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NOVEMBRE 2019
NOTE DE POLITIQUE
MATIÈRES
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xi
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Cadre et méthodes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Profil de croissance et de pauvreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE iii
Paramètres du régime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
iv CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
Figures, tableaux et encadrés
FIGURE ES-1 PST et autres dépenses publiques en pourcentage du PIB, 2016–2018. . . . . . . xiv
FIGURE ES-2 Intégration des politiques de protection sociale et d’emploi selon la
catégorie de revenu de ménages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xix
FIGURE 1 Opportunité, équité et résilience : le rôle des systèmes de protection
sociale et de travail tout au long du cycle de vie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
FIGURE 2 Évolution de la croissance et de la pauvreté, 1967–2016. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
FIGURE 3 Dépenses publiques PST et autres programmes en pourcentage
du PIB, 2016–2018 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
FIGURE 4 Dépenses du FSS en pourcentage du PIB en Côte d’Ivoire et dans les
autres pays à revenu faible et intermédiaire, 2016–2018. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
FIGURE 5 Couverture du FSS en pourcentage de la population totale en Côte d’Ivoire
et dans les autres pays à revenu faible et intermédiaire, 2016–2018 . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
FIGURE 6 PST et autres dépenses publiques en pourcentage des dépenses publiques
totales, 2016–2018. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
FIGURE 7 Répartition des dépenses de PST par type de programme, 2016–2018 . . . . . . . . . 15
FIGURE 8 Couverture de PST selon la région, 2015 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
FIGURE 9 Couverture (en pourcentage dans chaque quintile) des programmes de
PST par type de programme, 2015. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
FIGURE 10 Cartographie institutionnelle de principaux acteurs de PST. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
FIGURE 11 Répartition géographique des centres sociaux par zone, 2016–2018. . . . . . . . . . . 22
FIGURE 12 Répartition géographique des travailleurs sociaux par direction régionale,
2016–2018 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
FIGURE 13 Taux de cotisations de retraite en Afrique subsaharienne, 2016–2018. . . . . . . . . . 35
FIGURE 14 Estimations des Dépenses et participants aux régimes de pension, 2016–2018. . . . 37
FIGURE 15 Effets du programme sur les indicateurs de pauvreté, par groupe cible. . . . . . . . 46
FIGURE 16 Ajustements actuariels équitables de la pension en fonction de l’âge de
la retraite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
FIGURE 17 Ajustements actuariels équitables de la pension en fonction de l’âge de
la retraite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
FIGURE 18 Exemples d’impact social et budgétaire d’un système de retraite universel. . . . . 65
FIGURE 19 Exemples d’impacts de l’assurance-maladie universelle sur le budget et
sur le bien-être. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
FIGURE 20 Indemnité de licenciement en Côte d’Ivoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
FIGURE 21 Impacts sociaux et budgétaires d’un système d’allocations de chômage. . . . . . . 72
FIGURE 22 Intégrer les transferts en espèces et les pensions de vieillesse. . . . . . . . . . . . . . . 77
FIGURE 23 Projections des composantes du système de protection sociale. . . . . . . . . . . . . . 99
FIGURE 24 Déficit et dette publique avec variations des recettes fiscales et des transferts. . . . 103
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE v
FIGURE 25 Capacités et trajectoires de réforme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
FIGURE 26 Outils du système de prestation pour maximiser l’efficacité des dépenses
de PST. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
FIGURE 27 Intégration des politiques de protection sociale et d’emploi selon la
catégorie de revenu de ménages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
ENCADRÉ 1 Tendances récentes du dialogue sur la réforme des retraites en Côte d’Ivoire. . . . 37
vi CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
viii CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
ABRÉVIATIONS AND ACRONYMES
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE ix
EQUIVALENCE DES DEVISES
(Taux de change effectif en date du 30 novembre, 2019)
XOF 594.174 = US$1
USD 1 = EUR 0.905734
EXERCISE FISCAL
1 janvier – 31 décembre
x CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
REMERCIEMENTS
1 Ce travail a reçu l’appui financier généreux du Rapid Social Response Trust Fund et ces donateurs (la Suède, la
Norvège, la Royaume-Uni, l’Australie et la Fédération Russe), avec l’appréciation sincère des auteurs.
Aucune partie de ce rapport ne peut être reproduite ou diffusée sous quelque forme ni par aucun moyen électronique
ou mécanique, photocopie ou enregistrement, mise en mémoire ou système de recherche, sans l’autorisation écrite
préalable de la Banque mondiale.
Les observations, interprétations et conclusions exprimées ici sont celles des auteurs et ne reflètent pas forcément les
opinions des Directeurs exécutifs de la Banque mondiale ni celles des pays que ceux-ci représentent, ni les donateurs
financiers du travail. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE xi
économiste), (Michael Muhanna, consultant en protection sociale), Samba Ba (économiste
senior, s ecteur m
acroéconomique), Solene Rougeaux (spécialiste senior de protection
sociale), Michel Welmond (coordinateur programme, secteur développement humain), Jacques
Morisset (coordinateur programme, secteur macroéconomique) et Ian Walker (économiste
principal et chef, Groupe global d’emploi).
Le rapport a été préparé avec l’excellent appui de design graphique de Will Kemp
(spécialiste visuel, unité de publication), Jeffrey Lawrence (chef, unité de publication) et
leurs collaborateurs.
Finalement, l’équipe remercie tout particulièrement les communautés rencontrées dans les
diverses régions de la Côte d’Ivoire. C’est en partageant leurs expériences, aspirations et
innovations qu’ils nous ont permis d’enrichir le présent travail.
xii CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
RÉSUMÉ EXÉCUTIF
2 Alors que la Côte d’Ivoire exporte du pétrole brut et des produits pétroliers raffinés, elle importe du pétrole brut pour
la production nationale.
3 World Bank Group Concept Note for Côte d’Ivoire Country Private Sector Diagnostic, February 2019. World Bank. 2019.
Cote d’Ivoire Economic Update. Washington, DC: World Bank Group.
4 National Institute of Statistics (Institut National de Statistique), Centrale des Bilans.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE xiii
pour les régimes de retraite, qui ne sont pas considérés comme des dépenses favorables aux
pauvres par le gouvernement. Donc, la répartition des financements de PST en Côte d’Ivoire
montre que l’essentiel des dépenses ne profite pas aux ménages les plus pauvres.
6.00%
Expenditures as % of GDP, 2015
5.38%
5.00%
4.00%
3.00% 2.61%
2.00% 1.66% 1.79%
1.56% 1.38%
1.14%
1.00%
0.34%
0.02% 0.06% 0.02%
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Source : Calculs du personnel de la Banque mondiale à l’aide des données du Ministère de l’économie et des finances,
Côte d’Ivoire.
xiv CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
Prochainement, le système de retraite est le principal programme d’assurance sociale en
Côte d’Ivoire, vu que la couverture et l’information sur d’autres programmes d’assurance
sociale reste très limitée. La couverture des régimes d’assurance sociale est très limitée et il
n’existait pas suffisamment de données sur les programmes clés (telles que les programmes
de protection contre le chômage, les indemnités de maternité et autres aides au revenu).
Il existe deux fonds de pension opérationnels, notamment le fonds de pension des travailleurs
du secteur privé (CNPS) et le fonds de pension des fonctionnaires (CGRAE). Ensemble, ces
fonds ne couvrent plus que 6 à 10% de la population en 2018 et bénéficient uniquement aux
fonctionnaires et aux travailleurs du secteur privé formel. Le gouvernement prévoit de pour-
suivre les réformes visant à étendre la couverture d’assurance sociale de 10% actuellement
à 30% à 50% de la population d’ici 2020. À ce jour, toutefois, les performances des fonds de
pension et la possibilité d’élargir la couverture face à la pauvreté et à l’informalité sont mal
connues. Les dépenses de pension moyennes par retraité dans la CNPS se sont élevées à
1,3 fois le PIB par habitant, tandis que les dépenses de retraite moyennes par retraité dans le
régime de la CGRAE ont dépassé deux fois le PIB par habitant dans le pays. A partir de 2016,
le gouvernement a formulé une vision de la réforme des pensions visant à élargir la couver-
ture aux travailleurs vulnérables, en s’appuyant sur les mesures initiales prises en 2012 pour
soutenir la durabilité des deux principaux fonds.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE xv
chômage et, d’autre part, des programmes pour l’emploi, visant à améliorer les opportunités
d’emploi et les revenus. En effet, compte tenu des taux d’activité et d’emploi actuels et de
la dynamique de la population en âge de travailler, la croissance de la productivité du travail
sera le principal facteur qui déterminera la croissance du PIB par habitant.5 Penser en termes
de système de gestion des risques est important pour orienter l’affectation de ressources
publiques limitées entre les programmes concurrentiels. Investir aujourd’hui dans des pro-
grammes qui améliorent les opportunités d’emploi et les revenus devrait permettre de réduire
le coût futur des programmes d’assurance / assistance sociale.
Sur la base des expériences internationales et des innovations récentes, la Côte d’Ivoire
peut améliorer la conception des programmes d’assurance / d’assistance sociale et d’emploi
dans un cadre de gestion intégrée des risques. L’accent est mis sur trois types d’initiatives :
• Initiatives pour étendre la couverture des programmes d’assurance sociale aux travailleurs
du secteur informel ; elles ont recours notamment aux TIC pour identifier, établir les profils,
recruter des travailleurs, collecter des cotisations / épargnes et effectuer des paiements,
ainsi que pour améliorer les connaissances financières et les incitations comportementales.
• Initiatives pour rationaliser et intégrer les mécanismes de redistribution entre les pro-
grammes d’assistance et les programmes d’assurance.
• Les programmes de promotion de l’emploi qui reposent sur des subventions à l’investis-
sement pour promouvoir le travail salarié et indépendant des travailleurs vulnérables, en
particulier dans les zones rurales.
Plus précisément, premièrement, un système de retraite réformé géré par la CNPS pour-
rait devenir le système qui réunit tous les travailleurs, y compris les travailleurs du secteur
informel. Il faudrait alors redéfinir les attributions du système et modifier les formules de pres-
tations et les conditions d’éligibilité, dans le sens indiqué ci-dessus. Des simulations, utilisant
comme prototype un pays à faible revenu, illustrent comment la valeur de la pension résultant
de subventions ciblées (TSI = targeted subsidies) et de contributions individuelles changerait
d’un décile de revenu à l’autre. Le fait que la valeur des subventions diminue principalement
avec le revenu, diminue les obstacles qui freinent l’offre d’emploi. Dans l’hypothèse d’une
couverture universelle, le coût budgétaire du système serait de l’ordre d’un demi-point de PIB
par an ou l’équivalent d’une taxe à la consommation de 0,6%. Cela semble être un niveau de
dépenses raisonnable pour garantir des pensions adéquates à tous les travailleurs. À titre de
référence, les dépenses totales, dans le système de retraite existant pour les fonctionnaires et
les travailleurs du secteur privé, représentent environ 0,6% du PIB pour chacune des caisses,
avec une couverture très limitée.
5 Luc Christiansen et Patrick Premand. 2018 “Jobs Diagnostics for Cote d’Ivoire : Employment Productivity and Inclusion
for Poverty Reduction [Diagnostic des emplois pour la Côte d’Ivoire : Productivité de l’emploi et inclusion pour réduire
la pauvreté.» Séries sur l’Emploi. Publication numéro 2. Banque mondiale.
xvi CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
pour les travailleurs pauvres et ceux du secteur informel. Dans le cadre de ce programme, les
pauvres sont entièrement subventionnés et les travailleurs du secteur informel (qui s’inscrivent
volontairement) devraient recevoir des subventions limitées. Le programme de Couverture
Maladie Universelle (CMU), comme on l’appelle, a commencé à cibler et à affilier les ménages
les plus pauvres en coordination avec le programme productif de filets de protection sociale.
Le ciblage est connecté et utilise la même méthodologie que celle développée par le pro-
gramme SSN (voir section suivante). Jusqu’en 2019, la CMU a inscrit 6% des pauvres. La mise
en œuvre dans le secteur informel n’a pas encore commencé. Des études complémentaires
sont nécessaires pour guider les décisions relatives à la conception, aux groupes cibles et à la
stratégie d’affiliation. En effet, parmi les pays qui ont opté pour la couverture maladie univer-
selle, certains ont réussi et d’autres ont échoué en raison de problèmes liés à la conception et
à la mise en œuvre du système.
Troisièmement, comme la majorité des pays, la Côte d’Ivoire n’a pas de programme d’assurance
chômage mais régit les indemnités de licenciement par le biais du code du travail. Les travail-
leurs qui perdent leur emploi pour des raisons économiques ou techniques reçoivent une indem-
nité forfaitaire qui est proportionnelle au nombre d’années de service : 30% du salaire mensuel
pour les cinq premières années de service ; 35% pour les années 6 à 10 ; et 40% pour les années
11 et au-delà. Par conséquent, un travailleur qui a travaillé pendant 5 ans reçoit 1,5 mois de salaire,
quelqu’un ayant fait quinze ans de service en reçoit 5,25 mois de salaire et quelqu’un ayant
fait vingt-cinq ans, en reçoit l’équivalent de 9,25 mois de salaire. Cependant, les indemnités de
licenciement ne sont pas la forme de protection la plus efficace pour les travailleurs et pourtant,
elles peuvent affecter l’offre d’emploi. Un système alternatif pour la Côte d’Ivoire devrait impliquer
la mise en place d’un véritable système d’assurance chômage. Initialement, le système serait
toutefois ouvert aux travailleurs des secteurs formel et informel dont les salaires sont supérieurs à
un seuil donné, que ce soit en tant que salarié ou indépendant.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE xvii
sociale comporterait donc deux éléments : un transfert basique en espèces / revenus qui
serait ciblé ou réduit (TCT = tapered cash transfer = Transfert Réduit en Espèces), à la manière
les transferts actuels fournis par les filets de sécurité productifs ; et une assurance subvention-
née qui est également susceptible d’être réduite (TSI = Tapered Social Insurance = Assurance
Sociale Réduite). La composante en espèces est essentielle pour garantir que tous les
travailleurs, quels que soit leur type d’activité, sont toujours en mesure d’accéder à un niveau
minimal de consommation.
Conclusion
Dans le cadre de sa vision de réduction de pauvreté et d’emploi, le Gouvernement vise à
maximiser l’efficacité des dépenses publiques et de renforcer l’espace budgétaire par des
gains d’efficacité. La combinaison d’instruments reste également limitée et une vision plus
harmonisée de la répartition des dépenses permettrait de renforcer le fonctionnement du
système de PST dans son ensemble. Dans un premier temps, de nouveaux outils sont en
cours de développement à compter de 2016 pour favoriser la coordination des modalités
de prestation, en vue d’aborder les niveaux de prestation et de ciblage à moyen terme. Les
principaux outils de prestation pouvant être généralisés à tous les programmes comprennent
un système d’identification unifié robuste, des méthodes de ciblage harmonisées (avec des
critères supplémentaires adaptés à différents programmes, le cas échéant), un registre social
national des ménages, des systèmes de paiement électronique et un suivi des prestations,
ainsi qu’un système intégré de gestion d’informations sur le programme. À mesure que le
cadre de prestation s’améliore, de nouvelles possibilités s’ouvrent pour mieux suivre, cibler et
adapter les niveaux de prestations et le type de mesures à différents groupes du système PTS
(Figure ES-2).
À l’avenir, un dialogue élargi sera nécessaire pour évaluer les options permettant d’améliorer
l’espace budgétaire à différents horizons temporels, en fonction des objectifs sociaux et en
matière de travail recherchés et des différents régimes de prestations et les coûts envisagés
pour différentes populations. Selon les différents scénarios de croissance et de réduction
xviii CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE ES-2 Intégration des politiques de protection sociale et d’emploi selon la catégorie de
revenu de ménages
de la pauvreté, les besoins en ressources internes et externes peuvent être examinés. Dans
le cadre de la préparation du cadre de dépenses à moyen terme, il est possible d’évaluer le
rapport coût-efficacité relatif d’autres instruments en faveur des pauvres par rapport à des
interventions ciblées de PST. Une évaluation de la combinaison de différents instruments de
PST aidera également à déterminer l’évolution du système de PST de la Côte d’Ivoire à long
terme afin de promouvoir une croissance inclusive. En fin de compte, parallèlement aux straté-
gies de croissance économique, la modernisation du système de PST de la Côte d’Ivoire peut
aider à appuyer directement cet agenda en catalysant l’inclusion économique de la majorité
des Ivoiriens, de manière équitable et à grande échelle.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE xix
xx CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
1
INTRODUCTION
1 Alors que la Côte d’Ivoire exporte du pétrole brut et des produits pétroliers raffinés, elle importe du pétrole brut pour
la production nationale.
2 World Bank Group Concept Note for Côte d’Ivoire Country Private Sector Diagnostic, February 2019.
3 World Bank (2019). Cote d’Ivoire Economic Update, January 2019. Washington DC: World Bank Group.
4 Institut National de Statistique (INS), Centrale des Bilans.
5 Basé sur le seuil de pauvreté national, qui mesure la pauvreté relative. En 2015, le seuil de pauvreté national est de
269 075 F CFA par habitant et par an. Source: Institut National de Statistique (2015). Enquête sur le niveau de vie des
ménages en Côte d’Ivoire: Profil de pauvreté. République de Côte d’Ivoire.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 1
sensiblement la pauvreté. La vision du gouvernement de la réduction de pauvreté est inscrite
dans sa stratégie nationale de protection sociale [(SNPS) 2016–2020], son plan national pour
l’emploi [(PNE) 2016–2020] et dans le programme social intersectoriel du gouvernement /
PSGOUV récemment lancé (2019–2020)6. La stratégie adoptée par la SNPS et le PNE, appuyée
par les plans d’exécution du PSGOUV, vise à transformer les programmes de protection sociale
de la Côte d’Ivoire, qui étaient historiquement limités dans leur atténuation de pauvreté.
Objectifs
L’objectif principal de cette note de politique est d’évaluer les politiques, les dépenses et
les dispositions institutionnelles clés de protection sociale et de travail en Côte d’Ivoire. La
note a pour objectif d’identifier les options permettant d’améliorer l’efficience de la répartition
efficace des ressources et l’efficience technique des programmes clés, y compris comment se
moderniser et de coordonner les arrangements financiers, les systèmes de mise en œuvre, et
les paquets de bénéfices aux différentes populations. La principale question de politique abor-
dée dans la note est de savoir dans quelle mesure les niveaux de dépenses et les dispositions
institutionnels ont été efficaces pour atteindre et appuyer les ménages les plus pauvres.
La première partie de cette note se focalise sur un aperçue des programmes en cours ; la
seconde partie se focalise sur des options de politiques futures. En guise d’analyse initiale, la
première partie de la note se concentre sur un inventaire et une appréciation des principaux
aspects des programmes de PST phares en termes de : (i) financement, (ii) accès et couver-
ture, et (iii) gouvernance et administration de la prestation de services. La seconde partie de
la note évalue des options pour le renforcement du système de gestion des risques en tant
qu’un système bien coordonné et intégré entre les différents programmes, notamment en
termes (i) des implications fiscales, (ii) des effets distributifs, and (iii) de la modernisation des
aspects de conceptualisation.
Cadre et méthodes
Le cadre de l’évaluation repose sur la promotion de l’équité par une gestion efficace du
secteur public, en tenant compte des dimensions de l’économie politique. La stratégie de
la Banque mondiale en matière de protection sociale et du travail (2012–2022) souligne
que des systèmes de protection sociale et du travail bien coordonnés sont essentiels à la
réalisation de trois objectifs principaux tout au long du cycle de vie7. Ces objectifs incluent :
6 République de la Côte d’Ivoire, Communiqué du Conseil des Ministres du mercredi 09 janvier 2019 sur la stratégie de
la mise en œuvre du Programme Social du Gouvernement (PSGouv 2019–2020). Le PSGOUV identifie les priorités
en matière de dépenses de programmes sociaux en faveur des pauvres dans tous les secteurs pour les cycles
budgétaires 2019 et 2020. Les priorités du PSGOUV comprennent: l’accélération de l’expansion de la couverture
du programme productif de protection sociale en cours de mise en œuvre; promouvoir l’inclusion économique des
jeunes et des femmes; élargir les tarifs sociaux de l’électricité (subventions) pour les pauvres; élargir l’accès à l’eau
potable dans les régions rurales; et élargir les prestations de logement social.
7 Banque mondiale (2012). Stratégie de la Banque mondiale en matière de travail et de protection sociale, 2012–2022.
Washington, DC : Banque mondiale.
2 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 1 Opportunité, équité et résilience : le rôle des systèmes de protection sociale et de
travail tout au long du cycle de vie
Opportunités : Nutrition/dév.
Équité : pensions sociales petite enfance, TMC pour le
préscolaire/la santé
Résilience: pensions de vieillesse,
Grossesse, Équité: programmes orphelins
assurance-invalidité et enfants vulnérables,
petite enfance
allocations familiales
Source : Banque mondiale (2012). Stratégie de la Banque mondiale en matière de travail et de protection sociale, 2012–2022.
Washington, DC : Banque mondiale.
(i) le renforcement des opportunités pour tous ; ii) renforcer l’équité (en particulier pour atté-
nuer la pauvreté chronique) ; et (iii) renforcer la résilience des ménages (en termes de protec-
tion contre les risques et les chocs imprévus). Cette note propose d’améliorer les politiques en
tirant parti d’un financement coordonné et de la prestation de services du système dans son
ensemble.
La note s’appuie sur des analyses nouvelles et récentes qui utilisent des méthodes
quantitatives et qualitatives, basées principalement sur une revue historique du 2014 au
2018. L’analyse utilise des données administratives, des données d’enquêtes sur les ménages,
des rapports de la Banque mondiale récemment complétés et des entretiens avec des par-
ties prenantes clés parmi les autorités ivoiriennes, les organisations non gouvernementales et
les partenaires internationaux. Les principales enquêtes auprès des ménages utilisées sont :
l’Enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages de 2008 et 2014 et l’Enquête FinDex
2014 de la Banque mondiale sur l’inclusion financière. L’analyse a été basée sur l’utilisation de la
classification de la base de données de PST de la Banque mondiale (« ASPIRE ») et sur l’analyse
de distribution des programmes au niveau des ménages (à l’aide de l’outil d’analyse « ADEPT »).
Les recommandations proposées dans cette note ont été adaptées au contexte ivoirien,
sur la base des expériences internationales évoquées tout au long de la note. À l’avenir, le
gouvernement prévoit de mettre en œuvre sa SNPS dans le cadre de sa plate-forme natio-
nale de protection sociale, un comité interministériel représentant 17 ministères créé en juillet
2015 pour coordonner les politiques et la mise en œuvre des programmes. Au cours de la
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 3
prochaine phase, la plate-forme prévoit de développer et de déployer les éléments constitu-
tifs d’une stratégie harmonisée de protection sociale et du travail, notamment en mettant en
place l’architecture institutionnelle de la plate-forme nationale de protection sociale, à savoir
la gouvernance, le système d’information de gestion et les cadres juridiques, nécessaires pour
mieux coordonner et mettre en œuvre des programmes de protection sociale et du travail.
Nous osons espérer que cette note politique appuiera la Côte d’Ivoire dans la poursuite de
la mise en œuvre de sa stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et consolidera ses
approches en matière de réduction de la pauvreté pour la période à venir.
La Côte d’Ivoire n’a pas encore rétabli les niveaux de pauvreté et les indicateurs de
développement humain aux niveaux d’avant 1999. En 1999, le pays a sombré dans une
longue période d’instabilité politique à la suite d’un coup d’État, de violences et de partition
(1999–2007), ainsi que d’une crise électorale (2010–2012) (Figure 2). Le niveau de vie s’est
effondré avec la baisse sensible de la croissance, le PIB par habitant en 2011 étant à la moi-
tié de son niveau une génération auparavant. Le PIB par habitant est passé de près de 1 124
000 F CFA (2 400 USD) en 1978, un pic enregistré avant la crise, à environ 535 000 F CFA
(1 100 USD) en 2011, pour atteindre près de 735 000 F CFA (1 500 USD) en 2016. Entre 1985
et 20088, en utilisant des estimations du seuil de pauvreté national, le taux de pauvreté est
passé d’environ 10% à 43%9, atteignant 46% en 2015. Entre 2008 et 2015, la pauvreté aurait
augmenté en raison de la crise postélectorale. L’inégalité est modérément élevée avec un
indice de Gini de 40.
4 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 2 Évolution de la croissance et de la pauvreté, 1967–2016
3000 60
1500 30
1000 20
500 10
0 0
1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015
Poverty headcount ratio*, percent (%) GDP per capita (constant 2010 US$)
La Côte d’Ivoire a un taux de chômage formel relativement faible et doit en outre faire face
à un défi majeur en termes de qualité de l’emploi. Seulement 17,4% de la population occupé
dispose d’un emploi salarié et de nombreux emplois rémunérés sont informels. L’emploi est
fortement concentré dans les professions à faible productivité, telles que le travail indépen-
dant agricole (66,9% de la population occupée) et le travail indépendant non agricole (29,3%),
en particulier parmi les pauvres, les femmes et les ruraux. Le fait que l’emploi salarié formel
commence à partir d’une base très faible signifie que même une forte croissance de ce sec-
teur n’absorberait qu’une petite partie de la population, en commençant probablement par les
10 Tous les chiffres se rapportent aux estimations nationales et à celles de la Banque mondiale pour 2015. La prochaine
enquête sur les conditions de vie en Côte d’Ivoire devrait avoir lieu début 2018 dans le cadre de l’initiative d’enquête
harmonisée de l’UEMOA. Les huit États membres de l’UEMOA, ainsi que plusieurs autres pays, mettront en œuvre
une enquête modernisée pour obtenir des données comparables dans le temps et dans tous les pays. Les données
améliorées sur le bien-être seront utilisées pour faciliter l’intégration économique régionale, surveiller les indicateurs
sociaux clés et obtenir des données comparables de haute qualité sur le secteur informel et l’agriculture.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 5
plus instruits. Les projections de la composition future de l’emploi suggèrent qu’au plus 30%
de la population disposera probablement d’un emploi salarié d’ici 2025.
La baisse récente des prix du cacao devrait avoir des conséquences néfastes pour les
producteurs de cacao pauvres. Le prix garanti à la production du cacao a été réduit de 36%
en 2017, passant de 1 100 à 700 FCFA par kg, un niveau inférieur à celui de 2012 (725 FCFA
par kg) lorsque les prix à la production ont commencé à augmenter régulièrement. Si les prix
bas du cacao à la sortie de l’exploitation persistent, ils mettront les producteurs pauvres de
cacao en difficulté avec des stratégies d’adaptation limitées. La création de nouveaux emplois
et l’expansion de programmes de filet de sécurité bien ciblés seront nécessaires pour aider à
compenser ces impacts négatifs.
La Côte d’Ivoire ne sera pas en mesure d’atteindre la plupart des objectifs du Millénaire
pour le développement (OMD) d’ici à 2015, en particulier en termes d’éducation et de santé
dans les régions rurales et selon les genres (Tableau 1). La Côte d’Ivoire devra améliorer de
manière significative l’accès aux services d’éducation et de santé et leur qualité, y compris la
planification familiale, l’eau et l’assainissement, ainsi que la parité des genres. La malnutrition
est également plus élevée dans les régions rurales ; En 2011, 35% des enfants des régions
rurales présentaient un retard de croissance, contre 21% dans les régions urbaines.
Il existe des disparités dans l’accès aux services de base et des disparités de genre parmi
les groupes de richesse et les groupes urbains et ruraux. Les coûts élevés et l’éloignement
des écoles ont un impact important sur la scolarisation et l’abandon scolaire, les dépenses des
ménages de scolarité représentant jusqu’à 33% des dépenses totales sur l’éducation11. Pour
les services de santé maternelle, les données d’enquêtes récentes indiquent que 67% des
personnes interrogées ont cité le coût comme principal obstacle12. Ce chiffre atteint 83% dans
les régions rurales, contre 64% dans les zones urbaines d’Abidjan. Il existe des différences en
termes de scolarisation dans le primaire, mais les disparités les plus marquées existent dans
11 UIS,IIEP,& Pôle de Dakar.(2016).Who pays for what in education?The real costs revealed through national education
accounts. Montreal: UNESCO Institute for Statistics, International Institute for Educational Planning, and Pôle de Dakar.
12 UNICEF (2011). Enquête démographique et de santé (DHS): Côte d’Ivoire.
6 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
TABLEAU 1 Indicateurs de pauvreté et de capital humain par région
Sources : Données sur la pauvreté : Enquête sur les niveaux de vie des ménages, INS, 2008 ; données sur la santé et
l’éducation : UNICEF MICS, 2011–2012. Insécurité alimentaire : Enquête approfondie de la sécurité alimentaire (EASA), 2009.
* PET = points d’écart-type ; la malnutrition est définie comme le pourcentage d’enfants de moins de 5 ans dont le rapport
taille / âge (retard de croissance) est supérieur de plus de deux écarts types inférieurs à la médiane pour la population de
référence internationale âgée de 0 à 59 mois.
l’enseignement secondaire, auquel les résidents des zones rurales et les pauvres ont un accès
limité. Compte tenu de la corrélation entre éducation et bien-être, ces disparités peuvent
limiter les résultats futurs. Les disparités entre les genres persistent à tous les niveaux dans les
zones urbaines et rurales et à différents niveaux de richesse. L’accès de la population ivoi-
rienne à des moyens d’assainissement améliorés est particulièrement crucial, avec seulement
22% de la population en 2015 ayant accès à des installations d’assainissement améliorées et
moins de 10% dans le cas de la population rurale (Programme commun de surveillance 2015),
ce qui représente un impact négatif sur la santé publique et la mortalité infantile. Le manque
d’infrastructures adéquates et de financement entrave le développement d’installations d’as-
sainissement dans les zones rurales, tandis que la plupart des villes urbaines ne disposent pas
de plans directeurs d’assainissement.
Dans l’ensemble, la capacité des ménages pauvres à sortir de la pauvreté est entravée par
des revenus peu élevés, un manque de mesures systémiques d’atténuation des risques et
un accès insuffisant aux marchés et à l’inclusion de ces ménages sur ces marchés. À moins
d’être allégés par le soutien aux revenus, l’augmentation des investissements publics destinés
à améliorer la qualité des services de base et par des mécanismes robustes visant à promou-
voir l’inclusion de ces ménages sur les marchés, ces disparités sont susceptibles de limiter la
mobilité intergénérationnelle dans l’ensemble de l’échelle du bien-être.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 7
8 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
PARTIE I : REVUE FINANCIÈRE ET
INSTITUTIONNELLE
Avant 2015, les principaux programmes de protection sociale étaient des programmes
d’assurance sociale contributifs, à savoir des pensions couvrant les travailleurs des secteurs
civil et privé du secteur formel qui représentent 10% de la population. Le gouvernement
prévoit de poursuivre les réformes visant à étendre la couverture d’assurance sociale de
10% actuellement à 30% à 50% de la population d’ici 2020. D’autres programmes ont inclus
l’alimentation, des initiatives de repas scolaires, des programmes de vivres contre travail et
des programmes actifs du marché du travail. La plupart de ces programmes ont été financés
par des ressources extérieures, notamment le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Union
européenne (UE), l’UNICEF, l’Organisation internationale du Travail (OIT) et la Banque mon-
diale (BM).
La première partie de la note de politique s’articule comme suit. La section 2 évalue les
dispositions institutionnelles globaux et les schémas de dépenses pour les programmes de
protection sociale et de travail. Les sections suivantes engagent des discussions approfon-
dies par domaine thématique. La section 3 traite des dispositions et des dépenses relatives
à la politique du marché du travail. La section 4 passe en revue les régimes de retraite et
d’assurance sociale. La section 5 évalue les filets de sécurité sociale productifs et l’assistance
sociale, y compris les dispositions en matière de prestation de services pour les programmes
de PST comme l’identification, le ciblage, les modalités de paiement et les arrangements de
suivi et d’évaluation.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 9
10 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
2
DÉPENSES GLOBALES DE PROTECTION
SOCIALE ET DE TRAVAIL ET
INSTITUTIONS CLÉS
Dépenses comparatives
Le PDN plaide pour un meilleur accès aux services sociaux pour les groupes vulnérables,
notamment les femmes, les jeunes et les personnes handicapées. La SNPS vise à améliorer
la protection sociale des plus vulnérables pour atténuer les chocs économiques et améliorer
la résilience à long terme de cette catégorie. La SNPS s’articule autour de quatre grands axes
stratégiques : a) l’amélioration du niveau de vie des ménages pauvres et vulnérables ; b) un
meilleur accès aux services sociaux de base et l’investissement dans le capital humain ; c) le
renforcement de l’action sociale contre la violence, les abus, l’exploitation, la discrimination et
l’exclusion ; et (iv) l’extension de l’assurance sociale formelle contributive.
La priorité continuera d’être donnée aux dépenses en faveur des pauvres. Le programme
d’ajustement budgétaire et de gestion des finances publiques prévu par le gouvernement
comprend notamment : entre autres, une redéfinition des priorités des dépenses courantes,
la mise en œuvre de nouvelles mesures de recettes et des mesures visant à rationaliser la
masse salariale publique. Le gouvernement classifie les dépenses en faveur des pauvres en
tant que dépenses dans 11 secteurs, allant de l’agriculture et des infrastructures aux dépenses
sociales (santé, éducation, protection sociale et travail). Entre 2011 et 2014, les dépenses en
faveur des pauvres ont été relativement stables, représentant 40 à 44% du total des dépenses
publiques, soit 9,1 à 9,5% du PIB13. Malgré le volume des dépenses en faveur des pauvres, peu
13 Tous les chiffres sont fondés sur les estimations mises à jour des autorités ivoiriennes en date de septembre 2017.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 11
de programmes ciblent explicitement les ménages les plus pauvres. La plupart des dépenses
ont été consacrées à l’éducation, représentant ainsi 23% du total des dépenses publiques et
59% du total des dépenses en faveur des pauvres. Les dépenses « sociales » en faveur des
pauvres (principalement les programmes d’administration générale et d’assistance sociale
en nature) s’élevaient à 0,7% en moyenne des dépenses publiques totales, et les « autres
dépenses de lutte contre la pauvreté » (programmes pour la jeunesse et autres) à 0,2%.
Les dépenses programmatiques consacrées à la PST vont en grande partie aux régimes de
retraite des non pauvres. Les dépenses (hors administration générale) comprenaient : des régimes
de retraite contributifs à 1,56% (dont 57% sont consacrés à des fonctionnaires et 43% à des tra-
vailleurs privés et formels), une assistance sociale non contributive à 0,02%, des programmes de
marché de travail actif à 0,06%, en ligne avec les autres pays d’Afrique subsaharienne (ASS) à un
stade de développement similaire des systèmes de PST. Le total des dépenses de PST représen-
tait 6,3% du total des dépenses publiques, dont 94% pour les régimes de retraite, qui ne sont pas
considérés comme des dépenses favorables aux pauvres par le gouvernement.
La répartition des financements de PST en Côte d’Ivoire montre que l’essentiel des dépenses
ne profite pas aux ménages les plus pauvres. Même en excluant les dépenses de la caisse
de retraite du secteur privé (cofinancées par les employeurs et les employés) de l’analyse, les
résultats sont similaires. Le gouvernement consacre encore 90% du financement de PST à des
retraites bénéficiant largement aux non pauvres. En revanche, les dépenses en subventions et
transferts (y compris les subventions aux prix du carburant pour la raffinerie nationale de pétrole,
l’électricité et les transferts budgétaires pour couvrir les déficits des fonds de retraite) représen-
taient le double de celles de PST, à 2,61%. Bien que la Côte d’Ivoire dépense nominalement en
subventions sur les carburants et ait commencé à les supprimer progressivement, une analyse
ultérieure des filets de sécurité sociale montre à quel point ces dépenses ont été régressives.
La couverture des programmes de PST en Côte d’Ivoire reste très limitée, à l’instar d’autres
pays d’Afrique subsaharienne (ASS) (la Figure 5 montre les comparaisons en termes de FSS ;
les comparaisons internationales des indicateurs de pensions sont discutées plus loin dans
cette note de politique ; la couverture du marché du travail dans tous les pays sera ajoutée
ultérieurement). La couverture s’est progressivement améliorée entre 2002 et 2014 (estima-
tions similaires pour 2016–2018). D’après les données d’enquêtes auprès des ménages14 en
2002, les programmes du marché du travail couvraient environ 0,4% ; toutes les assurances
sociales, 5,6% ; et toute l’assistance sociale couvrait 20%, y compris les transferts monétaires15
14 Les données sur la répartition des bénéficiaires entre les quintiles sont disponibles dans l’Enquête nationale sur les
niveaux de vie des ménages, ce qui peut ne pas refléter avec précision le nombre de bénéficiaires figurant dans les
bases de données administratives. Les données disponibles dans ces bases de données sont utilisées lors de la
discussion de chaque programme individuel dans cette note de politique.
15 Le type de programmes inclus varie d’une période à l’autre. S’agissant des transferts monétaires, les programmes
de 2002 (notamment les programmes d’espèces pour l’achat de produits alimentaires) et de 2014 (notamment de
transferts monétaires inconditionnels et ciblés) ne sont pas nécessairement directement comparables.
12 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 3 Dépenses publiques PST et autres programmes en pourcentage du PIB, 2016–2018
6.00%
Expenditures as % of GDP, 2015
5.38%
5.00%
4.00%
3.00% 2.61%
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1.56% 1.38%
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Source : Calculs du staff de la Banque mondiale à l’aide des données du Ministère de l’économie et des finances,
Côte d’Ivoire.
FIGURE 4 Dépenses du FSS en pourcentage du PIB en Côte d’Ivoire et dans les autres pays à
revenu faible et intermédiaire, 2016–2018
3.0
350
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300
2.0 250
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Source : Calculs du staff de la Banque mondiale à l’aide des données nationales les plus récentes au moment d’analyse.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 13
FIGURE 5 Couverture du FSS en pourcentage de la population totale en Côte d’Ivoire et dans
les autres pays à revenu faible et intermédiaire, 2016–2018
60%
55%
50% 47% 46%
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40% 38%
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Source : Calculs du staff de la Banque mondiale à l’aide des données nationales les plus récentes au moment d’analyse.
FIGURE 6 PST et autres dépenses publiques en pourcentage des dépenses publiques totales,
2016–2018
Interior 3.6%
Defense 4.4%
Health 5.7%
Education 17.0%
Source : Calculs du staff de la Banque mondiale sur la base des données du Ministère de l’Économie et des Finances.
14 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 7 Répartition des dépenses de PST par type de programme, 2016–2018
All Contributory
Pensions
93.9%
Source : Calculs du staff de la Banque mondiale à l’aide des données 2015 et 2016 du Ministère de l’économie et des finances.
TABLEAU 2 Dépenses PST par type de programme (en monnaie locale et en USD), 2016–2018
Source : Calculs du staff de la Banque mondiale à l’aide des données du Ministère de l’économie et des finances.
* Les dépenses annuelles d’assistance sociale devraient augmenter en 2018–2020 lors de la mise en place d’un nouveau
système national, estimé à 15 millions USD par an à compter de 2018.
(y compris les programmes d’espèces pour l’achat de produits alimentaires) à 0,5%. En 2014
(ainsi que 2016–2018), les programmes du marché du travail couvraient 0,3% ; toutes les
assurances sociales, 7,9% ; toutes les aides sociales couvraient 27,5%, y compris les transferts
monétaires à 0,2%. Alors que cela signifie que 33% de la population sont couverts au total,
l’essentiel de l’aide demeure une aide alimentaire en nature, suivie des pensions pour les
travailleurs du secteur formel. Étant donné que 46% de la population vit en dessous du seuil
de pauvreté, déterminer l’efficacité relative de différents instruments de PST peut aider à maxi-
miser la valeur des dépenses pour les ménages les plus pauvres.
Des mesures ont déjà été prises pour réorienter les dépenses publiques selon une approche
plus ciblée des ménages pauvres et vulnérables. Dans le cadre de la SNPS, le ministère de
l’Emploi et de la Protection sociale (MESP) joue un rôle important dans la coordination des
programmes clés. Avant la création du comité de pilotage de la SNPS en 2015, la coordination
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 15
16
Coverage rate, percent of population (%)
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Couverture (en pourcentage dans chaque quintile) des programmes de PST par type
Milieu de résidence
Programme Total Zone urbaine Zone rurale
Bénéficiaires directs et indirects
Protection sociale 33,3 34,3 32,3
Assurance sociale 7,9 10,8 5,1
Régime non contributif de pensions 6,4 8,2 4,7
Autre assurance sociale 1,8 3,1 0,5
Tous les programmes de marché de travail 0,3 0,4 0,1
Programmes de marché de travail passifs 0,0 0,0 0,0
Programmes de marché de travail actifs 0,3 0,4 0,1
Assistance sociale 27,5 26,3 28,7
Transferts en espèces, allocations, programmes de dernier recours 0,2 0,2 0,1
Programmes de transferts monétaires assortis de conditions 0,0 0,0 0,0
Pensions sociales non contributives 0,0 0,0 0,0
Transferts alimentaires et en nature 26,9 25,4 28,2
Alimentation scolaire 0,0 0,0 0,0
Travaux publics et vivres contre travail 0,0 0,0 0,0
Exonération de frais et subventions ciblées 0,3 0,4 0,2
Autres programmes d’assistance sociale 0,5 0,6 0,4
Envoi de fonds 20,4 23,1 17,8
Transferts domestiques privés 20,4 23,1 17,8
Transferts internationaux privés 0,0 0,0 0,0
Source : Calculs du staff de la Banque mondiale basés sur l’analyse ADEPT à l’aide de l’enquête 2015 sur le budget des
ménages
Remarque : La couverture du programme correspond à la partie de la population de chaque groupe qui reçoit le transfert.
Plus précisément, la couverture est la suivante : (Nombre d’individus du groupe vivant dans un ménage où au moins un
membre reçoit le transfert) / (Nombre d’individus du groupe).
La couverture du programme est calculée en tant que facteur d’expansion, le facteur d’expansion du ménage multiplié par
la taille du ménage.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 17
TABLEAU 4 Couverture de PST (pourcentage dans chaque quintile) par type de programme,
2015 (données détaillées)
Source : Calculs du staff de la Banque mondiale basés sur l’analyse ADEPT à l’aide de l’enquête 2015 sur le budget des
ménages
Remarque : La couverture du programme correspond à la partie de la population de chaque groupe qui reçoit le transfert.
Plus précisément, la couverture est la suivante : (Nombre d’individus du groupe vivant dans un ménage où au moins un
membre reçoit le transfert) / (Nombre d’individus du groupe).
La couverture du programme est calculée en tant que facteur d’expansion, le facteur d’expansion du ménage multiplié par
la taille du ménage.
L’assurance sociale dans ce tableau se réfère à l’assurance maladie pour les travailleurs du secteur formel.
18 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
TABLEAU 5 Aperçu des principaux programmes et politiques de PST en Côte d’Ivoire,
2016–2018
Sous-secteur
Nombre de programmes Programmes principaux
Aide sociale (3) • Programme Intégré de Pérennisation des Cantines Scolaires (PIPCS)
• Programme National des Filets Sociaux Productifs
• Programme national de prise en charge des orphelins et autres enfants rendus
Vulnérables du fait du VIH / SIDA (PNOEV)
Services sociaux en nature (3) • Bureaux régionaux d’assistance sociale et travailleurs sociaux (739 SW)
• Système d’observation et de suivi du travail des enfants en Côte d’Ivoire-SOSTECI
• Plan d’Action National (PAN) 2012–2014 de lutte contre la traite, du travail et du
travail des enfants
Programmes de marché de • Projet d’Appui au Traitement Economique du Chômage (PATEC)
travail (8) • Programme Senior (PATEC-modifié)
• Projet Emploi Jeune et Développement des Compétences (PEJEDEC)
• C2D Emploi
• C2D Emploi / SCAED
• Programme Spécial de Requalification (Phase 2)
• Projet d’insertion socio-économique (PRISE)
• Programme d’amélioration de l’emploi et de l’insertion des jeunes - PAAEIJ
(THIMO BAD)
Programmes intersectoriels de • Programme du Plan National Multisectoriel pour la Nutrition 2016–2020
PS (3) • Campagne « zéro grossesse à l’école »
• Projet d’Appui et d’Accès des Personnes Handicapées à la Formation Professionnelle
Pensions et assurances sociales • Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS)
(contributives) (2) • Caisse Générale de Retraite des Agents de l’État (CGRAE)
Nombre total de programmes 19
principaux :
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 19
TABLEAU 6 Aperçu des principaux programmes de LPS en Côte d’Ivoire (2017) inclus dans cette
évaluation sur la base des objectifs du programme et de la disponibilité des données
entre les programmes était limitée car les mécanismes de financement, de mise en œuvre, de
bases de données de programmes, de politiques, de ciblage et de prestation restaient large-
ment indépendants. Les nouveaux programmes et initiatives nationaux fournissent les outils
nécessaires pour mieux identifier les ménages les plus pauvres et leurs besoins et pour mettre
en œuvre des investissements et des services qui leur sont destinés.
Institutions clés
Le MEPS gère la politique de PST et sa mise en œuvre dans le cadre de la SNPS et de la
stratégie nationale pour l’emploi par le biais d’un réseau de structures locales au niveau des
départements et des communautés, en coordination avec d’autres ministères et agences
(Figure 10). Le budget annuel de fonctionnement des structures régionales et locales s’élevait
20 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 10 Cartographie institutionnelle de principaux acteurs de PST
Prog. Inter- -
ministeriel (i.e.,
CNN)
Direction du
Min. Budget Budget
Dir. Cantines
Min. Education
Direction
Mutualite
Presidence Primature PATEC (1 &2) PEJEDEC
Min. Youth and Agence Emploi
civic Jeune
BCP-Emploi C2D Emploi
Direction
Prot. Soc. PRISE
Min. ESP
DG Travail
DG Emploi
UGP/Filets
Sociaux
Min Solidarite
à environ 830 millions FCFA en 2016–2018, soit l’équivalent de 37 millions USD (Tableau 7).
Au niveau central, le MEPS dispose de quatre directions, à savoir la Direction générale de
l’emploi, la Direction générale du travail, la Direction générale des affaires sociales et la
Direction générale de la formation professionnelle. La mise en œuvre de la politique sociale
du gouvernement est assurée par la Direction générale des affaires sociales. Au niveau local
(déconcentré), le ministère gère un réseau de directions régionales, de centres sociaux au
niveau communautaire et de différentes catégories de travailleurs sociaux (travailleurs sociaux
généraux qui constituent le groupe le plus important, suivis des assistants scolaires, des ani-
mateurs de jeunesse, etc.). En 2018, il y avait 19 bureaux de direction régionale, et il est prévu
d’établir 10 bureaux supplémentaires durant 2016–2020. Le MEPS comprend également 14
bureaux de la direction régionale.
Parmi les principales tâches des directions régionales du MEPS, on peut citer la gestion et
la coordination du travail et des activités des centres sociaux et des travailleurs sociaux
au niveau communautaire. Au niveau local, des centres sociaux et des travailleurs sociaux
fournissent les services sociaux sélectionnés, notamment la surveillance de la santé commu-
nautaire, le développement psychosocial des mères et des enfants de moins de cinq ans, la
planification familiale et l’éducation des femmes et des jeunes, la gestion de cas pour des
risques spécifiques, ainsi que la fourniture d’un appui général pour aider à l’amélioration des
conditions de vie des groupes vulnérables. La Côte d’Ivoire dispose de centres sociaux régio-
naux, dont une centaine qui sont situés dans les 81 départements du pays, et qui regroupent
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 21
TABLEAU 7 Structures locales et budget de fonctionnement du MEPS et autres institutions
associées, 2016–2018
Ouest
15%
Nord Sud
10% 42%
Est
18%
Centre
15%
22 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 12 Répartition géographique des travailleurs sociaux par direction régionale,
2016–2018
Loh-Djiboua Gôh
4% 3%
Guemon-Cavally
3%
Haut-Sassandra
3%
Indenie-Djuablin
Lagune 2
4%
18%
Lagune 1
16%
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 23
24 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
3
PROGRAMMES DU MARCHÉ DU TRAVAIL
Le principal défi en matière d’emploi auquel la Côte d’Ivoire est confrontée est la faible
productivité de ses emplois, caractérisée par des salaires bas et des conditions de travail
précaires. Les emplois particulièrement vulnérables sont les emplois indépendants agri-
coles et non agricoles dans les services et le commerce, où l’accès au marché est faible,
en p articulier parmi les pauvres, les femmes et les personnes vivant dans les zones rurales.
En procédant à l’évaluation des politiques publiques visant à soutenir la promotion et l’inser-
tion professionnelle des jeunes et des groupes vulnérables, cette section souligne l’accent mis
par ces programmes sur la population, les zones d’intervention, et les coûts relatifs et, finale-
ment, sur si la diversité des interventions et des investissements existants pourrait apporter
une réponse adéquate aux divers problèmes d’emploi de la Côte d’Ivoire à l’avenir.
Cette section évalue les dépenses consacrées aux programmes actifs du marché du travail
(PAMT) en Côte d’Ivoire, qui sont un élément d’une stratégie plus large pour l’emploi16 qui
vise à relever ces défis. L’évaluation porte principalement sur la structure des dépenses et
de la couverture des programmes, avec un aperçu des principaux aspects du ciblage, de la
rentabilité, du suivi et de l’évaluation ainsi que des dispositions institutionnelles utiles pour
examiner le potentiel d’optimisation de l’efficacité des PAMT. La section décrit au début tous
les programmes actifs de l’emploi dans le pays et analyse en détail par la suite des caractéris-
tiques sélectionnées, par exemple d’un programme donné17. Bien que le développement du
16 Sources: BCP-Emploi. 2017. Rapport de Suivi Financier Nr 20 au 31 Décembre 2016. Bureau de Coordination
Programme-Emploi (BCP-Emploi), Abidjan : Côte d’Ivoire.
Heckman, J. J. and J. A. Smith. 2004. “The Determinants of Participation in a Social Program: Evidence from a
Prototypical Job Training Program,” Journal of Labor Economics 22 (2): 243–298.
Ngom, D. and B. M. Kouadio. 2016. Evaluation de la Politique Nationale de l’Emploi 2012–2015. Rapport Provisoire,
Abidjan : Côte d’Ivoire.
PNE. 2016. Politique Nationale de l’Emploi (PNE) 2016–2020. Ministère de l’Emploi et de la Protection Sociale (MEPS),
Abidjan : Côte d’Ivoire.
World Bank. 2015. Côte d’Ivoire: Productive Social Safety Net Project. Project PAD, the World Bank: Washington, DC.
17 Sur la base des discussions en cours avec le gouvernement et d’informations actualisées sur les programmes gérés
par l’Agence Emploi Jeunes et la Direction Générale de l’Emploi, une analyse à venir aidera à comprendre de manière
approfondie l’usage fait de différents instruments pour réaliser différents objectifs de politiques et cibler différentes
populations. Dans la mesure du possible, cette analyse sera reflétée dans la présente note
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 25
secteur salarial moderne et l’amélioration de l’accès à l’emploi formel sont nécessaires à long
terme et à court et à moyen terme, il est peu probable qu’une croissance, même forte, de ce
secteur absorberait plus qu’une faible part de la population, principalement des populations
plus scolarisées, urbaines et non pauvres. Les PAMT, s’ils sont bien conçus et bien ciblés pour
une économie émergente, pourraient jouer un rôle important dans la transformation écono-
mique de la Côte d’Ivoire.
La couverture des politiques actives du marché du travail est relativement limitée en Côte
d’Ivoire, et il a été difficile d’améliorer cette situation compte tenu de la faible coordina-
tion entre les agences. Deux ministères supervisent les politiques nationales de l’emploi
et / ou les PAMT ciblés. Au niveau de politiques, le ministère de l’Emploi et de la Protection
sociale [Direction Générale de l’Emploi (DGE)] est responsable de la législation du travail,
du dialogue social et des stratégies pour l’emploi. Dans le cadre de la stratégie nationale
pour l’emploi, le nouveau ministère de la Jeunesse et de l’Education des jeunes a été
créé en janvier 2016 avec pour mandat de gérer les principaux PAMT destinés aux jeunes
relevant de deux agences différentes, Agence Emploi Jeune et Bureau de Coordination
des Programmes-Emploi (BCP-Emploi)]. Il existe diverses unités axées sur divers domaines
tels que l’entreprenariat, l’apprentissage, les services publics de l’emploi destinés aux
diplômés universitaires, le suivi et, récemment, le soutien à l’emploi pour les communau-
tés v ulnérables et pauvres. Bien que le ministère de l’Emploi et de la Protection sociale
demeure responsable de la réglementation du code du travail et du soutien en matière de
main-d’œuvre en faveur des populations vulnérables, la répartition des responsabilités en
matière de PAMT n’est toujours pas claire. Les dispositions institutionnelles en matière de
politique et de gouvernance du travail restent complexes, avec de multiples agences et
programmes liés à l’emploi opérant de manière largement indépendante et faisant souvent
double emploi.
26 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
Evolution des dépenses
Les politiques actives de travail en Côte d’Ivoire sont en grande partie financées par des
ressources extérieures, même si depuis 2011, la part des dépenses de l’État n’a cessé
d’augmenter (Tableau 8). Plusieurs programmes sont coordonnés et mis en œuvre par des
agences publiques qui, à la suite d’un remaniement ministériel en janvier 2016, relèvent
désormais de l’autorité du Ministère de la Promotion de la Jeunesse, de l’Emploi et du Service
Civique, après avoir relevé de la tutelle du Ministère de l’Emploi et de la Protection sociale. La
plupart des programmes (six sur sept) ont été lancés à la suite de l’impasse politique de 2011,
l’un d’entre eux datant de 2010. En 2016–18, le budget total estimé de tous ces programmes
de travail s’élevait à environ 40 994 milliards de FCFA (ou environ 74 millions USD), dont 5%
étaient financés par des sources publiques et 95% par des sources externes.
La plupart des programmes de travail sont conçus pour couvrir les jeunes (de 18 à 35 ans)
sans emploi / sous-employés et les personnes vulnérables. Un seul programme (PATEC)
est conçu pour les chômeurs âgés de longue durée. Cependant, les documents disponibles
indiquent que le groupe cible et les critères d’éligibilité des bénéficiaires ne sont pas claire-
ment définis dans la plupart des programmes, en particulier ceux ciblant les jeunes à risque et
les populations vulnérables. Il n’existe pas non plus de définition consensuelle de la vulnérabi-
lité entre les programmes.
18 Republic of Côte d’Ivoire and International Labor Organization (Ngom D and Kouadio B) (2016). Evaluation de la
Politique nationale de l’emploi, 2012–2015.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 27
qui comporte plusieurs composantes, plusieurs ministères sont impliqués ; étant donné
que les composantes spécifiques ciblent différents groupes spécifiques, allant des jeunes
(18–35 ans) aux populations vulnérables. Ce dernier groupe est a priori sous la responsabilité
du ministère de l’Emploi et de la Protection sociale, tandis que les jeunes relèvent de la res-
ponsabilité du ministère de la Jeunesse.
Seuls les programmes coordonnés par BCP-Emploi font l’objet d’un suivi régulier et systé-
matique depuis 2011. BCP-Emploi fournit des rapports de mise en œuvre trimestriels pour
PEJEDEC, PRIZE et C2D Emploi / AFD. Les informations sur les autres PAMT sont limitées et
ces programmes ne sont souvent pas évalués depuis le début. Les dispositions institution-
nelles ont directement affecté la mise en œuvre et la coordination requise pour un suivi et une
évaluation efficace des processus et des impacts du programme. Le remaniement du gouver-
nement a contribué aux retards de mise en œuvre et d’exécution du budget. Par exemple, le
Programme Spécial de Requalification (Phase 1 et 2) était initialement coordonné par l’AGEPE.
Cependant, l’agence ayant été remplacée par l’Agence Emploi Jeune, les responsabilités rela-
tives au programme au sein du ministère de la Jeunesse n’ont pas été clairement définies.
Ciblage
Les principaux problèmes liés à la mise en œuvre des PAMT en Côte d’Ivoire semblent
concerner le ciblage et la couverture. Cette section met en évidence ces problèmes en
étudiant le cas du PEJEDEC, compte tenu des données disponibles dans le cadre de ce
programme. Le projet PEJEDEC, créé en 2011, vise à améliorer l’accès des jeunes hommes et
femmes peu qualifiés (18 à 30 ans) des zones urbaines ou semi-urbaines en Côte d’Ivoire qui
sont au chômage ou qui sont sous-employés à l’emploi temporaire, ainsi qu’à développer des
compétences pour les participants au programme grâce à cette expérience de travail et, pour
certains participants, une formation complémentaire. Le programme comporte deux volets
opérationnels (opportunités d’emplois temporaires ; développement des compétences et aide
à l’emploi) et un volet appui institutionnel.
Bien que le PEJEDEC cible un groupe d’âge spécifique (18–30 ans), la participation à ce
programme se fait par auto-sélectionne. Depuis sa création, le nombre de participants au pro-
gramme a augmenté, notamment en raison du nombre de candidats au volet stages (Tableau 9).
L’augmentation de la participation au programme est peut-être due aux efforts considérables
déployés par l’unité de coordination du projet pour sensibiliser davantage la population19. Dans
le cas du PEJEDEC, les dépenses de communication du projet ont représenté environ 5 à 7%
du total des dépenses de renforcement des capacités institutionnelles. En outre, le programme
cible spécifiquement 30% de participation féminine au programme. Les documents de suivi du
PEJEDEC montrent que cet objectif a été atteint depuis le début. Par exemple, en décembre
2016, 35% des participants étaient des femmes (BCP-Emploi, 2017). En outre, deux évaluations
d’impact réalisées sur ce programme, ainsi qu’une évaluation d’impact à venir du programme
PRIZE, font ressortir des enseignements importants20. Les résultats montrent collectivement
l’importance de cibler les programmes PAMT pour davantage d’efficacité.
19 Comme indiqué dans Heckman et Smith (2004), la sensibilisation à l’éligibilité a été identifiée ailleurs comme une
source majeure de participation au programme.
20 Source / résultats détaillés à ajouter sur la base du rapport de la Banque mondiale (Crépon, Premand).
28 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
TABLEAU 8 Projets et programmes nationaux d’insertion au marché du travail
Source : Rapport de mise en œuvre de la Stratégie de Relance de l’Emploi/année 2014 ; PNE 2016
Note : a) Y compris les 1 857 bénéficiaires THIMO et 1 942 bénéficiaires du projet PRISE formés en AGR ; b) Ce chiffre
ne prend pas en compte les 1 857 bénéficiaires THIMO formés en puisqu’ils sont déjà comptabilisé au niveau de la sous
composante THIMO ; c) Y compris les bénéficiaires THIMO et bénéficiaires du projet PRISE formés en AGR ; d) Y compris
les bénéficiaires THIMO et bénéficiaires du projet PRISE formés en AGR
Source : BCP-Emploi, Rapport de Suivi Financier Nr8, Nr12, Nr16, Nr20
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 29
Conclusions
À l’avenir, pour la plupart des politiques actives de l’emploi en Côte d’Ivoire, les questions de
couverture et d’éligibilité restent un problème clé, outre la coordination interinstitutionnelle
et intersectorielle. Bien que la plupart des PAMT existants soient des programmes nationaux
par conception, la plupart ne couvrent pas toutes les zones qui doivent être couvertes, en
particulier les zones rurales, où sont concentrés la plupart des ménages les plus pauvres. Le
PEJEDEC est limité aux zones urbaines et semi-urbaines, ce qui exclue la plupart des jeunes
non scolarisés des zones rurales. La capacité de mise en œuvre reste limitée en termes
d’agences publiques pour l’emploi, mais la possibilité d’établir de partenariats plus impor-
tants entre le secteur public et privé dans les régions rurales et de maximiser les chaînes de
valeur locales commence à susciter l’intérêt des parties prenantes gouvernementales et non
gouvernementales.
30 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
4
ASSURANCE SOCIALE ET RETRAITE
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 31
prestations définies 21 (PD) et sont financés par répartition 22 (en anglais, PAYG). La CNPS offre
quatre types de prestations, à savoir les allocations familiales, la maternité, les accidents du
travail et les pensions (vieillesse, survie et invalidité). Le système gère également un fonds de
santé qui fournit des prestations de santé à ses membres et à leurs familles. La CGRAE pro-
pose actuellement deux types de prestations de sécurité sociale, à savoir les pensions (régime
de vieillesse, survie et invalidité) et les allocations familiales. Cette analyse porte principale-
ment sur les prestations de retraite. Avoir des régimes de retraite séparés pour les travailleurs
du secteur public et privé n’est pas rare dans la région de l’Afrique subsaharienne. Dans 24
pays sur les 44 où les données sont disponibles, les régimes de retraite des travailleurs des
secteurs public et privé sont distincts. Pour diverses raisons, les systèmes de retraite totale-
ment ou au moins partiellement intégrés sont préférables à un système de pension séparé
spécifiquement destiné aux employés du secteur public (seuls quatre pays de l’OCDE - la
Belgique, la France, l’Allemagne et la Corée - ont des institutions et des avantages entière-
ment séparés pour les fonctionnaires). (Palacios & Whitehouse, 2006)
Démographie et adhésion
Actuellement, la Côte d’Ivoire est l’un des plus jeunes pays au monde. En 2017–18, la popu-
lation âgée de plus de 60 ans représentait moins de 5% de la population totale et 53% de la
population était âgée de 15 à 60 ans - plus de 70% de la population étant âgée de moins de
30 ans. Les projections démographiques des Nations Unies montrent que, si la population en
âge de travailler devrait augmenter de 53% à 60% d’ici 2080, la part des 60 ans et plus dans
la population totale devrait encore augmenter pour atteindre 11% d’ici 2080. Cette double aug-
mentation signifie qu’il y aura plus de 9 millions de personnes âgées de plus de 60 ans d’ici
2080. Un changement de cette ampleur signifie que les dépenses consacrées aux personnes
âgées vont probablement aussi augmenter par rapport à leurs niveaux actuels.
La couverture du secteur des pensions en Côte d’Ivoire est actuellement faible, même si elle
correspond à celle constatée dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne (environ 10%
de la population en moyenne cotisent aux régimes de retraite du secteur privé, bien qu’il
existe d’importantes variations entre pays). Actuellement, le système de retraite de la CNPS
couvre 9,5% de la population âgée de plus de 60 ans et seulement 5,4% de la population
âgée de 15 à 60 ans. En 2016–2018, la CNPS a fourni des pensions de vieillesse, d’invalidité
et de survie à approximativement seulement 104 636 personnes. Cela signifie que, pour la
grande majorité de la population, la responsabilité d’assurer la sécurité du revenu de la vieil-
lesse incombe actuellement aux individus et à leurs familles.
La couverture extrêmement faible de la population en âge de travailler implique qu’il est peu
probable que cela change de manière significative pour les futures cohortes de r etraités -
actuellement, environ 5,4% des personnes en âge de travailler accumulent des droits à
21 Un régime à prestations définies est un type de régime de retraite dans lequel un employeur promet une retraite périodique
spécifiée déterminée à l’avance, à l’aide d’une formule basée sur l’historique des gains, la durée du service et l’âge de
l’employé. Il est « défini » en ce sens que la formule de calcul de la contribution de l’employeur est connue à l’avance. Dans
un régime à prestations définies, l’employeur supporte à la fois le risque d’investissement et le risque de longévité.
22 Financement par répartition (par répartition): les cotisations des travailleurs actuels et de leurs employeurs sont
utilisées pour financer les prestations des retraités actuels.
32 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
TABLEAU 10 Principaux indicateurs de performance du système de retraite, 2016–2018
CNPS CGRAE
Nombre d’intervenants 672 251 240 556
Nombre de bénéficiaires 104 636 82 867
Rapport de dépendance du régime 15,6% 34,4%
Cotisants, % de la population de 15 à 60 ans 5,6% 2,0%
Cotisants, % de la population de 15 à 64 ans 5,4% 1,9%
Bénéficiaires, population de plus de 60 ans 9,5% 7,5%
Total des cotisations 228 157,1
Prestations totales, en milliards 107 141,45
Prestations totales 0,6% 0,8%
Source : Compilation du staff de la Banque mondiale. Estimations sur la base des analyses extrapolatives.
Alors que les deux régimes fournissaient des pensions à un nombre comparable de bénéfi-
ciaires en 2016–2018, CGRAE ne comptait que 240 556 cotisants, ce qui représente environ
un tiers du nombre de personnes contribuant à la CNPS, ce qui a entraîné un taux de
dépendance très élevé, de 34%. Cela signifie que chaque retraité est soutenu par seulement
3 cotisants (ce ratio est de 1 à 6 dans la CNPS). En partie à cause de ces données démogra-
phiques défavorables, plus de 90% des recettes tirées des cotisations étaient immédiatement
nécessaires pour payer les prestations de retraite actuelles dans la CGRAE, contre seulement
50% dans le régime du secteur privé. Le taux de dépendance dans le régime public rela-
tivement plus élevé est dû au fait que le régime est beaucoup plus mature (lors de la mise
en place initiale des régimes de pension, il n’y avait pas de retraités mais uniquement des
cotisants; au fur et à mesure que le temps passe, le nombre d’individus éligibles à une pen-
sion augmente, ce qui entraîne une augmentation du taux de dépendance du régime et des
dépenses de pension) par rapport au régime du secteur privé - la CGRAE a été créé en 1961
alors que la CNPS n’a été mise en place qu’en 2000.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 33
TABLEAU 11 Principaux paramètres des régimes de retraite des secteurs privé et public
Paramètres du régime
Plusieurs des paramètres des deux régimes suggèrent que les régimes pourraient offrir des
prestations trop généreuses. Le Tableau 11 présente un résumé des principales caractéris-
tiques de conception du secteur des pensions en Côte d’Ivoire. La formule de prestations de
la CNPS comprend un taux d’acquisition linéaire de 1,7% du salaire admissible par an - le taux
d’acquisition est de 1,75% dans le régime CGRAE. Cela signifie qu’un travailleur peut s’attendre
à recevoir 50% de ses gains antérieurs après 30 ans de carrière, par rapport aux 40% sug-
gérés par le BIT. En comparaison, le taux d’accumulation moyen régional est de 1,9%, ce qui
donne un taux de remplacement de près de 60%. Bien qu’il soit inférieur à celui de certains
pays voisins, le taux d’accumulation de la CNPS reste supérieur à la moyenne de 1,2% par an
observée dans les pays à revenu élevé. Les taux de régularisation dans les pays à revenu
élevé sont considérés comme les meilleures pratiques internationales, même si elles ne sont
peut-être pas viables sur le plan financier à long terme.
Le salaire qui sert de base pour le calcul de la prestation de retraite- la base de calcul de
la pension ou le salaire de référence - comprend les 15 dernières années dans la CNPS et
seulement les cinq dernières années dans la CGRAE. Le calcul des pensions sur la base du
salaire moyen des dernières années pourrait s’avérer coûteux pour le régime de pension, car les
cotisations versées plus tôt dans la carrière sur un salaire inférieur ne sont pas prises en compte
dans le calcul de la pension. Généralement, les fonctionnaires voient leurs salaires augmenter
régulièrement, car ceux-ci sont souvent basés sur l’ancienneté. Les salaires du secteur privé, en
revanche, culminent souvent plus tôt dans la carrière, vers la fin de la quarantaine ou au début
de la cinquantaine, puis restent stables ou diminuent légèrement. Ainsi, le rapport entre les pres-
tations reçus et les contributions versées peut être nettement plus élevé pour les fonctionnaires
que pour les travailleurs du secteur privé, ce qui entraîne un trop-payé de prestations pour les
fonctionnaires par rapport aux contributions versées. Les meilleures pratiques internationales
34 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 13 Taux de cotisations de retraite en Afrique subsaharienne, 2016–2018
40.0%
35.0%
30.0%
25.0%
20.0%
15.0%
10.0%
5.0%
0.0%
Senegal FNR
Mozambique civil service ...
Madagascar CPR
Madagascar (CNaPS)
Uganda (NSSF)
Madagascar CRCM
Senegal lPRES
Tanzania NSSF
Tanzania PSPF
Rwanda
Swaziland NPF
Swaziland PSPF
Mauritius (CSPS)
Zimbabwe NPS
Mozambique lNSS
Mauritius (NPF)
Benin (CNSS)
Zambia NAPSA
Zambia PSPF
Ghana SSNIT
Benin FNRB
Botswana (BPOPF)
Namibia GIPF
Kenya (CSPS)
Cote d’lvoire CGRAE
Togo (CRT)
Cote d'lvoire CNPS
Togo (CNSS)
Ethiopia (POEPA)
Ethiopia (PSSSA)
Sierra Leone NSSIT
Liberia (NPS)
Lesotho
TABLEAU 12 Choix de politique d’indexation opérés par les pays d’Afrique subsaharienne
recommandent de baser les pensions sur le salaire moyen à vie. La raison en est que si un tra-
vailleur a cotisé tout au long de sa vie sur la base des salaires gagnés, aligner les prestations sur
les cotisations impliquerait de baser la prestation de retraite sur le salaire moyen à vie, puisque
la cotisation moyenne était basée sur le salaire moyen à vie. En outre, l’extension du salaire de
référence à la fin de la carrière permettra également d’éliminer les inégalités dues aux travail-
leurs des secteurs public et privé ayant des profils d’âge et de revenus différents.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 35
Les pensions post-retraite dans le régime de la CNPS sont augmentées parallèlement aux
augmentations du coût de la vie, tandis que les pensions dans la CGRAE sont indexées sur
la croissance des salaires qui est généralement la plus généreuse des deux. La Figure 13 et
le Tableau 12 présentent les différents choix effectués par les pays d’Afrique subsaharienne,
qui ont encore une démographie jeune et qui génèrent des excédents dans leurs fonds de
pension, en ce qui concerne la politique d’indexation. La grande majorité des pays d’Afrique
subsaharienne ajustent leurs retraites à la croissance des salaires ou sur une base ad hoc, ce
qui correspond approximativement à la croissance des salaires et est généralement supérieur
à l’inflation. Les meilleures pratiques internationales suggèrent une indexation post-retraite
basée sur l’inflation uniquement, avec la logique selon laquelle le pouvoir d’achat d’un individu
devrait être maintenu dès le premier jour et tout au long de la retraite. Les pays à revenu élevé
ont souvent aussi opté pour une indexation des salaires sur la croissance, mais ont dû passer
à une indexation sur l’inflation à mesure que leurs systèmes évoluaient.
Les pensions sont financées par les cotisations des employés et des employeurs au taux de
14% et de 25% du salaire à la CNPS et la CGRAE respectivement. Dans l’ensemble de la région,
les taux de cotisation dans les régimes du secteur public ont tendance à être plus élevés que
ceux des régimes du secteur privé. Le taux de cotisation de la CNPS est égal au taux de cotisa-
tion moyen du secteur privé au niveau de la région, alors que le taux de cotisation de la CGRAE
est parmi les plus élevés des systèmes de retraite du secteur public en Afrique subsaharienne.
Il existe d’importantes différences entre les régimes de retraite public et privé en ce qui
concerne leurs principaux paramètres. Le régime public, qui comprend une base de cotisation
et un mécanisme d’indexation des retraites plus généreux, se caractérise par un taux d’acquisi-
tion plus élevé et par l’absence de plafond pour le taux de remplacement par rapport au régime
de retraite du secteur privé. Comme le montre la Figure 14, le régime du secteur public offre des
pensions à un nombre réduit de bénéficiaires, mais entraîne des dépenses plus élevées. Afin de
soutenir des prestations plus élevées, la CGRAE présente également un taux de cotisation nette-
ment plus élevé, ce qui, dans le cadre d’un régime de la fonction publique dans lequel le gouver-
nement est l’employeur, n’est qu’un autre poste de dépense pour le gouvernement. En outre, le
gouvernement assume une plus grande part du taux de cotisation pour les pensions (67% contre
60% dans le régime du secteur privé) dans le régime de la CGRAE.
En 2016–2018, les dépenses totales de pension (les deux régimes combinés) représentaient
1,4% du PIB, ce qui est très élevé par rapport au nombre de personnes qui perçoivent des
prestations de retraite de la part du régime. Les dépenses de pension moyennes par retraité
dans la CNPS se sont élevées à 1,3 fois le PIB par habitant, tandis que les dépenses de retraite
moyennes par retraité dans le régime de la CGRAE ont dépassé deux fois le PIB par habitant
dans le pays. Il est difficile d’évaluer correctement l’adéquation et la générosité des prestations
de retraite versées par chacun des régimes sans avoir accès aux salaires individuels et aux
répartitions des montants de pension. Toutefois, ces chiffres approximatifs soulèvent des ques-
tions importantes concernant le niveau des prestations versées par le régime de pension du
secteur public car elles mettent en évidence une inégalité potentielle entre les deux systèmes.
Si les salaires du secteur public sont supérieurs à ceux du secteur privé, il est évident que
les pensions du secteur public le seront également - étant donné que les cotisations versées
sont plus importantes. Si les travailleurs du secteur public versent plus d’argent dans le
régime de pension (en raison de salaires et de taux de cotisation plus élevés), on s’attend alors
36 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 14 Estimations des Dépenses et participants aux régimes de pension, 2016–2018
180,000 120,000
Frais de pension (millions de la FCFA)
160,000
100,000
140,000
Nombre de bénéficiaires
120,000 80,000
100,000
60,000
80,000
60,000 40,000
40,000
20,000
20,000
— —
2010 2011 2012 2013 2014 2015
Source : Compilation du staff de la Banque mondiale sur la base des données fournies par la CNPS et la CGRAE.
ENCADRÉ 1 Tendances récentes du dialogue sur la réforme des retraites en Côte d’Ivoire
A partir de 2016, le gouvernement a formulé une vision de la réforme des pensions visant à
élargir la couverture aux travailleurs vulnérables, en s’appuyant sur les mesures initiales prises
en 2012 pour soutenir la durabilité des deux principaux fonds. Avant 2012, la CNPS affichait
un déficit structurel de 630 millions USD en raison des versements prévus par la loi en raison
de revenus limités. Depuis la mise en œuvre de mesures de réforme essentiellement paramé-
triques en 2012 (ciblant l’âge de la retraite et les taux de cotisation), la CNPS a cessé d’être
déficitaire à compter de 2014 et a vu ses réserves augmenter. À partir de 2016, le gouverne-
ment a commencé à préparer une stratégie pour concevoir et mettre en œuvre deux mesures
supplémentaires, l’une ciblant certains travailleurs du secteur informel et l’autre visant à créer
un fonds de pension complémentaire pour les travailleurs du secteur public afin d’améliorer
le niveau des prestations. Les deux réformes prévoient un déploiement progressif à partir de
2019–2020, soutenu par une plate-forme de déclaration électronique récemment créée pour
faciliter la collecte des cotisations des entreprises. À long terme, le gouvernement entend
capitaliser sur ces mesures pour réduire l’écart de couverture et améliorer la coordination
entre les prestations non contributives et les prestations contributives.
à ce qu’ils reçoivent également des pensions plus élevées. Il est également vrai que le régime
du secteur privé, n’ayant débuté qu’en 2000, n’est pas encore arrivé à maturité En effet, les
retraités les plus récents n’ayant qu’environ 17 ans de cotisations au maximum, alors que les
fonctionnaires pourraient compter entre 30 et 40 ans, il est normal qu’après 30–40 ans les
prestations seront plus élevés comparées à celles données après seulement 17 ans, même
si les régimes étaient identiques. En tant que tel, il est difficile d’évaluer pleinement l’équité
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 37
des prestations de retraite entre les deux régimes en dépit de différences évidentes en ce qui
concerne les principaux paramètres du système et les indicateurs de performance.
Conclusions
Globalement, le secteur des retraites en Côte d’Ivoire n’est actuellement pas accessible à
la grande majorité de la population. Il se caractérise par une faible couverture et une géné-
rosité relativement élevée en termes de prestations ; les dépenses de pension sont élevées
par rapport au nombre de bénéficiaires qui touchent une pension. Le régime est fragmenté
- deux régimes de pension distincts offrent des prestations potentiellement inéquitables
aux travailleurs des secteurs public et privé, ce qui pourrait entraver la mobilité de la main-
d’œuvre entre ces deux secteurs. Les régimes de pension des secteurs public et privé
peuvent tous deux tirer parti de la modernisation des paramètres du régime afin de refléter
plus fidèlement les meilleures pratiques internationales. À l’avenir, les deux régimes béné-
ficieraient d’une évaluation actuarielle et d’une simulation économique plus dynamiques et
multidimensionnelles permettant de déterminer leurs besoins de financement, l’adéquation
des prestations, l’équité et le bien-être en termes de pauvreté et de conséquences sur le
travail, à moyen et long-terme.
38 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
5
LES FILETS DE SÉCURITÉ SOCIALE
PRODUCTIFS ET L’ASSISTANCE SOCIALE
En tant que programmes d’amélioration du bien-être social qui ciblent les plus pauvres, les
programmes de filet de sécurité sociale servent de plate-forme pour la coordination entre les
régimes de protection sociale et de travail. Les chocs récents ont eu une incidence plus défavo-
rable sur le bien-être des ménages les plus pauvres que sur celui de la population en général. En
Côte d’Ivoire, la consommation moyenne par habitant parmi les 40% inférieurs de la répartition
du revenu a diminué à un taux annualisé d’approximativement -2,6% entre 2002 et 2014, soit un
taux presque trois fois supérieur à celui de la population en général (un taux de -0,9%). De plus,
la courbe d’incidence de la croissance pour cette période indique que le décile inférieur a connu
les pertes de consommation les plus importantes. De ce fait, la Côte d’Ivoire affiche un retard en
Afrique en ce qui concerne l’indice de prospérité partagé23. La modernisation porterait sur deux
domaines principaux : (i) la consolidation des mécanismes de protection contre les risques et des
modèles de financement, et (iii) l’amélioration des liens avec des moyens de subsistance et des
emplois durables et productifs. Cette section passe en revue l’état actuel des filets de sécurité
sociale, les dispositions institutionnels, les mécanismes de prestation et le potentiel des filets de
sécurité sociaux productifs pour améliorer les revenus des travailleurs pauvres.
23 Voir World Bank (2018). Poverty and Shared Prosperity 2018: Piecing Together the Poverty Puzzle. Washington, DC:
World Bank. Figure 2.9.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 39
TABLEAU 13 Mapping of social assistance programs and key indicators in Côte d’Ivoire,
2016–2018
Dépenses
annuelles de
Couverture moyenne les
Population géogra- Année Nombre de bénéficiaires Fournisseur
Programme concernée phique lancé bénéficiaires (F CFA) Financier
Programme Intégré Enfants non National 2016–2017 1 086 721 1 754 072 640 Gouvernement
de Pérennisation des scolarisés et donateur
Cantines Scolaires
(PIPCS)
Programme National Ménages National 2016 50 000 à ce jour 6,257,330,000 Gouvernement
des Filets Sociaux pauvres ; déploiement et donateur
2018
Productifs progressif en
cours
Programme national Enfants National 2016 179 425 42 730 000 Gouvernement
de prise en charge orphelins du (14%) et
des orphelins et fait du VIH / donateur
autres enfants rendus SIDA et leurs
Vulnérables du fait du familles
VIH / SIDA (PNOEV)
Programme du Programme National 2016 Non spécifié Prévu 50 000 Gouvernement
Plan National multisectoriel 000 par an (15%) et
Multisectoriel pour la ciblant les donateur
Nutrition 2016–2020 enfants et
les ménages
pauvres
Campagne « zéro Filles à l’école National 2014/2015 Les cas de
grossesse à l’école » grossesse sont
passés de 5 076
en 2012/2013 à
3 871
Projet d’Appui et Personnes National 2016 75 projet / 22 960 000 Gouvernement :
d’Accès des Personnes handicapées individu 000 100
Handicapées
à la Formation
Professionnelle
Système Enfants (5–17 National 2014/2015 1 911 enfants 205.393.700 Gouvernement
d’observation et de ans) en situation identifiés (18,3%) et
suivi du travail des de travail et donateur
enfants en Côte communautés
d’Ivoire-SOSTECI identifiées
Plan d’Actions Enfants (5–17 National 2014/2015 Divers services 8 782 188 065 Gouvernement
National (PAN) ans) en situation (hotline, kits (37,23%) et
2012–2014 de lutte de travail et scolaires, donateur
contre la traite, du communautés logement des
travail et des enfants identifiées enseignants, salles
de classe, etc.)
Réseau de centres Ménages National s.o. s.o. À Confirmer Gouvernement
sociaux publics et de
travailleurs sociaux
Source : Compilation du staff de la Banque mondiale à partir des données gouvernementales et des informations
administratives.
40 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
TABLEAU 14 Objectifs des principaux programmes d’assistance sociale en Côte d’Ivoire, 2016–2018
Année de
Programme Objectifs détaillés lancement Date de fin
Programme intégré Promouvoir la scolarisation et la rétention scolaire, en fournissant 1998 Continue
pour la durabilité des des repas aux élèves et en aidant les communautés villageoises à
cantines scolaires s’approprier progressivement le fonctionnement des cantines scolaires
(pipcs) locales, à la fois en termes d’approvisionnement et de gestion, en
faisant un vecteur de développement local. Programme mis en place à
la suite du retrait progressif du PAM en 1996.
Programme de protec- Soutenir les revenus et les moyens de subsistance par le biais de 2015 2020
tion sociale productif transferts monétaires aux ménages pauvres et développer un système (phase 1)
opérationnel pour le fonctionnement du filet de sécurité sociale et un
système d’inclusion économique liés à l’emploi.
Plus précisément, le projet appuiera la création d’outils opérationnels
essentiels à utiliser pour fournir des transferts monétaires réguliers et
prévisibles aux ménages pauvres, une plate-forme d’inclusion écono-
mique et les mesures d’accompagnement connexes relatives au capital
humain. Le système sous-jacent comprend un système de ciblage
objectif avec un registre de ménage social, un mécanisme de paiement
fiable et un système de suivi et d’évaluation fiable.
Programme national Assurer la prise en charge sociale des orphelins et autres enfants ren- 2003 Continue
de soutien aux orphe- dus vulnérables par le VIH / sida et leurs familles. Inclut la coordination,
lins et autres enfants la formation et la mobilisation des acteurs pour fournir sept services de
rendus vulnérables par base, y compris le suivi et la gestion de base de données.
le VIH / sida (PNOEV)
Programme national Améliorer l’état nutritionnel de la population en termes de réduction 2016 2020
multisectoriel de nutri- du retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans, de la
tion 2016–2020 malnutrition aiguë globale, de l’insuffisance pondérale, du faible poids
à la naissance et de l’anémie. Les mesures comprennent la sensibili-
sation, le suivi et l’éducation par le biais des secteurs de la santé et de
l’éducation, notamment l’amélioration de la couverture des cantines
scolaires; fournir un accès à la couverture maladie universelle au
moyen de subventions ciblées (couverture ciblée à 80%); mesures du
secteur agricole pour améliorer les rendements; distribution et qualité
de la nourriture; mesures du secteur de l’eau pour améliorer l’accès à
l’eau potable; et amélioration de la surveillance via les services sociaux
destinés aux populations vulnérables (ciblant une couverture de 70%).
Nationale Programme Améliorer les résultats en matière d’éducation et de santé en renfor- 2013/2014 2015–2016
Zéro école de çant l’éducation sexuelle et génésique dans le système éducatif. Plus
grossesse précisément, réduire le nombre de grossesses précoces (réduction de
50%) ; accroître la sensibilisation et l’éducation sexuelle et génésique
grâce à une participation accrue des étudiants ; accroître la disponi-
bilité et la couverture des services et des points de vente au niveau
communautaire pour l’information, la surveillance et la sensibilisation.
Formation profes- Promouvoir l’accès des personnes handicapées à la formation 2014 2024
sionnelle Projet de technique et professionnelle. Les mesures comprennent un soutien
soutien aux personnes aux modules de formation professionnelle ; soutien à la formation à
handicapées l’emploi indépendant pour la création de micro et petites entreprises ;
soutien à l’intégration au marché du travail.
Observatoire et Soutien à la mise en oeuvre de la Convention 182 de l’OIT sur les pires 2013 2015
système de suivi du formes de travail des enfants, déjà ratifiée. Comprend l’assistance
travail des enfants technique et la mobilisation des acteurs locaux et de la communauté
en Côte d’Ivoire pour surveiller et rendre compte de l’emploi des enfants âgés de 5 à
(SOSTECI) 17 ans. Lié au Plan d’action national contre la traite, l’exploitation et le
travail des enfants (2012–2014).
Source : Compilation du staff de la Banque mondiale à partir des données gouvernementales et des informations administratives.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 41
et d’éligibilité, et méthodes de ciblage). En outre, plusieurs institutions qui s’occupent de la
prestation de services sociaux, telles que la santé et l’éducation, utilisent un ensemble d’ins-
truments différent pour cibler les pauvres. Cela inclut les services de santé subventionnés, les
cantines scolaires et les bourses d’étude, etc. À l’exception de deux programmes de travaux
publics à forte intensité de main-d’œuvre financés par la Banque et d’un programme de can-
tine scolaire dans le cadre du Programme alimentaire mondial (PAM), qui va en diminuant, il
n’existe pas de programmes de protection sociale non contributifs bien conçus et fonctionnels
connus au niveau national. Le gouvernement gère un programme d’assistance sociale appelé
« les Secours Sociaux ». Lancé en 1967, le programme offre aux personnes nécessiteuses une
aide financière ponctuelle. Les procédures sont très centralisées à Abidjan et le programme
ne concerne qu’un nombre très limité de personnes (seulement 220 personnes en 2011).
La rareté des mécanismes d’atténuation des risques sociaux en Côte d’Ivoire rend les ménages
les plus pauvres très vulnérables aux chocs. Bien qu’un nouveau système de filet de sécurité
sociale soit en train d’être mis en place, la Côte d’Ivoire a toujours bénéficié d’une couverture de
protection sociale restreinte fournie principalement par le biais de régimes d’assurance sociale
contributifs (pensions et assurance maladie) destinés principalement aux catégories de revenus
supérieurs, couvrant moins de 10% de la population. La plupart des Ivoiriens pauvres dépendent
de filets de sécurité informels, tels que les « mutuelles », les associations caritatives, les envois
de fonds privés et les réseaux communautaires, une approche qui tend à s’effondrer en période
de chocs covariants. En conséquence, les mécanismes existants ont eu un impact marginal sur
la réduction de la pauvreté ; ces mécanismes ne soutiennent pas de manière substantielle une
prospérité partagée et il est difficile de compter sur eux en temps de crise.
L’expérience internationale a démontré que des systèmes de filet de sécurité sociale ciblés
et bien conçus peuvent atténuer la pauvreté, réduire les inégalités, encourager les investis-
sements dans le capital humain et améliorer la diversification des moyens de subsistance
et les revenus. Les programmes de transferts monétaires dans des pays aussi divers que le
Brésil, l’Éthiopie et le Bangladesh ont eu des effets positifs sur la pauvreté et le capital humain
à court terme, tout en atténuant la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.24. Les sys-
24 Pour un examen des preuves, voir: Fiszbein and Schady (2009). Conditional Cash Transfers; Reducing Present and
Future Poverty. Washington DC: World Bank, and IEG (2011). Evidence and Lessons Learned from Impact Evaluation of
Social Safety Nets. Washington DC: World Bank.
42 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
tèmes nationaux de filet de sécurité sociale peuvent aider à gérer les chocs de manière
proactive à court et à long terme, en particulier dans des contextes fragiles. Les disparités
régionales existantes en matière de pauvreté ont été exacerbées par une longue période de
crises successives en Côte d’Ivoire de 1999 à 2011. Bien que des mesures de promotion de
la croissance soient essentielles pour réduire la pauvreté, des mécanismes supplémentaires
de redistribution visant à promouvoir l’équité sont également nécessaires. L’instauration d’un
système national de gestion et de coordination des services publics de base et des transferts
monétaires non contributifs aux ménages les plus pauvres aidera à accélérer la réduction de
la pauvreté et à promouvoir la stabilité à long terme dans des contextes qui tendent à être
fragile.
25 Gilligan, D. O., J. Hoddinott, et al. (2009). “The Impact of Ethiopia’s Productive Safety Net Programme and its Linkages.”
The Journal of Development Studies 45(10): 1684–1706.
26 Macours, K., P. Premand, et al. (2012). Transfers, Diversification and Household Risk Strategies: Experimental Evidence
with implications for climate change adaptation. Policy Research Working Paper Series. Washington DC, The World Bank.
27 Bandiera, O., R. Burgess, et al. (2012). Can Entry-level entrepreneurship transform the economic lives of the poor? UCL,
mimeo.
28 World Bank (2005). Economic impacts of professional training in the informal sector: the case of the Labor Force
Training Program in Côte d’Ivoire. World Bank Policy Research Working Paper. Report No. WPS3668. Washington DC:
World Bank.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 43
TABLEAU 15 Taille des transferts par rapport au seuil de pauvreté et au seuil de pauvreté
extrême
Estimated Estimated
Average transfer size Average transfer size Generosity over Generosity over
Monthly Household relative to extreme relative to poverty average extreme average poor
Transfer Amount poverty line line poor households households
10,000 13% 8% 18% 12%
11,000 14% 9% 20% 13%
12,000 15% 9% 21% 15%
13,000 16% 10% 23% 16%
14,000 18% 11% 25% 17%
15,000 19% 12% 27% 18%
Source : Estimations du staff de la Banque mondiale fondées sur l’Enquête sur le budget des ménages (ENV), 2008–14.
Données les plus récentes au moment d’analyse.
Générosité
Le nouveau programme de protection sociale de la Côte d’Ivoire a été conçu en tenant
compte de ces paramètres de réforme, y compris les transferts monétaires versés aux béné-
ficiaires dans les régions rurales depuis 2016, ainsi que le soutien à l’inclusion économique,
dont la mise en œuvre commencera ultérieurement. En termes de transferts monétaires ver-
sés à la cohorte initiale de bénéficiaires, le programme est généreux par rapport aux normes
internationales. Les bénéficiaires reçoivent un transfert mensuel en espèces de 12 000 FCFA
(versé sous forme de transferts trimestriels) aux ménages, ce qui représente 9% du seuil de
pauvreté national, ou 15% du seuil de pauvreté extrême, sur la base d’une analyse réalisée au
moyen de l’enquête auprès des ménages de 2008–14 réalisée au moment de la conception
du programme. Cette taille de transfert équivaut à environ 15% de la consommation moyenne
des ménages pauvres, ou 21% des ménages extrêmement pauvres. 29 (Tableau 15).
Ciblage et efficacité
L’efficacité des programmes de protection sociale dans la réduction de la pauvreté, en parti-
culier les transferts monétaires, dépend de la population ciblée. Le programme de protection
sociale de la Côte d’Ivoire vise actuellement les ménages extrêmement pauvres. La même taille
de transfert contribue davantage à augmenter les dépenses des ménages, plus les ménages
sont pauvres, ce qui influe sur la gravité de la pauvreté au niveau des ménages. Avec la même
29 Le seuil de pauvreté est de 241 145 FCFA par habitant et par an. La taille moyenne des ménages parmi les ménages
pauvres est de 6,34 et la consommation moyenne par habitant et par an est de 155 006 FCFA. Le seuil d’extrême
pauvreté est de 138 630 FCFA par habitant et par an. La taille moyenne des ménages parmi les ménages pauvres est
de 6,83 et la consommation moyenne par habitant et par an pour les ménages pauvres est de 98 510 FCFA.
44 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
TABLEAU 16 Simulations des effets du programme de transferts monétaires sur les indicateurs
de pauvreté et d’extrême pauvreté
Source : Estimations du staff de la Banque mondiale basées sur l’Enquête sur le budget des ménages (ENV), 2008–14.
Simulations basées sur 1 000 réplications pour chaque scénario, pour un programme national avec un ciblage parfait,
aucune réponse comportementale et à l’exclusion des coûts administratifs.
enveloppe budgétaire, une répartition plus large des mêmes transferts entre les pauvres et
les extrêmement pauvres pourrait entraîner une réduction plus importante du nombre de
personnes touchées par la pauvreté, car même les ménages proches du seuil recevraient
un important coup de pouce, mais n’influencera pas nécessairement la gravité (ou l’écart de
pauvreté)30. En conséquence, les simulations montrent que les effets potentiels du programme
sur la plupart des indicateurs de pauvreté et d’extrême pauvreté sont maximisés si le pro-
gramme cible l’extrême pauvreté, par opposition à la population pauvre en général.
Le Tableau 16 présente des simulations montrant les effets sur la pauvreté du ciblage de la
cohorte initiale de 35 000 ménages pour les cinq premières années du programme national
(2015–2020). Deux scénarios sont examinés : (a) sélectionner les bénéficiaires parmi tous les
ménages pauvres et (b) sélectionner les bénéficiaires uniquement parmi les ménages extrê-
mement pauvres. La Figure 15 présente les principaux résultats. En effet, le transfert mensuel
de 12 000 FCFA à 35 000 ménages (cible initial), sélectionnés parmi les très pauvres, conduit
à une réduction de 0,55% de l’écart de pauvreté, de 1,17% de la gravité de la pauvreté, une
réduction de 1,75% de l’incidence de l’extrême pauvreté, de 2,38% de l’écart de pauvreté
extrême et de 2,84% de la gravité de l’extrême pauvreté.
30 de Janvry, A. and E. Sadoulet (2006). “Making Conditional Cash Transfer Programs More Efficient: Designing for
Maximum Effect of the Conditionality.” The World Bank Economic Review 20(1): 1–29.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 45
FIGURE 15 Effets du programme sur les indicateurs de pauvreté, par groupe cible
3.00%
2.50%
2.00%
1.50%
1.00%
0.50%
0.00%
Poverty Poverty Poverty Extreme Poverty Extreme Poverty Extreme Poverty
Headcount Gap Severity Headcount Gap Severity
Source : Estimations du staff de la Banque mondiale fondées sur l’Enquête sur le budget des ménages (ENV), 2008–2014.
Le seul indicateur pour lequel la sélection des bénéficiaires parmi les pauvres se compare
favorablement à la sélection des bénéficiaires parmi les extrêmement pauvres est le nombre
de personnes pauvres (FGT (0)), qui diminue de 0,35% si les bénéficiaires sont sélectionnés
parmi les pauvres. Cependant, afin de maximiser les impacts sur la gravité de la pauvreté ou
sur tout indicateur d’extrême pauvreté, il est préférable de sélectionner les bénéficiaires parmi
les plus pauvres.
Les simulations des effets sur la pauvreté d’une extension du programme montrent des
niveaux de coûts et d’effets différents. Par exemple, un programme regroupant 160 000
ménages pourrait couvrir environ le tiers des ménages extrêmement pauvres des régions
rurales pour un budget annuel de 42,9 millions de dollars, soit 0,18% du produit intérieur brut
(PIB). Un tel niveau de couverture conduirait à une diminution de 8,7% du nombre de per-
sonnes vivant dans l’extrême pauvreté, à une réduction de 12% de l’écart de pauvreté extrême
et à une diminution de 14,5% de la gravité de l’extrême pauvreté.
Un programme couvrant l’ensemble des 507 477 ménages extrêmement pauvres des
régions rurales coûterait 136 millions de dollars par an, soit 0,58% du PIB. Un tel programme
réduirait le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté de 25,4%, l’écart entre
l’extrême pauvreté de 35% et la gravité de l’extrême pauvreté de 42,2%.
Enfin, un programme couvrant les 608 201 ménages extrêmement pauvres de l’ensemble
du pays coûterait 163 millions de dollars américains par an (0,70% du PIB). Ce programme
devrait permettre une réduction de 30,5% de l’incidence de l’extrême pauvreté, une réduction
de 41,1% de l’écart de pauvreté extrême et une réduction de 49,1% de la gravité de l’extrême
pauvreté. Ce niveau de dépenses est comparable aux dépenses d’autres pays pour des pro-
grammes de transferts monétaires similaires, comme au Brésil. Un tel investissement devrait
46 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
permettre de réduire d’environ 25% le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté,
ce qui ne serait autrement pas nécessairement réalisé uniquement par le biais d’initiatives
pilotes locales destinées à moins de ménages, ou d’investissements publics uniquement dans
les infrastructures et les services de base, qui ne stimulent pas la consommation ou l’investis-
sement dans le capital humain ou physique.
Conclusions
Globalement, le nouveau programme a donc été conçu pour instituer un système national
mais la question qui reste est comment le mettre à l’échelle en intégrant avec d’autres
programmes PST. Des programmes d’assistance sociale verticaux financés par des donateurs,
tels que des projets de cantine scolaire ou de travaux publics d’urgence, ont été introduits en
Côte d’Ivoire. Cependant, des programmes limités et verticaux ne permettront pas d’atteindre
des objectifs plus ambitieux en matière de réduction de la pauvreté sans un investissement
public important dans le renforcement et la consolidation des programmes du filet de sécurité
sociale au niveau national. Les disparités régionales existantes en matière de pauvreté ont
été exacerbées par une période prolongée de crises successives en Côte d’Ivoire de 1999
à 2011, qui faisaient suite à deux décennies de ralentissement économique, entraînant un
niveau élevé de pauvreté qui ne ferait que nuire à la consommation et au pouvoir d’achat, ce
qui a pour effet de retarder la réalisation des objectifs de croissance inclusive. Les effets du
programme sur la gravité de l’extrême pauvreté sont maximisés en ciblant les régions rurales
présentant la plus forte incidence d’extrême pauvreté. En même temps, avec l’amélioration
de la croissance et de la marge budgétaire en Côte d’Ivoire, une approche équitable viserait
éventuellement les pauvres avec des niveaux de prestations différenciés dans les régions
urbaines et rurales.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 47
48 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
PARTIE II : OPTIONS DE POLITIQUES POUR
RENFORCER LES SYSTÈMES DE GESTION
DE RISQUE EN CÔTE D’IVOIRE
L’amélioration du niveau de vie en Côte d’Ivoire et l’accélération de la croissance économique
nécessiteront des réformes structurelles de son système de gestion des risques. Ce système
combine, d’une part, des programmes d’assurance et des programmes d’assistance sociale
pour gérer des risques tels que la maladie, l’invalidité, le décès, la pauvreté ou le chômage et,
d’autre part, des programmes pour l’emploi, visant à améliorer les opportunités d’emploi et
les revenus. Ces deux derniers aspects sont nécessaires pour réduire / prévenir les risques
et améliorer la capacité des individus à s’auto-assurer. De meilleures opportunités d’emploi
stimuleront également la croissance économique. En effet, compte tenu des taux d’activité
et d’emploi actuels et de la dynamique de la population en âge de travailler, la croissance
de la productivité du travail sera le principal facteur qui déterminera la croissance du PIB par
habitant31. Pour que la productivité moyenne du travail augmente, la productivité des emplois
existants doit augmenter et davantage de travailleurs doivent passer des activités à productivité
faible à celles à productivité élevée (pas nécessairement de certains secteurs à d’autres).
Penser en termes de système de gestion des risques est important pour orienter l’affectation de
ressources publiques limitées entre les programmes concurrentiels. En particulier, il existe des
compromis à prendre en compte entre les programmes d’assurance / assistance sociale et les
programmes de promotion de l’emploi. Investir aujourd’hui dans des programmes qui améliorent
les opportunités d’emploi et les revenus devrait permettre de réduire le coût futur des programmes
d’assurance / assistance sociale. Les gouvernements ne devraient donc pas concevoir et gérer
des programmes d’assurance sociale en tenant pour acquis les résultats du marché du travail.
Du moment qu’il existe des politiques et des programmes susceptibles d’influencer ces résultats,
ceux-ci doivent être coordonnés / intégrés aux politiques d’assurance / assistance sociale.
31 Luc Christiansen and Patrick Premand. 2018. “Jobs Diagnostics for Cote d’Ivoire: Employment Productivity and
Inclusion for Poverty Reduction.” Jobs Series. Issue No. 2. World Bank.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 49
En Côte d’Ivoire, comme dans de nombreux autres pays, les programmes d’assurance
sociale, d’assistance et d’emploi connaissent des problèmes au niveau de leur concep-
tion et de leur coordination. D’abord, il existe des problèmes spécifiques à chaque type de
programmes. Les programmes d’assurance sociale ne peuvent pas couvrir la majorité des
travailleurs des secteurs informels. Ils ne couvrent qu’une minorité des travailleurs du secteur
formel et accumulent pourtant d’importants passifs non couverts. Les programmes d’assistance
sont fragmentés, à portée limitée et probablement, non viables. Les programmes d’emploi sont
peu susceptibles d’avoir un impact sur le marché du travail, en particulier, en ce qui concerne
l’amélioration de la qualité des emplois informels (productivité, revenus, conditions de t ravail).
Ensuite, ces programmes connaissent des problèmes de coordination et d’intégration. Les
mécanismes de redistribution dans les programmes d’assurance et d’assistance sociales
sont largement déconnectés, ce qui crée des problèmes de couverture, peut conduire à une
répartition régressive de ressources publiques limitées et à des distorsions potentielles sur
les marchés de l’emploi. De plus, les politiques de l’emploi ne sont pas coordonnées avec les
politiques d’assurance et d’assistance sociales. Ainsi, très peu d’initiatives efficaces sont prises
pour améliorer les opportunités d’emplois et de revenus, afin de réduire le recours aux filets de
sécurité ou permettre aux travailleurs des secteurs informels d’accéder à l’assurance sociale.
Cette partie de la note de politique traite des expériences internationales et des innova-
tions récentes visant à améliorer la conception des programmes d’assurance / d’assistance
sociale et d’emploi dans un cadre de gestion intégrée des risques. L’accent est mis sur trois
types d’initiatives :
• Initiatives pour étendre la couverture des programmes d’assurance sociale aux travailleurs
du secteur informel ; elles ont recours notamment aux TIC pour identifier, établir les profils,
recruter des travailleurs, collecter des cotisations / épargnes et effectuer des paiements,
ainsi que pour améliorer les connaissances financières et les incitations comportementales.
• Initiatives pour rationaliser et intégrer les mécanismes de redistribution entre les pro-
grammes d’assistance et les programmes d’assurance.
• Les programmes de promotion de l’emploi qui reposent sur des subventions à l’investis-
sement pour promouvoir le travail salarié et indépendant des travailleurs vulnérables, en
particulier dans les zones rurales.
Cette partie s’agit plus tôt d’une discussion de politique et, pour cela, il n’aborde pas en
détail les questions relatives à la mise en œuvre, la gestion et l’administration. Cette partie est
organisé en trois parties. La section 6 commence par l’introduction d’un cadre général visant
à améliorer la conception des programmes d’assurance sociale et à étendre leur couverture à
l’ensemble de la population. Ce cadre est utilisé pour identifier les réformes que le gouverne-
ment de Côte d’Ivoire devra envisager à court et à moyen terme dans les systèmes de retraite,
d’assurance maladie et des allocations de chômage. La section examine également les implica-
tions budgétaires potentielles de ces réformes et certaines des nouvelles technologies et sys-
tèmes administratifs qui seraient nécessaires pour faire fonctionner les programmes réformés.
Des études de cas sont utilisées pour illustrer certaines de ces innovations. La section 7 porte
sur l’intégration des programmes d’assistance sociale et ceux d’assurance sociale. Elle exploite
l’exemple des pensions de vieillesse pour montrer comment un système intégré de subventions
(transferts) peut être utilisé pour garantir à tous les citoyens une pension pendant leur vieillesse,
tout en concevant des incitations à contribuer. Enfin, la section 8 examine le type d’interventions
que le gouvernement peut envisager pour accélérer le rythme de création d’emplois dans le
secteur formel et améliorer la qualité des emplois informels existants.
50 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
6
CONCEVOIR ET METTRE EN ŒUVRE DES
PROGRAMMES D’ASSURANCE SOCIALE
POUR TOUS
Les travailleurs et leurs familles sont exposés à des risques naturels et à d’autres d’origine
humaine, contre lesquels ils ne sont souvent pas assurés. Ils comportent des risques de
maladie, d’invalidité, de décès et de pertes de revenus liées au climat (risques naturels), mais
aussi le risque de chômage ou de pertes de revenus, dû aux fluctuations des prix, aux mutations
technologiques et aux ralentissements économiques (risques causés par l’homme). En principe,
les travailleurs peuvent s’assurer contre ces risques en contractant des produits d’assurance
(par exemple, une assurance maladie) ou en épargnant (par exemple, des dépôts sur des
comptes d’épargne ou l’accumulation d’actifs). En pratique, étant donné les imperfections des
marchés de l’assurance et des capitaux, les contraintes de liquidité et les obstacles psycholo-
giques (manque de prévoyance, « myopie » quant aux aléas), ils sont souvent privés de toute
forme d’assurance et d’épargne. Par exemple, les compagnies d’assurance privées peuvent ne
pas proposer de produits d’assurance couvrant tous les risques pour tout le monde ; des instru-
ments de sauvegarde fiables peuvent ne pas exister ; les travailleurs à faible revenu pourraient
ne pas être en mesure d’économiser suffisamment ou de payer les cotisations des programmes
d’assurance existants ; et même s’ils ne sont pas pauvres, les individus peuvent ne pas avoir la
prévoyance et la discipline nécessaires pour souscrire une assurance et / ou épargner.
En réponse aux problèmes posés par les mécanismes privés, la plupart des pays, comme
la Côte d’Ivoire, ont mis en place des programmes d’assurance sociale pour aider à gérer
les risques naturels et ceux d’origine humaine. Beaucoup d’entre eux ont des systèmes de
retraite offrant des pensions de vieillesse, d’invalidité et de survie, des fonds sociaux d’as-
surance maladie et des systèmes d’assurance-chômage ou indemnités de licenciement.
Les programmes sont censés être obligatoires pour réduire la sélection adverse et la myopie
à l’origine du manque de prévoyance et comporter des mécanismes de redistribution expli-
cites ou implicites pour protéger les travailleurs à faible revenu. Par exemple, les systèmes
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 51
de retraite prévoient souvent une garantie de pension minimale pour ceux qui ne sont pas
en mesure de cotiser (épargner) suffisamment. De même, dans les programmes d’assurance
maladie, les travailleurs versent souvent un pourcentage de leur salaire, inférieur au coût de
l’ensemble des services de santé.
Malheureusement, les programmes existants ont tendance à avoir une couverture limitée,
peuvent être régressifs, réduire la demande de travail formel et posent de plus en plus de
problèmes budgétaires. La plupart des programmes sont financés par les contributions des
employeurs et des employés. Ils ont été conçus pour les travailleurs du secteur formel dans
les moyennes et grandes entreprises (plus les fonctionnaires). Les attentes étaient que, à
mesure que les pays se développeront, la majorité des travailleurs deviendront employés du
secteur formel. Toutefois, même dans les pays à revenu intermédiaire comme le Mexique et
le Chili, le travail informel salarié ou indépendant continue d’occuper plus de la moitié de la
population active. En Côte d’Ivoire, l’assurance sociale couvre moins de 10% de la population
active32 En outre, les mécanismes de redistribution au sein des programmes d’assurance
tendent à être régressifs (axés sur les travailleurs à revenus moyens et élevés) et ajoutent des
impôts sur le travail qui sont susceptibles de décourager la création d’emplois formels. Cela
aggrave le problème de couverture sociale et peut affecter négativement la croissance de la
productivité du travail. Enfin, comme en Côte d’Ivoire, de nombreux programmes d’assurance
sociale ne sont pas financièrement viables, en partie, parce que les cotisations de sécurité
sociale imposées par la loi, ne sont pas liées au coût escompté des prestations fournies.
Plusieurs pays ont étendu leur couverture sociale en envisageant des systèmes d’assurance
sociale non contributifs. Plus de 100 pays en développement, y compris quatre pays à faible
revenu (Mozambique, Népal, Tanzanie et Ouganda) ont mis en place des « pensions sociales »,
qui sont des transferts versés à des individus à partir d’un certain âge33. En Bolivie, par exemple,
les retraites couvrent 97% des plus de 60 ans et représentent 1,3% du PIB. Quelques pays
ont adopté une assurance maladie non contributive telle que Seguro Popular au Mexique. Ils
offrent un pack santé de base aux travailleurs du secteur informel qui, par définition, ne sont
pas couverts par l’assurance maladie contributive. Les travailleurs ne paient pas le coût (cotisa-
tion) du pack ou n’en payent qu’une petite fraction. En Éthiopie et au Ghana, par exemple, ces
programmes couvrent 68% et 32% de la population34. Les services nationaux de santé gérés
par les ministères de la santé existent également dans la plupart des pays et pourraient être
considérés comme des systèmes non contributifs. De nombreux travailleurs et leurs familles
dépendent des hôpitaux et des cliniques publics, qui font partie du système, pour obtenir des
soins de santé, bien que les dépenses à la charge du patient soient souvent élevées.
Les systèmes non contributifs ont cependant leurs propres problèmes. Premièrement, ils créent
des inégalités d’accès : les travailleurs à revenu élevé sont dans des systèmes contributifs où
les prestations sont plus élevées, tandis que les travailleurs à faible revenu sont couverts par
des systèmes non contributifs moins généreux. Deuxièmement, les systèmes non contributifs
peuvent devenir une taxe implicite sur les emplois formels tout en limitant la mobilité de la
main-d’œuvre. Ces systèmes sont basés sur l’hypothèse d’une mobilité faible ou bien inexis-
tante entre les marchés du travail formel et informel ; c’est à dire une situation où les travailleurs
52 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
occupent durablement soit des emplois formels soit des emplois informels. Cependant, les
statistiques du marché du travail montrent que les passages entre les secteurs formels et ceux
informels (salariés et indépendants) sont assez courants35. Ainsi, lorsque les travailleurs changent
d’emploi, ils doivent également changer de système. Cela a des avantages et des inconvénients.
Les travailleurs qui passent du secteur informel au secteur formel, par exemple, peuvent avoir
accès à des salaires plus élevés et à de meilleures prestations d’assurance sociale, mais ils
doivent également payer des cotisations de sécurité sociale, tout en perdant les subventions
dont ils bénéficiaient dans le secteur informel. Pour certains travailleurs, les effets nets peuvent
être négatifs et ces travailleurs préféreront rester dans des secteurs informels, en particulier s’ils
sont jeunes et se soucient peu de l’assurance maladie et des retraites. Enfin, les systèmes non
contributifs peuvent être financièrement insoutenables. Fournir des pensions adéquates, des
soins de santé et un revenu d’intégration pour tous peut être coûteux. De nombreux pays n’ont
tout simplement pas la marge de manœuvre budgétaire nécessaire, notamment avec le vieillis-
sement de la population et l’augmentation des retraites et des dépenses de santé.
• Avoir des programmes d’assurance sociale intégrés qui traitent tous les travailleurs et
leurs familles de la même manière. Cela implique que tous les travailleurs ont les mêmes
droits et obligations, quel que soit leur lieu de travail. Les travailleurs informels peuvent
s’inscrire dans le même système que les travailleurs du secteur formel.
• Définir explicitement les avantages offerts aux affiliés et leurs coûts. Cela est essentiel
pour assurer la viabilité financière du système, à mesure que la couverture et les coûts
unitaires changent au fil du temps, et pour pouvoir identifier le mécanisme de financement
le plus efficace (voir ci-dessous).
• Relier les contributions individuelles aux avantages et avoir des mécanismes de distri-
bution explicites. Cela est important pour inciter les individus à s’inscrire et à contribuer,
réduire les impôts sur le travail, élargir la couverture et améliorer l’équité. Ici, les travail-
leurs (et les employeurs lorsqu’ils existent) peuvent contribuer au financement d’une partie
ou de la totalité du coût des avantages escomptés, en fonction de leur niveau de revenu.
Le gouvernement compense la différence de manière transparente. Les gouvernements
savent ainsi qui reçoit des subventions, combien elles coûtent et comment les financer.
• S’appuyant sur les nouvelles TIC pour faciliter l’identification des travailleurs, l’inscription,
le profilage / le contrôle des ressources et la collecte des cotisations / économies. Choisir
des politiques adéquates est une condition nécessaire mais non suffisante pour améliorer
la performance des programmes d’assurance sociale ; des systèmes administratifs et des
dispositions de mise en œuvre adéquats doivent être aussi mis en place.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 53
• Incitations financières et non financières pour promouvoir l’épargne et l’assurance. Elles
sont importantes pour traiter les problèmes liés aux obstacles culturels et psychologiques.
Les systèmes purement volontaires, même ceux qui fournissent des informations suffi-
santes sur les avantages du programme, risquent d’échouer.
Cela implique que les pays peuvent avoir un système de retraite unique, un fonds d’assu-
rance maladie unique et un programme de protection du revenu unique, géré par une ou
plusieurs institutions. Tous les travailleurs sont censés s’inscrire à ces systèmes, quel que soit
leur lieu de travail, qu’ils soient inactifs ou au chômage. La seule chose qui peut varier, c’est la
somme qu’ils sont appelés à payer et le nombre de fois qu’ils doivent le faire. Comme indiqué
ci-dessous, en fonction de leur niveau de revenu, les travailleurs peuvent payer plus ou moins
pendant une année donnée, le gouvernement prenant en charge la différence. Il est égale-
ment possible, toujours en fonction de leur niveau de revenu, que certains travailleurs et leurs
familles reçoivent ou accumulent des prestations sans payer pendant une période donnée.
Définir et chiffrer les avantages. La nécessité de chiffrer les coûts d’un programme donné
peut sembler évidente, ces coûts cependant, ne sont souvent connus, qu’après coup
(ex-post) ; lors de la clôture des registres et des comptes à la fin d’un exercice budgétaire
donné. L’idée est plutôt de pouvoir définir les coûts préalablement (ex-ante) et donc d’avoir
la capacité de prédire comment les dépenses des programmes sont susceptibles d’évoluer
dans le temps et quel est le meilleur moyen de les financer. À cette fin, il est nécessaire de
définir explicitement les avantages offerts par le programme et d’évaluer la probabilité que
ces avantages soient utilisés / reçus par différents groupes de population au fil du temps. Les
paramètres pertinents diffèrent selon le type de programme d’assurance :
• Pensions de vieillesse. Dans le cas des pensions de vieillesse, les prestations peuvent
être définies par la part des gains d’une vie37 que le programme propose de remplacer à la
retraite pour chaque année de cotisation (le taux d’accumulation). Par exemple, le système
peut proposer de remplacer 80% du revenu de toute une vie par un travailleur ayant une
37 Le concept de gains à vie est essentiel. Dans de nombreux systèmes de retraite, comme en Côte d’ Ivoire, seules les
dernières années de salaire sont utilisées pour calculer la pension. Cela compromet la viabilité financière du système
et réduit les incitations à cotiser ou à déclarer les salaires intégralement au cours des premières années (car ils ne
comptent pas dans la pension finale). Dans les systèmes à prestations définies, tous les salaires devraient être inclus
dans le calcul de la pension (de la même manière que dans les systèmes à cotisations définies, toutes les cotisations
comptent pour la pension). Cependant, les salaires devraient être revalorisés / indexés pour calculer le revenu à
vie. Le taux de rentabilité de la revalorisation des salaires est le “taux d’intérêt” que le système de retraite peut se
permettre de payer sur les cotisations tout en restant solvable. Sa valeur dépend de la structure des actifs du système
de retraite. Dans les systèmes par répartition, la valeur du taux de rendement durable est donnée par le taux de
croissance de la valeur actuelle des contributions futures attendues (voir Holzmann et al. (2005)).
54 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
carrière complète (40 ans de cotisations) qui prend sa retraite à 65 ans. Cela impliquerait
un taux de cumul de 2% par année de contributions. Les travailleurs qui cotisent moins,
disons 30 ans, recevraient un taux de remplacement de seulement 60% à 65 ans38.
Une fois que le taux d’accumulation a été défini, il est possible de calculer le coût du pro-
gramme ; la part des gains (le taux de cotisation) que les participants au système devraient
verser à la caisse de retraite pour financer leur pension. Pour les personnes ayant une capacité
d’épargne limitée, une partie de cette contribution peut être avancée par le gouvernement
(voir la sous-section sur la redistribution ci-dessous). Ce qui est important à ce stade, cepen-
dant, c’est de pouvoir définir ce que devrait être le taux de contribution d’équilibre de la par-
ticipation, quel que soit le contribuable. Que le système de retraite soit à prestations définies
/ par répartition ou à cotisations définies / par capitalisation totale, la formule est la même : le
taux de contribution d’équilibre doit être égal au taux cumulé multiplié par l’espérance de vie
actualisée à la retraite39. Ainsi, afin de maintenir le taux de cotisation constant et de réduire les
coûts de l’emploi, il faudra augmenter l’âge de la retraite lorsque l’espérance de vie augmente.
• Prestations de chômage. Dans ce cas, les prestations peuvent être définies comme
suit : 1) la part du salaire qui est remplacée lorsque le membre d’une caisse de retraite
devient sans emploi ; et 2) la durée de la prestation. Par exemple, le programme peut
proposer de remplacer 70% du salaire et de verser ces allocations pour une période de
3 mois. Une fois les avantages définis, il est possible de calculer le coût du programme ;
la part des profits que les individus (ou le gouvernement) devraient payer pour financer le
système. Que le système repose sur la mutualisation des risques (assurance-chômage)
ou sur l’épargne (comptes d’épargne individuels), ce taux de contribution d’équilibre est
identique. Il est égal au taux de remplacement multiplié par le rapport entre les taux de
chômage et d’emploi moyens des membres40. En pratique, les individus sont confrontés à
des risques et à des durées de chômage différents. Cela implique que dans le cadre d’un
système de mutualisation des risques, des individus à faible risque subventionneraient
des individus à haut risque. Nous discutons ci-dessous des options pour éliminer cette
redistribution implicite. Pour l’instant, comme dans le cas des retraites, nous soulignons
simplement la nécessité de pouvoir calculer le coût du programme.
• Assurance maladie. Définir les avantages et estimer les coûts dans le cas des programmes
d’assurance maladie est une entreprise compliquée, mais il est également important de
le faire. La première étape consiste à définir le contenu des différents services de santé
fournis par le plan de santé, par exemple la santé en matière de procréation et les soins
aux enfants ; les soins ambulatoires et hospitaliers ; les soins pour les affections graves ;
la chirurgie générale ; approvisionnement en médicaments ; les services de laboratoire
et de radiographie. Étant donné les coûts unitaires de ces services et les taux d’utilisation
(fréquence à laquelle les membres du système utilisent les services au cours d’une période
38 Pour un nombre donné d’années de cotisation, les travailleurs qui prennent leur retraite avant l’âge de 65 ans
recevraient également une pension moins élevée car ils sont censés le recevoir plus longtemps. De même, les
travailleurs qui prendront leur retraite après 65 ans toucheraient une pension plus élevée.
39 L’espérance de vie actualisée à la retraite indique la durée moyenne du payement aux retraités. Certains en
profiteront plus longtemps que d’autres. (Il y aurait là une certaine redistribution des personnes en bonne santé aux
personnes fragiles), mais ce qui compte ici est la moyenne (voir référence 3).
40 Robalino David et Michael Weber 2013. Designing and implementing unemployment benefit systems in middle and
low-income countries: beyond risk-pooling vs. savings.” “[Concevoir et mettre en œuvre des systèmes de prestations
de chômage dans les pays à revenus moyens et faibles au-delà de la mutualisation des risques par rapport à
l’épargne.]” IZA Journal of Labour Policy 2013 ; 2: 12.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 55
donnée), il est possible de calculer le coût prévu du plan pour différents groupes de popula-
tion. Dans ce cas, les individus (ou le gouvernement) ne paieraient pas une partie de leurs
salaires mais une cotisation d’assurance égale au coût escompté du plan. Là encore, si la
même cotisation moyenne était imposée à tous les participants, des personnes plus jeunes
et en meilleure santé subventionneraient des participants plus âgés et les plus fragiles.
Ci-dessous, nous discutons des options pour y remédier.
Relier les contributions des travailleurs aux prestations et prévoir des mécanismes redistribu-
tifs explicites. Si tous les participants au système sont soumis à la même répartition des risques
et que nous connaissons le coût prévu des avantages qu’offre le programme d’assurance, il est
possible de définir une cotisation d’assurance ou un taux de contribution unique. Les cotisations
des participants et les contributions qu’ils versent seraient liées aux avantages qu’ils reçoivent. Il
serait également possible de définir un critère (par exemple, le revenu du ménage) pour décider
quelle part du taux de cotisation ou de la cotisation est payée par le particulier (et / ou l’em-
ployeur lorsqu’il existe) et quelle part est financée par le gouvernement. Par conséquent, le sys-
tème peut toujours comporter des compensations, mais elles seraient explicites. Les individus
sauraient, ex-ante, combien ils reçoivent en subventions, et le gouvernement saurait, ex-ante
également, qui profite de ces subventions, combien elles coûtent et comment les financer.
Le problème avec cette proposition est que la population des participants aux systèmes de
pension, de chômage et d’assurance maladie est assez hétérogène. Différentes personnes
ont des espérances de vie différentes, des risques de chômage différents et une prédisposition
différente à divers problèmes de santé. La question de politique générale est donc de savoir
quelle doit être la précision du calcul des taux de cotisations / contributions pour les différents
participants au système. En principe, l’approche peut varier selon le type de programme.
• Pensions de Vieillesse Dans le cas des pensions, il peut être inévitable d’accepter un
certain niveau de redistribution implicite et de fixer un taux de cotisation unique en dépit
des différences d’espérance de vie. L’estimation des différences d’espérance de vie serait
difficile. Un taux de cotisation unique impliquerait que les hommes subventionnent les
femmes qui vivent en moyenne plus longtemps. De plus, les travailleurs à faible revenu
subventionneraient probablement les travailleurs à revenu élevé si ceux-ci avaient une
espérance de vie plus longue. Mais en même temps, les travailleurs à faible revenu sont
les plus susceptibles de recevoir des subventions gouvernementales.
41 Avoir une limite est nécessaire pour contrôler les abus et préserver la viabilité financière du système. Dans les
systèmes d’assurance-emploi ordinaires, il existe des limites implicites résultant de la combinaison d’une durée
maximale des prestations et d’un nombre minimum de mois de cotisations. Les personnes qui atteignent la limite
auraient besoin d’un système de sauvegarde pour garantir un niveau de revenu minimum (voir section VII). Il serait
également possible d’ajuster avec le temps les taux de cotisation des personnes à risque élevé. Les comptes
individuels fourniraient des informations permettant d’estimer ces taux de contribution à l’équilibre. Ils sont égaux au
taux de remplacement, multiplié par le risque de chômage, multiplié par la durée du chômage (ou des prestations).
56 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
et les financer à partir de sources alternatives. Deux sources sont à considérer : 1) des taxes
de licenciement qui remplaceraient les indemnités de départ standard ; et 2) les impôts
sur les comptes avec des soldes positifs. En pratique, le gouvernement proposerait aux
affiliés du système ce qui suit : « Si vous perdez votre emploi, vous êtes autorisé à recevoir
un pourcentage donné de vos revenus couverts42 pendant une période donnée (même
si votre compte n’a pas de solde positif), mais si vous contribuez au système et n’utilisez
pas les allocations de chômage, vous pouvez conserver une fraction donnée du solde de
votre compte. « Des pays comme le Chili et le Brésil ont essayé de fusionner l’épargne et
la mutualisation des risques dans les systèmes de chômage. L’option discutée ici le fait de
manière plus transparente, tout en réduisant les risques auxquels sont exposés les travail-
leurs et en élargissant les options offertes au gouvernement pour financer le programme.
• Assurance maladie. Dans ce cas, les gouvernements peuvent envisager de différencier les
cotisations en fonction de l’âge (enfants, adultes et personnes âgées) et du genre. En fait,
la plupart des évaluations actuarielles des caisses d’assurance maladie couvrent les coûts
de projets en tenant compte de différents taux d’utilisation (et parfois de coûts unitaires)
par âge et par genre. Ainsi, les chefs de ménage qui s’inscrivent eux-mêmes et leur famille
dans le système d’assurance maladie paient une cotisation totale qui dépend de la taille
et de la structure démographique du ménage. Les familles qui ne peuvent pas payer la
cotisation peuvent recevoir des subventions du gouvernement. Cette proposition ne traite
pas des différences dans la répartition des conditions préexistantes ni dans la probabilité
de comportements à risque tels que fumer ou consommer de l’alcool. Bien qu’il soit pos-
sible d’introduire des corrections pour tenir compte des comportements à risque, il semble
souhaitable (et approprié) de calculer la moyenne du coût des conditions préexistantes et
catastrophiques par rapport au groupe d’âge / genre.
Identification, inscription et profilage des individus. Si les bonnes politiques sont mises en
place - programmes intégrés, coûts et avantages clairement définis, mécanismes explicites de
redistribution - l’inscription de tous les travailleurs et de leurs familles aux programmes d’as-
surance sociale est une tâche relativement simple. Une partie des processus impliqués sont
purement administratifs et, en principe, simples, grâce aux nouvelles technologies de l’informa-
tion et de la communication (TIC) : identifier les bénéficiaires et les personnes à leur charge ; les
enregistrer dans le nouveau système ; déterminer le type de couverture auquel ils sont éligibles
sur la base de données individuelles et familiales et leur fournir une carte d’assurance.
• Localisation et identification des personnes non assurées. La priorité absolue pour toute
administration devrait être de localiser et d’identifier rapidement toute la population non
assurée. Dans tous les cas, une carte d’identité appropriée (carte d’identité nationale ou
certificat de naissance) est nécessaire. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cela
pose quelques problèmes dans de nombreux pays, y compris les Etats-Unis !
• Affiliation / inscription des bénéficiaires. L’enregistrement peut avoir lieu dans des
endroits spécifiques où les individus vont s’inscrire volontairement (y compris les écoles,
les églises ou les unités mobiles) ou bien dans la résidence du ménage. Les expériences
internationales montrent que des campagnes de communication appropriées au niveau
local peuvent aider à augmenter le nombre de personnes qui s’inscrivent volontairement.
42 Il est important de couvrir les gains par rapport aux salaires. Cela implique que les travailleurs à leur propre compte
pourraient également participer au système.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 57
Néanmoins, l’enregistrement volontaire n’est généralement pas suffisant. Une vérification
de type recensement pourrait s’avérer nécessaire pour s’assurer que toute la population
est inscrite au système d’assurance. Cependant, cela ne peut pas être fait régulièrement.
Ainsi, différents pays expérimentent une approche basée sur des conditionnalités. Par
exemple, pour obtenir un permis de conduire ou un passeport, un téléphone portable, ou
pour bénéficier de services de santé ou de prestations d’assistance sociale, une personne
doit présenter une preuve de son inscription à la sécurité sociale.
L’exactitude des PMT a suscité des inquiétudes, car il a été prouvé que le pourcentage
de personnes éligibles qui ont été exclues à tort des programmes (erreurs d’exclusion) est
élevé43. Les performances des PMT s’améliorent toutefois au milieu de la répartition des
revenus. Pour cette raison, le moyen le plus indiqué pour remédier à ces insuffisances
consiste à récupérer les subventions uniquement pour les ménages au-dessus du 4ème ou
du 5ème décile de la répartition du revenu. Cela garantit que tous les ménages, pour qui la
possibilité d’une classification erronée est élevée, seraient entièrement subventionnés.
La collecte des paiements. Une enquête de politique générale est en cours pour déterminer
s’il est possible de collecter des montants de contribution significatifs auprès de travailleurs
informels qui ne sont pas pauvres. Certaines études suggèrent que les coûts de la collecte
pourraient être plus élevés que les revenus des contributions. En même temps, de nombreux
travailleurs informels paient déjà les services de santé de leur poche. Au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord, on estime que ces paiements représentent en moyenne 6% des dépenses
totales des ménages et peuvent atteindre 10%. Ainsi, les taux de pauvreté peuvent augmen-
ter de 20 points de pourcentage lorsque les dépenses de santé sont prises en compte44.
Il existe également des expériences positives, comme celle de la Corée, où les cotisations des
58 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
employés non-salariés représentent désormais plus de 30% des revenus. Des études récentes
suggèrent que, de manière générale, les travailleurs informels sont disposés à préfinancer
l’assurance maladie. De plus, de meilleures pratiques émergentes en matière de conception
et de mise en œuvre de systèmes de collecte efficaces doivent être prises en compte.
• Information. S’assurer que les citoyens disposent d’informations adéquates sur l’impor-
tance de la couverture maladie, sur le fonctionnement du système, ainsi que sur les avan-
tages et les coûts pour les affiliés du système.
• Accessibilité. Avoir des cotisations abordables par rapport au niveau de revenu du partici-
pant au système.
• Incitations financières et non financières. Il existe une littérature de plus en plus riche en
économie comportementale qui se penche sur la manière de « faire évoluer » les compor-
tements. Par exemple, les rappels par SMS peuvent être utilisés pour inciter les travailleurs
informels à s’inscrire dans les systèmes volontaires de retraite45. Les bonnes incitations
dépendent du contexte et peuvent être conçues en s’appuyant sur des expérimentations
et des évaluations rigoureuses.
• La redevabilité. Il est essentiel que les affiliés fassent confiance au système, ce qui ne peut
se produire que si les décideurs, les gestionnaires et les fournisseurs soient rigoureusement
soumis aux mécanismes de redevabilité. Il existe trois niveaux de redevabilité : i) fournir des
informations régulières sur les performances du système d’assurance maladie et des presta-
taires individuels ; ii) disposer d’un système permettant de signaler et de redresser les griefs
à temps ; et iii) garantir des normes minimales en termes de qualité des services de santé.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 59
Étant donné que les systèmes existants sont de petite taille, il est possible de lancer des
réformes allant de bas en haut46. La Côte d’Ivoire pourrait essentiellement concevoir et mettre
en œuvre de nouvelles dispositions en matière d’assurance sociale pour les travailleurs pauvres
et ceux du secteur informel, qui pourraient devenir la plate-forme d’un système national intégré à
moyen terme. Quelque chose dans ce sens est déjà en train d’être fait, pour l’assurance maladie,
avec le nouveau programme pour les travailleurs du secteur informel et les travailleurs pauvres
(Programme de Couverture Maladie Universelle, CMU). Toutefois, le nouveau programme pose
encore des problèmes de conception qu’il faudrait résoudre avant d’en étendre la couverture.
Les pensions
Le système des travailleurs du secteur privé (CNPS) et des fonctionnaires du secteur public
(CGRAE) - tous deux à prestations définies / par répartition - présentent des problèmes
similaires concernant les formules des prestations et les mécanismes de financement. Étant
donné que la CNPS est une organisation de petite taille et encore jeune, il n’y a pas encore de
problème de paiements, mais le système accumulera probablement des passifs non capitali-
sés. La CGRAE, en revanche, est un système plus mature qui coûte déjà 0,6% du PIB et exerce
une pression sur le budget. À l’avenir, les deux systèmes devraient prendre en compte les
recommandations suivantes :
• Formule de pension. Tous les salaires devraient être inclus dans le calcul de la pension,
chacun revalorisé par le taux de rendement durable du système. Ce taux devrait être
le résultat d’une évaluation actuarielle. Il pourrait être proche de 3% réel par an – ce qui
correspond au taux de croissance de la main-d’œuvre - et à la productivité du travail. Par
exemple, en utilisant ce taux, le salaire reçu 20 ans avant le départ à la retraite devrait
être multiplié par un facteur de 1,8 (1,03 ^ 20) et le salaire reçu 10 ans avant le départ à la
retraite, par un facteur de 1,34 (1,03 ^ 30). Aujourd’hui, la CNPS ne prend en considération
que les 15 dernières années de salaire dans le calcul de la pension et la CGRAE, seule-
ment les 5 dernières années. Les salaires inclus ne sont pas indexés / revalorisés. Cela
réduit le niveau de la pension au lieu de l’augmenter.
• Taux de cotisation. Comme indiqué ci-dessus, le taux de cotisation devrait être automati-
quement lié au taux cumulé et à l’espérance de vie à l’âge de la retraite47. Si l’espérance
de vie augmente, l’âge de la retraite devrait automatiquement augmenter pour éviter
d’augmenter le taux de cotisation. Dans les deux systèmes, ce “lien actuariel” ne disparaît
pas. Avec un taux d’accumulation de 1,7%, l’espérance de vie à 60 ans en Côte d’Ivoire
(~ 16 ans) et le facteur G qui en résulte (9,97), le taux d’équilibre de la CNPS devrait être
S (R, a) est la probabilité de survivre jusqu’à l’âge d’un an et R est le taux de rendement durable du système. Le facteur
G à l’âge de 60 ans en Côte d’Ivoire est estimé à 9,97067102 avec un taux d’intérêt réel de 3% (r = 0,03).
60 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
d’environ 17% (17% = 1,75% * 9,97), pour les travailleurs n’atteignant pas le plafond de 50%
(moins de 30 ans de cotisations), supérieur aux 14% actuels. Dans le CGRAE, le taux de
cotisation devrait être proche du niveau réel, mais rien ne garantit que cela va continuer,
étant donné qu’il n’existe aucun mécanisme d’ajustement automatique.
• Retraite anticipée et différée. Les individus devraient être autorisés à prendre leur retraite
avant ou après l’âge légal avec des ajustements actuariels des pensions. Le taux d’accu-
mulation utilisé pour calculer la pension devrait être égal au taux de cotisation divisé par
l’espérance de vie actualisée à la retraite. Ainsi, les personnes qui partent à la retraite plus
tôt ont un taux d’accumulation moins élevé, car elles devraient recevoir leur pension plus
longtemps. De même, les personnes qui retardent leur retraite devraient recevoir un taux
d’accumulation plus élevé, car elles s’attendent à recevoir la pension pendant une période
plus courte. Aujourd’hui, les pensions de préretraite à la CNPS et au CGRAE sont ad hoc
(5% par an). Ils deviennent très faibles pour les personnes qui prennent leur retraite avant
58 ans et il n’y a pas non plus d’ajustements pour la retraite différée (voir Figure 16).
• Indexation des pensions. Que les pensions soient indexées sur l’inflation, les salaires ou
une combinaison des deux, c’est en fin de compte, un choix politique, mais le type d’in-
dexation doit être reflété dans le calcul de la pension. Les formules abordées ci-dessus
partent du présupposé que les pensions sont automatiquement indexées sur l’inflation, ce
qui est le cas pour la CNPS. Si les pensions devaient être indexées sur les salaires, comme
dans le cas du CGREA, les taux de cotisation devraient être plus élevés. La recommanda-
tion générale est d’indexer les pensions sur l’inflation pour contrôler le coût du système.
50%
40%
30%
Reduction in Pension
20%
10%
0%
–10%
–20%
–30%
50 55 60 65 70
Retirement Age
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 61
applique un plafond de 50%, généralement pour contrôler les coûts. Ainsi, une personne
cotisant pendant 40 ans recevrait un taux effectif de seulement 1,25% (50% / 40), ce
qui nécessiterait un taux de contribution de seulement 12,5% (12,5% = 1,25% * 9,97). Le
système impose essentiellement une taxe implicite sur les personnes contribuant plus de
30 ans (le moment où le plafond est atteint), qui sert à subventionner ceux qui contribuent
moins. La recommandation est d’éliminer le plafond et de définir un taux d’accumulation
abordable. Si le taux d’accumulation devient trop bas pour les personnes ayant eu une
carrière professionnelle courte - problème très courant dans les pays en développement -,
d’autres mécanismes explicites de redistribution peuvent être envisagés (voir ci-dessous).
• Plafonnement des revenus couverts. Il est de bonne pratique de fixer un plafond pour
les revenus couverts qui peut être environ 2,5 fois le gain moyen à l’échelle de l’écono-
mie. L’idée est de permettre aux personnes à revenu élevé de diversifier leurs sources
d’épargne pour la retraite. Ils cotisent au système de retraite et leur pension est calculée
sur une partie seulement de leurs salaires. Ainsi, ils assurent une partie de leurs revenus
via le système de retraite public et une autre par des mécanismes privés.
Un système de retraite réformé géré par la CNPS pourrait devenir le système qui réunit
tous les travailleurs, y compris les travailleurs du secteur informel. Il faudrait alors redéfinir
62 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 17 Ajustements actuariels équitables de la pension en fonction de l’âge de la retraite
600
500
Valeur des pensions (USD)
400
300
200
100
0
15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
Nombre d'années de cotisation
les attributions du système et modifier les formules de prestations et les conditions d’éligi-
bilité, dans le sens indiqué ci-dessus. Comme dans le cas d’autres pays qui ont réformé leur
système de retraite, il est possible de respecter les droits acquis jusqu’à maintenant pour tous
les participants au système, ainsi que les conditions d’éligibilité actuelles pour ceux qui sont
relativement proches de la retraite. Dans ce cas, le nouveau système s’appliquerait à tous les
travailleurs qui entreront sur le marché de l’emploi après une date donnée et aux affiliés au
système, qui ne garderont pas ces droits acquis après cette date. Ces derniers conserveraient
la valeur du patrimoine retraite accumulée avant la réforme.
• Il viserait un taux de remplacement de 50% pour les travailleurs ayant eu une carrière com-
plète (40 ans) qui prennent leur retraite à l’âge de 62 ans, tout en permettant aux individus
d’épargner davantage s’ils le souhaitent. Ces projections établissent un taux d’acquisition
de base égal à 1,25% et un taux de contribution de 11,25% (11,25% = 1,25% * 9,97).
• Le système viserait à garantir une pension minimale équivalente à 15% du salaire moyen.
À cette fin, il offrirait des taux d’accumulation plus élevés et des contributions subvention-
nées aux travailleurs des déciles les plus bas de la répartition du revenu. Ces subventions
dépendraient des revenus moyens et des densités de contribution attendues dans le décile.
Des simulations, utilisant comme prototype un pays à faible revenu, illustrent comment
la valeur de la pension résultant de subventions ciblées (TSI = targeted subsidies) et
de contributions individuelles changerait d’un décile de revenu à l’autre. Les travail-
leurs à faible revenu, qui sont souvent des travailleurs informels, seraient en mesure de
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 63
contribuer / économiser à un niveau minimal par eux-mêmes, de sorte que la valeur de la
pension générée par leurs contributions serait faible (zone grise dans les panneaux supé-
rieurs de Figure 18). Par exemple, dans le premier décile, la valeur de la pension serait
entièrement subventionnée. Au fur et à mesure que le revenu augmente, la valeur de la
pension subventionnée s’abaisse et la valeur de la pension contributive augmente. Les
travailleurs des déciles six et plus ne recevraient plus de subventions. Le fait que la valeur
des subventions diminue principalement avec le revenu, diminue les obstacles qui freinent
l’offre d’emploi.
La valeur des subventions au sein de chaque décile est la différence entre le taux de
cotisation versé par les travailleurs et le taux de cotisation d’équilibre. Dans le premier
décile, par exemple, le taux de cotisation d’équilibre est proche de 40% des gains. Il est élevé
parce que, dans l’exemple, les travailleurs du premier décile ne contribuent en moyenne
que pendant 50% de leur vie active et que leurs revenus sont égaux à 17% du salaire moyen.
Pour financer une pension correspondant à 15% du salaire moyen (minimum) avec seule-
ment 20 années de cotisations, il leur faudrait économiser à niveau d’environ 40% de leurs
rétributions. Si ces travailleurs n’ont pas la capacité de contribuer ou contribuent très peu,
la majeure partie de leur pension proviendrait de subventions gouvernementales explicites.
À mesure que les revenus augmentent, les taux de cotisation d’équilibre diminuent et les
travailleurs peuvent contribuer davantage et plus longtemps. Dans l’exemple, les travailleurs
du 6ème décile et des niveaux supérieurs paient le taux de cotisation d’équilibre (voir le pan-
neau en bas à droite dans le Figure 18).
Tel que conçu, le système de retraite offrirait de fortes incitations à s’inscrire et à cotiser.
Les travailleurs à faible revenu et les pauvres sauraient que pour percevoir une pension à la
retraite, ils doivent s’enregistrer et déclarer leurs activités / revenus régulièrement, même s’ils
ne paient pas de cotisations. Ceux qui peuvent contribuer savent que le gouvernement verse
essentiellement des contributions équivalentes à leurs cotisations. Les travailleurs à revenu
élevé recevraient un taux de rendement concurrentiel sur leurs contributions (3% en termes
réels, dans l’exemple) et la valeur de leur pension augmenterait avec le montant de leurs
contributions.
64 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 18 Exemples d’impact social et budgétaire d’un système de retraite universel
0.45 1.6
0.40 1.4
0.35 1.2
0.30
1.0
0.25
0.8
0.20
0.15 0.6
0.10 0.4
0.05 0.2
0 0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Value UBI/TBI Value TSI Value Contributory RR UBI/TBI RR TSI RR Contributory
2.00% 30%
25%
1.50%
20%
1.00% 15%
10%
0.50%
5%
0.00% 0%
Costs %GDP VAT required 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
USI/TSI UBI/TBI Equilibrium Contribution Effective Conribution
Participation au marché du
Décile travail Gains (part de la moyenne) Densité de contribution
1 0,330 0,174 0,5
2 0,359 0,266 0,5
3 0,373 0,336 0,5
4 0,388 0,407 0,5
5 0,398 0,489 0,6
6 0,427 0,590 0,7
7 0,449 0,730 0,8
8 0,476 0,944 0,9
9 0,490 1,360 0,9
10 0,567 4,705 1
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 65
prévus, notamment : 1) des messages textes réguliers ; 2) des dépôts automatiques dans le
compte retraite à l’achat de cartes téléphoniques ; 3) des contributions qui sont déposées
ex-ante dans des comptes de pension et débitées si les individus ne paient pas leurs propres
contributions après une période donnée. La combinaison la plus efficace de ces incitations
peut être identifiée par des expérimentations et des évaluations minutieuses.
L’assurance maladie
À mesure que la CMU s’étendra au reste des travailleurs du secteur informel, les problèmes
suivants devront être affrontés :
• Niveau d’intégration. Comme indiqué ci-dessus, la recherche d’un système plus intégré
est un objectif politique important. Pour le moment, la CMU est un programme parallèle
destiné aux travailleurs informels / pauvres, qui vise à étendre la couverture et à réduire
les frais qui sont à la charge de l’affilié. À moyen et à long terme, il serait important d’inté-
grer la CMU dans les programmes contributifs destinés aux travailleurs du secteur formel,
ou du moins d’harmoniser les deux programmes. Comme indiqué ci-dessus, ne pas le faire
peut créer des inégalités dans le secteur de la santé et fausser les marchés de l’emploi en
entraînant des taxes implicites sur les emplois formels.
66 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
• Avantages et coûts. À ce stade, le contenu et le coût du pack santé, offerts par les
systèmes existants ne sont pas clairs, mais les cotisations réelles semblent assez faibles.
Dans les programmes contributifs destinés aux travailleurs du secteur formel, la cotisation
par habitant de 1 000 F CFA - 1,7 USD par mois ou 21 USD par an - est faible par rapport
aux normes internationales. Les cotisations par quota dans un pays à faible revenu comme
la Côte d’Ivoire devraient être supérieures à 50 USD par an. Pour garantir la viabilité
financière du nouveau système d’assurance maladie, il est essentiel de définir clairement
le contenu de l’ensemble des services de santé et d’estimer les coûts attendus par âge
(enfants, adultes, personnes âgées) et par genre. Le gouvernement peut alors évaluer
l’évolution probable des dépenses totales du programme et identifier les meilleurs méca-
nismes de financement.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 67
TABLEAU 17 Fonctions administratives essentielles d’un fonds d’assurance maladie
• Systèmes d’information. Dans tous les cas, il est capital que les responsables de la CMU
améliorent les systèmes d’information existants afin de suivre avec précision les bénéfi-
ciaires, les contributions et les demandes des centres de santé, des dispensaires, des cli-
niques et des hôpitaux. Les informations soumises par les prestataires doivent être reliées
aux bénéficiaires afin qu’il soit possible de suivre l’utilisation, les dépenses et les résultats
des services fournis sur la santé au niveau individuel.
Bien qu’à ce stade il n’y ait aucune donnée spécifique au pays, les simulations effectuées
avec le même modèle de prototype utilisé pour les pensions donnent à penser que le
ciblage des subventions pourrait être une condition nécessaire pour pouvoir étendre la cou-
verture. Dans les calculs, on suppose que le coût de l’ensemble des services de santé offerts
68 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
par la CMU est égal à 100 USD par habitant et par an, soit 6% du PIB. Deux mécanismes de
financement sont envisagés : 1) les subventions universelles ; et 2) les subventions ciblées. Si
vous optez pour le ciblage, les subventions pour les trois premiers déciles restent à 100 pour
cent, sont à 50 % pour les déciles 4, 5 et 6 ; les déciles 7 et plus, ne reçoivent pas de subven-
tions (voir panneaux supérieurs du Figure 19).
Avec des subventions universelles, la CMU coûterait environ 5,7% du PIB, un montant qui
serait probablement insoutenable sur le plan financier. En effet, avec l’augmentation des
coûts de la santé et le vieillissement de la population, les dépenses d’assurance maladie
augmentent plus vite que le PIB. Des subventions ciblées réduiraient les coûts à 2,6% du PIB,
mais augmenteraient également considérablement les dépenses de santé des ménages.
Ainsi, pour les déciles 4, 5, 6, 7, les cotisations effectives (cotisations payées après subvention)
pourraient représenter entre 5 et 9% de la consommation moyenne par habitant dans le décile
(voir le graphique en bas à droite dans le Figure 19). Ces chiffres illustrent simplement le com-
promis que le gouvernement devra trouver : l’accessibilité à l’assurance maladie et la viabilité
des finances publiques.
0.30 1.0
0.9
0.25 0.8
0.20 0.7
0.6
0.15 0.5
0.4
0.10 0.3
0.05 0.2
0.1
0 0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Value HP UBI/TBI Value HP TSI Value HP Contributory RR UBI/TBI Premium TSI Premium Contributory
30%
6.00%
25%
5.00%
20%
4.00%
3.00% 15%
2.00% 10%
1.00% 5%
0.00% 0%
Costs Targeted (%GDP) Costs Universal (%GDP) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
USI/TSI UBI/TBI Equilibrium Contribution Effective Conribution
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 69
FIGURE 20 Indemnité de licenciement en Côte d’Ivoire
10
8
Number of Months of salaries
0
0 5 10 15 20 25 30
Allocations de chômage
Comme la majorité des pays, la Côte d’Ivoire n’a pas de programme d’assurance chômage
mais régit les indemnités de licenciement par le biais du code du travail. Les travailleurs qui
perdent leur emploi pour des raisons économiques ou techniques reçoivent une indemnité
forfaitaire qui est proportionnelle au nombre d’années de service : 30 % du salaire mensuel pour
les cinq premières années de service ; 35 % pour les années 6 à 10 ; et 40 % pour les années 11
et au-delà. Par conséquent, un travailleur qui a travaillé pendant 5 ans reçoit 1,5 mois de salaire,
quelqu’un ayant fait quinze ans de service en reçoit 5,25 mois de salaire et quelqu’un ayant fait
vingt-cinq ans, en reçoit l’équivalent de 9,25 mois de salaire (voir Figure 20).
Les indemnités de licenciement ne sont pas la forme de protection la plus efficace pour
les travailleurs et pourtant, elles peuvent affecter l’offre d’emploi. Tout d’abord, le système
repose sur l’existence d’un contrat de travail et par conséquent il n’est pas applicable aux
travailleurs indépendants. Deuxièmement, les employeurs ont rarement la possibilité de verser
des indemnités de licenciement. Les employeurs confrontés à des difficultés financières sont
ceux qui ont besoin de licencier des travailleurs ; ils sont aussi ceux qui ne disposent pas des
fonds nécessaires pour les indemniser. En outre, le versement des indemnités de licenciement
entraîne souvent de longues procédures judiciaires. Une étude réalisée pour le Mexique, par
exemple, a révélé que 10% seulement des travailleurs éligibles à une indemnité de licencie-
ment étaient payés dans les années suivant immédiatement leur licenciement48.
70 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
En même temps, les employeurs qui ont besoin de restructurer leurs entreprises et d’adop-
ter de nouvelles technologies peuvent en être dissuadés par les frais importants qu’ils
doivent payer en termes d’indemnités de licenciement. En Côte d’Ivoire, les jeunes tra-
vailleurs perçoivent des salaires modestes qui ne leur permettent probablement pas de se
protéger du chômage, les travailleurs âgés eux, perçoivent en général des prestations trop
élevées et cela peut dissuader les employeurs d’opérer des restructurations. En décourageant
les restructurations, on entrave également la croissance. Les entreprises, redoutant les coûts
du licenciement de travailleurs ayant derrière eux une longue carrière, peuvent renoncer aux
contrats à long terme49.
Une réforme plus radicale en Côte d’Ivoire devrait impliquer la mise en place d’un véritable
système d’assurance chômage. Le système d’Assurance Chômage (UB / Unemployment
Benefits = AC /Assurance chômage) serait conçu conformément aux principes énoncés dans
la Section V. Au départ, ce ne serait pas un système couvrant l’ensemble de la main-d’œuvre.
Le taux de chômage de la majorité des travailleurs en Côte d’Ivoire est en fait assez faible.
Le problème principal est le sous-emploi et non le chômage. Le système serait toutefois
ouvert aux travailleurs des secteurs formel et informel dont les salaires sont supérieurs à un
seuil donné, que ce soit en tant que salarié ou indépendant. Pour faire face aux fraudeurs abu-
sant du système et réclamant des prestations alors qu’ils travaillent dans le secteur informel,
les payements doivent être reliés à la participation à des programmes de recherche d’emploi
(voir Section VII, « transitions »). Le système serait géré par la même institution s’occupant du
système universel de retraite et / ou du fonds d’assurance maladie. Puisque, en principe, tous
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 71
FIGURE 21 Impacts sociaux et budgétaires d’un système d’allocations de chômage
1.6
5
1.4
4 1.2
1.0
3
0.8
2 0.6
0.4
1
0.2
0 0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Value UBI/TBI Value Received Value Contributory RR UBI/TBI RR TSI RR Contributory
les travailleurs seraient affiliés, l’ajout de comptes chômage aux comptes existants serait une
tâche relativement simple.
Une fois qu’un nouveau système UB/AC est en place, l’indemnité de départ pourrait être
remplacée par une taxe de licenciement utilisée pour financer les programmes d’emploi
et / ou d’indemnisation au sein du système d’assurance. La raison qui pousse à préférer ce
système de taxe de licenciement, c’est la nécessité d’internaliser le coût social du chômage50.
Ce serait une taxe modérée qui serait affectée au salaire des travailleurs qui seraient licenciés
à un moment donné. Les paiements effectués par les employeurs ne seraient toutefois plus
versés aux travailleurs. Au lieu de cela, les paiements s’accumuleraient dans un fonds utilisé
pour financer des programmes de travail actifs et passifs (voir sous-section suivante).
Le modèle appliqué aux pays à faible revenu suggère que les coûts budgétaires d’un
système de prestations de chômage pourraient être assez modestes. Par exemple, un
système couvrant les cinq déciles supérieurs de la répartition du revenu et offrant un taux de
72 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
remplacement de 70% pour une durée de six mois pourrait coûter au gouvernement environ
0,12% du PIB ; moins si les revenus provenant d’une taxe de licenciement ou d’une taxe sur
l’épargne dans les comptes de chômage sont pris en compte (voir Figure 21)51.
Comme le risque de chômage varie selon le décile de revenu, les taux de cotisation d’équi-
libre et donc le montant des économies réalisées sur des comptes individuels peuvent éga-
lement varier (voir le panneau en bas à droite du Figure 21). Ainsi, les individus des déciles
supérieurs paient davantage que ce qu’ils devraient payer, alors que ceux des déciles les plus
bas paient moins que ce qu’ils devraient payer. Dans l’exemple, les contributions des déciles
6 et 7 ne suffisent pas pour couvrir leurs bénéfices. Les déciles 6 et 7, par exemple, reçoivent
des avantages équivalents à 4,2 mois de salaire mais s’autofinancent seulement à niveau de
2,1 et 2,8 respectivement (voir la partie supérieure gauche du Figure 21). Les déciles 9 et 10
contribuent beaucoup plus que ce qu’ils reçoivent en avantages. Pour compléter les comptes
des déciles 6 et 7, le gouvernement a plusieurs alternatives. L’une de ces alternatives consiste-
rait à utiliser des recettes générales, ce qui coûterait 0,12% du PIB (0,32% si l’on double le taux
de chômage). Il pourrait aussi taxer les économies accumulées dans les comptes des déciles 8
et 9 ou utiliser une partie des entrées générées par la taxe de licenciement.
51 Le modèle a été calibré sur un taux de chômage moyen de 5% par décile et une durée de six mois, ce qui donne un
risque de chômage de 0,88%. On a également supposé que le risque de chômage diminuait avec le revenu, de sorte
que les risques de chômage des déciles 6 à 10 étaient respectivement: 1,75%, 1,32%, 0,88%, 0,15%, 0,29%. Avec ces
hypothèses, le taux de contribution d’équilibre du système serait d’environ 3,7% des salaires.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 73
74 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
7
INTÉGRATION DES PROGRAMMES
D’ASSURANCE SOCIALE ET DES
PROGRAMMES D’ASSISTANCE SOCIALE
Bien que la Côte d’Ivoire ait pris plusieurs initiatives pour y remédier, la couverture des pro-
grammes d’assistance sociale est faible et implique principalement des transferts en nature. On
estime qu’environ 27% de la population a accès à une forme ou à une autre d’assistance sociale,
les pourcentages les plus importants étant observés dans les quintiles inférieurs de la répartition
des revenus (35 à 36%). Le programme principal d’assistance est celui du PIPCS (Programme
Intégré de Pérennisation des Cantines Scolaires) qui offre des repas gratuits aux enfants sco-
larisés et compte environ 1,1 million de bénéficiaires. Les transferts monétaires offerts dans le
cadre du programme des filets de sécurité productifs touchent moins de 1% de la population. Les
dépenses totales consacrées aux filets de sécurité ne représentent que 0,2% du PIB52.
52 Ibid.
53 Voir Banque mondiale (2019).
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 75
La proposition consiste donc à mettre en place des programmes d’assurance sociale liés à
des accords de redistribution explicites ayant deux objectifs : 1) garantir un niveau minimum de
revenu (consommation) dans tous les cas ; et 2) subventionner les cotisations / économies pour
ceux qui ne peuvent pas s’en charger par eux-mêmes (comme indiqué dans la section précé-
dente). La partie distributive du système de protection sociale comporterait donc deux éléments :
un transfert basique en espèces / revenus qui serait ciblé ou réduit (TCT = tapered cash transfer =
Transfert Réduit en Espèces), à la manière les transferts actuels fournis par les filets de sécu-
rité productifs ; et une assurance subventionnée qui est également susceptible d’être réduite
(TSI = Tapered Social Insurance = Assurance Sociale Réduite). La composante en espèces est
essentielle pour garantir que tous les travailleurs, quels que soit leur type d’activité, sont toujours
en mesure d’accéder à un niveau minimal de consommation. Une assurance subventionnée est
nécessaire pour garantir que tous sont couverts contre les principaux risques, quels que soient
le type d’emploi et le secteur d’activité. Les employés salariés, les travailleurs informels, indépen-
dants et les agriculteurs auraient tous accès au même système selon les mêmes règles.
Le prototype des pays à faible revenu peut être utilisé pour illustrer ce type d’intégration en
utilisant le cas des pensions de vieillesse. Comme dans la section précédente, l’hypothèse
est que le système universel de retraite offre un taux de remplacement de 50% et une pension
minimale équivalente à 15% de la consommation moyenne. En outre, il existe un transfert
monétaire équivalant à 10% de la consommation moyenne avec une réduction progressive
de 20% (c’est-à-dire que pour chaque augmentation de 10 F CFA du revenu / de la consom-
mation, le transfert est réduit de 2 F CFA). Le transfert monétaire effectif de 12 000 par mois
et par ménage équivaut à 15% du PIB per capita ou bien à un transfert de près de 5% de la
consommation moyenne. Ainsi, le transfert de fonds utilisé dans les simulations représente
environ deux fois le transfert existant actuellement.
Les résultats montrent qu’en présence d’un transfert en espèces, l’importance de la subven-
tion à la pension minimale diminuerait. Dans le premier décile de la distribution des revenus,
le transfert en espèces représenterait 57% de la pension et la subvention de pension 28,7%
(voir les zones bleue et orange dans les panneaux supérieurs du Figure 22). Dans la deuxième
et troisième déciles, le transfert en espèces représenterait respectivement 17,6% et 10% et la
pension subventionnée 10% et 9%. Les pensions contributives deviendraient la principale source
de revenus pendant la vieillesse à partir du quatrième décile de la distribution des revenus. Tous
les travailleurs (et les membres de leur famille) sont éligibles à recevoir le transfert en espèces
(per capita). Le transfert en espèce serait éliminé, toutefois, à partir du cinquième décile. Bien
entendu, il ne s’agit que d’une des formes possibles de transfert en espèces. Il serait possible de
prévoir des niveaux supérieurs et inférieurs du transfert de base et de celui réduit.
Une fois la couverture devenue universelle, l’ensemble du système pourrait coûter environ
2% du PIB. L’essentiel de ces dépenses serait dû au transfert en espèces ; les subventions au
système de retraite diminueraient en réalité et ne représenteraient que 0,24% du PIB (voir le
panneau gauche du bas du Figure 22). Quoi qu’il en soit, l’extension de la couverture du sys-
tème intégré impliquerait une forte augmentation des dépenses au titre des filets de sécurité
par rapport aux niveaux actuels. Cependant, le gouvernement consacre déjà 2,61% de son
PIB à diverses formes de subventions et de transferts, qui ne sont pas comptabilisés dans le
budget du système de protection sociale. Si la couverture varie progressivement, il pourrait
être possible de réaffecter les subventions aux ménages pauvres. Les dépenses pourraient
76 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 22 Intégrer les transferts en espèces et les pensions de vieillesse
0.45 1.6
0.40 1.4
0.35 1.2
0.30
1.0
0.25
0.8
0.20
0.15 0.6
0.10 0.4
0.05 0.2
0 0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Value UBI/TBI Value TSI Value Contributory RR UBI/TBI RR TSI RR Contributory
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 77
Implications pour la mise en œuvre en Côte d’Ivoire
La Côte d’Ivoire est bien placée pour intégrer les programmes grâce aux outils de mise en
œuvre récemment adoptés. L’intégration des programmes d’assistance sociale et d’assurance
sociale nécessiterait l’harmonisation/l’intégration des systèmes administratifs, en particulier
des PMT et des registres. Parmi les principaux défis est de disposer d’un système d’identifica-
tion efficace et pratique, à coût réduit. Le pays dispose d’un système de ciblage testé combi-
nant des validations géographique, proxy et communautaire. Cela a bien fonctionné pour le
programme des filets de sécurité productifs. Le gouvernement envisage également d’utiliser
ce système pour la mise en place d’une assurance maladie non contributive. Moyennant
quelques simples modifications, le modèle de proxy indirect existant pourrait être élargi
pour permettre la classification des ménages du milieu de la distribution des revenus. Ainsi,
il peut être utilisé non seulement pour allouer des subventions aux pauvres mais aussi aux
travailleurs du secteur informel non pauvres. Le registre du programme des filets de sécurité
productifs peut également devenir une plate-forme pour un registre national incluant tous
les travailleurs et leurs familles. À mesure que le programme de CMU (couverture de maladie
universelle) est mis en œuvre et que la couverture d’assurance maladie s’étend au secteur
informel, la même plate-forme peut être utilisée pour les systèmes de retraite universelle et
d’indemnisation du chômage.
78 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
8
RÉORGANISATION DES PROGRAMMES
D’EMPLOI
La création d’emplois en Côte d’Ivoire nécessitera, en partie, des réformes soutenues pour
accroître les investissements privés, améliorer l’efficacité de la répartition des ressources et
promouvoir la croissance économique. En général, lorsque les économies se développent,
elles créent des emplois. Lorsqu’il n’y a pas de distorsion dans l’allocation des ressources -
travail et capital - ces emplois sont créés dans les secteurs et les activités économiques où ils
génèrent le plus de valeur. Ainsi, au fil du temps, les emplois tendent à passer des secteurs
à faible productivité à ceux à forte productivité, des zones rurales aux zones urbaines et des
activités informelles aux activités formelles. Ces transformations structurelles contribuent
à sortir les gens de la pauvreté et à améliorer le niveau de vie. Pour que cela se produise,
le gouvernement doit continuer à travailler sur cinq réformes essentielles : 1) des politiques
macroéconomiques pour assurer la stabilité des prix et réduire les incertitudes ; 2) un envi-
ronnement économique et commercial (y compris une infrastructure appropriée) qui réduit les
coûts de transaction, favorise la concurrence et favorise l’esprit d’entreprise ; 3) une réglemen-
tation du travail - fiscalité du travail, politique de salaire minimum, procédures de liquidation et
contrats de travail - qui protège les travailleurs sans réduire les incitations à créer des emplois
formels ; 4) la gouvernance et la primauté du droit pour faire respecter les contrats et les ren-
dements des investissements ; et 5) le développement du capital humain.
Cependant, des études récentes suggèrent qu’en présence d’effets seconds externes (ou
externalités) liés à l’emploi, ces politiques standard pourraient ne pas suffire, en particulier
à court terme. Deux sources d’effets seconds externes sont à considérer56. D’abord, les effets
sociaux externes des emplois cela se produit lorsque la valeur sociale d’un emploi est supé-
rieure à celle perçue par les travailleurs et les employeurs. Par exemple, dans les contextes
Fragiles, Conflictuels ou Violents (FCV), il peut exister des externalités sociales liées aux
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 79
emplois des jeunes, qui réduisent les risques de criminalité et de radicalisation et contribuent
à la stabilité sociale. De plus, les jeunes qui ont un emploi apprennent au travail, développent
leur capital humain et rendent les autres travailleurs plus productifs. Les emplois pour les
jeunes femmes peuvent également produire des externalités en facilitant l’accumulation de
capital humain chez leurs enfants, en réduisant la fécondité et en augmentant les dépenses
consacrées au développement de la petite enfance. Ensuite, il peut y avoir des effets externes
des emplois. Celles-ci se produisent en présence de taux de chômage élevés et / ou de
sous-emploi, lorsque le prix du marché du travail s’écarte du coût d’opportunité du travail, qui
peut être très bas. Ces deux types d’externalités créent un écart entre les taux de rendement
des projets d’investissement sociaux et privés.
Pour la Côte d’Ivoire cela implique que le gouvernement est appelé à jouer un rôle plus
actif dans les politiques de création d’emplois, ce qui nécessitera de lui une refonte des
programmes d’emploi existants57, et la concentration de son action sur les catégories
pauvres et vulnérables. Aujourd’hui, la plupart des emplois dans le pays se trouvent dans
des exploitations agricoles et le travail indépendant dans de petites entreprises à faible
productivité. Un grand nombre de ces travailleurs sont pauvres, certains d’entre eux sont
inscrits au programme de filets de sécurité productifs. Les programmes d’emploi existants,
cependant, font peu pour améliorer leur situation. La plupart des programmes s’adressent aux
jeunes âgés de 18 à 35 ans et proposent des services pour les mettre en contact58 avec des
57 Deux ministères supervisent les politiques nationales de l’emploi et / ou les Politiques Actives du Marché du Travail
ciblées (ALMPs = Active Labour Market Policies). Au niveau politique, le ministère de l’Emploi et de la Protection
sociale (via la DGE = Direction Générale de l’Emploi) est responsable de la législation du travail, du dialogue social
et des stratégies pour l’emploi. Dans le cadre de la stratégie nationale pour l’emploi, un nouveau ministère de la
Jeunesse et de l’Emploi des jeunes a été créé en janvier 2016. Son mandat est de gérer les principaux PAMT/ALMPs
destinés aux jeunes relevant de deux agences différentes, l’Agence Emploi Jeune et le Bureau de Coordination des
Programmes-Emploi (BCP). -Emploi]].
58 Le projet d’emploi C2D en est un exemple : il offre un soutien à l’entrepreneuriat, des incitations au démarrage
(subventions en espèces et en nature, prêts, formation).
80 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
emplois indépendants ou salariés59. Mais leur couverture est très faible ; seulement 0,3% de la
population (taux similaires pour tous les quintiles de revenu) et principalement dans les zones
urbaines (0,4% contre 0,1% dans les zones rurales). Les dépenses annuelles ne représentent
que 9,5 milliards de F CFA (19 millions USD), soit 0,06% du PIB, financées principalement par
des donateurs (le gouvernement ne couvre que 5% des dépenses au titre des programmes
d’emploi).
Il existe également des problèmes de conception et de mise en œuvre. Bien que les don-
nées administratives soient manquantes pour la plupart des programmes60, des études de cas
suggèrent que la capacité institutionnelle est limitée, y compris les bureaux publics d’emploi.
Seulement le Projet d’emploi des jeunes et de développement des compétences a été évalué
et les résultats suggèrent qu’il a eu un impact limité sur l’emploi61.
59 Le programme le plus important est le Projet d’Emploi des Jeunes et le Développement des Compétences (PEJEDEC)
qui propose une formation, des activités de volontariat, des compétences de vie et de l’argent pour la formation.)
60 Seuls les programmes coordonnés par BCP-Emploi font l’objet d’un suivi régulier et systématique depuis 2011. BCP-
Emploi fournit des rapports de mise en œuvre trimestriels pour PEJEDEC, PRISE et C2D Emploi / AFD.
61 Étude de Crepon et al.
62 Aterido et al (2019). La revue présentée dans cette section se base sur leurs recherches.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 81
stratégie « axée sur la croissance », mais plutôt une « croissance efficace »63 stratégie où la
rentabilité est obtenue en contrôlant les coûts et en adoptant des technologies de production
destructrices d’emplois64. Ce sont généralement les entreprises jeunes et à croissance rapide
(« gazelles ») et les entreprises solidement établies qui permettent de créer des emplois. Par
conséquent, comme indiqué ci-dessus, les politiques qui créent les conditions de l’esprit d’en-
treprise et de l’investissement continueront d’être essentielles pour promouvoir la création
d’emplois et la croissance de la productivité du travail.
Cependant, le travail indépendant étant la forme de travail la plus répandue, les programmes
visant à soutenir le micro-entrepreneuriat, ont probablement aussi un rôle important à jouer
dans la stratégie de promotion de l’emploi du pays. En général, ces programmes offrent
une combinaison de services destinés à améliorer les connaissances et les compétences de
vie, les pratiques administratives, l’accès au capital et l’accès aux marchés. Dans la plupart
des cas, ces interventions sont principalement axées sur l’augmentation des ventes et des
bénéfices et non sur l’augmentation des postes d’emploi. Néanmoins, quelques leçons
peuvent être prises en compte pour orienter la conception de nouveaux programmes en ayant
à l’esprit trois objectifs essentiels : 1) permettre la création de nouvelles entreprises pour et
par les travailleurs indépendants ; 2) augmenter la productivité et les revenus des entreprises
existantes et 3) améliorer leurs chances de survivre et de croître.
L’évaluation des programmes traditionnels montre que leurs impacts sur les taux d’emploi
et sur les revenus ont été limités. Par exemple, une méta-analyse récente a examiné une
quarantaine de programmes soutenant l’entreprenariat à petite échelle65. Ces programmes
offraient une combinaison de services tels que la formation technique (y compris des connais-
sances de base en gestion d’entreprise), la formation à la vie active, l’accès au crédit et le
parrainage / réseautage. L’analyse a montré que seul un cinquième des programmes pouvait
avoir une incidence sur les taux d’emploi et / ou les revenus des bénéficiaires. En moyenne,
les programmes combinant formation et accès au financement - programmes intégrés - étaient
plus susceptibles d’avoir une incidence sur les emplois. Mais, en général, les interventions ont
plutôt eu un impact sur les comportements et, dans une certaine mesure, sur les performances
des entreprises (niveaux d’endettement et ventes).
Les initiatives de microcrédit, bien que populaires, ont également donné des résultats déce-
vants. Certaines études ont révélé des effets positifs sur la création et la survie des entre-
prises,66 mais d’autres sont plus sceptiques. Par exemple, une étude pour le Maroc donne
à penser que l’accès au microcrédit n’encourage pas nécessairement les ménages à créer
leur propre entreprise mais plutôt soutiennent le développement des activités des travail-
leurs autonomes agricoles, principalement par le biais de l’achat de plus de têtes de bétail67.
L’examen d’autres programmes de microcrédit révèle des effets modestes sur la propriété,
63 Voir Anderson-Macdonald, Chandy et Zia (2014) pour une analyse de ces deux modèles.
64 Dans une étude comparative sur la Turquie, le Vietnam, le Maroc et la Moldavie, Aterido et Hallward-Driemeier (2018)
ont montré que seuls un quart à un tiers des entreprises qui connaissent une augmentation de leur chiffre d’affaires
connaissent également une augmentation des postes d’emploi. En outre, les résultats nets positifs en termes
d’emplois liés aux épisodes de croissance s’accompagnent parfois d’une destruction importante d’emplois et d’une
augmentation lente ou négative de la productivité.
65 Cho et Honorati (2014).
66 Attanasio et al., (2011) et Augsburg et al., (2012).
67 Crépon et al., (2015).
82 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
les démarrages et les clôtures d’activités68. Les résultats sont plus prometteurs en ce qui
concerne les investissements, la taille de l’entreprise et les bénéfices des micro-entreprises
existantes. Les résultats suggèrent que le micro-crédit peut servir, non à promouvoir l’esprit
d’entreprise, mais plutôt comme un système d’assurance susceptible de favoriser l’emploi
salarié69.
Des évaluations plus récentes montrent que les micro-entreprises ne manquent pas toujours
de financement et de connaissances (du moins pas seulement), mais plutôt de capacités
entrepreneuriales. L’évaluation d’un programme offrant des subventions de petite taille aux
entrepreneurs a montré que seules quelques entreprises pouvaient se développer correc-
tement et que la taille du capital n’expliquait pas, à elle seule, l’incapacité de ces micro-
entreprises de se développer et d’engager de nouveaux employés70. D’autres évaluations de
la littérature suggèrent également que la formation technique et commerciale a des impacts
limités sur les ventes et les profits et aucun sur la création d’emplois71. Au contraire, le princi-
pal obstacle à la croissance des entreprises semble être le manque de motivation et d’esprit
d’entreprise. Ainsi, les programmes qui transfèrent les compétences cognitives et motivent
les participants à résoudre les problèmes d’entreprise semblent plus susceptibles d’avoir une
influence sur les emplois72.
Certaines données montrent que des programmes complets axés sur les plus pauvres et
opérant au niveau des ménages peuvent augmenter la consommation, cependant leur
capacité à fonctionner à grande échelle suscite des perplexités. Ces programmes dits de
« graduation », développés à l’origine par BRAC, offrent des transferts en espèces, une for-
mation, un parrainage et certains actifs productifs (souvent des animaux). Les engagements
avec les bénéficiaires sont plus continus et durent plus longtemps que dans les programmes
d’entrepreneuriat traditionnels. La plupart des évaluations montrent que les programmes
peuvent augmenter la consommation mensuelle par habitant de 5 dollars en moyenne73.
Il n’y a aucun impact sur la création d’emplois, mais de nombreux ménages ont pu échapper
à la pauvreté grâce aux interventions. Le principal souci de ces programmes est lié à leur
potentiel d’expansion. En effet, les coûts unitaires sont relativement élevés et la produc-
tion est consommée ou vendue sur de petits marchés locaux où le potentiel de croissance
est faible.
Des interventions collectives en faveur des jeunes ont eu des impacts positifs, bien que
leur application à grande échelle puisse également poser un problème. Au cours d’un pro-
gramme d’entreprenariat en Ouganda, les jeunes adultes ont été invités à former un groupe
(21 p
ersonnes par groupe en moyenne) et à soumettre une proposition de subvention pour
la création d’une entreprise et pour une formation volontaire. Ce programme a également
fourni un soutien non financier, sous forme de parrainage et de conseils pour l’élaboration et
la soumission du plan d’affaires. Les propositions retenues ont reçu une subvention d’environ
380 USD par personne. Les groupes ont principalement investi dans des outils et du matériel,
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 83
plutôt que dans l’acquisition de compétences. Après quatre ans, les résultats montrent une
augmentation de 57% des actifs de l’entreprise, de 17% des heures de travail, de 38% des
gains et de 36% du nombre de travailleurs rémunérés.74
Néanmoins, le principal défi reste de savoir comment adapter les programmes aux entre-
preneurs et aux entreprises de subsistance qui, dans la plupart des cas, ont un faible
potentiel de croissance. Les bénéficiaires des programmes évoqués ici n’adhèrent pas au
travail indépendant / à l’entrepreneuriat par choix ou par vocation. Ils le font par nécessité
étant donné l’absence d’autres activités génératrices de revenus. Pour la plupart, ils souffrent
d’un manque de compétences non cognitives qui ne se transmettent pas facilement : persé-
vérance, discipline, prise de risque, leadership et communication. Même si certaines de ces
compétences peuvent être transmises, comme indiqué ci-dessus, la question de la viabilité
économique de leurs entreprises reste posée. Celles-ci ne sont pas sélectionnées sur la base
d’une compréhension des demandes du marché et du potentiel de générer des profits et de
la croissance. Généralement, on opte pour ces entreprises parce que d’autres - membres de
la famille et amis - y participent. Ils ont tendance à produire des biens non échangeables qui
sont vendus sur des marchés locaux très étroits et peu enracinés. Une quantité limitée de ces
biens et services peut être consommée ; à un moment donné de leur développement, avoir
plus d’entrepreneurs et / ou une productivité du travail plus élevée peut, en fait, entrainer une
baisse des prix et les revenus.80
84 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
Subventions pour l’emploi, travail indépendant et investissements privés à
grande échelle
Pour traiter les problèmes évoqués ci-dessus, il faudrait mettre en place des programmes
d’emploi indépendant (SE = self-Employment) qui traitent les bénéficiaires non pas comme
de véritables entrepreneurs, mais plutôt comme des salariés ou des contractuels, rémunérés
pour la fourniture de certains biens et services. La conception des programmes impliquerait,
pour l’un de ses aspects, de profiler les candidats. Ceux qui ont le potentiel de s’engager dans
de véritables activités entrepreneuriales seraient connectés aux programmes d’entrepreneu-
riat traditionnels. Les bénéficiaires qui restent dans le programme d’emploi indépendant (SE)
devront tout de même recevoir une formation et un soutien pour acquérir des intrants, mais
ils n’auront pas à concevoir et à créer une entreprise par eux-mêmes. Leur activité ferait en
quelque sorte partie de grands projets d’investissements privés / publics visant à développer
de chaînes d’approvisionnement, des éléments de chaines d’approvisionnement ou bien à
produire des biens publics. Il s’agirait d’investissements que le secteur privé ne peut entre-
prendre seul, compte tenu des faibles taux de rendement attendus. Cependant, une fois que
les effets externes sociaux de l’emploi sont pris en compte, les taux de rendement social des
investissements peuvent être suffisamment élevés pour justifier des subventions publiques.
La Côte d’Ivoire pourrait envisager trois modèles opérationnels : (1) des programmes d’emploi
indépendant (SE) intégrés dans les initiatives de développement de la chaîne d’approvisionne-
ment ; (2) des programmes d’emploi indépendant (SE) intégrés dans des programmes glo-
baux facilitant l’accès aux marchés ; et 3) les programmes d’emploi indépendant (SE) intégrés
dans des initiatives de production de biens publics. Dans les deux premiers cas, la demande
de biens et de services est déterminée par le marché. Dans le dernier cas, la demande est
garantie par le gouvernement dans le cadre de ses efforts pour fournir des services sociaux.
Certains éléments importants en termes de conception et de mise en œuvre sont examinés
ci-dessous. Il est important de garder à l’esprit que même si plusieurs pays ont mis en œuvre
ce type de projets, il n’y a pas encore d’évaluation ni de preuve d’impacts potentiels. Tout
nouveau programme devrait avoir des systèmes de suivi et d’évaluation bien conçus.
Les projets d’investissement qui visent à développer des chaînes d’approvisionnement tout
en créant le maximum d’opportunités d’emploi par le biais de programmes d’emploi indé-
pendant (SE) devraient se concentrer sur quatre activités principales :
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 85
• Préparer un plan d’entreprise pour le développement de la chaîne d’approvisionnement
dans une région donnée. C’est naturellement la pierre angulaire du projet. L’analyse et la
proposition commerciale doivent être objectives, techniquement valables et capables d’at-
tirer les investisseurs privés (voir ci-dessous). Cette tâche ne peut pas être accomplie par
les institutions gouvernementales ou bien par le personnel et les consultants d’organisa-
tions internationales. Il existe cependant plusieurs fondations internationales et entreprises
sociales qui, selon le secteur / produit, disposeraient des compétences nécessaires pour
mener ce type d’analyse. Les systèmes de passation de marché et de paiement devraient
garantir que, dans une certaine mesure, ceux qui participent à la préparation de la propo-
sition commerciale partagent les conséquences du succès et les coûts de l’échec. L’un des
critères essentiels pour évaluer la viabilité du projet est son taux de rendement social, qui
prend en compte les effets externes liés à l’emploi.81
• Mobiliser les investissements privés pour cofinancer le projet. Comme indiqué c i-dessus,
les effets externes en matière d’emploi peuvent justifier l’utilisation de subventions
publiques pour faciliter les investissements privés. Les coûts de la « découverte » et de
la préparation d’un plan entrepreneurial initial feraient partie de la subvention que le
gouvernement fournirait. En outre, il est possible de subventionner une partie des coûts
d’investissement totaux ; une forme de subvention de compensation. À la fin, cependant,
les investisseurs privés doivent participer, signalant ainsi que le projet est viable et inté-
ressant. En principe, les investisseurs potentiels achèteraient des actions dans le projet à
un prix subventionné. Ils accepteraient de financer, en partie, le processus de production
en échange d’une part des ventes du produit final. Les coûts de production incluraient,
par exemple, les paiements aux producteurs locaux de cacao, les paiements aux produc-
teurs d’usines de cacao, les équipements nécessaires pour sécher le cacao (ces coûts se
déprécieraient avec le temps), les salaires des chefs de projet et autres salariés, ainsi que
l’eau et l’électricité. Étant donné que les investisseurs assument un risque, ils devraient
pouvoir influencer le plan d’entreprise final et les décisions concernant la gestion ou la
mise en œuvre du projet, y compris les critères de sélection et de mise en œuvre des ges-
tionnaires de programmes d’emplois Indépendants (SE). Différents types de mécanismes
contractuels pourraient être envisagés.
• Identifier l’équipe de gestion du projet. Cette équipe rassemble les vrais gestionnaires
et entrepreneurs responsables du lancement de l’entreprise. Ce sont des personnes
hautement qualifiées et motivées qui sont embauchées sur une base concurrentielle
et qui partagent une partie des bénéfices générés par l’investissement. Ce ne sont ni
des fonctionnaires ni des consultants payés par des organisations internationales. Plus
probablement, il s’agit de jeunes professionnels souhaitant laisser leur empreinte sur le
développement économique et social et d’acquérir une expérience pratique ; ils ont les
compétences nécessaires pour postuler à des emplois dans les grandes sociétés de
conseil et les banques d’investissement. Certains d’entre eux auraient pu participer à la
préparation du plan d’entreprise. Ils seraient en charge de tous les aspects de l’entreprise,
y compris la tenue des dossiers, la comptabilité et la gestion financière.
81 Voir Robalino, Romero et Walker (2018) Pour une discussion sur la manière de calculer les taux de rendement sociaux
en présence d’externalités d’emploi.
86 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
• Conception et mise en œuvre de programmes d’emplois indépendants (SE). L’objectif
principal de ces programmes est de développer des opportunités génératrices de revenus
au niveau local dans différents segments de la chaîne d’approvisionnement. Le modèle
d’entreprise, étant donné sa conception, ne permet pas d’importer les intrants ni les
services, qui peuvent être produits localement, ni la sous-traitance de la production des
produits finis avec des entreprises existantes (le cas échéant). L’équipe de gestion du projet
doit donc sous-traiter à des organisations à but lucratif ou non la conception et la mise en
œuvre de programmes de recrutement de travailleurs qui s’engagent, en tant que travail-
leurs indépendants ou micro-entrepreneurs, dans les différentes activités économiques
identifiées au sein de la chaîne d’approvisionnement. Les programmes ressemblent à bien
des égards aux programmes d’entrepreneuriat traditionnels. Ils doivent permettre d’inscrire
les candidats, d’établir leur profil, de les sélectionner et, finalement, de fournir un ensemble
donné de services, notamment une formation et des subventions. Ils peuvent également
faire respecter les normes non seulement en termes de production mais aussi de condi-
tions de travail. La principale différence est que la combinaison des activités / entreprises
viables, a été définie ex-ante. Les candidats ne sont pas interrogés sur leurs connaissances
commerciales, mais plutôt sur leurs préférences concernant les activités de la chaîne d’ap-
provisionnement dans lesquelles ils souhaitent s’engager. Les organisations qui conçoivent
et mettent en œuvre ces programmes seraient sélectionnées de manière compétitive dans
le cadre de systèmes de passation de marchés et de paiement tenant compte des perfor-
mances et de la réalisation des objectifs spécifiques du marché du travail.
Agrégateurs. Ce sont des modèles plus simples et moins coûteux, qui intéressent en particu-
lier les agriculteurs, mais qui risquent de créer moins d’emplois et de générer moins de valeur
ajoutée. Dans ce cas, le gouvernement subventionne les « agrégateurs » privés qui proposent
de gérer la distribution et la commercialisation d’un ou de plusieurs produits donnés (fabriqués
localement) conformément à certaines normes du travail. Par exemple, les investisseurs privés
peuvent faire une offre pour distribuer du cacao d’une certaine qualité sur les marchés régio-
naux ou internationaux. Ils deviennent responsables de la formation des producteurs locaux,
de la fourniture de machines et d’intrants, ainsi que d’autres activités liées à l’entreprise, mais
ils sont évalués seulement en fonction des résultats. En principe, ils peuvent également s’en-
gager dans des activités de transformation, contrôlant leurs propres processus de production,
y compris des décisions sur le mode et le lieu d’achat d’intrants indirects (par exemple, des
engrais). Les projets de cette nature nécessiteraient une configuration plus simple. Trois activi-
tés nécessitent une attention particulière :
• Évaluation des opportunités d’affaires. Il reste encore nécessaire d’avoir une bonne
idée du potentiel de commercialisation de divers produits dans la région. Là encore, cela
nécessiterait des études sur la sous-traitance de la part d’institutions spécialisées. Les
systèmes de passation de marchés et de paiement basés sur la performance auront pro-
bablement un rôle moins important à jouer.
• Sélection des agrégateurs. Différents critères peuvent être utilisés, avec différentes
pondérations, pour sélectionner les « agrégateurs » ayant soumissionné pour des projets
spécifiques. Des travaux d’analyse récents suggèrent qu’il est important d’inclure comme
critère principal le niveau d’externalités d’emplois générées par unité de subvention.82
82 Voir Robalino, Romero et Walker (2019) pour une discussion sur la mise en place d’un mécanisme d’appel d’offres
concurrentiel pour l’attribution de subventions de contrepartie en présence d’externalités d’emploi.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 87
• Suivi et évaluation. Alors que dans le cas des projets de développement de la chaîne
d’approvisionnement, il existe de fortes incitations intégrées pour atteindre les objectifs du
projet, les programmes d’agrégateurs nécessitent d’allouer plus de ressources au suivi, à
l’évaluation et à la mise en œuvre. Les participants au programme ne sont pas des béné-
ficiaires directs, mais des agents permettant d’atteindre les objectifs sociaux du projet en
termes d’amélioration des résultats en matière d’emploi. Bien qu’ils prennent un risque
d’investissement, ils sont peu incités, par exemple, à atteindre des objectifs en termes de
création d’emplois ou de croissance de la productivité du travail, conformément à leurs
plans d’entreprise. Cela implique que, pour obtenir les subventions correspondantes, les
contrats conclus doivent obtenir des résultats spécifiques. L’application de ces contrats
nécessite la mise en place de systèmes de suivi et d’évaluation appropriés.
Biens publics. Dans ce cas, le gouvernement identifie les services sociaux dont les com-
munautés locales ont besoin. Il en existe une large gamme : soins aux enfants et aux per-
sonnes âgées ; éducation et formation ; les soins de santé ; la protection de l’environnement ;
l’approvisionnement en énergie et en eau ; l’infrastructure de base (p. ex. routes secondaires,
élimination des déchets) ; même la conception et la mise en œuvre de programmes d’emplois
indépendants (SE) visant à soutenir le développement de la chaîne d’approvisionnement (voir
ci-dessus). Comme dans le cas des programmes des agrégateurs, le gouvernement subven-
tionne, sur une base concurrentielle, les investissements privés dans les entreprises qui four-
nissent ces services. Les projets sont évalués en fonction des résultats obtenus, en mettant
l’accent sur les emplois au profit de la communauté locale. Les entrepreneurs qui sollicitent
des subventions ne sont toutefois pas obligés de vivre dans la région. En fait, l’objectif de ce
type d’initiative est de mobiliser les talents de l’entrepreneuriat social du monde entier. Une
différence avec les agrégateurs ou les programmes de développement des chaînes d’appro-
visionnement est que le niveau de subvention du gouvernement peut être plus élevé. En effet,
les projets intériorisent non seulement les externalités liées à l’emploi, mais également les
externalités sociales des biens et services qu’ils fournissent. Néanmoins, les activités sui-
vantes et leurs similaires doivent retenir l’attention : 1) définir les priorités en termes de biens
et de services sociaux ; 2) sélectionner des entrepreneurs sociaux et allouer des subventions
de compensation ; et 3) Effectuer le suivi, l’évaluation et la mise en œuvre (voir ci-dessus).
Malheureusement, les évaluations existantes suggèrent que dans la plupart des cas, les
programmes d’emploi n’atteignent pas les objectifs pour lesquels ils ont été conçus. La
méta-analyse la plus récente d’environ 80 programmes mis en œuvre dans le monde, révèle
88 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
que 30% seulement de ces programmes ont eu un impact positif sur les taux d’emploi et / ou
les revenus des bénéficiaires.83 Plus gênant encore, l’analyse révèle que l’impact de ces pro-
grammes lorsqu’ils en eu, a été relativement faible. Le rapport suggère que la principale raison
de ces résultats tient à des problèmes de conception et de mise en œuvre. Au-delà d’une
capacité institutionnelle et de ressources limitées, les responsables de programme ne sont
pas toujours incités à répondre aux besoins des employeurs et des demandeurs d’emploi.
En outre, lorsque les programmes sont axés sur l’emploi salarié et que l’économie ne crée
pas suffisamment d’emplois, les possibilités d’améliorer ces résultats sont restreintes. C’est
pourquoi il est important d’accompagner ces programmes d’interventions visant à créer et à
améliorer les possibilités d’emploi (voir section précédente).
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 89
devrait être tarifés. Le coût du paquet prévu pour les personnes difficiles à servir, par
exemple, sera plus élevé que celui dispensé aux personnes nécessitant une assistance
minimale de la part des programme d’emploi.85
85 Voir Banque mondiale (2019) pour une discussion sur les similitudes entre des programmes de travail bien conçus et
des programmes d’assurance maladie.
86 Voir Datta et al. (2018) pour un examen des autres types de contrats.
87 Voir Krishnan et al. (2017).
90 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
92 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
PARTIE III: CADRE INSTITUTIONNEL ET
FISCAL DE REFORME
En tant que la dernière partie de cette note, cette partie développe un cadre fiscal et
institutionnel pour guider la conception d’un processus de réforme permettant d’atteindre
progressivement l’objectif de protection sociale universelle tout en améliorant les opportu-
nités d’emploi dans le pays. La discussion commence par résumer brièvement les principaux
types de réformes qui seraient nécessaires et leurs coûts potentiels au cours, par exemple,
des quinze prochaines années selon différents scénarios d’extension de la couverture. Elle
examine ensuite la structure et l’évolution attendue du budget public et examine les options
permettant de créer un espace fiscal à travers : 1) des revenus plus élevés ; 2) une réaffecta-
tion des dépenses publiques ; et 3) l’amélioration de la gestion de la dette publique. Les deux
dernières sections de la discussion concernent l’économie politique de réforme, les capacités
des institutions publiques à permettre des réformes et les types de systèmes administratifs
nécessaires à la mise en œuvre des réformes.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 93
94 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
9
LA RÉALISATION DE PROTECTION
SOCIALE UNIVERSELLE ET DE MEILLEURS
EMPLOIS : POLITIQUES ET IMPACTS
BUDGÉTAIRES
• Avoir des programmes d’assurance sociale intégrés qui traitent tous les travailleurs et
leurs familles de la même manière. Il n’existe aucune raison économique d’avoir des
programmes distincts pour différents types de travailleurs. Cela crée non seulement des
inégalités entre les travailleurs et peut fragmenter le marché du travail, mais augmente
également la complexité et les coûts administratifs. Au lieu de cela, tous les travailleurs
devraient avoir les mêmes droits et obligations, quel que soit leur lieu de travail. Les
fonctionnaires, les travailleurs informels, les agriculteurs et les employés du secteur privé
formel peuvent tous s’inscrire dans le même système. La seule différence serait en termes
de combien et comment ils contribuent.
• Définir explicitement les avantages offerts aux participants et leurs coûts. Cela est essen-
tiel pour assurer la viabilité financière du système à mesure que la couverture augmente
et que les coûts unitaires évoluent avec le temps, et pour pouvoir identifier le mécanisme
de financement le plus efficace. Dans le cas des pensions, cela implique de lier le taux
de cotisation au taux d’accumulation des prestations et à l’espérance de vie à la retraite.
Pour l’assurance maladie, cela implique de définir le contenu de l’ensemble des services
de santé proposés aux participants et d’estimer ses coûts moyens en fonction de l’âge
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 95
(enfants, adultes et personnes âgées) et du sexe. Pour l’assurance chômage, cela implique
de lier le taux de cotisation au taux de remplacement, ainsi que le risque et la durée du
chômage pour différents groupes de population.
― Subventions pour financer tout ou partie des coûts (cotisations) des programmes
d’assurance sociale.
Le système de protection sociale envisagé pour la Côte d’Ivoire intégrerait des pro-
grammes d’assurance / assistance sociale et des programmes actifs du marché du travail.
Cette intégration permettrait une meilleure répartition des ressources publiques limitées entre
les programmes concurrents. En particulier, il existe des compromis entre les programmes
d’assurance sociale / d’assistance et les programmes de main-d’œuvre. Par exemple, investir
aujourd’hui dans des programmes qui améliorent les emplois et les opportunités de revenus
peut réduire le coût futur des programmes d’assurance / d’assistance sociale.
• Garantie du revenu de base (1,62% du PIB pour couvrir la population). Il s’agit d’un transfert
anti-pauvreté qui est attribué au niveau individuel et non au niveau du ménage. Dans les
calculs, le transfert est égal à 10% de la consommation moyenne avec une réduction pro-
gressive de 20% (c’est-à-dire, que pour chaque augmentation de 10.000 F CFA du revenu /
de la consommation, le transfert est réduit de 2.000 F CFA). Le transfert monétaire effectif
de 12 000 euros par mois et par ménage équivaut à 15% du PIB par habitant, soit près d’un
transfert par habitant de 5% de la consommation moyenne. Par conséquent, le transfert de
fonds utilisé dans les simulations représente environ deux fois le transfert existant.
• Pensions (0,24% du PIB pour couvrir la population d’âge actif). Un système de retraite
réformé à base de prestations par répartition, géré par la CNPS, deviendrait le régime de
tous les travailleurs, y compris les travailleurs du secteur informel. Cela impliquerait de
redéfinir le mandat du système et de modifier les formules de prestations et les conditions
d’éligibilité afin d’assurer la viabilité financière du système. Cela nécessiterait également
de financer les passifs non capitalisés du système. Le nouveau système s’appliquerait
à tous les travailleurs entrant sur le marché du travail après une date donnée et aux
96 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
nouvelles cotisations des participants au régime existant après cette date. Les principales
caractéristiques du nouveau système sont les suivantes :
― Il viserait un taux de remplacement de 50% pour les travailleurs à la carrière (40 ans)
qui prennent leur retraite à l’âge de 62 ans, tout en permettant aux individus d’épar-
gner davantage s’ils le souhaitent. Cela implique de fixer un taux d’acquisition de base
égal à 1,25% et un taux de contribution de 11,25%.
• Assurance maladie (universel, 5,67% du PIB, ou ciblée, 2,55% du PIB, pour couvrir la
population). On suppose ici que le gouvernement poursuit la mise en place du fonds d’as-
surance maladie autonome (CNAM) pour les travailleurs pauvres et du secteur informel.
Le programme de couverture médicale universelle (CMU), finira par recruter tous les
travailleurs. Les principales caractéristiques du programme sont les suivantes :
― Le coût de l’ensemble des services de santé offerts par la CMU est égal à 100 USD par
habitant et par an, soit 6% du PIB par habitant.
― Le programme offre une prestation égale à 70% des gains pour une durée de trois mois.
― Le taux de cotisation est fixé à 3,6% et le gouvernement couvre les déficits résultant de
la participation de travailleurs à haut risque.
• Programmes actifs du marché du travail (1% du PIB pour couvrir la population en âge
de travailler). Les programmes relatifs au travail devraient être intégrés et étendus, en se
concentrant sur deux objectifs étroitement liés : créer de meilleurs emplois pour les travail-
leurs vulnérables et faciliter les transitions sur le marché du travail. La réforme serait axée
sur les éléments suivants :
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 97
― Intégration et tarification des services (p. Ex. Formation, conseils, aide à la recherche
d’emploi)
98 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 23 Projections des composantes du système de protection sociale
7.00%
6.00%
Cost as % GDP
5.00%
4.00%
3.00%
2.00%
1.00%
0.00%
2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 2032 2033 2034
Year
Basic Income Guarantee Pensions Unemployment Insurance
Active Labor Market Program Health Insurance Universal Health Insurance Targeted
IPD(t)
10.00%
9.00%
8.00%
7.00%
Cost as % GDP
6.00%
5.00%
4.00%
3.00%
2.00%
1.00%
0.00%
2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 2032 2033 2034
Year
Basic Income Guarantee Pensions Unemployment Insurance
Active Labor Market Program Health Insurance Universal Health Insurance Targeted
IPD(t)
La structure du budget d’un pays donné reflète, implicitement, les priorités en termes
d’externalités et de biens publics ainsi que des contraintes budgétaires ; en Côte d’Ivoire,
la santé et la protection sociale ne reçoivent qu’une petite part du budget. En Côte d’Ivoire,
le gouvernement dépense près de 23,5% du PIB ; en ligne avec les niveaux de dépenses
des pays ayant le même niveau de développement économique. Environ la moitié de ces
dépenses est affectée aux salaires des fonctionnaires (6% du PIB) et aux opérations gouver-
nementales (4%), et 6% aux investissements (essentiellement la production de biens publics).
Le reste des dépenses est consacré aux paiements d’intérêts sur la dette publique (2%), aux
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 99
dépenses de retraite (1,3%) et aux subventions / transferts (1,7%). Habituellement, ces transferts
visent à résoudre des problèmes tels que la pauvreté, l’accès à l’éducation ou l’accès aux
instruments de gestion des risques (retraites, assurance maladie et assurance chômage). En
Côte d’Ivoire, toutefois, les transferts vont également à des entreprises d’État qui ne parti-
cipent pas nécessairement à la production de biens publics ; le secteur privé pourrait produire
les mêmes biens et services (voir le tableau 18). En termes d’allocation sectorielle, la majeure
partie du budget est destinée à financer les activités de l’administration centrale, le logement
et l’éducation. Seulement 7% des dépenses vont au secteur de la santé et seulement 1,2% à la
protection sociale (voir le tableau 19).
Il existe essentiellement trois mécanismes pour faire face à des dépenses plus élevées:
1) l’augmentation des recettes fiscales; 2) réaffectation des dépenses publiques; et 3) amélio-
rer la gestion de la dette. Ci-dessous, nous discutons brièvement du rôle de chacune de ces
options dans le cas de la Côte d’Ivoire.
Augmentation des revenus provenant des taxes. La Côte d’Ivoire mobilise environ 10% du PIB en
impôts, mais seulement 2% en impôts sur le revenu et 2% en impôts. Le gouvernement est déjà
engagé dans une série de réformes visant à accroître les recettes fiscales, notamment en élar-
gissant l’assiette fiscale, en éliminant les exonérations, en renforçant l’application des lois et en
améliorant l’efficacité administrative.88 Il semble raisonnable de s’attendre à ce que les recettes
tirées des taxes sur le revenu et à la consommation atteignent environ 10% du PIB au cours des
dix prochaines années. Cette mesure à elle seule pourrait générer un espace budgétaire suffi-
sant pour permettre l’expansion d’un système de protection sociale intégré sans augmentation
importante de la dette publique. Toutes choses égales par ailleurs, d’ici 2030, le budget de l’Etat
pourrait générer un excédent primaire et la dette publique se stabiliserait autour de 40% du PIB.
88 Loi des Finances and data from Ministry of Economy and Finance.
100 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
TABLEAU 18 Structure du budget public en Côte d’Ivoire, 2015–2021
En milliards de FCFA
2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
Agrégats
Réalisation Réalisation Réalisation Estimation Estimation Estimation Estimation
Recettes et dons 19.99% 19.77% 20.36% 20.37% 20.51% 20.72% 20.53%
Recettes fiscales 15.08% 16.02% 16.47% 16.48% 16.98% 17.32% 17.41%
Impots intérieurs 7.55% 8.58% 8.93% 9.14% 9.87% 9.95% 10.20%
dont Impots sur revenus et salaires (Hors FDFP) 1.81% 1.93% 1.94% 2.16% 2.17% 2.01% 1.99%
dont Impots indirects 3.03% 3.26% 3.32% 3.31% 3.35% 3.25% 3.37%
dont TVA (hors part secteur électricité) 1.38% 1.42% 1.57% 1.78% 1.86% 1.89% 1.96%
Droits et taxes à l'importation 5.55% 5.56% 5.53% 5.65% 5.56% 5.85% 5.80%
Droits et taxes à l'exportation 1.98% 1.87% 2.01% 1.69% 1.55% 1.51% 1.41%
Recettes non fiscales 3.47% 2.54% 2.69% 2.63% 2.36% 2.28% 2.11%
Cotisations de sécurité sociale 1.96% 2.12% 2.06% 1.98% 1.93% 1.98% 1.83%
Autres 1.51% 0.42% 0.64% 0.65% 0.44% 0.30% 0.28%
Dons 1.44% 1.21% 1.20% 1.26% 1.16% 1.12% 1.01%
Projet 0.66% 0.51% 0.52% 0.60% 0.55% 0.55% 0.49%
Programme 0.78% 0.71% 0.68% 0.66% 0.61% 0.56% 0.52%
Dépenses et prêts nets 22.81% 23.96% 24.87% 24.35% 23.55% 23.62% 23.39%
Dépenses Courantes 14.17% 13.81% 14.98% 14.49% 13.72% 13.34% 12.88%
Personnel 6.80% 6.69% 6.83% 6.83% 6.62% 6.30% 5.96%
Prestations sociales 1.30% 1.25% 1.19% 1.26% 1.27% 1.33% 1.23%
Subvention et transferts 2.12% 1.84% 1.94% 1.69% 1.50% 1.46% 1.42%
Subvention aux écoles privées 0.50% 0.50% 0.50%
Subvention aux EPN 0.35% 0.32% 0.30%
Subvention coton 0.00% 0.00% 0.00%
Subvention au secteur électricité 0.00% 0.00% 0.00%
Fonds de réserves café cacao 0.00% 0.00% 0.00%
Collectivités décentralisées 0.09% 0.08% 0.07%
Bourse, kits scolaires et transports 0.27% 0.25% 0.24%
Autres subventions 0.30% 0.30% 0.30%
Fonctionnement (yc sociales ciblées) 3.96% 4.03% 5.02% 4.71% 4.33% 4.24% 4.27%
Investissement 6.36% 6.73% 6.89% 6.93% 6.62% 6.80% 7.35%
Financement intérieur 4.04% 5.04% 4.19% 3.96% 3.93% 3.88% 4.08%
Financement extérieur 2.33% 1.69% 2.71% 2.97% 2.69% 2.92% 3.27%
Emprunts 1.67% 1.21% 2.19% 2.37% 2.14% 2.36% 2.79%
Dons 0.66% 0.49% 0.52% 0.60% 0.55% 0.55% 0.49%
Autres (dépenses en capital, sortie de crise, déchets toxiques) 0.75% 1.70% 1.29% 1.16% 1.23% 1.41% 1.15%
Prêts nets 0.00% 0.00% 0.00% 0.00% 0.00% 0.00% 0.00%
Intérêts 1.52% 1.72% 1.71% 1.78% 1.98% 2.07% 2.00%
Intérieur 0.74% 0.88% 0.92% 0.91% 0.81% 0.99% 1.04%
Extérieur 0.78% 0.85% 0.79% 0.87% 1.18% 1.07% 0.97%
Solde base ordonnancement -2.72% -4.00% -4.51% -3.98% -3.04% -2.90% -2.86%
Solde budgétaire de base (Définition UEMOA) -1.15% -3.00% -2.32% -1.62% -0.91% -0.53% -0.07%
Solde primaire de base -0.42% -1.89% -1.27% -0.50% 0.47% 0.97% 1.41%
Financement 2.75% 3.98% 4.49% 3.02% 2.19% 2.97% 2.95%
Extérieur 3.98% 2.14% 5.05% 5.64% 3.40% 2.67% 3.15%
Tirages (yc appui budgétaire et Eurobonds) 5.14% 1.68% 7.85% 7.02% 4.06% 2.36% 2.79%
Amortissement -1.18% -1.29% -3.21% -1.21% -1.40% -1.30% -0.68%
Autre financement extérieur 0.01% 1.75% 0.42% -0.17% 0.75% 1.60% 1.04%
Intérieur -1.22% 1.83% -0.57% -2.62% -1.21% 0.30% -0.20%
Bancaire -0.77% 1.68% 0.30% -2.27% -1.19% 0.43% -0.01%
Autre -0.45% 0.15% -0.87% -0.35% -0.02% -0.12% -0.19%
Ecart (- sur financement) 0.07% -0.03% -0.02% -0.96% -0.85% 0.07% 0.10%
PIB 100.00% 100.00% 100.00% 100.00% 100.00% 100.00% 100.00%
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 101
TABLEAU 19 Répartition du budget public par secteur en Côte d’Ivoire, 2016–2021
En millier FCFA
Défense 276,941 327,580 336,568 334,434 6.1% 577,206 10.0% 667,462 10.9% 526,367 9.1%
Ordre et sécurité publics 212,431 209,970 234,679 256,770 4.7% 276,690 4.8% 276,360 4.5% 269,940 4.7%
Affaires économiques 367,785 332,755 402,994 417,151 7.6% 410,002 7.1% 582,468 9.5% 469,874 8.1%
Protection de l'environnement 69,957 72,072 79,431 133,680 2.4% 119,927 2.1% 115,445 1.9% 123,017 2.1%
Logements et équipements collectifs 545,344 925,272 1,217,513 1,190,533 21.6% 1,253,600 21.7% 1,192,768 19.6% 1,212,300 20.9%
Santé 300,288 329,811 345,192 372,358 6.8% 343,993 6.0% 401,592 6.6% 372,648 6.4%
Loisirs, culture et culte 115,326 143,506 162,485 136,515 2.5% 162,895 2.8% 173,644 2.8% 157,685 2.7%
Enseignement 1,201,610 1,176,221 1,283,885 1,341,272 24.3% 1,398,189 24.2% 1,428,886 23.4% 1,389,449 24.0%
Protection sociale 66,882 52,086 53,214 64,211 1.2% 58,027 1.0% 63,204 1.0% 61,814 1.1%
TOTAL 4,352,414 4,732,583 5,208,981 5,512,902 100.0% 5,774,541 100.0% 6,099,321 100.0% 5,795,588 100.0%
TOTAL (y compris dette publique) 5,872,851 6,706,000 6,756,259 7,334,302 7,894,252 8,110,647 7,779,734
Source: Staff de la Banque mondiale. Notes : Les dépenses excluent les paiements d’intérêts à compter de 2022.
102 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 24 Déficit et dette publique avec variations des recettes fiscales et des transferts
100
Public Debt (% GDP)
80
60
40
20
0
2018 2020 2022 2024 2026 2028 2030 2032 2034
With integrated system With higher taxes With higher taxes and lower expenditures
4.00%
2.00%
Deficit (% GDP)
0.00%
–2.00%
–4.00%
–6.00%
–8.00%
–10.00%
2018 2020 2022 2024 2026 2028 2030 2032 2034
With integrated system With higher taxes With higher taxes and lower expenditures
Source: Staff de la Banque mondiale sur la base des données disponibles du Ministère de l’Economie et des finances.
plus importants; et réduire le coût du service de la dette. Le gouvernement a défini des objectifs
clairs pour la gestion de la dette publique dans le cadre de la Stratégie vers la Gestion de la
Dette à Moyen Terme (SGDM). Il est probable que cette stratégie pourrait compenser des déficits
plus élevés et un niveau d’endettement public plus élevé afin de soutenir l’expansion des sys-
tèmes de protection sociale, mais seulement à la marge. Comme le montre la figure 24, l’exten-
sion du système de protection sociale ne peut être réalisée de manière durable par l’émission
de dettes. Pouvoir mobiliser des recettes fiscales suffisantes est une condition préalable.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 103
La gestion d’économie politique de réforme et le
renforcement des capacités institutionnelles
Le consensus qui se dégage est que beaucoup dépend du processus d’élaboration des
politiques, qui est le processus de discussion, d’approbation et de mise en œuvre des poli-
tiques publiques. Pourquoi certains pays sont-ils capables de mettre en œuvre des réformes
complexes de la protection sociale alors que d’autres ne le sont pas? Il n’ya pas de réponse
précise à cette question et il est difficile de trouver un ensemble de facteurs permettant de
prédire la probabilité de succès. Le PIB par habitant, par exemple, n’est pas un facteur déter-
minant; Les pays à faible revenu comme la Bolivie, l’Inde et le Pakistan ont été en mesure d’in-
troduire d’importantes réformes dans leurs programmes de retraites, d’assurance-maladie et /
ou de protection sociale. Il existe néanmoins des informations utiles tirées de la littérature sur
l’économie politique de la réforme et de la littérature plus récente sur les capacités de l’État.
Les pays qui ont réussi à introduire des réformes efficaces ont mis en place un processus
d’élaboration des politiques dans lequel les acteurs politiques et les partenaires sociaux
coopèrent et sont en mesure de parvenir à des accords et de les faire respecter. En général,
les réformes réussies ont été définies par: 1) un leadership fort; 2) l’existence de «bons agréga-
teurs» capables de réduire le nombre d’acteurs pouvant directement influer sur les politiques;
et 3) un dialogue ouvert et des interactions continues entre ces acteurs dans un horizon de
planification à long terme.89 Les pays qui réussissent disposent également d’une bureaucratie
solide à laquelle l’analyse et la mise en œuvre des politiques peuvent être déléguées. Cela
tend à être sous-estimé. Il peut exister des pays dotés d’un bon processus d’élaboration des
politiques mais dépourvus de capacités étatiques et donc incapables de concevoir et, en parti-
culier, de mettre en œuvre des réformes.
La direction est généralement assurée par les ministères concernés ou, dans le cas de
réformes impliquant plusieurs secteurs, par des fonctions plus élevées, telles que celles
d’une primature ou d‘une présidence. Un ministre responsable doit faire des choix concernant
les réformes prioritaires et consacrer suffisamment de temps à la compréhension des pro-
blèmes, à la communication et aux négociations avec les différentes parties prenantes. Il est
également indispensable de disposer d’une équipe à plein temps dédiée à la coordination du
processus de réforme et à la réalisation d’une partie du travail analytique. Dans certains cas,
la gestion du processus de réforme et l’analyse des politiques peuvent être déléguées à une
commission externe indépendante, gérée par un expert reconnu sur le sujet de la réforme
(voir ci-dessous).
Différents acteurs et partenaires sociaux doivent être associés au processus de réforme dès
le début. Les réformes politiques planifiées à huis clos ont très peu de chances de survivre au
89 Schmidt-Hebbel, K (2009). Chile’s growth and development: leadership, policy-making process, policies, and results.
Commission on growth and development working paper; no. 52. Washington, DC: World Bank; and Scartascini, CG
and Stein, EH and Tommasi, M (2008). Political Institutions, State Capabilities and Public Policy: International Evidence.
Inter-American Development Bank Research Department Working Paper No. 661. Washington DC: Inter-American
Development Bank.
104 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
processus politique et, si elles le sont, très peu de chances d’être mises en œuvre.90 En consé-
quence, le processus de réforme prendra plus de temps, mais il sera plus durable si la raison
d’être des réformes, les résultats attendus, les coûts budgétaires et les modalités de mise en
œuvre sont largement discutés.
Mais au-delà de l’analyse des politiques et du dialogue social, il est important de recon-
naître que la réforme des systèmes de protection sociale de tout pays est un effort
extrêmement complexe et pluriannuel, qui nécessite une capacité institutionnelle forte.
Certaines des activités impliquées comprennent: la rédaction et l’approbation de la nouvelle
législation; déployer des campagnes d’information du public; mettre en place ou réformer
les institutions en charge de la gestion des nouveaux programmes; inscrire de nouveaux
membres du régime; mettre en place de nouveaux systèmes de gestion et d’information
pour traiter les paiements et collecter les contributions; définir et mettre en œuvre de
nouveaux systèmes de passation des marchés et de paiement pour externaliser la fourni-
ture de services en fonction des performances; et la mise en place de systèmes de suivi et
d’évaluation robustes.
Les indicateurs de la capacité institutionnelle suggèrent que la Côte d’Ivoire serait confron-
tée à des défis considérables lors de la conception et de la mise en œuvre des réformes
du système de protection sociale. Une étude récente utilise trois indicateurs pour mesurer
la capacité institutionnelle.91 Premièrement, l’indice de la qualité de gouvernement (QOG),
qui est une simple moyenne de trois indicateurs tirés de leur guide International Country Risk
Guide: 1) la corruption; la loi et l’ordre; et qualité bureaucratique (0–4). Deuxièmement, l’indi-
cateur des services publics de l’index des états défaillants. Cet indicateur évalue les pays qui
remplissent des fonctions centrales telles que l’infrastructure, l’assainissement, l’éducation et
la santé. Enfin, trois indicateurs tirés des indicateurs de la gouvernance mondiale: 1) l’efficacité
du gouvernement; 2) contrôle de la corruption; et 3) la primauté du droit. En redimension-
nant tous ces indicateurs dans une plage de 0 à 10 et en prenant une moyenne, on obtient
90 In 2005, for instance, the Minister of Finance of Egypt was able to develop and get approved by Parliament, in record
time, a law to reform the pension system for private sector workers. There were not consultations with social partners
or implementing agencies; only the Minister owned the reform. The Law was never implemented and, when the
regime changed, it was forgotten. Organizations like the International Labor Organization (ILO) can facilitate social
dialog around the reform of social protection systems.
91 Andrews M, Pritchett L and Woolcock M (2017). Building State Capability: Evidence, Analysis, Action. Oxford: Oxford
University Press, 2017.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 105
TABLEAU 21 Capacité institutionnelle pour certains pays
une mesure de la capacité de l’état. La moyenne de la Côte d’Ivoire est inférieure à 2,5,
ce qui compte parmi les plus faibles niveaux de capacité de l’État observés dans le monde
(voir tableau 21).
Un niveau faible, moyen, de capacité de l’État n’implique pas qu’un pays devrait renoncer
à des réformes structurelles; au contraire, probablement dans ces environnements, ces
réformes sont encore plus importantes. En fait, la capacité de l’État se construit en résolvant
des problèmes. Et, il peut y avoir d’importantes variations de capacités entre les institutions
d’un pays. Les réformes entreprises par le biais de certaines organisations et de certains sec-
teurs peuvent aider à renforcer les capacités globales de l’État.
Cependant, l’important est d’aligner le rythme des réformes sur les capacités existantes
et de combler progressivement les lacunes existantes. Une erreur souvent commise est de
surcharger les agences d’exécution de nouvelles fonctions et tâches (« meilleures p ratiques »)
qu’elles ne sont pas prêtes à exécuter. Pour qu’un processus de réforme acquière une
force normative au sein de l’institution, il est nécessaire que les pratiques de jure et de
facto convergent dans le temps. Cela implique des attentes réalistes quant à ce qui peut
être accompli dans un laps de temps donné. Comme l’illustre la figure 25, forcer la mise en
œuvre des « meilleures pratiques » jure sans les capacités nécessaires peut créer du stress et
conduire à un échec.
En termes de manque de capacités, il est utile de comprendre quelles sont les tâches /
fonctions à accomplir pour concevoir et mettre en œuvre une réforme réussie. Différentes
tâches / fonctions requièrent différents types de capacités. Dans le cas du système de pro-
tection sociale, de nombreuses fonctions impliquent l’analyse / l’élaboration de politiques
(par exemple, la définition des paramètres du nouveau système de pension ou l’évaluation du
coût de la santé), la logistique (par exemple, la participation des participants au régime et le
versement des prestations) l’exécution des obligations (par exemple, la collecte des contri-
butions). Il s’agit de tâches qui nécessitent des compétences analytiques, qui nécessitent
de nombreuses transactions et qui nécessitent la maîtrise des technologies existantes (par
exemple, systèmes de paiement, identification biométrique ou test de moyen proxy). En Côte
d’Ivoire, les cadres supérieurs des ministères techniques concernés possèdent les compé-
tences nécessaires pour analyser et élaborer des politiques et, dans la limite des ressources
106 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 25 Capacités et trajectoires de réforme
Capability
Streess
Maximal achievable pace of
capability improvement under no
excess implementation stress
Time
La capacité des agences d’exécution (par exemple, les fonds de pension) à mettre en œuvre
des réformes, à faire respecter les réglementations et à gérer la logistique nécessaire pose
davantage de problèmes. En effet, les ressources humaines sont mal formées, les systèmes
d’information existants sont obsolètes et la capacité de gestion du changement est limitée.
Dans le même temps, le statu quo n’est pas une option. Les réformes des programmes d’as-
surance sociale peuvent être l’occasion d’adopter de nouvelles technologies de l’information
et de la communication, d’améliorer les systèmes de gestion et de renforcer le capital humain.
En fait, certaines des nouvelles technologies peuvent simplifier les processus existants, tels
que la collecte des contributions et le calcul et le paiement des prestations, tout en réduisant
la demande en capital humain (voir section suivante). La Côte d’Ivoire a également renforcé
ses capacités en matière de conception de nouveaux systèmes administratifs et informatiques
grâce à la mise en œuvre d’un nouveau programme de transferts monétaires.
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 107
choses sont plus complexes car l’infrastructure nécessaire doit être mise en place et que les
agents chargés de la prestation de services doivent disposer des compétences techniques et
socio-affectives adéquates. et les incitations institutionnelles appropriées pour répondre aux
besoins des membres du régime. Dans le cas des programmes actifs du marché du travail,
certaines des réformes concernent la simplification des systèmes existants et des fonctions
d’impartition que le gouvernement ne peut pas mettre en œuvre de manière complète, mais
cela prend également du temps.
Dans tous les cas, la mise en œuvre réussie d’un programme de réforme donné exige la res-
ponsabilité des résultats et donc la capacité de surveiller et de mesurer ces résultats. Il n’est
pas facile de parvenir à une responsabilisation adéquate au sein des institutions publiques - à
la fois des gestionnaires et du personnel de première ligne. Cela implique souvent des chan-
gements dans les politiques des ressources humaines (par exemple, l’évaluation de la perfor-
mance et les politiques de promotion / rémunération) au sein de l’administration publique. Un
point de départ, cependant, consiste à mettre en place des systèmes de suivi et d’évaluation
robustes pour suivre les indicateurs de performance pertinents. Dans le cas du système de
retraite, par exemple, la part de la population active couverte, le taux de recouvrement ou le
temps nécessaire au traitement des nouvelles pensions et au versement des prestations. Dans
le cas de programmes actifs du marché du travail où il est possible d’externaliser la fourniture
de services à des prestataires privés, ces systèmes de suivi et d’évaluation jouent également
un rôle clé dans la conception de systèmes de paiement basés sur la performance.
Conclusion
Dans le cadre de la SNPS, la Côte d’Ivoire a lancé des reformes visant à renforcer la gou-
vernance, le financement et la prestation des services de son système du PST. De nouveaux
outils sont en cours de développement à compter de 2016 pour favoriser la coordination. Les
principaux outils de prestation pouvant être généralisés à tous les programmes comprennent
un système d’identification unifié robuste, des méthodes de ciblage harmonisées (avec des
critères supplémentaires adaptés à différents programmes, le cas échéant), un registre social
national des ménages, des systèmes de paiement électronique et un suivi des prestations,
ainsi qu’un système intégré de gestion d’informations sur le programme (Figure 26).
108 CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE
FIGURE 26 Outils du système de prestation pour maximiser l’efficacité des dépenses de PST
Registre social
Sortie et Systèmes
accompagnement d’Identification unique
Octroi de services et
Engregistrement
bénéfices
CÔTE D’IVOIRE | MODERNISATION DES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE ET DE TRAVAIL POUR LA CROISSANCE INCLUSIVE 109
FIGURE 27 Intégration des politiques de protection sociale et d’emploi selon la catégorie de
revenu de ménages
pour étendre la couverture et fournir des services, y compris des mesures d’amélioration des
moyens de subsistance et des liens avec les chaînes de valeur au niveau local.
À l’avenir, un dialogue élargi sera nécessaire pour évaluer les options permettant d’amélio-
rer l’espace budgétaire à différents horizons temporels. Le choix des reformes dépendront
des objectifs sociaux et en matière de travail spécifiquement recherchés, et des différents
régimes de prestations et les coûts envisagés pour différentes populations. Selon les différents
scénarios de croissance et de réduction de la pauvreté, les besoins en ressources internes
et externes peuvent être examinés. Dans le cadre de la préparation du cadre de dépenses à
moyen terme, il est possible d’évaluer le rapport coût-efficacité relatif d’autres instruments en
faveur des pauvres par rapport à des interventions ciblées de PST. Une évaluation de la combi-
naison de différents instruments de PST aidera également à déterminer l’évolution du système
de PST de la Côte d’Ivoire à long terme afin de promouvoir une croissance inclusive. En fin de
compte, parallèlement aux stratégies de croissance économique, la modernisation du système
de PST de la Côte d’Ivoire peut aider à appuyer directement cet agenda en catalysant l’inclu-
sion économique de la majorité des Ivoiriens, de manière équitable et à grande échelle.
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