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Tel est le court message SMS reçu ce vendredi 26 septembre 2008, en pleine tourmente
financière, sur les Blackberry de quelques dirigeants de BNP Paribas.
Dans cette période financière agitée, quelques jours après l’annonce de la faillite de
l‘emblématique banque d’investissement Lehman Brothers, et de la mise sous tutelle par le
trésor Américain, évènement exceptionnel aux Etats-Unis, des deux géants du crédit
hypothécaire, Fanny Mae et Freddie Mac, l’avenir du paysage bancaire Européen est trouble
et incertain.
La veille, Jean-Paul Servais, président de la CBFA, la commission Bancaire, Financière et des
Assurances de Belgique, avait pris contact personnellement avec Baudoin Prot, directeur
général de BNP Paribas, pour lui faire part de la volonté des autorités de tutelle de trouver un
partenaire solide pour le groupe Fortis.
BNP Paribas, qui fait figure de modèle de solidité, connait bien le dossier Fortis. En 2003, les
équipes de BNP Paribas avaient déjà étudié un éventuel rapprochement. Les discussions
n’avaient pas abouti compte tenu de certaines divergences stratégiques entre les 2 groupes,
liées notamment à la gouvernance du nouveau groupe.
En 1990, une 1ère historique en Europe, il mène la 1 ère alliance transatlantique, qui donne
naissance à Fortis, en fusionnant l’assureur Belge AG, l’assureur AMEV, et le groupe
bancaire VSB Groep, tout deux Néerlandais. En 1993, il prend une majorité de contrôle dans
1
Rapport annuel Fortis Banque 2007
Fin 2006, Fortis est à son sommet: position dominante en Belgique et au Luxembourg, une
expansion marquée en Europe, des résultats et un cours de l’action en forte progression.
Plus encore, Fortis explore de nouvelles opportunités, Dexia, Lloyds-TSB ..3, mais c’est la
banque Néerlandaise ABNAmro, « De Bank »4, 16ème au classement des banques
Européennes en terme de résultat net, et aussi concurrent de toujours, qui attire toute
l’attention du Top management de Fortis ce lundi 13 Avril 20075. Fortis forme alors avec
Royal Bank of Scotland Group et Banco Santander, deux grandes banques prestigieuses, un
consortium pour lancer une offre publique d'achat sur ABNAmro et démanteler cette dernière
en partageant ses actifs parmi les membres du consortium.
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A noter que 10 ans plus tôt, l’alliance conclue entre la Générale de Banque, (filiale de la Générale de
Belgique) et Amro Bank, matérialisée par la prise de participations croisées, avait été rendue impossible par
la prise de contrôle de Suez, épaulée par AG, de la Générale de Belgique
3
Source : « Banque route », Martine Maelschalck, Marc Lambrechts, Michael Sephiha, Editions Racine,
L’Echo
4
L’appellation de ABN Amro aux Pays-Bas
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Date à laquelle le trio RBS, Santander et Fortis annonce leur intérêt pour ABNAmro
Le dossier ABNAmro est délicat tant d’un point de vue politique qu’économique. La CBFA
ne manque pas d’ailleurs de faire ses mises en garde sur le sujet.
Fin mai 2007, après un accueil triomphal des actionnaires, une offre record, visant avant tout
à contrecarrer l’offre de Barclays en négociation exclusive avec ABNAmro, est déposée par le
consortium. L’offre est la plus importante jamais réalisée dans le secteur bancaire avec un
montant record de plus de 70 milliards d'euros, supérieure de 14% à l’offre de Barclays. Fortis
s’engage sur un montant de 24 milliards d’euros
« Cette acquisition historique augure d’un avenir passionnant pour Fortis. Nous pouvons
résolument envisager une forte croissance à long terme dans un certain nombre d’activités
ciblées. », commente le conseil d’administration de Fortis.
Durant l’été, l’annonce de graves difficultés rencontrées par des banques Européennes,
l’annonce de la suspension de valorisation de plusieurs fonds investis en produits structurés
liés aux crédits subprimes, marquent le début de la contagion de la crise financière
Américaine aux marchés financiers Européens. Une onde de choc. La BCE et la FED
injectent au total 215 milliards d’euros en 3 jours pour assurer la liquidité des marchés.
L’offre est finalement maintenue, et Fortis, qui a fait le choix de financer majoritairement en
numéraire l’acquisition (contrairement à l’offre de Barclays faite principalement par échange
d’actions), lance une augmentation de capital de 13,2 milliards d'euros - équivalent à près de
la moitié de sa capitalisation boursière de juin 2007 -, afin de financer partiellement
l'acquisition qui se monte à 24 milliards. Le prix d’émission est fixé à 15 euros soit une décote
de plus de 40% par rapport au dernier cours de clôture. Le cours de bourse perd alors 10% en
2 jours, affichant un cours à 20,27 euros
A partir de fin 2007, la crise des subprimes et les perturbations de marché provoquent une
remise en question de la capacité de Fortis à financer l'acquisition de ABN Amro. Fortis doit
trouver 7 milliards d’euros pour clôturer le financement du rachat son ancien rival
néerlandais. L'action, passée de 30 euros en avril à moins de 20 euros en novembre 2007,
baisse régulièrement tandis que le marché s'interroge sur la solvabilité, la position de liquidité
L’action, malmenée depuis juin sur les Bourses d'Amsterdam et Bruxelles, sujette à des
rumeurs croissantes, est à nouveau attaquée en janvier 2008, comme la majorité des
« Bancaires », qui voient une désaffection grandissante des investisseurs. Le 21 janvier, le
cours passe sous les 15 euros le prix « sacrifié » accordé 4 mois plus tôt lors de
l’augmentation de capital. Un communiqué de presse, fortement recommandé par la CBFA,
est diffusé à nouveau pour rassurer les investisseurs sur la valorisation de l’exposition aux
subprimes, sur la solvabilité, sur les besoins en capitaux, et le plan de financement de
ABNAmro…
En avril 2008, lors de l’assemblée générale ordinaire, Fortis adopte la même stratégie de
communication que celle adoptée lors de la publication des résultats trimestriels en Novembre
2007 et lors du communiqué de presse de janvier 2008. Fortis rassure sur son exposition aux
Subprimes6, et assure que le groupe dispose d'une "base diversifiée de liquidités de plus de
300 milliards d'euros" et que sa solvabilité "est bien au-dessus du minimum" requis par la loi.
« Malgré les incertitudes qui ont caractérisé les marchés financiers mondiaux au cours du
second semestre 2007, nous avons bénéficié d’une solide base de financement, un facteur
essentiel pour maintenir notre saine position de liquidité.
…notre focalisation sur les fondements de nos métiers, associée à une politique de
désinvestissements sélective conforte notre confiance dans nos ratios de solvabilité et de
liquidité.
…L’année 2007 peut être qualifiée d’exceptionnelle, tant d’un point de vue stratégique,
qu’opérationnel. »7
Finalement en juin 2008, alors que l'action vaut 12,50 euros Fortis annonce une nouvelle
augmentation de capital de 1,5 milliards réservée à des investisseurs institutionnels, la
suppression du dividende intérimaire traditionnellement payé en septembre de chaque année
et le probable paiement d'un dividende en nature sous forme d'actions en 2009. Ces décisions
provoquent une levée de bouclier, et tandis que le cours tombe sous 10 euros Jean-Paul
Votron est remplacé par Herman Verwilst, un fidèle du groupe censé rétablir la confiance.
En septembre 2008, les effets de la crise des subprimes s'accentuent, ainsi que les défauts
bancaires. L’onde de choc, qui se propage à toutes les banques et compagnies d’assurance
Européennes, provient de la mise en faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers. La
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Portefeuille de crédits structurés évalué à 53 milliards d’Euros dont 10% liés à des crédits subprimes, soit
une dépréciation évaluée à 400 millions d’euros.
7
Extraits du rapport annuel 2007 de Fortis, message du Conseil d’Administration.
La méfiance s’étend désormais aux clients, qui procèdent à des retraits massifs. Plus de 8
milliards de retraits sont comptabilisés sur la seule première quinzaine de septembre.
Filip Dierckx succède alors à Herman Verwilst et Maurice Lippens, Président du Conseil
d’administration de Fortis Banque, démissionne, mais le groupe est en grave danger, le
marché des prêts interbancaires lui étant dorénavant fermé du fait du manque de confiance.
Vendredi 26 septembre 2008 après midi, la délégation de BNP Paribas est arrivée à Bruxelles.
La data room est mise à disposition afin que BNP Paribas puisse alors prendre position sur le
dossier Fortis.
***
1. Comment qualifiez-vous la situation ? Vous pouvez par exemple effectuer une analyse
en SWOT pour vous permettre d’évaluer la situation.
3. Et si oui, quels seraient les leviers permettant de réussir cette opération ? Identifiez les
risques liés à l’intégration, et les facteurs clé de réussite qui permettront de réussir
l’opération.
8
Cf. définition du Tier 1 annexe 3.3
BNP Paribas est un leader européen des services bancaires et financiers. Le Groupe possède
l’un des plus grands réseaux internationaux, avec une présence dans plus de 80 pays et plus de
170 000 collaborateurs, dont 130 000 en Europe. BNP Paribas détient des positions clés dans
ses trois domaines d’activité :
3.2. Historique
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Banque de financements et d’investissements (BFI)
Notations long-terme
Standard and Poors : AA+, perspective stable – notation réaffirmée le 1er juillet 2008
« Strong and highly diversified business profile; sound financial position, characterized by
contained risk, satisfactory profitability, adequate capitalization, and high financial
flexibility…»
Moody’s : Aa1, perspective stable – notation confirmée le 6 mars 2008
Fitch : AA, perspective stable – notation réaffirmée le 3 juillet 2008
« … grande diversification de ses revenus, une rentabilité très stable et de bon niveau, une
gestion des risques efficace, des ratios de solvabilité solides et de bonne qualité,…”
Tier One10
Un ratio Tier 1 de 7,6% qui, associé au profil de risque de BNP Paribas, assure un des
meilleurs niveaux de qualité de crédit du secteur.
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Le Tier one consiste en la partie jugée la plus solide (le noyau dur) des capitaux propres des institutions financières. Il rassemble
essentiellement le capital social, les résultats mis en réserve et les intérêts minoritaires dans les filiales consolidées moins les actions auto
détenues et le goodwill. La notion a été définie par les accords de Bâle I sans être modifiée substantiellement par Bâle II. Le ratio rapportant
le Tier 1 au total des actifs ajustés du risque est un indicateur largement utilisé par les régulateurs afin de mesurer le degré de capitalisation
des institutions financières ; le minimum requis selon les accords de Bâle I est de 4%. Dans la pratique, la plupart des banq ues visent au
moins 7 %.
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Les dérivés sur événement de crédit ou couvertures de défaillance ou en anglais Credit Default Swaps (CDS) sont des contrats de
protection financière entre acheteurs et vendeurs. Les primes de CDS varient ainsi en fonction de l'évolution de la perception de la qualité de
crédit de l'actif sous-jacent.
Source : Journée Investisseurs - 1er décembre 2009 – Plan industriel BNP Paribas Fortis
Fortis est un prestataire international de services financiers, actif dans les domaines de la
banque et de l’assurance.
Fortis est organisé à l’échelle mondiale, hors périmètre assurance, en quatre segments
subdivisés en secteurs d'activités ou segments :
Retail Banking
Asset Managament
Private Banking
Merchant Banking
Private Banking
Contribution en 2007: 6% du PNB,
8 % du résultat
Merchant Banking
Contribution en 2007: 45% du PNB,
-21% du résultat (Pertes : -395 M€)
the ABN AMRO Private Clients Business Unit (excluding Latin America)
the ABN AMRO Asset Management Business Unit
Business Unit Private Clients
The Business Unit Private Clients provides private banking services to wealthy individuals
and institutions with EUR 1 million or more in net assets to invest. In 2006, it employed a
staff of approximately 3,300 people, operating through 103 offices in 23 countries.
Business Unit Asset Management
The Business Unit Asset Management provides asset management services directly to
institutional clients (such as central banks, pension funds, insurance companies and leading
charities) and to private investors through ABN AMRO’s consumer and private banking arms
and through third-party distributors such as insurance companies and other banks. It employs
approximately 1,500 staff and operates in 26 countries worldwide.
Baudouin Prot est Le Directeur Général du groupe BNP Paribas depuis 2003.
Né en 1951, Baudouin Prot effectue ses études à HEC ; il est diplômé en 1972. Il intègre
ensuite l’ENA (Ecole Nationale d’Administration), et rejoindra les équipes de l’inspection
générale des finances.
Quatre ans plus tard, il rejoint le ministère de l’industrie en tant que chargé de mission à la
direction de l’énergie et des matières premières. Il intègre la BNP en 1983, alors que la
banque vient d’être nationalisée. Il sera à la tête du réseau de banque de détail de 1987 à 1996.
Il développera alors ces activités de BNP à l’international.
En 2003, il est nommé directeur général de BNP Paribas et succède donc à Michel Pébereau.
Il y fera preuve d’efficacité, notamment lors de la mise en place d’un plan financier pour
sauver Alstom mais également pour développer la banque à l’international. Il effectue ainsi
d’importantes acquisitions en Italie et également dans le reste de l’Europe et aux Etats-Unis.
En 2007, la Foreign Policy Association lui a décerné aux Etats-Unis le prix Responsabilité
sociale de l’entreprise. Baudouin Prot est également Chevalier de la Légion d’honneur ainsi
qu’officier de l’ordre national du Mérite.
Jean-Paul Votron est un homme d'affaires de nationalité belge né en 1950. Il est le CEO de
Fortis d'octobre 2004 au 11 juillet 2008.
De 1991 à 1997, il occupe diverses fonctions au sein de Citibank en Europe et aux États-Unis.
Entre 2002 à 2004, il occupe le poste de CEO Retail Bank pour l'Europe occidentale, l'Europe
centrale, la Russie, le Moyen-Orient et l'Afrique chez Citigroup.
En 2007, il mène avec Royal Bank of Scotland Group et Banco Santander le consortium pour
lancer une Offre publique d'achat sur ABN AMRO et démanteler cette dernière en partageant
ses actifs parmi les membres du consortium. Il s’enorgueillit de cette opération, propulsant
Fortis parmi les premières banques européennes.
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