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Bibliothèque
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Tangente Hors-série n° 54

les graphes
Représenter les données
et les stratégies

i;DITIONS ~

POLE ~

© Éditions POLE - Paris - Juin 2015


Toute représentation, traduction, adaptation ou reproduction , même partielle, par tout procédé, ur
quelque support que ce soit , en tout pay , faites sans autorisation préalable, est illicite et exposerait le
contrevenant à des pour uite judiciaire (loi du 11 mars 1957).
ISBN: 9782848841366 ISSN: 2263-4908 Commission paritaire: 1016K80883
Prochaineinent
dans la Bibliothèque Tangente

EDITIONS.
POLE
les graphes
Les onze états du taureau de Picasso
Tous les chemins mènent à Konigsberg

DOSSIER
Quelques points et des traits pour les relier suffisent à
créer un graphe. Une idée aussi simple se devait
d'engendrer un monde foisonnant d 'objets : les idées
les plus élémentaires sont souvent les plus riches !

Les graphes planaires


Quand les chemins ne se croisent pas
Gardons le sens de l'orientation et restons pondérés!
Obstruction et stabilité
Les matrices entrent en scène
Le graphe de l'amitié et le moulin à vent
Des arbres au secours des probabilités
Des graphes et des surfaces à partir d'un carré
Le théorème des mineurs
Des diagrammes pour la physique
Le théorème des quatre couleurs
Colorier, un défi innocent et redoutable
Le théorème des graphes parfaits
Cliques et théorème de Turân
La formule d 'Euler et les solides de Platon
Le polyèdre de Czâszâr, un monstre topologique
Diagrammes de Schlegel :
les polyèdres sont des graphes !

I •I•k}i i4,1 Des applications à la ule quotidienne


De par leur structure purement topologique, les
graphes sont un puissant outil d 'aide à la décision. Ils
sont utiles pour planifier et ordonnancer les tâches
dans une chaîne de production, gérer les priorités dans
un projet, ou hiérarchiser les étapes dans une suite
d 'instructions informatiques ...

La fourmi et le problème du voyageur de commerce


Un projet dans le bon ordre, la méthode PERT
L'algorithme de Dijkstra
Quand le chemin se joue aux dés
(suite du sommaire au verso)
Un problème de téléphonie mobile
Des arbres pour faire passer les trains
Comment éviter les bouchons
Un arbre pour le théâtre
Entre sens et texte
Les livres dont vous êtes le héros

l •X•t}i i4,1 Dans l'informatique


Que serait la théorie des graphes aujourd'hui sans
l'informatique ? Qu'il s 'agisse de trier des données, de
compresser des fichiers ou de rechercher un mot dans
un texte, on retrouve partout une structure de graphe
dans un ordinateur.

Parler à son ordinateur


Retrouver un mot dans un texte
Les réseaux de neurones
Des listes autrement qu'en ligne
Des arbres à compresser

DOSSIER
La théorie des graphes permet de comprendre, voire
de résoudre une grande quantité de jeux de réflexion
ou de jeux mathématiques et logiques, parfois de
manière inattendue (voir à ce sujet le numéro 46 de la
Bibliothèque Tangente). A contrario, les graphes
peuvent être à la source d ' une catégorie de
récréations dont les plus classiques sont des
problèmes de labyrinthes.

Arbres, jeux et stratégies


Graphes sur échiquier
Algorithmes en graphes
Graphes et labyrinthes
Résoudre des énigmes à l'aide des graphes
Jeux et problèmes
Solutions

En bref

Glossaire

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


par Bertrand Hauchecorne EN BREF

Une origine anglaise: c'est graphe, docteur?

Tour de télégraphe Chappe à Marly-le-Roi.

Il peut paraître urprenant que le mot graphe soit apparu dans notre langue assez récemment, vers
le début du xx:e iècle, et qu'il nou vienne ... de l' anglais. Pourtant, ce terme e retrouve comme
seconde partie de mot beaucoup plu anciens. Ainsi « orthographe » voit le jour à la Renaissance ;
ile t calqué sur un homonyme latin orthographia, à une époque où l'on devient soucieux d' une écri-
ture acceptée par tous . Le mot « télégraphe », pour sa part, est créé en 1792 pour désigner un appa-
reil pouvant tran mettre graphiquement des signaux. Leur suffixe commun est bien sûr issu d'une
racine grecque, graphein, qui signifie «écrire » ; le terme graphê désigne quant à lui tant l'écriture
que ce qui est écrit.
Si l'on en croit le Dictionnaire historique de la langue française dirigé par Alain Rey, le mot graph
apparaît en anglais comme abréviation de graphicformula d'abord dans le langage de la chimie. On
le trouve utilisé en mathématiques ver 1880. Cependant, sa première atte tation dan notre langue
daterait seulement de 1926. Son utilisation devient alors courante pour désigner la repré entation gra-
phique d' une fonction.

L'émancipation de la théorie des graphes comme di cipline autonome.juste avant la Seconde Guerre
mondiale , donne une nouvelle jeune e à ce terme, avec comme point de départ le livre du mathé-
maticien hongroi s Déne Kônig , Theorie der endlichen und unendlichen Graphen, paru en 1936.
Cet ouvrage est uivi en 1958 de celui de Claude Berge, Théorie des graphes et ses applications .
Le mathématicien français introduit peu après la notion et le terme « hypergraphe ».
De nos jour , le mot graphe, par-delà e acceptions mathématique , est devenu un terme courant,
montrant que la science concourt elle aussi à enrichir la langue .

Hors-série n• 54. Les graphes Tcingente


PASSERELLES par Benoit Rittaud

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les onze états du taureau


de Picasso
ette double page présente une érie de onze Il est frappant de constater à quel point cette suite de

C lithographies de Pablo Picasso, réal isées


entre le 5 décembre 1945 et le 17 janvier
1946 (la suite chronologique se lit de haut en bas,
dessins peut se lire comme une métaphore du pro-
cessus qui a conduit Euler à inventer la notion de
graphe. Dans cette analogie, le premier taureau repré-
colonne par colonne, à partir de la gauche). sente la ville de Konigsberg et ses sept ponts.

Tc:ingente Hors-série n°54. Les graphes


devoir passer par la géométrie. Les recherches
' orientent donc de ce côté-là : c'est l' irruption des
triangles à partir du quatrième taureau. Mais le
problème est fu yant : les tri angles, fi gures cen-
trales et emblématiques de la géométrie euclidien-
ne, se tournent et se retournent sans parvenir à la
solution . Progressivement , il s cèdent du terrain :
au neuvième taureau, il s doivent di sparaître . Éti-
rés, comprimés, tordus, il s ne rés istent pas à la
poussée unificatrice qu i se met en pl ace et qui
verra l'avènement de la topologie. Le derniers
Une figure rassurante, bien identifiée, tout comme taureaux achèvent le travail d 'élaboration de la
celui du plan de Konigsberg avec sa petite île et sa nouvelle structure permettant de comprendre le
rivière, que l'on imagine tranquille. problème sous un jour nouveau : la notion de
Et puis le problème surgit : la question des sept graphe est née . Ain i, loin de montrer une di spa-
ponts rend brusquement le plan de Konigsberg beau- rition progressive, la démarche de l' arti tee t au
coup plus déroutant. Le calme de la figure cède la contraire celle d ' une création .
place à la controverse : les deuxième et troisième tau-
reaux, presque monstrueux, se mettent ainsi en L'œil de Picasso et celui d 'Euler ont chacun tiré
parallèle avec la confusion mentale qui règne dan les d' une image quotidienne quelque chose de radicale-
esprits de ceux qui s'attaquent dése pérément au pro- ment nou veau . Après s'être immergé dans leur
blème des sept ponts. façon de voir, plus rien ne peut paraître comme
avant.
Pui que le plan de Konig berg est une fig ure plane,
une approche mathématique du problème semble B.R.

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


HISTOIRES par Benoît Rittaud

Tous les chemins mènent à


Ktin igsberg
L'acte de naissance de la théorie des graphes est une question
toute simple, presque une devinette à laquelle s'attelaient sans
succès les habitants de Konigsberg. A la clé, une notion
mathématique qui allait essaimer dans bien d'autres domaines.
l n ' est pas très fréque nt que l'in- xv111e sièc le), un problème se di scutait

I troduction d ' une notion mathéma-


tiqu e pass e p a r l 'ex po s ition du
premier problème qui lui a fa it vo ir le
beaucoup chez les habitants de la ville
de Kê:inigsberg, aujourd ' hui Kaliningrad
(en Ru ie, proche de la Pologne et de
jour : d 'ordin aire, les développements la Lituanie). La ville, construite autour
et simplification s ultérieure font qu ' il de la ri vière Pregel, possédait alors sept
devient diffi cile de reconnaî tre, sou s ponts, selon le plan ci-contre.
les multiple couches de perfec tionne- La question était de savoir comment un
me nts success ifs, la question initi ale voyageur pouvait visiter le ept ponts
d ' une théorie. e n traversant chacun d 'eux, dans un
À l' opposé de cette règle , l'hi stoire des ordre quelconque et sou la seule contrainte
ept ponts de Kê:ini gsberg est un véri - de ne jamais passer deux fo is ur le
table pa sage obligé pour la théorie des même pont.
graphes. Plus de deux siècles après cette
jolie hi stoire, il est difficile de trouver Un uoyageur économe de son temps
Les sept ponts un ouvrage de base sur les graphes qui
de Konigsberg. ne la mentionne pas au moins en passant. On ignore qui , au XVllle siècle, a eu l'idée
Or, donc , à l'époque du mathématicien de e poser la question des sept ponts de
sui sse Leonhard Euler (c' e t-à-dire au Kê:inigsberg. Cet inconnu , sans le savoir,
a pourtant posé une question qui fut à l'ori-
gine de deux nouve lles branches des
mathé matiques.
La première de ces branches est deve-
nue au xxe siècle l'une des di sc iplines
phares des mathématiques: la topologie.
L'aspect topologique de la question des
sept ponts est probablement son as pect
le plu révoluti onnaire.
De quoi s'ag it-il ? Eh bien, pour la pre-
mière foi , on avait affaire à une ques-

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


tion qui semblait d 'ordre purement géo- config uration d ' un cercle circonscrit à
métrique, et même de géométrie plane un tri a ngle), alors ell e se re trou ve à
(la fig ure maté ri ali sant la situation e n l' ide ntique dans dans le second dess in , .
fa it foi), alor qu ' aucun des outil s tra- simple « gross is e ment » du pre mi er
ditionne ls de cette mê me géo mé tri e avec, en plu s, une rotation .
n'était d ' un quelconque secours pour y
répondre . Peu importe en effet que, dans {3
la figure précédente, les bras de la rivière
soient plus ou moins écartés, peu importe
que l 'île centrale ait une fo rme carrée ou
circulaire, peu importe, encore, que les
ponts soient parfaitement rectil ignes ou
pas. Dans la situation posée, il n'y a pas
de place pour les cercles , les droites, les
triangles ou les angles, toutes ces notion
qui s 'étaient tant de fo is révélées ind is-
pensables par le passé pour l'étude des
questions de la géométrie . Dans le pro-
blème des sept ponts, c 'est donc tout
autre chose qui est en jeu : la classification a
géométrique traditionnelle des figures y
est caduque.
Toutefois, même si dan notre fi gure la
situation demeurerait fo ndamentalement
la même e n re mpl açant les segments
re présentant les ponts par des arcs de
cercles ou des morceaux d ' ellipses, il y
y
a des limites à ces manipul ations. Il est
visible , en effet, que s' il est pos ible de En géométrie, grossissements et rotations
« tordre » telle ou telle partie du de sin sont à peu près les seules transformations
sans changer vra iment le problème , il « lég itimes » ,c'est-à-dire qui ne chan-
n 'e t pas poss ible en revanche de fa ire gent pas les propriétés de ces fi gures
se rejo indre les bras de la ri vière, ou de (éga les di stances entre les sommet du
« recoller » la petite île à l'une ou l' autre tri a ng le e t le ce ntre du ce rc le , pa r
des ri ves, sous peine d ' être confronté à exe mpl e). Pour la s itu ati on des sept
une situation mani fes tement di ffé rente pont , en revanche, bien d ' autres mani -
pour notre problème . pul ation sont poss ibles qui ne modi -
fie nt pas « l'état général » de la fi gure .
Une géométrie sans cercles La délimitation préci e de cet ensemble
ni triangles plu s vaste de tra nsformations qui pré-
servent les pro priétés « utiles » de la
Dans la géométri e traditi onnell e , les fi gure du problème des sept ponts est à
fig ures pe uvent être fa ite « e n plu s la base de la topologie, sorte d ' « exten-
grand » ou « en plu s petit » sans chan- sion » de la géométrie dans laquelle les
ger fondamentalement la situation : si une proprié tés structurantes sont d 'ordre
propriété géométrique e trouve dans le plus générale (et sont souvent bien plus
dess in du haut ci-après (il s'agit de la abstraites).

Hors-série n° 54. Les graphes Tcingente


HISTOIRES Konigsberg

Que lle est donc la structure mathé ma- avec un squelette n'éta it pa u urpée. 11
tique qui permet de rendre compte le plus est par a ill e urs c lair qu e, dans cette
efficaceme nt poss ible de la s itu ation figure, la forme préci e des lignes reliant
des sept ponts ? Que l est ce sque lette les points n' a pas d ' importance : seul
abstra it qui résume toute les données compte que ce ligne indiquent les li ai-
de la configuration topographique de la sons poss ibles entre les points (c'est, là
ville de Konigsberg? Ce squelette, c'e t e ncore, une illu stration du ca ractère
un g raphe : lorsque Euler résout le pro- topologique et non géométrique du pro-
blème des sept ponts, il fonde ainsi du blème étudié).
même coup la théorie des graphes, appe- À partir du graphe de Konigsberg, la
lée à jouer un rôle majeur avec l'émer- question des sept ponts se reformule de
gence de l' informatique. la manière sui vante : comment , partant
de l' un des quatre points (G , D, I ou J),
Un squelette de sept points peut-on colorier au crayon la totalité des
lignes du graphe ans repasser deux fo is
L' idée est la sui vante: la ville de Konig- par la même ligne et sans lever le crayon ?
sberg est la réunion de quatre morceaux
re liés entre eux par différents pont . La Ce qui est en jeu ici est la con truction
forme de ces morceaux n'a guère d ' im- de ce que l' on appelle depui s un che-
portance : seul s comptent les ponts qui min eulérien , c'est-à-dire un chemin qui
les re lient. 11 est donc possible de repré- parcourt tout le graphe ans pa ser deux
senter chaque morceau de la ville par fo is sur la même arête et sans que oit
un simple point (une î le, i l' on veut), effectué de « saut ». Euler a donné la
duque l partent des pont vers les autres olution générale à ce problème ; plus
points (ou les autre île ). Si l'on nomme préc isément , que l que so it le graphe
G et D les points repré entant les deux considéré (ce lui de Konigsberg ou un
ri ves, 1 la petite î le et enfin J la terre autre), il est poss ible, d 'ailleurs assez
émergée entre les deux bras de la ri vière, fac ilement , de savoir si un chemin eulé-
la représentation de la situation est alors rien ex iste ou non (voir en encadré) : il
la sui vante : suffit de compter, pour chaque sommet,
J le nombre d 'arêtes qui en partent. S' il
y a plus de deux sommets pour lesquels
le nombre en question est impair, alors
la répon e e t négati ve. Sinon , un che-
min ex iste .
S 'agissant du graphe de Koni gsberg, le
décompte n'est pas long : un no mbre
impair d 'arêtes part de chacun des som-
mets, un touriste ne peut donc pas vi i-
ter tous les pont une fo is et une eule.
G D
Dans une autre ville, avec de ponts dis-
po és di ffé remme nt , un chemin eulé-
rien aurait pu ex ister et, dans ce cas, on
P,
peut penser que les habitants aura ient
C' est le graphe de Konigsberg. Chaque eu tôt fa it de trouver eux-mêmes la solu-
ligne re li ant deux points symboli se un tion. À Koni gsberg, tant que les essais
pont , et l'on vo it que la comparaison de me urai e nt infructueux, la question

Ta.ngent:e Hors-série n°54. Les graphes


De bout en bout
Lorsque l'on suit les différentes lignes d'un graphe, on rencontre chaque sommet une ou
plusieurs fois. Ces rencontres peuvent se produire selon trois modalités distinctes. La pre-
mière est celle du début, c'est-à-dire du moment où le crayon commence à avancer. Le point
X duquel il part présente un certain nombre de lignes qui partent de lui, le crayon en choi-
sit une (noircie dans le dessin suivant).
1 La deuxième configuration, le cas général, est celle dans
laquelle le crayon est en cours de route.
La rencontre avec un sommet du graphe se fait alors en
deux temps : il y a d'abord l'avant, au cours duquel le
crayon noircit l'une des lignes arrivant sur X (à nouveau),
o puis il y a l'après, où le crayon noircit l'une des lignes non
encore noircies qui partent de X.
Enfin, la dernière configuration qui se produit est celle de
la fin du tracé : toutes les lignes ont été noircies, sauf une,
et le crayon noircit celle-là pour atteindre le dernier point
du tracé.
En général, pour un graphe quelconque, le crayon va passer
et repasser au point X. Considérons alors les arêtes qui par-
o tent de ce point X. À chaque passage du type de la deuxiè-
me configuration, deux de ces arêtes sont parcourues et
peuvent donc ensuite être considérées comme « inexis-
J tantes », puisqu'on n'a plus le droit de repasser par elles.
Tout se passe ainsi comme si ces deux arêtes étaient sup-
primées : le nombre d'arêtes de X est diminué de 2, puis
sera à nouveau diminué de 2 au passage suivant, et ainsi de
suite. À chaque fois que l'on passe par X, on retire donc
O
deux arêtes, à deux exceptions près. La première est celle
où X est le point de départ (c'est la première configura-
tion): dans ce cas, au premier passage par X (c'est-à-dire
lorsque l'on démarre), une seule arête peut lui être retranchée. La seconde exception se pro-
duit lorsque X est le point d'arrivée (troisième configuration), où là aussi une seule arête est
retranchée Oa dernière du graphe).

À part pour les points de départ et d'arrivée, on voit donc que, les arêtes étant retirées de
deux en deux, il est nécessaire que chaque sommet dispose au départ d'un nombre pair
d'arêtes pour que puisse exister un chemin eulérien. Si un sommet possède un nombre
impair d'arêtes, alors ce sommet est le point de départ ou d'arrivée.
Inversement, un graphe dans lequel ne se trouvent pas plus de deux sommets desquels par-
tent un nombre impair d'arêtes est toujours un graphe eulérien (c'est-à-dire qu'il existe un
chemin eulérien le parcourant) : de même que le mouvement se montre en marchant, on se
persuade facilement de ce résultat en faisant quelques essais (qui ne remplacent pas, bien
entendu, une démonstration dans les règles).
Enfin, si aucun sommet n'a un nombre impair d'arêtes, alors un chemin eulérien est aussi
un cycle, c'est-à-dire que le point de départ se confond avec le point d'arrivée.

Hors-série n° 54. Les graphes Ta.ngente


HISTOIRES Konigsberg

demeurait en suspe ns, et le serait res- trouver tous les arbres à 3n + 2 éléments
tée si Euler ne s'était pas attaqué au pro- tels que de chaque élément (chaque som-
blème sous l'angle des graphes et n'avait met) partent exactement une ou quatre
pas eu cette idée d ' un genre si particu- arê tes (sy mboli sant le li aiso ns c hi -
lier consistant à vouloir démontrer qu ' un mique) .
problème ne possède pas de olution. En 1869,enfin , le mathématiciens redé-
couvrent les graphes, par la voix de Jor-
Rprès Kiinigsberg dan qui , sans connaître les travaux de
Cayley, retrou ve ses résultats .
C ' est en 1737 Les jeux ne sont pas en reste : en 1859 ,
qu 'E ul e r a soi t cent vingt-deux ans après les tra-
réso lu le pro- vaux d ' Euler, le mathématicien William
Sir William Rowan blème des sept Hamilton invente le « jeu icosien » (The
Hamilton , père des ponts. Bien que lcosian Game), dans lequel il s'agit de
quaternions point de départ visiter tous les sommets d ' un icosaèdre
et du jeu icosien. de la théorie des régulier (voir la figure) une fois et une
graphes, il fa ut seule. Dans la version de Hamilton , les
tout de même sommets sont dés igné par des villes
a tt e ndre plu s dont la première lettre est une con onne
d ' un siècle avant que celle-c i ne fasse (un e conso nne par vill e , l' icosaèdre
son retour dans l' actualité sc ientifique. ayant autant de sommets que l'alpha-
Alors que la question d'Euler est avant bet possède de con onnes, à savoir 20) :
tout ludique, le x,xe siècle voit un déve- Bruxelles , Canton, Delhi , Francfort, etc .
loppement de la théorie de nature beau- Le problème du jeu icosien est celui des
coup plu s co nc rè te. C 'es t d 'a bord chem ins appelés depui s hamiltoniens ,
Kirchhoff qui , en 1847 , s' intéresse à la dans lesquels il faut visiter tous les som-
quantité de courant qui circule dans les mets une fois et une seule .
différentes branches d'un circujt électrique. Apparemment vois in du problème des
L'auteur des loi s qui portent son nom chemjns eulériens (dans lesquels il fa ut
(aussi appelée la loi des nœuds ou la loi vis iter toutes les arêtes une fois et une
des mailles) développe pour ses pro- seule) , le problème des chem ins hamil-
blè mes la notion d'arbre, c'est-à-dire toni e ns est en réa lité bea ucou p plu s
de graphe sans boucle. difficil e !
Dix ans plus tard , c' est au tour de la chi-
mie de s'attaquer aux graphe . En 1857, Le xxe siècle voit la théorie des graphes
Cay ley s' intéresse en effet aux diffé- prendre son véritable e sor. Utile dans
re nte tructures po ss ibles (o n parl e des domaine comme l'électricité, ell e
d' isomères) d ' une mol éc ule aya nt n a auss i servi à des ét udes psyc ho lo-
atomes de carbone et 2n + 2 atomes giques ou soc iologique (le sommets
d ' hydrogène (ce sont les alcanes). De repré entant des individus et le arêtes
contraintes de nature chimique fo nt que, les relations entre eux) . Toutefois, c'est
dan les alcanes, un atome de carbone surtout l'inform atiqu e qui a favo ri sé
est toujours lié à quatre autres atomes (de l'étude des graphes. Aujourd ' hui , la
carbone ou d ' hydrogène) alors qu ' un théori e des graphes est omniprésente
atome d ' hydrogène est lié à un unique dans la technologie contemporai ne.
atome de carbone . Enfin , les cycles ne
sont pas permis. La question est donc de B.R.

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


les graphes planaires 14
Quand les chemins ne se croisent pas 20
Gardons le sens de l'orientation et restons pondérés ! 24
Obstruction et stabilité 28
les matrices entrent en scène 32
Des arbres au secours des probabilités 36
Des graphes et des surfaces à partir d'un carré 40
le théorème des mineurs 44
Des diagrammes pour la physique 50
le théorème des quatre couleurs 56
Colorier, un défi innocent et redoutable 58
le théorème des graphes parfaits 62
Cliques et théorème de Turtîn 68
la formule d'Euler et les solides de Platon 72
le polyèdre de Cztîsztîr, un monstre topologique 76
Diagrammes de Schlegel : les polyèdres sont des graphes ! 80

Lestvpes
de graphes
Quelques points et des traits pour les relier suffisent à créer un
graphe. Une idée aussi simple se devait d'engendrer un monde
foisonnant d'objets: les idées les plus élémentaires sont souvent les
plus riches ! Ainsi, l'énoncé du théorème des quatre couleurs est
élémentaire ; pourtant, sa démonstration nécessitera l'utilisation
d ' un ordinateur. Depuis, l'obstination des mathématiciens a eu
raison d'autres résultats puissants. Deux résultats structuraux, le
théorème des graphes parfaits et le théorème des mineurs, comptent
parmi les plus profonds des mathématiques.
Hors-série n°54. Les graphes Tangente (E)
SAVOIRS par Jean-Paul Delahaye

Les graphes planaires


Les croisements dans un graphe sont la source de problèmes
difficiles, et même de conjectures que personne n'arrive à
prouver. Plusieurs possèdent un intérêt pratique pour le
dessin des circuits électroniques ou la représentation
optimale des réseaux informatiques.
n g raphe est dit planaire s' il de monna ie», c'est-à-d ire, si et seule-

U admet une représentation dans


laquelle les nœuds (ou sommets)
sont des points d ' un plan et les arêtes ne
ment i, on peut dispo er des pièces de
monnaie de di amètres variés les unes
contre les autres pour dessiner le graphe
se rencontrent qu 'en des sommets. en question, avec les centres des pièces
Ainsi, K 4 - quatre nœuds, chac un re liés comme nœuds du graphe, et une arête
aux trois autres, ce qui fait en tout six entre chaque couple de pièces tangentes.
arête - est planaire, alors que le graphe
à di x arête K 5 - c inq nœud , chac un
reliés aux quatre autre - n'est pa un
graphe planaire : il est imposs ible de le
dess ine r sur un pl an ans croi se ment
d 'arêtes .
Le graphe à neuf arêtes K 33 - troi points
reliés à troi s autre de manière y té-
matique - n 'est pas, lui non plus, un
graphe pl anaire.
Ces deux derniers exemples permettent
de caractéri ser les graphes pl anaires :
ce sont ceux qui ne contie nne nt ni K 5
ni K 33 (voir l'article sur le théorème des
mineurs dans ce même numéro).
On dédui t du théo rè me de Koebe un
Graphes planaires : troi sième théorème inatte ndu concer-
des théorèmes simplificateurs nant les graphes pl anaires et démontré
indépendamment que lques années plus
U n thé orè me, très urpre nant , a é té tôt par I Min Fary : un graphe e t pla-
dé montré par Paul Koebe en 1936. Il naire si et seulement si on peut le des-
indique qu ' un graphe est planaire i et siner sur un plan en reliant les nœuds
eulement i c'est « un graphe de pièces par des segments de droite qui ne se

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

croisent pas . Ce la signifie qu 'aussi com-


pliqué que o it un graphe pl ana ire on
Nombre minimum
pe ut to ujours le dess ine r sur un pl a n de croisements rectilignes
sans avoir recours à des arêtes courbées
ou empruntant des che mins compliqués. Imposer aux arêtes d'être des segments de droite
N'est-ce pas magnifique? conduit à un problème différent (celui du calcul de
Bien sûr, un même graphe pe ut être des- cr'(G) ; ce nombre est défini en page 17). Il se trouve
siné plus ou mo ins adroite ment et, selon qu'il est un peu plus facile car le nombre de dessins
la faço n do nt on s ' y prend , posséde r un différents à envisager est plus petit. Dans le cas du graphe
no mbre de croiseme nt plus ou moins Kn, les valeurs connues grâce aux calculs des machines
grand . L' exemple c i-dessous montre le vont bien au-delà de n = 12. On connaît toutes les
mê me graphe dess iné avec un c roi se- valeurs jusqu'à n = 27, et on connaît en plus la valeur
me nt , c inq c roi seme nts o u s ix c roi se- pour n = 30.
me nts. Si vous regardez atte ntive me nt Les valeurs pour n = 19 et n = 21 ont été obtenues en
ce gra phe, vous n ' y trou verez ni K5 ni 2006 par Oswin Aichholzer de l'université de Graz
K3 _3 , c ' est donc qu ' il est pl ana ire e t que et ses collègues. La valeur pour n = 18 est le résultat
l' o n pe ut le dess ine r sans auc une inte r- d'un calcul distribué de plusieurs mois ayant utilisé
section . Che rc hez ce dessin san croi - plusieurs dizaines d'ordinateurs. Il a été obtenu par
seme nt ! La solution est do nnée à la fin le Rectilinear Crossing Number project. Récemment,
de l'article . les valeurs calculées ont été confirmées par Bernardo
Abrego de l'université d'État de Californie et ses col-
lègues, qui ont pu atteindre les réponses pour n = 20,
pour n de 22 à 27, et qui ont aussi déterminé que la
valeur inconnue pour n = 28 ne peut être que 7 233
ou 7234.

cr' 0 1 3 9 19 36 62

cr' 102 153 229 324 447 603 798

cr' 4 430 5 250 6180 9 726

Graphes non planaires :


Cinq croisements. minimiser les croisements
Face à un graphe non pl anaire se pose
une intéressante question : comment le
di sposer sur le pla n de faç on à avoir le
moins de croi eme nts pos ible ?
Pour un graphe donné G , la meilleure dis-
po ition du graphe sur le pl an possède
un nombre minimum de croi seme nt ,
Six croisements. que l'on note cr(G). Le nombre minimum

Hors-série n° 54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS Les graphes planaires

Preuves et coruectures de c roise me nts de K5 est 1, de mê me


que celui de K 33 . En effet, ils ne sont pas
L'inégalité cr .!e a - 3 (n - 2), expliquée et démontrée en page 17, a
été améliorée de plusieurs faço ns, chacune ayant son intérêt par- plana ires, donc cr(G) > 0 pour G = K 5
ticulier selon le graphe que l'on considère : ou K3 .3, et on ré uss it sans ma l à les di -
• cr .!e 70 / 3 - 25(n- 2) / 3, • cr .!e 30 - 35 (n- 2) / 3, poser de façon à ce qu ' il n 'y ait qu ' un
• cr .!e 40 - 103 (n- 2) / 6, • cr .!e sa - 25 (n- 2) quand n >2, seul croisement. Qu 'en est-il pour K 6 , K 1 ,
• cr .!e a 3 / 64n 2 quand a .!e 4n. et plus générale me nt pour K,, (le graphe
complet à n nœ ud ) ? Et pour K 11 J 11 (le
Ces inégalités sont certes utiles, mais, au moins dans le cas des graphe reliant n points à m points des nm
graphes simples, on aimerait disposer d'égalités, c'est-à-dire de
faço ns poss ibles)? Nous allo ns voir que
formules précises indiquant le nombre minimum de croisements
ce sont de diffic iles é nig mes .
cr(G) que l'on peut obtenir et la façon d'y arriver. Le plus simple
Pour évi ter tout malente ndu , décri vo ns
des graphes possédant n nœuds est le graphe complet où chaque
nœud est lié à tous les autres. On le note Kn et il possède avec soin les graphes dont nous parlons
n (n- 1) / 2 arêtes. Que sait-on concernant cr(Kn) ? Une formule et les règ les adoptée pour le décompte
proposée il y a bientôt cinquante ans par Thomas Saaty et Richard des croisements. D 'abord le g raphes
Guy indique que ce nombre vérifie : que nou cons idé ron sont non orien-

cr(K.) = 4· 1[n]2 .[n-1]


-2- .[n-2]
-2- .[n-3]
-2- té : l'arê te ab est la mê me que l'arête
ba. Par dé finition , dans un graphe de ux
nœ uds ont re liés une fois au plu e ntre
où les crochets partiels désignent la fonction partie entière. e ux. Un graphe est donc déterminé par
Cela donne les valeurs suivantes : ! 'e nse mble d e ses nœ ud s (exe mpl e
n 4 5 6 7 8 9 10
{a, b, c, d}) et de ses arêtes (exemple
3 9 18 36 60
{ab, ad, be , bd}).
n 11 12 13 14 15 16
cr(Kn) 100 150 225 315 441 588
Quand o n dess ine un graphe sur un plan
Cette formule semble bien fonctionner ... mais personne n'a su la pour compte r les cro iseme nts, (a) on
démontrer ! Il s'agit donc d'une conjecture. On a seulement pu ex ige qu 'au plus de ux arêtes du graphe
établi r que cr(Kn) s Z(n) où se croisent e n un même point (lorsq ue

Z(n)=4·1[n]2 .[n-1]
-2- .[n-2]
-2- .[n-3]
-2- . ce n 'est pas le cas, on s'y ramène faci-
le me nt e n dé plaçant légère me nt le des-
sin d ' une arête) ; (b) on interdit à une
L'égalité a été démontrée jusqu'à 12, mais cela a demandé un tra- arête re li ant a et b de se cro iser e lle-
vail considérable. La difficulté provient de ce qu'il existe un très
même, e t e nfin , (c) on inte rdit à une
grand nombre de façons différentes de dessiner le graphe Kn sur
arê te re liant a e t b de pa ser par des
le plan et qu'il fa ut surtout ne pas en manquer pour identifier les
nœ uds du graphe a utre que a et b. JI
dessins qui conduisent à un nombre minimum de croisements.
Les dessins optimaux (voir encadrés « Les meilleurs dessins ,. ) résulte de tout ce la que l'emplace me nt
pour K5 et K6 ne sont pas trop difficiles à trouver. Pour K7 et K8 , des nœuds du graphe G sur le plan est
cela devient déjà plus subtil, surtout qu'il n'y a pas unicité de la solu- sans importance pratique quand on s'oc-
tion donnant le nombre minimum de croisements. L'idée de trou- cupe de cr(G). En effet, s'il existe un des-
ver une disposition optimale de proche en proche en utilisant celle s in des arê tes de G avec r cro iseme nts,
de Kn- • pour trouver celle de Kn est une mauvaise idée, car on a mon- pour une certaine disposition des nœuds
tré que, dans certains cas, les dessins optimaux pour une valeur sur le plan , en déplaçant continûment les
de n ne contiennent aucun dessin optimal pour n - 1. nœ uds e t les arêtes (que l'on a ll o nge
Aller au-delà de 12 est un défi informatique et mathématique. ou déforme i nécessai re), il y a ura un
À défaut d'une démonstration de l'inégalité cr(Kn) .!e Z(n) , on a
dessi n de ar ê te avec r cro ise me nts
réussi récemment à avoir celle-ci : cr(Kn) .!e o,86 x Z(n) , qui s'en
pour n •importe que lle autre di position
approche.
des nœ uds. Voici un exempl e :

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

cr(G ), l'un est assez inté-


ressa nt à dé mo ntre r et
co nduit à une inéga lité

~ - utile à partir de la formule


d ' Euler pour le graphes
pl ana ires. La fo rmul e
En déplaçant les points du premier des- d'Euler indique que si un graphe est pla-
si n et en fa isant sui vre les arêtes (sans naire et« d ' un seul tenant » (en suivant
créer ni supprimer de croisements), on les arêtes on peut joindre deux nœuds quel-
passe du premjer dessin au second de conques, on dit aus i connexe) alors le
manière continue et en con servant le nombre de nœuds du graphe, n, le nombre
nombre de croisements. Le dessin de d 'arêtes, a, et le nombre de faces,J (les
départ comportait un croisement (entre zones que le graphe dess ine sur le plan,
ce et bcf), il en comportera un (entre ce y compris la zone extérieure), vérifient
et bcf) à l' arri vée. Le nombre minimum l'égalité:
de cro isements d ' un graphe ne dépend J = 2- n+ a.
do nc pas de l'empl acement que l'o n La fo rmule e démontre en partant d ' un
choisit pour les nœuds. graphe réduit à un seul nœ ud (qui véri-
Pui sque, d 'après le théorème de Koebe, fie év idemment la fo rmule car f = l ,
tout graphe planrure se de ine sans croi- n = l , a = 0) et en ajoutant étape par
sement en représentant les arêtes par étape, soit un nouveau nœud avec une
des segments de droites, il est naturel arête le reliant à la partie déjà construite
de se demander si le nombre minimum sans créer de nouvelles faces (11 et a aug-
de croisements pour de siner un graphe mentent chacun d' une un ité, ce qui pré-
quelconque est le même en imposant serve l'égalité), soit une no uvelle arête
que les arêtes oient des segments de reliant deux nœuds déjà présents et créant
dro ite, ou en ne l' imposa nt pas. La donc une nouvelle face (Jet a augmen-
réponse est que ce choix importe ! tent chacun d' une unité, ce qui préserve
De ce fa it , on nomme nombre de croi- l' égalité). Dans les graphes que nou s
sements minimum rectilignes du graphe considérons, une face est entourée d 'au
G, et on note cr' (G), le nombre minimum moins trois arêtes, car si une face n'étrut
de croisements que l'on peut obtenir en entourée que de deux arêtes, il y aurait
ne dessinant que des segments de droites deux fo is la même arête, ce qui n'est
pour les arêtes. On a bien sûr cr(G ) :5 pas autori sé. Ch aque arête e t sur la
cr'(G ). Le graphe le plus simple pour frontière de deux faces exactement. Pour
lequel cr(G ) et cr '(G) sont diffé rents entourer les J faces, il fa ut donc 3//2
est le graphe K8 , qui se dessine avec arêtes au moin : 3//2 :5 a.
dix-huit cro isements si l'on n' impose En combinant avec la fo rmule d 'Euler,
pas aux arêtes d 'être des segments de cela donne 2 - n + a :5 2a / 3, ou encore
dro ite (cr(K8) = 18) et qui oblige à di x- a :5 3n - 6.
neuf croisements au minimum quand Cela signifie en particuJjer qu'un graphe
on veut que toutes les arêtes soient des planaire ne possède jamais un nombre
segment de droite (cr'(K8) = 19). d 'arêtes plu s grand que troi s fo is le
nombre de nœuds.
la formule d'Euler Considérons maintenant un graphe non
planaire ayant pour nombre de croi se-
Parmi les énoncés généraux concernant ments cr . En enlevant une à une des

Hors-série n° 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS Les graphes planaires

Les meilleurs dessins arêtes qui en rencontrent d ' autres , on


supprime tous les croisements et on
des graphes "5, Ka, Kl' K8 arrive donc (après avoir enlevé cr arêtes)
à un graphe planaire vérifiant l' inégalité
La notation Kn désigne le graphe complet à n nœuds : vue au-dessus , qui s'écrit maintenant
chaque nœud est relié à tous les autres. Trouver la manière (a - cr) ::5 3n - 6.
de dessiner ces graphes de façon à limiter le plus possible Cela donne l'inéga lité, va lable pour
le nombre de croisements des arêtes reliant les nœuds est n > 2 : cr~ a - 3 (n - 2).
loin d'être facile et aucune méthode générale n'est connue Cette inégalité est importante puisqu'elle
permettant de concevoir les dessins optimaux. Voici les indique immédiatement un nombre mini-
meilleurs dessins possibles des graphes K 5 et K6 . mum de croi ement pour un graphe
ayant n nœuds et a arêtes. Si par exemple
un graphe comporte cinquante-cinq arêtes
et quinze nœud , on ait qu'en le de si-
nant il faudra nécessairement au moins
55 - 3 x 13 = 16 croisements.
Pour K 7 et K 8 , plusieurs dispositions (topologiquement J.-P. D.
différentes) donnent le même nombre minimum de croi-
sements. Ces solutions ont été trouvées par Richard Guy
et redessinées par Francesco de Comité, de l'université de Solution de la
Lille-1. question posée
au début de l'article.

Références
• Th e graph crossing number and irs varianrs:
a survey. Marcus Schaefer, Elecrronic
Journal ofCombinarorics 1000, 201 3.
• Crossings and Planarizarion. Christoph
Buchheim er al., in Handbook of Graph
Drawing and Visualizarion. Chapman &
Hall/CRC, 201 3.
• Th e Erdos and Guy conjecrured equa/iry on
rhe crossing number of hypercubes .
Yuansheng Yang er al ., 2012 (
http://arxiv.org/abs/ 1201.4700 ).
• Th e Early Hisrory of rhe Brick Facrory
Problem. Lowell Be inke et Robin Wil son,
The Marhemarica/ ilue//igencer 32 (2) . 201 0.
• Crossing number problem. Paul Erdos et
Richard Guy, American Mathemarical
Monrhly 80. 1973.
• On a Problem of P. Turan Concerning
Graphs. Casimir Zarankiewicz. Fundamenra
Marhemaricae 41 , 1954 .
• Obsrmcrion er srabiliré pour classifier les
graphes. Jean-Paul Delahaye ,
pages 12 et 13. doss ier « Les types de
graphes ».
Aujourd'hui la question du nombre minimum de croise- • Le principe de rransferr en analyse infi nirési-
ments des graphes complets n'est résolue que pour n s 12. male. Jacques Bair et Valérie Henry, Tangenre
SUP70-71 ,201 3.

Ta.ngente Hors-série n°54. Les graphes


Par Norbert Verdier EN BREF

Sur les ponts de Paris


endons-nous au centre de Paris. On y trou- dants peuvent être
ve deux îles (l'île de la Cité et l'île Saint- joints par un chemin
Louis), la Rive droite , la Rive gauche et (empruntant ou non
des ponts , des tas de ponts, qui relient le unes aux un pont) : on vient de
autres le zones géographiques : le pont Neuf, le pont transcrire la question
au Change, le pont Saint-Michel, le pont Notre- posée en un problème
Dame, le Petit Pont , le pont d' Arcole, le pont au de graphes. À présent,
Double, le pont de l'Archevéché, le pont Saint- il n'est pas difficile de
Louis, le pont Louis- Philippe, le pont de la voir que six sommets
Tournelle, le pont Marie et le pont de Sully. sont de degré impair
(B , C, E, H,J et K),c'est-à-dire qu ' un nombre impair
Paris, ses Iles, ses ponts d'arêtes partent d'eux . Le problème des ponts de Paris
était donc sans solution à l'époque d'Euler, et l'exa-
Peut-on trouver un chemin qui emprunte chaque men d' un plan d'aujourd 'hui vous permettra de vous
pont une et une seule fo is ? persuader qu ' il en est de même à l'heure actuelle.
À l'époque d'Euler, le centre de Paris e t constitué de
différents quartiers connectés les uns entre les autres N. V.
par neuf ponts. Dan la figure ci-dessous, chaque quar-
tier est assimilé à un point : A, B, C , D, E, F, G , H ,
1, J. K ou L. Relion deux à deux les sommets par
de arêtes à chaque fois que les quartiers correspon-
SAVOIRS par Jean-Christophe Novelli

Quand les chemins


ne se croisent pas
Le jeu des trois maisons et des trois puits est de cette catégo-
rie d'énigmes impossibles à l'énoncé pourtant élémentaire.
En même temps, cette question débouche sur des problèmes
qui sont parfois loin d'être évidents.

Maison 1 Maison 2 Maison 3

D
ans le des in ci-des us , on a la plu acce sible étant d'étudier les dif-
représenté trois maisons et férents cas, selon les manjères dont une
trois puits. Le but du jeu est de route peut relier une maison à un puits.
relier chaque maison à tous les puits, par En effet, deux routes sont manifeste-
des routes aussi sinueuses que l'on veut ment équivalentes si l'on peut passer de
mais ne devant pas se croiser. l' une à l'autre par petites défonnations
Il se trouve que ce jeu n'a pa de olu- successives san jamai passer par un
tion. La démonstration de cette impo - puit ou une maison. Une fois remarquée
sibilité peut se faire de plusieurs façon , cette équivalence, le nombre de routes véri-
tablement distinctes joignant une maison à
Il n 'est pas possible de joindre un puits est fini, et il est pos ible de tester
sans croisement trois maisons à trois puits. tous les cas à la main.

TC1ngente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES
V1
Une autre manière de procéder consiste à
montrer que les trois puits ne peuvent pas
être dans la même face de la figure une
fo is reliées les deux premières maisons
aux puits (figure ci-dessous).

Graphes planaires

Ce jeu , d 'apparence simple, ouvre la


porte à une question plus générale : Il paraît év ide nt que si un graphe
étant do nné un certa in nombre de contie nt un sous-graphe (somme ts et
villes, à que lles conditions est-il pos- arêtes) non planai re, a lors le g raphe lui-
sible de re lier ces villes avec des routes mê me n' est pas plana ire. Ains i , on
(éventue lle me nt courbes) e n é vitant pourra it croire qu ' un graphe est non
tout croiseme nt ? Un graphe construit pl ana ire s i, e t seule me nt s i, il contie nt
sous cette contrai nte est planaire . un sous-graphe non plana ire comme
Dans la recherche d ' un critè re inté res- celui des troi s ma isons e t des tro is
sant , comme nçons par cons idé re r puits (noté (3 , 3)) o u ce lui des c inq
d ' autre cas de graphes non planaires. villes (noté (5)). La réalité est to utefoi s
Le cas le plus simple est celui de c inq différe nte, comme le mo ntre la fi gure
Ce graphe n'est
villes devant to utes être re liées les unes sui vante . pas planaire alors
aux autres. Pour mo ntrer que ce graphe qu'aucune des
n'est pas pl ana ire, il suffit par exemple restrictions de ce
graphe à six
de constater que, que lle que soit la façon sommets n 'est le
de re lier quatre villes e ntre e lles, ces graphe (3, 3) et
villes ne peuve nt pas fa ire partie de la aucune de ses
restrictions à cinq
même face, ce qui permet de conclure
sommets n'est le
(pourquo i ?). graphe (5).

Maison 1 Maison 2 Maison 3

Puits 3

Dans cette configuration, la maison 2 ne peut pas être reliée au puits 3 en même temps
que la maison 3 aux puits t et 2.

Hors-série n°54. Les graphes Tc:ingente


SAVOIRS Quand les chemins ...

Même si notre critère est mani- trois sommets voi sins sont reliés aux
festement incorrect, on remarque deux autres à la fois (auquel cas on a
tout de même que le graphe de la une contraction du grand graphe en (5))
page précéde nte est issu du et lorsque quatre sommets voisins sont
graphe (3, 3) via une modifica- reliés alternati vement aux deux som-
tion simple : le dédoublement de mets (auquel cas on a une contraction
la première maison . Cela donne du grand graphe en (3, 3)).
une nouvelle condition suffisante L'algorithme issu de ces observations
de non-planarité : si un graphe permet de conclure à la planarité ou à la
peut être ramené à (3, 3) ou à (5) non-planarité d' un graphe en au plus
par amalgame de sommets en 3n4 étape (où n est le nombre de som-
contractant certaines arêtes, alors mets du graphe), par une méthode
il n'est pas planaire. C' est par consistant à contracter certaine arêtes
exemple le cas de la fi gure précé- vérifiant des conditions fac iles à tester
dente si l'on amalgame les mai- et réduisant l'ensemble du graphe au
son s I et 1' en contractant l' arête graphe des quatre villes toute reliées
rouge. entre elles . Ce graphe est bien entendu
pl anaire et l'on part alors de ce lui-ci :
le bon critère on lui applique les dédoublements de
sommets réalisant l'opération inverse
Il se trouve que ce critère est non de la contraction et l'on vérifie qu ' à
seulement suffisant , mais auss i chaque étape , on n'a jamais l' un des
nécessaire ; par conséquent , un deux cas de dédoublement interdit. JI
graphe est planaire si, et seule- existe de algorithmes beaucoup plus
ment si, il ne peut pa être rame- rapides: l' un d 'eux met un temps
né au graphe (3 , 3) ou au graphe d' exécution proportionnel à n , ce qui
(5) par contraction d' arêtes le est difficilement imaginable, mais les
composant. Il ex iste aujourd ' hui choses se compliquent sérieusement ...
de nombreuses démonstrations de
ce résultat, et autant de méthodes Enfin , il ex iste des algorithmes per-
pratiques pour le vérifier. En mettant de déterminer si un graphe
effet, utiliser ce critère directe- donné peut être placé dans une surface
me nt e n testant toutes les comme la sphère ou le tore. Toutefo i ,
contractions d 'arêtes prendrait un le nombre d 'étapes nécessaires aux
temps incroyablement long pour algorithmes connus dépend de la nature
des graphes trè grand . Pour de la surface con idérée , et l' on ignore
trouver de méthodes plus effi - s' il peut exi ter un algorithme qui
caces, il faut s' intéresser d ' un peu répondrait à la question en un nombre
plus près à l'étape de contraction d'étapes à peu près indépendant de la
d' une arête . nature de la surface. Cela illustre une
Partons d ' un sommet d' un graphe fo is de plus l' idée qu 'en théorie des
que l'on dédouble. L'en emble graphe , les que tions dont on connaît
des sommets voi sins de celui-ci les réponses sont omme toute peu
peut être représenté par un cercle nombre uses, et sont souvent très
autour de lui . JI n'y a que deux proches dans leurs termes de que tions
cas où le dédoublement pose un encore ouvertes .. .
problè me de pl anarité : quand J.-C. N.

Tcangeni:e Hors-série n°54. Les graphes


par Maxime de Ruelle GLOSSAIRE
Un graphe est constitué de sommets , dont cer- On appe lle graphe complet un graphe dont tou s
tains sont re liés par des arêtes. Deux sommets les sommets sont adjacents.
reliés par une arête sont adjacents , deux sommets
non adjacents sont indépendants . Le nombre de
so mmets présents dans un ordre est l' ordre du
graphe, le nombre d 'arêtes est sa taille . Le degré
d ' un sommet est le nombre d ' arêtes dont ce som-
met e tune extrémité. Un graphe fini , non orienté, 3
sans boucle ni arête multiple est simple . Ci-dessus, le graphe H est un graphe complet
d'ordre 4.
Le graphe ci-contre
est d'ordre 6 ; les Une chaîne est une li ste ordonnée de sommets
3
6 sommets 1 et 2 sont te lle que chaque sommet de la li ste soit adjace nt
adjacents, puisque a u s ui va nt. La longueur d ' un e c haî ne es t le
reliés par une arête. nombre d 'arêtes qui la composent. Une chaîne est
Ce n'est pas le cas élémentaire si e lle ne repasse pas par un même
5 des sommets 5 et 2. sommet.
Le degré du sommet 5 est égal à 3.

La matrice (d'adjacence) associée à un graphe


3
d'ordre n dont les sommets sont numérotés de I à 6
n est une matrice symétrique , de dimension n 2 , où
le terme à l'intersection de la i-ème li gne et de laj-
ème colonne vaut k, nombre d ' arêtes reli ant i etj.
5 c
0 1 0 0 0 0 La matrice 6 par 6 ci-contre est Dans le graphe G., on a nommé les six arêtes a, b,
1 0 0 1 0 1 la matrice associée au graphe c, d, e etf. La liste ordonnée de sommets (2--0-5-4)
0 0 0 0 0 G 1 ; elle ne contient que des O est une chaîne, que l'on peut aussi noter,
0 1 0 0 1 0 et des l puisque deux sommets en utilisant les arêtes qui la composent,
0 0 1 0 1 quelconques de ce graphe sont (f-e-c). La longueur de cette chaîne vaut 3.
0 0 0 0 au plus reliés par une arête.
Une chaîne fermée est une chaîne dont l' orig ine
Un sous-graphe (induit) d ' un g raphe G est un et l'extré mité ont confondues ; un cycle est une
graphe G ' composé de certa ins sommets de G , chaîne fermée composée d ' arêtes toutes distinctes.
ainsi que toutes les arêtes qui re lient ces sommets.
Tout graphe obtenu par contraction (ou non) d 'arêtes a 2
de G est un mineur de G . b
Ci-contre, on a
choisi, pour e 5
construire le sous- d
3
6 graphe G' (en vert)
à partir de G 1, les
4 f 3
sommets 2, 4, 5 et 6. Dans le graphe G2 ci-contre, (l-2-3-5-2-1) est une
chaîne fermée que l'on pourrait aussi noter
Les arêtes qui (a-c-d-b-a). Ce n'est pas un cycle, puisque l'arête
reliaient dans G 1 ces sommets (en vert aussi) sont a y intervient deux fois. En revanche, (a-c-f-e)
les arêtes du sous-graphe G' . est un cycle.

Hors-série n° 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Michel Criton

Gardons le sens de l'orientation


et restons pondérés !
Dans de nombreuses situations, les graphes simples non
orientés sont suffisants comme procédé de modélisation. Mais
d'autres cas pratiques peuvent nécessiter l'usage d'arêtes
orientées et parfois d'attribuer des étiquettes à ces arêtes afin
d'indiquer un « poids » ou une probabilité.

ans un graphe non orienté, dan l'autre selon les besoins. Dans ce

D les arêtes correspondent à des


paires de sommets : à la pai re
{a ; b} correspond un arc d 'extrémi -
exemples, on considère que le som-
mets sont indiffé renciés et on exclut les
boucles (les arcs reliant un sommet à
tés a et b. Dans un graphe orienté, les lui-même) ; les graphes sont alors dits
sommets sont reliés par des arcs que simples.
l'on peut identifier à des couples de
sommets : au couple (a, b) correspond Chacun de ces graphes est identifié
un arc d ' origine a et d 'extrémité b. La par un code donnant le no mbre d ' arcs
fig ure ci-dessous donne des exemples abouti ssant aux di ffé rents sommets,
de graphes complet orientés pour de ces nombres d ' arcs étant ra ngés par
petits nombre de sommets. Dan le ordre croi ant : 01 2, par exemple, si-
cas d ' un graphe complet, deux som- gnifie que l'on va trouver un sommet
mets que lconques sont toujours direc- qui n'est l' extrémité d 'aucun arc (le
tement re liés par un et un seul arc, et sommet 2), un sommet auquel aboutit
cet arc sera orienté dans un sens ou exactement un arc (le sommet 1) et un
troi ième sommet auquel aboutissent
2 2 deux arcs (le sommet 3).
Il existe un seul graphe complet orienté

.
1/\ .
3 .
1/\ .
3 à deux sommets, deux graphes à trois
sommets, quatre graphes à quatre som-

·----i. . .
1
01
2
.. 012
.. 111
mets. À chac un de ce graphes, on peut
assoc ier une matrice. Dans chacune
de ces matrice , le terme a IJ.. vaut I s' il

TC1ngente Hors-série n°54. Les graphes


1122 0123 0222 1113

ex iste une arête d 'origine i et d 'extré- seaux (elle casse les c iseaux), les c i-
mité j, et O dans le cas contraire. seaux gagnent contre la fe uille (ils la
coupent) et la fe uille gagne contre la
pierre (e lle la recouvre).
[~~] [O
1O I]
0 1
0 0 0

1 0 0I]
0 10
01 0 12 Ill

10 0 1
["0 1 01 0 ·i ·i[oo,ol [oo" ]
01 0 1 1
0 0 0 0
1 000
0 1 00
1 010
0000

I
1 0 10 1 0 10 1 1 10 0 1 10
11 22 0 123 0222 111 3

S ' il n'ex iste pas de boucle, le termes


de la diagonale (vérifi ant i =))sont tous
nul s. La somme des termes de chaque
ligne est égale au nombre d 'arêtes par-
tant du sommet correspondant, et la
somme de tous les termes de la matrice

Cette situation correspond
au graphe codé 1 J 1.

est égale au nombre total d 'arêtes du Dans le jeu à quatre objets, pierre-
graphe. Dans un graphe non orienté, fe uille-ci eaux-puits, le puits gagne
une telle matrice serait symétrique par contre la pierre et contre les ciseaux
rapport à la diagonale. Dans la matrice (ceux-ci tombent dedans) et la feuill e
associée à un multigraphe (dans lequel gagne contre le puits (elle le recouvre).
plusieurs arêtes peuve nt aller d ' un
sommet i ver un sommet )), les « l »
pourront être remplacés par le nombre
n d 'arêtes correspondantes.
,,/:, .. / 7
Pierre, feuille, ciseaux !
L' intérêt des graphes orienté est
qu ' il ex iste de nombreuses situations
où ils sont utiles, notamment dans les
tX !
.. e
sc iences ociales ou écono miques.
Voici un exemple tiré du do maine des Cette situation correspond
jeux : le chi-fou-mi. Dan un tel jeu à au graphe codé 1122.
trois objet , de type pierre- fe uille-ci-
seaux, la pierre gagne contre les ci-

Hors-série n°54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS Gardons le sens de ...

0 N \.,.)
Dans un certain nombre de situations (") (") (") (")
:r :r :r :r
concrètes représentées par un graphe,
les différentes arêtes n' ont pas la même êi êi ~ ~
~ ~

importance. On peut alors être amené à "' "'


« pondérer » ces arêtes en leur attribuant O c hiffre 1/8 37/72 1/3 1/36
un « po ids », qui peut correspondre par
exemple à une distance, à une durée I c hiffre 0 4/9 1/2 1/18
de parcours ou encore à un coût. Les
graphes pondérés apparaissent nature l-
2 c hiffres 0 0 5/6 1/6
le ment dans des graphes particuliers : 3 c hiffres 0 0 0
les arbres de probabi lités. Dans de te ls
graphes, la somme des po ndérations
des arêtes partant d ' un sommet do it La matrice associée au graphe du 421.
toujours être égale à ! , pui sque d ' un
sommet on fait partir une arête pour Le terme a IJ.. de cette matrice est alors
chaque évènement possible. Voyons- égal à la probabilité de passer d ' une si-
en un exemple avec le jeu de 42 1. Il tuation où l' on n' a aucun des chiffres 4,
' agit de lancer tro is dés. Si l'on ob- 2, 1 à une situation où l' on a n chiffres
tient un 4, un 2 et un 1, c'est gagné. Si de la combinaison gagnante (n = 0 , 1,
l' on n'obtient aucun de ces chiffres, on 2, o u 3) en appliquant les règles du jeu.
re lance les troi s dés. Si l' on obtient un
seul des trois (éventuellement répété), M.C.
on garde un dé affi chant ce chiffre et on
re lance deux dés. Si l' on obtient deux
de ces troi s chiffres (dont l' un peut être RÉ R
répété), on re lance un seul dé. On a • matri e . Bi li th qu
droit à trois lancers de dés (de tro is dés Tan ent 44, 201 2.
pour le premier lancer, de tro i , deu x
ou un seul dé pour le deux autres). On
a gagné et le jeu s ' arrête dès que l'on
obtient les trois chiffres 4, 2, 1 en trois
lancers max imum.

L'arbre de
probabilité du 421.

Jcr lancer
2• lancer 3• lancer

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


par Maxime de Ruelle GLOSSAIRE
Une chaîne eulérienne est une chaîne qui contient rable). Un graphe biparti e ntre le ensembles M et
une fois et une eule chaque arête du graphe . Si cette N tels que chacun des m sommets de M soit adja-
chaîne est un cycle, on parle de cycle eulérien . cent à chac un des n sommets de N , et réc iproq ue-
ment, est biparti complet. On le note K,,,_,,.
Le gr aphe ci-contre n 'est
pas connexe : il n 'existe pas Le graphe G 1 a pour nombre chromatique 2 ;
de chaîne entre les sommets en effet, il faut au moins deux couleurs
S et 3 par exemple. pour colorer ce graphe puisqu ' il y existe des
sommets adjacents. En outre, on vérifie que
deux couleurs suffisent.
Un graphe est connexe s'i l ex iste une chaîne entre
deux sommets quelconques de ce graphe. Un graphe Un graphe orienté est un graphe dont les arêtes
qui reste connexe en ôtant un sommet e t bicon- (ou arcs) sont orientées: on parle a lors de l' ori-
nexe . Si au moins un cycle est hamiltonien (pas- gine et de l' extrémité d ' une arête. Une boucle
sant par tous les sommet une foi eule ment), le est une arête orientée dont l'ori gine et l'extrémité
graphe est hamiltonien (c'est la notion duale d 'eu- sont les mêmes. On dé finit de mê me une chaîne
lérien). Un graphe connexe san cycle (à n som- orientée , une chaîne eulérienne orientée, un
mets et n - 1 arêtes) est un arbre . Un sommet de cycle orienté ...
degré I est une feuille . La distance e ntre deux
sommets est la plus courte longueur des chaînes qui
les relient. Le diamètre d ' un graphe est la plus
grande distance entre deux sommets.

3
6

Le graphe A ci-dessus est orienté. L'arête a qui va


Reprenons le graphe G 1 : de I vers 2 est distincte de l' arête b, qui va de 2
• il existe une chaîne de longueur 2 entre les vers 1. L 'arête li est une boucle. (e-b-c-<l) est un
sommets I et 4 : la chaîne (1- 2-4). Ces deux som- cycle orienté.
mets n'éta nt pas adjacents, la distance entre I et
4 va ut 2. La matrice associée à un graphe orienté d 'ordre
• le diamètre du graphe est 4 : en effet , la distance n est une matri ce de dime nsion n2, où le terme à
entre les sommets l et 3 vaut 4. On peut vérifier l'intersection de la i-ème ligne et de laj-ème colonne
« à la main ,. qu ' il n'existe pas de distance plus vaut I s' il y a une arête dont l'orig ine est i et l'ex-
grande entre deux sommets. trémité est).

Colorer un graphe consiste à affecter une couleur 0 1 0 0 0


à chacun de ses sommets de sorte que deux som- 1 0 1 0 0
mets adjacents ne portent pas la même couleur. Le 0 0 0 1
nombre chromatique d ' un graphe est le plus petit 1 0 0 0
nombre de couleurs permettant de le colorer. Un 0 0 0 0
graphe biparti peut être partitionné en deux sous-
ensembles indépendants de sommets (i l est 2-colo- Ci-dessus, on a la matrice associée au graphe A.

Hors-série n• 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Jean-Paul Delahaye

Obstruction et stabilité
pour classifier les graphes
Certaines propriétés d'un graphe sont conservées par ses
sous-graphes particuliers appelés mineurs. Cette stabilité est
à la base de la définition d'un certain nombre de types de
graphes qui sont énumérés dans cet article.
n peut définir la notio n de ous- respecte mie ux et de maniè re plus abs-

O struc ture d ' un g raphe de faço n


imm é di a te, s impl e e t a pp a-
remment naturelle par ce que l'on nomme
traite l' idée qu ' un graphe est une fo rme
de nature to po log ique (et non pas seu-
le me nt la do nnée de de ux e nsembles).
les sous-graphes. Si on définit un graphe La me illeure preuve de (' inté rêt profo nd
pa r la do nnée d ' un e nsemble de nœ uds de la notion de mineur (voi r encadré e n
e t d ' un e nsemble d 'arê tes G = (N , A), page 45) est qu 'elle conduit à des notions
o n dira que G ' = (N ', A ') est un sous- utiles, et à des théorè mes inatte ndus et
graphe de G = (N , A) s i N 'est un sous- subtil s (voir un exemple dans l' artic le
e nsemble de N e t A ' un sous-ensemble sur le théorème des mineurs, en pages 44
de A n ' uti lisant que des nœ uds de N '. à 49).
Ce pe ndant , la notio n de mineur est plu s La pre miè re notio n déduite de ce lle de
profonde et plus féco nde que la notio n mine ur est celle d 'ensemble de graphes
de sous-graphe. On dit qu ' un graphe G ' stable par minoratio n . U n ensemble de
est le mine ur d ' un autre graphe G i o n graphes E est stable par minoration s i,
pe ut « trou ve r la fo rme du graphe G ' lo rsque G est un g raphe pri s dans E e t
dans celle de G ». Plus préc iséme nt , le que G ' est un mine ur de G , G ' est auss i
graphe G ' est un mineur de G , i e n par- dans l'ensemble E.
tant de G et e n le réduisant par une suite La suite de cet artic le va cons ister e n
d 'opé ratio ns de ty pe (a), (b) o u (c), il l'énumération d 'ensembles de g raphes
est poss ible d 'arri ver à G '. stables par minoration -on va voir qu ' ils
Les opé ratio ns pe rmi se sont les sui - sont nombreux, simples et intéressants-
vantes : e t à le ur caracté ri satio n par une pro-
K 2.J (a) suppress io n d ' une arête ; priété re marquable - l'obstructio n -.
(b) co ntrac tion d ' une a rê te (les de ux
nœ uds aux extrémités de l'arête cho i- Graphes dessinables sans croisement
sie sont fu sio nnés en un seul ) ; sur une surface
(c) suppress ion d ' un nœ ud isolé.
La supé riorité de cette seconde notio n Les graphes planaires sont ceux que
(qui n ' interdit pas d ' util iser et d 'étudie r l'on pe ut dess ine r sans croi e ment sur
l' autre) provient sans doute de ce qu 'elle un plan ou - cela rev ie nt au mê me - sur

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


1
TYPES DE GRAPHES

une sphère. On sait leur importance puis- • Arbres et forêts


qu ' un des plus beaux théorèmes de théo- Un arbre est un graphe d ' un seul te nant
rie des graphes indique que les nœuds ans cycle. Une forêt est un graphe com-
des graphes planaires sont coloriables avec posé d ' un o u plus ie urs a rbres. L'e n-
quatre couleurs sans que deux nœ uds semble des forêts est stable par minoration.
vo isi ns portent la même couleur. On montre qu ' un graphe est une forêt si,
Les graphes pl anaires sont stables par et seule ment si, il ne possède pas K 3
minoration car les opérations (a) , (b) et comme mineur.
(c) ne fo nt pas e croiser le arêtes : elles
« nettoient » le graphe et le contracte nt
mais sans jamais obliger à des croisements.
Chose re marqu able, les graphes pl a-
naires admettent une caractéri ation élé-
mentaire en termes de mineur : un graphe
est planaire, si et seulement si, il n'a pas • Graphes « série-parallèle »
comme mineur K5 ou K33 (théorème de Un graphe est dit série-parallèle si on
Kuratowski). On dit que les graphes pla- l 'o bti e nt e n parta nt de g ra phes é lé-
nai res sont défini ssables par obstruc- mentaires ayant un seul nœud ou une arête
tions par K5 et K3 .3 · liant deux nœud et e n opérant une ou
plusieurs fo is le opératio ns de mise en
L'ensemble des graphes dessinables sans parallè le, de mi se en série (vo ir dessin)
cro iseme nt sur une surface S donnée ou de simples juxtapos itions (comme
constitue toujours un ensemble de graphes quand o n définit les fo rêts à partir des
stable par minoration , que lle que soit arbres).
la surface S choisie (car les opérations L' ensemble des graphes série-parallèle
(a), (b) et (c) ne fo nt jamais se croiser est stable par minoration. Un graphe est
d'arêtes qui ne se croi ent pas déjà). En série-parallè le si, et seule ment si, il ne
con équence, que lle que so it la surface contient pas K4 comme mineur.
S, un tel en emble est toujours défi nis-
sable par obstructions : pour toute sur-
face S, il ex iste un ensemble fini Obst
de graphes tel que les graphes n'ayant
auc un des gra ph es de Obst co mme
mi neurs sont exacteme nt les graphes
dess inables sur S sans croisement .
C 'est là un coroll aire du théorème des
mi neurs (cf. page 44) dont l'énoncé peut
se réd uire à :
stable par minoration = définis.sable par
obstructions.
• Graphes planaires extérieurs
familles remarquables de graphes Un g raphe est planaire extérieur (ou
outerplanar) s' il est possible de le des-
Voici maintenant d'autres exemples d'en- siner sur le plan sans croisement , en pla-
sembles de graphes stables par minora- çant tous le nœuds sur un cercle et cela
tio n , avec à c haque fo is l' e nsembl e de telle faço n que les arêtes soient toutes
d'obstruction associé ' il est connu . à l' intérieur du cercle.

Hors-série n° 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS Obstruction et stabilité ...

Tout arbre par exemple e t planaire exté- • Graphes sans cycle noué
rieur. Les graphes planaires extérieurs peu-
ve nt être co lorés avec troi s coule urs
(sans que deux nœ uds vo isins aient la
même couleur).
L'ensemble des graphes planaires exté-
rie urs est stabl e par minorati o n . Un
Un graphe planaire graphe G est pl ana ire ex térie ur si, et
extérieur. seule ment i, ni K2.3 ni K 4 ne sont des
mineurs de G .
• Graphes sans imbrication de cycles
Un graphe est sans imbrication de cycles Les graphes sans cycle noué sont ceux
si o n pe ut arra nger ses nœ ud s e t ses que l' on peut placer dans l' espace sans
arêtes dan l'espace de te lle faço n que que j ama is le arêtes d ' un cyc le fas-
j amais deux cycles du graphe ne soie nt sent un nœud autre que la simple boucle .
imbriqués l' un dans l'autre. Il est immé- Ils constitue nt un ensemble de graphes
di at que la fa mill e des g raphes sans stable par mino ration . On ne connaît
imbri cation de cycl es es t sta bl e pa r pas de caractéri ation de ces graphes en
minoratio n, car en réalisant les opéra- te rmes d ' obstructi o ns . Le graphe c i-
tions (a) , (b) et (c) à partir d ' un graphe dessus po sède un cycle noué (en orange).
placé dans l'espace sans imbrication on Ces que lques exemples couvrent une
ne crée pas d ' imbrication . grande partie de graphes communé-
Les graphes pl ana ires sont sans imbri- ment rencontrés dans les applicatio n
cation de cyc le . Si on prend un graphe de plu s en plu s fréque ntes qui en utili -
pl anaire dess iné sur un pl an et que l' on sent la théo ri e. Leur carac té ri sati on ,
relie chaque nœ ud du graphe à un nœ ud selon le ca par obstructions ou par sta-
en dehors du pl an, on obtient encore un bilité, ouvre de nouvea ux horizons, en
graphe sans imbrication de cyc les. particulier car connaître leur ensemble
On montre qu ' un graphe est sans imbri- d ' ob tru cti o ns pe rme t d ' obte nir de s
cation de cyc les s i , et se ul e me nt si , a lgorithmes rapides qui teste nt si un
aucun des ept graphes sui vant (consti- graphe est dans la classe ou pas.
tuant l'ensemble de Petersen) n'est un
mineur de G . J.-P. D.

Tcingent:e Hors-série n°54. Les graphes


par Maxime de Ruelle GLOSSAIRE

Un graphe étiqueté est un graphe orienté, dont les L'état probabiliste du systè me est une lo i de pro-
arêtes sont affectées d 'étiquettes. Si toutes les éti- babilité sur l'ensemble des états possibles : cette
qu ettes sont des nombres pos iti fs, o n parle de loi sera ic i représentée par une matrice ligne. Un
graphe pondéré. Da n ce cas, le poids d ' une g raphe probabili ste pe ut auss i être utili sé pour
chaîne est la somme des po ids des arêtes orientées décrire l'évolution d ' un ystème formé de plu-
qui la composent. sieurs composants pouvant se trou ver dans diffé-
Une plus courte chaîne entre deux sommets, est rent états (l'en emble de états est le même pour
parmi les chaînes qui les re li ent , une chaîne de chaque composant). L'état du systè me à un in s-
po ids minimum . tant do nné est la matrice ligne donnant le nombre
de compo ants du système dans chaque état.

La matrice de transition d ' un graphe probabi -


liste d ' ordre n est de dimension n 2 . Le terme à l' in-
S tersection de lai-ème ligne et de la j-ème colonne
a pour valeur le po ids de l' arête orientée all ant de
i vers } si cette arête ex iste, 0 sinon .

0,9 0, 1
c 2 F
Le graphe orienté ci-dessus est pondéré. (
0,3
0,2
0,2 o~s)
0,8
0
La chaîne (C-B-A-G-F), a pour poids
=
1 + 1 + 2 + 4 8. Le graphe d ' ordre 3 précédent est un graphe
probabiliste. Sa matrice de transition
Une clique es t un o us-e nsembl e de so mme ts est donnée ci-dessus. La somme des éléments
connectés les uns aux autres ; une clique forme un d'une ligne vaut l.
ensemble complet. Pour un graphe, le nombre de
sommets de sa plus grande clique est le nombre • La somme des degrés d ' un graphe no n orienté
de clique . Ce no mbre est to ujo urs in fé rie ur au est égal à deux foi s le nombre d 'arêtes du graphe.
nombre chromatique. Un graphe est parfait si pour • So it A la matrice assoc iée à un graphe. Le terme
tout sous-graphe induit H le nombre chromatique (i ,j ) de la matrice A' donne le nombre de chaînes
est égal au nombre de c lique de H . La c lique K 11 de longueur r re liant i àj.
e t un graphe parfa it. • Le nombre chromatique d ' un graphe est inférieur
Un graphe probabi- ou égal à D - 1, D étant le plus grand degré des
liste es t un g ra ph e sommets.
0,9
o rie nté, po ndé ré, te l • Théorème d 'Euler : un graphe connexe admet une
qu e la so mm e d es chaîne eulérienne si, et seulement si, le nombre
0,2 po ids de arêtes sor- de sommets de degré impair vaut O ou 2. Un graphe
tant de chaque som- connexe admet un cyc le eulérien si, et seule ment
met donné vaut l. Le si, tou ses sommets sont de degré pair.
graphes probabili tes • Si M est la matrice de transition d'un graphe pro-
s ont utili sés pour babili te, i P0 est la matrice ligne décri vant l'état
0,2 0,8
modéliser l'évolution initial, et Pk l'état probabiliste à l' étape k, on a
d 'un système pouvant changer aléatoirement d 'état : pk =Po Mk.
les sommets du graphe sont les états possibles du • Pour tout graphe probabili ste d 'ordre 2, do nt la
système et le po ids d ' une arête orientée issue du matrice de tran sition ne comporte pas de 0 , l'état
sommet i et d 'extrémité} e t la probabilité de tran- Pk à l'étape k converge ver un état P indépendant
sition de l' état i à l'état j. de l'état initial P0 . De plus, P vérifie P = PM .

Hors-série n• 54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS par Benoit Rittaud

entrent en scène
Non, la règle de multiplication des matrices ne sert pas qu'à
poser des exercices calculatoires aux examens. En théorie des
graphes, elle reçoit des interprétations précieuses autant
qu'inattendues.

c onsidérons le graphe orienté G


sui vant :
écrit O. Ce procédé conduit , pour le
graphe précédent , à la matrice M sui-
vante:

Le graphe permet de produire la matri -


ce et , réciproquement , la connaissance
de la matrice permet sans diffic ulté de
reconstituer le graphe. L' intérêt de cene
correspondance est illustré par la ques-
tion ui vante : avec la numérotation
3 des sommet de la figure précédente,
Une méthode simple pour rendre comp- combien ex iste-t-il de chemins menant
te de ce graphe sans avoir à en faire le du sommet I au sommet 3 en exacte-
dessin est de con tituer un tableau : en ment deux coups ? Pas dur, certes , de
li gne, on met les sommets, en co lonne compter directement. Mais combien y
auss i, et! 'on écrit I à la i-ième ligne et a- t-il alor de chemins menant de I à 3
la j -ième colonne lorsqu ' il y a une arête en tro is coup ? en n coups ?
menant du sommet i au sommet } dans Si l'on note m; J n) le nombre de che-
le graphe. Quand il n'y a pas d 'arête, on mins menant du sommet i au sommet
j en exactement n coups, alors on a la
Combien y a-t-il de chemins relation sui vante :
3
menant d' un sommet à un autre en m l , j (n) =""'L m I., k(n - 1) X mk. J( 1) .
exactement n coups ? k = 1

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

Une fo rmule un peu compliquée qui manières qu ' il y a d' al ler de i à j en n


traduit pourtant l' idée re lati vement coups exactement.
simple sui vante : quand on va de i à j En l'occurrence, pour répondre aux
en n coup , c'est que l' on va dei à ken questions posées , le nombre de che-
n - 1 coups, pui s de k àj en un coup . min menant de I à 3 en n coups obé it
En fa isant la somme sur tous les som- à une suite de Fibonacci (comme un
mets k poss ibles, on obtient la formu - calcul matriciel élémentaire le prouve) .
le précédente .
Quand o n comme nce l'étude des
multiplier (les matrices) pour régner matri ces , o n ne coupe pas à la règ le
lig ne-colonne de mu ltiplication des
Où sont les matrices là-dedans ? Pas matrices . D ' où cette règ le peut-e lle
loin. Pas loin du tout. La formule pour bien sortir, se de mande-t-on souvent ,
11 = 2 'écrit de la manière suivante : désarçonné que l' on est devant une
3 formul e qui ne semb le avoir été
m;, j (2) = L
k = 1
m u ( 1) X m k.j (1 ) . in ventée que pour se co mpliquer la
vie . On pourrait penser que remplacer
Souvenons- nou à présent que les un dénombrement de chemins par le cal-
m i.k( 1) sont les coeffi cients de M. Cette cul d' une puissance n.-ième d' une matri-
matrice M est d' ailleurs appelée matri- ce est une simplification davantage for-
ce d 'adjacence du graphe orienté G . melle que réelle, parce qu 'élever une
matrice à la puissance n n'a rien de
Alors , la fo rmule ci-dessus, e lle ne simple en première analyse. La tech-
vous rappelle rien ? Oh stupeur : i I nique matricielle n'en a pas moins un
s' agit de la formule du produit d ' une caractère sy tématique qui rend le calcul
matrice (carrée) par elle-même . Nous aisément programmable, et, de plus,
obtenons donc que le coeffi cient de la i- quand on pousse plus loin la théorie des
ième ligne et de la j-ième colonne de la matrices , on découvre qu ' il ex iste des
matrice M 2 est égal au nombre de technjques performantes pour élever une
manières qu ' il y a d' aller de i à j en matrice à la pui ssance n. sans déployer
exactement deux coups. Autrement dit , trop d'efforts.
les coefficients de M 2 sont les m;_/2) .
Par une récurrence immédiate, et à l' ai- D'ailleurs, il n'y en a pas que pour les O
de de la fo rmule vue plus haut , il vient et les I dans une matrice ... Si vous rem-
que cette propriété de M 2 s'étend aux placez le I de chaque arête par une proba-
pui ssances success ives de M : le coeffi - bilité , vous obtenez une chaîne de
cient à la i-ième li gne et à la j -ième Markov.
colonne de M" est égal au nombre de B . R.

Références
Les matrices.
Bibliothèque Tangente 44,
POLE, 2012.

Graphes et hypergraphes.
Claude Berge,
Dunod, 1970 .

Hors-série n°54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS par François Lavallou

le graphe de l'amitié
et le moulin à uent
Si, lors d'une réunion, vous partagez avec chaque personne de
rencontre un et un seul ami commun, alors, il existe un indivi-
du ami avec tout le monde. On l'appelle le politicien. Ce résul-
tat surprenant est dû à trois mathématiciens hongrois.

n\ ité à l' occas ion d ' une soirée les autres sommets. On va établir de

I mondaine, vou remarquez que


vous partagez avec chaque per-
sonne de rencontre un et un seul ami
man ière combinatoire une relation al-
gébrique entre les caractéristique de
G, avant de montrer son imposs ibilité à
commun , et qu ' il en est de même po ur l'a ide d ' un peu d'algèbre linéaire.
ces personnes de rencontre. Peut-on en
conclure quelque chose sur le graphe On peut déjà prouver que G est un
global des invités ? Les indi vidus ont graphe régulier, c'est-à-dire que tous
représentés par des sommets, et leur les sommets ont le même degré :
lien amical par une arête. En excluant d( u) = d(v), pour tous les sommets u
le cas narc issique où une personne est et v de G. La condition du théorème
son propre ami , le graphe ne comporte impose de ne pas avoir de cyc le de
pas de boucle et est donc simple. longueur 4, car deux sommets di ago-
Dans un graphe de l'amitié, chaque nalement opposé ont deux vo isins en
paire de sommets possède exactement commun.
un voisin commun , et un graphe mou- Considérons deux sommets u et v non
lin à vent est constitué de tri angles qui adj acents. Le sommet u est de degré
ont un unique sommet en commun . Il k et ses sommets adjacents sont notés
est totalement év ident qu ' un mo ulin u 1, u2 ••• u*. Un d'entre eux, mettons u2,
à vent est un graphe de l'amitié. Les est vo isin avec le sommet v, et doit de
Hongroi s Paul Erdôs, Alfred Rényi et plu s, pui sque adjacent à u, être voisi n
Un moulin Vera S6s seront les premiers à prouver d' un des u 1, u3, u4 ••• u* ; on suppose-
à vent. la réciproque, le th éorème de l 'amitié: ra qu ' il s'agit de u 1 (voir la fig ure). Le
tout graphe de l' amitié est un mou- sommet v partage le voisi n u 2 avec u,,
lin à vent ! et pour chaque sommet u2 , u3 . . . u* le
voisin v2, vr .. v* de même indice. Pour
l'ami hongrois év iter la formation d ' un 4-cycle, tous
ce v2 , v3 ..• v*doi vent être di tincts. Par
Rai sonnons par l'absurde. Sup- =
uite, d(v) ~ k, et donc d(u) d(v) par
posons qu 'aucun sommet du ymétrie. Deux ommet non adjacents
graphe G ne oit adjacent à tou ont donc le même degré.

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

ln 11u ll'al16llre lln6alre


Dire que deux sommets i etj ont un seul sommet m
adjacent en commun implique que la colonne m est
la seule pour laquelle les lignes i et j de la matrice
V d'adjacence ont un « 1 » en commun. Le produit
Pour év iter l' apparition d ' un 4-cy-
terme à terme de deux lignes distinctes est donc
cle, u 2 doit être le seul sommet à être
égal à 1, et le produit d'une ligne i par elle-même à
adjacent à u et à v à la foi s. Tout som- d CO = k. Il en résulte que :
met w différent de u2 est donc te l que k 1 1
d(w) = k. Mai s c ' e t aussi le cas pour
A2= k
l = (k - 1) 1 + J,
u2, qui a au i un sommet non voi sin ,
et qui est donc, de même degré k. Le 1 k
graphe G est donc k- régulier : tous ses
sommets, dont u, sont de degré k.
où la matrice J n'est constituée que de 1. Les va-
Par suite, la somme des degrés des k
leurs propres de J sont l'entier n, de multiplicité 1,
2
voisi ns de u est k • Pui sque chaque
et l'entier o, de multiplicité n - 1. Ainsi, les valeurs
sommet po sède un, et un seul , voi in
propres de la matrice A2 sont (k - 1) + n = k2 (une
commun avec u, tous le sommets ont
fois) et k - 1 (en tout, n - 1 fois). On vérifie que la
été comptés une fo is, sauf u, qui a été
trace de A', somme des éléments de sa diagonale,
compté k fo is au lie u d ' une. Le no mbre
est bien égale à la somme n k de ses valeurs propres.
total n de sommets du graphe G est
donc lié au « degré de régularité » du La valeur propre k de A correspond à
graphe G par la relation n = k2 - k + l . la vale ur propre k2 de A2. Les autres
Pour k = 1, n = 1 et G = K 1, de même valeurs propres de A, dont le car-
que pour k = 2, n = 3 et G = K 3 , on ob- ré doit être égal à k - 1, sont donc
tient des cas particuliers de graphe en ± ~ Quelles que soient le urs
moulin à vent. multiplic ités respecti ves, le ur somme
Pour k 2:: 3, construi sons la matrice est de la forme z ~ avec z un en-
d' adjace nce A= (a ;) 1 ,, ,J ,, • du graphe tier re latif. La trace de A étant nulle,
G, matrice carrée de dimension n qui k + z~ = O. Puisque k est un
contient l' info rmation structure lle du entier, ~ doit lui -même être en-
graphe (voir le précédent article ; le tier, et donc k = 1 + m2, avec m entier.
terme a ij re présente l'adjace nce des Alo rs 1 + m2 + zm = 0, équation du
sommets i et j). Par construction, A est second degré . La seule vale ur entière
symétrique et ses valeurs propres sont possible est m = 1, soit k = 2, ce qui est
réelles. En fa it, la multiplicatio n d ' une contraire à l' hypothèse de dé part. Cette
matrice d ' adjace nce par le vecte ur co- contradiction termjne la preu ve.
lonne unité ' ( 1, 1. .. 1) produit un vec- F.L.
teur dont le i-ème terme est la somme
de la ligne i, c'est-à-dire le nombre de RÉIFIÉRE CE
sommets adjacents au sommet i, soit • Rai onne,nents dî, ·in ·. Mar(111 Aigner et Giiinter Zieg er.
encore d(i) . Pour un graphe k- régu- Sprirager- erlag. 2013.
lier, comme dans le texte, on a donc • On a problem of graph theory.·. Paul rdo , Alfred Rény· l
A' (! , l.. . l )=k'( l , l. .. l )etk est va- era 6 , S tudin cielllari11m Mathematicaru fJl fltmgarica.
leur propre de multiplic ité 1. 19 6.

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Benoit Rittaud

Des arbres
au secours des probabilités
Des urnes, des boules de couleurs différentes, des tirages : le
décor est planté pour une bonne vieille question d e
probabilités« élémentaires ». Pour éviter de s 'embrouiller, il
est conseillé d'avoir recours à un auxiliaire efficace: l'arbre.
a question qui va nous occuper vertes, de ux boul es ro uges et cinq

L tient en un énoncé horrible, à


faire fuir à la fois les plus cou-
rageux, les plu s besogneux et les plus
bo ul es noires ; la deuxième quatre
boules vertes, tro is bo ul es rouges
et deux bo ul es noires ; la troisième
indulgents parmi ceux qui étudient les une boule verte , ci nq boul es
probabilités «élémentaires» (c'e t-à- ro uge et trois bo ules noires.
dire sur des ensembles fini s). Pas vrai- On prend une boule au hasard de la pre-
ment le me illeur moyen de vous donner mière urne, que l' on met dans la deuxiè-
envie de lire cet article , mais il est me. On tire ensuite une boule au hasard
inutile de reculer pour mieux sauter. Cet de la deuxième urne pour la mettre dans
énoncé, donc, le voic i. la troi sième ; enfin , on tire une boule
au hasard de cette troi ième urne pour la
l'énoncé Infernal mettre dans la première. Quelle est la
probabilité que, à l'issue de ces opéra-
Troi s urnes sont di sposées côte à côte. tions, la composition de la première
La première contient troi s boules urne soit la même qu 'au départ ?

Tcingent:e Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

L'énoncé est infernal, certes, mais vous Les deux branches qui parte nt de la raci-
ne pouvez pas dire que vous n'étiez pas ne reflètent les deux issues possibles
prévenus. D'ailleurs, la question elle- lors du premier lancer (« 6 » ou « non-
même est assez simple , et il n'est pas 6 ») . Au bout de chacune d' elles partent
difficile de reproduire l'expérience. deux nouvelles branches, qui concer-
La question a beau se comprendre assez nent l' issue du second lancer. Chaque
fac ilement , il semble que la réponse branche est surmontée d ' une probabili-
soit proprement introuvable. Il est vrai té, qui est celle de l' issue vers laquelle
que si l'on tente de la trouver unique- elle mène (à chaque foi s, une chance sur
ment à l' aide de calculs (à partir des six d ' avoir 6 et cinq chances sur six
propriétés cl ass iques des probabilités) , d' avoir non-6).
on y passe la nuit : on tombe sur d ' in-
terminables fo rmules desquelles on a Bifurquer pour régner
toutes les chances d'extraire un résultat
fa ux, pour cause d'erreurs de calcul , Les feuilles de l'arbre représentent donc
bien compréhensibles , d 'ailleurs. tou s les résultats poss ibles, les frac-
Or il ex iste un moyen de s'en sortir, tions à côté d 'elles la probabilité de
d ' une simplicité et d ' une élégance chaque fe uille. La feuille correspondant
remarquables : ce moyen consiste à uti- au double-6 est de probabilité 1 / 36 ,
liser un arbre . Pour comprendre en quoi celle correspondant au « double-non-6 »
cette structure peut nous être utile , pre- est de probabilité 25 / 36 : chacune de
nons une situation un peu plu s simple ces valeurs s' obtient simplement en
que celle de l'énoncé précédent. multipli ant entre elles les probabilités
Lançons un dé deux foi s de suite et des branches menant de la racine à la
intéressons-nous à la probabilité d'ob- fe ui lie considérée . La justification de ce
tenir soit deux fo is 6 , so it aucune fo is fait est donnée par la .formule des pro-
6. Le cheminement de l' expérience peut babilités conditionnelles :
se représenter à l'aide d' un arbre de la P(A n B)
faço n sui vante : P(B / A) = P(A)

La probabilité que A et B se produisent


(ici, par exemple ,« le premier dé donne
6 » et « le second dé donne non-6 ») est
égal au produit de la probabilité que B se
produise sachant que A s'est produit par
la probabilité que A se produi se . Soit, en
termes mathématiques :

P(A n B) = P(B /A) P(A).


Puisque les feuill es sont incompatibles
entre elles (c 'est-à-dire que le résultat de
l'expérience ne peut être repré enté par
deux fe uilles à la foi s), la probabilité
cherchée est donnée par la omme des
probabilités des fe uille « favorables »,
1 5 5 25
36 36 36 36
soit ici :

Hors-série n°54. Les g1raphes Ta.ngente


SAVOIRS Au secours des probabilités

tirée de la première urne. La deuxième


- 1 + -25 = -
26 so it. encore -
13
. urne contient donc désormais une boule
36 36 36' 18
verte de plus (soit en tout c inq vertes ,
Chacun des « sous-arbres » obtenus à troi s rouges et deux no ire ). Les
partir de l'arbre matérialise un espace de branches qui partent de la fe uille issue
probabilités conditionne lle : les pro- de la branche « verte » origine lle sont
babilités affectées à chacune des donc: une nouvelle bra nche « verte »
branches d ' un ous-arbre sont en réali - affectée de la probabilité 5 / 10 (proba-
tés des probabilités conditionnées par le bilité de tirer une boule verte de la
résultat délivré par la branche à laque lle deuxième urne sachant que l' on a tiré
le sous-arbre est rattaché dans l'arbre une boule verte de la première), une
complet. « rouge » de probabilité 3 / 10 et une
« no ire » de probabilité 2 / 10 .
Retour aux urnes

Avec le problème infernal du début de


cet article , on peut aussi ra isonner à
partir d ' un arbre, même si celui -ci va
être un peu plus long à constru ire.
2/10 5/10
Trois branches partent de la racine de
l' arbre, ces branches représentant la
couleur de la boule tirée de la première
urne . La branche « verte » est affectée
de la probabilité 3 / 10 (il y a tro is
boules vertes parmi les di x boules que 5/10 3/10 2/10
contient la première urne), la branche
« rouge » de la probabilité 2 / 10 et la En reproduisant Je même raisonnement
branche « no ire » de la probabilité pour toutes les branches, les données de
5/ IO (so it 1 / 2, mais , enl ' occurrence, l' énoncé se tradu isent finalement par
mettre les frac tions sous fo rme irréduc- l' arbre de la sui vante , dans lequel l' uni -
tible a plutôt tendance à compliquer les té est le di xiè me. (Par commod ité, on a
calcul s : le mieux est de laisser autant o mi s les di xièmes pour les probabi li-
que possible le même dénominateur à té . Il fa ut do nc lire 3/ 10 là où il est
toutes les fractions, pour pouvoir fa ire écrit 3.)
des additions plus fac ilement). Le début Les fe uilles entourées correspondent
de l' arbre est donc le sui vant : chacune à un cas où la compos ition
fi nale de la première urne est la même
que la compos ition initiale (si le pre-
mier tirage était une boule verte, alors
il fa ut , pour retrouver la même compo-
sition, qu ' une boule verte soit ti rée de
3/10 2/10 5/10 la troisiè me urne ; même chose pour
les autres). La probabilité p cherchée
Co mment la suite de l'arbre se s'obtient donc en ajoutant les probabi-
construit-elle? Si l' on suit la branche lités de chacune de ces fe uilles entou-
de gauche, c'e t que l'on se place dans rées, ces probabili tés s'obte nant ,
l' hypothèse où une boule verte a été comme dans l' exemple précédent , en

Ta.ngen'te Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

effectuant le produit des probabilités


affectées aux branches menant de la
raci ne de l'arbre à la feuille considérée.
On a ainsi :

p = _JQ_ +_9_+_6_ +--1Q_+-1L +~


1000 1000 1000 1000 1000 1000

+ ~ + ---1L + ~ = .111...
1000 1000 1000 1000

so it p = ~~.
Et vo il à ! C'est un peu long, mais ce
n'est pas di ffic ile (d' autant que l' on
aurait pu se dispenser de faire toutes les
branches) et cela peut très bien se pro-
grammer sur ordinateur. L' utili sation
d' un arbre rend donc accessible un cal-
cul qui serait beaucoup plus fas tidieux
si non. Cela dit , vous pouvez toujours
essayer d'écrire le calcul en question :
ce n' e t pas imposs ible, mais bon cou-
rage quand même .. .
B.R.

Arbre associé à l'expérience aléatoire

2.4.6=48

S.4.3=60 3.2.1=6

<,O + .JS + 60 + 20 + .JX + .JO + 6 + 9 + JO = J IX

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Jean-Paul Delahaye

Des graphes et des surfaces à partir

d'un carré
Selon la surface sur laquelle est dessiné un graphe, ses
propriétés diffèrent, comme on l'a vu dans le précédent
article. Pour compléter l'étude de ces divergences, voici un
sujet d'étonnement: une recension des surfaces qui peuvent
être engendrées à partir d'un simple carré.
armi les surfaces que considère

P la topologie, celles obtenues en


co ll ant les côtés opposés d'un
carré sont les plus simples.

On ne coud rien :
1. Si on ne colle rien : on a un plan.
on obtient un plan.
2. Si on co lle le côté gauche et le côté
droit dans toute leur hauteur en res-
pectant le haut et le bas, on obtient un
anneau simple , ou cylindre creux. Les
graphes dess inables sur un cylindre
On coud 2 côtés opposés On coud 2 côtés oppo és creux (sous-entendu « sans croise-
dans le même sens : dans le sens contraire :
ment d'arêtes») sont les mêmes que
on obtient un cylind re creux. on obtient un ruban de Mobius.
ceux dessinables sur le plan , car (i) en
déformant un cylindre creux conti-
nûment on le met sur le plan , et (ii)
un graphe dess iné sur un pl an l'est
dan s un rectangle dont on peut bien
sûr faire un cy lindre creux.

On coud les côtés opposés On coud les côtés opposés


dans le même sens : en sens contraire :
on obtient un tore. on obtient un plan projectif.

Le ruban de Mobius.

On coud un couple de côtés dans le même sens et le second en sens contraire : 3. Si on co ll e le côté gauche et le côté
on obtient une bouteille de Klein. droit en inver ant le haut et le bas,

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

o n obti e nt une bande de Mobius,


s urface à un se ul bo rd e t un se ul
côté.

Le tore.
6. Si on co ll e à la foi s le côté gauche En haut :
4. Si on colle à la fo is le côté gauche et et le côté droit en respec tant le haut construction d'un
le côté dro it en respectant le haut et et le bas e t le côté du bas avec le cylindre.
le bas et le côté du bas avec le côté côté du haut e n in versant la gauche Juste en dessous:
du haut en respectant la droite et la et la droite , on obti ent la bouteille construction d'une
gauche, cela donne le tore (la chambre de Klein , qui comme le pl a n pro - bouteille de Klein
à air). jecti f ne pe ut pas vraime nt se placer à partir d ' un
dans l'espace usue l à troi s dimen - cylindre.
s ions .
Le plan Ch ac une d e ces s urfaces dé finit un
projectif. ensemble de graphes stables par mino-
rati o n (voir l'articl e e n pages précé-
dentes) quand on considère les graphes
qu ' on peut y dessiner sans croisement
5. Si on colle à la foi s le côté gauche et d 'arêtes. Ces ensembles ne sont pas tous
le côté droit en in versant le haut et le identiques . En effet, le graphe K 33 ne peut
bas (comme pour la bande de Mobius), pas être dess iné sur le cylindre creux
et le côté du bas avec le côté du haut (ni sur le pl an), mais il peut l'être sur la
en in versant la gauche et la droite, bande de Mobius et la bouteille de Klein .
alors on obtient le plan proj ectif. Il Le graphe K 5 , qui ne peut pas être des-
est assez di ffic ile à visualiser car c'est siné sur le pl an (et donc sur le cy lindre
une surface qui ne peut pas se pl acer creux), peut l' être sur le tore.
dans l'espace usuel de dimen ion trois
(sauf en introduisant des intersections
de la surface avec e lle- même).

La bouteille de Klein.

Hors-série n• 54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS Des graphes et des surfaces ...

Un rés ulta t pa rti e l inté res a nt a é té


découvert récemme nt par Andre i Gaga-
rin , We ndy Myrvold et John C hambers :
l'ensemble des g raphes que l'on pe ut
dess ine r sans c ro iseme nt sur le to re et
n 'aya nt pas pour mine ur K 3 _3 a po ur
e nsemble d ' obstructio ns l'e nsemble de
quatre graphes sui va nts :

• ••
Q uatre faço ns de dessiner K, sur le tore
• • •
• •
D 'après le théorè me des mine urs (vo ir • • •
l'article qui y est consacré) , c hac un des • • • •
e nsembles de g raphes défini s pa r les

'..
surfaces é lé me nta ires que nous e nvisa-
geo ns e t carac té ri sé par un ensemble •
d'obstructions. Pour le carré ou le cylindre • • •
cre ux, l'e nse mbl e d ' obstru c tion s es t
{K5 , K 3 .3}· Po ur le ruban de Mo bius e t
le plan projectif, Dan Steven Arc hdea-
con a ré ussi (non sans mal ) à établir que
.. .. . '•
l'ensemble d ' obstructions est constitué
de tre nte-c inq graphes. J.-P. D.
Pour le tore et po ur la boute ille de Kle in ,
personne po ur l' instant n 'a réuss i à tro u-
ver l'ensemble d ' ob tructions. On sa it
juste que pour le to re, il contient plu-
Les trente-cinq s ie urs milli e rs de gra phes, ce qui est
graphes vraime nt très é tonnant : pourquo i do nc
d 'obstructions du le tore conduit-il à quelque chose d ' aussi
ruban de Mobius. complexe?

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


par François Lavallou EN BREF

Des Hongrois au sommet des graphes


Dl' 110111hrl'U'> 111atht'·111aticil'ns hon grois Sl' sont consatTL'S ù Lmal_\·se ù la fin du \!\' sièdl' et
au dl'irnt du \\ siL·rll'. rn111me ~Iarcl'l (;ross111ann (18-8 - 19]6). Frigyes Riesz (1880 - 19.')6),
Lipùt Fejà ( 1880 - 1t);'il) )..\lf1ùl llaar ( 188.'ï- l l)J:{). ~I it"ha el Fekek ( 1880 - 19.s-). c;ùbor Sze-
gii ( 189_'j - lt)8., J. (;eorgl' P<.ilya (188- - 1tJ8.S ).. lùllos \"Oil :'\e umanll ( 190;1- lt):1-). Bl•la Szêike-
fah·i-:\ agy ( lt)l:{ - ll)t)8 ) ou PL·tl'r La,; ( Ill' L'll 19:26). Beaucoup de leurs rn111patriott•s se sont
depuis illustn:.s t'll mathl·matiqut•s discrL·tl's . l'l partirnliL·rement en thl•orie des graphes.
Outre les cL·kbres Pùl. Erdiis (191 :1- 1tJ96) l't Turùn (1910 - 19:6). oil 1wut citer Dl' nl's Kiinig
l1884 - 1944). fils du 111athi:•111aticil'n (;_\ula Kiinig (1849 - 191:1). auteur d "un thi·<irt•mt• L'po-
nynw l'i tl u premi er m,lll Ul'l dl' t ht\ >rit• ti cs graphes. et 1.ùszlù Rt:•dei ( 1900 - 1980 ). dont les
tr,l\, lll'> portent sur la tht:·orit• des nombres al;.ihriquL'S l'i la tht•<irit• des groupes. Il i•tahlit
awc ni:•nes I,iinig il' thi:·orl'mt• sui,ant : tout graplw rnmpll't admet un chemin hamiltonien.
Tibor c;,t!Jai ( 191:2 - 199:2) fut J"t'·kw de Iknes Kêinig. k tuteur de 1.ùszi<'> Lo,ùsz (nt:• t•n 1948). l't
k rnllahorakur dï·:rtliis . Plus rt"·ct•mmt•nt. Balùzs Sœgt•d.'· ( nl' en 19.,...J). sp<.'.·cialiste de m111bi-
natoin· l'l tht•orit• d es graphl's. obtient a,et· Liszlù l.m,isz il' pri,; Fulkl'rson en :201:2. Son fn:O re
~Liriù ( nt:· en 1960 ) a d t"· laurt"·at du pri ,; (;êidl'l. qui 1ù·om1wnst• des tra,·au,; remarquables L' I\
informatiqul' t11i:·oriqu t·. t'll :2001 puis en :.!<H>:1. Ce pri,; a t•tt• dt:•ct•rnt:· la pn·miL•re fois en 199J ù
son professeur Liszk> Ba ha i ( nt'• en ll),'iO ). puis ù Rùlwrt Sœlepcst:•n_\·i ( nt: en 1966) t•n l l)l).'). l'l
ù 1\,1 Ta nins (11l't' t' ll ll),1- ). pri,; (;iitkl e ll :201:2 l'l dt• plus laun\ 1k du pri,; Fulkersoll t•n 1988.

:\t:• en 1948 ù Budapest. l.."1s1lù Lm.isz est connu pour ses tr,l\,IU'> l'n informatique tht'.•orique.
l ' i\rnmbin atoin· l'i en tht"•ori e des graphes (il a tlonn t:• son 110111 ù un nombre il). Il tlirige
aduclknwnt lïnstitut dt• 111atht•111atiqut•s de J"unin•rsit t:· dt• Budapest. Pour un graphl' C ù Il
somnwts. consitkrons toutt•s ks 111atrit·t•s ,\ s_\·mt•triqut•s et d "ordrc Il tl'lll's que u = 1 si i = j
ou si i - j 1Ù'st pas unt• arde de c;. La matrice t·ompkmentain· dt• la matrice d"adjan·m·e .
obtenue t•n !I intl'rchangcant les o
et les 1. est d e CL' t_\l1L' . Soit ,\ , (.\)
la , , 1lcur propn· ma,;imalt• d"unc Le théorème de l'amitié amélioré
telle matrit'l'. Alors k nomhrc de
Lot •û9 t•st ·"} ( G 1 ~ rn i 11 \ ( :\ ) •
La« condition de l'amitié» rencontrée dans l'article le
Il l'St !l'i que k tht"·on:O nll' du sand- Graphe de l'amitié et le Moulin à vent (voir en page 34)
\,ich lt> ((; ) :s il ((;) :s \ (G) t·~t ,éri- peut se réécrire sous la forme suivante : pour chaque
fü'· pour tout graplll' G. où 1n ( c;) est paire de sommets, il existe exactement un chemin de
la taille dt• la plus grandt• clique dl' longueur 2 entre eux. Cette reformulation permet une
G l'i le nomhrl' chromatiqut• \ (G)
généralisation en cherchant les graphes, notés P}k),
il' plu~ pl'lit nomhrl' dt• couleurs
nfrl'ssairl's pour colorit'l" de fa,on dans lesquels chaque paire de sommets est connectée
difft"•rt•nte dt·~ somml'ls adjacl'nts. par exactement j chemins de longueur k. Le théorème
de l'amitié énonce que les P1(2) sont exactement les
R f: F f:RE'.'.'\ l ' ES moulins à vent. En 1974, Anton Kotzig conjectura qu'il
• .\/<1th< lll<1IÎ</ll1'.,
0
discri·tc., n'existe pas de graphes tels que P,(k) avec k <!: 3, et le
l'i 1'Clllliii11<1lelirt·. démontra pour 3 s k s 8. Alexandr Kostochka prouva
Bihli1ltlù·qu1· Tangt'llk :\lJ. :..>0111. en 1988 que la conjecture était vraie pour k s 20. De-
• Do-.-.il'r '" l\i 1 Lrdii, ··. puis, les autres cas ont été vérifiés, et la conjecture est
F<1ll1/<'lll1' l ;):..'. :..'O t:{. devenue un théorème !

Hors-série n°54. Les graphes Te1ngent:e


SAVOIRS par Jean-Paul Delahaye

Un résultat profond
le théorème des mineurs
Le théorème des mineurs - ou théorème de Robertson-
Seymour - a été énoncé en 1937 par Klaus Wagner - ce n'était
alors qu'une conjecture - et démontré soixante-sept ans plus
tard, en 2004, par Neil Robertson et Paul Seymour.
e « théorème des mineurs » est affirme que les graphes planaires - c'est-

L simple et fondamental. TI indique


que « dans toute suite infinie de
graphes )' un au moins est contenu dans
à-dire pou vant être dessinés sur un pl an
sans croisement d 'arêtes - sont exacte-
ment les graphes qui ne « contiennent »
un autre ». La publication de la preuve aucune des deux fo rmes K 5 et K3 y
s'est déroulée entre 1983 et 2004 , elle
occupe une série de vingt articles tota- • K 5 est le graphe à 5 nœuds où chaque
li sant plu s de 500 pages . nœud est relié aux 4 autres.
Ce théorème possède une démon tration
non constructive (c'est-à-dire qui établit • K 3 ,3 est un graphe composé de deux
1'existence d'objets, sans expliquer com- groupes de 3 nœuds où chaque nœud
ment les construire) . Il a pourtant des du pre mie r groupe est relié à chaque
conséquences algorithmiques très géné- nœud du second , et réc iproque ment.
rales . Grâce à lui une vaste famille de
probl èmes est prouvée appartenir à la C'est assez remarquable : un graphe, aussi
classe P des problèmes traitables en temps compliqué soit-il , peut être dess iné sur
polynomial (c 'est-à-dire effi cacement), un pl an sans croiseme nt d 'arêtes, si et
ce qui dans bien des cas n'est pas évident. seule ment si, on n'y rencontre ni K5 , ni
À! 'origine de cette hi stoire il y a un joli K 3 .3 . En Russ ie, le théorème de Kura-
théorè me graphique parti culiè reme nt towski est nommé « théorème de Pon-
concret que beaucoup d 'a mate ur de tryang in- Kuratows ki » ca r Je grand
jeux connaissent : le théorème de Kazi- mathémati cie n Lev Pontryagin ( 1908-
m ie rz Ku ra to wski ( 1896- 1980), qui 1988) l'aurait découvert avant Ku ra-
towski , sans le publier.

Les graphes que nou s considérons ici


sont non orientés - l'arête ab entre les
nœuds a et b ne se distingue pas de l'arête
ba -, ils n' ont pas de boucle - pas d'arête
du type aa -, et entre deux nœuds a et
b, on ne s'autorise à placer l'arc ab qu 'une
seule foi s. Pour formuler précisément le

TC1.n9ente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

théorè me de Robe rtson e t Seymour, il


faut préciser ce qu 'on entend par « graphe
Mineurs
contenu dans un autre ». La notion est natu- Le graphe Gest un mineur du graphe G', si en par-
re lle, ma is de mande un pe u de soin et tant de G' et en le réduisant par les opérations (a) (b)
plutôt que d'employer le terme de sous- (c) on obtient G.
graphe qui dé ig ne souve nt une autre
notion nous utili serons le te rme consa- (a) Suppression d'une arête.
cré de mineur (voir encadré). (b) Contraction d'une arête Oes deux nœuds aux extré-
mités de l'arête choisie sont fusionnés).
Première forme du théorème (c) Suppression d'un nœud isolé.
des mineurs

Une fo is défini un mineur , le théorè me


de Ro bertson et S ey mour s'ex prime
maintenant en quatorze mots (Première
forme) :
·X Contraction

·X
Dans toute suite infinie de graphes, L'un

·X
d' une arête
est le mineur d'un autre.

Ou e n s'auto risant plus de mots :


À chaque fois qu'une suite infinie de
graphes G 0 , G i, ... , G 11 , ... est donnée , il Délétion d' un

·X X
nœud i olé
est possible de trouver deux graphes G;
et Gk avec i -:f. k e t tels que G; est un
mineur de Gk.

li n'est donc pas possible de trouver une


infinité de graphes ayant tous des formes
indé pe nd a ntes le unes des a utres :
dans to ute fa mille infinie de g raphes,
il y e n a au mo in s deux dont les struc-
tures so nt intimement li ées pui sque
l' un se déduit de l'autre par utili sation
des o pé rations (a), (b) e t (c).
L'affirmation qu ' il y a de ux graphes G;
et Gk do nt l' un est un mineur de l'autre, A
e ntraîne immédiate me nt qu ' il ex iste e n
réalité une infinité de couples di ffé rents A e t un mineur de B
G;- Gk te ls que G;est un mineur de Gk.
En effet, quand o n a trouvé un couple de
tels graphes, o n les e nlève de la suite
infinie (q ui reste bie n sGr infinie), o n
app lique à nou vea u le théorè me, o n
trouve donc un second couple de graphes
dont l' un est le mine ur de l'autre, pui s c
après ('avoir enlevé on en trou ve un troi-
C e t un mineur de D
siè me, etc.

Hors-série n" 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS Le théorème des mineurs

Il ne s'ag it pas d ' une év idence. Si par prend un graphe dess inable sans cro i-
exemple, on e pose la même question sement d 'arête ur un plan et qu'on lu i
pour les sous-en embles finis de nombres applique une de opérations (a), (b) ou
entier , on ne trouvera pa de théorème (c), il est c lair que le graphe obtenu e t
équi valent : il est en effet poss ibl e de encore dess inable sur un pl an sans croi-
définir une suite infinie de sous-ensembles sement d 'arêtes : ni la suppression d'arêtes
de no mbres E 1, E2 , ... , E,,, ... te ls qu 'au- o u de nœ uds iso lés, ni la cont ract ion
cun n 'est une partie d ' un autre (au sen d 'arêtes n'obligent des arête qui ne se
habitue l de l' inclusio n d 'en embles). 11 cro isa ient pa à e croiser, et do nc tout
suffit par exemple de considérer : graphe obtenu à parti r d ' un graphe pla-
E 1 = {O, 1}; E 2 = { 1, 2}, E3 = {2, 3}, nai re en effectuant une ou plusieurs fo is
etc. les opérati ons (a), (b) ou (c) est encore
De même, on trouve fac ilement une infi- un graphe pl anai re.
nité de fo ncti ons de R (l'ensembl e des
no mbres réels) dans R , sans qu 'aucune De la même faço n, si on cons idère l'en-
ne so it plu s petite qu ' une autre (J est se mbl e des graphes dess inab les sans
plus petite que g, sif(x) ~ g (x) pour tout croisement d 'arêtes sur un tore (ou sur
x). On prend par exemple le fo nctions une bande de Moebius ou sur n' importe
J0 ,f1,f2 ,f3 ... définies par : que lle surface auss i co mpliquée so it-
J,,(x) = (x - n)2. elle), il est c lair - par le même rai on-
li ex iste une infinité d 'ensembles d 'en- nement - qu' il s'agit encore d' un ensemble
tiers deux à deux non comparables, il de graphes tables par minoration.
ex iste une infinité de fo nctions deux à Un e nse mble de g raphe E peut être
deux non comparables, mais il n'ex iste défi ni par la donnée de graphes inter-
pas d ' infi nité de graphes deux à deux dits : on ne veut pas que tel ou tel graphe
non comparables ! soit un mineur des graphes de E. L'en-
semble des graphes pl anaires , d'ap rès
minoration et obstruction le théorème de Ku ratovsk i, est définis-
sabl e de cette façon : les graphes pla-
Sous sa pre mière fo rme, le théorème de na ires sont les graphes n'ayant aucun
Robertson et Seymour est un peu abs- des graphes K5 ou K33 comme mi neurs.
tra it. La econde fo rme du théorème - La seconde forme du théorème de Robert-
qui permettra de comprendre le lien avec son et Seymour est j ustemen t l'affir-
le rés ultat de Kuratovs ki - est plu s matio n que ce qui se produit pour les
concrète et c'est e lle qui a des consé- graphes pl anaires -stables par mino-
quences dan s le domaine de l'algorith- ration et défi nissables par interd iction-
m ique des graphes. est général.
Pour l'énoncer il fa ut comp re ndre les
notions d 'ensemble « stabl e par mino- Vo ici donc le théorème de Robertson
rati o n » e t d ' « e nse mbl e d 'obstru c- et Seymour (seconde forme)
tions ».
Un ensemble E de graphes est dit stable Tou t ensemble Ede graphes stable par
par minoration (ou clos par mineur) si minoration est définissable comme l'en-
tout mineur d ' un graphe de E est lui - semble des graphes n'ayant pour mineur
mê me dans E. aucun des graphes d'une liste finie ,
L'ensemble des graphes pl ana ires est caractéristique de E, et appelée « ensemble
stabl e par mino ratio n . En effet , si on d'obstructions de E » .

;;c.& Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

De l'eXistence d'un algorithme


au programme concret
M. Fellows, M. Langston, R. Downey et B. Courcelle ont démontré qu'on n'automatiserait
jamais l'utilisation du théorème des mineurs. Précisément : il n'existe pas d'algorithme
permettant de calculer l'ensemble des mineurs à partir de la définition d'une classe de graphes
stable par minoration, cela, que la définition soit donnée par un programme de test, ou
qu'elle soit donnée par une formule logique.
Cette situation étrange ne serait qu'une simple curiosité logique si, au moins pour les cas
les plus simples, on réussissait à déterminer les ensembles d'obstructions. Ce n'est pas le
cas. Considérons l'exemple en apparence parfaitement élémentaire du tore (la surface
d'un pneu). On est aujourd'hui incapable de déterminer l'ensemble d'obstructions des
graphes qu'on peut y dessiner sans croisement d'arêtes (ensemble de graphes qui est
stable par minoration comme nous l'avons dit).
Des études menées sur ce problème par Wendy Myrvold et John Chambers et 2002 ont
conduit à l'étonnant résultat que l'ensemble d'obstructions du tore contient au moins
16 629 graphes ! Pour le plan, l'ensemble d'obstructions possède deux éléments, K et
5
~ . , pour le tore, il en faut des milliers !
3
Une thèse de Jenifer Woodcock de l'Université de Victoria consacrée au problème des
algorithmes testant si un graphe peut être dessiné sur un tore ne propose finalement qu'un
algorithme exponentiel en temps. Un algorithme linéaire a bien été proposé, mais il semble
si difficile à programmer qu'il est inutilisable.

Nous sommes dans un domaine où finalement il faut distinguer trois types de résultats
algorithmiques :
• ceux indiquant qu'un algorithme existe pour une tache donnée ;
• ceux formulant précisément l'algorithme pour la tache;
• ceux conduisant à l'écriture d'un programme réalisant la tache.

Pour le dire autrement l'effectivité peut être existentielle, théorique ou réelle, et seule
bien sûr la troisième est susceptible d'utilisations concrètes !
La situation est assez désagréable et le contraste entre le plan (obstruction avec deux
graphes seulement, algorithme linéaire utilisables en pratique) et le tore (ensemble obs-
tructions inconnu aujourd'hui, et programmes exponentiels) est ahurissante. La surface
d'un tore est l'une des plus simple qu'on puisse imaginer!
On a le sentiment que le monde mathématique nous fait des farces. Moyennant un long
et difficile raisonnement, il accepte de nous dire que pour le tore comme pour le plan, il
existe un algorithme en n3, facile à programmer, indiquant quels sont les graphes qu'on
peut y dessiner sans croisement d'arêtes, mais il ne nous le donne pas. De plus, tout porte
à croire que le trouver est à nouveau un long travail. Parfois, on croit trouver un algorithme
efficace, mais il se révèle impossible à mettre en œuvre du fait de sa complexité. L'exis-
tence d'algorithmes polynomiaux dont on pensait qu'elle déterminait la frontière entre le
faisable et l'infaisable n'est finalement pas le critère ultime pour qu'un résultat mathématique
soit pratiquement utilisable : à y regarder de près, cette frontière semble se diviser en une
série de zones délicates à préciser.

Hors-série n° 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS Le théorème des mineurs

On sa it en effet tester rapidement si un


graphe contient un graphe fixé G comme
m ineur. On connaît des méthodes réali-
Nécessairement, dans tout ensemble sant un te l test ne prenant qu ' un temps
t majoré par cn 3 , c étant une constante
infini de graphes, l'un au moins et n étant la taille du graphe sur leque l
est contenu dans un autre. on fa it le test. Il en va de même, bien sûr
si, à la pl ace d ' un mineur, on doit tes-
ter un nombre fi ni et fixé de mineurs, car
L'ensemble d 'obstructions de graphe un no mbre fi ni d 'algori thmes fo nction-
planaires est { K 5 , K 3 .3} et pour chaque nant en un te mps majoré par une fo nc-
en emble E de graphes stable par mino- ti on de la fo rme cn 3 , exécutés les uns
ratio n, il ex iste un ense mble d 'obstruc- derrière les autres, donne un algori thme
tions fini analogue qui est caractéristique fo nctionnant lui aussi en un temps majoré
de E. par c'n 3 (avec une autre constante).
La fa mille des graphes appe lés fo rêts Pour tester si un graphe appartient à un
(chaque graphe de cette fa mille est une ensemble E stable par minoration, on
juxtapos iti o n d 'a rbres) est stabl e par sait donc grâce à la deuxième version du
minoration , e lle est do nc défini ssable théorème de Robertson et Seymour qu 'i l
par obstruction s ; on montre que l'en- ex istera toujours un algorith me efficace
se mbl e d ' ob stru c ti o n des fo rê ts es t en 11 3 . On déterminera l'ensemble d'obs-
constitué du seul graphe K3 (le graphe tructions de E, et à partir de cet ensemble,
à troi s nœud s a, b, c et troi s arêtes ab, on aura immédi atement un algorith me
bc,ca). de test d 'appartenance à E fo nctionnant
La démonstratio n que les deux fo rmes efficacement.
du théorème de Robert on et Sey mour On pe ut a in si savo ir si un graphe est
so nt équi va lentes n 'e t pas év ide nte, planaire en temps majoré par cn3 . Ce n'est
mais e ll e ti e nt e n une page . La vra ie
difficulté, qui a nécess ité 500 page de
rai onnement et de calcul , ne e trouve
pa là et à vrai dire emble un peu my -
térieuse. Préc isons quand mê me que la
dé mo n tra ti o n donnée d a ns les 500
pages introduit des outil s et concepts
dont l' utilité va bien au-delà de la simple
preuve du théorème des mineurs et que,
comme on le souhaite toujours dans une
dé monstration , ce qu 'on apprend sur le Paul Seymour.
che min est auss i important que le po int
d 'arri vée. pas une nouveauté et on sait même fa ire
mi e ux pui squ 'o n co nn aît des a lgo-
ll existe un algorithme rapide... rithmes linéaires (fonctionnant en temp
majoré par en) testant i un graphe est
La fo rce et l' intérêt de la seconde fo rme pl ana ire. Co mme bien des algorithmes
du théo rè me rés ulte nt e n pa rti c uli e r de théorie des graphes, ils sont utiles pour
qu 'on en tire immédiatement des consé- la concepti on et le dess in des c ircuits
quences algorithmiques. VLSI ( Very large sca /e integration :

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

circuits intégrés à très grande densité).


Mais le théorème de Robertson et Sey-
la conjecture de reconstruction
mour est intéressant car d' applicati on et autres problèmes
très générale : pour toutes surfaces S ,
quell e qu 'e ll e so it , il indique qu ' on L'un des grands problèmes ouverts en théorie des graphes
peut savo ir en temp majoré par cn 3 , e t la conjecture de reconstruction. Alice con ictère un
si un graphe pourra être dessi né ur S graphe (secret) G po sédant au moins troi sommets et
sans cro isement d 'arêtes. Et ça c'est donne à Bob l'ensemble D(G) de tous les sous-graphe de
nouveau ! G obtenus en supprimant un unique sommet de G (et le
arêtes qui sont connectée à ce sommet). Il y a deg(G) tel
... Oui mais lequel ? ous-grapbe . Le problème consiste à reconstituer G à par-
tir de la données de tous ce sous-graphes. En particulier,
Cependant, J'enthousiasme uscité auprès i deux graphe H 1 et Hi sont tels que D(Hl) = D(H2) ,
des programmeurs à la recherche d'al- peut-on affirmer que H 1 et H 2 ont i omorphes? Ces ques-
gorithmes efficaces pour les graphes tions, difficile , ont été proposée par Paul Kelly et Sta-
doit être tempéré. Pour trouver un algo- nislas Ulam.
rithme polynomial testant l' appartenance D' innombrable autre problème ré istent encore, notam-
à une classe de graphes stable par mino- ment concernant les graphe cubique (un graphe est
rati on, il fa ut d ' abord identi fie r l'en- cubique si chaque ommet po ède exactement troi voi-
sembl e d 'obstructions caractéri stique sins): la conjecture des 5-flot de William Tutte, la conjec-
de la classe. ture de Delbert Ray Fulker on, la conjecture de Genghua
Or justement , ce n'est pas fac il e. La Fan et André Raspaud . . . La problématique générale envi-
démon trati on de Robertson et Sey- sagée dan cette famille de conjecture est la couverture
mour est une démonstration non con truc- minimale en couplages parfaits d'un graphe cubique sans
tive: elle conduit à l'affirmation qu ' il isthme (un graphe cubique 3-coloriable est optimal en ce
exis te touj o urs un ense mbl e d 'o bs- ens). Un isthme est une arête telle que son élimination
tructi ons, mais elle ne fo urnit pas de induit un graphe avec trictement plus de composantes
procédé pour le déterminer. Cela pour- connexe que le graphe initial.
rai t être econdaire et en pratique on
espérerait se débrouiller pour chaque cas Mentionnon encore la conjecture de Hadwiger (propo-
particulier, et fi nalement découvrir par ée par Hugo Hadwiger : i le graphe complet K 11 n'est
des méth odes ad hoc les ensembl es pas un mineur de G, alor Ge t (n- 1)-colorable), ouverte
d'obstructions. Il se trouve que ce n'est dès que n > 6. Les conjectures de Lou Caccetta et Roland
pas si simpl e et qu e la di fficulté est Haggkvist ( ur le cycles d'un digraphe), ou de Herbert Ryser
réelle pour trouver les ensembles d'obs- sur les hypergraphe , attendent également leur heure.
tructions. Nous sommes dans la situ a- É.T.
tion de celui qui sa it qu ' il y a un trésor
caché quelque part (c'est ce que dit le
th éo rème de Robertso n et Sey mour Références
pour chaque ensemble stable par mino- • Graph Th eory. Rei nhard Dieste l, Springer (tro isième éd ition), 2006.
rat ion), mai qui ne sa it pas où préc i- • Une propriété cachée des graphes. Jean-Pau l Delahaye, Pour La
sé ment se trou ve le tréso r, ni même Science 366, avril 2008.
comment s'en approcher. • Logique, 1111 aiguil/011 pour la pe11sée. Jean-Paul Delahaye, Bel in- Pour
J.-P. D. La Science, 20 12.

Hors-série n• 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Nicolas Delerue

Des diagrammes
pour la physique
Les physiciens ont souvent besoin d'une représentation
graphique des phénomènes qu'ils essaient de décrire. Des
circuits électroniques à !'infiniment petit, du système solaire
au boson de Higgs, voici quelques exemples d'utilisation de
graphes et diagrammes en physique.
ertain~ problèmes de phys ique lunette astro no mique. Cet acces oire est

C sont plus s imples à compre ndre


quand on pe ut le «visua li ser ».
Les phy icien ont donc !' habitude de faire
constitué de plusieurs lentilles qu ' il faut
pos itionner a u bo n e ndroit de manière
à ce que la lumière arri ve correctement
des graphes qui les aident à voir ce qu ' ils sur la pl aque photographique (o u sur
étudie nt. Pre no ns un exemple s imple : l'œil de l'astrono me). Pour calculer la
l' objectif d ' un appareil photo o u d ' une positio n de c hacune de ce lentilles, il
est utile de faire un graphe où l'on indique
la pos itio n et la fo rme de chaque len-
tille a fin de s'assure r que le rayo n
lumine ux vo nt au bon endro it.
Le diag ra mmes o nt auss i beaucoup
utili és e n é lectronique, à la fo is po ur
re présente r de ma niè re impie le c ir-
c uit réel , ma is éga le ment pour re pré-
sente r certa ines de ces propriétés. Par
Diagramme montrant comment positionner exemple, da ns le cas d ' un a mplifica-
les lentilles dans une lunette astronomique. te ur de c haîne hi -fi , il est nécessa ire de
savoir que lles sero nt les fréque nces qu i
seront a mplifiées et de combie n (po ur
éviter qu ' une partie de la musique ne soit
d éfo rmée p ar d es fré qu e nces ma n-
qua ntes). Ce la se fa it g râce à un dia-
gra mme de Bode (voir e n e ncad ré). Un
Lc:ntillc te l di agramme fo urnit de manière sché-
pour la focalisation
Système optique afoca l mati ée la ré po nse e n fréque nce du cir-
cuit. Po ur un a mpli fica te ur unique, un
Un diagramme représentant les lentilles te l diagra mme pe rmet s imple me nt de
dans un zoom. vérifier les calcul s fa its po ur c ho isir les

Tcingent:e Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

composants du c irc uit. Par contre, les


concepteurs de systèmes sophistiqués sont
le diagramme de Bode
ame nés à co mbine r plus ie urs c irc uits Un diagramme de Bode comporte deux parties : la
qui ont c hac un leur propre réponse e n première donne le gain du circuit en fréquence (c'est-
fré que nce. Po ur ca lcul e r la ré pon e à-dire de combien sera amplifiée ou atténuée une fré-
totale, plutôt que d'analyser le circuit dans quence donnée). Cette partie est tracée avec le gain
son ensemble, il est possible de combiner en décibels Oe décibel est une unité particulière, qui
les diagrammes de Bode le uns avec les correspond au logarithme de l'atténuation du signal,
autres po ur obte nir le di ag ramme du voir l'encadré page suivante).
ystè me complet. La seconde partie est plus complexe : elle indique le
changement d'une autre propriété des signaux qui se
Représenter ce qu'on ine uoit pas propage dans le circuit : leur phase. Les ondes se
propageant dans le circuit peuvent être représentées
Récemme nt les systè mes dy namiques sous la forme d'une sinusoïde, c'est-à-dire par une
ont été mis à l' honne ur par une médaille expression du type cos(at + b). Le terme a corres-
Fie lds. Dans ce do ma ine à l' inte rsec- pond à la fréquence et le terme b à la phase. Si deux
tion entre la phys ique et les mathé ma- circuits sont combinés et que les phases ne sont pas
tiques, un graphe pe ut parfoi s a ider à adaptées, alors les ondes peuvent interférer de
visuali ser un phé nomè ne. Les sections manière destructive et annuler le signal dans le cir-
de Poincaré, par exemple, pe rme ttent cuit ! Ce terme de phase est donc très important. Il
d'étudier la périodicité d 'orbites cycliques. est représenté en degrés en fonction de la fréquence.
Ces secti o ns re présente nt le point de Un diagramme de Bode peut soit être déterminé à
passage de l'orbite da ns un pl an donné partir des équations décrivant le circuit, soit être
à chaque tour. mesuré en injectant des signaux à une fréquence
connue dans le circuit et en mesurant leur amplitude
et leur phase en sortie.

10-

Î o--.-----== ·I".
i -10 · G • Odll

Sections de Poincaré. j-20


---

Un exemple de diagramme de Bode.

Exemple de ce qui est observé après


une coll.ision entre part.icules (ci-contre,
à gauche).

Hors-série n• 54. Les graphes Tc:ingen1::e


SAVOIRS ••. pour la physique

les décibels Dans le domaine de l' infiniment petit aussi


les graphe sont très u ti 1isés. rI n'est en
Le décibel permet d'exprimer l'intensité d'un signal effet pas poss ible de visualiser directe-
par rapport à un signal de référence. Si l'on consi- ment ce qui se passe lors d ' une collision
dère deux signaux (acoustiques, électroniques ou entre deux particule ! Tout ce que les
autre) de puissance respective P1 et P2 , on obtient un physicien observent , c 'est l' état dan
volume sonore V égal à 10 log10 (P 2 / P1). lequel les particules se trouvent après
Le décibel est par exemple utilisé en acoustique. Un la collision . L' interprétation de cet état
pression de référence (20 µPa) donne le niveau o dB final requiert parfois une analyse sophis-
à partir duquel sont définis les décibels acoustiques tiquée. Le prix Nobel de physique Richard
O'unité correcte est odB SPI.., pour sound pressure leveO Feynman a proposé de représenter les
et ensuite on calcul le rapport des pressions pour interactions entre particules par des dia-
obtenir le bruit en déabels. On comprend donc qu'entre g ra mmes, appelés aujourd ' hui dia -
un son de 60 dB SPL et un son de 7odB SPL, il existe grammes de Feynman. Un exemple de
un facteur 10 en intensité du son ! diagramme de Feynman est présenté
ci-après .

e+
Mettre un diagramme
de Fevnman en équation
g
L'image ci-contre
montre un exemple de
diagramme de Feyn-
man avec les termes e
g à prendre en compte 4
pour « calculer ~ Exemple de diagramme de Feynman.
(mettre en équation)
ce diagramme. Un diag ramme de Feynman se lit de
e Le terme ..fa fournit gauche à droite . L'axe horizontal cor-
q la probabilité que, lors- respond au temps et l'axe vertical à l'es-
qu'un électron et un positron se rencontrent, ils don- pace. Tout à ga uche , c'es t-à-dire a u
nent naissance à un photon (noté y). début , ava nt la collision, on observe
Le terme 1 / q 2 est appelé propagateur. Il correspond à deux particules, un électron (e-) et un anti-
la propagation du photon : des particules différentes vont électron (e+). Lorsque l' on e déplace
se propager de manière différente et affecter la pro- ver la droite , on voit que ce deux par-
babilité du processus total. ticules e rapprochent , jusqu ' au point
Les termes Qq ..fa et Jii; donnent les probabilités de où elles entrent en colli ion. À cet endroit,
production des particules correspondantes. elles disparai sent en donnant naissance
Tous ces termes regroupés permettent de calculer la à une nouvelle particule , appelée z0 .
probabilité que deux électrons produisent deux quarks Cette particule possède des propriétés par-
et un gluon dans l'état fmal (les physiciens appellent cela ticulières, et par convention a trajec-
la section efficace de ce processus). Cet état final étant toire est représentée par une sinusoïdale.
identique à celui décrit dans le texte, où c'est un z0 qui Le z0 se propage pendant quelques ins-
se propageait au lieu d'un photon, il faut ajouter ces sec- tants (en fait moins d ' un milliardième de
tions efficaces pour trouver la probabilité totale. seconde !) avant de se désintégrer en
deux nouvelles particules. Ces deux par-

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


ticules , appelées quarks (q et q), pos- plexes (en essayant de ne pas en oublier,
èdent certaine propriétés as ez proches ce qui est parfoi s difficile) pui s à les
de celles des électrons ; ainsi, par conven- mettre en équation pour prédire la répar-
tion, e lles sont également repré entées tition des états finaux de certaines col-
par des lignes droites. Peu après la désin- lisions et comparer cela avec les mesure
tégration , l' un des deu x qu ark s émet expérimentales.
une autre particule, appe lée gluon (g),
représentée par une lig ne s inusoïdale la quête du boson de Higgs
(différente de la première). On trouve
donc , dans l'état final , tout à droite de L' un des sujets d ' actualité en physique
la fi gure, troi s particules, ce qui corres- des particules est la compréhen ion de
pond aux trois ensembles de traits verts l' asymétrie matière-antimatière. Dans les
et de barres noires sur l' image de l'état colli sions se produi sant sur les accé lé-
final (voir illu tration précédente) . rateurs de particules, on voit parfois une
particule d ' antimatière se transformer
Les diagrammes de Feynman sont très spontanément en particule de matière , et
utili sés car il s permettent de représen- réciproquement. Les physiciens appel -
ter de façon simple des phé nomè nes lent cel a la violation de charge-parité.
phy siques. Il permettent au ss i de se La probabilité qu 'une particule de matière
demander s' il n' y a qu ' une seule com- se transforme en particule d ' antimatière
binaison qui mène à un état final donné . est légèrement plus grande que l'inverse,
Sur le schéma , par exemple, le g luon mais ce point fait encore l'objet d 'études
aurait très bien pu être é mis par) ' autre très poussées.
quark sans que cela change l'état final .
Cela double donc la probabilité d ' ob-
serve r cet état fin al ! D ' autres combi-
naisons sont possibles . Par exemple, le
z!1 aurait pu se désintégrer en deux é lec-
trons, qui se seraie nt à nouveau combi-
z
nés en un autre 0 , qui aurait, lui , donné
naissance aux deux quarks . En réalité,
comprendre ce qui est vraiment poss ible
requiert des connaissances avancées en
phys ique des particules . ..
Les diagrammes de Feynman possèdent
une propriété supplémentaire qui a gran-
dement contribué à leur succès : il s peu-
vent fac ilement être mis en équation !
Chaque élément graphique du diagramme
correspond à un terme d ' une équation , Chaque bande colorée de ce graphe correspond à une mesure
et e n co mbin a nt tou s ces te rmes on expérimentale de désintégration de quarks. Ces bandes
obtient la probabilité que, en partant de permettent de contraindre un triangle dont les angles donnent
l'état initi al donné, on obtienne l' état les paramètres clefs du modèle décrivant actuellement les
final prédit par le di agramme . De nom- transitions entre quarks. Chaque mesure qui permet de rédui-
breux chercheurs dans le monde sont re les incertitudes sur la valeur de ces angles permet de faire
occ upés à éc rire l'ense mbl e des di a- progresser notre compréhension de la violation
grammes de Feynman de processus corn- de charge-parité.

Hors-série n° 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS ... pour la physique
Richard Fevnman Ces contraintes sur la probabilité de pro-
duire une particule se traduisent par de
Après de brillantes études de physique, Richard Phillips graphes comme le suivant. Cette quête s'est
Feynman (1918-1988) rejoint le projet Manhattan (mise au achevée quand le boson de Higgs a effec-
point de la première bombe atomique) pendant la Seconde tivement été trouvé, dans la seule zone qui
Guerre mondiale. Cela lui donne l'occasion de rencontrer n'était pa exclue par les limites.
les plus grands physiciens occidentaux de l'époque et de
travailler avec eux sur des problèmes pointus de physique
nucléaire. Après la guerre il obtient un poste à l'université
de Cornell, qu'il quittera très vite pour aller à l'Institut cali-
J 10
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d
fornien de technologie (CalTech). Là, il développe la théo-
rique de l'électrodynamique quantique, qui met en équation '
la propagation des particules fondamentales à haute éner- 10''

gie. Cette théorie lui vaudra le prix Nobel en 1965, conjoin- 100 200 300 400 !IIJO 800
"1, (GeVJ
tement avec Julian Seymour Schwinger et Sin-Itiro Tomonaga
Dans cette théorie, il décrit la propagation des particules Sur l'axe vertical, on visualise la limite
grâce à une équation appelée lagrangien. Afin d'établir ce sur la probabilité de produire un boson
lagrangien, il met au point la méthode graphique décrite dans de Higgs par rapport à la prédiction
l'encadré de la page précédente. théorique dans le cas standard. Sur
De ses années à CalTech, il reste également un ensemble l'axe horizontal est repérée la masse
d'ouvrages destinés aux étudiants de premier cycle et appe- dudit boson de Higgs. La courbe noire
lés Cours de physique de Feynman . Ces cours de physique donne la limite obtenue par les mesures
sont très appréciés pour la clarté des explications données expérimentales et les bandes jaunes et
par Feynman. Sur la fin de sa vie, il fait partie de la com- vertes les incertitudes liées à la mesure.
mission d'enquête qui cherche les causes de l'explosion de Il y a quelques années encore, la courbe
la navette Challenger en 1986 ; il y jouera un rôle déterminant. noire était nettement au dessus de J sur
une grande partie du graphe. Elle est
progres ivement descendue en dessous
Références Jusqu 'à très récemment, l'un des objec- de 1, partout sauf dans une petite bande
• Mathématiques et tifs de la physique des particules était de qui correspond à l'énergie à laquelle le
chimie. Bibl iothèq ue trouver une particule appelée boson de boson de Higgs a été effectivement
Tangente 43 . 20 12. Higgs . La recherche de cette particule a découvert.
• Des nouvelles duré de nombreuses années : il s'est écoulé
sol11tio11s au problème prés de cinquante an entre sa prédiction Ces quelques exemples ne ont pas limi-
des trois corps. et sa découverte ! L' une de raisons pour tatifs. Les graphes sont utilisés dans de
Nicolas Delerue, lesquelles cette recherche a duré auss i nombreux domaines de la physique, par-
Ta11ge111e SVP 69 , longtemps est que la probabilité de pro- foi s implement pour sché mati ser ce
20 13. duire un boson de Higg , même sur les que le physicien observe. D'autres foi s,
• Fey11ma11 . Jim accélérateurs les plu s énergétiques au comme dans le cas des di agrammes de
Ottav iani et Leland monde , était trè faible. Cette probabilité Feynman , il s apportent une aide réelle
Myrick, Vuiben. elle-même n'était pas connue avec cer- à la mi se en équation des observations.
20 12. titude tant quel ' on ne connaissait pas les L' importance des graphes et diagrammes
• Le lagra11gie11 pour propriétés détaillées du boson de Higgs. est telle que l'on trouve très peu de publi-
décrire la dy11amique Au fur et à mesure de leur quête , les phy- cations e n phy ique qui ne comportent
des systèmes. siciens ont été capables de dire que si le pas au moins un graphe ou un diagramme.
Tangente 15 1,20 13 . boson de Higgs existait alors la probabilité
de le produire était de plus en plus petite. N.D.

54 Tangente Hors-série n°54. Les graphes


par Herve Lehning EN BREF

À tout graphe on peut associer une première ma-


trice (la matrice d'adjacence, voir un précédent
article dans ce dossier), mais également une ma- Un graphe non orienté,
trice laplacienne, trè utilisée dans différentes simple, à quatre sommets.
applications des mathématiques discrètes.
Donnons-nou un graphe :

La matrice d 'adjacence de ce graphe est la


matrice A dont les coefficients a1j sont égaux
à 1 si (i, 1) est une arête du graphe, à O sinon.
Dan le cas d'un graphe non orienté, la matrice
A est toujours symétrique. S'il est simple, les Par définition, la matrice la-
éléments de la diagonale sont tous nuls. Ici, placienne L d'un tel graphe est

l
L =D - A. Dans notre exemple,
0 1 0 0
1 0 1 1 1 -1 0 0
A=o101 · _ -1 3 -1 -1
0 1 1 0 L- 0 -1 2 -1.
D'autre part, chaque sommet a un degré égal au 0 -1 -1 2
nombre de sommets auxquels il est relié. Cela
permet de définir une matrice (diagonale) des La matrice Lest diagonalisable (car symétrique
degrés. Ici : réelle) et O est l'une de ses valeurs propres
(puisque la somme des éléments de ses lignes
1 0 0 0 est nulle). Un vecteur propre associé à la valeur
0 3 0 0 propre O e t le vecteur composé uniquement de
0
=0020· 1.
[
0 0 0 2

Le spectre d'un graphe


Le spectre de la matrice laplacienne d'un
graphe, c'est-à-dire l'ensemble de ses valeurs
propres, ne dépend pas de la numérotation
des sommets. C'est un ensemble qui ne dé-
pend que du graphe lui-même. Même si les
résultats concernant la matrice laplacienne
et son spectre sont encore largement empi-
riques, ces notions semblent prometteuses
pour la reconnaissance de formes ou pour
partitionner les graphes, ce qui est utile en
particulier dans la répartition des tâches en
calcul parallèle.

Hon, ~erie n 54 L <:, gr.iphe:. Tan9ente


SAVOIRS par F. Casiro, G. Cohen & B. Rittaud

Le théorème des
quatre couleurs
Tous les cartographes savent que l'on peut colorier n'importe
quelle carte avec quatre couleurs, deux pays de frontière
commune ayant des couleurs différentes. Mais peut-on le
prouver?

Le théorème des deux couleurs e problème des quatre cou leurs

Considérons les cartes planes construites seule-


ment avec des droites : il est possible de les colo-
L a connu et conn aît encore une
grande popul arité. Cette fasci-
nation est dûe à l'extrême simplicité de
rier uniquement avec deux couleurs ! son énoncé. En voici la form ulation com-
Le résultat est évident pour les cartes ayant une plète: il est possible de colorier à l'aide
seule droite. Supposons donc le résultat établi pour de quatre couleurs différente n'importe
toutes les cartes tracées avec n droites. Prenons quelle carte plane de sorte à ce que deux
une de ces cartes et ajoutons une droite. pays vo isins soient toujours de couleurs
diffé rentes.

Par « voisins » , o n entend ici de pays


ayant une li gne frontière commune (et
pas seulement un po int). L'énoncé de
ce problè me a été fo rmul é pour la pre-
mière fo is par !'Écossais Francis Guthrie,
en 1852. Les mathé mati c iens Auguste
de Morgan et Arthur Cayley tra vai ll è-
La nouvelle carte est mal coloriée. Pour rectifier le re nt sur la que tion , mai c'est l'avo-
coloriage, il suffit d'inverser les couleurs dans un cat Alfred Kempe qui annonça, en 1879,
des demi-plans définis par dispo er d'une pre uve. Di x an passè-
la nouvelle droite : le théo- rent avant que Pe rcy John Headwood
rème des deux couleurs trouve dan la démon tration de Kempe
est donc démontré par une e rreur subtile ma is rédhibitoire.
récurrence.
Le théorème se généralise Erreur subtile
au cas où le nombre de
lignes (droites ou courbes) À partir de cette date, les plu s grands
passant par chaque sommet est pair. mathématiciens s'attaquèrent à nou-
vea u à cette qu es ti on, qui se révé la

Tcingent:e Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

incroyabl ement di ffi c il e. Les progrès


fure nt lents : on démontra le théorè me
Et pour une carte sphérique ?
pour des cartes à cinq , six rég ions , pui s Si les pays à colorier ne sont pas situés dans un plan
j usqu ' à trente- huit région . Des résul- mais sur une sphère (comme la Terre), le théorème des
tat généraux fu rent donnés po ur des quatre couleurs demeure valable. Pour d'autres formes
configurations simpli fiées (voir en enca- plus sophistiquées, en revanche, il peut être mis en défaut,
dré) , mais le problème complet résistait même s'il l'on peut estimer le nombre de couleurs
toujours. En 1976, enfin , Kenneth Appel nécessaires. Sur un ruban de Mobius, il faut six cou-
et Wolfgang Haken ont donné une preuve, leurs. Sur un tore (une chambre à air), il en faut sept.
même si le nécessaire e mplo i de l'or-
dinateur pour étudier tous les cas de la
démonstration a posé de nouvelles ques-
tions sur le statut de ce lle-c i.
La théorie des graphes e t l' outil le plu
natu rel po ur étudi e r le probl è me des
quatre couleurs. Imag inon en effet que
la capitale de chaque pays o it symbo-
lisée par un point de la même couleur que
celle du pays et que deux capitales de pays
aya nt une fro nti è re co mmune oi e nt la formule d' Euler et le princ ipe de récur-
reliés par une arête . On obtient alors le rence. Cette vers io n affa iblie indique
graphe associé à la carte. Ce graphe pos- que le nombre chromatique d' un graphe
sède deux propriétés caractéri stiques : pl anaire sans bouc le e t d 'au plu s 5 :
il est sans boucle (aucune arête ne mène c'est le théorème des cinq couleurs. Pour
d' un sommet à lui-même) , et il est pla- pouvoi r descendre à 4 , d 'énormes di f-
naire (les arêtes ne se croisent pas). fic ultés surviennent : il fa ut se ra mener
à certa ins types de configurations, dites
réductibles, à partir duquel le problème
peut se résoudre.

O Capitales La technique d ' Appe l et Ha.ken leur a


pe rmi s de conto urner la di ffic ulté en
ramenant le problème à l' étude de mille
quatre cent cinq configurations. Le théo-
rème des quatre couleurs est le premier
Cartes de l'histoire qui a nécess ité ! ' usage sys-
tématique de l' ordinateur. À l' annonce Coloriage de la
de cette nouvelle, la communauté nathé- carte des régions.
malique se di visa en deux clans : ceux pour
qui le problème des quatre couleurs était
Graphe résolu , et ceux pour qui tout restait à faire.
Avec ce changement de poi nt de vue , le Depuis, une preuve forme lle a été obte-
théorème des quatre couleurs prend alors nue (par Georges Gonthier et Benjamin
la forme suivante : le nombre chromatique Werner en 2004), mais une preuve concep-
d' un graphe planaire est d ' au plus 4. tuelle reste encore à obtenir . . .
Il est relati vement aisé de montrer une
version affaiblie du théorème, qu i utilise F.C.,G.C. & B.R.

Hors-série n• 54. Les graphes Tangente


par Clément Charpentier

Colorier
Un défi innocent et redoutable
Comme l'illustre l'histoire du théorème des quatre couleurs,
d'innocents problèmes de coloriage peuvent cacher de redou-
tables difficultés. Pour apprendre à les résoudre, on peut essayer
de colorer les graphes planaires avec six couleurs.

L
es gra phes pe rme tte nt de pré- tus De Morgan la conjecture des quatre
sente r des question s de mathé- coule urs: il semble to ujo urs possible de
matiques d 'appare nce a nodine colori e r propre m e nt toutes les cartes
qui résistent aux me illeurs spéc ialistes et planes avec seulement quatre couleurs (voir
défient le plu pui s ants ordinate urs. le précéde nt article). Bie n que l'é no ncé
Les questions de coloriage de cartes e n de la que ti o n so it a isé à fo rmul e r, y
sont un excelle nt exemple. Ains i, une répondre se révèle bien plus difficile : deux
carte plane est le découpage d ' un espace démonstrations erro nées seront publiées
plan en plusieurs zanes. Deux zones sont dans les années 1880 , suffi amment tech-
voi sines si elles partage nt une frontiè re niques et convai ncantes pour être tenues
(un simple point n 'est pas une frontiè re) . pour justes pe ndant plus de di x an .
Une carte plane est proprement coloriée En 1976 , le mathé matic ie n a mérica in
s i chaque zone est coloriée et que deux Ke nneth Appel et l' Allemand Wolfgang
zones voi sines sont to ujours de di ffé- Hake n , travaill ant e nsemble à l' uni ver-
re ntes couleurs. sité de l ' Illinois, annoncent avoir résolu
En 1852, le jeune Francis Guthrie, ancien la conjecture, mainte nant vie ille de cent
étudiant à !'University College London , vingt-quatre ans. Le (désormais) théorème
propose à son ancien professe ur Augus- des quatre coule urs e ntre dans ! ' hi stoi re
des sciences comme l' un des tout premiers
théorè mes mathé matiques aya nt néces-
sité l' intervention de ! 'ordinateur dans sa
dé monstration . Ce tte preuve est auss i
considérée comme !' une des plus contro-
ver ées des mathé matiques modernes :
les nombreux précédents de preuves erro-
nées, le recours à un calcul informatique

Une carte proprement coloriée.


Cette carte ne peut pas être coloriée
avec seulement trois couleurs. En effet,
les quatre zones en bas à droite sont
toutes deux à deux voisines.

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

de plusieurs milliers d' heure et la di f-


fi culté technique de la partie vérifiable
Des colorations propres...
par l' homme (plus de cent c inquante et plus que propres
page de raisonnement mathématique)
ont éveillé bien des suspicions. La coloration propre n'est pas la seule qui intéresse les
Aujourd'hui, la validité du résultat (dont chercheurs. On peut obtenir de nombreuses variantes
la preuve a été simplifiée plusieurs fois si l'on rajoute des contraintes sur ce que l'on accepte
depuis) ne fa it plu doute pour grand- comme une coloration valide. En voici quelques-unes.
monde, mais une preuve plus simple, La coloration à distance n : deux sommets doivent
peut-être fa isant appel à une compré- avoir des couleurs différentes s'ils sont reliés par un
hension plus profonde des propriétés de chemin de longueur au plus n.
cartes planes , serait souhaitable. Car si Le problème des fréquences radio est similaire à un
la preuve de Appel et Haken demande des problème de coloration à distance n, mais les « cou-
efforts titanesques pour être vérifiée inté- leurs » sont des nombres entiers, et plus le chemin
gralement , elle repose sur des principes entre deux sommets est court, plus la différence entre
bien courants de la théorie de graphes , leurs « couleurs » doit être élevée.
qui ne demandent que très peu de pré- Une coloration acyclique est une coloration propre
requis pour être abordés . sans cycle hi-colorié (autrement dit, tout cycle doit
comporter au moins trois couleurs).
De toutes les couleurs Une coloration équitable est une coloration propre
où aucune couleur n'est présente plus souvent qu'une
Il est toujours poss ible de représenter autre (à plus ou moins un unité si le nombre de zones
une carte pl ane par un graphe : si l'on ne tombe pas juste).
assoc ie un sommet à chaque zone de la Dans un problème de coloration des arêtes, on attri-
carte, puis que l'on relie chaque paire de bue des couleurs aux arêtes au lieu de colorier les som-
sommets correspondant à des zones voi- mets, deux arêtes ayant un sommet en commun devant
sines, on obtient un graphe que l'on peut recevoir des couleurs différentes.
dess iner sans croi ement d'arêtes. Par Une coloration ludique est une coloration effectuée avec
construction, un tel graphe est un planaire. un partenaire (qui colorie un sommet sur deux) non
coopératif (il tente de faire augmenter le nombre de
couleurs en empêchant d'optimiser leur répartition).

Ces variantes peuvent se combiner : on rencontre des


problèmes de coloration d'arêtes équitables, de colo-
ration ludique des arêtes ... On retrouve souvent dans
ces variantes les mêmes méthodes de preuve que celles
exposées dans le texte.

par une arête aient des couleurs différentes.


On parle alors de colorer proprement le
La carte précédente mise sous forme graphe. Le théorème des quatre cou-
de graphe. leurs se reformul e ainsi : tout graphe
pl anaire est proprement coloriable avec
Colorier la carte rev ient à assoc ier une quatre coul eurs.
couleur à chaque ommet du graphe, de Formulés ainsi, les problèmes de colo-
manière à ce que deux som mets reliés ration. de graphe dépassent le simple

Hors-série n° 54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS Colorier

La présence d'un sommet réductible gra phe re présente un é mette ur- récep-
te ur, chaque coule ur une fréque nce, et
Un graphe connexe est un graphe dans lequel, pour les sommets sont re liés par une arête si
chaque paire de sommets, il existe un chemin les les é me tte urs qu ' il s re présente nt sont
reliant. Montrons que chaque graphe planaire connexe suffisamme nt « proches» pour que leurs
possède un sommet de degrés (afortiori, ce sera fréque nces respectives se do ivent d 'être
également le cas pour les graphes non connexes). é lo ignées afi n d 'éviter les interfé rences .
On commence par établir la Formule d'Euler, selon Le problè me de gestio n d 'empl o i d u
laquelle pour tout graphe planaire connexe avec n te mps, que les institutio ns cola ires et
sommets, m arêtes etf faces, on a la relation uni ver itaire connai ent bien , peut être
n - m +J = 2. Cette formule se démontre facilement vu comme un problème de coloration de
par récurrence sur le nombre d'arêtes: elle est vraie graphe : générer un emploi du temps pour
pour un graphe sans arêtes (m = o), et augmenter m les cour d ' un collège rev ie nt a in s i à
de 1, c'est ajouter une arête. Pour ajouter une arête, représenter chaque cours de chaque classe
il faut soit ajouter un nouveau sommet, soit relier à l'aide d ' un sommet, de les re lier s' il s
deux sommets déjà existants (ce qui coupe une face ne peuvent être effectués en même temps
en deux). (parce qu 'assurés par le même enseignant
Ensuite, on observe que le nombre d'arêtes m est égal o u destinés à la mê me classe), et à attri-
à la moitié de la somme des degrés des sommets du bue r propre ment des horaires (c'est-à-
graphe ; dans un graphe où chaque sommet est de dire des coule urs) à chaque sommet.
degré 6 ou plus, on a m ~ 3n. On le comprend , la conjecture des quatre
Le nombre d'arêtes m est aussi égal à la moitié de la coule urs n 'a pas été e ule me nt un défi
somme des tailles des faces du graphe Oa taille d'une tenace pour la communauté scientifiq ue,
face est son nombre d'arêtes). Comme chaque face e lle fut éga le me nt le précurseur d ' un
est de taille au plus 3, tout graphe planaire vérifie doma ine de la théorie des graphes lar-
donc m ~ 3f/ 2 . geme nt é tudié de nos jours .
S'il existait un graphe planaire où chaque sommet S ' il semble di ffic ile de colo re r propre-
serait de degré 6 ou plus, on aurait donc me nt un g ra phe pl a na ire do nné avec
m = 1/2 m + 1/2 m ~ 6n/ 4 + 3!/ 4. quatre coule urs, a n doute est-il plus
En remettant ces valeurs dans la formule d'Euler, et simple de le faire avec ix. On va démon-
en se souvenant que n ~f, on aboutit à une contradiction. tre r que to ut g raphe pl ana ire est pro-
pre ment colorable avec ix couleurs. La
pre uve, tructurée imila ire me nt à celle
champ de la coloration de carte géo- du théorè me des quatre couleurs, utili -
graphiques. On peut e demander quelles sera une version embryonnaire des outil
sont les me illeure méthodes pour colo- de la pre uve de 1976 . Il suffi t de di spo-
rer proprement d'autres classes de graphes ser d ' un ré ultat classique de la théorie
que les graphes plana ire , avec de nom- des graphes, selon lequel dans tout graphe
bre uses application , pui qu ' il s'ag it , pl ana ire o n pe ut trouver a u mo in un
e n réalité, d ' une que tion de ré partition sommet dont le degré (le nombre de voi-
de ressources avec c ontra inte . P a r sins) est de c inq o u mo ins. On va appe-
exemple, dans les té lécommunications, ler un te l sommet un sommet réductible.
les problè mes de colo ration de graphes La dé monstratio n de ce résultat est e lle-
ont utili sés pour mo dé li ser les pro- mê me to ut à fai t access ible (voir l'en-
blè mes d 'attribution de fréquences radio cadré c i-contre) .
(voir en encadré) dans un système d 'émet- Considéro ns donc un graphe G , planaire,
te urs-récepte urs : c haque somme t du que l' on souhaite colore r pro pre me nt

Ta.ngent:e Hors-série n°54. Les graphes


1

TYPES DE GRAPHES

avec six couleurs . So it v un sommet l' une de ces configurati ons réductibles,
réductibl e de G : s' il est poss ible de en utilisant les propriétés de la classe
co lorer pro prement G - v (le graphe considérée (ici, la formule d'Euler).
obtenu en supprimant v et toutes ses La complex ité de ce type de preuves
arêtes), alors il sera poss ible de colorer dépend du nombre et de la taill e des
G. En effet, il ne restera plus qu 'à colo- configurations réductibles (il faut démon-
rer v, et comme c 'est un sommet qui trer que chacune d'entre e lles est bien
possède au plus cinq voisins, avec nos réductibl e, et surtout montrer la pré-
six couleurs, il y aura toujours au moins sence obligatoire d'au moins l'une d'entre
une couleur di sponible pour le colorer ! elles, ce qui demande des calculs de plus
en plus méticuleux). On peut raisonna-
blement considérer qu ' une telle démons-
tration devient ardue aux alentours d' une
dizaine de config uration di ffé rentes.
La pre mi ère version de la preuve du
théorème des quatre couleurs, celle de
l'article ori ginel de 1976 , en contenait
mille neuf cent trente-s ix . . .
c.c.

Comment colorer G si v est réductible. Des problèmes hauts en couleur


Comme G - v e t planaire lui auss i, il a On ne parle pas traditionnellement de « coloriage » de
bien un sommet réductible lui auss i, cartes, mais de « coloration » de graphe . Les cartes ont
disons v' . De la même manière que pré- donc coloriées et les graphes colorés ; elles sont coloriables
cédemment, s' il est pos ible de colorer quand les graphes sont colorables. Tout n'est pas encore ter-
(G - v)- v', alors il est poss ible de colo- miné pour le coloriage de cartes, et de nombreux problèmes
rer G - v, et donc de colorer G. Par récur- défient encore la communauté des chercheurs (notamment
rence, on obtient non seulement la preuve l'étude des cartes coloriables en trois couleurs) .
que G est colorable à l'aide de six cou- L' année 1976 fut exaltante pour les coloristes, puisqu 'elle
leurs, mais éga lement une procédure vit également publier la preuve, par Michael Garey David
pour réaliser une telle coloration. Johnson et Larry Stockmayer, qu ' il n'existe aucun moyen
De très nombreuses preuves en colora- de déterminer « en un temp raisonnable » si un graphe pla-
tion de graphes , et notamment celle du naire peut être coloré ou non en troi couleur . Cela n' em-
théorème des quatre couleurs, utilisent pêche pas , bien sOr, de chercher un critère « simple »
la même structure de démonstration en permettant d'être certain qu'un graphe planaire est col.o-
deux temps: tout d'abord , l' identifica- rable en trois couleurs : on sait déjà, grâce à l ' Allemand
tion d' une ou plusieurs « config uration Herbert Grotz ch qui le démontra en 1959, que sont 3-
réductibles » ensemble de sommets (dans colorables tous les graphes planaires sans triangles, c'e t-
notre exemple, un sommet de degré au à-dire sans cycles de longueur 3.
plus 5), qui sont des sommets ou ensemble Toujours en 1976 (décidément) , Richard Steinberg pro-
de sommets auxquels on pourra étendre pose la conjecture suivante : tous les graphe planaire
la coloration lorsque tout le graphe sauf n'ayant ni cycle de longueur 4 , ni cycle de longueur 5
ce ux- là sero nt co lorés . Ens uite, on (mais pouvant avoir des triangles) sont colorables en trois
dé montre qu e le graphe considéré et couleurs. Cette question reste toujours irrésolue !
tous ses sou -graphes possèdent bien

Hors-série n° 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Nicolas K. Blanchard

le théorème des
graphes partails
L'un des plus spectaculaires résultats mathématiques de ces
dernières années est un théorème permettant de caractériser
de manière « simple » la structure de toute une classe de
graphes. Les grandes lignes de la démonstration permettent
d'introduire de nombreuses familles de graphes.
e théorème des graphes parfa its cent une preuve, qu ' ils pub lieront en

L est un important résultat qui relie


les graphes parfaits (une cl asse
de graphes défin ie à partir de proprié-
2006 . Leur démon tration apporte aussi
des nou veaux outi ls algorithmiques per-
mettant de reconnaître ces graphes rapi-
tés de coloriage) à des propriétés simple dement en pratique. Ce résultat fa it suite
de structure. Il énonce qu' un graphe est au théorème fa ible des graphes parfa its,
parfa it si, et seule ment i, il ne possède lui auss i conjecturé par Cl aude Berge .
ni « tro u » ni « antitrou ». Conjectu ré Il sera prou vé par Lasz l6 Lovasz e n
par C laude Berge e n 196 1, il fa ud ra 1972 et condu ira à la première carac-
attendre plus de quarante ans pour que téri sation de ces graphes :
M ar ia C hud nov sky, Ne il Ro bert son ,
Les sommets Paul Seymo ur et Robin Thomas annon- Tout graphe est parfait si, et seulement
DEFGH forment si, son complémentaire est parfait.
E
un cycle induit de
longueur 5, donc un La courte preuve consiste a remplacer
trou, et le graphe certa ins sommets par des cliques (une
n'est pas parfait. clique est un graphe dans leq uel toute
paire de ommets est reliée par une arête),
Les sommets ce qui ne change pas le caractère parfait
DEFGH forment A du graphe. La tai lle des cliques est cho i-
un antitrou , soit le • ie en fo nction des ensembles indépen-
E
complémentaire d' un d ants max imum s po ur con truire un
trou (c'est-à-dire c_ _-,-,;:-_
D _ de uxième graphe dont il e t fac ile de
qu' il suffit de
rajouter le cycle
:------ ·~ démontrer que le complémentaire est par-
fa it , et que la réduction au complémen-
DEFGH pour obtenir taire du graphe orig inal ne change pas
une clique). cette perfection. On le voit , des notions
Le graphe n'est A assez techniques interv iennent dans la
donc pas parfait. • démonstration ! Passons-les en revue.

T4n9ente Hors-série n°54. Les graphes


1
TYPES DE GRAPHES

le nombre chromatique
L'un des domaines les plus anciens et les plus étudiés de la théorie des graphes concerne la colo-
ration. Le théorème des quatre couleurs, par exemple, énonce que l'on peut colorier tous les
sommets d'un graphe planaire avec seulement quatre couleurs. Un problème naturel est de déter-
miner le nombre minimal de couleurs nécessaires pour colorier un graphe G (qu'il soit planaire
ou non) sans que deux sommets adjacents soient coloriés de la même manière. Ce nombre, noté
x(G), s'appelle nombre chromatique du graphe G. Trouver le nombre chromatique d'un graphe
quelconque est non seulement une question NP-complète dans le cas général, mais même le fait
de décider si x(G) = 3 est déjà un problème NP-complet.
Plusieurs résultats partiels existent cependant: on sait déjà que x(G) est inférieur au degré maxi-
mal Ll(G) plus 1. (Le degré maximal d'un graphe Gest le maximum des degrés de ses sommets.)
Le résultat se prouve facilement : on colorie les sommets un par un, dans n'importe quel ordre,
et vu qu'ils n'ont au plus que Ll (G) voisins, donc Ll (G) couleurs interdites, on peut toujours trou-
ver une couleur à assigner à tout sommet.

B
Trois couleurs sont nécessaires pour colorier n'importe quel cycle
de longueur impaire. Ici, l'exemple de C7 : chaque sommet a un
degré égal à 2, mais il faut bien trois couleurs pour le colorier car
le cycle est de longueur impaire.

En bas, une coloration minimale du graphe de Petersen.


On n'a besoin que de trois couleurs, bien qu'il ne soit pas
planaire (et donc assez complexe).
F

Ensuite, on sait qu'une clique de taille n (on la notera~) néces-


site exactement n couleurs.
Une conjecture fameuse porte justement sur ce sujet. Nommée
conjecture de Hadwiger, elle est une des plus anciennes du
domaine. Elle postule que tout graphe possède un nombre
chromatique inférieur ou égal à la taille de sa plus grande
clique mineure. La grande différence avec les graphes parfaits
est que l'on regarde ici les cliques mineures (donc correspon-
dant à des contractions du graphe) et pas seulement les cliques
induites. Cette conjecture fondamentale - qui est aussi une géné-
ralisation considérable du théorème des quatre couleurs -
ne fournirait cependant pas d'apports algorithmiques directs
pour la coloration : en effet, calculer les cliques mineures est
également un problème NP-complet ! Cela donnerait cepen-
dant des intuitions supplémentaires. C'est d'ailleurs entra-
vaillant sur ce problème (et en résolvant des cas particuliers
de la conjecture) que les auteurs se sont mis en quête de la
preuve du théorème des graphes parfaits.

L'exemple de K6 montre que l'on a bien besoin de six couleurs :


chaque sommet est adjacent à tous les autres.

Hors-série n• 54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS Théorème des graphes parfaits

les graphes de Berge ponibl e auj ourd ' hui fai t plus de cent
ci nquante pages) . Tous ces graphes sont
Un graphe G est parfait quand le nombre par contre fo rtement reliés aux graphes
c hrom atique de c hac un de es sou - cordaux, qui eux n 'ont (par défi nition)
graphes induits est égal à la taille de la pas le dro it d ' avoir un cyc le sans corde
plu s grande c liqu e co mpri se dans le de longueur supéri eure ou éga le à 4 .
sous-graphe. En vocabul ai re coura nt , Le graphes cord aux ont éga le ment
cela signifie que si l'on pre nd un sous- appelés graphes triangulés car on peut
graphe de G , et que l' on cherche sa plus déco mpose r c hac un de le urs cyc les
grande clique, alors il fa udra autant de comme un ensembl e de triangles.
coule urs pour colorier le sous-graphe
D
que pour colorier la clique. Cette propriété
confère à un graphe une grande régul a-
rité , ce qui ex plique l'attention qu 'ont
reçue le graphes parfaits depuis la fin
des année 1950.
Certaines cl asses sont connues depuis A
longtemps comme étant parfaites , dont
le graphe biparti s (et leur co mplé-
ments) ou les graphes cordaux. L' uti -
lité des graph e pa rfa its est qu e de
nombreux problèmes réputés di fficile
(des problèmes NP-difficiles par exemple) A
dev iennent fac iles à résoudre sur cette
cl asse (comme les plus grandes clique Un seul des deux graphes est cordai : le
ou plus grands ensembles indépendants, premier (le second possède un cycle
ain si que le colori age). Le problè me induit de longueur 4, qui est ECFD).
était donc d ' identifier et de caractériser
ces graphes, ce qui est pe rmi s par le On pe ut donc reformul er de mani ère
nouveau théorè me. condensée le théorème de graphes par-
Les graphes de Berge - d'après le mathé- fa its : les graphes de Berge sont exac-
matic ie n et arti ste Cl aude Be rge, qui teme nt les graphes parfaits.
fut l'un des pères de la théorie moderne
des graphes et un me mbre fondateur de Induits, complémentaires
!' Ouvroir de litté rature pote nti ell e - ou adjoints
sont ceux qui ne possèdent ni trou, ni
a ntitrou . Un e a rê te inte rn e d ans un Bien que ! 'étude des graphes so it rela-
graphe e t appelée corde . Un trou est un ti vement récente, un vocabul aire pré-
cycle de longueur impaire supérieure à cis a été adopté . Plusieurs notions assez
5 , sans aucune corde. Un antitrou est le techniques sont nécessa ires pour com-
complémentaire d ' un trou. pre nd re pl e in e me nt le théo rè me des
Ayant introduit ces notions, il remarque graphes parfaits. Tro is types de graphe
qu ' un graphe avec un trou ou un anti- interviennent notamment. Tout d'abord ,
trou ne peut être parfait et conjecture que les sous-graphes induits sont des sous-
les deux défi nitions ont équi valentes . graphe dan le quels toute les arête
Il ne dispose pas alors des outils néces- pré e ntes dans le graphe orig inal sub-
saires à la démonstration (l a preuve di s- i tent. On enlève donc un ensemble de

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

sommets et uniquement les arêtes qui par-


tent de ceux-ci .

Le graphe G',
graphe complémentaire de G.
Le graphe G.
prenant les arêtes de G comme nou-
veaux sommets et en reljant deux tels som-
mets si les a rêtes corres po nd a ntes
partageaient une extrémité . Bien que
faisant partie des plus ancie ns graphes
étudiés, il existe toujours des problèmes
ouverts les concernant , notamment sur
les itérations de graphes adjoints (comme
caractériser l'adjoint de l'adjoint de J'ad-
joint( ... ) d'un graphe) .
Le graphe ci-de sus, H, est un
sous-graphe induit de G (et en
particulier un sous-graphe de G).

Le graphe HA représenté ici est


l'adjoint du graphe H : chaque sommet
Le graphe ci-dessus, H', est un correspond à une arête de H.
sous-graphe de G mais n'en est pas un
sous-graphe induit. Une preuue longue, technique
mais intuitiue
Le graphe complémentaire d'un graphe
Gest formé du même ensemble de som- La preuve comp lète du théorème des
mets que Je graphe origi nal G, et une graphes parfaits fait intervenir! 'étude de
arête est présente entre deux sommets nombreux cas particuliers et est très
si, et seu lement si, il n' y en ava it pas complexe. U est cependant possible d'en
dans G . saisir l'intuition générale . L' idée de base
Enfin, le graphe adjoint d'un graphe G est de chercher un « théorème de décom-
(ou line graph en anglais) est formé en position », c'est-à-dire une méthode qui

Hors-série n• 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS Théorème des graphes parfaits

Graphes de Berne et algorithmique une certai ne méthode de construction,


• ou bien il possède une pro priété qui
Si les graphes cordaux et les graphes de Berge sont inten- permet de trouver un graphe de Berge
sément étudiés, ce n'est pas uniquement pour leur beauté strictement plu s petit qui con erve la
théorique intrinsèque. De très nombreux problèmes qu'on perfection du premier (ou sa non-per-
ne sait aujourd'hui résoudre qu'en temps exponentiel (et fec tion).
qui, sous des hypothèses raisonnables, pourraient le res- S ' il ex iste des graphes de Berge qu i ne
ter) peuvent être résolus rapidement sur ces classes. En effet, sont pas parfaits, on peut prendre un tel
et comme on l'a vu, le nombre chromatique et les tailles graphe de taille minimaJe, et e retrou-
des plus grandes cliques peuvent être rapidement déter- ver avec deux poss ibilités absurdes :
minés. Cependant, si le fait de reconnaître qu'un graphe • ou bien il est construit comme précé-
est cordal est un problème très simple (cela se fait de demment et e t parfa it ,
manière gloutonne en un temps proportionnel au temps • ou alors on peut construire un graphe
nécessaire pour lire le graphe), le problème de reconnaître de Berge plus petit et non parfai t (ou
un graphe parfait était conjecturé comme difficile, et poten- imparfa it), ce qui contredit l' hypo-
tiellement exponentiel lui aussi. thèse de minimalité.
En fait, m ême après avoir achevé la première version de Ce qui ve ut dire qu ' il n'ex iste pas de
la preuve, les auteurs n'arrivaient toujours pas à trans- graphe de Berge imparfa it et pro uve le
former leur théorème de décomposition de façon à obte- théorè me !
nir un algorithme de reconnaissance - un procédé naturel Les aute urs voyaient potenti e lle ment
dans le domaine. Ce n'est qu'après plusieurs mois de tra- de ux métho des de pre uve : un e par
vail intensif (et avec l'aide de Gérard Cornuéjols, Xinming déco mpos itio n , l'autre à base de ra i-
Liu et Kristina Vuskovi) que les auteurs y parvinrent et trou- sonnements de programmation linéa ire,
vèrent le premier algorithme rapide de reconnaissance ! qui ava it déjà été essayée sans succès
Les graphes parfaits ont ainsi une application supplémen- par plu sie urs co ll èg ues . Un pre mi er
taire en programmation linéaire. Dans ce domaine, on résultat prou vé par Alan Tuc ker était
cherche à optimiser une fonction donnée en fonction de que les graphes de Berge contenant K4
contraintes, tous les paramètres étant linéaires. Le pro- sont parfa its ; il suffisa it donc de mon-
blème général peut être résolu rapidement car il revient à trer le résultat dans le ca implifié des
trouver le « meilleur » sommet d'un polytope convexe de graphe ne contenant pas K4 . Même si
haute dimension, l'inconvénient étant que ce sommet n'est ce problème est en apparence plu impie,
pas toujours à coordonnées entières. Si on se restreint à il ne déboucha pas, et il fal lut repartir de
des coordonnées entières, on se retrouve à nouveau dans zé ro pour tro uver une décompos iti on
un calcul potentiellement exponentiel. L'intérêt des graphes originale. Après un certain temps , cette
parfaits est que l'on sait que leur polytope convexe associé idée fut également abando nnée au pro-
ne possède que des sommets à coordonnées entières, garan- fit d ' une autre approche : la présence
tissant des calculs rapides dans tous les cas. d'une décomposition (ou au moins d' une
propriété) contredi sant la minimalité.
Une te lle décompos ition aurait permis
permette de construire tous les graphes de di poser d 'un algorithme de construc-
de Berge, et seulement ceux-ci. La vraie tion des graphes de Berge, ce qui n'ex iste
preuve repose e n fa it sur un princ ipe toujour pas.
légèreme nt différent : les auteurs prou- La pre uve actue lle, do nt les grandes
vent le résultat sui vant pour tout graphe lignes sont esquissées ci-après, e t beau-
de Berge G . coup plus épurée que la pre mière ver-
• Ou bien G est construit à partir de cer- sion : l' une des contributions de Maria
tains graphes de Berge plus petits avec Chudnovs ky a ju ste me nt co nsisté à

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

réd uire le nomb re de c lasses e t de ment deu x graphes bipartis complets


méthodes de décomposition . Le lon g ou leur complémentaire,
travail des auteurs (deux ans et demi pour • il admet une décomposition oblique
la première pre uve, ci nq ans pour la équilibrée, c'est-à-dire une décompo-
vers ion simplifiée et l'a lgorithme de sition en deux ensembles E 1 et E 2 tels
reconnaissance) sera finalement récom- que E 1 ne oit pas connexe et E 2 soit
pensé en 2009 par le pri x Fulkerson. le complémentaire d ' un graphe non
La preuve fa it intervenir c inq types de connexe, avec des contraintes de taille
graphes élémentaires dans la décompo- sur E 1 et E 2 •
sition : le graphes bipartis et leurs com-
plémentaires , les graphes adjoints de E
graphes bipart is et leurs co mpl é me n-
tai res, et les graphes fe ndu s do ubl es
(doub le split graphs en ang lais). Les Un graphe biparti.
graphes bipartis sont constitués de deux
ensembles de sommets et d' un ensemble
d'arêtes all ant d ' un ensemble à l'autre.
Comme il suffit de deux couleurs pour
colorier un graphe biparti (vu qu ' il n'y
a aucune arête à l' intérieur de chac un 1
des deux ensembles), ces graphes sont par- •
faits. De plus, la plus grande clique pré-
ente dan un graphe biparti e t K2 car
un ensemble de plu de troi ommets en
possède fo rcément deux dans un même
ensembl e, et ceux-c i ne pe uvent ê tre
reliés. Donc un sous-graphe d ' un graphe
biparti ou bie n est dénué d 'arêtes (et Le premier type de décomposition :
coloriable avec une unique couleur), ou on a bien deux sous-graphes ABCD et
bien contient une arête, donc K2, et néces- EFGH, et les arêtes entre eux
site deux couleurs. Deux théorèmes de correspondent aux deux graphes
Dénes K6nig permettent de montrer la bipartis complets (AB:F) et (CD:EGH).
perfection des adjo ints et complémen-
taires. Les graphes fe ndus doubles sont Le point final est un lemme (conjecturé
une créat io n des aute urs à part ir des par Yasek Chvâtal) disant que tout graphe
graphes fendus, ces graphes qui sont par de Be rge imparfait et adme ttant une
définition simultanément cordaux et com- décomposition oblique équilibrée n'est
plémentaires de graphes cordaux. Les pas minimal. La preuve se trouve ainsi ...
graphes fendus peuvent être décompo- bouclée !
sés en une clique et un ensemble indé- N.K.B.
pendant, potentiellement re liés par des Références
arêtes. Les auteurs montrent que tout • How the proof of the stro11g pe1fect graph co11jecture wasfou11d. Paul
graphe de Berge possède l' une au moins Seymour, Gazelle des 111athématicie11s 109. 2006 .
des deux propriétés sui vantes : • The stro11g perfect graph theorem. Maria Chudnovsky, e il Robertson,
• il es t décomposable e n deux so us- Paul Seymour et Rob in Thomas. A1111als of Math ematics 164 , 2006 .
graphes H I et H 2 te ls que les arêtes • A characterizatio11 of perfect graphs. Laszl6 Lovasz. Joumal of
entre H I et H2 (et leurs extrémités) for- Combinarorial Theory 13 (2). 1972 .

Hors-série n° 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par François Lavallou

Cliques et théorème de Turiln


Le théorème de Turân est un des théorèmes fondamentaux
de la théorie des graphes. Redémontré de nombreuses fois
sous différentes formes, il inaugure la théorie extrémale des
graphes, une nouvelle branche de la théorie combinatoire des
graphes.

e monde des graphes possède de Mantel (voir en encadré) précise

L son vocabulaire propre. Le cé-


lèbre théorème de Turan mo-
bilise principalement les notions de
qu ' il en sera ainsi pour G si le nombre
d 'arêtes est supérieur ou éga l à 11 2 / 4.
Plus généralement, quel est le nombre
cliques, de degré et de graphes extré- maximal d'arêtes qu ' un graphe simple
maux. Considérons un arbre simple G . sans µ-clique peut contenir ? Ce pro-
On peut écrire G = (S, A) aves S = {s 1, blème, qui apparaît souvent en théo-
s 2 ... s,,} l'ensemble des sommets de rie des graphes, a été résolu par Paul
G et A l'ensemble des arêtes de G, de Turan en 194 1.
cardinal a. On peut représenter l'en- Une façon naturelle d'obtenir des
semble des vérités mathématiques graphes qui répondent à la contrainte
comme un graphe dont les sommets posée est de considérer les sommets ré-
sont des propositions et les arêtes des partis en p - 1 sous-ensembles di sjoints
liens logiques. Une démonstration est Sk de nk sommets, et en ne reliant par
ainsi un chemin entre une proposition une arête que les sommets appartenant
hypothèse et une proposition conclu- à des sous-ensembles différents. On est
sive, et l'on va suivre ici deux de ces ainsi certain de n 'avoir, au max imum ,
chemins qui mènent au théorème de que des cycles de longueur p - 1 pour
Turan. ce gra phe, noté K .... ,..... ,, qui est une
généralisation des graphes bipart is.
Des triangles dans les graphes Pour le graphe biparti K . ... , , le nombre
d 'arêtes est de la forme a= n 1n 2, avec
Le graphe G étant simple, il ne contient la contrainte n 1 + n2 = n, où n e t le
pas de cycle. En particulier, aucun nombre de sommets de K . ... ,. Par sy-
triangle ne peut en être extrait comme métrie, le produit de de ux nombres de
sous-graphe. En gardant les mêmes somme constante est maximal quand
sommets, l'ajout d 'arêtes va com- ces nombres sont égaux . Pour un
plexifier le graphe et un triangle (ou nombre de sommets pair, a= 11 2 / 4, et si
une 3-clique) va finir par apparaître n = 2m + 1, a= m (m + 1) = (n 2 - 1) / 4.
comme sous-graphe de G. Le théorème Pour les mê mes raison , le nombre

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

max imal d ' arêtes du graphe K .,.•,..•,,


est obtenu lorsque les nombres n 1,
n, . .. n 1 sont égaux, ou presque.
- P-
Ces graphes K.,.•,... •,, pour lesquels
In;- ni 1::S 1 pour tous i et j sont ap-
pelés graphes de Turan.

Le graphe
K2,2,3.

Dans le cas particulier où les sous-en-


sembles Sk ont la même dimension
nk = n / (p - 1) = m, le nombre maxi-
mal d' arêtes entre deux d 'entre eux est
alors m 2. Puisqu ' il y a (p - l )(p - 2) / 2
couples de sous-ensembles, le nombre
max imal A d ' arêtes pour un tel cas est
donc m 2(p - 1)(p - 2) / 2, so it :

~ 1 ) . Le théorème de
2

A= ; ( 1- p
Turan affirme que cette expression,
obtenue dans ce cas particulier des
graphes Turan (vo ir en encadré) , est la
valeur maximale du nombre d 'arête
d' un graphe den sommet ne compor-
tant pas de p-cl iques.

Si p = 2, il n'existe aucune arête et on


a bien A = O. Pour p = 3 et p = 4, des
preuves particulières se trou vent en en-
cadrés en fin d'art icle. Pour le cas gé-
néral, il est poss ible de produire deux
preuves hongroises par récurrence.
Turan nous donne une première dé-
monstration de son théorème éponyme. 1 - _l ::S 1 - - 1- et on a bien
n p- 1
Pour 11 sommets, il y a au max imum
~ 1) ; ~
2

(;) = n(n - 1) arêtes, et donc : a ::S ( 1 - p • Pour n p,


2
un graphe G avec un nombre maxi-
~);
2

a ::S ( 1 - • L'ab ence de mal d ' arêtes contient au moins


une (p-1)-clique C , qui contient
p-cl ique
11 5 p
est
1.
garantie
Dans ce
pour
cas,
ac=(P; 1) =(p- l ~p-2)
Hors-série n°54. Les graphes Tangente
SAVOIRS Cliques ...

a :S ( 1 - p ~
2

arêtes. On va maintenant déterminer faits, donne ); .


1
le nombre d 'arêtes 0'. 0 de l'ensemble
D des ommets restants, et le nombre Ainsi, e n effectuant la récurrence sur k
d 'arêtes O'. c.o entre Cet D. tel que (p - l )k < n s (p - l )(k + 1), la
propos ition , vraie pour k = 0 et k = 1,
Pour p - 1 < n s 2(p - 1), l'ensemble D est dé montrée pour tout couple (n, p).
c D po sède n - p + 1 s p - l sommets, et
2
La seconde pre uve, due au grand po-

donc a 0
< ( 1 - p _J
_
) (n - p + 1) seur de problème devant l' Éternel, le
1 2 Hongrois Pal Erdôs, utilise la structure
Puisque G est san s p -clique, chaque des graphes de Turan . Le graphe G
sommet de D est au maximum étant fini, il ex iste un sommet m dont le
adjacent à p - 2 sommets de C, et donc
degréestmaxi mal: d(m) = maxd(u) .
O'. c.o s (p- 2) (n - p + 1). Au bilan final, uES

O'. = O'. c + O'. c.o + 0'. 0 , ce qui , tous ca lcul Notons M l'ensemble des d(m) om-

Le théorème de Mantel d'autres sommets peuvent exister et on a


donc d(u) + d(v) s n. On en déduit que :
Le mathématicien néerlandais Heiko Man- L (d(u)+d( v )) :S na. Puisque d(u) est
tel a prouvé le résultat suivant : un graphe u.-ve A

G à n sommets sans triangle possède au pris en compte pour chacune des d(u)
plus n• / 4 arêtes. arêtes partant du sommet u (quelconque),
En voici une première preuve : puisque G cette quantité apparait d(u) fois dans la
est sans triangle, les voisins d'un sommet somme,d'où L (d(u)+d( v ))= Ld 2 (1t).
ueS
forment un ensemble indépendant ; on
note x la taille de l'ensemble indépendant En s'inspirant des
maximal X. On a donc d(u) s x pour tout définitions en sta-
sommet u. En comptant les y = n - x arêtes tistique de l'espé-
ayant leurs extrémités dans le complémen- rance et de la va-
taire Y de X dans S, on obtient : riance (toujours
< ""d( u ) <
a -w _xy <
_ (X+2 y )2-- Jr_4 . positive ou nulle),
on obtient:
uEY
I:d(u)]'
On a utilisé une inégalité algébrique clas- L [d ( u )- uES n
sique, qui exprime que la moyenne géomé- uES

trique est inférieure à la moyenne arithmé- = ~~ d ( u )2-n ~ d ( u )]22: o.


1 [~
tique, l'égalité ayant lieu quand x = y .
L'égalité a donc lieu si n est pair (n = 2X), et
G est alors le graphe complet biparti Kx.x· La première inégalité devient alors :
Voici une seconde preuve : pour une arête
u-v quelconque, les sommets liés à u et
ceux liés à v sont indépendants puisque le
graphe ne contient aucun triangle. Dans
1.
2
le cas minimaliste de la figure ci-dessous, on en tire la relation cherchée : a :S
on a d(u) + d(v) = n. Dans le cas général,

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

mets adjacents à met N l'ensemble des


autres sommets, dont m. L'ensemble les graphe san 4-clioue
M ne contient pas de (.p - 1)-clique,
car dans le cas contraire elle formerait
Un graphe fini simple Gest constitué d'un ensemble
avec le ommet m une p-clique de (S, S de cr sommets et d'un ensemble A de a arêtes.
=
A), avec S M U N.
Puisqu'à chaque arête correspond deux sommets,
la somme des degrés des sommets est le double du
En partant du nombre d'arêtes : L d( s) = 2a. Ce résultat élé-
,es
graphe G = (S, A),
on construit le
mentaire a d'intéressantes conséquences.
=
~
graphe H (S, A') ,
où A ' est constitué
des arêtes de M, de un, 4-dôqu,, ..............
toutes celles pos-
sibles entre M et
N, et d 'aucune de Pour un graphe à n sommets sans 4-clique, dénom-
N. L 'ensemble N
brons le nombre U de sous-graphes correspondant
est donc indépendant dans H. Par
construction, aucune p-clique n 'appa- à une alternative de type / \ . Un sommet u est le
o
raît dans H. En notant (u) le degré du
point de convergence de d (u) arêtes, et donc le som-
sommet u dans H, on a c5(u) ~ d(u)
pour u U M, puisque l'on a ajouté des
met de d(u)(d(u) - 1) / 2 tels embranchements.
liens avec les sommets de N. De même, On a alors U = :Z:::: d(u)( d(u)- 1)/2. D'autre part,
.. es
cette construction de H implique que
o(u) = d (m) ~ d(u) pour u U N. Donc,
deux sommets quelconques, parmi les n (n - 1) / 2
globalement, on a aH ~ a 0 , et l'on peut couples possibles, ne peuvent avoir plus d'un élé-
conclure que, parmi tous les graphes G ment en commun pour éviter de constituer une
ayant un nombre d ' arêtes a 0 maximal , 4-clique, ce qui implique U :5 n (n - 1) / 2. Par suite,
il doit y en avoir un qui a la forme de H. Ld(u)( d(u)- 1) $ n(n- 1). Tous calculs faits,
ueS
Comme il a été évoqué, tout graphe
construit sur Ma au plus autant d 'arêtes
on obtient l'inégalité suivante :
qu ' un graphe convenable du type 4a 2 - 2na - n2 (n - 1) :5 o,
K.,.•,...• ,, . En prenant nP- 1 = N, on a :
a c $ a 11 $ a(K .,.•,......,.•,J, d 'où le ce qui fournit a $ [ ~ ( 1 + ./4n - 3)] où [x] désigne
résultat cherché d ' après ce qui précède
sur les graphes de Turan .
la partie entière de x. Cette majoration est meilleure
que celle donnée dans le cas général pour n > 3, et
Il suffit donc d ' avoir plusieurs cordes lui est égale pour n = 3.
adjacentes à son arc pour que le che-
mins vers le sommet de la connai - couleur , et s'il y a erreur, ce n'est pas
sance s'enchaînent, degré après de- graphe ...
gré ! L' important est de rester simple, F.L.
d 'être complet à défaut d ' être parfait,

I
de devenir indépendant de la clique des RÉFÉRENCE
bipartis , de ne pas tourner en boucle, Raisonnements divins. Martin Aigner et Günter Ziegler,
de savoir s'arrêter pour reprendre des Springer-Yerlag, 2013.

Hors-série n°54. Les graphes Ta.n9ente


SAVOIRS par É. Janvresse & T. de la Rue

la formule d'Euler
et les solides de Platon
Comment une formule découverte par le génial Leonhard
Euler au XVIIIe siècle permet de vérifier que les Grecs de
l'Antiquité n 'avaient oublié aucun solide platonicien ...

'attirance esthétique pour la tant de chaque ommet e t constant.

L symétrie fut sans doute un guide


pour les philosophes grecs qui
firent reposer leur conception du monde
L'exemple le plu s connu d ' un tel soli-
de est le cube, dont les six faces sont
des carrés et dont chaque sommet est
sur cette idée. En effet , il pensaient I' uni- atte int par troi s arêtes. Ain si, le fe u
vers constitué à partir de quatre éléments était représenté par le tétraèdre (quatre
de base, le feu, l'air, l'eau et la terre. À faces triangulaires), l' ai r par l'octaèdre
chacun d 'eux était associé un polyèdre (huit faces triangulaires), l'eau par
régulier convexe, qui est une figure dans l'icosaèdre (v ingt faces triangulaires) et
l'espace dont toutes les faces ont des la terre par l'hexaèdre (le cube).
polygone régulier identique (par Ma is Thééthète, un contemporain de
exemple des triangles équilatéraux, des Platon, découvrit l'ex istence d ' un cin-
carrés ... ) et dont le nombre d'arêtes par- quième solide régulier, le dodécaèdre
(dou ze faces pentagonales) . Dans son
dialogue le Timée, Platon introduit
alors, après avoir distingué les quatre
« fi gures cosmiques » habituelles, un
cinquième é lément (!), l'éther, qui
serait la matière rempli ssant l'espace
au-delà de l' atmosphère .

Heureusement les Anc iens n'auront


plus à remettre en cause leur vision de
l' Uni vers. En effet , il n 'existe que cinq
polyèdres réguliers convexes, aujour-
d ' hui appelé solides platoniciens.

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

la formule d'Euler Le feu était représenté par le tétraèdre,


l'air par l'octaèdre, l'eau par l'icosaèdre
Pour le montre r, le plus é lé me ntaire est
d ' utili er une formule due à Eule r : s i
et la terre par le cube.
l' on no te a le nombre d ' arêtes, f le
nombre de faces et s le no mbre de som- On en déduit que le terme entre paren-
mets, alo r o n a la relatio n sui vante : thèses est stricte me nt pos iti f, ce qui
s+J-a=2. pe ut se mettre o us la fo rme sui vante :
Po ur un so lide pl atonic ie n , to utes les
face o nt le mê me no mbre n d 'arêtes et, (n - 2 )(p - 2) s 4 .
comme chaque arête est commune à
deux faces , on a : Or, une face possède au minimum tro is
2a = nf. arêtes, donc n vaut au moins 3. Par
De plus, de chaque sommet partent le ailleurs, on trouve au moins deux arêtes
mê me no mbre p d 'arêtes et une arête qui partent de chaque sommet, mais le cas
joi nt toujours deux o mmets. On pe ut p =2 correspond simplement au cas où le
donc e n déduire la relatio n sui vante: solide est une figure plane (un polygone
2a =p S. régulier). On ne s' intéresse donc ici
Ces propriétés et la fo rmule d 'Euler qu'aux valeurs de p supérieures ou égales
nous permettent d 'écrire: à 3. L' inégalité ci-dessus implique alors
que n et p ne peuvent prendre que les
22.. + 22.. - a = 2. valeurs 3, 4 ou 5. Il suffit donc d'exami-
p n
ner le 3 x 3 = 9 cas po sibles restants .
En multipliant par n p , o n o btient : Quatre de ces cas sont à écarter, car ils
a (2n + 2p - n p) = 2 n p. conduisent à des valeurs de (n - 2)(p - 2)
supérieures ou égales à 4. Il 'agit de ceux

Hors-série n°54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS La formule d'Euler...

Les solides de Platon et leurs graphes planaires. (hexa = six) mais nous préférons l'ap-
où n. et p sont égaux à 4 ou 5. Il ne reste peler cube.
plus que cinq possibilités.
n= 5, p= 3
n= 3, p= 3
D'après les formules précédentes, on
D' aprè les formules précédentes , on a obtient a= 30, s = 20 etf = 12 . Les
a = 6, s = 4 etf = 4. Les Grecs fon- Grecs le nommaient dodécaèdre (ckxléca
daient leur terminologie sur le nombre = douze).
de faces, c'est pourquoi ce solide est Le couple (n., p) correspondant à chaque
appelé tétraèdre (tétra = quatre) . polyèdre s'appelle symbole de Schltifli.
À chaque fois que (n., p) apparaît
n= 3, p= 4 comme symbole de Schlafli d ' un soli-
de platonicien , on trouve aussi le
D'après les formules précédentes, on couple inversé (p, n.). Ce n'est pas un
trouve a = 12 , s = 6 et f = 8. Les hasard : à partir d' un polyèdre donné, on
Les solides
Grecs le nommaient donc octaèdre (octo peut toujours construire un nouveau
de Platon et
leurs graphes = huit). polyèdre , appelé polyèdre dual, dont
planaires. les sommets sont au centre des face du
n= 3, p= 5 premier. li a le même nombre d'arêtes
mais les nombres de sommets et de
D'aprè les form ules faces sont inversés. Le dual d'un solide
précédentes, a = 30, platonicien est encore un solide plato-
s = 12 et f = 20. nicien. Le dual du tétraèdre est un
Les Grec le nom- tétraèdre.
maient icosaèdre
(icosi = vingt). É. J. & T. R.

W
n= 4, p= 3
l616re1c1
D 'apres le formules
précédentes, a = 12 , http://mathworld.wolfram.corn/
s = 8 et f = 6 . Les PlatonicSolid .html
Grecs le nommaient hexaèdre

Ta:ngente Hors-série n°54. Les graphes


par François Lavallou EN BREF

Le théorème de Ktivari-Sos-Turan
Une questio n clas igue e n théorie extré male des gra phes est de dé te rmine r le
no mbre max imal d 'arête d ' un g raphe simple G à n somme ts qui ne contie nt
pas de sous-graphe H de type donné . C'e tune générali ation du théorè me de
Turan (voir l'article qui lui est consacré dan ce dossier) po ur lequel H = K p ,
le graphe comple t à p sommet . Un exemple en est le théorè me de Ko vari-
S6s-Turan, qui stipule que si le graphe simple G = (S, A ) à n sommets de S et
m arêtes de A ne contient pas K 2_,, avec r ~ 1, alors :

m~ ~(J4(r- l )(n- 1)+ 1 + 1). Les graphes ~ .r·

Inté ressons-no us au cardinal (ou no mbre d 'é lé ments) IEI de l'ensemble E des
sommets (u, v, w) de G te ls que u-v e t u-w soie nt des arêtes de A (voir la fi -
gure). Po ur un sommet u de degré d(u), il ex iste autant de config uratio ns c her-

chées que de couples poss ibles parmi d( u) é lé ments, soit ( d~u )} , d 'où :
V w
I E= L (d(u))
1 = ~ [I: d (u)- L2
d(u) ].
2
ue S uE S ueS

D 'autre part, chaque couple de sommets de S, parmi les (; ) possibles, ne peut avoir plu s de r - 1

voisins communs. On a do nc JE J .:S (r - l)~(n- l), soit Ld2 (u)- L d(u) ~ (r - l)n( n -1).
ue S ueS

2
Puisque L d(u) = 2m, et que, par l' inégalité de Cauc hy-Sc hwarz, 4m 2 = (L d(u)) .:S (L d 2 (u)),
11 ES ueS uES

2 2
on obtie nt : 4m s (r - 1) n (n - 1) + 2nm. Cette inégalité du second degré fo urnit le résultat c he rc hé :

m ~ ~ (J 4 ( r - 1)( n - 1) + 1 + 1).
Ce théorè me est souve nt utili sé e n géomé trie discrète po ur borne r le incide nces e ntre di ve rs types
d ' objets géométriques.

Alfréd Rénvi et Vera Sos


Les contributions du Hongrois Alfn.'·. d Ri·nyi (19:11 - 1970) sont principall'ment en thèo-
rie des probabiliti·s. l'Ombinatoire l'l thi·orie des graphes. Il fut Il' l'O-auteur de Pùl Erdiis
dans trente-deux articles. Ensembk. ils l'l'l'l'H'llt la notion de yl'Clphe "'é"toil'e en 1959.
Ce conn·pt dl· graphes gi·nfri•s par un processus ali·atoire est actm•llement un domaine
de redwrclw trl'S ffrond. Ri·nyi a aussi donnt' son nom ù une entropie en thi·oril' de l'in-
formation, l'i apporta sa contribution ù la thi·orie analytique des nombres (conjecture de
c;oldhach l'i thi·orie du crihk ).
Vera S{is ( nfr l'll 19Jo) est une spi•cia I istl' de thi•orie des nom hres l'l de comhi natoire. Elle
fut une l'Ollahoratrice d'J·:nliis l'i de Ri·n:d. l'l de son mari Pùl Turùn. Deux de Sl'S l'l'Sttl-
tats, le tl1i•orl'llll' de Kii\'ari - Sùs - Tur;'111 l'l Il' thforL•me de J'amitit'. di•montrè a\'l'c Erdiis
et Ri•nyi, sont dt•\·l·loppi•s dans Cl' dossier. Elle reçut Il' prix Szfrlwnyi en 1997. En thforie
des nombres, elle di•mon t ra k· « t ht'.·ori•ml' des trois longueurs » . l'onjectu d• par II ugo
StL>i n ha us.

Hors-série n°54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS par Jean-Jacques Dupas

Le polyèdre de csaszar
Un monstre topologique
La célèbre formule d'Euler appliquée à un graphe complet
bien choisi permet d'imaginer qu'un polyèdre à sept sommets,
vingt et une arêtes, quatorze faces triangulaires et un trou
pourrait exister. C'est le polyèdre de Csâszâr ! Cet objet per-
met de résoudre des problèmes ardus de combinatoire.

n graphe est complet lorsque Il est aisé de construire ces objets par

U tout sommet est relié par une


arête à tous le autres som-
mets. L'ordre de ce graphe est alors
récurrence : à partir du graphe com-
plet d 'ordre 11 , on construit le graphe
complet d 'ordre n + 1 en ajoutant
le nombre de sommets. Le graphe un sommet, et depuis ce sommet on
comp let d 'ordre l ne possède qu ' un « lance » des arêtes vers tous les som-
sommet , celui d 'ordre 2 ne possède mets précédents. C'est ainsi que Lud-
que deux sommets (reliés par une wig Schlafli a construit les simplexes
arête), et celui d 'ordre 3 possède troi s de dimension 11 : on part du triangle (de
sommets (reliés par trois arêtes). De dimension 2), que l'on appelle dans ce
manière générale, le graphe complet contexte a 2 . Son graphe complet est
d 'ordre n possède n sommets, reliés par d ' ordre 3. On ajoute un sommet dans
n (n - 1) / 2 arêtes. la dimension supérieure (l'e pace) et
on relie ce sommet au triangle par trois
arêtes : on obtient le tétraèdre, ou a 3 ,
Les graphes complets possédant dont Je graphe a ocié est le graphe
de un à cinq sommets. complet d 'ordre 4. En ajoutant un som-
met dans la quatrième dimen ion et en
le reliant par des arêtes au sommet du
tétraèdre, on obtient l' hyper-tétraèdre,
• • • ou <\, et ainsi de suite .
Le géomètre américain H.S.M. Coxe-
ter a montré qu ' un simplexe de la di-
mension n (dont le nom technique est

Ta:n.gente Hors-serie n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

a,,) peut se projeter sur le plan en un suit : S + F - A = 2 - 2T , avec T le


polygone régulier à n + 1 côtés. Donc no mbre de trou . Cette formule indique
le tétraèdre, de symbole a 3 , peut être qu ' il pourrait ex ister un polyèdre à sept
projeté en un carré du plan. De même, sommets, vingt et une arêtes, quatorze
l' hyper-tétraèdre, de symbole a 4 , peut faces triangulaires et un trou. Mai s un
se projeter en un pentagone régulier. tel monstre topologique ex iste-t-il ? Le
mathématicien hongrois Akos Csaszar
(né en 1924) a le premier ex hibé un tel
polyèdre.

Structure du polyèdre de
Csâszar. li peut être .....e~~~~~~~~~t~
-;
..;
colorié de deux couleurs
O" - - - ~ - - - '=
à la façon d'un échiquier.
Le polyèdre, qui se projette sur le plan
suivant un pentagone, est une projection
tridimensionnelle d'un hyper-tétraèdre
quadridimensionnel.

Un échiquier aquatorze cases

Quittons ces eni vrantes dimensions


supérieures pour revenir dans notre
monde à trois dimensions : le graphe
d' un polyèdre peut-il être complet ?
C'est déjà le cas du tétraèdre. Un
moyen efficace de rechercher de te ls
polyèdres est d' utiliser la formule d 'Eu-
ler : S + F - A = 2, avec S le nombre
de sommets, F le nombre de faces et
A le nombre d 'arêtes du polyèdre. En
effet, dans le cas d ' un graphe complet,
A = S (S - 1) / 2 et F = 2A / 3 puisque
les faces sont des triangles, ce qui four-
nit S + S (S - 1) / 3 - S (S - 1) / 2 = 2.
En simplifiant, on aboutit à l'équation
=
du econd degré S2 - 7S + 12 0, dont
les deux solutions sont S = 3 (corres-
pondant au triangle) et S = 4 (corres-
pondant au tétraèdre). Est-ce tout ? Il
semblerait que oui. Eh bien, non ! Car
en utilisant la formule d 'Euler, nous
avons supposé que le polyèdre est
simplement connexe et convexe. Si le
polyèdre possède des « trous », il faut
modifier la formule d 'Euler comme

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


SAVOIRS Le polyèdre de Csaszar...

À quoi cet objet mathématique peut-il on trouve une solution « orthogo-


être employé ? nale » . Une autre façon de trouver est
Un pensionnat de jeunes filles ne com- de numéroter les faces claire de 1 à 7,
porte plus que ept pensionnaires. et de numéroter les faces ombre de
Chaque jour, on envoie trois pen- I à 7 : les numéros des faces voisines
sionnaires faire les cour es. Pour être des faces claires fournissent une solu-
équitable, tous les binômes de fi lles ne tion, les numéros de faces voisines
doivent sortir qu ' une seule fois. Com- des faces sombres donnent une autre
ment faire ? La solution est simple, solution.
il suffit de la lire sur le polyèdre de
Csaszar ! Constituons les binômes :
Solution
pour la première fille, on di spose de Solution
orthogonale
sept choix ; pour la deuxième, six
choix. Cela fait quarante-deux paires 124 = 124 = 124 126 = 126 = 126
différentes, mais de la sorte on les a
comptées deux fois chacune. On ob- 235 = 235 = 235 237 = 237 = 237
tient donc vingt et un binômes, ce 346 = 346 = 346 341 = 34 1 = 34 1
qui évoque les vingt et une arêtes du
graphe : les filles sont les sommets du 457 = 457 = 457 45 2 = 452 = 452
polyèdre. Si l'on a colorié les faces du
561 = 56 1 = 561 563 = 563 = 563
polyèdre de Csa zar
alternativement
en faces claire et sombres, il suffit de 672 = 672 = 672 674 = 674 = 674
choisir les face claires ; les trois arêtes
des faces claires dés ignent trois som- 71 3 =7 13 = 7 13 71 5 =7 15= 7 15
mets, soit une solution. En fai ant la
même chose avec les faces sombres, Deux solutions orthogonales
du problème du pensionnat.

Question d ' organisation de tournoi ,


maintenant. Essayon de mettre en
place une compétition de bridge avec
huit équipe sur ept table en sept
rounds, de sorte qu ' une équipe ne joue
jamais deux fois contre une équipe
donnée et qu ' une équipe ne joue jamais
deux fois à la même table. Comment le
malheureux organisateur peut-il procé-
der ? Il construit une matrice de taille 8.
De manière analogue aux triplets de
jeunes filles, les numéros du binôme
sont les numéros des équipes qui e
rencontrent (le troisième numéro est
la colonne de la matrice). On cherche
le binôme dans la solution orthogonale
'iSICl:'li'i.\1' Dl·: JRIJ~l-.:S m.l.Ffl - Dohem 1P.-cle-C. 1 - Dortoir S.i111-J,'"eph
(le troi siè me numéro est le numéro de
colonne). Pui s, sur la diagonale, on

Tgngent:e Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

installe les rencontres de la huitième Si l'on colorie les cases de la matrice de


équipe avec les ept précédentes, dans Room qui comportent une rencontre,
l' ordre croissant. L' organisateur a sa et que 1' on ajoute une ligne et une co-
solution ! En termes techniques, on a lonne pleine, on reconnaît une matrice
constru it la matrice de Room du tour- d ' Hadamard (voir les Matrices, Biblio-
noi , d ' aprè le nom du mathémati- thèque Tangente 44, 2012) , mai cela
cien australien Thomas Gerard Room est une tout autre histoire ...
(1902- 1986), qui a étudié ce problème
dans les années 1950. La olution On le voi t, le graphe complet d'ordre 7
du problème était en fait connue au se trouve lié à de très nombreux pro-
x1x<siècle, mais a été oubliée. blème de combinatoire. li est fasci-
nant de con tater qu ' un objet a priori
Table 1 2 3 4 5 6 7 trivial , une configuration de sept
-
Round po ints tous reliés les uns aux
autres, soit aussi riche d ' ensei -
1 )! 5,7 3,4 2,6
gnement.
2 3,7 6, 1 4,5

3 5,6 4,1 ~ 7,2 J.-J. D.


4 6,7 5,2 4,J 1,3

5 2,4 7,1 6,3 -

6 3,5 1,2 7,4 6,ll

7 4,6 2,3 1,5 x

La matrice de Room (et d'Hadamard)


de l'organisation du tournoi de bridge.

RÉFÉ RENCES
• La formu le magique des polyèdres. Jean-Jacques Dupas, Leonhard
Euler, Bibliothèque T angente 29, 2005.
• Les polyèdres, le gang des Hongrois. Jean-Jacques Dupas,
Tangente 126, 2009.
• On the remarkable Csâszâr polyhedron and ifs applications in problem
solving. Martin Gardner, Scientific American, 1975 .
• A polyhedron without diagonals. Akos Csaszar, Acta Scientiarum
Mathematicarum 13, 1949- 1950.
• Euler'sformulafor polyhedra and related topics. Donald Crowe,
Excursions into Mathematics, Worth Pub, 1969.
• A New Type of Magic Square. Thomas Room, The Mathematical
Gazette 39, 1955 .

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Jean-Jacques Dupas

Diagrammes de Schlegel :
les polyèdres sont des graphes !
Le vocabulaire des polyèdres nous parle aussi de sommets et
d'arêtes. Alors, les polyèdres sont-ils des graphes ? Eh bien
oui, grâce aux diagrammes de Schlegel. La représentation de
polyèdres convexes sous forme de graphes permet de
résoudre de nombreux problèmes combinatoires.
a difficulté inhé re nte à l' étude n'aura pas d ' image. À tout po int de la

L des po lyèdres est que ce sont des


objets de l'espace à troi s dimen-
sio ns. C 'est l'espace dans leque l no us
sphère (un point rouge), sauf le pôle , on
as oc ie le po int du plan (po int bleu),
intersection du plan et de la droite (mauve)
v ivo ns. L a ma nipul ati o n me nta le de passa nt par le po int source (rouge) et le
po lyèdres ne devrait donc poser aucun pô le. Le pl an pe ut être que lconque à
problè me. L'expérience montre pour- condition qu ' il ne contienne pas le pôle.
tant qu ' il n'en est rien ... Heureu ement , En général, on cho isit par commodité
une solution existe pour transformer les un plan orthogonal à la ligne des pôles .
prob lè mes tr id ime ns io nn e ls e n pro- La projecti on sté réographique est en
blè mes bidimensionne ls : la projection généra l attribuée à Apo llonius de Perge
sté réographique . au mesièc le ava nt notre ère, ou à Hip-
parque . Le premier traité connu sur cette
Projection stéréographique projection est l' œ uvre de Pto lémée , au
rre sièc le. La projection stéréographique ,
qui a été beaucoup utili sée en cartogra-
phie, est la base théorique de l'astro-
labe , in strument mass ive me nt utili sé
pendant plus de mille ans.

Les so mmets des po lyèdres réguli ers


et e mi -rég uliers (vo ir les dé finiti ons
en encadré) se trouva nt sur une sphère,
il est très fac il e d 'e n fa ire une projec-
Projection stér éogr aphique des sommets d'un cube. tion stéréographique. Il ne re te plus qu ' à
re lier les projecti ons des sommets par
L' idée de la projection stéréographique les mêmes arêtes (vertes) qu i re lie nt
est de projeter une sphère sur un plan . les sommets (bleus) . On o btient pour
Pour ce fa ire, on choi sit un po int de la les pol yèdres rég uliers et se mi -régu-
sphère : le pôle (par exemple le point li e rs un g ra phe pl ana ire qui es t un e
bleu au sommet de la sphère). Ce sera bo nne image du po lyèdre : la structure
le seul et unique point de la sphère qui du po lyèdre est co nse rvée, avec ses

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


TYPES DE GRAPHES

faces (même s i e lles sont déformées


d u point de vue géométrique) et ses
Polvèdres réguliers
so mmet , où co n ve rgent le m ême et semi-réguliers
nombre d 'arêtes. C 'est Victor Schlegel
(1843-1905) qu i en a eu l' idée , et donc Les polyèdres réguliers, ou solides de Platon, sont les cinq
ces projections 'appe ll ent des dia- polyèdres qui vérifient les conditions suivantes :
grammes de Schlegel. • Ils sont convexes Oes contre-exemples sont les étoiles de
Poinsot- Kepler),
• Les faces, sommets et arêtes sont en nombre fini (les
contre-exemples sont les éponges régulières) ,
• Les faces sont un seul type de polygones réguliers convexes
(les contre-exemples sont les solides semi-réguliers),
• Les sommets sont équivalents Oe même nombre de faces
y convergent). Un contre-exemple est constitué de deux
Trois des cinq pyramides à base pentagonale collées suivant les penta-
solides de Platon : gones : il existe des sommets avec quatre triangles et des
le tétraèdre régulier, sommets avec cinq triangles.
le cube et l'octaèdre Il n'existe que cinq solides vérifiant ces conditions : le
r égulier. tétraèdre régulier, l'octaèdre régulier, l'hexaèdre régulier (ou
cube), le dodécaèdre régulier et l'icosaèdre régulier.
Si l'on relâche la contrainte « un seul type de polygones
réguliers convexes » en « polygones réguliers convexes » ,
on obtient les polyèdres semi-réguliers :
• Une infinité de prismes réguliers,
• Une infinité d 'anti-prismes réguliers,
• Treize solides dits archimédiens.
De gauche à droite, le diagramme de Les polyèdres réguliers et semi-réguliers sont inscriptibles
Schlegel du tétraèdre, du cube à la sphère.
et de l'octaèdre.

On choisit en général un pôle au-de -


sus du centre d ' une face. Tout le poly-
èdre va donc se projeter à l'i ntérieur de
cette face, étant entendu que la projec-
tion de la face près du pôle est exacte-
ment l'extérieur de cette face. Par exemple, De gauche à droite, deux des cinq solides de
pour le tétraèdre (voir la fig ure précé- Platon , le dodécaèdre r égulier et l'icosaèdre, et le
dente , à gauche), le plan est bien d iv isé
en quatre régions : une région infi nie et
trois régions à l'intérieur du grand tri-
ang le, qui correspo nde nt aux q uatre
faces du tétraèdre. Pour le diagramme de
©~ @
grand rhombi-cuboctaèdre, polyèdre archimédien.

Schlegel du grand rhombi-cuboctaèdre,


le pôle a été placé au-dess us d ' une face
octogonale. Pour le polyèdre emi- De gauche à droite, le diagramme de Schlegel
réguliers, on aura autant de diagrammes du dodécaèdre, de l'icosaèdre et du grand
que de type de faces. rhombi-cuboctaèdre.

Hors-série n• 54. Les graphes Ta.ngent:e


SAVOIRS Diagrammes de Schlegel

Une solution du jeu icosien : le chemin


rouge passe par tou les ommet
une seule fois sans jamais emprunter
deux fois la même arête (un chemin
hamiltonien ne passe pas forcement
par toutes les arêtes).

Un ami d ' Hamilton , John G aves, lui


suggéra d 'en faire un jeu. L'objet sera
vendu 25 livre à la ociété John Jacques
& Son en 1859, qui ! 'éditera ous deux
formes : un dodécaèdre où un lacet devait
Les diagrammes de Schlegel présentent relier le ommets du dodécaèdre maté-
l' intérêt d ' être plus faciles à manipuler riali sés par des pion s, et un modè le à
que les polyèdres eux-mêmes. Si l' on plat reprenant le diagramme de Schle-
cherche un coloriage du dodécaèdre régu- gel du dodécaèdre où les pions repré-
Iier en quatre couleurs , plutôt que d ' ima- sentent vingt villes du monde (d 'où le
giner e t vi uali se r l 'o bj e t , on va se titre du jeu, Around The World). Il ex i te
concentrer sur son diagramme de Schle- trente solutions qui respectent la symé-
gel ! De même, les problèmes de dualité trie du dodécaèdre .
et de troncature sont facilités en passant Les diagrammes de Schlegel transforment
par le diagramme de Schlegel. un polyèdre convexe en graphe, ce qui
Le jeu icosien est lui aus i plu s faci le à implifie nombre de problèmes de com-
résoudre ainsi . Inventé en 1855 par binatoire. Ils e révèlent plu utiles encore
William Rowan Hamilton , le jeu consiste pour étudier les polytopes (I 'équivalent
à trouver un chemin parmi les arêtes des polyèdres en dimen ion 4) , qui se
d'un dodécaèdre pour passer une seule tran forment ainsi en a emblages de
fois par tous les vingt sommets, en reve- polyèdres tridimensionnel .
nant à son point de départ , sans passer J.-J. o.
deux fois par la même arête. Ce type de
chemin deviendra hamiltonien. Comme Références
on parcourt Je vingt sommets, Hamil- • Dimensions: une promenade mathématique.
ton Je bapti a icosien (ico signifie vingt Film d isponible gratuitement en ligne. 2008.
en grec, mais on parcourt bien les som- • Marh emarical Recrearions and Essays . Walter
mets d ' un dodécaèdre régulier, et non pas William Rouse Ball et Harold Scott
d ' un ico aèdre !). MacDonald Coxeter. Merchant Books, 2008 .

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


ACTIONS par Francis Casiro

la fourm
et le problème du uoyageur de commerce
Certains problèmes de mathématiques ont des solutions
évidentes mais irréalistes en termes de temps de calcul. Peut-
on alors trouver des solutions efficaces, des algorithmes
rapides et universels ?
n "oJageur de commerce veut

U se rendre dans un certain nombre


de villes. Afin d'établir son iti-
néraire , il consulte une carte où figu-
rent le distances entre les villes. Il doit
trouver le chemin le plus court reliant
toutes les villes et qui le ramène à son
point de départ (une ville , à l'exception
de la première, ne pouvant être visitée
qu'une seule fois) .
Notons Yi, V2 , ... V11 les villes de sa
tournée. Partant de V 1, un itinéraire se
résume à une permutation des n - 1 villes
V2 , V3 , ... V11 , le circuit ainsi déterminé
ayant deux sens de parcours. Il existe
donc finalement [(n - 1) !) /2 itinéraires
à considérer dès que n > 2. de calcul tout à fait déraisonnable.
Pour n = 10 , le nombre d'itinéraires à
Les solutions éuidentes explorer -vaut 181440. À raison d ' une
seconde de calcul par chemin , le temps
Une solution évidente vient immédia- de résolution dépasse cinquante heures .
tement à l'esprit : tracer tous les che- Pour les grandes valeurs den, une for-
mins possibles, mesurer leur longueur et mule due à Stirling donne une bonne
choisir celui qui est le plus court (il n'y approximation de l'ordre de grandeur
a aucune raison que la solution trouvée den! :

J
soit unique ; plusieurs chemins opti-
maux peuvent avoir la même longueur). n ! ,. ~2mr ( ~
Cette méthode souffre d'un défaut réd-
hibitoire : dès que le nombre de villes Une tournée passant par cent une villes
est élevé, la résolution du problème du néces ite l'examen d'un nombre de
voyageur de commerce requiert un temps parcours de l'ordre de 10 157 (environ

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


• • >

VIE QUOTIDIENNE

100 !) ; de quo i fa ire to urne r un o rdi - Les spéc ia listes du problè me sont pes-
nateur pe rsonne l pe ndant plus ieurs mil - s imi stes ; toutes les solutions ex ac tes
li ards d 'années! e nvisageables, prédisent-ils, seront , pe u
Une autre méthode« intuiti ve», née de ou prou , des avatars de la re che rche
l'expérience du terra in , consiste à choi- exhausti ve. Le voyageur serait condamné
sir, à chaque étape, la ville la plu proche à e rre r é te rn e l le me nt , impui ss ant à
parmi celles qui n'ont pas été déjà visi- ré o udre un problè me échappant à l'en-
tées. Ce procédé, s' il élimine les parcours te nde me nt huma in .
les plus longs, n'assure en rien , au fi nal,
la découverte de la me ille ure o lutio n . Des solutions approchées
Ainsi sur l 'exemple sui va nt , le parcours
tracé en rouge à l'aide de l'algorithme de S ' il est illusoire de che rc he r des solu-
« la ville la plus proche», de longue ur tio ns exactes e t effi caces, la dé termi-
6 + 2.fi. + Jïo, n'est pas le plus court . na ti o n de solution s a pproc hées n 'e t
Le tracé ve rt , par exempl e, est J? ré fé- pas hors de portée. De nombre uses stra-
rable ; sa lo ng ue ur est de 10 + .../2 . tég ies pe rtine ntes ont é té proposée :
Il est surprenant qu ' un problème dont on recuit s imulé, 2-opt , al gorithme de Lin
conn aît un a lgo rithme de résoluti o n et Ke rni g han , a lgorithme de Karp , a lgo-
exacte pui sse ê tre dans la pratique irré- rithme de Keld He ldgaun , algorithme d' in-
mé di abl e me nt intra ita bl e. À l' he ure sertion , recherche avec tabous, algorithmes
actue lle, aucun a lgorithme efficace pe r- géné tiques, a lgorithme ACO (vo ir e n
mettant de venir à bout du problè me du e ncadré) . ..
voyageur de comme rce n'a été décou- Les application pratiques de ces méthodes
vert . Une méthode, écono me e n te mps d 'optimisation ont innombrables : rou-
d'exéc utio n , ex iste-t-elle? La ré ponse tage des jo urnaux et des imprimé , ges-
à cette questio n est toujour pe ndante. tio n d ' un parc de camions c ite rne pour
l'approvis io nne me nt e n essence, prév i-
v, v, sio n des dé le tages sur un réseau auto-
routie r e ngorgé, di stribution des tâc hes
e ntre diffé re ntes u s in e d ' un m ê me
groupe, développe me nt d ' Inte rne t , etc.
Les recherches sur le problè me du voya-
geur de comme rce sont toujours d 'ac-
tualité. La solution est pe ut-être au bout
du c he min !

v. v, v, F.C.

v, v, Références
• Swarm Intelligence: From Nat ural ta Artificial Systems. Éric Bonabeau,
Marco Dorigo et Gu y Théraulaz , Oxford Uni versity Press , 1999.
v, • l'intelligence en essaim. Éric Bonabeau et Guy Théraul az, Pour la
v, Science, mai 2000.
• l'efficacité des algorithmes. Harry Lew is et Christos Papadim itriou, /es
Ma thématiques GL1jo11rd'h ui. Pour La Science-Belin, 1986 .

" v. v, v,
• Inspiration for optimizationfrom social insect behaviour. Éric
Bonabeau, Marco Dorigo et Guy Théraulaz, Nature 406, 2000.

Hors-serie n" 54. Les graphes Tangente


ACTIONS La fourmi ...

Un travail de fourmis
Lors de leurs déplacements, les fourmis sécrètent une molécule, la phéromone, qui attire et guide
leurs congénères. Si, entre le nid et une source de nourriture, on place un obstacle qui crée deux voies
d'accès de longueurs inégales, on constate un phénomène étonnant. En un laps de temps très bref,
les fourmis choisissent majoritairement le chemin le plus court. L'explication est simple. Au début
de l'expérience, le hasard seul guide les fourmis. Les deux pistes sont alors explorées équitablement
par l'avant-garde des fourmis. Lorsque les premières d'entre elles retournent au nid, elles ont mar-
qué deux fois par des phéromones le trajet le plus court, invitant ainsi le reste de la colonie à emprun-
ter de préférence ce chemin. Marco Dorigo, de l'université libre de Bruxelles, a transposé, dans une
simulation informatique, la stratégie des fourmis au problème du voyageur de commerce. Notons
diJ la distance entre les villes i etj, et -riJ la quantité de phéromone sécrétée sur l'arête connectant i
etj. Une même valeur -r0 , peu élevée, est attribuée initialement à tous les -riJ. L'algorithme ACO (pour
ant colony optimization) peut être résumé ainsi :

(1) Au début de la première itération, on choisit aléatoirement m villes. Une fourmi virtuelle est pla-
cée dans chacune de ces villes.

(2) Chaque fourmi , notée k (1 :S k :S m), entreprend un tour complet, visitant chaque ville une seule
fois et revenant à son point de départ. Lors de son périple, la fourmi actualise en permanence la liste
J k des villes non visitées. (L'algorithme initial de parcour peut être celui de« la ville la plus proche »
ou tout autre algorithme donnant, en un temps raisonnable, un circuit acceptable.)

(3) Lors de la deuxième itération, une fourmi située dans la ville i choisit de se diriger vers la ville j
non encore visitée, avec la probabilité suivante :

Pt =([TvJ[duY}i(~[TuJ[duY).
où a et p sont deux paramètres positifs qui gouvernent l'influence respective des phéromones dif-
fusées ou évaporées et des distances parcourues.

(4) Quand toutes les fourmis ont achevé leur circuit, le tableau des phéromones est mis à jour :
riJ - (1- g)-riJ + A-riJ où u est le taux d'évaporation et A-riJ est le montant des contributions de mar-
quage de l'arête (i,J). Ainsi, A-riJ est proportionnel à la qualité des solutions dans lesquelles (i,J) a
été utilisée par une ou plusieurs fourmis.
Plus précisément, si Lk dénote la longueur du circuit T k parcouru par la fourmi k,
alors: Mu= f...1u;,avec A~ = Q/Lk si (i,J) E Tk et tu; = 0 sinon (Q est un paramètre positif). Cette
procédure de renforcement traduit l'idée que la densité des phéromones doit être plus forte sur les
pistes courtes, un long trajet étant plus difficile à entretenir. Les étapes (1) à (4) sont répétées un
nombre prédéfini de fois , ou jusqu'à l'obtention d'une solution stable. L'algorithme de la colonie
de fourmis est très efficace. U n'identifie pas nécessairement le circuit le plus court, mais ses solu-
tions sont quasi-optimales et, comme l'affirment Éric Bonabeau et Guy Théraulaz, deux spécia-
listes de la question : « Ce système est flexible : les fourmis artificielles explorent continuellement
différentes voies; les multiples pistes de phéromone fournissent donc des plans de secours.Ainsi, lor-
qu'une voie est coupée, des solutions de rechange sont déjà prêtes. Cette propriété, qui explique sans
doute le succès écologique des vraies fourmis, est cruciale pour de nombreuses applications. »

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


par Hervé Lehning EN BREF

le graphe du Web les tOll110is en théorie des graphes


Les pages du Web son t (ou ne sont pas) reliées entre
elle par des hyperl iens, qui correspondent au clic En théorie des graphes, les tournois corres-
que vous pouvez effectuer sur une page et qui vous pondent aux compétition où tous les parti-
mène à une autre. cipants sont opposés les uns aux autres une
Pour simplifier, les pages et une seule fois. Dan le langage usuel de
sont désignées par des compétitions, on parle de « tournois toute
[D lettres. Les flèches désignent rondes impie ». Le graphe ous-jacent est
les pages vers lesquelles un graphe complet orienté, où les partici-
chaque page pointe, c'est-à- pants au tournoi sont les sommets, et les
dire les pages auxquelles couples de participants (orientés dans le sens
c
on peut accéder en un clic de celui qui a perdu vers celui qui a gagné)
de souris. sont les arêtes orientées.
Ce graphe énumère toutes
les pages avec leurs connexions, celles-ci correspon- Un tournoi
dant aux liens que l'on peut atteindre en cliquant. Il paradoxal à six
est immense puisqu'i l réun it plusieurs mill ions de sommets.
pages. Il a souvent été modélisé par un nœud de papillon,
mais ce modèle serait dû à la méthode qu ' uti lisent les Si un tournoi po sède
robots pour le parcourir, il ne serait pas une réalité. li n sommets, il a donc
ignore en particulier une grande partie des pages, qui n(n- 1)/2 arête . Si un joueur gagne toutes
sont de fait invisibles car déconnectées de autres. les parties, il e t clairement le vainqueur
mais il existe des tournois, dits paradoxaux,
où chaque j oueur perd au moins une partie.
Pour déterminer un vainqueur, on peut cal-
Le nœud papillon. culer le score, c'est-à-dire le nombre de par-
Les flèches indiquent ties gag nées de chacun. Dans le tourn o i
le sens des liens. correspondant à la figure ci-dessus, l et 2 sont
ex-aequo avec quatre parties gagnées. On
peut imaginer de considérer que l est le vain-
queur puisqu ' il a gagné le match qui l' op-
posait à 2 . La situation peut cependant être
Les moteurs de recherche comme Google utilisent le plu compliquée. Par exemple, dans le tour-
graphe du Web pour donner les pages traitant d' un noi paradoxal à trois joueurs correspondant
sujet donné, en les classant selon leur degrés de per- à la fig ure c i-des ou , il e t difficile d' ima-
tinence. Ce classement est dû aux internautes eux- giner une règle pour détermi ner un vain-
mêmes , qu i font pointer leurs pages ou non vers telle queur puisque chaque joueur possède Je
ou te lle autre. Chaque page a ain si un score elon le même score !
nombre de pages pointant ver elle, score qu'elle di - De nos jours, les tournois
tribue à celles sur le quelles ell e poi ntent . Ce clas- sont utilisés dans la théorie
sement des pages revient à mettre en avant les pages des systèmes électoraux et,
les plus populaires , qui ne sont pas forcément les plus 3 de façon plus générale,
pertinentes. D'autre part, la méthode ignore qu' une pour certaines questions de
partie du Web est invisible ; ce sont les composantes 2 choix en société.
déconnectées du graphe .

Hors-série n° 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par David Delaunay

Un projet dans le bon ordre ••


la méthode PERT*
La construction d'une maison ou d'un avion supersonique
passe par l'exécution d'un certain nombre de tâches . Comment
les ordonner pour gagner du temps ?

es tâc hes nécessaires à la réa li- Il s'agit ensuite d 'ordonner ces tâches

L sation d ' un projet comme l'en-


voi d ' une fu sée sur la lune sont
diverses. Si certaines d ' entre elles peu-
en respectant les conditi ons d 'antério-
rité et e n minimi sant la durée tota le
d 'exécution .
vent être réalisée simultanément, d'autres
en revanche doivent être menées dans
un certain ordre : par exemple, les murs
d ' une maison doivent être dressés avant
de poser la charpente. De plus, chaque
tâche prend un certain temps. La première
étape de la conception d'un projet consi te
donc à énumérer les tâches nécessaires La méthode PERT con i te à modéli ser
à sa réa li sation , à évaluer leur te mps sous la fo rme d ' un graphe les différentes
d 'exécution et le urs anté riorités rela- contraintes. On représente chaque tâche
ti ves. Par exe mple, le tableau c i-des- par un sommet et on vi ualise la néces-
sous énumère les tâches re latives à la sité de réalisation de la tâche i avant
construction d ' un entrepôt. l'exécution d ' une tâc hej par une flèche
all ant de i à j, fl èche sur laq ue lle figu-
rera la durée de la tâc he i. Le projet de
co nstruction de l'entrepôt précéde nt
prend alor la forme uivante :
À l'aide d ' un tel graphe, on peut ordon-
ne r « à la main » le projet. En l'occur-
rence, a durée minimale est de quatorze
jours et correspond à l'exécuti on des
tâche 1, 4, 7, 10. Le chemi n corre -
pond ant est appe lé chemin critique :
tout retard pri s le long de ce chemi n
rallonge d 'autant la durée d'exécution
du projet. En revanche, des retards pri s
sur les autres tâches n'auront pas d ' in-

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


VIE QUOTIDIENNE

cidences auss i immédi ates , ce qui pe ut


permettre que lq ues batte ments.
Algorithme de calcul
du chemin le plus long
Le plus long chemin
• Initialisation :
Hiérarchiser le graphe par niveaux.
Pour tous les sommets j du graphe,
Si le sommetj est de niveau o
alors poser L(j) = o sinon poser LC,) = - oo,
• Détermination des plus grandes longueurs
Pour chaque niveau k par ordre croissant :
Pour tout sommet i de niveau k :
Pour tout sommetj successeur dei:
Poser d = L(O + poids (i,J)
Si d > L(J) alors poser L (J) = d

Cet algorithme détermine les L(O en commençant


par les sommets de niveau o, puis 1, etc. Lorsque les
Le graphe précédent est sans cycle, autre- L(O des sommets de niveau k sont déterminés, l'al-
ment dit les flèches ne permettent pas de gorithme détermine, pour chaque successeur j de i,
retour en arriè re . Un te l g ra phe pe ut la plus grande longueur menant àj en transitant par
alors être hiérarchisé « par ni vea ux » i (c'est le rôle de la variable cf). Cette longueur est
de sorte que tout arc mène d ' un som- ensuite comparée à la plus grande longueur menant
met ve rs un so mmet de ni vea u supé- à j déjà déterminée, de sorte à conserver la plus
rie ur, comme dans l'exemple c i-contre. grande des deux.
On complète en outre le graphe d ' un
sommet F dit de finalisation , auquel sont
re liés tous les autres somme ts (F est
placé au niveau le plu é levé).
Concrètement , supposons di sposer d ' un * PERT, pour program evaluation
proje t fo rmé de ne uf tâc hes do nt les and review technic (ou technique
interdé pendances sont données par le d'ordonnancement et de contrôle
tableau . Le graphe orienté assoc ié est des programmes) est une méthodo-
re présenté c i-dessous. Les tâc hes ont logie inventée en 1957 par l'US Navy
été numérotées par ni veaux croissants (les pour le projet Polaris (mis iles à longue
fl èches ve rs F ne sont pas représentées portée embarqué dan de ou -marin et doté
pour des raisons de cl arté) . d'une ogive nucléaire). Cette technique a permis de coordonner
le travaux de prè de ix mille con tructeur dans les délais
Jlche 1ldle( ) impo és par le gouvernement américain . Ce projet repré entait
~·>

-aucune
deux cent cinquante fourni eur et neuf mille sou -traitant .
L' utilisation de PERT a permis de ramener la durée globale de
réaJi ation du projet de ept à quatre ans. Un des autres titre de
Z.1 gloire de cette méthode e t attaché à la conquête de la lune : sept
ans seulement ont séparé la déclaration d ' intention du pré ident
1 1, 2, 5 John Kennedy et l' aluni age du module lunaire de Neil Arm-
41 trong et Buzz AJdrin.
s. 7

Hors-série n• 54. Les graphes Tangenée


SAVOIRS La méthode PERT

lo ng che min menant d ' un sommet de


ni veau O au sommet i. Par ailleurs, la
plus courte durée d 'exécuti on du pro-
jet correspond à la date de commence-
ment du sommet de fin ali sation.
Il fa ut donc pouvoir déterminer la lon-
gue ur L (i) de ce plu s long chemin jus-
qu 'à i . Essayer tous les chemins et retenir
le plus long est impossible si les som-
mets du graphe se compte nt par cen-
ta in es: il ex is te he ure use me nt des
algorithmes pour venir à bout du problème
D 'emblée, on constate que certa in arcs en un temps raisonnable (voir un exemple
sont inutiles, comme celui de 2 à 7 (car en encadré). On aboutit ai nsi à une durée
7 nécessite 5 , qui nécess ite e lle-même d'exécution du projet de vingt-sept jours,
2). En épurant ainsi le schéma, on obtient do nt l' ordonnancement est le sui vant :
un nouveau graphe sur leque l a égale-
ment été reporté la durée de chacune jourO début tâches I et 2
des tâches : le graphe est dit pondéré. jour 2 début tâche 3
On appelle longueur d' un chemin allant jour4 début tâches 4 et S
de i à j la somme des poid de arcs jour 7 début tâche 7
constituant ce chemin . jour 12 début tâche 6
jour 17 début tâches 8 et 9

Qu ' on ne s'y trompe pas: fac ile à fa ire


10
à la ma in po ur de petits projets, l'or-
donnancement des tâches montre vite
l'écrasante supé ri orité de la méthode
PERT pour des projets d 'envergure.

D.D.

Les tâches de niveau Opeuvent être com-


mencées immédiatement et, pour toute
autre tâche i , la meilleure date de com-
mencement est égale à la durée du plu s

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


par Édouard Thomas EN BREF

le rôle de la guerre froide


et de l'armée

En 1948 fut fondée aux États-Unis RAND Pro-


ject (aujourd ' hui RAND Corporation, acro-
nyme pour Research and Development),
organisation à but non lucratif dédiée à l'aide
à la décision . Un de ses premiers objectifs est
flux origines de la RO de développer l' analyse sy témique afin de
combler une carence majeure: l'absence d'une
Le Britannique C harles Babbage ( 179 1- défense aérienne américaine performante face
187 1) est souvent con idéré comme le père à la montée en puissance du bloc soviétique. Dans
de la rec herche opérationne lle (RO). C'est les années 1950, les chercheurs du RAND Pro-
en effet lui qui me na les pre miers travaux ject , et notamment George Dantzig (1914-
concernant les coûts de transport de la poste 2005), introduisirent la programmation linéaire ,
à l'échelle d ' un pays. Ce qui aboutit , le 10 la programmation dynamique et développèrent
janvier 1840, à une tari fica tio n uni fo rme la théorie de jeux . Avec se mille six cents
(un penn.y) pour envoyer une lettre d ' un employés, cette organisation est toujours très active
po int à l'autre du Royaume-Uni , que lle que dans le domaine de la RO.
soi t la di stance parcourue par cette lettre.
Le princ ipal avantage d ' un système uni - En France, ce ont le entreprise et l'armée
fo rme de tari fica tion est de simplifier 1'en- qui, les premières, vont s'intére ser à la recherche
voi de lettres par les utili sateurs de la poste, opérationnelle . L'ho tilité des univer itaire
qui pouvaient facilement être abusés. De fai t, enver tout ce qui touche aux mathématique
le serv ice postal dev int à cette période très dite appliquée y est en effet très forte jusqu ' à
dé mocratique. La RO fa it un usage inte n- la fin de années 1960. Pourtant, un engoue-
sif de modèle mathé matiques, de stati - ment existe bel et bien, tant de la part des ingé-
ti q ues, d e th éo ri e d e g ra ph e e t nieur que des étudiants, ce qui permet à la RO
d'algori thmique, souvent dans le but d 'op- de prendre racine. Aujourd'hui, grâce au déve-
timiser (minimiser ou max imi ser) une fonc- loppement de ( 'informatique, elle est appliquée
tionnelle représentant par exemple un coût dans pre que tou les domaine : transports,
ou un temps d ' intervention. télécommunications, production, logistique,
finance , a urance , gestion de données .. .
Références
• Dossier « La recherche opérationnelle ».
Tange/lie 126, pages 35-54.janvier- février 2009.
• La recherche opératio1111e/le . Vidal Cohen,
Que sais-je ? 941. Presses universitai res de France.
1995 .

Hors-série n" 54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Jean-Luc Stehlé

l'algorithme de Dijkstra
Savoir quelles sont les routes embouteillées, c'est bien, mais
encore faut-il déterminer rapidement le chemin à suivre pour
aller le plus vite possible d'un point à un autre. L'algorithme de
Dijkstra est celui qui, à l'heure actuelle, est le plus performant
pour résoudre ce problème.
n problè me impo rtant es t de

U
chaque po int : en partant de A, les tra-
avo ir co mme nt rej o indre le jets composés d ' une arête seraient donc
plu s vite poss ible un po int B a u no mbre d e 3, de de ux a rê tes , au
partant d ' un point A lorsque le systè me nombre de 32 , et ainsi de suite. On trouve
de nav igatio n d ' un conducte ur auto- donc 3" trajets de n arêtes. En se limi-
mobile lui fournit les te mps moyens de tant à sept arêtes, on trouve déjà plus
parcours de chacun des axes poss ibles de deux mille trajets.
en fonction de la densité du trafic. En voici Pour des trajets sur de graphes com-
un exemple: portant des centaine d ' arêtes, avec un
Si on veut essayer tous les chemins pos- ordinateur examinant un milliard de tra-
sibles de A vers B (en excluant les cycles), jet à la econde, il fa udrait plus de 10 30
on arri ve vite à un nombre co lossa l. années pour ve nir à bout du pro blème.
En moye nne, troi s fl èc hes parte nt de Le mo nde est lo in d 'être aussi vieux !

7
L'algorithme de Dijkstra permet 5
d'éviter l 'explosion combinatoire.

Tc;1:n9ente Hors-serie n°54. Les graphes


.. . VIE QUOTIDIENNE

Trouuer sa route rapidement Exemple d'exécuuon


Comment faire? Une solution est appor- de l'algorhhme de Diikstra
tée par l'algorithme de Dijkstra . L' ob-
servation clé est la suivante : si un chemin Dans l'exemple de la page précédente, on initialise l'ai·
optimal de A vers B passe par un om- =
gorithme avec il= {A}, t(A) = 0 et 1'(X) + oo pour tout
met X , alors la partie de ce chemin allant sommet X autre que A.
de A à X est un itinéraire optimal de A Première itération
vers X. En effet, s'i l existait un chemi n On considère les arêtes ayant leur origine en A: AC,AL,
plus rapide de A vers X , il permettrait AM et AN, ce qui nous amène à poser :
de réduire le trajet de A vers B . On asso- 1'(C) = 3, r(L) = 4, 1'(M) = 3, r(N) = 3,
cie alors, à chaque sommet X (autre que Jr'(C) = Jr'(L) = Jl'(M) = Jr'(N) = A.
A), son prédécesseur p(X) , c'est-à-dire Parmi ces quatre sommets (C, L, Met N), il faut en trou-
le sommet immédiatement précédent ver un minimisant le temps de parcours : C par exemple.
dans le chem in optimal menant de A à On pose donc t(C) = 3 et p(C) = A.
X. Dans l'exemple ci-dessus, on a Continuons l'algorithme avec il= {A, C}, t(A) = 0,
p(B) = H,p(H) = G ,et ai nsi de suite jus- t(C) = 3,
qu 'à p (C) =A. La fo nction p permet de =
p (C) A, r(L) = 4, r(M) = 3, 1'(N) = 3 et les autres à+ oo,
reco nstruire, de proche en proche , pour Jr'(L) = Jr(M) = Jr'(N) = A.
chaque sommet X , un chem in optimal
de A vers X . On note t (X) le temps de Seconde itération
parcours correspondant. On considère les arêtes ayant leur origine en A ou C,
Au départ , on ne dispose pas des valeurs c'est-à-dire AL, AM, AN, CD et CM.
définitives de t (X) et de p (X) : on se La première étape conduit à poser 1'(D) = 6, Jr'(D) = C.
contente donc de valeurs provisoires , Choisissons M. On pose donc t(M) = 3,p(M) = A.
respectivement r(X) et .n(X), données Poursuivons donc l'algorithme avec il= {A, C, M},
par le meilleur itinéraire de A vers X t(A) = 0, t(C) = 3, t(M) = 3,
actuellement connu . Ces valeurs vont 1'(0) = 6, 1'(L) = 4, r(N) = 3 et les autres à + oo,
évoluer, par améliorations successive , Jr'(L) = Jr'(N) = A et Jr'(D) = C.
vers les valeurs défi niti ves.
Appelons Q l'ensemb le des sommets Troisième itération
du graphe pour lesque ls on sa it que les On considère les arêtes AL, AN, CD et ML. Les deux
fonct ions t et pont atteint leurs valeurs étapes conduisent à il= {A, C, M, N}, t(N) = 3
défi nitives. etp(N) =A.
L'algorithme de Dijkstra cons iste à faire
gross ir de proche e n proche Q e n lui Quatrième itération
adjoignant , à chaq ue itération , un nou- Les arêtes à considérer sont AL, CD, ML, NP et NR. Le
veau sommet. Voici comment. Au démar- point suivant à être englobé dans il est L avec t (L) = 4 et
rage, on pose Q = {A} avec p(L) =A.
r(A) = t(A) = 0 (le trajet optimal de A
vers A prend un temps nul, par un che-
min formé de zéro arête). Pour les som-
mets X différents de A, on ne connaît pas
de chemin et on initialise donc r(X) à
+ oo en convenant que , tant que r (X)
n'aura pas de valeur finie, .n(X) ne sera
pas défi ni.

Hors-série n• 54. Les graphes Ta:n9ente


SAVOIRS 1
L'algorithme de Dijkstra

V Une ité ration se fait en dernier trajet, Y devra it être dans Q (car
0 deux étapes. D'abord, on Y a dG , lors d ' une étape précédente , être
trajet sé lectionne toutes les inclus dans Q), ce qui contredit la défi-
optimal w(UV)
arê tes UV dont l'ori - nition de X .
g ine U es t dans Q e t Le sommet X ai nsi tro uvé est ensuite
do nt l'extrémité V e t rajouté à l'e nsemble Q , et on pose
extérieure à Q. p (X) =.n(X) et t (X) =r (X), ce qui ter-
Pour chacune d 'ell es, mine cette itération : on recommence
on connaît un trajet opti- alors avec le nouvel ensemble Q « grossi »
mal de A vers U (car U est dans Q). En qui , de proc he en proc he, fi ni ra ain si
prolongeant ce trajet jusqu 'à V, on a un par conte nir le point 8 qui nous inté-
te mp s tot a l d e pa rc our s éga l à resse (sauf si le schéma de circulation
t (U) + w (UV), où w (UV) est le « poids » rend inaccess ible Je point 8 partant de
de l'arête UV (proportionne l au temps A), marquant la fin de l'exécuti on de
de parcours de U à V) . l' algorithme.
Si cette omme est in fé rieure à r (V), ce L'a lgorithme de Dijkstra fo urnit l' iti -
trajet pourrait être un chemin optimal néraire optimal de A vers 8 ainsi que
vers V, et on le retient en posant les itiné raires optimaux pour tous les
r (V) = t (U) + w(UV) et .n(V) = U. point qui , partant de A, ont plus rapides
Ces valeurs re tent toujours relati ves au à atte indre que B. Le temps de calcul ,
me illeur itinéraire actue lle ment connu proportionnel au carré du nombre d'élé-
(notons que V peut être touché par plu- me nts de Q , reste raisonnable, même
sieurs arêtes). pour des ré eaux routi ers à l'éche lle
d' un pays.
Bourgeonnements successifs Po ur un réseau routier rée l, avec des
temps de trajets à peu près proportion-
Da ns une sec onde éta pe, on cho isit , nels aux di stances, la zone Q analysée
parmi les sommets X extérieurs à Q et ressemble très grossièrement à un disque
tels que r (X) <+ oo (et où .n(X) est donc centré en A et de rayon la di stance A B.
défini ), un X qui minimi se r(X). Le tra- Elle regroupe un nombre de sommets
jet optimal de A vers .n(X) (qui est dans proportionnel au carré de cette distance
Q) suivi de l' arête joignant .n(X) à X est et, donc, les temps de calcul s croissent
alors un trajet optimal vers X . En effet, do nc à pe u près comme la pui ssance
s' il ex ista it un traj e t plu s rapide, e n quatrième de AB .
notant Y le prédécesseur de X dans ce J.-L S.

c::J
I J

Tangente Hors-serie n°54. Les graphes


par Hervé Lehning EN BREF

Le graphe des épidémies : Ébola, sida et grippe


Jmagi non une région où sév it une maladie e propageant par contact , dont la nature dépend du viru s
impliqué. Qu iconque rentre e n contact avec une personne malade dev ient malade avec une certaine
probabilité, di son 5 % pour fi xer le idée . Si l'on considère les indiv idu s comme le ommets et les
contacts potentie lle ment contaminants comme les arêtes, on obtient un graphe .
L'e nsemble des sommets restant le mê me, on peut
modéli ser l'évolutio n de l'épidémie en tirant au sort
chaque jo ur un certain pource ntage d 'arêtes, disons
20 %. Le premier jour, on introduit un sommet infecté,
qui contamine les sommets adj acents dans la journée
avec une certaine probabilité. En itérant le procédé
un certain nombre de fo is, di sons cent fo is, on obtie nt
un modèle mathé matique de l'évo lutio n de l'épidé-
mie. Comme la question comprend une part a léato ire,
on recommence le procédé un grand nombre de foi s
po ur fa ire une moyenne. Ces simul atio ns mo ntrent
l'ex istence d ' un seuil au-de là duque l l'épidémie se
répand à la populatio n entière, et en-deçà duque l elle
reste limitée. Dans le cas où un vacc in ex iste, son uti -
li ati on , même sur une fraction de la population , peut
Graphe des contacts potentiellement fa ire diminuer la probabilité de contaminatio n en des-
contaminants entre individus. sous du seuil d 'expan io n de l'épidémie, et donc suf-
fire à l'arrêter.
Ce modè le est malgré tout imparfait car certa ins ont plus de contacts avec les personnes infectées que
d ' autres: le personne l médical dans le cas de la grippe et d 'Ébo la et les gens ayant de multiples parte-
naires sexue ls dans le cas du sida. C'est vers eux que do it porter l'es entie l de la protection , pour év i-
ter les contaminations.

Graphe des contacts potentiellement contaminant entre personnes.


Une attention particulière doit être portée à celles correspondant à des disques colorés.

Hors-série n° 54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS par Benoît Rittaud

uand le chemin
se joue aux dés
L'alliance des graphes et de la théorie des probabilités produit
un outil extrêmement utile : les chaînes de Markov. Celles-ci
se retrouvent partout, de l'étude des flux migratoires à
l'analyse du langage.
a s itu ation du té lé phone arabe fo rmu le r de faço n plus « sérieuse » : on

L con siste e n une c haîne de pe r-


sonnes qui se transmette nt tour
à tour une information provenant d ' un
pe n e no ta mme nt aux a ltérati o ns qui
e produi sent lo rs de la c irc ul atio n de
do nnées in fo rmatiques lo rs de sauve-
info rmate ur initia l 10 . Cette informate ur ga rdes, de tra nsmi s io n par Inte rne t ,
donne la nou velle à I I' qui la transmet de dupli cation , etc . La s ituatio n peut
à son tour à 12 . Comme chacun sait , le se mod é li se r à l ' a ide du gra phe c i-
té léphone arabe est un moyen peu sûr de contre .
faire c irc ule r l' information : o n cons i- Ce graphe possède de ux sommets : V
dère donc qu ' il y a une c han ce sur six correspo nd à la s ituatio n où la ve rs io n
(pa r exemple) pour que 11 se trompe . de la no uvelle qui c ircule est la vra ie , F
De la mê me façon , lorsque 12 transmet celle où e lle est la fa usse. Les arêtes,
à son tour ce qu ' il a e nte ndu à 13 , o n o rie ntées , indique nt les tran sitio ns pos-
suppose q u ' il y a une c ha nce s ur s ix s ibles. Chac une de ces arêtes est affec-
pour qu ' il se trompe , et a ins i de suite. tée d ' un coeffic ie nt correspo ndant à sa
Que l c rédit le destinataire de l' in fo r- probabi lité dans notre situation du té lé-
mation , 1,,, pe ut- il a lo rs accorde r à la pho ne ara be. À la di ffé re nce des coef-
vers ion qui lui par vie nt ? fi c ie nt qui ont cours da ns le problè me
Bi e n e nte ndu , cette ques ti o n pe ut se d ' un itinéraire routie r, par exemple , les
valeurs attribuées à chacune de nos arêtes
1/6 ne re présente nt pas un « coût » po ur
passe r de l' un à l' autre sommet , ma is
une « proba bilité de passage » . Po ur
imu le r la situation du té lé pho ne arabe ,
5/6 1/6 5/6 il suffi t de e placer d 'abord sur le som-
met V, pui s de la ncer le dé n fo is de
suite : à chaque fo is que le résultat est
6, on c hange de sommet (on pa e sur
1/6 le sommet F i on é ta it sur V et in ver-

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


VIE QUOTIDIENNE

sement). Ce qui nou s intéresse est de tracteur (c'est-à-dire d 'état qui , une foi s
savoir sur quel sommet nous nous trou- atteint , ne peut être quitté), chaque état
verons à l' issue des n lancers de dé. a une certaine probabilité de figurer à long
terme parmi les états visités .
Téléphone arabe
les cases du monopoly
Bien entendu , l'évolution de notre posi-
tion sur le graphe étant sou mi e à l'aléa D' un point de vue ludique, la modélisation
(le mot signifie« dé » e n latin), il n'est par un tel graphe permet d'étudier les jeux
pas po sible d'espérer une réponse déter- de hasard comme le Monopol y: c ' est à
minée. Tout ce que l'on peut fa ire, c'est partir d ' une chaîne de Marko v, un peu
d'estimer des probabilités. L'outil mathé- longue à détailler, qu ' on pe ut détermi-
matique le plus naturel pour étudier Je ner les cases du jeu sur lesquelle les
comportement à la limite (c ' est-à-di re joueurs ont Je plus de chances de tom-
lorsque n dev ient grand) de la probabi - ber (les cases ne sont pas toutes égales
lité de fi nir sur V ou sur F est celui de en termes de probabilités, mê me à long
suite récurrente . li permet de montrer terme) . Avec l' image du chauffe ur de
que, lor que Je nombre n de tran met- tax i, les sommets du graphe représentent
teurs dev ient important , la probabilité les di fférents endroits de la ville où le
que la nouvelle tran mise oit la bonne chauffe ur est su ceptible d ' aller, les pro-
tend vers la valeur 1/2. Ce résultat tra- babilités de arêtes les chances d ' aller
duit le fa it que l' in fo rmation qu i par- à tel ou tel endroit . Dans la fi gure pré-
vient à 1,, est vide, au sens où il y a« une cédente, le point « répul sif» D est alors
chance sur deux » pour que ce soit la un point centra l dans la v ill e, où un
bonne vers ion qui lui parv ienne, et éga- chauffe ur de tax i ne reste en général pas
lement une chance sur deux pour que longtemps avant qu ' un clie nt ne se pré-
ce soit la mauvaise. Le destinataire de sente. Le point A, en revanche, est un point
l' in fo rmation ne peut donc pas accor- à l'écart, où le chauffeur n 'a guère inté-
der le moindre crédit à ce qui lui est dit ! rêt à accepte r de se re ndre. D 'autres
Cette étude s'étend à des situations plus contextes rendent plus uti le l'étude des
générales. Le cas le plus global se décrit graphes précédents. En particulier, on
à partir d' un en emble de point carac- peut penser aux flu x migratoires entre
térisant le état possibles. Les-états sont différents pays (les probabilités se muant
reliés par de arêtes indiquant les tran- alors en proportions d ' une popul ation),
siti ons envi ageab le , chacune d 'elles à l'évolution de l 'état de santé d' un indi-
étant affectée d' une certaine probabilité. vidu (les sommets représentant les dif-
Dans un graphe comme celui de la pré- fé rents stades de di ffé rentes maladies
cédente fig ure, contrai rement à notre qui peuvent se contracter à la suite les
premier exemple, les di ffé rents états ne unes des autres) , ou encore à la circulation
sont pas égaux en termes de probabi li- automobile (les sommets représentant
tés. S'i l est relati vement fac ile de se per- des nœuds de circul ation, les arêtes les
suader que l' état D a peu de chances de axes entre ces nœuds, et les probabili -
survenir souvent à long terme, il est un tés des proportions de véhicules).
peu plus délicat de se con vaincre de ce Certaines étude de la langue utili sent
que, en réalité, on a toutes les chances également les chaînes de Markov. Dans
de fi nir co incé au point A . Dans les cas un texte , l'apparition de te lle ou telle
les plus généraux, où il n'y a pas d 'at- lettre n'est pas indi fférente à l'apparition

Hors-série n° 54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS Quand le chemin se joue ...

de la sui vante. Par exemple, en li sant la à la suite les lettres rencontrées en che-
suite de caractères min, on produit une succes ion de lettres
C O N S T A N T I N O P L, qui ne constituent pas un me sage fran-
chacun conviendra que la probabilité que çais, mais qui ressemble à quelque chose
le caractère sui vant soit un E est extrê- de français .
mement é levée. Une première approche
de l'étude probabiliste d'un texte est alors Du HHHHH à 11Il1
la suivante : on considère un graphe
constitué de vingt-sept sommets (chacun En réalité, pour rendre le modèle plus pré-
repré entant une lettre de l'alphabet, plus cis, il faut tenir compte non pas de la
l'espace , désignant la fin du mot) . Les dernière lettre vue, mai de plu sieurs :
arêtes reliant les sommets sont affectés ici, la probabilité d'apparition d ' un E
de coefficients représentant la probabi- e t beaucoup plu élevée après la lecture
lité qu ' une lettre soit suivie par une autre. des treize iettres précédente qu 'après la
Bien sûr, ces coefficients dépendent de lecture de la lettre L seule. Bien, sûr, la
la langue dans laque ll e les mots sont connaissance des douze dernières lettres
considérés . En français , par exemple, du (le C étant exclu) aurait suffit : en réa-
sommet Q ne partent que peu d'arêtes, celle lité , une approximation assez rai son-
Dans cette figure , le point menant à U étant affectée d ' une très forte nable consiste à s upposer qu'au-delà
A est un « trou » ou probabilité. d'un écart de quelques lettres, il n'y a
« puits » : dès qu'on arrive Dans ce contexte de « graphe de Mar- plus suffisamment de lien entre les lettres
dessus, on ne peut plus en kov de la langue française », une étude pour qu ' il so it nécessa ire d'en tenir
sortir. À l'inverse, le point comme celle du téléphone arabe ne peut compte. Si l'on décide de s'en tenir à,
D est répulsif : à peine avoir pour objectif de déterminer une di sons, cinq lettres, le graphe de Mar-
arrivé dessus, on est obligé « lettre ultime » d ' un texte écrit en fran- kov a pour sommet s l'en emble des
d'en repartir. Le point C çais. E ll e donne plutôt la fréq uence suites de cinq lettres (de AAAAA à zzz:z:z
est en quelque sorte moyenne d 'apparition de chaque lettre, en passant par YOUPI, MIAOU . .. sa ns
neutre : il permet d' aller et permet donc de savoir par quelle lettre oublier les séquences avec un ou plu-
n'importe où sans préfé- commencer (on tire au sort, en affec- ieurs espacements, tels que VAS Y). D' un
rence particulière. Enfin, tant à chaque lettre une probabilité pro- sommet tel que GRAPH partent alors vingt-
les points E, F et G consti- portionnelle à sa fréquence moyenne sept arêtes, affectées de probabilités
tuent quasiment une d 'apparition). On peut aussi s' intéres- diverses, aboutissant à toutes les suites
boucle : il y a une probabi- ser à la fabricatio n de « non-sens fran- de caractères dont les troi s premières
lité très forte pour que, çais» : en suivant le graphe de Markov lettres sont RAPH (RAPHA, RAPHB, RAPHC ... ).
arrivé sur E, on suive au selon les règles indiquées et en notant La séquence ci-dessous a été réali sée
moins une fois ces points informatiquement à partir de ces consi-
dans l'ordre. dérations pour le graphe de Markov du
latin :
IBUS CENT IPITIA VETIS IPS E CUM VIVIUS ...
Aucun mot n'a de sens dan la langue
concernée, et pourtant il est manifeste
que cela re semble fort à de « vrais
1/7
mots» de latin. Pour un peu, on se pren-
drait à croire que l' ordinateur cherche à
nous dire quelque chose ...
B.R.
1/7

T«n9ente Hors-série n°54. Les graphes


par O. Temam et M. de Ruelle EN BREF

Les problèmes le problème de coloriage


de cheminement de Weiss résolu
Les indicateurs lumineux du métro pari ien donnent Vou arrivez dans une ville que vous ne connais-
aux voyageurs qui les interrogent le trajet qui mène à sez pa , et vous devez vous rendre à un endroit
la station où il s veulent se rendre. C'est un exemple bien préc is. Le problè me est que dans cette
de problème de cheminement : trouver le chemin le vi lle les rues ne possèdent pa de nom et sont
plus court d ' un point à un autre. Parfoi s, le critère est toutes à sens unique (comme dans un graphe
plus complexe , par exemple s i l'on intègre le nombre orienté ... ). À chaque intersection , vous avez
de correspondances et le temps qu 'elles prennent. Ces la possibilité de continuer tout droit , de tour-
problèmes se résolvent à l'a ide de graphes, d 'algo- ner à droite ou de tourner à gauche. Le pro-
rithmes et (souvent) de pui ssants ordinateurs. blème abstrait posé par Roy Adler et Benjamin
Dans le cas des cir- Weiss en 1970 est le suivant : existe-t-il des
cuits électrique , les graphes orientés pour lesquels une suite d ' ins-
arêtes du graphe tructions finies (par exemple : gauche , droite ,
se vo ie nt attribuer droite , tout droit , gauche) permet de rejoindre
une capacité max i- le point d 'arri vée, quel que so it le point de
male, l'intensité que départ ? Lesquels ?
pe ut s upport e r
chaque fil. Le pro-
blème consiste alors
à rechercher le che-
min e ntre d e ux
points supportant
l' intensité max imale (et, par la même occas ion, cette
intensité maximale). D' ailleurs, apporter le courant
jusqu ' à votre cui sine n' est pas une tâche aisée! D' un
côté, Électricité de France dispose d' un certain nombre
de centrales, chacune pouvant ou non être mi se en ser- En suivant (et répétant si nécessaire)
vice. De l'autre , il ex iste des millions de points de les instructions« bleu, rouge, rouge »,
consommation. Entre les deux se trou vent les li gnes on arrive toujours sur le sommet jaune, quel
électriques. Tout cela constitue un graphe extraordi- que soit le point de départ. Par contre, si l'on
nairement complexe ! Si trop de centrales sont en ser- suit les instructions « bleu, bleu, rouge »,
vice, il se produit des surte nsions , qui détériorent les on arrive toujours sur le point vert.
apparei ls. Si trop peu de centrales sont e n service, la
demande n'est pas satisfaite. En outre, les centrales doi- Ce joli problè me est resté ouvert pendant trente-
vent être choisies de sorte que le coura nt passant sur sept ans, jusqu 'à ce que le mathématicien israé-
les li gnes à haute tension n' excède pas leur capacité ! I ie n Avraham Trahtman propo se un e
Et quand on intègre les coûts de fonctionnement (une caractéri sation des graphes qui peuvent possé-
centrale nucléaire coûte moins cher qu'une centrale ther- der une telle solution.
miq ue), on com pre nd que EDF fourmille de beaux
prob lèmes de maths à résoudre e n te mps rée l. Par Référence
contre, en cas d ' échec, le système s'effondre, comme • si li conwadi .fr/4854/un -probleme-ouvert-depuis-3 7-
c'est arrivé un jour fro id de décembre 1978, où des mil- ans- resolu -par-un -mathematicien-israelien -au -
lions de Français se sont retrouvés privés de courant. . . parcours- pe u-habituel (disponib le e n ligne) .

Hors-série n° 54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS Par Jean-Christophe Novelli

Un problème de
téléphonie mobile
Comment faire en sorte que le passage de relai entre deux
bornes de téléphonie mobile se fasse dans les meilleures
conditions pour l'utilisateur ? La technique aujourd'hui
employée, qui utilise la notion d'arbre couvrant, répond au
problème de manière particulièrement efficace.

a technologie et la sc ience sont (mobiles) et les bornes BTS (base

L deux sœurs jume lles qui héri-


tent chacune des progrès de
l' autre : d ' une part , nombre d 'avancées
transceiver stations) , qui sont des
bornes fixes d isposées un peu partout
sur le territo ire et qui jouent le rôle
scientifiques ont permis d ' amé liorer le d ' interméd iaires entre le mobile et le
quotidien et, d 'autre part , l' irruption de réseau, chaque mobile se connectant à
la techno logie (par exemple l' ordina- la borne la plus proche .
teur) peut modifier en profo ndeur la Dans la mesure où cette partie de la
faço n de travailler des chercheurs. Ce communication se fa it par ondes radio,
va-et-v ient est particulièrement vi sible un procédé par nature imprécis et sujet
dans les technolog ies de pointe , où le à erreurs de transmiss ion (par exemple
travail du chercheur et celui de l'ingé- en raison de la pré ence d ' immeubles
nieur sont intimement mê lés . entre le mobile et a borne BTS , ou à
L' une des techno logies les plus en cause des interférences avec d 'autres
vogue aujourd ' hui est la té léphonie mobi le reliés à la même borne), de très
mobile, qui pose de gros problèmes no mbreuses questions pratiques se
aussi bien théoriques que pratiques. En posent. Parmi elle , le problème de la
particulier, il fa ut gérer les transferts synchroni sation des BTS concerne
d ' info rmati on e ntre les té lépho nes directement la théorie des graphes .
Dans un réseau GSM (globa l standard
Les multiples problèmes d'interférences fo r mobility), les bornes BTS disposent
chacune d ' une horloge indépendante.
imposent une synchronisation
Lorsqu ' un mobile se met en relation
précise des bornes. avec une horloge, il se synchro nise

Tcingen'f:e Hors-série n°54. Les graphes


VIE QUOTIDIENNE

avec celle-c i puis lui transmet des


paquets d ' infonnations à une certaine
fréquence , pe ndant un te mps égal à un
huitième de la période , comme sché ma-
tisé c i-des ous.

Pé riode T

i'TTTTTTT'TTI 1··· I

D D
~mission
du mobile

Ainsi, l' ensemble des mobiles re liés à


une borne fi xée interfèrent soit sur l'en-
semble de la transmission du paquet
( ' ils sont sur le même huitiè me de
période), soit n' interfère nt pas. Il exis-
te di fférentes méthodes pour limite r ce
inte rférences , et il est possible de
retrouver le sig na] initia l du mobile
même si ces inte rfé re nces sont nom-
breuses, à conditio n que la pe rturbation
so it constante sur l'ensemble du paquet.
Pour ce faire, une partie de ce que trans-
met le mobile est une suite convention-
nelle fixée de bits (des O et des 1) : le la phase sur laque lle il doit se recaler.
résultat qui parvie nt au ni veau de la Là surgit le problème : lors du passage de la
borne pe ut a ins i être contrô lé et , e n cas première borne à la seconde s' insère un petit
de différences , pennet de corriger l'e n- blanc dans la communication, désagréable
semble de la transmi ssion e n fa isant pour l' utilisateur. Plus les deux bornes ont
l' hypothèse que celle-ci a été modifiée une déphasage faible et plus il e st possible
partout de la mê me façon . d 'obte nir un blanc de faible durée . C'est
là une pre mière rai son pour sync hroni-
Se déplacer auec son mobile Pé riode T

i'T'TTTTTTT'Tl
Le concept même du té léphone mobile
repose sur le fa it que les utilisate ur se
déplacent en l' utilisant , que ce soit e n
1··· I
BTS1
voiture (passagers, unique me nt !) ou à
pied . Ains i, il arri ve re lative me nt fré-
quemment qu ' un mobile passe d ' une 11111 l 1 1 1 1 1 1... 1
BTS2
borne à une autre . À ce mome nt-là,
pour éviter des interférences avec les
mobiles connectés à la no uvelle borne ,
jO (son temps d 'émission est r éduit)

le mobile é met des paque ts plus petits


Dé phasage
jusqu 'à ce que celle-ci lui communique

Hors-série n°54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS Un problème de téléphonie ...

er les borne . Une seconde raison est utili sé à autre chose. De plu s, les
que de ux mo biles phys ique me nt bo rnes BTS ne peuve nt mod ifi er le ur
proches mais communiquant avec des phase que très le nte ment.
borne différe ntes pe uvent se brouiller Une autre solution , purement algorith-
sur une partie du paquet seuleme nt et mique, a fort heureusement été trouvée .
rendre ainsi inopérantes les méthodes de Elle fonctionne de la manière uivante : les
traite ment des interfé re nces mention- bornes disposent d' un système pour écou-
nées plu haut. ter les signaux provenant de mobiles
communiquant avec une borne voisine ,
D'une borne à l'autre ce qui permet à chaque borne de calcu-
ler son dépha age avec chacune de ses
Pour sync hroni ser les bornes, la vois ines , mê me s i cette info rmat io n lui
mé thode la plus simple serait d ' utiliser parvient à des mome nts imprév is ibles.
un éléme nt exté rieur, un GPS par Ce systè me pe rmet de définir un graphe
exemple , qui enverrait un « top » à cha- dont les ommets sont les bornes et dont
cune d 'elles et les synchroniserait direc- les arêtes relient celles qui interfèrent suf-
te ment. Ce tte solutio n n 'a pas été re te- fi amment souvent pour que leur dépha-
nue pour des raisons politiques. sage soit connu régulièrement. (Ce graphe
dépend beaucoup du terrain environnant ,
Il serait égale ment possible de faire des immeubles, des fleuves qui créent des
e nvoyer un « top » par d 'autres bornes, interférences supplémentaires , etc.) Une
dites BSC (base station controllers), fo is en possession de ce graphe (manifes-
qui contrôle nt plus ieurs BTS : e n syn- tement non orienté car la mesure du
chronisant ces bornes elles-mê mes , on déphasage est réalisée par les deux bornes
obtie ndrai t le résultat voulu . Ce tte en même temps), il reste alors à trouver
solution n 'a pas non plus é té re te nue un algorithme permettant de synchroniser
car les communications e ntre les ses sommets. Cet algorithme doit être
bornes BTS et les bornes BSC sont purement « local », en ce sens que chaque
déjà nombreuses, et cette communica- borne ne peut agir directement que sur la
tion utili serait du te mps qui peut être phase des bornes qui lui sont voisines. De
plus, pour que l'algorithme soit véritable-
ment efficace, il doit résister à toutes
sortes de contrainte , qui vont des pannes
de bornes BTS aux ajouts de nouvelles
bornes (susceptibles de modifier sensible-
ment la structure du graphe).

Se Jouer des pannes

Une première idée peut être de synchroni-


ser les bornes sur le déphasage moyen de
leurs voisines. Malheureusement , on peut
alors assez fac ilement rencontrer, en théo-
rie comme en pratique, des configurations
stable où les bornes ne seront pas syn-
chronisées par cette technique, à l' image de
l'exemple extrême de la page précédente.

Tcingent:e Hors-série n°54. Les graphes


VIE QUOTIDIENNE

La solution qui a été retenue utilise la Quand une borne tombe en panne, il faut
notion d'arbre, en complément d'autres que toutes ceUes qui en dépendent, directe-
méthodes plus classiques pour donner ment ou indirectement, puissent se syn-
une valeur constante aux sommet d'un chroniser à l'aide d'autres bornes, ce qui
graphe (par exemple la méthode du gra- est toujours possible à moins que la borne
dient, très efficace dès que le borne sont en panne ne provoque une coupure du
proches de l'état de synchronisation). graphe en deux parties non reliées l'une à
Le graphe étant connu, on en extrait un l'autre. Enfin, lorsqu ' une borne BTS est
sous-graphe avec exactement le mêmes ajoutée, on lui impose d'être une feuille
sommets , mai avec moins d'arêtes : de l'arbre (c'est-à-dire de n'être reliée qu'à
plus précisément , on fait en sorte que le une seule autre borne) et de se synchroni-
sous-graphe considéré soit un arbre, ser avec le sommet du graphe avec lequel
c'est-à-dire à la fois d' un seul tenant et eUe a le plus d'interférences.
sans chemin qui boucle (connexe et
sans cycle, en termes techniques : tous Des arbres de qualité
les sommet sont reliés les uns aux
autres par un chemin, et il n'ex iste De nombreux paramètres permettent
qu'un chemin d' un sommet à un autre). d'établir la qualité des arbres couvrants
Un tel arbre est appelé arbre couvrant choisis, notamment le nombre de dépha-
du graphe initial , comme dans sages calculés par chaque arête du
l'exemple ci-des ous. graphe, le nombre commun d'arêtes
entre l'arbre couvrant et son arbre bis ,
ou encore la taille du plus long chemin
existant dans l'arbre. En optimisant sui-
vant ces différents critères, on obtient un
système à la fois rapide (car le sommets
ne sont pas trop éloignés de la racine),
fiab le (car les synchronisations sont fré-
quentes) , résistant aux pannes grâce au
circuit bis , et enfin qui permet l'ajout de
nouvelles bornes .
En orientant les arêtes de l'arbre
couvrant, on obtient un arbre orien- Signalons enfin que cette technique a été
té passant par tou s les so mmets du validée à l'aide d'un simulateur développé
graphe. Il suffit alors d 'i mposer à pour l'occasion , qui a permis de voir que
chaque sommet de se connecter à l'algorithme est à la fois très efficace et
celui qui le précède dans l'arbre , seul évite les situations de blocage. Ce travail
un sommet (appelé racine) ne fai- de mise en place du simulateur a aussi été
sant rien . Pour éviter qu ' une panne l'occasion de poser des problèmes théo-
de l' une des bornes n'empêche le riques intéressants, notamment la ques-
bon fonctionnement de l'a lgorith- tion d'engendrer aléatoirement certains
me, le plu s s imple est de prévoir un types de graphes. Ainsi, le va-et-vient
arbre couvrant bi s (comme les itiné- entre la théorie et la pratique se poursuit.
raires du même nom) et de le mettre
en place s i l'une des bornes ne par- J.-C. N.
vient plu à se synchroni er à celle
qui lui es t dévolue .

Hors-série n°54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS par G. Grancher & T. de la Rue

Des arbres
pour faire passer des trains
Comment minimiser le coût d'un réseau ferroviaire ?
L'algorithme de Kruskal donne un moyen simple et efficace de
le faire. Et produit quelques surprises.

ébut des années 2030 . La SNCF tout en continuant à pouvo ir relier ces

D v ie nt de me ttre a u po int le
Sup e r-TG V, bea uco up plu s
rapide que le TGV
deux villes .. . mais en passant par Paris.
Pour la même raison, toutes les li aisons
dessinées en bleu peuvent ai nsi être sup-
d e ces d e rni è res primées ! On obtient alors une structure
décenni es. Mais il d ' arbre (un arbre possède toujours une
ne pe ut ro ule r sur arê te de moin s que de so mme ts) : il
le réseau ex istant : ex iste toujour une faço n et une seule de
toute les voies fe r- relier une ville à une autre en sui vant le
rées doivent donc réseau. Chacune des vi lles constitue un
être recon truites ! sommet, chacune des étapes une arête.
D a n s un so u c i
d 'éco n o mi e, o n
vo udra it po uvo ir
relier entre elles le
vingt et une capi -
tales régionales de
la fi n du siècle der-
nier en constru isant
le moin s de vo ies
poss ibles.
En France jacobine,
tout passe par Paris.
Un réseau dess iné
selon ces pri ncipes
pourrait être sem- Hrbre jacobin
bl abl e à ce lu i du
dess in ci -contre. L'arbre jacobin n'est pas le plus court que
Ce ré eau n 'est pas l' on pui s e imag iner. En admettant que
le plu s court : on peut par exemple sup- le coût de construction de la voie soit pro-
primer la liaison directe Rouen- Amiens, portionnel à sa longueur, on a intérêt à

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


1

1
VIE QUOTIDIENNE

se pe nc he r s ur un moye n de trou ve r Mar e ille à une v ill e ex té ri e ure à ce


! ' arbre qualifié de minimal, c'est-à-dire gro upe. Il compo rte d o nc toutes les
dont la longueur oit la plus courte parmi arêtes fi gura nt ci-de sous , où il n 'y a
toutes celles des arbres possibles reli ant désorma is plu s que de ux g roupes de
les villes. Pas questio n de les étudi er villes.
tous les uns après les autres : cela ferait À la troisième étape,
n" - 2 arbres à tester (d 'après un théo- on re lie par la plus
rème de Cay ley de 1897), un no mbre courte li aison pos-
qui a vite fai t de devenir co lossal : pour sible le groupe nord
n = 2 1, le nombre d'arbres vaut et le groupe sud , et
1324849664033 1026 1255807 8 1. on obtient le réseau
O n n'aurait pas fini ! Je plu s co urt j o i-
Heureusement , une propriété très simple g nant les v ingt e t
permet de déterminer as ez rapidement une capitales régio-
l' arb re min ima l : chaque sommet est nales.
joint par une arête à so n plu s proc he Cet algori thme est
vo i in . dO à Joseph Krus-
L' arbre minimal comporte donc néces- ka l (1 928-2010 ).
sa ire me nt l'éta pe Stras bo urg-Metz, Dan le cas parti-
pui sque Metz est la ville la plu s proche culier des capitales
de Strasbourg. En considérant les villes régionales, surpri e,
une par une, on obtient ainsi que l'arbre il n'ex i te plu de
minimal contient toutes les arêtes repré- ligne directe Paris-
sentées ci-dessous : Lyo n- M ar e ill e !
Pour aller de Paris
à Mar eille, il fa ut
passer par Po itiers,
Bo rdeaux e t To u-
louse. Avec un te l
itinéraire, le gain en
temps pour aller de
P a ri s à M arse ill e sera très réduit ...

Des arbres abstraits


Contrairement au cas des capitales régionales, les
objets à classer en statistique descriptive ne sont
li nous s u ffit ma inte nant de tro uve r généralement pas assimilables à des points d'un plan,
com me nt re lie r de faço n optima le les et la « distance » qui les sépare n'a pas de sens phy-
gro upes ai nsi o bte nu s. Co mme plu s sique. La représentation graphique adaptée à ce genre
ha ut , l'arb re minim a l do it co nte n ir de situations plus abstraites est alors le dendogramme,
l'arête la plu s courte qui joint une ville une sorte de mobile suspendu à la Calder. La hauteur
d ' un gro upe do nné à un e v ill e d 'un des traits horizontaux caractérise le niveau de cas-
au tre gro upe. Ain si, o n do it ajo ute r la sure d'un groupe en deux morceaux, c'est-à-dire la
li aison Toul ouse- Bordeaux, qui est la longueur de la plus longue étape reliant les objets
plu s courte étape reliant une vill e du du groupe.
gro up e T o ul o u se- M o ntp e l I ie r-

Hors-série n° 54. Les graphes Ta.ngente


SAVOIRS Des arbres pour les trains

Propriété de l'arbre minimal cripti ve pour établir des c lass ificat ions
par groupes, par exemple pour regrou-
Considérons un arbre qui ne comprend pas l'arête qui per les vingt et une capita les régionales
joint le sommet S à son plus proche voisin T. en plusieurs« superstructure » consti-
tuée de vi lles « proches entre elles ».
En supprimant la plus longue étape (Bor-
deaux- Toulouse}, on obtient deux groupes.
Pour e n avo ir troi s, o n s upprime la
seconde plus longue étape (Toulouse-
Montpellier). La ville de Toulouse consti-
tue alors un groupe à elle seule. En ôtant
les k plus grandes arêtes de l'arbre mini-
Montrons que cet arbre n'est pas minimal. Dans l'arbre mal , on obtient k + 1 groupes, qui consti-
initial, il existe un chemin qui permet d'aller de S à T. tuent des « super-régions » , dont on peut
Supprimons la première étape de ce chemin, et ajou- ain si choisir le nombre et la répartition
tons l'arête qui joint S à T. géographique.
G. G. &T.R.

Références
• Graphes et algorithmes. Michel Gondran
et Michel Minoux , Eyrolles, 1995 .
• Proof Jrom the book . Manin Aigner et Günter
Ziegler, Spri nger. 1998.

On obtient un réseau, plus court, qui est un arbre puisque


chaque ville est accessible de n'importe quelle autre en
suivant le nouveau réseau.

Une des rai sons de cette aberration est


que l' on n ' a pas tenu compte du tra-
fic pote nti e l !
Un inconvé nient de l' arbre minimal est
qu'il supporte mal la mise à jour: si l'on
ajoute une gare, il faut entièrement recal-
culer l'arbre minimal !
En pratique, l' arbre minimal n'est bien
sGr pas utilisé pour déterminer le réseau
ferroviaire à con truire. Il joue cepen-
dant un rôle essentiel en statistique des-

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


par Hervé Lehning EN BREF

Les graphes de cav1ev


De par leur définition on ne peut plus élémentaire, les graphes s'adaptent à toutes les
situations ... Prenons ainsi une question d'algèbre : comment choisir de manière aléa-
toire un élément dans un groupe fini? En faisant appel à la théorie des graphes ! Don-
nons-nous un groupe G et Sune partie génératrice de G, c'est-à-dire une partie telle que
tout élément de G soit le produit d'un nombre fini d'éléments de Set de leurs inverses. Le
graphe de Cayley de G par rapport à S est un graphe orienté dont les sommets sont les
éléments de G; ses arêtes relient les éléments g aux éléments g.s où s appartient à S. Une
telle arête s'étiquète naturellement s.
Prenons un exemple visuel, celui du groupe G des isométries laissant les sommets d'un
triangle équilatéral T globalement invariants :

A
Ce groupe est constitué de six éléments: les trois symétries sA, sB et sc
par rapport aux axes (OA), (OB) et (OC) respectivement, les deux
rotations r 120 et r 240 de centre O et d'angles 120° et 240°, et l'iden-
,,, tité idT. L'ensemble des trois symétries est générateur, puisque
1 id = s/ , r 120 = sB . sA et r 240 = sc . sA. Le graphe de Cayley de G par
....... . . . . '
.. .. 1 ...
rapport à S est le suivant :
,' O,
id

c B
Chaque ar ête est orientée dans les
deux sens. Bien entendu, ce n'est
pas toujours le cas pour un groupe G et une sc- -----i11--_,........,.,___ r 240

partie génératrice S donnés !

En remplaçant la partie génératrice S par S', la partie consti-


tuée de la symétrie d'axe (OA) et de la rotation de centre O et r , 20

d'angle 120°, le graphe de Cayley est différent.

Dans les deux cas, le graphe de Cayley est une visualisation du


id
groupe. Certaines propriétés sont mises en évidence, en particulier à
travers les cycles du graphe. Ici, on observe que le carré de chaque
symétrie est égal à l'identité, et le cube des rotations également.
Les applications des graphes de Cayley sont nombreuses et par-
fois inattendues. Ainsi, ils permettent de trouver un élément
aléatoire dans un groupe, ce qui est utile en cryptographie,
par exemple pour utiliser des méthodes comme celle des
courbes elliptiques : on part d'un point O'identité par
------"--------_,,_~
ri,o ,., 20
r120
exemple) et on suit un chemin aléatoire dans le graphe.
On retrouve également les graphes de Cayley dans les
questions de routage dans un réseau.

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


ACTIONS par Jean-Luc Stehlé

Comment éuiter
Quand les distances se mesurent en minutes, la ligne droite
est rarement le plus court chemin d'un point à un autre. Les
randonneurs comme les automobilistes le savent bien, mais
comment trouver l'itinéraire le plus rapide ?

connecte, via le réseau téléphonique


mobile GSM , au central de contrôle rou-
tier, qui le renseigne sur l'état du trafic,
les raJentissement , rue barrées et autres
embouteillages. Par ailleurs, un système
GPS de locaJisation par satellite donne
en permanence la position exacte du
véhicule : on dispose donc de toutes les
informations permettant de choisir un
itinéraire optimal et de le modifier en
temps réel selon l'évolution de condi-
tions de circulation (un bouchon 'est
résorbé , un autre s'est formé, etc.).
n automobiliste pressé souhai-

U te se rendre d ' un point A à un


point B le plus rapidement
poss ible, tout en respectant toutefoi s les
Un graphe pour le réseau routier

Le réseau routier est modélisé sous


limitations de vitesse. Le logicie l de forme d ' un graphe (S , A). Les sommets
navigation de son ordinateur de voiture a du graphe (l'ensemble S) correspondent
en mémoire les cartes routières de la aux intersections et les arêtes (l' en-
région et , à intervalles réguliers, il se semble A) aux segments de route allant
d ' une intersection à l'autre. Deux som-
mets U et V étant cho isis, il n'y a une
Chaque rue est pondérée pour tenir
arête de U vers V (notée U- V) que s' il
compte du trafic. ex iste une route de U vers V sans inter-

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


VIE QUOTIDIENNE

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ection interméd iai re et si le sens de tra- encore plu rapide, d 'où la solution Réseau de
jet de U ver V e t auto risé . À toute A- l.r-R- P- B, qui ne prend que dix-sept sentiers en
montagne avec
arête U- V on a ocie un coefficient de minutes. C'e t alors que, constatant que le
temps de
pondération, proportionne l au temps périphérique intérieur est très fluide , on parcours.
nécessaire pour parcourir U- V compte décide finalement de partir dans la direc- Le dénivelé fait
tenu de la distance et des condi tions de tion opposée à celle de l'objectif, et de que les
circul ation. rejoindre en C le périphérique intérieur, itinéraires
C 'est ainsi qu' une rue à sens unique est que l'on suit jusqu 'en H pour gagner fina-
doivent être
fléchés : le temps
représentée par une arête unique , une lement B . On choisit donc le trajet de parcours n'est
rue à double sens par deux arêtes (une A-C- D-E-F-G- H- B, qui prend quinze pas le même
dans chaque sens) et les temps de par- minutes. (Quitter le périphérique en F dans un sens et
cours sont parfois di ffé rents d ' un sens à aurait été une mauvaise solution car Q-B dans l'autre.
l' autre compte tenu de la densité du tra- et Q-P sont embouteillés .) Pour d 'autres
raisons
fic. La fig ure ci-de su mo ntre
(embouteillages),
l'exemple d ' une ville pourvue d ' un l'éloignement aide au rapprochement les graphes de
boulevard périphérique à double ens et navigation
très fl uide , ai n i que de rues à trafic Cet exemple , tout à fai t réaliste pour une routière sont
plus lent et parfois fo rt emboute illées ville comme Paris, montre qu ' un bon iti- aussi orientés.
(comme pour aller de N à P). néraire peut démarrer en tournant le do
Il serait logique , pour trouver l'itinéraire à l' objecti f. Pour trouver cette solu-
le plus court, d'avancer toujours dans la tion , il a fallu ana lyser plusieurs che-
direction de l'objectif. Dans l'exemple m in s. Tenons-nous la solut ion optima-
précédent, cela conduit à l' itinéraire le ? Pour le avo ir, il faudrait explorer
A- N- P- B, qui prend vingt-quatre to us les c he min s possibles ma is ,
minutes . Cependant, la rue N- P étant même en éliminant les bo uc les , c ' est
embouteillée dans le sens de N vers P, i I en pratique imposs ible : po ur une ville
vaut mieux faire le détour N- R- P, qui fai t réelle , le graphe contient considérable-
économiser six minutes . Passer par L est ment plus d ' arêtes que celui de notre

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


ACTIONS Comment éviter les bouchons

Exemple de
modélisation
de la situation
du trafic d'une
grande ville.
Les temps de
parcours entre
les points
d'intersection,
exprimés en
minutes,
indiquent
qu'on a affaire
à une ville dont
le centre est
surchargé et
dont le
boulevard
périphérique
est fluide.
exemple, sans parler des navigateurs de raisonnable pour que le conducteur puis-
voiture actuels, qui pe uvent contenir la se avoir l' info rmation dont il a besoin en
carte routière de l'ensemble de la France un temps acceptable.
(y compri s tous les pl ans de toutes le
villes), ce qui représente un graphe Encore plus fort : les heuristiques
gigantesque . L'énumération de tous les
chemins po sibles conduit à une explo- On peut considérablement accélérer
sion combinatoire et, mê me sur un l' algorithme en défini ssant une notion
ordinateur de pointe, les temps de cal- de « grands axes » et en prenant en
cul e compteraient plutôt en sièc les compte des règles intuiti ves (appelées
qu 'en mjnutes. heuristiques) du type « une fo is sur un
La olution aujourd ' hui employée est un grand axe , on y reste jusqu 'à ce que l' on
algorithme dû à Dijkstra (voir par ailleurs soit proche du point d 'arrivée » . Dans
dans ce numéro), dont le temp de calcul , certains cas , certes, cet algorithme accé-
proportionnel au carré du nombre de léré donne un résultat non optimal,
points, est raisonnable même pour des mais, en général, l'économie de temps
réseaux routiers à l'échelle d' un pays. Cet de calcul est phénoménale à l'échelle
algorithme consiste à « bourgeonner » d ' un pay . Tout repose sur l'astuce dont
autour de A, en déterminant de proche en on a fa it preuve dans la définition des
proche les plus courts chemins menant de heuristique et dans le choix des grands
A aux autres points (en commençant par axes. Comme souvent dans les applica-
les plus proches de A). Pour un réseau tions pratiques, on peut opter pour un
routier réel, avec des temps de trajets à algorithme exact mais parfois lent , ou
peu près proportionnels aux distances, les pour un algorithme accéléré, parfois
temps de calculs croissent à peu près non optimal mais souvent de vitesse
comme la puissance quatrième de la dis- d'exécution beaucoup plus rapide.
tance AB : c'est beaucoup , mais à l'échel-
le d' une ville, c'est encore suffisamment J.-L. S.

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


EN BREF par François Lavallou

les problèmes d'isomorphismes de graphes


Un graphe peut être représenté par un ensemble de billes reliées par des élastiques. Pour
chaque nouvelle position des billes, on crée un graphe équivalent, en ce sens qu'ils ont le même
nombre de sommets et les mêmes conditions d'adjacence entre eux. Cette bijection entre leurs
sommets qui conserve les arêtes est un isomorphisme de graphes qui préserve leurs struc-
tures, indépendamment de leurs formes. Si u - v est l'arête entre les sommets u et v, eth un
isomorphisme entre les graphes G et H, alors u - v E G équivaut à dire h(u) - h(v) EH. Ces
isomorphismes constituent des relations d'équivalence entre graphes, et on note G == H. Les
graphes octaédriques suivants sont isomorphes. Du fait de leur régularité Oes six sommets
sont de degré 4), l'isomorphisme n'est pas unique.

La question générale fondamentale de la


théorie des graphes est de déterminer si

-
deux graphes donnés sont équivalents.
Ce problème non résolu dans toute sa
généralité se pose en particulier pour
classer les molécules chimiques.
Une condition nécessaire d'équi-
valence est bien sûr qu'ils aient le
même nombre de sommets. Mais
d'autres invariants existent,
comme le degré des sommets, la distance (topologique) à un sommet particulier, la taille de la
clique maximale ou le nombre chromatique. Si certaines de ces quantités ne sont pas égales,
les graphes ne peuvent être isomorphes.
La dualité point-droite de Poncelet et la correspondance Delaunay-Voronoï pour les mail-
lages amènent à définir le graphe adjoint G' d'un graphe G en associant un sommet à chaque
arête de G, deux sommets de G' étant adjacents si les arêtes correspondantes ont un sommet
de G en commun. Ainsi, le graphe adjoint du tétraèdre est le graphe octaédrique.

Hassler Whitney (1907-1989) a montré en 1932 que deux graphes


connexes sont isomorphes si, et seulement si, leurs graphes ad-
ioints sont isomorphes. Deux exceptions toutefois, les graphes K3
et K1,3 ont tous eux K3 pour graphe adjoint, mais ne sont pas
isomorphes.
Ce problème classique en algorithmique est connu en théo-
rie de la complexité pour être l'un des seuls problèmes de
classe NP (avec la décomposition d'un nombre en pro-
duit de facteurs premiers) pour lesquels on ne connaît
ni d'algorithme polynomial, ni de preuve qu'il est
NP-complet. Il est donc particulièrement important
pour le problème « P =NP? » .

Ta.ngente Hors-série n°54. Les graphes


SAVOIRS par Norbert Verdier

Un arbre
pour le théatre
Un texte littéraire est avant tout une suite de mots. Avant
d'enfiler les mots à la suite les uns des autres, on peut décider
au préalable de choisir une structure qui organise l'ensemble.
Dans cette phase, les mathématiques peuvent jouer un rôle.
ans les années 1960, un grou- Créations combinatoires

D pe d'écrivains regroupés sous


le nom d'Oulipo (Ouvroir de
littérature potentielle) a décidé de rappro-
Paul Fournel a utili sé des notions
extraites de la théorie des graphes dans
cher les mathématiques de la création lit- son « arbre à théâtre». Il explique ainsi
téraire. Dans on introduction à qu' « à l 'origine, le but était de faire
l'Oulipo , Raymond Queneau en préci e une comédie sur une structure en
ainsi le intentions : « Proposer aux arbre. Les problèmes soulevés par une
écrivains de nouvelles telle réalisation sont particulièrement
"structures", de nature nombreux et certains nous ont paru
mathématique, ou bien pratiquement insolubles. Une pièce en
encore inventer de nou- "arbre" demanderait notamment un
veaux procédés artifi- effort de mémoire presque surhumain
ciels ou mécaniques, aux comédiens. Nous avons donc éla-
contribuant à l'activité boré un graphe original, présentant
littéraire : des soutiens pour le spectateur toutes les appa-
de l 'inspiration pour rences de l 'arbre, mais n 'en ay ant pas
ainsi dire, ou bien enco- les inconvénients pour les comé-
re, en quelque sorte, une diens».
aide à la créativité. » À L' arbre à théâtre implique donc les
partir de là, les oulipiens spectateurs, qui sont amenés à faire des
uti.lisèrent divers objets choix, en l' occurrence quatre, selon des
ou notions issus des modalités à définir (vote à main levée
mathématiques pour dans une aile de théâtre , vote par télé-
structurer le monde des phone 'i l s'agit d'une diffu ion radio-
Claude Lévi-Strauss. mots . phonique, etc.). La seule contrainte est
de faire en sorte que la durée du vote ne

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


VIE QUOTIDIENNE

soit pas trop longue. En uite , uivant La, structure de graphe permet de multiplier
le choix finalement retenu , le acteur les possibilités avec un minimum d'efforts
jouent te lle ou telle cène. Par
pour les comédiens.
exemple, la scène 1 nou montre le roi
tri ste, que la reine ne parvient pas à
consoler. Pourquoi est-il malheureux ? C 'est cette question qui fait l'objet d' un
choix de la part des spectateurs,
- - - - - - 1rr choix confrontés à l'alternative suivante:
- la fille du roi , la princesse, a perdu le
•• - 2• choix ourire ;
- la princesse a été enlevée.
Si les pectateurs se prononcent pour la
première po sibilité , alor les comé-
dien jouent la cène numérotée 2 dans
4' choix le graphe de la figure de la page précé-
dente. Si , à l' inverse, ils optent majo-
ritairement pour la seconde, c'est alors
la scène n°3 qui e t jouée.

Du théiitre au suffrage uniuersel

Quel que soit le déroulement de la pièce,


L'arbre à théâtre. Les spectateurs celui-ci intègre en tout quatre choix
sont invités à faire quatre choix effectués par les spectateurs et se dérou-
successifs au moyen d'un vote orga- le en cinq scènes. Le graphe structurant
nisé dans la salle. la pièce pos ède quinze sommets, cha-

Hors-série n°54. Les graphes T4ngente


SAVOIRS Un arbre pour le théâtre
L'Ouvroir de littérature potentielle
a été fondé , le 24 novembre 1960,
par François Le Lionnais, Raymond
Queneau et une dizaine de leurs
a.mis (autour d 'une bonne table,
comme il se devait).

Structuralisme. langage
Ce sont les publications de Lévi-
Strauss qui ont donné naissance
au structuralisme. qui a envahi
peu à peu toutes les sciences
humaines. l'histoire et la gram-
maire notamment. (Le structura-
lisme a. dans ses excès. souvent
trop privilégié la structure formel-
les seize le des choses étudiées au détri-
chemins cun correspondant à une scène potentiel- ment du sens. et a progressive-
Pour lister toutes lement jouée. Parmi celles-ci , quatre ment perdu de son aura.)
les pièces pos- n'engagent pas le spectateur. Dit autre- Par exemple. connaître la struc-
sibles, une métho- ment , l' arbre comprend quinze cènes, ture d'une langue en apprend
de systématique dont quatre seulement ne débouchent pa
consiste à partir le
autant que connaître les mots
sur un choix des pectateurs. Une étude isolément car dès qu'on la
plus à gauche pos-
simple montre qu ' il est possible de connaît. on peut d'un seul coup
sible en descen-
jouer seize pièces différentes , autrement se lancer dans l'apprentissage
dant le graphe, et
en ne bifurquant à
dit que le nombre de chemins du graphe de toutes les langues ayant une
droite que si tous menant de la racine (la cène 1) aux structure similaire. Un exemple
les chemins plus à feuille (le cène 14 et 15) est de 16. parmi d ·autres : la structure de la
gauche ont déjà San l ' utili ation de cette tructure, le langue arabe, dite de dérivation.
été visités . En sui- eize pièce di ffé rentes obtenue auraient Les mots sont groupés par
vant cette règle , on néce ité l'écriture de pas moins de familles . chaque famille est
trouve les 16 che- quatre-vingt cène (cinq cène par engendrée à partir d"une racine.
mins suivants : pièce), d'où d' in urmontables difficultés Par adjonction de lettres à la raci-
2 4 6 10 14 d' apprenti age pour les comédien . La
2 4 6 11 15 ne. on forme d 'autres mots,
structure de l' arbre à théâtre possède chaque type d ·adjonction corres-
2 4 7 10 14
ainsi un intérêt « économique », repré- pondant à une même classe de
2 4 7 11 15
sentant à elle seule seize pièces poten- sens. Par exemple, la racine
2 5 8 12 14
1 2 5 8 13 15 tielles tout en ne nécessitant la mémori- « KTB » (signifiant « il a écrit »)
1 2 5 9 12 14 sation que de quinze scènes différentes. donne. en ajoutant une lettre. le
1 2 5 9 13 15 L'écriture à contraintes a connu son mot « celui qui écrit» (l'écrivain)
3 4 6 10 14 heure de gloire surtout à l'époque de et. en ajoutant deux lettres, le
3 4 6 11 15 l' ère structurali te (voir en encadré). mot « ce qui est écrit» (le destin,
3 4 7 10 14 Cependant , les oulipiens continuent maktoub). Cette racine engendre
3 4 7 11 15 encore à être actif aujourd ' hui et ren- ainsi une vingtaine de mots.
3 5 8 12 14 contrent un uccè qui ne ' est jamais
13 15 D'autres racines peuvent engen-
3 5 8 démenti .
3 5 9 12 14 drer plus d"une cinquantaine de
N. V. mots.
3 5 9 13 15

16 Tcingent:e Hors-série n°54. Les graphes


SAVOIRS par Sylvain Kahane

Entre sens
Parler, c'est transformer ce que l'on veut dire en ce que l'on
dit, autrement dit un sens en un texte. Cette correspondance
entre sens et textes peut se décrire par des graphes, pas
toujours simples à interpréter.
1 est délicat de définir et de repré- « départ » et « pleure ». Toutes ces rela-

1 enter le sens attaché à un texte. Il


ex iste un système de représentation
ba é sur des graphes, qui prend sa our-
tions peuvent se regrouper sous la forme
d'un graphe orienté:
'causer'
ce dans les travaux d ' Igor Melcuk , l' un
des pionniers de la modéli sation for- /o,
'partir' ./ 1 2 'pleurer'
melle de langue . Sa théorie, dite
Igor Mel'cuk. théorie sens-texte, date des année
1960 .
ô1 "a
1
1 1
L' idée de départ est que le sens d' une
phrase naît de l'interaction des sens des t
'Marie'
t
'Pierre'
mot . Cette interaction peut être vi sua-
lisée au moyen d' un graphe. Dans ce graphe, chaque arête représente
Dans un énoncé, certains mots agis ent la relation entre le en d ' un mot et
sur le sen d ' autres mot (ses crgu- l'un de es arguments. Le graphe est
ments sémantiques) et les mettent en connexe : tout mot est relié à tous les
relation . Par exemple, dans la phrase: autres par une suite de relati ons
(d'arêtes) ; c'est ce qui assure l'unité de
(1) « Pierre pleure à cau se du sens de la phrase.
départ de Marie » ,
Graphes sémantiques
« pleure » a comme unique argument
sémantique « Pierre ». Syntaxiquement Les étiquettes sur les arêtes du graphe
parlant, « Pierre » est le sujet de indiquent le numéro de l'argument et
« pleure ». Le groupe « à cause de » pos- permettent de distinguer les différents
sède, quant à lui , deux arguments: arguments d' un même mot. D'autres

Tc:ingent:e Hors-série n°54. Les graphes


VIE QUOTIDIENNE

phrases ont le même graphe et sont donc L'interaction des sens des mots
des paraphrase de la phrase initiale. Par
exemple:
peut se représenter par un graphe.

(2) « Pierre pleure , parce que cadeau à Marie », « donner » en a trois qui
Marie part », se réalisent comme sujet, objet direct et
objet indirect.
(3) « Les pleurs de Pierre sont dus L' autre partie fo rme la grammaire pro-
au départ de Marie », prement dite : règ les de conjugaison,
place du sujet par rapport au verbe , etc.
(4) « Le départ de Marie fait pleu- Pour décrire la correspondance entre
rer Pierre » • graphes sémantique et textes, il est pré-
férable de considérer des représentations
Comme on le voit, le sens « causer » intermédiaires, notamment une représen-
peut être exprimé en français de mul - tation dite syntaxique. La grammaire
tiples faço ns (« à cause de » , « parce devient alors modulaire : un premier
que », «être dO à » , « faire » sui vi de module assure la correspondance entre le
l'i nfi nitif. .. ) . graphe sémantique et la représentation
Le graphe sémantique d ' une phrase peut syntaxique et un second module assure
avoir des cycles, comme dans la phrase la correspondance entre la représentation
« Pierre croit entendre Marie ». syntax ique et le texte.
Un graphe sémantique ne représente
qu'une partie du sens, dite situationnelle, L'arbre de dépendance
qui renvoie à la situation que l'on veut
décrire. Les phrases précédentes, bien que La représentation syntaxique que nous
décrivant toute la même ituation, ne adoptons s'appelle un arore de dépendan-
peuvent être employées dans les mêmes ce syntaxique, notion développée par
contextes de communication et sont donc Lucien Tesnière , lingui ste majeur du
différentes de ce point de vue. xxe siècle. Les nœ uds de cet arbre sont
Le passage du sens au tex te pe ut être les mots de la phrase et ses arcs ont éti -
modélisé par un ensemble fi ni de quetés par des relation syntax iques indi-
règ les, qui permettent de construire un quant la fo nction du mot dépendant par
graphe sémantique. Une partie de cet rapport au mot dont il dépend .
Voici ces arbres pour les phrases (2) et (3) :
'causer' pleure
/0 " /o,
1 2
"
sujet circonstanciel
'partir' 'pleurer'
cl
1
~1 . O/
Pierre Q parce que
1
conjoncl ion
1 1
t
'Marie'
t
'Pierre'
1
Q part
1
(2) sujet
ensemble de règles forme le lexique et 1
concerne la description des mots. Par 0
exemple, « pleurer » po sède un unique
Marie
a-gument, alors que dan « Pierre donne un

Hors-série n°54. Les graphes Tc:in9ente


SAVOIRS Entre sens et texte
sont
un dépendant de ce verbe et est exprimé
sujet
/°-,
auxilinire
par la conjonction de ubordination

pleurs O/ "' O dus


« parce que ». Pour l'arbre (non représen-
té) de (4), le nœud « causer » est choisi
déterminant
/ "
cplt -dc-nom "
cplt-obliquc pour exprimer la racine de l' arbre et donne

les Q / "' Q de
1
"'Q a'
1
la configuration « sont du à » ; le sen
« pleurer » devient un dépendant de ce
prépositionnel pré1>ositionncl verbe et est exprimé par le nom
1 1 « pleurs » .
Pierre Q Q départ
"
/ cplt-dc-norn
déterminant
S ' il existe des cycles dans le graphe , il
faut les couper soit sur un arc (ce qui
le Q / "'Q de
1
donne « Pierre croit entendre Marie »
pour notre deuxième exemple de graphe),
prépo;itionncl soit sur un nœ ud . De cette opération
1 résulte l' introduction de pronoms,
0 comme le pronom « i1 » renvoyant à
(3) Marie
Pierre dans « Pierre croit qu ' il entend
Un mot ne correspond pas forcément à Marie ».
une chaîne de caractère entre deux Le pa age de l'ordre de dépendance
espaces . Ain i, «au» e t considéré syntax ique au texte consi te à ordonner
comme l' amalgame de deux mots, « à » les nœuds de l' arbre syntax ique selon
et « le », tandis que « parce que » e t des règle qui font intervenir le type de
considéré comme un seul mot. l'arc qui les relie .
Pour passer du graphe sémantique à un Il y a tout lieu de penser que le ens e t
arbre de dépendance, il faut choisir le un objet multidimensionne l. Là où la
nœud qui correspondra à la racine de hiérarchi sation assure le passage d ' un
l'arbre (ce choix est guidé par la structura- graphe sémantique à un arbre syn-
tion communicative), puis suspendre le tax ique (un arbre est un graphe hiérar-
graphe par cette racine. Ensuite, il faut chi sé), la linéarisation, quant à elle,
choisir pour chaque sens dans le graphe permet le passage d ' un arbre syntaxique
un ou plusieurs mots qui l'expriment à une suite linéaire de mots.
(« causer » s' exprime par « à cause de »
ou « être dO à » , par exemple). S. K.
En français comme dan la plupart des
langues, la racine
de l'arbre de dépen-
dance doit être un linguistique. sémantique et svntaxe
verbe . Décrire ce que produit quelqu'un qui parle ou qui
Par exemple, pour écrit et la façon dont il le produit est l'objet de la
l' arbre de (2) , le li11y11istiq11e. La S('/11Wlliq11e. quant ù elle, s'occupe
nœud sémantique du sens des mots et des textes, lù où la syntaxe
« pleurer » est choi- s'occupe de leurs constructions. Ainsi, la phrase
si pour exprimer la « d'incolores idées \'ertes dorment furieusement »
racine de l'arbre et est syntaxiqm,ment correcte, alors que « les
donne le verbe enfants joue dans la cour » ne l'est pas. Du point de
« pleure » ; le sen \'lie sémantique, c'est le contraire.
« causer » devient

TCLngente Hors-série n°54. Les graphes


par Benoit Rittaud EN BREF

les arbres par eux-mêmes


Les oulipiens ont imaginé des textes définissant eux-mêmes la
contrainte à partir de laquelle ils sont construits. Petit essai
dans cette veine.

' l' inverse de la topologie, de il n'y a pas de « boucles »), ce qui impo-

A l'algèbre ou des probabilités


(ces dernières étant bien sûr
prises non dans leur acception scolaire
se, par un petit raisonnement pas bien dif-
ficile (partez d'un sommet quelconque et
avancez dans la direction que vous voulez
mais dans leur généralité contemporaine), jusqu 'à être bloqué), qu ' un arbre contient
la théorie des graphes est une discipline des feuilles (des sommets desquels ne par-
mathématique qui s'occupe d'objets fi nis, tent qu 'une seule arête). Cet énoncé ne
ou plus exactement di crets. Parmi les cas saurait être confondu avec l'affirmation
particuliers significatifs de graphes figure homonyme issue de la biologie végétale,
l'exemple des arbres qui , contrairement autre science éminente qui tire d' ailleurs
aux autre graphes , sont à la fo is profit de l'étude des arbres - arbres au sens
connexes (c'est-à-dire que l'on peut tou- mathématique, s'entend - pour mieux
jours joindre deux sommets de l'arbre en comprendre la manière dont les arbres
sui vant les arêtes le constituant) et sans - les vrais cette foi , ceux en bois - se
cycles (autrement dit, il n'existe qu ' un ramifient progres ivement.
chemin menant d' un sommet à un autre, B.R

ISCI ne UI

c'est-à-dire.. et sans cycles

/
(autrement dit...)

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


PASSERELLES par Benoit Rittaud

les liures dont uous êtes


I

e eros
Il y a une trentaine d'années, c'est-à-dire bien avant Harry
Potter, un type particulier de livres pour la jeunesse a été
inventé. Structurés par des graphes , ils permettent une
narration originale.
n 1982 , les Britanniques Steve logiquement doté aussi du premier rôle

E Jackson et Ian Livingstone , pas-


sionnés de jeux de stratégie et de
société , firent paraître un livre d ' un genre
de l'histoire racontée.

Un lecteur très puissant


nouveau. Traduit en 1983 sous le titre Le
Sorcier de la montagne de feu Outre le rôle qu 'elle donne au lecteur,
(GaJlimard), il fut le premier de Livres l' intérêt de cette structure est d 'obtenir un
dont vous ête le héros, principalement ouvrage de taille rai onnable permettant
destinés au jeune public, qui peut ain i toutefoi un grand nombre de parcours
découvrir le plaisir de lire . Dans l' intro- différents : il faut en généraJ plusieurs
duction au premier de ces livres, on trou- tentatives pour finir l'aventure avec suc-
ve mentionnée une référence à l'informa- cès, san que celles-ci soient trop répéti-
tique dans un langage délicieusement tives. Ce livres n'ont pas une structure
démodé : « C'est le livre lui-même qui d'arbre, puisque des cycles sont possibles
fa it office de Maitre du Jeu, en utilisant (par exemple lorsque le « valeureux lec-
une technique familière à ceux qui ont teur » est perdu dans un labyrinthe) . De
suivi des cours programmés électroni- plus, deux lecte urs en train de lire le
quement. » même paragraphe du livre n'en sont pas
La structure en paragraphes permet au nécessairement au même point: suivant
lecteur de choisir lui-même le déroule- le chemin déjà parcouru , le héros a pu ou
ment de l'action : s'il veut l'orienter dans non récolter objets magiques et informa-
telle direction , il est invité à se rendre à tions utiles . Pour limiter la « triche »,
tel ou tel paragraphe du livre où une c'e t-à-dire pour que le lecteur ne puisse
autre décision à prendre l'attend, et ainsi pa faire emblant de di po er de l'amu-
de suite jusqu'à atteindre un paragraphe lette indispensable pour vaincre le
marquant la fin de l' histoire. Puisque le monstre qu ' il a en face de Iu i, les concep-
lecteur est ainsi « tout-puissant », les teurs de ces livres-jeux adjoignent à cer-
inventeurs de ces ouvrages l'ont fort tains objets ou informations une règle

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


VIE QUOTIDIENNE

d' utilisation du style « lorsqu 'il sera remporté Roland-Garros une nouvel-
temps d 'utiliser la fo rmule magique, le fois. L'année suivante, vous êtes à
ajoutez 10 au paragraphe où vous vous nouveau confrontée à Serena
trouverez alors». Le lecteur qui n'a pas Williams en finale ; l'expérience
rencontré au préalable le sorcier ne peut acquise lors de votre défaite pourrait
alors pas poursui vre comme si c 'était le vous aider à prendre votre
cas . revanche ... Rendez-vous au 1.
B. R .
5. Votre adversaire manque sa volée.
Un début d'histoire dont vous êtes Vous êtes à 4 partout dans la derniè-
le héros. Si le cœur vous en dit, re manche. Lancez une pièce : si elle
poursuivez-la et complétez son tombe sur pile, rendez-vous au 9.
graphe. Sinon, rendez-vous au 4.

Allez savoir comment, vous êtes 6. Un point qui restera dans les
en finale dames des internatio- annales ! Vous empochez la premiè-
naux de France de Roland-Garros, re manche. Rendez-vous au 8.
opposée à Serena Williams, tenan-
te du titre. 7. Votre service va au filet : vous êtes
Il faut remporter deux manches désormais menée une manche à
pour gagner la partie. zéro. Rendez-vous au 8.
Rendez-vous au 1.
8. La seconde manche commence,
1. Vous donnez-vous à fond pour aussi âpre que la première. Lancez
gagner la première manche? Si oui , un dé : si vous obtenez 3 ou moins,
rendez-vous au 2. Si vous préférez vous perdez la manche (rendez-vous
vous économiser, rendez-vous au 3. au 4 si vous aviez perdu la première),
sinon, vous l'emportez (rendez-vous
2. Au prix d'un gros effort, vous rem- au 9 si vous aviez remporté la pre-
portez la première manche. Mais, mière ). Si vous en êtes à une
épuisée, vous perdez la suivante et manche partout, rendez-vous au 5.
vous êtes menée 4-2 dans la troisiè-
me. Lancez un dé : si vous obtenez 1 9. Victoire! Après un superbe échan-
ou 2, rendez-vous au 4. Sinon , ren- ge final , vous remportez la partie. Au
dez-vous au 5. moment de vous saisir du trophée
retentissent alors une série de
3. Vous êtes au jeu décisif dans la « Bip ! » caractéristiques de la sonne-
première manche. Tentez-vous un rie du réveil ... Vous ne pensiez tout
service-volée (rendez-vous au 6), ou de même pas que vous aviez gagné
servez-vous normalement (rendez- Roland-Garros !
vous au 7)?
B. R.
4. « Dès le début de la partie, je sen-
tais que ce serait difficile .. . » Le jour- Problème subsidiaire : réaliser le
naliste qui vous interroge le lende- graphe représentant l'évolution pos-
main de votre défaite prend un air sible d'un jeu au tennis selon les règles
compatissant. Serena Williams a habituelles (15--0, 15 partout, etc.).

Hors-série n°54. Les graphes Ta.ngent:e


EN BREF par F. Lavallou et H. Lehning

Le word ladder.
un ieu sur les mots de Lewis Carroll
Prenez deux mots de quatre lettres au hasard, comme All\IE et l\IATH. Peut-on passer de
I\m à l'autre en plusieurs étapes consistant chacune à modifier une lettre? Ce jeu inventé
par Lewis Carroll concerne le graphe dont les sommets sont les mots de quatre lettres,
que l'on relie par une arête si l'on peut passer de l'un à l'autre selon la règle imposée. En
utilisant une méthode initiée par Donald Knuth , on s'aperçoit que ce graphe est constitué
de plusieurs composantes connexes ... dont l'une regroupe près de 95 % des mots. Fort de
cette quasi-certitude d'une solution à notre jeu, on trouve la suite All\IE- l\111\IE- l\IITE-
l\lITA-MATA-MATH.

Encore des Hongrois !


Né à Budapest e n 1943, Bé la Bo llo bas fut re marqué par Erdôs après
avoir gagné de ux médai lles d 'or lo rs des troi s pre mières Ol ym-
pi ades de mathé matiques. À 19 ans, il publie avec lui un premier
artic le sur les problè mes extré maux en théorie des graphe e t,
sous sa recommandatio n, comme nce à C ambridge un doctorat
e n géomé trie di scrè te, que les auto rité communi stes lui im-
po e nt de tennine r à l'U ni ve rs ité de Budapest, sous la supe rvi-
sio n de Laszl6 T6th et Erdôs. Bo llo bâs est l ' un de plu é mine nts
mathé matic ie ns e n combinato ire. Il a prou vé que le no mbre c hro ma-
tique d ' un graphe a léato ire den sommets est a ympto tique me nt de l' ordre
den/ 2 log n. Le polynôme de Bollobds-Riordan est utilisé pour étudie r les g raphes po lyno miaux.
En excellant e n an a lyse, e n mathé matiques di scrètes et pe ntathlo n moderne( !), Bé la Bo llobas est
une parfaite synthèse des do mai nes de prédilectio n ho ngrois.
Né e n 193 1 à Budapest, Andras Hajna l est surtout connu po ur ses travaux e n théorie des e n-
sembles et e n combinato ire. En théorie des graphes, il ex iste le théorème d 'Hajnal- Szemerédi
re latif à la coloratio n équitable des graphes (prouvant a insi une conjecture d'Erdôs de 1964).
Soit D le degré max imum d ' un sommet d ' un graphe fi ni G . A lo rs, G pe ut être coloré à l'a ide de
D + 1 coule urs de sorte que les e nsembles de sommets de mê me couleur aient la mê me ta ille, à
une unité près.
M athé maticie n créatif, Endre Szeme rédi (né e n 1940) fut l' un des pre mie r à comprendre l' im-
po rtance des mathé matique di crè tes (et des g raphes e n partic ulier, do nt il e sert auss i bien pour
l'étude des réseaux de communicatio n que po ur celle d'a lgorithmes in fo rmatiq ues). li reçoit en
20 12 le prestig ie ux pri x Abe l po ur « ses contributions fondamen tales aux mathématiques dis-
crètes et à l' informa tique théorique », et po ur le ur impact profond et du rable e n mathématiques.
Cette récompe nse partic ipe de la reconnaissance des mathé matiques discrètes comme do ma ine
d ' acti vité à part e ntiè re, e t no n plus comme une impie acc umul atio n de résultats di sparates.

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


Parler lt son ordinateur 126
Retrouuer un mot dans un texte 130
les réseaux de neurones 132
Des listes autrement qu'en ligne 136
Des arbres lt compresser 140

Dans
l'intormatique
G R

Que serait la théorie des graphes aujourd' hui sans l'informatique,


aurait-elle la notoriété qu'on lui connaît'! Qu'il s'agisse de trier des
données, d'établir des files d 'attente, de compresser des fichiers ou
encore de rechercher un mot dans un texte, on retrouve partout une
structure de graphe dans un ordinateur. Un arbre bien construit est
plus maniable qu'une lis te classique d'objets, et permet de construire
des algorithmes très performants .

Hors-série n° 54. Les graphes Tangente ~


SAVOIRS par Yannick Estève

Parler à son
Bientôt, vous parlerez à votre ordinateur et il vous compren-
dra. Derrière ce progrès, prédit par bien des auteurs de scien-
ce-fiction, se cachent les graphes de mots.

a reconnais ance de la parole a Comment reconnaitre la parole ?

L fait d'énormes progrès ces dix


dernières années. Cet es or est
en grande partie dû à l'augmentation de
Les son s produits par la per onne qui
parle (le locuteur) sont récupérés à
la puissance de calcul des microproces- l'a ide d ' un micro. Le rôle de cet ins-
seurs modernes. Bien qu 'encore très loin trume nt est de tra nsformer le son, qui
de la redoutable efficacité de HAL 9 000 , n'est autre qu ' une suite de déplace-
le robot intelli gent du film 200 1, ments d 'a ir, e n s ignal électrique . Ce
l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick s ignal électrique (analog ique) est
(Metro-Go ldwyn-Mayer et Polaris, e nsuite échantillonné et quantifié :
1968), de nombreuses applications à to utes les x milli secondes, la va leur
base de reconnaissance de la parole sont du signal est observée et enregistrée .
déjà exploitables : commandes vocales À partir des caractéristiques du signal, le
dans les voitures, répertoires vocaux des sy tème cherche à reconnaître les pho-
téléphones mobiles, logiciels de dictée nèmes prononcés. Par phonème on entend
pour ordinateurs per onnels, interroga- la plus petite entité sonore du langage :
tions de bases de données par téléphone, c'est le cas par exemple du son [a].
etc. Malheureu ement , en rai on des mul-
Pour fonctionner, ces machines s'ap- tiple altérations usceptible de surve-
puient sur de nombreux outils mathéma- nir, les caractéri tique du signal enre-
tiques. Parmi ceux-ci , les graphes occu- gistrées ne permettent pa de reconsti-
pent une place de choix. tuer à coup sûr les phonèmes . C'est
pourquoi l' on utili se des modèle
Les graphes occupent une place de choix acoustiques qui , à partir des caractéris-
dans les machines de reconnaissance vocale. tiques principales du signal , permettent
d' attribuer une probabilité au fai t qu 'un

Ta.ngente Hors-série n°54. Les graphes


L'INFORMATIQUE

phonème ait été prononcé (ou ait voulu probabilités données par le modèle à
être prononcé) . Ainsi, nous pouvon chacun des phonèmes constituant le
associer au ignal un ensemble de suites mot.
pos ibles de phonème , chacune de ces
suites étant affectée d' une probabilité, les phrases : des hypothèses
donnée par le modèle acou tique.
En tant qu ' entités sonores, les mots Une suite de mots est une hypothèse de
sont formés de phonèmes. Certaines phrase. Le nombre d ' hypothèses de
suites de phonèmes candidates ne cor- phrases pouvant correspondre au signal
respondent à aucun mot : elles sont de parole peut être très grand (des cen-
alors éliminées. Seules les suites de taines de milliers, voire des centaines
phonèmes repré entant des mots sont de millions) . Pour que les calculs pui s-
conservées . Le système associe alors sent être effectués dans un délai raison-
des mots à chaque suite de phonèmes. nable , il est nécessaire d ' utiliser un
Comme il peut exister des mots diffé- outil efficace : c'est ici qu ' interviennent
rents pour une même suite de pho- les graphes de mots. Un graphe de
nèmes (par exemple pour le mots mot permet de représenter de manière
homophones comme « chaîne » et très compacte les hypothè es de phrase
« chêne »), il y a davantage de uites de a sociées au signal de parole enregistré.
mots que de suites de phonèmes con er- S' agis ant de traiter d 'aussi nombreuses
vées. Chaque mot po sède une probabi- hypothè e , les performances des algo-
lité acoustique, calculée à partir de rithmes de recherche du chemin optimal

Hors-série n°54. Les graphes Ta.ngent:e


SAVOIRS Parler à son ordinateur

il débute ur un état initial et e termi-


ne par un état final. Chaque nœud repré-
sente un instant t. Chaque transition
e t étiquetée par un couple (mot ; pro-
babilité acoustique). Les graphes de
mots permettent de représenter un très
grand nombre de phrases candidates
sous une forme trè économique : sans
graphe, il faudrait calculer la probabi li-
Phrase prononcée Le micro transforme le .w n Études carac1érisriq11es principales té de chacune des phra es candidates, ce
e11 signal i lectrique du signal
qui est extrêmement long. La structure
de graphe de mots permet d'élaborer de
l 'autnrblage '111h , l,IIH l1tl.1h ,
des phonl mes th phum llll, méthodes néce sitant moins de calculs
perme/ dt composer
des suites de mou
h\pnlln,1, l1l, 11111111!1, 11,1,
(comme l' algorithme de Viterbi).
rt prhtntls sous forme
euh de graphes
Bien entendu , de nombreux paramètres

.. doivent être encore intégrés pour obte-


nir un algorithme véritablement perfor-
l 'hypothl se de probabilitl
la plus forte est chm :hü mant . En particulier, pour le choi x de
da11s le graphe l'hypothèse de phra e retenue , seules
les probabilités acoustiques ont été uti-
Phrrue reconnue par le systi me
li sées ici : c'est insatisfaisant en pra-
Architecture simplifiée d'un système tique , où l' on introduit des probabi lités
de reconnaissance de la parole. également basées sur des contrai ntes
lingui stiques.
issus de la théorie des graphes sont
aujourd ' hui inégalées. Le chemin opti- L'alliance de graphes, de l' informa-
mal , c'est-à-dire le chemin dont la pro- tique et de la lingui tique nous permet-
babilité est la plus grande, correspond à tra ai nsi, peut-être, de rendre le rêve de
la phrase qui sera reconnue par le systè- Stanley Kubrick réalité.
me comme étant la phrase prononcée par
le locuteur. Bien entendu , il arrive enco- Y. E .
re très souvent que la
jour 0 ,0002
phrase reconnue ne soit
pas celle réellement
prononcée : beaucoup
de travail reste à réal iser
dans ce domaine. ail O,tjo7

En reconnais ance de
la parole, les arêtes j bonjour ;
forme
sont en général appe- euh~,02 0 .006
lées des transitions, et 10002 1
les so mmets des
nœuds . Un graphe de
mots est un graphe Exemple de graphe de mots
orienté par le temps :

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


L'INFORMATIQUE

Un algorithme pour reconnaitre la voix


Prenons un exemple de graphe de mots , chaque mot note de la dernière transition y aboutissant (en trait
étant affecté d'une certaine probabilité (donnée par continu sur le dessin, les autres sont notées en
le modèle acoustique) : pointillés).
Le calcul de la probabilité d' un chemin partiel ter-
JOUr0.0002
minant sur un nœud donné s'effectue de la façon
suivante : pour chaque tran ilion terminant sur ce
nœud, on multiplie sa probabilité par celle (déjà
calculée) du chemin partiel menant à son nœud de
départ. Ainsi , à la fin de la première passe, le nœud
final du graphe de mots indique la dernière transi-
i
1 tion de ce chemin.
euhÎ0 .02
jour 0.0002

jour 0,04 énorme O.00006


Exemple de graphe de mots

La probabilité d' une phrase est égale au produit des jour a,I 0007 effort 0008 me 0.005
. 0003
~ ',,.
probabilités d'apparition de chacun des mots. IO

Ainsi, la probabilité de « bonjour euh en fonne » bonjOUf


fom1c
est égale à 0,002 X 0 ,02 X 0,09 X 0 ,006, soit 0002
euh 0.02 0,006

2,16 X I0- 8 . Pour conmu"'t:re la phrase qui possède 3 6


Preml•re passe de l'algorithme de Vlterbl
la probabilité la plus grande d'être celle effective-
ment prononcée, la méthode la plus directe consis- Au cours de la seconde passe, on parcourt le graphe
te à faire les calculs sur les huit phrases possibles. dans le sens inverse. Il s'agit de reconstruire le che-
Or, la phrase de probabilité maximale est justement min optimal en parcourant les transitions retenues
« bonjour euh en fonne ». Pour effectuer de maniè- dans la première passe, et en ne passant que par les
re exhaustive les calculs, on doit réaliser deux mul- nœuds concernés.
tiplications pour déterminer la probabilité de la pre-
mière phrase, quatre pour la deuxième ... et, en tout,
vingt-huit multiplications. Dès que la parole à
reconstituer est un tant soit peu longue, le nombre
de calcul nécessaires devient prohibitif.
9 IO
L'algorithme de Viterbi, qui exploite intelligem-
ment la structure de graphe, permet d'aller beau- bonjour
en 0,09 fonnc
0002 euh 0 .02
coup plus vite . 0.()06

Cet algorithme s'effectue en deux temps. Pour 6 S


Deuxl•me passe de l'algortthme de Vlterbl
commencer, on parcourt les nc~uds du graphe dans
le sens temporel (dans le sens de la numérotation du Au cours de la première passe, on calcule le pro-
schéma ci-dessus). Pour chaque nœud, on détermi- babilités des mots rencontrés. Pour chaque nœud,
ne le chemin partiel de probabilité maximale y on a autant de multiplications à effectuer que de
aboutissant en partant de l'état initial . On prend transitions menant à ce nœud. Le nœud 3 demande
ainsi deux multiplications, le nœud 4 une seule, le
\ .. Andrew James V1terbi . ingénieur né
5 une, le 6 deux, le 7 et le 8 une , le 9 deux et le 10
, , en 1935, mathématicien et co-fonda-
. • • teur de Qualcomm , société spéciali-
trois. En tout , treize multiplications: le gain est de
sée dans la téléphonie mobile. plus de 50 % par rapport à la méthode directe.

Hors-série n°54. Les graphes Tangente 129


ACTIONS par Hervé Lehning

Retrouuer un mot
ans un
Zut! Je crois bien avoir écrit tout à l'heure« Hufftnan » avec
deux « n » au lieu d'un seul ! Mais où diable se trouve ce mot
dans mon fichier? Heureusement, mon éditeur de texte peut
le savoir. Il utilise des graphes spécifiques, les automates.
ans un ordi nateur, un texte T Dan le pire de cas, on effectue 311

D peut être considéré comme


une suite de caractères , blancs
et ponctuations compris. Chaque terme
comparai ons, ou plutôt 3(n- 2), ce qui
est du même ordre de grandeur. Plus
généralement, pour vérifier si un motif
de cette suite est repéré par son numéro de longueur p figure dans un mot de
d'ordre. On note T[n] le caractère en longueur n, on effectue p(n- p+ 1) com-
én ième position : pour le texte T « Un paraisons .
chat tombe toujours sur ses pattes » ,
on a T[ 1] = « U » et T[3] = « » . L'emploi des graphes permet de rédui -
re cette vérification à n + p opéra-
Retomber sur ses pattes tions, ce qui constitue une améliora-
tion non négligeable.
Une idée simple pour vérifier si le mot
(ou motif) M = « ses » se trouve dans Considérons le graphe ci-de ous . Ses
ce texte est de tester successivement si sommet ont étiqueté par E, « s »,
M est identique à la séquence « se » et « es », c'est-à-dire tou les
T[ 1]T[2]T[3], puis à T[2]T[3]T[4], et préfixes du mot « es » ( E dé ignant le
ainsi de suite (pour
faire plus court, on
note T[l..3], T[2 ..4],
etc. ces séquences).
Ce test se décompose
en trois comparai-
ons de deux carac-
tères, ceux de M et
ceux de T[ i . .i + 2]. Automate reconnaissant le mout Il ses J)
Tcingente Hors-série n°54. Les graphes
L'INFORMATIQUE

mot vide). Dans un tel graphe, on parle un texte fai t passer de l'état initi al à
cf états plutôt que de sommets et de l' état fi nal si, et seulement si, il
transitions plutôt que d'arêtes . Deux contient le moti f « ses » .
états sont à distinguer des autres : E est
appelé l'état initial et « se » l'état Avec cette méthode, pour vérifier si le
fina l (flèche entrante et flèche sortante). motif « ses » figure dans un mot de lon-
Chaque tran iti on (all ant d ' un état p à gueur n, il faut effectuer seulement n
un état q) est étiquetée par une lettre comparaison . Plus généralement, à tout
I : la lecture de la lettre l fait passer motif on peut a socier un automate tel
l' automate de l'état p à l'état q. que, pour véri fier si ce motif fig ure dans
un mes age de longueur n, il suffi t d'ef-
Si l'on soumet un texte tel que « son fectuer n comparaisons. La fa brication
chat se chauffe à e pieds » à cet auto- préalable de cet automate demande p
mate, il part de l'état initial E. Le pre- opérations si le moti f est de longueur
mier caractère, « s », fai t passer de p : cela donne donc n + p opérations en
l'état initial à l'état « s » pui s « o » fa it tout. La méthode est illustrée ci-des-
revenir à ! 'état E. Les caractères sui- sous pour l' automate reconnaissant le
vants maintiennent l'automate à l'état motif « maman ». Le principe de fabri-
E, jusqu 'à l'arrivée de « s », puis de cation se généralise faci lement à n' im-
« e » et de « », qui fo nt alors passer porte quel motif.
successivement à « s » , « se » et à nou- H. L.
veau à E, et ain si de sui te. De la sorte ,

;t m

;ta, m

;t m, n

Automate reconnaissant le motif « maman ».


Pour construire l'automate, on utilise l'idée suivante: si un état, par exemple «ma», est
atteint, la lettre « m » fait passer à « mam » puisque c'est la suivante dans le mot
« maman» . Une autre lettre fait revenir en arrière, directement à l'état initial. En revanche,
si on arrive à «marna», en ajoutant la lettre« m » on obtient « mamam » et donc on ne
revient pas à l'état initial mais seulement à« mam », qui est la fin du mot trouvé.
Le procédé de fabrication est donc simple et généralisable : lorsque l'on a atteint un état non
final u, la lettre x fait passer au plus grand suffixe de ii.x (ce qui désigne le mot u auquel on
a juxtaposé x) qui soit un préfixe du motif cherché« maman ».

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


par Hervé Lehning

les réseauM
e neurones
Les réseaux de neurones informatiques s'inspirent de la forme
des vrais neurones. Capables de progresser au fil du temps dans
l'analyse de situations du même type, ils s'éloignent toutefois
sensiblement de leur modèle biologique.
e cerveau humain est composé de neurones d'informaticien

L cent milliards de neurones.


Chacun d'eux est affecté à une
tâche bien précise, que ce soit la respira-
Le neurone info rmatique ynthéti se
alors l' information en effectuant la
tion, la vue ou la digestion. Mais un neu- somme pondérée
rone n'est rien sans ses liens avec d'autre e =x 1 W 1 + x 2 W2 + x 3 W3 + ... :
neurones ou d 'autres cellu les. Ces le nombre e ai nsi obtenu sera urtout
connexions sont appelées des synapses. déterminé par les valeurs apportées par
En 1943, le neurologue américai n les synapses les plus importantes (ou
Warren Mc Culloch et le mathématicien les plus fi ables), auxq uelle sont natu-
Warren Walter Pins proposent le modèle mathé- rellement affectés des poids plus impor-
McCulloch. matique sui vant du neurone : tants .
À cette valeur obtenue à l' entrée du
neurone correspond alors une valeur de
sortie, s, déterminée pare et calculée à
l' aide d ' une certai ne fonction f propre
au neuro ne considéré. On écrit ainsi
neurone ~ s =f (e). La fo nction f est appelée fonc-
...
'.C
tion de transfert ; e lle calcu le le trans-
~
fert de l' entrée e vers la sortie s. (On
Les flèches de gauche symbolisent les synapses apportant de peut également considérer de neurones
l'information au neurone, sous la forme de nombres : x" x 2 , avec plusieurs sorties identique ou dis-
x3 ... Chacune de ces valeurs est affectée d'un certain coeffi- tinctes .) Ce nombres va alors transiter
cient, appelé poids synaptique, qui dépend de la synapse par une nouvelle synapse et jouer le
porteuse du nombre en question. On note traditionnelle- rôle de l' un de nos nombres x 1, x 2 ou
ment w" w2, w3··· ces différents poids). x 3 pour le neurone sui vant.

Ta.ngent:e Hors-série n°54. Les graphes


VIE QUOTIDIENNE
1

Bien entendu , ces « neurones » ne ont Ce premier exemple montre que les
qu'un modèle mathématique des neurones réseaux neuronaux , mê me s' il s sont
effectifs de notre cerveau : on parle à leur d ' inspiration biolog ique , ont des
sujet de neurones fo rmels. En les mettant objets purement mathématiques. Dans
en réseau, on obtient un « réseau de neu- cet exemple , le réseau ne po ède pas de
rones ». De tels réseaux peuvent donc boucle. Autrement dit , aucun retour en
aussi bien être considérés comme des arrière n'est possible. Chaque neurone
modèles de certai nes fonctions de notre fait son travail après ses prédécesseurs,
cerveau (vue, mémoire ... ) que comme des une couche après l'autre, le résultat ne
instruments mathématiques . dépend donc pas du temps . Pour cette
Pour illustrer ce second point de vue, raison, on dit qu ' il est statique. Ce type
Walter Pitts.
voici un exemple trè simple de réseau de réseau est utili sé pour évaluer des
de neurones réalisant la multiplication fonctions mathématiques comme dans
Les réseaux
de deux nombres donnés en entrée : l'exemple précédent mais aussi dans la
de neurones
reconnaissance de formes. Bien enten- en couches.
a du , pour de questions plus compli-
- _ ..,_,,,_..- - - ,-..._.......... ab Les propriétés
quées que celle de notre exemple, on de ces réseaux
L. -- -- utili se des réseaux avec un grand dépendent
Un réseau de neurones sans boucle à
nombre de couches comportant pour la du nombre
deux couches. Les deux premiers neu-
plupart un grand nombre de neurones. de couches
rones (première couche) ont comme
11e11ro11es couche 11e11ro11es
et du nombre
fonction de transfert la fonction loga-
d 'e11/ree cachée de sortie de neurones
rithme. Ensuite, ln (a) et ln(b) sont

,~ -~~
par couche.
additionnés en entrée du troisième
Ils décrivent assez
neurone (deuxième couche). La fonc-
bien les premières
tion de transfert est alors l'exponentiel-
le, la sortie donne donc le produit a.b.
~~~ 7"--è!. , - -==ao. étapes des
systèmes sensoriels.

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


SAVOIRS Les réseaux des neurones

Des structures qui apprennent Ain i, la uite de orties e t définie par


récurrence. Il e po e donc des pro-
Une caractéristique des ré eaux de neu- blème de convergence et il est même
rones est leur capacité à « apprendre », pos ible que le ré eau évolue de maniè-
par exemple , à reconnaître une lettre ou re chaotique.
un son . Il y a apprentissage en ce sens
que le paramètre 'ajustent au fil de Dans les années 1980 , on a étudié des
l'expérience acquise. La structure de réseaux de neurones complètement
réseau de neurones permet de classer, connectés , c'e t-à-dire où chaque neuro-
générali er, mé mori ser et même ne est connecté à tous les autres com me
oublier. Un ré eau de neurone recon- celui-ci :
naîtra d'autant plus fac ilement un objet
qu ' il l'aura « vu » plu s so uvent.
Comment est-ce possible ? Il suffi t
pour cela de faire ajuster automatique-
ment les poid synaptiques en fo nction
des ré ultats antérieurs. Sur un certain
nombre d'exemples , le réseau va donc
choisir des poids de faço n à obtenir le
ré ultat ouhaité. De cette manière , on Ces réseaux avec un très grand nombre
peut fabriquer des réseaux de neurones de neurones (j usqu ' à qu inze mille) ont
capable d'apprendre à jouer à des jeux servi à des études sur la mémoire . Leurs
simples comme le jeu de Nim . capacités limitées en fo nt de bons can-
Les réseaux comportant des boucles didats pour la description de la mémoi-
sont aussi appelés réseaux récursifs (ou re humaine à court terme.
récurre nts) . Pour comprendre cette
dénomination, il suffi t de considérer H.L.
l'exemple très simple sui vant :

À l'instant 0, la première entrée est x et


la seconde O. La sortie e t donc, en
tenant compte de deux poids p et q,
X1 =f(px) .
Les entrées sont donc maintenant x et
x 1 + f (p x ), la ortie dev ient
x 2 =f (px + q x 1). Mai ntenant, le sy tè-
me n'est plus statique, il évolue avec le
temps : on dit qu ' il e t dynamique.
De faço n générale, si la sortie après k
passages par le neurone est x k, au tour
suivant , les entrées deviennent x et x k
donc la sortie x k+ 1 =f (px + qxk) .

Tc:ingent:e Hors-série n°54. Les graphes


par Hervé Lehning EN BREF

Files d'attente :
Des arbres binaires
en faire tout un tas I presque complets
Dans les ordinateurs, plusieurs
tâches sont effectuée simulta- On peut toujours représenter les
nément. Cela permet de gérer au éléments d'un tableau, comme
mieux les di verses ressource à [o ; 1; 2 ; 3; 4; 5 ; 6 ; 7; 8 ;
la dispo ition du processeur (mé- 9], sous une forme arbores-
moi re, imprimante ... ). Pour chaque cente :
ressource, l' ordinateur utilise donc
une file d'attente. Le même pro- Un tel graphe est appe-
blème e retrouve sur les réseaux lé un arbre binaire
(Internet. .. ). Une gesti on de ces p resque complet.
tâches s'impose. Si , comme sur un Les emplace-
ordinateur personnel, le nombre ments cerclés sur
de travaux en cours est minime, le schéma sont
la représentation peut prendre la les nœ uds, le pre-
fo rme d' un simple tableau uni-
mier nœud en partant du haut est la racine. Chacun
dimensionnel (un vecteur) et du
des deux nœuds descendant d'un nœud donné sont
ses.fils (gauche et droit). Si les éléments du tableau
principe suivant lequel le premier
sont numérotés de o à n - 1, l'élément i a pour fils
arrivé est également le premier ser-
2i + 1 et 2i + 2 . Si chaque élément est supérieur à
vi : on retrouve la queue classique
ses deux fils, on parle de structure de tas.
des boulangeries le dimanche ma-
De façon générale, on définit les arbres binaires
tin. Si la queue est de longueur n et
sur les nombres entiers au moyen des
que chaque travail prend le même
deux règles de construction suivantes h. x
temps, l'attente est alors propor-
un nombre est un arbre binaire, si x
tionnelle à n. Dans les cas où n
est un nombre et g et d deux arbres
est petit, ce système est suffisant,
binaires, alors est un arbre binaire. g d
mais sur de grands réseaux, une
telle gestion aboutit au blocage de
tout le système. Il fa ut donner des
ordres de priorité afin que les tâches Hauteur d'un arbre
les plus e sentielles puissent être Dans le cas d ' un arbre binaire complet, la rela-
accomplies les premières. tion entre le nombre d'éléme nt net la hau-
L'idée de départ est donc d ' attri- te ur h est fac ile à déterminer. En effet,
buer à chaque travail un numéro à la hauteur 0, l' arbre a un seul élé-
de priorité et de créer une fil e d 'at- ment (la racine). Ensuite, à chaque
tente. Chaque fo is qu ' un nouveau niveau, le nombre d 'élément double
travail a besoin de la res ource, il puisque chaque élément a deux fil s.
est in éré dans la file avec on nu- Ainsi, si la hauteur est h, le nombre
méro. Chaque foi s que la ressource d 'élément de l' arbre complet est
est disponible, l'élément ayant la égal à 1 + 2 + ... + 2", soit 2 h+i - 1.
prio rité la plus élevée dans la file Pour un arbre presque complet, on a
en e t extrait. C'est )'exemple des donc 2h < n < 2"+ 1 - 1, ce qui donne
serv ice d' urgences des hôpitaux. h s log2(n) < h + 1.

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Hervé Lehning

Des listes autrement


u'en
Si les dictionnaires et les annuaires utilis ent, en bonne
logique, un ordre linéaire pour classer leurs éléments, il est
des situations où la structure arborescente est bien meilleure .
Premier concerné par cette structure: l'ordinateur.
omme Mon ieur Jourdain fai- des cas, il nous fa ut un te mps propor-

C sait de la prose sans le savoir,


tout un chac un consulte des
bases de données sans y prendre garde.
tio nne l à n pour finir le trava il.
Heureusement , quand on doit consulter
un dictionnaire pour trouver la défi ni -
Les exemples les plus courants de ti on du mot « orang-outan » , on n' a en
te lles bases sont les dictionnaires et les fa it pas besoin de commencer par la
annuaire . Leur structure est toujours la première page : on regarde plus ou
même: chaque article est fo rmé d ' un mo in s « au milieu » . Si l'on tombe sur
élément (on parle d'étiquette) sur lequel « ptérodactyle », c'est qu ' il fa ut regar-
portent les recherches (un nom dans le der plus haut , alor que si c'est le mot
cas du bottin , un mot dans ce lui du dic- « lézard », il fa ut aller voir plus bas.
tionnaire) et d ' une partie contenant le
renseignement cherché (numéro de télé- Si l'on consulte une base de données
phone, dé finition ... ). contenant , mettons, cent mille éti-
quettes, on commence par regarder celle
Un ordre pour aller plus uite fi gurant en 50000° pos ition : à mo in s
d' avoir beaucoup de chance, il convient
Sur On utilise une base de données !or que alors de chercher soit dans les cinquan-
l'on recherche un élément dan une te mille étiquettes sui vantes, soit dan
ordinateur, li ste (l a base). Quand ce lle-c i est les cinquante mille précédentes . En
une base longue, c'est-à-dire quand le nombre n continuant sur le même princ ipe , au
de données d 'étiquettes est grand , la recherche coup sui vant ne restent que vingt-cinq
risque de l' être également : si l'on pro- mille étiquettes, pui s douze mille ci nq
est souvent
cède en commençant au début et en cents, six mille deux cent cinquante ,
appelée à consultant tous les éléments jusqu 'à tro is mille cent vingt-c inq ( .. . ) et enfi n
évoluer. trouver le bon (ou échouer) , dans le pi re une seule : la bonne (s i elle fig ure bien

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


L'INFORMATIQUE

La hauteur des arbres équilibrés


So it m,. (resp. Mh) le nombre minimal (resp. max imal) de nœuds d ' un arbre équilibré de hau-
teur h. Considérons un arbre équilibré de hauteur h dont le nombre de nœuds est égal à mh :
l' un de ses deux sous arbres est de hauteur h - 1 (par exe mple celui de gauche) ,
et l'autre de hauteur au plus h - 1. Les hauteurs de deux sous-arbres différent
d' au plus une unité , donc le sous-arbre de droite est de hauteur h o u h - l .
Pui sque le nombre de nœuds de l' arbre considéré est minimal, il en va de même
pour chacun des sous-arbres (dans le cas contraire , il suffirait de les remplacer
par des arbres équibbrés ayant moins de nœuds pour aboutir à une contradiction).
On en déduit donc que la hauteur du sous-arbre droit est h - 1
(s inon, il n'y aurait pas minimalité), puis la fo rmule de récurrence
mh = 1 + m h- 1 + m1r- 2·
Par ailleurs, on a fac ilement que m 0 = 1 et m 1 =2.
Par récurrence , on en tire que m h est minoré
par 2 (213)(1,+ 1) _ 1 .
Une étude identique sur le fo nd permet de
démontrer que Mh vérifie la re lation
M,. = 1 + 2M,,_I
et que , puisque M0 = 1 et M 1 =3,
Mh = 2'•+ 1 - 1, d 'où l'inégalité
2 <2J3)(h+ 1> :S n + 1 :S 2"+ 1•

dans la base) . La recherche s' est faite en quant à lui , peut davantage : on pe ut
au plus di x-sept comparaisons. Ce imag iner de fa ire évoluer la base , en
résultat est indépendant de l'étiquette lui ajo utant ou en lui supprimant des
cherchée, il provient du fait que l'on a é lé me nts. Avec notre structure « en
2' 7 > 100000 . Plus générale ment, pour dictionnaire », pour ajoute r (ou sup-
chercher un mot dans une base de n primer) un é lé ment , il fa ut trou ver
articles, le temps est au plus propor- l' e mplacement où l' on doit l' insérer
ti onnel à logi(n). (ou l'endroit où il se trou ve pour le
supprimer). Le te mps que cela prend
Des mots qui uont et qui ulennent est le même que celui d ' une recherche ,
c'est-à-dire proportionne l à logi(n).
Du point de vue de celui qui la consul - Mais ce n' est pas tout : il fa ut ensuite
te , la que tion des bases de données est insérer (ou supprime r) l' é léme nt
ainsi à peu près clo e. Pour le fo urnis- concerné et, pour cela, déplacer d ' un
seur de la base, en revanche , tout reste cran tou s ceux situés après lui , que ce
à faire. soit pour lui laisser une pl ace ou pour
boucher le trou qu ' il laisse . Cela fa it
Quand il s ' ag it de constituer une liste entre I et n étiquettes à déplacer, donc,
sur papier, comme dans le cas d ' un dans le pire des cas, le temps nécessai-
dictionnaire , la seule chose à fa ire est re à cette opération est proportionnel à
de ra semble r les éléments de la liste n. En conséquence , si la base de don-
et de les ranger dans l'ordre (alphabé- nées doit évoluer réguliè rement , les
tique, le plus souvent). L'ordinateur, coûts de maintenance sont élevés .

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


SAVOIRS Des listes autrement ...
Structurer auec des arbres tion des arbres binaires. Ainsi, pour
insérer un élément e dans un arbre dont
La structure la plus utili ée sur ordina- la raci ne est x, on compare e à x. Si
teur est celle des arbres binaires de e > x, on insère e dans le sous-arbre
recherche: il s'agit d' un arbre dans droit , sinon o n l' insère dans le sous-
lequel, pour chaque nœud x, les nœuds arbre de gauche . La suite des comparai-
du fil s gauche se situent avant x dans son impliquée finit toujours par nous
l'ordre de la base de données et les ramener à la création d ' une nouvelle
nœuds du fil s droit sont après. Par feuille à l'arbre, et le temps pour y arri-
exemple, pour rechercher l'élément ver est de l'ordre de la hauteur de
« orang-outan », on part de la rac ine l'arbre, soit logz<n).
« léopard » et on parcourt l'arbre en
descendant. Pui que « orang-outan » Retrouuer l'équilibre
vient après « léopard » dans l'ordre
alphabétique, il faut le chercher dans le Mais il y a un problème: l'ajout d' une
sous-arbre de droite ; on recommence nouvelle feuille peut « déséquilibrer»
ainsi jusqu 'à tomber sur une feuille de l' arbre. Heureusement , comme l'arbre
l'arbre. Le temps de recherche est alors était équilibré avant l' insertion (ou la
proportionnel à la hauteur de l'arbre, suppression) de l' élément , le déséq ui-
laquelle est d'autant plus petite que les libre est limité et peut se corri ger sans
nœuds se répartissent de faço n équili - chambouler toute la li ste (dans ('enca-
brée entre la gauche et la droite. dré ci-contre, tous les cas de fig ure sont
passés en revue).
Hrbres équilibrés
Dans le pire des cas, les transforma-
Si un arbre binaire de hauteur h est tions assurant le rééquilibrage se fo nt
complet, c'est-à-dire possède le max i- dans un temps proportionnel à la hau-
mum de nœuds poss ibles, il a exacte- teur de l'arbre, donc, comme celui-c i
ment n =2'1+ 1 - l nœuds. Une li ste à n est équilibré, dans un temp pro por-
éléme nts étant donnée, il n'y a bien tionnel à logz(n). Ainsi, toute les opé-
évidemment pa toujours de nombre h rations d ' utilisation et de maintenance
entier vérifiant la relation précédente, d 'une base de données structurées en
on doit donc se contenter d 'arbres arbre binaire de recherche équilibré e
incomplets « aussi peu déséquilibrés fo nt dans un temps proport ionnel à
que possible» . Un arbre binaire est logz(n), là où une impie li ste « clas-
équilibré i, pour tout nœud , les hau- sique » met un temps pro portionnel à
teurs des fil s droit et gauche di ffèrent n. C'e t un gain de temps tout à fa it
d 'au plus 1. On démontre (voir en enca- con idérable. Po ur fi xer les idées,
dré) que dans ce cas, la hauteur totale (et lor que n vaut un million , logz(n) vaut
donc le temps de recherche) est de environ 20 ; po ur n égal à un milliard,
l'ordre de grandeur de logz<n) . logz<n) vaut environ 30 . En conséquen-
La première opération de maintenance ce, en pa ant d ' une base de données
d ' une base de donnée structurée en arbre d' un million d 'éléments à une ba e de
binaire de recherche équilibré consiste à données d' un milliard de données, on
insérer de nouveaux éléments sans multiplie les temps de travail par 3/2 et
perdre la structure. Pour cela, on com- non pas par 1000 .
mence par sui vre la règle de construc- H.L.

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


L'INFORMATIQUE
'

Comment garder l'équilibre tout en ajoutant une feuille


Le rééquilibrage s'effectue à l'aide de trans- 3• rotation gauche-droite
formations simples , les rotations . Dans
chaque cas , la structure d'arbre binaire de
recherche est conservée . D
--
1 • rotation droite A A ac D

C
-- A
B C

Résolution du cas : A de hauteur h - 2, B et C


de hauteur h - 2 ou h - 3 (l'un au moins de hau-
teur h - 2) et D de hauteur h - 2.
A B B c 4• rotation droite-gauche
Résolution du cas : A de hauteur h - 1, B de
hauteur h - 1 ou h - 2 et C de hauteur h - 2.
2• rotation gauche

A A BC D

A c
B C

B C A B
Résolution du cas : A de hauteur h - 2, B et C
Résolution du cas : A de hauteur h - 2, B de de hauteur h - 2 ou h - 3 (l'un au moins de hau-
hauteur h - 1 ou h - 2 et C de hauteur h - 1. teur h - 2) et D de hauteur h - 2.

Comment supprimer un élément


Quand on supprime un élément à un Toutes ces opérations prennent un
arbre de recherche, un problème sur- temps proportionnel à la hauteur
git : à moins que l'élément soit une de l'arbre, donc ne modifient pas
feuille, sa suppression oblige à effec- l'ordre de grandeur du temps total
tuer un recollement de ses descen- nécessaire à la mise à jour de la
dants pour les remettre dans l'arbre. base de données.
En pratique, plusieurs cas
se présentent : si le
nœud à supprimer n'a
pas de fils gauche,
il suffit de le rem-
placer par son
fils droit.
Sinon on le
remplace
d'abord par
le plus grand nœud parmi ses des-
cendants , puis on supprime ce
nœud. Par exemple, pour supprimer
40 dans l'arbre ci-contre, on le rem-
place par 34 puis on le supprime.

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


SAVOIRS par Hervé Lehning

Des arbres
David Huffman a donné son nom à une méthode de compres-
sion des données aujourd'hui à la base des diverses compres-
sions utilisées sur Internet : JPEG, MPEG 1 , 2 et 3. Elle peut
également servir en cryptographie.
e codage de Huffman est une a = 1101 , b = 0 , c = 101 , d = 111 et

L méthode de compression des


données, utilisée en particulier
pour la transmi ssion de messages par
e = 100.
Pour cent caractères à coder, on utili se
donc en moyenne :
Internet. Sur les ordinateurs, les noms 5 X4+50 X I + 20 X3+ 10 X3 + 15 X3.
des programmes correspondants se ter- soit 205 bits. Pour un million de carac-
minent en général par ZIP . tères, on obtient 2 050 000 bits, so it un
Pour illu strer le principe, supposons un gain d'environ 30 % par rapport au
que l'on ait à transmettre un texte com- codage précédent.
posé seulement des lettres a, b, c, d et
e, dont les fréquences d'apparition sont Le texte codé est une li ste de bits. Lors
respectivement de 5 % , 50 % , 20 % , du décodage, il s sont lus et accumulés
10 % et 15 %. Puisque l' on ne di spose l' un après l'autre jusqu 'à obtenir un
que de cinq caractères différents, on peut code valide. Par exemple, avec la table
coder chacun sur trois bits (un bit est de codage précédente, un mot a été codé
un O ou un 1), selon la règ le suivante: en 11111010100. Pour le décoder, o n
a = 000 , b = OO 1, c = 0 10 , d = 01 1 et lit le premier bit , 1. Il ne constitue pas
e = 100 . un code. On lit le bit sui vant ( 1 enco-
Le décodage s'effectue alors simple- re), ce qui donne 11 . Ce n'est pas un
ment en lisant la table de codage « à code non plus. On continue donc et on
l'envers» et en découpant le texte codé obtient 111 , qui est le code de d. On
en groupes de troi s bits. note d et on remet l' accumulateur à
zéro. À chaque étape, aucune ambiguï-
Une idée plus subtile consiste à utiliser té n'est possible car aucun code n' est le
des codes de longueurs vari ables, préfixe d' un autre : on aboutit fi nale-
comme par exemple : me nt au mot « dabe » .

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


L'INFORMATIQUE

l 'arbre de Huffman

Une méthode simple pour décoder le


message est de noter la règle de codage
••
Un voleur dévalise un magasin. Il veut opti-
miser la valeur de son vol mais il a une
contrainte : il est trop frêle
sous forme arborescente (voir ci-des-
ous) . On commence à la racine de pour dérober plus de 50 kg de
l'arbre , et on descend à chaque bit : à marchandise.
gauche pour 0 , à droite pour 1. Après Il trouve trois articles. Le pre-
lecture d' un certain nombre de bits, on mier pèse 10 kg et vaut 6o
parvient à une feuille étiquetée par une euros, le deuxième 20 kg et
lettre (voir la figure). On l'écrit , pui s on vaut 100 euros, et le troisiè-
recommence à la racine de l'arbre avec le me 30 kg et vaut 120 euros.
bit sui vant. Une stratégie gloutonne
consiste à classer les articles
par valeur au kilo et donc à
prendre le premier, puis le
deuxième, et à s'arrêter à
cause de la contrainte de
poids. Le vol du glouton sera donc de 160
euros. Une solution plus raisonnée est de
prendre les deux derniers articles, ce qui
fait 220 euros. Mais un homme aussi rai-
sonnable se ferait-il voleur ?

Arbre de Huflinan du codage


de l'exemple. Le décodage se fait
en le parcourant de la racine
jusqu'aux feuilles.

Pour construire un arbre de Huffman


associé à un texte, on commence par cal-
culer la fréquence d'apparition de chaque
caractère. Avec les deux lettres les moins
fréquentes (a et d dan notre exemple), on
fom1e l'arbre uivant:

La table de codage correspondant à cet


Dans cet arbre , chacune des feuilles est arbre est la suivante :
étiquetée par a et d. La racine est étique- a = 1011 ,b = O, c = ll , d = IOLOet
tée par l'ensemble {a, d}, On recom- e = 100 .
mence en remplaçant a et d dans la liste
des caractères par l'ensemble {a, d} , À présent , pour cent caractères à coder,
auquel est attribuée la somme des fré- on a donc en moyenne :
quence de a et de d (soit 15 %) , et ainsi 5 X4+50 X l +2 X3+ 10 X4+ 15 X3,
de suite. À l' issue de ce procédé, on a so it 161 bits: le gain est donc d' envi-
construit l' arbre qui suit. ron 45 % au lieu de 30 % .

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


SAVOIRS Des arbres à compresser

Optimalité de Hullman
On peut montrer le résultat suivant : soit T un texte dans lequel chaque caractère a a une fréquence
f (a). Supposon que x et y soient les deux caractère le moin fréquents de T. Il exi te alors un
codage préfixe optimal tel que le caractères x et y aient des codes de même longueur et ne difre-
rent que par le dernier bit.
Le nombre de codages préfixe étant fini , l' un d 'entre eux est optimal (la longueur du texte codé
corre pondant e t minimale). Soit A l'arbre correspondant. On considère a et b deux feuilles sœurs
de profondeur maximale dans A et, quitte à changer les notations,
on suppo e que/ (a)~ f (b) et/ (x) ~ f (y).
Pui quex ety ont le lettre les moins fréquentes, on af (x) ~ f (a)
et/(y) ~ f (b). On permute alors les position de a et de x puis de
b et de y dan l'arbre A. On obtient un nouvel arbre B . La longueur
du codage du texte corre pondant à B e t inférieure à celle corres-
pondant à A puisque a et b ont plus fréquentes que x et y. La lon-
gueur du code correspondant à A étant minimale , les deux lon-
gueurs sont donc égales. L'arbre Best donc optimal. Dans ce coda-
ge, les codes de x et de y ont même longueur et ne different que par
le dernier bit.
L'étape suivante revient à remplacer x et y dans le texte T par
z = {x, y} de fréquence f (z) = f (x) + f (y) et à coder le texte T'
ainsi obtenu suivant le même principe. Les longueurs des deux
textes codés ont les mêmes puisque celles des codes de x et de y
le sont au si. L'algorithme de Huffman est donc optimal.

Hlgofithme glouton Le codage de Huffman a l'avantage de don-


ner une program mation simple. Son uti-
Un a lgorithme comme celui de lisation comme méthode de compression
Huffman est qualifié de« g louton » car, exige de transmettre, en début de message
en choisissant à chaque instant la codé, l'arbre de codage: cela réduit son
meill eure so lutio n du moment , il intérêt dans le cas de textes courts, mais
évoque un goinfre se jetant toujours sur dissimuler l'arbre donne par ailleurs une
le plus gros morceau sans réfléchir à la méthode de cryptage de textes.
suite. Dans le ca qui nous intéresse,
les codes les plus longs do ivent être Les célèbres MP3 et MP4, qui pennettent
attribués aux lettres les moins fré- de coder des fichiers audio, utilisent l'al-
quentes, c'est pourquoi on commence gorithme de Huffman . Au préalable, il
la construction de l'arbre par ces supprime certaine infonnations de l'enre-
feuilles en reli ant les lettres les moin gi trement sonore, en particulier les sons
fréquentes. Étant les plus basses sur inaudibles à l'oreille humai ne. li pennet
l'arbre, e lle auront donc les codes les ainsi de réduire la tai lle d'un fichier audio
plu s longs. On peut montrer que, dans un rapport de 12 pour 1, tout en
s'agissant de codage, cette stratégie conservant une qualité sonore proche de
gloutonne est optimale (voir l'encadré celle d ' un CD.
ci-dessus). H. L.

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


Hrbres, jeux et stratégies 144
Graphes sur échiquier 148
Hlgorithmes en graphes 151
Graphes et labyrinthes 152
Résoudre des énigmes è l'aide des graphes 156
Jeux et problèmes 160
Solutions 164
SAVOIRS par Thierry de la Rue

Hrbres,
jeuK et stratégies
Comment créer à la pelle des jeux de stratégie inédits ?
Comment devenir invincible au jeu d'échecs? La réponse à
ces questions se trouve dans les arbres, qui sont des graphes
particuliers.
oici une méthode pour créer des l'un des arc partant de la rac in e et

V je ux de stra tég ie tota le me nt


inédits. On dessine d 'abord un
arbre avec une racine et plein de feuilles.
déplace le pion vers le nœ ud où mène
cet arc. À son tour, le joueur 2 choisit
l' un des arcs is us de cette nouve lle
Notre arbre es t don c co nstitué d ' un pos ition et le fa it sui vre au pion pour
nombre fini de nœuds, certains d 'entre atteindre le nœud ui vant. On continue
eux étant reliés par des arcs. Un nœud ainsitantquec'e tpo ible:àchaque
pri vilég ié constitue la racine . On up- tour le pion s'éloigne un peu plus de la
pose que n' importe quel autre nœud e t racine, jusqu 'à atteindre une fe uille où
access ibl e à partir de la racine par un la pa rti e s'ac hève. C ' es t l'he ure du
unique chemin qui suit les arcs du graphe, bilan : le nombre écrit sur la fe uille où
ce qui permet d 'orienter sans ambiguïté est arrivé le pion correspond au nombre
tous les arcs de l'arbre dans le ens qui de point marqués par le joueur 1 (c'est
éloigne de la rac ine. Il ex iste alors cer- donc le joueur 2 qui gagne si le nombre
tains nœuds dans le graphe d •où ne part indiqué est négati f).
aucun arc : on les nomme les f euilles de
l' arbre, ce sont ceux à partir desquels
on ne pe ut s'éloigner davantage de la
racine.
Sur chacune des feuilles de l'arbre, écri-
vons alors un nombre, positif ou néga-
tif : on obtient quelque chose qui ressemble
à la figure ci-contre(où tous les nombres
ont été choisis positifs par commodité).
Les deux joueurs qui s •affrontent n •ont
plu s qu 'à e munir d ' un pion (un seul
pour les deux) et à joue r selon la règle
sui vante : on place le pion sur la racine,
le joueur l (le premier à jouer) cho i it

Ta.ngent:e Hors-série n°54. Les graphes


JEUX

En fai ant varier la forme de l'arbre et


les étiquette des feuilles, on peut ainsi
Polémique:
créer une variété infinie de jeux . En les échecs sont-ils tinis ;,
fa it , on peut constater que la quasi tota-
lité des jeux de stratégie clas iques La première fois que l'aspect
(comme par exemp le le morpion , les théorique des jeux de stra-
jeux de N im ou les échecs, voir cepen- tégie a été étudié d'un point
dant l'encadré ci-contre) peuvent être de vue mathématique, ce
présentés de cette façon : il suffit de fut en 1912 par Ernst Zer-
considérer l' arbre dont les nœuds sont melo, mathématicien alle-
toutes les situations pos ibles du jeu , Je mand connu pour ses
arcs sont le coups permis par les règles , contributions au déve-
et où la racine et Je feuille ont re - loppement de la théorie
pectivement la position initiaJe et les posi- des ensembles. Il étudia
tions fina les. Quelque contraintes sont plus particulièrement le
toutefoi s à res pecter pour que cette jeu d'échecs, mais avec une
modélisation soit possible : approche différente de celle présentée ici, qui lui est
pourtant souvent attribuée. Une traduction en anglais
et une analyse de son article original se trouve dans
un travail de Ulrich Schwalbe et Paul Walker (dis-
ponible en ligne).

Peut-on appliquer au jeu d'échecs l'algorithme mini-


max présenté ici? D'excellents ouvrages de théorie
des jeux l'affirment directement. Pourtant, les échecs
ne remplissent pas complètement les conditions
demandées pour pouvoir être représentés sous forme
d'arbre, car il est très souvent possible de revenir à
une position des pièces déjà observée. Pour ne pas
introduire de boucle dans le graphe, on convient de
représenter par des sommets différents des posi-
tions de pièces identiques mais qui n'ont pas été
obtenues par la même suite de coups, ce qui est d'au-
• il ne doit y avoir qu ' un nombre fini de tant plus nécessaire aux échecs où la légalité de cer-
situation pos ibles, ans retour en tains déplacements (comme le roque ou la prise en
arrière autorisé (cela créerait des cycles passant) peut dépendre de l'historique de la partie.
dan l' arbre); Mais comme il est parfois permis de revenir infini-
ment souvent à une position donnée, cela introduit
• à tout instant, le joueur doivent par- dans l'arbre du jeu d'échecs des branches infinies
faitement connaître la s ituation (ce qui ne peuvent être analysées par l'algorithme mini-
n' est pas le cas de jeux de cartes où max. On peut s'en sortir en montrant que le jeu
l'on ignore la main de l' adversaire): d'échecs officiel est équivalent, du point de vue stra-
le jeu est à information complète ; tégique, au jeu modifié pour lequel la partie est décla-
rée nulle dès qu'une même position est obtenue trois
• les coups joués doivent être entière- fois (voir à ce sujet le travail de Christian Ewerhart,
ment décidés par les joueurs, et non disponible en ligne).
par le hasard (pas de jet de dés) .

Hors-serie n• 54. Les graphes Tangente


Arbres, jeux et stratégies

l'algorithme minimax L'arbre étant constitué d ' un nombre fi ni


de nœuds, il ex iste au moins un de ces
nœuds qui n'est pas une fe uille , mais
qui ne peut mener qu 'à des pos iti ons
fi nales : pour trouver un tel nœud , il suf-
fit de regarder la plus longue partie pos-
sible dans le jeu, c'est-à-dire le plus long
chemin possible de la racine à une fe uille,
et de considérer l'avant-dernière étape
de ce chemin.
Dan une telle po ition, si le tour e t au
joueur 2, celui-c i va évidemment choi-
sir la case de valeur minimum pour ter-
miner la partie. Mais comme il n'y a
plus de suspen e , autant déc ider tout de
suite que la partie est terminée, c'est-à-
dire d 'écrire sur cette position la va leur
minimum de toutes les fe uilles aux-
John von Neumann est né en 1903 quelles elle mène, et de fa ire comme si
à Budapest et mort en 1957 c ' était déjà une pos ition fin ale . Si au
à Washington. Il développa la théorie contraire le tour est au joueur 1, le même
des jeux durant la Seconde Guerre raisonnement conduit à considérer cette
mondiale. Il est également à l'origine pos ition comme une position finale mais
de la construction du premier véritable où la valeur est cette fo is la valeur max i-
ordinateur, l'Eniac. mum des fe uilles qui sui vent.
Une fo is la va leur in cri te sur cette nou-
Dans un tel jeu, le intérêts des joueurs ve lle pos iti on fin ale, on peut reco m-
I et 2 sont di amétrale ment opposés. mencer, c'est-à-dire tro uver un nœud
Un des premiers théorèmes importants qui ne mène qu 'à des po itions fi nales,
de la théorie des jeux stipule que dans lui attribuer la valeur minimum ( i c'e t
un tel affrontement , si les deux joueurs au tour du joueur 2) ou max imum (s i
jouent chacun rationnellement (c'est- c'est au tour du joueur 1) des pos ition
à-dire au mieux de leurs intérêts), alors qui sui vent , et décl arer que ce nœud est
l'issue de la partie est toujour la même . désormai une pos ition fin ale, pui sque
Voici une méthode pour parvenir à un dans une telle situation on sait déjà quelle
tel résultat, elle semble due à John von sera l' issue de la partie .
Neumann . L' idée est de partir des posi- Jusqu 'à quand peut-on continuer ainsi ?
tion fin ales (les fe uilles) et de remon- Tant qu ' il ex iste encore des pos itions
ter progressivement jusqu 'à la position sur lesquelles on n'a pas encore écrit de
initi ale (l a racine) en détermin ant à va leur ; mais, pui sque l' arbre est fi ni ,
chaque étape le meilleur choix possible on parviendra au bout d' un certain temps
pour chacun des joueurs. à étiqueter tous les nœuds, y compris la
En chacun des nœuds de l 'arbre, on peut racine ! Le nombre écrit sur la rac ine
facilement déterminer si c'est le joueur s' interprète alor ainsi : si du rant toute
I ou le joueur 2 qui joue en comptant le la partie le deux joueur jouent ration-
nombre d 'étapes qui mènent de la po i- nellement , la partie se termine forcément
tion initiale à ce nœud. en une po ition finale portant cette valeur.

Tangente Hors-serie n"54. Les graphes


JEUX

Il existe trois cas possibles : De la théorie il la pratique

• ou bien le nombre écrit sur la rac ine est L'a lgorithme du mini max permet théo-
strictement positif ; cela signifi e que riquement de déterminer la meilleure
le joueur 1 possède une stratég ie qui stratég ie dans n' importe que l jeu fini à
lui permet de gagner contre tout autre info rmation complète où le hasard n' in-
joueur, auss i intelli gent soit-il ; tervient pas, ainsi que de dire lequel des
• ou bien le nombre est négati f ; dans deux joueurs est sûr de gagner (ou éven-
ce cas, c'est le joueur 2 qui peut s'as- tue ll eme nt que les de ux j oueurs sont
surer de la victoire ; assurés du match nul). Mais, bien qu 'ex-
• ou bien le nombre e t nul , et alors cha- trêmement simple, cet algorithme n' est
cun des deux joueurs peut assurer le pas utili sable en pratique pour les je ux
match nul dans tous les cas . cl assiques comme les échec , à eau e
du nombre fa ramine ux de nœ uds que
De plus, une fo is que )'arbre du jeu est compterait) 'arbre à étudier. Cette méthode
complètement rempli , la me illeure stra- néce siterait en effet l'analyse de toutes
tégie de chacun de joueurs est évidente : les positio ns du j eu avant de pou voir
le joueur 1 doit toujours choisir, parmi déterminer le meilleur premier coup des
les pos iti ons poss ibles , celle de valeur blancs ! Le vrais programmes qui jouent
max imum , et le joueur 2 celle de valeur aux échecs n ' effectue nt pas une te lle
mm1mum. analyse rétrograde en partant des pos i-
tions fin ales . Ils procèdent comme les
joueurs humains en partant d ' une situa-
tion donnée et en se projetant que lques
coups dans le futur.
La pui ssance des ordinateurs actuels ne
pe rmet ! 'étude co mpl ète que de je ux
très simples comme le mo rpion (dont
le graphe comporte déjà plusieurs mil -
liers de nœuds et dont l' issue est le match
nul ). Mais peut-être un jour nos machines
seront-elles capables de résoudre le pro-
blè me sui vant :

L'arbre du début a été entièrement


étiqueté. Si les joueurs jouent chacun Les blancs jouent
au mieux de leurs intérêts, la partie et gagnent en soixante
suivra obligatoirement le trajet rouge, et onze coups.
et se terminera par un match nul.

L'a lgorithme d 'ét iquetage de nœ uds


de l ' a rbre du jeu qu e l ' o n v ie nt de
décrire est souvent appe lé algorithme T. R.
du minimax car le joueur 2 do it à c ha- Références
cun de ses coups détermine r le mini - • La mort programmée des échecs ?, Benoît Rittaud , Tangente 63. avril -
mum des max ima choisis par le joue ur mai 1998.
I aux coups qui sui vent. • La stratégie gagnante. André Deledicq , Tangente 74. avril -ma i 2000 .

Hors-série n° 54. Les graphes Ta.ngente


JEUX & PROBLÈMES par Benoit Rittaud

Les casse-tête sur l'échiquier sont probablement aussi


anciens que le jeu lui-même. Ceux qui concernent les déplace-
ments du cavalier ont fasciné de nombreux mathématiciens.
Ils constituent un exemple classique de recherche de chemins
hamiltoniens.
e jeu d'échecs est constitué d'un En plaçant le cavalier n' importe où sur

L pl ateau (l'échiquier) de huit


cases sur huit , alternati vement
noires et blanches, sur lesquelles sont
l'échiquier 4 x 3 ci-de sou , on deman-
de alors s' il est poss ible de lui fai re par-
courir toutes les cases en ne visitant
dispo ées différentes pièces se déplaçant chacune d'elles qu ' une seule fo is.
de di verses manières, simulant une Bien sûr, le petit nombre de données per-
bataille entre deux armées ennemies. Les met, en tâtonnant, de trouver assez rapide-
jeux sur échiquier, quant à eux, s' inté- ment que la réponse est positive, par
ressent à des échiquier dont le formes exemple en suivant le chemin 2- 9- 10-
sont variées et sur lesquels une ou plu- 5- 12- 7--6-1- 8-3-4-11 .
sieurs pièces doivent accomplir une
tâche déterminée. Certaines de ces tâches
peuvent s'étudier par les graphes.
Considérons un échiquier de quatre cases
sur trois, sur lequel se déplace un unique
cavalier. Le cavalier se déplace en formant
un « L » , de la façon suivante:

Que dire alors des question complémen-


taires suivantes ?
• Combien y a-t-il de manières de faire ?
• Existe-t-il un chemin dans lequel le
cavalier visite toutes les cases et soit, en
fi n de parcours , en mesure de revenir à son

Ta:ngente Hors-série n°54. Les graphes


JEUX
point de départ en un seul coup ? en deux Comment faire en sorte que le cavalier
coups?
• Peut-on partir de n' importe quelle case?
visite toutes les cases de l'échiquier une
• Peut-on arriver sur n' importe quelle fois et une seule ?
case? blème se pose avec 9 et l l , soit on va
en 9 et le problème se pose à nouveau
Déplacements sous contraintes entre 3 et 11 ). De manière analogue, on
voit qu ' il n'est pas possible de partir
Pour toutes ces que tions, pratiquement (ou d'arriver, d'ailleurs) des cases 5 et
insolubles san méthode systématique, un 8. En revanche , toutes les autres
graphe permet de répondre en quelques ont des point de départ poss ibles ,
secondes. Celui qu ' il convient de un résultat que l'on constate aisé-
construire a ses sommets numérotés de I ment sur le graphe , là où il faudrait
à 12, chacun représentant l'une des douze de bien plus grands efforts en tra-
cases. Deux sommets sont reliés par une vaillant directement sur l'échiquier.
arête si , et seulement si, la règle de dépla- En regardant le graphe d 'encore un
cement du cava]jer permet de joindre en un peu plus près, on constate que , quel
coup les deux cases correspondantes. On que soit le chemin retenu , le cavalier
obtient alors le graphe suivant : finit sur une case d'où il a besoin de
4 7 10 trois coups exactement pour revenir
à son point de départ. Enfin, le
dénombrement de tous les chemins
possible donne , avec un peu d'astu-
ce pour simplifier l'étude, un total de
huit chemins (mais deux seulement
sont différents du point de vue de la
symétrie) .

Sur un « urai » échiquier


3 6 9 12
Le même genre d' étude est possible sur
Ce graphe met en lumière une structu- un échiquier ordinaire, de huit cases sur
re assez inattendue. On constate en effet huit : le graphe à étudier possède alors
que, dans tou les cas, un chemin so ixante-quatre sommets (combien
répondant au problème doit parcourir à possède-t-il d 'arêtes ?) . Dans ce nou-
la suite les cases 4- 3- 8- 1- 6 et veau cas d' un échiquier 8 x 8, il existe
7- 12- 5- 10-9 (dans un sens ou dans des chemins qui permettent de visiter
l' autre pour chacun de ces deux mor- tout ]'échiquier en revenant au bout du
ceaux de chemin), si tant est que l'une compte à un coup de la position initia-
de ces ca e n'est pas le point de départ le , mais aussi d 'autres pour lesquels ce
ou d'arrivée. Le case 4 , 6, 7 et 9 n'est pa le ca (mais ne vous hasardez
jouent un rôle particulier : il n'est pas pas à essayer de le voir en dessinant le
possible de partir d'elles pour parcourir graphe et sans réfléchir par ailleurs !).
tout l'échiquier (si l'on part du sommet Dans le graphe du problème de l'échi-
4 , par exemple, alors soit on va en 11 quier 8 x 8, on retrouve un certain
et alors on ne peut plus joindre à la fois nombre de « copie » du graphe du pro-
3 et 9, soit on va en 3 et le mê me pro- blème avec un échiquier 4 x 3 : en pre-

Hors-série n°54. Les graphes Tangente


JEUX & PROBLÈMES Graphes sur échiquier

nant sur l'échiquier 8 x 8 un ensemble le problème se réduit


de douze ca es fo m1ant un rectangle tel
que le petit échiquie r représenté précé- À partir de là, il ne reste que pe u de cas
de mme nt , il est manifeste que la po r- à étudier, et l' o n se pe rsuade assez rapi-
tion de graphe qui correspond à ces dement du fa it que , contra irement au
douze cases aura exactement la même cas précéde nt , le problè me n' a pas de
a llure que celui dessiné plus haut : o n soluti o n . On pe ut auss i utili ser, po ur
dit qu 'on a affaire à un sous-graphe. a lle r plu v ite e ncore, le cyc le
Da ns certa ins problè mes, comme celui 2-9- 14-7 du g raphe , de la faço n sui -
des graphes planaire , il pe ut être pré- vante : puisque 2 n 'est ni po int de
c ieux de savoir repérer un sous-graphe dé part ni po int d ' arrivée, a lors un éven-
partic ulier dans un graphe do nné. Ici , tue l che min contie nt nécessaire me nt la
e n prenant le po int de vue inverse (si séque nce 7-2-9 (ou 9- 2-7). Dans ce
l'on pe ut dire), on voit qu ' il est fac ile , ca , 14 est atte int so it avant 7 o it
partant du graphe corre pondant à la après 9 , il est a lo r po int de dé part o u
situation de l'échiquie r 3 x 4 , de d ' arrivée, ce qui est imposs ible car 14
construire ce lui de l'échiquier 3 x 5 : est pa ir.
Dans ce nouveau cas, une étude bruta le
sur le gra phe est pé nible à me ner. Po ur B. R.
ré pondre au problème du cavalier, il
convient do nc de te nir que lques raison-
ne me nts annexes qui pe rmettent de c ir-
4 7 10 13

3 6 9 12 15

conscrire l'étude. To ut d 'abord , pui que


les cases à numé ro impair sont une de
plus que les cases à numéro pa ir, un
che min éventue l du cavalier doit néces-
saire ment commencer (et finir) sur une
case po rtant un numéro impa ir (car la
parité de la case sur laque lle se tro uve
le cavalier change à chaque déplace-
me nt , comme o n le vérifie fac ile me nt
sur l'échiquie r o u sur le g raphe).
E nsuite, des considé rations é lé me n-
taires de symétrie pe rmette nt de se
conte nte r des che mins partant de la case
1, 5 ou 7 . (On pe ut le voir sur le
graphe, mai s cette observation est tout
de mê me plus nature lle sur l'échiquier.)

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


JEUX

Algorithmes en graphes nombre déjà apparu (89 dans la suite précédente),


l'algorithme de Kaprekar on sait que l'on a découvert un cycle.
Le lecteur e t invité à représenter le graphe de I'al-
En 1949, Dattatreya Ramachandra Kaprekar propose gorithme pour les nombres de O à 100 : ils établi-
l'étude de l' algorithme suivant : prenez un nombre de ront la (courte) li ste de tous les puits et cycles .
quatre chiffres non tous égaux (par exemple, 4 742) ;
réordonnez ses chiffres du plus grand au plus petit, le problème de Collatz
pui du plus petit au plus grand, et soustrayez les
deux nombres: 7 442 - 2 447 = 4 995 dans notre Un problème circule depuis plusieur décennies
exemple. Recommencer avec le nouveau nombre à dans les milieux mathématiques sous le nom de
quatre chiffres ainsi obtenu. problème de Collatz, du nom de son inventeur, ou
Dans l'exemple, on obtient ucces ive ment problème de Syracuse, du nom d' une université
5 355, 1 998, pui s 8 082 , 8 532 et 6 174. Et américaine qui a contribué à le faire connaître :
ensuite ? Eh bien le nombre suivant era à nou- • Prenez un entier naturel quelconque . S ' il est pair,
veau 6 174 : nous sommes tombés dans un divisez le par deux . S' il est impair, triplez le , et
« puits » dont nou ne pou vons plu sortir ! ajoutez un à on triple.
Pui sque les nombre mis en jeu dans l'algorithme • Recommencez avec le nombre obtenu , et ainsi de
sont en quantité finie (ce sont les nombres à quatre uite . L'organigramme ci-des ous illustre l'algo-
chiffres), on peut représenter par un graphe fini rithme .
l'évolution de l' algorithme . Il suffit d'écrire tous oui
les nombre , et de joindre à l'aide d ' une arête N= 1?
orientée chaque nombre et celui à qui il donne
naissance (voir les Algorithmes, Bibliothèque non
Tangente 37, 20 13).
Pour les nombres à deu x chiffres , le graphe
montre qu ' il ex iste le puits OO et le cycle non
27--45-09-8 1- 63 .
Pour les nombres à quatre chiffres, il n'ex iste pas
d ' autre cycle que les deux puits 0000 et 6 174.

l'algorithme de Prabekhar L'expérience montre que, quel que soit le nombre de


départ , on finit toujours sur le cycle 4--2-1.
L'algorithme de Prabekhar est lui aussi basé sur Ainsi, en partant de 2 7, on obtient ucce sivement :
l'écriture décimale: prenez un nombre quelconque
(par exemple 162), calculez la omme des carré de 72 36 18 9 28 14 7 22
=
ses chiffres ( 12 + 62 + 22 41) , et recommencez 11 34 17 52 26 13 40 20
avec le nombre ainsi obtenu (4 2 + 12 = 17 , etc. ). 10 5 16 8 4 2 1.
L'exemple fournit alors la liste suivante : 162 ,
4 1, 17 , 50 , 25 , 29 , 85, 89, 145 , 42 , 20 , 4 , 16 , Mais ce résultat n'a encore jamais été démontré, et la
37 , 58 , 89, 145 ... La suite obtenue semble beau- question , malgré son ancienneté et son apparente
coup plus capricieuse que dans l'exemple précé- simplicité, semble toujours hors de portée des mathé-
dent , puisqu ' un nombre à deux chiffres peut trè matiques d'aujourd'hui !
bien avoir pour image un nombre à trois chiffres ,
mais à partir du moment où on retombe sur un M. C.

Hors-série n° 54. Les graphes Ta.ngent:e


SAVOIRS par Michel Criton

Graphes et

a r1n
En assimilant les couloirs d 'un labyrinthe aux arêtes d 'un
graphe et les carrefours à ses sommets, la théorie permet de
se sortir de n 'importe quel labyrinthe. Ah, si Thésée avait
connu la théorie des graphes ...
es labyrinthes constitue nt un XJJf siècle . Ma is les labyrinthes o nt

L exemple de graphes dont l'o ri-


g ine re mo nte à la nuit des
te mps. Ce thè me a ex isté dans de très
égale ment été conçus comme de purs
di vertissements, comme le labyrinthe
végé ta l de Ha mpto n C o urt , e n
nombre uses c iv ili sati o ns : c hacun Ang le te rre, réa li sé po ur le Ro i
connaît la légende c rêto ise de Thésée et Guillaume III e n 1690 . Ces labyrinthes
du Minotaure , o u le labyrinthe de la bucoliques o nt mê me été re mi s à la
cathédrale de Chartres, qui fut bâtie au mode depuis que lques années.

L'algorithme
de la main
gauche
appliqué à
deux
labyrinthes
Oesecond
labyrinthe
présente un
îlot, son
graphe
associé n'est
pas un arbre).

Tcingente Hors-série n°54. Les graphes


JEUX

L' intérêt d ' un labyrinthe peut être mul- On peut vouloir visiter tous les recoins
tiple: selon les cas, le but peut être d 'ac-
d'un labyrinthe, ou seulement vouloir
céder à un point précis du labyrinthe, ou
bien de «visiter» l' intégral ité du laby- s'en échapper.
ri nthe dans le but d 'y découvrir une tenant. Le graphe associé à un tel laby-
structure particuljère, un trésor, ou une rinthe est alors un arbre (montrez- le !).
issue secrète, avant d 'en res ortir. Une Dès que le labyrinthe comporte des îlots
que lion théorique se po e alors : com- intérieurs entourés de murs, la « méthode
ment explorer un labyrinthe de façon de la main gauche» ne permet plus d'en
sy tématique, c'est-à-dire comment par- explorer I' intégraljté. Heureusement pour
couri r toute se galerie , ans en les Thésée modernes, des méthodes d'ex-
oublier le mo indre recoin ? ploration plus sopru tiquées ont été élabo-
rées, quj s'adaptent à tous les labyrinthes.
la méthode de la main gauche
la méthode de Gaston Tarry
Une première méthode d 'exploration ,
très simple d 'emploi , consiste à se Gas ton Tarry (1 843- 191 3) est un
déplacer en longeant continuellement le mathématicien françrus de la fin du XIXe
mur de gauche (ou bien celui de droite). siècle qui s'est intéressé à di vers
Hélas, cette méthode ne fonctionne à thèmes des mathématiques récréati ves,
coup sûr que dans les labyrinthes sans comme les carrés multirnagiques. En
Gaston Tarry.
«îlots», c'est-à-dire dont les murs 1895 , il énonce une méthode systéma-
constituent un ensemble d ' un seul tique d 'exploration des labyrinthes, qui

Hors-série n°54. Les graphes Tcingente


SAVOIRS Graphes et labyrinthes

la méthode de TrémeauK

À la même époque, Charles Pierre


Trémaux, ingénieur des télégraphes,
avait communiqué au mathématicien
français Édouard Lucas une méthode
similaire, mais plus préc ise, décrite par
Lucas dans le premier tome de ses
Récréations mathématiques (189 1) :
• on emprunte une voie quelconque. Si
l' on aboutit à une impa se, on rev ient
ur es pa . Si l'on aboutit à un carre-
four, on emprunte une voie quelconque
non encore explorée ;
• si l'on anive à un carrefour déjà exploré,
par une voie nouveUe, on revient sur ses
pas, ce qui revient à condamner cette voie ;
• si l'on arrive à un carrefour déjà
exploré par une voie déjà parcourue
dans l'autre sens, on choisit en priorité
une voie nouvelle, ou sinon une voie
parcourue dans un seul sens.
Parcours exhaustif d'un même labyrinthe à l'aide
tout d'abord de l'algorithme de Gaston Tarry puis
de l'algorithme de Trémeaux. Chaque couloir est S'évader d'un labyrinthe
parcouru exactement deux fois.
Les deux méthodes précédentes permet-
est la sui vante : tent de parcourir un labyrinthe à partir de
• on parcourt chaque couloir exactement son point d 'entrée, elle pourraient évi-
deux foi s, une foi s dans chaque sens, en demment être appliquées à partir de
mettant une marque à l' entrée dans le n' importe que l point du labyrinthe . S' il
couloir et à la sortie (à l'issue de l' ex- s'agit à présent de s'évader d' un laby-
ploration , chaque couloir aura donc été rinthe dans lequel on est perdu , une autre
marqué deux fois à chaque extrémité) ; méthode, due au mathématicien améri-
• à chaque carrefour, on s' impose de ne cai n Oystein Ore, permet de trouver la
reprendre le couloir de découverte (c'est- ortie en connaissant à tout moment la
à-dire le couloir par leque l on a décou- « distance » entre l'endroit où l'on se
vert ce carrefour pour la première fo is), trouve et le point de départ.
qu 'en dernier recours. Cette méthode consiste à marquer les
La seconde règle de cette méthode per- carrefour atte ints à partir du point de
met de nombreuses exploration diffé- départ, supposé être un carrefour auquel
rentes d ' un même labyrinthe, pui qu 'en on a attribué le numéro O. On explore
arrivant à un carrefour déjà exploré, on chacune des galeries partant de ce carre-
peut avoir le choix entre explorer un four O, jusqu 'à tomber sur un cul-de-sac
nouveau couloir, emprunter un couloir ou un autre carrefour qui sera alors
ayant déjà été parcouru une fo is, ou numéroté 1. On rebrou e ensuite che-
rebrous er chemin . min en marquant la galerie aux deux
extré mités, et en ajo utant une croix

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


JEUX

lorsqu' il s'agit d ' une impasse.


L'étape sui vante consiste à explorer tous
les couloirs partant de chacun des carre-
fo urs 1, excepté celui relié au carrefour
0, jusqu'à atteindre chacun des carrefours
2, situés à deux couloirs du carrefour 0 ,
puis on revient au carrefour 0 , toujours
en marquant chaque couloir deux fois , à
l'entrée et à la sortie ...
Cette méthode, très longue à mettre en
œuvre, permet d'explorer l' intégral ité du
labyrinthe, en s'éloignant régulièrement
du carrefour O au sens de la « distance »
ainsi définie dans le labyri nthe.

M. C.

Algorithme d'Oystein Ore : marquage des carrefours


et des impasses à partir du carrefour initial, noté o.

Hors-série n°54. Les graphes Te&ngent:e


, JEUX & PROBLÈMES par Michel Criton

Résoudre des énigmes


à l'aide des graphes
Dans de nombreuses énigmes logico-mathématiques, aucune
méthode ne semble pouvoir conduire rapidement à la solu-
tion, hormis une exploration systématique s ouvent fastidieu-
se de toutes les possibilités. Or, souvent, la modélisation du
problème à l'aide d'un simple graphe permet de bien élaguer
les difficultés.

n premier exemple est issu du côtoient. Le A est déjà placé. Où

U concours Log ic' Flip (un


concours pour les collégien
et les lycéens, dans le cadre scol aire,
era le G?

Pour répondre à cette énigme, établissons


conçu et organisé par la revue Spécial un graphe dont les ommet représentent
Logique et par la Fédération françai e le septrégions A , l ,2,3,4, 5 et 6. Dans
de jeux mathématiques). ce graphe, deux régions sont reliées par
une arête si, et seulement si, elles ont une
Les sept lettres frontière commune dans le problème. Il
s'agit maintenant d'attribuer à chaque
Placez les lettres de B à G dans numéro de 1 à 6 une lettre (de B à G) de
la grille de façon à ce que deux
1 2
lettres qui se suivent dans l'al-
phabet ne se trouvent jamais
dans des sections qui se
3

5 6

Graphe associé à la grille (sept som-


mets et trei:.e arêtes).
JEUX

façon que deux lettres qui se suivent dans


! 'alphabet ne correspondent jamais à des
sommets reliés par une arête. E
Une remarque s'impo e : le problè me
serait plus impie à ré oudre si la
les huit lettres
condition était que deux lettres qui se
sui vent doivent obligatoire ment corres-
pondre à deux sommet qui sont reliés Abordons maintenant un autre problè-
par une arête. Qu 'à cela ne tienne , nous me, tiré du Championnat des jeux
allons construire le graphe complémen- mathématiques et logiques.
taire du graphe précédent, c'e t-à-dire un Sur le schéma ci-dessous, les huit
nouveau graphe dans lequel deux som- lettres de A à H sont disposées de telle
mets seront reliés par une arête si, et sorte que deux lettres qui se suivent
seulement si, il s ne le sont pas dans le dans l' alphabet sont directement reliée
graphe ci-dessus. Ce graphe complé- par un segment et que la dernière (H)
me ntaire s'obti ent e n ajoutant au est reliée à la première (A ) .
graphe originel toutes les arêtes qui
manquent pour que le graphe soit com-
plet (voir encadré), puis en supprimant
les arêtes initi ales du graphe origine l.
4

5 2

6 A

Graphe complémentaire du graIJhe


d'origine (sept sommets et huit
arête ).

On obtient le graphe ci-dessus, où il


n'ex iste qu ' une seule possibilité pour
fo rmer la chaîne de lettres
A- B-C- D-E- F-G en sui vant un che-
min sur les arêtes passant une et une
seule fo is par chaque sommet :
A-6- 1-4-3- 5- 2 (un tel chemin est un
chemin hamiltonien).
On en déduit alors l' unique solution du
problème de départ : la lettre G fi gure Di spose z maint e na nt ces huit
nécessairement dans la région 2. lett11es sur le second dess in de

Hors-série n°54. Les graphes Ta.n9ente


JEUX & PROBLÈMES Résoudre des énigmes ...

façon que chaque lettre soit sur un


disque de même teinte que dans le
premier schéma el que deux
lettres qui se suivent ne soient
jamais reliées par un segment, de
même que les lettres A et H.

Comme dans le problème précédent , la


méthode consiste ic i à construi re le
graphe complémentaire du graphe ini -
tial. Sur le dess in c i-dessous , les arête
du graphe complémentaire ont été des- Certaines permutations de lettres per-
sinées en trait épais po intillés . mettent ensuite d 'engendrer d'autres
solutions à partir de la première . Une
autre méthode possible pour construire
ces so lutions est de partir d ' un sommet
quelconque du graphe et de passer par
tous les sommets (ou de décri re un cir-
cuit hamiltonien) en nommant un som-
met sur deux , dans l' ord re
A- B-C- D- E- F-G- H, j usqu 'à épuise-
me nt.

les billes
Mais ce nouveau graphe n'est pas très
li sible avec cette di sposition des som- Vo ic i maintenant un tro isiè me problè-
mets . Nou s allon donc « déplier » ce me extrait du concours Logic'Flip .
graphe afin de lui donner une fo rme un
peu plus « présentable » . Des billes ont été placées dan s
Surpri se ! Le nou veau graphe « déplié » ces boîtes selon les règles sui-
est le même que le graphe de départ. Ce vantes. Chaque boîte contient un
graphe est dit autocomplémentaire . nombre différent de billes (entre

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


JEUX

1 et 8). Les boîtes sombres 6 + 7 ou 8 + 5. On aura donc à explo-


contiennent un nombre pair de rer les deux poss ibilités :
billes. Chaque boîte contient A = 6 et H = 7 , ou A = 8 et H = 5, e n
toujours au minimum deux complétant les sommets de proche en
billes de plus ou de moins que proche à partir de H.
les boîtes situées juste à côté.
Les boîtes A et H contiennent
treize billes en tout.
Combien y a-t-il de billes dans
la boîte D?

La première possibilité conduit à poser


soit G = 4, soit G = 2. Ces de ux c hoix
condui sent à une impasse : l' étude
montre que C = 2 ou 4, et que le 3 ne
peut donc pas être placé. On doit donc
poser A = 8 et B = 5, ce qui conduit à
une solution unique dans laquelle D est
Le fa it le plu s important dans ce pro- égal à 1.
blème est que des boîtes voisines M. C.
contie nnent des nombres de billes de
parités différentes . Les nombres de
billes sont donc réparti e n nombres
pairs e t nombres impairs , de ux
nombres de mê me parité ne pou vant
jamais être voisi ns .
Établi ssons un graphe dont les som-
me ts sont les boîte , chaque boîte éta nt
assi milée au nombre de billes qu 'e lle
contient, et dont les arêtes correspon-
dent à la relation « est voisin de » .
Nous obtenons Je graphe c i-dessous.

Un te l graphe, où les é lé ments de l'en-


semble des somme ts sont répartis en
deux sous-ensembles séparés, est appe-
lé un graphe biparti .
L' hypothèse de départ est ici que la
somme A + H est égale à 13 . On peut
obtenir cette somme de deux façons :

Hors-série n°54. les graphes Tangente


par Michel Criton

Niveau de difficulté

Trouuez v
)

vv
lrt•s facill'
facill'
pas facill'

le bon chemin vvv


vvvv
difficill'
très difficill'

HS5401 - Les sept régions v HS5404 - Les huit uilles v v

Numérotez les sept régions de 1 à 7 Des villes A, B et C , on pe ut aller di -


pour que deux chiffres consécutifs ne rectement dans trois villes voisines
se côtoient jam a is. Quel chiffre va en sans passer par d ' autres villes. Des
A? villes D, E et F, on pe ut aller directe-
ment dans deux ville voisines. De B,
on pe ut aller à E et F, et de C, on pe ut
aller à D.
Où se trouve A ?

HS5402 - Les sept uilles v

Si B est re lié directement et unique- HS5405 - Huit autres uilles vv


ment à A, E, F et G et si D est relié

.•
uniquement à A et F, et A à B et D, où Sur le plan ci-contre, Alfa e t reliée di -
se trouve C? recte ment à tro is ville . Balla et Calot

.•
sont reliées directement à quatre ville .

.......· ..··.
~. -·················
..•:'~ On ne pe ut aller directement d ' Alfa à
:• ' Balla, mais ces de ux villes peuve nt être
~ ..··· ..,.·· ·····~.
• ••• ll!tl ••••
V ·:...........................
• ••
atteintes directement de Calot.
Où se trouve Dahu si, d e cette ville,
on p eut a ller directem ent à Ba lla et à
HS5403 - En partant d'Hlfa v C alot , m a is pas à Alfa ?

En partant d ' Alfa, combien d e


villes pe ut-on a tteindre après
en avoir traversé deux autres,
sans re brousser chemin ?
HS5406 - Circuit maximal vv
On considère un quadrill age à mailles
carrées de deux mi lle quinze case ur
deux mi lle quinze, comportant des

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


par Michel Criton

nœuds (intersections), et des arête de moins que les boîtes situées juste
de longueur unité (segments joignant à côté. Le boîte A et H contiennent
deux nœuds). treize billes à elles deux.
Quelle est la longueur du circuit le Combien y a-t-il de billes
plus long (chemin partant d' un nœud dans la boîte D ?
et abouti ssant à ce nœud), sachant
qu'on ne peut emprunter qu ' une seule
fo is une arête et qu 'on ne peut passer
qu' une seule fo is sur un nœud (à l'ex-
ception du point de départ) ?

HS5409 - L'Îie aux cormorans vt/

L'île aux cormorans comprend huit


vi ll ages relié par de nombreuses pe-
tites routes directes. Ces routes ne sont
jamais dédoublées d' une part, et ne se
HS5407 - les huit États vv croisent en aucun cas en dehors des vil -
lages, d'autre part.
L' Anthea a une fro ntière commune Combien y en a-t-il au maximum ?
avec le Blaze et deux autres États. Le
Blaze ne côtoie que quatre États. La HS5410 - Le problème
Charv ie a une frontière commune uni- de Posthumus t/t/v
quement avec I' Anthea, le Doursk et
l'Elvire. La Ful vie côtoie uniquement Un ingénieur néerlandais, Klaas Pos-
le Blaze, le Doursk, la Gasnie et l' Her- thumus ( 1902- 1990), posa en 1946
mise. La Ga nie et le Doursk ont une le problème suivant dans le cadre de
fro ntière commune. travaux sur la théorie de circuits té-
Où se trouve l'Herrnise? léphoniques : combien existe-t-il de
nombres binaires (utili sant unique-
ment le chi ffres O et 1) contenant
une et une seule fois chacun des huit
triplets possibles en binaire (000,
001, 010, 100, 110, 101, 011,etlll) ?

Sources des problèmes


HS5408 - Des billes • Concours Logic'Flip (HS5401, HS5402, HS5403 ,
dans des boîtes vv HS5404, HS5405 , HS5407 , HS5408)
• Championnat des jeux mathématiques et logiques
Des bille ont été placées dans ces (HS5404. HS5405 , HS5406, HS5407, HS45 I0)
boîtes selon les règle sui vantes. • Revue Jouer Jeux Math ématiques, article de Marie
Chaque boîte contient un nombre dif- Berrondo (HS5409)
férent de billes (entre l et 8). Le boîtes • Les mathématiques, ce monde que créa l 'homme.
bleues contiennent un nombre pair de Sherman Stein. Dunod, l 967 (HS54 I0)
billes. Chaque boîte contient toujours • DocumentCNDP(HS541 I, HS541 2. HS541 3)
au minimum deux billes de plus ou

Hors-série n°54. Les graphes Tc:ingente


par Michel Criton

Ces textes sont issus d 'un remarquable document publié par HS5413 - Trauersée de frontières
le CNDP (aujourd 'hui Canapé). Chaque énoncé est suivi
d 'une indication des connaissances mises en j eu. Nous re- Cinq pays sont représentés ci-après
mercions Claudine Robert de nous avoir permis de les pu- avec leurs fronti ères. Est-il possible
blier. de partir d'un pays et d'y revenir en
franchissant chaque frontière une
HS5411 - Les enueloppes fois et une seule ?

0
Peut-on parcourir une fois et une
seule les arêtes des graphes ci-des- ,.
sous sans lever le crayon ?

!1
0 0

• Contenu : chaîne eulérie nne ; degré


• Contenu : introduction des graphes d ' un sommet ; théorème d'Euler.
(arêtes, sommets, ordre, sommets
C chanellc • Fotoha
adjacents) ; degré d ' un sommet ;
chaîne eulérienne; théorème d 'Euler.

HS5412 - Dominos

Peut-on aligner tous les pions d'un


jeu de domino suivant la règle du do-
mino ? On commencera par étudier la
question avec un jeu dont le dominos
comportent les chiffres jusqu 'à n, pour
n =5 2, 3, 4.
Une arête représente un domino. li faut
trouver une chaîne qui permet de par-
courir toutes les arêtes une foi s et une
seule. On ne s'est pas occupé ici des
« doubles» puisqu ' on peut toujours les
intercaler. 1

0 2 0 2 4 3
• Conte nu : graphes complets ; chaînes
eulériennes ; degré d ' un sommet ;
théorème d 'Euler.

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


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par Michel Criton

HS5401 - Une seule région n'est pa voisine HS5406 -


avec A : la région D, et une seule région n'est -
pas voisine avec B : la région E. Ce sont donc
les chiffres I et 7 qu'il faut placer dans les
région A et B. Seule l'une des deux possibili-
tés permet de compléter la numérotation avec
le 3 déjà en place. Le chiffre 1 va en A, 2 en
D, 4 en C, 5 en F, 6 en E et 7 en B.

HS5402 - B est situé en 2 ou en 5 et A en 3, en Un quadrillage de deux mille quinze ca es sur


4 ou en 6, mais A relié à B impose que A soit deux mille quinze comporte 2016 2 = 4064256
en 3 si B est en 5 et en 6 si B est en 2. D relié à nœuds. Le circuit idéal passe par tou ces
A et F impose que D soit en 4, A en 6 et Ben nœuds, ce qui permet d'obtenir la longueur
2. C ne doit être relié ni à 2, ni à 6, ni à 4. Elle maximale égale à 4064256. Or un tel circuit
se trouve donc en 3. exi te pour tout réseau de n x n nœuds où n
e t un nombre pair. Un coup d'œil au dessin
ci-des u uffit pour s'en convaincre.
HS5403 - En partant d' Alfa, on peut atteindre
toutes les villes après en avoir traversé deux
autres (san rebrousser chemin) sauf trois HS5407 - La Gasnie e trouve en 1, l'Hermise
d'entre elles : Deli, Exa et Jika. On peut donc en 2, la Fulvie en 3, le Blaze en 4, I' Anthea en
atteindre cinq villes. 5, le Doursk en 6, la Charvie en 7 et (' Elvire
en 8.

HS5404- {A ; B ; C} ={l ; 7 ; 8} et {D ; E ;
F} = {2 ; 4 ; 6}. B est égaJ à l ou 4. Si B = 1, HS5408 -
alors C = 8 et A = 7. Si B = 4, alors C = l et
A= 7. Dans tou le cas, on a donc A= 7.

HS5405 - Dahu se trouve en 3. Alfa peut être


en 2, 4 ou 8, et Balla et Calot en 5, 6 ou 7. Pour
qu ' une ville soit reliée à Balla et Calot, mais
pas à Alfa, il faut la placer en 3, avec Alfa en
8, Calot en 6 et Balla en 5. Le fait le plus important dans ce problème est
que des boîtes voi ines contiennent de nombres
de billes de parités différente . Les nombres de
billes ont donc répartis en nombres pair et
i' nombres impairs, deux nombres de même pari-
J té ne pouvant jamais être voisins. Établissons
un graphe dont les sommets sont les boîtes,
j chaque boîte étant assimilée au nombre de
i billes qu 'elle contient, et dont les arêtes cor-
1

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


par Michel Criton

respondent à la re lation « e t voi in de ». On


obtient le graphe ci-contre. Un tel graphe, où
le éléments de l' en emble de sommet ont
répartis en deux sous-en embles séparé , est
un graphe biparti.

sunxc p11h C Dnulf)' Ers~

L' hypothèse de départ est ici que la somme HS5410-


A + H est égale à 13. On peut obtenir cette
somme de deux façon : 6 + 7 ou 8 + 5. On aura
donc à explorer le deux po ibilités : A = 6
et H = 7, ou A = 8 et H = 5, en complétant
les sommet de proche en proche à partir de
H. La première po ibilité conduit à deux ca
possibles (G = 4 ou G = 2), chacun de ce ca
=
aboutissant à une impos ibilité : on a C 2 ou On peut repré enter le doublets possibles ab
4, et le 3 ne peut plus être placé. Par contre, par les sommet d ' un graphe dont chaque arête
la seconde possibilité conduit à une solution correspond au passage d'un doublet ab à un
=
unique et on obtient D 1. doublet be. Chaque arête correspond donc à
un triplet formé des deux chiffres du doublet
de départ, et du deuxième chiffre du doublet
HS5409- image.
Sur ce graphe, le problème de Posthumus se
ramène à déterminer le nombre de chemins
eulériens. L'un de ces chemi n e t repré enté
ci-dessus ; ce chemin fournit la solution O O O
1 0 1 l 1 0 0 , qui contient une et une eule fois
chacun des huit triplets possibles. Il existe seize
On cherche ici le nombre maximum d ' arêtes nombres binaires répondant au problème :
que contient un graphe planaire avec huit som-
met . Un graphe aturé (dans un graphe saturé, 0 0 0 1 0 1 1 1 0 0, 0 0 1 1 1 0 1 0 0 0,
toute face e t bordée par troi arêtes) possédant 0 0 1 0 1 1 1 0 0 O, 0 0 0 1 1 1 0 1 0 O,
s sommets comporte un nombre d'arêtes a 0 1 0 1 1 1 0 0 0 1, 1 0 0 0 1 1 1 0 1 0,
égal à 3s - 6. On doit donc avoir a ~ 3s - 6. 1 0 1 1 1 0 0 0 1 0, 0 1 0 0 0 1 1 1 0 1,
Avec s = 8, on a donc a ~ 18, ce qui donne 0 1 1 1 0 0 0 1 0 1, 1 0 1 0 0 0 1 1 1 0,
le nombre maximal de route sur l'île aux 11 1 0 0 0 1 0 1 1, 1 1 0 1 0 0 0 1 1 1,
cormorans. Le dessin ci-de us montre que ce 1 1 0 0 0 1 0 1 1 1, 1 1 1 0 1 0 0 0 1 1,
maximum peut être atteint. 1 0 0 0 1 0 1 1 1 0, 0 1 1 1 0 1 0 0 0 1.

Hors-série n°54. Les graphes Tc:ingente


par Michel Criton

HS5411 - Le premier graphe (connexe) admet


quatre sommets de degré impair ; il n' admet
o,J VA
pas de chemin eulérien. Le second graphe r~~tJoRE
admet exactement deux sommets de degré
\,~
impair ; il existe un chemin eulérien joignant
ce deux sommets (tracé en rouge). ~ AitJ.
2

3 3 3 3

HS5412 - Pour représenter les dominos sans


« doubles » comportant les « chiffres » de O
jusqu'à n, on trace un graphe den + 1 sommets.
Une arête représente un domino. Trouver une HS5413 - Il est possible de partir d' un pays et
chaine de dominos consi te à parcourir toutes d ' y revenir en franchissant chaque frontière
les arêtes de ce graphe une et une seule fois. Ce une fois et une seule si, et seulement si, le
sera possible si le nombre de sommets de degré graphe associé admet un cycle eulérien. Or, ce
impair est O ou 2. graphe admet deux ommet de degré impair.
Or, chacun des La réponse e t donc négative. En revanche,
n + 1 sommets un itinéraire est possible à condition de
est relié aux n St Ç,A ~E\Jf "~ partir de P4 et d'arriver en P5.
autres. Il est tt.~\J Rt~ .. · ~ ~
donc de degré N'A~~is PAS T~OV"E.
n. Ce degré est ~~ ~U)S !
pair si, et seule-
ment i, n e t pair.
Pour n = 6 (dominos
usuels), il existe donc
une chaîne eulérienne
puisque tous les som-
mets ont « pair » .

Tangente Hors-série n°54. Les graphes


Ta.ngente Hors-série n° 54
Les graphes

Tangente
Publié par les Éditions POLE
SftS au capital de 42 000 euros
s1e1e socl1l
80 bd Salnt-mlchel - 75006 Paris
Commission paritaire : 1016 K 80883
Dépôt légal ~ parution
Directeur de Publlc1tlen et de le Red1ctlon
Gilles COHEn
Secrn11re de red1ctlen
Édouard THOffiftS, assisté d'Estelle DUBOIS
Ont coll1bore a ce numero
nlcolas BlftflCHftRD, Francis CftSIRO,
Clément CHftRPEnTIER, michel CRITOn,
Jean-Paul DElftHftYE, Dauid DELHUnHY,
Thierry DE LH RUE, Jean-Jacques DUPHS,
Yannick ESTtUE, Gérard GRHnCHER,
Bertrand HftUCHECORnE, Élise JHnURESSE,
Syluain KftHftnE, François LHUHLLOU,
Herué LEHnmG, Jean-Christophe nouELll,
Beno1t RITTHUD, Jean-lue STEHLÉ,
Daniel nmnm, norbert UERDIER
ffl1quette
Guillaume GftlDOT, Romain GIRHUD,
natacha LHUGIER

Photes : droits réserués

Dessins : Julie Lambert [catoune.com)


ftbonnements
abo@poledltlons.com
01 47 07 5115 - fax : 01 47 07 8813
Achevé d ' imprimer pour le compte des Éditions POLE
sur les presses de l' imprimerie BiaJec à Nancy (54, France)
Dépôt légal - Juillet 2015
aphes
Quelques points reliés par des
traits suffisent à créer un graphe.
Il faut pourtant attendre le
XVIIIe siècle pour voir émerger
une théorie pertinente.
Depuis, des résultats structuraux
puissants ont été mis en évidence,
dont les derniers en date sont
le théorème des graphes parfaits
et le théorème des mineurs.

De par leur structure purement


topologique, les graphes sont un
outil incomparable d'aide à la
décision : ordonnancer les
tâches dans une chaîne de
production,trierdesdonnées
numériques, gérer un réseau de
voies ferrées, sont quelques-unes
de leurs applications.

Quant aux amateurs de jeux de


réflexion, ils peuvent y trouver
une source d'inspiration
permanente : les stratégies se
résument toutes à des chemins
dans un graphe !

~DITIONS.
Prix: 19,80 € POLE

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