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Résumé
Après une pause de plusieurs décennies dans le processus de décentralisation, le Togo reste
dans l’espace de la Communauté Economique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) le
seul pays où la décentralisation n’est pas encore effective et où les autorités locales dont les
maires sont encore nommés par l’exécutif.
Cette situation perdure malgré un cadre juridique prévoyant la décentralisation. En effet, la
décentralisation est inscrite dans l’Article 141 de la Constitution, qui stipule que « La
République togolaise est organisée en collectivités territoriales sur la base du principe de
décentralisation dans le respect de l’unité nationale. … » (République Togolaise). Deux
autres textes de lois majeurs relative à la décentralisation et aux libertés locales et à la
création de nouvelles communes complètent l’Article 141.1
Au-delà du cadre juridique, la décentralisation au Togo a également été l’un des
engagements pris à plusieurs reprises par la classe politique togolaise, notamment en 2004
devant l’Union Européenne (GIZ-Togo, 2016; CGDPC, 2017) et en 2006 lors de l’Accord
Politique Global (CGDPC, 2017).
Elle a connu récemment une accélération avec l’adoption du nouveau découpage du
territoire en communes (loi N° 2017-008 du 29 juin 2017). Autant le cadre institutionnel togolais
que les pratiques à travers le monde prônent pour les vertus d’une démocratie à la base.
Mais si le processus de mise en œuvre de la décentralisation connait des progrès, les défis
auxquels cette décentralisation devra faire face à l’heure actuel au Togo restent nombreux.
Le plus récent sondage d’Afrobaromètre au Togo, conduite par le Centre de Recherche et
de Sondage d’Opinions (CROP), suggère la mise en place, de façon très inclusive, de
mécanismes de contrôle citoyen permettant aux citoyens de prendre toute leur place dans
le développement effective à la base.
En effet, il y a de loin plus de Togolais qui considèrent que l’électeur, plutôt que les
mécanismes et institutions nationaux, est le premier garant du contrôle de l’action des élus
locaux. De plus, la majorité des Togolais est prête à donner une partie de leur temps pour
participer à des réunions organisées par leur commune pour comprendre comment les fonds
des contribuables sont utilisés ou pour influencer les actions de leurs conseils communaux.
Mais il faut noter que si près de trois Togolais sur 10 sont satisfaits du découpage en
commune adopté par les autorités politiques, une même proportion en est non-satisfaite. Et
plus encore, plus de quatre Togolais sur 10 déclarent ne pas en être suffisamment informés
pour se prononcer sur la question.
La situation actuelle, c’est-à-dire avant la mise en œuvre du processus de décentralisation,
des relations entre les Togolais et ceux qui les administrent est marquée par une absence de
contact, peu d’engagement des citoyens dans des actions communautaires, et des
1
Il s’agit de la loi N° 2007-011 du 13 mars 2007 et la loi N° 2017-008 du 29 juin 2017.
L’enquête Afrobaromètre
Afrobaromètre est un réseau de recherche panafricain et non-partisan qui mène des
enquêtes d'opinion publique sur la démocratie, la gouvernance, les conditions
économiques, et d’autres questions connexes en Afrique. Six séries d’enquêtes ont été
conduits dans jusqu’à 37 pays africains entre 1999 et 2015, et le Round 7 (2016/2018) est
actuellement en cours. Afrobaromètre réalise des entretiens face-à-face dans la langue
choisie par le répondant avec des échantillons représentatifs à l’échelle nationale.
L'équipe Afrobaromètre au Togo, dirigé par le Centre de Recherche et de Sondage
d’Opinions (CROP), a interviewé 1.200 adultes togolais en novembre 2017. Un échantillon de
cette taille donne des résultats au niveau pays avec une marge d'erreur de +/- 3% à un
niveau de confiance de 95%. Des enquêtes précédentes ont été menées au Togo en 2012
et 2014.
Résultats clés
Le président/l’exécutif 18%
Ne sait pas 5%
Personne 2%
Question posée aux répondants: Qui devrait s’occuper de s’assurer qu’une fois élus, les conseillers
préfectoraux/municipaux font leur travail?
En plus de s’attribuer le majeur rôle dans le contrôle citoyen du travail des conseillers
préfectoraux/municipaux, une majorité (62%) des Togolais trouvent « très probable » ou
« quelque peu probable » de participer à des réunions organisées par leur commune pour
comprendre comment les fonds des contribuables sont utilisés ou pour influencer les actions
Question posée aux répondants: Quelle est la probabilité que vous participiez aux réunions publiques
organisées par votre commune pour comprendre comment les fonds des contribuables sont utilisés ou
pour influencer les actions du conseil communal?
Question posée aux répondants: Le processus de décentralisation est en train de prendre corps avec le
découpage en communes du territoire national. Quel est votre degré de satisfaction face à ce
découpage, ou n’en avez-vous pas assez entendu parler pour vous prononcer?
80% 73%
67%
60%
40%
20%
0%
Un dirigeant de parti Un conseiller Un chef Un leader
politique préfectoral/municipal traditionnel réligieux
Questions posées aux répondants: Au cours des 12 derniers mois, combien de fois avez-vous contacté
une des personnalités suivantes pour un problème important ou pour discuter de vos idées: Un
conseiller préfectoral/municipal? Un dirigeant de parti politique? Un chef traditionnel? Un chef
religieux? (% qui n’ont « jamais » eu de contact avec une de ces personnalités au cours des 12 derniers
mois)
Urbaine 94%
94%
Rurale 92%
94%
Femme 97%
96%
Homme 89%
91%
Chrétien 93%
93%
Musulman 92%
94%
Autre 94%
94%
Togo 93%
94%
0% 20% 40% 60% 80% 100%
Questions posées aux répondants: Au cours des 12 derniers mois, combien de fois avez-vous contacté
une des personnalités suivantes pour un problème important ou pour discuter de vos idées: Un
conseiller préfectoral/municipal? Un dirigeant de parti politique?
(% qui n’ont « jamais » eu de contact avec une de ces personnalités au cours des 12 derniers mois)
Quant aux leaders traditionnels, l’absence de contacts est liée aussi bien au milieu de
résidence et au sexe qu’au niveau d’éducation et à la religion (Figure 6). Ainsi, les Togolais
habitant en milieu urbain ont 15 points moins de contacts avec les leaders traditionnels que
ceux du milieu rural. Les femmes ont également 19 points moins de contacts par rapport aux
hommes. L’absence de contacts avec les leaders traditionnels décroît à mesure que le
niveau d’éducation augmente.
Si les Togolais contactent un peu plus les leaders religieux que les autres autorités locales,
cela cache beaucoup de disparités entre de différents groupes dans la société togolaise.
Ainsi, les hommes, les plus éduqués, et les Chrétiens sont ceux qui contactent le plus ces
leaders.
Urbaine 82%
64%
Rurale 67%
68%
Femme 83%
70%
Homme 64%
63%
Chrétien 75%
63%
Musulman 74%
72%
Autre 66%
76%
Togo 73%
67%
0% 20% 40% 60% 80% 100%
Questions posées aux répondants: Au cours des 12 derniers mois, combien de fois avez-vous contacté
une des personnalités suivantes pour un problème important ou pour discuter de vos idées: Un chef
traditionnel? Un chef religieux?
(% qui n’ont « jamais » eu de contact avec une de ces personnalités au cours des 12 derniers mois)
Actions communautaires
Au cours des 12 mois ayant précédés l’enquête, les Togolais ont mené peu d’actions
communautaires pour exprimer un mécontentement quelconque avec le gouvernement,
mais ils semblent rester ouverts à en mener (Figure 7).
Deux groupes d’actions semblent se dessiner, à savoir les actions qui ont peu d’adhésion de
la population et celles qui pourraient l’avoir. Dans le premier groupe se trouvent le refus de
paiement d’une redevance ou taxe à l’état et la participation à une manifestation ou une
marche de protestation. En effet, juste 7% des Togolais affirment avoir refusé de payer une
redevance ou une taxe à l’état au cours des 12 derniers mois, et 68% déclarent qu’ils ne le
refuseront jamais. De même, juste 11% disent qu’ils ont participé à une manifestation ou une
marche de protestation, et la majorité (55%) déclarent qu’ils ne le feront jamais.
Dans le second groupe, on trouve l’association à d’autres pour demander l’intervention du
gouvernement (20% affirment l’avoir fait pendant les 12 derniers mois), contacter les médias
(14%), et contacter un officiel du gouvernement pour demander de l’aide ou se plaindre
(11%). Mais pour ce groupe, la majorité des populations, même si elles n’ont pas posé de
telles actions, se disent prêtes à le faire si elles en avaient l’occasion. Ainsi, 68% seraient prêts
Questions posées aux répondants: Voici une liste d’actions que les citoyens mènent parfois lorsqu’ils ne
sont pas satisfaits des actions du gouvernement. Veuillez me dire si vous avez personnellement effectué
une de ces actions au cours des 12 derniers mois.
100%
80%
60%
46%
40% 38%
40% 34%
0%
Pas du tout Juste un peu/ Beaucoup Ne sait pas
confiance Partiellement confiance
confiance
Questions posées aux répondants: A quel point faites-vous confiance à chacune des institutions
suivantes, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler: La Commission Electorale Nationale
Indépendante? Votre conseil municipal/communal?
100% 4% 5% 11% 4%
11% 7% 9% 9% 7% 7% 11% 7%
7% 14% 8%
9% 13% 15% 11% 12%
80% 15% 14%
31% 32%
30% 32% 33%
60% 37% 33% 28% 35%
35% 36%
40%
57% 51% 57% 51% 47% 45%
20% 42% 48% 41% 47%
39%
0%
Question posée aux répondants: A quel point faites-vous confiance à chacune des institutions
suivantes, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler: La Commission Electorale Nationale
Indépendante?
100% 12%
10% 10% 8% 9% 10% 9% 9%
12% 13%
6% 8%
12% 9% 6% 12% 12%
80% 16% 11% 16% 15% 8%
38%
60% 37% 40% 37% 41% 35% 39%
40% 33%
38% 39%
40%
0%
Questions posées aux répondants: A quel point faites-vous confiance à chacune des institutions
suivantes, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler: Votre conseil municipal/communal?
Question posée aux répondants: Pendant les campagnes électorales dans ce pays, à quel point avez-
vous, personnellement, craint d’être victime d’intimidation politique ou de violence?
De plus, une certaine partie du corps électoral perçoit que les candidats de l’opposition sont
empêchés de concourir aux postes électifs. En effet, 19% des Togolais déclarent que les
candidats de l’opposition sont « souvent » ou « toujours » empêchés de concourir, tandis que
26% déclarent qu’ils le sont « parfois » (Figure 12). Cette perception est plus l’œuvre des
urbains (53% « parfois », « souvent », ou « toujours »), des hommes (51%), des personnes ayant
une éducation post-secondaire (61%), et des habitants de Lomé (71%). La moitié seulement
(48%) des Togolais déclarent que les candidats de l’opposition ne sont jamais empêchés de
se présenter.
Question posée aux répondants: A votre avis, durant les élections dans ce pays, à quelle fréquence les
candidats de l’opposition sont-ils empêchés de concourir aux postes électoraux?
Tous/La plupart d’entre eux Certains d’entre eux Aucun Ne sait pas
Question posée aux répondants: Selon vous, combien des personnes suivantes sont impliquées dans
des affaires de corruption, ou n’en avez-vous pas assez entendu pour donner votre opinion: Les
conseillers municipaux/communaux?
Question posée aux répondants: Combien de fois pensez-vous que les personnes suivantes font de leur
mieux pour écouter ce que des gens comme vous avez à leur dire: Les conseillers
municipaux/communaux?
Question posée aux répondants: Etes-vous d’accord ou en désaccord avec la performance à leur
fonction des personnes suivantes au cours des 12 derniers mois, ou n’en avez-vous pas suffisamment
entendu parler pour vous prononcer: Votre conseiller préfectoral/municipal?
Question posée aux répondants: Etes-vous d’accord ou en désaccord avec la performance à leur
fonction des personnes suivantes au cours des 12 derniers mois, ou n’en avez-vous pas suffisamment
entendu parler pour vous prononcer: Votre préfet ou maire?
Conclusion
Les Togolais montrent de très belles dispositions à s’engager dans le contrôle citoyen en cas
de décentralisation, même si ces derniers s’engagent peu pour l’instant car dans le système
politique actuel les autorités locales ne leur sont pas redevables.
Ainsi les Togolais, même s’ils reconnaissent le rôle que doivent jouer les institutions de contrôle
publiques, se placent néanmoins bien loin en première ligne du contrôle de l’action des élus
locaux. Cette situation dénote un peu avec celle actuelle principalement marquée par très
peu de contact avec les autorités locales et ce malgré le reproche de manque d’écoute et
de performance de ces derniers, et leur présomption de corruption.
La prise en compte des aptitudes positives des Togolais en matière de contrôle citoyen par
des mécanismes adéquats dans la décentralisation permettra de réellement les transformer
en chiens de garde pour espérer une plus grande efficacité à la base et un meilleur
développement local.