Vous êtes sur la page 1sur 75

École Nationale supérieure d’architecture de Paris la Villette

Plages et esPaces Publics


les Villes balNÉaires comme iNcarNatioNs de la sociÉtÉ du diVertissemeNt.

mémoire de master en architecture


rédigé sous la direction de

Valérie JouVe
laurence Kimmel
stéphanie NaVa
marylène Negro
Hugues reiP

Par

laure JeaNdet
Février 2014

année universitaire 2013 - 2014


À ma famille et tout particulièrement mes parents qui m’ont soutenu
dans mes études.

À lorenzo, qui m’a permis de découvrir sa région et de partager sa


vision du monde.

un grand remerciement à l’équipe d’enseignants qui m’a encadrer


durant la rédaction de ce mémoire.

une pensée particulière pour Valerie Jouve qui m’a orienté durant le
l’élaboration du ilm, et pour laurence Kimmel qui a su m’orienter
dans mes lectures et me donner de précieux conseils.
6
table des matières

iNtroductioN 3

I/ LA PLAGE COMME ESPACE PUBLIC, INCARNATION D’UNE NOUVELLE SOCIÉTÉ 5

II/ ANALYSE URBAINE : L’EXEMPLE DE MILANO MARITTIMA 21

III/ ESTHÉTIQUE DE LA PLAGE EN HIVER 51

coNclusioN 65

bibliograPHie 67

icoNograPHie 68

FilmograPHie 69

1
2
iNtroductioN Quelle est l’esthétique de ces lieux, et quels sentiments procurent-elles ?
C’est donc sous trois angles, idéologique, urbanistique, puis esthétique, que
les villes de bords de mer et la plage qui les constituent, vont être analysées.
Le sujet de mon mémoire écrit a découlé du thème du court métrage
que j’ai réalisé dans le cadre du séminaire art, architecture et cinéma. Suite à
Les architectes et les urbanistes ont un rôle politique fort, car ils ont pour
l’année d’échange ERASMUS passée à Cesena, en Italie, je me suis intéressée
mission de donner formes aux espaces publics, utilisés par les citoyens. En les
tant aux espaces publiques que sont les bords de mer qu’au statut particulier
façonnant, ils façonnent également leurs modes de vie. C’est pourquoi dans
des villes qui constituent la Riviera Romagnola.
un premier temps il est important de revenir sur la notion d’espace public, de
Cette région est connue pour ses villes balnéaires touristiques. J’ai tout d’abord
comprendre son origine, comment il a évolué, quel comportement il induit, et
fréquenté ces espaces en période hivernale, durant la saison morte, quand les
vers quoi il tend actuellement, et particulièrement l’espace public de la plage.
villes sont abandonnées par les touristes. Certaines d’entre elles sont presque
totalement formées d’hôtels. Ce sont des villes fantômes et désertiques que
L’étude in-situ, l’analyse d’un cas, celui de la ville de Milano Marittima,
l’on traverse. Les villes et leurs activités semblent être «mises sur pause»
nous permettra de comprendre la politique urbaine de ce type de ville, ain de
jusqu’à l’arrivée des beaux jours.
mettre en évidence quels espaces sont produits, quel en sont les programmes,
quels sont les paysages qui la composent. Cette analyse urbaine a pour but de
Cette hibernation des villes durant une période de l’année m’a fortement
révéler les conséquences de l’urbanisme actuellement pratiqué dans les villes
interpellé. En tant qu’étudiante en architecture, je me suis demandée comment
touristiques balnéaires.
une ville pouvait passer d’un extrême à un autre en terme de fréquentation.
Comment les architectes et urbanistes ont-ils pensé la ville ? Avaient-ils pris
Ces lieux sont les hôtes d’univers opposés. La dualité de ces espaces m’a
en compte les conséquences d’une ville mono-programmatique ? Quel est le
semblé très intéressante d’un point de vue esthétique. A travers une histoire
rôle de l’espace public dans ces lieux, et particulièrement celui de la plage ?
de la représentation de la plage dans la peinture, puis à travers le cinéma et
Comment ces espaces sont-ils perçus, et quelle esthétique engendrent-ils ?
la photographie, j’ai voulu voir en quoi la plage est porteuse de symboles
L’hypothèse est que ces villes balnéaires, et leur urbanisme, sont des aperçus
et comment, à différentes époques, elle a été perçue par ses contemporains.
de ce que deviendront l’ensemble des villes. La plage et les villes de bords de
Après le point de vue du spécialiste, c’est celui de l’artiste, de l’habitant et du
mer seraient comme un microcosme révélateur de notre société.
promeneur qui m’intéressent, car inalement c’est celui qui concerne le plus
En quoi les villes balnéaires et la plage sont-ils l’incarnation de la société du
grand nombre.
spectacle ? En quoi l’architecture et l’urbanisme traduisent-ils cette idéologie,
comment les espaces sont-ils révélateurs de cette politique économique ?

3
comme un animal vieillissant dont la carapace s’épaissit, formant
autour de son corps une croûte imperméable qui ne permet plus à
l’épiderme de respirer et accélère ainsi le progrès de sa sénescence,
la plupart des pays européens laissent leurs côtes s’obstruer de villas,
d’hôtels et de casinos. au lieu que le littoral ébauche, comme autre-
fois, une image anticipée des solitudes océaniques, il devient une
sorte de front où les hommes mobilisent périodiquement toutes leurs
forces, pour donner l’assaut à une liberté dont ils démentent l’at-
trait par les conditions dans lesquels ils acceptent de se la ravir. les
plages, où la mer nous livrait les fruits d’une agitation millénaire,
étonnante galerie où la nature se classait toujours à l’avant-garde,
sous le piétinement des foules ne servent plus guère qu’à la disposi-
tion et à l’exposition des rebuts. Je préfère donc la montagne à la mer.

tristes tropiques
claude leVi-strauss

4
i/ la Plage comme esPace Public, iNcarNatioN d’uNe NouVelle sociÉtÉ

Définition de l’espace public 6

L’espace public Habermassien 6


L’espace public contemporain 7
Une société du temps libre 8

Moeurs et réglementation de l’espace public 10

Selon la législation 10
Selon les moeurs 11

L’espace public balnéaire 13

La plage : double de la ville ? 13


La plage : théâtre à ciel ouvert 15
Le corps comme parure 16

5
Définition de l’espace public De plus, l'évolution de la société à cette époque désacralise l'information,

L’espace public Habermassien auparavant propriété de l’Église et de la Royauté. D'après Habermas :

La plage est un espace public. Ain de comprendre sa singularité


« Quelles que soient les différences entre les sociétés de convives,
par rapport à cette notion, nous allons dans un premier temps déinir cette
les Salons et les cafés,[...] ne cessent néanmoins d'incarner une des
dernière. Tout d'abord à travers l'ouvrage de référence, écrit par le philosophe
aspirations à la discussion permanente entre personnes privées,
allemand, Habermas Jürgen, « L'espace public. Archéologie de la publicité
et ils offrent ainsi toute une série de critères institutionnels
comme dimension constitutive de la société bourgeoise », puis dans un second
communs »2
temps, grâce à l'ouvrage de Thierry Paquot «L'espace public ».

D'après Thierry Paquot qui dans son deuxième chapitre traite de cette notion,
« L’espace public est un terme polysémique qui désigne un
« l'espace public correspond à la publicité d'une conviction privée qui vient
espace à la fois métaphorique et matériel. Comme espace
alimenter le débat collectif et participer à l'élaboration d'une opinion publique
métaphorique, l’espace public est synonyme de sphère publique
»3. Mais, la sphère publique, qui caractérisait les espaces tels que les Salons et
ou du débat public. Comme espace matériel, les espaces publics
cafés, disparaît avec la « transformation des structures sociales »4. La sphère
correspondent tantôt à des espaces de rencontre et d’interaction
familiale ne joue plus un rôle dans l'éducation, elle perd « le pouvoir qu'elle
sociales, tantôt à des espaces géographiques ouverts au public,
avait de favoriser l'intériorisation de l'individu »5. La structure familiale n'a
1
tantôt à une catégorie d’action »
plus d'autorité, ainsi « ce sont des instances extérieures à la famille, c'est même
directement la société, qui prennent en charge, dans une proportion croissante,
Interrogeons-nous sur l'aspect métaphorique, à travers le livre
l'apprentissage de la vie en société qu'elles dispensent aux individus qui
d'Habermas. Il est le premier à utiliser l'expression « espace public » en 1962.
composent la famille »6. D'après Habermas, « l'effacement de la sphère privée
Habermas donne une déinition de l'espace public à travers l'évolution de la
et de la perte d'un accès assuré à la sphère publique sont à l'heure actuelle les
société bourgeoise. Nous nous intéresserons aux conditions de sa création.
En effet, au XVIIIème siècle, le développement de la sphère publique a été
favorisé par l’émergence de nouveaux médias et lieux, tels que les journaux, 2 Jürgen Habermas, l’espace public : archéologie de la publicité comme dimension
constitutive de la société bourgeoise, Payot, Paris, 1997, p 46
les salons et les cafés. Ces lieux sont propices à l'échange d'opinion car ils
3 hierry Paquot, l’espace public, la découverte, coll. « repères », 2009, p 32
font abstraction des conditions sociales, les personnes se sentent à égalité. 4 Jürgen Habermas, l’espace public : archéologie de la publicité comme dimension
constitutive de la société bourgeoise, Payot, Paris, 1997, p 164
5 idem.
6 Jürgen Habermas, l’espace public : archéologie de la publicité comme dimension
1 http://www.hypergeo.eu constitutive de la société bourgeoise, Payot, Paris, 1997, p 164
6
caractéristiques du mode de vie et de l'habitat urbain »7. De plus il afirme L’espace public contemporain
que «dans la mesure où la vie privée devient publique, la sphère publique
Étudions désormais l'aspect matériel. Thierry Paquot dans son
revêt elle-même certaines caractéristiques propres à la sphère d'intimité»8. La
ouvrage, parut en 2009, commence par une différenciation entre l' «espace
ville arbore donc certaines caractéristiques de la sphère intime. Les habitants
public» et «les espaces publics». Le premier étant un lieu du débat politique,
de la ville perdent toute intimité, leurs vies privées s'étalent dans la sphère
une confrontation des opinions privées, de la pratique démocratique et de la
publique qui devient par la même occasion une sphère privée. H.P Bahrdt
circulation de points de vue alors que le second sont des endroits accessibles
explique que :
au(x) public(s). L'aspect physique, urbain de l'espace public est plus
approfondi dans cet écrit.
« la corrélation qui liait la sphère privée à la sphère publique
n'existe plus. Elle n'a pas disparu parce que le citadin est en soi
En effet l'auteur retrace le lien entre «privé» et «public» au cours de l'histoire,
un homme de masse qui ne saurait donc plus comment entretenir
de l'antiquité grecque où le privé était l'espace de la pudeur de l'intime ;«Le
une sphère privé, mais parce qu'il est désormais impossible de
domaine privé contient une partie un peu moins privée, déjà publique en
considérer la vie toujours plus complexe des grandes villes comme
quelque sorte, qui sert à la réception.»10; au Moyen Age où le public et le
une vie publique. Plus la ville dans son ensemble se transforme
privé s'opposent, pour inir par l'époque moderne où «le « privé » ne se
en une jungle impénétrable et plus il se réfugie dans sa sphère
préoccupe que de l'individu »11. Par la suite, l'aspect urbain est analysé à
privée, laquelle ne cesse d'être démantelée, mais lui permet tout
travers les époques. L'espace public au Moyen Age étant un « espace de
de même de percevoir le déclin de la sphère publique urbaine, et
contact » puis à l' Ère classique un «espace de spectacle» qui devient un
d'abord à travers le fait que l'espace a été perverti en une surface
«espace de circulation » durant la période industrielle, pour devenir à notre
où règne de manière désordonnée une circulation tyrannique »9
époque «un espace de branchement ». Cette chronologie nous permet de
comprendre les évolutions des comportements et mœurs dans l'espace public
Par conséquent, la sphère publique est remplacée par le domaine pseudo-
ainsi que leurs nouvelles utilisations, qui se «précisent au fur et à mesure via
public de la consommation de la culture de masse que constituent les médias.
les agissements des résidents.»12 Ainsi, se sont les actions au sein de l'espace
Le débat devient en lui même un bien de consommation.
qui déterminent ce dernier. Le choix d'associer une action spéciique à un lieu
est donc un acte politique.

7 idem, p 165
8 idem, p 165 10 hierry Paquot, l’espace public, la découverte, coll. « repères », 2009, p 48
9 H.P bahrdt, « Von der romantischen grossstadtkritik zum urbanen städtebau » in 11 idem, p 57
schweizer monatshete, 1958, p.644sq. 12 idem, p 57
7
Comme le dit Henri Lefebvre, «l'espace est politique et idéologique. C'est En effet, avec l’apparition du travail comme activité principale et qualiiante
13
une représentation littéralement peuplée d'idéologie.» . On peut donc de la vie de l’homme la question du loisir et du temps libre est apparue et avec
conclure que les idéologies individuelles construisent l'espace, ce dernier elle la publicité et la culture de masse.
étant politique les comportements individuels le sont aussi.
« La désagréable vérité, c’est que la victoire que le monde
Francesco Masci, dans L'ordre règne à Berlin, révèle que l’espace public a moderne a remportée sur la nécessité est due à l’émancipation
perdu sa fonction politique et est devenu un «terrain d'essai » où l'homme du travail, c’est-à-dire au fait que l’animal laborans a eu le droit
moderne est en quête de son identité. Le citadin est à la recherche de sens. Si d’occuper le domaine public et que cependant, tant qu’il en
la théorie de Thierry Paquot est juste, on peut afirmer que la perte d'identité demeure propriétaire, il ne peut y avoir de vrai domaine public,
des citadins implique une perte d'identité des espaces. L'espace public tend à mais seulement des activités privées étalées au grand jour. Le
être dénué de sens. résultat est ce qu’on appelle par euphémisme culture de masse
(…). »14
Une société du temps libre
Dans son ouvrage , La mondialisation de la culture, Jean Pierre Warnier
Les différents questionnements soulevés par les précédentes lectures
rappelle que :
m’ont mené à lire «Condition de l’homme moderne » de Hannah Arendt.
Cette lecture éclairci les problématiques évoquées antérieurement. En effet,
« D'une manière générale, l'école de Francfort soulignait les cotés
H.Arendt décrit le processus qui a conduit l’homme moderne à la situation
négatifs de la modernité industrielle incapable de transmettre une
dans laquelle il se trouve actuellement.
culture atteignant les sujets dans leurs profondeurs, réduite au
Cet ouvrage permet de comprendre les mécanismes politiques et sociologiques
pastiche, à l'inauthenticité et à la standardisation supericielle.»15
qui ont fait basculer l’homme du stade homo faber à l’animal laborans. La
rélexion de l’auteur s’articule sur l’opposition de la vita activa et la vita
Les loisirs et les temps libres, dont les vacances font partie, ont désormais un
contemplativa. La notion de privé et public, notion d’appropriation d’un
rôle important dans notre culture.
espace, hautement politique, est au cœur du passage de l’état d’homo faber à
Il est important d'insister sur ce basculement dans la société moderne, qui a
animal laborans. L'évolution de l’homme qui pense et contemple, à l’homme
qui travaille a engendré une modiication de l’organisation du temps imparti
aux humains.
14 Hannah arendt, condition de l’homme moderne, agora, 2012, p184
15 Jean Pierre Warnier, la mondialisation de la culture, la découverte, coll. re-
13 Henri lefebvre, espace et politique, editions anthropos, coll. Points, 1972 pères,2008 , p14
8
entraîné la «société du spectacle » et le culte du temps libre et du divertissement.
C'est dans le but de comprendre ce changement que j’en suis venue à étudier
les lieux touristiques et tout particulièrement les plages.

Ces lectures mettent en évidence l’aspect politique de l’espace et la


perte de conscience des citoyens face à leurs rôles politiques, à travers la «
publicité » et les masses média.
La vision d’Habermas est très pessimiste. Il semblerait, selon lui, qu’il n’y ait
aucun moyen de retrouver « l’opinion publique », fruit du discours littéraire
de l’opinion privé. En effet selon lui la notion de politique telle qu’elle a
existé jusqu'à présent a disparu.
Thierry Paquot développe cette théorie en accentuant sur la notion de
représentation et de la prédominance des images. La société actuelle tend
à accepter toute information provenant des médias comme vraie. Tout
soulèvement contre eux devient, par un procédé d’assimilation, un événement
médiatique qui alimente la machine de la représentation.
Par conséquent, il est intéressant de s’interroger sur les comportements dans
l'espace public. Si les actes des citoyens déterminent l'espace, alors leurs
comportements et les mœurs, qui déterminent les relations sociales dans cet
espace, sont révélateur de la nature de l'espace. Étudier les mœurs dans les
espaces publics, et dans un second temps ceux caractéristiques des espaces
publiques du littoral. Ils nous permettront d'identiier les caractéristiques de
ce lieu ainsi que la « politique » urbaine liée.

9
Moeurs et réglementation de l’espace public Bien qu'il y ait eu évolution des mœurs les tribunaux ayant jugés des affaires

Selon la législation de monokini considèrent “qu'en France, dans l'état actuel de nos mœurs, le
spectacle d'une femme s'exhibant la poitrine entièrement nue dans les rues
L'espace public contemporain induit une attitude spéciique. L'homme
d'une ville, même à proximité d'une plage, est de nature à provoquer le
est dans un lieu «public», où ses actes et ses paroles sont aux regards de
scandale et à offenser la pudeur du plus grand nombre”.
ses semblables, son comportement est donc déterminé par le caractère de
Une nouvelle cour d'appel traduisant l'évolution des mœurs a jugé plus
l'espace. Le droit français ne reconnaît pas la notion d’« espace public » mais
récemment qu'il convient de relaxer la personne qui s'était mise nue pour
celle de « domaine public », ensemble très vaste recouvrant autant le mobilier
plonger dans un port au motif que “la simple nudité d'un individu sans attitude
que l’immobilier et dont l’État est propriétaire. L’article 714 du Code civil
provocante ou obscène ne sufit pas à constituer le délit d'outrage public à la
donne du « domaine public » cette déinition :
pudeur” (CA Douai, 28 sept. 1989 : JurisData n° 1989-052784).
La question reste sensible et ambiguë. Bien que les moeurs aient changé
Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage
et que les passants ne soient plus choqués par les femmes bronzant seins
est commun à tous. Des lois de police règlent la manière d’en
nus, leur présence en ville et la nudité en général, restent, d'un point de vue
jouir.
législatif répréhensible.

L'ordre public régit ainsi les lois qui ont pour ambition de changer les
Ces espaces ne sont pas uniquement soumis à un contrôle législatif mais
comportements. Les espaces publiques sont donc soumis à des lois qui
également à un contrôle culturel, par le biais de la morale.
induisent le comportement des gens, ces derniers ne devant pas aller à
l'encontre des bonnes mœurs.
« Pour la sociologie, la morale, c'est l'aspect normatif d'un
Prenons pas exemple, la nudité dans le domaine public. Même d'un point de
système de valeurs, lequel constitue la déinition fondamentale
vue juridique la limite entre le permis et le défendu, dans le domaine de la
d'une culture. Qui si l'on préfère, la morale représente l'ensemble
nudité, suit l'évolution des mœurs et la notion de pudeur.
des moyens psychologiques et institutionnels par lesquels sont
En effet pendant longtemps il a été certain que le fait de se montrer
assurés les comportements dont il importe qu'ils soient conformes
publiquement en état de nudité complète constituait l'outrage public à
aux valeurs d'une culture déterminée »16
la pudeur alors même qu'aucune idée lubrique ne guidait l'auteur du délit
(É. Garçon, op. cit., art. 330, n° 16).

16 la civilisation des loisirs. culture, morale économie, sociologie : une enquête


sur le monde de demain, dirigée par Jean Jacuqes schellens et serges godin, col. marabout
université, ed. gérard & co, 1967. p 12
10
La culture est, d'après Jean Pierre Warnier, «la boussole d'une société, adopte l'état d'esprit du «blasé », ce qui entraîne une glaciation des rapports
sans laquelle ses membres ne sauraient d'où ils viennent ni comment se humains. Les attaques continuelles des passants par d'éternels stimuli , la
comporter.»17. Les lois et la culture nous permettent donc de savoir, ce que présence de la foule, le contact visuel, pousse à l'individualisation. La masse
l'on peut ou ne peut pas faire dans la sphère publique, les convenances ain devient oppressante. Ain de ne pas se confondre totalement dans la foule,
d'interagir avec les individus, quelles attitudes adopter. l'individu cherche à se différencier, à en devenir étranger.
Par exemple, il est inconvenant dans la culture occidentale de cracher, alors
que dans la culture chinoise cet acte n'est en rien vulgaire. Néanmoins, «les « Les problèmes les plus profonds de la vie moderne prennent
révolutions industrielles successives ont doté les pays dits « développés » leur source dans la prétention de l’individu à afirmer l’autonomie
de machines à fabriquer des produits culturels et des moyen de diffusion et la spéciicité de son existence face aux excès de pouvoir de la
de grande puissance. Ces pays peuvent maintenant déverser partout dans le société, de l’héritage historique, de la culture et de la technique
monde, en masse , les éléments de leur propre culture et celles des autres. »18 venue de l’extérieur de la vie (...) »19
Ainsi, lors des Jeux Olympiques de 2008, les pékinois se sont vu retirer le
droit de cracher dans les lieux publics sous peine de se voir inliger une lourde Dans la sphère publique, le citadin cherche donc à se différencier de la masse
contravention. par une multitude de signes distinctifs, renseignant sur sa personnalité, ses
Selon les moeurs goûts, sa classe sociale. La tenue vestimentaire, le langage, qu’il soit oral ou
corporel, la fréquentation de certains lieux, sont des signes qui participent à
cette distinction, en tant que personnalité.
Les lois et la culture ne sont pas les seuls à régir les interactions
sociales des individus. La ville elle même induit un comportement. Simmel se La distraction est un autre moyen de survivre à la ville. L'étude des Passages
penche sur la transformation du lien social qui résulte des sociétés modernes. par Walter Benjamin souligne le coté récréatif de ces espaces. Ils offrent une
Il établit la relation entre l'échange monétaire et la monté de l'individualisme. pause, une alternative furtive à l'espace urbain. Les passages sont des simulacres
Il développe la théorie selon laquelle, la société moderne est dominée par de la rue. Dès le début du XX ème siècle, le citadin utilisait le divertissement
la «culture de l'argent » qui entraîne un processus d'égalisation des choses comme échappatoire à la réalité environnante, qui se traduisait par les
et des personnes, qui en réalité est un processus de dévalorisation de tout. panoramas,des dioramas, les passages. C'est donc bien une représentation du
De plus, l'homo-urbanus ain de se protéger des attaques de la ville moderne réel qui constitue l'alternative au réel. Le divertissement devient un espace réel

17 Jean Pierre Warnier, la mondialisation de la culture, la découverte, coll. «


repères »,2008, p5 19 g. simmel, « les grandes villes et la vie de l’esprit» in Philosophie de la modernité,
18 idem, p14 Payot, p. 169
11
ictif, on y retrouve les codes stylistiques de l'espace urbain mais sa facticité
rassure son usager. Le citadin adapte son comportement à ces lieux. Il devient
moins méiant, car tout est contre-fait, donc sous contrôle, il accepte ce qu'on
lui propose sans le remettre en question. On peut avancer l'hypothèse que la
facticité de ces lieux rend les utilisateurs « naïfs » ou du moins peu critiques.

Nous avons vu en quoi le comportement des individus dans un


espace donné est dicté par plusieurs facteurs: la loi, les mœurs et la culture et
inalement le caractère même du lieu.
La plage étant un espace public particulier, il induit obligatoirement un
comportement différent que celui adopté dans la sphère publique urbaine
classique. Nous allons voir en quoi le littoral, prédominé par l’activité
du divertissement, induit une attitude singulière, et quelles en sont les
conséquences.
1

2
12
L’espace public balnéaire système qui englobe tout. La société industrielle avancée rejoint
rapidement, avec ses activités et ses symboles, tous les conins
des territoires nationaux et transforme paradoxalement les aires
La juridiction française déinit le littoral comme faisant partie du marginales, déjà en opposition à la modernité oppressante, en
domaine public maritime. Tous comme les espaces publics « classiques », la aires symboliquement centrales, avancées, précurseurs de ce
plage et le littoral sont soumis à la même réglementation. que réservera le système sociale tous ceux qui partageront pas la
Cependant il est facile de constater que l'attitude des gens diffère qu'ils soient même logique et n’adhéreront pas à elle. »22
à la plage ou en ville. Cette zone de transition entre la terre et la mer, “peut
être vue comme la limite, construite en toute conscience, de la civilité […] Le système applique les mêmes principes en ville qu’à la plage. Le phénomène
où les conventions civiles communes viennent à se diminuer ou du moins d’appropriation évoqué précédemment, à travers le livre L’ordre règne à
sont en état du suspens”20. La encore les mœurs et la culture déterminent Berlin de Francesco Masci, est également en vigueur à la plage.
l'utilisation du lieu. Bien que cet espace nous semble naturel et donc soumis à d'autres règles que
Étudions en quoi celles-ci diffèrent-elles à la plage et pourquoi l'étude de ce celles appliquées au milieu urbain, il n'est en réalité qu'une construction, tout
lieu est intéressante ainde
de la
comprendre comme la ville. La plage est blanchie et nettoyée de ses algues, certaines sont
La plage : double ville? les mécanismes de notre société.
même totalement artiicielles.

« la plage est une table rase, une abstraction, une terre vide [...]
Comme le commente J-D Urbain, la plage n'est pas «un monde hors qui s'inscrit dans un programme symbolique d'extermination de la
du monde, mais la caricature du second, dont elle révèle au grand jours les sauvagerie ain que la plage soit ce désert idéal, cette scène vide,
obscénités occultes.»21 L'espace géographique est différent mais les Hommes, cette rive nue, à l'image du corps dévêtu : un site dès lors soustrait
restent les mêmes. Ils emportent avec eux, leur morale et leurs mœurs. à la nature comme à la culture, un théâtre suspendu pour un jeu
Les bords de mer étaient des lieux marginaux. Mais, de société lui-même détaché du monde et de ses contingences. »23

« rapidement, ce qui était externe est absorbé à l’intérieur d’un Cet espace anciennement sauvage, est devenu un lieu artiiciel, organisé par

20 Jean-didier urbain, sur la plage, Payot & rivages, coll. Petite bibliothèque Payot,
2007 22 asterio savelli, sociologia del turismo balneare, franco angeli, 2002
21 Jean-didier urbain, sur la plage, Payot & rivages, coll. Petite bibliothèque Payot, 23 Jean-didier urbain, sur la plage, Payot & rivages, coll. Petite bibliothèque Payot,
2007, p259 2007, p227
13
l'homme et pour l'homme. Sa fonction a changé. Ce n'est plus un lieu de d' ses règles et leurs transgressions, ses stratégies de coexistences et
« être », c'est devenu un lieu d' « avoir ». ses codes d'installation, ses partages et ses inégalités, ses alliances
Ce désir de foule et son détachement simultané nous rappelle les analyses de et ses affrontements, sa logique organisatrice et ses sentiments
Benjamin et Simmel évoquées précédemment. La métropole est l'espace du enin.
travail, la plage celui des vacances. Seule la fonction change. Les relations La plage est spectaculaire. Elle est un théâtre où la société se
sociales non. dévoile, se dénude (c'est le cas de le dire), mettant en évidence «
Ce lieu de villégiature devient un échappatoire à la réalité urbaine tout en la dimension affective et sensible des relations sociales » dans le
recréant les conditions sociales quotidiennes, tout de même quelque peu cadre d'une scénographie « qui stylise l'existence, en fait ressortir
modiiées. En effet, la caractéristique essentielle ». La plage avec ses rites et ses jeux,
propose une épure : une image hyper-réelle de la vie collective
Le “déplacement du concept de vacances comme évasion des (…). »25
habitudes de la régularité de la vie quotidienne au proit d’une
vision qui fait de l’expérience touristique un approfondissement Le champ lexical du théâtre est révélateur de la facticité de cet espace.
et une ampliication du monde de l’expérience habituelle des Il est une reproduction de la nature, il ressemble mais n'est pas. C'est une
personnes” aboutit à l’“émergence d’une vision polyédrique du exacerbation de la réalité urbaine qui est produite par celle de la plage. Une
touriste qui met en lumière la diversité culturelle et relationnelle exagération de la réalité. Un nouveau contexte qui ressemble au modèle, celui
de ce dernier et en conséquence la multiplicité des expériences de la ville, mais qui est différent par sa nature, sa fonction et ses mœurs.
24
qu’il requiert dans l’environnement des vacances.”
« la plage et les littoraux, justement parce que jusqu’à ce moment
La plage est le théâtre des interactions sociales. Comme le souligne Jean sont restés extérieur à toute logique du système, apparaissent
Didier Urbain, dans son livre «Sur la plage, mœurs et coutumes balnéaires » : comme l’espace idéal pour y concentrer les fonctions centrales
de ce complexe théâtral dans lequel est mis en scène le
« la plage apparaît à l'analyse comme un de ces lieux privilégiés «futur paradis », offert par le système lui même à ses propres
où la société se met en scène, avec ses rites et ses symboles, ses membres. »26
coutumes festives, et ses conventions, ses désirs et ses normes,

24 P. battilani, Vacanze di pochi, vacanze di tutti. l’evoluzione del turismo europeo , il 25 Jean-didier urbain, sur la plage, Payot & rivages, coll. Petite bibliothèque Payot,
mulino, coll. le vie della civiltà 2007, p 21
26 asterio savelli, sociologia del turismo balneare, franco angeli, 2002
14
La plage : théâtre à ciel ouvert joueur très près d'un « croire qu'il est ». »28

Le plagiste se prend donc à son propre jeu. Il devient un autre lui, un double
rêvé. Durant la période des vacances, il se détache de la réalité pour endosser
L'espace de la plage est un microcosme à l'intérieur duquel se rejouent
le costume de son lui magniié. Tous les acteurs vous le diront, le costume
les scènes d’interactions sociales entre ses occupants. La plage devient un «
joue un rôle primordial dans l'appropriation du personnage. Au Moyen-Age,
théâtre public de la vie privée ou désert privé à usage public »27
la fête de Carnaval consistait à une inversion des classes sociales par le biais
du travestissement. La question est donc la suivante: comment le plagiste
« Sur le sable de la plage, illuminée par le projecteur unique du
peut-il se déguiser alors que son seul vêtement est un maillot de bain, qui avec
soleil estival, la pièce peut donc commencer. Grégarité heureuse
le temps devient de plus en plus minimaliste ? En l’absence de vêtements,
et jalouse, jeunesse éternelle ou immaculée propreté, les valeurs
c'est le corps qui prend le relais.
incarnées par les tribus et les corps « costumés » s'animent à
présent, tous en quête de rôles prolongeant leurs images. Entre le
souci de soi et la présence de l'autre, il faut maintenant jouer le
jeu, c'est à dire, tout à la fois, se regrouper, car on joue ensemble,
et s'isoler, car on joue contre, face à face ou côte à côte. Le jeu et
la rencontre de l'individu et de la société. Il suppose des règles et
convoque des scènes et des scénarios types : des gestes d'acteurs,
des conventions théâtrales, des protocoles d'entrée et de sortie,
des ruses et des mystères. Bien souvent ces artiices de comédiens
font basculer le ludique dans le cérémoniel ou le simulacre dans
la simulation, tant il est vrai qu'ils confèrent aux comportements,
aux actes et aux déplacements de chacun, outre une ritualité, une
réelle solennité, voire une gravité. Un sérieux qui, sans lui faire
perdre la conscience complète de la réalité ordinaire, mène le

27 Jean-didier urbain, sur la plage, Payot & rivages, coll. Petite bibliothèque Payot,
2007, p 252 28 idem, p 404 - 405
15
Le corps comme parure proposant des produits toujours plus proche du naturel mais augmentant
toujours plus la facticité. Le corps devient un signe de reconnaissance social.
Comme le fait remarquer J-D Urbain :

« le corps balnéaire est un corps construit. C'est un signe


Avec la nouvelle société de consommation et le culte des vacances
spéciique. Sa nudité, on l'a vu, n'est pas un défaut de code. Elle
à la mer, est arrivé le culte du corps. Le corps devient le nouvel accessoire
est au contraire un fait de langage. C'est un message complexe.
permettant de supplanter la réalité. Les signes sociaux ne sont plus uniquement
Dans le cadre de cette communication, l'épilation, non pas simple
visibles à travers le langage ou les vêtements mais désormais aussi à travers
absence mais négation, n'est elle-même qu’un des éléments
son physique, son langage corporel, ses artiices. La plage est devenue le lieu
symboliques de cette rhétorique corporelle »30
où :

Par conséquent,
« Tous s'observent. Chacun déchiffre l'autre, le reconnaît,
commentant et jugeant le langage des corps, des gestes et des
« ce qui caractérise la société de plage contemporaine, c'est
objets. Ils circulent, s'échangent et se manipulent comme des
bien cette inversion, ce déplacement de l'ostentation vers la
signes. Cette communication, qui déinit une manière d'être
transparence, qui voit en quelque sorte le corps se substituer au
ensemble, est la vie sociale même. »29
social ( ou le sujet à ses attributs économiques) et être, en lieu et
place des « signes extérieurs de richesse », le premier des signes
Cette nouvelle société du dévêtu, a créé de nouveaux signes distinctifs
de valorisation et de reconnaissance. »31
permettant la communication, constituant à eux seuls la vie sociale. C'est à
travers ce langage corporel que se forment les interactions sociales, par le
En conclusion, les mœurs allégées dans les espaces balnéaires
biais de nouveaux symboles.
ont mené à une nudité du corps et à sa sexualisation. L’absence de signes
Le bronzage en est un, il peut être naturel ou factice. Les crèmes auto-
extérieurs distinctifs ont transformé le corps lui même en signe. Tout comme
bronzantes deviennent de nouvelles peaux, de véritables combinaisons. La
le lieu, l'utilisateur devient une construction ictive, une représentation.
gamme des produits de beautés de cesse de s'agrandir d'année en année,

30 idem, p 424
29 idem, p 382 31 idem, p 386
16
Encore une fois c'est l'image qui domine. La perte de rigueur des mœurs a
entraîné une supericialité des relations sociales. L'espace de la plage n'est
qu'une parenthèse dans la réalité où tout est, plus ou moins, permis. L'heure
est au divertissement.
« Ici on pratique aussi le zapping social. On peut aussi, par À travers ce cliché de Riccione, les thèmes évoqués précédemment
plaisir, non seulement changer de partenaire sexuel mais, plus transparaissent.
aisément encore et contrairement à la vie courante, d'amis, de La photo est constituée de cinq parties: le ciel occulté par la ligné d'hôtels,
connaissances, de voisins ou de copains, au ils des mésententes les parasols qui créent une délimitation entre le bâtit et la plage, les chaises
(en déplaçant sa tribu) ou, plus banalement et le plus souvent, au longues qui recouvrent presque entièrement la plage et inalement la mer, qui
rythme des départs et des arrivées qui scandent la démographie n'est qu'un angle en haut à droite.
intermittente de cette société mouvante, par ses mœurs et ses La progression se fait du bâtit vers le naturel, la photo s'épure dans un
valeurs qui, ici, au contraire, notamment à travers la tribalisation, mouvement de gauche à droite. Néanmoins la place anecdotique de la mer,
se reproduisent, se reconstituent ou se consolident. »32 révèle la prédominance de l'homme sur la nature. De plus, la hauteur du ciel à
l’extrémité droite de la photographie, est équivalente à la hauteur du premier
Massimo Vitali a étudié ces phénomènes à travers une série de hôtel. L'artiiciel domine le naturel.
photographies consacrées aux plages. Il commence cette série milieu des Comme le dit Massimo Vitali, « Sur les plages, certaines interactions sont plus
années 1990. Dans une interview donnée à Angela Madesani Massimo Vitali exposées, plus facile à voir, à recueillir. » Si l'on regarde en détail la photo,
présente ses photographies comme des recherches sociologiques. ce qui est possible grâce au très grand format de celle-ci, on peut observer de
petites scénettes sociales entre les vacanciers. Les touristes deviennent des
« Étant ethnologue, j’étudie la sociabilité humaine. Je m’intéresse acteurs, jouent la farce sociale mondialisée, la plage en est le décors, l'objectif
à l'observation et au voyeurisme. le spectateur.
Je suis fasciné par le fonctionnement de la vie, des dynamiques
sociales, des espaces, des interactions : toutes ces petites choses
qui n’intéressent personne. La photographie, en ce sens, devient On a vu précédemment que les actes des citoyens façonnent l'espace.
secondaire, (...). La photographie est pour moi un moyen de Les villes balnéaires sont en conséquent conditionnées par les plagistes. On
pouvoir regarder les gens. » pourrait donc avancer l'hypothèse que les villes balnéaires sont elles aussi des
simulacres, des royaumes du divertissement et de la représentation.
32 idem, p 443 Étudions l'exemple de la ville balnéaire Milano Maritima, construite ex-
17
18
19
3
nihilo, ain de voir en quoi sa forme urbaine serait stigmatisée par sa fonction
et ses usages.

20
ii/ aNalyse urbaiNe : l’exemPle de milaNo marittima

Histoire de la ville 23

Contextualisation 23
Création de la ville 24
Son développement 26

Analyse urbaine 31

Les réseaux 33
Milano Marittima : ville fragmentée? 35
Espace public 37

Parcours sensibles 39

La plage 39
Aménagements balnéaires 41
Les hôtels 43
Les rues commerçantes et le centre-ville 45
Les maisons résidentielles 47
Coupe du territoire 48
48
Synthèse
21
Trento

Aosta Trieste
Milano
Venezia
Torino

Ravenna
Bologna
Genova
Milano Marittima
San Marino

Firenze Ancona
Milano Marittima
Cervia

Perugia

L’Aquila

Roma

Campobasso

Bari
Napoli
Potenza

Cagliari

Catanzaro

Messina

Péninsule Italienne Province de RavennaS

Emilie Romagne Commune de Cervia

22
Nous avons vu en quoi la plage est un espace particulier se différen- Histoire de la ville
ciant des autres espaces publics, aussi bien par sa nature, que par les mœurs
Contextualisation
qu’elle induit. Ain de comprendre quels sont les mécanismes urbanistiques
liés au développement de villes touristiques balnéaires, nous allons étudier le
Milano Marittima est une fraction de la ville de Cervia, dans la pro-
cas de la ville de Milano Marittima, en Emilia Romagna, Italie.
vince de Ravenna en Emilia Romagna.
L’étude de cette ville, me semble d’autant plus pertinente, qu’elle constitue
l’un des nombreux lieux de tournages composant mon « ilm mémoire ».
Son emplacement stratégique au centre de la côte Adriatique et, plus préci-
Cette ville est ambivalente, élitiste et populaire en même temps. Les villas
sément dans le centre méridionale de la vallée du Pô, permet de rejoindre
et hôtels de luxes côtoient le gratte-ciel symbole du tourisme de masse, les
aisément les grandes villes adjacentes telles que Rimini, Ravenne, Bologne
« stars » se mélangent aux vacanciers.
ou Venise au nord.

L’hypothèse qui m’a poussée à analyser les espaces touristiques, que sont
Elle est l’une des destinations phares de l’Italie, notamment grâce à une large
les plages, est que ces lieux deviennent «l’espace symbolique dans lequel se
offre touriste, ses night-clubs, et ses infrastructures. C’est un lieu prisé par la
retrouve et se représente le système social tel qu’il est »1
jet-set italienne et les touristes fortunés de l’Europe de l’est.
Ainsi analyser ce microcosme et en comprendre ses mécaniques, c’est com-
prendre le fonctionnement de toute notre société. Par conséquent étudier
Elle est considérée dans toute l’Italie comme la capitale de la fête et du diver-
l’évolution de l’espace public dans les lieux touristiques balnéaires c’est en-
tissement.
trevoir ce à quoi aspire l’espace public de notre quotidien.

Nous allons dans un premier temps faire un bref historique de la création de la


ville, puis, par la suite, étudier les différentes cartes d’urbanisme et pour inir
analyser les paysages qui composent cette ville à travers plusieurs parcours
sensibles.

1 asterio savelli, sociologia del turismo balneare, franco angeli, 2002


23
Création de la ville
L’histoire de Milano Marittima est l’histoire non ordinaire de
l’extension urbaine d’une ville, Cervia, dessinée de toute pièce ain de
répondre aux attentes du tourisme balnéaire.
Entre le XIXème et XXème siècles les petites villes de la côte adriatique voient
leurs centres s’agrandir grâce au développement du tourisme balnéaire.
Cette expansion se fait de façon spontanée ou selon une planiication des
municipalités qui résulte très fragmentaire. En effet le développement urbain
suit la logique des intérêts des sociétés privés qui investissent dans les nouveaux
quartiers balnéaires. Les administrations sont sollicitées essentiellement dans
le traitement de la vente des terrains. Les rares initiatives publiques à valeur
sociale sont les réalisations de colonies de vacances, souhaitées par le régime
fasciste.
4. giuseppe Palanti en 1912. 5, 6. cartes postales représentant les villas dessi- Le développement touristique de la ville de Cervia semble arriver avec un
nées par giuseppe Palanti
certain retard en comparaison aux villes limitrophes.
Un groupe de bourgeois milanais acceptent le déi proposé par l’artiste
Giuseppe Palanti, celui de construire une ville idéale en bord de plage
consacrée à la villégiature, sur le modèle des cités jardins, théorisées par
l’anglais Hebenezer Howard.
En 1906, le Maire conie le projet de développement de la côte à ins touristiques
et signe une convention avec les milanais Giacomo et Pietro Maffei, auxquels
sont coniés les projets de construction de petites villégiatures individuelles
ou plurifamiliales sur le front de mer.
Le 14 août 1912 la Commune de Cervia donne à la société anonyme Milano
Marittima une vaste portion de plage au nord de la ville, pour développer son
projet. Naît ainsi une nouvelle localité côtière de villégiature, que Palanti
imagine comme une entité autonome, bien que connectée physiquement
7
24
à Cervia. Il dessinera le plan régulateur de la ville selon les principes, terrains cultivables ou constructibles. Une fois encore, la reconstruction se
réactualisés et adaptés au site, des « garden city » La bourgeoisie citadine fait sous initiatives privées.
de l’époque commence à s’intéresser aux questions politiques et culturelles Avec le boom économique d’après guerre et les nouvelles envies de cette
liées à la tutelle des biens environnementaux. jeune société de consommation, Milano Marittima devient moitié ville du
Après l’essor de la métropole et les critiques qui s’en suivent, la ville moderne tourisme d’élite, moitié ville du shopping et du temps libre.
étant jugée trop artiicielle et déshumanisée, le mythe de la ville campagne À partir des années 70, les administrations reprennent un rôle fondamental
commence à réunir des adeptes dans les sphères intellectuelles européennes. dans la gestion et planiication urbaine grâce à la création de normes nationales
Palanti cherche à créer une image urbaine actuelle et en symbiose avec la en terme d’urbanisme balnéaire, et peuvent ainsi redonner un caractère social
nature, une cité idéale dans laquelle l’homme et la nature peuvent vivre à la planiication territoriale.
ensemble en harmonie et équilibre.

« Dans ce sens , la référence aux cités jardins, bien que modiiée,


réinterprétée et pour certains aspects déconstruits, s’inscrit
parfaitement dans cette dialectique entre impulsion du contrôle et
célébration de la spontanéité que John Walton reconnaît comme
une des caractéristique des lieux de frontière entre terre et mer
destinés aux vacances balnéaires. »

Milano Marittima garde un caractère exclusif de « cité vacances », créée pour


une élite bourgeoise, jusqu’à la in de la deuxième guerre mondiale, étant
quasiment privée de population résidentielle.
La reconstruction d’après guerre, entraîne une saturation progressive des tissus
existants tous le long de la Riviera Romagnole. Les interventions rapides de
consolidations sont favorisées ainsi que la construction de nouvelles villes
côtières comme Lidi sud del Ravenatte. Cette densiication urbaine le long
de la côte est liée au lancement national d’une réforme agraire. Les habitants
des collines entament une migration vers la côte, les villes offrent de l’emploi
et transforment progressivement les espaces naturels, tels que la pinède, en
25
Son développement 1931 : Plan régulateur concernant uniquement le centre historique et le
quartier du port.
Le développement économique et la massiication du tourisme
Durant l’après guerre, l’activité touristique augmente considérablement
ont déclenché, dans la deuxième moitié du XXème siècle, une progressive
et beaucoup d’argent est investit dans les villes côtières. Cervia délaisse
expansion de la réalité urbaine du littoral, modiiant considérablement le
l’activité des salines et investit dans le développement des offres touristiques.
paysage. De nombreuses interventions ont mené à la substitution totales des
édiices provenant du plan initial.
1952 : Concours du nouveau plan régulateur
Nous allons étudier l’évolution urbaine de la ville. Cervia est le noyau sur
L’architecte Renzo Strumia gagne le concours. À travers son plan il doit
lequel s’est greffé la ville de Milano Marittima. Les facteurs qui ont permis la
prendre en compte et maîtriser l’évolution des campagnes ainsi que celui
naissance historique de la ville de Cervia sont les salines et la mer.
du centre historique, organiser l’expansion résidentielle et les infrastructures
liées au tourisme ainsi que prendre en compte le champ environnemental
En 1698, le centre de Ficocle, situé au cœur même des salines, est abandonné,
constitué par la mer, la plage, la pinède et les salines.
et la ville se reconstruit à la limite de ces dernières. (Figure 8 et 9)

1957 à 1960 : Création des plans déinissant les zones naturelles, les lignes
De 1820 à 1829, la ville progresse le long de la côte et investie les plages pour
d’infrastructures, les zones et futures zones de constructions. Le manque
des raisons économiques, telles que la pêche. (Figure 10 et 11)
d’analyse et de prévision en terme de développement ainsi que l’absence
de lois permettant la sauvegarde des territoires naturels et du tissu existant
1907 : Année durant laquelle l’administration concède à Giaccomo et Pietro
aboutit à la croissance exponentielle de la ville.
Maffei les terrains disposés entre la plage et la pinède pour y construire un
nouveau quartier balnéaire.
1974 : Plan régulateur de Giuseppe Campos Venuti. Il déinit les limites
précises des zones de développement urbain ainsi que les nouvelles aires
1912 : Réalisation du premier plan de Milano Marittima. (Figure 12)
d’expansions résidentielles, touristiques et industrielles. Il identiie clairement
Le premier quartier, réalisé au nord du port canal, présentait les caractéristiques
les espaces collectifs et propose de nouveaux espaces collectifs
de la ville construite ex-nihilo, adaptées aux logiques d’entreprises et
économiques. La création de Milano Marittima ralenti la croissance de Cervia,
liée à l’activité des salines, mais accélère le développement du tourisme.

26
1989 : Plan régulateur de Silvano Tintori. Pour la première fois, la planiication
ne se fait pas uniquement sous le regard du développement économique et
touristique de la ville marginalisant l’aspect environnemental et patrimonial.
Silvano Tintori cherche à réinscrire la ville dans son contexte territorial. Il
met l’accent sur les biens naturels, ain de recréer un lien entre la réalité
urbaine, qu’elle soit touristique ou historique, et le paysage environnant.

La ville de Cervia et son extension Milano Marittima, sa ville complémentaire,


sont deux villes créées de toute pièce. Elles sont nées par l’acte de création,
d’une volonté d’ordonnancer les lieux ain de leurs donner une identité. 8 9
Malgré le fait que les nouveaux marchés économiques ainsi que le tourisme
de masse aient modiié le dessin initial de la ville, on peut toujours percevoir
les hiérarchies et l’identité fondatrice de la ville.

10
8,9. images du
site dans lequel
sera construite
cervia Nouvelle
(1691-1697)

10,11. carte du
territoire de cer-
via (début du
xViiième siècle)

11

27
28
12
29
30
Analyses urbaines modes d’occupation du territoire et de la présence d’infrastructures comme le
train, les routes nationales et les autoroutes.
La vision depuis ces infrastructures fausse la perception et rend le territoire
homogène et compact.
En réalité, c’est une séquence d’éléments, de lieux périodiquement répétés
La rivière Adriatique s’est afirmée à partir des années soixante dans lesquels les rapports entre espace et société apparaissent complètement
comme le lieu emblématique d’un nouveau type de vacances, marqué par les redessinés et se trouvent “toujours dans un espace et toujours en dehors des
premières formes de tourisme de masse, et l’arrivée des touristes européens. lieux”. Ce lieu se distingue du reste du territoire par l’identité qu’il a dans
En réalité l’histoire du tourisme de la Rivierra peut être datée plus en amont, l’imaginaire collectif, comme celui d’un lieu dédié aux vacances, “assumant
dès les premiers établissements balnéaires qui font leur apparition à partir du le divertissement comme la dimension choisie, le temps privilégié de la vie”1
XIXeme siècle.
Nous allons étudier le cas de Milano Marittima, considérée comme une
Cette portion de la cote adriatique, connaît aujourd’hui une nouvelle période “metropoliviera”2 à utilisation saisonnière.
de transformation, après la crise de la dernière décennie, symboliquement A travers une analyse urbaine détaillée nous allons essayer de comprendre
représentée par la pollution et de la présence dans l’adriatique des bombes le fonctionnement de cette ville, quelles traces a-t-elle gardée de son plan
lâchées par les avions de retour de mission militaire. Les touristes ont changé, d’origine et vers quoi s’oriente-t-elle. Plusieurs parcours dans la ville nous
ainsi que les habitants. Ont également changé les modes de consommation du permettront, dans un second temps, de compléter l’analyse, ain d’appréhender
temps libre, avec l’apparition des discothèques et parcs à thème. cet espace d’un point de vue sensible et esthétique.
On trouve aussi les premières traces d’une nouvelle stratégie urbaine. Le
projet d’un système de transport public à échelle métropolitaine, parallèle
à la côte, qui relie les points du territoire côtier, représente un exemple des
premiers indices de l’existence d’un système urbain plus complexe et articulé
que la pure juxtaposition des diverses entités urbaines traditionnelles.

Toutefois, persiste l’idée d’un développement le long de la côte, articulé par


phases de densité et fonctions diverses, qui se succèdent. La présence de ces 1 A Banomi il distretto del piacere, ballati boringhieri, torino 2000, p,13
phases a évoluée dans le temps en relation avec la succession des différents
2 M Zardini , Nomare. Nascita e sviluppo della metropoliriviera, compositori, bolo-
gna, 2006
31
32
Les réseaux quantitative et qualitative des aménagements commerciaux de shopping,
restaurants, services hôteliers. Pensée comme une zone stratégique, à la
Les espaces ouverts et à usage public peuvent être considérés comme
rencontre de nœuds de circulation ,elle se présente comme un système de
les principaux éléments fondateurs de l’identité des villes de bord de mer.
rues et places piétonnes. Sa fréquentation est dépendante de celle de la plage.
Milano Marittima, concentrée entre la route nationale et la plage, offre des
En hiver elle s’anime quelque peu les ins de semaine.
situations répétées dont la coniguration est caractéristique.
La ville possède différents types d’espaces publics que sont les voies de
La rue résidentielle est l’une des situation plus caractéristique et répétée à
réseaux telles que la route d’infrastructure, les vides du centre historique, les
l’intérieur de la riviera romagnola. Elle prend la forme d’un axe parallèle à
passages commerciaux, les rues résidentielles.
la ligne de côte, qui coure tout son long, distribuant les édiices saisonniers,
résidences et services.
La route d’infrastructure correspond à ces situations où la route, espace public
par excellence, prend un rôle uniquement fonctionnel et voit l’annulation de
La ville balnéaire de Milano Marittima est donc desservie par deux types de
sa composante sociale. On parle de tracés à échelle territoriale, à usage rapide,
réseaux, ceux à échelle nationale et régionale et ceux à échelle de la ville et
qui ne rentrent en contact avec la ville qu’à de rares occasions.
du quartier.
La SS16 coupe tout le territoire régionale, et constitue une gaine. C’est un
En effet, le train et l’autoroute desservent la ville mais ne la connecte pas
belvédère offrant une vue sur la côte, et ses commerces qui se répartissent
au reste du territoire. Milano Marritima reste enclavée entre la structure
tous du long, ainsi qu’une corniche capable d’encadrer le paysage des salines.
ferroviaire et la plage.
Au sein de son territoire, la logique distributive est liée à la logique touristique
Le centre historique, et les espaces vides à usage public et collectif qui la
de la ville. Les axes principaux sont horizontaux et permettent d’accéder à la
composent, sont des expressions de l’identité fondatrice de la ville. Dans
plage, de desservir les hôtels et restaurants ainsi que les discothèques. Les
le cas de Cervia, le centre historique se présente comme une séquence de
axes verticaux sont rares, et ne franchissent que rarement les limites de l’axe
« pièces » ouvertes sur le port et liées aux cultures du sel et à la pêche.
ferroviaire et autoroutier.
Orthogonale part rapport au développement longitudinal de l’urbanisation
Ce manque de liaisons vers les villes de l’intérieur des terres ne permet pas
côtière, ce système d’architecture,espaces connectés, est composé par l’ordre
un fonctionnement hors période touristique de la ville. Elle est ainsi laissée à
antique de forteresse et celui traditionnel de la construction d’entrepôt.
l’abandon durant le reste de l’année.

La promenade commerciale se présente à l’intérieur de la ville balnéaire


comme un élément complémentaire de la plage, à travers une concentration

33
espaces agricoles

salines

bâtis résidentiels

activités touristiques

Parcs et espaces verts

espaces publics

Zones industrielles

colonies

ligne de chemin de fer

route nationale

34
Milano marittima : ville fragmentaire? Actuellement, la densité d’habitants des villes et localités balnéaires est très
variable durant l’année en fonction de la haute ou basse saison. Par exemple,
Tout comme les réseaux, le programme de la ville a été pensé dans le Cercia et Milano Marittima comptent 26 474 lits d’hôtels, 4 250 lits camping,
seul but balnéaire. L’expansion urbaine n’a pas été pensée en amont. 17 851 lits privés et 3 871 autres. Au total elles comptent 52 446 lits pour une
La carte ci-contre représente les fonctions des espaces constituant la ville de population permanente égale à 26 390.
Mialno Marittima et de sa compagne Cervia.
Il est frappant de voir à quel point la ville est constituée de zones distinctes,
caractérisées par leurs fonctions.
Milano Marittima est constituées de bandes fonctionnelles parallèles au bord
de mer.

La première est formée par la plage, cet espace public privatisé est dédiée
exclusivement au tourisme et activités balnéaires.
La strate successive est celle des activités touristiques, telles que les hôtels,
restaurants, bars, discothèques, colonies, villégiatures.
Passée cette muraille du divertissement on retrouve la zone résidentielle, à
l’ouest. À l’est un large parc subsiste.

Comme l’explicite Mirko Zardini, l’organisation programmatique en bande


fractionne non seulement le territoire mais également la répartition de la
population. Les visiteurs, tous comme les habitants, se regroupent autour
d’un service selon les moments de la journée. Ce zonning ne favorise pas
la transformation de la ville touristique en ville citadine. Il est en parti
responsable de sa désertiication durant l’hiver.
Une répartition plus aléatoire du programme permettrait de re-dynamiser la
ville et lui donner un caractère plus urbain.

35
36
Espace public En effet, le dernier type, est formé par les petites rues qui desservent les
activités hôtelières, les kiosques balnéaires, qui garantissent un accès direct
Le bord de mer est caractérisé par la présence balnéaire, sa particularité
à la plage. Ces rues résidentielles fragmentent le bord de mer et rompent la
est d’être en relation directe avec la plage et ses aménagements.
promenade.
Dans le cas de Milano Marritima il n’est pas possible d’identiier un bord de
mer unitaire, tant une série d’aires indéinies, périodiquement interrompues,
Les espaces verts sont eux aussi disséminés dans la ville, sans réels liens.
se succèdent. La cause de cette fragmentation est le processus complexe de
Bien qu’étant un des éléments fondateurs de la ville, ils sont aujourd’hui de
croissance de la ville. Dans le projet du peintre milanais, la relation entre mer
plus en plus anecdotiques. En effet, même si à première vue la ville nous
et ville devait être réglée par un système d’axe orthogonaux qui auraient du
semble très arborée, les espaces verts sont surtout privés (jardins, golfs). La
doter les espaces et édiices d’aires publiques en contact direct avec la plage.
pinède est toujours plus sujette à la privatisation, bien qu’elle soit protégée.
Le plan initial ne sera jamais terminé, ce qui explique la forme actuelle de la
ville. On peut identiier trois traitements différents de l’espace public.

Un premier que l’on pourrait déinir comme naturel, celui de la Ville de


Pinarella di Cervia, la pinède est aménagée et peut se parcourir à pied, c’est un
iltre entre la plage et la première ligne construite, constituée principalement
d’ hôtels et d’appartements saisonniers.

Un second constitué par la promenade de bord de mer. Dans ce cas l’espace


public prend des dimensions complexes mais simpliiées dans l’usage. La
section de la route est compartimentée et sont prévus de larges couloirs
réservés au parking, piétons et quelque fois aux cyclistes. La saisonnalité des
fonctions rend ces voies très embouteillées et utilisées en période touristique
et complètement désertes durant le reste de l’année.
Si jusqu’au port canal se retrouvent deux situations spatiales et morphologiques
déinies, différentes entre elles bien qu’en continuité, on ne peut pas dire la
même chose pour la partie de l’autre coté du port, ou prédomine un sentiment
d’incomplétude.

37
38
Parcours sensibles proposer des services à ces promeneurs du dimanche. Les kiosques bordant
toute la plage sont fermés et il faut parcourir de longues distances avant de
La plage
trouver un espace,en rentrant à l’intérieur de la ville, où se restaurer.
L’analyse historique et cartographique de la ville, nous a premis de
nous rendre compte que Milano Marittima s’organise en bandes parallèles
thématiques. Se succèdent la bande de la plage, celle des aménagements
balnéaires, des hôtels, les rues commerçantes et inalement les résidences
pavillonnaires balnéaires. A travers plusieurs parcours photos illustrant ces
différentes strates, nous allons décortiquer l’aménagement de la ville et sa
programmation.

Tout d’abord la plage. Elle constitue la ligne d’horizon de la ville, sa limite


physique. Elle correspond à l’espace public pur, durant l’hiver elle se dépeuple
et reprend sa nature sauvage. Durant cette période de l’année, on observe un
retour à une fonction primaire de cet espace. Comme au début du XIXème
siècle, la plage est le symbole de la symbiose avec la nature, un état sauvage,
elle reprend son caractère mystique. Les clichés pris durant cette promenade,
mettent en avant l’horizon. Cette limite entre la terre et le ciel n’est plus
obscurcie par les vacanciers et les chaises longues, les parasols et les pédalos.
Ce que l’on observe c’est le vide et les déchets de la mer échoués sur la plage.
On reprend conscience de la notion de frontière. Ces objets venus du large
nous rappelle l’existence d’un ailleurs. Les quelques âmes qui si trouvent y
viennent pratiquer la marche. Activité connue pour sa fonction méditative.
La plage devient un espace de rélexion de l’imaginaire mais également un
espace mortuaire.
La plage reste l’un des seuls endroit attractif des villes balnéaires durant
l’hiver. Néanmoins son accès reste dificile car coupé par la bande des
aménagements balnéaires qui, durant l’hiver, sont clos. Il serait intéressant de
39
40
Aménagements balnéaires
Les kiosques deviennent une forêt de fer et de plastique, emballés et
protégés, attendant de reprendre vie à la haute saison. Ces structures semblent
former un front défendant l’invasion des terres.
La question importante est celle de la pérennité de ces édiices, ils sont dans
une situation bâtarde entre le démontable et le construit. Les kiosques sont
trop complexes pour être démantelés et pas assez pensés pour être réutilisables
la période estivale passée.
La problématique de la pérennité est indispensable à développer dans ses
espaces qui devrait restituer les lieux après la saison d’été. Il est regrettable
qu’aucune installation ne prenne le chemin des structures légères et éphémères
qui pourraient être une alternative à la construction en béton, qui n’a pas lieu
d’être.
De plus ils s’implantent sur un espace public qui ne pourrait théoriquement
pas être construit.
La question législative reste délicate, les normes sont encore loues, et les
moyens de les transgresser assez simples.
Une nouvelle façon de penser la connexion entre la plage et la promenade
est essentielle ain que ce soit la nature qui colonise la ville et non l’inverse.

41
42
Les hôtels
La zone des hôtels est la seule zone d’activité économique en
basse saison. Les grandes infrastructures hôtelières requièrent énormément
d’entretien et de travaux durant la période hivernale.
La promenade de bord de mer et l’espace entre les kiosques et les hôtels
deviennent de grands chantiers. Bien qu’aménagés pour la promenade, le
parcours à la frontière entre la ville et la plage est délaissé. Zone de passage
et de transition durant l’été, il devient une véritable enclave durant l’hiver.
Les espaces semi-publics entre les kiosques sont fermés et ne permettent plus
la connexion entre les rues et la plage.
La promenade devient une interminable impasse, bordée de part et d’autres
par des édiices fermés.
La présence humaine y est très rare. Les ouvriers sont les seuls utilisateurs de
ces lieux. De nouveaux édiices voient le jours, ain d’alimenter l’engouement
des futurs touristes, avides de nouveautés.

43
44
Les rues commerçantes et le centre-ville
La zone commerçante du centre ville constituée par l’avenue
principale est quant à elle déserte. Quelques boutiques, de vêtements et
accessoires exclusivement, résistent tant bien que mal, mais l’activité y
semble extrêmement faible. Les discothèques et les bars sont fermés et la
ville reste éteinte quelque soit l’heure de la journée. Cette désertiication
réside dans le fait que la population permanente de Milano Marittima est
quasiment inexistante. La zone bâtie entre la première rangée d’hôtel et la
rue commerçante est constituée de divers types de construction, de la maison
individuelle, aux services touristiques tels que les restaurants et les bars, les
hôtels de grandes et petites ampleurs. Les espaces publics sont essentiellement
des parkings, vides à cette saison. La route n’est plus un espace de promenade,
souvent piéton durant l’été, mais uniquement un lieu de passage, de traversée.
Le centre ville ne propose pas de services qui permettraient de re-dynamiser la
ville durant la basse saison. L’absence de banque, poste, équipements publics,
primeurs, etc., est déinitivement l’une des entrave au développement de la
ville.

45
46
Les maisons résidentielles
Les maisons résidentielles, éparpillées entre la zone commerçante La grande question soulevé par cette analyse est celle du programme et de sa
et la bande exclusivement pavillonnaire en bordure de la forêt de pinède, mutabilité. Il est essentiel de repenser la connexion entre les villes balnéaires et
restent désespérément vides. Malgré la présence d’une école maternelle, la l’intérieur des terres. Le zonning actuellement appliqué à ces sites et la mono-
population ne s’implante pas dans la ville. activité entrave une activité durable, sur toute l’année. La requaliication des
Les styles architecturaux sont assez variés, allant des constructions classées, espaces publics est donc impérative si l’on veut voir une dynamisation de la
datant de la création de la ville et dessinée par G. Palanti, aux nouvelles ville. Les parcs et les places ne structurent pas les espaces environnants, ils
constructions rappelant les constructions balnéaires britanniques. servent uniquement de pauses dans le bâti.
Le caractère bucolique et romantique s’accentue en se rapprochant de la
pinède.
Là encore l’espace reste mono-fonctionnel et aucune mixité de programme
n’est présente.

47
Coupe du territoire

Synthèse
On se rend compte de la complexité du territoire. La ville est divisée en secteurs qui n’échangent pas. La liaison avec sa cousine Cervia est également dificile
qui ont du mal à communiquer entre eux. L’idéal de Palanti, celui de construire pour les piétons. Elles sont séparées par un canal et un seul pont les relie.
une ville à l’image des cités-jardin, à échelle humaine et en rapport avec la À échelle plus large, la ville de Cervia, celle de Milano Marittima,les terres
nature, a été progressivement oublié. Bien qu’il persiste les grands tracés du agricoles et les salines, semblent fonctionner en alternance sans liens entre
plan, les avenues et les rond-points, et quelques maisons initiales, les grands elles.
hôtels et autres constructions à in touristiques ont considérablement modiié La mono-programmation, et le fonctionnement saisonnier soulèvent
le paysage de la ville. Avec le temps, et les différents boom économiques et beaucoup de questions, primordiales pour des architectes et urbanistes, qui
touristiques, la ville s’est densiiée, mais elle est restée saisonnière. pourtant ne semblent pas avoir été prises en compte lors du développement
Les différentes strates qui la composent, la plage, les hôtels, la rue de la « metropoliviera ».
commerçante, les résidences et inalement la pinède et les salines de l’autre
coté de la ceinture ferroviaire, ne communiquent pas entre elles. En effet les questions de la connexion avec l’entre-terre restent sans réponses,
Milano Marittima est constituée de paysages mis les un à coté des autres mais la voie ferroviaire et la superstrada sont des scalpels qui coupent la rive de
48
l’intérieur des terres. Les passages permettant de franchir cette limite sont urbanistiques est le relet de la dynamique générale qui se produit dans
très ponctuels. La question de la temporalité n’a pas été anticipée dans la l’ensemble des villes.
réalisation architecturale. Les complexes hôteliers et les cabines de plages
sont à l’abandon pendant une longue période de l’année.

Il semble évident que, sur ce territoire où les quelques mois de la période


estivale touristique est sufisamment rentable pour se permettre de laisser la
ville mourir le reste de l’année, c’est l’économie qui façonne le visage de la
ville et non une rélexion urbanistique.

Il est important que les architectes et les urbanistes reprennent position dans
ces villes balnéaires. La dérive économique qui engendre des aberrations
49
ii

mélancolique mer que je ne connais pas,


tu vas m’envelopper dans ta brume légère ;
sur ton sable mouillé je marquerai mes pas,
et j’oublierai soudain et la ville et la terre.

o mer, ô tristes lots, saurez-vous, dans vos bruits,


Qui viendront expirer sur les sables sauvages,
bercer jusqu’à la mort mon cœur, et ses ennuis
Qui ne se plaisent plus qu’aux beautés des naufrages ?

les stances
JeaN moreas

50
iii/ estHÉtiQue de la Plage eN HiVer

La représentation de la mer à travers l’art 53

La plage comme symbole de la nature sauvage 53


La plage comme symbole du malaise social 55

La perception de la plage à travers le cinéma et la


photographie 57

La plage dans le cinéma fellinien 57


La plage et la mélancolie 59
Les fantômes du désert rouge 61

Méthodologie de tournage 62

Les intentions 62
Le tournage 62
Le montage 63

51
13 14

15 16
52
La représentation de la mer à travers l’art « Ici elle exprime le plaisir physique, sensoriels, mais aussi
psychique et relationnel,qui semble impliquer et absorber tous
La naissance des villes balnéaires et des villégiatures est un fait
les sens et les sentiments de l’observateur, lequel, de plus, se sent
marquant pour la société de la révolution industrielle. Les nouveaux thèmes
en communion avec les personnages représentés, presque comme
que sont les vacances, les loisirs et les divertissements vont devenir des sujets
s’il rentrait lui aussi dans le tableau»1
d’études de nombreux peintres connus, jusqu’à devenir un thème classique,
comme celui des baigneuses.
Renoir entame une rélexion sur les lieux d’amusements, sur la vie frénétique
Nous allons étudier brièvement l’évolution du thème de la mer et des
des habitants de la ville. En 1918, il reprend la igure des Baigneuses, (Figure
baigneuses dans l’histoire de l’art, ain de comprendre les changements de
14). Les corps des femmes se confondent à la nature, elles sont en totale
perceptions de ce lieu et comment cette vision est retranscrit graphiquement.
immersion. Les corps sont charnus et dévêtus. Les lieux de baignades, et la
La plage comme symbole de la nature sauvage plage, sont assimilés à des lieux de nature totale, où les contraintes tombent.
La naissance des lieux de villégiatures balnéaires est liée à Les corps ne sont plus normés, et façonnés par des corsets comme en ville, ils
l’industrialisation de la ville. En effet, la vie quotidienne devenant de plus en retrouvent une liberté, un certain retour au sauvage.
plus urbanisée et mécanisée, un certain nombre de personnes, appartenant à la
bourgeoisie, ont cherché à se détacher de la métropole et de sa vie aliénante. Seurat étudie également le thème de la Baignade à travers le tableau, Une
La plage, espace de in du monde, privée de toute réglementation, à l’époque, baignade à Asnières (Figure 15). Le tableau représente une scène de temps
va incarner la nature à l’état sauvage. La plage est la frontière vers l’autre libre collectif durant laquelle les personnages semblent ne rien partager
monde, ces terres fantastiques que l’on ne connaît pas. Elle devient le lieu de les uns avec les autres si ce n’est cette condition d’isolement. Il représente
l’imaginaire et de la contemplation, une passerelle vers l’au delà. les moments de temps libre comme des individualités collectives. Les
personnages forment un groupe à première vue, mais en réalité aucun ne
Dans Impression soleil levant, (Figure 13), Monet représente la mer de façon communique avec les autres.
abstraite. Ce tableau qui donnera son nom au mouvement impressionniste
dans, Les grandes baigneuses (Figure 16), de Paul Cezanne, la fonction
représente bien cette idée d’ailleurs. Les contours des bateaux ne sont pas très
sociale des bains est explicitée à travers l’organisation du tableau. Deux
bien déinis, ils se mêlent au ciel et à l’eau, ils semblent former qu’une seule
groupes de femmes, symétriquement réparties d’un coté et de l’autre de l’axe
étendue. Tous semble légèrement lou. Le tableau n’est pas un instantané,
vertical du tableau, convergent en un triangle qui contient toutes les igures
mais plutôt une pause longue, comme si le peintre nous transcrivait un une
image des heures de contemplations, plusieurs visions du même lieu qui
s’entrecroisent. 1 asterio savelli, sociologia del turismo balneare , ed Franco angeli, 2010; p29
53
17 18

19 20
54
humaines. Les personnages sont regroupés comme dans un théâtre, encadrés « La plage est désormais seulement la scène d’un jeu social, qui
par les arbres. La nature semble être un décors plat, accueillant la scène jouée ne conçoit plus de voir la nature ».
par les baigneuses.
La nature comme décors va être approfondie dans les œuvres des années
« le corps féminin, déshumanisé, restitué sous la forme d’un pur 30, dans Femme assise sur la plage (Figure 19), la rive devient « l’espace
volume, se pli docilement et construit l’espace, il s’adapte au d’un jeu social codiié, l’occasion plus pure et totalisante pour exprimer la
mouvement des arbres, se contorsionne, se cajole, tout tendu a nouvelle condition humaine. »
exhiber sa substance matérielle » lapenta 2003.
Cette nouvelle condition humaine est traduite par la forme géométrique de la
Après cette première période durant laquelle la plage et les bains sont femme. Ce n’est plus un corps charnu et sensuel, mais un corps anguleux et
considérés comme des lieux naturels, opposés à la ville dans sa forme et sa formel qui est représenté.
fonction, une rupture s’opère dans la perception de ces lieux. L’oeuvre de
Munch, constitue une rupture d’harmonie déinitive en totale opposition avec Comme l’explique Asterio Savelli,
la fonction que le littoral avait eu à assumer depuis l’œuvre de Botticelli,
quatre siècles auparavant. « Dans l’ouvre de Guttuso, intérieur et extérieur, privé et public,
latent et manifeste s’entremêlent dans la dimension de masse,
La plage comme symbole du malaise social celle de La spiaggia [Figure 20] (1955), qui semble devenir le
En 1893, Le cri (Figure 17) offre une vision nouvelle des lieux lieu absolu, non plus opposé à la mer de la ligne du littoral et non
balnéaires. Le personnage est le symbole de l’aliénation et de la tourmente. plus distinct des espaces sociaux publics, de la scène et de l’arrière
Le manque de sens, le thème de la mort ne sont plus seulement liés à la vie scène théorisé par Erving Goffman : comme cela le devient dans
métropolitaine mais également au bord de mer. La nouvelle société, fruit de la ville, ces espaces désormais coïncident, et sont absorbés dans
la révolution industrielle, ne laisse aucune voie d’issue à l’individu. La mer une scène absolue, où le sujet joue contemporainement des rôles,
devient le symbole de ce que l’homme fuit. Sur les côtes, se projettent la divers mais confus, d’observateur observé dans son observation
vacuité de l’humanité, le vide et la terreur. des autres qui sont dans le fond pareil que lui. »2

La plage est désormais associée aux libertés du travail et des moeurs.


Picasso quant à lui, représente la plage comme un lieu de construction sociale.
Dans Deux femmes courant sur la plage (Figure 18), 1922, la plage devient
une construction formelle, scène de théâtre. 2 asterio savelli, sociologia del turismo balneare, ed Franco angeli, 2010; p40

55
Panoramique de droite à gauche, partant de la plage vers le ponton où se trouvent les per-
sonnages. suivis de plans rapprochés de chaque personnage. la dolce Vita
Panoramique de la gauche du ponton encadrant les personnages vers la droite les ilmant en
train de sauter sur la plage et s'éloigner.

arrivée du chien qui les amène derrière les baraquements de la plage et fait se rencontrer
augusto et sa sœur qui revoit son amant marié.

la strada

56
La perception de la plage à travers le cinéma et la Par la suite, les jeunes hommes viennent durant l’hiver méditer sur le ponton de
photographie la plage de Rimini. Ils observent le large et pensent à leurs avenirs incertains.
La vacuité de leur vie vient s’ancrer dans celle de la plage. Le retour à la
Nous avons vu comment la perception de la plage a évolué au cours normale, au quotidien est marqué par la in du silence et le mouvement de
des époques à travers sa représentation picturale. Nous allons nous intéresser caméra de la mer vers la ville.
désormais aux villes balnéaires et aux plages en hiver, à travers la photographie La dernière scène de mer est celle où Fausto, pris par l’angoisse, cherche sa
et le cinéma. femme et sa ille qui ont disparu, sur la promenade du bord de mer.
La plage dans le cinéma fellinien
La Stada commence et se termine par une scène sur la plage. La première
Fellini, dans ses ilms, utilise la mer comme un personnage. Il révèle durant laquelle la mère de Gelsomina vend sa ille à Zampano. Ce lieu
aux Cahiers du Cinéma : représente alors la rupture, la douleur. Le ilm se clos sur la plage, de nuit ,
où est venue s’échouer Zampano après avoir appris la mort de Gelsomina. La
encore, la plage représente la douleur, la mort et la mélancolie. L’homme étant
“Je cherchais des modèles illustres, comme Leopardi, pour
venu dans ce lieu pour rechercher le fantôme de Gelsomina, son souvenir.
justiier cette crainte du maillot, cette incapacité à prendre du bon
temps comme les autres qui allaient barboter dans l’eau (c’est
La scène inale de La Dolce Vita (1960) se ini également en bord de mer.
peut-être pour cette raison que la mer a pour moi un tel charme,
Après la in de la fête, Marcello se retrouve sur la plage à l’aube. Son amertume
comme d’une chose jamais conquise : l’endroit d’où viennent les
envers sa perte de morale s’incarne à travers l’étrange animal marin, cette
monstres et les fantômes).”
raie géante morte. Au même instant la jeune ille, symbolisant la candeur,
La rêverie Fellinienne naît sur les plages d’hiver de Rimini. Le réalisateur essaye de se faire entendre du protagoniste. La mer et la plage représente la
n’utilise pas la plage et la mer pour leurs uniques fonctions illustratives, s’en perte de naïveté, la dégradation de la morale et la dépravation de la nouvelle
servant de paysage, la mer a toujours un rôle symbolique et narratif. génération. Il représente le passage d’un monde à un autre. Le montre passant
de la sphère aquatique à celle terrestre, le monde de la nuit à celui du jours,
Dans les Vitelloni, (1953) la présence de la mer vient à plusieurs reprises. celui du travail représentés par les pêcheurs, à celui du divertissement.
La première fois la mer est le lieu de la transgression, le lieu où les mœurs La encore Fellini s’appuie sur la vision traditionnelle de la plage comme lieu
perdent leurs rigidités. C’est là que le comédien entraîne l’un des personnages, de frontière.
Leopoldo, durant la nuit, sous le vent et les vagues, pour le séduire.

57
21

22
58
Bien que dans le Satyricon de Fellini, le poète Eumolpo afirme que « la un sentiment d’attente, d’hibernation. Ce sont les traces de l’été durant l’hiver,
mer est bonne », dans les ilms de Fellini elle ne fait jamais référence à un les souvenirs d’une époque révolue. Ces lieux sont porteurs de mélancolie par
moment festif ou heureux. Elle est toujours représentative de la douleur, leurs contrastes avec la réalité hivernale. Tout semble être «mis sur pause».
d’une désillusion, de rêves perdus ou pervertis, de mort, comme le montrent
les funérailles dans E la nave va. Le photographe Luigi Ghirri traduit parfaitement cette attente, ce malaise
latent, de ce lieu de vie qui retient son soufle.
Luigi Ghirri aimait convoquer cette scène du ilm de Fellini dans laquelle Le tourniquet est immobile (Figure 21), perdu dans le vide de la plage. Il
« un homme marche le long d’une route, au bord de la mer, une femme est est le symbole du temps qui passe, de la roue qui tourne. Il est à l’arrêt. Le
en train d’étendre du linge en fredonnant une chanson. En arrière-plan, des temps hivernale est une période durant laquelle le lieu créé une dimension
enfants jouent sur une esplanade et, un peu plus loin, un chapiteau de cirque surnaturelle, comme un monde parallèle à celui qui lui ai familièrement
et un manège ». Commentant ce photogramme de la Strada, il écrivait : associé, celui de l’été. On se prend à imaginer des utilisateurs, des personnages
qui rentreraient dans le cadre de la photographie pour animer l’objet. Le seul
« C’est toute une façon nouvelle de pénétrer le paysage qui personnage qui pourrait insufler un soufle de vie à ce mécanisme est le
m’a été révélée, de par ce spectacle si familier, sans emphase ni personnage de la nature, s’incarnant dans la igure du vent ; le grincement du
rhétorique, cet impact si doux. » tourniquet comme râle de réanimation.

La plage et la mélancolie Ces aménagements à l’abandon sont source de mélancolie, qui est au Moyen
Dans son Bulletin des navigateurs, Luigi Ghirri parle du paysage Age était associée à la mer. C’est en littérature le « sentiment d’une tristesse
marin comme d’une vision qui lui «devient familière, scène idéale pour le jeu vague et douce, dans laquelle on se complaît, et qui favorise la rêverie
de la vie, qui se déroule sur une toile de fond apparemment ixe et immuable ». désenchantée et la méditation (thème poétique et littéraire cher aux pré-
Il réduit les formes et les couleurs à l’essentiel. Les plages abandonnées romantiques et aux romantiques) », d’après la déinition du CNRTL.
par les vacanciers retrouvent calme et sérénité. Baignées dans une lumière La photo suivante de Luigi Ghirri représente également un jeu d’enfant (Figure
blanchâtre, elles ont un côté irréel, mélancolique. 22). Cette structure qui normalement est en mouvement, reste ixe. Dans ce
cliché il y a néanmoins une présence humaine, mais qui reste anecdotique.
Les aménagements balnéaires, que sont les bars, les kiosques de locations de Le personnage à droite est ridiculement petit. Il semble être ajouté, être en
chaises longues, les parcs d’attractions, sont fermés durant la basse saison. En suspend. La différence d’échelle accentue l’écart qu’il y a entre la structure
théorie ils devraient être démontés et retirés durant l’hiver. Dans les faits, ils et le personnage. La distance qui les sépare représente la durée de la saison
restent présent, simplement démantelés et emballés. Ces structures renvoient hivernale.
59
il deserto rosso, antonioni, 1964

60
Les fantômes du désert rouge

Il deserto rosso est un ilm d’ Antonioni réalisé en 1964. Le personnage


principale, Giuliana, cherche durant tout le ilm à échapper à sa névrose.
Elle représente l’incapacité à s’adapter à la vie moderne. Il est important de
préciser que le réalisateur ne voit rien de négatif dans la modernité.

« Avec leur puissance, leur étrange beauté et leur côté sordide,


les machines ont un impact énorme dans ce ilm, elle prennent
la place du paysage naturel. Mais les machines ne sont pas la
cause de la crise, de l’angoisse dont on parle depuis des années.
Nous ne devons pas avoir la nostalgie d’époque plus primitives
en pensant qu’elles offraient à l’homme un cadre plus naturel.
L’homme doit adapter les machines, leur donner une dimension
humaine, et non tenter de nier le progrès technologique »

Le ilm se déroule dans la ville industrialisée de Ravenne. Il traite des sujets


de la mort, des fantômes, et de la trace. Le sujet de la mort est introduit par la
tentative de suicide de Giuliana. Lors de la scène à la plage, elle paraît rejouer
son faux accident en fonçant en voiture jusque devant la mer. La tentative de
suicide de Giuliana appartient ainsi au présent, non au passé. La plage est le
lieu où les souvenirs refont surface. Durant ce passage, les personnages sont
des ombres à travers la brume. L’espace ilmique est rendu irréaliste et, de ce
fait, les personnages sont transformés en des sortes de fantômes errant entre
mer, neige et fumée.

61
Méthodologie de tournage Le tournage
Les intentions
Dans un premier temps, il y a un an de cela, j’ai commencé a ilmer
Les recherches exposées précédemment m’ont permises de façonner ces villes de bords de mer, Rimini, Riccione, Milano Marittima, Cesenatico,
mon ilm, aussi bien dans le fond que dans la forme. Nous allons voir durant l’hiver.
comment. Baignée par les ilms du cinéma italien des années soixante, j’ai voulu ilmer
Ce n’est pas directement que je me suis intéressée aux espaces balnéaires. C’est ces lieux, ces villes, ces plages comme des personnages. J’ai pris le parti
sous l’angle de l’espace public que j’ai abordé ce sujet. Depuis longtemps les de réaliser quasiment que des plans ixes. Cette ixité de l’image renforce
lieux abandonnés et en marges m’intéressent, car avec eux se pose la question l’absence de mouvements à l’écran. C’est une ville fantôme que j’ai voulu
du rôle de l’espace public. Ce sont des espaces n’appartenant à personne et à représenter, vide d’âmes humaines, comme un lieu pots-apocalyptique. De
tout le monde en même temps. Ils n’ont plus de fonctions prédéinies, ce sont l’humain il ne reste que la trace de ses constructions.
les occupants qui leurs en donne une. L’acte politique de ré-appropriation Les baraquements de la plage nous rappellent un passé lointain, un ailleurs.
d’un lieu par un groupe de personnes m’a amené à explorer la zone balnéaire À l’intérieur de la ville c’est également des fantômes que je traquais, des
de la Riviera Romagnola. formes, des ombres.

Par la suite je me suis rendu compte, que ce qui m’intéressait réellement ce L’activité estivale est tellement caractéristique de ces lieux qu’il m’était
n’était pas quels types de détournements pouvaient être effectués dans ces impossible de ne pas la représenter. L’été fait parti du présent de l’hiver. On ne
lieux, mais bel et bien l’acte en soit, comme revendication politique. peut se balader sur la plage, sans avoir des lashs, des réminiscences de scènes
Cet acte, c’est également celui de l’architecte, de l’urbaniste, qui projettent estivales. Notre esprit anime ces lieux par des visions d’une autre saison.
des espaces publics, des places, des parcs et donnent un rôle et un sens aux
espaces. Durant l’été qui a suivi, j’ai donc été capturer la vie des plagistes. Je suis
retournée sur les lieux que j’avais ilmés pendant l’hiver. Les plans sont
Les villes touristiques balnéaires qui constituent la Riviera Romagnola sont très clos et denses. J’ai cherché à représenter l’étouffement et la foule par
pour la plus grande part désertées durant la période hivernal. Ce n’est plus des cadrages serrés et ne laissant pas d’échappatoires. Les scènes qui ont
un simple terrain qui est livré à soi-même mais une ville entière. Or, aucun attirées mon attention étaient celles reproduisant des actes privés dans un
changement de la politique urbaine ne semble advenir. Le programme reste espace public. Les thématiques du décor et du théâtre ont été traitées par
désespérément mono-fonctionnel. Les villes saisonnières, et les espaces l’aplatissement des plans dans une même image.
publics de moins en moins qualiiées.
62
Le montage

Est arrivé le moment du montage. La cohabitation des deux périodes


n’était pas facile. J’ai commencé par la partie estivale. Durant cette période
les lieux de villégiatures incarnent un idéal, celui du fare niente. Ces espaces
sont voués au tourisme et à la consommation. Ces villes sont les archétypes
de la politique du divertissement, l’idéologie de la consommation et du loisir.
C’est donc une critique de cet idéal du divertissement que j’ai essayé
d’amorcer. La musique est commerciale et le rythme est soutenu. On se trouve
emporté dans une cadence, les images se succèdent rapidement, on a du mal à
réellement percevoir l’action. Le moment de fête sur la plage est l’apogée de
cette société de consommation et du loisir, que Pasolini a longtemps décriée.

Vient l’hiver. Les plans sont longs et blancs en contraste avec la multiplicité
de couleurs de la partie estivale. Ils sont appuyés, pouvant quelques fois
aller jusqu’à l’ennui. Une fois le décors planté, l’ambiance de ville fantôme
façonnée, surgissent les revenants. Ces lashs-back renforcent le contraste
entre les deux réalités de ces lieux, et nous rappellent les thèmes du souvenir
et de la mélancolie. La plage devient un lieu irréel où les rêves s’incarnent
dans la réalité.

La troisième partie est introduite par le thème du ilm I Vitelloni de Fellini,


composé par Nino Rotta. Le travelling en voiture nous sort de la rêverie. On
parcourt les différentes strates qui composent la ville. Le paysage construit
est à l’abandon, les hôtels sont en ruines, la pinède est ravagée. La présence
de la neige, phénomène très rare sur les côtes, annonce ce retour à la nature,
qui clôture le ilm.

63
64
coNclusioN conscients de l’absurdité de la société du spectacle, nous acceptons d’être
les acteurs de la farce et, en même temps cherchons à percer le décor, et à
retrouver la véracité de la nature, incarné par la mer.
L’hypothèse que les villes touristiques sont le relet de la société de
spectacle et de consommation a été vériiée par cette recherche.
Le présupposé que les lieux balnéaires soient un aperçu de ce que deviendra
La plage est un théâtre où notre société se libère de ses mœurs, et se met à nue
la ville en général, ne peut pas être validé avec certitude, néanmoins plusieurs
pour jouer sa comédie, ou plutôt sa tragédie. à travers l’étude de l’évolution
arguments vont dans ce sens. Le livre, Le ParK, de Bruce Begout est une
de notre société, par le bais des écrits de Hannah Arendt, Guy Debord ou
vision extrême de ce que pourrait devenir notre société, l’architecte en étant
encore Francesco Masci, nous avons pu comprendre le passage d’une société
le concepteur ou du moins un des responsables. Plus proche de nous, des
basée sur l’« être » à celle du « paraître ». La société n’est plus réglée par
villes comme Las Vegas, Miami ou encore Dubai sont des exemples de l’idéal
l’activité mais par la passivité, c’est à dire par le temps des loisirs et de la
architectural et urbain actuel. Dans ces villes l’espace public est soumis à un
consommation. Ce changement a inévitablement modiié le visage des villes.
contrôle permanent et n’est plus à la disposition des citoyens, et au contraire,
Les passe-temps et le divertissement sont les moteurs de développement des
ce sont eux qui doivent s’adapter aux espaces.
villes. Ce phénomène est d’autant plus lisible dans les villes touristiques.
L’analyse urbaine de Milano Marittima nous a permis d’établir un état des
Il est impossible de nier la culpabilité des architectes et des urbanistes dans
lieux, de mettre en évidence les conséquences d’une politique sous-tendue par
cette dérive du monumental et du factice, et la perte qualitative des espaces
le divertissement et l’éphémère. On s’est rendu compte que cette ville n’est
publics, bien que ce ne sont évidemment pas les seuls acteurs, et que la
pas une ville a proprement parler, mais juste une juxtaposition de différents
politique économique mondiale en est la principale responsable. Néanmoins,
types architecturaux soumis à la déesse du spectacle. Le tissu est fractionné et
il est primordiale que les questions du rôle politique de l’architecte et son
sans réel sens, ce n’est qu’un décor, des images faisant illusion.
impact sur la société soient remises à l’ordre du jour, aussi bien dans la
L’analyse esthétique nous permet, quant à elle, d’étudier l’impact de ces
pratique mais surtout dans l’enseignement de l’architecture et de l’urbanisme.
images. L’évolution de la représentation de la mer à travers la peinture
moderne aide à la compréhension de l’état actuel des choses. Les cinéastes tels
que Fellini, Antonioni et Pasolini ont été les premiers à voir ce que cette jeune
société d’après guerre, produisait comme mode de vie, idéologie et comme
espaces. La mer est associée à l’errance et à la mélancolie. Il semblerait que
le malaise que notre société produit vient s’incarner sur les plages. La plage
dans sa dualité saisonnière représente la dualité de notre société. Bien que

65
66
bibliographie

- JürgeN Habermas, l’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Payot, Paris, 1997

- tHierry PaQuot, l’espace public, la découverte, coll. « repères », 2009

- H.P baHrdt, « Von der romantischen grossstadtkritik zum urbanen städtebau » in schweizer monatshete, 1958

- HeNri leFebVre, espace et politique, editions anthropos, coll. Points, 1972

- HaNNaH areNdt, condition de l’homme moderne, agora, 2012

- FraNcesco masci, l’ordre règne à berlin, allia,2013

- bruce bÉgout, Zeropolis, allia, 2002

- bruce bÉgout, le parK, allia, 2010

- JeaN Pierre WarNier, la mondialisation de la culture, la découverte, coll. repères, 2008

- JeaN JacQues scHelleNs et serges godiN, la civilisation des loisirs. culture, morale économie, sociologie : une enquête sur le monde de demain,
col. marabout université, ed. gérard & co, 1967

- g. simmel, « les grandes villes et la vie de l’esprit» in Philosophie de la modernité, Payot

- JeaN-didier urbaiN, sur la plage, Payot & rivages, coll. Petite bibliothèque Payot, 2007

- asterio saVelli, sociologia del turismo balneare, franco angeli, 2002

- orioli ValeNtiNa (a cura), milano marittima, 100 paesaggi e architetture per il turismo balneare, mondadori bruno, 2012

- P. battilaNi, Vacanze di pochi, vacanze di tutti. l’evoluzione del turismo europeo, il mulino, coll. le vie della civiltà, 2009

- a baNomi, il distretto del piacere, ballati boringhieri, torino 2000


- m ZardiNi , Nomare. Nascita e sviluppo della metropoliriviera, compositori, bologna, 2006
- marc augÉ, Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, la librairie du xxe siècle, seuil
- « Propos de Federico Fellini »,cahiers du cinéma,n° 474, décembre 1993, p. 56, 57.

67
iconographie

1. Felix VallottoN, sur la Plage, 1899, huile sur carton, 42cm x 48 cm, collection privée, Fondation Felix Valloton, lausanne.

2. carte postale, touquet Paris plage, source : http://www.cparama.com/forum/le-touquet-t3930.html

3. massimo Vitali, riccione (diptych), 2002, lithography, 83.19 cm x 104.14 cm

4. giuseppe Palanti en 1912,portrait de emilio sommariva, biblioteca Nazionale braidense, milano

5, 6, 7 carte postale de milano marittima, source : http://scoprirete.bibliotecheromagna.it/sebinaopac/sebinayou.do

8, 9, 10 source : reti idrograiche e strutture urbane : i bacini luviali della romagna nel sistema insediativo : contributi e linee di indagine delle dinami
che evolutive per una eicace mitigazione del rischio idrogeologico, maria giulia marziliano; Piero secondini, Firenze, alinea, 2008.
11, 12 idem

13. claude moNet, impression soleil levant, 1872, Huile sur toile, 48 cm × 63 cm, musée marmottan monet, Paris, France

14. Pierre-auguste reNoir, les baigneuses, Vers 1918-1919, Huile sur toile,110 cm x 160 cm, musée d’orsay

15. georges seurat, une baignade à asnières, 1884,Huile sur toile, 201 cm × 300 cm, National gallery londres

16. Paul cÉZaNNe, les grandes baigneuses, 1898-1905, Huile sur toile, 210cm x 251 cm, Philadelphia museum of art

17. edVard muNcH, le cri, 1893, tempera, Peinture à l’huile, Pastel, 91 cm x 74 cm ,musée munch, Nasjonalgalleriet

18. Pablo Picasso, deux femmes courant sur la plage ou la course, 1922, gouache sur contreplaqué ,32,5 cm x 41,1 cm, musée Picasso Paris

19. Pablo Picasso, Femme assise sur la plage, 10 février 1937. Huile, fusain, et pastel sur toile, lyon musée des beaux-arts

20. reNato guttuso, la spiaggia, 1955-1956, Huile sur toile, 301 cm x 452 cm, galeria Nazionale Parma

21. luigi gHirri, Photo, lido di spina, 1973

22. luigi gHirri, Photo, Plage de ravenne, 1972

68
Filmographie

Federico FelliNi, i Vitelloni, 1953

Federico FelliNi, la strada, 1954

Federico FelliNi, la dolce vita, 1960

Federico FelliNi, otto e mezzo, 1963

Federico FelliNi, amarcord, 1973

Federico FelliNi, e la nave va, 1983

micHelaNgelo aNtoNioNi, il grido, 1957

micHelaNgelo aNtoNioNi, il deserto rosso, 1964

Pier Paolo PasoliNi, mamma roma, 1962

Pier Paolo PasoliNi, la ricotta, 1963

JeN luc godard, alphaville, une étrange aventure, 1965

69

Vous aimerez peut-être aussi