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aux Roumains de la Transylvanie qui prétendent en former la

population autochtone. Comme l'hypothése que précisément les


documents concernant les Roumains aient été détruits depuis,
n'est guére vraisemblable, il ne nous reste qu'une seule solution:
les chartes rédigées á cette époque sont en quantité minimé sim-
plement parce que le peuple roumain est arrivé dans les terri-
toires en question relativement tard et par des petits groupes
épars ce qui n'est guére en contradiction avec le nomadisme an-
cestral des Roumains, Ce n'est qu'au XIV e siécle qu'une migra-
tion plus sérieuse se dirigea vers la Hongrie du cőté des Bal-
kans, et il s'en suivit naturellement que les chartes se rappor-
tant aux Roumains augmentérent en proportion avec le nombre
des nouveaux-venus.
Pour terminer, nous tenons á donner quelques précisions sur
les collaborateurs gráce auxquelles ce livre a pu naitre. M. An-
toine Fekete-Nagy, privat-docent á l'Université de Budapest, a
écrít le deuxiéme chapitre de l'Introduction. De mérne s'est-il
chargé de la collection des chartes inédites qu'il a annotées et
mises en état de publication. Avec la collaboration de MM.
Ladislas Gáldi et Ladislas Makkai il a aussi entrepris la grandé
táche de dresser un index général de notre recueil. M. Ladislas
Makkai, professeur á l'Institut Scientifique de Transylvanie (Ko-
lozsvár) est l'auteur du premier chapitre de l'Introduction et il
s'est chargé de tout ce qui se rapporte á la publication des char-
tes déjá éditées. M, Ladislas Gáldi, professeur suppléant á l'Uni-
versité de Budapest, a composé le 3-éme et 4-éme chapitres de
l'Introduction, Avec l'assistance de MM. Paul Rónai et Etienne
Lelkes,- professeurs de lycée, il s'est occupé aussi des traductions
et a prété son concours aux travaux de la rédactíon propre-
ment dite.

Budapest, Janvier 1941.


Dr. Eméric Lukinich
professeur á l'Université de Budapest,
INTRODUCTION

I.
Les enseignements des „Documenta Valachica"

Le peuple et la langue roumains naquirent dans la Péninsule


des Balkans; le premier se constitua de pátres romanisés, la
seconde de la langue latiné vulgaire parlée par eux, langue im-
prégnée de balkanismes et qui dévait subir plus tard de fortes
influences albanaise, slave et turque. 1 C'est un fait reconnu par
tous les savants. Du point de vue scientifique, une seule ques-
tion importante reste ouverte, celle de la date á laquelle les
Roumains avaient pénétré dans le territoire de la Hongrie.
Ne disposant pas de la collection compléte des chartes re-
latives á ce probléme et ignorant les vrais rapports qui existent
entre elles, les historiens hongrois eux aussi vacillaient longtemps
dans leurs opinions, certains d entre eux allant jusqu'á admet-
tre que des Roumains eussent habité sporadiquement, déjá á
la fin du Xe siécle, dans les montagnes transylvaines. 2 Aujourd'hui,
en connaissance du développement de la colonisation en Tran-
sylvanie et en vertu des résultats acquís par les nouvelles re-
cherches toponymiques, 3 nous pouvons affirmer avec certitude
qu'il est erroné de parler de la présence d'une population rou-
maine en Hongrie avant la fin du XII e siécle.
Deux faits nous autorisent particuliérement á fairé cette
constatation. L'un, c'est que pendant que des centaines de char-
tes signalent la présence des Hongrois et celle des Saxons en

1
Voir Louis Tamás: Rómaiak, románok és oláhok Dacia Trajánában.
(Romains, Romans, Roumains dans l'histoire de la Dacia Trajane). Budapest,
1935. (paru aussi dans AECO. I—II.)
2
Cf. Tamás: o. c. p. 218.
3
Voir particuliérement Etienne Kniezsa: Ungarns Völkerschaften im
XI. Jahrhundert (mit Kartenbeilage). AECO. 1938. p. 241 et suiv.
Transylvanie, seules 17 chartes authentiques y mentionnent des
Roumains au XIII e siécle, Dans ce nombre ne sont pas comprises
les chartes qui ne font que répéter les mémes données, Jusqu'á
1283 il n'y est pas question de colonisation roumaine. Quant
aux premieres données provenant de 1223, 1224, 1250 et de
1252, elles constatent, sans exception, la présence des colons
roumains dans le mérne terrítoire déterminé, d'une étendue li-
mitée, á savoir dans le coín Nord-Ouest du comitat de Fogaras,
Ce n'est qu'en 1247 que des Roumains apparaissent aussi dans
une autre région de la Hongrie. 4 Le deuxiéme fait d'ímpor-
tance capitale, c'est que selon le témoignage des documents
authentiques de l'époque, une population roumaine fort nom-
breuse vivait, au XII e siécle, en Serbie et en Bulgarie. Aux
XII e , XIII e , et XIV e siécles les princes serbes édictérent nom-
breuses chartes relatives aux pátres roumains de Serbie, mais
dés le début du XV e siécle les documents ne font plus mention
d'eux. 3 En Bulgarie l'élément roumain jouait, au XII e siécle, un
róle tellement ímportant que l'on désignait l'État de Bulgarie
recréé du nom de ,,Bulgaria et Vlachia"; la premiére dynastie
était d'origine roumaine, et le plus grand roi, Ionitza que les
Grecs appelaíent Kalojoannes (de 1197 á 1207), se faisait donner
le titre de roi des Bulgares et des „Vlachs". Cependant, sous le
régne de ses descendants, on ne se servait plus du second terme:
le pays et la dynastie prirent tous deux un caractére exclusive-
ment bulgare. La population roumaine de la Bulgarie disparut
complétement. 6 Est-íl permis de voir dans ce fait le phénoméne
d'une simple absorption? Mais comment expliquer alors le main-
tien des Roumains jusqu'au XII e siécle parmí les Serbes et les
Bulgares avec lesquels ils avaient vécu en communauté dés le
VII e siécle et leur survivance jusqu'á nos jours en Transylvanie,
au milíeu des Hongrois? Comment expliquer ces deux faits si
l'on admet que deux ou troís siécles auraient suffi pour que les
Roumains de Serbie et ceux de Bulgarie fussent absorbés par
les peuples au sein desquels ils vivaient? II ne s'agit pas dans
ce cas d'absorption, mais de Tévacuation d'un terrítoire, de l'émi-
gration de toute une population. La langue, la culture et les

4
Voir notre Collectíon de Chartes aux années correspondantes,
5
Silviu Dragomír; Vlahii din Serbia. Anuarul Instit, de Istorie Na{. Cluj.
I. 1922. p. 279 et suiv.
6
Voir C. C. Giurescu: lstoria Románilor. Bucure?ti, 1935, I. p, 296 et suiv.
institutions des Roumains qui habitent au Nord du Danube, con-
courent á appuyer cette thése.
On ne peut indiquer avec une entiére certitude la cause de
cette émigration de grandé envergure dans la direction de la
Hongrie, mais on ne risque pas de se tromper en cherchant
ses motifs dans le grand soulévement des Bulgares et des Rou-
mains, en 1185, contre l'empereur byzantin. Les guerres qui
durérent dix ans, troublaient les Balkans. 7 Elles paralysaient
surtout la vie pastorale qui était la principale occupation des
Roumains. Tout autre était la situation en Hongrie. La paix
régnait dans les montagnes de la frontiére. Ces circonstances fa-
vorables expliquent le commencement de l'émigration. Les cau-
ses qui lui donnérent un caractére régulier et eurent pour résul-
tat le déplacement de la majorité des Roumains balkaniques,
nécessitent un examen plus approfondí. II est certain qu'on les
trouve dans les conditions de vie trés favorables de la Hongrie
et dans les priviléges que les rois de Hongrie ne tardérent pas
á accorder aux nouveaux venus.

La vie pastorale des Roumains.


Le développement de la colonisation roumaine en Hongrie
nous apparaitrait comme une série d'événements incompréhensí-
bles et troubles si nous ne connaissions pas la maniére de vivre
des Roumains. Dans la Péninsule des Balkans, déjá aux XI e et
XII e siécles, on appelait ,,vlach" tous ceux qui menaient la vie
des pátres nomades. 8 C'est ainsi que le nom d'un peuple finit
par désigner une profession. Cette habitude se retrouva aussi en
Hongrie oü on rencontre en 1483 un „Gyenge Johannes wolahus
seu pastor", 9 pátre ayant un nom purement hongrois et mentionné
dans le comitat de Pest oú il n'y a jamais eu de population rou-
maine. Un historien hongrois, M. Etienne Szabó a démontré d'une
fa<;on convaincante que la grandé majorité des „possessiones
valachales" mentionnées, au XIII e siécle, dans le comitat d'Ugo-
csa, se constituait d'éléments ethniques ruthénes qui n'étaient
dénommés ,.roumains" qu'á cause de leur profession. 10 Ces con-
sidérations non seulement nous préviennent d'admettre á la

7
Voir la note précédente.
8
Cf. Tamás: o. c. p. 47.
9
Ibid.
10
Etienne Szabó: Ugocsa megye (Le comitat d'Ugocsa). Budapest,
1937. p. 193.

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