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Nous tenons également à remercier chaleureusement nos chauffeurs, le chef Bernard Bassen et le
capitaine Hervais Sagna, qui nous ont accompagnés sur les routes, depuis notre arrivée à l’aéroport
jusqu’à notre retour en France.
Un grand merci à nos traducteurs : Fallou Sylla et Ngouda Sylla à Sothiane, Assane à Thilla Ounté,
Paul Gan Sen, Ydrissa et Robert dans la zone de Niakhar. Ils nous ont tous très bien accompagnés
dans le travail. Leur connaissance de leur village et des habitants, leurs apports dans notre étude et
leur implication à nos côtés nous ont été très précieux.
Merci beaucoup aux familles qui nous ont si bien accueillis dans les villages et avec qui nous avons
partagé de très bons moments. Merci à la famille Sylla, à Awa Diop et à la famille d’Assane et de
Abdoulay.
Merci à Verina Ingram, co-coordinatrice du WP3, et à Abdoul Diallo, qui ont été aux côtés de notre
équipe au début de la mission terrain et qui nous ont partagé leur expérience en étude de filière,
dans le déroulement des focus groups particulièrement et la conception de la base de données.
Merci à Isabelle Droy, co-coordinatrice du WP1, pour son accompagnement en amont de la mission
et directement sur le terrain. Merci également à Philippe Lavigne Delville, pour les différents
échanges que nous avons pu avoir concernant la méthodologie à adopter.
Un grand merci aussi à Mohammadou Diop, représentant de l’ISRA dans Ramses II, qui nous a
accompagné dans la logistique terrain au début de la mission et qui nous a soutenu pour la
présentation du projet et notre restitution auprès des villageois.
Merci également à Cathy Clermont-Dauphin chargée pour son appui logistique sur le terrain et à
Louise Leroux pour son aide.
Et pour finir, nous remercions toutes les personnes que nous avons enquêtées, qui nous ont
consacré une partie de leur journée, parfois même plusieurs, qui n’ont jamais refusé un entretien et
qui nous ont appris énormément.
Nio far.
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TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES TABLEAUX ET DES FIGURES 4
LISTE DES ABREVIATIONS 4
LEXIQUE 5
Introduction 6
I. PROJET RAMSES II 6
A. Présentation du projet 6
B. Collaboration entre la MJE ROOTS et l’IRD 6
II. METHODOLOGIE 7
A. Problématique et hypothèses 7
B. Déroulement de la mission 8
C. Méthodologie de la Cartographie à dire d’acteurs 8
1. Echantillonnage 8
2. Collecte et traitement des données 9
D. Méthodologie de l’étude de la Gouvernance Foncière 9
1. Echantillonnage 9
2. Collecte et Traitement des données 10
E. Méthodologie de l'étude de filière des PFNL 10
1. Echantillonnage 10
2. Outils de collecte et traitement des données 10
III. THÉMATIQUES D'ÉTUDE 11
A. Thématique I: Organisation des Parcs 11
1. Histoire de la zone 11
2. La population des parcs agroforestiers 12
3. Les surfaces agricoles des parcs agroforestiers 13
4. L'élevage dans les parcs agroforestiers 14
Sous-conclusion 14
B. Thématique II : Différent mécanismes de gestion des terres 14
Sous-conclusion 15
C. Thématique III: Les arbres et arbustes des zones d’étude 15
1. Les espèces actuelles 15
2. Différence de densité 16
3. Différence de diversité des espèces 17
4. Usages et usagers des arbres et arbustes 18
5. Régénération et protection des arbres 18
6. Accès aux ressources et conflits 19
7. Commercialisation des PFNL 20
8. Filières et particularité 21
Sous-conclusion 22
D. Thématique IV : Rapport des populations rurales à l’agriculture 22
1. Activités des femmes 22
2. Activités des hommes 23
3. Migration 24
4. Alimentation 24
Sous conclusion 25
IV. LIMITE ET PORTEE DES RESULTATS 25
CONCLUSION 27
BIBLIOGRAPHIE 28
ANNEXES 29
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TABLE DES TABLEAUX ET DES FIGURES
Figure 1 : Localisation des deux zones d’étude du projet RAMSES II 7
Figure 2 : Carte de répartition des espaces agricoles au Sénégal 11
Figure 3 : Image satellite de diohine, google earth, juin 2019 13
Figure 4 : Vue satellite de la zone de khombole, google earth, juin 2019 17
Figure 5: Degré de restriction établi selon le risque de conflit 19
Figure 6: Schéma des principaux acteurs des filières PFNL au niveau des zones d'étude 21
Tableau 1: Usages et usagers des arbres 18
LISTE DES ABREVIATIONS
CC : chef de concession
CIRAD : Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement
E&F : Eaux et Forêts
GDT : Gestion Durable des Terres, projet de reboisement
GIE : Groupement d’Intérêt Economique
IRD : Institut de Recherche pour le Développement
ISRA : Institut Sénégalais de Recherches Agricoles
LEAP – Agri : A Long term EU-Africa research and innovation Partnership on food and nutrition
security and sustainable Agriculture
PFL : Produits Forestiers Ligneux
PFNL : Produits Forestiers Non Ligneux
PRECOBA : Projet de Reboisement Communautaire dans le Bassin Arachidier
RAMSES II : Roles of Agroforestry in sustainable intensification of small farms and food Security of
Societies in West Africa
WASCAL : West African Science Service Centre on Climate Change and Adapted Land Use
WP : Work Package (groupe de travail)
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LEXIQUE
Cession de terres : s’apparente à un don de terres car se réalise sans échange d’argent
Code Forestier : loi relative à la gestion des ressources forestières définissant les interdictions et les
réglementations dont le contrôle est à la charge du service des Eaux et Forêts
Convention locale : accord écrit entre les populations d’une zone, les autorités villageoises et
étatiques et les administrations proposant un cadre, conforme à la loi, pour la gestion durable des
ressources forestières de cette même zone
Focus group : Forme d’entretien en groupe permettant d’obtenir des réponses représentatives
après concertation des acteurs entre eux
Loi sur le domaine national : loi établie en 1964 qui indique que les terres non immatriculées
appartiennent au domaine national, soit au peuple sénégalais, et sont gérées par l’Etat. Les terres
doivent être mises en valeur par les membres de la collectivité rurale
Mise en défens : technique de mise en repos d’une zone dégradée pendant une période donnée
pour favoriser sa régénération
Parc agroforestier : territoire où l’agriculture est pratiquée sous un couvert arboré plus ou moins
dense, comprend les villages, les infrastructures etc.
Terres Neuves : zone près de Koumpentoum, à l’Est du Sénégal, où les terres sont fertiles et où une
partie des sereers de la zone de Fatick ont migré suite à une politique de décongestionnement de la
région menée par l’Etat en 1970
Titre foncier : document certifiant la propriété d’une terre à son détenteur et sécurisant ses droits
sur celle-ci
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Introduction
Les systèmes agroforestiers d’Afrique de l’Ouest font actuellement face à de multiples menaces
mettant à l'épreuve la capacité de ces systèmes à répondre au besoin de sécurité alimentaire d’une
population croissante et vulnérable.
La dégradation de l’environnement, l’avancée de la désertification, l’instabilité de la pluviométrie et
l’explosion démographique sont autant d’exemples de facteurs pouvant déstabiliser la situation de ces
environnements et de ces populations.
C’est dans ce contexte que s’insère le projet de recherche et de développement RAMSES II, « Roles of
Agroforestry in sustainable intensification of small farms and food Security of Societies in West Africa »,
auquel l’IRD, le CIRAD, l’ISRA et le WASCAL prennent part en tant qu’instituts de recherche agricole publics.
I. PROJET RAMSES II
A. Présentation du projet
Le projet RAMSES II fait partie des 27 projets de LEAP-Agri. LEAP-Agri est une initiative de recherche
et d'innovation entre l’Europe et l’Afrique qui s'intéresse à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, ainsi qu’à
l'agriculture durable. Ce projet, d’une durée de 3 ans, aspire à fournir des scénarios d’intensification
innovants pour les quatre parcs agroforestiers constitués des cultures céréalières les plus représentées en
Afrique de l’Ouest, en optimisant leur adoption par les petits exploitants. Les scénarios d’intensification les
plus avantageux seront conçus grâce à une modélisation participative. A l'échelle de l'exploitation, un
modèle bioéconomique simule des scenarios de gestion proposés par les agriculteurs, leur fournissant les
impacts potentiels sur les revenus de l'exploitation et les performances agronomiques et environnementales
pour les aider à choisir les scenarios les plus adaptés à leurs priorités actuelles. A l'échelle du territoire,
toutes les parties prenantes, y compris les autorités (étatiques et coutumières) et les acteurs sociaux
(femmes, jeunes, migrants) co-construiront une gouvernance réaliste, capable de soutenir les scénarios
retenus. Il est subdivisé en différents groupes de travail (work-packages, Annexe 1), qui répondent chacun à
une problématique différente, pour un objectif final commun. Ramses II est établi au Sénégal pour étudier
les parcs à Faidherbia albida et Guiera senegalensis en relation avec le mil, et au Burkina Faso pour étudier
les parcs à Vitellaria paradoxa.
Dans ces deux zones, on retrouve des parcs agroforestiers associant le Faidherbia albida au mil, ainsi qu’une
forte présence du Guiera senegalensis.
L’expertise doit permettre la collecte pertinente de données brutes sur les trois axes d’études suivants :
- Fonctionnement et cartographie à dire d’acteurs des villages
- Étude de la gouvernance foncière
- Étude de filière des principaux PFNL
La junior expertise est répartie en groupe de 3 ou de 4 par axe d’étude avant le début de la phase terrain
(Juillet-Août 2019).
II. METHODOLOGIE
A. Problématique et hypothèses
La réflexion méthodologique a intégré les éléments de terrain pour proposer une nouvelle
méthodologie avant les premiers entretiens. La compréhension progressive de la diversité de situation a fait
revoir notre problématique globale. À la suite d’une prise de recul à posteriori de la mission terrain et de la
récolte de données, il est apparu nécessaire de modifier notre approche.
La première problématique s’intéressait aux facteurs socio-économiques qui influencent les
dynamiques des parcs agroforestiers sur les deux transects. La notion de “dynamique” a ensuite été revue
car d'après la mission terrain des commanditaires, il semblait que le plus important était de comprendre une
de ces dynamiques, à savoir la différence de densité.
La seconde problématique s’intéressait donc aux facteurs socio-économiques qui expliquent la
différence de densité d’arbres observée dans les deux zones d’étude.
L’objectif du questionnement était alors de relier ces facteurs à la densité d’arbres présente uniquement, ce
qui a semblé réducteur par rapport à notre compréhension globale des parcs dans les deux zones d’étude
après mission.
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Hypothèse 2 : L’exploitation des parcs agroforestiers par les populations rurales est régie par la gouvernance
foncière
Hypothèse 3 : Les principaux PFNL commercialisés issus de ces parcs agroforestiers constituent des filières
peu structurées
B. Déroulement de la mission
Pour s'imprégner et comprendre au maximum les pratiques locales, nous avons choisi de vivre dans
les villages que nous enquêtions. Pour faciliter notre intégration, nous avons opté pour une séparation des
trois groupes sur le terrain, de sorte à ne pas être plus d’un groupe à enquêter le même village en même
temps. Il était nécessaire de prévoir des temps (au nombre de trois) où les trois équipes se retrouvaient pour
comprendre la direction dans laquelle s’oriente la réflexion individuelle, et faire avancer l’analyse commune.
Notre mission terrain d’une durée de 36 jours s’est déroulée en trois étapes :
• 8 juillet - 12 juillet : Rencontre avec le commanditaire, les chercheurs et parties prenantes du projet à
Dakar → logistique, modification de la méthodologie, prise de contact avec les personnes
ressources;
• 12 juillet - 7 août : Immersion dans les différents villages, passage dans le centre IRD et dans celui de
l’ISRA et trois réunions de groupe ;
• 7 août - 19 août : Restitution aux différents acteurs du projet (Dakar), rédaction des livrables, mise
en commun de nos données et rassemblement par grands thèmes, rédaction de la synthèse (Dakar,
France).
C. Méthodologie de la Cartographie à dire d’acteurs
Hypothèse : La compréhension du fonctionnement interne des villages permet d’établir des liens entre
populations et parcs agroforestiers
L’intérêt de cette étude est de comprendre la perception par ses habitants du fonctionnement du
village dans son environnement et des autres espaces auquel il est connecté. L’objectif a été de produire des
données qualitatives sur un ensemble de thèmes, afin de cadrer correctement de futurs questionnaires
socio-économiques quantitatifs propres au projet.
Cet ensemble de thèmes a été choisi par les membres de l’équipe afin de cerner les réalités vécues par les
populations des villages :
• l’organisation interne des concessions
• les activités rémunératrices des hommes et des femmes
• l’organisation des champs et les techniques agricoles
• les arbres et arbustes des concessions et des champs
• la gestion de la période de soudure
• les migrations de travail
1. Echantillonnage
Les villages d’étude pour le groupe ont été :
• Diohine, Toukar et Poudaye dans la zone de Niakhar ;
• Thilla Ounté et Thilla Boubou dans la zone de Khombole.
Ces villages ont été choisis pour des raisons de représentativité des deux zones, d’évitement du phénomène
de sur-enquête, et également de logistique.
Les individus étudiés ont été :
• Différentes catégories sociales d’hommes : personne âgée, chef de concession, chef de ménage,
jeune homme (non marié) ;
• Différentes catégories sociales de femmes : personne âgée, femme mariée au chef de concession,
femme mariée à un chef de ménage, cheffe de concession, jeune fille (non mariée).
L’échantillonnage des profils a été équilibré dans la mesure du possible entre hommes/femmes, jeunes/âgés,
actifs/non actifs et riches/pauvres dans chaque village. Le but étant d’obtenir la plus grande représentativité
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des profils, et ainsi un panel de perceptions des différents thèmes abordés.
Dans les faits, les premières pluies étant arrivées le 24 juillet, nous avons pu dans un premier temps avoir
une grande liberté d’emploi du temps et de disponibilité de tous les profils d’enquêtés. Dans un second
temps, les travaux agricoles ayant commencé, les disponibilités ont été fortement restreintes pour une
majorité des profils. Mais cela nous a permis, notamment dans la zone de Khombole, d’enquêter des
personnes ne revenant au village qu’à ce moment de l’année, et donc d’avoir une représentativité
augmentée sur nos thèmes abordés.
1. Echantillonnage
Notre présence sur chaque zone d’étude étant limitée à une semaine, il a fallu sélectionner un
village, parmi ceux retenus par le projet, et se focaliser dessus. Les critères de sélection étaient les suivants :
la possibilité de loger sur place, la disponibilité de traducteurs convenables et la possibilité de recoupement
des données recueillies, imposant à chaque groupe d’étudier les mêmes villages. Nous avons donc retenu
Sothiane dans la zone de Khombole et Diohine dans la zone de Niakhar. Les traducteurs étaient jeunes et
inexpérimentés dans le premier cas puis qualifiés et comptant parmi les notables dans le deuxième.
Cependant, ils nous ont orientés dans la prospection et le ciblage des enquêtés dans les deux cas. Des chefs
de villages, premiers interrogés, nous allions vers les anciens pour l’historique de la zone, puis vers les chefs
de famille pour comprendre la gestion des terres, pour enfin rencontrer les personnes impliquées dans la
protection ou la régénération des arbres. Les femmes ont été moins interrogées du fait de leur rôle
secondaire par rapport aux hommes dans les thématiques abordées. Les jeunes, très peu présents et ayant
un pouvoir décisionnel limité ont eux-aussi été moins interrogés. Les représentants de l’Etat ont également
constitué une part importante dans les cibles d’enquête étant donné leur implication forte dans les sujets
étudiés. L’échantillon interrogé comptait une trentaine de personnes par village, parfois interrogées
plusieurs fois.
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2. Collecte et Traitement des données
Nous avons mené des entretiens semi-directifs en binôme dans le but de récolter des données
qualitatives concernant des thématiques définies telles que : les règles de transmission et de gestion des
terres, les droits d’accès aux arbres des parcs, le rôle de l’Etat dans la gestion de la terre et des arbres, la
structure des parcs et leur évolution dans le temps et l’état de conservation de leurs ressources. Tout ceci
en essayant d’enregistrer les discussions et d’observer une prise de note systématique.
Il était également important de présenter à l’enquêté le projet RAMSES II en vue des ateliers participatifs à
venir.
Chaque entretien a fait l’objet d’une retranscription détaillée à partir des enregistrements et/ou des
prises de notes puis a été synthétisé en une fiche faisant ressortir les informations essentielles. Ces fiches
ont permis de déceler les pratiques et de formuler des normes liées à l’utilisation des ressources. Enfin nous
avons réalisé une synthèse globale par zone d’étude, divisée en thèmes différents, résumant notre
compréhension des mécanismes de gouvernance liée aux ressources foncières et arborée.
Notre hypothèse d’étude, comme notre méthodologie, ont évolués pour s’adapter au terrain afin de
coller le mieux possible aux attentes de l’étude. Initialement, celle-ci n'incluait pas une sélection des
principaux PFNL commercialisés, elle devait fournir de la documentation sur les PFNL de Faidherbia albida et
de Guiera senegalensis, principales composantes des parcs agroforestiers de ces zones d’étude.
1. Echantillonnage
Le projet portant principalement sur les populations rurales des villages sélectionnés dans les zones
d’étude nous avons dû raisonner l’échantillonnage de notre étude aux différents niveaux de la filière.
D’abord au sein de nos deux zones d’étude puis en dehors auprès d’acteurs identifiés.
Ainsi à l’échelle locale, aux premiers niveaux de la filière concentrant les activités de production, de
collecte, de premières transformation et commercialisation simple, nous avons fait le choix d’avoir au moins
trois enquêtés par activité et par produit pour avoir une représentativité correcte et pouvoir croiser les
informations. Ces enquêtes se sont déroulées dans les villages.
Les enquêtés ont été sélectionnés via la liste des acteurs ciblés lors des focus group. Avant la série
d’enquêtes individuelles, un passage préalable dans chaque village a servi à compléter la liste avec le chef de
village ou d’autres personnes ressources qui ont connaissance des individus exerçant ces activités.
Afin d’appréhender la filière dans son intégralité, nous avons aussi poursuivi nos enquêtes aux autres niveaux
de la filière en intégrant des entretiens avec des groupements de femmes et des entreprises de taille
moyennes et importantes. Ces différents niveaux incluent de plus gros volumes de production, des niveaux
de transformation artisanale et industrielle élaborées et un rayon de commercialisation plus important allant
jusqu’à l’exportation. Ces entretiens sont complétés avec les enquêtes préliminaires, regroupant des acteurs
indirects de la filière.
Ce dispositif d’enquête nous a permis d’appréhender tous les acteurs directs et indirects de la filière
et d’analyser les principaux mécanismes qui la structurent.
Dans un premier temps nous avons réalisé des entretiens préliminaires auprès de divers acteurs
indirects de la filière PFNL afin de mieux cerner cette filière pour en saisir l’importance et les intérêts.
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L’entretien est mené de manière semi-directive, les questions sont ouvertes et se succède dans une suite
logique pour capter un maximum d’informations.
Dans un second temps nous avons réalisé un focus group dans chaque village pour une première
approche des filières. Les focus group sont des entretiens qui permettent d’interroger un groupe de
personnes, sélectionnés au préalable, sur différentes thématiques par l’utilisation d’un questionnaire semi-
directif.
Enfin nous avons réalisé des entretiens individuels avec des acteurs ciblés selon leurs fonctions dans
la filière. Ces entretiens individuels ont permis d’approfondir les éléments issus des focus group et de
comprendre plus en détail les mécanismes et structures liés aux filières. L’enquête individuelle permet
d’obtenir des informations descriptives (qualitatives) et des informations numériques (quantitative) sur le
fonctionnement de l’activité d’un acteur. Ces informations nous ont renseigné sur rôle dans la filière, les
quantités qui transitent, les stratégies de vente, leur appréciation du stock de ressources naturelles etc.
Le but de notre enquête est de fournir en données les filières de PFNL sélectionnés de nos zones
d’étude, l’ensemble des informations collectées ont été transcrites dans une base de données pour les
entretiens individuels, les focus group font l’objet de synthèses numériques et les entretiens issus des
enquêtes préliminaires ont été rédigés.
Le bassin arachidier sénégalais est une zone clé pour l’activité économique et la sécurité alimentaire du
pays. Dans cette zone, l’arachide est actuellement la culture de rente principale (politiques de l’état à partir
des année 1980), et récupère un rôle de culture vivrière car la plus grande partie est autoconsommée, du fait
de ses faibles rendements. C’est seulement après avoir effectué un stock de semences pour l’année N+1 que la
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concession peut décider de vendre le surplus de production. Le mil est la culture vivrière la plus répandue.
Les Sereers représentent l’ethnie majoritaire dans la zone de Niakhar, les Wolofs celle de la zone de
Khombole. Ces populations ont organisé le paysage agricole au cours du temps (Lavigne Delville et al., 1994).
En pays Sereer, les arbres ont toujours occupé une place essentielle dans le paysage agraire, en particulier
l’acacia, Faidherbia albida (Gourou, 1968). On parle aujourd’hui de parcs agroforestiers à Faidherbia albida.
Avant l’introduction de l’arachide, dans les années 1850, la gestion collective des terres associant
agriculture et élevage, couplée à de longues périodes de jachère ainsi qu’à l’utilisation des espèces
ligneuses, assurait une bonne production céréalière (Lalou, n.d.). Au début de la période coloniale, la
diffusion rapide de l’arachide a provoqué des modifications importantes du système agraire et de
l’organisation sociale, engendrant l’extension des surfaces cultivées au détriment de l’espace sylvo-pastoral
et réduisant le temps de jachère ainsi que les réserves boisées.
En revanche, elle transforme l’organisation du travail avec plus de participation et responsabilité pour les
femmes et augmente les conduites individuelles avec la monétarisation de l'économie.
Déjà à cette époque, l’augmentation démographique est importante, c’est donc dans une logique de
décongestionnement du territoire que le gouvernement colonial a encouragé les migrations vers les “Terres
neuves”, fertiles et peu peuplées. Ces terres accueillent aujourd’hui les troupeaux de transhumants Sud-
Nord en saison sèche, et des transhumants Nord-Sud en saison humide. 1960 marque le début des politiques
agricoles subventionnant les monocultures de rente, entraînant une disparition de la jachère. C’est à cette
époque que s’impose la culture continue : mil-arachide. Ceci mène à un abandon de la gestion collective des
terres (Lalou, n.d.).
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3. Les surfaces agricoles des parcs agroforestiers
Diohine pratique encore la jachère car c’est une coutume ancestrale. Les champs destinés à la jachère
changent tous les ans, c’est un système très clair où chaque concession sait quelle année ses champs seront
concernés. L’établissement de cette pratique, limitée à un an, vise surtout à mettre en place un espace
d’accueil pour le bétail durant la saison des pluies.
La SAU du village se divise en trois zones :
- Champs de case (1) : avant il s’agissait de jardins, avec plus de fruitiers mais avec les sécheresses et
l’augmentation démographique, ils se sont transformés en champs de case (la plupart sont voués à devenir
des concessions). Ils se situent autour du village, dans un périmètre proche des concessions. A Diohine, on y
cultive du mil (culture vivrière importante), c’est pour cela qu’on cultive ces champs en premier.
Exceptionnellement, on peut y voir de l’arachide. Ces champs sont les premiers semés car ils ont la meilleure
fertilité. Les animaux des concessions du village y circulent en saison sèche, et fertilisent les champs. Certains
y ajoutent de la matière organique provenant de leur jardin. La quantité de fertilisation minérale apportée
n’a pas été déterminée précisément, mais souvent, les villageois évoquent l’application d’engrais
subventionnés par l’Etat.
- Champs intermédiaires (2): à environ 2 km du village, ces champs ne sont pas concernés par la
jachère. La rotation mil – arachide y est effectuée avec, pour certains champs, des interlignes de niébé
fourrager ou alimentaire et du bissap en délimitation. L’apport en fumure organique provient principalement
des jardins et des engrais chimiques subventionnés peuvent aussi être appliqués.
- Champs de brousse (3): La jachère y est obligatoire. Ils représentent la plus grande partie de la SAU
du village. La rotation majoritaire s’organise ainsi : mil- arachide-jachère ; le niébé, le sorgho et le bissap
peuvent aussi être insérés entre les cultures ou autour des parcelles pour les délimiter. Pour ceux qui n’ont
pas de moyen de transport (pas d’animaux, âne malade, seulement une jument), il est difficile d’apporter de
la fumure. Ils en amènent s’ils peuvent et ajoutent des engrais chimiques subventionnés selon leurs moyens.
Ils peuvent aussi s’arranger à faire venir un troupeau quand leur champ est en jachère, s’ils n’en possèdent
pas.
Dans la zone de Toukar, la jachère a été abandonnée il y a 30 ans à cause de l’augmentation
démographique et de la pression qu’elle exerce sur les terres cultivées. Seul un quartier, au sud de Toukar,
dont les parcelles des villageois se trouvent en direction de Diohine, continue à la pratiquer.
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Les villages de la zone de Khombole, récemment créés (début du 20ème siècle), n’ont jamais
pratiqué la jachère, et les parcelles suivent majoritairement la rotation mil-arachide. Une parcelle peut être
laissée exceptionnellement non cultivée pour une courte période, par manque de moyens financier et/ou de
main d’oeuvre du détenteur, jusqu’à ce que ce dernier trouve un exploitant.
Les enquêtés observent une diminution continue des rendements, qui s’expliquent principalement
par un déficit de pluviométrie croissant, et par une dégradation de la fertilité des sols.
Les parcelles cultivées constituent également les parcs agroforestiers et sont donc le reflet de la
régénération des espèces arborés. On y apprend premièrement que toute espèce n’ayant pas une influence
bénéfique sur les cultures est éliminée, où ne se retrouve qu’en bordure de champ. Deuxièmement, les
espèces dont les individus adultes sont préservés (notamment le Faidherbia albida) voient leurs jeunes
plants éliminés au moment du désherbage et du labour, surtout pour le Faidherbia albida.
Sous-conclusion
Le mil reste la culture la plus importante pour la sécurité alimentaire des populations des deux
zones, mais seule Niakhar en est aujourd’hui dépendante. Avec des rendements revus à la baisse et de
moins en moins prévisibles, les villageois se tournent en masse vers de nouvelles sources de liquidité pour
pouvoir subvenir aux besoins de la concession. La fertilisation organique apportée par les animaux d’élevage
peut être complétée par un apport de fertilisant minéral, mais reste le seul amendement systématique dont
la quantité dépend directement de la situation et des moyens de la concession. Suite à cette baisse de
fertilité, la nécessité de cultiver de plus grandes surfaces s’impose, mais le phénomène de croissance
démographique limite l’accès aux terres.
B. Thématique II : Différent mécanismes de gestion des terres
L’augmentation de la population dans la zone de Niakhar provoque une forte pression sur le foncier.
Les champs de case se transforment peu à peu en zones d’habitation et les terres cultivables sont morcelées
par cuisine suite à la division des concessions. Cette division est assurée par le chef de concession, selon le
segment patri- ou matrilinéaire (Annexe 3). De plus en plus, le segment patrilinéaire est privilégié pour
conserver le patrimoine foncier dans la famille comme l’avait déjà présenté Lericollais dans son ouvrage sur
les paysans sereers (Lericollais et Institut de Recherche pour le Développement 1999). La responsabilité de
ces terres revient au chef de cuisine. Tout ceci entraîne une diminution de la SAU par cuisine et de la
production vivrière, certains hommes ont donc dû quitter le village pour libérer des terres pour leur famille.
A Sothiane, cette pression est beaucoup moins forte. Les terres appartiennent à la famille et sont
transmises de père en fils selon leurs capacités physiques et financières. Après le décès du père, le taaw
(l’aîné des fils), devient le gardien des terres (Annexe 4), il est chargé de leur répartition. C’est souvent lui qui
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reste au village quand les autres frères partent (départs pouvant être expliqués par des conflits familiaux ou
un manque de terres (Rocheteau, 1973). Les départs dépendent aussi surtout des opportunités en dehors du
village. C’est le taaw qui est sollicité en cas de conflits ou, parfois, pour les prêts de terre.
Cette pression sur le foncier a aussi été à l’origine de divers conflits, en particulier à Diohine. Les
conflits sont majoritairement réglés au sein du village avec l’appui des notables et du chef de village mais ils
peuvent remonter aux conseillers municipaux de la commission domaniale et au maire, voire au tribunal et à
la gendarmerie. Les plus fréquents concernent le morcellement, la transmission des terres ou leur
appropriation suite à un prêt. Normalement, rien ne sort du village sans que le chef du village en ait été
informé ; dans le cas contraire, les protagonistes (souvent ceux essayant de s’approprier une terre) savent
que les lois locales jouent en leur défaveur et vont alors solliciter les autorités du droit positif.
La pression sur la ressource foncière a aussi entraîné l'augmentation des emprunts de terre, le plus
souvent par des personnes extérieures à la famille. La loi de 1964 sur le domaine national a beaucoup
modifié la manière de prêter des terres.
Dans le système coutumier, la norme impose une redevance, anciennement en nature quand la
récolte suffisait, elle prend de plus en plus la forme d’une transaction monétaire. La terre est normalement
prêtée pour un hivernage, renouvelable, mais il existe des terres qui sont prêtées depuis plusieurs
générations, traduisant des relations fortes entre les familles concernées. Dans la pratique, les personnes les
cultivant se les approprient fortement. A tel point que certains descendants peuvent ne pas savoir que ces
terres ne viennent pas de leur véritable héritage familial. Il existe aussi des cessions de terres pouvant être
officielles ou officieuses, dans les deux cas, elles engendrent une transaction monétaire, réalisée
discrètement car interdite par la loi. En revanche, cela débouche très rarement sur l’obtention d’un titre
foncier. Ils sont exceptionnels au sein des populations rurales car réservés aux investisseurs privés et aux
cultures de rente, le but étant pour l’Etat de garder la mainmise sur les terres du domaine national.
La confrontation entre droit local et droit positif a engendré des tensions directement liées aux prêts
de terres et a dégradé la confiance entre les populations dans ces situations. La loi est en faveur de celui qui
est en mesure de mettre la terre en valeur et les gens s’y sont adapté. Ils ne prêtent souvent une surface que
pour un an, afin d’éviter que l’emprunteur ne se l’approprie et ceci limite fortement les investissements et
la préservation des espèces arborés présentes sur les terres prêtées. D’autres comportements ont émergés
en réponse à cette loi : certains sèment leurs champs en sachant qu’ils ne pourront pas les récolter. Le but
étant de montrer que l’on utilise la terre et éviter qu’un tiers ne l’emprunte.
Sous-conclusion
Face à cette pression foncière, plusieurs mécanismes se sont mis en place comme l’arrêt de la
pratique de la jachère, le morcellement des terres au sein des cuisines ou l’emprunt de terres. La loi a
interféré avec les règles de gestion internes au village provoquant des conflits, instaurant une méfiance entre
les gens et par la même occasion et limitant les investissements. L’agriculteur n’est pas assuré de garder sa
terre, s’il ne la cultive pas. Il n’en est pas propriétaire, les terres appartiennent au domaine national, tout
comme les arbres, pour lesquels l’exploitation n’est pas libre. La terre est un outil de production, les arbres
qui sont dessus sont, selon les perceptions, soit un atout, soit un obstacle à leur bonne exploitation.
15
Dans les années 1970, l’Etat subventionne dans les villages la plantation à grande échelle de neems,
pour remplacer la perte des autres espèces. L’objectif principal était de fournir des ressources ligneuses
nécessaires à la construction des habitats ruraux. Les villageois ont continué à en planter en nombre jusqu’à
ces cinq dernières années, surtout dans la zone de Niakhar où ses utilités sont multiples. Certaines
personnes, les éliminent car leurs racines horizontales empêchent l’accès aux nutriments pour les jeunes
fruitiers et détériorent les bâtiments.
Dans les concessions récentes, les vieux individus (baobabs et neems à Khombole ; neems à Niakhar)
ont été abattus pour la construction en dur des bâtiments.
Aujourd’hui, la tendance est à la plantation de fruitiers avec principalement les manguiers,
citronniers, moringas, jujubiers et millionnaires. La mortalité de ces jeunes plants est très élevée, à cause des
sols salins des concessions à Niakhar, de la faible fertilité de ceux de Khombole, de la faible pluviométrie dans
les deux zones, ainsi que des dommages qu’ils subissent quand ils ne sont pas protégés (animaux
domestiques, enfants, insectes).
2. Différence de densité
Dans la zone de Khombole, on observe une hétérogénéité de la densité d’arbres entre l’Est et
l’Ouest des villages. A l’Est de Thilla Boubou et Thilla Ounté, la densité d’arbres, en majorité des Faidherbia
albida, est élevée. C’est une zone très fréquentée annuellement car la route nationale et sa parallèle reliant
les villages de Khombole s’y trouvent. A l’Ouest et notamment entre Sothiane et Thilla Boubou, la densité
d’arbres est très faible. En effet, les bergers peuls arrivent après les récoltes et restent pendant toute la
saison sèche pour faire pâturer leurs troupeaux et vendre le lait à la périphérie des villes. Leurs chemins de
transhumance et leurs zones d’établissement sont choisis en fonction de la quantité de pâturage du champ
de l’agriculteur, et de la tranquillité de la zone qui leur assure une certaine liberté sur les ressources
consommées par le bétail.
16
On peut penser que dans cette zone, les villageois exploitent abusivement les feuilles et les
ressources ligneuses car ils ne seront pas pris pour premiers responsables de la détérioration du parc.
De plus, pour faciliter les travaux agricoles, les jeunes pousses sont coupées lors du passage du multiculteur.
Les individus qui ne sont pas sensibilisés (enfants, bergers transhumants) sont aussi responsables du non
renouvellement sur certaines parcelles. Sur d’autres parcelles (plus rares), ce renouvellement peut être très
avancé lorsque le propriétaire est très vigilant : il clôture sa parcelle ou protège les jeunes pousses par les
piquets-tuteurs et surtout fait savoir aux éleveurs transhumants et aux villageois son intention de les
préserver.
Dans la zone de Niakhar, entre les villages, la densité d’arbres est assez homogène mais la densité
globale est plus faible dans les champs. Le principal problème est la salinité des sols, qui pourrait réduire la
vitesse de croissance des Faidherbia albida. Leur renouvellement est cependant peu fréquent, malgré une
grande importance portée à cette espèce et à son effet fertilisant pour les cultures.
Il existe de nombreux bas-fonds salins, autrefois peuplés par les Tamarix, espèce arbustive, qui permettait
de limiter la propagation du sel. La grande majorité de cette espèce a disparu pour l’utilisation du bois-
énergie. Les cultures sont aujourd’hui impossibles dans ces zones et la majorité des tentatives de planter des
espèces ligneuses échouent.
Le Guiera senegalensis est souvent situé en bordure de route, de parcelle et centralisé en bord de
bas-fonds notamment à Diohine. La pression de coupe pour le bois de chauffe que subit cette espèce est à
l’origine de sa faible densité actuelle dans les deux zones et ce, malgré sa capacité de régénération élevée.
17
été renouvelés à cause du passage à la culture attelée. Avec l’hilaire, les enquêtés affirment qu’ils évitaient
facilement les jeunes arbres.
A Sothiane, on utilise les grandes branches pour faire des piquets qui vont servir à la construction de
palissades en association avec les tiges du mil et de quelques charpentes mais, à Diohine, leur utilisation est
bien plus variée (Annexes 4 et 5). Certains arbres sont dits « conduits ». Ils sont élagués dans le but d’obtenir
des branches droites pour faire des constructions (charpentes, greniers, outils agricoles, clôtures, palissades).
Les gens peuvent aussi planter des arbres, notamment des rôniers, pour délimiter leurs parcelles et pour
éviter des conflits potentiels. Dans les deux villages on retrouve un peu partout des neems qui en plus
d’apporter de l’ombre, sont très prisés pour nourrir le bétail en période de soudure.
Plusieurs parties de différents arbres, tels que les feuilles et les fruits du baobab ou les fruits du
tamarinier, sont indispensables pour la préparation de plats traditionnels tel que le couscous, le lakh et le
thiéboudiène. Les fruits des arbres sont consommés en complément des repas principaux. Ils peuvent être
transformés en crème glacé ou en sirop pour être plus attractifs pour les enfants.
18
initiatives n’ont pas encore émergé dans la zone de Khombole : la régénération des arbres n’est pas assistée
et est limitée aux zones non exploitées.
Des projets de reboisement, tels que GDT ou le PRECOBA, ont été lancés par le gouvernement
sénégalais, impliquant les E&F dans la sensibilisation et la formation plutôt que dans la surveillance et la
sanction. Le projet GDT a même abouti à l’élaboration d’une convention locale qui donne un cadre au Code
Forestier et replace les villageois au cœur de la gestion des ressources par la création de comités de
surveillance. Dans les zones ciblées, on remarque une conscientisation plus forte de la population et une
régénération plus importante.
D’une manière générale, l’exploitation d’un arbre de valeur marchande importante (fruits, bois
d’œuvre) est réservée au propriétaire. Un arbre proche du village, ou au sein même d’une concession, sera
beaucoup moins sujet aux coupes illicites car sous la surveillance des propriétaires et du voisinage. A
l’inverse, plus un arbre est loin dans la brousse, plus il est susceptible d’être coupé sans autorisation aux
heures où personne n’est dans les champs.
19
Si un travail visible est effectué (élagage, protection), l’exploitation des produits de ce travail est
réservé au propriétaire, car il représente un intérêt économique direct. Le travail est respecté et est un
critère d’appropriation de la ressource comme en témoigne la récolte de bois par les femmes. Les branches
au sol appartiennent à tout le monde, mais lorsqu’il est entassé, le tas de bois appartient à celle qui l’a
formé.
Lorsque les troupeaux bovins reviennent de transhumance (Niakhar) ou du pâturage en brousse
(Khombole), les feuilles de neem, de baobab et de Faidherbia albida assurent une grande partie de leur
alimentation. A ce moment dit “de soudure”, la coupe d’un arbre en vue de nourrir le bétail est moins
passible de sanction. En effet, la solidarité entre agriculteurs et éleveurs (qui sont aussi des agriculteurs),
mais également avec les E&F, est alors tangible car la survie des animaux dépend directement de cette
ressource.
Les espèces libres de toute exploitation sont les espèces sans valeur monétaire et à fort potentiel de
régénération. A Diohine, l’accès aux ressources semble beaucoup plus restreint qu’à Sothiane. Cela est sans
doute dû à une forte pression sur les ressources et à la présence d’arbres de valeur.
Dans les deux zones, cette pression augmente et amène de plus en plus de conflits. En cas de conflits, les
parties en discutent et, dans la plupart des cas, un simple avertissement oral a lieu. Si le cas est grave, le
propriétaire de la ressource convoque les notables du village et les personnes « responsables » du fautif
(souvent son père ou son chef de village). Le fautif restitue ce qu’il a volé et est soumis à une forte pression
sociale. Si le cas ne se résout pas, le chef du village est alors amené à appeler l’agent des E&F pour qu’il
vienne mettre une amende.
Plus l’accès aux produits d’un arbre est restreint par son propriétaire et plus le risque de conflit en
cas de coupe illicite est élevé. A Sothiane, les cas les plus fréquents sont les coupes illicites faites par les
peuls.
La commercialisation du tamarin est essentiellement dans la zone de Niakhar et rare dans la zone de
Khombole. Il représente un apport économique important pour ceux qui le commercialisent.
Le tamarin est difficile à conserver, la production sénégalaise est présente sur les marchés uniquement en
période de récolte. Pour répondre à la demande, le tamarin est parfois importé du Mali et du Niger. Il est
utilisé dans la cuisine traditionnelle et pour la confection de jus.
Le soump est présent dans la zone de Khombole mais pas dans celle de Niakhar. C’est une filière qui
semble assez simple et locale. Les fruits semblent être essentiellement utilisés séchés pour la consommation
directe. Quelques groupements de femmes à Thiénaba et Khombole le transforment en confiture. Ce produit
est ensuite envoyé sur commande vers les grandes villes comme Dakar ou M’bour. Il est possible de faire de
l’huile avec le noyau du fruit mais peu ont le matériel nécessaire.
Deux produits du Faidherbia albida font l’objet d’une commercialisation: la gousse (hadd) utilisée
pour l’alimentation du bétail et l’écorce pour la médecine traditionnelle. Les gousses sont présentes sur les
marchés pour l’alimentation animale surtout en période de soudure. La filière est courte et simple : les
gousses font surtout l’objet de l’autoconsommation. Les principaux acteurs de la filière sont les enfants qui
ramassent les gousses pour les revendre le plus souvent aux éleveurs du village. Il y a néanmoins des cas où
20
les fruits sont vendus sur les marchés. Le fait que le peuplement du Faidherbia albida soit dense, son accès
très facile et qu’il n’y ait aucune restriction sur son usage peut expliquer que son utilisation ne fasse pas
l’objet d’une filière plus complexe.
Ces filières permettent à certains acteurs de développer une activité économique. A l’échelle locale,
on dénombre quatre à cinq catégories d’acteurs principaux présentés dans le schéma suivant. Les acteurs
peuvent appartenir à plusieurs de ces catégories et certains ne transmettent qu’une très faible quantité de
produits.
8. Filières et particularité
Les récolteurs, à l’origine de la filière, utilisent souvent les revenus de cette activité pour subvenir à
une partie de leurs besoins tels que les frais de scolarité, d’habillage et d’alimentation. Les transformateurs
artisanaux disposent d’un matériel de base (ustensiles de cuisine, réfrigérateur) et ont pu parfois recevoir
une formation auprès de groupements ou d’associations de transformateurs.
Les bana-banas, les plus expérimentés et équipés de la filière à l’échelle locale, disposent
généralement d’un capital financier de départ pour pallier des dépenses qui sont conséquentes en
comparaison aux dépenses quasiment nulles des acteurs précédents. Généralement, le commerce de PFNL
se joint au commerce d’autres produits alimentaires tel que l’arachide et le niébé.
A l’échelle nationale, d’autres acteurs intègrent le circuit de commercialisation. Les grossistes, qui
peuvent déjà être présents à l’échelle locale, peuvent aussi être localisés dans les grandes villes comme Thiès
ou Dakar. Des associations ou GIE constitués par des femmes à différents niveaux communautaires (quartier,
village, commune) effectuent essentiellement des activités de transformation et commercialisation à plus
grosse échelle. Ces activités ne sont pas issues uniquement des PFNL. La répartition des bénéfices réalisés au
sein de ces organisations suit le système coopératif. En plus des activités de commercialisation, ces
groupements de femmes ont pour objectif de former aux techniques de transformation. Pour l’ensemble de
leurs activités, ces organismes disposent d’aides financières, de locaux de transformation et de
commercialisation et parfois même d’équipements spécifiques.
Enfin, il existe au Sénégal quelques dizaines d’entreprises qui transforment et/ou commercialisent des PFNL.
Leur champ d’application est large. Certaines se spécialisent dans la confection de sucreries à base de pain de
singe par exemple, à destination d’une clientèle sénégalaise, tandis que d’autres se spécialisent dans la
confection de cosmétiques pour l’export. Pour atteindre un marché et des clients importants, les entreprises
certifient la qualité de leurs produits par la labellisation.
Certaines entreprises cherchent à développer les filières biologiques. Cette démarche implique d’avoir une
traçabilité du produit sur l’ensemble de la chaîne, ce qui pousse ces structures à créer plusieurs partenariats
21
avec des GIE. Cette certification est coûteuse ce qui limite le nombre d’entreprises qui s’inscrivent dans cette
initiative. Cependant, cette certification permet une forte valeur ajoutée. Elle est parfois complétée par une
certification Fairtrade. Actuellement, ces entreprises sont en forte croissance mais leurs possibilités
d’approvisionnement ne couvrent pas la très forte demande.
Sous-conclusion
De nombreuses utilisations sont faites des arbres et certaines tendent à disparaître par la
modernisation et l’accès aux soins. La disparition de nombreux arbres, en grande partie suite aux conditions
environnementales, limite aussi leur utilisation. Pour certains, la vente de PFNL représente la grande
majorité de leurs revenus alors que ça ne représente qu’un apport financier complémentaire pour
d’autres. C’est très rarement une activité unique, elle est souvent complétée par l’artisanat et la
vente d’autres produits alimentaires. Bien que la commercialisation des PFNL ne constitue pas le
coeur des stratégies économiques des ménages, leur importance relative permet aux ménages de
compenser des périodes de baisse d’activité économique et de subvenir à certains besoins. Les
arbres avec des produits de valeur tels que les fruitiers, sont dans la grande majorité plantés uniquement au
sein des concessions où on peut les entretenir et être les seuls à en bénéficier. La régénération est donc rare
en dehors des concessions, les arbres de brousse étant peu nombreux à être protégés et/ou plantés.
Certaines initiatives de reboisement, régénération ont replacé les populations au coeur de la préservation de
leur environnement et ont eu des retombées positives.
La réglementation nationale n’a jusqu’alors pas permis de changements majeurs dans la dégradation
des parcs agroforestiers. Il existe un décalage important entre les lois relatives à la gestion des ressources
arborées et les normes locales régissant leur exploitation, les pratiques sont elles-mêmes parfois divergentes
des normes villageoises. D’une manière générale, la gestion et l’exploitation des arbres relève du bon sens,
les arbres ayant de la valeur sont mieux utilisés par les populations et les normes relatives à leur usage et
accès sont plus respectées.
Le calendrier annuel des activités des femmes continue à dépendre des parcs agroforestiers. Les pics
de travail débutent à partir d’avril (début de la constitution du stock de bois de chauffe), en passant par
octobre (récolte arachide, bissap, niébé) et jusqu’à décembre (fin de 3 mois de pillage et battage manuel du
mil). La démocratisation des batteuses mécanisées, qui arrivent dans les villages en janvier, permet de
réduire la durée de certaines étapes de la préparation du couscous de mil. Ces mêmes étapes peuvent être
réparties avec l’arrivée d’une coépouse et/ou d’une belle-fille par la mise en place de rotations quotidiennes
de la préparation de la cuisine, et plus généralement des tâches ménagères. La description de ce système
d’organisation interne est vérifiable grâce à la bibliographie (Maffray, 2014).
La place des arbres fruitiers des parcs dans les activités des femmes (cueillette pour
autoconsommation, vente) est aujourd’hui très réduite.
Elles développent le petit commerce de vente de beignets, de cacahuètes, de bissap, crèmes glacées
et de draps brodés ; et d’achat-revente de marchandises (tapis) ainsi que de fruits et légumes tels que les
mangues, le pain de singe ou les poivrons. Bien qu’une majorité possède des ovins et/ou caprins, une
minorité pratique l’embouche du petit bétail. En fonction du capital de base de la concession et de leur
22
temps, les quantités vendues se limitent à l’échelle du village ou permettent d’atteindre l’échelle des grands
marchés (Mbafaye, Khombole). Ces activités ont gagné en efficience grâce à la création d’un grand nombre
d’associations de femmes qui organisent la logistique de l’accès aux denrées dans les villages et fournissent
de la liquidité à un grand nombre de femmes. Les GIE sont récents, et ne font pas l'unanimité dans les deux
zones. Actuellement, ces rémunérations leur permettent de participer aux dépenses alimentaires
quotidiennes.
La diminution de la disponibilité de la ressource bois-énergie et la pression des E&F ont créé deux
tendances différentes en fonction des deux zones. À Niakhar, les concessions sont encore très dépendantes
du bois de chauffe (malgré l’utilisation répandue de la brisure de mil), et la tâche de ramassage s’étend très
fréquemment après la période autorisée et peut les mener au-delà des limites du village, au risque d’être
réprimandées par les autorités. Dans la zone de Khombole, seules les concessions en difficulté (mort du chef
de concession, échecs des migrations économiques) sont encore dépendantes de cette ressource, mais la
majorité utilise aujourd’hui gaz et charbon. Grâce au poids des associations, ils sont achetés en gros et sont
disponibles à crédit.
Dans les deux cas, le bois de chauffe est acheté pour les grandes cérémonies (baptême, tabaski,
mariage) au marché, où la spéculation est forte.
Depuis le début des grandes sécheresses, l’agriculture pluviale et familiale n’absorbe plus la main d’oeuvre
masculine disponible, en constante augmentation.
Dans les deux zones, la volonté est de tirer de la liquidité de l’activité agricole, faute de quoi le calcul
de rentabilité à court terme (qui semble dicter les perspectives d’avenir dans les deux zones) pousse
instantanément les jeunes hommes à chercher du travail à l’extérieur des villages.
Dans la zone de Niakhar, les troupeaux se transmettent par héritage matrilinéaire et constituent un
capital à partir duquel l’activité d’embouche bovine s’est développée. Aujourd’hui, c’est cette activité qui
permet de supporter les charges liées à l’alimentation du troupeau en saison humide et aux frais de
transhumance en saison des pluies (salaires, frais de pâturage dans le Ferlo). De plus, l’activité maraîchère
récemment investie ces 5 dernières années permet de dégager d’importantes liquidités et de fournir un
travail annuel à un chef de ménage. Ces activités sont connues et établies par la bibliographie (Delaunay et
al., 2018).
Le business d’achat-revente est très répandu pour les PNFL (activité de grossiste), les bovins et
l’arachide, et concerne les hommes expérimentés (principalement les chefs de concession) qui maîtrisent les
marchés spécialisés. Cette activité n’est accessible qu’aux concessions ayant un capital relativement
conséquent pour être capables d’investir.
Dans la zone de Khombole, l’achat-revente au sein des villages est pratiqué, notamment de la paille
d’arachide et de PFNL, à plus grande échelle que les femmes. Ce travail de grossiste est également dédié aux
hommes ayant un capital d’investissement disponible, mais cette activité reste tout de même minoritaire.
Majoritairement, les hommes sont couturiers et maçons, aux villes alentours ou plus éloignées, ou
sont commerçants et tiennent des boutiques au village ou en ville. Pour les “descendants du marabout”, le
réseau religieux leur permet de vivre de leurs enseignements coraniques en récupérant notamment l’argent
récolté par les Talibés.
La différence de vision de l’agriculture est telle que pour les sereers, elle occupe toujours la place de
l’activité la plus importante pour des raisons d’identité culturelle (héritage, traditions), alors que les wolofs
de Khombole ont des divergences extrêmes de point de vue (Stomal-Weigel, 1988). Globalement, dans cette
zone, les terres sont en grande partie prêtées et exploitées par des hommes extérieurs.
23
3. Migration
La migration est un phénomène de plus en plus fréquent, qui a tendance à se démocratiser et à
devenir une norme familiale, ce que ne connaissaient pas les anciennes générations. Il y a une contribution
presque systématique de la part des personnes sorties pour subvenir aux charges familiales des ménages.
Cette contribution dépend évidemment du degré de réussite économique de la migration, il y a une
multitude de cas propres à chaque famille. C’est un choix directement connecté à la réalité économique et
démographique de ces villages. S’il y avait du travail au village, quasiment tout le monde resterait, ce
principe est ressorti de tous les entretiens.
On distingue ici deux types de migrations : la migration temporaire (personne qui revient pour
l’hivernage et les travaux agricoles) et la migration longue voir définitive (personne qui ne revient pas pour
l’hivernage, mais seulement pour rendre visite à sa famille).
Le stade d’avancement des procédés de migration n’est pas le même dans les deux zones.
La zone de Niakhar est caractérisée par une prépondérance de migration temporaire, avec une main
d’œuvre qui revient pour les travaux d’hivernage, comme énoncé par la bibliographie (Lalou and Delaunay,
2015).
À l’inverse, la zone de Khombole est touchée par de nombreuses migrations longues, ce qui impacte
fortement l’agriculture. Le poids économique sur les liquidités des ménages des deux zones n’est pas non
plus le même. L’activité rémunératrice principale dans la zone de Niakhar est le travail aux champs, alors
que dans la zone de Khombole, les ménages se reposent sur les revenus des migrants ou d’un autre emploi
que l’agriculture. Cela se ressent également sur l’architecture des bâtiments des deux zones : les revenus des
migrations sont utilisés pour construire des bâtiments en dur plus modernes, et non pour développer les
techniques agricoles.
Ces phénomènes de migration touchent très majoritairement les hommes, et les femmes dans
certains cas spécifiques (travail de cuisinière ou de femme de ménage). Ainsi, dans la zone de Khombole, les
femmes peuplent en grande majorité les villages, même pendant l’hivernage.
La majorité des enquêtés voient ces mouvements de population d’un œil positif : ils permettent de
fournir du travail qu’ils ne pourraient pas trouver au village, cela allège le nombre de bouches à nourrir,
notamment en saison sèche, et ils rapportent évidemment de l’argent.
Néanmoins, un prix à payer a également été mentionné par certains enquêtés : un changement
comportemental et culturel des migrants, la peur de la honte de l’échec de la migration engendrant de
mauvaises conditions de travail et la saturation économique des lieux de migration.
4. Alimentation
Les animaux qui appartiennent à la concession ne sont jamais autoconsommés lors de
périodes de soudure, ils sont vendus et l’argent récolté sert à acheter les céréales et condiments manquants.
De plus, la sécurité alimentaire que peuvent atteindre certains ménages grâce à l’autoconsommation de leur
production agricole est toujours relative, car elle dépend dans tous les cas de l’achat de riz pour préparer
chaque repas du midi au minimum. La production de mil a beaucoup plus d’importance pour la sécurité
alimentaire des ménages à Niakhar qu’à Khombole.
• La soudure
A Diohine, Toucar et Poudaye, on distingue la soudure dite « annuelle » de la soudure plus
« exceptionnelle ». Pendant la soudure annuelle, le mil manquant est acheté dans le grand marché de
Mbafaye et il est souvent mélangé au maïs dans les préparations.
Les soudures exceptionnellement difficiles sont beaucoup moins fréquentes depuis les récents
investissements dans les routes, boutiques et grands marchés.
24
La diminution de la capacité d’autoconsommation des cuisines est liée en majorité à la réduction de la SAU
dédiée à la production de mil, et ensuite à la faible fertilité des sols.
A Thilla Ounté et Thilla Boubou, la soudure annuelle a disparu pour les concessions dont la
production de mil représente moins de 50% de l’autoconsommation des ménages, concessions qui sont
majoritaires. Une soudure exceptionnelle n’a pas été ressentie depuis plusieurs décennies, mais une année
comme 2018 où le manque de pluviométrie n’a pas permis aux cultures d’atteindre leur maturité est perçue
comme “année difficile”.
Sous conclusion
La nature des activités des hommes et des femmes des villages des zones d’étude ont
toujours été des facteurs structurants des parcs agroforestiers. On constate cependant un
changement de ces activités : modernisation des techniques, travail non agricole, augmentation du
phénomène de migration. Une partie des hommes ont quitté les villages, laissant un rôle de gestion
plus important aux femmes. Les soudures sont de moins en moins difficiles malgré une baisse de
rendements continue. Les ménages sont devenus moins dépendants des productions agricoles et
des PFNL des parcs agroforestiers grâce à une augmentation des infrastructures et du
développement des revenus non-agricoles. Les nouvelles générations grandissent dans un
environnement où l’agriculture ne permet plus de nourrir la concession toute l’année. Les
populations ne souhaitent plus baser leurs activités sur la seule période d’hivernage, mais ont
tendance à vouloir faire du maraîchage ou à s’éloigner du secteur agricole.
L’approche qualitative, que nous avons privilégiée pour notre mission, implique de laisser une grande
place à la sensibilité des enquêteurs pour tirer des conclusions. Initialement, elle n’assure pas une
représentativité des résultats à cause de la taille réduite de l’échantillon. Ensuite, pour la gouvernance et la
cartographie, les entretiens semi directifs ne prennent pas toujours la même direction, les questions
s’adaptent à chaque cas et la base de données produite n’est donc pas comparable suivant les mêmes
critères. Nous avons également pu passer à côté de certains acteurs clés dans les thématiques étudiées s’ils
ne sont pas ressortis lors des entretiens, comme des personnes de Sothiane impliquées dans des conflits, ou
de jeunes hommes travaillant aux champs au moment des enquêtes à Thilla Ounté et Thilla Boubou.
La courte durée de la mission a aussi limité la confiance des villageois concernant l’objectif de notre
venue et a donc généré de la méfiance. Cette dernière a pu se traduire par une omission volontaire, voire des
mensonges, sur des sujets tels l’accès aux arbres et les demandes d’autorisation de coupe qui ne sont pas
25
réellement effectuées ; le ramassage du bois de chauffe, dont la réglementation ne permet pas aux ménages
de subvenir à leurs besoins ; la part que représente les apports financiers des activités des femmes dans les
charges de la concession car l’honneur de l’homme doit être préservé. Malgré de nombreux efforts de
présentation, d’insistance sur notre statut d’étudiant et sur l’importance de la véracité des données,
certaines personnes nous identifiaient comme contrôleurs et se méfiaient de notre approche. Ce problème a
surtout été rencontré dans la zone de Khombole, où aucune étude socio-économique n’avait été réalisé
récemment : la population n’était pas familière au concept d’enquêtes.
Plusieurs traducteurs ont été mobilisés pour l’enquête, et la diversité de leur expérience a
directement impacté la qualité des données obtenues. Avec des traducteurs moins expérimentés, la
traduction du discours des deux parties est moins exacte, les nuances des questions et des réponses
ressortent moins ou pas, la capacité à motiver et mettre en confiance les enquêtés est moindre.
La période d’enquête n’a pas été la plus optimale pour l’étude de la filière. En effet, certains produits
n’étaient pas disponibles sur les marchés intérieurs, ce qui a grandement influencé les informations
transmises par les enquêtés à cause de biais de mémoire (manque de précision, difficulté à dégager des
revenus quand différentes stratégies se mélangent).
Pour le groupe dans son ensemble, des réunions d’avancement plus fréquentes auraient permis le
recoupement des données qualitatives et quantitatives pour identifier les réflexions à approfondir et la
recherche de tendances générales selon les principales thématiques et profils dégagés.
26
CONCLUSION
Les parcs agroforestiers ont connu une chute brutale de la densité et de la diversité d’arbres
lors de la grande sécheresse des années 1970. Depuis, la baisse de la pluviométrie, les vents
violents, la remontée des sels dans la zone de Niakhar, la mécanisation, l’accroissement
démographique et donc de la pression sur les terres et les ressources ont été des facteurs de
dégradation continue. La diminution des arbres a aussi participé à l’augmentation de l’érosion et la
diminution de la fertilité des sols (Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature,
2010).
Pour mettre en place des scénarios d’intensification adaptés, le respect des différents
mécanismes propres à l’exploitation des produits forestiers ainsi que des us et coutumes des
populations est indispensable. L’intégration des acteurs extérieurs aux villages, participant à la
dégradation des parcs, tels que les guérisseurs ou les transhumants, et des autorités étatiques est
essentielle pour une action à l’échelle du territoire. Nous avons été le premier contact avec les
différents acteurs dans le cadre du projet, nous leur avons donc présenté la problématique et la
démarche Ramses II. Cela a permis de lancer les discussions et d’impulser la réflexion au niveau des
villages. Notre intervention a été le point de départ de l’approche participative. Le projet doit faire
prendre conscience aux populations de l’importance de l’arbre comme composante structurelle
essentielle aux systèmes de culture des exploitations, en lien avec les stratégies économiques des
ménages et non seulement comme une ressource disponible et libre d’exploitation.
27
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Wolof dans deux villages du vieux bassin arachidier (Sénégal). Cahier des Sciences Humaines
17.
28
ANNEXES
Annexe 1 : Détail des Work Packages
29
30
31
32
Annexe 3 : Segment de transmission matrilinéaire et patrilinéaire chez les sereers
Annexe 4 : Gestion du patrimoine foncier chez les wolofs
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Annexe 5 : Tableau des usages des arbres à Diohine
34
Annexe 6 : Tableau des usages des arbres à Sothiane
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