Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
n I ) ' EN TR E v E R N ES
https://archive.org/details/analysesemiotiquOOOOgrou
ANALYSE SEMIOTIQUE
DES TEXTES
© Presses Universitaires de Lyon, 1984 (4eme édition)
86, rue Pasteur — 69007 LYON
Groupe d’Entrevernes
ANALYSE SÉMIOTIQUE
DES TEXTES
Introduction
Théorie - Pratique
4ème édition
ISBN : 2-7297-00374
SOMMAIRE
Préliminaires. 7
5
Conclusion 192
Bibliographie. 20/
6
0. PRÉLIMINAIRES
7
0.2. Principes et postulats
8
0.3. Des niveaux d’analyse
9
Une telle présentation, rapide et allusive, de l’organisation
sémiotique pourra sembler pédante et compliquée. Elle risque
même d’effrayer le lecteur. Si nous tenons à l’indiquer dès les
préliminaires à cette introduction, c’est surtout parce qu’elle se
trouve à l’arrière-plan de tout le travail qui suit.
En effet, dans un premier temps, — A. Structures de surface
—, nous examinerons l’aménagement du premier niveau : une
première partie sera consacrée à l’analyse narrative et une
seconde partie à l’examen de la composante discursive.
Dans un second temps, nous ferons porter le travail sur l’orga¬
nisation des structures profondes, — B. Structures profondes —.
Enfin nous chercherons le plus possible à mettre en pratique ce
que nous aurons élaboré théoriquement. C’est pourquoi deux tex¬
tes seront analysés :
— Le premier, extrait des « Lettres de mon moulin »
d’Alphonse Daudet, s’intitule « La légende de l’homme à la cer¬
velle d’or ». L’analyse de ce texte (qu’on trouvera en annexe à la
fin de ce livre) accompagnera et illustrera la construction de la
théorie sémiotique : non seulement des exemples seront pris dans
ce texte pour illustrer les données théoriques mais après chaque
phase importante, une description pratique sera faite (cf. chapi¬
tres 7, 11 et 16).
— Le second, extrait du livre de la « Genèse » est le récit célè¬
bre de la « construction de la tour de Babel ». Venant après la
présentation des rudiments de l’analyse sémiotique, cet exemple
voudrait montrer comment se mène une pratique d’analyse et
comment se construit, pour un texte, une représentation du fonc¬
tionnement de sa signification.
10
A. LES STRUCTURES DE SURFACE
PREMIÈRE PARTIE
LA COMPOSANTE NARRATIVE
Dans les pages qui précèdent, nous avons indiqué les diverses
composantes d’un texte. A chacune correspond un niveau de des¬
cription de la signification : des éléments caractéristiques (perti¬
nents) et des procédures particulières pour reconnaître et repré¬
senter ces éléments et leur organisation. Nous commençons par
présenter la composante narrative du discours.
1.1. La narrativité
Nous avons vu dans les préliminaires que le sens est fondé sur
la différence : il y a du sens lorsqu’il y a de la différence.
L’analyse sémiotique des textes est donc, au fond, une reconnais¬
sance et une description de la différence dans les textes. Mais où
reconnaître de la différence, et entre quels éléments ?
Lorsqu’on décrit la composante narrative du discours, on choi¬
sit de ne décrire que les différences qui apparaissent dans la suc¬
cession du texte (par opposition aux différences qui apparaissent
dans les comparaisons statiques). Si dans un récit, par exemple,
nous suivons l’évolution d’un personnage, elle apparaît comme la
succession d’états différents de ce personnage.
13
C’est le cas de l’homme à la cervelle d’or, riche et menant la
vie, puis n’ayant plus d’or et mourant. La signification du récit
est un effet de la différence entre ces états successifs du person¬
nage.
14
1.2.1. SUJET ET OBJET
1.2.2. LA TRANSFORMATION
15
Nous développerons, dans le chapitre 2, les possibilités de com¬
binaison entre ces formes de transformations.
Pour l’analyse, tous les énoncés du faire doivent être classés en
énoncés de conjonction et en énoncés de disjonction.
16
réalise : on l’appelle aussi sujet du faire. La relation du sujet
opérateur avec le faire définit l’énoncé du faire.
Compte tenu de ceci, la formule générale de la transformation
narrative s’écrit :
F (S) => [(S v O) -* (S a O)]
Les différents rôles actantiels que nous avons déjà mis en place
correspondent à des positions différentes dans cette formule
générale.
1.3.2. LA COMPÉTENCE
17
lités du faire : pouvoir-faire, vouloir-faire, etc.). Ces deux types
d’objets correspondent à deux types de transformations : la
performance principale transforme la relation du sujet d’état à
Vobjet-valeur, et la performance modale (ou encore performance
de qualification) transforme la relation d’un sujet à
Vobjet-modal. L’acquisition de la compétence peut constituer un
programme narratif subordonné au programme principal ; elle
peut également couvrir la totalité d’un récit.
18
on manifeste ce que sont vraiment les états, ont dit l’ÊTRE de
l’ÊTRE. On appelle phase de sanction ou de reconnaissance cette
phase du programme narratif, où intervient à nouveau le
destinateur, mais comme agent d'interprétation (voir chapitre 4).
Ces quatre phases du programme narratif s’appellent logique¬
ment l’une l’autre, elles ne sont pas toujours toutes manifestées
dans les textes que nous lisons, mais chaque fois que l’on
reconnaît l’une de ces phases on peut essayer de retrouver
l’ensemble du programme auquel elle appartient, car on a tou¬
jours intérêt, dans l’analyse narrative, à travailler en termes de
programmes.
Les chapitres qui suivent vont développer la description de ces
quatre phases de la séquence narrative que nous pouvons repré¬
senter sur ce tableau (cf. 6.2.6.) :
19
énoncé d’état énoncé du faire
(S-O)
20
2. LA PERFORMANCE :
TRANSFORMATIONS D’ÉTATS
ET ÉCHANGES D’OBJETS
2.1. Rappel
21
définir l’objet dans sa relation à ces différents sujets (cf. 1.3.1).
Ce qui est relation de conjonction pour les uns équivaut à une
relation de disjonction pour l’autre. Dans chaque cas, l’énoncé
d’état est complexe, puisqu’un seul objet est en relation avec
deux sujets. Si nous représentons l’or par O, l’homme par SI et
les autres personnages par S2 l’état initial du récit peut s’écrire :
(SI a O)
état 1 | ou encore (SI A O V S2)
(S2 V O)
et l’état final, lorsque l’homme n’a plus d’or alors que les autres
en ont peut s’écrire :
(SI v O) ou encore (SI V O A S2)
état
(S2 A O)
22
Ainsi dans notre texte, il y a un programme organisé autour de
la perte de l’or.
Nous faisons un pas de plus, compte tenu du dédoublement des
énoncés d’état, en remarquant que tout programme narratif pro¬
jette comme son ombre un programme corrélatif. Toute transfor¬
mation conjonctive pour un sujet correspond à une transforma¬
tion disjonctive pour un autre : il y a deux programmes possibles.
Il est possible de raconter ou d’entendre le même récit en déve¬
loppant soit l’un soit l’autre des programmes ; on peut raconter
la perte de l’or par l’homme comme on peut raconter l’acquisi¬
tion de la fortune par les autres personnages. On introduit ainsi
une perspective ou un point de vue dans le récit selon qu’on
manifeste un programme plutôt que l’autre.
Si chacun des sujets considérés se réalise dans la conjonction
avec son objet, la réalisation de l’un correspond à l’échec de
l’autre (à sa virtualisation). Cette particularité permet de rendre
compte du caractère polémique de toute transformation narrative,
et de tout récit.
Une fois que l’homme a décidé, après une nuit de débauche
qu’« il était temps de s’arrêter », il s’inscrit sur un programme de
non-dépense, et tous les acteurs qui s’approprient finalement son
or font figure d'adversaires à la réalisation de ce programme.
23
Dès que l’on reconnaît une performance (acquisition ou priva¬
tion) on peut essayer de retrouver dans le texte la performance
inverse qui lui répond (privation ou acquisition) et de classer ainsi
les personnages selon l’un et l’autre des programmes où ils inter¬
viennent. Cela permet de construire peu à peu un système d’oppo¬
sitions (PN - anti-PN ; sujet - anti-sujet, ...) c’est-à-dire de diffé¬
rences responsables du sens.
Il y a donc deux principes de classement des éléments dans
l’analyse narrative. Il faut toujours les avoir présents à l’esprit
quand on analyse un texte :
— un principe d’opposition : tout élément projette un élément
symétrique comme on vient de le voir : c’est le principe d’organi¬
sation paradigmatique.
— un principe de succession : nous avons vu en 1.4. que tout
élément d’un PN appelle logiquement des éléments qui le précè¬
dent ou qui lui font suite : c’est le principe d’organisation
syntagmatique.
24
La distinction entre personnage et rôle est fondamentale pour
l’analyse sémiotique des textes : un même personnage du récit peut
assumer plusieurs rôles, un même rôle peut être pris en charge par
des personnages différents. Dans le récit de Daudet, plusieurs per¬
sonnages sont sujet opérateur pour le programme « gaspillage ».
Notre récit manifeste ce type d’opération dans l’épisode de l’ami
voleur qui est sujet opérateur et sujet d’état de la transformation
qui lui fait acquérir l’or. Dans la formule générale, l’homme à la
cervelle d’or est SI, l’ami est S2 et S3.
b. S3 * S2
Le sujet opérateur est représenté par un autre acteur que le
sujet d’état conjoint dans l’état final. Il s’agit alors de faire
acquérir l’objet à un autre : c’est une transformation transitive,
on l’appelle ATTRIBUTION.
Lorsque l’homme à la cervelle d’or achète à sa femme « quelque
chose de bien cher », nous avons ce type d’opération. L’homme
(S3) est sujet d’opérateur d’une transformation qui transfère un
objet (O) à la femme (S2).
b. S3 * SI
Le sujet opérateur de la transformation est un autre acteur que
le sujet conjoint de l’état initial. Ce dernier est disjoint de l’objet
par un autre : c’est une opération transitive, on l’appelle DÉPOS¬
SESSION.
L’épisode du vol peut illustrer cette transformation. L’homme à
la cervelle d’or (SI) est sujet d’état disjoint alors que l’ami est le
sujet opérateur (S3).
25
entre deux sujets. Nous verrons plus bas (2.4.2.) la communica¬
tion de deux objets entre deux sujets. Ces différentes formes de
communication sont les variantes du modèle général que nous
avions établi.
Pour l’analyse sémiotique, c’est une manière de faire caractéris¬
tique : mettre en place un modèle général construit avec des élé¬
ments connus et définis, puis développer ensuite les variables
comme autant de possibilités de réalisation du modèle. Cela per¬
met, dans un même texte, ou entre plusieurs textes de distinguer
des constantes et des variables, de prévoir les manifestations diffé¬
rentes d’une même organisation signifiante, et de maintenir la des¬
cription à un niveau déterminé (le niveau de pertinence de la des¬
cription).
ACQUISITION PRIVATION
2.4.2. L’ÉCHANGE
26
unique, nous avons construit l’énoncé d’état comme une relation
d’un sujet à un objet, soit (S A O) ou (S V O). S’il y a deux
objets, le sujet doit être mis en relation avec ces deux objets Ol
et 02. L’énoncé d’état s’écrira (01AS1V02) ou (01 V SI A 02).
Dans ce cas la formule de transformation narrative devient :
F (S) =» [(Ol A SI V 02) - (Ol V SI A 02)]
27
les sujets se définissent par les objets par la médiation desquels
ils entrent en relation.
De même qu’on distingue le personnage et le rôle, il faut distin¬
guer Vobjet figuratif et Vobjet valeur. Les objets figuratifs, ce
sont des « personnages », comme l’« or » dans le récit de Daudet,
les objets valeurs, ce sont les valeurs que les différents sujets
accordent à ces objets figuratifs. Dans le texte de Daudet, il n’est
pas sûr que l’« or » comme figure, ait la même valeur pour tous
les personnages. De même qu’une automobile peut valoir pour la
vitesse, le confort, le prestige, le risque... L’analyse sémiotique
s’attache à distinguer le niveau figuratif, le niveau des rôles des
figures et le niveau des valeurs qu’elles portent.
28
Au terme de la transformation, l’objet n’est perdu pour per¬
sonne. Cela caractérise un type particulier d’objet, comme par
exemple le savoir que l’on ne perd pas quand on l’attribue à
d’autres.
2.5. Bilan
29
3. LA MODALISATION
DES ÉNONCÉS DU FAIRE
LA COMPÉTENCE DU SUJET OPÉRATEUR
3.1. La modalisation
30
3.1.2. UNE OPÉRATION SUR LE SUJET OPÉRATEUR
31
ce n’est pas la même chose). Grâce à cette notion, la description
sémiotique devient plus « fine », elle enregistre non seulement le
faire du sujet, mais également la qualité de ce faire (ce que nous
avons appelé, en 1.4., l’être du faire) et la relation du sujet à son
propre faire.
32
compétence d’un sujet opérateur pour une transformation princi¬
pale.
Pour l’analyse, on distingue les figures de la modalisation
(comme les verbes « pouvoir », « vouloir », ou comme les objets
figuratifs) et les valeurs modales qu’elles représentent. On inscrit
ces dernières entre / / (par exemple au verbe « pouvoir » corres¬
pondrait la valeur modale du /pouvoir-faire/). On voit que
l’acquisition des valeurs modales est toujours en relation avec une
opération particulière du faire : c’est toujours un vouloir-FAIRE
ou un savoir-FAIRE. Ni le vouloir ni le pouvoir ne sont des
valeurs universelles. Dans l’analyse on doit toujours préciser quelle
opération (quel faire) est ainsi modalisée : vouloir-conserver son
or, vouloir-voler...
33
bre de programmes narratifs annexes centrés sur l’acquisition de
la compétence par le sujet opérateur, et où l’on retrouve les com¬
posants du programme narratif présentés en 1.5. ; on les appelle
programmes narratifs d’usage. Un récit se constitue d’une hiérar¬
chie de programmes narratifs.
Programme narratif complexe
Compétence Performance
34
que l’on peut parler d’un sujet opérateur. On parle de virtualité
dans la mesure où l’activité (le faire) du sujet est mise en pers¬
pective sans que rien ne soit encore fait pour sa réalisation.
Lorsque l’homme décide de ne plus toucher à son or, il est ins¬
tauré sujet opérateur virtuel pour une performance qui est ici la
non-dépense ou la conservation de la fortune. La suite du récit
montre qu’il en reste à ce stade de la virtualité puisqu’en fait il
continuera à dépenser son or ou à le perdre.
35
tions différentes du faire : selon la modalité, le sujet opérateur
s’engage dans un type de faire particulier qui le caractérise. On
parle de modalités de l’actualité, car avec l’acquisition de ces
valeurs modales, le sujet actualise son opération. Il y a progrès
narratif lorsqu’on passe de la virtualité à l’actualité.
Dans la communication de ces valeurs modales, on fait appa¬
raître une autre détermination du destinateur. Dans les récits,
l’acquisition du /pouvoir-faire/ ou du /savoir-faire/ correspond à
une phase appelée performance qualifiante. Les contes merveil¬
leux en fournissent de nombreux exemples.
La performance qualifiante est logiquement nécessaire à la réali¬
sation de la performance principale. Le récit de Daudet le mani¬
feste par le passage suivant, dans l’épisode des parents : « l’enfant
n’hésita pas ; sur l’heure même — comment ? par quels moyens ?
la légende ne l’a pas dit — il s’arracha du crâne etc. ». « Ne pas
hésiter » manifeste bien la position des modalités de la virtualité,
ici le /vouloir-faire/. Les questions posées par le narrateur sur le
« comment » et sur les « moyens » pointent bien sur une perfor¬
mance qualifiante, pour signifier sa place et son absence dans le
récit mais sa présence dans la structure narrative. Dans l’ensemble
du récit, le /pouvoir-faire/ pour la dépense et la distribution de
l’or est toujours acquis (de naissance...), au contraire le /pouvoir-
faire/ pour la conservation de la fortune ne sera jamais acquis par
l’homme à la cervelle d’or, il reste sujet opérateur virtuel sur ce
programme particulier.
36
la combinaison de ces différentes modalités (et de leur négation).
Ainsi, le sujet qui réalise malgré lui des performances serait
défini comme sujet du /pouvoir-faire/ sans /vouloir-faire/, c’est-
à-dire /non vouloir-faire/ + /pouvoir-faire/, etc. Les figures
construites par la combinaison de ces modalités élémentaires per¬
mettent de rendre compte de l’immense diversité des sujets opéra¬
teurs que manifestent les récits.
Voici un exemple de ces combinaisons à partir des réalisations
possibles de la relation contractuelle, c’est-à-dire de la combinai¬
son, dans un sujet opérateur, du /devoir-faire/ et du /vouloir-
faire/. Chacune de ces valeurs modales engendre un système de
variables puisque l’on peut nier la modalité (vouloir vs
non-vouloir qui oppose la présence et l’absence de la modalité) et
le faire sur lequel elle s’applique (faire vs ne pas faire).
A partir de /devoir-faire/ on engendre le système suivant :
devoir-faire devoir-ne pas faire
37
férentes positions, faciles à construire, sont utiles à connaître
lorsqu’on veut suivre la progression narrative d’un sujet opéra¬
teur particulier, surtout dans des récits qui mettent l’accent sur
l’acquisition de la compétence, par exemple des récits de persua¬
sion, de conversion, de séduction, etc.
On suit ainsi dans le récit de Daudet le progrès narratif en enre¬
gistrant les modifications de la compétence du sujet opérateur
(homme à la cervelle d’or).
Après la communication de son secret par les parents, l’homme
à la cervelle d’or est sujet opérateur sur un programme narratif
complexe où le faire est représenté par « perdre l’or ». C’est alors
un sujet compétent, l’or est effectivement gaspillé. L’analyse
s’attache à la définition modale de ce sujet : les figures du dis¬
cours (« ébloui », « fou », « ivre ») sélectionnent ici la déposses¬
sion du vouloir. Sur le PN de gaspillage, le sujet opérateur se
définit par :
/devoir-faire/ + /ne pas vouloir-faire/ + /pouvoir-faire/
Après la nuit de fête ; il décide de ne plus gaspiller, c’est un
changement de programme, l’homme devient sujet du /vouloir-ne
pas faire/. Si faire représente le « gaspillage de l’or », ne pas faire
représente ici la « conservation » ou le « non-gaspillage ». La suite
du récit enregistre l’échec de ce programme de non-gaspillage.
L’analyse montre que l’homme, sujet du /vouloir-ne pas faire/ ne
peut acquérir les autres valeurs modales nécessaires à la réalisation
du programme.
— L’épisode du vol met en scène un sujet compétent (l’ami)
muni du /pouvoir-faire/ et réalisant l’opération conforme au gas¬
pillage (performance disjonctive par rapport à l’homme). C’est la
marque de l’absence de /pouvoir-ne pas faire/ chez l’homme (la
figure du « sommeil » serait à rapprocher des figures vues plus
haut). Sur son programme de non-gaspillage, il est sujet du /vou¬
loir/ sans /pouvoir/.
L’épisode de la femme enregistre une régression narrative de
l’homme sur son propre programme (ne pas gaspiller). A la suite
des « caprices » de la femme — que nous analyserons plus loin —
il est sujet de /ne pas vouloir-ne pas faire/ : « il ne savait pas dire
non ». Il y a régression puisque le /vouloir-ne pas faire/ est
devenu /ne pas vouloir-ne pas faire/.
L’épisode de l’enterrement et de l’achat des bottines marque le
retour de l’homme comme sujet opérateur du programme primitif
(gaspillage). Non seulement il ne veut pas ne pas gaspiller, mais il
gaspille (« il en donna partout, sans marchander »). Si l’on
observe les figures manifestées en ce lieu du récit, on retrouve les
éléments vus plus haut : « égaré », « ivre », « hébété », qui mar-
38
quent à nouveau l’absence du /vouloir-faire/. Mais comme dans
ce récit l’or possédé par l’homme est à la fois l’objet communiqué
et le pouvoir-faire (tant qu’on a de l’or, on peut en donner...), la
fin du texte marque la disparition du sujet opérateur par perte de
toutes les valeurs modales : il est sujet de /non vouloir-faire/ +
/non pouvoir-faire/.
3.4. Conclusion
39
4. MODALISATION DES ÉNONCÉS D’ÉTAT
LA SANCTION
4.1. Rappel
40
S à O, modifier celle-ci en la qualifiant de vraie, de fausse, de
mensongère, etc.
« L’homme est riche » « L’homme paraît riche »
41
manifesté en face d’une instance susceptible de l’interpréter. On
dit alors que l’état du sujet est défini selon la manifestation :
c’est l’état du sujet tel qu’il se donne à voir, à comprendre, à
interpréter... Corrélativement, on considère l’état tel qu’il peut
être défini dans le récit indépendamment de cette instance d’inter¬
prétation : on dit alors que l’état est défini selon l’immanence.
Manifestation et immanence ne sont pas des valeurs « en soi »,
mais des termes corrélatifs qui indiquent seulement que, dans les
récits, l’état d’un sujet peut toujours être défini à deux niveaux,
selon deux modes, et que la vérité de cet état, pour ce récit, se
joue dans l’articulation de ces deux plans de définition.
Dans le récit de Daudet, on note que la cervelle paraissait iné¬
puisable mais qu’elle s’épuisait cependant. L’état de la « cervelle »
est pris en charge à deux niveaux dans le récit : il y a une instance
d’interprétation (« on aurait dit... ») et il y a le déroulement nar¬
ratif lui-même (« elle s’épuisait cependant »). L’état se définit dif¬
féremment sur l’un et l’autre plan :
• manifestation : cervelle inépuisable ;
• immanence : cervelle épuisable.
La relation d’état est décrite selon deux modes, ou selon deux
points de vue, nous le verrons plus loin.
42
4.2.1.1.
L’analyse sémiotique se donne pour but de décomposer
(déconstruire) le système de modalités à partir duquel de tels
effets de véridiction sont possibles.
Tout énoncé d’état doit être défini dans le cadre de ce système
(immanence vs manifestation). La combinaison des valeurs du
système engendre une pluralité de figures de la véridiction.
a. La relation d’état est positivement définie sur le plan de
l’immanence et sur le plan de la manifestation : /manifestation/
+ /immanence/ (on peut dire également /être/ + /paraître/).
Cette combinaison engendre la figure du VRAI.
/paraître/ + /être/ = vrai
b. La relation d’état est définie négativement sur chacun des
deux plans : /non manifestation/ + /non immanence/ (ou
encore /non paraître/ + /non être/) : on parlera d’un état
FAUX.
/non paraître/ + /non être/ = faux
c. La relation d’état est négativement définie sur le plan de la
manifestation et positivement sur le plan de l’immanence : /non
manifestation/ + /immanence/ : on parlera d’un état SECRET.
/non paraître/ + /être/ = secret
d. La relation d’état est positivement définie sur le plan de la
manifestation et négativement sur le plan de l’immanence :
/manifestation/ + /non immanence/ : on parlera d’un état
MENSONGER.
/paraître/ + /non être/ = mensonger
Ces quatre positions trouvent leur place dans le système sui¬
vant :
VRAI
être
MENSONGER SECRET
non-paraître
43
Pour l’analyse. Pour plus de simplicité, on parle souvent de
l’être et du paraître plutôt que de l’immanence et de la manifesta¬
tion. On dit qu’un énoncé d’état est modalisé selon l’être et selon
le paraître.
Attention. « être » et « paraître » ne sont pas des valeurs « en
soi », définies une fois pour toutes à partir du jugement que nous
pouvons porter sur telle ou telle relation d’état : ce sont des
modalités de l’énoncé d’état, inscrites dans la structure même du
récit : il s’agit toujours d’/être - X/ ou de /non paraître - Y/,
/être/ et /paraître/ modalisent X et Y et permettent, non pas une
évaluation morale des personnages (« être » = profond, spirituel,
réel... et « paraître » = superficiel, extérieur...), mais une
classification modale et systématique des positions à partir des¬
quelles se dispose la vérité dans les textes.
Ici, nous saisissons le projet de la sémiotique : décrire les systè¬
mes à partir desquels les effets de sens que nous reconnaissons à
la lecture peuvent être retrouvés et décrits.
4.2.1.2.
Nous venons de présenter les différentes modalisations des
énoncés d’état. De la même façon que, pour les énoncés du faire,
on a pu rendre compte des passages du sujet opérateur d’un état
modal à un autre (constitution progressive de la compétence),
nous pouvons rendre compte des transformations modales de
l’état d’un sujet.
Ainsi [ (S A O) être + non paraître -» (S A O) être + paraître ]
enregistre le passage du secret au vrai concernant un énoncé
d’état (S A O). On peut fort bien construire, sur cette base, un
programme narratif particulier visant à la révélation d’un héros
(ex : le retour d’Ulysse), au dévoilement d’un secret (ex. : roman
policier) ou à la découverte scientifique... Le problème du savoir,
de son acquisition, dans les récits est à décrire en termes de
modalisations des énoncés d’état.
4.2.1.3.
Le système de la véridiction fonctionne dans la clôture du dis¬
cours : les valeurs de /vrai/ et de /faux/ que l’on affecte à l’état
d’un sujet ne relèvent pas du jugement de vérité que nous por¬
tons de l’extérieur sur les éléments d’un récit (en définissant a
priori tel état comme vrai, tel autre comme faux) ; elles corres¬
pondent aux relations des éléments à Vintérieur du récit : le dis-
44
cours construit et dispose sa propre vérité. Et l’une des tâches de
la sémiotique est de rendre compte de cette disposition.
45
pris dans un réseau de modalités de la véridiction. 11 y a deux
sujets du faire interprétatif, l’un représenté dans le texte par
« on », le second, non représenté mais correspondant au narrateur
lui-même.
Dans ce cas, le narrateur se retranche derrière les « faits » eux-
mêmes. Ce sont là des procédures de la véridiction dans le dis¬
cours. Celle-ci peut prendre bien d’autres formes, mais toujours
sur la base du même jeu de combinaisons.
— « on » conclut du /paraître inépuisable/ à l’/être inépuisa¬
ble/ : « on aurait dit que... »
— Le récit conclut du /paraître inépuisable/ au /non être iné¬
puisable/ (+ /être épuisable/) : « elle s’épuisait cependant... »
C’est ainsi que la « mise en scène » de la véridiction peut revêtir
un caractère polémique puisque différentes instances se partagent
sur le faire interprétatif.
46
tions sont faites. Le faire interprétatif consiste en cette corréla¬
tion.
— Si on passe au plan de la manifestation (paraître et non-
paraître) au plan de l’immanence (être et non-être), on opère un
faire interprétatif dit PROSPECTIF.
« Les médecins pensaient qu’il ne vivrait pas tant sa tête était
lourde et son crâne démesuré. »
47
On rassemblera ainsi les éléments de la véridiction :
48
formation des états, c’est-à-dire de la relation entre le sujet d’état
et l’objet valeur). La modalisation des énoncés d’états et le faire
interprétatif sont caractéristiques d’une troisième phase du pro¬
gramme narratif qu’on appelle phase de reconnaissance ou de
sanction.
Dans certains discours, cette phase occupe toute la place, c’est
le cas dans le discours scientifique, ou dans le roman policier, où
le programme narratif principalement manifesté s’inscrit tout
entier dans cette phase de reconnaissance, où il s’agit d’évaluer les
états transformés et les performances réalisées.
PERFORMANCE SANCTION
transformation évaluation
des états des états transformés
49
performance- — - sanction
état final consécutif faire interprétatif
à une opération pragmatique sur cet état
4.5. Conclusion
50
Cette opération du faire interprétatif (appartenant à la dimen¬
sion cognitive du récit) caractérise la dernière phase du pro¬
gramme narratif, encore appelée phase de reconnaissance ou
sanction.
Dans le programme narratif, elle caractérise un rôle particulier,
qui est celui du destinateur de la sanction qui évalue les états
transformés dans la performance principale, et la conformité de
cette performance principale avec le contrat du sujet opérateur.
51
5. LE FAIRE-FAIRE ET LA MANIPULATION
5.1. Rappel
Dimension
pragmatique compétence - performance
52
5.2. Les traits caractéristiques de la manipulation : exemples
53
achetez-moi quelque chose de bien cher... " » . Dans ce cas,
l’homme est instauré sujet opérateur sur deux PN inverses, l’un de
non-dépense qui reste virtuel, et où le destinateur est figuré par la
« peur », l’autre de dépense, qui se réalise et où le destinateur est
figuré par la « femme ». Le conflit des destinateurs peut avoir lieu
dans le même personnage : qu’on se rappelle le classique débat
« cornélien ». 11 s’agit là d’exemples qui ne rendent compte ni de
la totalité du texte de Daudet, ni de i’ensemble des figures de la
manipulation.
54
avec son sujet opérateur S2. Lorsque la « petite femme » de
« l’homme à la cervelle d’or » lui fait acheter quelque chose de
bien cher, l’activité (faire 1) de la femme (SI) a pour objet l’acti¬
vité (faire 2) de l’homme (S2).
En articulant deux énoncés du faire, la manipulation met en
relation deux sujets du faire ; cette relation est hiérarchique dans
la mesure où l’activité de SI s’exerce sur S2, mais non l’inverse.
SI sera appelé destinateur de la manipulation, et S2 destinataire
de la manipulation (ou sujet manipulé).
Nous sommes maintenant en mesure d’organiser toutes les rela¬
tions qui mettent en jeu des sujets :
55
En persuadant de la valeur des objets, la manipulation déter¬
mine un cadre aux activités du sujet opérateur, un univers de
valeurs où certains objets seront « positifs » et d’autres « néga¬
tifs » : la manipulation détermine Vaxiologie des programmes
narratifs.
Pour l’homme à la cervelle d’or, la décision de ne plus gaspiller
son or détermine une axiologie, telle que tout ce qui va dans le
sens de la dépense et du gaspillage est considéré comme négatif.
56
MANIPULATION
persuasion acquisition de
(faire-faire) valeurs modales
PN 1 PN 2
SANCTION ^MANIPULATION
faire interprétatif faire persuasif
de l’état final sur l’état initial
de PN 1 de PN 2
5.5. Conclusion
57
répondent des opérations de faire interprétatif). Elle met en rela¬
tion deux sujets : le destinateur et le destinataire de la manipula¬
tion. Il s’agit pour le destinateur de faire faire, c’est-à-dire de
mettre en place un sujet opérateur pour un programme narratif
donné.
58
6. LA COMPOSANTE NARRATIVE (BILAN)
59
dans un discours : on ne prendra en charge que les transforma¬
tions des états qui caractérisent les personnages, et les rôles
qu’assument ces personnages dans les opérations de transforma¬
tion. La composante narrative ne s’identifie pas au récit qui est
donné à lire, elle est une construction pour la description de la
signification. Tout discours comporte d'autres composantes et
d’autres plans d’analyse que l’on verra plus loin. D’autre part, la
composante narrative définit un plan de description pour d’autres
discours que les récits (discours scientifique, politique, juridique,
poétique...).
6.2.1.
6.2.2.
60
On fait un pas de plus dans l’analyse en montrant comment,
dans un discours donné, sont disposés les énoncés narratifs.
Dans les chapitres précédents, nous avons présenté une chaîne
d’énoncés narratifs logiquement disposés : partant de la perfor¬
mance, nous avons montré que cet énoncé présuppose et implique
d’autres énoncés reliés à lui pour constituer une succession d’élé¬
ments logiquement articulés :
MANIPULATION — COMPÉTENCE —
PERFORMANCE — SANCTION
On appelle séquence narrative cette organisation logique des
énoncés narratifs.
Remarque 1 : Tout énoncé narratif appelle logiquement les
autres énoncés de la séquence. Mais dans les discours qui sont
donnés à lire, ces éléments ne sont pas toujours tous manifestés. 11
faut bien distinguer le plan de la manifestation (ce qui est donné à
lire) et le plan de la description (ce qui est logiquement articulé,
c’est-à-dire construit par l’analyse (6.3.).
Remarque 2 : La relation entre les énoncés de la séquence est
logique, puisqu’on est au niveau de la description, en grammaire
narrative. Au plan de la manifestation, cette relation logique cor¬
respond à une disposition chronologique des énoncés : la phase de
manipulation précède (dans la séquence narrative) la phase de per¬
formance. En sémiotique narrative, la temporalité est un effet de
la logique narrative et pas seulement une organisation des temps
des verbes dans le discours.
6.2.3.
6.2.4.
61
où il est progressivement constitué comme sujet compétent. Pour
le sujet opérateur, les modalités du faire sont reconverties en
valeurs modales qui lui sont attribuées (cf. 3.2.).
Dans les récits, ces phases de constitution du sujet opérateur
correspondent à des performances narratives secondaires où se
transforment les états modaux du sujet opérateur. Ces perfor¬
mances secondaires constituent l'épreuve (ou performance)
qualifiante : le sujet opérateur est qualifié (compétent) pour réali¬
ser la transformation narrative principale, appelée encore épreuve
(ou performance) principale.
Ces deux épreuves ne se conçoivent pas l’une sans l’autre : il
faut être compétent pour faire et la compétence est toujours en
vue d’un faire. Sur la composante narrative du récit, elles définis¬
sent la dimension pragmatique.
6.2.5.
62
opérations introductives de la séquence narrative, elles correspon¬
dent à la phase de contrat (cf. 5).
6.2.6.
6.2.7.
63
Il faut tenir compte également du phénomène de l'intégration :
une séquence narrative entière peut être intégrée comme phase
élémentaire d’une séquence englobante : par exemple, dans un
récit, la quête de la compétence, par un sujet, peut être déployée
sur les quatre phases constitutives de la séquence.
64
cours donné. Il ne faut pas confondre le modèle particulier à un
texte et la théorie de la grammaire narrative. Très rares sont les
textes dont le modèle reproduit exactement la séquence narrative
(quelques contes merveilleux peut-être). La séquence narrative ne
fournit pas le plan-typé des récits, et l’analyse narrative ne con¬
siste pas comme on le dit parfois — à faire rentrer les textes
dans un cadre défini à l’avance, mais au contraire, à utiliser le
Cadre..théorique 8énéral et rigoureux pour rendre compte de la
spécificité de chaque texte.
Comme organisation logique, la séquence Manipulation —
Compétence — Performance — Sanction est un instrument
d’analyse et de prévision. Instrument d’analyse puisqu’elle oblige
à décomposer le discours et à classer les opérations de transfor¬
mation et les états de façon homogène et cohérente. Elle se pré¬
sente comme l’« unité de mesure » pour mesurer les récits.
Si l’on organise logiquement dans le récit de Daudet les opéra¬
tions de « dilapidation » (performances disjonctives), on sélec¬
tionne dans le texte un plan d’actions homogènes logiquement
ordonnées à cette performance, et par rapport auquel d’autres
plans homogènes seront à situer. Il s’agit d’une déconstruction du
texte, d une ana-lyse en éléments comparables, mesurables.
6.4.1.
65
de la relation d’un sujet d’état à son objet. Le PN est toujours
défini par l’état (relation à l’objet valeur) auquel il aboutit.
Dans le texte de Daudet, on a parlé de programme narratif de
dépense, ou de dilapidation, pour désigner toute la série d’états et
de transformations qui convergent vers la disjonction du sujet
d’état (" homme ”) et de l’objet (" or "). « Dépense » et « dilapida¬
tion » sont des figures, et comme telles, relèvent plutôt de la com¬
posante discursive. On les utilise par commodité pour désigner un
PN (cf. 2.3.)
Le programme narratif a été défini et désigné autour de la
transformation d’états et non autour d’un personnage. Si nous
avions parlé ici d’un programme de l’« homme », nous n’aurions
rien décrit, car nous n’aurions pas respecté la distinction du per¬
sonnage et du rôle et nous n’aurions pas pu voir qu’un même per¬
sonnage dans le texte s’inscrit sur deux PN différents.
6.4.2.
66
6.5. L’articulation des programmes narratifs dans le récit
67
7. EXERCICE PRATIQUE :
LA COMPOSANTE NARRATIVE
DANS LE TEXTE DE DAUDET
7.1. La dédicace
68
F (S2) => [(SI V O) -* (SI A O)]
où n’est manifesté que SI (« la dame »). La suite du texte met en
scène les autres éléments de l’énoncé : les deux autres parties du
discours constituent l’objet communiqué, le sujet opérateur de la
communication s’y trouvera également représenté.
Cette dédicace fournit d’autres informations à prendre en
compte pour la description : la « dame » demande « des histoires
gaies ». On reconnaît ici, sous la figure de la demande, une
manipulation : il s’agit de mettre en place un sujet opérateur (S2)
pour la communication de l’objet (« histoires gaies »). Tous ces
éléments contribuent à définir un programme narratif autour de
l’acquisition de cet objet.
A cause de cette dédicace, toute la suite du texte est à évaluer
à partir de ce programme narratif, comme sa réalisation (ou sa
non-réalisation). Il y aura bien une « histoire » communiquée,
mais elle ne sera pas « gaie ». Le contrat proposé par la
« dame » n’est pas honoré par le sujet opérateur. S’il y a bien
communication d’une histoire, elle se fait au nom d’un autre
contrat, dépendant d’un autre destinateur, d’une autre manipula¬
tion. Nous utilisons la séquence narrative comme outil de prévi¬
sion, qui permet, à partir d’un élément reconnu de prévoir
l’apparition des éléments corrélatifs qu’il implique, et des écarts
porteurs de sens.
69
Ce nouveau programme narratif en est donc à sa phase de
manipulation. Le personnage « je » y assume les deux rôles de
destinateur et de sujet opérateur (« je m’étais promis »). La
figure de la demande et la figure de la promesse se correspondent
ici pour assurer la manipulation du programme « communiquer
des histoires gaies ». La « dame » et le narrateur sont des acteurs
conformes, et le contrat est posé pour la réalisation du PN impli¬
qué par la dédicace.
Manipulation Performance
Destinateur : le lieu
Sujet du devoir-faire : Je raconter des histoires gaies
70
ment de programme en fonction des lieux (Paris éclabousse la
Provence) est indépendant de la dame (« vous n’aurez qu’une
légende mélancolique ». On dira que « la dame » est destinateur
selon le paraître et le « lieu » destinateur selon l’être (cf. 4.2.1.),
distinction importante puisque nous la retrouverons dans la
légende elle-même.
« Eh bien non, je suis encore trop près de Paris. » Ce paragra¬
phe inscrit l’apparition d’un anti-programme qui en est à la phase
de manipulation. Un anti-destinateur apparaît (proximité de
Paris) qui installe un sujet opérateur pour « faire des histoires
mélancoliques ». Ce nouveau sujet est encore assumé par le nar¬
rateur, de sorte que le passage du PN à l’anti-PN correspond à
une transformation de « je » entre deux états modaux :
« Je m’étais promis » vs « Je n’ai plus le cœur à... »
Notons que, pour l’anti-programme le sujet opérateur est défini
négativement (ne plus avoir le cœur à) : on pourra le caractériser
comme un sujet contraint. Si faire représente « faire des histoires
tristes », la compétence du sujet s’écrit : devoir-faire + ne pas
vouloir ne pas faire. La « légende de l’homme à la cervelle d’or »
est donc l’objet de la performance caractérisant l’anti-programme.
. PN Anti-PN
71
Dans la sanction, la performance est reprise sur la dimension
cognitive (6.2.5.) : on a raconté l’histoire, puis on dit qu’on l’a
racontée. Mais, de plus, on évalue la performance, on statue sur
sa conformité aux univers de valeurs dans lesquels le sujet opéra¬
teur doit agir. Sur ce point, notre texte est intéressant : il y a
bien évaluation de l’histoire racontée, mais d’un autre point de
vue que celui mis en place dans la manipulation. La sanction
aurait dû être : cette histoire est triste autant qu’il le fallait, or
on évalue la légende au plan de la vérité (« cette légende est vraie
d’un bout à l’autre ». Et cet énoncé est pris en charge par le nar¬
rateur lui-même qui prend le rôle de destinateur (4.4.2.). Cette
« déviation » du récit est importante à noter, car le dernier para¬
graphe ne parle plus de la « dame », ni de « Paris », ni de la
« colline ensoleillée » : la vérité de l’histoire, c’est de décrire la
situation des « pauvres gens condamnés à vivre ». Cette fin du
texte fait alors apparaître un nouveau programme narratif
« raconter des histoires vraies » sur lequel la légende peut trouver
place comme performance.
L’histoire racontée, comme performance réalisée par le narra¬
teur s’installe donc sur trois programmes différents :
• satisfaire la demande de la dame ;
• obéir aux nécessités de la situation (tristesse, deuil) ;
• dire la vérité.
La disposition narrative du texte de Daudet est un élément
déterminant pour la signification. L’histoire racontée vaut par sa
fonction, c’est-à-dire par la position qu’elle peut occuper comme
performance dans différents programmes narratifs que le texte
présente.
En elle-même, la fin du discours entretient un autre type de
relation avec la légende, c’est un rapport interprétatif, il repose
sur une mise en parallèle des programmes narratifs avec des
changements de personnages :
il y avait une fois un homme qui avait une cervelle d’or
il y a par le monde de pauvres gens qui sont condamnés à
vivre de leur cerveau.
Nous reprendrons ceci une fois que la légende aura été
analysée.
72
7.3. La « légende »
73
interprétatif, des « médecins » qui concluent à la non-vie, ou de
ceux qui ont « pitié » de le voir ainsi.
La « cervelle d’or » au point où nous en sommes du récit
détermine plus un comportement qu’une transformation d’états
(comme dans la seconde partie du récit) : on parlera d’un
pouvoir-être (à distinguer ici du pouvoir-faire).
Pour l’analyse narrative, retenons l’opposition de deux modes
de vie : celui de l’homme à la cervelle d’or (apparemment peu
« équilibré ») et celui que représentent, au plan du savoir, les
médecins et au regard duquel la vie de l’homme est une vie
impossible (voire une non-vie) et « pitoyable ». Cet écart peut
permettre de caractériser les programmes narratifs qui sont en jeu
dans ce récit.
74
PN conservation
destinateur : l’or
sujet opérateur : les parents
performance : conservation (ne pas être volé, ne pas laisser
sortir)
objet : l’enfant à la cervelle d’or
Anti-programme : le vol
où l’or (O) est communiqué aux parents (S2) par l’enfant (SI)
qui est à la fois sujet opérateur et sujet d’état disjoint (2.4.1.2.) :
« il s’arracha du crâne... » Cette opération narrative appelle trois
remarques :
• La question du pouvoir : la compétence du sujet opérateur
est postulée pour cette performance (« comment ? par quels
moyens ? la légende ne l’a pas dit »). On peut s’en tenir à
l’aspect rhétorique de cette question, mais au plan structural il
faut retenir cette caractéristique d’un récit où le pouvoir-faire est
supposé acquis et où tout est focalisé sur la manipulation et la
question du destinateur. On l’avait déjà remarqué pour le dis¬
cours englobant.
• La question du destinateur : ce sont les parents qui font la
requête de l’or. Mais le récit dit plus sur le destinateur du pro¬
gramme de l’enfant, puisqu’il indique ce au nom de quoi la per-
75
formance doit être accomplie, ce sont ici les valeurs familiales
(parents, élever, nourrir) qui commandent l’opération « économi¬
que ». La « fierté » de l’enfant caractérise bien l’assentiment du
sujet aux valeurs de son destinateur. Cependant, l’origine de
l’objet communiqué (l’or est un don monstrueux qu’il tenait du
destin) présuppose l’existence d’un autre destinateur. Les perfor¬
mances réalisées par l’enfant sont à inscrire sur plusieurs pro¬
grammes hiérarchisés, et répartis selon l’être et le paraître.
L’enfant agit-il selon les valeurs familiales ou selon le destin ?...
• La question de l’objet : on notera la forme caractéristique de
la communication : la cervelle d’or qui, jusqu’alors, correspon¬
dait, secrète, à un pouvoir-être déterminant un comportement du
sujet, devient, une fois connue, un objet communicable, ce qu’on
appelle une valeur objective, un objet qui peut être transféré de
sujet à sujet. Comportement et/ou valeur objective, ce sont les
deux significations de cette « cervelle d’or ».
Notons enfin, par rapport à l’organisation des programmes
narratifs que nous proposons plus haut, que la première activité
de l’enfant, comme sujet opérateur est une performance à inscrire
sur le programme de disjonction (vs programme de conjonction
ou de conservation). Convenons d’appeler ce programme
dilapidation :
PN 1 : conservation : conjonction (et non disjonction) du sujet
avec l’objet.
PN 2 : dilapidation : disjonction (et non conjonction) du sujet
et de l’objet.
76
rateur n’est pas vraiment autonome et que « ce qu’il portait dans
la tête » est une figure du vrai destinateur de son programme.
Pour notre construction du modèle narratif, nous retiendrons
que la PN dilapidation est réalisé au point qu’il sert de défini¬
tion, de qualification du sujet (« il s’en alla par le monde en gas¬
pillant son trésor ») susceptible d’être manifestée par de nom¬
breuses performances particulières. Suivant le déroulement de la
séquence narrative canonique, nous pouvons nous attendre à
trouver maintenant un élément de sanction.
77
la suspension du PN de dilapidation. C’est bien la fin de la
sanction, elle ne porte pas directement sur des états transformés
dans la mesure où le programme a pris la forme d’un comporte¬
ment du sujet, elle porte sur une activité à poursuivre ou à inter¬
rompre. La cessation d’un programme laisse apparaître un autre
programme narratif possible.
78
7.3.9. « A QUELQUES TEMPS DE LÀ... BIEN CHER >, -
79
formation du statut modal de P« homme à la cervelle d’or » qui
aboutit à une perte de la compétence (ne pas pouvoir faire) sur le
programme de conservation, et à une perte de l’objet valeur (cer¬
velle d’or) sur le programme de dilapidation qu’il réalise sans le
vouloir (pouvoir-faire + ne pas vouloir ne pas faire) (3.3.3.).
80
valeur ? On peut faire l’hypothèse suivante : pour ce programme,
le destinateur se caractérise par son absence dans le récit où il
n’apparaît que sous la figure du « destin » ou de la « fatalité ».
81
fin du récit, l’homme est caractérisé par la perte du savoir : il dit
« je sais » quand il ne se « souvient plus ». De ce fait, selon la
vérité du récit, l’échange et l’attribution qui constituent la perfor¬
mance de l’homme ici sont sans raison. On peut remarquer com¬
ment tous les termes de cette formule narrative sont successive¬
ment niés. On a noté dans le passage précédent que l’or avait
perdu sa valeur (d’échange) : que lui importait son or mainte¬
nant ? On indique ici qu’il n’y a plus de destinataire.
• Finalement, il n’y a plus d’or. Autre façon d’indiquer que
les termes de la communication et de l’échange sont détruits.
L’or apparaît ici nettement dans sa liaison avec les objets somati¬
ques (le sang). Nous avions vu plus haut cette liaison (7.3.6.)
lorsque la dépense d’or se traduit par des effets somatiques (joue
creuse, œil éteint) qui sont les signes de la dépense ; mais ici les
éléments somatiques interviennent au plan pragmatique (« la main
toute sanglante avec des raclures d’or au bout des ongles »)
comme des objets inscrits dans les performances de communica¬
tion. Si la « cervelle d’or » est un objet complexe à la fois soma¬
tique (cervelle) et économique (l’or), ces deux valeurs étaient
maintenues distantes dans l’ambiguïté de la figure. La fin du récit
(et la morale qui suit) opère la conjonction des deux valeurs sur
le plan pragmatique : la perte de l’or est aussi la perte de la vie
somatique. Ce « cerveau » est aussi une « cervelle », l’« or » est
aussi la « substance » échangeable avec toute valeur, jusqu’à
épuisement.
Au terme de cette section, compte tenu des particularités de
l’échange, l’homme est défini dans un énoncé d’état disjoint
(S V O)
où O représente la valeur objective de ce qui est échangeable
(dans l’achat) et la valeur subjective de ce qu’est la vie. Sur
l’ensemble du texte parcouru, une transformation principale a eu
lieu qui fait passer l’homme d’un état de conjonction avec la cer¬
velle d’or et avec la vie (il vécut cependant), à un état de disjonc¬
tion de ces deux valeurs.
82
tifs avec les rôles actantiels qui leur correspondaient. Au terme de
cette observation, nous sommes en mesure de produire le modèle
narratif du récit, c’est-à-dire sa représentation dans les termes et
les règles de la grammaire narrative.
On aura pu s’apercevoir, dans cette observation du récit, de la
liaison très intime du plan narratif et du plan discursif. La signi¬
fication se jouant au croisement de ces deux plans, la description
sémiotique passe perpétuellement des figures aux rôles actantiels,
mais chacun des plans nécessite un « outillage » particulier pour
la description. Ici, nous avons présenté séparément — et de façon
un peu artificielle — les deux composantes, alors que dans le tra¬
vail sur les textes, elles sont toujours liées.
La composante narrative de cette légende s’organise dans la
relation entre deux programmes narratifs focalisés chacun sur une
opération : la conjonction pour le PN 1 (conservation) et la dis¬
jonction pour le PN 2 (dilapidation). Ces deux opérations s’appli¬
quent sur des personnages identiques du récit : les deux program¬
mes enregistrent-, les transformations de la relation entre
« l’homme » et la « cervelle d’or ». L’« homme » nous a ainsi
servi d’indicateur pour mesurer la progression du récit, il en est
la « mémoire » puisque toutes les transformations narratives
l’affectent.
Le récit est rendu plus complexe du fait que « l’homme » est
également sujet opérateur sur les deux programmes. Pour un
même personnage, on enregistre plusieurs rôles :
personnage rôles
83
performances transformation de la relation
" homme ” sujet d’état
pragmatiques (homme - cervelle d’or)
84
les velléités et envies de l’homme. Dans la manifestation du récit
les PN se suivent ainsi :
PN1 — PN2 — PN1 — PN2
Une fois faite cette mise en place des PN, on peut essayer de
mesurer leur écart, de décrire leur opposition. Si l’on compare
l’état final de chacun d’eux (qu’il soit réalisé ou non, sa figure
est indiquée par le récit) on observe qu’aucun des deux program¬
mes ne réalise un état vraiment positif (ou euphorique). PN 2
apparaît d’emblée négatif : la disjonction réalisée est figurée par
la perte de l’or et de la vie : une certaine forme de la mort. Mais
alors qu’on cherche les valeurs euphoriques dans PN 1 on trouve
les figures de la solitude, de l’enfermement et de l’avarice... Cette
observation, que l’analyse des structures profondes détaillera (cf.
16.2.), est confirmée par des éléments du texte que nous avons
décrits. : il s’agit des performances du faire interprétatif réalisées
par plusieurs personnages sur l’homme à la cervelle d’or (les
médecins pensaient qu’il ne vivrait pas, on le crut mort, c’était
pitié de le voir, on pouvait voir les yeux s’éteindre, on le vit s’en
aller l’air égaré, la marchande recula de peur en le voyant). Tous
ces éléments d’interprétation, sur quelque programme qu’ils
s’appliquent, convergent vers la mort, et appartiennent à un
système de valeur qui n’est ni celui de PN 1, ni celui de PN 2.
Il nous faut préciser la construction des deux programmes en
ce qui concerne la manipulation et la position du destinateur.
Nous avons remarqué à plusieurs reprises un dédoublement du
destinateur : les performances des programmes sont réalisées au
terme de requêtes qui laissent subsister une autre instance de des¬
tination, celle du pouvoir-faire. En effet, dans toutes ces perfor¬
mances de l’« homme » (sauf la dernière), le pouvoir est toujours
supposé acquis, et le récit enregistre, au début, l’origine de ce
pouvoir (un don monstrueux qu’il tenait du destin). Par la suite,
la mise en œuvre de ce pouvoir-faire se fait à la requête d’autres
destinateurs (parents, femme, ami) qui s’inscrivent sur un autre
plan.
A un certain niveau d’analyse, nous avons pu opposer les deux
programmes narratifs : pour le sujet opérateur « homme », il est
question des manipulations qui le font passer d’un PN à l’autre,
et de l’échec de PN 1 devant PN 2, mais le bilan de ces deux PN
les fait se rejoindre sur une valeur descriptible comme la
« mort ».
85
P N (vie) •*- ^ PN (mort)
PN 1 PN 2
(conservation) (dilapidation)
86
DEUXIEME PARTIE
LA COMPOSANTE DISCURSIVE
87
— les formes narratives qu’engendre la composante narrative,
— les formes discursives qu’engendre une composante discur¬
sive (cf. O.3.).
Nous pouvons représenter les choses de la manière suivante :
Plan du contenu
Forme sémiotique du contenu
t 1Ï
composante narrative composante discursive
88
8. LES FIGURES
89
Sélectionnés et retenus par le travail du texte, ils contribuent en
effet à forger la signification particulière de ce texte.
Nous allons examiner comment s’opère ce second temps de
l’analyse.
ou encore :
3. « Décidément, ce gamin n’a pas de cervelle ! » ou
« C’est vraiment une tête sans cervelle ! »
90
Définition de la figure :
La figure est une unité de contenu stable définie par son noyau
permanent dont les virtualités se réalisent diversement selon les
contextes.
Ainsi, la figure « cervelle », dont on peut donner une défini¬
tion (ou une indication) du noyau permanent de signification
qu’elle contient, est susceptible d’entrer dans des contextes diffé¬
rents et de réaliser des parcours séméniques différents.
Schématiquement :
91
Qu’en est-il lorsque plusieurs énoncés se suivent, lorsqu’il s’agit
non plus de phrases mais de suites de phrases formant un dis¬
cours ou un texte ?
Plusieurs analyses, dans le domaine linguistique, ont montré les
corrélations qui peuvent s’établir entre divers lexèmes et dessiner
des rapports d’identité, d’opposition, d’association etc. Il s’agit
par exemple du travail fait sur les « champs lexicaux » et les
« champs sémantiques ».
On appelle « champ lexical » l’ensemble formé par les mots
(les lexèmes) qu’une langue regroupe pour désigner les divers
aspects d’une technique, d’un objet, d’une notion : cela peut être
mis en correspondance avec l’examen de l’aspect virtuel des
figures.
On appelle « champ sémantique » l’ensemble des emplois d’un
mot dans un texte donné, emplois qui donnent à ce mot une cer¬
taine charge sémantique : nous voyons que cela peut correspondre
à l’examen des parcours sémémiques d’une figure ou de l’aspect
réalisé d’une figure.
Dans ces deux types d’analyse, nous constatons aussi que les
figures établissent entre elles des relations, dessinent tout un
réseau : c’est ce phénomène que signale déjà le terme « champ »
attribué à l’objet de cette exploration linguistique.
C’est plutôt cet aspect d’étalement, d’enchaînement des figures
qui intéresse la démarche de la sémiotique textuelle. En effet, lire
un texte, ce n’est pas repérer des figures isolées les unes des
autres ou des figures qui ne vaudraient qu’en elles-mêmes, c’est
davantage repérer des rapports entre les figures et évaluer des
réseaux figuratifs.
Ainsi, dans le texte que nous travaillons, des figures comme
« mener sa vie royalement », « matin de débauche », « débris de
festin », « lustres pâlissants », ne sont pas des figures isolables.
Les parcours sémémiques de chacune d’entre elles se rejoignent, se
rencontrent, s’accrochent pour former un ensemble signifiant qui
suggère ici « une vie de débauche ».
92
téraire cher h frc/,e themat1^ qui, dans le domaine lit-
h h . a explorer Ies divers et multiples réseaux qui
s étaient dans les discours. Elle est encore comparable à là
démarché de la recherche des motifs qui, dans le domaine des
contes populaires et des mythes, tente de donner un statut à ces
motifs qui se retrouvent d’un récit à l’autre dans des fonctions
narratives semblables ou différentes. tonctions
93
9. PARCOURS FIGURATIFS
CONFIGURATIONS DISCURSIVES
94
grammes narratifs. Il faudra voir par quels parcours figuratifs les
deux programmes narratifs (PN 1 et PN 2) sont manifestés dans
le récit. C’est ce que nous ferons dans l’exercice pratique.
— Parcours figuratifs
vie de dilapidation dilapider
débauche par le jeu par amour
(festins, (casino, (séduction,
train de vie, roulette, femme capri-
etc.) etc.) cieuse, etc.)
95
Nous pourrions faire les mêmes remarques en reprenant le par¬
cours figuratif de « l’éducation d’un enfant ». Il relève d’une
configuration discursive de la « vie familiale » : plusieurs par¬
cours figuratifs constituent l’exploitation et la réalisation des pos¬
sibilités de cette configuration. Ainsi :
— les jeux des enfants,
— les enfants difficiles ou manifestant quelque handicap,
— les rapports parents-enfants,
— la vie quotidienne d’une famille ;
et vraisemblablement beaucoup d’autres encore.
Dans le texte, nous avons repéré aussi un parcours figuratif
décrivant le « cadre de vie » du narrateur. Ce cadre de vie, cette
description de l’ambiance (soleil et musique etc.) relève d’une
configuration discursive qui, dans les textes d’Alphonse Daudet,
occupe un espace important : c’est la configuration discursive de
la « provencité ». D’autres parcours sont là aussi possibles :
— la description de la vie provençale (comme pourrait le faire
un ouvrage de géographie régionale),
— des scènes de vie villageoise (comme ce que l’on peut trouver
en lisant J. Giono), etc.
Dans le cadre d’un univers culturel déterminé, il devient possi¬
ble d’envisager un inventaire des configurations discursives. Cet
inventaire formerait un dictionnaire discursif.
Le dictionnaire phrastique (« Robert » ou « Larousse » par
exemple) se présente comme un stock de figures lexématiques.
Pour chaque figure, se trouvent répertoriés les divers emplois ou
parcours sémémiques de cette figure.
Le dictionnaire discursif pourrait se présenter comme un stock
de thèmes et de motifs, c’est-à-dire de configurations discursives.
Pour un domaine culturel déterminé, chaque configuration serait
susceptible d’être décrite à l’aide des divers parcours figuratifs
qui la caractérisent.
Remarquons cependant que le dictionnaire discursif est moins
clos que le dictionnaire phrastique.
Tout texte puise certes dans la langue et exploite des parcours
figuratifs déjà réalisés dans d’autres textes. Mais il trace aussi de
nouveaux parcours figuratifs, non encore réalisés, et qui viennent
enrichir la configuration discursive. Le texte « emprunte » cer¬
tains parcours, mais il en « renvoie » d’autres vers le dictionnaire
discursif qui joue alors ce rôle de mémoire culturelle. Et ces nou¬
veaux parcours sont alors à tout moment susceptibles d’être réac-
96
tualisés ou d’être mis en œuvre pour la fabrication de parcours
inédits.
Ainsi, les notions de configuration discursive et de parcours
figuratifs définissent les deux aspects selon lesquels une « figure
du discours » est envisageable :
— la configuration discursive constitue l’aspect virtuel,
— le parcours figuratif constitue l’aspect réalisé.
Nous pouvons représenter ainsi une comparaison entre figures
lexématiques et figures du discours :
97
10. ROLES THÉMATIQUES
98
En fonction des parcours figuratifs (dont les expansions sont
toutefois inégales) auxquels il participe, « l’homme » se trouve
progressivement porteur des rôles thématiques qui contribuent à le
décrire et lui donner une certaine densité, un certain poids séman¬
tique particulier.
« Enfant gauche et handicapé », « enfant reconnaissant »,
« débauché », « avare », « amoureux », etc. autant de rôles thé¬
matiques qui, tout en condensant des parcours figuratifs plus ou
moins exploités, composent le personnage de « l’homme à la cer¬
velle d’or »...
ACTEUR
\
Rôle actantiel Rôle thématique
99
11. EXERCICE PRATIQUE :
LA COMPOSANTE DISCURSIVE
DANS LE TEXTE DE DAUDET
11.1. La dédicace
100
11.2. Le discours englobant
101
Parcours figuratifs Rôles thématiques
102
Nous voyons ici que tout le jeu des images et des figures à
l’œuvre dans un texte se comprend et s’évalue en fonction du
rapport entre le plan narratif et le plan discursif : parce que plu¬
sieurs parcours figuratifs se rapportent à une même position nar¬
rative, le texte peut alors faire valoir une figure pour une autre,
établir des relations de métaphore ou de métonymie. Et les pins
peuvent être tristes et le moulin en deuil, les états affectifs peu¬
vent se rapporter aux lieux et les lieux signifier les états d’âme.
Notons enfin que ce parcours figuratif du « cadre de vie »
pourra resurgir en d’autres points du texte, en une sorte de cita¬
tion. Nous aurons alors à repérer à quel moment et pour quelles
significations de telles citations interviennent.
11.3. La légende
103
plusieurs parcours figuratifs de type « physiologique » ou « men¬
tal »,
— de l’or : cette figure est dotée, elle aussi, d’une pluralité de
significations, « métal » ou « richesse », l’un et l’autre peuvent à
tout moment se réaliser dans le texte au moyen de parcours figu¬
ratifs.
« L’homme à la cervelle d’or » apparaît donc ici comme un
ensemble de possibles de sens, comme une sorte de lieu vide où
divers rôles thématiques peuvent prendre place. Cependant la
composition de ces rôles et la densité thématique de cet étrange
« homme à la cervelle d’or » ne seront totalement connues qu’au
terme du récit.
104
Enfin, la mise en rapport de ce parcours figuratif du « lingot
d’or » avec celui du « physiologique », notamment avec les
expressions « légère blessure », « goutelettes d’or caillées », pro¬
duit un rapprochement entre « l’or » et le « sang » : l’or est ici
comme le sang. Cette corrélation de parcours figuratifs se renou¬
vellera plusieurs fois dans le texte pour s’achever et s’inverser
dans la « morale » de l’histoire (cf. 11.2.3.).
Avec la mise au secret de la chose et de l’enfant, nous voyons
s’installer de nouveaux parcours figuratifs : les « jeux de
l’enfant », les « relations parents-enfants », qui peuvent se rap¬
porter à une configuration plus globale de « l’éducation ».
Remarquons que les jeux collectifs et extérieurs (les « garçonnets
de la rue », « courir devant la porte ») deviennent des jeux inter¬
dits, et les seuls autorisés par les parents sont des jeux solitaires
et intérieurs...
De nouveau, un parcours figuratif relatif à « l’or » apparaît :
le « vol » et le « trésor » venant composer un parcours de la
« thésaurisation ». « On vous volerait, mon trésor », notation
affective sur le parcours figuratif des rapports parents-enfants,
notation monétaire sur le parcours de la thésaurisation, l’ambi¬
guïté de la figure « trésor » reste maintenue.
0
105
seulement physique, il est aussi intériorisé, « dans la tête ». Le
« physique » et le « mental » se rejoignent en un parcours figura¬
tif de la « déraison ».
Puis, face à la « thésaurisation », voici le « gaspillage », nou¬
veau parcours figuratif pour le programme narratif de la « dilapi¬
dation ».
106
11.3.8. « PAR MALHEUR... ON LUI EMPORTAIT »
107
Notons encore que trois performances se rapportant au PN2 de
dilapidation (cf. tableau 7.4.) sont énoncées avec des figures se
rapportant aux relations affectives :
— les « parents » demandant l’or en échange de l’éducation,
— « l’ami » qui vole,
— la « femme aimée » qui séduit et dévore...
108
lieux, « vitrines », « arrière-boutique », « comptoir », par la
notation d’une fonction, « la marchande », ce parcours possède
comme celui de « l’enterrement » un caractère stéréotypé.
Cette remarque nous conduirait peut-être à distinguer deux for¬
mes de parcours figuratifs (nous reprenons une remarque faite en
9.2.).
— Des parcours en quelque sorte « cités » qui ne sont que
l’expression obligée de parcours d’une configuration discursive
déjà réalisés dans d’autres textes ou discours. Ils sont manifestés
d’une manière figée avec des contraintes dans l’expression des
lieux, des objets et des fonctions.
— Des parcours en quelque sorte « créés ». En assemblant
d’une manière originale des éléments d’autres parcours, le texte
produit un nouveau parcours. C’est ce que fait ce texte lorsqu’il
assemble les figures de « l’or » et de la « cervelle ».
Notons encore le jeu de certaines figures. Les « bottines de
satin bleu » bordées de « duvet de cygne » ne portent-elles pas
comme un écho de l’oiseau « bleu » qui préférait les « plu¬
mes » ?
La légende s’achève sur les « raclures » d’or et la « main san¬
glante ». L’or et le sang se rapprochent à nouveau. Mais au
début de la légende- il n’y avait que de l’or qui était comme du
sang. Il n’y a plus d’or désormais et il ne reste que le sang :
ultime figure d’une vie qui « touche à sa fin », d’une « subs¬
tance » épuisée.
La morale peut alors intervenir et clore le jeu figuratif : cette
« cervelle » était d’or, l’or disparu il ne reste que le sang d’une
substance comme les autres, cette substance ne vaut-elle pas de
l’or ?...
109
2e partie), les formes discursives sont prises en charge par les for¬
mes narratives.
Les parcours figuratifs sont nombreux mais inégaux quant à
l’exploitation que le texte en fait. Le plus souvent nous les avons
rapportés à des rôles thématiques. L’évolution de ces rôles donne
progressivement consistance aux « personnages » qui ont déjà été
définis par leur rôle actantiel (cf. 7.4.).
Nous pouvons alors évaluer la composition thématique des
principaux personnages de ce texte. (Nous ne prendrons en consi¬
dération ici que deux personnages principaux : l’homme de la
légende et le narrateur).
110
Acteur
“ famille ”
“ relation parents-enfants ”
PN1 (conservàtion) < “ les jeux interdits ”
“ la vie en solitaire ”
“ la thésaurisation ”
111
enferme ou que l’on gaspille, cela n’élimine ni la « peur », ni le
« déséquilibre ».
Il reste qu’un parcours figuratif semble échapper au courant
« mortifère » qui anime les autres parcours. C’est celui du
« cadre de vie » provençal. Lui aussi va se trouver tenu en échec
par la « tristesse parisienne », mais il peut toutefois représenter
les valeurs euphoriques.
Curieusement, ces valeurs ne sont pas à rechercher dans la
légende elle-même (sinon parfois sous forme de citations, sorte
d’échos de ce parcours : cf. 11.3.2.) mais dans le discours englo¬
bant qui, s’il déclare la vérité en finale, suggère aussi en son
début la positivité.
En reprenant le schéma qui concluait l’analyse narrative nous
pouvons représenter cela ainsi :
parcours figuratif :
parcours figuratif : “ tristesse et
| PN (vie)- -PN (mort) |
“ vie provençale ” deuil ”
“ morale ”
I- »
PN 1 PN 2
(conservation) (dilapidation)
N--
112
B. LES STRUCTURES PROFONDES
12. VERS LES UNITÉS MINIMALES
DE LA SIGNIFICATION
115
12.1. Les sèmes
Nous avons déjà indiqué que les figures que nous percevons à
la lecture d’un texte sont susceptibles d’être analysées dans le
cadre d’un dictionnaire. Mais, pour assurer cette analyse, la lin¬
guistique ne se contente pas d’un simple repérage des parcours
sémémiques d’une figure. Elle va aussi tenter d’expliciter la com¬
position des sémèmes (ou parcours sémémiques) qui sont virtuel¬
lement contenus sous une figure lexématique. Pour cela, chaque
sémème sera analysé comme un ensemble de traits sémantiques
minimaux ou unités minimales de la signification. A ces traits
minimaux, on donne le nom de sèmes.
116
Et grâce à leurs sèmes communs ou différents, les figures d’une
langue peuvent établir entre elles des relations, se relier, se rejoin¬
dre, ou s’opposer et s’exclure.
Examinons pour commencer deux figures lexématiques :
« espérance » et « crainte ».
A l’aide d’un dictionnaire, nous pouvons les définir :
— espérance : sentiment par lequel en envisage quelque chose
comme favorable à son désir.
— crainte : sentiment par lequel en envisage quelque chose
comme défavorable, dangereux ou nuisible.
Ces définitions nous permettent de remarquer qu’il y a des élé¬
ments communs à ces deux figures. En affinant quelque peu
l’analyse de leur signifié nous pourrions ramener ces éléments à
quelques traits sémantiques minimaux (nous ne prétendons pas
toutefois, dans ces exemples, faire l’inventaire exhaustif des sèmes
de ces figures).
Elles possèdent ainsi les traits :
1. /sentiment/
2. /orienté vers le futur/ (nous pourrions proposer pour ce
trait une dénomination comme /futurible/).
Le trait 1 nous permet déjà d’opposer nos deux figures à
d’autres comme pa'r exemple « réflexion » ou « action » qui ne
possèdent pas ce trait sémique.
Le trait 2 nous permettrait d’opposer ces figures à une autre
comme « regret ». Si cette dernière figure possède bien le trait 1,
elle ne possède pas le trait 2 mais plutôt un autre du type
/orienté vers le passé/.
Ces deux traits sont donc communs aux deux figures. Mais un
troisième trait va nous permettre de les différencier. Ce trait dési¬
gne la qualité de ce qui est envisagé : « favorable » dans un cas,
« défavorable » dans l’autre. Nous dénommerons ce trait ainsi :
3. /euphorique/ pour « espérance » qui s’oppose à /dysphori¬
que/ pour « crainte ».
Ce que nous avons appelé le noyau stable d’une figure (cf.
8.1.) se présente donc comme un ensemble de traits minimaux
qu’il est possible de repérer et d’organiser. Par ces traits, les figu¬
res s’opposent et/ou se rapprochent. Si la figure « espérance » se
rapproche de la figure « crainte » par les traits /sentiment/ et
/futurible/, elle s’en distingue par le trait /euphorique/ vs
/dysphorique/.
117
Nous pouvons alors donner, au moins approximativement, la
composition sémique des deux figures :
— « espérance » : /sentiment/ + /futurible/ + /euphorique/
— « crainte » : /sentiment/ + /futurible/ + /dysphorique/.
A l’aide de cet exemple, nous repérons la caractéristique princi¬
pale du sème : il a une fonction différentielle (nous dirons aussi
une fonction distinctive). En effet, c’est grâce aux différences
entre les sèmes que peuvent se produire les différences entre les
effets de sens : les sèmes sont donc à déterminer les uns par rap¬
port aux autres, et ils ne valent que par les différences qu’ils
entretiennent les uns avec les autres. C’est par ce réseau de diffé¬
rences que se produit la signification.
D’ailleurs, dans l’exemple que nous venons d’analyser, la saisie
des traits sémantiques n’a pu se faire valablement que par le jeu
de cette fonction distinctive. Et les traits retenus étaient considé¬
rés comme pertinents parce qu’ils permettaient effectivement
d’opposer des effets de sens.
Ainsi, au plan phonologique, /b/ s’oppose à /p/ par les traits
/voisé/ vs /non voisé/. Cette opposition est donc considérée
comme pertinente pour la langue qui utilise ces deux phonèmes.
De même, au plan sémantique, « espérance » s’oppose à
« vol » ou à « effort » par les traits /sentiment/ vs /action/ qui
n’ont de valeur que par cette relation d’opposition qu’ils entre¬
tiennent. Et « espérance » s’oppose à « regret » par les traits
/futurible/ vs /tourné vers le passé/. Et, comme nous l’avons
montré, « espérance » s’oppose à « crainte » par les traits
/euphorique/ vs /dysphorique/.
Nous avons précédemment analysé la figure lexématique
comme pouvant se réaliser dans des « parcours sémémiques » (cf.
8.1.). Nous avons aussi dénommé ces parcours sémémiques, en
tant qu’effets de sens possibles, des sémèmes. Chaque sémème ou
effet de sens doit donc pouvoir s’analyser comme un ensemble de
traits sémiques ou sèmes.
118
Ce schéma représente aussi le changement de palier que l’on
opère quand on passe de l’examen de la composante discursive à
l’évaluation de la structure profonde qui s’effectue par la décom¬
position des effets de sens du discours.
Et si les sémèmes s’organisent ainsi, toute modification dans la
composition et l’agencement des sèmes produit une modification
de la composition des sémèmes, permettant de passer d’un effet
de sens à un autre, de produire, de lever ou de maintenir une
ambiguïté. C’est ainsi que l’on peut dire beaucoup de chose d’un
« canard », avant de savoir, par le jeu de l’agencement des sèmes
et du déplacement de quelques-uns d’entre eux, s’il s’agit d’un
« animal de basse-cour », d’une « récente opération culinaire »,
ou d’un « enfant choyé »...
sèmes n
119
Nous représentons cela d’une manière comparable à ce que
nous venons de faire pour les figures lexématiques .
En modifiant l’agencement des sèmes, des parcours figuratifs
différents pourront être produits :
— le « gaspillage » se réalise dans le parcours de la « débau¬
che » si, aux sèmes du noyau stable, viennent s’adjoindre des
sèmes comme /libertin/.
— le parcours du « jeu » s’instaure si l’on adjoint des sèmes
comme /ludique/ etc.
120
Des figures comme « cervelle » ou « or », des parcours figura¬
tifs comme « handicap » sont dotés d’un noyau sémique perma¬
nent :
— « cervelle » peut s’analyser comme
/englobé/ + /somatique/ + /psychique/
— « or » peut s’analyser comme
/métal/ + /précieux/
— « handicap » résume tout un parcours où se maintiennent
des sèmes comme
/somatique/ + /défectueux/ + /anormal/ + etc.
Ces divers sèmes nucléaires que nous avons pu relever, ainsi
d’ailleurs que tous les sèmes nucléaires que nous pourrons ren¬
contrer dans l’examen du niveau profond, constituent ce qui sera
appelé le niveau sémiologique de la signification.
12.2.2. CLASSÈMES
121
Dans le premier cas, la compatibilité qui réunit les figures de
« l’orage » et de « ces gens » est assurée par le classème
/humain/ ; dans le second cas, cette jonction se trouve assurée
par un classème du type /naturel/.
Nous voyons aussi dans le texte s’établir ce jeu de la compatibi¬
lité entre des figures. Nous avons déjà évalué quelque peu le
contenu sémique des figures « cervelle » et « or ». Mais le texte
non seulement les rapproche, il les fond en une nouvelle et origi¬
nale figure : « la cervelle d’or ».
Tout texte se présente ainsi comme une création originale
d’effets de sens en mettant ensemble des figures, en créant des
compatibilités qui ne sont pas nécessairement prévues par les dic¬
tionnaires.
En mettant ensemble une « cervelle » dont le trait /somatique/
est important et de « l’or » qui possède un trait /matériel/, le
texte crée une figure nouvelle porteuse à la fois des traits /somati¬
que/ et /matériel/. Cela définit son noyau sémique.
Mais, par les classèmes qui apparaîtront lors de la contextualisa¬
tion, cette figure pourra entrer en compatibilité avec d’autres.
Sa mise en rapport avec les figures de la « douleur » ou du
« sang » fera apparaître le classème /humain/ ; ce qui aura pour
conséquence de provoquer la suspension du sème nucléaire /maté¬
riel/.
Sa mise en rapport avec les figures du « lingot » ou de
« l’achat » fera apparaître le classème /objet/ ; ce qui aura pour
conséquence de provoquer la suspension du sème nucléaire /soma¬
tique/.
Enfin il est possible que le contexte ne décide pas entre
/humain/ et /objet/. L’ambiguïté peut être maintenue. Bien plus,
la production simultanée de ces deux classèmes pourra produire
l’apparition de figures comme le « monstrueux » ou le « fantasti¬
que », c’est-à-dire de figures pouvant se maintenir dans des
contextes où co-existent /humain/ et /objet/...
122
13. LES ISOTOPIES
13.1. Définition
123
la cohésion d’un propos, permet de désambiguiser les énoncés
produits. Dans l’exemple pris précédemment :
— « il y a de l’orage entre ces gens »
— « il y a de l’orage en montagne »,
nous avons repéré la permanence d’une catégorie classématique,
/humain/ dans la première phrase, /naturel/ dans la seconde.
N’oublions pas non plus que nous avons conçu les sèmes, et donc
les classèmes, comme ayant une fonction distinctive. Et, ici,
/humain/ n’est saisissable que dans son opposition avec /natu¬
rel/ : humain / vs / naturel/. En sélectionnant l’un ou l’autre de
ces classèmes, l’isotopie sémantique va assurer la cohérence de la
phrase et lever toute ambiguïté. ,
Mais si nous avions dit :
— « il y a de l’orage dans l’air »,
l’ambiguïté eut été maintenue, /humain/ vs /naturel/, l’isotopie
sémantique maintient ici ces deux catégories jusqu’à ce que de
nouvelles figures interviennent et permettent de rapporter cet
énoncé à un plan commun, et donc de le comprendre selon une
isotopie particulière. Des figures comme « débat politique » ou
« balade en montagne » pourraient par exemple assurer la désam-
biguisation et garantir une lecture isotope.
Dans le texte, nous avons repéré plusieurs fois des ambiguïtés
ou des doubles sens. C’est là le résultat du jeu de la redondance
des traits classématiques et le phénomène d’isotopie du discours.
Ainsi en est-il pour la figure « trésor » :
« trésor » peut s’analyser comme disposant d’un noyau sémi-
que, c’est-à-dire d’un ensemble de sèmes nucléaires, du genre :
/rassemblé/ + /précieux/ + /quantité/.
La mise en contexte de cette figure et son inscription dans des
parcours figuratifs divers feront apparaître des classèmes comme :
— /objet/ ou /humain/.
Comme /objet/, « trésor » pourra aller prendre place dans des
parcours figuratifs où le trait sémique /économique/ sera présent.
Comme /humain/, « trésor » pourra aller prendre place dans
des parcours figuratifs comportant le trait sémique /affectivité/.
124
Les figures sont porteuses d’un noyau sémique composé de
quelques sèmes nucléaires. Ces sèmes peuvent justement permettre
de rapprocher des figures entre elles, ce qui rend possible jeux de
mots et métaphores.
La figure « trésor » peut illustrer assez bien le phénomène
d’isotopie sémiologique :
/précieux/ est un des sèmes du noyau de cette figure ; ce sème
nucléaire peut en rejoindre d’autres semblables se trouvant dans
le noyau d’autres figures. Nous pourrions trouver alors des figu¬
res comme « pièces d’or » valant au plan « monétaire ». C’est ce
rapprochement qui constituera une isotopie sémiologique /écono¬
mique/ sur laquelle s’installera le sème /précieux/.
Mais ce même sème peut rejoindre un trait comparable se trou¬
vant dans d’autres figures, par exemple celles se rapportant aux
« relations affectives » où l’on trouverait « choyer » « aimer »
etc. Ce rapprochement constituera précisément une isotopie
sémiologique /affectivité/ sur laquelle le sème /précieux/ s’instal¬
lera.
C’est à cause de ces dispositions sémiques que « trésor » peut
figurer aussi bien dans des « histoires d’amour » que dans un
« compte rendu du ministère des Finances ».
Nous pouvons représenter ce jeu d’isotopies sémiologiques et le
rapport avec l’isotopie sémantique ainsi :
— figure : « trésor »
— noyau sémique : /rassemblé/ + /précieux/ + /quantité/
— isotopies sémiologiques : • /économique/
figures possibles avec des sèmes nucléaires comme /précieux/ +
/rassemblé/ + /échangeable/ + /monétaire/ etc.
• /affectif/
figures possibles avec des sèmes nucléaires comme /précieux/ +
/relationnel/ + /désir/ + etc.
— isotopie sémantique : /objet/ vs /humain/
le choix entre ces deux classèmes pourra produire le déploiement
d’isotopies sémiologiques diverses :
/objet/ -*• /économique/
/aventure/ ou /découverte/
/humain/ -*■ /affectif/
/culturel/ ou /artistique/
125
13.4. Bilan
“ effets de sens ”
niveau de surface
sémèmes organisés en parcours figuratifs
126
Ainsi, dans le récit que nous analysons, nous avons repéré
divers parcours figuratifs : « la débauche », « le handicap physi¬
que », « la richesse », « le travail », « l’avarice », « l’amour »,
« le deuil », « la dépossession » etc.
Les figures de ces parcours s’assemblent et se rejoignent dans le
texte ; les traits qui les composent peuvent se rejoindre et com¬
mander des rapprochements, créant ainsi un registre de significa¬
tion, un plan commun de sens, c’est-à-dire une isotopie sémiologi¬
que.
Par exemple, les figures de la « débauche », du « handicap »,
de la « dépossession » vont se rejoindre : « les yeux éteints », « les
chutes du corps », « la douleur » etc., vont pouvoir produire du
sens sur la base d’une isotopie que l’on dénommera : isotopie
sémiologique /somatique/.
D’autres figures vont aussi se regrouper : « la débauche », « la
dépossession » pouvant aussi produire un rapprochement de figu¬
res sur la base d’une isotopie sémiologique /économique/.
Il y aurait encore les figures du parcours de « l’éducation », de
« l’amitié », de « l’amour » : elles viennent composer une isotopie
sémiologique /relationnel/.
Enfin, il ne faudrait pas négliger les figures du parcours figura¬
tif du « cadre de vie » qui viennent introduire dans le texte une
isotopie sémiologique de type /cosmologique/.
127
Dans notre texte, il nous faudra chercher les éléments qui arti¬
culent l’ensemble des réseaux figuratifs. L’organisation des rap¬
ports entre ces éléments doit rendre possible la production des
effets de sens. Qu’est-ce qui vient jouer dans les divers parcours
figuratifs ? Qu’est-ce qui vient articuler les différences perçues sur
les diverses isotopies sémiologiques: /économique/, /somatique/,
/cosmologique/, /relationnel/ ? Peut-être une opposition comme
/vie/ vs /mort/ dont la redondance garantirait l’isotopie sémanti¬
que ?...
Surface Profondeur
128
14. LA STRUCTURE ÉLÉMENTAIRE
DE LA SIGNIFICATION :
LE CARRÉ SÉMIOTIQUE
129
Dans cette perspective, tout texte se présente comme un jeu de
différences, un dispositif réglé d’écarts différentiels. En cherchant
à définir une structure élémentaire, nous tentons de nous donner
les moyens de mesurer ces écarts et de cerner le dispositif qui les
commande.
La structure élémentaire sera donc différentielle et oppositive,
cela veut dire qu’il y a :
— deux termes présents simultanément,
— une relation entre ces termes.
Et il n’y a pas de termes sans relations, et un terme seul est
dénué de signification.
La structure sera alors définie comme une relation entre deux
termes. C’est pourquoi nous aurons à mettre en évidence la
forme sémiotique à l’aide de couples de traits sémiques, à l’aide
de valeurs minimales opposées :
/grand/ vs /petit/
/blanc/ vs /noir/
130
qu’il y a un élément commun, un axe sémantique commun qui
pourrait être ici la « couleur » soit :
S = /couleur/
si vs s2
/blanc/ vs /noir/
si s2
/blanc/ vs /sec/
si vs s2
S’
etc.
131
Ainsi :
/homme/ vs /femme/
1---1-J
/humain/ vs /animal/
1---1-1
/animé/ vs /inanimé/
i_-,_i
/blanc/ s2 /sec/
A
132
rence /blanc/ vs /sec/ qui pourrait organiser la signification du
texte d’une « carte des fromages » dans un restaurant.
Nous détaillons les diverses relations que le carré organise :
— Une relation hiérarchique hyponymique : elle va du sème à
l’axe sémantique ou du terme à la catégorie qui le subsume. Cette
relation s’établit entre si, s2 et S et entre non-sl, non-s2 et non-
S.
— Entre si et non-sl existe une relation de contradiction :
non-sl est la négation de si. Le choix est nécessaire entre l’un et
l’autre terme. Il n’y a pas de troisième terme possible : c’est la
loi de l’alternative, de deux choses l’une.
La même relation s’établit entre s2 et non-s2.
— Entre si et s2 existe une relation de contrariété : s2 est le
contraire de si et inversement. Dans la signification réalisée, s2
est incompatible avec si. Cependant s2 n’est pensable que comme
contraire de si et inversement si n’est pensable que comme con¬
traire de s2.
On dira aussi qu’il y a entre ces deux termes une relation de
double implication. Et quand nous avons défini la structure élé¬
mentaire (cf. 14.1.1.), nous avons déjà repéré ce phénomène : les
deux termes s’opposent mais sont saisis simultanément. Autre¬
ment dit, ils sont incompatibles mais ils se présupposent mutuelle¬
ment.
Les contraires ne s’opposent jamais comme deux termes d’une
alternative. Leur incompatibilité autorise toujours une troisième
position : ni si ni s2 qui est représentée par l’axe sémantique
non-S.
— Entre non-sl et non-s2 existe une relation de subcontrariété.
Nous la décrirons ici comme comparable à la relation de contra¬
riété.
Ces deux termes autorisent aussi une troisième position : soit si
soit s2 représentée par l’axe sémantique S.
— Entre non-sl et s2 ainsi qu’entre non-s2 et si existe une
relation de présupposition. Nous l’appelons aussi relation
d'implication narrative. Cette relation est telle que la position du
terme négatif (non-sl ou non-s2) en annulant l’un des contraires
rende possible l’assertion de l’autre. Les termes négatifs, et donc
indéterminés /non blanc/, /non sec/, sont par excellence des
points de passage d’un type de contenu à son contraire.
— Les deux axes S et non-S sont constitués par la relation
entre les contraires :
133
S subsume si et s2 : il sera parfois possible de l’appeler axe du
complexe car à partir de lui on peut projeter soit si soit s2.
Non-S subsume non-s 1 et non-s2 : à partir de lui on peut pro¬
jeter soit non-sl soit non-s2, il sera parfois appelé axe du neutre
par rapport à si et s2 puisqu’il peut être défini comme ni si ni
s2.
— La relation entre les contradictoires est dénommée schéma :
un schéma pour les relations si et non-sl.
un schéma pour les relations s2 et non-s2.
— On appellera deixis l’ensemble composé par les termes qui
sont en relation de présupposition : si et non-s2, s2 et non-sl.
Les contenus représentés par si et non-s2 ainsi que ceux repré¬
sentés par s2 et non-sl sont dits conformes à cause de cette rela¬
tion qu’ils entretiennent entre eux.
14.3. Remarques
134
Il est toujours possible de former non-sl et non-s2 à partir de si
et s2 : il suffit de les nier (/blanc/... /non blanc/).
Par contre, la différence entre si et s2 est signifiante car les
deux termes ne prennent valeur que de leur opposition.
Ainsi poser l’un, c’est, au moins implicitement, poser l’autre.
Poser /blanc/ c’est, dans notre exemple, au moins implicitement,
poser /sec/.
Dès lors, l’analyse sémiotique d’un texte consiste précisément à
établir pour ce texte l’opposition pertinente (ou le groupe d’oppo¬
sitions pertinentes). Il s’agit donc de repérer, c’est-à-dire à la fois
d’extraire et de construire, le couple de contraires qui engendre et
règle la signification.
Et les contraires ne sont pas donnés comme tels dans la
nature : ils sont d’abord l’effet du discours et donc de l’applica¬
tion du langage sur la réalité. Ce que parfois nous considérons
comme des contraires établis et universels (/blanc/ vs /noir/,
/jour/ vs /nuit/, /ciel/ vs /terre/ etc...) ne sont jamais que des
couples d’opposition statistiquement plus fréquents.
135
15. MISE EN ŒUVRE DU CARRÉ SÉMIOTIQUE
15.1.1. RELATIONS
136
en relation les uns avec les autres. Ces relations ont été définies
précédemment (cf. supra 14.2.) :
— relation de contrariété,
— relation de contradiction,
— relation de présupposition.
15.1.2. OPÉRATIONS
137
1. Un système de relations entre valeurs minimales : c’est
l’aspect taxinomique et statique du carré. Le modèle de relations
peut être représenté ainsi :
représente une relation de contradiction
-*■ représente une relation de présupposition
(la relation de contrariété équivaut à une double présupposition)
si__ s2
si s2
138
principaux (niveau de surface, niveau profond) sur lesquels des
éléments ont été reconnus comme pertinents et organisables.
Au niveau profond, nous venons de mettre en place :
— un système de relations
— un réseau d’opérations.
Au niveau superficiel, nous avons mis en place
— une composante narrative
— une composante discursive.
La composante narrative règle la disposition des états et des
transformations et la composante discursive règle les parcours
figuratifs que les textes actualisent à partir des configurations dis¬
cursives.
Les deux composantes de ce niveau de surface sont en quelque
sorte comparables à ce que l’on trouve dans la linguistique phras-
tique : une grammaire et un lexique. Mais au plan textuel, la
grammaire (syntaxe) est une grammaire narrative qui ordonne les
formes discursives que lui soumet le dictionnaire discursif (lexi¬
que).
Entre les deux niveaux ainsi organisés, une série de correspon¬
dances est à aménager pour permettre le passage de l’un à
l’autre.
— Les relations de contradiction, contrariété, présupposition,
organisées au niveau profond, se trouvent, au niveau de surface,
prises en charge par les réseaux figuratifs.
Ainsi, dans le travail de l’analyse, les écarts et les multiples dif¬
férences que nous pourrons saisir, évaluer, et nommer par le
repérage des parcours figuratifs et des rôles thématiques, les
divers croisements et rapports qui vont s’établir, dans le texte,
entre les parcours figuratifs, vont permettre la mise en place des
relations entre les valeurs minimales.
— Les opérations sur ces valeurs, représentées au niveau pro¬
fond par la négation et la sélection, se trouvent prises en charge,
au niveau de surface, par les programmes narratifs.
Dès lors, le passage de la LOGIQUE (niveau profond) au
RÉCIT (niveau de surface) s’opère
— quand une opération logique est représentée par un
« faire », c’est-à-dire une transformation narrative : par exemple,
quand l’opération de négation de la valeur /haut/ est représentée
par « descendre » qui est un faire.
139
Dans le texte, ce passage peut être représenté notamment quand
l’opération de négation de la valeur /clos/ est prise en charge par
le programme narratif de « débauche ».
140
fonctionnement qui conditionne et engendre ce message. En
d’autres termes, si, au niveau de surface, on organise des figures,
au niveau profond, on met en place des relations entre des
valeurs.
Et ce sont les relations entre ces valeurs qui conditionnent l’appa¬
rition des figures dans des parcours figuratifs.
— En conséquence, le travail de l’analyse se présente comme un
va et vient constant entre les deux niveaux. Les écarts perçus,
manipulés par les réseaux figuratifs et les programmes narratifs,
permettent de proposer une hypothèse d’organisation du niveau
profond que l’on peut vérifier, corriger, et rectifier jusqu’à ce que
le modèle établi, ainsi que le rapport entre surface et profondeur,
soient une représentation satisfaisante du fonctionnement du sens
dans ce texte.
141
sèmes. C’est leur redondance qui définirait une isotopie sémanti¬
que.
A ces classèmes, des sèmes nucléaires seront adjoints. Leur
redondance définira une ou plusieurs isotopies sémiologiques. Là
encore, de manière tout à fait formelle, nous pouvons imaginer
une série d’isotopies sémiologiques :
— isotopie sémiologique /x/
— isotopie sémiologique /y/
— isotopie sémiologique /z/
Ces trois plans sémiologiques sont alors à concevoir comme des
organisations de contenu susceptibles de prendre en charge
l’opposition fondamentale représentée par le carré sémiotique.
En termes plus imagés, nous dirons que sur ces trois isotopies
sémiologiques le même écart sémantique simulé par le carré vient
« résonner » ; de la même façon qu’en musique, une même mélo¬
die, définie comme des écarts de son, peut être jouée par des ins¬
truments différents.
Possédant ainsi des classèmes organisés et des sèmes nucléaires,
il est possible de concevoir que s’établit entre ces deux types de
sèmes une combinatoire dont le résultat sera la production
d’effets de sens ou de sémèmes. Nous retrouverons ici ce que
nous avons mis en place précédemment : la manifestation du
sémème est le résultat de la combinaison de sèmes nucléaires (qui
définissent le sémème en propre) et de classèmes (qui en assurent
la contextualisation).
Nous aurons alors :
classème + sèmes nucléaires = sémème
/a/ /y/ /a y/
/b/ /y/ /b y/
/a/ /z/ /a z/
etc...
Un carré pourra résumer les relations entre les diverses valeurs
situées sur les isotopies sémiologiques :
x
y
z
y
z
142
C’est au nom du classème qui leur est commun que des
homologations peuvent se faire entre valeurs prises en charge par
des isotopies sémiologiques différentes.
Mais au niveau profond, il faut aussi prévoir les opérations sur
les valeurs. La négation et la sélection qui dynamisent le carré se
chargent :
1 — de nier le terme /a/ pour poser le terme /non-a/
— de sélectionner à partir de /non-a/ le terme /b/
2 — de nier le terme /b/ pour poser le terme /non-b/
— de sélectionner à partir de /non-b/ le terme /a/.
Soit :
1. /a/ -*■ /non-a/ -* /b/
2. /b/ -*• /non-b/ -*• /a/
Ces opérations peuvent être signifiées que chacun des plans
sémiologiques. Et de même que les valeurs minimales que ces
plans articulent sont homologables, à cause du classème qui leur
est commun, de même les opérations qui manipulent ces valeurs
sont, elles aussi, homologables.
Remarque :
Nous ne retenons dans ce parcours du sens que deux étapes (ou
deux niveaux de structuration) : le niveau profond et le niveau de
surface. Il conviendrait, pour être exhaustif, de prévoir une troi¬
sième étape. Ce serait le niveau de la manifestation correspondant
à la langue choisie (français, anglais, etc.), ou au matériau choisi
(peinture, photo, bande dessinée, etc.) pour manifester et matéria¬
liser les significations. C’est sur ce niveau que devraient être étu¬
diés par exemple les divers effets stylistiques ainsi que les effets
dus aux multiples contraintes du matériau.
143
Nous représentons ainsi le parcours d’engendrement de la signi¬
fication :
144
16. EXERCICE PRATIQUE :
LES STRUCTURES PROFONDES
DANS LE TEXTE DE DAUDET
Les parcours figuratifs que nous avons relevés (cf. 4.11.) carac¬
térisent l’agencement des figures. C’est l’analyse des traits séman¬
tiques qui composent ces figures qui va mettre en évidence les
traits communs à ces figures. Le texte utilise des parcours figura¬
tifs, mais il les « travaille » afin d’en sélectionner certaines signi-
145
fications, d’en prolonger certains traits, pour développer certains
plans sémiologiques. Si donc le plan figuratif relève du diction¬
naire que la langue met à la disposition de l’organisation tex¬
tuelle, le plan sémiologique relève davantage de l’utilisation que
le texte fait de ce dictionnaire.
Ainsi nous avons enregistré la présence dans le texte d’un par¬
cours figuratif des « relations familiales ». Sur les figures de ce
parcours, une série d’oppositions sont repérables : les « parents
enferment » au lieu de « laisser libre », les « jeux collectifs »
deviennent « jeux individuels », le « dehors » (devant la porte,
dans la rue) est refusé au profit du « dedans » la maison (d’une
salle à l’autre), la « solitude » est affirmée contre les « relations
avec d’autres ».
Ce sont toutes ces oppositions qui nous fournissent une entree
vers le niveau profond. Nous pouvons déjà les nommer et les
considérer comme des oppositions sémiques :
/dedans/ vs /dehors/
/individuel/ vs /collectif/
/clos/ vs /ouvert/
Cependant, ces oppositions ainsi établies, il ne faut pas perdre
de vue le lieu de signification sur lequel elles viennent produire
des effets de sens. Ce lieu de signification est à considérer comme
une isotopie sémiologique. Il s’agit ici de « l’univers des rela¬
tions », avec les figures des « jeux d’enfants », des « rapports
parents-enfant », de « l’univers des relations familiales » etc.
Cette isotopie sémiologique pourrait être désignée comme isoto¬
pie des « relations ». Et c’est sur cette isotopie que des écarts
sémiques deviennent signifiants : /relations fermées/ vs /relations
ouvertes/', /isolement/ vs /compagnie/, /fermé/ vs /ouvert/...
Ce plan sémiologique pourra se retrouver à d’autres moments
du texte : l’épisode de l’ami fait à nouveau apparaître des traits
de sens venant jouer sur ce registre des « relations » avec aussi
les figures de « l’isolement », avec l’échec d’une « solitude parta¬
gée ».
L’épisode le plus développé de cette légende, celui de
« l’homme amoureux » fait encore affleurer cette isotopie. Nous
avions donc, dans l’examen de la composante discursive, repéré
plusieurs parcours figuratifs, et nous remarquons maintenant que
l’usage que le texte en fait consiste d’abord à les déployer selon
une isotopie sémiologique du /relationnel/. (Cependant d’autres
146
isotopies auraient pu s’installer et utiliser des parcours figuratifs
comparables : une isotopie /sociale/ par exemple, nous aurions
eu alors un autre texte...).
Dans ces nouveaux épisodes que le texte enchaîne, d’autres
oppositions viennent jouer sous les figures du « vol », de la
« dévoration », des « cadeaux nombreux et incessants », etc.
Nous trouvons par exemple une opposition :
/plein/ vs /vide/
Nous voyons qu’ici plusieurs parcours figuratifs peuvent consti¬
tuer le déploiement d’une seule isotopie sémiologique :
— Parcours figuratifs
— « relations familiales »
— « relations enfantines »
— « relations amicales »
— « relations amoureuses »
— Isotopie sémiologique
/relationnel/
— Oppositions retenues par le texte
/clos/ vs /ouvert/
/plein/ vs /vide/
Si nous poursuivons l’examen du texte, nous constatons que
d’autres effets de sens se produisent sur d’autres isotopies. Nous
pouvons rassembler en effet des réseaux figuratifs sur un lieu de
signification qui concerne le « corps ». Les parcours figuratifs du
« handicap physique » avec les « chutes », les « médecins », etc...
de la « vie de débauche » qui « creuse les joues » et « éteint les
yeux »,... du « travail des mains », de « l’égarement » avec les
figures de « l’ivresse » etc... se rassemblent pour composer une
isotopie sémiologique du /somatique/. En effet, ce que le texte
retient en utilisant tous ces parcours, ce sont moins les effets
« moraux » du handicap, du gaspillage ou de l’égarement que les
effets sur le « corps » de l’homme. Nous voyons là encore que
l’isotopie sémiologique correspond bien à l’usage que le texte, fait
des réseaux figuratifs.
Sur cette isotopie /somatique/, de nombreux traits sémiques
sont manipulés par le texte. Il y a par exemple un trait de /déme¬
sure/ ou d’/excès/. Il est sous jacent à tout l’épisode de la des¬
cription de l’enfant à la tête « trop » lourde, mais il se retrouve
présent sous les figures de la débauche « folle », de l’« ivresse »
et dé « l’éblouissement » qui inaugurent le départ du jeune
147
homme, de « l’ivresse » et de « l’épouvante » qui vient signaler
« l’égarement » de l’homme à la tête « vidée ».
Cependant, nous ne trouvons pas dans la légende elle-même la
valeur qui pourrait s’opposer à ce trait de /démesure/. Nous
reviendrons plus loin sur ce problème, (cf. 16.2.).
Toutes les figures qui jouent sur le plan /somatique/ viennent
progressivement décrire la « perte » de la cervelle d’or. Et sous
les registres figuratifs, il y a aussi une opposition comme /plein/
vs /vide/ qui se trouve à l’œuvre. Elle affleure même parfois lit¬
téralement lorsque « les joues se creusent » pour signifier le gas¬
pillage et la disparition progressive de l’or. Le corps « se vide »,
et le sang signale, en fin de récit, la valeur /vide/ quand l’or, en
début, pose la valeur /plein/.
Nous pouvons remarquer aussi que l’épisode de la « vie de
débauche », s’il ne se manifeste que par un seul parcours figura¬
tif, joue sur deux isotopies :
— isotopie /somatique/ avec le trait /vide/
— isotopie /relationnel/ avec le trait /solitude/.
Ainsi, un parcours figuratif peut se déployer selon deux (ou
plusieurs) isotopies sémiologiques. Nous avons auparavant noté le
phénomène inverse.
Il y a dans cette légende une troisième isotopie qui rend possi¬
ble l’usage des parcours figuratifs de la « thésaurisation », de
« l’avarice », du « commerce », des « richesses » etc. Il s’agit
d’une isotopie sémiologique de l’/économique/. L’or s’échange,
permet d’acheter des cadeaux, de rétribuer, se vole, se conserve :
ce sont là autant de déploiements de possibilités de sens à partir
d’une même isotopie.
Là encore certains parcours figuratifs, comme l’avarice, ou le
vol, sont susceptibles de jouer sur plusieurs isotopies : l’/écono-
mique/ et le /relationnel/. Nous pourrions encore utiliser une
dénomination semblable aux dénominations précédentes pour
caractériser une des oppositions mise en place sur le plan sémio¬
logique /économique/. Certains affleurements manifestés par les
figures comme « l’énorme brèche faite au lingot » nous invitent à
proposer :
/plein/ vs /vide/.
Ainsi, ces trois isotopies sémiologiques :
/relationnel/
/somatique/
/économique/
148
nous permettent de désigner les registres de signification sur les¬
quels le texte déploie, à l’aide des parcours figuratifs, des effets
de sens multiples et divers.
Rappelons à nouveau que les parcours se croisent et se
rencontrent parfois sur une même isotopie, et qu’inversement un
même parcours peut valoir sur plusieurs isotopies.
Si nous faisons le bilan de cet examen, nous pouvons représen¬
ter le rapport entre les parcours figuratifs et les isotopies sémiolo¬
giques de la façon suivante :
Parcours figuratifs
(structure de surface)
Isotopies sémiologiques
(structure profonde)
/plein/ vs /vide/
/clos/ vs /ouvert/
/dedans/ vs /dehors/
/individuel/ vs /collectif/
149
Nous proposons de retenir comme indicateur de l’isotopie
sémantique l’opposition :
/clos/ vs /ouvert/
Nous pensons en effet que cette opération représente assez bien
le lieu à partir duquel les autres oppositions sont possibles.
Remarque :
11 est toujours difficile de dénommer l’isotopie sémantique, et la
plupart du temps on se contente de l’indiquer par l’opposition qui
semble la plus caractéristique. En effet l’isotopie sémantique ne se
définit pas comme le déploiement d’un registre de sens au même
titre que l’isotopie sémiologique, mais comme ce qui rend possible
et assure la cohérence du déploiement des registres de sens. Sa
dénomination pourra dès lors être arbitraire, à la condition que
l’on ait correctement identifié la différence qu’elle commande.
+ /somatique/ = “ débauche ”
+ /économique/ = “ dilapidation ”
150
de ce fait, sont en opposition forte mais aussi des différences
entre termes qui se présuposent :
— ainsi, la diférence entre /interdit/ et /solitude/ sur l’isotopie
du /relationnel/ ; cette différence est prise en charge par le par¬
cours figuratif des « jeux d’enfants ».
— ainsi, la différence entre /ivre/ et /débauche/ pris comme
valeurs sémiques sur l’isotopie du /somatique/ ; cette différence
est prise en charge par les parcours figuratifs du « jeune homme
quittant la maison paternelle » et de la « débauche ».
On voit ici que /ivre/ ne désigne pas le résultat du comporte¬
ment de « débauché » tel qu’on pourrait l’imaginer, mais la
valeur que le texte accorde au comportement du jeune « adulte
avec ses richesses » : dans ce texte, /ivre/ implique /débauche/
non l’inverse...
151
Chaque programme va prendre en charge les opérations qui
s’instaurent entre les valeurs du plan profond.
— Ainsi, la négation de /ouvert/ correspond à la « défense »
de sortir faite par les parents ; cette négation rend possible la
sélection de /clos/ présentée ici par « l’enfant qui se trimbale
lourdement dans la maison ».
— Ainsi, la négation de /clos/ correspond au « départ » de
l’enfant hors de la maison et à la première opération de disjonc¬
tion représentée par le don fait sur les « genoux » de la mère.
Cette négation rend possible la sélection de /ouvert/, manifestée
par la « vie de débauche », par le « vol », et par l’achat de
« choses chères » pour une jeune femme.
Nous pourrions résumer cela de la manière suivante :
1. /clos/ /non-clos/ : ce passage est pris en charge par les
opérations narratives du « départ » de l’enfant-adulte, du « deve¬
nir amoureux », et de « l’égarement du dernier soir ».
2. /non-clos/ -*■ /ouvert/ : ce passage est pris en charge par
les opérations narratives de la « débauche », du « vol », et de
« l’échange par amour ».
3. /ouvert/ /non-ouvert/ : ce passage est pris en charge par
les opérations narratives représentées par « l’interdiction des
parents », la « vie à l’écart » du jeune homme, la « peur » qui
saisit.
4. /non-ouvert/ -*• /clos/ : ce passage est pris en charge par
les opérations narratives figurées par les « jeux solitaires », la
« main mise des parents »
Soit, sur le carré sémiotique :
1 et 2 correspondent au PN 2 de dilapidation
3 et 4 correspondent au PN 1 de conservation.
Nous avons donc ainsi une représentation de la circulation du
sens dans cette légende.
152
Et le récit s’achève sur les valeurs /ouvert/ et /vide/ signifiées
sur l’isotopie /somatique/. La tête est « vidée » de son « or » et
la figure du « sang » vient surajouter à ces valeurs sémiques la
valeur /mort/.
Elle est perceptible sous les différences entre les figures « poè¬
mes couleur de rose » et « broyer du noir », ou « contes badins »
153
et « légende mélancolique », le « cœur gai » et le « moulin en
deuil ».
L’isotopie sémantique qui commande l’articulation des registres
sémiologiques pourraient être désignée par l’opposition
/vie/ vs /mort/.
En effet, aussi bien dans le début du texte que dans sa conclu¬
sion moralisante, une opposition de cet ordre est à l’œuvre. La
« nature provençale » marquée par le « soleil », la « musique »,
le « vin », les « fifres des pâtres » et les « rires des filles » por¬
tent les valeurs de /gai/ et de /vie/. Par contre, Paris, lieu des
« tristesses », de la mort de « Barbara » et du « deuil », ainsi
que la « vérité » de l’histoire sont en rapport avec les valeurs de
/mort/.
C’est sans doute à cause de ce jeu des valeurs sémantiques que
la seule mention faite dans le texte de la légende du « soleil » et
du « cadre provençal » (« un beau plant d’olivier ») est à mettre
en rapport avec la valeur /vie/ : « il vécut cependant et grandit
au soleil comme un beau plant d’olivier »...
Nous pourrions voir aussi comment ce jeu des valeurs s’accom¬
pagne d’une nouvelle différence, peut-être plus délicate à perce¬
voir. La valeur /vie/ est mise en rapport dans quelques passages
avec une indication spatiale : le /haut/ sous les figures de la
« colline lumineuse » et du « grandir ». Ce rapport est percepti¬
ble car, inversement, la valeur /mort/ est mise en rapport avec le
/bas/ : « sa grosse tête l’entraîne, l’enfant tombe » ; et il fau¬
drait signaler encore à ce propos toutes les figures du « déséquili¬
bre ».
Nous aurions donc alors une représentation des relations entre
valeurs de sens de la forme suivante :
/lumière/ /triste/
/gai/ /sombre/
/non-triste/ /non-lumière/
154
seule figure complexe la valeur /mort/ sur les isotopies /cosmolo¬
gique/ et /noologique/.
Nous avons, dans l’observation du texte de la légende, remar¬
qué que le trait /démesure/ ou /excès/ ne se trouvait pas placé
en opposition avec un autre. Pourtant, si nous l’avons repéré,
c’est parce qu’il se trouvait occuper une position particulière : en
effet ce trait de /démesure/ est présent à la fois avec le trait
/clos/, et avec le trait /ouvert/. C’est pourquoi l’effet de sens
produit indique aussi bien une tête « trop » pleine qu’une tête
« trop » vide. Les figures du « déséquilibre » et de l’« ivresse »
qui comportent ce trait de /démesure/ sont présentes aussi bien
sur le PN 1 que sur le PN 2. Cela avait déjà été noté au cours de
l’analyse narrative : d’un côté comme de l’autre il y a de l’excès.
Cela nous conduit à poser que ce trait intègre en fait les autres
traits, comme /plein/ vs /vide/, /clos/ vs /ouvert/ etc..., et
entretient avec eux une relation non d’opposition mais de
hiérarchie.
Ce trait de /démesure/ se trouve aussi mis en rapport avec le
trait classématique /mort/ puisque, comme nous le signalions dès
l’analyse narrative, la conservation (PN 1) « enferme », et la dila¬
pidation (PN 2) « épuise ». Et les figures de la /mort/ apparais¬
sent aussi dans l’ensemble du texte avec le trait /démesure/...
Ainsi, l’opposition /clos/ vs /ouvert/ se trouve intégrée sous
un terme qui s’oppose lui-même à un autre :
/clos/ vs /ouvert/
i-T-' .
155
— rénonciation de la légende prend en charge l’assertion de la
valeur /mort/ signifiée par tout un dispositif signifiant décrit
comme une articulation /clos/ vs /ouvert/.
Soit pour résumer cela :
“ tristesse
parisienne ”
156
C. EXERCICE PRATIQUE
ANALYSE D’UN TEXTE
17. LE JEU DU SENS DANS LE RÉCIT
DE LA TOUR DE BABEL
159
Texte
17.1. : Analyse
160
c’est-à-dire avec un certain nombre de valeurs ou de qualifica¬
tions qui désormais vont servir à le déterminer.
C’est cette relation, posée au début du récit, qui est susceptible
d’être transformée par les opérations narratives.
Les actants que l’on vient de repérer sont manifestés par des
éléments du discours (mots, groupes de mots, etc.) dont il faut
analyser la valeur. Le deuxième geste de l’analyse consistera donc
à évaluer les figures qui apparaissent ici : et cela non en feuille¬
tant un dictionnaire de mots mais en repérant les figures que le
texte choisit de mettre en relation. Le sujet d’état est représenté
par « toute la terre ». Dans cette figure de l’actant collectif, on
pourrait retenir les valeurs de “ totalité ", d’" espace ", de
“ cosmos "... Dans ces virtualités de signification, le texte opérera
des sélections à l’aide des rapports qu’il construira avec d’autres
figures. Pour l’instant, les valeurs avec lesquelles le sujet d’état se
trouve mis en relation sont figurées par « lèvre unique » et
« paroles uniques ». Les figures retenues ici relèvent d’un
parcours figuratif qui est celui du « langage ». Plus précisément,
les deux figures utilisées désignent d’une part l’aptitude à parler,
et d’autre part l’activité de parole, les « paroles » ou les propos
tenus. Comme la « langue » dans notre univers habituel, la
« lèvre » peut désigner l’organe de phonation et l’aptitude au lan¬
gage.
Le langage se trouve présenté ici comme compétence de parole
et comme performance de parole. Ces deux aspects du langage
sont qualifiés par « uniques » : une seule langue, une seule
parole, une même compétence, de mêmes performances. Valeur
d’“ unicité ", et d’“ identité ", telles sont les premières détermina¬
tions sémantiques qualifiant le sujet d’état. La terre dont il est
question ici pourrait être désignée comme « terre mono-logue ».
bilan
161
manifesterait par des actes de parole, ce qu’on trouvera aux vv. 3
et 4.
Au plan discursif, ce /pouvoir-être/ est représenté par « lèvre
unique et paroles uniques », c’est-à-dire par un certain nombre de
valeurs. On peut les désigner de la façon suivante :
— la terre est définie par la langue (ou par le « langagier »).
— un rapport est posé entre « totalité » de la terre et « iden¬
tité » de la langue (une pour tous !).
Ces valeurs définissent un plan homogène de signification — il
s’agit d’une isotopie sémiologique — sur lequel des transforma¬
tions pourront être signifiées. Ces mêmes valeurs rapportées à un
acteur construisent un rôle thématique pour le sujet d’état : une
terre /MONOLOGUE/. Ce rôle thématique pourra être trans¬
formé, il nous est dès lors possible de prévoir à titre d’hypothèse
cette transformation faisant passer du rôle thématique /MONO¬
LOGUE/ au rôle thématique inverse /POLY-LOGUE/, et pou¬
vant se manifester sur cette isotopie sémiologique du « langa¬
gier ».
2. Et il arriva, dans leur déplacement à partir de
l’Orient, qu’ils trouvèrent une plaine en la terre de
Shinear, et ils s’assirent là
Nous repérons ici un énoncé du faire qui prend en charge la
transformation d’état d’un sujet. C’est à partir de ce verset que
la performance se met en place.
Devant cet énoncé d’un acte, il convient de se poser pluieurs
questions :
— Quel est le sujet opérateur de la transformation ? Est-il dif¬
férent du sujet d’état ou lui est-il identique ?
— Quel est l’objet en jeu, acquis ou perdu ?
— Quel type de faire se trouve représenté ?
Le sujet opérateur, ou sujet du faire, est ici figuré par « ils »,
pronom indéfini. En fait, ce sujet n’est pas tout à fait indéfini,
puisqu’il se trouve précisé par le « déplacement » qu’il effectue, il
s’agit de « personnes en déplacement », ou « personnes dépla¬
cées ».
L’objet en jeu est figuré par une « plaine », par un lieu.
Quant au faire, il est double : d’une part la découverte (« trou-
ver »), d autre part l’installation (« s’asseoir »). Ces deux actes
représentent la performance qui fait passer d’un sujet " mobile "
(en déplacement) à un sujet “ installé “ (« assis »).
162
L’analyse de cette transformation nous amène à préciser cha¬
cun des éléments qui la forment :
— un état 1 caractérisé par le mouvement
— une transformation : trouver, s’asseoir
— un état 2 qui résulte de cette transformation : assis ou ins¬
tallés.
Par commodité, nous pouvons représenter cette suite de la
façon suivante :
F(S1 ) =» I(S2 V O) — (S2 A O))
163
La performance est ici réalisée, accomplie ; elle fait passer d’un
état de « déplacé » à un état d’« installé ». Nous pouvons alors
nous attendre à ce que la suite du texte manifeste une perfor¬
mance de type épreuve glorifiante ou sanction portant sur la
valeur du programme réalisé.
Nous n’en savons rien encore, mais dans toute analyse il con¬
vient d’envisager les possibles narratifs que chaque énoncé contient
afin d’évaluer les sélections que le récit opère au fur et à mesure
de son développement.
164
second état, résultant d’une transformation, est un état réalisé, il
se manifeste sur l’isotopie sémiologique du " spatial
Remarquons bien que l’état réalisé au terme de la performance
n’est pas une transformation de l’état figuré dans le premier
énoncé. Au plan “ langagier ”, rien ne s’est encore transformé. La
situation narrative où se trouve le sujet constitue un état de
départ pour des transformations qui vont suivre. Cet état se
trouve maintenant défini à la croisée des deux isotopies sémiolo¬
giques “ langagière ” et " spatiale \ Le rôle thématique se cons¬
truit ainsi progressivement : la terre /MOWO-LOGUE/ est égale¬
ment /MONO-TOPE/. A ce propos, nous pouvons remarquer
que le terme « Shinéar » peut être lu comme nom de lieu focali¬
sant le déplacement sur un point de l’espace, il peut aussi être lu
sur le plan langagier puisque, selon certaine étymologie, il signifie
« arrachement des dents », c’est-à-dire la perte d’un des organes
phonateurs. C’est cet effet de sens que retient le commentaire de
de Rupert de Deutz (De Trinitate et operibus ejus, livre 42, com¬
ment. de la Genèse livre 4, ch. 41) : « Invenerunt, inquit, cam-
pum in terra Sennear. Ipsum campum quem invenerunt, Scriptura
non vocat Sennear, scilicet ab eventu, locum congruo nomine
significans, interpretatur enim Sennear excussio dentium, vel fetor
eorum, videlicet excussio dentium, id est sermonum sive verbo-
rum quae sine dentibus non fiunt. Plurimum namque dentes ad
loquendum, qui tune illis quodammodo excussi sunt, quando soli-
tam loquendi facultatem dentati, id est, superbi vel fortes illi,
perdiderunt. »
165
tère réciproque de cette performance : « chacun vers son compa¬
gnon ». Elle sert à énoncer une proposition d’action ; il s’agit
donc de la manifestation du contrat réciproque par lequel se
constitue l’actant collectif dans le rôle de sujet opérateur (ils se
« proposent » de faire quelque chose). En d’autres termes, il
s’agit pour cet actant collectif, sujet des énoncés précédents,
d’une forme d’auto-destination : il se constitue lui-même comme
sujet du faire, ou il est à lui-même son propre destinateur. On
avait remarqué plus haut l’occultation du rôle de destinateur ;
voici que ce rôle apparaît ici dans une activité de langage. La
figure du destinateur pourrait être celle de l’“ unité de langue ".
Le deuxième énoncé représente l’objet du dire. C’est donc un
énoncé pris en charge par un acteur du texte, à la différence du
troisième énoncé (« et la brique... ») pour lequel n’apparaît
aucun sujet énonciateur. L’objet du dire est un programme
pragmatique proposé mais pas encore réalisé, c’est un programme
virtuel, et pour le sujet opérateur de ce programme, il ne s’agit
que de /vouloir-faire/ et non encore de /faire/. En examinant le
contenu de cet énoncé, on constate qu’une formule d’exhortation
traduit ce /vouloir-faire/ : « allons », et que le reste de l’énoncé
détaille le faire pragmatique lui-même. Il s’agit de deux opéra¬
tions pragmatiques : « briqueter et flamber » ; ces deux opéra¬
tions déterminent un programme narratif. Mais ce programme
narratif est susceptible d’être intégré dans un autre programme
narratif : il devient alors le programme d’usage d’un programme
principal, comme pourrait l’être la « fabrication des briques »
pour la « construction des habitations ».
Il faut dans l’analyse distinguer le programme narratif, comme
suite d’opérations transformant des états, et le parcours figuratif
chargé de manifester ce programme dans le récit.
166
gramme : plutôt que de dire « ils ont construit des maisons », le
texte choisit de dire « la brique fut pour eux pierre et le bitume
fut pour eux mortier ».
Au plan discursif, cet énoncé met en rapport deux parcours
figuratifs : l’un où prennent place « brique » et « bitume »,
l’autre où prennent place « pierre » et « mortier ». On constate
assez aisément que le second sert à définir le premier en sélection¬
nant les valeurs figuratives (celles de la construction) et la posi¬
tion narrative (programme réalisé). Mais l’opposition entre les
figures « pierre » vs « brique » et « mortier » vs « bitume » dans
ces deux parcours figuratifs peut sélectionner d’autres valeurs
sémantiques.
On peut faire remarquer ici que le plan narratif et le plan dis¬
cursif ne s’excluent pas et ne se construisent pas indépendamment
l’un de l’autre. Ainsi les indications figuratives nous ont servi à
déterminer une position narrative.
bilan
Les sujets d’état définis au v. 2 sont devenus sujets d’un faire.
On a pu reconnaître ici quelques aspects du déroulement d’un
programme narratif
— un aspect virtuel définissait le stade du /vouloir-faire/. A ce
stade les objets du faire n’apparaissent pas encore en relation de
conjonction avec le sujet d’état. Ils sont désignés avant d’être
acquis. Cela se manifeste dans ce récit lorsque le programme est
pris en charge par le dire avant d’être réalisé.
— la notation d’un programme d’usage peut, dans notre cas,
apparaître comme l’expression d’un /pouvoir-faire/ : on fait
quelque chose en vue d’autre chose.
— l’aspect réalisé se trouve manifesté par la désignation de la
fonction des matériaux.
Dans ce verset, il n’y a pas de négation de l’état final du v. 2.
Les « installés » restent installés, et même « mieux installés ». Le
v. 3 constitue en effet une expansion figurative de cet état, et une
définition plus développée de l’installation : la construction est ici
une forme de l’occupation du sol.
Par ces opérations définies comme acte de langage et comme
acte de construction, le rôle thématique de /MONO-LOGUE/ et
/MONO-TOPE/ se déploie en parcours figuratifs. En même
temps, au plan narratif, le rôle actantiel de sujet réalisé se met en
place.
167
L’acteur qui en surface apparaît comme « ils » ou « toute la
terre » se constitue au fur et à mesure que le discours avance. Il
enregistre en effet les valeurs figuratives et les valeurs narratives
que le déploiement des parcours figuratifs et l’évolution des pro¬
grammes narratifs lui attribuent.
168
gramme apparaît surtout dans la seconde opération proposée :
« se faire un nom » (le nom étant ici le renom). Il s’agit de
manifester, de faire connaître le héros. Les objets deviennent
alors des objets-signes ou objets-messages destinés à faire paraître
ou à faire-savoir. Pour ce qui est du rôle actantiel définissant le
sujet dans son trajet narratif, c’est à la constitution d’un sujet
reconnu que doivent aboutir ces performances.
L’examen du rapport entre cette performance et celle décrite
dans l’énoncé précédent permet de préciser ce qui se joue ici. Par
sa position dans l'algorithme narratif, c’est-à-dire dans la suite
ordonnée des performances narratives, la performance décrite ici
peut constituer une épreuve glorifiante ou de reconnaissance. Des¬
tinée à manifester le héros, c’est une performance de type
cognitif qui fait suite à une performance principale de type
pragmatique. Et dans notre récit, la production des signes pour la
sanction du sujet intervient après la production des briques pour
la réalisation du sujet.
On voit ici que l’opposition pragmatique vs cognitif est une
opposition narrative autant que figurative. Ainsi la construction
d’une cité, opération pratique, remplit la fonction d’une perfor¬
mance cognitive pour la sanction, à cause de sa position dans la
suite narrative.
Les rôles actantiels qui se déploient au fur et à mesure du
déroulement narratif peuvent être rappelés ici :
• sujet virtuel : ce rôle apparaît dans la « mise en route » du
sujet, c’est-à-dire dans son rapport au destinateur (manipulation)
et dans son rapport avec l’objet à atteindre : on l’appelle aussi
sujet du vouloir-faire.
• sujet compétent : ce rôle apparaît lorsque le sujet acquiert ou
possède les modalités de la compétence (pouvoir-faire et
savoir-faire).
• sujet réalisé : ce rôle apparaît au terme de la performance
principale, lorsque le sujet a atteint l’objet.
• sujet reconnu : ce rôle apparaît lors des performances de la
sanction, et dans le rapport avec le destinateur de la sanction qui
évalue les performances réalisées par le sujet.
169
négation des valeurs recherchées et réalisées par le sujet. C’est à
partir de là que se met en place une axiologie des valeurs : les
objets se trouvent classés selon la valeur que le sujet leur accorde
dans son programme. Cette valeur est euphorique pour l’objet du
programme qui s’achève, elle est dysphorique pour l’objet de
l’anti-programme évoqué.
Au niveau discursif, nous pouvons reprendre et préciser les
remarques qui ont déjà été faites. La figure de la « cité » com¬
porte plusieurs traits sémantiques. Sa relation avec « bâtissons »
sélectionne ici le trait /construction bâtie/ et sa relation avec
« pour nous » va sélectionner un trait /socio-politique/ : la cité
devient l’organisation des rapports humains. Quant à la « tour »,
elle comporte aussi le trait /construction bâtie/, mais par la pré¬
cision apportée, « sa tête dans les cieux », elle va définir un rap¬
port avec l’élément /ciel/, sa tête, ou son sommet, devant aller
non pas jusqu’au ciel, mais « dedans » le ciel. On retrouve ici
non seulement des traits jouant sur une isotopie cosmologique
(ciel vs terre), mais aussi des traits jouant sur une isotopie spa¬
tiale (haut vs bas, dedans vs dessus). La tour devient la figure
d’une organisation des rapports entre les éléments de l’espace.
Les figures qui apparaissent dans l’énoncé de l’anti-programme
constituent d’ailleurs une inversion des figures de « cité » et de
« tour ».
On voit ici que l’axiologie narrative (programme vs anti¬
programme) permet de construire le rapport entre des parcours
figuratifs et de mettre en évidence les oppositions de traits séman¬
tiques que cette axiologie détermine.
Ainsi :
— « disséminé » s’oppose à « cité » comme le /non rassemblé/
s’oppose au /rassemblé/ et comme le /non organisé/ à l’/orga-
nisé/.
— « sur la surface de toute la terre » s’oppose à « la tour
ayant sa tête dans les cieux » comme /ciel/ s’oppose à /terre/,
comme le /dedans le haut/ s’oppose à /dessus le bas/, comme le
/vertical/ s’oppose à l’/horizontal/.
bilan
Dans cet énoncé, l’analyse narrative a mis en évidence la phase
de sanction intervenant au terme d’un programme pour manifes¬
ter le sujet.
170
Quant à l’organisation figurative, elle achève de regrouper les
diverses articulations déjà mises en place. Un même objet à
valeur cognitive se trouve manifesté sous des figures différentes,
en même temps qu’apparaît ce qui peut constituer un anti-objet.
Le repérage des traits sémantiques nous conduit à représenter
ainsi les oppositions :
[« cité » --» « disséminé »
FAISONS LE POINT... -
171
rapport que s’articule maintenant la structure narrative de ce
récit.
Les rôles actantiels de sujet d’état et de sujet opérateur sont
remplis par un même acteur, les transformations sont réfléchies
(ils s’assirent, bâtissons pour nous, faisons pour nous). Nous
avons remarqué la manière dont apparaît le destinateur du
vouloir-faire, dans l’unicité de langue. Dans la sanction, le desti¬
nateur se signale encore sur le même plan " langagier " : « se faire
un nom ». Une caractéristique de ce programme serait l’auto-
destination du sujet.
Au plan discursif
Trois parcours figuratifs manifestent cette ordonnance narra¬
tive :
— celui des “ activités de langage ”
— celui des " déplacements ”
— celui de la “ construction ”
Ces parcours figuratifs se répartissent dans le récit de la
manière suivante :
Les parcours du "déplacement" et de la
“ construction "prennent en charge la performance pragmatique
centrale : ainsi la construction est à la fois aménagement de
l’espace (installation dans la plaine, construction de la tour péné¬
trant dans le ciel) et ordonnancement des rapports du groupe
(une cité évitant la dispersion).
D’autre part le plan des “ activités de langage " (le “ langagier ")
prend en charge les manifestations du contrat (une langue unique
pour tous) et de la sanction (se faire un nom).
Au plan profond
Sur les registres de signification que les remarques narratives et
discursives ont permis de repérer, on peut articuler tout un réseau
d’oppositions. Sur l’isotopie “ spatiale ", ce sont les oppositions
/ciel/ vs /terre/, /haut/ vs /bas/, /dedans/ vs /dessus/ qui per¬
mettent l’organisation du sens. Sur l’isotopie “ socio-politique ",
ce sont les oppositions /organisé/ vs /désorganisé/, /unifié/ vs
/disséminé/. Sur l’isotopie " langagière ” se manifeste, mais de
manière redondante la valeur d’/unicité/. Remarquons enfin que
cette valeur d’/unicité/ se trouve sélectionnée également par l’iso¬
topie " spatiale “ : la dénomination des rôles thématiques
172
/MONO-LOGUE/ et /MONO-TOPE/ cherchait à rendre compte
de ce phénomène.
173
6. Et le Seigneur dit : « Voici, ils sont peuple unique
et lèvre unique pour eux tous. Et voilà le commence¬
ment de ce qu’ils font. Maintenant rien ne les retien¬
dra de ce qu’ils décideront de faire
Nous repérons dans cet énoncé un procès du « dire » qui prend
en charge le résultat du faire interprétatif. 11 y a embrayage de
l’énonciation, et la vérité de l’interprétation proposée peut être
rapportée à un acteur du récit. Ce point est important dans le
contexte de conflit des interprétations dont nous parlions plus
haut.
Un savoir sur l’être du sujet de PN1 se trouve acquis comme
résultat du faire interprétatif. Il est manifesté par une série
d’énoncés d’état (« voici »... « voilà »...) dans lesquels des quali¬
fications sémantiques et modales sont attribuées au sujet de PN1.
Ce qui dans PN1 se trouvait être épreuve glorifiante
(performance chargée de manifester la valeur des valeurs acqui¬
ses) va être interprété, selon l’axiologie des valeurs du « Sei¬
gneur », comme une acquisition de compétence : le /pouvoir-
être/ (la « cité », la « tour », comme signes du sujet réalisé) est
lu ici comme un /pouvoir-faire/, ce qui semblait plus haut être
une fin de programme est maintenant interprété comme le « com¬
mencement » d’un programme. Le problème posé se situe alors
au niveau de l’instance destinatrice qui fait-faire le sujet de PN1 :
« rien ne les retiendra de ce qu’ils décideront de faire ». Nous
avons ici une nouvelle manifestation de l’auto-destination du
sujet de PN1, elle apparaît ici comme un pouvoir-vouloir sans
opposant.
De nouvelles figures apparaissent ici pour déterminer le sujet
de PN1.
— « peuple unique » : il s’agit ici de la caractérisation du sujet
dans son organisation de groupe. Remarquons comment, à la dif¬
férence des versets précédents, cette caractérisation ne se projette
plus dans un registre spatial ; avec « peuple » on ne retient que
les déterminations socio-politiques du sujet de PN1. Notons com¬
ment le discours évolue du spatial au politique dans la description
figurative du sujet : la « terre », la « plaine », la « ville », le
« peuple ».
— « lèvre unique » : la figure n’est pas nouvelle puisqu’elle
apparaît déjà au v. 1 pour caractériser le sujet de PN1. Le résul¬
tat du faire interprétatif du Seigneur associe donc de façon expli-
174
cite la capacité langagière et la détermination politique, le
pouvoir-être initial et le pouvoir-être terminal de PN1.
— sur ces deux plans, la valeur d’/unicité/ se trouve à nou¬
veau retenue. Ainsi le rôle thématique que l’on avait précédem-
' ment caractérisé pour le sujet de PN1 comme /MONO-LOGUE/
et /MONO-TOPE/ s’amplifie en /MONO-DEME/.
Les appellations retenues pour ces rôles thématiques peuvent
paraître fantaisistes. Elles sont choisies lorsqu’une évaluation à
peu près complète des traits sémantiques sélectionnés à pu être
faite. Elles peuvent alors être inventées pour signifier ces traits :
ainsi /MONO-DEME/ retient le trait d'/unicité/ (MONO) et le
trait /socio-politique/ (DEMOS).
175
— « allons ! » : exhortation qui renvoie au vouloir-faire.
— « descendons ! » : opération de déplacement qui conduit le
héros au lieu de la performance principale. Deux figures de
déplacement dans l’espace prennent en charge, l’une (« allons »)
la phase de virtualisation du programme (stade du vouloir-faire),
l’autre (« descendons ») la phase d'actualisation du programme
(stade du pouvoir-faire).
— « embrouillons leur lèvre que, chacun vers son compagnon,
ils n’entendent pas leur lèvre ». Il s’agit de la performance princi¬
pale de PN2. On peut se poser deux questions :
• quel objet se trouve en jeu ?
• quelle transformation du sujet d’état résulte de la perfor¬
mance ?
L’objet de la performance du « Seigneur », sujet opérateur de
PN2, est la négation de l’/unicité/ dans sa manifestation
“ langagière Nous savons que la valeur d’/unicité/ caractérise
l’état du sujet de PN1 ; la négation de cette valeur transforme
donc l’état du sujet de PN1. Alors que nous avions une relation
de conjonction entre le sujet d’état et cet objet-valeur, nous
avons désormais une relation de disjonction.
Nous savons aussi que l’/unicité/ de langue caractérisant le
sujet de PN1 constituait une des figures du destinateur. La per¬
formance de communication réciproque (« dire chacun vers son
compagnon ») représentait l’auto-destination du sujet de PN1.
Dès lors, en s’en prenant à la « lèvre » (terme qui caractérise la
compétence langagière, cf. v. 1) et en produisant le « ne pas
s’entendre » (expression qui caractérise l’impossibilité de perfor¬
mance de communication réciproque) le programme PN2 aboutit
à la rupture de ce circuit d’auto-destination.
On peut donc préciser PN2 de la manière suivante. Ce pro¬
gramme articule des opérations cognitives portant sur la sanction
de PN1 (cf. v. 6) et des opérations pragmatiques portant sur
l’instance de destination de PN1. Remarquons que le faire du
« Seigneur » ne porte pas sur les réalisations pratiques de PN1 (le
« Seigneur » n’est pas destructeur des constructions) mais porte
sur la figure prise par le destinateur de PN1 : le « Seigneur » est
embrouilleur de lèvre. Nous avons ici affaire à un conflit de des-
t'.nateurs conforme au conflit des interprétations signalé au verset
précédent.
« Le discours se souvient ». A tout moment du déroulement du
texte, les éléments qui apparaissent sont chargés des détermina-
176
tions acquises en fonction de leur position dans des programmes
narratifs antérieurs et selon leur inscription dans des parcours
figuratifs antérieurs. Dans l’analyse, on tiendra compte de ces
rôles et de ces qualifications pour l’interprétation des occurrences
de ces divers éléments : c’est ce que nous avons fait ici avec la
figure de la « lèvre unique ».
177
de PN2 (« Seigneur ») est corrélatif du destinateur de PN1 sur
lequel il exerce son activité. PN2 réalise ici ce qui dans la sanc¬
tion de PN1, au v. 4, apparaissait comme un anti-programme vir¬
tuel. De ce fait, on peut se demander si, du point de vue de
PN2, l’état de dissémination a une valeur dysphorique... La ques¬
tion pourra se résoudre dans l’analyse du v.9.
Au plan discursif sont manifestés ici les parcours figuratifs de
la “ dissémination " et de la “ construction ". Le premier s’inscrit
sur l’isotopie “spatiale” et le second sur l’isotopie
“ socio-politique ". Nous retrouvons donc les plans sémiologiques
qui servaient à définir l’état du sujet dans PN1.
Sur l’isotopie spatiale, il faut noter que la transformation
aboutit à une réorganisation de l’espace. Un point de départ se
trouve défini : « à partir de là ». Ce point de départ était le
point d’installation dans PN1. C’est avec l’apparition de ce point
de départ et avec l’opération de dissémination que se trouvent
figurées des oppositions telles que /mobilité/ vs /fixité/, /désins¬
tallé/ vs /installé/, /passivité/ vs /activité/. D’autre part, on
retrouve ici la formule « sur la face de toute la terre » ; elle com¬
porte des traits déjà signalés (v. 4) : /surface/, /dessus/. Men¬
tionnons aussi les traits de /totalité/ et d’/extension/ qui pour¬
ront s’opposer à ce qui signifiait la /focalisation/ dans les figures
de la « cité » et de la « tour ».
La dissémination n’est pas seulement lisible sur l’isotopie spa¬
tiale, elle l’est aussi sur l’isotopie socio-politique. Il faut se rappe¬
ler le codage sémantique opéré par le texte au v. 4 selon lequel
« cité » et « disséminé » sont des figures corrélables : « Le Sei¬
gneur les dissémina et ils cessèrent de bâtir la cité ».
FAISONS LE POINT
178
elles prennent sens. Ici, on ne manifeste que la performance
(« descendre pour voir ») et le résultat de ce faire interprétatif.
Le faire interprétatif consiste en l’acquisition d’un savoir sur un
état. (Ici l’état du sujet de PN1 auquel aboutissent les performan¬
ces sur PN1). Comme tel, il porte sur la relation S A O. Il
consiste à relier deux plans : celui du /paraître/ et celui de
l’/être/, selon l’axiologie du sujet de ce faire interprétatif. Dans
notre récit, du point de vue du « Seigneur », le plan du /paraître/
est celui où s’exprime la relation des « hommes » (sujet de PN1)
avec des objets de valeur d’ordre spatial et socio-politique, et le
plan de l’/être/ est celui où cette relation se trouve définie comme
relation avec la valeur illimitée du pouvoir-faire.
Le /paraître/ et l’/être/ sont des modalités qui portent sur les
relations d’état. C’est avec le jeu de ces modalités que se posent
les problèmes de la véridiction et de ce que le récit construit et se
donne comme vrai. On verra au v. 9 que le récit retient comme
vraie l’axiologie du sujet de PN2 (« le Seigneur »).
179
fournit la forme narrative des relations entre les objets et entre les
parcours figuratifs.
Sanction de
la sanction -- PN2
II
PN1-- Performance-■ Sanction
180
figuratifs, à des personnages et à des actions présents dans le dis¬
cours sous forme de figures organisées en parcours. Dans ce texte
les parcours figuratifs sont peu nombreux :
Parcours des activités langagières ", avec les figures suivan¬
tes : « lèvre unique », « parole unique », « se dire chacun vers
son compagnon », « lèvre embrouillée », « ne plus s’entendre ».
Dans l’opposition des figures qu’articule ce parcours figuratif, on
peut suivre la progression du récit. Mais ces figures font égale¬
ment apparaître les valeurs sémantiques véhiculées par leurs rela¬
tions. Ainsi, le plan figuratif “ langagier " lorsqu’il supporte
l’opposition « lèvre unique » vs « lèvre embrouillée » le fait à
partir d’oppositions plus profondes de valeurs sémantiques.
— Parcours du “ déplacement Sur ce parcours, nous avons
rencontré les figures suivantes : « déplacement », « plaine décou¬
verte en la terre de Shinéar », « installation » (« s’asseoir »),
« dissémination sur la face de toute la terre ». Là encore, on
pourra suivre le récit et la succession des rôles actantiels du sujet
correspondant à la succession de ces figures. Et les oppositions
entre les figures correspondent aux écarts entre les valeurs séman¬
tiques.
On voit ici comment, dans la succession du texte, les acteurs
obéissent à deux « trajets » : le programme narratif qui corres¬
pond à la succession des rôles actantiels différenciés (sujet d’état,
sujet du savoir, sujet du vouloir-faire, etc...), et le parcours
figuratif qui commande la succession des figures dont l’écart ou la
différence provoque les effets de sens. Et la signification du texte
se joue toujours à la croisée de ces « trajets ».
On a parlé d’une correspondance entre les éléments du plan nar¬
ratif (rôles, performances) et les éléments du plan figuratif (figu¬
res, parcours). Mais la correspondance n’est pas « directe ». Cha¬
que élément narratif n’a pas toujours son correspondant figuratif
dans chaque parcours manifesté, parce que les éléments figuratifs,
dans les parcours et entre les parcours, ont des relations propres :
le plan figuratif obéit à une organisation, à une structure auto¬
nome : c’est la forme discursive.
— Parcours de la “ construction ". Sur ce parcours, nous avons
trouvé les figures suivantes : « briquetage », « cuisson des bri¬
ques », « bitume », « pierre », « mortier », « cité », « tour ».
Sur ce plan également des transformations narratives se font
reconnaître. Mais, avec l’opposition entre « bâtir » et « cesser de
bâtir », c’est la totalité du parcours qui se trouve niée. Sur ce
parcours de la « construction », des opérations de codage peuvent
181
être repérées, puisque, par leur position narrative (v. 4) et par
leur association aux figures du " déplacement '(« construction de
la cité » équivaut à « non dissémination »), les éléments du par¬
cours “ construction “ et du parcours “ déplacement se trouvent
affectés d’une valeur socio-politique (au v. 6, nous avons souligné
comment la description figurative du sujet évoluait du spatial au
politique).
Notons ici que la valeur sémantique n’est pas en correspondance
directe avec le parcours figuratif. Un même parcours figuratif est
susceptible de porter des valeurs très différentes. On reconnaît ces
valeurs à partir de l’articulation des parcours entre eux car cette
articulation sélectionne ces valeurs. Et il faut toujours distinguer
l’organisation figurative et l’organisation des valeurs profondes
définissant le plan logico-sémantique.
Au plan profond
Les parcours figuratifs sont la mise en série et l’agencement des
figures lexématiques que le texte utilise. C’est ce que l’on vient de
repérer. Mais une analyse des traits sémantiques qui constituent
ces figures doit mettre en évidence les traits communs à ces figu¬
res ; ceux-ci caractérisent la signification particulière des figures
dans ce texte. Autrement dit, il ne suffit pas de repérer des par¬
cours figuratifs, encore faut-il décrire ce que le texte en fait.
Ainsi des figures comme « tour », « cité » relèvent du parcours
figuratif de la “ construction ”. Mais le texte qu’on analyse retient
parmi les significations possibles de ces figures, celles qui pren¬
dront sens sur :
• l’isotopie cosmologique, avec l’opposition /terre/ vs /ciel/
• l’isotopie spatiale avec l’opposition /haut/ vs /bas/
• l’isotopie socio-politique avec l’opposition /concentré/ vs
/dispersé/
Ce sont là autant d'isotopies sémiologiques.
On voit donc ici comment sont à distinguer un plan figuratif
relevant du « dictionnaire » et un plan sémiologique relevant de
l’utiiisation que le texte fait de ce dictionnaire.
Ainsi dans ce texte, les parcours figuratifs vont ordonner des
figures dont la signification s’établit sur les plans sémiologiques
suivants :
• le “ langagier ” avec l’opposition /unicité de langue/ vs /plu¬
ralité de langue/ (cf. les rôles thématiques de /MONO-LOGUE/
vs /POLY-LOGUE/).
182
• le spatial sur lequel jouent plusieurs oppositions : /haut/
vs /bas/, /dessus/ vs /dedans/, /focalisé/ vs /étendu/ (cette der¬
nière opposition se manifeste dans les figures du « rassemblement
en un seul point » et de la « dissémination sur la face de toute la
terre » : cf. les rôles thématiques de /MONO-TOPE/ et /POLY-
TOPE/.
• le cosmologique " sur lequel intervient non seulement
l’opposition /ciel/ vs /terre/, mais aussi l’opposition des relations
à établir entre /ciel/ et /terre/. Ainsi la figure de la « tour »
signifie la « fusion » entre /terre/ et /ciel/ (une tour dedans le
ciel), alors que la dissémination sur la face de toute la terre vient
affirmer la « différence » entre /ciel/ et /terre/.
• le “ socio-politique " avec l’opposition /installé/ vs /dissé¬
miné/, /unicité de peuple/ vs /pluralité de peuple/ : cf. les rôles
thématiques de /MONO-DEME/ et de /POLY-DEME/.
Remarquons encore que plusieurs isotopies sémiologiques peu¬
vent se croiser en un parcours figuratif commun : ainsi le « ras¬
semblement socio-politique en un seul point de l’espace » en
reprenant des valeurs du plan “ spatial " et du plan
“ socio-politique " produit la figure de « concentré » dans son
opposition avec « dispersé » ; c’est ce que représente la « cité ».
Enfin, sur ces différents réseaux sémiologiques, on peut
reconnaître des articulations semblables. Une même opposition
sémantique profonde se trouve mise en jeu sur des plans sémiolo¬
giques différents qui, de ce fait, se trouvent homologues. Le tra¬
vail de l’analyse consiste donc à repérer ces articulations homolo¬
gues qui permettront de construire des valeurs sémantiques élé¬
mentaires qui organisent et sous-tendent la signification de ce
texte.
Ainsi l’opposition /indistinct/ vs /distinct/ semble pouvoir se
projeter sur les divers plans sémiologiques comme valeur organi¬
satrice de l’ensemble.
183
téristique d’une reconnaissance (attribution d’un « nom », dési¬
gnation d’un rôle). On ne dit pas qui prend en charge cette déno¬
mination, l’énoncé qui la manifeste est de type objectif donnant
l’impression que cette dénomination s’impose d’elle-même : « on
appela son nom... car à cet endroit le Seigneur... ». Par rapport
à ce qui précède, nous avons là une forme de la sanction qui
vient dire, du point de vue du récit, la vérité sur les états trans¬
formés. Et la vérité du nom du lieu s’impose d’elle-même comme
la dénomination de la définition que constitue le récit précédent.
Remarquons l’insistance particulière du texte pour signaler sa
vérité : « c’est pourquoi » renvoyant à ce qui précède, c’est-à-dire
à PN2 achevé, « car » reprenant à nouveau les procès décrivant
le PN2.
Nous pouvons préciser un peu la forme de cette dénomination :
• Elle porte sur le lieu qui dans PN1 servait de point d’arrêt,
fin du déplacement et installation bâtissante des sujets, et qui
dans PN2 devient le point de départ de la dissémination des
sujets (« à cet endroit », « à partir de cet endroit »).
• Si le « nom » attribué caractérise la sanction, nous retrou¬
vons ici l’opposition entre la sanction de PN1 (« faisons pour
nous un nom ») où le sujet est à lui-même son propre destina-
teur, et la sanction de PN2 (« on appela son nom ») où le sujet
disparaît de la sanction.
• Dans PN1, l’attribution de nom est directement liée à la
non-dissémination des sujets : le « nom » est une figure de
l’/indistinct/ alors que PN2 manifeste l’inverse : le « nom » est
lié à la dissémination et est une figure du /distinct/.
Ce sont tous ces éléments qui contribuent à construire la vérité
que le texte se donne : les valeurs ici proposées sont prises
comme vraies dans leur opposition aux valeurs réalisées sur PN1.
Ce que l’on peut représenter ici :
cité .. dissémination
se faire on appela
un nom son nom
tour. face de la terre
184
“ déplacement " : le « nom » vient consacrer l’embrouillement de
la lèvre (inversion de l’état décrit au v. 1) et la « dissémination
sur la face de toute la terre » (inversion de l’état asserté au v. 4).
On retrouve ici également le parcours figuratif de la
“ construction ” avec la figure de la « porte » comme nom du lieu
et nous pouvons opposer cette figure à la « cité et la tour » qui
faisaient le « nom » au v. 4. Mais le nom est ici celui de
« Dieu » : « porte de Dieu » opposé à « pour nous » (« faisons
pour nous un nom »).
La « tour », construction, était également intégrée par le texte
à une isotopie sémiologique du “ cosmologique ” où se lit l’agen¬
cement des éléments de la nature : « sa tête dans les cieux » ;
c’est une tour de jonction de la terre et des cieux qui non seule¬
ment signale la conjonction /terre/ A /ciel/ mais encore marque
l’introduction de la /terre/ dedans le /ciel/. Elle correspond éga¬
lement, on l’a vu, à une affirmation de la /verticalité/. La
« porte », construction, possède aussi des traits relatifs aux rap¬
ports entre des espaces (comme la « tour » elle a quelque chose à
voir avec la « jonction »). Pour évaluer le type de rapport signi¬
fié ici, nous pouvons nous aider de la définition que donne le v.
9 (« car, à cet endroit... et à partir de cet endroit... ») et de
l’opposition déjà relevée entre PN1 et PN2. Nous sommes alors
amenés à situer deux formes de communication figurées l’une par
la « tour », l’autre par la « porte ». La première caractérise PN1
avec les traits de l’/unifié/, de la /réciprocité/ (se dire l’un à
l’autre), de l’/auto-destination/, de l’/illimitation/ du vouloir-
faire (v. 6) et de la /focalisation/ de l’espace. La seconde carac¬
térise PN2 avec les traits du /diffus/, de la /différenciation/, de
1’/extériorité/ du destinateur, de la /limitation/ du vouloir-faire
et de l’/étendue/ de l’espace.
185
• plan narratif : programmes narratifs
• plan discursif : parcours figuratifs
• plan sémiologique : isotopies sémiologiques
• plan sémantique : valeurs élémentaires et isotopie sémantique
186
que » est une « terre » transformée (et cuite) ; non plus le lieu
sur lequel on se déplace, ni le territoire marqué à l’arrêt du
déplacement, mais la matière, le matériau même de l’installation.
Si les « fils d’Adam » sont des « issus de la terre », la cité cons¬
truite l’est également, mais par une autre opération. Sur chacun
de ces plans sémiologiques on a relevé des oppositions, des écarts
et des différences.
Toutefois, d’un plan sémiologique à l’autre, on a repéré des
différences comparables (homologables) : ainsi le rapport /mono¬
logue/ vs /poly-logue/ est homologable au rapport /mono-tope/
vs /polytope/, et au rapport /installé/ vs /disséminé/. L’identité
de ces rapports présuppose l’existence d’une articulation sémanti¬
que profonde. Cette articulation n’apparaît jamais comme telle à
la lecture, mais elle est présupposée par les effets de sens que
nous lisons.
Comment organiser ces différences et ces rapports ? Les oppo¬
sitions sémantiques que nous venons de signaler sont en fait des
oppositions de sémèmes, c’est-à-dire d’ensembles de sèmes. Ces
sèmes sont de deux types :
— les uns servent à assurer une stabilité de signification lisible
(un noyau) : ce sont les sèmes nucléaires. La répétition de ces
sèmes de figure en figure constitue ce que nous avons appelé iso-
topie sémiologique.
— les autres sont distinctifs, ils servent à construire et à orga¬
niser les différences sur un plan sémiologique donné. On les
appelle classèmes, et la répétition de ces sèmes de plan sémiologi¬
que en plan sémiologique constitue l’isotopie sémantique du texte.
C’est l’articulation des classèmes qui est cette articulation séman¬
tique profonde présupposée par les effets de sens produits sur les
plans sémiologiques.
Au cours de l’analyse nous avons déjà dégagé un certain nom¬
bre de classèmes organisés en oppositions :
/unicité/ vs /pluralité/
/unifié/ vs /diffus/
/fusion/ vs /séparation/
Ce sont là autant de tentatives de dénomination de l’articulation
sémantique profonde. On pourrait en rester là pour décrire l’écart
minimal qui sous-tend la production du sens dans ce texte. Mais
un examen quelque peu attentif de ces désignations nous amène à
chercher et à nommer un trait susceptible de regrouper ces oppo-
187
sitions finalement encore assez proches des effets de sens du dis¬
cours. Nous proposons comme articulation fondamentale :
/distinct/ vs /indistinct/
que l’on pourra déployer sous l.a forme du carré sémiotique :
/distinct/ , /indistinct/
/non-indistinct/ ^ ^"/non-distinct/
Cet écart en se projetant sur les réseaux sémiologiques précé¬
demment construits va permettre l’organisation du sens. En repre¬
nant la plupart des traits que nous avons repérés jusqu’ici, nous
pouvons nous représenter l’engendrement des figures du texte de
la façon suivante :
‘socio-politique’ Concentration
(cité et nom)
4
‘langagier’ Embrouillement
/pluralité/
,/séparation/
‘socio-politique’ Dissémination
188
Le but de l’analyse n’est pas seulement de trouver une opposi¬
tion profonde. 11 s’agit bien plutôt de voir comment, aux diffé¬
rents niveaux, le texte « travaille » avec cette opposition, comment
elle est structurante de la langue dans le texte et comment elle
organise le récit.
« non-entente » « réciprocité »
« dispersion » /non-indistinct/_^ /non-distinct/ « arrêt du déplacement »
« arrêt de la /non-unicité/ 4 /non-pluralité/ « briquetage »
construction » /non-fusion/ /non-séparation/
/D/ /I/
189
A chaque programme narratif correspond au niveau profond
une série d’opérations logiques consistant à nier un terme pour
faire apparaître son contradictoire et à sélectionner à partir de là
le terme contraire. Quatre opérations logiques peuvent être pré¬
vues par ce carré. Nous allons indiquer leur correspondance avec
les performances représentées dans le texte.
17.3. Conclusion
190
« porte », etc. peuvent se trouver rassemblées de façon sensée
dans ce texte, c’est parce qu’elles véhiculent des valeurs sémanti¬
ques dont ce code articule les relations et les opérations. Le code
sert donc à rendre raison de tous les éléments signifiants du texte.
Le but ultime de l’analyse est — et n’est pas — la construction
du carré sémiotique. Il l’est dans la mesure où le code construit
est bien la clef de tous les effets de sens aux différents niveaux
que nous avons distingués. Il ne l’est pas dans la mesure où ce
code n’est qu’un instrument de mesure de la signification, qui ne
vaut que par son utilisation.
Lorsqu’on a pu établir un carré tel que :
/distinct/ /indistinct/
/non-indistinct/ /non-distinct/
191
CONCLUSION
192
Il est bien sûr que cet exposé déductif de la théorie sémiotique
diffère du parcours de l’analyse des textes ; c’est pourquoi, entre
le texte de Daudet et le texte biblique qui servent de supports aux
exercices pratiques, les chemins de la description sont différents :
dans le premier, les éléments signifiants sont repérés au fur et à
mesure de leur déduction dans l’exposé théorique, dans le second
il le sont suivant le déroulement du texte lui-même ; mais
l’analyse sémiotique s’élabore effectivement dans un constant va
et vient entre le texte manifesté à décrire et la théorie qui fournit
les règles de construction des modèles descriptifs.
La démarche de l’analyse sémiotique est à la fois inductive et
déductive. Les modèles théoriques fournis, comme la séquence
narrative ou le carré sémiotique ne sont pas des schémas dans les¬
quels il faudrait vouloir à toute force et par force faire rentrer le
texte. Au contraire. Les modèles sont à construire pour chaque
texte particulier qu’on analyse, mais à l’aide des règles générales
fournies par la théorie (implications narratives dans la séquence,
relations logico-sémantiques dans le carré). La tentation est
grande, au début, d’analyser les textes pour y retrouver des
modèles a priori (comme, par exemple, le schéma du conte mer¬
veilleux russe élaboré par Propp), à la manière dont on peut étu¬
dier la littérature latine pour y retrouver des exemples de la
grammaire... Mais on découvre peu à peu que les règles sémioti¬
ques les plus élémentaires et les plus générales sont finalement
celles qui permettent le mieux, et avec le plus de finesse, de met¬
tre en valeur la spécificité unique du texte qu’on étudie, d’y
découvrir un phénomène particulier de signification, et un usage
original des possibilités du langage pour finalement en apprécier
le goût.
Cette introduction expose donc les éléments d’une théorie
sémiotique qui nous paraissent indispensables et suffisants. En
effet, si l’on veut construire rigoureusement des modèles pour
l’analyse d’un texte, dès qu’on a pu reconnaître un élément perti¬
nent (un rôle actantiel, une performance, ou un parcours figura¬
tif, ou une valeur sémantique), il faut voir comment il peut, dans
la théorie, s’articuler à d’autres éléments pertinents (appartenant
au même niveau de description) et selon quelles relations. Il est
nécessaire pour cela d’avoir une vue globale de la théorie qui
règle ces niveaux et ces relations. Nous pensons que ce qui pré¬
cède le permettra suffisamment, les exercices pratiques sont d’ail-
193
leurs là pour montrer ce rapport entre les textes manifestés et les
éléments théoriques.
Nous n’avons par rendu compte de tous les phénomènes sémio¬
tiques reconnaissables dans les textes, ni de tous les types de dis¬
cours. Mais les éléments théoriques qui précédent sont suffisants
pour qu’on puisse en faire l’analyse, car elle se fonde sur les
mêmes principes. Qu’il s’agisse des phénomènes de l'énonciation
dans le discours, des phénomènes de véridiction, ou qu’il s’agisse
de discours poétiques ou de discours didactiques (discours
« scientifique »,.« philosophique », « juridique », « politi¬
que », ...), les principes d’analyse que nous avons présentés pour¬
ront être mis en œuvre : il y a toujours des programmes narra¬
tifs, des parcours figuratifs et des valeurs sémantiques, mais des
variations interviennent sur les types de faire (les transformations
peuvent être de type cognitif et non de type pragmatique, le dis¬
cours peut ne manifester que le faire persuasif ou que le faire
interprétatif dans ses programmes principaux, etc.), sur les types
d’acteurs (on mettra en scène des personnages « non figuratifs » :
des concepts, des parcours figuratifs entiers, des discours rappor¬
tés, etc.), et sur les formes de parcours figuratifs, et sur l’organi¬
sation des plans narratifs. Mais pour ces discours comme pour les
récits, le projet sémiotique reste identique : il s’agit de décrire les
conditions immanentes de production de la signification, et la
démarche reste semblable : décrire les éléments du discours dans
les termes d’un métalangage obéissant à des règles théoriques
rigoureuses pour pouvoir construire des modèles représentatifs des
effets de sens constitutifs du discours en sa particularité.
194
ANNEXE
LA LÉGENDE
DE
L’HOMME A LA CERVELLE D’OR
(A. DAUDET)
Il était une fois un homme qui avait une cervelle d’or ; oui,
madame, une cervelle toute en or. Lorsqu’il vint au monde, les
médecins pensaient que cet enfant ne vivrait pas, tant sa tête était
lourde et son crâne démesuré. Il vécut cependant et grandit au
soleil comme un beau plant d’olivier ; seulement sa grosse tête
197
l’entraînait toujours, et c’était pitié de le voir se cogner à tous les
meubles en marchant... Il tombait souvent. Un jour, il roula du
haut d’un perron et vint donner du front contre un degré de
marbre, où son crâne sonna comme un lingot. On le crut mort ;
mais, en le relevant, on ne lui trouva qu’une légère blessure, avec
deux ou trois gouttelettes d’or caillées dans ses cheveux blonds.
C’est ainsi que les parents apprirent que l’enfant avait une cer¬
velle en or.
La chose fut tenue secrète ; le pauvre petit lui-même ne se
douta de rien. De temps en temps, il demandait pourquoi on ne
le laissait plus courir devant la porte avec les garçonnets de la
rue.
« On vous volerait, mon beau trésor, » lui répondait sa mère...
Alors le petit avait grand’peur d’être volé ; il retournait jouer
tout seul, sans rien dire, et se trimbalait lourdement d’une salle à
l’autre...
A dix-huit ans seulement, ses parents lui révélèrent le don
monstrueux qu’il tenait du destin ; et, comme ils l’avaient élevé
et nourri jusque- là, ils lui demandèrent en retour un peu de son
or. L’enfant n’hésita pas ; sur l’heure même, — comment ? par
quels moyens ? la légende ne l’a pas dit, — il s’arracha du crâne
un morceau d’or massif, un morceau gros comme une noix, qu’il
jeta fièrement sur les genoux de sa mère... Puis, tout ébloui des
richesses qu’il portait dans la tête, fou de désirs, ivre de puis¬
sance, il quitta la maison paternelle et s’en alla par le monde en
gaspillant son trésor.
198
Une nuit, le pauvre homme fut réveillé en sursaut par une dou¬
leur à la tête, une effroyable douleur ; il se dressa éperdu, et vit
dans un rayon de lune l’ami qui fuyait en cachant quelque chose
sous son manteau...
Encore un peu de cervelle qu’on lui emportait !
199
bleu bordées de duvet de cygne. « Je sais quelqu’un à qui ces
bottines feront bien plaisir, » se disait-il en souriant ; et, ne se
souvenant déjà plus que la petite femme était morte il entra pour
les acheter.
Du fond de son arrière-boutique, la marchande entendit un
grand cri ; elle accourut et recula en voyant un homme debout,
qui s’accotait au comptoir et la regardait douloureusement d’un
air hébété. Il tenait d’un main les bottines bleues à bordure de
cygne, et présentait l’autre main toute sanglante, avec des râclu-
res d’or au bout des ongles.
200
INDEX
Symboles et notations
= équivalence
A conjonction
V disjonction
vs versus, opposé à
=> faire transformateur
-*■ sens d’une opération de transformation
/ / mise en évidence d’une valeur sémantique
ACTEUR, 99 APPROPRIATION, 24
□ rôle actantiel, rôle thémati¬ O performance
que -*• attribution
ACTUALITÉ, 35, 164 ATTRIBUTION, 25
-*■ virtualité, réalité O performance
AFFRONTEMENT, 23 -*■ appropriation
= polémique AXE SEMANTIQUE, 130
O performance = relation de hiérarchie
O structure élémentaire
ANTI-PROGRAMME, 23, 169
□ sème
O séquence narrative
AXIOLOGIE, 56, 170
-*• programme narratif
= univers de valeurs
ANTI-SUJET, 23
O rôle actantiel BINARITÉ, 134
-*■ sujet opérateur O structure élémentaire
201
CANONIQUE, 64 CONTRADICTION, 133, 134
= séquence narrative O relation
CARRÉ SÉMIOTIQUE, 132, -*• contrariété ; présupposition
188, 189 CONTRARIÉTÉ, 133, 134
O structure élémentaire ; O relation
modèle ; structure -*■ contradiction ; présupposi¬
□ relation ; opération ; taxi¬ tion
nomie CONTRAT, 35, 166, 180
CLASSÈME, 121, 175 O manipulation
= sème contextuel
DEIXIS, 134
O sème
O carré sémiotique
□ compatibilité
DÉPOSSESSION, 25
-*■ sème nucléaire
O performance
CODE, 115, 190
-*• renonciation
O profondeur
COGNITIF, 28, 45, 62, 168 DESCRIPTION, 64
-» pragmatique = modèle
COMBINATOIRE, 142 O métalangage
COMMUNICATION, 24 DESTINATAIRE, 53, 55, 56
O performance = sujet d’état
COMMUNICATION PARTICI¬ O énoncé d’état
PATIVE, 28 -*• destinateur
O performance DESTINATEUR, 18, 31, 52,
-*■ échange 163, 173
COMPATIBILITÉ, 121 = sujet modalisateur
O classème O manipulation ; sanction ;
COMPÉTENCE, 17, 30, 63 rôle actantiel
= modalisation du faire ; per¬ -*• destinataire
formance qualifiante DIFFÉRENCE, 8, 129
□ valeur modale O structure élémentaire
-*• performance DISJONCTION, 15
COMPÉTENCE DISCURSIVE, conjonction
8 DON, 26
= engendrer O performance
COMPOSANTE DISCURSIVE, -*■ épreuve
9, 87
O surface ÉCHANGE, 26
-*• composante narrative O performance
COMPOSANTE NARRATIVE, -*■ communication participative
9, 13 ENGENDRER, 8, 144
O surface = compétence discursive
-* composante discursive ÉNONCÉ D’ÉTAT, 14, 160
CONFIGURATION DISCUR¬ = état
SIVE, 95 O énoncé narratif
O composante discursive □ sujet ; objet ; destinataire
□ parcours figuratif -*■ énoncé du faire
CONFORMITÉ, 134 ÉNONCÉ DU FAIRE, 14, 162
O présupposition = performance ; ' transforma¬
CONJONCTION, 15 tion
■* disjonction O énoncé narratif
202
□ sujet opérateur ISOTOPIE SÉMANTIQUE, 123,
-* énoncé d’état 126, 187
ÉNONCÉ NARRATIF, 21, 60 O isotopie ; sémantique
□ énoncé d’état ; énoncé du □ classème
faire -*• isotopie sémiologique
ÉPREUVE, 26 ISOTOPIE SÉMIOLOGIQUE,
O performance 124, 126, 182
— don O isotopie ; sémiologique
ÉTAT, 14 □ sème nucléaire
= énoncé d’état -*• isotopie sémantique
transformation
LEXÈME, 90
ÉTAT INITIAL, 22
O figure
O énoncé d’état
-*• état final MANIFESTATION, 64
ÉTAT FINAL, 22 métalangage
O énoncé d’état MANIPULATION, 52, 63, 179
-*• état initial O composante narrative
ÊTRE, 41 -*■ sanction
O modalisation des états ; MENSONGER, 43
véridiction O véridiction
-*• paraître MÉTALANGAGE, 19
□ description
FACTITIF, 54
-* manifestation
O manipulation
MODALISATION DES ÉTATS,
FAUX, 43
40
O véridiction
= véridiction ; sanction
FIDUCIAIRE, 28, 47
MODALISATION DU FAIRE,
O cognitif ; interprétatif
30
FIGURE, 89, 161 = compétence
O composante discursive MODALITÉ, 32
FIGURE LEXÉMATIQUE, 90 □ modalisation des états ;
O composante discursive modalisation du faire
FORME DU CONTENU, 8, 140 MODÈLE, 64, 129
= structure = description
□ carré sémiotique □ carré sémiotique ; séquence
narrative
HOMOLOGATION, 143
NARRATIVITÉ, 13
IMMANENCE, 8
= composante narrative
IMPLICATION, 133
NÉGATION, 137, 190
= présupposition
O opération
O relation
-*• sélection
INTÉGRATION, 64
NIVEAU, 9
O programme narratif
□ surface ; profondeur
INTERPRÉTATIF (faire), 19,
NOYAU, 90, 120
45, 173, 178
O figure
O cognitif
□ sème
persuasif
ISOTOPIE, 123 OBJET, 15
O profondeur O énoncé d’état
□ redondance ; sème -*• sujet
203
OBJET MODAL, 17 PRAGMATIQUE, 46, 62, 166
= valeur modale -* cognitif
O modalité PRÉSUPPOSITION, 133
OBJET VALEUR, 17 = implication
O performance O relation
-* sujet d’état □ conformité
OPÉRATION, 137 -*• contrariété ; contradiction
O carré sémiotique PROFONDEUR, 9, 115, 139,
-*• relation 141, 144
OPPOSANT, 23 O niveau
= anti-sujet □ code
O rôle actantiel -*• surface
PARADIGMATIQUE, 24, 59, PROGRAMME NARRATIF
190 COMPLEXE, 66
-*• syntagmatique O programme narratif
PARAITRE, 41 -*• programme narratif d’usage
O modalisation des états ; PROGRAMME NARRATIF, 16,
véridiction 65, 67, 181
-*• être O séquence narrative
PARCOURS FIGURATIF, 94, □ programme narratif com¬
161, 181 plexe ; programme narratif
O configuration discursive ; d’usage
composante discursive -*• anti-programme
PARCOURS SÉMÉM1QUE, 90 PROGRAMME NARRATIF
= sémème D’USAGE, 34, 66, 166
O figure lexématique O programme narratif
PERFORMANCE, 21, 63, 162 -*■ programme narratif com¬
O composante narrative plexe
-*• compétence RÉALITÉ, 36, 165
PERFORMANCE GLORI¬ -* actualité ; virtualité
FIANTE, 50, 62 RECONNAISSANCE, 49, 169
= sanction = sanction
O performance REDONDANCE, 123
PERFORMANCE PRINCI¬ O isotopie
PALE, 18, 62 □ sème
O performance RELATION, 54, 130, 133, 136
□ sujet opérateur O carré sémiotique
PERFORMANCE QUALI¬ -* opération
FIANTE, 36, 62 RELATION DE HIÉRARCHIE,
= compétence 131
O performance ; programme = axe sémantique
narratif d’usage O structure élémentaire
PERSUASIF, 18, 48, 52 -*• relation d’opposition
O cognitif RELATION D’OPPOSITION,
-» interprétatif 131
PERTINENT, 8, 26, 118, 129, O structure élémentaire
185 -* relation de hiérarchie
POLÉMIQUE, 23, 143 RENONCIATION, 25
= affrontement O performance
O performance -* dépossession
204
RÔLE ACTANTIEL.15,25,169 = structure
O composante narrative ; □ carré sémiotique
acteur SUJET, 15
-*■ rôle thématique objet
RÔLE THÉMATIQUE, 98, 162 SUJET D’ÉTAT, 16, 160
O composante discursive ; O énoncé d’état
acteur -*• sujet opérateur
rôle actantiel SUJET MODALISATEUR, 31,
45
SANCTION, 40, 48, 63, 180 = destinateur
O composante narrative O modalisation des états ;
-*■ manipulation modalisation du faire
SCHÉMA, 134 SUJET OPÉRATEUR, 16
O carré sémiotique O énoncé du faire ; perfor¬
SECRET, 43 mance
O véridiction ■* anti-sujet ; sujet d’état
SÉLECTION, 137, 190 SURFACE, 9, 139, 143, 144
O opération O niveau
-*• négation □ composante discursive ;
SÉMANTIQUE, 121, 126 composante narrative
O profondeur -*• profondeur
□ classème; isotopie sémantique SYNTAGMATIQUE, 24, 59, 190
sémiologique -*• paradigmatique
SÈME, 116, 118, 130
TAXINOMIE, 137, 189
= trait ; valeur sémantique
O carré sémiotique
O structure élémentaire
TRAIT, 89, 116, 117
SÈME CONTEXTUEL, 121
= sème ; valeur sémantique
= classème
O structure élémentaire
O sème
TRANSFERT, 22
-*• sème nucléaire
O performance
SÈME NUCLÉAIRE, 120, 187
□ objet valeur
O sème
TRANSFORMATION, 15
-*• sème contextuel
= énoncé du faire
SÉMÈME, 116, 118
O performance
= parcours sémémique
-*• état
O figure lexématique
SÉMIOLOGIQUE, 121, 126 UNIVERS DE VALEURS, 56
O profondeur = axiologie
□ sème nucléaire ; isotopie VALEUR MODALE, 32
sémiologique = objet modal
-» sémantique O modalité ; compétence
SÉQUENCE NARRATIVE, 61, VALEUR SÉMANTIQUE, 136,
64 181
= canonique = trait ; sème
O composante narrative ; VÉRIDICTION, 41
modèle = modalisation des états
STRUCTURE, 129 VIRTUALITÉ, 34, 166
= forme du contenu -*■ actualité ; réalité
STRUCTURE ÉLÉMENTAIRE, VRAI, 43
130 O véridiction
205
BIBLIOGRAPHIE
207
A.J. GREIMAS, Maupassant. La sémiotique du texte : exercices
pratiques, Seuil, 1976.
A.J. GREIMAS, « Pour une théorie des modalités », Langages 43, 1976.
A.J. GREIMAS et J. COURTES : Sémiotique : un dictionnaire raisonné
de la théorie du langage, Hachette 1979.
GROUPE D’ENTREVERNES, Signes et paraboles. Sémiotique et texte
évangélique, Seuil, 1977.
L. MARIN, Sémiotique de la Passion, BSR 1971.
F. NEF et al., Structures élémentaires de la signification, Com¬
plexe/Bruxelles, 1976.
V. PROPP, Morphologie du conte. Seuil 1970.
F. RASTIER, Essais de sémiotique discursive, Mâme 1973.
Collectif, Une initiation à l’analyse structurale. Cahiers Evangile 16,
1976.
Compo-System
route de la Glande —69760 Limonest
IMPRIME EN FRANCE
410189
DATE DUE
RtW 2 \ m
MAY
—'i# V 9 1l J laoy
0 1 63 0004295 3
TRENT UNIVERSITY
586 ( y
Cette introduction expose les éléments d’une théorie
sémiotique qui nous paraissent indispensables et suffisants. En effet,
si l’on veut construire rigoureusement des modèles pour l’analyse
d’un texte, dès qu’on a pu reconnaître un élément pertinent (un
rôle actantiel, une performance, ou un parcours figuratif, ou une
valeur sémantique), il faut voir comment il peut, dans la théorie,
s’articuler à d’autres éléments pertinents (appartenant au même
niveau de description) et selon quelles relations. Il est nécessaire
pour cela d’avoir une vue globale de la théorie qui règle ces niveaux
et ces relations. Nous pensons que cet ouvrage le permettra suffi¬
samment, les exercices pratiques sont d’ailleurs là pour montrer
ce rapport entre les textes analysés et les éléments théoriques.
ISBN 2-7297-0037-4 74 F