu’on a constaté un changement de tendance de l’électorat et son

déplacement vers les centres urbains devenus les principaux pôles électoraux qui déterminaient désormais l’issue

des consultations électorales.

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C). Limitation du nombre de pièces pour voter par le « Code Kéba Mbaye » ou de l’Identification à

l’Authentification.

Ce n’est qu’en 1992 avec l’adoption du Code consensuel, que des pièces présentant plus de garanties ont été

exigées exclusivement pour la justification de l’identité de l’électeur, conformément à l’article L.36 de la loi 92-

15 du 07 février 1992. C’est ainsi qu’on est passé d’une situation où le nombre de pièces pour s’inscrire était

indéterminé, à une situation où le nombre de pièces exigées est limitativement énuméré par la loi :1) Passeport ;

2) Carte Nationale d’Identité ; 3) Livret militaire ;4) Permis de conduire ; 5) Livret de pension civil ou

militaire ;6) Carte consulaire (pour les Sénégalais de l’extérieur.

Malgré le souci du législateur, d’amoindrir autant que possible le nombre de pièces d’identification de l’électeur,

on constate malgré tout que certaines pièces contiennent moins d’informations que d’autres, et dans certains cas,

ne pouvaient pas attester de la fiabilité de la qualité d’électeur. Par exemple : le permis de conduire ne comporte

ni la profession ni la filiation de l’intéressé et n’atteste pas de la nationalité. Il doit donc être accompagné d’un

certificat de nationalité pour être susceptible de servir non seulement comme élément d’identification, mais

également d’authentification de la qualité d’électeur.

Le passeport ordinaire quant à lui ne comporte pas la filiation et le passeport diplomatique n’établit pas la

nationalité conférant le droit de vote.

Ainsi, l’option d’une inscription en perspective sur présentation d’une pièce d’identification unique, en

l’occurrence de la carte nationale d’identité sécurisée et infalsifiable grâce aux techniques de la biométrie,

pourrait apparaître comme une solution définitive pour fiabiliser les listes électorales et servir en même temps

comme carte d’électeur.

Toutefois, la confection d’une carte nationale d’identité utilisant les techniques de la biométrie a des

implications sur d’autres secteurs de la vie (Etat civil, Code de la nationalité, passeport CEDEAO, identité

judiciaire). Il s’avère donc nécessaire de mener une réflexion globale pour tenir compte de la cohésion

d’ensemble du système.

D). Première mise à jour du Fichier électoral.

Il convient de faire observer que les listes électorales ont fait l’objet à deux reprises d’une mise à jour. La

première mise à jour a été effectuée en 1999 à partir des électeurs qui avaient retiré leurs cartes aux élections

législatives de 1998.

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La liste de tous ces électeurs ainsi recensés, devait constituer le noyau dur du fichier, et une période de révision

exceptionnelle des listes électorales était ouverte dans la période du 02 mai 1999 au 30 septembre 1999 (soit une

durée de 05 mois), pour permettre aux électeurs qui ne se trouvaient dans le noyau dur, de pouvoir s’inscrire sur

les listes électorales.

A l’issue de la clôture des opérations de recensement, de contrôle et de validation : 1.781.761 (un million sept

cent quatre-vingt-un mille sept cent soixante et un) électeurs ont été pris en compte dans le cadre de cette mise à

jour, soit une réduction de 42% du fichier électoral des législatives de 1998, dont le nombre des inscrits s’était

élevé à 3.164.827 (trois millions cent soixante-quatre mille huit cent vingt-sept) électeurs. Il convient de faire

observer que ce corps électoral des législatives de 1998, a été le plus élevé dans l’histoire des élections au

Sénégal. Il n’a été supplanté que par le dernier fichier issu de la refonte totale et de la nouvelle procédure

d’inscription à partir des techniques de la biométrie, et qui se chiffrait à………….

Il convient de signaler que pour ce travail de première mise à jour du fichier électoral, vingt-sept (27) partis y ont

participé. Il s’agit de :

AJ/PADS PEP RND

APJ/JEF JEL PIT PLS

BCG PUR LD/MPT

FSD/BJ PRS MNSM

CDP/GG PS MPS

PAES PNS MSU

PAI RDP UDS/R

PDS RTA/S URD

PDS/R RPJS UDF/MBOOLO MI

E). Deuxième mise à jour du Fichier électoral

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Une deuxième mise à jour du fichier électoral a été effectuée du 18 septembre au 18 octobre 2000, sur la base du

noyau dur de l’élection présidentielle de l’an 2000. Comme le stipule le Rapport final de la Commission

nationale de recensement 3
instituée par la loi n° 2000-25 du 1er septembre 2000 portant mise à jour des listes

électorales et disparités constatées sur le fichier électoral afin de le rendre plus fiable, un travail extrêmement

important a été réalisé en expurgeant des listes les personnes décédées, les personnes déchues de leur droits

civiques, les inscriptions multiples, les personnes sur lesquelles il y avait des informations erronées sur l’Etat

civil, etc…

Grâce à cette seconde mise à jour, les listes électorales ont pu être considérablement épurées et fiabilisées. Cette

opération a permis de recenser sur la base des registres d’émargement, les électeurs ayant au moins voté à l’un

des deux tours de l’élection présidentielle de l’an 2000.

C’est précisément ce noyau dur issu de cette deuxième mise à jour qui a servi de base à la révision

exceptionnelle des listes électorales pour les scrutins postérieurs, à l’élection présidentielle de l’an 2000, à savoir

le Référendum du 07 janvier 2001, les législatives du 29 avril 2001 et les élections locales du 12 mai 2002. Il

convient de retenir que dans le cadre de cette deuxième mise à jour du fichier électoral, trente-deux (32) partis

ont pris part à ce travail. Seize Mille (16 000) registres ont été visités dont 8000 (huit milles) au premier tour et

8000 (huit milles) au second tour. A l’issue de ce travail, 1.926.241 (un million neuf cents vingt-six mille deux

cents quarante un) électeurs ont été validés et qui se répartissent ainsi : Femmes : 963 673 (soit 50,02%) ;

Hommes 962 568 (soit 49,97%)

De l’avis de tous les participants à cette commission, les travaux se sont déroulés dans une excellente ambiance

et dans un climat de confiance mutuelle. La résolution qui a sanctionné la fin des travaux de cette commission et

qui a été adoptée à l’unanimité, est révélatrice à cet égard. : « La Commission nationale s’est déroulée dans une

atmosphère empreinte de confiance mutuelle, de volonté de transparence, d’engagement citoyen …»4.

La liste des partis qui ont siégé dans la commission sont :

AJ/PADS MDS/NJ PIT PAES

BCG MRS APJ/JJ PRS

CDP/GG MSU RDP PT

3
Rapport final de la Commission nationale de recensement, institué par la loi 2000- 25 du 1er septembre 2000
Octobre 2000.
4
Déclaration des partis ayant siégé dans la Commission nationale de recensement, 18 octobre 2000.

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DC PAI PLS PUR

FAP PDS PPC RES/LES VERTS

FSR/LAABAL PAI/M PRD RND

LD/MPT PARENA PS UDF/MB

MDC PDS/R PSD/JANT BI UPR

F). L’audit du fichier électoral par le « Front de la Société Civile »

En plus de ces deux mises à jour du fichier, il y a lieu de rappeler l’initiative prise par le Front de la Société

Civile pour un audit du fichier électoral. En effet, suite à la Marche grandiose organisée par le FRTE (Front pour

la Régularisation et la Transparence des Elections) à quelques semaines de la présidentielle de l’an 2000 pour

exiger la transparence du scrutin, des organisations de la société civile ont proposé leur médiation aux différentes

parties concernées par ce scrutin présidentiel en vue de parvenir à des élections apaisées et régulières,

transparentes et démocratiques.

Cette initiative d’audit du fichier, a donné naissance à une commission ad hoc composée d’experts de la société

civile, du Parti Socialiste, de l’Observatoire National des Elections (ONEL) et du FRTE qui regroupait vingt et

un (21) partis de l’opposition :

ADN LD/MPT RND

AFP MSN RTA/S

AK/PADS PARENA UDF/MB

CDP/GG PDS URD

FAR YOON WI PIT UPAS

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FRAP PNS FAP

FSD/BJ PRS MPS

Pour une question de neutralité et de transparence, il a été décidé d’un commun accord, que les experts de la

société civile soient les têtes de files de la mission d’Audit, et que le ministère de l’Intérieur mette à la

disposition de la Commission un certain nombre d’outils internes et externes, devant servir de support à l’audit

du fichier. Entre autres outils : le matériel nécessaire sans limitation de capacité mémoire ou de traitement ; le

fichier électoral actuel ;le fichier des listes provisoires ; le fichier du noyau dur ; le fichier des radiés ; le fichier

des cartes nationales d’identité ; le fichier des passeports

Pour ce qui concerne les fichiers non gérés par le Ministère de l’Intérieur, ce dernier devait les chercher auprès

des institutions concernées. Il s’agit de : fichier des permis de conduire ; fichier des livrets militaires ; fichier des

livrets de pension civile ; fichier des livrets de pension militaire.

Ainsi, les croisements des traitements sur les différents fichiers devraient permettre d’identifier les anomalies et

d’expurger des listes les scories qui en ont altéré la fiabilité. Après plusieurs séances de travail continu dans un

contexte très difficile, les experts ont tenu une conférence de presse le 09/02/2000, pour faire le point de la

situation relative aux difficultés qui se sont dressées sur leur chemin :

« Les problèmes des moyens techniques qui ont entraîné des retards très importants sur les traitements ;

l’indisponibilité de certains fichiers externes (Permis de conduire, Livret militaire, Livret de pension civil ou

militaire) ; l’indisponibilité des documents de transfert officiel et de table des différents codes. »

Aux termes de leurs investigations techniques, du reste, pointues, les experts sont parvenus à une conclusion

provisoire, à savoir qu’à cette étape précise de leur travail, des doutes existaient encore sur la fiabilité totale ou

pas du fichier, et qu’en dépit des efforts énormes fournis par les experts, au regard des délais relativement courts

d’ici le premier tour de l’élection présidentielle de l’an 2000, « la fiabilité du fichier » n’était pas techniquement

possible dans les délais impartis5.

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Texte liminaire de la Conférence de presse du 19/02/2000

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Toutefois, il y a lieu de retenir que depuis les élections législatives de 1998 et la première mise à jour du fichier

intervenu en 1999, il y a eu un début de fiabilisation du fichier.

Ce processus de fiabilisation s’est poursuivi avec la deuxième mise à jour intervenue du 18 septembre au 18

octobre 1999. Enfin, il s’est achevé sur la dernière initiative de la société civile, d’audit du fichier, à quelques

jours seulement du démarrage du premier tour de l’élection présidentielle du 27 février 2000.

G). Processus continu de fiabilisation du fichier électoral.

C’est certainement cette situation qui explique, pour une large part, que le scrutin présidentiel de l’an 2000, se

soit déroulé dans des conditions de transparence et de régularité unanimement reconnues par l’ensemble des

acteurs politiques. C’est la raison pour laquelle, au lendemain des élections locales du 12 mai 2002, les acteurs

politiques avaient estimé qu’il fallait mettre à profit la période des quatre années qui nous séparaient des

élections législatives de mai 2006, pour approfondir les discussions sur le processus de fiabilisation totale du

fichier électoral, conditions indispensables à l’organisation d’élections libres démocratiques, et, partant, à

l’instauration d’un climat d’apaisement social.

III). Le fichier électoral : un problème à la fois politique et technique.

Ainsi, au regard des considérations ci-dessus énumérées, il apparaît très nettement que le fichier électoral est à la

fois un problème politique et technique, il a toujours été problématique pour la classe politique en ce sens que sa

fiabilité a été douteuse depuis la phase initiale de sa constitution en 1977. Mais à cause des nombreux toilettages

qu’il a subis au fil du temps, le fossé entre les effectifs théoriques et les citoyens qui ont une activité électorale

effective s’est considérablement amoindri, ce qui a permis la première alternance politique intervenue en février-

mars 2000.

Vers un nouveau fichier à partir d’une pièce d’identité unique

C’est dire que la perspective de la refonte totale et l’élaboration d’un nouveau fichier à partir d’une pièce

d’identité unique en vue de garantir les conditions d’organisation d’élections démocratiques et transparentes,

n’est pas en soi une mauvaise chose. Mais, une telle perspective, compte tenu de ces implications et enjeux,

devait être précédée d’une réflexion technique pointue, de la part de tous les acteurs du processus électoral, pour

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déterminer les modalités et conditions de sa faisabilité dans le temps et en fonction des échéances à venir. Pour

ce qui est de la refonte totale décidée par le Président de la République, il semble que la décision politique n’a

pas été précédée par une réflexion à caractère technique sur la faisabilité de l’opération dans les délais souhaité.

Bien plus, la décision de refonte totale est rendue plus complexe en ce sens qu’elle s’appuie sur l’introduction

des techniques de la biométrie dans la confection de la nouvelle carte nationale d’identité numérisée et sécurisée,

seule et unique pièce permettant de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales.

Comme le stipule l’exposé des motifs de la loi n°22/2004 du ……. portant refonte totale du fichier électoral :

« Pour éviter tout écueil de départ dans cette matière sensible qu’est le processus électoral, un nouveau fichier

va être constitué sur la base uniquement des nouvelles inscriptions. Table rase sera ainsi faite du fichier

existant. Ce nouveau fichier va être constitué de la façon qui suit : une nouvelle carte nationale d’identité

numérisée est instituée. Cette nouvelle carte sert de base à l’inscription sur les nouvelles listes. C’est à

l’occasion du retrait de cette carte que l’électeur manifeste son désir de figurer sur les nouvelles listes. Un

récépissé attestant cette volonté lui est aussitôt délivré ».

Et le défi était d’autant plus redoutable que nous étions à moins d’une année des échéances électorales qui

devaient avoir lieu en 2006. Malgré les assurances données par les techniciens du ministère de l’Intérieur sur la

faisabilité de l’opération de refonte totale du fichier dans les délais impartis, les Sénégalais étaient devenus très

sceptiques, car plusieurs date de démarrage des inscriptions étaient annoncées, mais jamais respectées. De report

en report de la date de démarrage des opérations électorales, les populations avaient fini par se convaincre du fait

que le régime ne semblait pas être dans une logique d’organisation des élections à terme constitutionnel échu.

La CENA, elle-même, a constaté ce fait dans son Rapport sur l’élection présidentielle du 25 février :

« Les inscriptions ont été reportées à plusieurs reprises et ont été clôturées le 15 septembre 2006. De larges

couches de la population se sont demandé, par moments, si les élections auraient réellement lieu en raison des

nombreux changements de délais ».

Cette situation d’incertitude et de doutes qui avait fortement préoccupé les sénégalais, avait poussé le professeur

Abdoulaye BATHILY, leader de la LD/MPT à interpeller publiquement le ministre de l’Intérieur de l’époque,

Me Ousmane NGOM, dans une correspondance n°00351 en date du 19 mai 2005, en ces termes :

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« Lors du séminaire du 26 janvier 2005 à Dakar organisé à l’intention des partis politiques sur la carte

électorale votre département avait fixé pour le mois d’avril 2005, le démarrage des inscriptions sur les

listes électorales, suite à la refonte totale du fichier électoral.

A la date d’aujourd’hui, 19 mai 2005, rien n’a démarré. On a appris par voie de presse, que les

inscriptions allaient commencer le 15 mai. Jusqu’à ce jour, notre parti n’a reçu aucune information

officielle, ni même aucune explication de votre part sur le retard du démarrage des inscriptions sur les

listes électorales. D’après les informations que nous ont transmises les responsables de notre parti dans

les différentes localités, certaines autorités administratives ont envoyé des correspondances leur

demandant de désigner les représentants des partis dans les commissions administratives de révision

des listes, le 18 mai 2005. Dans beaucoup d’autres localités, à ce jour, aucune correspondance ne leur

est encore adressée à ce sujet. Nous sommes quotidiennement interpellés par la base de notre parti,

mais malheureusement nous ne sommes pas en mesure de leur fournir aucune explication officielle sur

le démarrage effectif et officiel des inscriptions sur les listes électorales.

La direction de la LD/MPT est vivement préoccupée par cette situation lourde de conséquences sur la

transparence du processus électoral, dont la phase d’inscription sur les listes, comme chacun le sait, est

cruciale en ce qu’elle conditionne les autres étapes. A ces inquiétudes, il s’y ajoute que les membres de

la CENA ne sont pas encore choisis. Comme le stipulent les dispositions du Code électoral et de la loi

sur la CENA qui vient d’être adoptée récemment par l’Assemblée nationale, les délégués de cette

instance doivent absolument superviser toutes les étapes du processus électoral.

Pour toutes ces raisons, notre parti estime qu’il est de la plus haute importance et de l’impérieuse

nécessité, de convoquer les partis politiques dans les meilleurs délais afin de procéder à des échanges

de vues sur la situation pour que tous les acteurs du jeu politique soient au même niveau d’information

et à la source même.

Sinon, la confusion qui règne actuellement et le mystère qui entoure la date effective du démarrage des

inscriptions sur les listes, risquent de compromettre dangereusement la transparence du processus

électoral et la crédibilité des échéances électorales à venir, dont tout le monde s’accorde à penser

qu’elles vont déterminer de façon décisive le cours politique de notre pays ».

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En réponse à l’interpellation du Professeur BATHILY, le ministre de l’Intérieur dans une correspondance

n°000181/MINT/DG du 25 mai 2005, apporta des éclaircissements sur le démarrage des opérations d’inscription

sur les listes électorales, sur la mise en place de la CENA (Commission Electorale Nationale Autonome), et sur

le dialogue entre les acteurs politiques sur le processus électoral :

« Sur le premier point, il convient de préciser que c’est l’état des préparatifs qui a été toujours à la

base des déclarations sur les dates de démarrages. J’ai toujours été en phase avec les techniciens du

Ministère dans les différentes dates avancées. Cependant, quel que soit aujourd’hui, l’état des avancées

sur les préparatifs, il reste qu’il n’est pas souhaitable de démarrer les opérations avant l’installations

de la CENA qui a la vocation de contrôler tout le processus électoral pour la constitution du fichier

électoral initial.

Sur le second volet, je vous informe que la procédure de nomination des membres de la CENA est en

cours. La phase de consultation comme le prévoit la loi a pu être observée dans des délais

raisonnables. Des propositions sont faites sur la base des résultats des consultations. La nomination

des membres de cet organe ne saurait donc tarder.

Pour ce qui concerne la nécessité de convoquer une rencontre avec les partis politiques, je vous

réaffirme que le dialogue sur toutes les questions du processus électoral constitue un credo pour notre

gouvernement. Il s’agit ici juste d’une question d’opportunité. Incessamment, une rencontre sera

convoquée pour échange d’informations sur les questions ci-dessus soulevées et sur toutes autres

questions que vous jugerez utiles ».

Une semaine après les échanges de correspondance entre le leader de la LD/MPT et le ministre de l’Intérieur, le

décret n°2005-517 du 1er juin 2005, rendu public le mardi 07 juin 2005, informait de la composition des

membres de la CENA. Et ce n’est que trois (03) mois plus tard, précisément le 05 septembre 2005, que les

inscriptions sur les listes ont commencé dans la région de Dakar. Dans les communes et communautés rurales,

elles ont commencé respectivement le 05 décembre 2005 et le 1 er février 2006. Quant aux circonscriptions

consulaires, elles ont démarré le 16 février 2006. C’est dire que nous avons assisté à une procédure d’inscription

sur les listes à plusieurs vitesses, ce qui n’a pas manqué de constituer une entorse au respect du principe d’équité

et d’égalité de tous les citoyens devant la loi.

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Bien que trois (03) élections aient été organisées sous l’empire de l’actuel fichier issu de la refonte totale et de la

nouvelle procédure d’inscription sur les listes électorales, le contentieux autour du fichier ne s’est pas dissipé.

Au contraire, il s’est amplifié et s’est exacerbé, surtout à l’approche des prochaines élections locales prévues en

mars 2009. Mais pour bien comprendre la portée du contentieux entre le pouvoir et l’opposition sur le fichier, il

convient très rapidement de brosser à grands traits la genèse et l’évolution du fichier.

a) La genèse des discussions sur le fichier électoral

Deux (02) mois après les élections locales du 12 mars 2002, la question du fichier électoral a rebondi au niveau

des discussions entre le ministère de l’Intérieur et les partis politiques lors d’une rencontre qui s’est tenue le 29

juillet 2002. Celles-ci se sont poursuivies le 30 avril 2003 à l’Hôtel Indépendance et le 04 juillet 2003 à la « Salle

OBS » du ministère de l’Intérieur.

Toutes ces réunions sous l’égide du ministre de l’Intérieur, le général Mamadou NIANG, se déroulaient dans une

excellente atmosphère et dans un climat de confiance et de sérénité. Tous les acteurs du processus électoral

(partis politiques, ministère de l’Intérieur, ONEL) faisaient preuve de bonne volonté dans la recherche des

solutions à l’épineux problème du fichier électoral. La personnalité du Général NIANG qui fut le premier

président de l’ONEL, a sans doute beaucoup contribué à l’instauration d’un climat de sérénité lors des

différentes rencontres entre le ministère de l’Intérieur et les partis. Sa grande capacité d’écoute pour essayer de

comprendre les préoccupations des uns et des autres, contribuait fortement à faire avancer la réflexion.

Mais, dès l’avènement de monsieur Macky SALL, à la tête du ministère de l’Intérieur début novembre 2003, en

remplacement du Général NIANG, nommé ambassadeur, le climat politique des rencontres avec les partis a

beaucoup changé. En raison du caractère politiquement marqué du nouveau ministre, président de la C.I.S

(Cellule Initiative et Stratégie), la suspicion a commencé à s’installer. Lors du premier contact de Monsieur

SALL, avec les partis, le 18 novembre 2003, les discussions sur le fichier électoral ont connu des blocages. Les

partis membres du CPC (Cadre Permanent de Concertations) qui a été créé le 14 mai 2001, soit deux (02) mois

après la sortie de l’AFP (Alliance des Forces de Progrès) du premier gouvernement de l’alternance, ont exigé

séance tenante une discussion sur l’ensemble du processus électoral.

14
15

Suite à l’objection faite par les autres partis présents dans la salle de réunion et non membres du CPC, comme

quoi ils n’avaient reçu de mandats pour discuter de questions autres que celles inscrites à l’ordre du jour de la

convocation de la présente réunion, les partis membres du CPC décidèrent de quitter la salle.

Sur les 45 partis qui étaient présents lors de cette rencontre, 29 sont restés pour poursuivre la réunion. Les

discussions ont porté sur la nécessité d’un toilettage du code électoral, l’étude d’une carte d’électeur à usage

multiple, les audiences foraines, la carte d’identité numérisée et sécurisée pour combler les lacunes de l’Etat

civil, etc …

Dans une correspondance n°014300 MINT/CL/DGF/DFC en date du 08 décembre 2003, le ministre de

l’Intérieur, Macky SALL, demande aux partis politiques de bien vouloir lui transmettre avant la date du 31

janvier 2004 au plus tard, les points argumentés qu’ils souhaitent voir inscrits à l’ordre du jour des prochaines

concertations sur le processus électoral. Et, il est précisé dans cette correspondance que « tous les sujets seront

discutés, mais les préoccupations les plus partagées seront traités en priorité ».

L’exploitation des positions des partis par les techniciens du ministère de l’Intérieur, a fait ressortir que la

majorité des partis avaient opté pour une refonte partielle. C’est ainsi que le Ministère de l’Intérieur a élaboré le

projet de loi n°48/2003 relatifs à une refonte partielle du fichier électoral. Ce projet a été examiné par le Bureau

de l’Assemblé Nationale, mais ne sera pas finalement adopté par les parlementaires. Un consensus est intervenu

entre la majorité et l’opposition pour le retrait de ce projet de loi en attendant de plus amples concertations

autour de la question. Cette requête a été acceptée par le Ministre de l’Intérieur 6 ;

Dans une autre correspondance n°002899 MIN.CL/DGE/DFC en date du 05 mars 2004, Monsieur Macky SALL

rappelle que suite à sa lettre du 08/12/03 portant sur les points argumentés à soumettre au cadre de concertation

sur le processus électoral, son département, au regard des réponses émanant des partis, a fait un travail de

synthèse qui gravite autour de trois (03) grands thèmes :

1) Le fichier électoral ;

2) La pérennisation et le renforcement des pouvoirs de l’ONEL ;

3) La proposition d’amélioration du Code électoral

6
Compte rendu n°00020 MIN.CL/DGE/DFC du 05 Avril 2004 entre le Ministère de l’Intérieur et des
collectivités locales et les partis apolitiques portants sur le processus électoral.

15
16

Le 16 mars 2004, une concertation entre le MINT et les partis a eu lieu au Ministère des Affaires Etrangères et

des Sénégalais de l’Extérieur autour de deux points à l’ordre du jour : 1). Discussion sur les grands thèmes du

processus électoral ; 2). Elaboration du calendrier des rencontres et des modalités de travail.

Constatant l’absence des partis du CPC à cette rencontre, le Secrétaire Général du PRC, Monsieur Samba

Diouldé THIAM, demanda le report de la réunion à une autre date, en fondant son argumentation sur le fait que

le CPC, en tant qu’acteur politique majeur, devait participer à des discussions qui engagent l’ensemble des

acteurs du processus électoral. La majorité des partis souscrivent à cette demande de report justifiée par la fait

qu’à leurs yeux, cela ne pourrait que contribuer à favoriser le climat de confiance mutuelle et donner une chance

supplémentaire pour créer les conditions propices à la poursuite du nécessaire dialogue politique permanent entre

les acteurs du jeu politique.

Mais, suite à la persistance du boycott par le CPC des rencontres initiées par le Ministère de l’Intérieur qui

exigeaient, le fait d’être reçu par le Chef de l’Etat pour des accords de principe sur des points relatifs au

processus électoral, le Président de la République accéda à leur requête, le 10 mai 2004. C’est ainsi qu’un

accord de principe, semble-t-il, a été obtenu entre le Chef de l’Etat et le CPC sur la création d’une CENA ou

(CENI) et sur la refonte du fichier à partir du noyau 2000.

Entre temps, les concertations entre les partis et les techniciens du Ministère de l’Intérieur avaient démarré à

l’Ecole Nationale de Police depuis le 13 avril 2004 pour passer en revue le Code électoral, la gestion du fichier.

Mais, ces concertations furent interrompues brusquement suite à l’annonce par la RTS (Radiotélévision du

Sénégal) dans son Journal télévisé du soir du 10 mai 2004, des accords de principe sur le processus électoral,

entre le Président de la République et le CPC. C’est pourquoi, dès le lendemain, c’est-à-dire le 11mai 2004, les

partis qui avaient accepter de siéger dans les commissions techniques à l’Ecole Nationale de Police ont décidé de

suspendre les travaux techniques, en attendant d’être plus amplement édifiés sur le contenu des accords

politiques annoncés la veille, entre le Chef de l’Etat et le CPC.

Les dix-sept (17) partis signataires du Communiqué intitulé : « Déclaration du 11 mai 2004 », justifiaient leur

attitude par le fait que la poursuite des discussions techniques entamées à l’Ecole Nationale de Police depuis 13

avril n’avait plus de sens dès l’instant qu’était intervenu un accord politique entre le Chef de l’Etat et une partie

des acteurs politiques sur le processus électoral. Ce dernier rappelait- il, par définition, doit être inclusif dans la

mesure où il concerne l’ensemble des acteurs politiques, et non une partie de ces acteurs.

16
17

Dans le même sillage, les partis membre de la CAP 21 (Convergences des Actions autour du Président pour le

IIIème millénaire) demandèrent de leur côté à rencontrer le Président de la République pour être eux aussi édifiés

sur le contenu des accords entre le Président WADE et le CPC. C’est ainsi que le Chef de l’Etat accorda à ses

alliés de la CAP 21, une audience au Palais de la République, le mardi 25 mai 2004.

Mais, à la même période, un coup de théâtre se produit avec le changement intervenu dans la composition du

Gouvernement, avec le départ de Macky SALL du ministère de l’Intérieur, pour occuper le poste de Premier

Ministre.

Ce qu’il convient de retenir des six (06) mois de passage de Macky SALL à la tête du ministère de l’Intérieur (de

novembre 2003 à Avril 2004), c’est que la tension a été particulièrement vive à l’occasion des rencontres entre le

ministère de l’Intérieur et les partis politiques.

En fin avril 2004, Monsieur Cheikh Saadibou FALL, succéda à Macky SALL, à la tête du département de

l’Intérieur. Bien que ce dernier soit également membre du PDS et ancien maire de la commune d’arrondissement

de Fann-Point E – Amitié de 1996 à 2001, il était moins marqué politiquement que son prédécesseur.

Il convient de retenir que l’avènement de Macky SALL aux fonctions de Premier Ministre a entraîné une légère

décrispation de l’atmosphère politique. Au lendemain de sa Déclaration de Politique Générale, du 20 octobre

2004, le dialogue a repris entre le ministère de l’Intérieur et les partis. La relative rupture dans l’approche

pragmatique des problèmes, avec des échéances précises de réalisation et la tonalité d’apaisement et d’ouverture

du message du chef du gouvernement devant les députés, ont entraîné un processus de dégel de la tension

politique.

Le passage du ministre de l’Intérieur, Cheikh Saadibou FALL, devant la Commission des Lois de l’Assemblée

nationale, s’est déroulé sans heurts, le 10 août 2004.

C’est ainsi, qu’à l’unanimité des commissaires de la majorité de l’opposition, la Commission des Lois, de la

Décentralisation, du Travail et des Droits Humains, présidée par monsieur Aly LO, a voté le projet de loi

n°22/2004 portant sur la refonte totale du fichier électoral. Quant à l’Assemblée nationale, elle a voté en plénière

le projet de loi.

Toujours dans la dynamique de décrispation politique, la rencontre entre le nouveau locataire de la place

Washington et les partis, s’est déroulée dans un climat d’apaisement et de détente. Toutes les rencontres ont été

organisées pendant cette période ont connu des records de participation parce que les partis du CPC qui avaient

17
18

opté pour une politique de la chaise vide plusieurs mois durant, ont accepté de répondre aux invitations de

concertations du ministère de l’Intérieur.

Des échanges importants ont pu avoir lieu sur la mise en œuvre du décret d’application de la loi portant refonte

totale du fichier électoral.

Des idées, des suggestions, voire des propositions d’orientations ont été faites par les acteurs politiques pour

l’élaboration d’actes réglementaires, en application de la loi sur la refonte du fichier.

Retenons qu’au cours du magistère de Cheikh Saadibou FALL au ministère de l’Intérieur, des discussions ont été

engagées sur le choix du noyau dur pour la refonte du fichier. La rencontre du 05 juillet 2004 axée

essentiellement sur cette question, n’a pas pu déboucher sur un consensus entre les partis. Certains étaient pour le

fichier de l’an 2000 (taux de participation 61,71%), d’autres étaient pour le fichier des législatives du 29 avril

2001 (taux de participation 69,70%), d’autres pour le Référendum de 2001, (taux de participation 65,74%)  ;

d’autres enfin, étaient pour le fichier des élections locales du 12 mai 2002 (taux de participation 53%). Il

convient de rappeler que cette réunion qui a duré près de 8 tours d’horloge (10h à 18h) fut une des concertations

les plus longues entre le ministère de l’Intérieur et les partis politiques.

Le ministre Cheikh Saadibou FALL, il faut le reconnaître, durant son passage au département de l’Intérieur, a

fait preuve de bonne volonté et d’esprit d’ouverture. Mais, au moment où personne ne s’y attendait, il a été

relevé de ses fonctions.

Le décret n°2004-1380 du 02 novembre 2004, porta monsieur Ousmane NGOM qui occupait le poste de ministre

du Commerce, à la tête du département de l’Intérieur. Ainsi, Cheikh Saadibou FALL, a fait huit (08) mois à la

place Washington (avril 2004 au 02 novembre 2004).

La première rencontre entre le nouveau ministre de l’Intérieur, Me NGOM, avec les partis, le 18 novembre 2004

s’est déroulée dans une ambiance particulièrement tendue. La rencontre du 18 novembre 2004 avait comme

ordre du jour, deux (02) points. D’une part, une prise de contact entre Me NGOM et les partis politique, et,

d’autre part, l’installation officielle du professeur Babacar GUEYE dans ses fonctions de Président de la

Commission ad hoc, chargée de faire des propositions pour la mise en place d’une Commission Electorale

Nationale Autonome (CENA), conformément au décret n°2004-673 du 02 juin 2004.

De nombreuses perturbations ont émaillé cette rencontre, qui a connu une longue suspension, puis un report pur

et simple à une autre date.

18
19

La deuxième rencontre entre Me NGOM et les partis, a eu lieu le 25 janvier 2005, à l’hôtel Savana. Celle-ci a

porté essentiellement sur la Carte électorale. Au cours de cette rencontre qui a enregistré la participation de plus

de cinquante (50) partis politiques, les techniciens du ministère de l’Intérieur ont déroulé la feuille de route

relative à la refonte du fichier électoral. dans un document intitulé Présentation de la nouvelle procédure

d’inscription sur les listes électorales. Son contenu s’articule autour des sept (07) points suivants :

1- « La loi 2004-32 du 25/08/2004

Elle a annulé toutes les listes électorales et a prescrit l’établissement de nouvelles

listes basées uniquement sur une carte nationale d’identité numérisée. L’objectif visé

est de permettre la mise en place d’un fichier électoral fiabilisé à 100% tout en

donnant aux acteurs les moyens d’en vérifier avec certitude la qualité tout au long du

processus et cela dans les meilleures conditions de transparence possible.

2- « Extrait du Chronogramme

a) Mise en place du cadre institutionnel : Décembre 2004 à janvier 2005

b) Carte électorale : Décembre 2004 à février 2005

c) Solution informatique

i. Choix et contractualisation : Novembre 2004 à février 2005 ;

ii. Déploiement de la solution informatique : Février à juillet 2005 ;

d) Inscription sur les listes électorales : Avril 2005 à septembre 2005

e) Edition listes provisoires : octobre 2005 ;

f) Contentieux : mi octobre 05 mi novembre 2005

g) Période de réserve : mi novembre – décembre 2005 ;

h) Révision exceptionnelle : janvier 2006 à février 2006 ;

i) Elections législatives 2006

3- « L’organisation mise en place

19
20

a) 500 commissions d’inscriptions sur les nouvelles listes électorales répartis à

travers tout le territoire national et quatre (04) commissions pour l’étranger.

La composition de ces commissions est classique et conforme au code

électoral : les partis politiques ainsi que l’organe de supervision retenu y

sont représentés. Ces commissions seront assistées par ces techniciens

spécialisés dans l’instruction de la carte nationale d’identité (CNI).

b) Les centres d’instruction habituelle de la CNI au nombre de 714

(commissariats de police, brigade de gendarmerie, sous préfecture)

permettront aux citoyens de renouveler leur carte nationale d’identité de

façon autonome par rapport au système électoral.

c) La Direction Générale des élections

d) La Direction de l’autonomisation des fichiers

e) Eventuellement un prestataire privé chargé de la collecte des fiches

d’inscription et de distribution journalière des documents produits par la

DAF (Carte d’identité, cartes d’électeurs, listings de contrôle) auprès des

commissions d’inscription.

4- « Déroulement du nouveau processus d’inscription

a) Le citoyen désireux de s’inscrire se présente devant la commission : 2 cas de

figure sont envisagés :

i. Le citoyen possède déjà sa nouvelle carte nationale obtenue auprès

d’un centre d’instruction de la CNI

1. Il est inscrit sur les nouvelles listes électorales

contre récépissé d’inscription

2. Au bout d’un délai de 3 à 4 jours, il se présente à

nouveau à la même commission pour retirer sa

carte d’élection et émarge le registre de remise

de cartes

20
21

ii. Le citoyen ne dispose pas encore de la nouvelle carte nationale

d’identité et désire s’inscrire sur les listes électorales :

1. Il présente son ancienne carte nationale

d’identité ou

2. Il présente un extrait de naissance et

éventuellement un certificat de nationalité :

a. Une fiche de demande de CNI est

établie, sa photo est prise par une

caméra numérique, ses empreintes

digitales et sa signature sont prise par

un capteur numérique, contre récépissé

de dépôt de CNI ;

b. A partir de ce moment, il est inscrit sur

les nouvelles listes électorales contre

récépissé d’inscription ;

c. Au bout d’un délai de 3 à 4 jours, il se

présente à nouveau à la même

commission pour retirer sa carte

nationale d’identité numérisée et sa

carte d’électeur et émarge le registre de

remise de cartes.

b) Chaque soir, les données biométriques et d’images sont téléchargées vers le

site central de la DAF pour contrôler et supprimer les doubles inscriptions

éventuelles ;

c) Les fiches de demande de CNI ainsi que les fiches d’inscriptions sur les

listes sont collectées chaque jour et envoyées à la DAF pour saisie ;

21
22

d) La DAF produit chaque jour les cartes d’identité nationale et les cartes

d’électeurs pour les faire acheminer vers les commissions émettrices sous

plis individuels cachetés.

5- « Volumétrie

a) L’objectif visé pour le nouveau fichier électoral est de trois (03) millions

d’électeurs dans un délai de 06 à 08 mois ;

b) Une moyenne de 40 inscriptions par jour et par commission, permet dans un

délai de 180 jours (6 mois) d’obtenir (40x500x180 = 3 600 000 inscrits par

les 500 commissions). Cette moyenne correspond à 4 inscriptions seulement

par heure pour une journée de 10 heures. C’est dire que le délai de six (06)

mois est largement suffisant pour inscrire trois (03) millions d’électeurs.

6- « Note sur la carte électorale

a) C’est la géographie des lieux et bureau de vote

b) Dans le système jusqu’ici en vigueur, la carte électorale était établie après

la période d’inscription des électeurs sur la base de la connaissance de

volume définitif de l’électoral associé à la carte électorale précédente ;

c) Pour la nouvelle procédure, la carte électorale doit être établie à l’avance

pour permettre d’imprimer les cartes d’électeurs au fur et à mesure des

inscriptions avec la mention du lieu et du bureau de vote de l’électeur (exige

des parlementaires lors du vote de la loi). Elle est établie sur la base de la

dernière configuration des lieux de vote connue (dernières élections) ».

c) L’arbitrage du Chef de l’Etat au sujet du choix du noyau dur pour la refonte du fichier électoral

Comme nous l’avons rappelé dans les pages précédentes, la décision de refonte totale du fichier électoral a été

prise par le Chef de l’Etat, le 15 Juillet 2004.

A la suite du boycott des partis de l’opposition regroupés dans le CPC, des rencontres du ministère de l’Intérieur

avec les partis, pendant plusieurs mois durant, le Chef de l’Etat, accepta la requête du CPC, de la rencontrer pour

discuter avec lui des problèmes relatifs au processus électoral. C’est ainsi que, lors de la rencontre du 10 mai

22
23

2004, un accord de principe était intervenu sur la création d’une CENA ou d’une CENI et sur la refonte partielle

du fichier à partir du noyau 2000.

Mais puisque cette décision a été prise au moment où des concertations entre les techniciens du ministère de

l’Intérieur et les partis se déroulaient à l’Ecole Nationale de Police sur la revue du Code électoral, ces partis

avaient suspendu ces concertations en attendant d’être édifiés sur les conclusions de la rencontre du 10 mai 2004.

C’est ainsi que les partis signataires de la Déclaration du 11 mai 2004, ont estimé que les discussions techniques

amorcées sur la revue du Code électoral, n’avaient plus d’objet dès l’instant ou un accord politique était

intervenu entre le Chef de l’Etat et une partie des acteurs politiques.

Dans le même sillage de cette position, les partis membres de la CAP 21, demandèrent de leur côté à rencontrer

le président de la République le mardi 25 mai 2004, Me WADE reçut ses alliés de la CAP 21.

Entre temps, l’Union pour le Renouveau Démocratique (URD) de Djibo Leïty KA avait rejoint le pôle

présidentiel, sans pour autant être membre de la CAP 21. Le Vendredi 09 juillet 2004, le Chef de l’Etat rencontra

à nouveau la CAP 21, élargie à l’URD. Les échanges ont porté sur la question du choix du noyau dur qui devait

servir de base à la refonte du fichier.

Une autre rencontre élargie à tous les partis politiques, est convoquée par le Chef de l’Etat, le 15 juillet 2004 par

lettre n°0727/PR.SP.PR/ass en date du 09 juillet 2004, à l’effet de discuter du processus électoral. Mais les partis

du CPC et du G10, regroupés entre temps dans CLARTE/NA LEER (coordination de lutte et d’Actions pour la

Régularité et la Transparence des Elections), boycottèrent cette rencontre. Ils sont envoyé un Mémorandum au

Chef de l’Etat sur le processus électoral et ont organisé le même jour une conférence de presse à l’Hôtel

Indépendance.

C’est au cours de cette rencontre du 15 juillet 2004, que le Chef de l’Etat informa de sa décision de procéder à

une refonte totale du fichier, suite à l’absence de consensus sur le choix du noyau dur. En substance, il déclara :

« Je préfère remettre le compteur à zéro et renvoyer tout le monde dos à dos. Tous les partis vont s’aligner sur

la même ligne de départ ».

Séance tenante, le président de la République informa qu’un projet de Loi sur la refonte totale du fichier électoral

va être soumis à l’Assemblée nationale. Rappelons qu’au cours de cette rencontre, trente trois (33) partis y ont

participé. Il s’agit de :

LD/MPT FSD/BJ RDC

23
24

AFP PDV PRS

CDP/GG PARI UFP

RUP PAI URD

RPR RDR UPR

RDP FAP PAS

APJ/Jëf Jël SURS MSU

GARAP/ADS UDF/MB PRC

MRS PUR PAS/ICA

PARENA RPS AJ/PADS

MDS/ND MDC PDS

Il convient de préciser que dans la perspective de cette rencontre entre le Chef de l’Etat et la classe politique, le

Ministère de l’Intérieur, par lettre non datée avait demandé aux partis de lui faire parvenir par écrit, leurs

positions argumentées sur le choix du noyau dur et sur le fichier avant la date du 13 juillet 2004.

Quelques jours après la rencontre du 15 juillet, la décision du Chef de l’Etat a été matérialisée par le dépôt au

niveau du Parlement d’un projet de loi portant annulation de toutes les listes électorales et de toutes les

inscriptions figurant dans le fichier général des électeurs et prescrivant l’établissement de nouvelle listes

électorales. Quelques heures plus tard, ce projet qui contenait de nombreuses failles et lacunes a été retiré et

remplacé le 29 juillet 2004 par un autre projet de loi, celui du n°22/2004 portant refonte totale du fichier

électoral. Mais, ce dernier a connu plusieurs versions avant son adoption définitive par l’Assemblée Nationale le

16 Août 2004. Promulguée par le Président de la République, la loi n°2004-32 du 25 Août 2004 portant

annulation de toutes les listes électorales et de toutes les inscriptions figurant dans le fichier général des électeurs

et prescrivant l’établissement de nouvelles listes électorales s’articule autour de sept (07) articles ainsi libellés :

Article premier : Par dérogation au x articles L34 à L49 et L262 du Code électoral, un

nouveau fichier électoral est institué ;

24
25

Article 2 : Les Sénégalais résidants ou de l’extérieur ayant 18 ans accomplis

pendant la période ouverte pour la constitution de ce fichier, peuvent

s’inscrire sur les listes électorales ;

Article 3 : L’inscription sur ce nouveau fichier est réalisée par des commissions

composées de représentants du ministère de l’Intérieur et d’un

représentant de chaque parti politique légalement constitué. Les

modalités d’organisation et de fonctionnement de ces commissions

sont fixées par décret ;

Article 4 : L’inscription s’effectue sur la base unique d’une nouvelle carte

nationale numérisée contre récépissé et une carte d’électeur ;

Article 5 : Une fois les opérations d’inscription terminées, les informations ainsi

collectées par les commissions constituent les bases sur lesquelles le

Ministère de l’Intérieur dresse les nouvelles listes électorales

provisoires. Les partis politiques peuvent contrôler la collecte des

informations au niveau central pendant la constitution du nouveau

fichier.

Article 6 : Une période d’un mois, après la publication des listes provisoires, est

ouverte pour le contentieux.

A l’expiration des délais, le Ministre de l’Intérieur dresse les listes

électorales définitives.

Article 7 : S’il survient des élections avant la constitution définitive du nouveau

fichier, celle-ci se fera sur la base du fichier actuel.

Avant d’analyser dans les détails, la problématique de cette nouvelle procédure d’inscription sur les listes

électorales, suite à la refonte totale du fichier, nous allons examiner à présent la question de l’organisme de

contrôle et de supervision du processus électoral.

25
26

Sixième partie

Le fichier électoral : un problème à la fois technique politique.


III. LE FICHIER ELECTORAL

Au cœur des contentieux électoraux au Sénégal, depuis 1976, se trouve la question du fichier électoral, qui, de

l’avis du politologue Abdou Aziz DIAGNE, a toujours constitué « la pomme de discorde entre le pouvoir et

l’opposition »7.

Malgré les alternances politiques intervenues en 2000 et en 2012, à la suite d’élections reconnues par tous les

observateurs comme sincères et transparentes, la question du fichier électoral n’est pas pour autant

définitivement réglée.

Le terme « fichier » est un concept informatique qui renvoie à l’informatisation des listes électorales en 1976, au

moment de « l’ouverture démocratique limitée » sous le magistère du président Léopold Sédar Senghor. Il a

toujours été au cœur des co ntentieux électoraux

Discussions autour du fichier sur le choix d’un noyau dur.

C’est ainsi que dès le lendemain des élections locales du 12 mai 2002, des acteurs politiques ont engagé une

discussion autour du fichier pour trouver un consensus sur le choix d’un noyau dur qui devait servir à une refonte

partielle ou totale du fichier, en perspective des législatives initialement prévues en mai 2006 et de la

présidentielle de 2007. Après moult péripéties et discussions au sein de la classe politique, un consensus n’a pu

être trouvé sur le choix du noyau dur.

Le 15 Juillet 2004, le président de la République a tranché le débat en optant pour une refonte totale du fichier

électoral pour dit-il, « mettre tout le monde sur la même ligne de départ, et doter notre pays d’un instrument qui

mettra à jamais derrière nous toute possibilité de contentieux électoral »8.

7
Abdou Aziz DIAGNE : « Un régime parlementaire pour le Sénégal » , in, Walfadjri du jeudi 30 septembre et
vendredi 1er octobre 2004
8
Assemblée nationale, Xème législature. Première session ordinaire de l’Année 2004. Rapport de la
Commission des Lois de la Décentralisation, du Travail et des Droits Humains, 10 Août 2004.

26
27

Si l’intention du Chef de l’Etat est généreuse dans la formulation, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une

décision fondamentalement politique, qui n’a pas été précédée d’une réflexion technique, sur la faisabilité de la

chose au regard des délais impartis pour la nécessité d’une telle opération.

C’est la raison pour laquelle de nombreux partis politiques, du reste de l’opposition comme de la majorité, ainsi

que de nombreux observateurs avertis de la chose électorale, avaient formulé des réserves et doutes sur les

possibilités de succès d’une opération d’une telle envergure et complexité.

Il convient de retenir qu’à cette période, il n’était pas encore question de report des législatives de 2006 et de leur

couplage avec la présidentielle de 2007.

Au contraire, le Chef de l’Etat, le Président Abdoulaye Wade et le ministre de l’Intérieur Me Ousmane Ngom, ne

cessaient de donner des assurances sur le respect du calendrier républicain des élections.

Les nombreuses et pertinentes interrogations des parlementaires sur tous les aspects liés à la refonte totale au

regard des délais impartis, constituaient une illustration significative de leur scepticisme, quant à la faisabilité

d’une procédure aussi inédite, à la fois au regard des délais impartis et à la riche expérience électorale du peuple

sénégalais. Ainsi, les recommandations qu’ils ont formulées au cours de la session parlementaire du 10 Août

2004, illustraient on ne peut plus clair, le bien fondé de leurs appréhensions.

Entre autres recommandations, on peut citer : «  la transparence du processus à toutes les étapes qui conduiront

au fichier nouveau ; La concertation et le dialogue entre les acteurs qui accompagnent le processus ; La

recherche du consensus dans ce nécessaire dialogue et cette indispensable concertation ; L’obligation pour tous

de se départir de pratiques de politique politicienne sur une question aussi importante, qui engage l’avenir de

notre démocratie ; Le devoir, pour le Gouvernement, d’engager tous les moyens matériels, financiers et humains

nécessaires à l’aboutissement et à la réussite de ce processus de refonte totale du fichier électoral  ; Le respect

du calendrier électoral républicain ».

Quelles que soient les raisons qui ont été à la base de la décision de refonte totale du fichier électoral, force est

de reconnaître que dès le début, il y a eu deux problèmes qui n’étaient pas du tout liés. L’un était d’ordre

politique, et l’autre d’ordre technique. Mais pour bien comprendre la nature profonde de ces deux problèmes,

nous allons examiner successivement, dans un premier temps, les considérations générales sur le fichier

électoral, et, dans un deuxième temps, la problématique qui sous-tend la décision de refonte totale du fichier.

I. PROBLEMATIQUE DE LA REFONTE TOTALE DU FICHIER ELECTORAL

27
28

Au cœur des contentieux électoraux au Sénégal, depuis 1976, se trouve la question du fichier électoral, qui, de

l’avis du politologue Abdou Aziz DIAGNE, a toujours constitué « la pomme de discorde entre le pouvoir et

l’opposition »9.

Malgré les alternances politiques intervenues en 2000 et en 2012, à la suite d’élections reconnues par tous les

observateurs comme sincères et transparentes, la question du fichier électoral n’est pas pour autant

définitivement réglée.

Discussions autour du fichier sur le choix d’un noyau dur.

C’est ainsi que dès le lendemain des élections locales du 12 mai 2002, des acteurs politiques ont engagé une

discussion autour du fichier pour trouver un consensus sur le choix d’un noyau dur qui devait servir à une refonte

partielle ou totale du fichier, en perspective des législatives initialement prévues en mai 2006 et de la

présidentielle de 2007. Après moult péripéties et discussions au sein de la classe politique, un consensus n’a pu

être trouvé sur le choix du noyau dur.

Le 15 Juillet 2004, le président de la République a tranché le débat en optant pour une refonte totale du fichier

électoral pour dit-il, « mettre tout le monde sur la même ligne de départ, et doter notre pays d’un instrument qui

mettra à jamais derrière nous toute possibilité de contentieux électoral »10.

Si l’intention du Chef de l’Etat est généreuse dans la formulation, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une

décision fondamentalement politique, qui n’a pas été précédée d’une réflexion technique, sur la faisabilité de la

chose au regard des délais impartis pour la nécessité d’une telle opération.

C’est la raison pour laquelle de nombreux partis politiques, du reste de l’opposition comme de la majorité, ainsi

que de nombreux observateurs avertis de la chose électorale, avaient formulé des réserves et doutes sur les

possibilités de succès d’une opération d’une telle envergure et complexité.

Il convient de retenir qu’à cette période, il n’était pas encore question de report des législatives de 2006 et de leur

couplage avec la présidentielle de 2007.

9
Abdou Aziz DIAGNE : « Un régime parlementaire pour le Sénégal » , in, Walfadjri du jeudi 30 septembre et
vendredi 1er octobre 2004
10
Assemblée nationale, Xème législature. Première session ordinaire de l’Année 2004. Rapport de la
Commission des Lois de la Décentralisation, du Travail et des Droits Humains, 10 Août 2004.

28
29

Au contraire, le Chef de l’Etat, le Président Abdoulaye Wade et le ministre de l’Intérieur Me Ousmane Ngom, ne

cessaient de donner des assurances sur le respect du calendrier républicain des élections.

Les nombreuses et pertinentes interrogations des parlementaires sur tous les aspects liés à la refonte totale au

regard des délais impartis, constituaient une illustration significative de leur scepticisme, quant à la faisabilité

d’une procédure aussi inédite, à la fois au regard des délais impartis et à la riche expérience électorale du peuple

sénégalais. Ainsi, les recommandations qu’ils ont formulées au cours de la session parlementaire du 10 Août

2004, illustraient on ne peut plus clair, le bien fondé de leurs appréhensions.

Entre autres recommandations, on peut citer : «  la transparence du processus à toutes les étapes qui conduiront

au fichier nouveau ; La concertation et le dialogue entre les acteurs qui accompagnent le processus ; La

recherche du consensus dans ce nécessaire dialogue et cette indispensable concertation ; L’obligation pour tous

de se départir de pratiques de politique politicienne sur une question aussi importante, qui engage l’avenir de

notre démocratie ; Le devoir, pour le Gouvernement, d’engager tous les moyens matériels, financiers et humains

nécessaires à l’aboutissement et à la réussite de ce processus de refonte totale du fichier électoral  ; Le respect

du calendrier électoral républicain ».

Quelles que soient les raisons qui ont été à la base de la décision de refonte totale du fichier électoral, force est

de reconnaître que dès le début, il y a eu deux problèmes qui n’étaient pas du tout liés. L’un était d’ordre

politique, et l’autre d’ordre technique. Mais pour bien comprendre la nature profonde de ces deux problèmes,

nous allons examiner successivement, dans un premier temps, les considérations générales sur le fichier

électoral, et, dans un deuxième temps, la problématique qui sous-tend la décision de refonte totale du fichier.

Septième partie

Mises à jour, Refontes et Missions d’audit du fichier électoral.


1. La première mise à jour du fichier.
2. La deuxième mise à jour du fichier.
3. La refonte totale du fichier par la loi n° 2004-32 du 25 août 2004 annulant toutes les listes électorales.
4. L’audit du fichier de 2007
5. Refonte partielle du fichier électoral de 2017 instituant une nouvelle carte biométrique CEDEAO
pouvant contenir de données multiples (électorales, sécuritaires, sanitaires…)
6. Mission d’audit du fichier électoral 2018 (MAFE 2018)
7. Cadre de Concertation sur le Processus Electoral (CCPE 2018)

29
30

8. Audit du fichier électoral 2020

Ebauche Plan

PLAN GENERAL OUVRAGE : HISTOIRE ELECTORALE DU SENEGAL

PREFACE………………………………………………………

INTRODUCTION GENERALE

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme - stipule en son article 21, alinéa 2 : « la volonté du peuple
est le fondement de l’autorité des pouvoir publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui
doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure
équivalente assurant la liberté de vote ».11
Quant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, il dispose en son article
25, « le droit de prendre part à la direction des affaires publiques, de voter, d’être élu et d’accéder, dans les
conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays. Ce droit doit pouvoir s’exercer sans
discrimination et sans restrictions déraisonnables ».
En remettant entre les mains des citoyens la souveraineté qu’ils peuvent redistribuer au gré de leurs préférences,
les élections, en démocratie, constituent un mécanisme essentiel dans la régulation de la vie politique et sociale. 12
L’acceptabilité des résultats des confrontations électorales, contribue à l’instauration d’une démocratie apaisée
dans la mesure où l’exacerbation des tensions sociopolitiques est surmontée, ce qui dans une large mesure,
facilite des conditions de sincérité et de transparence qui ont présidé à leur organisation et à leur déroulement.
Aussi, un scrutin libre et démocratique, ne peut que contribuer puissamment à instaurer un climat durable de

11
Cité par « Afrique – Espoir », supplément, juin 1994.
12
Mamadou Kamara : LES ELECTIONS AU SENEGAL (Rôle, place et responsabilités des acteurs).
Démocratie et Etat de droit, 2007. « L’élection consiste à redonner au citoyen la place qui est la sienne dans une
démocratie, c’est-à-dire celle de l’électeur qui est en droit de savoir ce que les élus ont fait de son choix de
société et de l’argent de ses impôts. », p. 20

30
31

confiance et de pacification de la sphère politique, en garantissant la légitimité des élus et du pouvoir qu’ils
incarnent.13
Le Sénégal, à la différence de beaucoup de pays africains venus fraîchement à la démocratie, à la faveur du vent
de démocratisation qui a soufflé sur le continent africain au début des années 1990, a une culture électorale très
ancienne, bien que celle-ci n’ait pas toujours rimée avec culture démocratique.
En effet, les premières élections organisées sur le territoire colonial au niveau des possessions françaises
d’Afrique Occidentale, remontent à 1848. Toutefois, celles-ci furent exclusivement l’affaire des Européens.
C’est à partir du 02 avril 1871, date des premières compétitions législatives, que les élections seront ouvertes aux
quatre communes (Saint-Louis, Gorée, Dakar et Rufisque), et ne connaîtront plus d’interruption jusqu’en 1960.
Il convient de préciser que jusqu’en 1914 qui marque l’élection de Blaise Diagne comme député, le corps
électoral n’était composé que des français de souche ou de mulâtres. Ceux-ci constituaient les seuls acteurs de
la vie politique.
C’est en 1945 que l’on assiste à un élargissement de l’électorat au Sénégal avec la loi du 05 Octobre 1945.
Toutefois, cette loi n’avait pas rendu le suffrage universel, car, seuls les citoyens de statut personnel soumis à
quelques conditions avaient qualité d’électeur (notables évolués, fonctionnaires titulaires de décoration,
commerçants, etc.). Cependant, les critères limitatifs et restrictifs n’en n’ont pas moins contribué à l’extension
des bénéficiaires du droit de vote.
Ce n’est qu’avec la loi Gaston Defferre du 23 Juin 1956, que l’on assistera à un véritable boom du corps
électoral Sénégalais, où tous les citoyens des deux sexes âgés de plus de vingt et un ans ont qualité d’électeur.
Durant la période de la colonisation, les élections au Sénégal étaient régies par les lois coloniales. Entre autres
textes régissant les élections on peut citer :
 L’ordonnance du 7 Septembre 1840 érigeant Saint-Louis et Gorée en conseils élus par un collège de
notables eux-mêmes désignés par le gouverneur.

 Le décret organique du 2 février 1852 pour l’élection au corps législatif.

 Le décret du 10 août 1872 crée à l’image de l’organisation métropolitaine, les communes de plein
exercice de Saint-Louis et Gorée.

 La loi du 7 juillet 1874 relative à l’élection municipale.

 La loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale en ses articles 13 à 29.

 La loi du 20 mars 1914 modifiée le 2 avril 1932.

 La loi du 31 mars 1914 réprimant les actes de corruption dans les opérations électorales.

 La loi du 20 avril 1914 réglementant l’affichage électoral.

13
DANSOU A : « Vote et votants à l’élection présidentielle des 28 février et 19 mars 2000 : quel modèle pour le
Sénégal ? »

31
32

 La loi n° 46-1889 du 20 août 1946 relative au contrôle des inscriptions sur les listes électorales et la
procédure des inscriptions d’urgence.

 La loi du 28 aout 1946 ayant permis d’élaborer les listes électorales sur la base desquelles a été
organisé le référendum constitutionnel de 1970.

 La loi de Lamine GUEYE dite loi citoyenneté du 5 octobre 1946, mais qui ne confère pas
automatiquement la qualité d’électeur aux ressortissants des territoires d’Outre-mer.

 La loi du 27 août 1947 qui étend le droit d’élire et d’être élu à ceux qui savent lire le français et l’arabe.

 La loi du 21 mai 1951 accordant le droit de vote aux pères de famille payant l’impôt.

 La loi du 2 février 1952 qui efface la condition censitaire de la loi de 1951.

 La loi n°55-1489 du 18 novembre 1955 relative à la réorganisation municipale en ses articles 5 et 10 à


25.

Sans être exhaustive, cette liste de lois et décrets ainsi énumérés constitue des jalons importants de l’histoire
électorale du Sénégal, en ce qu’elle témoigne de l’extension progressive des conquêtes démocratiques et de la
nature du corps électoral. Comme on l’aura remarqué, tout au long de l’histoire politique de notre pays, la qualité
d’électeur a connu une évolution certaine. Apanage du petit nombre, la qualité d’électeur deviendra accessible au
plus grand nombre, suite au combat permanent pour l’extension du corps électoral, au bénéfice de
l’enracinement et de l’approfondissement du processus démocratique.
Avec l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale en 1960, cette tradition électorale qui s’est
poursuivie et consolidée a permis à notre pays de bénéficier d’une relative stabilité institutionnelle, marquée par
la tenue périodique d’élections à intervalles régulières, conformément au calendrier républicain.

De 1960 à nos jours, le tableau chronologique des textes à caractère législatif se présente ainsi :

 La loi organique n° 60-17 du 3 septembre 1963 sur la Cour suprême qui était le seul organe de
centralisation et de proclamation des résultats des élections nationales.

 L’ordonnance n° 63-02 du 6 juin 1963 relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale.

 L’ordonnance n° 63-09 du 26 août 1963 portant loi organique relative à l’élection du président de la
République.

 Loi n° 76—96 du 21 aout 1976.

 Loi n°82-10 du 30 juin 1982 portant code électoral.

 Loi n°82-37 du 21 décembre 1982.

 Loi organique n°83-01 du 15 janvier 1983.

32
33

 Loi n° 83-48 du 12 février 1983.

 Loi organique n° 83 – 63 du 3 juin 1983.

 Loi n° 84-18 du 2 février 1984.

 Loi n° 84- 23 du 24 mars 1984.

 Loi n° 89-33 du 12 octobre 1989.

 Loi n° 92-15 du 07 février 1992.

 Loi organique n° 92- 23 du 30 mai 1992.

 Loi n° 92-56 du 3 septembre 1992.

 Loi n° 93-08 du 21 avril 1993.

 Loi organique n° 93-09 du 23 avril 1993.

 Loi n° 94-70 du 22 aout 1994.

 Loi n° 96-08 du 22 mars 1996.

 Loin° 96- 12 du 19 aout 1996.

 Loi n° 96-16 du 28 aout 1996.

 Loi n° 96-17 du 28 aout 1996.

 Loi n° 97-15 du 08 septembre 1997.

 Loi n° 98-07 du 12 février 1998.

 Loi n° 98- 13 du 05 mars 1998.

 Loi n° 98- 16 du 12 mars 1998.

 Loi organique n° 98- 17 du 16 mars 1998.

 Loi organique n° 98- 18 du 16 mars 1998.

 Loi n° 98-24 du 26 mars 1998.

 Loi n° 98-38 du 22 avril 1998.

 Loi n°98-49 du 10 octobre 1998.

 Loi n° 98-50 du 10 octobre 1998.

 Loi organique n° 2000-22 du 07 février 2000.

33
34

 Ordonnance n° 2001-05 du 15 février 2001.


 Loi n° 2002-05 du 21 février 2002.
 Loi n° 2002-06 du 21 février 2002.
 Loi n° 2002-11 du 08 mars 2002.
 Loi n° 2005-07 du 11 mai 2005.
 Loi n° 2006-20 du 30 juin 2006.
 Loi organique n° 2006-38 du 21 novembre 2006.
 Loi organique n° 2003-41 du 11 décembre 2006.
 Loi n° 2007- 18 du 19 février 2007.
 Loi organique n° 2007-20 du 19 février 2007.
 Loi n° 2007-22 du 19 février 2007.
 Loi organique n° 2007-23 du 22 mai 2007.
 Loi organique n° 2007-27 du 11 juillet 2007.
 Loi n° 2009-09 du 16 janvier 2009.
 Loi n° 2012-01 du 03 janvier 2012.
 Loi n° 2014- 18 du 15 avril 2014.
 Loi n° 2017-12 du 18 janvier 2017.
 Loi n° 2018-22 du 04 juillet 2017.
 Loi n° 2017- 33 du 21 juillet 2017.
 Loi n° 2018- 22 du 04 juillet 2018.
 Loi n° 2021- 35 du 23 juillet 2021.

PREMIERE PARTIE

34
35

La trajectoire électorale du Sénégal de 1960 à 2020.

A partir du 02 avril 1871 le cycle des élections n’a pas connu d’interruption au Sénégal jusqu’en 1960 qui
marque la fin de la séquence coloniale. Il convient de faire observer que de 1871 à 1959, soit une période de
(quatre-vingt-huit ans) 88 ans, 17 (dix-sept) élections législatives ont été organisées, soit en moyenne une
élection tous les 5 (cinq ans), comme le montre le tableau chronologique suivant: Législatives de mars 1871 ;
Législatives de juin 1879 (1er tour) ; Législatives de septembre 1889 (1er tour) ; Législatives d’août 1893 ;
Législatives de mai 1898 ; Législatives d’avril 1902 ; Législatives de mai 1906 ; Législatives d’avril 1910 (1er
tour) ; Législatives d’avril 1914 (1er tour) ; Législatives de novembre 1919 ;
Législatives d’avril 1924 ; Législatives du 1er mai 1929 ; Législatives du 29 juillet 1934 ; Législatives du 26
avril 1936 ; Législatives du 17 juin 1951 ; Législatives du 02 janvier 1956 ; Législatives du 22 mars 1959.
A partir de la période des indépendances en 1960, ce processus de tenue régulière des élections à intervalles
régulières s’est poursuivi conformément au calendrier républicain. C’est ainsi que se présente le tableau des
différents scrutins :
Les Référendums (4 scrutins) : 03 janvier 1963 ; 26 février 1970 ; 07 vier 2001 ; 20 mars 2016.
Les Elections Sénatoriales (2 scrutins) : Janvier 1999 ; 19 août 2007.
Les Elections locales (9 scrutins) : 1960 (élection municipale à Saint-Louis) ; 25 Janvier 1968 (élection
municipale) ; 26 janvier 1978 (élection municipale) ; Novembre 1984 (élections municipales et rurales) ;
Novembre 1990 (élections municipales et rurales) ; 24-27 novembre 1996 (élections régionales, municipales et
rurales) ; 12 mai 2002 (élections régionales, municipales et rurales) ; 25 mars 2009 (régionales, municipales et
rurales) ; 29 juin 2014 (élections municipales et départementales).
Les Elections présidentielles (11 scrutins) : Élection présidentielle du 1er décembre 1963 ; Élection
présidentielle du 25 février 1968 ; Élection présidentielle du 28 janvier 1973 ; Élection présidentielle du 26
février 1978 ; Élection présidentielle du 27 février 1983 ; Élection présidentielle du 28 février 1988 ; Élection
présidentielle du 21 février 1993 ; Élection présidentielle du 20 février et 19 mars 2000 ; Élection présidentielle
du 25 février 2007 ; Élection présidentielle du 26 février et 25 mars 2012 ; Élection présidentielle du 25 février
2019 .
Les Élections législatives (12 scrutins) : Élections législatives du 1er décembre 1963 ; Élections législatives du
25 février 1968 ; Élections législatives du 28 janvier 1973 ; Élections législatives du 26 février 1978 ; Élections
législatives du 27 février 1983 ; Élections législatives du 28 février 1988 ; Élections législatives du 09 mai 1993 ;
Élections législatives du 24 mai 1998 ; Élections législatives anticipées du 29 avril 2001 ; Élections législatives
du 03 juin 2007 ; Élections législatives du 1er juillet 2012 ; Élections législatives du 30 juillet 2017.
Les Elections HCCT (Haut- Conseil des Collectivités Territoriales) : (un scrutin) : 4 septembre 2016.

35
36

DEUXIEME PARTIE

LES PRINCIPAUX ACTEURS IMPLIQUES DANS LE PROCESSUS ELECTORAL

On distingue deux grandes catégories d’acteurs impliqués dans le processus électoral : les acteurs institutionnels
et les acteurs non institutionnels.

I. LES ACTEURS INSTITUTIONNELS


Au niveau des acteurs institutionnels, on distingue deux catégories : les acteurs étatiques et les acteurs non
étatiques :
Les acteurs étatiques :

Le Président de la République.

Il est le gardien de la Constitution. Il incarne l’unité nationale. Il est le garant du fonctionnement régulier des
institutions, de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire. Il signe les décrets portant révision des
listes électorales et convoque les électeurs aux différents scrutins.

L’Assemblée nationale.
 
L’article 67 de la Constitution précise que l’Assemblée nationale détient le pouvoir législatif. Elle vote seule la
loi qui fixe entre autres le régime électoral de l’Assemblée nationale et des Assemblées locales.
Le Ministère de l’Intérieur

Le Ministère de l’Intérieur s’occupe principalement de la préparation et de l’organisation des élections : aussi


bien les opérations matérielles que les actes juridiques.

Sur les directions que comporte le ministère, deux s’occupent des élections. Il s’agit de la Direction Générale
des Elections (D.G.E) et la Direction de l’Automatisation des Fichiers (D.A.F). Avant la création de la D.G.E.
attributive de l’essentiel des compétences électorales, les compétences du Ministère de l’Intérieur étaient
dispersées entre différentes structures de ce département : D.A.G.A.T (Direction des Affaires Générales et de
l’Administration Territoriale), devenue aujourd’hui (DGAT), D.A.F. (Direction de l’Automatisation des
Fichiers), D.C.L. (Direction des Collectivités Locales), D.A.G.E (Direction des Affaires Générales et de
l’Equipement). Le cabinet du ministre quant-lui, assurait la coordination de toutes ces structures en matière
électorale.

36
37

a) LA DIRECTION GENERALE DES ELECTIONS (D.G.E)

Elle était créée au lendemain des élections locales de 1996, considérées par les observateurs comme l’une des
élections les plus mal organisées que notre pays ait connues, du point de vue de son organisation comme de son
déroulement. Il s’y ajoute que le rythme très rapproché des élections au Sénégal (en moyenne une élection tous
les 18 mois) posait l’existence et la nécessité de disposer d’une structure permanente chargée spécifiquement des
élections.

Lors de sa création en 1997, la D.G.E. a été confiée à monsieur Cheikh GUEYE, Inspecteur Général d’Etat
(IGE) de formation. Le commissaire de police, monsieur Thiendella Fall lui succéda à ce poste du mois d’août
2011 à mars 2013. Depuis décembre 2016, ce dernier, de retour au pays après un séjour de trois ans à l’extérieur,
a été porté à nouveau à la tête de cette importante direction qu’il dirige avec compétence et efficacité.
Le décret n° 2003 – 292 du 08 mai 2003 portant organisation du ministère de l’Intérieur, stipule en son article
14, que la D.G.E est chargée de l’organisation des élections nationales, locales et référendaires. A ce titre, elle
assure :

« L’établissement des listes électorales, en liaison avec la Direction de l’Automatisation des Fichiers du
Ministère de l’Intérieur ; la tenue des fichiers électoraux ; la conception, la confection, l’installation et
la conservation des documents et archives électoraux ; l’organisation et le suivi de la distribution des
cartes d’électeurs ; le contrôle des conditions d’impression des bulletins de vote ;l’application et le
contrôle en liaison avec les autorités territoriales, des principes applicables en matière de propagande
électorale ; l’appui aux services de sécurité pour ce qui concerne le dispositif de sécurité applicable
lors des opérations de vote ; la formation afférente au processus électoral des responsables
administratifs, des autorités judiciaires et des élus ; les campagnes de sensibilisation et d’information
civique ; l’élaboration et la gestion de la carte électorale ; l’adaptation des outils informatique aux
besoins électoraux ; l’analyse des scrutins électoraux ; la diffusion de l’information technique relative
aux élections notamment celle qui concerne la mise en œuvre du processus électoral et des diverses
statistiques ; l’appui aux autorités judiciaires dans l’exercice de leurs missions relevant du code
électoral ; l’élaboration et l’exécution du budget de la révision des listes électorales et des élections en
relation avec les services compétents ; la gestion des crédits destinés à l’accomplissement des missions
de la Direction Générale des Elections ».

La D.G.E apparaît donc, comme l’épine dorsale du ministère en ce qui concerne l’organisation des élections.
L’arrêté qui détaille son fonctionnement mentionne, qu’outre les services rattachés, la D.G.E comprend deux
(02) directions : la Direction des Opérations Electorales (D.O.E) qui comprend trois (03) divisions (la Division
des Fichiers Electoraux ; la Division de la Logistique et la Division de la carte électorale et des études
techniques).

37
38

Quant à la Direction de la Formation et de la Communication (D.F.C), elle comporte trois (03) divisions. (La
division des relations publiques ; la division de la formation et la division des études, de la législation, de la
documentation et des archives).

b) LA DIRECTION DE L’AUTOMATISATION DES FICHIERS (DAF)

La Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF) est chargée de la gestion et de la sécurité du centre de
traitement de l’information du Ministère, ainsi que de la formation et de la gestion de son personnel spécialisé.

Elle procède aux études et au développement des applications relatives à tous les fichiers relevant du ministère
de l’intérieur, en rapport avec les directions intéressées. Elle remplit les fonctions de coordination en matière
d’automatisation au sein du ministère.

Elle centralise et traite les informations relatives aux fichiers et diffuse les résultats nécessaires à la gestion et à
la prise de décision nonobstant les attributions conférées à la Direction Générale des Elections.

Le décret n° 2003—292 en date du 08 mai 2003 portant organisation du Ministère de l’Intérieur stipule en son
article 24 qu’à l’instar de la D.G.E, l’arrêté n° 00553 du 06 février 2004 portant organisation de la Direction de
l’Automatisation des Fichiers (D.A.F), énumère en son article 2 les cinq (05) divisions qui la composent :
« division des études et du développement des applications ; division de la formation et des nouvelles
technologies de l’information et de la communication ; division de l’administration générale ; division de
l’exploitation et division des archives et de la gestion électronique de document ».
La D.A.F a été créé en 1977 sous l’empire de l’article L.16 de la loi n°76-96 du 21 août 1976 portant Code
électoral (modifié par la loi n°77-57 du 26 mai 1977) à l’occasion de l’informatisation de la carte nationale
d’identité. La confection de celle-ci, auparavant, depuis 1962, se faisait de façon manuelle. La D.A.F. ne
s’occupe pas que du fichier électoral. Elle gère, entre autres fichiers, celui de la population, celui des étrangers,
des détenteurs d’armes et de minutions, celui des associations et des partis politiques, les débits de boissons ;
etc...
Le fichier électoral est un sous – ensemble du fichier national d’identification. C’est en raison de sa vocation
nationale, qu’il est plus sensible que les autres fichiers.

Les premiers directeurs qui accompagnaient la DAF au moment de son informatisation, furent des européens. Il
s’agit de Messieurs Tuffelli et Alain GIRE, membres de la Société Internationale d’Organisation (SINORG) qui
avait procédé à l’installation de l’informatique de l’Etat du Sénégal et dans d’autres pays africains. Ces
Européens assumaient par ailleurs des fonctions de conseillers techniques de Monsieur Jean COLLIN, à l’époque
ministre d’Etat chargé de l’Intérieur. Un commissaire de police du nom de M. Sadio KITANE a pris la relève de
ces européens. Ensuite M Cheikh Oumar SIGNATE lui a succédé à la tête de la DAF. Monsieur Habib FALL,
Ingénieur – Informaticien comme son prédécesseur, lui succéda à la tête de cette structure en 1999. Au départ de
ce dernier en ….., il fut remplacé par monsieur Ibrahima Diallo

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39

A la veille de la présidentielle 2012, des modifications sont apportées dans la composition du Gouvernement
avec le décret n° 2011- 628 du 16 mai 2011 par la création d’un ministère chargé des élections, avec la
nomination de monsieur Cheikh Guèye qui était à la tête de la D.G.E. L’article premier du décret n° 2011- 634
du 17 mai 2011 est modifié en détachant du ministère de l’intérieur la DGE et la DAF pour les affecter au
ministère en charge des élections. Ainsi, le décret n° 2011- 1045 du 26 juillet 2011, modifiant le décret n° 2011-
634 du 17 mai 2011 portant répartition des services de l’Etat et du contrôle des établissements publics, des
sociétés nationales et des sociétés à participation publique entre la Présidence de la République, la primature et
les ministères précise la composition de ce nouveau ministère :
1e Cabinet et services rattachés
-Inspection interne.
-Bureau de suivi.

2e Directions.

• Direction Générale des Elections

-Services rattachés
-Direction des opérations Electorales
- Direction de la Formation et de la communication

• Direction de l’Automatisation des Fichiers

• Service de l’Administration générale et de l’Equipement

Le Ministère des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur.

Ce ministère est chargé de l’organisation des élections en dehors du territoire national, de la gestion du processus
électoral à travers les chefs de représentation diplomatique ou consulaire, mais en étroite relation avec le
ministère de l’Intérieur.
A l’instar des autorités administratives à l’intérieur du pays, les chefs de représentation diplomatique ou
consulaire, ont les mêmes pouvoirs dans leur juridiction. Le Code électoral en son titre IX de la partie
réglementaire, mentionne les dispositions spéciales relatives au vote des Sénégalais de l’Extérieur à l’élection du
président de la République et aux élections législatives. Il y’a lieu de préciser que les Sénégalais de l’Extérieur
ne sont pas concernés par les élections locales.

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LES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET LES ELUS LOCAUX

Les autorités administratives que sont les gouverneurs de régions, les préfets et les sous- préfets sont
chargées de veiller à la sécurité des opérations électorales dans leur territoire administratif. Elles
interviennent sur beaucoup d’opérations liées à la chaîne électorale, depuis la création des commissions
d’établissement, de révision des listes électorales et des distributions des cartes d’électeurs. Elles
interviennent également dans le ramassage des procès-verbaux de dépouillement des votes.
Quant aux élus locaux, les maires et les présidents de conseils départementaux, ils interviennent également
dans le processus électoral. Ils reçoivent les listes électorales dont ils dressent procès-verbal. La loi leur
fait obligation d’afficher ces documents sur les panneaux des annonces officielles des mairies et des sièges
des conseils départementaux afin que les populations puissent consulter les listes et éventuellement faire
les réclamations auprès des présidents des tribunaux départementaux. 14

LES INSTANCES JURIDICTIONNELLES

Le magistrat Pape Assane Touré, Secrétaire général adjoint au Secrétariat Général du Gouvernement
(SGG) fait observer que « dès son accession à la souveraineté internationale, le Sénégal a adopté un
système judiciaire simple à la mesure des contingences locales d’un jeune Etat aux ressources limitées
caractérisées, à l’époque, par une insuffisante formation de son personnel. »15
En effet, à une époque où notre pays disposait d’un effectif restreint de magistrats aptes à remplir les
hautes fonctions judiciaires, le Sénégal avait adopté le système d’unité de juridiction avec au sommet du
pyramide judiciaire la Cour suprême qui cumulait les attributions dévolues en France au Conseil
constitutionnel, au Conseil d’Etat, à la Cour de cassation et à la Cour des comptes. En vertu de
l’ordonnance n° 60-17 du 03 septembre 1960 portant loi organique sur la Cour suprême, cette haute
juridiction était chargée de veiller au respect de la Constitution d’une part, et, d’autre part, elle était juge de
l’excès de pouvoir des autorités exécutives et régulait l’activité des Cours et tribunaux.16
L’organisation judiciaire au Sénégal a connu plusieurs réformes dont les plus importantes sont celles du 02
février 1984 et celle de la révision constitutionnelle introduite par la loi n° 92-22 du 30 mai 1992 portant
révision de la Constitution. Celles-ci ont profondément modifié l’organisation judiciaire sénégalaise, avec,
d’une part la suppression de la Cour de sûreté de l’Etat en tant que juridiction d’exception, et d’autre part,
l’éclatement de la Cour suprême en trois hautes juridictions distinctes dotées d’une autonomie organique :
Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat et Cour de cassation.

14
Djibril Diop : Guide pratique du Conseiller municipal au Sénégal, Edition Tirames Université Montréal,
Ad consultance, 2010, p. 137.
15
Papa Assane Touré : La réforme de l’organisation judiciaire du Sénégal, commentée et annotée, (Préface de
Mamadou Badio Camara, Premier Président de la Cour suprême), Dakar, l’Harmattan, 2016, 432 pages.
16
JORS, n° 3399 du lundi 12 septembre 1960, p. 926.f

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41

Au Sénégal, plusieurs juridictions interviennent dans le processus électoral.

a) LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Au Sénégal, il appartient au Conseil constitutionnel de statuer sur la régularité et sur les contentieux
relatifs aux élections présidentielles, législatives ou référendaires. 17 Il proclame les résultats de ces
scrutins. Le constituant sénégalais a voulu camper essentiellement le rôle du juge sur le contentieux
des élections que sont le vote et ses résultats, et non les opérations et les actes qui ont préparé
l’élection. Pour bien comprendre le changement opéré, il y a lieu de faire un examen de la situation
antérieure à 1992.
En effet, avant la réforme de 1992, une révision constitutionnelle du 31 mai 1981 avait élargi
considérablement les compétences de la Cour suprême dans le domaine des élections générales. C’est
ainsi que cette juridiction était investie de larges pouvoirs qui lui permettaient d’intervenir dans toutes
les étapes du processus électoral. Pendant la période préliminaire, elle recevait les candidatures et
supervisait la régularité juridique de celles-ci. Durant la campagne électorale, elle avait également
pour mission de veiller à l’égalité entre les candidats. Pendant le déroulement des opérations
électorales, elle était chargée de veiller à la régularité du scrutin. Après le vote, elle procédait au
recensement général des voix, proclamait les résultats et se prononçait sur le contentieux des élections.
En fait, ces multiples fonctions confiées à une seule juridiction ne lui permettaient nullement
d’assumer correctement son rôle de juge électoral et de garantir la sincérité du scrutin.18
C’est sur la base de cette expérience, que le constituant sénégalais, lors de la réforme de 1992, a jugé
nécessaire d’amoindrir les compétences électorales du Conseil constitutionnel, pour rendre plus
efficace le contrôle exercé par le juge sur les élections générales. C’est ainsi que cette institution ne
joue plus aucun rôle durant la campagne électorale et pendant le scrutin. Le contrôle du principe
d’égalité entre les candidats et celui du déroulement des opérations électorales relèvent désormais de
la compétence des cours et Tribunaux. L’égalité entre les candidats dans l’utilisation du temps
d’antenne est assurée par le CNRA (Commission Nationale de Régularisation de l’Audiovisuel).
Quant aux tâches de recensement des votes, elles sont confiées à une Commission nationale et à des
commissions départementales.
Le Conseil constitutionnel comprend cinq membres nommés par décret dont un président, un vice-président et
trois juges. La durée de leur mandat est de six ans, non renouvelables. Cette institution est renouvelée, tous les
deux ans à raison du président ou de deux autres membres autres que le président dans l’ordre qui résulte des
dates d’échéances de leur mandat.
Aux termes de l’article 29 de la Constitution, il reçoit les candidatures à la présidence de la République trente
jours au moins et soixante jours au plus avant le jour du scrutin. Il arrête et publie la liste des candidats après
vérification de la validité des candidatures, vingt-neuf jours avant le premier tour du scrutin.

17
DIAGNE (M) : Le Conseil constitutionnel sénégalais (L’institution et ses techniques), Les Editions TCM,
2012, p.57.
18
NZOUANKEU (J-M) : Les nouvelles attributions de la Cour suprême en matière de contrôle des élections
présidentielles et législatives, RIPAS, octobre- novembre, n°6-7.

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Le Conseil constitutionnel reçoit le serment du président de la République et constate sa démission, son


empêchement ou son décès ainsi que la démission, l’empêchement ou le décès des personnes appelées à le
supplée dans ces cas.
Pour l’élection du président de la République et les élections législatives, le recours auprès du Conseil
constitutionnel doit être dirigé contre les opérations électorales et la proclamation de ou des élus.
Dans les deux cas de figure, les opérations électorales recouvrent toutes celles que comporte le déroulement du
scrutin, le dépouillement, celle du recensement des suffrages par les commissions départementales et la
commission nationale de recensement. Les seuls arguments susceptibles d’être invoqués à l’appui d’un recours
sont ceux faisant état d’irrégularités ayant entachées une ou plusieurs de ces opérations et qui seraient de nature à
influencer profondément la sincérité du scrutin.
Comme le fait observer Monsieur Youssoupha NDIAYE, ancien Président du Conseil constitutionnel, à
l’occasion de la prestation de serment du Président de la République, Monsieur Abdou DIOUF, le 03 avril 1993 :
« lorsque le juge a à connaître d’un litige électoral, il doit être guidé avant tout par le souci de faire respecter la
sincérité du scrutin, c’est à dire la volonté du corps électoral. Ainsi, lorsqu’il est en présence d’une illégalité ou
d’une fraude, il ne doit procéder à l’annulation que lorsqu’il a acquis la conviction que la volonté des électeurs
a été trahie et de manière telle qu’il est impossible de la reconstituer à postériori de façon certaine. » 19
Pour ce qui est de la qualité du requérant aux élections présidentielles et législatives, seul le candidat ou le
mandataire de la liste de candidats peut contester la régularité des opérations électorales. Les électeurs ne
peuvent s’adresser directement au Conseil constitutionnel.

Le droit de saisine du Conseil constitutionnel est personnel, et un parti ne saurait l’exercer à la place du candidat.
Le Conseil constitutionnel ne peut non plus s’autosaisir. Le délai pendant lequel le Conseil constitutionnel peut
être saisi d’une requête en annulation est relativement court. Il varie selon qu’il s’agit d’une élection
présidentielle ou des élections législatives.
S’il s’agit de l’élection présidentielle, le délai qui est de trois jours court à compter de la proclamation
provisoire des résultats qui interviennent au plus tard à minuit le vendredi qui suit le scrutin. La
requête est communiquée par le greffier en chef aux autres candidats intéressés qui disposent d’un
délai maximum de 48 heures pour un mémoire en réponse.
S’il s’agit d’élections législatives, le délai de recours qui est de cinq jours, commence à courir à
compter de la proclamation provisoire des résultats de la Commission nationale de recensement des
votes. Les parties adverses disposent d’un délai de trois jours pour répondre aux moyens développés
par la requête.

19
Cité. Par Abdoulaye DIEYE : « Rapport d’évaluation du système

électoral sénégalais », UCAD, décembre 2004, p 19.

42
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Il convient de préciser que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas rendues en séance
publique, et que la procédure d’instruction n’est pas contradictoire. Selon le jargon des juristes, elle
est inquisitoire, c'est-à-dire qu’elle permet au président du Conseil constitutionnel de désigner un
rapporteur parmi les membres du dudit conseil pour chaque contestation.

Les fonctions des membres du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec l’exercice d’un mandat
électif, avec l’exercice de la profession d’avocat, d’officier ministériel, d’auxiliaire de la justice et de
toute activité professionnelle privée. L’exercice de toute autre activité publique doit être autorisé par
le Conseil constitutionnel. Le champ des compétences du Conseil constitutionnel porte sur la
constitutionnalité des lois, sur le caractère règlementaire des dispositions de forme législative, sur la
constitutionalité des lois organiques, sur la recevabilité des propositions de loi et d’amendement
d’origine parlementaire, sur la constitutionalité des engagements internationaux, sur les exceptions
d’inconstitutionnalité soulevé devant le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation et plus généralement
sur tous les conflits de compétences entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation et entre le pouvoir
exécutif et le pouvoir règlementaire. 20
 
b) LE CONSEIL D’ETAT
Deuxième pouvoir dans la hiérarchie judiciaire, Conseil d’Etat est créé par la loi n° 92-24 du 30 mai 1992,
abrogée et remplacée par la loi organique n° 96-30 du 21 octobre 1996, qui en fixe ses règles de fonctionnements
et ses compétences.
Les membres du Conseil d’Etat sont nommés par décret. Il est composé d’un président, de deux présidents de
sections, de quatre conseillers, des magistrats référendaires et des auditeurs.
En matière électorale, il statue sur les contentieux liés aux listes électorales et aux élections aux conseils
régionaux, municipaux, ruraux et les chambres de commerces et de métiers.
De même il connaît des décisions du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), en vertu des
articles LO 125, alinéa 4 du Code électoral et de l’article 26 de la loi n°2006-04 du 04 janvier 2006 sur le
CNRA.

La notification du pouvoir dirigé contre la proclamation de l’élu est effectuée par le greffe du Conseil d’Etat sous
forme de lettre recommandée avec avis de réception.21
Celle-ci est effectuée dans les deux jours qui suivent l’enregistrement de la requête. La production des moyens
de défense doit avoir lieu dans le délai de quinze jours à compter de la date de la notification du pouvoir. A la
différence du Conseil Constitutionnel, l’enquête doit être menée de façon contradictoire en séance publique et les
parties intéressées peuvent y être entendues en leurs observations orales.
Aucun délai n’est imparti au Conseil d’Etat pour se prononcer sur la régularité de l’élection contestée. La
décision rendue par cette instance en matière d’inscription sur les listes électorales s’impose à l’administration.

20
Voir : SYLLA (S) et DIOP (S) : Les compétences de la Cour suprême du Sénégal en matière constitutionnelle,
les Cours suprêmes en Afrique, Tome I, Paris, Economica, 1988.
21
KAMARA (M) : Les élections au Sénégal (rôle, place et responsabilités des différents acteurs), Démocratie et
Etat de droit, Edition 2007, p. 47.

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44

Celle-ci est tenue, en cas d’annulation du jugement du tribunal, d’établir la carte d’électeur du citoyen indûment
radié, ou omis. Pour chaque affaire, le Conseil d’Etat peut rendre sa décision sur le siège ou la mettre en
délibéré. Celle-ci est notifiée par le greffe en chef dans le délai d’un mois par la lettre recommandée avec accusé
de réception à compter de leur prononcé.

c) LA COUR D’APPEL

Les attributs du premier président de la Cour d’appel sont régis respectivement par les articles LO.
134, L. 219 du Code électoral. La Cour d’appel est juge de second degré et statue en dernier ressort.
Elle exerce un triple contrôle : d’une part un contrôle juridictionnel limité à travers les attributions
conférées à la Commission nationale de recensement des votes, d’autre part, un contrôle à posteriori à
travers le contentieux né des élections locales ; et par ailleurs, un contrôle administratif sur le
déroulement des opérations électorales uniques, en se faisant assistée par les magistrats des tribunaux
régionaux et départementaux.

Les délégués de la Cour d’appel ont une mission de vérification de l’exactitude et de la véracité des
informations véhiculées par l’administration électorale.
En période de campagne électorale, la Cour d’appel veille à l’égalité stricte des candidats.
Conformément à l’article LO. 119, lorsqu’elle est saisie par l’ONEL ou par un candidat, elle intervient
immédiatement auprès des autorités compétentes pour faire prendre toutes les mesures nécessaires au
rétablissement de l’équité et de l’égalité entre les candidats en lice. Les décisions ne sont susceptibles
d’aucun recours en la matière.

Le jour du scrutin, les délégués de la Cour d’appel veillent à la surveillance du dispositif de contrôle
juridictionnel des élections. Nommés par ordonnance du premier Président de la Cour d’appel et
munis d’un ordre de mission (article LO.127), ils procèdent à des contrôles inopinés sur pièces et sur
place, et veillent à la régularité des opérations électorales, à la composition des bureaux de vote, au
dépouillement des suffrages, au ramassage et à la transmission des procès-verbaux, bref, au respect du
libre exercice des droits des électeurs et des candidats.

A l’issue du scrutin, les délégués de la Cour d’appel dressent un rapport circonstancié sur le
déroulement de toutes les opérations de vote, à l’intention du premier Président de la Cour d’appel, au
plus tard dans les 24 heures qui suivent la clôture du scrutin. C’est ce dernier qui nomme les membres
des commissions départementales de recensement des votes et préside lui-même la Commission
nationale de recensement des votes chargée de la proclamation provisoire des résultats du scrutin. 22

22
Ndongo Fall : Code électoral commenté. (De la nécessité d’un outil efficient de lecture des normes et
procédures électorales), l’Harmattan- Sénégal, 2017, 580 p. Voir : Notes sur le rôle des cours d’appel et des
autres juridictions, p .52.

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La Cour d’appel a compétence pour statuer sur les contentieux des élections régionales (article L.22)
et sur celui des élections municipales et rurales (article L. 255). Ainsi, tout électeur ou tout candidat à
une élection locale peut réclamer l’annulation des opérations électorales par le dépôt d’une requête au
greffe de la Cour d’appel ou au niveau de l’autorité administrative compétente.

d) Le Tribunal d’Instance (ex. Tribunal départemental).


Avant la réforme de 1984, le Tribunal départemental qui existait dans chaque département, s’appelait
Justice de Paix. Actuellement, il s’appelle Tribunal d’Instance. Présidé par un magistrat et comprenant un
ou plusieurs magistrats de siège, le parquet au niveau de cette institution est assuré par un délégué du
Procureur.
C’est le Tribunal d’Instance qui connaît des contentieux préélectoraux. C’est ainsi que l’article L. 4 de la
loi n° 4-70 du 22 août 1994, du Code électoral dispose que tout électeur radié d’office sur les listes
électorales, pour d’autres causes que le décès, peut intenter un recours devant le Président du Tribunal
d’Instance dans le ressort duquel se trouve la circonscription électorale. Il convient de préciser que les
compétences du Tribunal d’Instance en matière d’inscription sur les listes électorales ou de radiation sont
fixées par les articles L. 43, L. 44, R. 28, R. 35 du Code électoral.
Notification doit être faite à l’électeur radié par la commission administrative au plus tard le 1 er mars (dans
le cas d’une révision ordinaire), avec récépissé de radiation. Ce dernier dispose d’un délai de cinq jours
après la notification écrite, pour intenter un recours. La date limite de l’examen des recours par le Tribunal
d’Instance est au plus tard le 18 mars. Une fois saisi, le président du Tribunal dispose d’un délai de dix
jours pour statuer sur le recours. Toutes les décisions de justice demandant le rétablissement de l’électeur
radié dans ses droits, sont transmises à l’autorité administrative dans la période du 19 au 31 mars.
Il convient de noter que la décision du Président du Tribunal d’Instance peut faire l’objet d’un recours
auprès du conseil d’Etat pour cassation.

e/ LES TRIBUNAUX REGIONAUX


Placés dans les capitales régionales, leurs compétences s’étendent sur l’ensemble du territoire de la région.
Depuis la réforme de 1992, les Tribunaux régionaux tiennent leurs audiences avec trois juges dans la
mesure du possible. Ils fonctionnent avec un paquet dirigé par un procureur de la République. C’est le
président des Tribunaux régionaux qui assure la Présidence de la commission régionale de recensement
des votes. En cas d’empêchement, il nomme un autre magistrat de la même juridiction qui le supplée.
Les Tribunaux régionaux ont compétence pour s’occuper du contentieux lié à l’application des pénalités,
c’est à dire des sanctions. Ce contentieux pénal est essentiellement lié à l’inscription sur les listes
électorales.
Toutefois, le Tribunal régional ne peut rétablir l’électeur dans son droit de figurer sur les listes électorales.
C’est le Tribunal d’Instance qui est investi de ce pouvoir.

Les acteurs institutionnels non étatiques

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La Commission Electorale Nationale Autonome (CENA)

Elle est principalement chargée de contrôler et de superviser l’ensemble des opérations du processus, de
l’inscription sur les listes électorales jusqu’à la proclamation provisoire des résultats, avec le pouvoir de
validation de la nomination des membres des commissions administratives et des bureaux de vote.

LE CONSEIL NATIONAL DE REGULATION DE L’AUDIOVISUEL (CNRA)

Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) institué par la loi n° 2006-04 du 04 janvier
2006, s’est substitué au Haut conseil de la Radio -Télévision (HCRT) crée en 1991 et le Haut-conseil de
l’Audiovisuel (HCA), institué en 1998.
Le CNRA est une autorité administrative indépendante qui comprend neuf membres nommés par décret
pour un mandat de six ans non renouvelable et non révocable. A la différence de ses prédécesseurs, le
CNRA dispose d’importants pouvoirs de sanction pouvant aller jusqu'à une suspension de programme
d’une durée d’un à trois ans.
Le CNRA a pour mission essentielle d’assurer le contrôle de l’application de la législation et de la
réglementation sur l’audiovisuel, d’une part, et d’autre part, de veiller au respect des dispositions des
cahiers de charge et des conventions régissant ce secteur.
Le CNRA est chargé de veiller au respect des règles d’éthique et de déontologie dans le traitement de
l’information et dans la programmation des différents médias audiovisuels notamment, en assurant le
respect des institutions de la République, de la vie privée, de l’honneur et de l’intégrité de la personne.
En outre, le CNRA a pour mission de veiller au respect de l’application des dispositions des cahiers de
charge relatives à la diffusion d’émission interactives, et au respect de l’unité nationale, de l’intégrité
territoriale et du caractère laïc de la République dans le contenu des moyens audiovisuels.
En vertu de l’article 16 de la loi n° 2006-04 du 04 janvier 2006, le CNRA est chargé de veiller au respect
des dispositions de la loi n° 92-57 du 03 septembre 1992 relative au pluralisme à la Radio -Télévision,
notamment des articles 17 à 18 sur la propagande des partis politiques, la retransmission des débats
parlementaires et le pluralisme de l’information.
Le CNRA a pour mission, en période électorale, de veiller à l’application stricte de la propagande déguisée
et de superviser la diffusion des émissions devant passer pendant le temps d’antenne réservé à chaque
candidat et d’assurer l’égalité des candidats dans l’utilisation du temps qui leur est imparti.
Le CNRA peut s’opposer à la diffusion d’une émission de campagne électorale en cas de violation des
règles posées par la Constitution. La décision doit être motivée et comporte l’ensemble des éléments de
fait et de droit qui la fonde et notifié immédiatement au candidat concerné. Cette décision, toutefois, peut
faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le conseil d’Etat qui se prononce, en procédure
d’urgence, avant la fin de la campagne. Comme le stipule les dispositions de l’article LO 121 de la loi
organique n° 2000-21 du 07 février 2000 : « l’organe de régulation des médias assure l’égalité entre les
candidats dans l’utilisation du temps d’antenne. Il intervient, le cas échéant, auprès des autorités
compétentes pour que soient prises toutes mesures susceptibles d’assurer cette égalité. »

46
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Qu’il s’agisse de l’application de l’interdiction de la propagande déguisée, de la gestion du temps


d’antenne ou toutes autres circonstances à l’occasion de laquelle l’égalité des candidats est rompue, le
CNRA intervient auprès des autorités compétentes ayant transgressé la loi électorale, pour que celle-ci soit
rétablie et respectée dans toute sa rigueur.
Au vu du temps d’émission dont dispose chaque candidat, le CNRA peut organiser des débats
radiodiffusés ou télévisés contradictoires à la condition que de telles émissions permettent à chacun des
candidats d’intervenir. L’organe de régulation des médias veille à ce que le principe d’égalité entre les
candidats soit respecté dans les programmes d’information du service public de radiodiffusion – télévision
en ce qui concerne la reproduction et les commentaires des déclarations, écrits, activités des candidats et la
présentation de leur personne.
Le CNRA peut également saisir la Cour d’appel préalablement à la diffusion d’une émission de la
campagne officielle, dans les vingt heures à compter de la réalisation de cette émission, si les propos tenus
par des candidats ou des partis révèlent un manquement grave aux obligations qui résultent de la
constitution, notamment en ce qui concerne le respect des caractères de l’Etat républicain, laïc et
démocratique des institutions de la République, de leur statut et de leurs compétences ,de l’indépendance
nationale, de l’intégrité du territoire, de l’unité nationale et des libertés publiques.
Aux termes des dispositions de l’article 15 de la loi instituant le CNRA, cet organe de supervision
programme une émission toutes les deux semaines, séparément à la radio et à la télévision publique. Cette
émission est réservée aux partis politiques légalement constitués pour leur permettre d’évoquer les
questions d’actualités nationales sous forme de débats contradictoires.
Le CNRA est chargé de veiller au respect des principes d’équité, d’équilibre entre tous les partis, en tenant
compte des contraintes du service public de la radio – télévision.
Au regard des dispositions relatives aux sanctions prévues par la loi n° 2006-04 du 04 janvier 2006, chap.,
articles 26 à 30, le respect des décisions du CNRA est essentiel dans le processus électoral. Aux termes de
ces dispositions, en cas de manquement aux obligations prévues dans la loi et le cahier des charges, le
CNRA peut prendre une sanction qui peut consister en une suspension partielle ou totale d’un programme.
La gamme des sanctions en question qui est fonction de la gravité des griefs est la suivante : Suspension
d’un à trois mois de tout ou partie des émissions ; Sanction pécuniaire de deux à dix millions de francs ;
Pénalité quotidienne de retard de cent mille à cinq cent mille francs en cas d’inexécution d’une décision de
CNRA.
Les sanctions prononcées par le CNRA ne donnent droit à aucun dédommagement.

Les acteurs non institutionnels

LES PARTIS POLITIQUES

Les partis politiques ont la vocation constitutionnelle de participer à l’expression du suffrage. Ce sont eux
qui proposent généralement les candidats aux élections.

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Au Sénégal, les partis politiques se forment et exercent librement leur activité. Ils doivent respecter les
principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. C’est dire que le rôle des partis en démocratie
est important. Selon la définition classique bien connue, la notion moderne de parti repose essentiellement
sur quatre éléments :
1) Le parti est porteur d’une idéologie ou du moins est le produit d’une culture politique ;
2) Le parti est une organisation à caractère plus ou moins durable et permanent ;
3) Le parti vise normalement, non pas nécessairement, à conquérir et exercer le pouvoir ou tout au
moins à participer à l’exercice du pouvoir ;
4) La participation à s’assurer du soutien populaire. Dans un régime démocratique, le parti est
nécessairement un groupement volontaire.
Le cadre légal d’existence et de fonctionnement des partis politiques du Sénégal, est régi la loi n°81-17 du
06 mai 1989. Les partis politiques, depuis l’adoption des lois n°92-15 et 92-16 du 07 février 1992,
interviennent sur tout le processus électoral. C’est dire que le rôle et la place des partis dans le jeu électoral
ont été conquis de haute lutte.
Pendant la période de révision ordinaire ou exceptionnelle des listes électorales, les partis exercent un
contrôle à travers leurs représentants qui siègent du début à la fin des opérations. Il en est de même dans
les commissions administratives de distributions des cartes d’électeurs.

Les partis ont également un droit de regard et de contrôle sur la tenue du fichier général des électeurs que
gère le ministère de l’Intérieur.
Le jour du vote, chaque candidat ou chaque liste de candidats a le droit de contrôler l’ensemble des
opérations électorales, depuis l’ouverture du bureau de vote jusqu’à la proclamation et l’affichage des
résultats du scrutin, conformément à l’article (L65). Les mandataires désignés par les formations politiques
pour exercer ce contrôle, peuvent entrer librement dans les bureaux de vote pour pouvoir constater toutes
irrégularités et manquements.

Comme le stipule l’article R51 du Code électoral « le mandataire de chaque candidat ou liste de candidat
peut être habilité à exercer son contrôle sur plusieurs bureaux de vote. Il doit justifier, après la présentation
de sa carte d’électeur, qu’il est inscrit sur la liste électorale de la commune d’arrondissement ou de la
communauté rurale. »

Aux élections législatives, les candidats titulaires comme suppléants ont accès à l’ensemble des bureaux de
vote de la circonscription électorale dans laquelle ils se présentent. Pour l’élection présidentielle, les
candidats et leurs mandataires ont accès à l’ensemble des bureaux de vote du territoire national. Quant aux
candidats aux élections locales (régionales, municipales et rurales) qui proviennent exclusivement des
partis politiques, ils ont accès à tous les bureaux de vote de la région, de la communauté rurale dans
laquelle ils se présentent.

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49

Les partis politiques assistent aux dépouillements après la clôture du scrutin, et à la fin de cette opération,
un procès-verbal est établi et signé par tous les autres membres du bureau de vote. Chacun d’eux doit
recevoir un exemplaire du procès-verbal. L’original ainsi que les pièces annexes sont transmis au président
de la Commission départementale de recensement des votes. Le plan de ramassage des documents
électoraux établi par l’autorité administrative et mis en œuvre sous le contrôle des délégués de la Cour
d’appel est porté à la connaissance des candidats ou liste de candidats qui peuvent exercer un suivi tout au
long du processus.

En outre, les partis siègent aussi au niveau des Commissions départementales de recensement des votes
ainsi qu’à celui de la Commission nationale. Les premières ont pour mandat d’effectuer simplement un
travail de comptabilisation avec possibilité de redresser et de rectifier les erreurs de calcul, tandis que la
deuxième est seule habilitée à procéder à l’annulation ou au redressement des procès-verbaux de bureaux
de vote. Il convient de faire observer que seuls les magistrats disposent d’une voix délibérative. Les autres
membres assistent à toutes les séances de la Commission nationale, à l’exception de la délibération finale.
Tous les documents leur sont accessibles et ils ont la faculté de porter leurs observations au procès - verbal
(Art. LO 133).

En définitive, il apparaît donc que les partis politiques sont des acteurs essentiels qui concourent à
l’expression des suffrages, et, par conséquent son présents à toutes les étapes du processus électoral.

Les Electeurs
Il s’agit des sénégalais des deux sexes âgés de 18 ans et plus et n’étant dans aucun cas d’incapacité prévu
par la loi ; c’est leur suffrage dont ont besoin les candidats.

La société civile
Elle participe à la sensibilisation et à la mobilisation des électeurs. Elle peut être amenée à jouer un rôle de
médiation entre les acteurs politiques. En outre, elle intervient dans l’observation électorale.
Les Observateurs
Ils sont nationaux ou internationaux. Leur rôle c’est de surveiller les opérations du processus électoral
pour témoigner de leur transparence et de leur sincérité en faisant des recommandations au besoin.
L’observation électorale joue un rôle majeur dans la crédibilité, la transparence et la paix du processus
électoral. Elle peut jouer un rôle important dans le renforcement de la confiance d’un peuple dans le
processus électoral.23
Au Sénégal, les élections nationales sont soumises à l’observation électorale nationale et internationale. La
finalité des missions d’observation électorale est de s’assurer de la conformité ou non des élections aux
normes nationales et internationales d’objectivité, de justesse et d’acceptation des résultats.

Voir à ce sujet : Manuel d’observation électorale de l’Union européenne, (Commission européenne), 2008.
23

232 pages

49
50

Les Journalistes

Ils ont un rôle extrêmement important à jouer dans la diffusion des informations relatives aux opérations
électorales et aux activités des candidats ainsi que des autres acteurs.

TROISIEME PARTIE

Panorama du corpus normatif électoral de 1960 à 2020.

I). Le droit électoral avant la période des indépendances (1848- 1960).

Comme l’avons monté dans les pages précédentes, le droit électoral était régi avant
l’accession à la souveraineté internationale par les textes législatifs coloniaux,
décrets, lois, ordonnances et arrêtés. Ils étaient, pour l’essentiel, calqués sur la
jurisprudence de la métropole, en matière électorale. (Voir Introduction).

II). Le droit électoral de 1960 à la période de « l’ouverture démocratique limitée » sous le


magistère du président Léopold Sédar Senghor (1960 à 1980).

Du début des indépendances aux élections législatives et présidentielles du 1er décembre 1963, c’est le
pluralisme politique qui avait cours dans le pays. Et lors de ces consultations électorales deux formations

50
51

politiques étaient en lice l’Union Progressiste Sénégalais (UPS) et Démocratie et Unité Sénégalaise (DUS). Mais
à partir de 1968 jusqu’en 1973, seule l’UPS a sollicité le suffrage des Sénégalaises et des Sénégalais. Cette
dernière formation politique s’est muée en parti unique de fait, pour avoir absorbé ou fusionné avec d’autres
partis : le Bloc des Masses Sénégalaises (BMS) et le PRA24. C’est une période de parti unique au vrai sens du
terme, tout au moins au plan juridique. Les résultats électoraux tournaient autour de 100% en faveur du candidat
ou de son parti l’UPS/PS au pouvoir.
C’est à partir de 1976, avec l’avènement des trois, puis quatre courants politiques suite à l’ouverture
démocratique « limitée » sous Senghor, que les contentieux électoraux sont apparus. Certes la vie politique
sénégalaise a toujours été émaillée d’affrontements physiques et parfois des actes de violence entre les différents
protagonistes de la scène politique25, avant comme après des élections, suite aux rivalités entre acteurs du même
camp ou de camps opposés, mais le contentieux électoral en tant que tel, n’est apparu qu’à partir de 1976. Il
convient de faire observer que la Constitution du Sénégal de 1960, reposait sur deux systèmes différents. Le
président de la République était élu par un collège restreint comprenant des députés et un représentant de chaque
conseil régional et conseil municipal. Quant à l’Assemblée nationale, elle était élue au suffrage universel direct.
Le régime parlementaire qui prévalait à cette époque, prit fin avec les événements du 17 décembre 1962 qui ont
vu l’éclatement de la fédération du Mali. Les événements ont mis à nu les divergences profondes entre les deux
grandes figures politiques de l’époque : Léopold Sédar Senghor, chef du gouvernement et Mamadou Dia
Président du Conseil. Comme le fait observer le Pr. Ismaila Madior Fall : « Le Gouvernement est composé du
Président du Conseil et des ministres. Pressenti et désigné par le Président de la République, le Président du
Conseil, après avoir défini sa politique est investi au scrutin public à la tribune, à la majorité absolue des
membres composant l’Assemblée nationale (…). Une prérogative essentielle est accordée au Président du
Conseil : il détermine et conduit la politique de la Nation et dirige l’action du Gouvernement. »26
Au lendemain des événements de 1962, qui ont eu pour conséquences immédiates l’éviction politique de
Mamadou DIA et de ses partisans, une consultation populaire sous forme de Référendum fut organisée le 03
mars 1963. L’objet de celui-ci fut d’instaurer un régime présidentiel fort pour mettre un terme au bicéphalisme,
cause principale de la dualité du pouvoir de cette époque.
Au cours de ce référendum, deux forces politiques étaient en présence. L’Union Progressiste Sénégalais
(UPS) au pouvoir, et le Bloc des Masses Sénégalais (BMS).
Il convient de noter qu’à cette époque, la population sénégalaise était estimée à 3.744.470 habitants et que
le poids démographique du monde rural était de loin plus important que celui du monde urbain. Dans la
même année, le 1er décembre 1963 des élections présidentielles et législatives sont organisées avec deux
partis en lice : l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS) et Démocratie et Unité Sénégalaise (DUS). 27

24
Voir l’ouvrage de Abdoulaye LY : Les regroupements politiques au Sénégal (1956- 1970), Codesria, Editions
Karthala, 1992. Voir la 3ème partie intitulée : « La perversion de l’unification », p. 253- 332.
25
Papa Sarr : Mémoire de fin d’Etudes. « L’Union progressiste Sénégalaise (UPS) était le parti dominant ; un
parti qui exerçait à lui tout seul le pouvoir d’Etat et le monopole de l’activité politique. Pour la maintenir à cette
position, Léopold Sédar Senghor qui en était son leader développa une stratégie savamment bien orchestré :
absorption des petits partis, dissolution, débauchage ou répression des cadres des partis d’opposition, alliances
avec les notabilités religieuses pour élargir les bases de son parti. »,p. 68.
26
FALL (I. M.) : Evolution constitutionnelle du Sénégal :( De la veille de l’Indépendance aux élections de
2007), CREDILA- CREPOS , 2007, p. 32
27
LO (M) : L’heure du choix, l’Harmattan, 1986, p. 45

51
52

Voici les résultats de ces trois scrutins.

Résultat du Référendum de 1963

Inscrits : 1.339.979
Votants : 1.203.060 94,28 % des inscrits
Suffrages exprimés : 1.161.426 94,23 % des inscrits

Résultats des élections législatives du 1er décembre 1963

Inscrits : 1.339.979
Votants : 1.203.782 90,53 % des inscrits
Suffrages exprimés : 1.202.294 90,41 % des inscrits
Ont obtenu
U.P.S : 1.132.518
D.U.S : 69.776

Résultats des élections présidentielles du 1er décembre 1963

Inscrits : 1.339.679
Votants : 1.156.059
Suffrages exprimés : 1.149.935
A obtenu
L.S.S. : 1.149.935 100 %

Source : Ministère de l’Intérieur, cabinet, service des archives.

Il convient de retenir que de 1968 à 1973, seule l’UPS a sollicité le suffrage des sénégalais. Le BMS qui
avait participé au Référendum constitutionnel de mars 1963, a rallié l’U.P. S lors du congrès de cette
dernière en 1963. Par la suite, le P.R.A a rejoint l’U.P.S à l’appel du Président Senghor.28
Voici les résultats des élections présidentielle et législatives du 25 février 1968 et du 28 janvier 1973.
Résultats des élections législatives du 25 février 1968

28
Ly (A) : Les regroupements politiques au Sénégal (1956- 1970), CODESRIA 1992, op.cit., p

52
53

Pourcentage
Inscrits : 1.306.791
Votants : 1.215.730
Suffrages exprimés : 1.209.984
A obtenu
U.P.S. : 1.209.984 100 %
Source : Cour suprême, Arrêté n° 4- 68 du 28/02/1968, J.O n° 3945 du 02 mars 1968

Résultats de l’élection présidentielle du 25 février 1968

Pourcentage
Inscrits : 1.306.791
Votants : 1.237.431
Suffrages exprimés : 1.229.927
A obtenu
L.S.S. : 1.229.927 100 %

Source : Cour suprême, Arrêté n° 4- 68 du 28/02/1968, J.O n° 3945 du 02 mars 1968

Résultats des élections législatives du 28 janvier 1973

Pourcentage
Inscrits : 1.396.634
Votants : 1.356.099 97,36 %
Suffrages exprimés : 1.355.300
A obtenu
U.P.S. : 1.355.306 + 100 %

Source : Cour suprême, Arrêté n° 2-c-73 du 02/02/1973, (sections réunies) J.O n° 4280 du 03 mars 1973

Résultats des élections présidentielles du 28 janvier 1973

53
54

Pourcentage
Inscrits : 1.396.634
Votants : 988.566
Suffrages exprimés : 1.346.019
A obtenu
L.S.S. : 1.346.019 100 %

Source : cour suprême, Arrêté n° 2-c-73 du 02/02/1973, (sections réunies) J.O n° 4280 du 03 mars 1973

Comme le montrent les différents tableaux, durant cette séquence temporelle qui coïncide avec l’ère du
parti unique ou réunifié il n’y avait pas de contentieux électoral. Il y’a lieu de préciser que c’est
l’administration qui avait en charge l’organisation et le contrôle de tout le processus électoral, à cette
époque. La Cour suprême, quant à elle, avait le contrôle juridictionnel et la proclamation définitive des
résultats des scrutins.

III). Le droit électoral de 1980 à 1992

Si les élections présidentielles et législatives du 28 janvier 1973 marquent la fin du monopole électoral de
la vie politique par le régime socialiste, celles de 1978 constituent le dernier combat politique de Senghor
sous l’U.P. S / PS qui affrontait pour la première fois un candidat de l’opposition, Me Abdoulaye WADE.
En effet, malgré les scores électoraux de 100 % sous l’ère du parti unique, le régime du président Senghor
traversait une crise politique aiguë suite à l’action combinée de plusieurs facteurs : l’agitation persistante
des formations marxistes évoluant dans la clandestinité ; les grèves menées par les organisations syndicales
qui ont mis à rude épreuve la stabilité sociale ; les manifestations estudiantines chroniques de 1968 à
1973 ; l’agitation sociale continue ; la proclamation de l’Etat d’urgence le 11 juin 1968 ; la grave crise
économique mondiale des années 1970, accentuée par la grande sécheresse de 1973 : voilà autant
d’événements d’envergure qui ont terni l’image de l’Etat de la démocratie sénégalaise et qui ont sapé les
fondements même de l’Etat sénégalais.29
Il apparaît ainsi que jusqu'à la fin de l’année 1974-75, le système politique sénégalais semblait être
verrouillé par le monopartisme et le syndicalisme unifié sous les oripeaux de la participation responsable.
Derrière la vitrine électorale particulièrement reluisante avec des scores électoraux de 100%, les libertés
d’expression étaient étouffées et une crise sociale multiforme couvait à tous les niveaux.

29
Voir à ce sujet, l’éditorial au titre évocateur « Accumulation des périls », de l‘organe central de la LD/MPT,
FAGARU, n° spécial 33, juin 1990. « Le Sénégal est aujourd’hui exposé à tous les périls. A l’intérieur, la crise
révèle chaque jour une dimension nouvelle insoupçonnée. Une de violence s’est emparée de toute la
société en ville comme dans les campagnes. »

54
55

C’est dans ce contexte d’ébullition politique que diverses pressions à la fois internes et externes ont poussé
les autorités sénégalaises à procéder à un déverrouillage du système politique, par l’instauration d’un
multipartisme encadré.30 Ainsi, suite à l’exacerbation de la crise profonde affectant toutes les sphères de la
société sénégalaise, est intervenue l’ouverture démocratique « limité » en 1974, avec la reconnaissance,
dans un premier temps, à travers la révision constitutionnelle du 19 mars 1976, de trois partis représentant
des courants de pensée différents :1). Socialiste et démocratique (PS) ; 2). Libéral et démocratique,
(PDS) ; 3). Communiste ou marxiste- léniniste, (PAI).
Plus tard, deux ans après, une révision constitutionnelle intervint le 28 décembre 1978 avec la loi n° 78-60
du 28 décembre 1978 modifiant l’article 3 de la Constitution, pour porter le nombre des partis à quatre. Ce
quatrième parti est censé représenter le courant conservateur, fondé par Me Boubacar Guèye du MRS
(Mouvement Républicain Sénégalais)
L’ouverture démocratique se justifiait également par le fait que parmi les conditionnalités posées à l’U.P. S
qui voulait adhérer à l’Internationale socialiste, figurait la question des libertés et du pluralisme politique.
Aussi, l’U.P. S s’était-elle muée en P.S (Parti Socialiste), lors de son congrès extraordinaire de décembre
1976.31

Il convient de faire observer que le Code électoral dans sa forme actuelle, date de cette époque-là. En effet,
suite à l’émergence de plusieurs formations concurrentes sur la scène politique, le législateur a éprouvé la
nécessité de disposer d’un instrument de régulation du jeu électoral.

A). Le Code électoral de 1976

Le Code électoral créé en 1976, a été institué pour se substituer à la législation coloniale qui régissait
l’organisation des élections au Sénégal. Par la loi n°76-96 du 02 août 1976, le législateur a institué un
Code électoral en sa partie règlementaire, par le décret n°77-871 du 5 octobre 1977. Les dispositions de ce
Code qui devrait entrer en vigueur le 1er mars 1977 (article L. 162) ont été modifiées par la loi n°77-57 du
26 mai 1977 ; la loi n°77-83 du 21 juillet 1977 et la loi organique n° 77-95 du 17 octobre 1977. Ce code
renferme trois (3) dispositions essentielles à savoir :
- Scrutin proportionnel pour permettre à l’opposition naissante de pouvoir siéger à l’Assemblée nationale,
alors que le mode de scrutin qui avait cours jusque-là, était la liste nationale majoritaire à un tour.
- Présence d’un assesseur de l’opposition dans le bureau de vote, face à celui du parti au pouvoir.
- Possibilité pour l’opposition d’être présente dans les commissions de recensement, d’accéder aux
procès-verbaux des bureaux de vote pour en contrôler le contenu et leur fiabilité dans le travail de
décompte des voix au niveau de la Commission nationale de recensement des votes.
30
Sur le contexte qui a favorisé l’instauration du multipartisme encadré : Voir ma maîtrise de philosophie :
Ousmane Badiane : L’Islam au Sénégal : contribution à l’étude des rapports entre religion et politique, année
universitaire 1991- 1992, sous la direction du Pr. Boubacar LY. « L’ouverture démocratique est intervenue dans
un contexte marqué par une crise profonde affectant toutes les sphères de la société sénégalaise : crise
économique et politique, mais aussi crise d’identité ». p. 58.
31
Moustapha Tamba :  Mutations politiques au Sénégal : bilan de cinquante ans d’indépendance (1960-2010).
Cet auteur est Maître de conférences de Sociologie FLSH, UCAD, Sénégal.

55
56

Ce Code de 1976 ne constituait pas à vrai dire une avancée significative dans l’approfondissent du processus
électoral, mais il avait le mérite de constituer une ouverture importante dans le processus de démocratisation de
notre pays, en ce sens qu’il permettait à un parti de l’opposition différent de celui qui est au pouvoir d’accéder à
l’Assemblée nationale.
C’est sous l’empire de ce Code que se sont tenues les élections générales présidentielles, législatives et locales
(conseillers municipaux et ruraux) du 26 janvier 1978 qui ont constitué les premières élections de l’ouverture
démocratique « limité » de 1976. Ce scrutin, à l’occasion duquel le président de la République, Léopold
Senghor, était candidat à sa propre succession, a été émaillé de contestations sérieuses de la part du Parti
Démocratique Sénégalais (PDS) naissant, qui venait de faire un score remarquable, au lendemain du règne sans
partage de l’UPS dirigée par Senghor, depuis plus d’une décennie.
C’est le décret n°77-97 du 04 novembre 1977 qui a convoqué le collège électoral pour l’élection du président de
la République et des députés à l’Assemblée nationale. Le scrutin organisé le 26 janvier 1978, a donné lieu aux
résultats suivants.

ELECTIONS LEGISLATIVES

Inscrits : 1.566.250
Votants : 974.826 62,63 % des inscrits
Suffrages exprimés : 967.481 62,16 % des inscrits
Ont obtenu
P.S : 790.799 81,74 % des inscrits
P.D.S : 172.948 17,88 % des inscrits
P.A.I : 3.734 0,38 % des inscrits

ELECTION PRESIDENTIELLE.

Inscrits : 1.566.250
Votants : 988.566
Bulletins nuls : 6.234
Suffrages exprimés : 982.332
Ont obtenu
Léopold. S. Senghor 807.515
Abdoulaye Wade : 174.817

Source : Cour suprême, Arrêté n°3-c-78 du 1er mars 1978, (JO n° 4619 du 1er mars 1978.)

56
57

Léopold Sédar Senghor ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour du scrutin,
représentant plus du tiers des électeurs inscrits, a été déclaré vainqueur. Le PDS qui participait pour la première
fois à des élections, remporta 18 sièges de députés sur les 110 sièges en compétition, face aux socialistes au
pouvoir. Il convient de noter que par rapport aux élections précédentes de 1973 où le taux de participation était
de 97,36 %, celui de 1978 est tombé à 62,63 %.
Les observateurs imputent cette situation au fait que le PDS, à ses débuts, était considéré comme un parti de
« contribution », qui utilisait et exploitait fort opportunément, à l’occasion, les mêmes réseaux clientélistes que
le Parti Socialiste. Certains responsable locaux de l’UPS / PS, lorsqu’ils étaient confrontés à des problèmes de
leaderships, trouvaient dans le PDS, un tremplin pour une meilleure réintégration à leur parti originel. 32
Le nouveau président de la République , Abdou Diouf, il faut le retenir, a hérité d’une situation de crise sociale
dans le pays, particulièrement aiguë. Ainsi, pour procéder à une meilleure ouverture de l’espace politique, il
initia une révision constitutionnelle relative à la suppression de la limitation du nombre de partis. La loi n° 81-16
du 6 mai 1981 modifiant l’article 3 de la Constitution, institua le multipartisme intégral avec la suppression de
l’obligation pour un parti politique, de se référer à un courant de pensée.
C’est ainsi qu’à la veille des élections présidentielle et législatives de 1983, quinze partis étaient reconnus. Suite
à ce contexte politique nouveau marqué par le multipartisme intégral ou l’ouverture démocratique « illimitée »,
le constituant sénégalais a jugé nécessaire de remanier en 1982 le Code électoral de 1976 pour l’adapter à cette
nouvelle situation.

B). Le Code électoral de 1982

C’est ainsi que ce Code électoral de 1976 a été abrogé et remplacé par la loi n°82-10 du 30 juin 1982 portant
Code électoral (partie législative) et le décret n°82- 478 du 7 juillet 1982 (partie réglementaire).
La partie législative dudit Code a été modifiée par :
- la loi organique n° 82-33 du 4 août 1982 ;
- la loi n° 82-35 du 21décembre 1982
- la loi organique n° 83-01 du 15 janvier 1983 ;
- la loi n° 83-48 du 12 février 1983 ;
- la loi organique n° 83-63 du 3 juin 1983 ;
- la loi n° 84-23 du 24 mars 1984 ;
- la loi n° 89-33 du 12 octobre 1989 ;
- la loi organique n° 89-38 du 27 octobre 1989.
32
DIOUF (A. Aziz) : Corps électoral : évolution et caractéristiques. (Séminaire national sur les élections
présidentielles 2000 au Sénégal), 19, 20 et 21 juillet 2000, Codesria-GNJ, juillet 2000, p.1.

57
58

La partie réglementaire, modifiée en janvier 1983, a été refondue dans une nouvelle rédaction par le décret n°
90-206 du 23 février 1990.
Ce Code de 1982, qui a été adopté dans la dynamique du processus d’approfondissement de la démocratie par
l’instauration du multipartisme intégral, a régi les élections présidentielles et législatives du 27 février 1983. A
ce scrutin, quatre candidats étaient en lice à la présidentielle, et aux législatives huit listes étaient en compétition.
Il convient de retenir que lors du scrutin présidentiel, le successeur du président Senghor, a comptabilisé à lui
seul 83,3 % des suffrages exprimés alors que sa formation politique, le Parti socialiste a eu 79,9 % à l’élection
parlementaire
Le quotient national étant de 17.987 voix, la répartition des sièges aux élections législatives s’est présentée
ainsi : P.S : 111 députés – P.D.S : 8 députés – R.N.D (Rassemblement National Démocratique) : 1 député

Ces élections présidentielles et législatives consécutives au départ de Senghor de la scène politique et


l’avènement du président DIOUF à la tête du pays, ont été émaillées de contestations sérieuses et de réserves sur
le décompte des voix.
Voici les résultats du scrutin présidentiel et législatif du 28 février 1983.

Elections Législatives

Inscrits : 1.928.257
Votants : 1.083.687
Bulletins nuls : 4.511
Suffrages exprimés : 1.079.170
Ont obtenu
P.S : 862.713 79,94 % des suffrages exprimés
P.D.S : 150.785 13,97 % des suffrages exprimés
P.A.I : 3.269 0,30 % des suffrages exprimés
R.N.D : 29.271 2,71 % des suffrages exprimés
M.D.P : 13.030 1,12 % des suffrages exprimés
L.D/M.P.T : 12.053 1,12 % des suffrages exprimés
P.I.T. : 5.910 0,55 % des suffrages exprimés
P.P.S : 2.139 0,20 % des suffrages exprimés

Source : Cour suprême, Arrêté n°3-c-83 du 05 mars 1983 (section réunies statuant en matière constitutionnel),
JO n°4138 du 31 mars 1983

Election Présidentielle

Inscrits : 1.928.257
Votants : 1.093.244
Bulletins nuls : 4.169
Suffrages exprimés : 1.089.075

58
59

Ont obtenu
Abdou DIO: 908.879 83,30 des suffrages exprimés
A. WADE : 161.050 14,79 des suffrages exprimés
Mamadou DIA  : 15.150 1,39 des suffrages exprimés
Oumar WONE : 2.146 0,20 des suffrages exprimés
Majmouth DIOP : 1.833 0,17 des suffrages exprimés

Source : Cour suprême, Arrêté n°3-c-83 du 05 mars 1983 (section réunies statuant en matière constitutionnel),
JO n°4138 du 31 mars 1983

C). Le Code électoral consensuel de 1992 ou « Code Kéba Mbaye »

Propositions de l’opposition dans la phase préparatoire.

En perspective de l’élaboration du Code électoral de 1992, plus connu sous le nom de Code consensuel ou Code
Kéba Mbaye, l’opposition d’avant la première alternance 2000, avait dégagé un certain nombre de pistes de
réflexions sur le contenu à introduire dans le Code en gestation. Ces propositions sont contenues dans un
document du PDS, intitulé Note d’Information sur le processus électoral, publiée quelques jours avant le
démarrage des travaux de la commission en charge de l’élaboration du Code électoral :
« Les élections libres et démocratiques sont incontestablement l’un des critères essentiels pour
apprécier la valeur d’une démocratie libérale. C’est de ce point de vue que le Code électoral qui est
l’instrument d’organisation des élections a une importance capitale selon que ces dispositions
permettent ou non l’expression libre et sincère du suffrage. Mais il n’y a pas seulement le Code
électoral, il y’a aussi les pratiques électorales qui peuvent considérablement orienter et influencer
l’issue de scrutin. »33
C’est ainsi que sur la base de l’expérience des élections de février 1988 et des scrutins antérieurs, que le PDS et
ses alliés ont élaboré les propositions suivantes, comme des contributions au débat pour l’amélioration des
procédures électorales.
Les propositions faites par l’opposition de l’époque, pour l’amélioration des mécanismes électoraux pour mettre
fin aux conflits post scrutins ont porté, entre autres, sur les points suivants : « les listes électorales ; les cartes
d’électeurs ; la rétention des cartes de l’opposition ; la carte électorale ; la positions partisanes des autorités
administratives en faveur du pouvoir socialiste; la transmission détournée des procès- verbaux par les préfets et

33
Note d’information sur le système électoral sénégalais, 19 Septembre 1990, Secrétariat National du PDS.

59
60

sous- préfets : la Commission Nationale Electorale ; les détournements des deniers publics par les responsables
du parti au pouvoir pour gagner frauduleusement les élections …. »34
En somme, il faut le reconnaitre, toutes ces propositions, sinon l’essentiel, faites par l’opposition de l’époque,
ont été prises en compte dans le Code de 1992. C’est sans doute, la raison pour laquelle on l’appelle « Code
consensuel » ou « Code Kéba Mbaye », du nom du président de la commission qui l’a élaboré.

Contenu du Code consensuel de 1992

Les évènements de 1988 ont marqué d’une empreinte indélébile l’histoire politique du Sénégal. Ils ont mis en
exergue avec un relief saisissant, les limites du Code électoral de 1976 et celui de 1982 et la nécessité et
l’impérieuse urgence de disposer d’un Code électoral consensuel, conformément au souhait exprimé par
l’ensemble des acteurs politiques et sociaux du pays.
Il y’a lieu de préciser que c’est ce Code électoral qui a préconisé la séparation de l’élection présidentielle et des
élections législatives qui étaient couplées (1968, 1973,1978,1983 et 1988), et qui créaient beaucoup de
confusions et de fraudes massives qui permettaient au parti au pouvoir de les remporter. C’est pourquoi,
l’opposition d’avant alternance 2000 avait toujours dénoncé et combattu le couplage des élections présidentielles
et législatives. Depuis lors, l’adoption de ce Code en 1992 et le découplage des élections, ont beaucoup contribué
à amoindrir considérablement les contentieux électoraux au Sénégal.35

34
. Note d’information sur le système électoral sénégalais, doc. cité
35
Ndongo Fall : Le droit électoral sénégalais, Editions LPA, 2002, P.5.

60
61

Les élections présidentielles et législatives de 1993, puis les élections locales des 24 et 27 novembre 1996, ont
été organisées sous l’empire des dispositions du Code électoral de 1992, qui devait servir de test pour jauger sa
fiabilité.
En sommes, on peut considérer que le Code de 1992 est le fruit d’une longue marche politique. C’est le
produit des luttes démocratiques qui ont parfois culminé en des situations quasi insurrectionnelles qui ont failli
embraser la capitale Dakar et plonger le pays dans le chaos.
Déjà, le 29 février 1988, alors que la Cour suprême présidée à l’époque par le juge Ousmane Camara, n’avait
pas encore proclamé les résultats des élections générales, que la violence se répand dans tout le pays,
singulièrement dans la région de Dakar, avec les arrestations de Me Abdoulaye Wade, Ousmane Ngom et
Boubacar Sall du Parti Démocratique Sénégalais (PDS), suivi le 1 er mars 1988, du Professeur Abdoulaye Bathily
(LD/MPT) et de Amath Dansokho (PIT), tous deux alliés du leader du PDS soutenant sa candidature. Cette
situation de violences exacerbées entraina la dissolution de la Cour suprême de l’époque dont les pouvoirs sont
répartis entre trois ordres de juridiction : la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat.
C’est dans ce contexte que Famara Ibrahima Sagna, nommé ministre de l’Intérieur le 27 mars 1990, avait été
chargé de trouver avec Me Wade avec qui il avait de bonnes relations, un compromis en vue de constituer un
« gouvernement d’union nationale ».36 Après plusieurs tractations et négociations dans l’ombre, un accord
politique a été trouvé en vue de régler prioritairement la question électorale qui était considérée comme la
source principale du contentieux entre le pouvoir et l’opposition.

36
A propos de ce « gouvernement d’union nationale », il y a plusieurs versions contradictoires. Une
d’elles, soutient que c’est Me Abdoulaye Wade, qui avait convoqué les journalistes pour les informer de
l’annulation du mot d’ordre de manifestation qu’il avait envisagé pour l’accueil du président Abdou Diouf
de retour d’un voyage de Tripoli en 1988. Le leader du PDS aurait donné l’information selon laquelle, il
avait reçu la veille du retour de Diouf, une visite de l’opposant Ahmeth Khalifa Niasse, qui lui aurait
transmis un message de la part du ministre d’Etat Jean Collin, selon lequel, le président de la République
Abdou Diouf était disposé dès son retour au Sénégal, à le recevoir pour discuter avec lui des possibilités,
modalités et conditions de mise en place d’un « gouvernement d’union nationale », dans lequel, lui, en
tant que chef de l’opposition, allait jouer un rôle de premier plan. Ce même gouvernement s’engagerait
sur un calendrier précis pour l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle, susceptible de

déboucher sur un gouvernement de transition. (Sénégal, l’histoire en marche, op. cité. p. 32)

61
62

C’est dans ce contexte de crise très profonde, que le Président Abdou Diouf, pour apaiser le climat de l’espace
politique traversé par des nombreuses zones de turbulence, fit appel au PDS et à ses alliés le 08 avril 1991, pour
former le  « Gouvernement de Majorité Présidentielle Elargie » (G.M.P.E)37
Le PDS fit son entrée dans le gouvernement conduit par Habib Thiam nommé Premier ministre, avec les
nominations de Me Abdoulaye Wade, ministre d’Etat auprès du président de la République, sans portefeuille,
Aminata Tall, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de l’Alphabétisation,
Jean- Paul Diaz, ministre de l’Intégration Africaine, Ousmane Ngom , ministre de la Santé, Amath Dansokho,
ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme et Maguette Thiam, ministre.
Quant à la LD/MPT, c’est deux ans plus tard, en juin 1993, qu’elle fit son entrée dans ce gouvernement, suite à
un accord programmatique avec le Président DIOUF. Deux postes ministériels lui ont été accordés : Le
Secrétaire général du parti, professeur Abdoulaye Bathily nommé ministre de l’Environnement et de la
Protection de la nature et Mamadou Ndoye, ministre délégué chargé de l’Education de Base et de la Promotion
des Langues nationales.38 En 1998, la LD/MPT quittera le gouvernement, pour mieux se consacrer aux
préparatifs des législatives de 1998 et de la présidentielle 2000.

Le Code consensuel de 1992 a été élaboré par une commission dite « cellulaire » sous la présidence du juge
Kéba MBAYE qui a bénéficié de l’éclairage juridique et technique additionnel des juristes Abdel Kader Boye et
Malick Tafsir Ndiaye, du magistrat Youssoupha Ndiaye président de la Cour d’appel, de Me Alioune Badara
Séne, Bâtonnier de l’ordre des Avocats, et de l’apport des autres membres de la société civile choisi par leurs
expertises, et les représentants de quatorze (14) partis politiques sur les dix-sept (17) que comptait le Sénégal 39 .
Il y a lieu de préciser que les travaux de la Commission, objet de la loi n° 92-16 du 7 février 1992 (partie
législative) et du décret n° 92-267 du 15 février 1992 (partie réglementaire), a semblé avoir fait l’objet d’un large
consensus au sein de la classe politique.
Mais, très tôt des problèmes sérieux sont survenues au sein de la Commission nationale de recensement des
votes, qui a rencontré d’énormes difficultés pour procéder à la proclamation provisoire des résultats des élections
présidentielles et législatives de 1993. Les difficultés, semble-t-il, étaient liées à l’imprécision des textes ou leur
manque de clarté dans la rédaction organisant le mécanisme de la prise de décision au sein de la Commission.
Cette situation a eu pour conséquence, la démission du juge Kéba Mbaye de son poste de président du Conseil
constitutionnel. Les interprétations que les uns et les autres avaient des textes étaient très différentes, parfois
même opposées.
L’opposition avait considéré que la prise de décision dans la Commission de Recensement, concernant surtout
les mesures d’annulation ou de validation d’un procès-verbal, devait faire l’objet d’un vote majoritaire au sein de
la Commission. Tenant compte du fait que l’opposition avait présenté 07 (sept) candidats à la présidentielle
37
Voir J.O n° 5524 du samedi 12 mars 1988 et n° 5234 du vendredi 20 mai 1988.
38
Amadou Kah : DE LA LUTTE DES CLASSES A LA BATAILLE DES PLACES, L’harmattan, 2016, p 74. 
« La LD/MPT accepta cette fois-ci l'offre de participation sans avoir au demeurant réglé la question des
préalables. Ainsi Abdoulaye Bathily, son secrétaire général, fut nommé ministre de l'Environnement et de la
Protection de la Nature. Mamadou N'doye, autre figure de la Ligue démocratique et du syndicalisme enseignant,
ministre délégué auprès du Ministre de l'Éducation nationale chargé de l'Alphabétisation et de la Promotion des
nationales. »
39
Idrissa Diop : « Une exigence », in FAGARU, organe central de la LD/MPT, n° 46, septembre 1991.

62
63

1993 (Me Wade, Landing Savané, Abdoulaye Bathily, Babacar Niang, Madior Diouf, Mamadou Lô, Iba Der
Thiam), face au candidat socialiste Abdou Diouf, l’on comprend le refus catégorique du représentant du PS,
Mamadou Diop ancien maire de Dakar, de souscrire à une prise décision par vote , compte tenu du fait qu’un tel
procédé , serait défavorable au candidat socialiste au pouvoir. Un vote mécanique était d’autant plus à craindre,
que tous les candidats de l’opposition en compétition, avaient promis de soutenir le candidat de l’opposition le
mieux placé, face à celui de la majorité. Il y a lieu de préciser que les trois juges qui accompagnaient la
présidente de la Cour d’appel, Mme Andrésia Vaz Mbodji s’étaient rangés du côté du représentant du PS. Face
au refus du camp du pouvoir socialiste de céder sur la question du processus décisionnel, l’opposition était
parvenue à faire bloquer les travaux de la Commission pendant plus de quatre jours. Devant la persistance du
blocage de la Commission, la présidente de la Cour d’appel prit la décision d’envoyer tout le dossier au Conseil
constitutionnel. Ce dernier le lui retourna immédiatement en lui demandant de s’acquitter d’abord de sa mission
de proclamation provisoire, avant que l’instance supérieure puisse s’atteler à la proclamation définitive. Le
Conseil constitutionnel fixa un ultimatum de 72 heures à la Cour d’appel pour procéder à la publication
provisoire, sinon il allait la dessaisir du dossier, et procéder lui-même à la publication définitive, en sautant
l’étape de la publication provisoire. Entre la reprise du dossier et la proclamation définitive des résultats, le juge
Kéba Mbaye démissionna du Conseil constitutionnel, et s’expliqua en ces termes : « J’ai été déçu par le
comportement des acteurs politiques qui n’ont pas été à la hauteur des espérances et des attentes du peuple. Je
m’en vais en regrettant profondément l’incapacité de ces acteurs à comprendre et à satisfaire les attentes de
notre peuple. » 40
Il faut reconnaître qu’un travail minutieux a été fait dans l’identification des imperfections et lacunes qui
entravaient le bon fonctionnement de notre système électoral. Cela a été salué dans l’euphorie par tous les
acteurs politiques, ceux du pouvoir comme ceux de l’opposition. 41
Le président Kéba Mbaye a lui-même dit que « ce Code auquel nous avons abouti fera se pâmer d’envie tous les
pays, même les plus industrialisés, et devrait nous valoir des élections dont les résultats ne pourront plus faire
l’objet de contestations. »
Le projet de loi portant Code électoral a été déposé et adopté le 23 juillet 1992 par les députés. Il semble que
beaucoup de pays de la sous-région considèrent ce Code comme un modèle dans l’organisation de la compétition
électorale, et n’hésitent pas à copier nombre de dispositions qu’il contient, pour l’adapter à leurs réalités. C’est
tout à l’honneur de la démocratie sénégalaise.
Me Abdoulaye WADE du temps où il était dans l’opposition, avait dit au sujet de ce Code : « toutes les
dispositions essentielles ont été formulées et acceptées…chaque chef de parti a fait une déclaration publique à la
presse pour dire qu’il est satisfait de ce code électoral et qu’il n’a rien à y ajouter… »42
Quant au Président Abdou DIOUF, après avoir reçu des mains du juge Kéba Mbaye, le projet proposé par la
Commission nationale de réforme du Code électoral, disait, devant la presse nationale et internationale : « Je
viens de recevoir de la Commission le projet de texte portant Code électoral, je le déposerai comme remis à
l’Assemblée nationale, je n’y changerai pas une virgule. »
40
Abdou Latif Coulibaly, op. cit. p. 58.
41
Abdou Aziz Diop : CONTRE- DISCOURS (Opuscule des républicains indécis), L’Harmattan- Sénégal, 2019,
P. 45.  « Les sénégalais souhaitent toujours que ce débat ait lieu puisqu’en démocratie il est le plus puissant
facteur de paix »
42
Jeune Afrique Economique, n° 146, août 1991.

63
64

Dans un récent ouvrage bien documenté, sur l’histoire politique et électorale du Sénégal, l’expert électoral
Ababacar Fall, a listé les avancées majeures du Code consensuel de 1992 dans le processus d’amélioration des
43
procédures électorales au Sénégal :
« 1). L'identification obligatoire de l'électeur avec la carte nationale d'identité
2). L'abaissement de la majorité électorale de 21 à 18 ans 3). Le passage obligatoire à
l'isoloir
4) . L'utilisation de l'encre indélébile
5).- La limitation des mandats à deux
6). La présence des représentants de candidats dans les bureaux de vote
7). La représentation des partis dans les Commissions de distribution des cartes d'électeur
8). L'institution de commissions de recensement des votes au niveau départemental et national
avec la participation des représentants des candidats
9). Le découplage de l'élection présidentielle et des élections législatives
10). La fixation du cautionnement aux élections après concertation avec les partis
11). L’autorisation des candidatures indépendantes qui doivent être portées par 10.000
signatures de citoyens domiciliés dans six régions avec au moins 500 signatures par région.
12). La possibilité pour les partis de former des coalitions pour les législatives
13). L'élection du Président de la République avec un système à 2 tours si aucun candidat
n'atteint la majorité absolue de 50 % + un représentant le quart des électeurs inscrits (le quart
bloquant)
14). - L'égalité des candidats à l'accès aux médias du service public pour la présidentielle et
pour les législatives, temps d'antenne réparti en deux tranches dont l'une de manière égale et
l'autre en fonction de la représentation des partis au parlement.
15). L'interdiction de toute pré campagne ou campagne électorale déguisée. »

Mais, comme tout document daté, ce Code doit être considéré comme un organisme vivant qui a subi des
mutations et une évolution certaine. C’est ainsi que de nombreux réaménagements sont intervenus au niveau du
Code de 1992, dû principalement à deux facteurs : d’une part, l’exigence d’amélioration des procédures
électorales et d’autre part, la nécessaire adaptation aux choix et orientations politiques des gouvernants.

IV). Les principaux réaménagements du Code consensuel de 1992 face aux


exigences d’amélioration des procédures électorales et d’adaptation aux choix
politiques de l’heure.

43
Ababacar Fall : Histoire politique et électorale du Sénégal, (l’éternel recommencement de 1960 à 2020), p.
170-171.

64
65

1). La création d’un organe de contrôle et de supervision des élections  : de l’ONEL


à la CENA.

La réponse institutionnelle préconisée pour trouver des solutions aux manquements


constatés lors des élections présidentielles et législatives du 21 février 1993 et du 9
mai 1993, ainsi que les nombreux dysfonctionnements et défaillances constatés lors
élections régionales, municipales et rurales de novembre 1996 organisées sous
l’empire des dispositions du Code de 1992, fut la mise sur pied d’un organe original
de contrôle et de supervision par la loi n° 97-15 du 8 septembre 1997 modifiant le
Code électoral. Cet organe dénommé ONEL (Observatoire national des élections) a
joué un rôle positif aux législatives du 28 mi 1998 et à la présidentielle des 27 février
et 19 mars 2000 qui ont débouché sur la première alternance politique de l’an 2000.

L’ONEL a été remplacé par la CENA (Commission électorale nationale autonome) avec
plus de pouvoirs, de prérogatives et de moyens dans l’accomplissement de ses
missions de contrôle et de supervision des élections (Code électoral, Art. L. 4 à L. 24,
édition 2018).

La création de cet organe de contrôle et de supervision a impacté sur la structure du


Code électoral, sans changer fondamentalement son contenu et son orientation.

2). La création du Sénat (2ème chambre à côté de l'Assemblée nationale).

Le Sénat, chambre haute du Parlement à côté de l'Assemblée nationale a connu des


fortunes diverses entre 1999 et 2012.

En effet, institué par la révision constitutionnelle du 24 janvier 1999, le Sénat a été


inséré dans le Code électoral, modifié par l’insertion d’un titre relatif à l’élection des
sénateurs, objet de la loi organique n° 98-49 du 10 octobre 1998 et de la loi n° 98-50
du 10 octobre 1998 sous l’empire desquelles ont été organisées les élections
législatives du 24 mai 1998 et les élections sénatoriales du 24 janvier 1999. Par

65
66

ailleurs, la loi n°98-24 du 26 mars 1998 a consacré une nouvelle numérotation du


Code électoral afin de contribuer à une meilleure lisibilité, car l’agencement de ses
dispositions avait entrainé de nombreux bouleversements dans le corpus du texte.

Mais, l’adoption après la première alternance politique de l’an 2000, par le


référendum du 7 janvier 2001, d’une nouvelle Constitution promulguée le 22 janvier
2001, a eu pour conséquence de mettre provisoirement un terme à l’existence du
Sénat. L’article 107 de la loi fondamentale prévoyant notamment l'abrogation de
toutes les dispositions y relatives. Le Code électoral sera adapté en
conséquence en février 2002, avec l'abrogation des dispositions relatives au
Sénat et sa renumérotation à partir du Titre IV conformément à la loi n° 2002 -
06 du 21 février 2002 portant approbation de la nouvelle numérotation du
Code électoral. 

Restauré à nouveau par la loi constitutionnelle n° 2007-06 du 12 février 2007


et pris en compte dans le Code électoral par l'insertion des dispositions
relatives aux élections sénatoriales, objet de la loi organique n° 2007-23 du 22
mai 2007, le Sénat a été à nouveau supprimé le 19 septembre 2012 après
une seconde alternance survenue en février de la même année. Avec cette
disparition du Sénat de l'architecture institutionnelle, les dispositions du Code
électoral se rapportant à l'élection de ses membres devenaient sans objet et
seront expurgées du Code électoral.

Par la suite, la loi n° 2012-01 du 3 janvier 2012 abrogeant et remplaçant la loi


n° 92-16 du 7 février 1992 relative au Code électoral (partie législative)
modifiée - complétée par le décret n° 2012-514 du 5 janvier 2012 - a tenté
une consolidation du dispositif légal et réglementaire par une nouvelle

renumérotation partielle des articles du Code. 

3). Une séries d’élections successives après l’adoption du référendum du 7


janvier 2001.

Après le référendum constitutionnel du 7 janvier 2001, le Sénégal a connu


l’organisation d’une suite d’élections qui a impacté sur l’architecture et la structure
du Code électoral.

66
67

a. Les élections législatives anticipées du 29 avril 2001.

A la suite de l’adoption par le référendum constitutionnel du 7 janvier


2001, d’une nouvelle Constitution promulguée le 22 janvier 2001, il s’en
est suivi la dissolution de l’Assemblée nationale par le chef de l’Etat.
Cette situation a rapproché les échéances électorales avec
l’organisation des législatives anticipées du 29 avril 2001. A la même
époque, est intervenue la dissolution des exécutifs locaux remplacés par
des délégations spéciales. Quelques mois plus tard sont organisées les
élections régionales, municipales et rurales du 12 mai 2002. Cette
situation de dissolution des exécutifs locaux, et leur remplacement par
des délégations spéciales a eu des impacts sur le Code électoral.

b). L’élection présidentielle du 25 février 2007 remportée par le


candidat sortant Abdoulaye Wade, sera suivie des élections législatives du 3
juin 2007, boycottées par l’opposition regroupée dans le Front Siggil Sénégal
(FSS).

L’élection présidentielle du 25 février 2007, est celle la plus contestée dans


notre histoire politique. Elle est intervenue dans un contexte particulier
marqué par une décision politique prise par le gouvernement et ayant
entrainé d’une part, une perturbation du calendrier électoral, et d’autre part,
une contestation de la fiabilité du fichier électoral.

En effet, suite aux conséquences désastreuses des pluies diluviennes de


2005, le gouvernement de Me Wade a pris la décision d’une réallocation des
ressources devant financer les élections législatives de 2006 au profit des
sinistrés. C’est ainsi que la loi du 20 janvier 2006 relative à la prorogation du

67
68

mandat des députés, adoptée par l’Assemblée nationale, stipule : « par


dérogation à l’alinéa 1er de l’article 60 de la Constitution, le mandat des
députés élus à l’issue des élections du 29 avril 2001 est prorogé pour être
renouvelé le même jour que l’élection présidentielle ». 

Cette décision entraina un bouleversement du calendrier républicain rythmé


tantôt par un « couplage » des élections, tantôt par un « découplage »,
tantôt par un « recouplage », puis un « redécouplage »…44

Sur cette situation d’incertitude sur le calendrier républicain a poussé les


acteurs politiques à douter de la volonté du pouvoir en place de tenir les
élections à terme constitutionnel échu.

A cela, s’est greffée une autre incertitude liée à la décision de refonte totale
du fichier électoral avec la loi n° 2004-32 du 25 août 2004. Face aux difficultés
du pouvoir et de l'opposition à s'accorder sur une formule consensuelle, le
Président de la République a décidé procéder à une refonte totale du fichier
électoral. Initialement prévue pour six (6) mois, le processus a tiré en
longueur avec les opérations d’inscription sur les listes électorales qui ont
démarré

le 05 septembre 2005 dans la région de Dakar, le 05 décembre 2005 dans les


communes, le 1er février 2006 dans les communautés rurales et le 18 février
2006 dans les délégations de la C.E.N.A. à l'étranger. 

La date de clôture des inscriptions, plusieurs fois reportée, devait prendre fin
le 28 février 2006. Mais finalement, les opérations se sont terminées le 15
septembre 2006, après quatre (4) prorogations de suite par rapport au délai
initialement fixé.

A la surprise générale, cette élection présidentielle du 25 février 2007 qui


avait enregistrée la participation de 15 candidats, a été remportée par le
candidat sortant Abdoulaye Wade dès le 1 er tour. Cela a eu pour
44
Sur un ton de raillerie, voir le « COURS INAUGURAL de M. Ousmane Tanor DIENG, Premier
Secrétaire du PARTI SOCIALISTE DU SENEGAL « UNIVERSITE D'ETE 2005 : Le Parti Socialiste face
aux enjeux électoraux », Dakar, 03 - 04 décembre 2005, « qu’il couple, qu'il découple, qu'il accouple, qu'il
désaccouple… » p. »

 
 

68
69

conséquence, le boycott actif des élections législatives du 3 juin 2007 et des


sénatoriales du 19 août de la même année, par l’opposition regroupée dans
le Front Siggil Sénégal (FSS),

Tout cela a eu des répercussions sur le Code électoral.

c). L’élection présidentielle du 26 février 2012 pour le 1 er tour et du 25 mars


2012 pour le 2ème tour.

Ce scrutin présidentiel est marqué par les contestations politiques et


controverses juridiques

L’élection présidentielle du 26 février 2012 pour le premier tour et du 25


mars 2012 pour le second tour est émaillée de vives controverses
juridiques et de contestations politiques quant à la régularité ou la
recevabilité de la candidature à propos du 3ème mandat du président
sortant Me Abdoulaye Wade.

La loi n° 2008-66 du 21 octobre 2008 modifiant l'article 27 de la


Constitution a rallongé la durée du mandat présidentiel de cinq à sept
ans. Après la validation par le Conseil constitutionnel de la candidature
de M. Abdoulaye Wade pour un troisième mandat, il y a eu des
troubles sociaux assez graves qui ont rudement mis à l’épreuve la
légitimité du Président Wade, en transformant la présidentielle de
2012, en référendum contre sa personne.

Ainsi, les effets conjugués du prolongement de la contestation de la


présidentielle de 2007, des Assises nationales, de la révolte populaire
du Mouvement du 23 juin 2011 et de la contestation de la troisième
candidature du Président Wade ont considérablement affaibli les
chances de ce dernier lors de la présidentielle de 2012.

C’est ainsi qu’à l’élection au second tour le 25 mars 2012, le candidat


Macky Sall, a bénéficié du report de voix des principaux candidats
éliminés au premier tour et regroupés au sein de la coalition dite «
Benno Bokk Yakaar », formée par les franges les plus significatives de
l'opposition. Cette coalition s'est maintenue, pour présenter une liste

69
70

commune aux élections législatives du 1er juillet 2012 et s’est


retrouvée largement majoritaire à l'Assemblée nationale. 

d). Les répercussions des réformes de l’Administration territoriale et locale


avec l’Acte III de la décentralisation, avec l’entrée en vigueur de la loi n°
2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités locales,
et le réaménagement des mécanismes de l’élection des élus locaux.

Le processus de décentralisation au Sénégal a connu plusieurs phases. De la


période coloniale jusqu’en 1972, il n’y avait que la commune. L’acte I de la
décentralisation est intervenu en 1972 avec l'institution des
communautés rurales. En 1996, est intervenu L’acte II avec l'érection
des régions et des communes d’arrondissements en collectivités
locales. En 2013, « l'Acte III de la décentralisation », a procédé à la
suppression de la région, des communautés rurales et des communes
d’arrondissement comme collectivité locale, et a procédé à la
communalisation intégrale et à l'érection du département en collectivité
locale. Ainsi, plusieurs niveaux de collectivités locales se sont succédé
dans le temps. Aujourd’hui avec l’acte III, nous avons deux niveaux de
collectivités territoriales : la commune et le département. Ce
mouvement de territorialisation des politiques publiques a eu des
incidences directes sur le dispositif électoral. C’est dire que l'entrée en
vigueur de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code
général des collectivités locales s'est traduite par un nécessaire
réaménagement des mécanismes de l'élection des élus locaux. Les
membres des organes délibérants des collectivités locales, dotées
d'une autonomie de gestion, sont élus au suffrage universel direct à
l'instar des députés et du président de la République.

e). La relecture du Code électoral et l’adoption de la version de 2014

70
71

Dans un contexte marqué par l'adoption de « l'Acte III de la


décentralisation », est intervenue la loi n° 2014-18 du 15 avril 2014
abrogeant et remplaçant la loi n° 2012-01 du 3 janvier 2012 portant
Code électoral modifié et le décret 2014-514 du 16 avril 2014
abrogeant et remplaçant le décret n° 2012-13 du 5 janvier 2012 portant
Code électoral, modifié (partie réglementaire). Outre la prise en compte
des modifications découlant de la nouvelle organisation de
l'administration locale, l'élaboration du nouveau Code a offert
l'opportunité d'intégrer dans le dispositif normatif « l'observation
électorale » et de traiter de manière spécifique « l'administration
électorale ». Comme indiqué dans l'exposé des motifs de ladite loi, la
rédaction de ce nouveau Code est issue des travaux d'une
Commission technique de revue du Code électoral (CTRCE) qui
s'est réunie au cours du premier trimestre de 2014 et qui était
composée pour l'essentiel, à côté de juristes, de tous les acteurs du
processus électoral.

Les conclusions et propositions faites au cours de cette concertation


ont été d’une grande ampleur, avec d’importantes répercussions sur le
code électoral.

D'une manière générale, les propositions concernent essentiellement


les aspects suivants : i) la précision sur les compétences des
structures chargées de gérer le processus électoral, notamment : le
Ministère en chargé des Élections, le Ministère des Affaires étrangères,
le Ministère des Sénégalais de l’Extérieur, la C.E.N.A. et la Cour
d'Appel ; ii) la compétence des autres cours d'appel pour les élections
locales ; iii) le croisement tendant à unifier le fichier national et le fichier
des Sénégalais de l'Extérieur : iv) l'acceptation du spray à côté de
l'encre liquide ; avec la possibilité laissée à l’Administration de choisir
l'un ou l'autre ;v). la précision de la nature du recours contre les arrêts
de la Cour d'Appel statuant en matière de contentieux des élections
locales : il s'agit d'un appel ; vii). l'extension de l'obligation du respect
de l'équité qui pèse désormais sur les nouveaux supports médiatiques
qui décident d'intervenir dans le traiter la campagne électorale ; viii) la
fixation du délai de publication de la liste des mouvements à la suite de

71
72

la révision des listes électorales ; ix) la fixation de la date des élections


par décret ; x) l'extension des pouvoirs de sanction du C.N.R.A. par
renvoi au texte qui le régit ; xi) le regroupement des commissions de
distribution des cartes d'électeur au niveau des sièges des
communes, communes d'arrondissement et communautés rurales, 10 jours
avant le scrutin ; xii) l'arrêt de la distribution des cartes d'électeur la veille du
scrutin ; xiii) la notification, au greffe du Conseil constitutionnel, du titre
de coalition, avec la liste des partis politiques légalement constitués qui
la composent, au plus tard la veille du dépôt de candidature à la Présidence
de République ; xiv) l'augmentation des délais de dépôt de candidature
pour les élections législatives et locales ; xv) le dépôt des candidatures
aux élections municipales au niveau des Sous-préfectures pour les
communes d'arrondissement avec harmonisation des dispositions des
articles L 14 et R 74; xvi) l'augmentation du délai imparti à la
commission départementale de recensement des votes, qui peut
désormais aller jusqu'au mardi à midi ; xvii) la mise à disposition de la
version électronique et de la version papier aux candidats et listes de
candidats, ainsi que pour la C.E.N.A., de la liste des électeurs bureau de
vote par bureau de vote. La version papier destinée aux candidats et listes
de candidats est tirée par des imprimeurs. Seulement, les exemplaires
détenus par le Président du bureau de vote et le Contrôleur de la
C.E.N.A. font foi ; xviii) la mise à disposition de la C.E.N.A. d'une copie
de la liste des candidats au moment du dépôt pour les élections
législatives et pour les élections locales ; xix) le règlement de la
question du bulletin blanc ; xx) le règlement du problème de l'égalité du
suffrage pour les élections des listes ; xxi) le maintien du montant de la
dernière caution en cas d'élections anticipées ; xxii) la possibilité pour
les autorités administratives, qui ont été 

affectées après la révision des listes électorales, de voter dans un


bureau vote de leur nouvelle circonscription ; xxiii) la décision motivée
en cas refus de prendre une liste au moment du dépôt des
candidatures aux élections législatives et locales ; xxiv) la convocation
des électeurs en cas d'élections anticipées ; xxv) l'identification des
autorités compétentes pour procéder à la publication des résultats
définitifs ; xxvi). L’ouverture aux nouvelles techniques d’information et
de communication ;

72
73

Des mesures transitoires ont été préconisées, notamment la gestion


des cartes d'électeur avec le maintien du statu quo jusqu'après les
élections de 2012, pour procéder au croisement en vue de l'unification
du fichier national et du fichier des Sénégalais de l'Extérieur. 

Au total, le nombre des articles du Code électoral va évoluer de 298 à


360, ce qui va entraîner une nouvelle nomenclature des dispositions
qui sont relatives aussi bien à des lois organiques qu'à des lois
ordinaires. En tout état de cause et conformément à la
recommandation R.1.16 de la Mission d'Audit du Fichier électoral
(2011), les dispositions doivent être rédigées de façon à rendre
accessible le Code électoral.45 

h. La création par la loi constitutionnelle n° 2016-25 du 5 avril 2016, adopte par le


référendum du 20 mars 2016, du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT)
dédié « à la promotion de la gouvernance locale et du développement territorial »,
s’est traduit par une révision du Code électoral avec l’ajout d’un titre III- bis intitulé
« Dispositions relatives à la désignation des Hauts conseillers », dispositions sur la
base desquelles ont été organisées le 5 septembre 2016, au scrutin départemental
majoritaire à un tour, les élections, par un collège composé d’élus locaux, de quatre-
vingts (80) Hauts conseillers, parmi les cent- cinquante (150) membres qui
composent cette institution, dont soixante-dix (70) sont nommés par le président de
la République.

I). La relecture du Code électoral et l’adoption de la nouvelle version de 2017 a débouché sur
un réaménagement de l'ensemble du dispositif normatif électoral et a abouti à l'adoption de
la loi n° 2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral, qui comporte un certain nombre
d'innovations avec la prise en compte : 

45
Voir le Rapport final mission audit du fichier électoral (2011), page 5- 155.

73
74

- des modifications rendues nécessaires par l'institution de la carte nationale


d'identité biométrique CEDEAO comportant les données électorales et
d’autres données à usage multiple (sécuritaires, sanitaires, bancaires, …)

- du vote des militaires et paramilitaires le même jour que les civils ;

- de l'admission des candidatures indépendantes à toutes les élections


suivant des modalités particulières et la généralisation de l'exigence du
dépôt d'un cautionnement pour la recevabilité de la candidature ;

- de l'option d'élire des députés dédiés à la diaspora dans les huit


départements électoraux de l'extérieur du pays ;

- de l'énoncé linéaire des articles du titre III-bis intitulé « Dispositions


relatives à la désignation des Hauts conseillers », rendant nécessaire la
renumérotation partielle des articles du Code

- et de la détermination de règles d'organisation du référendum pour


combler un vide juridique. 

En conclusion.

La présentation du panorama rétrospectif du corpus normatif électoral montre que


même si le Code consensuel de 1992 demeure toujours en substance le référentiel
normatif prépondérant, symbole phare de la vitalité du système électoral sénégalais.
Depuis son adoption et sa mise en application effective, ce Code a produit une
formidable histoire ayant marqué d’une empreinte indélébile l’évolution positive de
notre projet démocratique, mais il a surtout impacté sur la crédibilité du processus du
vote est apparu comme un véritable modèle de droit électoral en devenant
incontestablement le socle sur lequel s’arc boutent d’importants et solides acquis
démocratiques dans les processus d’organisation des élections. 46

46
Voir ma contribution intitulée : « A propos du fichier électoral », publiée dans le Soleil n° 14546 du vendredi
23 novembre 2018. « Incontestablement, le Code de 1992 constitue un exemple légistique d'un texte consensuel
et le substrat sur lequel se sont agrégées les couches des diverses réformes ultérieures du Droit électoral
sénégalais. Ce consensus fera dire au Président Abdou Diouf avec une certaine emphase que « c'est le meilleur
Code du monde >> 

74
75

Mais, si ce Code, incontestablement, nous a valu d’admirables conquêtes


démocratiques, il a toutefois subi l'usure du temps. En conséquence, il doit
nécessairement être adapté à la fois aux exigences d'amélioration des mécanismes
électoraux et d'adaptation aux choix politiques de l'heure, pour avoir une plus grande
stabilité et une meilleure lisibilité.

3). Avant l’élection présidentielle 2000.


Une première mise à jour du fichier

La loi du 11 mars 1999 et son décret d’application n 99-224 du même jour avait procédé à une

première mise à jour du fichier à partir des électeurs qui avaient retiré leurs cartes aux élections législatives

de 1998.

La liste de tous ces électeurs ainsi recensés, devait constituer le noyau dur du fichier, et une période de révision

exceptionnelle des listes électorales était ouverte dans la période du 02 mai 1999 au 30 septembre 1999 (soit une

durée de 05 mois), pour permettre aux électeurs qui ne se trouvaient pas dans le noyau dur, de pouvoir s’inscrire

sur les listes électorales.

Une commission nationale de contrôle et de validation et dix (10) commissions régionales de recensement ont

réalisé ce travail extrêmement important. A l’issue de la clôture des opérations de recensement, de contrôle et de

75
76

validation : un million sept cent quatre-vingt-un mille sept cent soixante et un (1.781.761) électeurs ont été pris

en compte dans le cadre de cette mise à jour, soit une réduction de 42% du fichier électoral des législatives de

1998, dont le nombre des inscrits s’était élevé à trois millions cent soixante-quatre mille huit cent vingt-sept

(3.164.827) électeurs. C’est dire que la loi n°99-75 du 11 mars 1999 et son décret d’application n° 99-224

portant mise à jour du fichier, a permis d’expurger des listes électorales les électeurs qui y figuraient sans que

cette présence ne corresponde à une activité électorale effective, que certains ont qualifié de « stock mort ».47 Il

convient de faire observer que ce corps électoral des législatives de 1998, a été l’un des plus élevés dans

l’histoire des élections au Sénégal.

Il convient de signaler que pour ce travail de première mise à jour du fichier électoral, vingt-sept (27) partis y ont

participé et ont pu traiter 7862 listes de distribution. Il s’agit de : AJ/PADS, PEP, RND, APJ/JEF JEL, PIT,

PLS, BCG, PUR, LD/MPT, FSD/BJ, PRS, MNSM, CDP/GG, PS, MPS, PAES, PNS, MSU, PAI, RDP, UDS/R,

PDS, RTA/S, URD, PDS/R, RPJS, UDF/MBOOLO MI.

4). Après la présidentielle 2000.


Une deuxième mise à jour du fichier électoral.

Après la présidentielle de 2000, une deuxième mise à jour du fichier électoral a été effectuée du 18 septembre

au 18 octobre 2000, sur la base du noyau dur de l’élection présidentielle de l’an 2000. Comme le stipule le

Rapport final de la Commission nationale de recensement 48 instituée par la loi n° 2000-25 du 1 er septembre 2000

47
Certains experts électoraux ont qualifié ce phénomène de « stock dormnt », défini par Ndiaga Sylla comme
les « électeurs qui figurent légalement dans le fichier électoral et ne sont pas en situation d’accomplir leur vote.
On peut classer, dans cette catégorie, les personnes déplacées, les malades ou certains détenus, les électeurs
ayant perdus leurs cartes d’identité ou d’électeur. Ces derniers représentent ce que je qualifie de « stock

dormant ». Voir contribution Un fichier électoral entre stock mort et stock dormant : la pertinence d’une
refonte (par Ndiaga SYLLA)
Voir ma contribution intitulée : « A propos du stock mort : faibles taux de participation aux élections et
fiabilisation du fichier électoral sénégalais », in, LE QUOTIDIEN du 20 juin 2016 ; L’AS du 20 juin 2016.

Rapport final de la Commission nationale de recensement, institué par la loi 2000- 25 du 1er septembre 2000
48

Octobre 2000.

76
77

portant mise à jour des listes électorales et disparités constatées sur le fichier électoral afin de le rendre plus

fiable, un travail extrêmement important a été réalisé en expurgeant des listes les personnes décédées, les

personnes déchues de leur droits civiques, les inscriptions multiples, les personnes sur lesquelles il y avait des

informations erronées sur l’Etat civil, etc…

Grâce à cette seconde mise à jour, les listes électorales ont pu être considérablement épurées et fiabilisées. Cette

opération a permis de recenser sur la base des registres d’émargement, les électeurs ayant au moins voté à l’un

des deux tours de l’élection présidentielle de l’an 2000.

C’est précisément ce noyau dur issu de cette deuxième mise à jour qui a servi de base à la révision

exceptionnelle des listes électorales pour les scrutins postérieurs, à l’élection présidentielle de l’an 2000, à savoir

le Référendum du 07 janvier 2001, les législatives du 29 avril 2001 et les élections locales du 12 mai 2002. Il

convient de retenir que dans le cadre de cette deuxième mise à jour du fichier électoral, trente-deux (32) partis

ont pris part à ce travail. Seize Mille (16 000) registres ont été visités dont 8000 (huit mille) au premier tour et

8000 (huit mille) au second tour. A l’issue de ce travail, un million neuf cents vingt-six mille deux cents quarante

un (1.926.241) électeurs ont été validés et qui se répartissent ainsi : Femmes : 963 673 (soit 50,02%) ; Hommes

962 568 (soit 49,97%)

De l’avis de tous les participants à cette commission, les travaux se sont déroulés dans une excellente ambiance

et dans un climat de confiance mutuelle. La résolution qui a sanctionné la fin des travaux de cette commission et

qui a été adoptée à l’unanimité, est révélatrice à cet égard. : « La Commission nationale s’est déroulée dans une

atmosphère empreinte de confiance mutuelle, de volonté de transparence, d’engagement citoyen …»49.

Les partis suivants ont siégé dans la commission : AJ/PADS ; PLS ; MDS/NJ ; PIT ; PAES ; BCG ; MRS ; APJ/JJ ;

PRS ; CDP/GG ; MSU ; RDP ; PT ; DC ; PAI ; PUR ; FAP ; PPC ; RES/LES VERTS ; FSR/LAABAL ; PAI/M ; PRD ; RND ;

LD/MPT ; PARENA ; PS ; UDF/MB ; MDC ; PDS/R ; PSD/JANT BI ; UPR.

5. L’audit du fichier électoral par le « Front de la Société civile ».

En plus de ces deux mises à jour du fichier, il y a lieu de rappeler l’initiative prise par le Front de la Société

Civile pour un audit du fichier électoral. En effet, suite à la Marche grandiose organisée par le FRTE (Front pour

la Régularité et la Transparence des Elections) à quelques semaines de la présidentielle de l’an 2000 pour exiger
49
Déclaration des partis ayant siégé dans la Commission nationale de recensement, 18 octobre 2000.

77
78

la transparence du scrutin, des organisations de la société civile ont proposé leur médiation aux différentes

parties concernées par ce scrutin présidentiel, en vue de parvenir à des élections apaisées, régulières,

transparentes et démocratiques.

Cette initiative d’audit du fichier, a donné naissance à une Commission ad hoc composée d’experts de la société

civile, du Parti socialiste, de l’Observatoire National des Elections (ONEL) et du FRTE qui regroupait vingt et

un (21) partis de l’opposition : ADN ; LD/MPT ; RND ; AFP ; MSN ; RTA/S ; AJ/PADS ; PARENA ;

UDF/MB ; CDP/GG ; PDS ; URD ; FAR YOON WI ; PIT ; UPAS ; FRAP ; PNS ; FAP ; FSD/BJ ; PRS ; MPS.

Pour une question de neutralité et de transparence, il a été décidé d’un commun accord, que les experts de la

société civile soient les têtes de files de la mission d’Audit, et que le ministère de l’Intérieur mette à la

disposition de la Commission un certain nombre d’outils internes et externes, devant servir de support à l’audit

du fichier. Entre autres outils : le matériel nécessaire sans limitation de capacité mémoire ou de traitement ; le

fichier électoral actuel ; le fichier des listes provisoires ; le fichier du noyau dur ; le fichier des radiés ; le fichier

des cartes nationales d’identité ; le fichier des passeports.

Pour ce qui concerne les fichiers non gérés par le Ministère de l’Intérieur, ce dernier devait les chercher auprès

des institutions concernées. Il s’agit de : fichier des permis de conduire ; fichier des livrets militaires ; fichier des

livrets de pension civile ; fichier des livrets de pension militaire.

Ainsi, les croisements des traitements sur les différents fichiers devraient permettre d’identifier les anomalies et

d’expurger des listes les scories qui en ont altéré la fiabilité. Après plusieurs séances de travail continu dans un

contexte très difficile, les experts ont tenu une conférence de presse le 09/02/2000, pour faire le point de la

situation relative aux difficultés qui se sont dressées sur leur chemin :

« Les problèmes des moyens techniques qui ont entraîné des retards très importants sur les traitements ;

l’indisponibilité de certains fichiers externes (Permis de conduire, Livret militaire, Livret de pension civil ou

militaire) ; l’indisponibilité des documents de transfert officiel et de table des différents codes. »

Aux termes de leurs investigations techniques, du reste, pointues, les experts sont parvenus à une conclusion

provisoire, à savoir qu’à cette étape précise de leur travail, des doutes existaient encore sur la fiabilité totale ou

pas du fichier, et qu’en dépit des efforts énormes fournis par les experts, au regard des délais relativement courts

78
79

d’ici le premier tour de l’élection présidentielle de l’an 2000, « la fiabilité du fichier » n’était pas techniquement

possible d’être établie dans les délais impartis50.

Quatrième partie

ELEMENTS DE REFLEXION SUR LE MODE DE SCRUTIN

I. L’élection présidentielle ou le scrutin majoritaire à deux tours


II. Les élections législatives et locales ou le scrutin mixte
a) Bref rappel historique.
b) Le scrutin Majoritaire Départemental
c) Le scrutin de liste à la Représentation proportionnelle
 Intégrale
 Approchée

III. La répartition des sièges au scrutin majoritaire départemental à un tour


a) Le calcul du quotient national

50
Texte liminaire de la Conférence de presse du 19/02/2000.

79
80

b) La répartition selon le système du plus fort reste


c) La répartition selon le système de la plus forte moyenne

IV. Evolution du nombre de députés de 1963 à 2017

Cinquième partie

Les organismes de contrôle et de supervision du processus électoral.

DE L’OBSERVATOIRE NATIONAL DES ELECTIONS (ONEL) A LA COMMISSION ELECTORALE

NATIONALE AUTONOME (CENA)

80
81

L’observatoire National des Elections (ONEL) est né au lendemain des élections régionales, municipales et rurales

de 1996 qui ont connu de nombreux dysfonctionnement51.

Tous les observateurs ont été unanimes à reconnaître les nombreux manquements et irrégularités qui ont émaillé le

déroulement de ce scrutin. Cette situation a poussé l’opposition de cette époque, regroupée dans le « Collectif des

19 » a préconisé le dessaisissement du ministère de l’Intérieur, de l’organisation matérielle des élections, au profit

d’un organe totalement indépendant de l’Administration dans la conduite, le contrôle et la surveillance du processus

électoral : une Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Cette demande a été rejetée par le parti socialiste et le Gouvernement qui sont en faveur du statu quo, c’est-dire la

gestion des élections par l’Administration.

Le perfectionnement du cadre juridique et institutionnel des élections et une meilleure compréhension des normes et

pratiques électorales par les acteurs du jeu politique ont ainsi permis, avant la présidentielle de 2000, d'avoir pour la

première fois de l'histoire du Sénégal des élections sans contestations majeures. Les élections législatives de mai

1998, pour l'essentiel de la classe politique et pour de nombreux observateurs, se sont bien déroulées globalement,

malgré quelques dysfonctionnements constatés ici et là. 

Ces élections transparentes ont permis l'entrée de 11(onze) partis politiques à l'Assemblée nationale.

Cette situation a balisé le terrain de la présidentielle de 2000 qui s’est tenue donc dans un contexte marqué par la

stabilisation du cadre juridique et institutionnel des élections, la baisse drastique des scores électoraux du P.S.

confronté à l'usure du pouvoir et à une série de dissensions et de départs. 

Comme le fait observer le Rapport de Synthèse de la Commission Cellulaire pour la concertation des partis

politiques :

« Il a été généralement reconnu que les élections régionales, municipales et rurales des 24 et 27 novembre

1996 ont été faussées par des dysfonctionnements dûs à des insuffisances, lacunes, défaillances ou

manquements constatés avant et pendant les opérations électorales »52.

51
Voir le rapport du ministère de l’Intérieur intitulé Mémoire critique sur le déroulement des élections des 24 et 27
novembre 1996, MINT, 1997
52
Evaluation critique du déroulement des élections des 24 et 27 novembre, Commission de Concertation entre les
partis politiques pour la Réforme du Système électoral, projet de synthèse, Mars 1997.
81

82

A la suite d’une correspondance en date du 16 janvier 1997 adressée par « le Collectif des 13 », devenu par la

suite « Collectif des 19 », au Chef de l’Etat sur les défaillances constatées lors des élections locales de 1996, le

président de la République, en réponse au « Collectif des 19 » dans une lettre n°000341/PR/SP du 07 février

1997, informe avoir dépêcher l’Inspection Générale d’Etat pour faire toute la lumière sur ce qui s’est

réellement passé. Et à la question Que faire maintenant ? en guise de conclusion à sa lettre, il répond :

« D’abord, il faut se parler entre partis politiques sans exclusion, donc recourir au dialogue et à la

concertation. Ensuite, il faut rechercher des solutions consensuelles comme nous l’avions fait pour le code

électoral.

C’est la raison pour laquelle, la démarche qui me paraît la meilleure est que tous les partis se retrouvent

autour du Ministre de l’Intérieur, fassent ensemble, dans la confiance mutuelle et de bonne foi, une

évaluation critique du déroulement des élections, situent les insuffisances ou manquements constatés et

proposent, en partant du code électoral et des autres textes pertinents, toutes les mesures nécessaires pour

corriger et améliorer tout ce qui doit l’être.

Ainsi, à la lumière du déroulement des élections tout le processus électoral serait passé à la loupe ; de

l’inscription sur les listes électorales (fichier électoral) jusqu’à la proclamation des résultats définitifs,

avec, à chaque étape, s’il y a lieu, l’adoption des mesures de correction, de sauvegarde et de contrôle

susceptibles de contribuer à l’approfondissement du processus de démocratisation de notre pays.

Un tel travail, fait par l’ensemble des partis politiques, sanctionné par une décision consensuelle, me

semble être une bonne voie pour avoir des élections libres, justes, transparentes et démocratiques.

En procédant ainsi, vous agirez dans le cadre des institutions de la République dont je dois veiller au

respect et au bon fonctionnement, et vous aurez l’accord de tous les partis politiques qu’il faut rechercher

à tout prix pour faciliter l’application de nos décisions politiques ».

Une semaine plus tard, pour dissiper ces divergences, le Président de la République instaure par décret n° 97-146 du

13 février 1997, une Commission cellulaire chargée d’organiser une concertation entre les partis politiques

sénégalais pour évaluer les élections locales des 24 et 27 novembre 1996 et proposer au Président de la République

des mesures consensuelles visant à améliorer le système électoral.  


82

83

Du fait d'une part, des positions irréductibles du « Collectif des 19 » qui veut une C.E.N.I. devant organiser,

superviser, contrôler les élections et en particulier les résultats et, d'autre part, de celles du P.S. qui est en faveur du

maintien du statu quo, c'est-à-dire de la gestion des élections par l'Administration, le Chef de l'Etat, dans son rôle

d’arbitrage, propose l’institution d’ une Direction Générale des Elections (D.G.E.) au sein du Ministère de

l'Intérieur, la création d’ un Observatoire National des Elections (O.N.E.L.) mis en place en année électorale en

charge de la supervision et du contrôle des opérations électorales et référendaires et le Haut Conseil de l'Audiovisuel

(H.C.A.). 

Le décret n° 99-382 du 29 avril 1999 portant nomination des membres de l’Observatoire national

des élections, l'O.N.E.L., chargé de la supervision et du contrôle de l'élection présidentielle de l'an

2000, est composé ainsi qu'il suit : Le Général de Brigade Amadou Abdoulaye Dieng, président ;

Magib Seck, Administrateur civil en retraite. Vice-président : El Hadji Mbodj. Professeur à

l'Université Cheikh-Anta-Diop. Directeur de l'Institut des droits de l'Homme et de la Paix, membre

du Comité sénégalais des Droits de l'Homme, membre : Abdourahmane Dia, Inspecteur général

d'Etat à la retraite, membre : Mamadou Amath, journaliste, membre : Madame Amsatou Sow

Sidibé, professeur à l'UCAD Présidente du Réseau africain des Femmes Travailleurs (RAFET)

membre ; Maitre Bernard Sambou, Huissier de Justice, membre ; Maitre Papa Sambaré Diop,

Notaire, membre : Maître Ousmane Séye, avocat, Vice-président de l'Organisation nationale des

Droits de l'Homme (O.N.D.H.), membre. 

Présidée par Monsieur Ibou DIAITE, vice-président du Conseil Constitutionnel, et comprenant, en outre les

professeurs d’Université, Moustapha SOURANG, El Hadj MBODJ, Babacar KANTE ainsi que Monsieur Magib

SECK, ancien Directeur des Collectivités Locales, la Commission Cellulaire, aux termes des dispositions de l’article

3 dudit décret, a pour objet de :


83

84

« - procéder à l’évaluation objective du déroulement des élections du 24 novembre 1996, de l’inscription

sur les listes électorales à a proclamation des résultats définitifs ;

-situer les insuffisances ou manquements constatés dans l’organisation des scrutins ;

-Proposer sur la base du Code électoral et de tout autre texte pertinent, dans le cadre des Institutions de la

République, toutes les mesures d sauvegarde, de contrôle et de correction nécessaires »

Dénommée Commission d’Evaluation des Elections et de Réforme du Système Electoral, cette dernière avait

pour mission essentielle de situer la source des dysfonctionnements constatés afin de « corriger tout ce qui

peut et doit l’être ».

C’est dire que la réponse institutionnelle aux défaillances dans l’organisation et le déroulement des élections

locales de 1996, fut la mise sur pied d’un organe original de contrôle et de supervision des élections (ONEL).

Avant d’aborder dans les détails le contenu de l’ONEL, il faut préciser que l’opposition regroupée dans le

« Collectif des 19 » et le Parti Socialiste au pouvoir se sont livrés à une bataille épique lors des concertations

dans le cadre de la Commission d’Evaluation des Elections et de Réforme du Système Electoral.

Pour avoir eu le privilège de participer à cette concertation en tant que jeune plénipotentiaire de l’opposition

de l’époque, les échos de ces discussions à l’Assemblée nationale résonnent encore dans mes oreilles comme

si c’était hier, et je mesure à je mesure à quel point, les débats avaient beaucoup de hauteur, de profondeur, et

de perspicacité. Chaque camp défendait ses positions, certes avec passion, mais toujours dans le respect de

l’autre, selon les règles de convenance républicaines, en ne cherchant à faire triompher que la force des

arguments et non l’argument de la force.

Voici in extenso, la Déclaration liminaire du « Collectif des 19 », lue par son coordonnateur, le Pr Iba Der

Thiam , ex Secrétaire général de la CDP/Garab-Gi :

« Si le collectif des 19 Partis politiques réunis pour obtenir la création, dans notre pays, d’une

Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI) a tenu à faire cette déclaration à l’ouverture de

nos travaux, c’est essentiellement pour marquer la claire conscience qu’il a des raisons pour lesquelles

nous sommes aujourd’hui rassemblés.

Il s’agit, au lendemain de la mascarade électorale des 24, 25 et 27 novembre 1996, de donner désormais,

au peuple sénégalais, à l’issue de nos discussions, toutes les garanties d’une expression juste, sincère,
84

85

transparente, libre et démocratique de sa volonté à l’occasion des consultations électorales futures qui

seront organisées dans notre pays.

Si l’événement immédiat qui nous vaut d’être rassemblés en ce lieu aura marqué l’histoire électorale de

notre pays de façon particulièrement négative, c’est parce que, jamais, de mémoire de Sénégalais, on n’a

assisté à des consultations organisées avec autant de désordres, de sabotages, de fraudes perpétrés de

manière consciente et délibérée, dans le mépris le plus total des principes les plus élémentaires de la

démocratie.

Ce qui s’est passé a, au demeurant, été d’une gravité telle que le Président de la République, dans son

message de nouvel an à la nation, a cru devoir en faire état et conclure avec nous, mais aussi avec les

hommes épris de justice, de liberté et de démocratie : « Plus jamais cela ! ».

Nous le disons nettement. Sans la maturité et l’esprit de responsabilité de nos partis qui en ont été les

victimes, le pire était à craindre.

Les lendemains post-électoraux, comme à l’accoutumée, auraient été l’occasion de manifestations

enfiévrées tant il est prouvé que les frustrations politiques trouvent presque toujours refuge dans la

violence.

Pourtant, le Sénégal a été, de toutes les ex-colonies françaises au Sud du Sahara, l’une de celles qui

peuvent se targuer d’avoir mis au point, dès l’époque précoloniale, des mécanismes de choix de ses

dirigeants qui sont la preuve – quelles que soient les limites que l’on peut invoquer – d’un humanisme élevé

et d’une sensibilité démocratique fortement enracinée dans les mœurs, les valeurs et les consciences.

Pendant la domination coloniale, notre pays a gardé pour l’essentiel ses traditions dans les espaces

limitées où pouvait s’exprimer sa participation à la gestion des affaires de la collectivité. C’est ainsi que de

1835 à 1960, à part les courts intermèdes de 1852 à 1870, de 1876 à 1879, du Gouvernement de Vichy, les

ressortissants des quatre (04) communes ont participé à des dizaines de consultations électorales au cours

desquelles, une culture démocratique, certes imparfaite mais réelle, a pu prendre souche, s’exprimer et se

consolider avec une constance qui ne s’est jamais démentie.

Même si, pendant cette période, l’Administration n’a pas toujours été neutre, nombreux furent les cas où le

réflexe républicain de ceux qui en étaient les agents a pris le dessus sur les préférences partisanes.
85

86

Quant à la Magistrature, quoiqu’ayant pour finalité ultime la préservation de l’ordre colonial, de ses

valeurs et de sa permanence, elle a eu, en de nombreuses circonstances, à refuser d’être au service exclusif

d’intérêts étroitement partisans.

Partant de l’héritage que voilà, le Sénégal, Mesdames et Messieurs, avait tout pour représenter en Afrique

le modèle le plus avancé d’une démocratie pluraliste, laïque, républicaine, loyale et sereine, respectueuse

des droits de la personne humaine, une démocratie faisant de la transparence en matière électorale son

éthique et sa loi, pour tout dire, son credo majeur.

Or, depuis l’indépendance, le régime mis en place a systématiquement tourné le dos à ce capital

irremplaçable que nos ancêtres, au prix de sacrifices incalculables, ont constitué par sédimentations

successives, au cours d’une histoire à laquelle ils ont payé un tribut particulièrement lourd.

Nous le disons sans ambages ! Aucune élection, de 1960 à nos jours, ne s’est déroulée dans ce pays sans

que le Parti au pouvoir et l’Administration à sa dévotion, n’en aient faussé le sens. Pour ne citer que

quelques exemples : Samba DIOP, Cheikh Tidiane SY, Cheikh Anta DIOP, Abdoulaye WADE et plus

récemment d’autres leaders et partis en ont fait largement les frais.

La conséquence la plus nette de cette situation choquante et révoltante à la fois est que tous nos frères et

sœurs africains qui vivaient, il y a à peine quelques années dans le corset étouffant des Partis uniques, se

gaussent aujourd’hui de notre pays devenu, par la faute de ceux qui nous gouvernent, le laboratoire le plus

performant en matière de fraudes électorales et de perversion des mœurs démocratiques. Dans notre

propre sous-région, le leader que nous fûmes hier est aujourd’hui devenu la lanterne rouge au hit-parade

des nations engagées dans un processus d’édification démocratique.

Et, parce que précisément la mascarade électorale des 24, 25 et 27 novembre 1996 donne raison à ceux qui

voient dans le Sénégal un contre-modèle en matière de démocratie, nous proclamons solennellement, avec

toute la foi et la conviction dont nous sommes capables, notre ferme détermination à faire en sorte que

cette tâche noire de notre histoire politique ne se reproduise plus jamais.

Car, qu’on le veuille ou non, si la justice a décidé de fermer le contentieux judiciaire, le contentieux

politique demeure. Au surplus, ce contentieux sera permanent aussi longtemps que les élections seront

placées sous l’autorité d’une Administration téléguidée par des intérêts partisans.
86

87

Qu’on nous comprenne bien. Il ne s’agit pas de jeter l’anathème sur une structure ou un corps – qu’il

s’agisse de celui de l’Administration territoriale, ou de celui de la Magistrature – où se rencontrent et

comme partout ailleurs, des fonctionnaires sérieux et patriotes ou d’une parfaite intégrité. Mais,

l’instrument ne valant que par l’habileté de la main qui le manie, il s’agit, bien au contraire, de les

soustraire à tous ceux qui veulent peser sur leur conscience et leur décision afin de les mettre au service

exclusif de leurs seules ambitions. Il s’agit de les protéger pour sauver la République et ses servants de la

dérive dangereuse qui menace leur existence, leur dignité et leur crédibilité.

C’est en partant de ces prémisses que nos 19 Partis ont décidé de lutter de toute leurs forces, sans accepter

le moindre compromis sur ce point, de la mise en place d’une structure indépendante de supervision, de

régularisation, d’organisation et de contrôle des élections, à l’image de ce qui se fait aussi bien dans les

pays de vieille démocratie comme les Etats-Unis, le Canada, l’Inde, le Pakistan, etc. qu’en Afrique. Faut-il

rappeler ici que ce sont les mêmes principes qui viennent d’être rappelés, non seulement par

l’Internationale Socialiste, mais aussi, par la réunion des cinquante (50) pays du Commonwealth qui vient

de se dérouler à Gaborone, au Botswana.

Notre conviction inébranlable est qu’il y a là le moyen le plus efficace d’éviter des contestations post-

électorales, d’asseoir la stabilité et la paix civile, d’écarter les troubles et la violence, de promouvoir le

travail et le développement.

On ne peut que s’étonner légitimement qu’une ambition aussi grande, aussi noble, aussi juste, aussi

généreuse pour notre pays puisse être sérieusement contestée par un seul esprit soucieux d’équité, de

transparence, de progrès et de concorde nationale.

Mesdames et Messieurs,

Dans trois (03) ans, notre pays va entrer dans le XXème siècle dont les conjoncturistes disent à l’unisson

qu’il sera celui des droits humains et de la marginalisation des pays et des peuples absents à ce rendez-

vous.

Notre passé politique qui a valu à certains de nos ancêtres la citoyenneté depuis le XIXème siècle nous fait

l’obligation impérieuse de récupérer et, pourquoi pas de dépasser le legs de notre prestigieuse histoire.
87

88

Si nous faisons aujourd’hui de la Commission Electorale Nationale indépendante (CENI) une exigence

incontournable, et en tant que telle, non négociable, c’est parce que l’idée d’un arbitrage totalement

indépendant en matière électorale est arrivée à maturité. C’est ce message là que nos récentes tournées

chez les guides spirituels et dans les milieux populaires de notre pays ont révélé aux plus sceptiques.

Ici, une clarification s’impose ! Lorsque nous disons que la CENI n’est pas négociable, nous ne cherchons

nullement à faire preuve de rigidité cassante ou d’extrémisme belliqueux. Nous affirmons tout simplement

notre conviction profonde que la survie de la démocratie dans notre pays, celle de la promotion de la

stabilité et de la paix civile, sont inséparables d’une telle structure. Elle seule, alliée à la lutte quotidienne

de notre peuple, peut empêcher que ne s’instaure la dictature hideuse d’un régime absolu et éternel.

Comment peut-on s’opposer à l’avènement d’un outil aussi pertinent de transparence ?

Comment peut-on écarter la construction d’un processus d’équité, sans reconnaître la part décisive qu’on

a prise dans la situation qui justifie nos assises ?

Comment enfin, peut-on, sans sombrer dans une incohérence insoutenable, se prévaloir d’une majorité

absolue et incontestable et refuser, dans le même mouvement, le seul moyen fiable, crédible et honnête,

susceptible d’en administrer la preuve de manière lumineuse ?

La haute responsabilité que nous avons solidairement vis-à-vis de notre peuple dont nous sommes

aujourd’hui la conscience et la voix, en découle.

Nous n’avons pas le droit de décevoir ses attentes sous peine d’être sévèrement jugés par l’Histoire.

Voilà pourquoi, nous ne pouvons pas ne pas aller jusqu’au bout de la mission sacrée qui nous est confiée :

celle de traduire, dans les faits, l’expression non altérée de sa volonté.

Il n’est pas légitime de conclure tant il reste des choses à dire.

Le Collectif des 19 Partis s’engage solennellement à tout faire dans les limites qu’il vient de tracer pour

faciliter le travail de la Commission Cellulaire. Nous proclamons hautement notre disponibilité et notre

esprit d’ouverture à l’endroit de tout ce qui nous permettra d’avancer dans cette direction.

Nous avons le droit et même le devoir d’être audacieux et exigeants tant notre ambition est grande pour

notre peuple et notre pays.


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89

Le décret qui nous vaut d’être ici ne nous fixe, Dieu merci, aucune limite dans ce domaine. Il ouvre le

champ de tous les possibles, tout autant que notre Constitution et nos règlements ne nous imposent, eux non

plus, aucune restriction. L’impératif démocratique mérite que soient explorés des itinéraires nouveaux.

Nous avons les moyens de le faire. Nous devons en avoir la volonté.

C’est pourquoi, nous demandons aux représentants de tous les Partis de se comporter en partenaires

loyaux en prenant l’exacte mesure de cette exigence du peuple sénégalais ainsi que de notre détermination

à nous mettre à son service exclusif »53

Nous livrons in extenso, le contenu de la Déclaration liminaire présentée par Monsieur Mamadou DIOP et

Maître Mbaye Jacques DIOP, au nom du Parti socialiste, lors de la cérémonie officielle d’ouverture des

concertations :

« Permettez-moi, tout d’abord, de saluer l’événement qui nous réunit aujourd’hui, à l’initiative du

Président de la République et qui, à mes yeux, est une preuve encore une de la vitalité de notre système

démocratique commun. Nous sommes conviés, aux termes du décret présidentiel n°97-146 du 13 Février

1997, à nous concerter, entre partis politiques, et sous l’égide de votre honorable commission, Monsieur le

Président, sur le devenir de nos lois communes en matière électorale alors qu’ici et là, sur ce continent

d’Afrique meurtri, les hordes de réfugiés, l’insécurité, les guerres et la famine constituent l’image

quotidienne, en voie de banalisation que des observateurs venus d’ailleurs voudraient donner de nous – à

la face du monde.

Notre concertation n’aura de sens et de portée que si nous sommes capables de trouver en nous-mêmes, et

dans cette conjoncture, les forces nécessaires qui nous permettront de refuser cette image accablante que

l’on nous tend, comme miroir de notre réalité, que d’aucuns pensent définitive.

Si l’exception sénégalaise, dont parle si souvent le Président Abdou DIOUF, en mobilisant les énergies

nationales autour de ce qui nous distingue et fait notre spécificité, à bien un objet, il nous appartient de

tous, ici et maintenant, responsables de partis politiques, Parti Socialiste et Partis d’opposition confondus,

de le mettre en évidence, de lui donner corps et âme, comme nous avons pu le faire dans un passé récent à

Déclaration du Professeur Iba Der THIAM, au nom du Collectif des 19 Partis à la séance d’ouverture de la
53

Concertation des partis politiques, lundi 17 mars 1997, Assemblée Nationale.


89

90

propos du Code électoral et comme nos illustres devanciers sur la scène politique n’ont jamais cessé d’en

administrer la preuve, tout au long de notre histoire. Bref, nous sommes sommés, par nos antécédents

historiques et par l’ambition que nous nourrissons, les uns et les autres, pour cette terre d’Afrique que nous

avons en commun, de réussir l’exercice auquel nous a conviés le Président Abdou DIOUF.

Les Sénégalais, nos compatriotes, nous regardent et attendent de leur classe politique une attitude digne

des objectifs qu’ils se sont librement donnés.

Monsieur le Président,

La Parti Socialiste a une trop haute conscience des missions que lui assigne l’histoire, pour aborder la

concertation à laquelle vous nous conviez, dans le cadre des institutions de la République et dans le respect

des lois et règlements en vigueur, autrement que dans l’estime de ses partenaires ici présents, et dans la

volonté d’aboutir, avec eux, à un consensus qui tranche l’éternelle pomme de discorde post-électorale

sénégalaise, que certains acteurs politiques s’ingénient à présenter, un peu rapidement, comme des

insuffisances de notre démocratie. S’il nous arrive, en cours de discussions, de faire preuve de fermeté dans

nos positions, nous le ferons avec la courtoisie qui sied à un moment aussi exceptionnel dans la vie de

notre nation et parce que, pour paraphraser un des illustres fondateurs de notre Parti, j’ai cité le Président

Lamine GUEYE, nous aimons la démocratie qui se confond avec les couleurs de notre pays, d’un amour

qui nous arrache des larmes.

Notre passé démocratique plaide pour nous. Nous aurons, cependant, le souci en dignes héritiers, de nos

belles traditions en la matière de continuer et d’approfondir le sillon hors duquel l’esprit de liberté si cher

à nos compatriotes s’étiolerait.

Nous serons donc attentifs aux idées émises et même aux impatiences exprimées, pour peu qu’elles

respectent l’ordonnancement juridique de notre pays, arraché de haute lutte mais toujours recommencé.

Ainsi en va-t-il des grandes causes.

Notre conviction profonde est que nous sommes nombreux, aujourd’hui, autour de cette table, à accorder

foi aux vertus de la démocratie parlementaire et à l’Etat de droit. Si cela est nécessaire comme base de

départ de nos discussions, il est évident que nous ne pouvons-nous contenter de cette seule pétition de

principes au stade actuel d’avancement de notre système démocratique.


90

91

Fort heureusement, nous ne sommes pas à court de solution pour remédier aux maux que j’évoquais tantôt

et qui, s’ils n’entament ni notre volonté démocratique ni la vitalité du système mis en place, bien souvent au

détriment de nos propres intérêts de Parti, n’en jettent pas moins, dans certains secteurs de l’opinion, et

sur l’une et sur l’autre, une ombre de doute et de suspicion. Voilà pourquoi, Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs, nous aborderons cette concertation avec sérénité et dans un esprit d’ouverture et

de dialogue que nous souhaiterions trouver, à l’identique, chez nos partenaires.

En vérité, il nous est demandé selon les termes du 1er alinéa de l’article 3 du décret pertinent :

 « de procéder à l’évaluation objective du déroulement des élections du

24 novembre 1996, de l’inscription sur les listes électorales à la

proclamation des résultats définitifs ;

 de situer les insuffisances ou manquements constatés dans

l’organisation du scrutin ;

 de proposer sur la base du code électoral et de tout autre texte

pertinent dans le cadre institutionnel de la République, toutes les

mesures de sauvegarde, de contrôle et de correction nécessaires ».

Si nous avons une claire conscience du fait que plusieurs solutions peuvent surgir de cette problématique, il

reste, qu’entre toutes, celle qui se dessine dans le respect de la Constitution, des lois et règlements en

vigueur, des institutions de la République et des normes internationales en matière électorales, emporte

notre préférence. En effet, l’examen minutieux auquel nous avons soumis les solutions alternatives qui font

florès, en ce moment, ne laisse de nous inquiéter par rapport au respect inviolable des textes juridiques que

nous nous sommes consensuellement donnés.

En vérité encore, ce qui fait problème, ce sont moins les textes et leur architecture, même si quelques

retouches semblent nécessaires, aux yeux de tous, à l’épreuve des faits et du temps, que la pratique qui en

est faite. S’il en est ainsi, je puis vous assurer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, que vous

nous trouverez dans les meilleures dispositions d’esprit, pour procéder à une discussion séquentielle et

exhaustive du code électoral et de tout autre texte pertinent, afin de trouver, avec vous, je le répète, « toutes

les mesures de sauvegarde, de contrôle et de correction nécessaires ».


91

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Nous ne tenons aucune question pour « incontournable », nous ne considérons aucune proposition comme

« non négociable » : nous avons simplement l’ambition, avec tous, de « fonder l’avenir » en créant si

possible, les conditions d’une contestation -zéro- à l’issue des consultations futures.

A défaut, nous permettra-t-on, alors de rêver à la mise sur pied, avec tous, d’un système électoral

suffisamment fiable et transparent pour que nos lendemains électoraux renvoient de notre pays une image

plus belle à voir ? Acceptons-nous ensemble, au-delà de la faculté donnée par la loi, de faire en sorte que

le processus électoral soit plus accessible à tous les partis en lice, quels que soient leur taille et leurs

moyens, pour une expression toujours améliorée du suffrage de nos concitoyens ? Sommes-nous prêts, les

uns et les autres, à l’ère du village planétaire, d’ouvrir notre dossier électoral à nos amis communs, d’ici et

d’ailleurs, afin que nul n’en ignore de nos procédures électorales ?

Si la République est le meilleur lien que l’on puisse imaginer entre nous, sommes-nous disposés à respecter

ses lois et ses traditions afin que la proposition finale à laquelle nous aboutirons, à l’issue de nos travaux,

soit respectueuse du génie de notre peuple et des capacités autonomes de réflexion de ses dirigeants

actuels ?

Il s’agit là, Monsieur le Président, de quelques pistes de réflexion, mais d’autres encore pourraient surgir

au cours des discussions, sur lesquelles nous aimerions rencontrer les autres représentants de Partis pour

cheminer ensemble vers des rivages électoraux et post-électoraux, plus calmes et plus sereins. La

démocratie ne fonctionne véritablement, et ne devient adulte, que lorsqu’elle se banalise, progressivement,

dans un processus électoral sans contestations sérieuses, parce que fiable et transparent ».

Ainsi, comme on le constate, lors de cette concertation, deux positions tranchées, s’étaient dégagées très

nettement. Celle du « Collectif des 19 » qui exigeait « une CENI, rien que la CENI, toute la CENI » et celle du

PS qui était absolument hostile à toute idée de CENI.

Si nous avons livré in extenso, les Déclarations liminaires des deux délégations qui se faisaient face, c’est pour

montrer qu’entre l’opposition et le pouvoir à l’époque, les positions des uns et des autres, pouvaient être

serrées voire tendues, sans aucune compromission entre les deux parties, mais les acteurs se respectaient et

acceptaient de se parler, certes avec passion souvent, mais de façon argumentée et sincères dans leurs

convictions. Malheureusement aujourdhui, on constate très souvent du côté d’une certaine frange de
92

93

l’opposition un refus de dialoguer lorsqu’on les invite à la table de discussion, des invectives et des attitudes

de défiance, des menaces de boycott des discussions autour de la table des concertations, c’est-à-dire un refus

catégorique de dialogue et de politique de la chaise vide. Depuis l’accession du président Macky Sall à la

magistrature suprême en 2012, c’est cette attitude constante de négation dont l’opposition semble avoir fait

son crédo et sa ligne de conduite.

Certes, l’opposition ne forme pas un bloc homogène, par conséquent, on ne doit pas généraliser, mais très

souvent il y a la frange dite la « plus significative » de l’opposition qui adopte cette attitude. Plusieurs cas

d’illustration de ce comportement peuvent être cités sous le magistère du Président Sall.

Pour en revenir à notre propos, disons que c’est en l’absence d’un compromis entre des deux positions très

tranchées entre le pouvoir et l’opposition à l’époque, qu’un clash est intervenu et la concertation n’a pu

aboutir jusqu’à son terme. Les acteurs politiques se sont séparés sur une note de divergence.

Le Président de la République fut alors saisi pour arbitrage, suite aux désaccords entre le pouvoir et

l’opposition.

C’est ainsi que naquit l’ONEL, fruit d’un compromis entre deux positions très tranchées à l’époque : celle de

l’opposition regroupée dans le « collectif des 19 » et celle du Parti Socialiste au pouvoir.

C’est donc sur la base de ses prérogatives constitutionnelles que le Président Abdou DIOUF a tranché le débat

en proposant un organisme de compromis, chargé de la supervision et du contrôle du processus électoral.

Comme le fait observer le Cadre Permanent de Concertation (CPC), « Le Chef de l’Etat, pris alors le relais

et, dans son rôle d’arbitre, mena de larges consultations avec les acteurs politiques. Les consultations

débouchèrent sur le compromis dynamique que fut la création de l’ONEL en lieu et place de la CENI

revendiquée par les uns ou du statut quo que préconisé par les autres 54».

Dans ce contexte de tension et de défiance entre l’opposition et le pouvoir, de doute sur la fiabilité du processus

électoral, d’appels répétés de Me Abdoulaye Wade à l’armée en cas de confiscation de sa victoire par le camp

présidentiel et d’appels à la paix et au calme par les autorités religieuses et coutumières, que le Président Abdou

Diouf fait une déclaration d'apaisement lors du Conseil des ministres du 19 octobre 1999 dont la teneur suit :

54
Note d’audience des leaders des partis du Cadre Permanent de Concertation de l’Opposition (CPC) avec Monsieur
le Président de la République, Dakar, Lundi 10 mai 2004.
93

94

« Comme chacun le sait, des élections présidentielles seront organisées dans notre pays au mois

de février 2000. Je tiens aujourd'hui, en ma qualité de chef de l’Etat à réaffirmer fortement et

solennellement mon attachement à la tenue d'élections transparentes, justes, loyales et

pacifiques.

Pour ma part, je ne ménagerai aucun effort pour atteindre cet objectif. Je veillerai

personnellement à ce que toutes les conditions soient réunies pour que notre peuple puisse

exprimer son choix en toute liberté et en toute sérénité. Conformément aux devoirs de ma charge

de Président de la République, je serai le gardien vigilant de la Constitution, de la démocratie et de

l'État de droit.

Mais je voudrais également lancer un appel pour que tous les acteurs du processus électoral – les

partis politiques, le pouvoir judiciaire, le gouvernement, l'administration, l'O.N.E.L. ou encore les

médias – apportent leur contribution à la réussite de ces élections. Tous, à leur place

respective, ont un rôle à jouer. Chacun doit se poser en son for intérieur la question suivante :

Que puis-je faire, personnellement, pour que ces élections se déroulent dans la sérénité ?

Les partis politiques, d’abord, sont les premiers concernés puisque la Constitution leur donne

pour mission de contribuer à l’expression du suffrage. L 'apaisement de notre démocratie, que

j’appelle de mes vœux, relève en grande partie de leur responsabilité. J’en appelle donc à leur

conscience et à leur civisme pour que, dans l’intérêt supérieur du pays, ils favorisent, lors de ces

élections, l’émergence d’un débat serein et responsable.

Je demande également au gouvernement dans son ensemble de contribuer à cet objectif en faisant

preuve à tout moment d’esprit d’ouverture, de dialogue, de tolérance. Je souhaite que les

ministres, qui représentent l’Etat, évitent soigneusement toute polémique et tout excès de langage.

Le ministre de l'Intérieur doit, pour sa part, par le biais de la Direction générale des élections,

prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer une bonne organisation matérielle de ces

élections. D'une manière générale, l’administration devra scrupuleusement respecter le principe

de neutralité qui fonde le service public. Je sais également que l’ONEL assumera sa noble tâche de
94

95

contrôle et de supervision avec intégrité et droiture en se tenant à égale distance des partis. Je

souhaite que l’administration et le gouvernement mettent à sa disposition tous les moyens et les

informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Je demande aux ministres concernés

d'examiner avec soin et de donner suite à toutes ses recommandations.

Le pouvoir judiciaire, ensuite, doit veiller en toute indépendance et impartialité au respect de la

légalité. Le Code électoral a prévu des procédures et des règles de droit sur lesquelles repose notre

démocratie. Le juge doit les faire respecter avec fermeté par tous les acteurs du processus

électoral.

Enfin, le rôle des médias est irremplaçable. Leur liberté et leur indépendance permettent de

participer à la transparence des élections. Par leur sens des responsabilités et de la mesure, ils

peuvent également contribuer à ce que celles-ci se déroulent dans le calme et la sérénité. Ainsi

grâce à la participation et à la bonne volonté de tous les acteurs, je suis convaincu que le Sénégal

saura organiser des élections transparentes, justes, loyales et pacifiques, tant il est vrai que, dans

un pays libre, nous sommes, tous, les gardiens de la démocratie » 55

ONEL : POUVOIRS, PREROGATIVES ET LIMITES

La finalité de l’ONEL est de faire respecter la loi électorale afin d’assurer la sincérité, la régularité et la

transparence des élections en garantissant aux électeurs et aux candidats en lice le libre exercice de leurs

droits.

La mission essentielle de l’ONEL est de superviser et de contrôler le processus électoral. Cette mission de

contrôle est une donne transversale dont l’ONEL n’a pas la seule prérogative. Les partis et les instances

juridictionnelles partagent aussi avec elle, cette mission. La Cour d’appel chargée elle aussi de veiller à la

régularité et la sincérité du scrutin, exerce une mission de contrôle, de gestion des contentieux et de

proclamation définitive des résultats des scrutins. L’ONEL n’a ni le monopole, ni l’exclusivité du contrôle

55
 Cité par M. S. Diop, Les élections Présidentielles de l'an 2000 au Sénégal/Carnet de bord (inédit), p. 35. 
95

96

qu’il effectue. Ses compétences ne sont pas des compétences de principes, mais plutôt des compétences

d’attribution. C’est dire que l’ONEL, n’a pas une compétence générale sur les actes et opérations relatives aux

élections. Il n’a pas de pouvoir d’organisation matérielle, il ne détermine pas les normes électorales et elle n’a

pas compétence de proclamation et de règlement du contentieux des élections.

De par sa nature juridique l’ONEL est une structure indépendante composée de neuf (09) membres nommés

par décret sans consultations des partis. En revanche, des consultations sont menées auprès d’organismes et

institutions chargés de faire des propositions de membres pour l’équipe de l’ONEL. Les critères retenus pour

cela sont entre autres : l’honnêteté intellectuelle, la neutralité, l’impartialité et l’intégrité morale

L’ONEL, est garante de la légalité électorale mais elle est non permanente. En année électorale il doit être mis

en place dès le début du processus électoral, mais la durée de son mandat s’arrête dès que prend fin la

consultation électorale. Les membres de l’ONEL ont bénéficié d’un régime juridique qui garantit leur

indépendance. Ils ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés détenus ou jugés pour des opinions émises

dans le cadre de l’exercice de leur fonction.

L’Observatoire national des élections a un pouvoir de saisine très large. Il exerce ses fonctions soit sur sa

propre initiative, soit sur celles des partis en compétition, soit sur celles des candidats ou des électeurs. La loi,

cependant, lui confère le droit de veiller à ce que la loi électorale soit appliquée aussi bien par les partis, les

autorités administratives, les candidats et les électeurs. C’est dire que sa compétence de gardien de la légalité

électorale s’applique à tous les acteurs du jeu électoral. L’article 6 du Code électoral lui donne compétence de

saisir les autorités administratives ou judiciaires des remarques et récriminations formulées par les acteurs

politiques afin que les redressements nécessaires soient apportés à tout manquement à la loi électorale.

Parallèlement à ces compétences que l’on peut qualifier de préventives, l’ONEL a aussi l’obligation d’agir en

cas d’atteinte à la loi électorale.

Il convient de retenir que l’ONEL avait aussi une mission d’information et d’accès à tous les médias publics,

et pouvait s’adresser à l’opinion publique par tout moyen pour l’informer sur ses activités et ses décisions,

conformément à l’article 17 de la loi n°97-15 du 08 février 1997. Toutefois, il communique avec l’opinion : il

n’avait pas le droit de publier son rapport.


96

97

Enfin, l’ONEL avait un pouvoir d’investigation. Il avait accès à toutes les sources d’information. Les autorités

exécutives locales, l’administration territoriale, les présidents des bureaux de vote étaient dans l’obligation de

lui fournir toutes les informations et de lui communiquer tous les documents qui étaient nécessaires à

l’accomplissement de sa mission. Les mêmes prérogatives sont reconnues à ses démembrements structures,

mais aussi aux délégués désignés par le président de l’ONEL, le jour du scrutin et qui pouvaient faire des

contrôles inopinés sur pièce et sur place.

En conclusion, on peut affirmer que l’ONEL, s’est acquitté de la mission pour laquelle il a été institué. Il a

contribué à l’apaisement du climat politique, à la dissipation des suspicions sur le fichier électoral et à le

rendre relativement plus accessible. Il a pu obtenir l’installation d’un terminal informel permettant de le

consulter à temps réel à partir d’un siège. L’ONEL a pu codifier un certain nombre de manquements et de

dysfonctionnements qui portaient un lourd préjudice au bon fonctionnement du processus électoral. C’est ainsi

que le Conseil constitutionnel a reconnu, le 31 décembre 1998, qu’il a pu obtenir des procès-verbaux fiables

grâce à la diligence de l’ONEL.

Toutefois, comme toute œuvre humaine, l’ONEL montre ses limites objectives liées à un certain nombre de

facteurs qui hypothéquaient l’accomplissement plein et entier de ses missions.56 D’où de volonté exprimée par

les acteurs du jeu politique de la nécessité de disposer d’un autre organisme qui tout en capitalisant les acquis

de l’ONEL, disposera de plus de pouvoir, de prérogatives et de moyens pour bien mener et conduire les

missions qui les sont assignées fin de rendre notre système électoral sans cesse plus performant. C’est ainsi

qu’au sein de la classe politique, un consensus s’est dégagé sur le profil d’une commission électorale

nationale autonome dont les caractéristiques feront d’elle un véritable « arbitre central » et non un « arbitre

de touche. »

Examinons à présent, le contenu de la CENA.

COMMISSION ELECTORALE NATIONALE AUTONOME (CENA)

56
Pour la présentation des grandes lignes de l’ONEL, voir l’étude intéressante du professeur Mouhamed FALL,
enseignant à l’UCAD et membre de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA).
97

98

A la veille des élections régionales, municipales et rurales de mai 2002, le Conseil des Ministres qui s’est tenu le 14

février 2002, a pris la décision à travers le projet de loi n°13/2002 modifiant le Code électoral, de remplacer l’ONEL

(Observatoire National des Elections) par un organe dénommé Commission Electorale Nationale Autonome

(CENA). Les contours de cette CENA tels qu’ils résultent du décret de présentation n°2002-217 du 04 mars 2002,

révèlent une version plus ou moins améliorée de l’ONEL, car, à l’instar de celle-ci, la CENA n’a pas pour mission

essentielle d’organiser les élections, comme ce fut le cas pour les Commissions Electorales Nationales

Indépendantes (CENI) expérimentées dans de nombreux pays africains dans les années 1990, à la faveur du vent de

démocratisation qui a soufflé sur le continent.

Comme l’ONEL, dont la mission s’exerçait à côté de celle de la Cour d’Appel, la CENA est chargée de veiller à la

pluralité et la sincérité des scrutins. La CENA est un organe de contrôle et de supervision des élections.

Cette CENA devait être composée de neuf (09) membres dont le 1/3 serait nommé par le Président de la République.

Les six (06) autres membres restant étaient répartis entre le Président de l’Assemblée Nationale et le Premier

Ministre à raison de trois (03) membres pour chacun d’eux.

Mais ce projet a été vite abandonné à la suite d’une revendication d’une CENI par l’opposition regroupée au sein du

CPC créé en mai 2001, soit deux (02) mois après la sortie de l’AFP du gouvernement.

Il a fallu attendre le 10 mai 2004, pour voir ressurgir la question de la CENA. En effet, au cours de l’audience

que le chef de l’Etat a accordée aux leaders du CPC, deux décisions importantes étaient annoncées : d’une

part, un accord pour une refonte partielle du fichier à partir du noyau de l’an 2000, et, d’autre part, un accord

sur le principe de création d’une CENA.

En juin 2004, fut signé le décret n°2004-673 du 02 juin 2004 portant création d’une commission chargée de

faire des propositions pour l’institution d’une CENA, selon les termes de ce décret, chaque parti devait être

représenté par un seul expert titulaire.

Le 09 juin 2004, le ministre de l’intérieur par lettre n°007589 MINT/DFC, adressa aux partis une

correspondance leur demandant de désigner un représentant aux travaux de la CENA. La nomination du

président de la Commission chargée de faire des propositions pour l’institution d’une CENA, le professeur

Babacar GUEYE, a été décidée par le décret n°2004-1379 du 29 octobre 2004. Le lundi 22 novembre 2004, le

président de la Commission chargée de faire des propositions par l’institution d’une CENA, adressa une
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99

correspondance invitant les partis à une rencontre sur l’organisation des modalités de travail de la Commission

dont il a la charge.

Une semaine plus tard, le 29 novembre 2004 précisément, démarrèrent à l’Ecole Nationale de Police, les

concertations entre l’équipe du professeur Babacar GUEYE et les partis. L’ordre du jour de cette rencontre

portait sur, d’une part, l’adoption d’une méthodologie et des procédures de travail, et d’autre part, sur

l’élaboration d’un calendrier de rencontres qui devaient s’étaler du 29/11/2004 au 27/01/2005. Cinquante-deux

(52) partis avaient pris part à ces concertations.

Après deux (02) mois de travaux, la Commission chargée de faire des propositions pour l’institution d’une

CENA, déposa ses conclusions auprès du Président de la République, le mardi 08 février 2005, au cours d’une

cérémonie solennelle à laquelle ont pris part, outre des membres du gouvernement, les techniciens du

ministère de l’Intérieur, l’équipe du professeur Babacar GUEYE et les partis politiques. En réponse au

discours du professeur GUEYE, Me WADE a déclaré en substance :

« Ce jour marquera d’une pierre blanche l’évolution politique et démocratique du Sénégal. La démocratie

est une construction continue. Je suis heureux de constater que le travail s’est bien déroulé, dans de bonnes

conditions et dans une atmosphère sereine.

Le document a été remis sous forme de projet de loi organique. Je félicite tous les membres de la

Commission pour le travail qui a été bien fait et avec célérité. Le président de la Commission est un expert,

un juriste doublé d’un homme de compromis. Il a bien joué le rôle de facilitateur. Les élections sont

l’affaire des partis et non du gouvernement. La CENA est un organe autonome à l’égard du gouvernement,

des partis et par rapport aux groupes de pression quels qu’ils soient. Le gouvernement jouera pleinement

son rôle dans l’esprit du document. L’essentiel, c’est le consensus sur la signification de l’institution. Notre

pays vient de réaliser une triple révolution :

1) Une Commission Electorale Nationale Autonome qui va contrôler les élections en mettant ses agents

d’un bout à l’autre du processus électoral. En Afrique, Il y a eu des CENI, mais qui n’étaient pas

réellement indépendantes ;

2) Un fichier électoral : il est remis à zéro avec la refonte totale du fichier. C’est la première fois que cela

arrive au monde. Malgré les purges et les mises à jour, le fichier n’a jamais été fiable. Cette fois-ci,
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100

nous aurons un fichier fiable puisque ne se trouveront sur les listes que ceux qui accepteront d’aller

s’inscrire pour aller voter. Le Gouvernement donne la garantie que les inscriptions se feront dans la

transparence la plus totale.

3) L’introduction du numérique dans le système électoral au niveau du vote. Si le pari est réussi, nous

serons au même niveau que les Etats-Unis d’Amériques pour l’utilisation de cette technologie en

matière électorale. Je souhaite que l’esprit dans lequel la commission s’est bien acquittée de la mission

qui lui était confiée, se perpétue tout le long du processus électoral, et que le consensus soit recherché à

tous les niveaux et à toutes les étapes du processus électoral.

En conclusion

Les élections sont l’affaire des partis. Le gouvernement respectera ce principe. Je souhaite l‘organisation

d’élections démocratiques, libres et transparentes avec zéro contestation. Ainsi, dès le lendemain du

verdict, les perdants féliciteront les vainqueurs et que le pays se mettra au travail ».57

Le jeudi 17 mars 2005, le projet de loi sur la CENA, a été adopté par le Conseil des Ministres. Un mois plus

tard, le 15 Avril, il a été déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale, qui l’a voté à l’unanimité, le 11 mai

2005. Et c’est le mardi 07 juin 2005 qu’a été rendu public le décret n°2005-517 du 1er juin 2005 portant

nomination des membres de la CENA. Sa composition est la suivante :

Président Moustapha TOURE Ancien magistrat

Vice-président Papa Sambaré DIOP Notaire

Membres : El Hadj DIOUF Ancien Magistrat

El Hadji GUISSE Avocat

Issa SALL Journaliste

Mamadou MBODJ Société Civile

Mouhamet FALL Université

Mme Aminata Sow FALL Ecrivain

Mme Aminata Ba DRAME Institutrice à la retraite

57
Voir Le Soleil du mercredi 9 février 2005
100

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Mbaye MBENGUE Ancien diplomate

Babacar DIALLO Administrateur civil en retraite

LA COMMISSION ELECTORALE NATIONALE AUTONOME (C.E.N.A)

Loi n° 2005-07 du 11 mai 2005 portant création de la Commission électorale nationale autonome (C.E.N.A.).

Exposé des motifs :

La démocratie, sous toutes les latitudes, est une conquête permanente, les acquis qui s’y rattachent étant

fragiles et précaires.

La question de la transparence des scrutins, en particulier, a longtemps constitué le talon d’Achille de la

démocratie au Sénégal.

La création de l’Observatoire national des Élections (O.N.E.L.) par la loi n° 97-15 du 8 septembre 1997, a

constitué un premier jalon dans la résolution de la question électorale dans notre pays. Cette instance a, dans

les conditions de son époque, accompli un travail remarquable, qui sans avoir tari toutes les sources de

controverses, a tout de même fortement réduit le nombre et la virulence des tensions post-électorales.

Le temps est venu, pour notre pays et pour ses acteurs politiques, de passer à une nouvelle étape dans la

consolidation de la démocratie. L’. O.N.E. L, tous en conviennent, a souffert d’un certain nombre de

handicaps dans son fonctionnement.

L’absence de personnalité juridique, de permanence et d’autonomie de cette instance, ainsi que son manque de

pouvoir de sanction, ont entre autres, étaient critiqués.

Le remaniement de nos textes et de nos structures en matière électorale s’imposait. C’est dans ces conditions

que le Président de la République a décidé, par décret n° 2004-673 en date du 2 juin 2004, la création d’une

commission chargée de faire des propositions pour l’institution d’une « Commission électorale nationale

autonome » (CENA) au Sénégal.

Le présent texte est le fruit d’un consensus entre les partis politiques de la majorité et de l’opposition dont les

assises se sont tenues du 29 novembre 2004 au 27 janvier 2005. Il introduit des innovations majeures visant à
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combler les lacunes déjà relevées, à travers la mise en place d’une Commission électorale nationale autonome,

structure permanente :

- Dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière-

- Chargée de la supervision et du contrôle de toutes les étapes des opérations électorales et

référendaires ;

- Disposant d’importants pouvoirs de sanction (injonction, rectification, substitution), en cas de

violation de la loi électorale.

Ces innovations consensuelles impliquaient une modification du Code électoral.

LES ATTRIBUTIONS DE LA CENA

Le Code électoral, en son Article L.11 fixe les attributions de la CENA comme suit : Les attributions de la

C.E.N.A sont les suivantes :

 Superviser et contrôler tout le processus d’établissement et de gestion du fichier électoral, avec un droit

d’accès à la documentation relative aux analyses, à la configuration physique du matériel et des équipements

informatiques, à la programmation et aux procédures de saisie, de mise à jour, de traitement et de

restitution des données ;

 Chaque année, la C.E.N.A rend compte de l’exécution de cette attribution ;

 Superviser et contrôler l’établissement et la révision des listes électorales par la nomination d’un contrôleur

auprès de toute commission ou toute structure chargée de l’inscription sur les listes électorales, ainsi que leur

révision ou refonte ; ce contrôleur

garde un feuillet de l’attestation d’inscription ou de modification de l’inscription de chaque électeur, appose

son visa sur le récépissé d’inscription remis à l’électeur et sur la souche qui sert à la saisie informatique ;

 Contrôler et superviser toute mise à jour de la carte électorale ;

 Superviser et contrôler l’impression, la distribution et la conservation des cartes d’électeur ; la C.E.N.A. est

informée de tout le processus d’appel à concurrence et de commande des cartes d’électeur ; un contrôleur,

nommé par elle, est présent de droit


102

103

dans toute commission ou structure chargée de fabriquer, de ventiler et de distribuer des cartes d’électeur ;

 Superviser et contrôler le dépôt des dossiers de candidature aux élections législatives, départementales et

municipales en vue d’apposer son visa sur le récépissé pour attester du dépôt dans les formes et délais légaux.

Les listes de candidats sont déposées en

double exemplaire. Un exemplaire est remis à la C.E.N.A ;

 Veiller à ce que la liste des électeurs par bureau de vote, soit remise quinze (15) jours au moins avant la date

du scrutin :

- Aux candidats et aux listes de candidats, sur support électronique et en version papier ;

- Et à la C.E.N.A dans les mêmes formes. superviser et contrôler la commande et l’impression des

bulletins de vote ; veiller à ce que la publication de la liste des bureaux de vote soit faite au plus tard

trente (30) jours avant le scrutin, ainsi que sa notification aux candidats et listes de candidats ;

 Valider la nomination des membres des commissions d’inscription, des membres des commissions de

révision, des membres des commissions de distribution, ainsi que des

membres des bureaux de vote, désignés par l’Administration ;

 Superviser et contrôler avec les partis politiques, la mise en place du matériel et des documents électoraux.

Cette mise en place doit être effective la veille du jour du scrutin ; contrôler et superviser la publication des

listes électorales, et faire procéder aux rectifications nécessaires ; contrôler le décompte des cartes d’électeur

non retirées ; avant chaque reprise des opérations de distribution des cartes d’électeur non retirées, faire

l’inventaire des cartes d’électeur et dresser un rapport circonstancié ;

 Désigner ses contrôleurs dans tous les bureaux de vote ; participer au choix des observateurs nationaux et

internationaux ;

 Cosigner les cartes des plénipotentiaires auprès des autorités administratives compétentes et des mandataires

dans les lieux de vote des candidats ou listes de candidats. Cette formalité est accomplie par les

démembrements de la C.E.N.A ;

 Superviser le ramassage et la transmission des procès-verbaux des bureaux de vote aux lieux de

recensement et la centralisation des résultats ; à cet effet, le représentant de la

C.E.N.A fait obligatoirement partie du convoi ;


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104

 Participer aux travaux des commissions départementales et nationales de recensement des votes ; garder, par

devers elle, copie de tous les documents électoraux ;

 Contribuer à l’éducation civique des citoyens en matière d’expression du suffrage ;

 Faire toutes propositions relatives à l’amélioration du Code électoral.

LA FORCE DE LA REFORME

L’expérience avait fait apparaitre des lacunes dans les dispositions de L’Observatoire National des Élections,

lacunes qui furent corrigées dans la transition vers une Commission Électorale Nationale Autonome.

Dans ces réformes une approche éclairée a su anticiper sur l’importante place des NTIC dans le processus

électoral. Ainsi, dans l’article 9 qui deviendra l’article 11 suite

à une révision du Code électoral, les attributions de la CENA se focalisèrent largement sur la supervision et le

contrôle informatiques. C’est ainsi que son alinéa 1, l’article L.11 atteste que la CENA doit « superviser et

contrôler tout le processus

d’établissement et de gestion du fichier électoral, avec un droit d’accès à la documentation relative aux

analyses, à la configuration physique du matériel et des équipements

informatiques, à la programmation et aux procédures de saisie, de mise à jour, de traitement et de restitution

des données »

ENTORSE

Le fait de « superviser et contrôler tout le processus d’établissement et de gestion du fichier électoral, avec un

droit d’accès à la documentation relative aux analyses, à la

configuration physique du matériel et des équipements informatiques, à la programmation et aux procédures

de saisie, de mise à jour, de traitement et de restitution des données » n’a pas

pu être intégralement suivi à cause de l’organisation interne du ministère de l’Intérieur.

En effet, le rôle de la CENA sur la totale supervision relative au processus d’établissement et de gestion du

fichier électoral, avec un droit d’accès à la documentation relative aux analyses, à la configuration physique

du matériel et des équipements informatiques, à la programmation n’a jamais été réalisée. Cela est dû au fait
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que le Ministère n’a pas son personnel propre et dépend d’une tierce compagnie qui, légalement, mettra

toujours au-devant de la scène les droits de la propriété pour ne pas ouvrir les ressources à de telles

procédures.

LE CONTENTIEUX JURIDICTIONNEL DE LA CENA

Par décret n°2004-673 du 02 juin 2004, le Chef de l’Etat a décidé de la création d’une Commission chargée de

faire des propositions de réforme du code électoral, en sa partie relative à l’Observatoire National des

Elections dit ONEL.

Les travaux de cette commission auxquels l’ensemble des partis politiques a été associé, ont abouti à la

proposition de mise sur pied d’une commission Electorale Nationale, dite CENA.

C’est ainsi, qu’à cette fin, l’Assemblée Nationale à qui un projet de loi a été soumis, l’a voté à l’unanimité, le

11 mai 2005, non sans préciser dans l’exposé des motifs, qu’il s’agit d’un texte consensuel « fruit d’un

consensus large entre les partis de la majorité et ceux de l’opposition ».

La loi n°2005-07 du 11 mai 2005, portant création de la CENA, en son article L. 4, indique de façon précise et

sans équivoque, les critères et conditions selon lesquels, il est procédé à la nomination des membres devant la

composer.

Dès la publication du décret ci-dessus évoqué, portant création de la CENA, quatorze (14) partis politiques,

ont saisi les instances juridictionnelles, pour violation des dispositions de la loi.

Les partis ayant intenté ces recours sont les suivants :

Démocratie citoyenne (DC) ; Populaire Sénégalais (PPS) ;

Bloc Populaire Sénégalais (BPS) ; Front d’Action pour le

Renouveau (FAR/ YOON WI) ;

Parti des Travailleurs (PT) ;

Parti Socialiste (PS) ;


105

106

Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT) ;

Mouvement pour le Socialisme et l’Unité (MSU) ;

Rassemblement National Démocratique (RND) ;

Alliance des Forces du Progrès ; (AFP)

Union des Patriotes Sénégalais ; (UPAS)

Ligue Démocratique /Mouvement  pour le Parti du (LD/MPT)

Travail ;

Parti Sénégalais du Progrès ; (PSP)

Parti de la Réforme ; (PR)

a) La saisine du Conseil d’Etat

Arguments avancés par les partis demandeurs

Les demandeurs estiment que le décret n°2005-517 du 1er juin 2005, n’a pas respecté la procédure prévue et

spécifiée à l’article L. 4 de la loi n°2005-07 du 11 mai 2005, portant création de la CENA ;

En effet, cet article, en son alinéa premier, dispose textuellement ce qui suit :

« La CENA comprend douze (12) membres nommés par décret. Ils sont choisis parmi les personnalités

indépendantes exclusivement de nationalité sénégalaise, connues pour leur intégrité, leur neutralité et leur
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impartialité, après consultation d’institutions, d’associations et d’organismes tels que ceux qui regroupent

Avocats, Universitaires, Défenseurs des Droits de l’Homme, Professionnels de la Communication ou de toute

autre structure ».

Ainsi, pour les demandeurs, le respect de cette disposition impose à Monsieur le Président de la République de

procéder à des consultations auprès d’institutions, d’associations et d’organismes tels que l’Ordre des Avocats,

l’Assemblée de l’Université, les Organisation de Défense des Droits de l’Homme, les Syndicats de

Journalistes, etc…

Or, non seulement une telle consultation n’a pas été faite, mais mieux encore, même pour ce qui est de la

nomination des membres

Cette initiative d’audit du fichier, a donné naissance à une commission ad hoc composée d’experts de la société

civile, du Parti Socialiste, de l’Observatoire National des Elections (ONEL) et du FRTE qui regroupait vingt et un

(21) partis de l’opposition :

ADN LD/MPT RND

AFP MSN RTA/S

AJ/PADS PARENA UDF/MB

CDP/GG PDS URD

FAR YOON WI PIT UPAS

FRAP PNS FAP

FSD/BJ PRS MPS

Pour une question de neutralité et de transparence, il a été décidé d’un commun accord, que les experts de la société

civile soient les têtes de files de la mission d’Audit, et que le ministère de l’Intérieur mette à la disposition de la

Commission un certain nombre d’outils internes et externes, devant servir de support à l’audit du fichier. Entre
107

108

autres outils : le matériel nécessaire sans limitation de capacité mémoire ou de traitement ; le fichier électoral

actuel ; le fichier des listes provisoires ; le fichier du noyau dur ; le fichier des radiés ; le fichier des cartes

nationales d’identité ; le fichier des passeports

Pour ce qui concerne les fichiers non gérés par le Ministère de l’Intérieur, ce dernier devait les chercher auprès des

institutions concernées. Il s’agit de : fichier des permis de conduire ; fichier des livrets militaires ; fichier des livrets

de pension civile ; fichier des livrets de pension militaire.

Ainsi, les croisements des traitements sur les différents fichiers devraient permettre d’identifier les anomalies et

d’expurger des listes les scories qui en ont altéré la fiabilité. Après plusieurs séances de travail continu dans un

contexte très difficile, les experts ont tenu une conférence de presse le 09/02/2000, pour faire le point de la situation

relative aux difficultés qui se sont dressées sur leur chemin :

« Les problèmes des moyens techniques qui ont entraîné des retards très importants sur les traitements ;

l’indisponibilité de certains fichiers externes (Permis de conduire, Livret militaire, Livret de pension civil ou

militaire) ; l’indisponibilité des documents de transfert officiel et de table des différents codes. »

Aux termes de leurs investigations techniques, du reste, pointues, portant, entre autres sur : le rétablissement dans

leurs droits, des électeurs lésés par la faute de l'Administration ; l’identification les inscriptions multiples ; la

vérification du traitement des électeurs rétablis dans leurs droits par décision de justice ; la vérification du noyau dur

des listes provisoires et les listes définitives ; les inscriptions multiples…

Des informaticiens du FRTE de l'ONEL et du ministère de l'Intérieur ont procédé à ces vérifications du 11 au 26

février 2000, c'est à dire jusqu'à la veille du 1er tour de scrutin. 

A l'issue des travaux, les experts sont parvenus à une conclusion provisoire, à savoir qu’à cette étape précise de leur

travail, des doutes existaient encore sur la fiabilité totale ou pas du fichier, mais qu’en dépit des délais relativement

courts d’ici le premier tour de l’élection présidentielle de l’an 2000, le niveau de fiabilité du fichier permettait d’aller

aux élections58.

58
Texte liminaire de la Conférence de presse du 19/02/2000
108

109

En résumé, il y a lieu de retenir que depuis les élections législatives de 1998 et la première mise à jour du fichier

intervenu en 1999, il y a eu un début de fiabilisation du fichier.

Ce processus de fiabilisation s’est poursuivi avec la deuxième mise à jour intervenue du 18 septembre au 18 octobre

1999. Enfin, il s’est achevé sur la dernière initiative de la société civile, d’audit du fichier, du 11 au 26 février 2000,

c’est-à-dire jusqu’à la veille du démarrage du premier tour de l’élection présidentielle du 27 février 2000.

G). Processus continu de fiabilisation du fichier électoral.

C’est certainement cette situation qui explique, pour une large part, que le scrutin présidentiel de l’an 2000, se soit

déroulé dans des conditions de transparence et de régularité unanimement reconnues par l’ensemble des acteurs

politiques. C’est la raison pour laquelle, au lendemain des élections locales du 12 mai 2002, les acteurs politiques

avaient estimé qu’il fallait mettre à profit la période des quatre années qui nous séparaient des élections législatives

de mai 2006, pour approfondir les discussions sur le processus de fiabilisation totale du fichier électoral, conditions

indispensables à l’organisation d’élections libres démocratiques, et, partant, à l’instauration d’un climat

d’apaisement social.

Ainsi, au regard des considérations ci-dessus énumérées, il apparaît très nettement que le fichier électoral a toujours

été problématique pour la classe politique et que sa fiabilité a été douteuse depuis la phase initiale de sa constitution

en 1977. Mais, à cause des nombreux toilettages qu’il a subis au fil du temps, le fossé entre les effectifs théoriques et

les citoyens qui ont une activité électorale effective s’est considérablement amoindri. C’est cela, du reste, qui a

permis la première alternance politique intervenue en février-mars 2000.

H. Discussions autour du fichier sur le choix d’un noyau dur.

A la veille des élections locales du 12 mai 2002, au sortir du Conseil des ministres du 14 février 2002, fut annoncé

par le président de la République le remplacement de l’ONEL par une structure appelée Commission électorale

nationale autonome (CENA). Les contours de cette structure se situent dans le prolongement de celle qu’elle a
109

110

remplacée, c’est-à-dire un organe de contrôle et de supervision des élections tel qu’il résulte du décret de

présentation n° 2002- 217 du 4 mars 2002. C’est ainsi que les acteurs politiques sont invités à engager une

discussion autour du fichier pour trouver un consensus sur le choix d’un noyau dur qui devait servir à une refonte

partielle ou totale du fichier, en perspective des législatives initialement prévues en mai 2006 et devaient précéder la

présidentielle de 2007. Après moult péripéties et des longues discussions au sein de la classe politique, un consensus

n’a pu être trouvé sur le choix du noyau dur.

Le 15 Juillet 2004, le président de la République a tranché le débat en optant pour une refonte totale du fichier

électoral pour dit-il, « mettre tout le monde sur la même ligne de départ, et doter notre pays d’un instrument qui

mettra à jamais derrière nous toute possibilité de contentieux électoral »59.

Si l’intention du Chef de l’Etat est généreuse dans la formulation, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une

décision fondamentalement politique, qui n’a pas été précédée d’une réflexion technique, sur la faisabilité de la

chose au regard des délais impartis pour la nécessité d’une telle opération.

C’est la raison pour laquelle de nombreux partis politiques, du reste de l’opposition comme de la majorité, ainsi que

de nombreux observateurs avertis de la chose électorale, avaient formulé des réserves et doutes sur les possibilités

de succès d’une opération d’une telle envergure et complexité.

Il convient de retenir qu’à cette période, il n’était pas encore question de report des législatives de 2006 et de leur

couplage avec la présidentielle de 2007.

Au contraire, le Chef de l’Etat, le Président Abdoulaye Wade et le ministre de l’Intérieur Me Ousmane Ngom, ne

cessaient de donner des assurances sur le respect du calendrier républicain des élections.

Les nombreuses et pertinentes interrogations des parlementaires sur tous les aspects liés à la refonte totale au regard

des délais impartis, constituaient une illustration significative de leur scepticisme, quant à la faisabilité d’une

procédure aussi inédite, à la fois au regard des délais impartis et à la riche expérience électorale du peuple

sénégalais. Ainsi, les recommandations qu’ils ont formulées au cours de la session parlementaire du 10 Août 2004,

illustraient on ne peut plus clair, le bien fondé de leurs appréhensions.

59
Assemblée nationale, Xème législature. Première session ordinaire de l’Année 2004. Rapport de la Commission
des Lois de la Décentralisation, du Travail et des Droits Humains, 10 Août 2004.
110

111

Entre autres recommandations, on peut citer : «  la transparence du processus à toutes les étapes qui conduiront au

fichier nouveau ; La concertation et le dialogue entre les acteurs qui accompagnent le processus ; La recherche du

consensus dans ce nécessaire dialogue et cette indispensable concertation ; L’obligation pour tous de se départir de

pratiques de politique politicienne sur une question aussi importante, qui engage l’avenir de notre démocratie ; Le

devoir, pour le Gouvernement, d’engager tous les moyens matériels, financiers et humains nécessaires à

l’aboutissement et à la réussite de ce processus de refonte totale du fichier électoral ; Le respect du calendrier

électoral républicain ».

Quelles que soient les raisons qui ont été à la base de la décision de refonte totale du fichier électoral, force est de

reconnaître que dès le début, il y a eu deux problèmes qui n’étaient pas du tout liés. L’un était d’ordre politique, et

l’autre d’ordre technique. Mais pour bien comprendre la nature profonde de ces deux problèmes, nous allons

examiner successivement, dans un premier temps, les considérations générales sur le fichier électoral, et, dans un

deuxième temps, la problématique qui sous-tend la décision de refonte totale du fichier.

I. Vers un nouveau fichier à partir d’une pièce d’identité unique

C’est dire que la perspective de la refonte totale et l’élaboration d’un nouveau fichier à partir d’une pièce d’identité

unique en vue de garantir les conditions d’organisation d’élections démocratiques et transparentes, n’est pas en soi

une mauvaise chose. Mais, une telle perspective, compte tenu de ces implications et enjeux, devait être précédée

d’une réflexion technique pointue, de la part de tous les acteurs du processus électoral, pour déterminer les modalités

et conditions de sa faisabilité dans le temps et en fonction des échéances à venir. Pour ce qui est de la refonte totale

décidée par le Président de la République, il semble que la décision politique n’a pas été précédée par une réflexion

à caractère technique sur la faisabilité de l’opération dans les délais souhaité. Bien plus, la décision de refonte totale

est rendue plus complexe en ce sens qu’elle s’appuie sur l’introduction des techniques de la biométrie dans la

confection de la nouvelle carte nationale d’identité numérisée et sécurisée, seule et unique pièce permettant de

pouvoir s’inscrire sur les listes électorales.

Comme le stipule l’exposé des motifs de la loi n°22/2004 du ……. portant refonte totale du fichier électoral :

« Pour éviter tout écueil de départ dans cette matière sensible qu’est le processus électoral, un nouveau fichier va

être constitué sur la base uniquement des nouvelles inscriptions. Table rase sera ainsi faite du fichier existant. Ce
111

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nouveau fichier va être constitué de la façon qui suit : une nouvelle carte nationale d’identité numérisée est

instituée. Cette nouvelle carte sert de base à l’inscription sur les nouvelles listes. C’est à l’occasion du retrait de

cette carte que l’électeur manifeste son désir de figurer sur les nouvelles listes. Un récépissé attestant cette volonté

lui est aussitôt délivré ».

Et le défi était d’autant plus redoutable que nous étions à moins d’une année des échéances électorales qui devaient

avoir lieu en 2006. Malgré les assurances données par les techniciens du ministère de l’Intérieur sur la faisabilité de

l’opération de refonte totale du fichier dans les délais impartis, les Sénégalais étaient devenus très sceptiques, car

plusieurs date de démarrage des inscriptions étaient annoncées, mais jamais respectées. De report en report de la

date de démarrage des opérations électorales, les populations avaient fini par se convaincre du fait que le régime ne

semblait pas être dans une logique d’organisation des élections à terme constitutionnel échu.

La CENA, elle-même, a constaté ce fait dans son Rapport sur l’élection présidentielle du 25 février :

« Les inscriptions ont été reportées à plusieurs reprises et ont été clôturées le 15 septembre 2006. De larges couches

de la population se sont demandé, par moments, si les élections auraient réellement lieu en raison des nombreux

changements de délais ».

Cette situation d’incertitude et de doutes qui avait fortement préoccupé les sénégalais, avait poussé le professeur

Abdoulaye BATHILY, leader de la LD/MPT à interpeller publiquement le ministre de l’Intérieur de l’époque, Me

Ousmane NGOM, dans une correspondance n°00351 en date du 19 mai 2005, en ces termes :

« Lors du séminaire du 26 janvier 2005 à Dakar organisé à l’intention des partis politiques sur la carte

électorale votre département avait fixé pour le mois d’avril 2005, le démarrage des inscriptions sur les

listes électorales, suite à la refonte totale du fichier électoral.

A la date d’aujourd’hui, 19 mai 2005, rien n’a démarré. On a appris par voie de presse, que les

inscriptions allaient commencer le 15 mai. Jusqu’à ce jour, notre parti n’a reçu aucune information

officielle, ni même aucune explication de votre part sur le retard du démarrage des inscriptions sur les

listes électorales. D’après les informations que nous ont transmises les responsables de notre parti dans les

différentes localités, certaines autorités administratives ont envoyé des correspondances leur demandant de

désigner les représentants des partis dans les commissions administratives de révision des listes, le 18 mai
112

113

2005. Dans beaucoup d’autres localités, à ce jour, aucune correspondance ne leur est encore adressée à ce

sujet. Nous sommes quotidiennement interpellés par la base de notre parti, mais malheureusement nous ne

sommes pas en mesure de leur fournir aucune explication officielle sur le démarrage effectif et officiel des

inscriptions sur les listes électorales.

La direction de la LD/MPT est vivement préoccupée par cette situation lourde de conséquences sur la

transparence du processus électoral, dont la phase d’inscription sur les listes, comme chacun le sait, est

cruciale en ce qu’elle conditionne les autres étapes. A ces inquiétudes, il s’y ajoute que les membres de la

CENA ne sont pas encore choisis. Comme le stipulent les dispositions du Code électoral et de la loi sur la

CENA qui vient d’être adoptée récemment par l’Assemblée nationale, les délégués de cette instance doivent

absolument superviser toutes les étapes du processus électoral.

Pour toutes ces raisons, notre parti estime qu’il est de la plus haute importance et de l’impérieuse

nécessité, de convoquer les partis politiques dans les meilleurs délais afin de procéder à des échanges de

vues sur la situation pour que tous les acteurs du jeu politique soient au même niveau d’information et à la

source même.

Sinon, la confusion qui règne actuellement et le mystère qui entoure la date effective du démarrage des

inscriptions sur les listes, risquent de compromettre dangereusement la transparence du processus

électoral et la crédibilité des échéances électorales à venir, dont tout le monde s’accorde à penser qu’elles

vont déterminer de façon décisive le cours politique de notre pays ».

En réponse à l’interpellation du Professeur BATHILY, le ministre de l’Intérieur dans une correspondance

n°000181/MINT/DG du 25 mai 2005, apporta des éclaircissements sur le démarrage des opérations d’inscription sur

les listes électorales, sur la mise en place de la CENA (Commission Electorale Nationale Autonome), et sur le

dialogue entre les acteurs politiques sur le processus électoral :

« Sur le premier point, il convient de préciser que c’est l’état des préparatifs qui a été toujours à la base

des déclarations sur les dates de démarrages. J’ai toujours été en phase avec les techniciens du Ministère

dans les différentes dates avancées. Cependant, quel que soit aujourd’hui, l’état des avancées sur les
113

114

préparatifs, il reste qu’il n’est pas souhaitable de démarrer les opérations avant l’installations de la CENA

qui a la vocation de contrôler tout le processus électoral pour la constitution du fichier électoral initial.

Sur le second volet, je vous informe que la procédure de nomination des membres de la CENA est en cours.

La phase de consultation comme le prévoit la loi a pu être observée dans des délais raisonnables. Des

propositions sont faites sur la base des résultats des consultations. La nomination des membres de cet

organe ne saurait donc tarder.

Pour ce qui concerne la nécessité de convoquer une rencontre avec les partis politiques, je vous réaffirme

que le dialogue sur toutes les questions du processus électoral constitue un credo pour notre

gouvernement. Il s’agit ici juste d’une question d’opportunité. Incessamment, une rencontre sera

convoquée pour échange d’informations sur les questions ci-dessus soulevées et sur toutes autres questions

que vous jugerez utiles ».

Une semaine après les échanges de correspondance entre le leader de la LD/MPT et le ministre de l’Intérieur, le

décret n°2005-517 du 1er juin 2005, rendu public le mardi 07 juin 2005, informait de la composition des membres de

la CENA. Et ce n’est que trois (03) mois plus tard, précisément le 05 septembre 2005, que les inscriptions sur les

listes ont commencé dans la région de Dakar. Dans les communes et communautés rurales, elles ont commencé

respectivement le 05 décembre 2005 et le 1 er février 2006. Quant aux circonscriptions consulaires, elles ont démarré

le 16 février 2006. C’est dire que nous avons assisté à une procédure d’inscription sur les listes à plusieurs vitesses,

ce qui n’a pas manqué de constituer une entorse au respect du principe d’équité et d’égalité de tous les citoyens

devant la loi.

Bien que trois (03) élections aient été organisées sous l’empire de l’actuel fichier issu de la refonte totale et de la

nouvelle procédure d’inscription sur les listes électorales, le contentieux autour du fichier ne s’est pas dissipé. Au

contraire, il s’est amplifié et s’est exacerbé, surtout à l’approche des prochaines élections locales prévues en mars

2009. Mais pour bien comprendre la portée du contentieux entre le pouvoir et l’opposition sur le fichier, il convient

très rapidement de brosser à grands traits la genèse et l’évolution du fichier.

J. La genèse des discussions sur le fichier électoral


114

115

Deux (02) mois après les élections locales du 12 mars 2002, la question du fichier électoral a rebondi au niveau des

discussions entre le ministère de l’Intérieur et les partis politiques lors d’une rencontre qui s’est tenue le 29 juillet

2002. Celles-ci se sont poursuivies le 30 avril 2003 à l’Hôtel Indépendance et le 04 juillet 2003 à la « Salle OBS »

du ministère de l’Intérieur.

Toutes ces réunions sous l’égide du ministre de l’Intérieur, le général Mamadou NIANG, se déroulaient dans une

excellente atmosphère et dans un climat de confiance et de sérénité. Tous les acteurs du processus électoral (partis

politiques, ministère de l’Intérieur, ONEL) faisaient preuve de bonne volonté dans la recherche des solutions à

l’épineux problème du fichier électoral. La personnalité du Général NIANG qui fut le premier président de l’ONEL,

a sans doute beaucoup contribué à l’instauration d’un climat de sérénité lors des différentes rencontres entre le

ministère de l’Intérieur et les partis. Sa grande capacité d’écoute pour essayer de comprendre les préoccupations des

uns et des autres, contribuait fortement à faire avancer la réflexion.

Mais, dès l’avènement de monsieur Macky SALL, à la tête du ministère de l’Intérieur début novembre 2003, en

remplacement du Général NIANG, nommé ambassadeur, le climat politique des rencontres avec les partis a

beaucoup changé. En raison du caractère politiquement marqué du nouveau ministre, président de la C.I.S (Cellule

Initiative et Stratégie), la suspicion a commencé à s’installer. Lors du premier contact de Monsieur SALL, avec les

partis, le 18 novembre 2003, les discussions sur le fichier électoral ont connu des blocages. Les partis membres du

CPC (Cadre Permanent de Concertations) qui a été créé le 14 mai 2001, soit deux (02) mois après la sortie de l’AFP

(Alliance des Forces de Progrès) du premier gouvernement de l’alternance, ont exigé séance tenante une discussion

sur l’ensemble du processus électoral.

Suite à l’objection faite par les autres partis présents dans la salle de réunion et non membres du CPC, comme quoi

ils n’avaient pas reçu de mandats pour discuter de questions autres que celles inscrites à l’ordre du jour de la

convocation de la présente réunion, les partis membres du CPC décidèrent de quitter la salle.

Sur les 45 partis qui étaient présents lors de cette rencontre, 29 sont restés pour poursuivre la réunion. Les

discussions ont porté sur la nécessité d’un toilettage du Code électoral, l’étude d’une carte d’électeur à usage

multiple, les audiences foraines, la carte d’identité numérisée et sécurisée pour combler les lacunes de l’Etat civil,

etc …
115

116

Dans une correspondance n°014300 MINT/CL/DGF/DFC en date du 08 décembre 2003, le ministre de l’Intérieur,

Macky SALL, demande aux partis politiques de bien vouloir lui transmettre avant la date du 31 janvier 2004 au plus

tard, les points argumentés qu’ils souhaitent voir inscrits à l’ordre du jour des prochaines concertations sur le

processus électoral. Et, il est précisé dans cette correspondance que « tous les sujets seront discutés, mais les

préoccupations les plus partagées seront traités en priorité ».

L’exploitation des positions des partis par les techniciens du ministère de l’Intérieur, a fait ressortir que la majorité

des partis avaient opté pour une refonte partielle. C’est ainsi que le Ministère de l’Intérieur a élaboré le projet de loi

n°48/2003 relatifs à une refonte partielle du fichier électoral. Ce projet a été examiné par le Bureau de l’Assemblé

Nationale, mais ne sera pas finalement adopté par les parlementaires. Un consensus est intervenu entre la majorité et

l’opposition pour le retrait de ce projet de loi en attendant de plus amples concertations autour de la question. Cette

requête a été acceptée par le Ministre de l’Intérieur60 ;

Dans une autre correspondance n°002899 MIN.CL/DGE/DFC en date du 05 mars 2004, Monsieur Macky SALL

rappelle que suite à sa lettre du 08/12/03 portant sur les points argumentés à soumettre au cadre de concertation sur

le processus électoral, son département, au regard des réponses émanant des partis, a fait un travail de synthèse qui

gravite autour de trois (03) grands thèmes :

4) Le fichier électoral ;

5) La pérennisation et le renforcement des pouvoirs de l’ONEL ;

6) La proposition d’amélioration du Code électoral.

Le 16 mars 2004, une concertation entre le MINT et les partis a eu lieu au Ministère des Affaires Etrangères et des

Sénégalais de l’Extérieur autour de deux points à l’ordre du jour : 1). Discussion sur les grands thèmes du processus

électoral ; 2). Elaboration du calendrier des rencontres et des modalités de travail.

Constatant l’absence des partis du CPC à cette rencontre, le Secrétaire Général du PRC, Monsieur Samba Diouldé

THIAM, demanda le report de la réunion à une autre date, en fondant son argumentation sur le fait que le CPC, en

tant qu’acteur politique majeur, devait participer à des discussions qui engagent l’ensemble des acteurs du processus

60
Compte rendu n°00020 MIN.CL/DGE/DFC du 05 Avril 2004 entre le Ministère de l’Intérieur et des collectivités
locales et les partis politiques portants sur le processus électoral.
116

117

électoral. La majorité des partis souscrivent à cette demande de report justifiée par la fait qu’à leurs yeux, cela ne

pourrait que contribuer à favoriser le climat de confiance mutuelle et donner une chance supplémentaire pour créer

les conditions propices à la poursuite du nécessaire dialogue politique permanent entre les acteurs du jeu politique.

Mais, suite à la persistance du boycott par le CPC des rencontres initiées par le Ministère de l’Intérieur qui

exigeaient, le fait d’être reçu par le Chef de l’Etat pour des accords de principe sur des points relatifs au processus

électoral, le Président de la République accéda à leur requête, le 10 mai 2004. C’est ainsi qu’un accord de principe,

semble-t-il, a été obtenu entre le Chef de l’Etat et le CPC sur la création d’une CENA ou (CENI) et sur la refonte du

fichier à partir du noyau 2000.

Entre temps, les concertations entre les partis et les techniciens du Ministère de l’Intérieur avaient démarré à l’Ecole

Nationale de Police depuis le 13 avril 2004 pour passer en revue le Code électoral, la gestion du fichier. Mais, ces

concertations furent interrompues brusquement suite à l’annonce par la RTS (Radiotélévision du Sénégal) dans son

Journal télévisé du soir du 10 mai 2004, des accords de principe sur le processus électoral, entre le Président de la

République et le CPC. C’est pourquoi, dès le lendemain, c’est-à-dire le 11mai 2004, les partis qui avaient accepté de

siéger dans les commissions techniques à l’Ecole Nationale de Police ont décidé de suspendre les travaux

techniques, en attendant d’être plus amplement édifiés sur le contenu des accords politiques annoncés la veille, entre

le Chef de l’Etat et le CPC.

Les dix-sept (17) partis signataires du Communiqué intitulé : « Déclaration du 11 mai 2004 », justifiaient leur

attitude par le fait que la poursuite des discussions techniques entamées à l’Ecole Nationale de Police depuis 13 avril

2004, n’avait plus de sens dès l’instant qu’était intervenu un accord politique entre le Chef de l’Etat et une partie des

acteurs politiques sur le processus électoral. Ces partis, ne cessaient de rappeler qu’une concertation, par définition,

pour avoir un sens, devait être inclusive et participative, dans la mesure où elle concerne l’ensemble des acteurs

politiques, et non une partie seulement de ces acteurs.

Dans le même sillage, les partis membre de la CAP 21 (Convergences des Actions autour du Président pour le

IIIème millénaire) , membres de la mouvance présidentielle, demandèrent de leur côté à rencontrer le Président de la

République pour être eux aussi édifiés sur le contenu des accords entre le Président WADE et le CPC. C’est ainsi
117

118

que le Chef de l’Etat accorda à ses alliés de la CAP 21, une audience au Palais de la République, le mardi 25 mai

2004.

Mais, à la même période, un coup de théâtre se produit avec le changement intervenu dans la composition du

Gouvernement, avec le départ de Macky SALL du ministère de l’Intérieur, pour occuper le poste de Premier

Ministre.

Ce qu’il convient de retenir des six (06) mois de passage de Macky SALL à la tête du ministère de l’Intérieur (de

novembre 2003 à Avril 2004), c’est que la tension a été particulièrement vive à l’occasion des rencontres entre le

ministère de l’Intérieur et les partis politiques.

En fin avril 2004, Monsieur Cheikh Saadibou FALL, succéda à Macky SALL, à la tête du département de

l’Intérieur. Bien que ce dernier soit également membre du PDS et ancien maire de la commune d’arrondissement de

Fann-Point E – Amitié de 1996 à 2001, il était moins marqué politiquement que son prédécesseur.

Il convient de retenir que l’avènement de Macky SALL aux fonctions de Premier Ministre a entraîné une légère

décrispation de l’atmosphère politique. Au lendemain de sa Déclaration de Politique Générale, du 20 octobre

2004, le dialogue a repris entre le ministère de l’Intérieur et les partis. La relative rupture dans l’approche

pragmatique des problèmes, avec des échéances précises de réalisation et la tonalité d’apaisement et d’ouverture du

message du chef du gouvernement devant les députés, ont entraîné un processus de dégel de la tension politique.

Le passage du ministre de l’Intérieur, Cheikh Saadibou FALL, devant la Commission des Lois de l’Assemblée

nationale, s’est déroulé sans heurts, le 10 août 2004.

C’est ainsi, qu’à l’unanimité des commissaires de la majorité de l’opposition, la Commission des Lois, de la

Décentralisation, du Travail et des Droits Humains, présidée par monsieur Aly LO, a voté le projet de loi n°22/2004

portant sur la refonte totale du fichier électoral. Quant à l’Assemblée nationale, elle a voté en plénière le projet de

loi.

Toujours dans la dynamique de décrispation politique, la rencontre entre le nouveau locataire de la place

Washington et les partis, s’est déroulée dans un climat d’apaisement et de détente. Toutes les rencontres ont été

organisées pendant cette période ont connu des records de participation parce que les partis du CPC qui avaient opté
118

119

pour une politique de la chaise vide plusieurs mois durant, ont accepté de répondre aux invitations de concertations

du ministère de l’Intérieur.

Des échanges importants ont pu avoir lieu sur la mise en œuvre du décret d’application de la loi n° 2004-32 du 25

août 2004 portant refonte totale du fichier électoral et annulation de toutes les listes électorales et de toutes les

inscriptions figurant dans le fichier général des électeurs et prescrivant l’établissement de nouvelles listes

électorales.

Des idées, des suggestions, voire des propositions d’orientations ont été faites par les acteurs politiques pour

l’élaboration d’actes réglementaires, en application de la loi sur la refonte du fichier.

Retenons qu’au cours du magistère de Cheikh Saadibou FALL au ministère de l’Intérieur, des discussions ont été

engagées sur le choix du noyau dur pour la refonte du fichier. La rencontre du 05 juillet 2004 axée essentiellement

sur cette question, n’a pas pu déboucher sur un consensus entre les partis. Certains étaient pour le fichier de l’an

2000 (taux de participation 61,71%), d’autres étaient pour le fichier des législatives du 29 avril 2001 (taux de

participation 69,70%), d’autres pour le Référendum de 2001, (taux de participation 65,74%) ; d’autres enfin, étaient

pour le fichier des élections locales du 12 mai 2002 (taux de participation 53%). Il convient de rappeler que cette

réunion qui a duré près de 8 tours d’horloge (10h à 18h) fut une des concertations les plus longues entre le ministère

de l’Intérieur et les partis politiques.

Le ministre Cheikh Saadibou FALL, il faut le reconnaître, durant son passage au département de l’Intérieur, a fait

preuve de bonne volonté et d’esprit d’ouverture. Mais, au moment où personne ne s’y attendait, il a été relevé de ses

fonctions.

Le décret n°2004-1380 du 02 novembre 2004, porta monsieur Ousmane NGOM qui occupait le poste de ministre du

Commerce, à la tête du département de l’Intérieur. Ainsi, Cheikh Saadibou FALL, a fait huit (08) mois à la place

Washington (avril 2004 au 02 novembre 2004).

La première rencontre entre le nouveau ministre de l’Intérieur, Me NGOM, avec les partis, le 18 novembre 2004

s’est déroulée dans une ambiance particulièrement tendue. La rencontre du 18 novembre 2004 avait comme ordre du

jour, deux (02) points. D’une part, une prise de contact entre Me NGOM et les partis politique, et, d’autre part,

l’installation officielle du professeur Babacar GUEYE dans ses fonctions de Président de la Commission ad hoc,
119

120

chargée de faire des propositions pour la mise en place d’une Commission Electorale Nationale Autonome (CENA),

conformément au décret n°2004-673 du 02 juin 2004.

De nombreuses perturbations ont émaillé cette rencontre, qui a connu une longue suspension, puis un report pur et

simple à une autre date.

La deuxième rencontre entre Me NGOM et les partis, a eu lieu le 25 janvier 2005, à l’hôtel Savana. Celle-ci a porté

essentiellement sur la Carte électorale. Au cours de cette rencontre qui a enregistré la participation de plus de

cinquante (50) partis politiques, les techniciens du ministère de l’Intérieur ont déroulé la feuille de route relative à la

refonte du fichier électoral. dans un document intitulé Présentation de la nouvelle procédure d’inscription sur les

listes électorales. Son contenu s’articule autour des sept (07) points suivants :

1- « La loi 2004-32 du 25/08/2004

Elle a annulé toutes les listes électorales et a prescrit l’établissement de nouvelles listes

basées uniquement sur une carte nationale d’identité numérisée. L’objectif visé est de

permettre la mise en place d’un fichier électoral fiabilisé à 100% tout en donnant aux

acteurs les moyens d’en vérifier avec certitude la qualité tout au long du processus et cela

dans les meilleures conditions de transparence possible.

2- « Extrait du Chronogramme

a) Mise en place du cadre institutionnel : Décembre 2004 à janvier 2005

b) Carte électorale : Décembre 2004 à février 2005

c) Solution informatique

i. Choix et contractualisation : Novembre 2004 à février 2005 ;

ii. Déploiement de la solution informatique : Février à juillet 2005 ;

d) Inscription sur les listes électorales : Avril 2005 à septembre 2005

e) Edition listes provisoires : octobre 2005 ;

f) Contentieux : mi octobre 05 mi novembre 2005


120

121

g) Période de réserve : mi novembre – décembre 2005 ;

h) Révision exceptionnelle : janvier 2006 à février 2006 ;

i) Elections législatives 2006

3- « L’organisation mise en place

a) 500 commissions d’inscriptions sur les nouvelles listes électorales répartis à

travers tout le territoire national et quatre (04) commissions pour l’étranger. La

composition de ces commissions est classique et conforme au code électoral :

les partis politiques ainsi que l’organe de supervision retenu y sont représentés.

Ces commissions seront assistées par ces techniciens spécialisés dans

l’instruction de la carte nationale d’identité (CNI).

b) Les centres d’instruction habituelle de la CNI au nombre de 714 (commissariats

de police, brigade de gendarmerie, sous préfecture) permettront aux citoyens de

renouveler leur carte nationale d’identité de façon autonome par rapport au

système électoral.

c) La Direction Générale des élections

d) La Direction de l’autonomisation des fichiers

e) Eventuellement un prestataire privé chargé de la collecte des fiches

d’inscription et de distribution journalière des documents produits par la DAF

(Carte d’identité, cartes d’électeurs, listings de contrôle) auprès des

commissions d’inscription.

4- « Déroulement du nouveau processus d’inscription

a) Le citoyen désireux de s’inscrire se présente devant la commission : 2 cas de

figure sont envisagés :

i. Le citoyen possède déjà sa nouvelle carte nationale obtenue auprès

d’un centre d’instruction de la CNI


121

122

1. Il est inscrit sur les nouvelles listes électorales contre

récépissé d’inscription

2. Au bout d’un délai de 3 à 4 jours, il se présente à

nouveau à la même commission pour retirer sa carte

d’élection et émarge le registre de remise de cartes

ii. Le citoyen ne dispose pas encore de la nouvelle carte nationale

d’identité et désire s’inscrire sur les listes électorales :

1. Il présente son ancienne carte nationale d’identité ou

2. Il présente un extrait de naissance et éventuellement

un certificat de nationalité :

a. Une fiche de demande de CNI est établie, sa

photo est prise par une caméra numérique,

ses empreintes digitales et sa signature sont

prise par un capteur numérique, contre

récépissé de dépôt de CNI ;

b. A partir de ce moment, il est inscrit sur les

nouvelles listes électorales contre récépissé

d’inscription ;

c. Au bout d’un délai de 3 à 4 jours, il se

présente à nouveau à la même commission

pour retirer sa carte nationale d’identité

numérisée et sa carte d’électeur et émarge

le registre de remise de cartes.


122

123

b) Chaque soir, les données biométriques et d’images sont téléchargées vers le site

central de la DAF pour contrôler et supprimer les doubles inscriptions

éventuelles ;

c) Les fiches de demande de CNI ainsi que les fiches d’inscriptions sur les listes

sont collectées chaque jour et envoyées à la DAF pour saisie ;

d) La DAF produit chaque jour les cartes d’identité nationale et les cartes

d’électeurs pour les faire acheminer vers les commissions émettrices sous plis

individuels cachetés.

5- « Volumétrie

a) L’objectif visé pour le nouveau fichier électoral est de trois (03) millions

d’électeurs dans un délai de 06 à 08 mois ;

b) Une moyenne de 40 inscriptions par jour et par commission, permet dans un

délai de 180 jours (6 mois) d’obtenir (40x500x180 = 3 600 000 inscrits par les

500 commissions). Cette moyenne correspond à 4 inscriptions seulement par

heure pour une journée de 10 heures. C’est dire que le délai de six (06) mois est

largement suffisant pour inscrire trois (03) millions d’électeurs.

6- « Note sur la carte électorale

a) C’est la géographie des lieux et bureau de vote

b) Dans le système jusqu’ici en vigueur, la carte électorale était établie après la

période d’inscription des électeurs sur la base de la connaissance de volume

définitif de l’électoral associé à la carte électorale précédente ;

c) Pour la nouvelle procédure, la carte électorale doit être établie à l’avance pour

permettre d’imprimer les cartes d’électeurs au fur et à mesure des inscriptions

avec la mention du lieu et du bureau de vote de l’électeur (exige des


123

124

parlementaires lors du vote de la loi). Elle est établie sur la base de la dernière

configuration des lieux de vote connue (dernières élections) ».

K. L’arbitrage du Chef de l’Etat au sujet du choix du noyau dur pour la refonte du fichier électoral

Comme nous l’avons rappelé dans les pages précédentes, la décision de refonte totale du fichier électoral a été prise

par le Chef de l’Etat, le 15 Juillet 2004.

A la suite du boycott des partis de l’opposition regroupés dans le CPC, des rencontres du ministère de l’Intérieur

avec les partis, pendant plusieurs mois durant, le Chef de l’Etat, accepta la requête du CPC, de la rencontrer pour

discuter avec lui des problèmes relatifs au processus électoral. C’est ainsi que, lors de la rencontre du 10 mai 2004,

un accord de principe était intervenu sur la création d’une CENA ou d’une CENI et sur la refonte partielle du fichier

à partir du noyau 2000.

Mais puisque cette décision a été prise au moment où des concertations entre les techniciens du ministère de

l’Intérieur et les partis se déroulaient à l’Ecole Nationale de Police sur la revue du Code électoral, ces partis avaient

suspendu ces concertations en attendant d’être édifiés sur les conclusions de la rencontre du 10 mai 2004.

C’est ainsi que les partis signataires de la Déclaration du 11 mai 2004, ont estimé que les discussions techniques

amorcées sur la revue du Code électoral, n’avaient plus d’objet dès l’instant ou un accord politique était intervenu

entre le Chef de l’Etat et une partie des acteurs politiques.

Dans le même sillage de cette position, les partis membres de la CAP 21, demandèrent de leur côté à rencontrer le

président de la République le mardi 25 mai 2004, Me WADE reçut ses alliés de la CAP 21.

Entre temps, l’Union pour le Renouveau Démocratique (URD) de Djibo Leïty KA avait rejoint le pôle présidentiel,

sans pour autant être membre de la CAP 21. Le Vendredi 09 juillet 2004, le Chef de l’Etat rencontra à nouveau la

CAP 21, élargie à l’URD. Les échanges ont porté sur la question du choix du noyau dur qui devait servir de base à la

refonte du fichier.

Une autre rencontre élargie à tous les partis politiques, est convoquée par le Chef de l’Etat, le 15 juillet 2004 par

lettre n°0727/PR.SP.PR/ass en date du 09 juillet 2004, à l’effet de discuter du processus électoral. Mais les partis du

CPC et du G10, regroupés entre temps dans CLARTE/NA LEER (coordination de lutte et d’Actions pour la
124

125

Régularité et la Transparence des Elections), boycottèrent cette rencontre. Ils ont envoyé un Mémorandum au Chef

de l’Etat sur le processus électoral et ont organisé le même jour une conférence de presse à l’Hôtel Indépendance.

C’est au cours de cette rencontre du 15 juillet 2004, que le Chef de l’Etat informa de sa décision de procéder à une

refonte totale du fichier, suite à l’absence de consensus sur le choix du noyau dur. En substance, il déclara :

« Je préfère remettre le compteur à zéro et renvoyer tout le monde dos à dos. Tous les partis vont s’aligner sur la

même ligne de départ ».

Séance tenante, le président de la République informa qu’un projet de Loi sur la refonte totale du fichier électoral va

être soumis à l’Assemblée nationale. Rappelons qu’au cours de cette rencontre, trente trois (33) partis y ont

participé. Il s’agit de :

LD/MPT FSD/BJ RDC

AFP PDV PRS

CDP/GG PARI UFP

RUP PAI URD

RPR RDR UPR

RDP FAP PAS

APJ/Jëf Jël SURS MSU

GARAP/ADS UDF/MB PRC

MRS PUR PAS/ICA

PARENA RPS AJ/PADS

MDS/ND MDC PDS

Il convient de préciser que dans la perspective de cette rencontre entre le Chef de l’Etat et la classe politique, le

Ministère de l’Intérieur, par lettre non datée avait demandé aux partis de lui faire parvenir par écrit, leurs positions

argumentées sur le choix du noyau dur et sur le fichier avant la date du 13 juillet 2004.
125

126

Quelques jours après la rencontre du 15 juillet, la décision du Chef de l’Etat a été matérialisée par le dépôt au niveau

du Parlement d’un projet de loi portant annulation de toutes les listes électorales et de toutes les inscriptions figurant

dans le fichier général des électeurs et prescrivant l’établissement de nouvelles listes électorales. Quelques heures

plus tard, ce projet qui contenait de nombreuses failles et lacunes a été retiré et remplacé le 29 juillet 2004 par un

autre projet de loi, celui du n°22/2004 portant refonte totale du fichier électoral. Mais, ce dernier a connu plusieurs

versions avant son adoption définitive par l’Assemblée Nationale le 16 Août 2004. Promulguée par le Président de

la République, la loi n°2004-32 du 25 Août 2004 portant annulation de toutes les listes électorales et de toutes les

inscriptions figurant dans le fichier général des électeurs et prescrivant l’établissement de nouvelles listes électorales

s’articule autour de sept (07) articles ainsi libellés :

« Article premier : Par dérogation au x articles L34 à L49 et L262 du Code électoral, un nouveau

fichier électoral est institué ;

Article 2 : Les Sénégalais résidants ou de l’extérieur ayant 18 ans accomplis

pendant la période ouverte pour la constitution de ce fichier, peuvent

s’inscrire sur les listes électorales ;

Article 3 : L’inscription sur ce nouveau fichier est réalisée par des commissions

composées de représentants du ministère de l’Intérieur et d’un

représentant de chaque parti politique légalement constitué. Les

modalités d’organisation et de fonctionnement de ces commissions sont

fixées par décret ;

Article 4 : L’inscription s’effectue sur la base unique d’une nouvelle carte nationale

numérisée contre récépissé et une carte d’électeur ;

Article 5 : Une fois les opérations d’inscription terminées, les informations ainsi

collectées par les commissions constituent les bases sur lesquelles le

Ministère de l’Intérieur dresse les nouvelles listes électorales provisoires.

Les partis politiques peuvent contrôler la collecte des informations au

niveau central pendant la constitution du nouveau fichier.


126

127

Article 6 : Une période d’un mois, après la publication des listes provisoires, est

ouverte pour le contentieux.

A l’expiration des délais, le Ministre de l’Intérieur dresse les listes

électorales définitives.

Article 7 : S’il survient des élections avant la constitution définitive du nouveau

fichier, celle-ci se fera sur la base du fichier actuel. »

III). Audit fichier électoral par les Missions d’audit

9. Audit fichier 2007


10. Audit fichier 2009

11. Refonte partielle du fichier électoral de 2017 instituant une nouvelle carte biométrique
CEDEAO pouvant contenir de données multiples (électorales, sécuritaires, sanitaires…)
12. Mission d’audit du fichier électoral 2010 (MAFE 2010)
13. Mission d’audit du fichier électoral 2018 (MAFE 2018)
14. Cadre de Concertation sur le Processus Electoral (CCPE 2018)
15. Audit du fichier électoral 2020
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