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Kinshasa, le 27 Mars 2011

Elections 2011 en RDC: défis et opportunités pour la CENI


Résumé pour la presse.

Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA) et Africa Governance Monitoring and Advocacy
Project (AFRIMAP) ont remis aux membres du bureau de la Commission Electorale Nationale
Indépendante (CENI) un document intitulé « élections en RDC : Défis et opportunités pour la CENI ». Ce
document expose les défis les plus urgents qui se posent à la préparation et à l’organisation des élections
en République Démocratique du Congo (RDC) et souligne les opportunités qui se présentent à la CENI
pour les relever, en laissant aux décideurs la latitude de les articuler sous la perspective d’observations
basées sur la recherche.

OSISA et AFRIMAP résument sur six pages les points importants que renferme le rapport sur la « RDC :
démocratie et participation à la vie politique : une évaluation des premiers pas dans la IIIème
République », (Afrimap Novembre 2010) ; les points de plaidoyer discutés au Forum de Pretoria organisé
par Institute for Global Dialogue (IGD) les 10 et 11 mars dernier ; ainsi que l’analyse des « Organes de
gestion des élections (OGE) en Afrique de l’Ouest : une étude comparative de la contribution des
commissions électorales au renforcement de la démocratie » (à paraître en mai 2011) qui étudie les
commissions électorales dans 6 pays ouest-africains notamment le Bénin, Cap Vert, Ghana, Nigeria,
Sénégal et Sierra Leone.

L’étude analyse la protection des OGE contre des injonctions ou instructions de toute autre institution
dans l’accomplissement de ses tâches. Aux Ghana, Nigeria et Sierra Léone la constitution interdit a l’OGE
de recevoir des telles interférences d’autres institutions tandis que le Bénin, Cap-Vert et Sénégal mettent
cette disposition dans le code électoral/ loi portant création de la commission électorale. Toutefois, l’étude
note que nonobstant cette précaution, les OGE composés de représentants des partis politiques soient
affectés par la loyauté politique de leurs membres. Au Bénin par exemple, cela a affecté la performance de
la commission et conduit à des critiques sur son travail. L’équilibre relatif des pouvoirs entre les partis
politiques (le Bénin par rapport à la Sierra Léone) ou la force des autres institutions (les tribunaux, la
fonction publique dans son ensemble) sont aussi importants autant que d’autres critères majeurs qui
contribuent a l’indépendance et l’efficacité d’un OGE. En vertu du Protocole de la CEDEAO (article 3),
les OGE doivent être indépendants et/ou neutres « et avoir la confiance des acteurs et protagonistes de la
vie politique ». Au Cap Vert, les membres de la commission électorale sont élus à la majorité qualifiée des
deux tiers au parlement, ce qui garantit le consensus le plus large possible au bout des négociations et
concessions au sein de la classe politique.

En outre, l’étude met l’accent sur la force de caractère des membres, tout particulièrement du président de
l’OGE comme prépondérant dans la réussite des élections, et estime que l’indépendance est une condition
nécessaire à son efficacité. Le critère de l’intégrité morale est celui qui s’en approche le plus, mais
l’élément de « confiance » pourrait constituer une garantie capitale. Au Ghana et en Sierra Léone, c’est au
président de la commission que l’on doit d’avoir veillé à la qualité des élections et d’avoir résisté aux
pressions des partis. En revanche, au Nigeria, au moins jusqu’à la désignation d’un nouveau président en
2010, les personnes à la tête de la commission ne bénéficiaient pas d’un capital confiance car elles étaient
considérées comme étant à la solde du parti au pouvoir. La force de caractère d’une personne est une
caractéristique individuelle qu’il est difficile, voire impossible, de garantir à l’avance. De même, la

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confiance des acteurs politiques et électoraux doit se gagner de façon continuelle et n’est jamais acquise
de façon définitive même dans les cas d’une nomination consensuelle du président et des membres de
l’OGE.

Dans le cas de la RDC, cette indépendance est à rechercher au-delà des textes légaux surtout lorsqu’on
considère le contexte politique ayant prévalu a la création de la CENI, la personnalité de son président et
ses membres, ainsi que la nature des débats parlementaires à l’occasion de l’adoption de la loi sur la
CENI. Le document relève au même titre la force du caractère, d’autres critères déterminant du succes
des élections dont la stabilité du personnel administratif et la sécurité du financement. Cet ensemble
renforce le degré de contrôle effectif de l’OGE sur des tâches à accomplir dans le cadre du processus
électoral englobant les aspects juridiques et logistiques.

Les partis politiques sont les acteurs principaux du processus électoral. Leur rôle impacte positivement ou
négativement, selon la nature de rapports que la Commission électorale leur réserve. Au Ghana, l’OGE a
de sa propre initiative établi la Commission consultative inter partis (Inter Party Advisory Committee –
IPAC), une institution qui renforce la confiance sans avoir de rôle officiel dans le processus électoral. Le
Sénégal a mis en place le Comité de Veille et de Suivi (CVS) des recommandations du rapport d’audit
international du fichier électoral (Décret du 30 décembre 2010). Composé de représentants du
gouvernement, de la CENA, des partis politiques et de la société civile, le CVS est chargé, entre autres, de
« tenir régulièrement des rencontres d’échange avec les acteurs du processus électoral ».

En définitif, OSISA et AFRIMAP attirent l’attention de la CENI sur les problèmes les plus importants
auxquels sera confrontée la gestion des élections en RDC, parmi lesquels on trouve le manque de
crédibilité du registre électoral, la dépendance aux bailleurs de fonds, le faible niveau de dialogue avec les
partis politiques et la société civile, la gestion trop centralisée du processus électoral, et la faiblesse de la
gestion des litiges électoraux.

Les recherches d’AfriMAP montrent que l’absence d’un registre de l’état-civil capable de générer des
statistiques démographiques crédibles demeure le principal problème auquel même les pays dotés d’un
système informatisé d’enregistrement des électeurs sont confrontés. Le Nigeria, Ghana et Sénégal y sont
cités en exemple. En RDC, l’établissement du fichier électoral en 2005-2006 était entaché d’erreurs
matérielles dues à plusieurs raisons ou la force majeure comme la noyade et autres destructions
méchantes. Le fichier électoral avait ainsi fait l’objet de nombreuses contestations de la part des partis
politiques de l’opposition. La révision du fichier électoral, entamée par la CEI en 2008, enregistre des
plaintes, sur l’insuffisance des centres d’inscription, fusant de presque toutes les provinces jusque-là
couvertes. Tout cela démontre la nécessité d’un audit complet du fichier électoral dans la transparence
pour remettre la confiance des électeurs et des partis politiques dans le processus.

L’étude prévient aussi des risques qu’engendre la grande dépendance de l’appui financier et matériel de la
communauté internationale. Tout en apportant à la CEI l’appui essentiel, les acteurs internationaux avaient
posé une menace constante à l’indépendance de la commission électorale. Le soutien politique au
processus et les systèmes de déboursement financier pratiqués étaient parfois en déphasage avec l’urgence
que commandaient les opérations sur le terrain. En conséquence, des opérations à exécuter en urgence
avaient souffert des lenteurs dues aux lourdes procédures. Ainsi, l’indépendance de la CEI a été
négativement affectée par l’administration parallèle mise en place pour gérer l’assistance financière et
matérielle de suivi ainsi que l’encadrement politique du processus électoral.

Les élections constituant un processus éminemment politique, leur réussite ne saurait s’apprécier
uniquement à l’accomplissement satisfaisant de leur organisation technique. La CENI devrait s’assurer

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que l’appui technique, logistique et financier qu’elle recherche ne se fasse au détriment du nécessaire
soutien politique interne que seuls les partis politiques, candidats indépendants et structures de la société
civile peuvent lui donner.

La CENI a des leçons à tirer de la CEI qui au détriment des acteurs nationaux avait développé en 2006 un
mécanisme de concertation permanent avec les acteurs internationaux à travers le Comité International
d’Appui à la Transition (CIAT), la Division électorale de la MONUC, le Projet d’appui au processus
électoral au Congo (APEC), le Projet d’Appui au Cycle Electoral (PACE) du PNUD et la Délégation de
l’Union Européenne. Cette démarche serait justifiée par le contexte politique de l’époque, mais elle avait
eu des conséquences politiques importantes dont la faiblesse du dialogue avec les acteurs politiques et de
la société civile. Ce déséquilibre avait en partie conduit au boycott de l’UDPS.

En conclusion, OSISA et AfriMAP recommande que par le biais du code électoral à adopter aussi
bien qu’à travers les accords avec les bailleurs de fonds, les acteurs politiques congolais tiennent
compte des points suivants :

1. Envisager la mise en place des tribunaux électoraux spéciaux.

2. Minimiser sinon supprimer autant que possible la dépendance réelle ou déguisée à des institutions
nationales (Ministères de l’Intérieur, des Finances, du Plan) ou internationales (PNUD ou MONUSCO).
L’autonomie financière et la maîtrise de la chaîne des dépenses liées aux besoins électoraux doivent être le
plus possible garanties à la CENI.

3. Donner à la CENI des compétences et ressources qui lui permettent de gérer ou superviser le maximum
possible des tâches nécessaires à la bonne préparation et à l’exécution effective du processus électoral.
Ces tâches devront comprendre toute la chaîne électorale : (i) commande du matériel électoral, (ii)
déploiement des bureaux d’enrôlement et de vote, (iii) vérification des listes électorales et (iv)
centralisation des résultats. Elles devront également impliquer la participation de la CENI et des
principaux acteurs électoraux à la définition du cadre juridique des élections.

4. En plus de ces tâches confiées habituellement aux commissions électorales, la CENI devrait avoir au
minimum le pouvoir de : (i) réglementer ou de créer des cadres de concertation permanente entre partis
politiques, organisations de la société civile intéressées et candidats, dans le but de créer ou entretenir la
confiance entre acteurs des élections et de prévenir les conflits électoraux ; (ii) sanctionner des violations
du code électoral qui ne sont pas de la compétence des tribunaux ordinaires ni des tribunaux électoraux ;
et (iii) de s’assurer que les partis politiques qui participent aux élections respectent le code électoral (ainsi
que le code de bonne conduite électorale), les lois sur les partis et les lois sur le financement des
campagnes électorales.

Contacts :

Mvita Kalubi Roger: 00243993003522; kmvita@osisa.org (Kinshasa)


Kambale Pascal: 00221775294334; pkambale@osiwa.org (Dakar)
Tshiswaka Masoka Hubert: 0027823272328; hubertt@osisa.org (Johannesburg)

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