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SERIES EDITOR
Giulia Belgioioso (Università del Salento)
EDITORIAL BOARD
Igor Agostini (Università del Salento)
Roger Ariew (Tampa University, Florida)
Jean-Robert Armogathe (EPHE, Paris)
Carlo Borghero (Università di Roma, La Sapienza)
Vincent Carraud (Sorbonne Université)
Alan Gabbey (Barnard College)
Daniel Garber (Princeton University)
Tullio Gregory † (Accademia dei Lincei)
Jean-Luc Marion (Académie française)
© BREPOLS PUBLISHERS
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THE AGE OF DESCARTES
DESCARTES ET SON TEMPS
Edité par
Giulia Belgioioso et Vincent Carraud
Avec la collaboration de
Siegrid Agostini
Giulio Gisondi
(index des noms)
F
© 2020, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium.
© BREPOLS PUBLISHERS
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D/2020/0095/30
ISBN 978-2-503-58452-2
E-ISBN 978-2-503-58472-0
DOI 10.1484/M.DESCARTES-EB.5.117388
E-ISSN 2566-0276
Printed in the EU on acid-free paper.
TABLE DES MATIÈRES
Ire PARTIE
LE TEXTE ET SES CONCEPTS
I
ANTÉCÉDENTS, TEXTES ET CONTEXTES
Dominik Perler
Classifying the Passions : Descartes and his Scholastic Background 19
Igor Agostini
Verso una ridefinizione del lessico scolastico-cartesiano delle passioni 41
Annie Bitbol-Hespériès
De toute la nature de l’homme : de l’Homme à la Description du corps
humain, la physiologie des Passions de l’âme et ses antécédents
médicaux 67
Franco A. Meschini
Les Passions de l’âme, un testo stratificato: l’influenza di Elisabetta 101
Alexandre Guimarães Tadeu de Soares
La désaffection du monde : les quatre thèses fondamentales de la
correspondance avec Elisabeth 137
Erik-Jan Bos
The Correspondence between Princess Elizabeth and Descartes Revisited :
The Countess of Horne and the Epistolae Edition 149
Corinna Vermeulen
Passiones sive affectus animae : Le thème latin d’un étudiant 169
Mariafranca Spallanzani
Les passions du philosophe et le progrès de la science :
la Préface des Passions de l’âme 179
5
TABLE DES MATIÈRES
II
DES PASSIONS EN GÉNÉRAL
Gilles Olivo
Parler des passions « en physicien » ? 201
Jean-Luc Marion
La connaissance à l’estime 217
Denis Kambouchner
Sur le sujet des émotions intérieures : Descartes et François de Sales 241
Vincent Carraud
Le Passions de l’âme e il fenomeno del mondo : uno schizzo 259
Hiroaki Yamada
L’interaction entre l’âme et le corps 273
Xavier Kieft
Cinéma 1, ou le discours indirect libre de Descartes en Deleuze 291
Pablo Pavesi
La volonté du mal et la haine dans la Lettre à Voet, un impensé des
Passions de l’âme ? 311
IInde PARTIE
RÉCEPTIONS
I
LA RÉCEPTION DES PASSIONS DE L’ÂME
DANS L’EUROPE SAVANTE
Theo Verbeek
Une réaction peu connue aux Passions de l’âme : Regius et Descartes 335
Domenico Collacciani
Clauberg et la générosité de Descartes 353
Giuliano Gasparri
Générosité et habitude dans le cartésianisme 375
Roger Ariew © BREPOLS PUBLISHERS
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Passions of the Soul in ITDescartes and theWITHOUT
MAY NOT BE DISTRIBUTED First PERMISSION
Cartesians OF THE PUBLISHER. 391
Laure Verhaeghe
Descartes diverti :
Pascal lecteur des Lettres à Elisabeth et des Passions de l’âme 407
Alberto Frigo
Descartes, Pascal et la gloire 435
Laurence Renault
Spinoza lecteur des Passions de l’âme 457
6
TABLE DES MATIÈRES
Frédéric Manzini
Spinoza selon l’ordre des affects 481
Tad M. Schmaltz
Passive and Active Love in Descartes and Malebranche 493
Gábor Boros
Malebranche et le concept cartésien de l’amour de Dieu 511
Antonella Del Prete
La théorie des passions de Régis 531
Alessandra Fusciardi
Le Passioni dell’anima nello studio romano :
il corso di filosofia naturale di Vitale Giordani (1689-1690) 547
Francesco V. Tommasi
Signes extérieurs des passions et caractéristique anthropologique :
de Descartes à Kant 561
II
LECTURES PHÉNOMÉNOLOGIQUES
Dominique Pradelle
Passivité et causalité psychophysique :
Husserl cartésien ou spinoziste ? 577
Wojciech Starzyński
Au-delà de Merleau-Ponty :
l’ultime avancée phénoménologique de Descartes 603
Dan Arbib
L’âme cartésienne est-elle passive en ses passions ? De la double
insuffisance du traité des Passions de l’âme selon Levinas 615
Grégori Jean
La passivité ontologique originaire henryenne à l’épreuve des Passions
de l’âme 635
ANNEXE
Yves Pouliquen
L’œil de Descartes 661
7
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ACRONYMES – ABRÉVIATIONS
ACRONYMES – ABRÉVIATIONS
9
ACRONYMES – ABRÉVIATIONS
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10
PABLO PAVESI
1.
Nous connaissons la circonstance qui conduit Descartes à publier,
en 1643, la lettre qui nous occupera ici : il s’agit de l’accusation
publique d’enseigner furtivement l’athéisme, proférée par Mar-
tin Schoock, ou Schoockius, professeur de philosophie à l’Uni-
versité de Groningue, dans le livre Admiranda Methodus novæ
Philosophiæ Renati Des Cartes, écrit à l’instigation de Gisbert
Voet, ou Voetius, théologien reconnu, pasteur de l’Église réfor-
mée et recteur de l’Université d’Utrecht, que Descartes considère
(avec raison, compte tenu de la confession postérieure de Schook)
comme l’auteur intellectuel du livre et de la calomnie 1.
Rappelons que Descartes reçoit et décrit cette accusation comme
le pire des maux possibles, la « plus dévergondée et atroce » des
calomnies, celle d’« injecter subtilement et occultement le venin de
l’Athéisme 2 », le pire des péchés contre Dieu et le pire des délits
contre la société ; c’est justement à cause de cette double dimension
1
L’exégèse a privilégié le commentaire de l’Epistola ad Voetium par rapport
à la longue Querelle d’Utrecht, donc, à l’histoire de la réception de la philosophie de
Descartes. Nous renvoyons à Th. Verbeek, Descartes and the Dutch : Early Reactions
to Cartesian Philosophy, 1637-1650, Southern Illinois University Press, Carbondale,
1992 et à Th. Verbeek (éd.), La Querelle d’Utrecht, Les impressions nouvelles,
Paris, 1998. Pour un examen de l’Admiranda Methodus, voir M. Savini « La cri-
tique des arguments cartésiens dans l’Admiranda Methodus de Martin Schoock »,
dans A. del Prete (éd.), Il Seicento e Descartes, Le Monnier, Firenze, 2008, p. 168-197
et, dans le même volume, A. del Prete, « Syllogisme, hypothèse et démonstration
dans la polémique Schoock-Descartes. Réponse à Massimiliano Savini », p. 198-205.
2
AT VIII-2 142, ll. 6-7 (BOp I 1644-1646) ; AT VIII-2 142, ll. 3-4 (BOp I
1644) ; AT VIII-2 188, l. 30-189, l. 1 (BOp I 1686) et AT VIII-2 187, ll. 18-19
(BOp I 1684).
Les Passions de l’âme et leur réception philosophique, éd. par Giulia Belgioioso et Vincent Carraud, Turnhout, Brepols, 2020
(DESCARTES, 4), p. 311-330 FHG 10.1484/M.DESCARTES-EB.5.117844
311
P. PAVESI
3
« Patrem occidere, patriam © BREPOLS
incendere vel prodere,
PUBLISHERSleviora sunt, quam subdole
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Atheismum docere », ATIT MAY VIII-2
NOT BE188, ll. 26-28
DISTRIBUTED (BOp
WITHOUT I 1684-1686).
PERMISSION OF THE PUBLISHER.L’attribution
312
LA VOLONTÉ DU MAL ET LA HAINE DANS LA LETTRE À VOET
2.
Interrogeons-nous : y a-t-il un autre texte dans le corpus cartésien
où l’on constate le fait ou bien où l’on admet la possibilité de
cette méchanceté radicale, une haine de Dieu et des hommes ?
7
AT VIII-2 130, ll. 2-3 (BOp I 1634).
8
AT VIII-2 133, ll. 21-24 (BOp I 1638) ; AT VIII-2 88, ll. 10-13 (BOp I 1584) ;
AT VIII-2 189, ll. 15-16 (BOp I 1686).
313
P. PAVESI
« […] bien qu’elle leur dicte quelquefois les plus grands crimes
qui puissent être commis par des hommes, comme de trahir des
villes, de tuer des princes, d’exterminer des peuples entiers, pour
cela seul qu’ils ne suivent pas leurs opinions 9 ».
Il est clair que Voetius est évoqué ici comme le « séditieux »,
le « turbulent », qui « excite la haine » et dont la parole fait naître
la dissension publique et la guerre 10. Mais ce texte nous est de
peu d’utilité pour l’élucidation de la Lettre. D’abord, parce que le
crime ou le désir de crime de lèse-majesté et d’humanité ne sont
pas nécessairement une conséquence de cet orgueil ; l’orgueil-
leux peut se croire l’ami de Dieu sans pour cela être possédé par
des désirs criminels (« bien qu’elle leur dicte quelquefois… »).
En second lieu, parce que l’orgueilleux ne hait pas Dieu, de qui
il se dit, au contraire, aimé ; c’est justement à cause de cette ami-
tié que le bigot croit respecter Sa volonté. Il est vrai que Voetius
agit, écrit Descartes, comme si il eût l’habitude de parler avec
Dieu, mais il fait semblant, littéralement, il imite le rôle de pro-
phète, en sachant que ses décisions proviennent toujours de
lui-même 11. Voetius n’est pas le bigot, il est l’hypocrite 12. Fina-
lement, l’orgueil, comme toute passion vicieuse, est le produit
d’une erreur, de l’injuste estime de soi, mais qui admet cepen-
dant une justification absurde, précisément, la prétendue amitié
personnelle avec Dieu, de telle sorte que, s’il est commis, le crime
prend toutefois une apparence de vérité. Cet orgueil nous rap-
proche de l’irrationalité du mal mais il relève encore de l’injuste
auto-estime, donc il ne nous aide pas dans notre questionne-
ment sur le mal radical, incarné dans l’ennemi de Dieu et des
hommes.
9
Passions, III, art. 190, AT XI 472, ll. 2-15 (BOp I 2506).
10
« iram et odium in alios homines excitat », AT VIII-2 48, l. 4 (BOp I 1544) ;
« publica dissidia et bella », AT VIII-2 50, l. 5 (BOp I 1546).
11
« ex propio pectore », AT VIII-2 125, l. 2 (BOp I 1628).
12
AT VIII-2 28, l. 26 (BOp I 1520).
13
Passions, III, art. 188 (AT XI 470, ll. 26-27 ; BOp I 2506).
314
LA VOLONTÉ DU MAL ET LA HAINE DANS LA LETTRE À VOET
14
Passions, III, art. 182 (AT XI 466, ll. 23-24 ; BOp I 2500) ; III, art. 83 (AT XI
467, ll. 7-23 ; BOp I 2502).
15
Passions, III, art. 182 (AT XI 466, ll. 17-20 ; BOp I 2500), nous soulignons.
16
L’article 134 découvre dans les enfants qui, étant fâchés, pâlissent au lieu de
pleurer «une marque de mauvais naturel, à savoir lorsque cela vient de ce qu’ils sont
enclins à la haine ou à la peur » : AT XI 427, ll. 15-17 (BOp I 2450). Pourtant, cette
haine se borne à la fâcherie (AT XI 425, l. 25) qui résulte de leur faiblesse.
315
P. PAVESI
raisons pour lesquelles une passion peut être pire qu’une autre :
« à cause qu’elle nous rend moins vertueux ; ou à cause qu’elle
répugne davantage à notre contentement ; ou enfin à cause qu’elle
nous emporte à de plus grands excès, et nous dispose à faire plus
de mal aux autres hommes » 17. Or, si on prend le second cri-
tère, la réponse est claire : « je n’y trouve aucune difficulté : car la
haine est toujours accompagnée de tristesse et de chagrin » alors
que « au contraire, l’amour, tant déréglée qu’elle soit, donne du
plaisir 18 ».
Pourtant, Descartes admet une exception à cette loi, c’est-à-
dire, un plaisir dans la haine qui peut seulement être compris par
recours à l’affreuse similitude avec le diable : « la haine est tou-
jours accompagnée de tristesse et de chagrin ; et quelque plaisir
que certaines gens prennent à faire du mal aux autres, je crois que
leur volupté est semblable à celle des démons, qui, selon notre
religion, ne laissent pas d’être damnés, encore qu’ils s’imaginent
continuellement se venger de Dieu, en tourmentant les hommes
dans les Enfers 19 ».
Hors la lettre à Voetius, il s’agit de l’unique texte où l’on admet
une méchanceté humaine et en même temps diabolique qui exige
un saut à l’infini (très différent de l’orgueil du bigot) et permet la
ressemblance avec le diable, une haine de Dieu et des hommes.
On notera que cette haine ne suit pas la définition que donne
Descartes dans Les Passions de l’âme, à savoir, une inclination
à nous séparer de l’objet qui nous fait du mal 20 ; il ne s’agit pas
non plus, comme dans l’envie misanthrope, de la tristesse ou du
plaisir, toujours passifs, provoqués par le bien ou le mal dont les
autres hommes jouissent ou souffrent, mais d’une volupté dans
la haine qui se traduit par une méchanceté effectivement exer-
cée, la seule malfaisance qui peut mériter la ressemblance avec la
bêtise du démon qui croit qu’il se venge de Dieu en faisant du mal
aux hommes. © BREPOLS PUBLISHERS
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17
À Chanut, 1er février 1647, AT IV 613, ll. 14-19 ; BLet 600, p. 2394.
18
Ivi, AT IV 614, ll. 15-17 et ll. 23-24 ; BLet 600, p. 2394 ; Passions, II, art. 140,
AT XI 433, l. 1-3 ; BOp I 2458.
19
À Chanut, 1er février 1647, AT IV 614, ll. 17-22 ; BLet 600, p. 2394.
20
« Et la haine est une émotion causée par les esprits, qui incite l’âme à vouloir
être séparée des objets qui se présentent à elle comme nuisibles » Passions, II, art. 79,
AT XI 387, ll. 6-8 ; BOp I 2402-2404.
316
LA VOLONTÉ DU MAL ET LA HAINE DANS LA LETTRE À VOET
3.
3.1. Cependant, la volupté du mal, la perversité par nature, sont
décrites seulement une fois, au moment même de les affronter,
dans la Lettre à Voet. Dans deux pages qui ont été peu commen-
tées, Descartes, sur le point d’exposer les mérites de Voetius comme
auteur de livres, s’arrête pour étudier les mérites de Voetius lec-
teur, en examinant avec lucidité ses longues citations et ses façons
de citer. Le texte a la valeur d’une généalogie de la méchanceté
diabolique.
Voetius cite trois types de livres. Les premiers sont les livres
« futiles et impies », dont il tire jusqu’à saturation de longues cita-
tions ; il semble qu’il n’y ait pas d’athée, libertin, cabaliste, sor-
cier ou imposteur que Voetius n’ait pas lu 21. Les seconds sont des
livres de controverse dont les auteurs « par esprit de parti, pensent
que c’est un acte de pitié se déchirer mutuellement par injures 22 ».
Finalement, parfois, Voetius cite aussi les bons livres (« libris
primariis ») lesquels, « par énorme consens contiennent toute
la vraie érudition qu’on peut acquérir en lisant 23 ». Cependant,
s’obstinant dans l’usage des « lieux communs, des commentaires,
des lexiques », Voetius cite seulement des sentences détachées ;
il ignore donc que la vérité « jaillit du corps entier du discours » et
peut seulement être incorporée par des lectures lentes, fréquentes,
répétées, grâce auxquelles « nous l’assimilons sans l’avertir et nous
la convertissons comme en notre propre sève 24 ». Pire encore,
Voetius ne cite les bons livres que pêle-mêle avec une multitude
d’auteurs iniques et révèle par là qu’il ne les connaît qu’indirec-
tement, par l’intermédiaire d’un copiste 25. Certes, Voetius cite les
bons livres mais il ne les lit même pas, et pire encore, il les déni-
gre, les rabaissant au niveau des livres impies.
21
Epistola ad Voetium, AT VIII-2 40, ll. 3-9 ; 43, l. 29 ; BOp I 1534 et 1538.
22
AT VIII-2 40, ll. 11-12 ; BOp I 1536.
23
AT VIII-2 41, ll. 26-27 ; BOp I 1536 « libris primariis » ; AT VIII-2 41, ll. 11-
12 BOp I 1536.
24
« non advertentes addiscimus, et tanquam in proprium succum convertimus »,
AT VIII-2 41, ll. 18-21 ; BOp I 1536. Le texte mérite d’être lu en sens inverse,
comme une leçon sur les règles de lecture pour l’acquisition de la vera eruditio,
D. Kambouchner, Descartes et la philosophie morale, Hermann, Paris, 2008,
p. 346-349.
25
AT VIII-2 41, l. 29-42, l. 2 ; BOp I 1536.
317
P. PAVESI
26
AT VIII-2 40, ll. 16-20 ; BOp I 1536.
27
AT VIII-2 40, l. 28 ; BOp I 1536.
28
AT VIII-2 40, l. 2-41, l. 4 ; BOp I 1536.
29
« Car d’autant qu’on a l’âme plus noble et plus généreuse […] on ne méprise
rien que les vices », Passions, III, art. 164, AT XI 456, l. 3 ; BOp I 2486 ; III, art. 180,
AT XI 465, ll. 20-23 ; BOp I 2498.
30
Epistola ad Voetium, AT VIII-2 43, l. 25 et 28 ; BOp I 1538.
31
Epistola ad Patri Dinet, AT VII 596, ll. 19-21 ; BOp I 1538.
318
LA VOLONTÉ DU MAL ET LA HAINE DANS LA LETTRE À VOET
32
Epistola ad Voetium, AT VIII-2 43, l. 29-44, l. 2 ; BOp I 1538-1540.
33
Ivi, AT VIII-2 44, l. 3 et 44, l. 13 ; BOp I 1540.
34
Ivi, AT VIII-2 44, ll. 12-13 ; BOp I 1540 ; « vera eruditio », AT VIII-2 44, l. 19 ;
BOp I 1540.
35
À Chanut, 1er février 1647, AT IV 613, ll. 25-28 ; BLet 600, p. 2394 ; Passions,
II, art. 142, AT XI 435, ll. 18-22 ; BOp I 2462.
36
À Chanut, AT IV 614, ll. 2-10 ; BLet 600, p. 2394.
319
P. PAVESI
4.
4.1. Libérée de l’erreur, la méchanceté, comprise comme vo-
lonté du mal, exclut en même temps toute rationalité. Les écrits
et les actes de Voetius sont irrationnels parce que ses accusations
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37
« potentiores, quibus satis sua sponte infimæ sortis homines solent invidere ;
vel in eos a quibus de religione dissentiunt, quos ut bellorum causas jam oderunt »,
Epistola ad Voetium, AT VIII-2 48, ll. 5-8 ; BOp I 1544 ; « turbæ, non malæ, sed
imperitæ », AT VIII-2 48, ll. 18-19 ; BOp I 1544.
38
« la volonté ne se porte qu’aux choses qui ont quelque apparence de bonté »,
Passions, III, art. 177, AT XI 464, ll. 8-9 ; BOp I 2498 ; AT I 366, ll. 6-11 ; BLet 108,
p. 376 ; AT VI 28, ll. 6-12 (BOp I 54) et IV 117, ll. 17-21.
39
Passions, III, art. 154, AT XI 447, ll. 4-5 ; BOp I 2476.
320
LA VOLONTÉ DU MAL ET LA HAINE DANS LA LETTRE À VOET
40
« non rationibus, sed maledictis », AT VII 573, l. 17 (BOp I 1438) ; AT
VIII-2 4, ll. 5-6 (BOp I 1492) ; « ut, quia me non rationibus, sed sola authoritate
aggrediebatur », AT VIII-2 4, ll. 20-21 (BOp I 1492-1494) ; « sed tantum pro omni
refutationem me tenebrionem et stultum voces », AT VIII-2 18, ll. 8-9 (BOp I 1508) ;
« et solis convitiis refutas », AT VIII-2 18, l. 13 (BOp I 1508) ; « Nullas rationes
ullius momenti attulisti », AT VIII-2 33, ll. 26-27 (BOp I 1528) ; « absque ulla vel
minima umbra rationes », AT VIII-2 108, ll. 24-25 (BOp I 1608) ; AT VIII-2 132,
l. 18 (BOp I 1636).
41
« pro calumniatore atque osore veritatis », AT VII 599, l. 27 (BOp I 1470) ;
« quique hoc ipso veritatem se non quærere, sed eam velle impugnare », AT VII 601,
ll. 9-10 (BOp I 1472).
42
AT VIII-2 15, ll. 21-24 (BOp I 1504) ; AT VIII-2 17, ll. 14-16 (BOp I 1506) et
ll. 20-24 (BOp I 1506) ; AT VIII-2 21, ll. 1-4 (BOp I 1510).
43
AT VIII-2 34, ll. 14-16 (BOp I 1528). Voir pourtant M. Savini, « ‘Methodus
cartesiana’ o ‘Methodus vaniniana’ ? Fonti e significato teorico del parallelo tra René
Descartes e Giulio Cesare Vanini nell’Admiranda Methodus di Marten Schoock »,
dans F. M. Crasta et M. T. Marcialis (éd.), Descartes e l’eredità cartesiana nell’Europa
Sei-Settecentesca, Milella, Lecce, 2001, p. 109-126.
44
AT VIII-2 178, ll. 6-16 (BOp I 1672).
45
« Ubi nemo non mirabitur absurditatem impudentiae vestrae », AT VIII-2 175,
ll. 15-16 (BOp I 1670) ; « hoc ipso calumniatorem se esse declarat », AT VIII-2 5, l. 1
(BOp I 1494).
321
P. PAVESI
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46
Voir F. Mariani Zini, La calomnie. Un philosophème humaniste. Pour une
pré-histoire de l’herméneutique, Presses du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2015,
qui pourtant ne voit pas l’exception irrationnelle de Voetius.
47
AT VIII-2 367, ll. 3-7 (BOp I 2282) ; 369, ll. 5-10 (BOp I 2284).
48
AT VII 459, ll. 21-24 (BOp I 1256).
49
AT VII 567, ll. 10-11 (BOp I 1430) et l. 15 (BOp I 1430) ; AT VII 571, l. 29-
572, l. 4 (BOp I 1436) ; 536, ll. 13-14 (BOp I 1362). Cette déformation est une
calomnie (AT VII 570, ll. 2-3 ; BOp I 1434 ; AT VII 574, l. 5 ; BOp I 1440), témoi-
gnage de la volonté de maudire (AT VII 569, l. 15 et l. 23 (BOp I 1434).
322
LA VOLONTÉ DU MAL ET LA HAINE DANS LA LETTRE À VOET
50
« absurdissima », AT VII 459, l. 24 (BOp I 1526) ; « aperte absurdum »,
AT VII 567, l. 2 (BOp I 1430) ; « ineptas », AT VII 567, l. 18 (BOp I 1430) ; « ineptas
et absurdas », AT VII 572, ll. 1-2 (BOp I 1436).
51
AT VII 567, l. 16 (BOp I 1430) ; AT VII 572, l. 4 (BOp I 1436).
52
AT VII 511, l. 25-512, l. 1 (BOp I 1330).
53
AT VII 516, ll. 1-10 (BOp I 1334) ; « hallucinations », AT VII 527, l. 11 et l. 13
(BOp I 1348).
54
AT VII 561 (BOp I 1394).
55
« illum inexcusabiliter mentiri », AT VII 525, ll. 3-4 (BOp I 1346) ; « recte
scire meam [legem] non esse », AT VII 465, l. 28 (BOp I 1264) ; « non capiens, vel
certe, ut sit, simulans se non capere », AT VII 512, ll. 21-23 (BOp I 1330) ; « nimis
evidentes et certas eas [meas rationes] esse existimantes, vereantur ne obsint famæ
doctrinæ », AT VII 582, ll. 8-10 (BOp I 1448).
323
P. PAVESI
5.
5.1. Nous arrivons au point principal, le seul qui justifie l’écriture
et la publication de la lettre à Voetius et de toutes les lettres qui
suivent, la querelle laborieuse et tenace que Descartes poursuit
durant plus de cinq ans avec des résultats toujours défavorables.
Il se passe que Voetius n’est pas un diable quelconque ; non seu-
lement il veut faire le mal, mais, à la différence du bigot, il a en
plus le pouvoir de le faire, une capacité qui, toute apparence de
vérité abandonnée, réside dans la seule autorité qu’il détient par
sa triple condition d’auteur, de professeur et de pasteur. L’auto-
rité de Voetius est l’unique raison de la publication de la Lettre ;
révéler la fausseté de cette autorité est son unique fin.
Voetius respecte à la lettre sa condition de diabolos ; il est celui
qui divise, celui qui désunit. Non seulement il hait les hommes,
comme le misanthrope envieux, mais en plus « excite la colère
et la haine », « incite la haine au prochain » 58 ; l’accusateur est
le séditieux, le turbulent, l’agitateur du menu peuple 59. Nous ne
pouvons pas nous arrêter ici sur les mérites de Voetius comme
orateur. Disons seulement que l’excitation à la haine exige un
art doublement irrationnel ; l’orateur cherche comme toujours
à persuader mais, contre toute tradition rhétorique, son sermon
ne sera efficace, premièrement, que s’il n’est pas éloquent ; deu-
xièmement, que si l’auditoire ne comprend pas ce qu’il dit 60.
56
« magis evidens et magis inexcusabilis calumnia », AT VIII-2 5, ll. 17-18
(BOp I 1494) ; « sed hac nulla gravior evidentiorque esse potest », AT VIII-2 188,
ll. 25-26 (BOp I 1684) ; « Impudentissimam calumniam absque ulla vel minima
umbra rationis », AT VIII-2 108, ll. 23-24 (BOp PUBLISHERS
© BREPOLS I 1608).
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57
« falsissima et nulloITmodo
MAY NOT probabilia », AT VIII-2
BE DISTRIBUTED WITHOUT 109,
PERMISSION ll.PUBLISHER.
OF THE 6-7 (BOp I 1608).
58
AT VIII-2 48, l. 4 (BOp I 1544) ; 119, l. 19 (BOp I 1620).
59
« turbulentus », AT VII 590, l. 18 (BOp I 1460) ; « turbulentum et seditiosum
Rectorem », AT VII 603, l. 11 (BOp I 1474) ; AT VIII-2 78, ll. 7-8 (BOp I 1576) ;
AT VIII-2 160, l. 9, 13 et 16 (BOp I 1656). Agitateur de la populace (plebecula)
AT III 599, l. 3 ; AT VII 584, l. 14 (BOp I 1452) ; « une ville [Utrecht] encline
à la mutination et où domine l’esprit rebelle de Voetius », AT IV 27, ll. 13-14
(BLet 420, p. 1820) ; « publica dessidia et bella ex talibus etiam causis posse oriri »,
AT VIII-2 50, ll. 5-6 (BOp I 1546).
60
Le pasteur qui excite le plaisir de la haine n’a pas besoin d’ être éloquent, par
324
LA VOLONTÉ DU MAL ET LA HAINE DANS LA LETTRE À VOET
325
P. PAVESI
67
AT VII 62, ll. 15-20 ; AT IX-1, 49 ; (BOp I 762).
68
Passions, II, art. 140, AT XI 433, ll. 15-17 (BOp I 2460).
69
« notae enim sunt mimicae illae tuae artes », AT VIII-2 159, l. 1 (BOp I 1654) ;
« hypocrita », AT VIII-2 28, l. 26 (BOp I 1518).
70
AT VIII-2 50, l. 19-51, l. 3 (BOp I 1548) ; « vilissima multa ingenia »,
AT VIII-2 50, l. 17 (BOp I 1548).
71
AT VIII-2 52, l. 2-53, l. 1 (BOp I 1550). Nous citons 52, l. 25 et 52, l. 31
(BOp I 1550).
326
LA VOLONTÉ DU MAL ET LA HAINE DANS LA LETTRE À VOET
« imités par tes élèves, même par ceux sans aucune instruction ».
Descartes imagine des livres construits par des artisans anonymes,
habiles et ignorants, qui, sans rien écrire, font des livres sur n’im-
porte quel sujet en copiant des citations d’autres, grâce à un pro-
cédé mécanique, une technique dont le résultat serait identique
à celui qui porte la signature de Voetius, ce qui laisse penser
que le professeur se limite à diriger et à s’approprier le travail de
ses élèves 72.
En second lieu, Voetius n’est pas un auteur parce qu’il se passe
de raisons : de fait, le livre qui a pour titre Contre les Athées, ne
présente dans aucun de ses quatre volumes un seul argument
contre les athées « pas un mot qui impugne l’athéisme […] dont
les principales raisons enseignent sans les réfuter nulle part 73 » ;
par conséquent, malgré son titre et sa signature, ce n’est pas un
livre contre les athées et son auteur n’est pas Voetius, mais un
ensemble d’artisans connaisseurs du métier. Finalement, et c’est
le point principal, Voetius n’est pas un auteur car il cite beau-
coup pour ne rien dire ; au lieu de proposer des raisons, il renvoie
toujours à d’autres livres pour « faire semblant de dire quelque
chose, lorsque tu ne dites rien » ; Voetius n’est pas un auteur
parce qu’il n’écrit rien, et ceci, conclut Descartes, « je pense que
c’est la principale raison contre toi » 74.
Or, le problème auquel Descartes est confronté ici est le sui-
vant : cette absence de raisons, plus encore, de tout contenu, est
efficace ; elle réussit à persuader par la seule autorité non seule-
ment les ignorants, mais aussi les doctes. C’est là que se trouve
l’astuce maligne : Voetius, avec beaucoup de succès, écrit pour
qu’on ne le lise pas, de la même manière que son sermon est
persuasif parce qu’il parle pour qu’on ne le comprenne point :
« tout l’art de ce livre consiste en ce que vous l’avez fait si long et
si ennuyeux que la patience d’aucun homme pourrait supporter
le lire tout entier ». En effet, les doctes, confrontés à ce volumi-
neux chapelet de citations des auteurs les plus impies, d’exordes,
de compilations, de réfutations sorties d’ici et de là, jettent tout
au plus un coup d’œil sur l’Index et sur les titres, sans prendre
le temps d’un examen plus approfondi et, dans le cas où ils com-
72
AT VIII-2 52, ll. 2-26 (BOp I 1550).
73
AT VIII-2 53, l. 29-54, l. 3 (BOp I 1552).
74
AT VIII-2 61, ll. 13-14 (BOp I 1562).
327
P. PAVESI
75
AT VIII-2 129, ll. 1-4 (BOp I 1632).
76
AT VIII-2 178, l. 25-179, l. 3 (BOp I 1674).
77
AT VIII-2 112, ll. 22-27 (BOp I 1612).
78
AT VIII-2 121, ll. 16-18 (BOp I 1622).
79
AT VIII-2 112, l. 28-113, l. 2 (1612). Sur le droit de charité (« jus caritatis »
AT VIII-2 121, ll. 16-17 ; BOp I 1622 ; AT VIII-2 114, ll. 4-6 ; BOp I 1614), voir
J.-L. Marion, « Préface » à Th. Verbeek©(éd.), La Querelle d’Utrecht, op. cit., p. 15-
BREPOLS PUBLISHERS
17 ; V. Carraud, « DescartesTHISetDOCUMENT
la BibleMAY» BEdans J. FOR
PRINTED R. PRIVATE USE ONLY. (éd.), Le Grand
Armogathe
Siècle et la Bible, Beauchesne, Paris, 1990, p. 277-291 et du même auteur, « Descartes
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LA VOLONTÉ DU MAL ET LA HAINE DANS LA LETTRE À VOET
81
Au P. Mesland, 2 mai 1644 (?), AT IV 115, ll. 3-11 ; BLet 454, p. 1910.
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P. PAVESI
Résumé
La malignité de Voetius ne peut être nommée qu’en transgressant les
limites de la malfaisance humaine : le calomniateur (diábolos), n’est
rien moins que le diable (diabolus) (AT VIII-2, 180 ; BOp I 1676).
Nous proposons que toute la Lettre peut être comprise comme une
recherche sur la malfaisance diabolique que Voetius incarne : une vo-
lonté décidée et lucide de faire le mal. Voici le problème – absent dans
Les Passions de l’âme – : la malfaisance, dans ce cas, n’est pas le résultat
d’une erreur qui décide sans raison, elle est irrationnelle. Nous présen-
tons ici le dossier de la malignité radicale (quelques articles des Passions
y sont inclus) qui résulte d’une propension au mal, d’une perversité de
nature. Finalement, nous examinons l’intention et le but de la Lettre… :
l’anéantissement de la capacité de Voetius de faire le mal, donc, de son
autorité (auteur, professeur, pasteur) aussi réelle que fausse.
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