Vous êtes sur la page 1sur 81

Licence Droit – 3ème année

2023-2024

DROIT GÉNÉRAL DE L’UNION EUROPÉENNE

Dossier de travaux dirigés

Cours magistral : Mme la Pr. Anne MILLET-DEVALLE


Travaux dirigés : Mme Chiara PARISI

Organisation des séances

Séance 1. Présentation et méthodologie

Séance 2. Les valeurs et principes fondateurs de l’Union européenne

Séance 3. Les principes organiques et fonctionnels de l’Union européenne

Séance 4. La répartition des compétences dans l’Union européenne

Séance 5. L’exercice des compétences au sein de l’Union européenne

Séance 6. Les sources normatives du droit de l’Union européenne

Séance 7. Galop d’essai (date à préciser)

Séance 8. Les effets du droit de l’Union européenne (1) : la primauté

Séance 9. Les effets du droit de l’Union européenne (2) : l’effet direct

Séance 10. Les recours juridictionnels dans l’ordre juridique de l’Union européenne

1
Séance 1
Présentation et méthodologie

Bibliographie générale

Ouvrages

Blanquet (Marc), Droit général de l’Union européenne, Dalloz-Sirey, Paris, octobre 2018, 768 p.
Blin (Olivier) Droit institutionnel, matériel et contentieux de l’Union européenne, CRFPA, Bruylant, Bruxelles, 2020,
431 p.
Blumann (Claude), Dubouis (Louis), Droit institutionnel de l’Union européenne, Litec, Paris, septembre 2019, 1032
p.
Clergerie (Jean-Louis), Gruber (Anne) et Rambaud (Patrick), L’Union européenne, 11ème éd., Dalloz (Précis), Paris,
2018, 1160 p.
Coutron (Laurent), Droit de l’Union européenne, Dalloz (Mémento), Paris, 2019, 254 p.
Dony (Marianne), Droit de l’Union européenne, 4ème éd., Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 2018, 800
p.
Jacqué (Jean-Paul), Droit institutionnel de l’Union Européenne, 9ème éd., Dalloz, coll. « Cours », Paris, 2018, 854 p.
Jacquelot (Fanny), Droit de l’UE, (Fiches, préparation aux concours), Lexifac, 2020, 243 p.
Martucci (Francesco), Droit de l’Union européenne, Dalloz, 2019, 924 p.
Roux (Jérôme), Droit général de l’Union européenne, LexisNexis, Paris, 5ème éd., 2019, 480 p.
Santulli (Carlo), Introduction au droit européen, LGDJ, 2020.
Terpan (Fabien), Droit et politique de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2018, 334 p.

Revues

- Annuaire du droit de l’Union européenne (A.D.U.E.)


- Cahiers de droit européen (C.D.E.)
- Europe
- European Law Journal
- European Law Review
- Gazette européenne (Gazette du Palais)
- Journal de droit européen
- Juris-classeur Europe
- Revue des Affaires européennes (R.A.E.)
- Revue de l’Union européenne
- Revue du Marché Commun et de l’Union européenne (R.M.C.U.E.) (Revue du Marché commun – R.M.C.)
- Revue du Marché unique européen (R.M.U.E.)
- Revue trimestrielle de droit européen (R.T.D.E.)
- Yearbook of European Law

Sites Internet

Généralités http://europa.eu.int/
http://europa.eu/scadplus/
Parlement européen http://www.europarl.eu.int/

Commission européenne http://europa.eu.int/comm/index_fr.htm

Conseil de l’U.E. http://agenor.consilium.eu.int/

C.J.U.E. http://curia.eu.int/

Legifrance http://www.legifrance.gouv.fr

Représentation permanente de la France auprès de l’U.E. http://www.rpfrance.org/


Centre Virtuel de la Connaissance sur l’Europe (CVCE) http://www.cvce.eu/

2
Modalités de contrôle

- Il s’agit d’un contrôle continu. La présence active au TD a des conséquences sur la note
semestrielle. Seules les absences dûment justifiées seront acceptées.

- Durant le semestre, vous devrez rendre deux travaux ( un plan détaillé de commentaire
d’arrêt ou de texte ET un plan détaillé de dissertation juridique). Un exercice de ce type
sera proposé, à chaque séance. La longueur du travail ne peut pas dépasser 4 pages
dactylographiées (Times New Roman, police 12, interligne 1.5).

- Un partiel sera organisé lors d’une des dix séances prévues.

- La note finale du contrôle continu en droit général de l’Union européenne sera donc composée
des résultats obtenus aux deux travaux rendus durant le semestre ainsi que du résultat obtenu
au galop d’essai organisé à la mi-semestre ; l’ensemble sera susceptible d’être pondéré en
fonction de l’assiduité et la participation orale lors des séances de travaux dirigés.

3
SEANCE 1 : Méthodologie

Trois types d’exercices sont susceptibles de vous être proposés :


1) Dissertation
2) Commentaire de texte
3) Commentaire d’arrêt

Les connaissances sont considérées comme un acquis. C’est votre capacité à utiliser ces
connaissances qui sera évaluée à savoir :
1) Capacité de compréhension du sujet
2) Capacité d’analyse et de synthèse
3) Rigueur juridique
4) Capacité à raisonner

Aide-mémoire de rédaction

Un argument juridique est toujours accompagné de sa source : article d’un code, d’une convention, d’une
constitution ; jurisprudence ; doctrine.
Pour construire son argumentation, utiliser des liens logiques :
- Subdivision : d’une part, d’autre part ; en premier lieu, en second lieu ; dans un premier temps,
dans un second temps ; premièrement, deuxièmement, troisièmement…
- Addition : de plus ; en outre ; de surcroît ; par ailleurs…
- Opposition : au contraire ; or ; mais ; tandis que ; alors que…
- Concession : bien que ; certes
- Conclusion : donc ; par conséquent ; en conséquence ; il s’ensuit que ; il résulte…
− Une citation vient appuyer un argument juridique. Il faut toujours la commenter pour expliquer
dans quelle mesure elle soutient mon raisonnement.
− A bannir : les fautes d’orthographe ; les phrases trop longues (qui dépassent 2 lignes) ; les
généralités ou banalités (de tout temps, les hommes…) ; enfin, l’humour juridique est un genre
sous-estimé et difficile à maîtriser, sans doute faut-il également l’éviter…
− Aller à la ligne à chaque argument : un premier argument est développé dans un paragraphe ;
puis un nouveau paragraphe est consacré au second argument (ne pas aller à la ligne à chaque
phrase !)
− Ne pas paraphraser le texte
− Aérer sa copie en sautant des lignes avant et après les titres.
− Faire ressortir les titres en les soulignant, les espaçant, ou en les mettant en couleur.

4
1) La Dissertation

La méthodologie proposée ci-dessous n’a que valeur indicative, elle ne constitue pas une « recette »
dont la réussite serait assurée automatiquement, mais elle donne des indications précises sur les
éléments attendus dans ce type d’exercice, et sur lesquels le correcteur est susceptible de se fonder
pour évaluer le travail ainsi réalisé. La dissertation juridique doit nécessairement se décomposer en
différentes étapes, décrites successivement :

Une INTRODUCTION (en 6 étapes – 1 page au minimum)

1. L’accroche = phrase d’attaque qui permet d’attirer l’attention du lecteur (sous forme
interrogative ou bien de citation en relation avec le sujet…)
2. Présentation du sujet = étape qui permet de cerner le sujet. Situation du sujet, son actualité,
son intérêt, définition des termes importants
3. Replacer le sujet dans son contexte : contexte doctrinal ; contexte politique ; contexte
historique, etc…
4. Intérêt du sujet = Pourquoi me donne-t-on ce sujet précis ? S’agit-il d’un problème juridique
lié à l’actualité ou d’une notion fondamentale ?
5. Problématique = Quel est le problème soulevé par le sujet ? une contradiction, une
innovation, une complémentarité ou une rupture ?
6. Annonce du plan = il s’agit de ma thèse, de la réponse que j’apporte à ma problématique.
C’est une phrase en général affirmative (qui peut aussi être posés sous la forme interrogative)
qui annonce les 2 parties du plan (en général apparentes à la suite de l’annonce sous la forme
« (I.) » puis « (II.) »)

Un PLAN (en 4 sous divisions au minimum, la forme la plus classique et donc généralement attendue)

I. PREMIERE PARTIE (titre court, percutant, et surtout QUALIFIÉ – éviter absolument les titres descriptifs tels
que ceux trouvés dans les manuels, ne jamais perdre de vue que je fais une démonstration : le plan n’a que pour but de
dévoiler mon raisonnement et les principaux arguments de ma démonstration)

Chapeau introductif : annonce des 2 sous-parties (A.) et (B.) (une étape obligatoire à ne pas négliger, cela me
permet d’expliquer en quelques lignes l’articulation que j’ai arrêté pour présenter mes arguments et ma démonstration).
A. Première sous-partie (titre court, percutant, qualifié)
B. Seconde sous-partie (titre court, percutant, qualifié)

Transition : lier l’idée développée dans la 1 e partie avec celle à développer dans la 2 e partie.

II. SECONDE PARTIE (titre court, percutant, qualifié)

Chapeau introductif : annonce des 2 sous-parties (A.) et (B.)


A. Première sous-partie (titre court, percutant, qualifié)
B. Seconde sous-partie (titre court, percutant, qualifié)

Une CONCLUSION NON OBLIGATOIRE (bien qu’elle ne constitue pas un prérequis, il est possible de conclure
la dissertation en rappelant de manière synthétique les principaux arguments de la démonstration (sans être redondant) et en
ouvrant éventuellement le sujet sur d’autres problématiques liées ou plus générales)

Exemple de dissertation :
- L’UE, organisation de coopération ou d’intégration ?

5
- Y a-t-il un véritable équilibre des pouvoirs au sein des institutions européennes ?

6
2) Le Commentaire de texte

La méthodologie est sensiblement la même que pour la dissertation juridique si, en ce qui concerne
la dissertation, vous ne pouvez avoir recours qu’à vos connaissances personnelles et vous n’êtes pas
guidés par le texte pour établir les subdivisions du plan.

Une INTRODUCTION (en 6 étapes – 1 page au minimum)

1. L’accroche = phrase d’attaque qui permet d’attirer l’attention du lecteur (sous forme
interrogative ou bien de citation en relation avec le sujet…)
2. Présentation du texte = étape qui permet de cerner le sujet. Auteur, date, nature du texte
3. Replacer le document/le sujet dans son contexte : contexte doctrinal ; contexte politique
; contexte historique, etc…
4. Intérêt du texte = Pourquoi me donne-t-on ce texte ? Quelle est la thèse défendue par le
texte ? S’agit-il d’un problème juridique lié à l’actualité ou d’une notion fondamentale ?
5. Problématique = Quel est le problème soulevé par le texte ? une contradiction, une
innovation, une complémentarité ou une rupture ?
6. Annonce du plan = il s’agit de ma thèse, de la réponse que j’apporte à ma problématique.
C’est une phrase affirmative qui annonce les 2 parties du plan.

Un PLAN (en 4 sous divisions au minimum)

I. PREMIERE PARTIE (titre court, percutant, qualifié)

Chapeau introductif : annonce des 2 sous-parties


A. Première sous-partie (titre court, percutant, qualifié)
B. Seconde sous-partie (titre court, percutant, qualifié)

Transition : lier l’idée développée dans la 1 e partie avec celle à développer dans la 2 e partie.

II. SECONDE PARTIE (titre court, percutant, qualifié)

Chapeau introductif : annonce des 2 sous-parties


A. Première sous-partie (titre court, percutant, qualifié)
B. Seconde sous-partie (titre court, percutant, qualifié)

Une CONCLUSION NON OBLIGATOIRE

7
3) Le Commentaire d’arrêt

La méthodologie est sensiblement la même que pour le commentaire de texte ou la dissertation


juridique, excepté concernant la construction de l’introduction, qui nécessite certaines étapes
spécifiques. Une chose à retenir dans la rédaction : systématiquement s’en référer à l’arrêt (sans
paraphraser évidemment) mais chaque sous-partie doit contenir au moins une référence/citation
d’un passage de l’arrêt commenté – si ce n’est davantage.

Une INTRODUCTION (en 10 étapes – 1 page et demie au minimum)

1. L’accroche = phrase d’attaque qui permet d’attirer l’attention du lecteur (sous forme
interrogative ou bien de citation en relation avec le sujet…)
2. Présentation de l’arrêt = juridiction, date, nom de l’arrêt ou numéro de l’affaire, etc.
3. Rappel des faits = uniquement les faits pertinents et de manière synthétique.
4. Rappel de la procédure = Comment en est-on arrivé là, devant cette juridiction ? Quelles
autres juridictions se sont prononcées au préalable ? Quelles ont été les démarches entreprises
par les parties au procès ? A quel stade du procès se situe-t-on ?
5. Rappel des arguments soulevés par les parties – les moyens
6. Présentation du problème de droit soulevé dans l’affaire et présenté à la juridiction = à
quelle(s) question(s) précise(s) les juges doivent-ils répondre ?
7. Présentation de la solution apportée par la juridiction – la décision des juges = de manière
synthétique car c’est ce qu’il s’agira de commenter en réalité dans la suite de votre devoir.
8. Intérêt de l’arrêt = Pourquoi me donne-t-on cet arrêt à commenter ? S’agit-il d’un problème
juridique lié à l’actualité ou d’une notion fondamentale ? s’agit-il d’un problème nouveau ? cet
arrêt s’inscrit-il dans la continuité ou constitue-t-il un revirement de la jurisprudence ?
9. Problématique = Quel est le problème soulevé par l’arrêt ? une contradiction, une
innovation, une complémentarité ou une rupture ?
10. Annonce du plan = il s’agit de ma thèse, de la réponse que j’apporte à ma problématique en
m’appuyant sur l’arrêt. C’est une phrase affirmative qui annonce les 2 parties du plan.

Un PLAN (en 4 sous divisions au minimum)

I. PREMIERE PARTIE (titre court, percutant, qualifié)

Chapeau introductif : annonce des 2 sous-parties


A. Première sous-partie (titre court, percutant, qualifié)
B. Seconde sous-partie (titre court, percutant, qualifié)

Transition : lier l’idée développée dans la 1 e partie avec celle à développer dans la 2 e partie.

II. SECONDE PARTIE (titre court, percutant, qualifié)

Chapeau introductif : annonce des 2 sous-parties


A. Première sous-partie (titre court, percutant, qualifié)
B. Seconde sous-partie (titre court, percutant, qualifié)

Une CONCLUSION NON OBLIGATOIRE

8
Séance 2
Les valeurs et principes fondateurs de l’Union européenne

Document 1. TUE art. 2, 6, 9, 10 et 19


Document 2. CJCE [GC], 3 septembre 2008, Kadi, aff. C-402/05 P et C-415/05 P (extraits)
Document 3. CJ [GC], 18 mars 2017, Rosneft, aff. C-72/15 (extraits)
Document 4. TUE art. 7
Document 5. Commission européenne, communication, « Article 7 du Traité sur l’Union européenne – respect et
promotion des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée », 15 octobre 2003, COM(2003) 606 final (extraits)
Document 6. Commission LIBE du Parlement européen, « Proposition de résolution du Parlement européen sur la
proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de
Pologne, de l’État de Droit » (en attente de vote du Parlement européen) (extraits)
Document 7. TFUE, art. 258
Document 8. Commission européenne, communiqué de presse « État de droit : la Commission européenne lance
une procédure d'infraction pour préserver l'indépendance des juges en Pologne », 29 avril 2020
Document 9. CJ [GC], 24 juin 2019, Commission c. Pologne (Indépendance de la Cour suprême), aff. C-619/18 (violation du
principe de protection juridictionnelle effective) (extraits)
Document 10. Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020,
relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO 2020, L 433I, p. 1)(extrait).
Document 11 : CJ (ord.), 19 octobre 2018, Commission c. Pologne (Indépendance de la Cour suprême), aff. C-619/18 R
(mesures provisoires)
Document 12. CJ, Pologne/Parlement et Conseil, aff. C-157/21, 16 février 2022 (extraits)
Document 13. CJ [GC], 5 juin 2023, Commission européenne c. République de Pologne, aff. C‑204/21 (extraits)

Exercice à préparer : Commentaire d’arrêt

Commentez l’arrêt de la Cour (Grande chambre) 5 juin 2023, Commission européenne c. République de Pologne,
aff. C‑204/21 (document 13)

Document 1 :
TUE art. 2, 6, 9, 10 et 19

Les dispositions de la Charte n'étendent en aucune


Titre I – Dispositions communes manière les compétences de l'Union telles que définies
dans les traités.
Article 2
Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la
L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la Charte sont interprétés conformément aux
dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de dispositions générales du titre VII de la Charte
l'État de droit, ainsi que de respect des droits de régissant l'interprétation et l'application de celle-ci et
l'homme, y compris des droits des personnes en prenant dûment en considération les explications
appartenant à des minorités. Ces valeurs sont visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces
communes aux États membres dans une société dispositions.
caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la
tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les 2. L'Union adhère à la Convention européenne de
femmes et les hommes. sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les
Article 6 compétences de l'Union telles qu'elles sont définies
dans les traités.
1. L'Union reconnaît les droits, les libertés et les
principes énoncés dans la Charte des droits 3. Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par
fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre la Convention européenne de sauvegarde des droits de
2000, telle qu'adaptée le 12 décembre 2007 à l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils
Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les résultent des traditions constitutionnelles communes
traités. aux États membres, font partie du droit de l'Union en
tant que principes généraux.

9
responsables, soit devant leurs parlements nationaux,
Titre II – Dispositions relatives aux principes soit devant leurs citoyens.
démocratiques
3. Tout citoyen a le droit de participer à la vie
Article 9 démocratique de l'Union. Les décisions sont prises
aussi ouvertement et aussi près que possible des
Dans toutes ses activités, l'Union respecte le principe citoyens.
de l'égalité de ses citoyens, qui bénéficient d'une égale
attention de ses institutions, organes et organismes. 4. Les partis politiques au niveau européen contribuent
Est citoyen de l'Union toute personne ayant la à la formation de la conscience politique européenne
nationalité d'un État membre. La citoyenneté de et à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union.
l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la
remplace pas. Titre III – Dispositions relatives aux institutions

Article 10 Article 19

1. Le fonctionnement de l'Union est fondé sur la 1. La Cour de justice de l'Union européenne comprend
démocratie représentative. la Cour de justice, le Tribunal et des tribunaux
spécialisés. Elle assure le respect du droit dans
2. Les citoyens sont directement représentés, au niveau l'interprétation et l'application des traités.
de l'Union, au Parlement européen. Les États
membres sont représentés au Conseil européen par Les États membres établissent les voies de recours
leur chef d'État ou de gouvernement et au Conseil par nécessaires pour assurer une protection
leurs gouvernements, eux-mêmes démocratiquement juridictionnelle effective dans les domaines couverts
par le droit de l'Union. […]

Document 2 :
CJCE [GC], 3 septembre 2008, Kadi, aff. C-402/05 P et C-415/05 P (extraits)

298. Il y a toutefois lieu de relever que la charte des article 307 CE) pouvait, si ses conditions d’application
Nations unies n’impose pas le choix d’un modèle étaient réunies, permettre des dérogations même au
déterminé pour la mise en œuvre des résolutions droit primaire, par exemple à l’article 113 du traité CE,
adoptées par le Conseil de sécurité au titre du chapitre relatif à la politique commerciale commune (voir, en ce
VII de cette charte, cette mise en œuvre devant sens, arrêt Centro-Com, précité, points 56 à 61).
intervenir conformément aux modalités applicables à
cet égard dans l’ordre juridique interne de chaque 302. Il est également vrai que l’article 297 CE permet
membre de l’ONU. En effet, la charte des Nations implicitement des entraves au fonctionnement du
unies laisse en principe aux membres de l’ONU le libre marché commun qui seraient causées par des mesures
choix entre différents modèles possibles de réception qu’un État membre adopterait pour mettre en œuvre
dans leur ordre juridique interne de telles résolutions. des engagements internationaux qu’il a contractés en
vue de maintenir la paix et la sécurité internationales.
299. Il découle de l’ensemble de ces considérations que
les principes régissant l’ordre juridique international 303. Toutefois, ces dispositions ne sauraient être
issu des Nations unies n’impliquent pas qu’un contrôle comprises comme autorisant une dérogation aux
juridictionnel de la légalité interne du règlement principes de la liberté, de la démocratie ainsi que du
litigieux au regard des droits fondamentaux serait exclu respect des droits de l’homme et des libertés
en raison du fait que cet acte vise à mettre en œuvre fondamentales consacrés à l’article 6, paragraphe 1, UE
une résolution du Conseil de sécurité adoptée au titre en tant que fondement de l’Union.
du chapitre VII de la charte des Nations unies.
304. L’article 307 CE ne pourrait en effet en aucun cas
300. Une telle immunité juridictionnelle d’un acte permettre la remise en cause des principes qui relèvent
communautaire tel que le règlement litigieux, en tant des fondements mêmes de l’ordre juridique
que corollaire du principe de primauté au plan du droit communautaire, parmi lesquels celui de la protection
international des obligations issues de la charte des des droits fondamentaux, qui inclut le contrôle par le
Nations unies, en particulier de celles relatives à la mise juge communautaire de la légalité des actes
en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité communautaires quant à leur conformité avec ces
adoptées au titre du chapitre VII de cette charte, ne droits fondamentaux.
trouve par ailleurs aucun fondement dans le traité CE.
305. Une immunité juridictionnelle du règlement
301. Il est certes exact que la Cour a déjà admis que litigieux quant au contrôle de la compatibilité de celui-
l’article 234 du traité CE (devenu, après modification, ci avec les droits fondamentaux qui trouverait sa

10
source dans une prétendue primauté absolue des améliorée de manière significative par plusieurs
résolutions du Conseil de sécurité que cet acte vise à résolutions du Conseil de sécurité, les droits
mettre en œuvre ne pourrait pas non plus être fondée fondamentaux sont suffisamment protégés.
sur la place qu’occuperaient les obligations découlant
de la charte des Nations unies dans la hiérarchie des 319. Selon la Commission, tant que, dans ledit régime
normes au sein de l’ordre juridique communautaire si de sanctions, les particuliers ou entités concernés ont
ces obligations étaient classifiées dans cette hiérarchie. une possibilité acceptable d’être entendus grâce à un
mécanisme de contrôle administratif s’intégrant dans
306. En effet, l’article 300, paragraphe 7, CE prévoit le système juridique des Nations unies, la Cour ne
que les accords conclus selon les conditions fixées à cet devrait intervenir d’aucune façon.
article lient les institutions de la Communauté et les
États membres. 320. À cet égard, il convient tout d’abord de relever
que, si, effectivement, à la suite de l’adoption par le
307. Ainsi, en vertu de cette disposition, si elle était Conseil de sécurité de plusieurs résolutions, des
applicable à la charte des Nations unies, cette dernière modifications ont été apportées au régime des mesures
bénéficierait de la primauté sur les actes de droit restrictives instauré par les Nations unies pour ce qui
communautaire dérivé (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin concerne tant l’inscription sur la liste récapitulative que
2008, Intertanko e.a., C-308/06, Rec. p. I-4057, point la radiation de celle-ci [voir, spécialement, les
42 et jurisprudence citée). résolutions 1730 (2006), du 19 décembre 2006, et 1735
(2006), du 22 décembre 2006], ces modifications sont
308. Toutefois, cette primauté au plan du droit intervenues postérieurement à l’adoption du règlement
communautaire ne s’étendrait pas au droit primaire et, litigieux, de sorte que, en principe, elles ne sauraient
en particulier, aux principes généraux dont font partie être prises en compte dans le cadre des présents
les droits fondamentaux. pourvois.

[…] 321. En tout état de cause, l’existence, dans le cadre de


ce régime des Nations unies, de la procédure de
316. En effet, ainsi qu’il a déjà été rappelé aux points réexamen devant le comité des sanctions, même en
281 à 284 du présent arrêt, le contrôle, par la Cour, de tenant compte des modifications récentes apportées à
la validité de tout acte communautaire au regard des celle-ci, ne peut entraîner une immunité
droits fondamentaux doit être considéré comme juridictionnelle généralisée dans le cadre de l’ordre
l’expression, dans une communauté de droit, d’une juridique interne de la Communauté.
garantie constitutionnelle découlant du traité CE en
tant que système juridique autonome à laquelle un 322. En effet, une telle immunité, qui constituerait une
accord international ne saurait porter atteinte. dérogation importante au régime de protection
juridictionnelle des droits fondamentaux prévu par le
[…] traité CE, n’apparaît pas justifiée, dès lors que cette
procédure de réexamen n’offre manifestement pas les
317. La question de la compétence de la Cour se pose garanties d’une protection juridictionnelle.
en effet dans le cadre de l’ordre juridique interne et
autonome de la Communauté, dont relève le règlement […]
litigieux, et dans lequel la Cour est compétente pour
contrôler la validité des actes communautaires au 326. Il découle de ce qui précède que les juridictions
regard des droits fondamentaux. communautaires doivent, conformément aux
compétences dont elles sont investies en vertu du traité
318. Il a en outre été soutenu que, eu égard à la CE, assurer un contrôle, en principe complet, de la
déférence s’imposant aux institutions communautaires légalité de l’ensemble des actes communautaires au
à l’égard des institutions des Nations unies, la Cour regard des droits fondamentaux faisant partie
devrait renoncer à exercer un contrôle de la légalité du intégrante des principes généraux du droit
règlement litigieux au regard des droits fondamentaux, communautaire, y compris sur les actes
même si un tel contrôle était possible, dès lors que, communautaires qui, tel le règlement litigieux, visent à
dans le cadre du régime de sanctions instauré par les mettre en œuvre des résolutions adoptées par le
Nations unies, compte tenu en particulier de la Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte
procédure de réexamen telle qu’elle a été récemment des Nations unies.

11
Document 3 :
CJ [GC], 18 mars 2017, Rosneft, aff. C-72/15 (extraits)

73. Au demeurant, l’article 47 de la Charte, qui 77. Enfin, il y a lieu d’écarter l’argument selon lequel il
constitue une réaffirmation du principe de protection incombe aux seules juridictions nationales d’assurer la
juridictionnelle effective, exige, à son premier alinéa, protection juridictionnelle effective en l’absence de
que toute personne dont les droits et les libertés compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel
garantis par le droit de l’Union ont été violés ait droit sur la validité des décisions en matière de PESC
à un recours effectif devant un tribunal dans le respect prévoyant l’adoption de mesures restrictives à
des conditions prévues à cet article. Il convient de l’encontre de personnes physiques ou morales.
rappeler que l’existence même d’un contrôle
juridictionnel effectif destiné à assurer le respect des 78. En effet, la nécessaire cohérence du système de
dispositions du droit de l’Union est inhérente à protection juridictionnelle exige, selon une
l’existence d’un État de droit (voir arrêts du 18 jurisprudence constante, que le pouvoir de constater
décembre 2014, Abdida, C‑562/13, EU:C:2014:2453, l’invalidité des actes des institutions de l’Union,
point 45, et du 6 octobre 2015, Schrems, C‑362/14, soulevée devant une juridiction nationale, soit réservé
EU:C:2015:650, point 95). à la Cour dans le cadre de l’article 267 TFUE (voir, en
ce sens, arrêts du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85,
74. Si, certes, l’article 47 de la Charte ne peut créer une EU:C:1987:452, point 17, et du 6 octobre 2015,
compétence pour la Cour, lorsque les traités l’excluent, Schrems, C‑362/14, EU:C:2015:650, point 62). La
le principe de protection juridictionnelle effective même conclusion s’impose en ce qui concerne des
implique toutefois que l’exclusion de la compétence de décisions en matière de PESC à l’égard desquelles les
la Cour en matière de PESC soit interprétée de manière traités confèrent à la Cour une compétence de contrôle
restrictive. de légalité.

75. Dès lors que la procédure qui permet à la Cour de 79. Par ailleurs, la Cour est la mieux placée pour se
statuer à titre préjudiciel tend à assurer le respect du prononcer sur la validité des actes de l’Union, compte
droit dans l’interprétation et l’application des traités, tenu des possibilités dont elle dispose, dans le cadre de
conformément à la fonction attribuée à cette la procédure préjudicielle, d’une part, de recueillir des
institution en vertu de l’article 19, paragraphe 1, TUE, observations des États membres et des institutions de
il serait contraire aux objectifs de cette dernière l’Union dont les actes sont mis en cause et, d’autre
disposition ainsi que du principe de protection part, de demander aux États membres et aux
juridictionnelle effective d’interpréter restrictivement institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union
la compétence que l’article 275, second alinéa, TFUE, qui ne sont pas parties au procès, tous renseignements
auquel se réfère l’article 24, paragraphe 1, TUE, qu’elle estime nécessaires aux fins du procès (voir, en
confère à la Cour (voir, par analogie, arrêts du 27 ce sens, arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85,
février 2007, Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil, EU:C:1987:452, point 18).
C‑354/04 P, EU:C:2007:115, point 53 ; du 27 février
2007, Segi e.a./Conseil, C‑355/04 P, EU:C:2007:116, 80. Cette conclusion est corroborée par l’objectif
point 53 ; du 24 juin 2014, Parlement/Conseil, essentiel de l’article 267 TFUE, qui est d’assurer une
C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 70 ; du 12 application uniforme du droit de l’Union par les
novembre 2015, Elitaliana/Eulex Kosovo, C‑439/13 P, juridictions nationales, cet objectif s’imposant avec la
EU:C:2015:753, point 42, ainsi que du 19 juillet 2016, même force tant pour le contrôle de la légalité des
décisions prévoyant l’adoption des mesures restrictives
H/Conseil et Commission, C‑455/14 P, EU:C:2016:569,
à l’encontre de personnes physiques ou morales que
point 40).
pour d’autres actes de l’Union. En effet, s’agissant de
telles décisions, des divergences entre les juridictions
76. Dans ces conditions, pour autant que la Cour
des États membres quant à la validité d’un acte de
dispose, en vertu de l’article 24, paragraphe 1, TUE et
l’Union seraient susceptibles de compromettre l’unité
de l’article 275, second alinéa, TFUE, d’une
même de l’ordre juridique de l’Union et de porter
compétence matérielle pour statuer sur la validité
atteinte à l’exigence fondamentale de la sécurité
d’actes de l’Union, à savoir, notamment, lorsqu’il s’agit
juridique (voir, par analogie, arrêts du 22 février 1990,
de mesures restrictives à l’encontre de personnes
physiques ou morales, il irait à l’encontre de l’économie Busseni, C‑221/88, EU:C:1990:84, point 15 ; du 6
du système de protection juridictionnelle effective décembre 2005, Gaston Schul Douane-expediteur,
institué par les traités d’interpréter cette dernière C‑461/03, EU:C:2005:742, point 21, ainsi que du 21
disposition comme excluant la possibilité pour les décembre 2011, Air Transport Association of America e.a.,
juridictions des États membres d’interroger la Cour sur C‑366/10, EU:C:2011:864, point 47).
la validité des décisions du Conseil prévoyant
l’adoption de telles mesures. 81. Eu égard aux considérations qui précèdent, il
convient de répondre à la première question que les
articles 19, 24 et 40 TUE, l’article 275 TFUE ainsi que

12
l’article 47 de la Charte doivent être interprétés en ce 2014/512, pour autant que la demande de décision
sens que la Cour est compétente pour statuer à titre préjudicielle porte soit sur le contrôle du respect de
préjudiciel, en vertu de l’article 267 TFUE, sur la l’article 40 TUE par cette décision, soit sur le contrôle
validité d’un acte adopté sur le fondement des de la légalité des mesures restrictives à l’encontre des
dispositions relatives à la PESC, tel que la décision personnes physiques ou morales.

Document 4 :
TUE art. 7
Article 7

1. Sur proposition motivée d'un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le
Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut
constater qu'il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l'article 2. Avant de
procéder à cette constatation, le Conseil entend l'État membre en question et peut lui adresser des recommandations,
en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables.

2. Le Conseil européen, statuant à l'unanimité sur proposition d'un tiers des États membres ou de la Commission
européenne et après approbation du Parlement européen, peut constater l'existence d'une violation grave et persistante
par un État membre des valeurs visées à l'article 2, après avoir invité cet État membre à présenter toute observation
en la matière.

3. Lorsque la constatation visée au paragraphe 2 a été faite, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider de
suspendre certains des droits découlant de l'application des traités à l'État membre en question, y compris les droits de
vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil. Ce faisant, le Conseil tient compte des
conséquences éventuelles d'une telle suspension sur les droits et obligations des personnes physiques et morales.

Document 5 :
Commission européenne, communication, « Article 7 du Traité sur l’Union européenne – respect et
promotion des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée », 15 octobre 2003, COM(2003) 606 final (extraits)

1. LES CONDITIONS D'APPLICATION DE valeurs communes dans ce cadre limité, mais aussi en
L'ARTICLE 7 TUE cas de violation dans un domaine relevant de l'action
autonome d'un État membre.
L'innovation du Traité de Nice a été d'ajouter un
mécanisme de prévention au mécanisme de sanction Le caractère horizontal et général du domaine
prévu par le Traité d'Amsterdam. Dorénavant, deux d'application possible de l'article 7 TUE se comprend
mécanismes coexistent, sans que le déclenchement du aisément en ce qui concerne un article qui vise à assurer
premier ne soit la condition nécessaire du deuxième : le respect des conditions d'appartenance à l'Union. Il
la constatation d'un risque clair de violation grave serait en effet paradoxal de limiter les possibilités
(article 7, paragraphe 1) d'une part, la constatation de d'intervention de l'Union au seul domaine
l'existence d'une violation grave et persistante des d'application du droit de l'Union et de la laisser ignorer
valeurs communes (article 7, paragraphe 2) d'autre les violations graves qui pourraient se produire dans
part. des domaines de compétence nationale. En effet, des
L'article 7 TUE est tout à fait précis quant aux rôles violations par un État membre des valeurs
attribués respectivement au Parlement européen, aux fondamentales qui atteignent la gravité requise pour
États membres et à la Commission, qui peuvent mettre l'article 7 TUE risquent de miner les fondements
en œuvre les deux mécanismes. A cet égard, la même de l'Union et de la confiance entre ses membres,
Commission ne peut que renvoyer au texte de cet quel que soit le domaine dans lequel ces violations
article, repris en annexe à la présente communication. surviennent.

La Commission souhaiterait cependant souligner L'article 7 donne ainsi à l'Union une compétence
quelques caractéristiques fondamentales de cet article. d'intervention très différente de celle dont elle dispose
à l'égard des États membres pour assurer le respect par
1.1. Un champ d'application couvrant tous les domaines ceux-ci des droits fondamentaux, lorsqu'ils mettent en
d'activité des États membres œuvre le droit de l'Union. Il est en effet de
jurisprudence constante que les États membres sont
L'applicabilité de l'article 7 ne se limite pas au champ tenus de respecter les droits fondamentaux, en tant que
d'application du droit de l'Union. L'Union pourrait principes généraux de droit communautaire. Mais,
donc intervenir non seulement en cas de violation des cette obligation ne vaut que pour les situations

13
nationales qui relèvent du champ d'application du droit Ces facultés soulignent le caractère politique de l'article
communautaire. Contrairement aux mécanismes 7 TUE, qui laisse la place à une solution diplomatique
prévus par l'article 7 TUE, le respect de cette pour résoudre la situation qui naîtrait au sein de
obligation est assuré par la Cour de justice, par exemple l'Union de la constatation de la violation grave et
dans le cadre d'une procédure en manquement (articles persistante des valeurs communes.
226 et 227 TCE) ou d'un recours préjudiciel (article
234 TCE). Ce pouvoir d'appréciation n'échappe toutefois pas à un
contrôle démocratique du Parlement européen
1.2. Des mécanismes permettant une appréciation politique du exprimé par l'avis conforme que celui-ci doit donner
Conseil avant la décision du Conseil.

L'article 7 donne une liberté d'appréciation au Conseil En revanche, et en dépit des suggestions réitérées par
aussi bien pour la constatation du risque clair de la Commission lors des travaux préparatoires aux
violation grave que pour la constatation de l'existence Traités d'Amsterdam et de Nice, le Traité sur l'Union
de la violation grave et persistante, statuant, selon le n'a pas souhaité confier à la Cour de justice des
cas, sur la base d'une proposition soumise par le Communautés européennes le soin de procéder à un
Parlement européen, un tiers des États membres ou la contrôle juridictionnel de la constatation qu'il existe
Commission. Mais la compétence du Conseil n'est liée une violation grave et persistante des valeurs
ni pour la constatation du risque clair, ni pour celle communes ou un risque clair d'une violation grave de
d'une violation grave ou persistante. ces valeurs. En effet, le contrôle de la Cour ne porte,
en vertu de l'article 46, e) TUE, que sur les « seules
De même, le paragraphe 3 de l'article 7 prévoit prescriptions de procédure contenues dans l'article 7 »,
qu'après la constatation de la gravité et de la permettant ainsi le respect des droits de la défense de
persistance de la violation, le Conseil a la possibilité, et l'État concerné.
non pas l'obligation, de décider de la mise en œuvre de
sanctions. […]

Document 6 :
Commission LIBE du Parlement européen, « Proposition de résolution du Parlement européen sur la
proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la
République de Pologne, de l’État de Droit » (en attente de vote du Parlement européen) (extraits)

Le Parlement européen, l’État membre dans lequel le risque se réalise, mais qu’il
a une incidence négative sur les autres États membres,
[…] sur la confiance mutuelle entre les États membres et
A. considérant que l’Union est fondée sur les valeurs sur la nature même de l’Union ;
de respect de la dignité humaine, de liberté, de
démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de 1. déclare que les préoccupations du Parlement portent
respect des droits de l’homme, y compris des droits des sur les éléments suivants :
personnes appartenant à des minorités, telles que
définies à l’article 2 du traité sur l’Union européenne et – le fonctionnement du système législatif et électoral,
telles que reflétées dans la charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne et inscrites dans – l’indépendance de la justice et les droits des juges, –
les traités internationaux relatifs aux droits de la protection des droits fondamentaux, notamment des
l’homme ; droits des personnes appartenant à des minorités ;

B. considérant que, contrairement à l’article 258 du 2. réitère sa position, exprimée dans plusieurs de ses
traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la résolutions sur la situation de l’état de droit et de la
portée de l’article 7 du traité sur l’Union européenne démocratie en Pologne, selon laquelle les faits et
n’est pas limitée aux obligations découlant des traités, tendances mentionnés dans la présente résolution
comme indiqué dans la communication de la représentent, pris ensemble, une menace systémique
Commission du 15 octobre 2003, et que l’Union peut pour les valeurs de l’article 2 du traité sur l’Union
évaluer l’existence d’un risque clair de violation grave européenne (traité UE) et constituent un risque clair de
des valeurs communes dans des domaines relevant des violation grave de celui-ci ;
compétences des États membres ;
3. se déclare profondément préoccupé par le fait que,
C. considérant qu’un risque clair de violation grave par malgré trois auditions de la Pologne au Conseil, des
un État membre des valeurs visées à l’article 2 du traité rapports alarmants des Nations unies, de
de l’Union européenne ne concerne pas uniquement l’Organisation pour la sécurité et la coopération en

14
Europe (OSCE) et du Conseil de l’Europe, ainsi que aux droits fondamentaux consacrés par les traités, la
quatre procédures d’infraction lancées par la charte des droits fondamentaux, la convention
Commission, non seulement la situation de l’état de européenne des droits de l’homme, les normes
droit en Pologne n’a pas été traitée, mais elle s’est internationales en matière de droits de l’homme, et de
sérieusement détériorée depuis le déclenchement de s’engager dans un dialogue direct avec la Commission ;
l’article 7, paragraphe 1, du traité UE ; appelle le gouvernement polonais à appliquer
rapidement les arrêts de la CJUE et à respecter la
4. note que la proposition motivée du 20 décembre primauté du droit de l’Union ;
2017 de la Commission présentée conformément à
l’article 7, paragraphe 1, du traité UE relative à l’état de 49. demande au Conseil de reprendre les auditions
droit en Pologne, intitulée « Proposition de décision du formelles - dont la dernière a eu lieu en décembre 2018
Conseil relative à la constatation d’un risque clair de - le plus rapidement possible et d’y inclure tous les
violation grave, par la République de Pologne, de l’état développements négatifs récents et majeurs dans les
de droit », a une portée limitée, à savoir la situation de domaines de l’état de droit, de la démocratie et des
l’état de droit en Pologne au sens strict de droits fondamentaux; invite instamment le Conseil à
l’indépendance du pouvoir judiciaire; estime qu’il est agir enfin dans le cadre de la procédure prévue à
urgent d’élargir le champ d’application de la l’article 7, paragraphe 1, du traité UE en constatant
proposition motivée en y incluant les risques évidents qu’il existe un risque manifeste de violation grave par
de violations graves d’autres valeurs fondamentales de la République de Pologne des valeurs visées à l’article
l’Union, en particulier la démocratie et le respect des 2 du traité UE, à la lumière des preuves accablantes qui
droits de l’homme en sont fournies dans la présente résolution et dans de
nombreux rapports d’organisations internationales et
5. estime que les derniers développements des européennes, de la jurisprudence de la CJUE et de la
auditions en cours au titre de l’article 7, paragraphe 1, Cour européenne des droits de l’homme et des
du traité UE soulignent une fois de plus la nécessité rapports des organisations de la société civile ;
imminente d’un mécanisme complémentaire et recommande fortement que le Conseil adresse des
préventif de l’Union pour la démocratie, l’état de droit recommandations concrètes à la Pologne, comme le
et les droits fondamentaux, tel que proposé par le prévoit l’article 7, paragraphe 1, du traité UE, dans le
Parlement dans sa résolution du 25 octobre 2016 ; prolongement des auditions, et qu’il fixe des échéances
pour la mise en œuvre de ces recommandations;
6. réaffirme sa position sur la proposition de règlement demande au Conseil de le tenir régulièrement informé
du Parlement européen et du Conseil relatif à la et étroitement impliqué ;
protection du budget de l’Union en cas de défaillance
généralisée de l’état de droit dans un État membre, y 50. demande à la Commission d’utiliser
compris la nécessité de sauvegarder les droits des pleinement les outils disponibles pour faire face à
bénéficiaires, et invite le Conseil à entamer des un risque clair de violation grave, par la Pologne,
négociations interinstitutionnelles dans les meilleurs des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, en
délais ; particulier les procédures d’infraction accélérées
et les demandes de mesures provisoires devant la
[…] CJUE, ainsi que les outils budgétaires ; demande à
la Commission de le tenir régulièrement informé et
47. constate que le manque d’indépendance du pouvoir étroitement impliqué ;
judiciaire en Pologne a déjà commencé à affecter la
confiance mutuelle entre la Pologne et les autres États 51. charge son président de transmettre la présente
membres, notamment dans le domaine de la résolution au Conseil, à la Commission, au président,
coopération judiciaire en matière pénale; souligne que au gouvernement et au parlement de la République de
la confiance mutuelle entre les États membres ne peut Pologne, aux gouvernements et aux parlements des
être rétablie qu’une fois que le respect des valeurs États membres ainsi qu’au Conseil de l’Europe et à
inscrites à l’article 2 du traité UE est garanti ; l’Organisation pour la sécurité et la coopération en
48. demande au gouvernement polonais de respecter Europe.
l’ensemble des dispositions relatives à l’état de droit et

15
Document 7 :
TUE, article 258

Article 258

Si la Commission estime qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités,
elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations.

Si l'État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour
de justice de l'Union européenne.

Document 8 :
Commission européenne, communiqué de presse « État de droit : la Commission européenne lance une
procédure d'infraction pour préserver l'indépendance des juges en Pologne », 29 avril 2020

La Commission européenne a lancé aujourd'hui une procédure d'infraction en adressant à la Pologne une lettre de mise
en demeure concernant la nouvelle loi sur le système judiciaire du 20 décembre 2019, qui est entrée en vigueur le 14
février 2020.

La nouvelle loi sur le système judiciaire porte atteinte à l'indépendance des juges polonais et est incompatible avec la
primauté du droit de l'Union. En outre, la nouvelle loi empêche les juridictions polonaises d'appliquer directement
certaines dispositions du droit de l'Union protégeant l'indépendance de la justice et d'adresser à la Cour de justice des
demandes de décision préjudicielle concernant ces dispositions. Après avoir analysé la législation concernée, la
Commission a conclu que plusieurs éléments de la nouvelle loi enfreignaient le droit de l'Union.

Premièrement, la Commission note que la nouvelle loi élargit la notion de faute disciplinaire, augmentant ainsi le
nombre de cas dans lesquels le contenu des décisions de justice peut être qualifié de faute disciplinaire. En conséquence,
le régime disciplinaire peut être utilisé comme système de contrôle politique du contenu des décisions de justice. La
nouvelle loi enfreint les dispositions combinées de l'article 19, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne et de
l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui établissent un droit de recours effectif
devant un tribunal indépendant et impartial. Elle est incompatible avec les exigences relatives à l'indépendance de la
justice fixées par la Cour de justice de l'Union européenne.

Deuxièmement, la Commission note que la nouvelle loi confère à la nouvelle chambre du contrôle extraordinaire et
des affaires publiques de la Cour suprême la compétence exclusive de statuer sur des questions relatives à
l'indépendance de la justice. Cela empêche les tribunaux polonais de remplir leur obligation d'appliquer le droit de l'UE
ou d'adresser des demandes préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne. La nouvelle loi est incompatible
avec le principe de primauté du droit de l'Union, avec le fonctionnement du mécanisme de renvoi préjudiciel ainsi
qu'avec les exigences relatives à l'indépendance de la justice.

Troisièmement, la Commission note que la loi empêche les juridictions polonaises d'apprécier, dans le cadre des affaires
pendantes devant elles, le droit de statuer sur des affaires par d'autres juges. Cela nuit à l'application effective du droit
de l'Union et est incompatible avec le principe de primauté du droit de l'Union, avec le fonctionnement du mécanisme
de renvoi préjudiciel et avec les exigences relatives à l'indépendance de la justice.

Enfin, la Commission note que la nouvelle loi introduit des dispositions exigeant des juges qu'ils communiquent des
informations spécifiques sur leurs activités non professionnelles. Cela est incompatible avec le droit au respect de la
vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel garanti par la charte des droits fondamentaux
de l'Union européenne et le règlement général sur la protection des données.

Prochaine étape

Le gouvernement polonais dispose d'un délai de deux mois à compter de cette date pour répondre à la lettre de mise
en demeure.

Contexte

L'état de droit est l'un des principes et valeurs fondamentaux sur lesquels l'Union européenne est fondée. En tant que
tel, il est consacré à l'article 2 du traité sur l'Union européenne. L'état de droit est également essentiel au fonctionnement

16
de l'UE dans son ensemble, par exemple en ce qui concerne le marché intérieur et la coopération dans le domaine de
la justice, de la liberté et de la sécurité, qui repose sur la coopération et la reconnaissance mutuelles. Il garantit aussi
aux juges nationaux, qui sont également des «juges de l'UE», la possibilité de remplir leur rôle consistant à veiller à
l'application du droit de l'Union et d'interagir correctement avec la Cour de justice dans le cadre des procédures
préjudicielles. Conjointement avec les autres institutions et les États membres, la Commission est chargée, en vertu
des traités, de garantir l'état de droit en tant que valeur fondamentale de l'Union et de veiller au respect du droit, des
valeurs et des principes de l'UE.

Les événements survenus en Pologne ont incité la Commission à engager un dialogue avec le gouvernement polonais
en janvier 2016 conformément au cadre pour l'état de droit. Le processus est fondé sur un dialogue permanent entre
la Commission et l'État membre concerné. La Commission informe régulièrement le Parlement européen et le Conseil.

Le 20 décembre 2017, compte tenu de l'absence de progrès après l'activation du cadre pour l'état de droit, la
Commission a déclenché pour la première fois la procédure prévue à l'article 7, paragraphe 1, et a présenté une
proposition motivée de décision du Conseil relative à la constatation d'un risque clair de violation grave, par la Pologne,
de l'état de droit. Il y a déjà eu plusieurs débats et trois auditions sur l'état de droit en Pologne au Conseil «Affaires
générales».

Le 29 juillet 2017, la Commission a engagé une procédure d'infraction concernant la loi polonaise sur les juridictions
de droit commun, en raison des dispositions de ladite loi concernant le départ à la retraite et de leur incidence sur
l'indépendance du pouvoir judiciaire. La Commission a saisi la Cour de justice de l'UE le 20 décembre 2017. Le 5
novembre 2019, la Cour de justice a rendu un arrêt définitif dans cette affaire, confirmant pleinement la position de la
Commission.

En outre, le 2 juillet 2018, la Commission a engagé une procédure d'infraction concernant la loi polonaise sur la Cour
suprême, en raison des dispositions de ladite loi concernant le départ à la retraite et de leur incidence sur l'indépendance
de la Cour suprême. La Commission a saisi la Cour de justice de l'UE le 24 septembre 2018. Le 17 décembre 2018, la
Cour de justice a rendu une ordonnance définitive imposant des mesures provisoires destinées à arrêter l'application
de la loi polonaise sur la Cour suprême. Le 24 juin 2019, la Cour de justice a rendu un arrêt définitif dans cette affaire,
confirmant pleinement la position de la Commission.

Le 3 avril 2019, la Commission a lancé une procédure d'infraction au motif que le régime disciplinaire porte atteinte à
l'indépendance des juges polonais et n'apporte pas les garanties nécessaires pour mettre les juges à l'abri de tout contrôle
politique, comme l'exige la Cour de justice de l'Union européenne. La Commission a saisi la Cour de justice de l'UE le
10 octobre 2019. Le 14 janvier 2020, la Commission a décidé de demander à la Cour de justice d'imposer des mesures
provisoires à la Pologne, lui enjoignant de suspendre le fonctionnement de la chambre disciplinaire de la Cour suprême.
Le 8 avril 2020, la Cour de justice a décidé que la Pologne devait suspendre immédiatement l'application des
dispositions nationales relatives aux compétences de la chambre disciplinaire de la Cour suprême en ce qui concerne
les affaires disciplinaires concernant des juges, confirmant pleinement la position de la Commission. Cette ordonnance
s'appliquera jusqu'à ce que la Cour ait rendu son arrêt définitif dans la procédure d'infraction.

Une nouvelle loi du 20 décembre 2019 modifiant un ensemble d'actes législatifs régissant le fonctionnement du système
judiciaire en Pologne est entrée en vigueur le 14 février 2020. La Commission a adressé aujourd'hui à la Pologne une
lettre de mise en demeure concernant cette nouvelle loi sur le système judiciaire.

17
Document 9 :
CJ [GC], 24 juin 2019, Commission c. Pologne (Indépendance de la Cour suprême), aff. C-619/18 (violation
du principe de protection juridictionnelle effective) (extraits)

Sur l’applicabilité et la portée de l’article 19,


paragraphe 1, second alinéa, TUE 39. D’autre part, l’article 19, paragraphe 1, second
alinéa, TUE et l’article 47 de la Charte n’auraient, à
Argumentation des parties l’instar des principes généraux du droit de l’Union tels
que le principe d’indépendance des juges, vocation à
34. S’appuyant, en particulier, sur les arrêts du s’appliquer que dans des situations régies par le droit
27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses de l’Union.
(C-64/16, EU:C:2018:117), et du 25 juillet 2018,
Minister for Justice and Equality (Défaillances du système 40. Or, les règles nationales mises en cause par la
judiciaire) (C-216/18 PPU, EU:C:2018:586), la Commission dans la présente affaire ne présenteraient
Commission fait valoir que, pour satisfaire à aucun lien avec le droit de l’Union et se distingueraient,
l’obligation que leur impose l’article 19, paragraphe 1, à cet égard, de la réglementation nationale à propos de
second alinéa, TUE de prévoir un système de voies de laquelle a été rendu l’arrêt du 27 février 2018, Associação
recours assurant un contrôle juridictionnel effectif Sindical dos Juízes Portugueses (C-64/16, EU:C:2018:117),
dans les domaines couverts par le droit de l’Union, les réglementation qui, pour sa part, aurait été liée à
États membres sont tenus, notamment, de garantir que l’octroi d’une assistance financière de l’Union à un État
les instances nationales susceptibles de se prononcer membre dans le contexte de la lutte contre les déficits
sur des questions portant sur l’application ou budgétaires excessifs et, par conséquent, adoptée en
l’interprétation de ce droit satisfont à l’exigence application du droit de l’Union.
d’indépendance des juges, cette dernière relevant du
contenu essentiel du droit fondamental à un procès 41. L’article 47 de la Charte n’aurait pas davantage
équitable tel que garanti, notamment, par l’article 47, vocation à s’appliquer en l’espèce, compte tenu de
deuxième alinéa, de la Charte. l’absence de situation de mise en œuvre du droit de
l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de celle-
35. Le Sąd Najwyższy (Cour suprême) constituant une ci. Il découlerait, d’ailleurs, de l’article 6, paragraphe 1,
telle instance, les dispositions nationales régissant la TUE ainsi que de l’article 51, paragraphe 2, de la
composition, la structure organisationnelle et le mode Charte et du protocole no 30 sur l’application de la
de fonctionnement de cette juridiction devraient Charte à la République de Pologne et au Royaume-Uni
assurer que celle-ci réponde à cette exigence (JO 2010, C 83, p. 313) que la Charte n’étend pas le
d’indépendance. champ d’application du droit de l’Union au-delà des
compétences de cette dernière.
36. En effet, ladite exigence concernerait non
seulement le déroulement d’une procédure spécifique, Appréciation de la Cour
mais également le mode d’organisation de la justice.
Une mesure nationale affectant, de manière générale, 42. Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de
l’indépendance des juridictions nationales aurait pour l’article 49 TUE, qui prévoit la possibilité pour tout
conséquence qu’un recours juridictionnel effectif n’est État européen de demander à devenir membre de
plus garanti, notamment, lorsque ces juridictions l’Union, celle-ci regroupe des États qui ont librement
appliquent ou interprètent le droit de l’Union. et volontairement adhéré aux valeurs communes visées
à l’article 2 TUE, respectent ces valeurs et s’engagent à
37. La République de Pologne, soutenue, à cet égard, les promouvoir, le droit de l’Union reposant ainsi sur
par la Hongrie, fait valoir que des règles nationales la prémisse fondamentale selon laquelle chaque État
telles que celles que conteste la Commission dans le membre partage avec tous les autres États membres, et
présent recours ne sauraient faire l’objet d’un contrôle reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, lesdites
au regard de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, valeurs (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2018,
TUE et de l’article 47 de la Charte. Wightman e.a., C-621/18, EU:C:2018:999, point 63
ainsi que jurisprudence citée).
38. En effet, d’une part, ces dispositions du droit de
l’Union ne comporteraient aucune dérogation au 43. Cette prémisse implique et justifie l’existence de la
principe d’attribution qui gouverne les compétences de confiance mutuelle entre les États membres et,
l’Union et qui découle de l’article 4, paragraphe 1, de notamment, leurs juridictions dans la reconnaissance
l’article 5, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 13, de ces valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, dont
paragraphe 2, TUE. Or, il serait constant que celle de l’État de droit, et, donc, dans le respect du droit
l’organisation de la justice nationale constitue une de l’Union qui les met en œuvre [voir, en ce sens, arrêts
compétence exclusivement réservée aux États du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes
membres, de telle sorte que l’Union ne saurait s’arroger Portugueses, C-64/16, EU:C:2018:117, point 30, ainsi
des compétences en cette matière. que du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality

18
(Défaillances du système judiciaire), C-216/18 PPU, 49. Le principe de protection juridictionnelle effective
EU:C:2018:586, point 35]. des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union,
auquel se réfère ainsi l’article 19, paragraphe 1, second
44. Il importe, de même, de rappeler que, pour garantir alinéa, TUE, constitue, en effet, un principe général du
la préservation des caractéristiques spécifiques et de droit de l’Union qui découle des traditions
l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union, les traités constitutionnelles communes aux États membres, qui
ont institué un système juridictionnel destiné à assurer a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention
la cohérence et l’unité dans l’interprétation du droit de européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
l’Union (arrêt du 6 mars 2018, Achmea, C-284/16, des libertés fondamentales, signée à Rome le
EU:C:2018:158, point 35 et jurisprudence citée). 4 novembre 1950, et qui est à présent affirmé à
l’article 47 de la Charte (arrêt du 27 février 2018,
45. En particulier, la clef de voûte du système Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C-64/16,
juridictionnel ainsi conçu est constituée par la EU:C:2018:117, point 35 et jurisprudence citée).
procédure du renvoi préjudiciel prévue à
l’article 267 TFUE qui, en instaurant un dialogue de 50. Quant au champ d’application matériel de
juge à juge, précisément entre la Cour et les juridictions l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, il y a lieu
des États membres, a pour but d’assurer cette de rappeler, par ailleurs, que cette disposition vise les
cohérence et cette unité d’interprétation du droit de « domaines couverts par le droit de l’Union »,
l’Union, permettant ainsi d’assurer son plein effet et indépendamment de la situation dans laquelle les États
son autonomie ainsi que, en dernière instance, le membres mettent en œuvre ce droit, au sens de
caractère propre du droit institué par les traités (voir, l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (arrêt du
en ce sens, arrêt du 6 mars 2018, Achmea, C-284/16, 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses,
EU:C:2018:158, point 37). C-64/16, EU:C:2018:117, point 29).

46. Enfin, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence


constante, l’Union est une union de droit dans laquelle 52. Par ailleurs, si, ainsi que le rappellent la République
les justiciables ont le droit de contester en justice la de Pologne et la Hongrie, l’organisation de la justice
légalité de toute décision ou de tout autre acte national dans les États membres relève de la compétence de ces
relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union derniers, il n’en demeure pas moins que, dans l’exercice
[arrêts du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes de cette compétence, les États membres sont tenus de
Portugueses, C-64/16, EU:C:2018:117, point 31 et respecter les obligations qui découlent, pour eux, du
jurisprudence citée, ainsi que du 25 juillet 2018, Minister droit de l’Union (voir, par analogie, arrêts du
for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), 13 novembre 2018, Raugevicius, C-247/17,
C-216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 49]. EU:C:2018:898, point 45, ainsi que du 26 février 2019,
Rimšēvičs et BCE/Lettonie, C-202/18 et C-238/18,
47. Dans ce contexte, l’article 19 TUE, qui concrétise EU:C:2019:139, point 57) et, en particulier, de
la valeur de l’État de droit affirmée à l’article 2 TUE, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (voir, en
confie aux juridictions nationales et à la Cour la charge ce sens, arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos
de garantir la pleine application du droit de l’Union Juízes Portugueses, C-64/16, EU:C:2018:117, point 40).
dans l’ensemble des États membres ainsi que la En outre, en exigeant des États membres qu’ils
protection juridictionnelle que les justiciables tirent de respectent ainsi ces obligations, l’Union ne prétend
ce droit [voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2018, aucunement exercer elle-même ladite compétence ni,
Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C-64/16, partant, et contrairement à ce qu’allègue la République
EU:C:2018:117, point 32, ainsi que du 25 juillet 2018, de Pologne, s’arroger celle-ci.
Minister for Justice and Equality (Défaillances du système
judiciaire), C-216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 50 et 53. Enfin, et quant au protocole no 30, il convient de
jurisprudence citée]. relever qu’il ne concerne pas l’article 19, paragraphe 1,
second alinéa, TUE et de rappeler, au demeurant, qu’il
48. À ce titre, et ainsi que le prévoit l’article 19, ne remet pas davantage en question l’applicabilité de la
paragraphe 1, second alinéa, TUE, les États membres Charte en Pologne et n’a pas pour objet d’exonérer la
établissent les voies de recours nécessaires pour République de Pologne de l’obligation de respecter les
assurer aux justiciables le respect de leur droit à une dispositions de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du
protection juridictionnelle effective dans les domaines 21 décembre 2011, N. S. e.a., C-411/10 et C-493/10,
couverts par le droit de l’Union. Ainsi, il appartient aux EU:C:2011:865, points 119 et 120).
États membres de prévoir un système de voies de
recours et de procédures assurant un contrôle 54. Il découle de tout ce qui précède que l’article 19,
juridictionnel effectif dans lesdits domaines (arrêt du paragraphe 1, second alinéa, TUE impose à tous les
27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, États membres d’établir les voies de recours
C-64/16, EU:C:2018:117, point 34 et jurisprudence nécessaires pour assurer une protection
citée). juridictionnelle effective, au sens notamment de
l’article 47 de la Charte, dans les domaines couverts par
le droit de l’Union (arrêt du 14 juin 2017, Online Games

19
e.a., C-685/15, EU:C:2017:452, point 54 ainsi que contenu essentiel du droit à une protection
jurisprudence citée). juridictionnelle effective et du droit fondamental à un
procès équitable, lequel revêt une importance
55. Plus particulièrement, tout État membre doit, en cardinale en tant que garant de la protection de
vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, l’ensemble des droits que les justiciables tirent du
assurer que les instances relevant, en tant que droit de l’Union et de la préservation des valeurs
« juridiction », au sens défini par le droit de l’Union, de communes aux États membres énoncées à
son système de voies de recours dans les domaines l’article 2 TUE, notamment la valeur de l’État de
couverts par le droit de l’Union satisfont aux exigences droit [voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Minister
d’une protection juridictionnelle effective [arrêts du for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire),
27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C-216/18 PPU, EU:C:2018:586, points 48 et 63].
C-64/16, EU:C:2018:117, point 37, et du 25 juillet
2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du 59. Eu égard à ce qui précède, les règles nationales
système judiciaire), C-216/18 PPU, EU:C:2018:586, mises en cause par la Commission dans son recours
point 52]. peuvent faire l’objet d’un contrôle au regard de
l’article 19 paragraphe 1, second alinéa, TUE et il
56. En l’occurrence, il est constant que le Sąd convient, dès lors, d’examiner si les violations de cette
Najwyższy (Cour suprême) peut être appelé à statuer disposition alléguées par cette institution sont
sur des questions liées à l’application ou à avérées.
l’interprétation du droit de l’Union et qu’il relève, en […]
tant que « juridiction », au sens défini par ce droit, du
système polonais de voies de recours dans les Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et
« domaines couverts par le droit de l’Union », au sens arrête :
de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de
telle sorte que cette juridiction doit satisfaire aux 1) D’une part, en prévoyant l’application de la
exigences d’une protection juridictionnelle effective mesure consistant à abaisser l’âge de départ
(ordonnance du 17 décembre 2018, à la retraite des juges du Sąd Najwyższy
Commission/Pologne, C-619/18 R, EU:C:2018:1021, (Cour suprême, Pologne) aux juges en
point 43). exercice qui ont été nommés à cette
juridiction avant le 3 avril 2018 et, d’autre
57. Pour garantir qu’une instance telle que le Sąd part, en accordant au président de la
Najwyższy (Cour suprême) soit à même d’offrir une République le pouvoir discrétionnaire de
telle protection, la préservation de l’indépendance de prolonger la fonction judiciaire active des
cette instance est primordiale ainsi que le confirme juges de ladite juridiction au-delà de l’âge du
l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, qui départ à la retraite nouvellement fixé, la
mentionne l’accès à un tribunal « indépendant » parmi République de Pologne a manqué aux
les exigences liées au droit fondamental à un recours obligations qui lui incombent en vertu de
effectif [voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2018, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa,
Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C-64/16, TUE.
EU:C:2018:117, point 41, ainsi que du 25 juillet 2018,
Minister for Justice and Equality (Défaillances du système 2) La République de Pologne est condamnée
judiciaire), C-216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 53]. aux dépens.

58. Cette exigence d’indépendance des juridictions, 3) La Hongrie supporte ses propres dépens.
qui est inhérente à la mission de juger, relève du

Document 10 :
Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relatif à
un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO 2020, L 433I, p. 1)
(extraits)

Article 3
Violations des principes de l’État de droit
Aux fins du présent règlement, peuvent être indicatifs de violations des principes de l’État de droit:

a) la mise en péril de l’indépendance du pouvoir judiciaire;

20
b) le fait de ne pas prévenir, corriger ou sanctionner les décisions arbitraires ou illégales des autorités publiques, y
compris des autorités répressives, la retenue de ressources financières et humaines affectant leur bon fonctionnement
ou le fait de ne pas veiller à l’absence de conflits d’intérêts;

c) 1. la limitation de la disponibilité et de l’effectivité des voies de recours, notamment sous l’effet de règles de procédure
restrictives et l’inexécution des décisions de justice, ou la limitation de l’effectivité des enquêtes, des poursuites ou des
sanctions relatives à des violations du droit.

Article 4
Conditions d’adoption des mesures
1. Des mesures appropriées sont prises lorsqu’il est établi, conformément à l’article 6, que des violations des
principes de l’État de droit dans un État membre portent atteinte ou présentent un risque sérieux de porter
atteinte à la bonne gestion financière du budget de l’Union ou à la protection des intérêts financiers de l’Union,
d’une manière suffisamment directe.

2. Aux fins du présent règlement, les violations des principes de l’État de droit concernent un ou plusieurs des
points suivants:

a) le bon fonctionnement des autorités exécutant le budget de l’Union, y compris des prêts et d’autres
instruments garantis par le budget de l’Union, en particulier dans le contexte de procédures de passation de
marchés publics ou d’octroi de subventions;
b) le bon fonctionnement des autorités chargées du contrôle, du suivi et de l’audit financiers, ainsi que le bon
fonctionnement de systèmes efficaces et transparents de gestion et de responsabilité financières;
c) le bon fonctionnement des services d’enquête et de poursuites judiciaires dans le cadre des enquêtes et
poursuites relatives à la fraude, y compris la fraude fiscale, à la corruption ou à d’autres violations du droit de
l’Union concernant l’exécution du budget de l’Union ou la protection des intérêts financiers de l’Union;
d) le contrôle juridictionnel effectif par des juridictions indépendantes d’actes ou d’omissions des autorités
mentionnées aux points a), b) et c);
e) f) la prévention et la sanction de la fraude, y compris la fraude fiscale, de la corruption ou d’autres violations
du droit de l’Union concernant l’exécution du budget de l’Union ou la protection des intérêts financiers de
l’Union, ainsi que l’imposition de sanctions effectives et dissuasives aux destinataires par les juridictions
nationales ou par les autorités administratives; le recouvrement de fonds indûment versés; g
) la coopération effective et en temps utile avec l’OLAF et, sous réserve de la participation de l’État membre
concerné, avec le Parquet européen à leurs enquêtes ou poursuites en vertu des actes de l’Union applicables
conformément au principe de coopération loyale;
h) d’autres situations ou comportements des autorités qui sont pertinents pour la bonne gestion financière
du budget de l’Union ou la protection des intérêts financiers de l’Union.

Article 6
Procédure
1. Lorsque la Commission constate qu’il existe des motifs raisonnables de considérer que les conditions énoncées à
l’article 4 sont remplies, à moins qu’elle ne considère que d’autres procédures prévues par la législation de l’Union lui
permettraient de protéger le budget de l’Union d’une manière plus efficace, elle adresse une notification écrite à l’État
membre concerné exposant les éléments factuels et les motifs précis sur lesquels reposent ses constatations. La
Commission informe le Parlement européen et le Conseil sans tarder de cette notification et de son contenu.
2. À la lumière des informations reçues en application du paragraphe 1, le Parlement européen peut inviter la
Commission à prendre part à un dialogue structuré sur ses constatations.
3. Lorsqu’elle évalue si les conditions énoncées à l’article 4 sont remplies, la Commission prend en compte des
informations pertinentes provenant de sources disponibles, y compris les décisions, conclusions et recommandations
des institutions de l’Union, d’autres organisations internationales pertinentes et d’autres institutions reconnues.
[…]
Article 7
Levée des mesures
1. L’État membre concerné peut, à tout moment, adopter de nouvelles mesures correctives et présenter à la
Commission une notification écrite comprenant des éléments visant à démontrer que les conditions énoncées
à l’article 4 ne sont plus remplies.
[…]

21
Document 11 :
CJ (ord.), 19 octobre 2018, Commission c. Pologne (Indépendance de la Cour suprême), aff. C-619/18 R
(mesures provisoires)

2. La Commission demande également, en vertu de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour,
que celle-ci ordonne les mesures provisoires mentionnées au point précédent avant même que la partie défenderesse
n’ait présenté ses observations, en raison du risque immédiat de préjudice grave et irréparable au regard du principe de
protection juridictionnelle effective dans le cadre de l’application du droit de l’Union.

3. Ces demandes ont été présentées dans le cadre d’un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit
par la Commission le 2 octobre 2018 (ci-après le « recours en manquement »), et tendant à faire constater que, d’une
part, en abaissant l’âge de départ à la retraite et en appliquant cette mesure aux juges nommés au Sąd Najwyższy (Cour
suprême) jusqu’au 3 avril 2018 et, d’autre part, en accordant au président de la République de Pologne le pouvoir
discrétionnaire de prolonger la fonction judiciaire active des juges de cette juridiction, la République de Pologne a
manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second
alinéa, TUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

Le cadre juridique
[…]

Sur le fumus boni juris

15. Les arguments présentés par la Commission ne paraissent pas, à première vue, manifestement irrecevables ni dénués
de tout fondement.

16. En effet, sans qu’il soit possible de se prononcer, au présent stade de la procédure, sur la question du bien-fondé
de ces arguments ou même sur celle de l’existence d’un fumus boni juris en tant que tel, il y a lieu de constater que
cette dernière question nécessitera un examen approfondi en l’espèce, eu égard aux arguments présentés.

17. Il suffit donc de constater, aux fins de la présente procédure inaudita altera parte, qu’il ne saurait être exclu que la
condition relative au fumus boni juris soit remplie.

Sur l’urgence

18. Ainsi qu’il ressort de la demande en référé, les dispositions nationales litigieuses ont déjà commencé à s’appliquer
avec pour conséquence la mise à la retraite d’un nombre important de juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) dont
la présidente et deux présidents de chambre. Cette circonstance combinée à l’augmentation parallèle du nombre de
juges de cette juridiction de 93 à 120, accordée par le président de la République de Pologne, à la publication de plus
de 44 postes vacants de juges dans ladite juridiction, dont celui qui était occupé par sa première présidente, et à la
nomination par le président de la République de Pologne d’au moins 27 nouveaux juges, ainsi qu’il ressort des
informations dont dispose la Cour, entraîne une recomposition profonde et immédiate du Sąd Najwyższy (Cour
suprême), laquelle est, par ailleurs, susceptible d’être étendue par de nouvelles autres nominations.

19. Or, si le recours en manquement était finalement accueilli, il en résulterait que toutes les décisions rendues par le
Sąd Najwyższy (Cour suprême) jusqu’à la décision de la Cour sur ledit recours en manquement le seraient sans les
garanties liées au droit fondamental de tous les justiciables à accéder à un tribunal indépendant, tel que consacré à
l’article 47 de la Charte.

20. À cet égard, il importe de rappeler que l’exigence d’indépendance des juges relève du contenu essentiel du droit
fondamental à un procès équitable, lequel revêt une importance cardinale en tant que garant de la protection de
l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et de la préservation des valeurs communes aux
États membres énoncées à l’article 2 TUE, notamment, de la valeur de l’État de droit [arrêt du 25 juillet 2018, Minister
for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C-216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 48].

21. La violation d’un droit fondamental tel que le droit fondamental à un tribunal indépendant, consacré à l’article 47,
deuxième alinéa, de la Charte, est ainsi susceptible, en raison de la nature même du droit violé, de donner lieu par elle-
même à un préjudice grave et irréparable.

22. En l’occurrence, la condition de juridiction de dernier ressort du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et l’autorité de
chose jugée dont seront, dès lors, revêtues les décisions que ladite juridiction rendra jusqu’à l’arrêt de la Cour statuant
sur le recours en manquement permettent d’établir l’existence, dans les circonstances de l’espèce, d’un risque réel d’un

22
préjudice grave et irréparable pour les justiciables, au cas où les mesures provisoires sollicitées n’étaient pas ordonnées
et le recours en manquement était finalement accueilli par la Cour.

23. Dans ces conditions, il y a lieu de constater, à ce stade de la procédure, que la condition relative à l’urgence apparaît
remplie.

Sur la mise en balance des intérêts

24. Il convient de relever que, si le recours en manquement n’était pas accueilli, l’octroi des mesures provisoires
sollicitées n’aurait pour effet que de reporter l’application des dispositions nationales litigieuses. Dans ce contexte, il y
a lieu de considérer que l’octroi de telles mesures n’est pas de nature à compromettre gravement l’objectif poursuivi
par ces dispositions.

25. En revanche, si le recours en manquement était finalement accueilli, l’application immédiate de telles dispositions
serait susceptible de porter préjudice d’une manière irrémédiable au droit fondamental d’accéder à un tribunal
indépendant, tel que consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte.

26. Dans ces conditions, il convient, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’ordonner les mesures
provisoires sollicitées par la Commission, et ce jusqu’au prononcé de l’ordonnance qui mettra fin à la présente
procédure de référé.
Par ces motifs, la vice-présidente de la Cour ordonne :
1) La République de Pologne est tenue, immédiatement et jusqu’au prononcé de l’ordonnance qui mettra fin à
la présente procédure de référé,
– de suspendre l’application des dispositions de l’article 37, paragraphes 1 à 4, et de l’article 111, paragraphes 1 et 1a,
de l’ustawa o Sądzie Najwyższym (loi sur la Cour suprême), du 8 décembre 2017, de l’article 5 de l’ustawa o zmianie
ustawy – Prawo o ustroju sądów powszechnych, ustawy o Sądzie Najwyższym oraz niektórych innych ustaw (loi
portant modification de la loi sur l’organisation des juridictions de droit commun, de la loi sur la Cour suprême et de
certaines autres lois), du 10 mai 2018, ainsi que de toute mesure prise en application de ces dispositions ;
– de prendre toute mesure nécessaire afin d’assurer que les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) concernés
par lesdites dispositions puissent exercer leurs fonctions au même poste, tout en jouissant du même statut et des mêmes
droits et conditions d’emploi dont ils bénéficiaient jusqu’au 3 avril 2018, date de l’entrée en vigueur de la loi sur la Cour
suprême ;
– de s’abstenir de toute mesure visant à la nomination de juges au Sąd Najwyższy (Cour suprême) à la place de ceux
concernés par les dispositions qui sont à la base du manquement et qui font l’objet du recours principal, ainsi que de
toute mesure visant à nommer le nouveau premier président de cette juridiction ou à indiquer la personne chargée de
diriger ladite juridiction à la place de son premier président jusqu’à la nomination du nouveau premier président, et
– de communiquer à la Commission européenne, au plus tard un mois après la notification de la présente ordonnance
puis régulièrement chaque mois, toutes les mesures qu’elle aura adoptées afin de se conformer pleinement à cette
ordonnance.

2) Les dépens sont réservés.

Document 12 :
CJUE, Pologne/Parlement et Conseil, C-157/21, 16 février 2022 (extraits)
[…]

132 Quatrièmement, dans la mesure où la République de Pologne, soutenue par la Hongrie, fait valoir que les
considérants 7 à 9, 13 et 15 du règlement attaqué se réfèrent à l’existence d’un lien entre le respect de l’État de droit et
la bonne gestion financière du budget de l’Union sans toutefois le démontrer, il convient de relever que le législateur
de l’Union a pu déduire les constatations effectuées auxdits considérants d’expertises dont il a disposé au cours de la
procédure législative, au nombre desquelles figure l’avis no 1/2018 de la Cour des comptes sur la proposition de
règlement du Parlement européen et du Conseil du 2 mai 2018 relatif à la protection du budget de l’Union en cas de
défaillance généralisée de l’État de droit dans un État membre (JO 2018, C 291, p. 1), qui a abouti au règlement attaqué.
Il ressort en effet des points 10 et 11 de cet avis que cette institution a approuvé « le point de vue de la Commission
sur le fait que les décisions arbitraires et illégales d’autorités publiques responsables de la gestion des fonds sont
susceptibles de léser les intérêts financiers de l’Union » et a reconnu que « l’indépendance et l’impartialité du pouvoir
judiciaire sont indispensables pour garantir la bonne gestion financière et la protection du budget de l’Union [...],
notamment en ce qui concerne l’exercice des droits en justice, la lutte contre la fraude et les autres intérêts légitimes de
l’Union ».
133 De même, aux points 1.3 et 1.4 de son avis du 18 octobre 2018 sur cette proposition de règlement (JO 2019,
C 62, p. 173), le Comité économique et social européen a précisé que « le respect effectif de l’[É]tat de droit est une

23
condition indispensable pour que les citoyens aient confiance en l’assurance que les dépenses de l’Union dans les États
membres sont suffisamment protégées », que « la proposition [qui a conduit à l’adoption de ce règlement] renforcera
[...] la protection des intérêts financiers de l’Union » et qu’« une menace sérieuse, persistante et systématique sur l’ [É]tat
de droit, [...] par sa nature même, pourrait constituer un risque immédiat pour les intérêts financiers de l’Union ».
134 Cinquièmement, dans l’exposé des motifs accompagnant sa proposition qui a conduit à l’adoption du
règlement attaqué, la Commission a certes indiqué que des souhaits avaient été exprimés en faveur d’une intervention
de l’Union pour qu’elle protège l’État de droit et, partant, adopte des mesures visant à garantir son respect. Toutefois,
dans ce même exposé des motifs, la Commission a justifié sa proposition par la nécessité « de protéger les intérêts
financiers de l’Union contre le risque de perte financière causé par des défaillances généralisées de l’État de droit dans
un État membre ».
135 Sixièmement, s’agissant des statistiques démontrant qu’il n’aurait existé, lors de l’adoption du règlement
attaqué, aucun besoin objectif de protéger le budget de l’Union, il y a lieu de relever que ces statistiques portent, selon
la République de Pologne elle-même, sur le pourcentage d’erreurs constatées au cours des années 2014 à 2016. Or, ce
règlement vise à pallier non pas les erreurs pouvant être commises lors de l’exécution du budget de l’Union, mais les
atteintes et les risques sérieux d’atteintes à ce budget ou à la protection des intérêts financiers de l’Union pouvant
résulter de violations des principes de l’État de droit.
136 En tout état de cause, l’argumentation de la République de Pologne visant à remettre en cause l’opportunité
même du règlement attaqué, au motif que ce dernier ne répondrait pas à un besoin objectif, ne saurait suffire à
démontrer que le législateur de l’Union a outrepassé les limites de ses compétences.
137 Au regard des considérations qui précèdent, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la
République de Pologne, soutenue par la Hongrie, la finalité du règlement attaqué consiste à protéger le budget de
l’Union contre des atteintes à ce dernier découlant de manière suffisamment directe de violations des principes de
l’État de droit dans un État membre, et non pas à sanctionner, en soi, de telles violations.

138 Or, cette finalité est cohérente avec l’exigence selon laquelle le budget de l’Union doit être exécuté
conformément au principe de bonne gestion financière, posée en particulier à l’article 310, paragraphe 5, TFUE, cette
exigence étant applicable à l’ensemble des dispositions du titre II de la sixième partie du traité FUE relatives à
l’exécution du budget de l’Union et ainsi, notamment, à l’article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE.

[…]

318 Par le neuvième moyen, la République de Pologne, soutenue par la Hongrie, fait valoir que le règlement
attaqué viole le principe de sécurité juridique et accorde une marge d’appréciation trop étendue à la Commission et au
Conseil en raison du manque de précision, tout d’abord, de la notion d’« État de droit », telle qu’elle est définie à l’article
2, sous a), de ce règlement, ensuite, des critères énoncés à l’article 3 et à l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement et,
enfin, des sources d’information sur lesquelles la Commission est appelée à fonder ses appréciations conformément à
l’article 6, paragraphe 3, du même règlement.
319 Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de sécurité juridique exige, d’une part, que les règles
de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier
lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables. Ledit principe exige notamment qu’une réglementation
permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers
puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt
du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a., C-504/19, EU:C:2021:335, point 51 ainsi que jurisprudence citée).
320 Pour autant, ces exigences ne sauraient être comprises comme s’opposant à ce que le législateur de l’Union,
dans le cadre d’une norme qu’il adopte, emploie une notion juridique abstraite, ni comme imposant qu’une telle norme
abstraite mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la
mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par le législateur (voir, par analogie, arrêt
du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C-206/16, EU:C:2017:572, points 39 ainsi que 40).
321 En conséquence, le fait qu’un acte législatif confère un pouvoir d’appréciation aux autorités chargées de sa
mise en œuvre ne méconnaît pas en soi l’exigence de prévisibilité, à la condition que l’étendue et les modalités d’exercice
d’un tel pouvoir soient définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir une protection
adéquate contre l’arbitraire (voir, en ce sens, arrêts du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C-413/08 P, EU:C:2010:346,
point 94, ainsi que du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C-501/11 P, EU:C:2013:522, point 57).
322 C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’apprécier, en premier lieu, l’argumentation tirée du
caractère imprécis et trop large de la notion d’« État de droit » définie à l’article 2, sous a), du règlement attaqué.
323 À cet égard, premièrement, cette disposition ne vise pas à définir de manière exhaustive cette notion, mais se
borne à spécifier, aux seules fins de ce règlement, plusieurs des principes que celle-ci recouvre et qui sont, selon le
législateur de l’Union, les plus pertinents au regard de l’objet dudit règlement, qui consiste à assurer la protection du
budget de l’Union.
324 Deuxièmement, contrairement à ce que fait valoir la République de Pologne, soutenue par la Hongrie, les
principes mentionnés à l’article 2, sous a), du règlement attaqué n’excèdent pas les limites de la notion d’« État de droit

24
». En particulier, la référence à la protection des droits fondamentaux n’est effectuée qu’à titre d’illustration des
exigences du principe de protection juridictionnelle effective, également garantie à l’article 19 TUE et dont la
République de Pologne reconnaît elle-même qu’elle fait partie de cette notion. Il en va de même des références aux
principes de non-discrimination et d’égalité. En effet, si l’article 2 TUE mentionne de manière distincte l’État de droit
en tant que valeur commune aux États membres et les principes d’égalité et de non-discrimination, force est de
constater qu’un État membre dont la société est caractérisée par la discrimination ne saurait être considéré comme
assurant le respect de l’État de droit, au sens de cette valeur commune.
325 Cette constatation est corroborée par le fait que, dans son étude no 711/2013, du 18 mars 2016, établissant
une « liste des critères de l’État de droit », à laquelle fait référence le considérant 16 du règlement attaqué, la Commission
de Venise a indiqué notamment que la notion d’« État de droit » repose sur un droit sûr et prévisible, dans lequel toute
personne a le droit d’être traitée par les décideurs de manière digne, égale et rationnelle, dans le respect du droit existant,
et de disposer de voies de recours pour contester les décisions devant des juridictions indépendantes et impartiales,
selon une procédure équitable. Or, ces caractéristiques sont précisément reflétées à l’article 2, sous a), de ce règlement.

326 Troisièmement, au regard de ce qui a été exposé aux points 289 à 293 du présent arrêt, doit être écartée
comme étant dénuée de tout fondement l’argumentation de la République de Pologne, soutenue par la Hongrie, selon
laquelle les principes de l’État de droit mentionnés à l’article 2, sous a), du règlement attaqué n’auraient pas de contenu
matériel concret en droit de l’Union.
327 Quatrièmement, s’agissant du rapport de ces mêmes principes de l’État de droit avec celui du respect de
l’identité nationale des États membres figurant à l’article 4, paragraphe 2, TUE, il suffit de renvoyer aux points 282 à
286 du présent arrêt.
328 Cinquièmement, en ce qui concerne l’argumentation selon laquelle, pour devenir applicables, les valeurs que
contient l’article 2 TUE doivent être concrétisées dans d’autres dispositions des traités, d’une part, il a été relevé aux
points 192 à 199 du présent arrêt que les traités comportent de nombreuses dispositions, fréquemment concrétisées
par divers actes de droit dérivé, qui confèrent aux institutions de l’Union la compétence d’examiner, de constater et, le
cas échéant, de sanctionner des violations des valeurs que contient l’article 2 TUE commises dans un État membre.
D’autre part, il a été constaté aux points 112 à 189 du présent arrêt que l’article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE
constitue une base juridique permettant au législateur de l’Union d’adopter des dispositions portant sur la constatation
de violations de la valeur de l’État de droit et sur les conséquences juridiques de ces violations, en vue de protéger le
budget de l’Union et les intérêts financiers de celle-ci lorsque de telles violations portent atteinte ou présentent un
risque sérieux de porter atteinte à ce budget et à ces intérêts.
329 Sixièmement, à supposer que la Cour soit appelée à interpréter, dans le cadre d’un recours en annulation dirigé
contre une décision adoptée au titre du règlement attaqué, les notions de
« pluralisme », de « non–discrimination », de « tolérance », de « justice » ou de « solidarité », que contient l’article 2
TUE, elle n’exercerait, ce faisant, contrairement à ce que prétend la République de Pologne, soutenue par la Hongrie,
que les compétences qui lui ont été attribuées par les traités, en particulier par l’article 263 TFUE.
330 En deuxième lieu, quant au prétendu manque de précision des critères employés à l’article 3 et à l’article 4,
paragraphe 2, du règlement attaqué, il résulte, premièrement, du point 155 du présent arrêt que cet article 3 n’énonce
pas d’obligations pour les États membres, mais se borne à citer des cas qui peuvent être indicatifs de violations des
principes de l’État de droit et vise ainsi à faciliter l’application de ce règlement, en explicitant les exigences inhérentes
à ces principes.
331 Deuxièmement, s’agissant des notions prétendument imprécises figurant à l’article 4, paragraphe 2, dudit
règlement, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que celle « d’autorité » a été examinée aux points 175 et 176 du présent
arrêt et que celle de « services » recouvre les seuls « services d’enquête et de poursuites judiciaires ».
332 Ensuite, s’agissant du « bon fonctionnement » des autorités publiques, y compris répressives, exécutant le
budget de l’Union et chargées du contrôle, du suivi et de l’audit financiers ainsi que des services d’enquête et de
poursuites judiciaires, visées à l’article 3, sous b), et à l’article 4, paragraphe 2, sous a) à c), du règlement attaqué, il
découle des considérants 8 et 9 de ce règlement que cette expression vise la capacité de ces autorités à remplir
correctement ainsi que de manière effective et efficace leurs fonctions pertinentes pour la bonne gestion financière du
budget de l’Union ou la protection de ses intérêts financiers.

334 Troisièmement, l’argumentation fondée sur le caractère non exhaustif de l’énumération des situations ou des
comportements figurant à l’article 4, paragraphe 2, du règlement attaqué a été écartée aux points 171 à 177 du présent
arrêt et, en ce qui concerne les cas qui peuvent être indicatifs de violations, cités à l’article 3 de ce règlement, il a été
relevé au point 171 du présent arrêt qu’une définition particulière de la notion de « violation » ne s’impose nullement
pour les besoins d’un mécanisme de conditionnalité horizontale tel que celui institué par ledit règlement.
335 Quatrièmement, s’agissant de la marge d’appréciation accordée par ces dispositions à la Commission et au
Conseil, il résulte des considérations qui précèdent que les expressions critiquées par la République de Pologne,
soutenue par la Hongrie, satisfont, en tant que telles, aux exigences du principe de sécurité juridique rappelés aux points
319 à 321 du présent arrêt. En outre, aux fins de justifier l’adoption de mesures appropriées au titre du règlement

25
attaqué, ces institutions doivent établir de manière concrète l’ensemble des conditions relevées en dernier lieu aux
points 286 et 288 du présent arrêt.
336 En troisième lieu, en ce qui concerne l’argumentation selon laquelle l’article 6, paragraphes 3 et 8, du règlement
attaqué ne définit pas de manière suffisamment précise les sources d’information sur lesquelles la Commission peut se
fonder, dont certaines d’entre elles ne lieraient pas les États membres et auxquelles ce règlement ne saurait conférer de
caractère contraignant, il convient de rappeler que, aux termes de ladite disposition, lorsque la Commission examine si
les conditions énoncées à l’article 4 de ce règlement sont remplies et évalue la proportionnalité des mesures à imposer,
elle prend en compte les informations pertinentes provenant de sources disponibles, y compris les décisions, les
conclusions et les recommandations des institutions de l’Union, d’autres organisations internationales pertinentes et
d’autres institutions reconnues.
337 À cet égard, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement attaqué, il incombe à la Commission
d’établir que les conditions énoncées à l’article 4 de ce règlement sont remplies.
338 En outre, selon l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement, la Commission est tenue d’exposer, dans une
notification écrite à l’État membre concerné, les éléments factuels et les motifs précis sur lesquels reposent ses
constatations selon lesquelles il existe des motifs raisonnables de considérer que ces conditions sont remplies.
339 Il en résulte que la Commission est tenue de procéder à une appréciation diligente des faits à la lumière des
conditions fixées à l’article 4 du règlement attaqué. Il en va de même, conformément à l’article 6, paragraphes 7 à 9, de
ce règlement, en ce qui concerne l’exigence de proportionnalité des mesures, énoncée à l’article 5, paragraphe 3, de
celui-ci.

340 Les considérants 16 et 26 dudit règlement énoncent d’ailleurs que la Commission doit procéder à une
évaluation qualitative approfondie, qui doit être objective, impartiale et équitable, qui doit respecter les principes
d’objectivité, de non-discrimination et d’égalité des États membres devant les traités et doit être menée selon une
approche non partisane et fondée sur des éléments concrets.
341 Il en découle que la Commission est tenue de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’Union, de la pertinence
des informations qu’elle utilise et de la fiabilité de ses sources. En particulier, ces dispositions ne confèrent pas de
valeur probante spécifique ou absolue et n’attachent pas d’effets juridiques déterminés aux sources d’information
qu’elles mentionnent, ni à celles qui sont indiquées au considérant 16 du règlement attaqué, de sorte qu’elles ne
dispensent pas la Commission de son obligation de procéder à une appréciation diligente des faits qui satisfait
pleinement aux exigences rappelées au point précédent.
342 À cet égard, le considérant 16 du règlement attaqué explicite le fait que les informations pertinentes provenant
de sources disponibles et d’institutions reconnues comprennent, notamment, les arrêts de la Cour, les rapports de la
Cour des comptes, le rapport annuel de la Commission sur l’État de droit et le tableau de bord de la justice dans
l’Union, les rapports de l’ OLAF, du Parquet européen et de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne
ainsi que les conclusions et les recommandations formulées par les organisations et les réseaux internationaux
pertinents, y compris les organes du Conseil de l’Europe, tels que le GRECO et la Commission de Venise, en particulier
sa liste des critères de l’État de droit, le réseau européen des présidents des cours suprêmes judiciaires et le réseau
européen des conseils de la justice.
343 La Commission demeure ainsi responsable des informations qu’elle utilise et de la fiabilité de ses sources. Par
ailleurs, l’État membre concerné dispose de la faculté, au cours de la procédure prévue à l’article 6, paragraphes 1 à 9,
du règlement attaqué, de présenter des observations sur les informations que la Commission entend utiliser en vue de
proposer l’adoption de mesures appropriées. Partant, il lui est possible de contester la valeur probante de chacun des
éléments retenus, le bien-fondé des appréciations de la Commission pouvant, en tout état de cause, être soumis au
contrôle du juge de l’Union dans le cadre d’un recours introduit contre une décision du Conseil prise au titre de ce
règlement.
344 En particulier, la Commission doit communiquer, de manière précise, à l’État membre concerné, dès
l’engagement de la procédure au titre de l’article 6, paragraphe 1, du règlement attaqué et, périodiquement, tout au long
de cette procédure, les informations pertinentes provenant de sources disponibles sur lesquelles elle entend fonder la
proposition de décision d’exécution arrêtant des mesures appropriées qu’elle présentera au Conseil. Du reste,
contrairement à ce qu’allègue la République de Pologne, soutenue par la Hongrie, aucun caractère contraignant n’est
conféré aux recommandations qui peuvent être prises en compte par la Commission, conformément à l’article 6,
paragraphes 3 et 8, de ce règlement.
345 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le neuvième moyen doit être écarté comme étant
non fondé.

26
Document 13 :
Cour (Grande chambre) 5 juin 2023, Commission européenne c. République de Pologne, aff. C‑204/21
(extraits)

La procédure précontentieuse

44. Le 29 avril 2020, estimant que, du fait de l’adoption de la loi modificative, la République de Pologne avait manqué,
à divers titres, aux obligations lui incombant en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1,
second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, du principe de primauté du droit de l’Union, de
l’article 267 TFUE, ainsi que de l’article 7 et de l’article 8, paragraphe 1, de la Charte, de l’article 6, paragraphe 1,
premier alinéa, sous c) et e), et paragraphe 3, et de l’article 9 du RGPD, la Commission a adressé une lettre de
mise en demeure à cet État membre. Ce dernier a répondu par un courrier du 29 juin 2020 dans lequel il
contestait toute violation du droit de l’Union.

45 Le 30 octobre 2020, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle maintenait que le régime introduit
par la loi modificative méconnaissait les dispositions du droit de l’Union mentionnées au point précédent. En
conséquence, cette institution invitait la République de Pologne à prendre les mesures nécessaires pour se
conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

46 Eu égard à l’augmentation du nombre d’affaires pendantes devant la chambre disciplinaire concernant des
demandes d’autorisation d’engager des poursuites pénales contre des juges, la Commission a, par courrier du
1er novembre 2020, adressé diverses questions aux autorités polonaises, auxquelles ces dernières ont répondu
le 13 novembre 2020.

47 Le 3 décembre 2020, la Commission a adressé à la République de Pologne une lettre de mise en demeure
complémentaire, en faisant valoir que, en confiant, en vertu de l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la
loi modifiée sur la Cour suprême, à la chambre disciplinaire dont l’indépendance et l’impartialité ne seraient pas
garanties, la compétence pour connaître d’affaires ayant une incidence directe sur le statut et l’exercice des
fonctions de juge et de juge auxiliaire, cet État membre avait enfreint ses obligations au titre de l’article 19,
paragraphe 1, second alinéa, TUE.

48 Par une lettre du 30 décembre 2020, la République de Pologne a répondu à l’avis motivé de la Commission du
30 octobre 2020 en contestant l’existence des manquements reprochés.

49 Par un courrier du 4 janvier 2021, cet État membre a répondu à la lettre de mise en demeure complémentaire
du 3 décembre 2020, en soutenant que les griefs soulevés par la Commission dans cette lettre n’étaient pas
davantage fondés.

50 Le 27 janvier 2021, la Commission a adressé à la République de Pologne un avis motivé complémentaire, en


maintenant les griefs qu’elle avait formulés dans sa lettre de mise en demeure complémentaire. En conséquence,
cette institution invitait la République de Pologne à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet
avis motivé complémentaire dans un délai d’un mois à compter de la réception de celui-ci.

51 Par une lettre du 26 février 2021, la République de Pologne a répondu audit avis motivé complémentaire, en
contestant les griefs formulés dans celui-ci par la Commission.

52 C’est dans ces conditions que la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

53 Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 1er avril 2021, la Commission a introduit une demande de mesures
provisoires au titre de l’article 279 TFUE.

56 Par un acte déposé au greffe de la Cour le 7 septembre 2021, la Commission a introduit une nouvelle demande
de mesures provisoires visant à entendre condamner la République de Pologne au paiement d’une astreinte journalière.
Faisant droit à cette demande par l’ordonnance du 27 octobre 2021, Commission/Pologne (C-204/21 R,
EU:C:2021:878), le vice-président de la Cour a condamné la République de Pologne à payer à la Commission une
astreinte de 1 000 000 euros par jour à compter de la notification de cette ordonnance jusqu’au jour où cet État membre
se sera conformé aux obligations qui lui incombent en vertu de l’ordonnance de la vice-présidente de la Cour

27
mentionnée au point 54 du présent arrêt ou, à défaut, jusqu’au jour du prononcé du présent arrêt. Par ordonnance du
vice-président de la Cour du 21 avril 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C-204/21 R-
RAP, EU:C:2023:334), le montant de cette astreinte a été réduit à 500 000 euros par jour à compter de la date de
signature de ladite ordonnance.

Sur le recours

58 Le recours de la Commission comporte cinq griefs. Les premier à troisième griefs sont tirés de violations des
dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte ainsi que
de l’article 267 TFUE, les premier et deuxième griefs visant, en outre, à faire constater une violation du principe
de primauté du droit de l’Union. Le quatrième grief est tiré d’une violation de l’article 19, paragraphe 1, second
alinéa, TUE. Le cinquième grief est tiré d’une violation des dispositions de l’article 7 et de l’article 8,
paragraphe 1, de la Charte ainsi que de celles de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, sous c) et e), et
paragraphe 3, et de l’article 9, paragraphe 1, du RGPD.

59 La République de Pologne conteste l’ensemble des manquements ainsi allégués et conclut au rejet du recours de
la Commission.

63 […] il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, si l’organisation de la justice dans les États membres,
notamment, l’institution, la composition, les compétences et le fonctionnement des juridictions nationales, ainsi que
les règles gouvernant le processus de nomination des juges ou encore celles applicables au statut de ceux-ci et à
l’exercice de leurs fonctions, relève de la compétence de ces États, ceux-ci n’en sont pas moins tenus, dans l’exercice
de cette compétence, de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union et, en particulier, des
articles 2 et 19 TUE [voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges),
C-791/19, EU:C:2021:596, points 56, 60 à 62 et 95 ainsi que jurisprudence citée, et du 22 février 2022, RS (Effet des
arrêts d’une cour constitutionnelle), C-430/21, EU:C:2022:99, point 38 ainsi que jurisprudence citée].

65 Il convient, d’ailleurs, de rappeler que, pour pouvoir adhérer à l’Union, la République de Pologne a dû satisfaire
à des critères à remplir par les États candidats à l’adhésion, tels qu’établis par le Conseil européen de
Copenhague des 21 et 22 juin 1993. Ces critères requièrent notamment de l’État candidat « qu’il ait des
institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme, le respect des
minorités et leur protection » (arrêt du 29 mars 2022, Getin Noble Bank, C-132/20, EU:C:2022:235, point 104).

66 Ainsi que la Cour l’a itérativement souligné, l’Union regroupe ainsi des États qui ont librement et volontairement
adhéré aux valeurs énoncées à l’article 2 TUE, les respectent et s’engagent à les promouvoir. Par ailleurs, la
confiance mutuelle entre les États membres et, notamment, leurs juridictions est fondée sur la prémisse
fondamentale selon laquelle les États membres partagent ces valeurs communes [voir, en ce sens, arrêt du
15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C-791/19, EU:C:2021:596, point 50 et
jurisprudence citée].

67 L’article 2 TUE ne constitue, par conséquent, pas une simple énonciation d’orientations ou d’intentions de
nature politique, mais contient des valeurs qui relèvent de l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique
commun, valeurs qui sont concrétisées dans des principes contenant des obligations juridiquement
contraignantes pour les États membres (arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C-156/21,
EU:C:2022:97, point 232).

68 Il découle, notamment, de ce qui précède que le respect par un État membre des valeurs que contient
l’article 2 TUE constitue une condition pour la jouissance de tous les droits découlant de l’application des traités
à cet État membre. En effet, le respect de ces valeurs ne saurait être réduit à une obligation à laquelle un État
candidat est tenu en vue d’adhérer à l’Union et dont il pourrait s’affranchir après son adhésion (arrêt du
16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C-156/21, EU:C:2022:97, point 126 ainsi que jurisprudence
citée).

69 Pour sa part, l’article 19 TUE concrétise la valeur de l’État de droit affirmée à l’article 2 TUE (arrêt du 27 février
2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C-64/16, EU:C:2018:117, point 32). S’agissant, plus
précisément, de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, il convient de rappeler que, comme cette
disposition le prévoit, il appartient aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de
procédures assurant aux justiciables le respect de leur droit à une protection juridictionnelle effective dans les
domaines couverts par le droit de l’Union. Le principe de protection juridictionnelle effective des droits que les

28
justiciables tirent du droit de l’Union, auquel se réfère ainsi ladite disposition, constitue un principe général du
droit de l’Union qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres, qui a été consacré
par les articles 6 et 13 de la CEDH et qui est à présent affirmé à l’article 47 de la Charte [arrêt du 15 juillet
2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C-791/19, EU:C:2021:596, point 52 et
jurisprudence citée].

70 Or, pour garantir que des instances qui peuvent être appelées à statuer sur des questions liées à l’application et
à l’interprétation du droit de l’Union soient à même d’assurer une telle protection juridictionnelle effective, la
préservation de l’indépendance de celles-ci est primordiale, comme le confirme l’article 47, deuxième alinéa, de
la Charte [arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges), C-791/19,
EU:C:2021:596, point 57 et jurisprudence citée].

71 La Cour a, de même, souligné, dans sa jurisprudence, que les garanties d’accès à un tribunal indépendant,
impartial et établi préalablement par la loi, et notamment celles qui déterminent la notion tout comme la
composition de celui-ci, représentent la pierre angulaire du droit à un procès équitable [arrêt du 6 octobre
2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination),
C-487/19, EU:C:2021:798, point 126 ainsi que jurisprudence citée].

72 Dans ces conditions, il ne saurait être valablement soutenu que les exigences découlant, en tant que conditions
tant d’adhésion que de participation à l’Union, du respect de valeurs et de principes tels que l’État de droit, la
protection juridictionnelle effective et l’indépendance de la justice, consacrés à l’article 2 et à l’article 19,
paragraphe 1, second alinéa, TUE, soient susceptibles d’affecter l’identité nationale d’un État membre, au sens
de l’article 4, paragraphe 2, TUE. Dès lors, cette dernière disposition, qui doit être lue en tenant compte des
dispositions, de même rang qu’elle, consacrées par ces articles 2 et 19, paragraphe 1, second alinéa, ne saurait
dispenser les États membres du respect des exigences découlant de celles-ci.

73 Ainsi, la Cour a jugé que, même si, comme il ressort de l’article 4, paragraphe 2, TUE, l’Union respecte l’identité
nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, de
telle sorte que ces États disposent d’une certaine marge d’appréciation pour assurer la mise en œuvre des
principes de l’État de droit, il n’en découle nullement que cette obligation de résultat peut varier d’un État
membre à l’autre. En effet, tout en disposant d’identités nationales distinctes, inhérentes à leurs structures
fondamentales politiques et constitutionnelles, que l’Union respecte, les États membres adhèrent à une notion
d’« État de droit » qu’ils partagent, en tant que valeur commune à leurs traditions constitutionnelles propres, et
qu’ils se sont engagés à respecter de manière continue (arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil,
C-156/21, EU:C:2022:97, points 233 et 234).

74 Il en découle que, dans le choix de leur modèle constitutionnel respectif, les États membres sont tenus de se
conformer, notamment, à l’exigence d’indépendance des juridictions qui découle de l’article 2 et de l’article 19,
paragraphe 1, second alinéa, TUE [voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour
constitutionnelle), C-430/21, EU:C:2022:99, point 43 et jurisprudence citée]. Ils sont ainsi notamment tenus de
veiller à éviter toute régression, au regard de la valeur de l’État de droit, de leur législation en matière
d’organisation de la justice, en s’abstenant d’adopter des règles qui viendraient porter atteinte à l’indépendance
des juges (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a., C-357/19, C-379/19,
C-547/19, C-811/19 et C-840/19, EU:C:2021:1034, point 162).

77 Il résulte de cette jurisprudence constante que, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, le fait pour
un État membre d’invoquer des dispositions de droit national, fussent-elles d’ordre constitutionnel, ne saurait porter
atteinte à l’unité et à l’efficacité du droit de l’Union. En effet, conformément à une jurisprudence bien établie, les effets
s’attachant au principe de primauté du droit de l’Union s’imposent à l’ensemble des organes d’un État membre, sans,
notamment, que les dispositions internes, y compris d’ordre constitutionnel, puissent y faire obstacle.

79 À cet égard, il importe, enfin, de rappeler que, étant donné que la Cour détient une compétence exclusive pour
fournir l’interprétation définitive du droit de l’Union, il lui appartient, dans l’exercice de cette compétence, de
préciser la portée du principe de primauté du droit de l’Union au regard des dispositions pertinentes de ce droit,
de telle sorte que cette portée ne peut dépendre de l’interprétation de dispositions du droit national ni de
l’interprétation de dispositions du droit de l’Union retenue par une juridiction nationale, qui ne correspond pas
à celle de la Cour [arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle), C-430/21,
EU:C:2022:99, point 52 et jurisprudence citée]. Partant, il incombe, le cas échéant, à la juridiction nationale
concernée de modifier sa propre jurisprudence qui serait incompatible avec le droit de l’Union, tel qu’interprété
par la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 2016, DI, C-441/14, EU:C:2016:278, points 33 et 34, ainsi que

29
du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, C-684/16, EU:C:2018:874,
point 60).

80 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que la République de Pologne
allègue, ni les principes énoncés à l’article 4, paragraphes 1 et 2, et à l’article 5, paragraphe 1, TUE ni la
jurisprudence d’une juridiction constitutionnelle nationale telle que celle mentionnée au point 60 du présent
arrêt ne sont de nature à pouvoir faire obstacle à ce que les dispositions nationales mises en cause par la
Commission dans le cadre de son recours puissent faire l’objet d’un contrôle par la Cour, notamment au regard
des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, ainsi
que du principe de primauté du droit de l’Union.

84 Par son quatrième grief, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la Commission conclut à la violation de
l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, en ce que la République de Pologne aurait manqué à son obligation de
garantir l’indépendance et l’impartialité de la chambre disciplinaire, alors que cette dernière relèverait, en tant que
« juridiction », du système judiciaire polonais dans les « domaines couverts par le droit de l’Union », au sens de cette
disposition, et qu’elle se serait vu conférer une compétence exclusive pour statuer dans certaines affaires relatives au
statut et à l’exercice des fonctions des juges, ce qui serait susceptible d’affecter l’indépendance de ceux-ci.
94 À cet égard, il importe que les juges se trouvent à l’abri d’interventions ou de pressions extérieures susceptibles
de mettre en péril leur indépendance. Les règles applicables au statut des juges et à l’exercice de leurs fonctions doivent,
en particulier, permettre d’exclure non seulement toute influence directe, sous la forme d’instructions, mais également
les formes d’influence plus indirecte susceptibles d’orienter les décisions des juges concernés, et d’écarter ainsi une
absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité de ceux-ci qui serait de nature à porter atteinte à la confiance
que la justice doit inspirer aux justiciables dans une société démocratique et un État de droit

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1) En habilitant la chambre disciplinaire du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) dont


l’indépendance et l’impartialité ne sont pas garanties, à statuer sur des affaires ayant une
incidence directe sur le statut et l’exercice des fonctions de juge et de juge auxiliaire, telles que,
d’une part, les demandes d’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre les juges et les
juges auxiliaires ou d’arrêter ceux-ci, ainsi que, d’autre part, les affaires en matière de droit du
travail et des assurances sociales concernant les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et les
affaires relatives à la mise à la retraite de ces derniers, la République de Pologne a manqué aux
obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.

[…]

30
Séance 3
Les principes organiques et fonctionnels de l’Union européenne

Les principes organiques


Document 1. TUE, articles 4 et 13 (extraits)
Document 2. CJ [GC], 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie c. Conseil, C-643/15 et C-647/15
Document 3. COSTA O., « Que peut le Parlement européen ? », Pouvoirs, 2014/2, n° 149, pp. 77-89 (extraits)
Document 4. CJUE, 25 juillet 2018, M.L., aff. C-220/18 PPU
Document 5. CJCE, 13 juillet 2004, Commission c. Italie, aff. C-82/03
Document 6. CJCE [GC], 31 janvier 2006, Commission c. Espagne (Farid et Bouchair), aff. C-503/03
Document 7. CJ, 14 avril 2015, Conseil c. Commission, aff. C-409/13
Document 8. CJ [GC], 6 octobre 2015, Conseil c. Commission, aff. C-73/14

Les principes fonctionnels


Document 9. TUE, article 1 (extraits) et TFUE, article 15
Document 10. MONTALIVET (de) P., « Gouvernance et participation. Propos introductifs », in MONTALIVET
(de) P. (dir.), Gouvernance et participation, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp. 1-15 (extraits)
Document 11. CDFUE, art. 4
Document 12. CHEVALIER E., Bonne administration et Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2014, 540 p.
(extraits)

Exercice à préparer :

Commentez l’arrêt CJ, 14 avril 2015, Conseil c. Commission, aff. C-409/13


(document 7)

I. LES PRINCIPES ORGANIQUES

Document 1 :
TUE, articles 4 et 13 (extraits)
Article 4

[…]
3. En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et s'assistent mutuellement
dans l'accomplissement des missions découlant des traités.
Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations
découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union.
Les États membres facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure
susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union.

Article 13

1. L’Union dispose d’un cadre institutionnel visant à promouvoir ses valeurs, poursuivre ses objectifs, servir ses
intérêts, ceux de ses citoyens, et ceux des États membres, ainsi qu’à assurer la cohérence, l'efficacité et la continuité
de ses politiques et de ses actions.

[…]

2. Chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités,
conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci. Les institutions pratiquent entre elles une
coopération loyale.

[…]

31
Document 2 :
CJ [GC], 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie c. Conseil, C-643/15 et C-647/15

b) Appréciation de la Cour manière certaine les bases juridiques habilitant les


institutions de l’Union à adopter des actes législatifs et
57. Il y a lieu d’examiner, en premier lieu, si, ainsi que de distinguer ces bases de celles ne pouvant servir que
le soutient la Hongrie, l’article 78, paragraphe 3, TFUE de fondement à l’adoption d’actes non législatifs.
doit être interprété en ce sens que les actes adoptés en
vertu de cette disposition doivent être qualifiés d’« 64. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la
actes législatifs », au motif que l’exigence d’une Hongrie, il ne peut être déduit de la référence à
consultation du Parlement que prévoit ladite l’exigence, figurant dans la disposition des traités qui
disposition constituerait une forme de participation de sert de base juridique de l’acte en cause, d’une
cette institution de l’Union, au sens de l’article 289, consultation du Parlement que la procédure législative
paragraphe 2, TFUE, de sorte que l’adoption de tels spéciale s’appliquerait à l’adoption de cet acte.
actes devrait obéir à la procédure législative spéciale, ce
qui n’a pas été le cas de la décision attaquée. 65. En l’occurrence, l’article 78, paragraphe 3, TFUE,
s’il prévoit que le Conseil adopte les mesures
58. Aux termes de l’article 289, paragraphe 3, TFUE, provisoires y visées sur proposition de la Commission
les actes juridiques adoptés par procédure législative et après consultation du Parlement, ne comporte
constituent des actes législatifs. Partant, les actes non aucune référence expresse ni à la procédure législative
législatifs sont ceux qui sont adoptés par une ordinaire ni à la procédure législative spéciale. En
procédure autre qu’une procédure législative. revanche, l’article 78, paragraphe 2, TFUE dispose
expressément que les mesures énumérées aux points a)
59. La distinction entre actes législatifs et non législatifs à g) de cette disposition sont adoptées « conformément
revêt une importance certaine, dès lors que seule à la procédure législative ordinaire ».
l’adoption d’actes législatifs est assujettie au respect de
certaines obligations tenant, notamment, à la 66. Eu égard à ce qui précède, il doit être considéré que
participation des parlements nationaux conformément des mesures susceptibles d’être adoptées sur le
aux articles 3 et 4 du protocole (no 1) et aux articles 6 fondement de l’article 78, paragraphe 3, TFUE doivent
et 7 du protocole (no 2), ainsi qu’à l’exigence, être qualifiées d’« actes non législatifs », parce qu’elles
découlant de l’article 16, paragraphe 8, TUE et de ne sont pas adoptées à l’issue d’une procédure
l’article 15, paragraphe 2, TFUE, selon laquelle le législative.
Conseil siège en séance publique lorsqu’il délibère et
vote sur un projet d’acte législatif. 67. Le Conseil, lorsqu’il a arrêté la décision attaquée, a
dès lors considéré à bon droit que cette décision devait
60. Il ressort en outre d’une lecture combinée des être adoptée suivant une procédure non législative et
dispositions de l’article 289, paragraphe 1, et de l’article constituait, partant, un acte non législatif de l’Union.
294, paragraphe 1, TFUE que la procédure législative
ordinaire, caractérisée par l’adoption conjointe d’un 68. En conséquence, se pose, en second lieu, la
acte du droit de l’Union par le Parlement et le Conseil question de savoir si, ainsi que le soutiennent la
sur proposition de la Commission, s’applique République slovaque et la Hongrie, l’article 78,
uniquement si la disposition des traités constituant la paragraphe 3, TFUE ne pouvait servir de base
base juridique de l’acte en cause « fait référence » à une juridique à l’adoption de la décision attaquée, au motif
telle procédure législative. que cette décision constitue un acte non législatif qui
déroge à plusieurs actes législatifs, alors que seul un
61. S’agissant de la procédure législative spéciale, acte législatif pourrait déroger à un autre acte législatif.
caractérisée quant à elle par le fait qu’elle prévoit
l’adoption d’un acte de l’Union soit par le Parlement 69. À cet égard, le considérant 23 de la décision
avec la participation du Conseil, soit par le Conseil avec attaquée indique que la relocalisation depuis l’Italie et
la participation du Parlement, l’article 289, paragraphe la Grèce prévue par cette décision implique une «
2, TFUE dispose qu’elle s’applique « dans les cas dérogation temporaire » à certaines dispositions d’actes
spécifiques prévus par les traités ». législatifs du droit de l’Union, dont l’article 13,
paragraphe 1, du règlement Dublin III, en vertu duquel
62. Il en découle qu’un acte juridique ne peut être la République hellénique ou la République italienne
qualifié d’acte législatif de l’Union que s’il a été adopté auraient été en principe responsables de l’examen
sur le fondement d’une disposition des traités qui se d’une demande de protection internationale sur la base
réfère expressément soit à la procédure législative des critères énoncés au chapitre III dudit règlement, et
ordinaire, soit à la procédure législative spéciale. l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 516/2014,
qui exige le consentement du demandeur d’une
63. Une telle approche systémique assure la sécurité protection internationale.
juridique nécessaire lors des procédures d’adoption
d’actes de l’Union, en ce qu’elle permet d’identifier de

32
70. L’article 78, paragraphe 3, TFUE ne définit pas la membre responsable de l’examen d’une demande
nature des « mesures provisoires » pouvant être d’asile ou de protection subsidiaire, qui fait l’objet d’un
adoptées en vertu de cette disposition. ensemble complet de règles, au premier rang
desquelles figurent celles prévues par le règlement
71. Ainsi, le libellé de ladite disposition ne saurait, Dublin III.
contrairement à ce que soutiennent la République
slovaque et la Hongrie, étayer, en lui-même, une 77. Au vu de ce qui précède, la notion de « mesures
interprétation restrictive de la notion de « mesures provisoires », au sens de l’article 78, paragraphe 3,
provisoires », impliquant que celle-ci ne viserait que TFUE, doit revêtir une portée suffisamment large afin
des mesures d’accompagnement appuyant un acte de permettre aux institutions de l’Union de prendre
législatif adopté sur la base de l’article 78, paragraphe toutes les mesures provisoires nécessaires pour
2, TFUE et portant, en particulier, sur un soutien répondre de manière effective et rapide à une situation
financier, technique ou opérationnel apporté aux États d’urgence caractérisée par un afflux soudain de
membres se trouvant dans une situation d’urgence ressortissants de pays tiers.
caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de
pays tiers. 78. Si, dans cette perspective, il doit être admis que les
mesures provisoires adoptées sur le fondement de
72. Ce constat est corroboré par l’économie générale l’article 78, paragraphe 3, TFUE peuvent en principe
et les objectifs des dispositions figurant à l’article 78, également déroger à des dispositions d’actes législatifs,
paragraphes 2 et 3, TFUE. de telles dérogations doivent néanmoins être encadrées
quant à leur champ d’application tant matériel que
73. Il s’agit en effet de deux dispositions de droit temporel, de manière à ce qu’elles se limitent à
primaire de l’Union distinctes poursuivant des répondre de manière rapide et effective, par un
objectifs différents et ayant des conditions dispositif provisoire, à une situation de crise précise, ce
d’application propres qui fournissent une base qui exclut que ces mesures puissent avoir pour objet
juridique pour l’adoption, s’agissant de l’article 78, ou pour effet de remplacer ou de modifier de manière
paragraphe 3, TFUE, de mesures provisoires à permanente et générale ces actes législatifs,
caractère non législatif visant à répondre à brève contournant ainsi la procédure législative ordinaire
échéance à une situation d’urgence donnée à laquelle prévue à l’article 78, paragraphe 2, TFUE.
des États membres seraient confrontés, et, pour ce qui
concerne l’article 78, paragraphe 2, TFUE, d’actes à 79. Or, en l’occurrence, il y a lieu de constater que les
caractère législatif qui visent à régler, pour une durée dérogations prévues par la décision attaquée obéissent
indéterminée et de manière générale, un problème à cette exigence d’un encadrement de leur champ
structurel se posant dans le cadre de la politique d’application matériel et temporel et qu’elles n’ont ni
commune de l’Union en matière d’asile. pour objet ni pour effet de remplacer ou de modifier
de manière permanente des dispositions d’actes
74. Partant, lesdites dispositions revêtent un caractère législatifs.
complémentaire, permettant à l’Union d’adopter, dans
le cadre de cette politique commune, des mesures 80. En effet, les dérogations à des dispositions
diversifiées afin de se doter des outils nécessaires, particulières d’actes législatifs que prévoit la décision
notamment, pour répondre de manière effective, tant attaquée ne s’appliquent que pendant une période de
à court terme que sur le long terme, à des situations de deux ans, sous réserve de la possibilité d’une
crise migratoire. prorogation de ce délai prévue à l’article 4, paragraphe
5, de la décision attaquée, et expireront, en
75. À cet égard, une interprétation restrictive de la l’occurrence, le 26 septembre 2017. De plus, elles
notion de « mesures provisoires » figurant à l’article 78, concernent un nombre limité de 120 000 ressortissants
paragraphe 3, TFUE, selon laquelle celle-ci ne de certains pays tiers, ayant introduit une demande de
permettrait que l’adoption de mesures protection internationale en Grèce ou en Italie, qui
d’accompagnement s’ajoutant aux actes législatifs possèdent l’une des nationalités visées à l’article 3,
adoptés sur le fondement de l’article 78, paragraphe 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, qui seront
TFUE et non des mesures dérogeant à de tels actes, relocalisés à partir de l’un de ces deux États membres
outre qu’elle ne trouve pas d’appui dans le texte de et qui sont arrivés ou arriveront dans lesdits États
l’article 78, paragraphe 3, TFUE, réduirait également membres entre le 24 mars 2015 et le 26 septembre
de manière significative son effet utile, dès lors que 2017.
lesdits actes ont couvert ou peuvent couvrir les
différents aspects du système européen commun 81. Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que,
d’asile, énumérés aux points a) à g) de l’article 78, par l’adoption de la décision attaquée sur le fondement
paragraphe 2, TFUE. de l’article 78, paragraphe 3, TFUE, la procédure
législative ordinaire prévue à l’article 78, paragraphe 2,
76. Il en va ainsi spécifiquement de la matière visée à TFUE aurait été contournée.
l’article 78, paragraphe 2, sous e), TFUE, relative aux
critères et aux mécanismes de détermination de l’État

33
82. Eu égard à ce qui précède, la circonstance que la d’une violation de l’article 10, paragraphes 1 et 2, TUE,
décision attaquée, dont la qualification d’acte non de l’article 13, paragraphe 2, TUE, ainsi que des
législatif ne saurait être remise en cause, emporte des principes de sécurité juridique, de démocratie
dérogations à des dispositions particulières d’actes représentative et de l’équilibre institutionnel.
législatifs n’était pas de nature à empêcher son
adoption sur le fondement de l’article 78, paragraphe 84. Partant, le deuxième moyen de la République
3, TFUE. slovaque et le premier moyen de la Hongrie doivent
être rejetés comme non fondés.
83. Pour les mêmes motifs, il convient également de
rejeter l’argumentation de la République slovaque tirée

Document 3 :
COSTA O., « Que peut le Parlement européen ? », Pouvoirs, 2014/2, n° 149, pp. 77-89 (extraits)

Il faut donc analyser l’influence du [Parlement européen (PE)] dans le système politique de l’Union avec précaution.
Elle résulte de la conjonction de plusieurs facteurs.

Le premier est, bien évidemment, la montée en puissance des pouvoirs formels du PE et, plus particulièrement, la
manière dont la Commission et le Conseil en ont pris acte. Si l’on se réfère à l’explication institutionnaliste historique
de l’accroissement des pouvoirs du PE, qui insiste sur le rôle joué par le PE lui-même dans la conquête de ses pouvoirs,
on comprend mal pourquoi la Commission et le Conseil auraient choisi de privilégier la coopération avec une assemblée
aussi menaçante. L’explication intergouvernementale de la croissance des pouvoirs du PE rend l’apaisement des
relations interinstitutionnelles plus logique : si les États membres consentent à l’accroissement des pouvoirs du PE, il
est normal qu’ils en tirent les conséquences et envisagent de collaborer réellement avec lui. Il reste que l’intention des
négociateurs n’est pas réellement de renforcer l’influence du PE, mais plutôt de répondre à une injonction
démocratique a minima. Il faut donc adopter un point de vue « cognitiviste » et prendre en compte le rôle joué par le
PE dans la diffusion de l’idée selon laquelle la réduction du déficit démocratique et la réconciliation de l’Union avec
ses citoyens passent nécessairement par sa « parlementarisation » accrue. Les responsables politiques nationaux
évoluant tous dans des régimes parlementaires, fondés sur le principe de la souveraineté parlementaire, les députés
européens ont pu aisément imposer cette équation.

Il convient, en second lieu, de prendre en compte la capacité d’innovation institutionnelle du PE. On ne souscrit pas
à l’idée selon laquelle il serait en mesure de contraindre systématiquement les représentants des États membres à lui
attribuer de nouveaux pouvoirs ; l’existence de quelques cas avérés ne permet pas d’élaborer une théorie de portée
générale. En revanche, il faut reconnaître que les députés sont passés maîtres dans l’art de créer des rapports de forces
et de rationaliser le fonctionnement de leur propre institution afin d’en maximiser l’influence dans le processus
décisionnel courant. Ils jouissent pour cela de nombreuses ressources : une totale indépendance de leur institution, qui
ne peut pas être dissoute ; une liberté complète d’organisation de leur délibération (à l’exception de la question du
siège) et de définition de leur agenda ; une grande autonomie vis-à-vis des partis nationaux ; un cadre institutionnel
évolutif, comportant des zones d’ombre propices à l’extension des pouvoirs de l’assemblée.

Le fonctionnement du PE se caractérise aujourd’hui par une organisation minutieuse de toutes les activités de
l’assemblée plénière et des autres organes (commissions, bureau, délégations…). Ce processus s’est traduit par un
renforcement constant des organes hiérarchiques de l’assemblée et par une délégation croissante du travail législatif et
de contrôle aux commissions parlementaires. Il a également conféré un rôle central aux groupes politiques et à leurs
responsables, au détriment des possibilités d’initiative individuelle des députés.

Malgré les critiques des députés à l’endroit de la Commission, l’objectif de « better regulation » [« mieux légiférer » en
français] que celle-ci avance depuis 2001 trouve un écho croissant au sein du PE. La préoccupation n’est pas nouvelle
: elle se situe dans la continuité des efforts déployés par les responsables de l’assemblée depuis l’entrée en vigueur de
l’Acte unique européen et par les membres permanents de la délégation du PE au Comité de conciliation depuis l’entrée
en vigueur du traité de Maastricht. Ces derniers ont, dès 1994, milité en faveur de la réduction du nombre et de la
longueur des rapports et des amendements parlementaires, ainsi que de l’amélioration de leur « qualité juridique ». Dans
leurs rapports annuels, ils ont appelé de manière répétée à des réformes permettant aux députés de se concentrer sur
les dossiers importants et de produire des textes moins susceptibles d’être critiqués par le Conseil et la Commission
sur le plan juridique – et, incidemment, plus aisés à défendre dans les négociations interinstitutionnelles. Ces
recommandations ont été suivies d’effet puisque le PE produit de moins en moins de rapports.

34
Cette tendance s’est poursuivie avec le pre-cooking des textes – qu’il ne reste donc plus qu’à réchauffer ensuite – dans
le cadre d’un trilogue entre PE, Commission et Conseil, dès la publication de la proposition législative. Dans ce
contexte, même si le PE reste porteur d’exigences politiques, ses représentants ont fortement intégré la nécessité
d’aboutir à des textes juridiquement cohérents, de défendre des points de vue acceptables par leurs interlocuteurs et
d’avoir une connaissance technique approfondie des dossiers. D’une manière générale, le PE a peu à peu abandonné
la stratégie du rapport de forces et du conflit pour promouvoir une logique d’influence plus diffuse et plus policée –
et, par conséquent, plus difficile à évaluer.

L’évolution des rapports entre les institutions est également le produit de changements intervenus au sein du Conseil
et de la Commission. La perspective de l’élargissement de 2004, combinée aux difficultés politiques de l’intégration
européenne, a fait craindre le pire aux membres du Conseil. Désireux d’éviter à tout prix un blocage de la décision, ils
ont choisi de se rapprocher des représentants du PE afin de définir de nouvelles modalités de décision et d’éviter,
autant que faire se pouvait, les conflits interinstitutionnels. Ce processus a été favorisé par la montée en puissance de
la présidence du Conseil – qui vient compenser l’émiettement des positions produit par les élargissements successifs –
ainsi que par le leadership croissant exercé par le président de la Commission sur le collège des commissaires.

Doit être mentionné, en dernier lieu, le rôle joué par les administrations dans ce processus de rapprochement. Sous la
pression de leurs services administratifs respectifs, les représentants des trois institutions ont accepté de mieux prendre
en compte les impératifs de calendrier et de mettre en place des formes de planification chronologique à rebours
permettant une programmation législative plus efficace.

LES ENJEUX POLITIQUES DE LA GENERALISATION DES TRILOGUES

La généralisation des trilogues, des accords précoces et du pre-cooking des textes dans le cadre de négociations
obscures n’est pas qu’une évolution technique. Elle conditionne directement l’influence des différentes institutions.
La multiplication des accords précoces au cours depuis 2005 découle des choix opérés par les responsables des
institutions. Ces derniers, à travers l’adoption de codes de bonne conduite et de directives à usage interne, la
modification du règlement intérieur de leurs institutions et la définition d’une ligne tendant à favoriser la recherche
d’accords précoces dans le cadre du trilogue, ont institutionnalisé la recherche du compromis.

La présidence du Conseil apparaît à la fois comme la grande gagnante et la principale promotrice des accords en
première lecture, ce qui l’autorise à afficher un bilan flatteur au terme de son mandat semestriel. La durée moyenne de
la procédure législative ne permet en effet pas à la présidence d’espérer l’adoption d’un texte dont elle a fait une priorité
dans son programme avant la fin de son semestre d’exercice sans avoir recours à un accord précoce. En outre, les
trilogues donnent à la présidence un rôle prépondérant dans les négociations.

La Commission n’a, a priori, intérêt à la mise en œuvre du trilogue que si l’accord final comprend les éléments
fondamentaux de sa proposition. Ceci étant, dans la mesure où la procédure de codécision prévoit que la Commission
ne peut modifier sa proposition que tant que la première lecture n’est pas achevée, le recours à la stratégie de l’accord
précoce lui permet de rester impliquée dans la discussion. Au contraire, dès que la seconde lecture est enclenchée, elle
ne peut plus faire évoluer sa proposition pour faciliter un accord entre le Conseil et le PE ; cet accord risque alors de
s’opérer sur la base d’amendements susceptibles de dénaturer la proposition initiale.

Le PE semble être l’institution qui a le moins à gagner dans ce processus. S’agissant de sa capacité à négocier, il apparaît
que ses représentants (rapporteur, président de la commission saisie au fond, vice-présidents en charge de la codécision)
disposent de moyens d’expertise bien moindres que ceux du Conseil et de la Commission. Ils sont aussi les moins à
même d’invoquer la pression de leur institution pour refuser de faire des concessions. En outre, alors que le PE a
conquis ses pouvoirs au nom d’une plus grande transparence de la décision et qu’il est par essence une institution
devant délibérer publiquement, les trilogues le contraignent à promouvoir une gouvernance opaque et élitiste.
Cependant, ils s’inscrivent dans le processus de « rationalisation » de la délibération qui est à l’œuvre depuis le milieu
des années 1980 et emporte l’adhésion des responsables des deux principaux groupes politiques.

Les trilogues posent également problème en raison de leur impact sur le rôle et l’attitude des différents acteurs et
organes au sein même des institutions. La généralisation de cette pratique conduit en effet à renforcer les positions des
acteurs qui sont directement impliqués dans la négociation, au détriment de leurs pairs, qui sont au mieux appelés à
valider les accords, sans être toujours bien au fait des enjeux que ceux-ci recouvrent. Cette situation suscite des débats
et réflexions au sein de toutes les institutions.

Certains critiquent aussi les évolutions de la nature des trilogues : alors qu’ils aboutissaient, à l’origine, à des accords
très précoces sur des sujets essentiellement techniques, ils conduisent désormais à des accords plus ou moins précoces,
mais toujours informels, sur des dossiers beaucoup plus sensibles. Dans certains cas, et non des moindres, ils

35
constituent un moyen – dont l’Union a toujours été avide – d’euphémiser les conflits, qu’ils soient nationaux, partisans
ou interinstitutionnels.

Document 4 :
CJUE, 25 juillet 2018, M.L., aff. C-220/18 PPU

Sur l’examen des conditions de détention 94. En l’occurrence, de l’avis même de la juridiction de
renvoi, les informations à sa disposition concernant les
90. En l’absence de règles minimales, dans le droit de conditions d’incarcération dans le centre de détention
l’Union, concernant les conditions de détention, il de Szombathely, dans lequel il est constant que la
convient de rappeler que, ainsi qu’il a déjà été constaté personne concernée devrait purger l’essentiel de la
dans l’arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C peine privative de liberté lui ayant été infligée en
404/15 et C 659/15 PPU, EU:C:2016:198, point 90), Hongrie, conduisent à écarter l’existence d’un risque
l’article 3 de la CEDH fait peser sur les autorités de réel que cette personne fasse l’objet d’un traitement
l’État sur le territoire duquel a lieu une détention une inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la
obligation positive qui consiste à s’assurer que tout Charte, ce qu’aucun des intéressés ayant participé à la
prisonnier est détenu dans des conditions qui présente procédure n’a, au demeurant, contesté.
garantissent le respect de la dignité humaine, que les
modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas 95. Dans ces conditions, il incombe à l’autorité
l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une judiciaire d’exécution de vérifier si la personne
intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance concernée sera, en revanche, exposée à un tel risque
inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences dans le centre de détention de Budapest.
pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être
du prisonnier sont assurés de manière adéquate (Cour 96. La circonstance que la détention dans cet
EDH, 25 avril 2017, Rezmiveș et autres c. Roumanie, établissement ne soit prévue que pour la durée de la
CE:ECHR:2017:0425JUD 006146712, § 72). procédure de remise et ne doive pas de ce fait, selon
les informations fournies par les autorités de l’État
91. À cet égard, pour relever de l’article 3 de la CEDH, membre d’émission, excéder, en principe, trois
un mauvais traitement doit atteindre un seuil minimum semaines n’est pas déterminante à cet égard.
de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la
cause, notamment de la durée du traitement et de ses 97. Certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour
effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, européenne des droits de l’homme que la durée d’une
de l’âge et de l’état de santé de la victime (Cour EDH, période de détention peut, ainsi qu’il résulte déjà des
20 octobre 2016, Muršić c. Croatie, points 91 et 93 du présent arrêt, être un facteur
CE:ECHR:2016:1020JUD000733413, § 97 et 122). pertinent aux fins de l’appréciation de la gravité de la
souffrance ou de l’humiliation subies par un détenu du
92. Compte tenu de l’importance attachée au facteur fait de ses mauvaises conditions de détention (Cour
spatial dans l’appréciation globale des conditions de EDH, 20 octobre 2016, Muršić c. Croatie,
détention, le fait que l’espace personnel dont dispose CE:ECHR:2016:1020JUD000733413, § 131).
un détenu soit inférieur à 3 m² dans une cellule
collective fait naître une forte présomption de 98. Toutefois, la brièveté relative d’une période de
violation de l’article 3 de la CEDH (Cour EDH, 20 détention ne soustrait pas automatiquement à elle seule
octobre 2016, Muršić c. Croatie, CE:EC le traitement litigieux du champ d’application de
HR:2016:1020JUD000733413, § 124). l’article 3 de la CEDH lorsque d’autres éléments
suffisent pour le faire relever de cette disposition.
93. Cette forte présomption de violation de l’article 3
de la CEDH ne peut normalement être réfutée que si, 99. En outre, si la Cour européenne des droits de
premièrement, les réductions de l’espace personnel par l’homme a jugé que, lorsque le détenu dispose d’un
rapport au minimum requis de 3 m 2 sont courtes, espace de moins de 3 m², une période de détention de
occasionnelles et mineures, deuxièmement, elles quelques jours peut être assimilée à une courte période,
s’accompagnent d’une liberté de circulation suffisante une période avoisinant 20 jours, telle que celle
hors de la cellule et d’activités hors de la cellule envisagée dans l’affaire au principal par les autorités de
adéquates et, troisièmement, l’établissement offre de l’État membre d’émission, dont il n’est, de surcroît,
manière générale des conditions de détention décentes nullement exclu qu’elle puisse être prolongée dans le
et que la personne concernée n’est pas soumise à cas de la survenance de « circonstances contraires »
d’autres éléments considérés comme des circonstances non autrement spécifiées, ne saurait être considérée
aggravantes de mauvaises conditions de détention comme une courte période (voir, en ce sens, Cour
(Cour EDH, 20 octobre 2016, Muršić c. Croatie, EDH, 20 octobre 2016, Muršić c. Croatie,
CE:ECHR:2016:1020JUD000733413, § 138). CE:ECHR:2016:1020JUD000733413, § 146, 152 et
154).

36
100. Il en résulte que le caractère temporaire ou 105. Lors de l’audience, le ministère public de Brême a
transitoire d’une détention dans de telles conditions ainsi indiqué n’avoir jamais reçu de réponse à ce type
n’est pas, à lui seul, de nature à écarter tout risque réel de demandes d’informations, que la juridiction de
de traitement inhumain ou dégradant, au sens de renvoi adresserait systématiquement aux autorités de
l’article 4 de la Charte. trois États membres d’émission, dont la Hongrie. Il a
précisé qu’une telle pratique avait pour conséquence
101. Dans ces conditions, si l’autorité judiciaire que, en l’absence de décision de cette juridiction
d’exécution estime que les informations à sa approuvant la remise, aucun mandat d’arrêt européen
disposition sont insuffisantes pour lui permettre émis par une juridiction de l’un de ces trois États
d’adopter une décision sur la remise, elle peut, ainsi membres ne serait plus désormais exécuté par ce
qu’il a déjà été constaté au point 63 du présent arrêt, ministère public.
demander à l’autorité judiciaire d’émission,
conformément à l’article 15, paragraphe 2, de la 106. Cela étant, il est constant que, en réponse à la
décision cadre, la fourniture d’urgence des demande du 10 janvier 2018, les autorités hongroises
informations complémentaires qu’elle juge nécessaires, ont fourni au ministère public de Brême, dans leurs
afin d’obtenir des précisions sur les conditions de lettres des 20 septembre 2017 et 27 mars 2018,
détention concrètes et précises de la personne l’assurance que la personne concernée ne subira, en
concernée dans l’établissement pénitentiaire en cause. raison de sa détention en Hongrie, aucun traitement
inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la
102. En l’occurrence, il ressort des éléments soumis à Charte, quel que soit l’établissement dans lequel elle
la Cour que les autorités hongroises n’ont pas apporté sera incarcérée.
de réponses aux 78 questions qui leur ont été adressées
le 10 janvier 2018, conformément à l’ordonnance de la 107. Il convient, dès lors, d’examiner si et dans quelle
juridiction de renvoi du 9 janvier 2018, par le ministère mesure une telle assurance peut être prise en compte
public de Brême, concernant les conditions de par l’autorité judiciaire d’exécution aux fins de prendre
détention existant dans le centre de détention de sa décision sur la remise de la personne concernée.
Budapest ainsi que dans tout autre établissement dans
lequel la personne concernée pourrait, le cas échéant, Sur la prise en compte des assurances fournies par les
être incarcérée. autorités de l’État membre d’émission

103. Si plusieurs de ces questions, prises 108. Il convient de rappeler que l’article 15, paragraphe
individuellement, sont pertinentes aux fins de procéder 2, de la décision cadre autorise explicitement l’autorité
à l’examen des conditions concrètes et précises de judiciaire d’exécution, lorsqu’elle estime que les
détention de la personne concernée en fonction des informations communiquées par l’État membre
éléments visés au point 93 du présent arrêt, il apparaît d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de
cependant, ainsi que M. l’avocat général l’a également, décider la remise, à demander la fourniture d’urgence
en substance, relevé au point 76 de ses conclusions, des informations complémentaires nécessaires. En
que lesdites questions, du fait de leur nombre, de leur outre, selon l’article 15, paragraphe 3, de la décision-
portée, visant tout établissement pénitentiaire dans cadre, l’autorité judiciaire d’émission peut, à tout
lequel la personne concernée pourrait être incarcérée, moment, transmettre toutes les informations
et de leur contenu, couvrant des aspects de la détention additionnelles utiles à l’autorité judiciaire d’exécution.
sans pertinence évidente aux fins dudit examen, tels
que, notamment, l’exercice d’un culte, la possibilité de 109. Par ailleurs, en vertu du principe de coopération
fumer, les modalités de nettoyage des vêtements ainsi loyale inscrit à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa,
que l’installation de grilles ou de persiennes aux TUE, l’Union et les États membres se respectent et
fenêtres des cellules, rendaient, en pratique, impossible s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des
toute réponse utile par les autorités de l’État membre missions qui découlent des traités (arrêt du 6
d’émission, compte tenu, en particulier, des brefs délais septembre 2016, Petruhhin, C 182/15,
prévus à l’article 17 de la décision-cadre pour EU:C:2016:630, point 42).
l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.
110. Conformément à ces dispositions, l’autorité
104. Une demande de cette nature, qui aboutit à judiciaire d’exécution et l’autorité judiciaire d’émission
paralyser le fonctionnement du mandat d’arrêt peuvent, respectivement, demander des informations
européen, n’est pas compatible avec l’obligation de ou fournir des assurances concernant les conditions
coopération loyale, inscrite à l’article 4, paragraphe 3, concrètes et précises dans lesquelles la personne
premier alinéa, TUE, qui doit présider au dialogue concernée sera détenue dans l’État membre
entre les autorités judiciaires d’exécution et les d’émission.
autorités judiciaires d’émission, dans le cadre,
notamment, de la communication d’informations en 111. L’assurance fournie par les autorités compétentes
application de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la de l’État membre d’émission que la personne
décision-cadre. concernée ne subira pas un traitement inhumain ou
dégradant du fait de ses conditions concrètes et

37
précises de détention quel que soit l’établissement judiciaire d’exécution ne saurait ignorer. En effet, ainsi
pénitentiaire dans lequel elle sera incarcérée dans l’État que M. l’avocat général l’a relevé au point 64 de ses
membre d’émission est un élément que l’autorité conclusions, la violation d’une telle assurance, en ce
qu’elle est susceptible de lier son auteur, pourrait être 114. Dès lors qu’elle n’émane pas d’une autorité
invoquée à l’encontre de ce dernier devant les judiciaire, la garantie que représente une telle assurance
juridictions de l’État membre d’émission. doit être déterminée en procédant à une appréciation
globale de l’ensemble des éléments à la disposition de
112. Lorsque cette assurance a été apportée ou, à tout l’autorité judiciaire d’exécution.
le moins, approuvée par l’autorité judiciaire
d’émission, au besoin, après avoir requis l’assistance de 115. Or, à cet égard, il y a lieu d’observer que
l’autorité centrale ou de l’une des autorités centrales de l’assurance fournie par le ministère de la Justice
l’État membre d’émission au sens de l’article 7 de la hongrois semble corroborée par les informations dont
décision-cadre, l’autorité judiciaire d’exécution, eu dispose le ministère public de Brême. En effet, en
égard à la confiance réciproque qui doit exister entre réponse aux questions de la Cour, ce dernier a exposé,
les autorités judiciaires des États membres, et sur lors de l’audience, que ces éléments, qui résultent, en
laquelle est fondé le système du mandat d’arrêt particulier, de l’expérience acquise lors des procédures
européen, doit se fier à celle ci, du moins en l’absence de remise mises en œuvre avant le prononcé de l’arrêt
de tout élément précis permettant de penser que les du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C-404/15 et C
conditions de détention existant au sein d’un centre de 659/15 PPU, EU:C:2016:198), lui permettent de
détention déterminé sont contraires à l’article 4 de la considérer que les conditions de détention au sein de
Charte. l’établissement pénitentiaire de Budapest, par lequel
transite toute personne faisant l’objet d’un mandat
113. En l’occurrence, l’assurance donnée par le d’arrêt européen émis par les autorités hongroises, ne
ministère de la Justice hongrois le 20 septembre 2017, sont pas contraires à l’article 4 de la Charte.
et réitérée le 27 mars 2018, que la personne concernée
ne sera soumise à aucun traitement inhumain ou 116. Dans ces conditions, la remise de la personne
dégradant du fait de ses conditions de détention en concernée aux autorités hongroises paraît permise
Hongrie n’a cependant été ni fournie ni approuvée par dans le respect de l’article 4 de la Charte, ce qu’il
l’autorité judiciaire d’émission, ce que le gouvernement incombe cependant à la juridiction de renvoi de
hongrois a explicitement confirmé lors de l’audience. vérifier.

Document 5 :
CJCE [GC], 31 janvier 2006, Commission c. Espagne (Farid et Bouchair), aff. C-503/03

Sur le premier grief qui ont justifié l’intégration de ce signalement dans le


SIS. Il souligne que, ainsi qu’il ressort de la déclaration
Argumentation des parties du 18 avril 1996, les États contractants ont accepté le
principe selon lequel l’inscription dans le SIS de
39. La Commission reproche au Royaume d’Espagne bénéficiaires du droit communautaire ne peut être
d’avoir méconnu les dispositions de la directive effectuée et maintenue que si elle est compatible avec
64/221 en refusant l’entrée sur son territoire et la le droit communautaire. Dès lors, l’existence d’une
délivrance d’un visa à deux ressortissants d’un État telle inscription pourrait légitimement être considérée
tiers, conjoints de ressortissants d’un État membre, au comme l’indice d’une menace réelle et grave.
seul motif qu’ils étaient signalés dans le [Système
d’information Schengen (SIS)] aux fins de non Appréciation de la Cour
admission. Elle rappelle que, selon une jurisprudence
constante, l’accès au territoire d’un État membre ne 41. Reconnaissant l’importance d’assurer la protection
peut être refusé à un citoyen de l’Union ou à un de la vie familiale des ressortissants des États membres
membre de sa famille que lorsque l’intéressé représente afin d’éliminer les obstacles à l’exercice des libertés
une menace réelle et suffisamment grave, affectant un fondamentales garanties par le traité CE (arrêts du 11
intérêt fondamental de la société (arrêts du 28 octobre juillet 2002, Carpenter, C-60/00, Rec. p. I-6279, point
1975, Rutili, 36/75, Rec. p. 1219, point 28, et du 27 38, et du 25 juillet 2002, MRAX, C 459/99, Rec. p. I-
octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. p. 1999, point 6591, point 53), le législateur communautaire a
35). largement étendu, dans les règlements et directives
relatifs à la libre circulation des personnes, l’application
40. Le gouvernement espagnol relève que, à du droit communautaire en matière d’entrée et de
l’exception du cas particulier des demandes de séjour, séjour sur le territoire des États membres aux
il n’existe aucune règle dans la CAAS obligeant un État ressortissants d’États tiers, conjoints de ressortissants
contractant à consulter l’État qui a procédé à un d’États membres. Si les États membres peuvent,
signalement aux fins de non admission sur les motifs lorsqu’un ressortissant d’un État membre se déplace à

38
l’intérieur de la Communauté en vue d’exercer les Bouchair, ressortissants d’un État tiers, avaient
droits qui lui sont conférés par ledit traité et par les dûment justifié de leur statut de conjoints de
dispositions prises pour son application, imposer un ressortissants d’un État membre, se sont bornées, pour
visa d’entrée à son conjoint, ressortissant d’un État refuser aux intéressés l’entrée dans l’espace Schengen,
tiers, les États membres doivent toutefois accorder à à constater l’existence, dans le SIS, de signalements aux
ce dernier toutes facilités pour obtenir le visa qui lui est fins de non admission ne comportant pas l’indication
nécessaire. de leur motif.

42. En l’espèce, il est constant que MM. Farid et 55. Dans une telle situation, les autorités espagnoles
Bouchair, ressortissants d’États tiers, tiraient de leur n’étaient pas justifiées à refuser cette entrée aux
statut de conjoints de ressortissants d’un État membre intéressés sans avoir auparavant vérifié si leur présence
le droit d’entrer sur le territoire des États membres ou constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment
d’obtenir un visa à cet effet. grave affectant un intérêt fondamental de la société.

[…] 56. Dans le cadre de cette vérification, il convient de


relever que, si le principe de coopération loyale qui est
49. Or, en vertu des articles 5 et 15 de la [Convention à la base de l’acquis de Schengen implique que l’État
d’application de l’Accord de Schengen (CAAS)], qui consulte le SIS tienne dûment compte des
l’entrée dans l’espace Schengen ou la délivrance d’un indications fournies par l’État signalant, il implique
visa à cet effet ne peut, en principe, être accordée à également que ce dernier doit tenir à la disposition du
l’étranger qui est signalé aux fins de non-admission. premier les informations complémentaires lui
permettant d’apprécier concrètement l’importance de
50. Il s’ensuit que, dans le mécanisme prévu par la la menace que la personne signalée est susceptible de
CAAS, une personne relevant du champ d’application représenter.
de la directive 64/221, telle que le ressortissant d’un
État tiers, conjoint d’un ressortissant d’un État 57. Le réseau de bureaux Sirene a précisément été mis
membre, risque de se voir privée, dans le cas d’un en place afin de renseigner les autorités nationales
signalement aux fins de non admission, de la confrontées à un problème dans l’exécution d’un
protection prévue par ladite directive. signalement. Selon le point 2.2.1 du manuel Sirene, le
système mis en place doit permettre de répondre le
51. C’est pour prévenir ce risque que les États plus rapidement possible aux demandes
contractants se sont engagés, dans la déclaration du 18 d’informations formulées par les autres parties
avril 1996, à ne procéder au signalement aux fins de contractantes, le délai de réponse ne devant pas être
non admission d’un bénéficiaire du droit supérieur à douze heures.
communautaire que si les conditions requises par ce
dernier sont remplies. 58. En tout état de cause, le délai de réponse à une
demande d’informations ne saurait dépasser une durée
52 . Cela signifie qu’un État contractant ne peut raisonnable au regard des circonstances de l’espèce,
procéder au signalement d’un ressortissant d’un État lesquelles peuvent être appréciées différemment selon
tiers conjoint d’un ressortissant d’un État membre qu’il s’agit d’une demande de visa ou d’un
qu’après avoir constaté que la présence de cette franchissement de frontière. Dans ce dernier cas, il est
personne constitue une menace réelle, actuelle et impératif que les autorités nationales qui, ayant
suffisamment grave affectant un intérêt fondamental constaté qu’un ressortissant d’un État tiers, conjoint
de la société au sens de la directive 64/221. d’un ressortissant d’un État membre, a fait l’objet d’un
signalement dans le SIS aux fins de non-admission, ont
53. Dans ces conditions, l’inscription dans le SIS d’un demandé un complément d’information à l’État
ressortissant d’un État tiers conjoint d’un ressortissant signalant reçoivent de ce dernier une information
d’un État membre constitue certes un indice de rapide.
l’existence d’un motif justifiant que l’entrée dans
l’espace Schengen lui soit refusée. Toutefois, cet indice 59. Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a
doit être corroboré par des informations permettant à lieu de constater que, en refusant l’entrée dans l’espace
l’État membre qui consulte le SIS de constater, avant Schengen à M. Farid ainsi que la délivrance d’un visa
de refuser l’entrée dans l’espace Schengen, que la aux fins d’entrer dans cet espace à MM. Farid et
présence de l’intéressé dans ledit espace constitue une Bouchair, ressortissants d’un État tiers, conjoints de
menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant ressortissants d’un État membre, au seul motif qu’ils
un intérêt fondamental de la société. Dans ce contexte, étaient signalés dans le SIS aux fins de non-admission,
il convient de relever que l’article 94, sous i), de la sans avoir au préalable vérifié si la présence de ces
CAAS autorise expressément l’indication du motif du personnes constituait une menace réelle, actuelle et
signalement. suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la
société, le Royaume d’Espagne a manqué aux
54. Dans les deux cas à l’origine du présent recours, les obligations qui lui incombent en vertu des articles 1er
autorités espagnoles, vis-à-vis desquelles MM. Farid et à 3 de la directive 64/221.

39
Document 6 :
CJCE, 13 juillet 2004, Commission c. Italie, aff. C-82/03

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 février de ce gouvernement, la Commission a engagé la


2003, la Commission des Communautés européennes procédure prévue à l’article 226 CE. Après avoir mis la
a introduit, en vertu de l’article 226 CE, un recours République italienne en demeure de présenter ses
visant à faire constater que, en n’ayant pas coopéré de observations, la Commission a, le 18 juillet 2002, émis
façon loyale avec la Commission dans une affaire un avis motivé invitant cet État membre à prendre les
concernant la santé et la sécurité des travailleurs, la mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai
République italienne a manqué aux obligations qui lui de deux mois à compter de sa notification.
incombent en vertu de l’article 10 CE.
8. N’ayant reçu aucune réponse des autorités italiennes,
2. Ce dernier article dispose : la Commission a introduit le présent recours.

« Les États membres prennent toutes les mesures Sur le recours


générales ou particulières propres à assurer l’exécution
des obligations découlant du présent traité ou résultant Arguments des parties
des actes des institutions de la Communauté. Ils
facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission. 9. La Commission soutient avoir constaté l’absence de
Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de coopération de la part des autorités italiennes qui,
mettre en péril la réalisation des buts du présent malgré les nombreux contacts établis par elle, n’ont
traité. » fourni aucune information sur les faits signalés par le
plaignant. Par son silence obstiné, le gouvernement
La procédure précontentieuse italien aurait rendu vaine la recherche des éléments
factuels indispensables à l’examen détaillé de la
3. Au cours de l’année 2000, la Commission a été saisie réclamation. Ce manque de coopération ne serait
d’une plainte d’un opérateur économique concernant conforme ni à l’esprit ni à la lettre de l’obligation de
l’application, dans l’ordre juridique italien, de la coopération loyale qui pèse sur les États membres en
directive 89/655/CEE du Conseil, du 30 novembre vertu de l’article 10 CE.
1989, concernant les prescriptions minimales de
sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs 10. Le gouvernement italien fait valoir que le recours
au travail d’équipements de travail (deuxième directive est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.
particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la
directive 89/391/CEE) (JO L 393, p. 13). Selon le 11. Il soutient que la requête ne contient pas l’exposé
plaignant, les exigences de sécurité visées aux points du contexte factuel minimal, indispensable aux fins de
2.5, 2.8, 2.14, 2.16 et 2.19 de l’annexe I de la directive l’exercice des droits de la défense et de la décision
89/655 n’avaient pas été respectées dans une station juridictionnelle subséquente. En effet, ni de la requête
d’épuration des eaux usées. ni d’aucun des documents qui y sont annexés, il ne
ressortirait une information relative à la dénomination
4. Le 3 août 2000, la Commission a adressé à la et à la situation de la station faisant l’objet de la plainte.
République italienne une lettre de demande
d’informations concernant les faits reprochés, pour 12. Il en résulterait une difficulté objective pour les
pouvoir procéder à un examen plus attentif de la autorités italiennes dans l’identification des organes
situation. compétents de surveillance en matière de protection
des travailleurs afin de pouvoir diligenter rapidement
5. En l’absence de réponse des autorités italiennes à des contrôles ciblés. La responsabilité de l’impasse où
cette première lettre, la Commission a, le 19 mars 2001, se trouve cette affaire incomberait exclusivement à la
envoyé au même État membre une seconde lettre de Commission.
demande d’informations qui est également restée sans
réponse. Appréciation de la Cour

6. Il ressort desdites lettres que les infractions signalées 13. Le recours est recevable dans la mesure où la
par la plainte reçue par la Commission concernent une requête satisfait aux exigences des articles 21,
« station d’épuration située dans la commune de paragraphe 1, du statut de la Cour de justice et 38,
Mandello del Lario en Lombardie ». paragraphe 1, du règlement de procédure, notamment
en ce qui concerne l’identification de l’objet du litige et
7.Considérant notamment que l’absence de réponse l’exposé sommaire des moyens invoqués. Il s’agit du
des autorités italiennes implique l’absence de grief d’avoir violé l’article 10 CE en ne fournissant
coopération loyale au sens de l’article 10 CE de la part aucune information sur les faits reprochés dans une

40
plainte et exposés pour la première fois dans la lettre 17. L’indication du lieu faisant l’objet de la plainte
du 3 août 2000. La République italienne était apparaît clairement dans les lettres que la Commission
parfaitement en mesure d’exercer ses droits de la a adressées avant l’engagement de la procédure
défense quant à ce grief. précontentieuse et auxquelles elle se réfère dans sa
lettre de mise en demeure du 23 octobre 2001 ainsi que
14. Le recours est également fondé. dans l’avis motivé du 18 juillet 2002. Dès lors, les
autorités italiennes disposaient des éléments de fait
15. Il résulte de l’article 10 CE que les États membres leur permettant de répondre à la demande de la
sont tenus de coopérer de bonne foi à toute enquête Commission.
entreprise par la Commission en vertu de l’article 226
CE et de fournir à celle-ci toutes les informations 18. Par conséquent, il convient de constater que, en
demandées à cette fin (voir, notamment, arrêts du 11 n’ayant pas coopéré de façon loyale avec la
décembre 1985, Commission/Grèce, 192/84, Rec. p. Commission dans une affaire concernant la santé et la
3967, point 19, et du 6 mars 2003, sécurité des travailleurs dans une station d’épuration
Commission/Luxembourg, C 478/01, Rec. p. I-2351, située dans la commune de Mandello del Lario en
point 24). Lombardie (Italie), la République italienne a manqué
aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article
16. Or, la République italienne, même après y avoir été 10 CE.
invitée à maintes reprises, n’a pas fourni les
informations demandées.

Document 7 :
CJ, 14 avril 2015, Conseil c. Commission, aff. C-409/13

1 Par sa requête, le Conseil de l’Union européenne demande l’annulation de la décision de la Commission européenne
du 8 mai 2013 par laquelle celle-ci a retiré sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant
les dispositions générales relatives à l’assistance macrofinancière aux pays tiers (ci-après la «décision attaquée»).
Les antécédents du litige et la décision attaquée
La proposition de règlement-cadre

2 L’assistance macrofinancière (ci-après l’«AMF») a pour but d’accorder une aide financière de nature
macroéconomique à des pays tiers dont la balance des paiements connaît des difficultés à court terme. Initialement,
elle était octroyée par des décisions du Conseil adoptées, au cas par cas, sur la base de l’article 235 du traité CE, puis
de l’article 308 CE (auxquels correspond l’article 352 TFUE). Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’AMF
est accordée par des décisions prises au cas par cas, sur la base de l’article 212 TFUE, par le Parlement européen et le
Conseil, conformément à la procédure législative ordinaire, sans préjudice de la procédure d’urgence prévue à l’article
213 TFUE.

3 Le 4 juillet 2011, la Commission a présenté une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil,
fondé sur les articles 209 TFUE et 212 TFUE, établissant les dispositions générales relatives à l’assistance
macrofinancière aux pays tiers (ci-après la «proposition de règlement-cadre»).

6 L’article 2 de la proposition de règlement-cadre était relatif aux pays admissibles à l’AMF et renvoyait, à cet
égard, à une annexe I, intitulée «Pays et territoires admissibles en vertu de l’article 2, points a) et b)». Il prévoyait
également la possibilité d’accorder une telle assistance à des pays tiers autres que ceux visés dans cette annexe, dans
des cas exceptionnels dûment justifiés et pour autant que ces pays sont politiquement, économiquement et
géographiquement proches de l’Union.

11 À l’article 7, paragraphe 1, de cette proposition, il était prévu que le pays souhaitant bénéficier d’une AMF
adresse une demande écrite à la Commission.

12 L’article 7, paragraphe 2, de ladite proposition, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 2, de celle-ci,
disposait que, en cas de réunion des conditions visées aux articles 1er, 2, 4 et 6 de la même proposition, la Commission
accorde l’assistance sollicitée selon la procédure dite «d’examen» instituée à l’article 5 du règlement (UE) no 182/2011
du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux
modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO L 55,
p. 13).

14 L’article 7, paragraphe 4, de cette proposition, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 3, de celle-ci,
disposait que, après approbation de la décision d’octroi d’une AMF, la Commission arrête avec le pays tiers les mesures

41
de politique visées à l’article 6, paragraphes 3 à 6, de ladite proposition, selon la procédure dite «consultative» instituée
à l’article 4 du règlement no 182/2011.

15 L’article 7, paragraphe 5, de la proposition de règlement-cadre prévoyait que, après approbation de la décision


d’octroi d’une AMF, la Commission arrête les modalités financières de cette assistance avec le bénéficiaire, dans le
cadre d’une convention de don ou de prêt.
16 Les articles 8 et 9 de cette proposition confiaient à la Commission la responsabilité de la mise en œuvre, de la
gestion financière et du versement de l’AMF, ainsi que le pouvoir de suspendre, de réduire ou d’annuler ce versement
dans certaines hypothèses. L’article 10 de ladite proposition était relatif aux mesures d’appui.
17 Enfin, l’article 11 de la proposition de règlement-cadre était consacré à la protection des intérêts financiers de
l’Union, l’article 12 de celle-ci à l’évaluation de l’efficacité de l’AMF et l’article 13 de cette proposition au rapport annuel
de mise en œuvre de l’AMF.
18 Après plusieurs réunions du groupe de travail des conseillers financiers du Conseil, la proposition de
règlement-cadre a fait l’objet d’une «orientation générale» du Conseil, approuvée par le Comité des représentants
permanents (Coreper) le 15 décembre 2011. Dans cette «orientation générale», le Conseil a, notamment, proposé, en
ce qui concerne l’article 7, paragraphe 2, de cette proposition, de remplacer l’attribution d’une compétence d’exécution
à la Commission par l’application de la procédure législative ordinaire aux fins de l’adoption de chaque décision d’octroi
d’une AMF.

22 Des négociations qui se sont déroulées lors de la quatrième réunion tripartite, le 30 janvier 2013, il est ressorti
que le Parlement et le Conseil pouvaient s’entendre sur une solution consistant, dans le cadre du règlement proposé, à
recourir à la procédure législative ordinaire pour l’adoption de chaque décision d’octroi d’une AMF, à prévoir un acte
d’exécution de la Commission pour l’adoption du protocole d’accord avec le pays bénéficiaire et à déléguer à cette
dernière institution le pouvoir d’adopter certains actes liés à l’AMF octroyée.
23 Lors de la cinquième réunion tripartite, qui s’est tenue le 27 février 2013, les représentants du Parlement et
du Conseil ont confirmé leur volonté de préserver le recours à la procédure législative ordinaire pour l’adoption de
chaque décision d’octroi d’une AMF. Le représentant de la Commission a fait valoir que, une telle approche dénaturant
la proposition de règlement-cadre, la Commission pourrait envisager de retirer celle-ci.
24 Le remplacement de la compétence d’exécution de la Commission par la procédure législative ordinaire aux
fins de l’adoption des décisions d’octroi d’une AMF a fait l’objet d’un accord de principe entre le Parlement et le
Conseil, qui a été exprimé lors de la sixième réunion tripartite, le 25 avril 2013. À cette occasion, le représentant de la
Commission a officiellement fait état du désaccord de cette institution sur cette approche, en déclarant que la
Commission pourrait envisager de retirer la proposition de règlement-cadre si le recours à la procédure législative
ordinaire était retenu pour l’adoption de chaque décision d’octroi d’une AMF, étant donné que, selon ladite institution,
une telle modification dénaturerait cette proposition et donnerait lieu à des difficultés d’ordre constitutionnel
importantes.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

27 Le Conseil demande à la Cour d’annuler la décision attaquée et de condamner la Commission aux dépens.
28 La Commission demande à la Cour de rejeter le recours comme étant non fondé et de condamner le Conseil
aux dépens.

Arguments des parties

31 Dans le cadre du premier moyen, le Conseil et l’ensemble des États membres intervenants soutiennent que
la Commission a méconnu, en l’espèce, le principe d’attribution de compétences énoncé à l’article 13, paragraphe 2,
TUE, lequel reflète le principe de l’équilibre institutionnel.
32 En premier lieu, le Conseil et ces États membres font valoir, en guise de considérations générales, que les
traités ne confèrent pas à la Commission une prérogative générale lui permettant de retirer les propositions qu’elle a
soumises au législateur de l’Union.
33 À cet égard, ils soutiennent, premièrement, que la Commission ne saurait tirer de son droit d’initiative
législative consacré à l’article 17, paragraphe 2, TUE un droit de retrait symétrique, de nature discrétionnaire.
34 Le droit de retrait de la Commission devrait être limité à des situations objectives, telles que l’écoulement du
temps ou la survenance de circonstances nouvelles ou de données rendant la proposition législative obsolète ou sans
objet, une absence durable de progrès notable de la procédure législative laissant présager un échec, ou encore
l’existence d’une stratégie commune partagée avec le législateur de l’Union dans un esprit de coopération loyale et de
respect de l’équilibre institutionnel.

38 À la suite de ces considérations générales, le Conseil et les États membres intervenants soutiennent, en second
lieu, que, en adoptant la décision attaquée, la Commission a empêché le Parlement et le Conseil d’exercer leurs

42
prérogatives législatives en s’opposant, sans raison objective et en fonction de pures considérations d’opportunité
politique, au compromis que ces derniers s’apprêtaient à finaliser.
39 À cet égard, le Conseil et ces États membres soutiennent, premièrement, qu’une prétendue dénaturation de
la proposition législative, atteinte grave à l’équilibre institutionnel ou illégalité manifeste de l’acte envisagé par les
colégislateurs n’autorise pas la Commission à retirer sa proposition.

45 En ce qui concerne, d’autre part, le risque d’atteinte grave à l’équilibre institutionnel, le Conseil, la République
fédérale d’Allemagne, la République italienne, la République de Finlande et le Royaume-Uni soutiennent qu’un tel
risque était exclu en l’espèce, compte tenu, notamment, du caractère complet des voies de recours et des procédures
de contrôle juridictionnel des actes législatifs de l’Union.

47 Dans le cadre du deuxième moyen invoqué, le Conseil et l’ensemble des États membres intervenants font
valoir que la Commission a manqué, en l’espèce, au principe de coopération loyale énoncé à l’article 13, paragraphe 2,
TUE.
48 Ils reprochent à la Commission de n’avoir exprimé ni réserve ni avertissement lorsque les colégislateurs ont
adopté, respectivement au mois de décembre 2011 et au mois de mai 2012, leur position sur la proposition de
règlement-cadre. Ils reprochent également à la Commission de s’être abstenue de faire part, en temps utile, aux
colégislateurs de son intention de retirer sa proposition de règlement-cadre et d’avoir ainsi empêché ces derniers
d’éviter le retrait envisagé en modifiant leur orientation commune. Ils soutiennent, par ailleurs, que la Commission
s’est empressée de retirer cette proposition le jour même où le Parlement et le Conseil s’apprêtaient à finaliser un
accord qui aurait conduit à l’adoption d’un acte qui ne lui convenait pas.
49 Le non-respect par la Commission du principe de coopération loyale serait aggravé par le fait que celle-ci
n’aurait pas épuisé les voies procédurales prévues aux articles 3, paragraphe 2, et 11, paragraphe 1, du règlement
intérieur du Conseil annexé à la décision du Conseil, du 1er décembre 2009, portant adoption de son règlement intérieur
(JO L 325, p. 35), afin de vérifier si l’unanimité requise à l’article 293, paragraphe 1, TFUE pour amender la proposition
de règlement-cadre était atteinte en l’espèce.

51 Dans le cadre du troisième moyen, le Conseil ainsi que l’ensemble des États membres intervenants font valoir
qu’une décision de retrait d’une proposition législative est un acte passible d’un contrôle juridictionnel, qui doit, par
conséquent, respecter l’exigence de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.
52 Or, la lettre du 8 mai 2013, par laquelle le vice-président de la Commission a informé le président du Parlement
et le président du Conseil de la décision attaquée ne contiendrait aucun élément relatif aux motifs de cette décision.
Ces motifs figureraient uniquement dans des documents internes de la Commission, dont le Conseil n’aurait pris
connaissance qu’au cours de la présente procédure juridictionnelle.

57 La Commission conteste, en second lieu, le fait que la décision attaquée ait méconnu le principe d’attribution
de compétences et le principe de l’équilibre institutionnel.
58 À cet égard, elle fait valoir que les pouvoirs du législateur de l’Union ne comportent pas le pouvoir souverain
d’adopter un acte qui bouleverserait fondamentalement le sens de sa proposition ou lui enlèverait sa raison d’être.

Appréciation de la Cour

64 En vertu de l’article 13, paragraphe 2, TUE, chaque institution de l’Union agit dans les limites des attributions
qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci. Cette
disposition traduit le principe de l’équilibre institutionnel, caractéristique de la structure institutionnelle de l’Union (voir
arrêt Meroni/Haute Autorité, 9/56, EU:C:1958:7, p. 44), lequel implique que chacune des institutions exerce ses
compétences dans le respect de celles des autres (voir, en ce sens, arrêts Parlement/Conseil, C 70/88, EU:C:1990:217,
point 22, et Parlement/Conseil, C 133/06, EU:C:2008:257, point 57).

65 L’article 13, paragraphe 2, TUE dispose, par ailleurs, que les institutions de l’Union pratiquent entre elles une
coopération loyale.

67 L’argumentation du Conseil et des États membres intervenants consiste, en substance, à soutenir que, en
retirant, par la décision attaquée, la proposition de règlement-cadre, la Commission a outrepassé les compétences qui
lui sont attribuées par les traités et, ce faisant, a porté atteinte à l’équilibre institutionnel, ces derniers ne lui conférant
pas le pouvoir de retirer une proposition législative dans des circonstances telles que celles de l’espèce. La Commission
aurait également méconnu le principe de coopération loyale. La décision attaquée serait, par ailleurs, entachée d’un
défaut de motivation.

76 Par conséquent, si la Commission, après avoir présenté une proposition dans le cadre de la procédure
législative ordinaire, décide de retirer cette proposition, elle doit exposer au Parlement et au Conseil les motifs de ce
retrait, lesquels, en cas de contestation, doivent être étayés par des éléments convaincants.

43
89 Dans ce contexte, l’article 7 de la proposition de règlement-cadre prévoyait d’attribuer à la Commission une
compétence d’exécution pour adopter, dans les limites et conditions énoncées par le cadre législatif envisagé, les
décisions d’octroi d’une AMF ainsi que les protocoles d’accord devant être conclus avec les pays bénéficiaires d’une
telle assistance.
90 Ainsi que la Commission l’a fait valoir à juste titre, l’amendement que le Parlement et le Conseil envisageaient
d’apporter à cet article 7, en substituant, au paragraphe 2 de celui-ci, la procédure législative ordinaire à la compétence
d’exécution de la Commission en ce qui concerne l’adoption de chaque décision d’octroi d’une AMF, aurait dénaturé
un élément essentiel de la proposition de règlement-cadre d’une manière inconciliable avec l’objectif poursuivi par cette
proposition, consistant à améliorer l’efficacité de la politique de l’Union en matière d’AMF.
91 En effet, un tel amendement aurait impliqué le maintien du processus d’octroi, au cas par cas, par le Parlement
et le Conseil dans le cadre de la procédure législative ordinaire, alors que l’objectif principal de la proposition de
règlement-cadre visait précisément, moyennant un encadrement législatif des conditions de mise en œuvre de la
politique de l’Union en matière d’AMF, à mettre un terme à ce processus décisionnel, en vue d’accélérer la prise de
décision et d’améliorer, ainsi, l’efficacité de cette politique.
92 Ainsi que la Commission en a fait état, selon les documents soumis à la Cour, lors de la réunion du groupe
de travail des conseillers financiers du Conseil du 26 février 2013, les modalités inhérentes à la procédure législative
ordinaire se traduisent inévitablement par un processus décisionnel étalé sur plusieurs mois, ce qui est de nature à
compliquer la coordination de l’AMF avec l’octroi de ressources par le FMI ou d’autres institutions financières
multilatérales, ressources que l’AMF vise à compléter ainsi qu’il était rappelé aux articles 1er, paragraphe 3, et 6,
paragraphe 2, de la proposition de règlement-cadre, de même qu’au considérant 13 de celle-ci.
93 En outre, l’amendement envisagé par le Parlement et par le Conseil aurait contrevenu à la réalisation de
l’objectif poursuivi par la proposition de règlement-cadre, consistant, dans un souci de cohérence, à aligner la procédure
d’octroi d’une AMF sur la procédure applicable aux autres instruments financiers de l’Union en matière d’aide
extérieure.
94 Il ressort de l’analyse exposée aux points 85 à 93 du présent arrêt que la Commission était en droit de
considérer que l’amendement envisagé par le Parlement et le Conseil en ce qui concerne l’article 7 de la proposition de
règlement-cadre était susceptible de dénaturer cette proposition, sur la question essentielle de la procédure d’octroi
d’une AMF, dans un sens qui aurait empêché la réalisation des objectifs poursuivis par la Commission à travers ladite
proposition et qui, partant, aurait privé cette dernière de sa raison d’être.
95 Par conséquent, la décision de la Commission de retirer, eu égard à de telles considérations, la proposition de
règlement-cadre n’a pas contrevenu au principe d’attribution de compétences non plus qu’au principe de l’équilibre
institutionnel, consacrés à l’article 13, paragraphe 2, TUE.

97 Il convient, en second lieu, d’examiner, à la lumière des griefs formulés par le Conseil et les États membres
intervenants, si le retrait décidé par la Commission le 8 mai 2013 est intervenu dans le respect du principe de
coopération loyale qui est également énoncé à l’article 13, paragraphe 2, TUE.
98 À cet égard, il convient de constater, d’une manière générale, que la Commission n’a retiré la proposition de
règlement-cadre que lorsqu’il s’est avéré que le Conseil et le Parlement envisageaient d’amender cette proposition dans
un sens contraire aux objectifs poursuivis par cette dernière.
99 En particulier, il ressort du dossier soumis à la Cour que le Conseil et le Parlement ont, dans un premier
temps, exprimé une position différente sur la question, concernée par l’article 7 de la proposition de règlement-cadre,
de la procédure décisionnelle d’octroi d’une AMF. Dans une «orientation générale» approuvée par le Coreper le 15
décembre 2011, le Conseil avait proposé, à cet égard, le maintien de la procédure législative ordinaire, tandis que, dans
un rapport approuvé le 24 mai 2012, le Parlement avait préconisé une solution fondée sur le recours à des actes
délégués.
100 Dès lors qu’il n’existait pas de consensus entre les colégislateurs quant au maintien de la procédure législative
ordinaire pour l’adoption de chaque décision d’octroi d’une AMF, il ne saurait être reproché à la Commission de n’avoir
pas déjà évoqué, à l’époque, la possibilité d’un retrait de la proposition de règlement-cadre.
101 Ainsi qu’il ressort du document de travail présenté au cours du mois de janvier 2013, évoqué au point 21 du
présent arrêt, rédigé par la Commission en vue de la réunion tripartite du 30 janvier 2013, il apparaît que, devant la
préoccupation commune du Parlement et du Conseil selon laquelle le processus décisionnel d’octroi d’une AMF prévu
à l’article 7 de la proposition de règlement-cadre révélait un déficit de contrôle politique et démocratique, la
Commission a, au contraire, entendu œuvrer à un rapprochement des positions respectives des institutions concernées.
102 En effet, ce document proposait une solution de compromis reposant, en substance, sur la combinaison d’une
réglementation-cadre détaillée, telle qu’envisagée par la proposition de règlement-cadre, définissant les conditions,
notamment politiques, d’octroi d’une AMF, de mécanismes de consultation informelle du Parlement et des États
membres sur les projets d’actes d’exécution de la Commission relatifs à l’octroi d’une AMF, du recours à un nombre
limité d’actes délégués, en l’occurrence quatre, destinés à modifier ou à compléter certains éléments non essentiels du
cadre législatif en ce qui concerne, notamment, la liste des pays admissibles à une AMF et les critères de choix de
l’instrument financier (don ou prêt), d’un recours sélectif à la comitologie ainsi que de divers mécanismes d’évaluation
et de rapports au Parlement et au Conseil.

44
103 Contrairement à ce qu’ont soutenu certains États membres intervenants, la Commission, loin d’exclure toute
discussion au sujet de la procédure d’octroi d’une AMF, a ainsi tenté de parvenir à une solution qui, tout en préservant
les objectifs poursuivis par la proposition de règlement-cadre en matière d’AMF, visait à prendre en compte la
préoccupation du Parlement et du Conseil.

105 L’argument tiré du caractère tardif de l’annonce par la Commission de son intention de retirer la proposition
de règlement-cadre n’est, par conséquent, pas fondé.
106 Par ailleurs, dans les circonstances rappelées au point 104 du présent arrêt, et à défaut d’élément, dans le
dossier soumis à la Cour, qui fasse apparaître que le Parlement et le Conseil auraient pu renoncer à amender l’article 7
de la proposition de règlement-cadre, ni l’absence de recours par la Commission à la faculté, prévue aux articles 3,
paragraphe 2, et 11, paragraphe 1, du règlement intérieur du Conseil, de demander un vote de ce dernier sur cette
proposition ni le fait que l’adoption de la décision attaquée soit intervenue le jour même où le Parlement et le Conseil
étaient prétendument sur le point de formaliser leur accord sur ladite proposition ne sauraient être considérés comme
constitutifs d’un manquement de la Commission au principe de coopération loyale.
107 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’adoption par la Commission de la décision
attaquée n’a méconnu ni le principe d’attribution de compétences, ni le principe de l’équilibre institutionnel, ni le
principe de coopération loyale, énoncés à l’article 13, paragraphe 2, TUE, non plus que le principe de démocratie
consacré à l’article 10, paragraphes 1 et 2, TUE. Par ailleurs, la Commission a satisfait, en l’espèce, à l’obligation de
motivation imposée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

Document 8 :
CJ [GC], 6 octobre 2015, Conseil c. Commission, aff. C-73/14.

78. Dans le cadre du second moyen, le Conseil,


soutenu par la République tchèque, le Royaume 81. La Commission conteste l’existence d’un
d’Espagne, la République française, la République de quelconque manquement de sa part au principe de
Lituanie et la République d’Autriche, fait valoir que la coopération loyale.
Commission a, en l’espèce, violé le principe de
coopération loyale énoncé à l’article 13, paragraphe 2, 82. Elle fait valoir, en premier lieu, que, dès lors qu’il
TUE. n’était pas nécessaire d’adopter une décision fondée
sur l’article 218, paragraphe 9, TFUE, une proposition
79. À cet égard, lesdites parties critiquent, en premier relative à une telle décision était inutile.
lieu, le fait que, contrairement à l’exigence posée à
l’article 218, paragraphe 9, TFUE, la Commission n’a 83. En second lieu, elle soutient qu’elle a pleinement
pas présenté au Conseil une proposition de décision coopéré avec le Conseil en l’espèce et qu’elle a tenu
établissant la position à prendre au nom de l’Union compte tant des opinions divergentes exprimées au
devant le TIDM, ce qui a empêché le Conseil d’adopter sein de ce dernier sur certains aspects soulevés par la
une telle décision. Cette abstention de la Commission demande d’avis consultatif que des suggestions
aurait également constitué un manquement à son formulées par les États membres.
obligation, découlant de l’article 17, paragraphe 1,
TUE, de prendre les initiatives appropriées pour Appréciation de la Cour
promouvoir l’intérêt général de l’Union, manquement
qui aurait empêché le Conseil d’exercer les fonctions 84. En vertu de l’article 13, paragraphe 2, TUE, les
qui lui sont dévolues à l’article 16, paragraphe 1, TUE. institutions de l’Union pratiquent entre elles une
coopération loyale. Cette coopération loyale s’exerce
80. En second lieu, la Commission n’aurait pas toutefois dans le respect des limites des pouvoirs
coopéré loyalement avec le Conseil en ce qui concerne conférés dans les traités à chacune de ces institutions.
l’établissement du contenu de l’exposé écrit présenté L’obligation résultant de l’article 13, paragraphe 2,
devant le [Tribunal international du droit de la mer TUE n’est donc pas de nature à modifier lesdits
(TIDM)]. En effet, elle se serait bornée à adresser au pouvoirs (arrêt Parlement/Conseil, C 48/14,
Conseil, pour information uniquement, plusieurs EU:C:2015:91, points 57 et 58).
documents préparatoires successifs nettement moins
détaillés que l’exposé écrit finalement adressé au 85. En l’occurrence, l’argumentation principale
TIDM, alors que les délégations des États membres au développée par le Conseil et certains États membres
Conseil auraient voulu disposer d’un projet de texte intervenants dans le cadre du second moyen repose sur
complet qui leur aurait, notamment, permis de la prémisse selon laquelle l’établissement du contenu
préparer leur propre exposé en parfaite connaissance de l’exposé écrit présenté au TIDM, au nom de
de la position de l’Union envisagée en l’espèce. l’Union, dans l’affaire no 21 relevait de la compétence

45
du Conseil en application de l’article 218, paragraphe qui a été remanié à différentes reprises jusqu’au 26
9, TFUE ou de l’article 16, paragraphe 1, seconde novembre 2013, pour tenir compte des observations
phrase, TUE. Tel n’était toutefois pas le cas, ainsi qu’il exprimées au sein des groupes FISH et COMAR. C’est
ressort de l’examen du premier moyen. Partant, il ne donc à tort que le Conseil soutient que la Commission
saurait être fait grief à la Commission d’avoir manqué n’a pas fait preuve de coopération loyale dans le cadre
à son devoir de coopération loyale en ne prenant pas de l’élaboration du contenu de cet exposé écrit.
les initiatives inhérentes à l’application de ces deux
dispositions. 88. Il convient enfin d’observer que, sans avoir été
contredite sur ce point par le Conseil ou par les États
86. Cela étant, le principe de coopération loyale impose membres intervenants, la Commission a indiqué que la
à la Commission, lorsque celle-ci entend exprimer des position neutre affichée, dans ledit exposé écrit, sur la
positions au nom de l’Union devant une juridiction question de la compétence du TIDM pour rendre l’avis
internationale, l’obligation de consulter préalablement consultatif sollicité en l’espèce avait été dictée par son
le Conseil. souci de tenir compte, dans un esprit de loyauté, des
opinions divergentes exprimées par les États membres
87. En l’espèce, la Commission s’est bien conformée à au sein du Conseil sur cette question.
cette obligation. En effet, ainsi qu’il ressort des
éléments décrits aux points 28 à 32 du présent arrêt, la 89. Il s’ensuit que le second moyen doit être écarté.
présentation par la Commission au TIDM de l’exposé
écrit, au nom de l’Union, dans l’affaire no 21 a été 90. Il résulte de l’ensemble des considérations qui
précédée par la communication, par la Commission au précèdent que le recours doit être rejeté dans son
Conseil, du document de travail du 22 octobre 2013, intégralité.

II. LES PRINCIPES FONCTIONNELS

Document 9 :
TUE, article 1 (extrait)

Article premier

[…]

Le présent traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples
de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture et le plus
près possible des citoyens.

[…]

Document 10 :
TFUE, article 15

Article 15

1. Afin de promouvoir une bonne gouvernance, et d'assurer la participation de la société civile, les institutions, organes
et organismes de l'Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture.

2. Le Parlement européen siège en public, ainsi que le Conseil lorsqu’il délibère et vote sur un projet d'acte législatif.

3. Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État
membre a un droit d'accès aux documents des institutions, organes et organismes de l'Union, quel que soit leur support,
sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément au présent paragraphe.

Les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d'intérêt public ou privé, régissent l'exercice de ce droit
d'accès aux documents sont fixés par voie de règlements par le Parlement européen et le Conseil, statuant
conformément à la procédure législative ordinaire.

Chaque institution, organe ou organisme assure la transparence de ses travaux et élabore dans son règlement intérieur
des dispositions particulières concernant l'accès à ses documents, en conformité avec les règlements visés au deuxième
alinéa.

46
La Cour de justice de l'Union européenne, la Banque centrale européenne et la Banque européenne d'investissement
ne sont soumises au présent paragraphe que lorsqu'elles exercent des fonctions administratives.

Le Parlement européen et le Conseil assurent la publicité des documents relatifs aux procédures législatives dans les
conditions prévues par les règlements visés au deuxième alinéa.

Document 11 :
MONTALIVET (de) P., « Gouvernance et participation. Propos introductifs », in MONTALIVET (de) P.
(dir.), Gouvernance et participation, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp. 1-15 (extraits)

S’intéresser conjointement aux questions de la gouvernance et de la participation constituait un pari risqué. Les
concepts mêmes de gouvernance et de participation sont en effet controversés. Il s’agit de concepts flous et généraux,
ce qu’attestent les nombreuses interrogations et difficultés suscitées par la définition de la gouvernance. Ces incertitudes
sont favorisées par l’emploi généralisé du concept tant par les organisations internationales que par l’Union européenne,
les États nationaux, les collectivités territoriales ou encore les entreprises, ainsi que de multiples organismes publics ou
privés. Gouvernance mondiale, gouvernance européenne, gouvernance nationale, gouvernance territoriale,
gouvernance d’entreprise, gouvernance des hôpitaux, gouvernance des universités... Le concept de gouvernance semble
se diluer dans les multiples applications dont il fait l’objet. La définition de la participation, qui semble pourtant plus
précise, ne semble pas échapper à cet écueil, comme en témoigne les hésitations de nombreux auteurs et acteurs quant
à la définition de la « démocratie participative ». […] La gouvernance et la participation constituent également des
concepts à la mode, dans l’air du temps, qui marquent tellement l’actualité qu’ils semblent être appelés à disparaître
avec elle. La nouveauté – apparente ou réelle – de l’utilisation massive de ces concepts n’est plus à démontrer. On sait
que le terme de « gouvernance », employé en ancien français puis tombé en désuétude, a de nouveau été utilisé dans la
langue française à partir des années 1990 et que la référence à la participation – au sens d’association des citoyens à la
prise de décision – revient fréquemment dans les discours publics actuels, même si certaines de ses manifestations sont
anciennes. La gouvernance et la participation constituent enfin – et pour les raisons que l’on vient d’évoquer – des
concepts parfois brocardés. Ce mépris vient parfois des juristes, moins habitués à manier ces concepts que les politistes,
les sociologues ou les gestionnaires, et pour qui ces notions apparaissent parfois quelque peu étrangères. Gouvernance
et participation sont critiquées pour leur caractère flou, pour leur nouveauté, mais aussi parfois pour des raisons plus
politiques. La gouvernance apparaît pour certains comme l’expression d’une vision libérale de l’économie, tandis que
la démocratie participative semble remettre en question les fondements de la démocratie représentative. […] Par
ailleurs, ces termes recouvrent des mécanismes, expriment des évolutions et des attentes qu’il est légitime d’interroger.
La gouvernance se définit ainsi d’une manière descriptive ou d’une manière prescriptive.

D’un point de vue descriptif, c’est l’ensemble des mécanismes de pouvoir existant dans une société donnée. Cette
notion met l’accent sur le fait que le pouvoir appartient de moins en moins au Gouvernement en tant qu’institution
mais est réparti de plus en plus en une multitude d’institutions différentes. Le Gouvernement s’inscrit dans un ensemble
complexe d’interactions avec des institutions et des groupes d’intérêt. La gouvernance rend compte des interactions
entre acteurs privés, institutions publiques ou parapubliques, groupes d’intérêt ou communautés de citoyens qui
prennent part à la formulation des politiques. C’est un phénomène de fragmentation du pouvoir qui est mis en lumière.
L’on passerait ainsi de la pyramide au réseau, d’une structure verticale à une structure davantage horizontale. D’un
point de vue prescriptif ensuite, la gouvernance s’entend de l’ensemble des mécanismes de pouvoir dont devrait se
doter une société donnée. Certains l’appellent alors « bonne gouvernance », pour montrer qu’il y aurait certains
principes de répartition et d’exercice du pouvoir dont la mise en œuvre est considérée comme opportune. Ces principes
sont l’efficacité, la transparence, la responsabilité ou accountability, mais aussi la participation. La participation est ainsi
l’un des principes de cette gouvernance ou « bonne gouvernance ». C’est ce qu’affirment un grand nombre d’auteurs
ou d’institutions. Le discours sur la gouvernance insiste sur la nécessité de faire participer les citoyens, les usagers, les
consommateurs ou encore les professionnels aux décisions et aux politiques. C’est l’association de la société civile qui
est recherchée.

La participation, quant à elle, est ici entendue comme l’association des différents acteurs aux décisions qui les
concernent, leur association directe ou indirecte à l’exercice du pouvoir. Ces acteurs sont aussi bien les citoyens, les
ONG, les associations que les actionnaires ou les salariés d’une entreprise. Il s’agit en effet d’un principe de
fonctionnement des organisations publiques comme privées. Par ailleurs, cette participation ne se réduit pas à
l’expression d’une confiance à des moments précis, déterminés à des intervalles réguliers. Elle se manifeste de manière
continue. Elle peut ainsi prendre plusieurs formes : consultations, concertation, référendums, etc.

[…]

L’analyse montre que la participation des acteurs constitue un principe, un instrument de la gouvernance. Celle-ci pose
en effet que les destinataires des décisions, les gouvernés, ne doivent pas être tenus à l’écart de la préparation de ces

47
décisions, qu’ils doivent être associés à la gestion des affaires publiques comme privées, à la gestion des administrations
comme à celle des entreprises. Cette participation est justifiée par le souci de « démocratiser » l’exercice du pouvoir.
Son opportunité ne semble ainsi ne faire l’objet d’aucun doute. Cependant, le recours à ce principe de la gouvernance
que constitue la participation semble présenter certaines limites, qui en amoindriraient l’intérêt. Il semble également
comprendre certains risques qui pourraient le rendre quelque peu dangereux. L’on constate d’une manière générale
que l’intérêt de la participation comme principe de gouvernance ne doit pas être abordé d’une manière théorique, dans
une perspective abstraite. Si, en principe elle apparaît tout à fait opportune, on peut néanmoins se demander si son
intérêt ne dépend pas de la réalité de sa mise en œuvre, de la manière dont elle est utilisée en pratique. Il ne faut pas
s’en tenir à l’existence de la participation mais s’intéresser à ses caractères, à sa qualité. Or, il apparaît que certaines
modalités de la participation telles qu’elles sont prévues dans divers systèmes sont parfois insatisfaisantes. Ces
considérations doivent amener à définir les conditions d’une « bonne participation ». Devant les imperfections de
certains mécanismes existants, il est opportun de réfléchir aux moyens d’améliorer la participation, afin d’améliorer la
gouvernance. Ces considérations amènent ainsi à constater que la participation est un principe de la gouvernance puis
à examiner dans quelle mesure la « bonne gouvernance » conduit à s’interroger sur la « bonne participation ».

Document 12 :
CDFUE, article 41 (droit à une bonne administration)

1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par
les institutions et organes de l'Union.

2. Ce droit comporte notamment :

– Le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement
ne soit prise à son encontre ;

– Le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la
confidentialité et du secret professionnel et des affaires ;

– L'obligation pour l'administration de motiver ses décisions.

3. Toute personne a droit à la réparation par la Communauté des dommages causés par les institutions, ou par leurs
agents dans l'exercice de leurs fonctions, conformément aux principes généraux communs aux droits des États
membres.

4. Toute personne peut s'adresser aux institutions de l'Union dans une des langues des traités et doit recevoir une
réponse dans la même langue.

Document 13 :
CHEVALIER E., Bonne administration et Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2014, 540 p. (extraits)

313. L’analyse de la jurisprudence de l’Union révèle que la bonne administration a pénétré une grande partie des champs
du contentieux de l’Union. S’il y a une prédominance dans le cadre de la fonction publique et de la politique de
concurrence, c’est-à-dire de l’administration directe, les autres domaines sont aussi marqués par la diffusion progressive
de la bonne administration. il convient de relever l’attitude ouverte du juge à l’égard du principe de bonne
administration, dans la mesure où, parfois, le juge n’hésite pas à le soulever d’office. La notion de bonne administration
est un instrument du juge, dont il a la maîtrise. Elle est tout d’abord employée pour lui permettre d’exprimer son
sentiment de justice, marquant l’introduction de la morale dans le raisonnement juridique (A). Le recours à la bonne
administration est aussi devenu un élément du dialogue entre le juge et les destinataires de ses arrêts (B). Enfin, elle a
acquis une place toujours plus importante dans le raisonnement syllogistique du juge (C).

[…]

318. L’approfondissement de la bonne administration dans l’ordre juridique de l’Union a permis de systématiser son
usage et lui a conféré une place toujours plus significative dans le raisonnement du juge. Ainsi, la bonne administration
a été intégrée en tant que majeure du syllogisme judiciaire. cette évolution de la place de la bonne administration est
liée à sa reconnaissance progressive en tant que principe général du droit communautaire. Tout d’abord, le champ de
la fonction publique a été l’occasion de systématiser l’invocation du principe de bonne administration comme source
d’obligations, souvent associé alors au principe de sollicitude. Par exemple, la cour, dans l’arrêt Schwiering, a recours
à une telle formulation, énonçant que « [c]e devoir ainsi que le principe de bonne administration impliquent notamment
que lorsqu’elle statue, à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des

48
éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt
du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné ».

319. Son lien avec l’obligation de diligence a aussi contribué à systématiser le recours au principe de bonne
administration. Par exemple, dans l’arrêt ABB Asea Brown, le Tribunal débute son raisonnement en relevant qu’ « [i]l
convient d’observer que parmi les garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures
administratives figure notamment le principe de bonne administration auquel se rattache l’obligation pour l’institution
compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d ’espèce ». Une formulation
similaire a été retenue dans le contexte de la promotion des droits de la défense. Le juge relève de manière récurrente
que « [c]e principe, qui répond aux exigences d’une bonne administration exige que la personne visée soit mise en
mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder un tel
acte ».

49
Séance 4
La répartition des compétences dans l’Union européenne

Document 1. TFUE, article 2


Document 2. CJCE [GC], 30 novembre 2009, Avis relatif à la conclusion de l’accord général sur le commerce des
services (GATS), 1/08 (avis 1/08) (extrait)
Document 3. CJCE, 31 mars 1971, Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés
européennes, Accord européen sur les transports routiers (AETR), aff. 22-70 (extrait)
Document 4. CJ, 6 décembre 2001, Avis relatif à la conclusion du protocole de Cartagena sur la prévention des
risques biotechnologiques, 2/00 (avis 2/00) (extraits)
Document 5. « Le fonctionnement de l’Europe de la santé », 18 mars 2020, www.touteleurope.eu (extraits)
Document 6. TUE, article 4 § 1 et TUE, article 5 §§ 1-2
Document 7. Déclaration (n° 18) concernant la répartition des compétences, annexée au TUE et au TFUE
Document 8. SOLDATOS P., « L’Union politique de l’Europe : une finalité en voie d’actualisation étapiste ou un
rêve mouvant ? », Revue de l’Union européenne, 2013, pp. 266-274 (extraits)
Document 9. TUE, article 48 §§ 6-7
Document 10. TFUE, article 352
Document 11. Déclaration (n° 42) ad article 352 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, annexée au
TUE et au TFUE

Exercice à préparer : Dissertation

Les fondements juridiques des compétences de l’UE

Document 1 :
TFUE, article 2

1. Lorsque les traités attribuent à l'Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l'Union peut
légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres ne pouvant le faire par eux-mêmes que
s'ils sont habilités par l'Union, ou pour mettre en œuvre les actes de l'Union.

2. Lorsque les traités attribuent à l'Union une compétence partagée avec les États membres dans
un domaine déterminé, l'Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement
contraignants dans ce domaine. Les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l'Union n'a pas
exercé la sienne. Les États membres exercent à nouveau leur compétence dans la mesure où l'Union a décidé de
cesser d'exercer la sienne.

3. Les États membres coordonnent leurs politiques économiques et de l'emploi selon les modalités prévues par le
présent traité, pour la définition desquelles l'Union dispose d'une compétence.

4. L'Union dispose d'une compétence, conformément aux dispositions du traité sur l'Union européenne, pour définir
et mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d'une
politique de défense commune.

5. Dans certains domaines et dans les conditions prévues par les traités, l'Union dispose d'une compétence pour
mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des États membres, sans pour autant remplacer
leur compétence dans ces domaines.
Les actes juridiquement contraignants de l'Union adoptés sur la base des dispositions des traités relatives à ces
domaines ne peuvent pas comporter d'harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États
membres.

6. L'étendue et les modalités d'exercice des compétences de l'Union sont déterminées par les dispositions des traités
relatives à chaque domaine.

50
Document 2 :
CJCE [GC], 30 novembre 2009, Avis relatif à la conclusion de l’accord général sur le commerce des services
(GATS), 1/08 (avis 1/08) (extrait)

106. La demande d’avis introduite par la Commission porte, d’une part, sur la question de savoir si la Communauté
est habilitée à conclure seule les accords en cause et, d’autre part, sur le choix de la base juridique appropriée pour
fonder l’acte par lequel la Communauté conclura ceux-ci. À ce dernier égard, l’avis a plus particulièrement pour objet
de déterminer s’il y a lieu de fonder le consentement de la Communauté à être liée sur le seul article 133, paragraphes
1 à 5, CE, lu en combinaison avec l’article 300, paragraphe 2, CE, ainsi que le soutient la Commission, ou si doivent
également être visés à cette fin, l’article 133, paragraphe 6, CE, et les articles 71 CE et 80, paragraphe 2, CE, lus en
combinaison avec l’article 300, paragraphe 3, CE, ainsi que l’envisage le Conseil.
107. Il convient de rappeler que la procédure que prévoit l’article 300, paragraphe 6, CE vise à permettre que soit
tranchée, avant la conclusion d’un accord, la question de savoir si celui-ci est compatible avec le traité. Ladite
disposition a ainsi pour but de prévenir les complications qui résulteraient de contestations en justice relatives à la
compatibilité avec le traité d’accords internationaux engageant la Communauté (voir, notamment, avis 1/75, du 11
novembre 1975, Rec. p. 1355, 1360).

108. Doivent ainsi être admises à la procédure prévue à l’article 300, paragraphe 6, CE, toutes questions susceptibles
d’être soumises à l’appréciation judiciaire pour autant que ces questions seraient de nature à provoquer des doutes
quant à la validité matérielle ou formelle de l’accord au regard du traité (avis 1/75, précité, p. 1361, et 2/92, du 24
mars 1995, Rec. p. I-521, point 14). Le jugement sur la compatibilité d’un accord avec le traité peut à cet égard
dépendre non seulement des dispositions du droit matériel, mais encore de celles qui concernent la compétence, la
procédure ou l’organisation institutionnelle de la Communauté (avis 1/78, du 4 octobre 1979, Rec. p. 2871, point
30).

109. Selon une interprétation constante de la Cour, l’avis de cette dernière peut notamment être recueilli sur les
questions qui concernent la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres pour conclure
un accord déterminé avec des pays tiers. L’article 107, paragraphe 2, du règlement de procédure corrobore cette
interprétation (voir, en dernier lieu, avis 1/03, du 7 février 2006, Rec. p. I‑1145, point 112).

110. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le choix de la base juridique appropriée revêt une importance de nature
constitutionnelle. En effet, la Communauté ne disposant que de compétences d’attribution, elle doit rattacher
l’accord qu’elle entend conclure à une disposition du traité qui l’habilite à approuver un tel acte. Le recours à une
base juridique erronée est donc susceptible d’invalider l’acte de conclusion lui-même et, partant, de vicier le
consentement de la Communauté à être liée par l’accord auquel cette dernière a souscrit. Tel est le cas notamment
lorsque le traité ne confère pas à la Communauté une compétence suffisante pour ratifier l’accord dans son
ensemble, ce qui revient à examiner la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres pour
conclure l’accord envisagé avec des pays tiers, ou encore lorsque la base juridique appropriée dudit acte de
conclusion prévoit une procédure législative différente de celle qui a effectivement été suivie par les institutions
communautaires (avis 2/00, du 6 décembre 2001, Rec. p. I‑9713, point 5).

111. S’agissant de l’ordre dans lequel doivent être examinées les deux questions posées à la Cour, il y a lieu de
reconnaître, ainsi que l’ont relevé la plupart des intervenants et comme l’admet d’ailleurs la Commission elle-même,
que le caractère, exclusif ou non, de la compétence communautaire aux fins de la conclusion des accords en cause et
la base juridique à laquelle il doit être recouru à ce même effet constituent deux questions intimement liées.

112. En effet, la question de savoir si la Communauté dispose seule de la compétence pour conclure un accord ou si
une telle compétence est partagée avec les États membres dépend notamment de la portée des dispositions
communautaires susceptibles d’attribuer aux institutions communautaires le pouvoir de participer à un tel accord
(voir, en ce sens, avis 2/92, précité, point 12).

113. Aussi convient-il d’examiner conjointement la question de l’identification des bases juridiques sur lesquelles
repose la compétence de la Communauté aux fins de conclure les accords en cause et celle de savoir si cette
compétence communautaire revêt, le cas échéant, un caractère exclusif ou si les États membres conservent au
contraire une part de compétence pour conclure lesdits accords.

51
Document 3 :
CJCE, 31 mars 1971, Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés
européennes, Accord européen sur les transports routiers (AETR), aff. 22-70 (extrait)

6 ATTENDU QUE LA COMMISSION ESTIME QUE L ' ARTICLE 75 DU TRAITE , AYANT CONFERE A
LA COMMUNAUTE UNE COMPETENCE LARGEMENT DEFINIE A L ' EFFET DE METTRE EN
OEUVRE LA POLITIQUE COMMUNE DES TRANSPORTS , DOIT S ' APPLIQUER TANT AUX
RELATIONS EXTERIEURES QU ' AUX MESURES INTERNES DANS LE DOMAINE ENVISAGE ;

7 QUE L ' EFFET UTILE DE CETTE DISPOSITION SERAIT COMPROMIS SI LES POUVOIRS QU ' ELLE
PREVOIT , ET NOTAMMENT CELUI DE PRENDRE " TOUTES DISPOSITIONS UTILES " , AU SENS DU
PARAGRAPHE 1 , C ) , DE L ' ARTICLE CITE , NE DEVAIENT PAS S ' ETENDRE A LA CONCLUSION D
' ACCORDS AVEC LES ETATS TIERS ;

8 QUE SI , ORIGINAIREMENT , CETTE COMPETENCE N ' A PAS EMBRASSE LA TOTALITE DU


DOMAINE DES TRANSPORTS ELLE TENDRAIT CEPENDANT A DEVENIR GENERALE ET
EXCLUSIVE AU FUR ET A MESURE DE LA MISE EN OEUVRE DE LA POLITIQUE COMMUNE DANS
CE SECTEUR ;

9 ATTENDU QUE , POUR SA PART , LE CONSEIL FAIT VALOIR QUE , LES COMPETENCES
CONFEREES A LA COMMUNAUTE ETANT D ' ATTRIBUTION , UNE COMPETENCE POUR
CONCLURE DES ACCORDS AVEC LES ETATS TIERS NE SAURAIT ETRE ADMISE EN DEHORS D '
UNE PREVISION EXPRESSE DU TRAITE ;

10 QU ' EN PARTICULIER , L ' ARTICLE 75 NE VISERAIT QUE LES MESURES INTERNES A LA


COMMUNAUTE ET NE SAURAIT ETRE INTERPRETE COMME AUTORISANT LA CONCLUSION D '
ACCORDS INTERNATIONAUX ;

11 QUE , MEME S ' IL EN ETAIT AUTREMENT , CETTE COMPETENCE NE SAURAIT ETRE GENERALE
ET EXCLUSIVE , MAIS TOUT AU PLUS CONCURRENTE AVEC CELLE DES ETATS MEMBRES ;

12 ATTENDU QU ' EN L ' ABSENCE DE DISPOSITIONS SPECIFIQUES DU TRAITE RELATIVES A LA


NEGOCIATION ET A LA CONCLUSION D ' ACCORDS INTERNATIONAUX DANS LE DOMAINE DE
LA POLITIQUE DES TRANSPORTS - CATEGORIE DONT L ' AETR RELEVE POUR L ' ESSENTIEL - IL
CONVIENT DE SE REFERER AU SYSTEME GENERAL DU DROIT COMMUNAUTAIRE RELATIF AUX
RAPPORTS AVEC LES ETATS TIERS ;

13 QUE L ' ARTICLE 210 DISPOSE QUE " LA COMMUNAUTE A LA PERSONNALITE JURIDIQUE " ;

14 QUE CETTE DISPOSITION , PLACEE EN TETE DE LA SIXIEME PARTIE DU TRAITE CONSACREE


AUX " DISPOSITIONS GENERALES ET FINALES " , SIGNIFIE QUE , DANS LES RELATIONS
EXTERIEURES , LA COMMUNAUTE JOUIT DE LA CAPACITE D ' ETABLIR DES LIENS
CONTRACTUELS AVEC LES ETATS TIERS DANS TOUTE L ' ETENDUE DU CHAMP DES OBJECTIFS
DEFINIS DANS LA PREMIERE PARTIE DU TRAITE , DONT LA SIXIEME FORME LE PROLONGEMENT
;

15 QU ' EN VUE DE FIXER , DANS UN CAS DETERMINE , LA COMPETENCE , POUR LA


COMMUNAUTE , DE CONCLURE DES ACCORDS INTERNATIONAUX , IL CONVIENT DE PRENDRE
EN CONSIDERATION LE SYSTEME DU TRAITE , AUTANT QUE SES DISPOSITIONS MATERIELLES ;

16 QU ' UNE TELLE COMPETENCE RESULTE NON SEULEMENT D ' UNE ATTRIBUTION EXPLICITE
PAR LE TRAITE - COMME C ' EST LE CAS DES ARTICLES 113 ET 114 POUR LES ACCORDS TARIFAIRES
ET COMMERCIAUX ET DE L ' ARTICLE 238 POUR LES ACCORDS D ' ASSOCIATION - MAIS PEUT
DECOULER EGALEMENT D ' AUTRES DISPOSITIONS DU TRAITE ET D ' ACTES PRIS , DANS LE
CADRE DE CES DISPOSITIONS , PAR LES INSTITUTIONS DE LA COMMUNAUTE ;

17 QU ' EN PARTICULIER , CHAQUE FOIS QUE , POUR LA MISE EN OEUVRE D ' UNE POLITIQUE
COMMUNE PREVUE PAR LE TRAITE , LA COMMUNAUTE A PRIS DES DISPOSITIONS INSTAURANT
, SOUS QUELQUE FORME QUE CE SOIT , DES REGLES COMMUNES , LES ETATS MEMBRES NE SONT
PLUS EN DROIT , QU ' ILS AGISSENT INDIVIDUELLEMENT OU MEME COLLECTIVEMENT , DE
CONTRACTER AVEC LES ETATS TIERS DES OBLIGATIONS AFFECTANT CES REGLES ;

52
18 QU ' EN EFFET , AU FUR ET A MESURE DE L ' INSTAURATION DE CES REGLES COMMUNES , LA
COMMUNAUTE SEULE EST EN MESURE D ' ASSUMER ET D ' EXECUTER , AVEC EFFET POUR L '
ENSEMBLE DU DOMAINE D ' APPLICATION DE L ' ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE , LES
ENGAGEMENTS CONTRACTES A L ' EGARD D ' ETATS TIERS ;

19 QU ' ON NE SAURAIT , DES LORS , DANS LA MISE EN OEUVRE DES DISPOSITIONS DU TRAITE ,
SEPARER LE REGIME DES MESURES INTERNES A LA COMMUNAUTE DE CELUI DES RELATIONS
EXTERIEURES ;

20 ATTENDU QU ' AUX TERMES DE L ' ARTICLE 3 , E ) , L ' INSTAURATION D ' UNE POLITIQUE
COMMUNE DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS EST SPECIALEMENT MENTIONNEE PARMI LES
OBJECTIFS DE LA COMMUNAUTE ;

21 QU ' AUX TERMES DE L ' ARTICLE 5 , LES ETATS MEMBRES DOIVENT , D ' UNE PART , PRENDRE
TOUTES MESURES PROPRES A ASSURER L ' EXECUTION DES OBLIGATIONS DECOULANT DU
TRAITE OU RESULTANT DES ACTES DES INSTITUTIONS ET , D ' AUTRE PART , S ' ABSTENIR DE
TOUTES MESURES SUSCEPTIBLES DE METTRE EN PERIL LA REALISATION DES BUTS DU TRAITE ;

22 QU ' IL RESULTE DU RAPPROCHEMENT DE CES DISPOSITIONS QUE , DANS LA MESURE OU DES


REGLES COMMUNAUTAIRES SONT ARRETEES POUR REALISER LES BUTS DU TRAITE , LES ETATS
MEMBRES NE PEUVENT , HORS DU CADRE DES INSTITUTIONS COMMUNES , PRENDRE DES
ENGAGEMENTS SUSCEPTIBLES D ' AFFECTER LESDITES REGLES OU D ' EN ALTERER LA PORTEE
;

23 ATTENDU QUE SELON L ' ARTICLE 74 , LES OBJECTIFS DU TRAITE EN MATIERE DE


TRANSPORTS SONT POURSUIVIS DANS LE CADRE D ' UNE POLITIQUE COMMUNE ;

24 QU ' A CET EFFET , L ' ARTICLE 75 , PARAGRAPHE 1 , CHARGE LE CONSEIL D ' ETABLIR DES
REGLES COMMUNES ET DE PRENDRE , EN OUTRE , " TOUTES AUTRES DISPOSITIONS UTILES " ;

25 QU ' AUX TERMES DE L ' ALINEA A ) DE LA MEME DISPOSITION , CES REGLES COMMUNES SONT
APPLICABLES " AUX TRANSPORTS INTERNATIONAUX EXECUTES AU DEPART OU A
DESTINATION DU TERRITOIRE D ' UN ETAT MEMBRE OU TRAVERSANT LE TERRITOIRE D ' UN
OU PLUSIEURS ETATS MEMBRES " ;

26 QUE CETTE DISPOSITION CONCERNE EGALEMENT , POUR LA PARTIE DU TRAJET SITUEE SUR
LE TERRITOIRE COMMUNAUTAIRE , LES TRANSPORTS EN PROVENANCE OU A DESTINATION
DES ETATS TIERS ;

27 QU ' ELLE SUPPOSE DONC QUE LA COMPETENCE DE LA COMMUNAUTE S ' ETEND A DES
RELATIONS RELEVANT DU DROIT INTERNATIONAL ET IMPLIQUE , DES LORS , DANS LE
DOMAINE VISE , LA NECESSITE D ' ACCORDS AVEC LES ETATS TIERS INTERESSES ;

28 QUE , S ' IL EST VRAI QUE LES ARTICLES 74 ET 75 NE PREVOIENT PAS EXPLICITEMENT EN
FAVEUR DE LA COMMUNAUTE UNE COMPETENCE EN MATIERE DE CONCLUSION D ' ACCORDS
INTERNATIONAUX , LA MISE EN VIGUEUR , LE 25 MARS 1969 , DU REGLEMENT NO 543/69 DU
CONSEIL RELATIF A L ' HARMONISATION DE CERTAINES DISPOSITIONS EN MATIERE SOCIALE
DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS PAR ROUTE ( JO NO L 77 DU 20 MARS 1969 , P . 49 ) A EU
NEANMOINS POUR EFFET NECESSAIRE D ' ATTRIBUER A LA COMMUNAUTE LA COMPETENCE
POUR CONCLURE AVEC LES ETATS TIERS TOUS ACCORDS PORTANT SUR LA MATIERE REGIE PAR
LE MEME REGLEMENT ;

29 QUE CETTE ATTRIBUTION DE COMPETENCE EST D ' AILLEURS RECONNUE EXPRESSEMENT


PAR L ' ARTICLE 3 DUDIT REGLEMENT, QUI PREVOIT QUE " LA COMMUNAUTE ENGAGERA AVEC
LES PAYS TIERS LES NEGOCIATIONS QUI SE REVELERAIENT NECESSAIRES POUR L '
APPLICATION DU PRESENT REGLEMENT " ;

30 ATTENDU QUE, LA MATIERE DE L ' AETR RELEVANT DU DOMAINE D ' APPLICATION DU


REGLEMENT NO 543/69 , LA COMPETENCE DE NEGOCIER ET DE CONCLURE L ' ACCORD EN
CAUSE APPARTIENT A LA COMMUNAUTE DEPUIS L ' ENTREE EN VIGUEUR DUDIT REGLEMENT ;

53
31 QUE CETTE COMPETENCE COMMUNAUTAIRE EXCLUT LA POSSIBILITE D ' UNE COMPETENCE
CONCURRENTE DES ETATS MEMBRES, TOUTE INITIATIVE PRISE HORS DU CADRE DES
INSTITUTIONS COMMUNES ETANT INCOMPATIBLE AVEC L ' UNITE DU MARCHE COMMUN ET L '
APPLICATION UNIFORME DU DROIT COMMUNAUTAIRE ;

Document 4 :
CJ, 6 décembre 2001, Avis relatif à la conclusion du protocole de Cartagena sur la prévention des risques
biotechnologiques, 2/00 (avis 2/00) (extraits)

20. Selon la Commission, le protocole [de Cartagena] titre exceptionnel, s'il est établi que l'acte poursuit à la
relève, pour l'essentiel, du champ d'application de fois plusieurs objectifs, qui sont liés d'une façon
l'article 133, paragraphe 3, CE [relatif à la politique indissociable, sans que l'un soit second et indirect par
commerciale commune], mais elle n'exclut pas que rapport à l'autre, un tel acte pourra être fondé sur les
certaines matières relevant plus spécifiquement de la différentes bases juridiques correspondantes (voir, en
protection de l'environnement excèdent le cadre de ce sens, arrêts dioxyde de titane, points 13 et 17, ainsi
cette disposition. En conséquence, elle soutient que les que du 23 février 1999, Parlement/Conseil, précité,
articles 133 CE et 174, paragraphe 4, CE [relatif à la point 38).
politique environnementale] constituent la base
juridique appropriée pour la conclusion dudit 24. S'agissant de l'interprétation d'un accord
protocole. international, il convient en outre de rappeler que, en
vertu de l'article 31 de la convention de Vienne sur le
21. Cette interprétation est contestée par le Conseil et droit des traités, « un traité doit être interprété de
les États membres qui ont présenté des observations. bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses
Ces derniers considèrent que, en raison principalement termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet
de la finalité et du contenu du protocole, sa conclusion et de son but ».
ne peut être fondée que sur l'article 175, paragraphe 1,
CE [qui donne compétence au Conseil pour adopter 25. En l'occurrence, l'application de ces critères
les mesures relatives à la politique environnementale]. d'appréciation revient à se demander si le protocole
Le Parlement fait valoir également que cette dernière constitue, au regard de son contexte, de son but et de
disposition constitue la base juridique appropriée de son contenu, un accord adopté principalement en
l'acte portant conclusion dudit protocole, mais il matière de protection de l'environnement, susceptible
n'exclut pas une référence additionnelle à l'article 133 d'avoir des implications accessoires sur le commerce
CE, dans la mesure où il serait établi que ses effets sur des OVM, ou, à l'inverse, s'il revêt principalement le
le commerce des [organismes vivants modifiés caractère d'un accord en matière de politique de
(OVM)] s'ajoutent de manière significative à la commerce international prenant en considération, de
protection de l'environnement, qui est la finalité manière accessoire, certaines exigences
première de ce protocole. environnementales, ou encore s'il concerne d'une
façon indissociable à la fois la protection de
22. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une l'environnement et le commerce international.
jurisprudence constante, le choix de la base juridique
d'un acte, y compris celui adopté en vue de la […]
conclusion d'un accord international, ne résulte pas de
la seule conviction de son auteur, mais doit se fonder 34. Il ressort ainsi de l'examen effectué aux points 26 à
sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle 33 du présent avis, portant sur le contexte, le but et le
juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, contenu du protocole, que la finalité ou la composante
notamment, le but et le contenu de l'acte (voir arrêts principale de ce dernier est la protection de la diversité
Portugal/Conseil, précité, point 22; du 4 avril 2000, biologique contre les effets néfastes qui pourraient
Commission/Conseil, C-269/97, Rec. p. I-2257, point résulter des activités impliquant le traitement des
43, et Espagne/Conseil, précité, point 58). OVM, et notamment des mouvements transfrontières
de ceux-ci.
23. Si l'examen d'un acte communautaire démontre
qu'il poursuit une double finalité ou qu'il a une double 35. La Commission considère pourtant que le
composante et si l'une de celles-ci est identifiable protocole relève, pour l'essentiel, du domaine de la
comme principale ou prépondérante, tandis que l'autre réglementation du commerce international. Elle se
n'est qu'accessoire, l'acte doit être fondé sur une seule réfère, à cet égard, à la jurisprudence de la Cour qui,
base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou depuis longtemps, aurait retenu une conception large
composante principale ou prépondérante (voir arrêts « de la notion de politique commerciale commune (voir
directive déchets », points 19 et 21 ; du 23 février 1999, avis 1/78, précité, point 45). La circonstance qu'une
Parlement/Conseil, C-42/97, Rec. p. I-869, points 39 réglementation du commerce international de certains
et 40, ainsi que Espagne/Conseil, précité, point 59). À produits poursuive, à titre principal, des objectifs

54
d'ordre non commercial - tels que la protection de 40. En deuxième lieu, la circonstance que de nombreux
l'environnement ou de la santé humaine, la accords internationaux en matière de commerce
coopération au développement, des objectifs de poursuivent des objectifs multiples et l'interprétation
politique étrangère et de sécurité ou de politique large de la notion de politique commerciale commune,
agricole - ne saurait avoir pour conséquence, selon la telle qu'elle résulte de la jurisprudence de la Cour, ne
Commission, d'exclure la compétence exclusive de la sont pas de nature à remettre en cause la constatation
Communauté et de justifier le recours, par exemple, à selon laquelle le protocole est un instrument relevant
l'article 175 CE, dès lors que les mesures en cause principalement de la politique de l'environnement,
tendent spécifiquement à régir les échanges extérieurs même si les mesures de prévention sont susceptibles
de la Communauté (voir, en ce sens, arrêts précités du d'affecter les échanges commerciaux concernant les
26 mars 1987, Commission/Conseil, points 16 à 20 ; OVM. Si elle était admise, l'interprétation de la
Tchernobyl, points 17 à 20 ; Werner, points 8 à 11; Commission reviendrait à vider d'une grande partie de
Leifer e.a., points 8 à 11, et Centro-Com, points 26 à leur substance les dispositions spécifiques du traité
29, ainsi que avis précités 1/78, points 41 à 46, et 1/94, concernant la politique de protection de
points 28 à 34). En réalité, les mesures de l'environnement, dans la mesure où, aussitôt qu'il serait
réglementation du commerce international établi que l'action communautaire est susceptible
poursuivraient souvent des objectifs multiples et d'avoir des implications sur les échanges commerciaux,
divers, ce qui n'impliquerait pas qu'elles doivent être l'accord envisagé devrait alors être rangé dans la
adoptées sur la base des différentes dispositions du catégorie de ceux qui relèvent de la politique
traité relatives à ces objectifs. commerciale commune. Il convient, à cet égard, de
relever que la politique de l'environnement est
36. La Commission ajoute que des considérations explicitement visée à l'article 3, paragraphe 1, sous l),
d'ordre non commercial ont été intégrées dans l'accord CE, au même titre que la politique commerciale
OMC et ses annexes, notamment à l'article XX [de commune, à laquelle il est fait référence dans la même
l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce disposition, sous b).
(GATT)] et dans les accords [sur l'application des
mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et (sur les 41. En troisième lieu, quelle que soit leur ampleur, les
barrières techniques au commerce (BTC)], sans que la difficultés pratiques liées à la mise en oeuvre des
Cour ait pourtant écarté, au point 34 de son avis 1/94, accords mixtes, qui sont invoquées par la Commission
précité, la compétence exclusive de la Communauté pour justifier le recours à l'article 133 CE - conférant à
pour conclure, au titre de l'article 113 du traité, la Communauté une compétence exclusive en matière
l'ensemble des accords multilatéraux relatifs au de politique commerciale commune -, ne sauraient être
commerce des marchandises. retenues comme pertinentes pour déterminer le choix
de la base juridique d'un acte communautaire (voir avis
37. À cet égard, il est vrai que, selon les termes mêmes 1/94, précité, point 107).
de l'article 1er du protocole, le « degré adéquat de
protection » recherché concerne, notamment, le « 42. En revanche, il découle de l'ensemble des
transfert » des OVM et que « l'accent » doit être mis considérations qui précèdent que la conclusion du
sur les « mouvements transfrontière s» de ceux-ci. Il est protocole, au nom de la Communauté, doit être fondée
vrai également que de nombreuses dispositions du sur une base juridique unique, qui soit spécifique à la
protocole portent précisément sur le contrôle de ces politique de l'environnement.
mouvements, en particulier lorsque les OVM sont
destinés à être utilisés directement pour l'alimentation […]
humaine ou animale ou à être transformés, afin de
permettre aux autorités nationales de prévenir ou de 44. Par conséquent, l'article 175, paragraphe 1, CE est
réduire les risques qu'ils comportent pour la diversité la base juridique appropriée pour la conclusion du
biologique et la santé humaine. Toutefois, à supposer protocole au nom de la Communauté.
même, ainsi que le soutient la Commission, que les
procédures de contrôle instaurées par le protocole 45. Dès lors, il convient encore d'examiner si la
soient appliquées le plus souvent ou, à tout le moins, Communauté détient, au titre de l'article 175 CE, une
en termes de valeur marchande, de façon compétence exclusive pour conclure le protocole en
prépondérante aux échanges commerciaux d'OVM, il raison de l'existence d'actes de droit dérivé adoptés
n'en reste pas moins que, ainsi qu'il ressort de l'examen dans le cadre communautaire, qui couvriraient la
effectué aux points 26 à 33 du présent avis, le matière de la biosécurité et qui seraient susceptibles
protocole est, au regard de son contexte, de sa finalité d'être affectés en cas de participation des États
et de son contenu, un instrument destiné membres à la procédure de conclusion dudit protocole
essentiellement à prévenir les risques (voir arrêt AETR, point 22).
biotechnologiques et non à promouvoir, à faciliter ou
à régir les échanges commerciaux. 46. Il suffit, à cet égard, de constater, ainsi que l'ont fait
à juste titre le gouvernement du Royaume-Uni et le
[…] Conseil, que, en tout état de cause, l'harmonisation
réalisée sur le plan communautaire, dans le domaine

55
d'application du protocole, ne couvre que très 106, p. 1), dont l'article 36, paragraphe 1, abroge la
partiellement un tel domaine [voir les directives directive 90/220].
90/219 et 90/220, ainsi que 2001/18/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, 47. Il résulte des considérations qui précèdent que la
relative à la dissémination volontaire d'organismes Communauté et ses États membres ont une
génétiquement modifiés dans l'environnement (JO L compétence partagée pour conclure le protocole.

Document 5 :
« Le fonctionnement de l’Europe de la santé », 18 mars 2020, www.touteleurope.eu (extraits)

La santé publique est un domaine qui relève de la élaborer des "mesures fixant des normes élevées de
compétence des Etats membres de l’UE. Cependant, il qualité et de sécurité des organes, du sang (…), des
existe des défis transnationaux, communs à tous les médicaments et des dispositifs à usage médical", ou
Européens, sur lesquels avoir une vision d’ensemble encore des "mesures dans les domaines vétérinaire et
devient un atout. Dans ces cas, l’action de l’Union phytosanitaire".
européenne vient compléter celle des Etats.
Plus généralement, l’Union s’engage à "assurer un
UNE COMPETENCE COMMUNAUTAIRE niveau élevé de protection de la santé humaine" dans
D'APPUI toutes ses politiques.

La santé publique relève par principe de la compétence […]


interne des Etats membres ; les gouvernements
nationaux sont donc libres d'organiser et de fournir REPONDRE AUX CRISES SANITAIRES
leurs services de soins comme ils le souhaitent. Mais
l'action de l'Union européenne peut compléter ces Les grandes épidémies mondiales (grippe A H1N1,
politiques nationales. Le traité sur le fonctionnement Escherichia Coli, Ebola, Covid-19…) exigent un
de l'UE (TFUE) lui donne ainsi, à l'article 168, une dialogue et une coopération d'urgence au niveau
base pour intervenir dans les domaines (très larges) européen. A cet effet, le Conseil de l'UE réunit les
suivants : ministres de la Santé des Vingt-Sept pour favoriser la
coordination des politiques nationales. Selon les
• L'amélioration de la santé publique ; circonstances, le Conseil européen peut également être
• L'information et l'éducation en matière de mobilisé.
santé ;
• La prévention des maladies et des causes de L'Union européenne peut, en cas de crise grave et dans
danger pour la santé physique et mentale ; un contexte d'urgence, assouplir ses politiques et ses
normes afin de faciliter l'endiguement de l'épidémie.
• La lutte contre les grands fléaux, en
Dans le cas de la pandémie de Covid-19 début 2020, la
favorisant la recherche sur leurs causes, leur
Commission a annoncé l'assouplissement de plusieurs
transmission et leur prévention ;
règles budgétaires et de concurrence afin d'offrir aux
• La surveillance, l'alerte et la lutte contre les Etats membres une marge de manoeuvre accrue dans
menaces transfrontières graves sur la santé ; la réponse à la crise.
• La réduction des effets nocifs de la drogue
sur la santé. Les traités permettent également une renationalisation
temporaire de certaines compétences : c'est le cas du
Afin de mener à bien ces objectifs et d'améliorer les Code frontières de l'espace Schengen, qui permet un
systèmes de santé nationaux, l'Union doit notamment retour temporaire des contrôles aux frontières
"favoriser la coopération" avec les Etats tiers ; nationales en cas de crise. Cette mesure a été appliquée
"encourager la coopération" entre les Etats membres par de nombreux pays européens lors de la même
et la "coordination" de leurs politiques et systèmes pandémie du Covid-19.
sanitaires, "en particulier dans les régions frontalières".
[…]
Des textes contraignants peuvent ainsi être adoptés au
niveau européen. A titre d'exemple, les DEBATS ET PERSPECTIVES
réglementations (nationales) sur le tabac sont assises
sur une norme européenne qui limite la teneur en Malgré l’engagement croissant de l’Union européenne
goudron et nicotine, et rend obligatoire l'inscription dans ce domaine, la santé publique demeure une
d'un avertissement sur les paquets de cigarettes. compétence des Etats membres. Cette politique figure
ainsi, dans le Livre blanc sur le futur de l’Union
Par ailleurs, depuis l'élargissement de ses compétences européenne (présenté en mars 2017 par la
par le traité de Lisbonne en 2007, l'UE peut aussi Commission), parmi les programmes sur lesquels l’UE

56
pourrait se désengager dans le cas où les Etats la santé. Les nouveaux critères européens devront
membres décideraient de "faire moins, mais plus permettre de retirer du marché les perturbateurs
efficacement", c’est-à-dire de réduire les compétences endocriniens identifiés.
dont disposent aujourd’hui l’Union.
Mais en parallèle, le renouvellement pour cinq ans de
Cependant, plusieurs défis, qui concernent l’ensemble la licence accordée au glyphosate, alors même que
de la population de l’UE, font penser que la politique l'autorisation de l'herbicide controversé devait expirer
de santé publique devra inévitablement se doter d’un à la fin de l'année 2017, a suscité le vif émoi d'une partie
niveau de gestion communautaire. Il est par exemple de la population et de certains Etats membres, dont la
difficile d’imaginer qu’un développement ultérieur du France.
marché commun ne s'accompagne pas d'une attention
croissante portée à la santé des Européens, via le Dans ces domaines comme dans d’autres (par exemple
contrôle de la qualité des produits en circulation par sur les questions bioéthiques, où les positions des Etats
exemple. varient grandement), l’Union européenne devra donc
De même, l’action menée à l'échelle de l'UE contre les continuer à veiller à ce que le "niveau élevé de
changements climatiques et la pollution a aussi des protection de la santé humaine", mentionné par le
implications sanitaires. L’UE et les Etats membres ont traité de Lisbonne, soit bien assuré. Médecin de
par exemple dégagé en 2017 une définition commune formation, la présidente de la Commission européenne
des perturbateurs endocriniens, ces substances Ursula von der Leyen souhaite avancer
chimiques susceptibles d’interférer avec les systèmes particulièrement dans ce domaine. Parmi ses priorités
hormonaux et ainsi "d'induire des effets néfastes dans pour son mandat 2019-2024, figure la présentation
un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de d'un plan européen de lutte contre le cancer.
(sous)-populations", selon l'Organisation mondiale de

Document 6 :
TUE, article 4 § 1
Article 4

1. Conformément à l'article 5, toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres.

TUE, article 5 §§ 1-2

Article 5

1. Le principe d'attribution régit la délimitation des compétences de l'Union. Les principes de subsidiarité et de
proportionnalité régissent l'exercice de ces compétences.

2. En vertu du principe d'attribution, l'Union n'agit que dans les limites des compétences que les États membres lui
ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent.
Toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres.

Document 7 :
Déclaration (n° 18) concernant la répartition des compétences, annexée au TUE et au TFUE

La Conférence souligne que, conformément au système de répartition des compétences entre l'Union et les États
membres tel que prévu par le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres.

Lorsque les traités attribuent à l'Union une compétence partagée avec les États membres dans un domaine déterminé,
les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne ou a décidé de cesser
de l'exercer. Ce dernier cas de figure peut se produire lorsque les institutions compétentes de l'Union décident d'abroger
un acte législatif, en particulier en vue de mieux garantir le respect constant des principes de subsidiarité et de
proportionnalité. Sur l'initiative d'un ou de plusieurs de ses membres (représentants des États membres) et
conformément à l'article 241 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Conseil peut demander à la
Commission de soumettre des propositions visant à abroger un acte législatif. La Conférence se félicite que la
Commission déclare qu'elle accordera une attention particulière à ce type de demande.

57
De même, les représentants des gouvernements des États membres, réunis en Conférence intergouvernementale,
conformément à la procédure de révision ordinaire prévue à l'article 48, paragraphes 2 à 5, du traité sur l'Union
européenne, peuvent décider de modifier les traités sur lesquels l'Union est fondée, y compris en vue d'accroître ou de
réduire les compétences attribuées à l'Union dans lesdits traités.

Document 8 :
SOLDATOS P., « L’Union politique de l’Europe : une finalité en voie d’actualisation étapiste ou un rêve
mouvant ? », Revue de l’Union européenne, 2013, pp. 266-274 (extrait)

Il est exact d'affirmer que l'unification politique du Vieux Continent est la finalité recherchée dans la mouvance
communautaire des années 50, encore que timidement insérée dans les textes, par ce voeu déclaratoire erga omnes du
Traité de Rome « une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens », toujours relayé dans les textes et le
plus récent, celui du Traité de Lisbonne. Face à une réalité idéologico-politique de l'époque, qui faisait du fédéralisme
européen de l'après-guerre un courant important mais minoritaire, le fédéralisme déguisé, car étapiste, de Jean Monnet
s'est inscrit dans les traités communautaires à la fois au niveau de leurs finalités et dans la sphère de leur appareil
institutionnel-décisionnel, par quelques importants ingrédients de supranationalité, limités mais réels, pour assurer ainsi
l'opérationnalité de la conviction pragmatique, théorisée par les néo-fonctionnalistes, du « spill-over », soit de
l'enchaînement dynamique des phases, que nous avons encapsulé dans le continuum « l'intégration socio-économique
aux assises juridico-institutionnelles, d'abord, l'intégration politique, après ». Certes, pareille évolution de débordement
(« spill-over »), surtout pour le passage du socio-économique au politique, initialement considérée comme pouvant être
automatique, fut dans des analyses ultérieures du néo-fonctionnalisme reliée à l'expression d'une forte volonté politique
des acteurs concernés, sous-tendue par un certain nombre de conditions situationnelles et perceptuelles d'intégration
(« cultivated spill-over »).

Ce schéma de fédéralisme déguisé de Jean Monnet, avec un scénario de politisation étapiste, a su prévaloir dans la
construction communautaire de départ, à la faveur d'une conviction profonde et d'une approche innovante en matière
de souveraineté : la conviction était celle de l'impératif de dépassement des souverainetés nationales, coupables de
tsunamis guerriers, deux fois dans une même moitié de siècle, et de l'incapacité structurelle-fonctionnelle des États-
nations de l'après-guerre de répondre aux besoins systémiques fondamentaux de leurs citoyens (leur raison d'être
étatique), surtout, de bien-être matériel et de sécurité intérieure et extérieure ; l'approche innovante était celle d'une
souveraineté divisible et limitée, conduisant à un système juridico-institutionnel superposé et de mise en commun de
droits souverains, générateur de politiques communautaires.

Aussi, sommes-nous, dès le départ, en présence d'une « finalité plus » : l'union politique de l'Europe, outre son dessein
ultime de fédéralisation du Continent, trouve dans les traités communautaires une existence juridico-institutionnelle,
constitutionnellement balisée. Depuis, la CE/UE vivra dans un constant tiraillement de positions, mettant en
interaction antagonique deux courants (le second à deux tendances) : celui qui, dans cette logique de fédéralisation par
étapes, préconise et, dans nombre de dossiers, impose des réformes de supranationalisation continue du système ; celui
qui, souhaitant faire de l'Europe un cadre, essentiellement, économico-commercial, y introduit de nouveaux ingrédients
d'intergouvernementalisme, dans l'espoir de faire basculer le système vers un simple cadre administratif et de gestion
d'une zone économique (première tendance, minimaliste) ou dans le but de le stabiliser autour d'une gouvernance à
saveur confédérale et sans dynamique de « spill-over » de fédéralisation (seconde tendance, dite réaliste).
Cette finalité d'union politique, déjà, en partie, actualisée par les traités, trouve son expression dans un schéma
institutionnel-décisionnel qui place les membres de la CE/UE dans la trajectoire que nous appelons « au-delà de l'État-
nation ». Nous en soulignons, ci-après, quelques manifestations essentielles.

Document 9 :
TUE, article 48 §§ 6-7

Article 48
[…]

Procédures de révision simplifiées

6. Le gouvernement de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil
européen des projets tendant à la révision de tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne, relatives aux politiques et actions internes de l'Union.

58
Le Conseil européen peut adopter une décision modifiant tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité
sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le Conseil européen statue à l'unanimité, après consultation du
Parlement européen et de la Commission ainsi que de la Banque centrale européenne dans le cas de modifications
institutionnelles dans le domaine monétaire. Cette décision n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États
membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

La décision visée au deuxième alinéa ne peut pas accroître les compétences attribuées à l'Union dans les traités.

7. Lorsque le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou le titre V du présent traité prévoit que le Conseil
statue à l'unanimité dans un domaine ou dans un cas déterminé, le Conseil européen peut adopter une décision
autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans ce domaine ou dans ce cas. Le présent alinéa ne s'applique
pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

Lorsque le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que des actes législatifs sont adoptés par le
Conseil conformément à une procédure législative spéciale, le Conseil européen peut adopter une décision autorisant
l'adoption desdits actes conformément à la procédure législative ordinaire.

Document 10 :
TFUE, article 352
Article 352

1. Si une action de l'Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre l'un des
objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci n'aient prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant
à l'unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, adopte les dispositions
appropriées. Lorsque les dispositions en question sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure
législative spéciale, il statue également à l'unanimité, sur proposition de la Commission et après approbation du
Parlement européen.

2. La Commission, dans le cadre de la procédure de contrôle du principe de subsidiarité visée à l'article 5, paragraphe 3,
du traité sur l'Union européenne, attire l'attention des parlements nationaux sur les propositions fondées sur le présent
article.

3. Les mesures fondées sur le présent article ne peuvent pas comporter d'harmonisation des dispositions législatives et
réglementaires des États membres dans les cas où les traités excluent une telle harmonisation.

4. Le présent article ne peut servir de fondement pour atteindre un objectif relevant de la politique étrangère et de
sécurité commune et tout acte adopté conformément au présent article respecte les limites fixées par l'article 40, second
alinéa, du traité sur l'Union européenne.

Document 11 :
Déclaration (n° 42) ad article 352 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, annexée au TUE
et au TFUE

La Conférence souligne que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne,
l'article 352 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui fait partie intégrante d'un ordre institutionnel
basé sur le principe des compétences d'attribution, ne saurait constituer un fondement pour élargir le domaine des
compétences de l'Union au-delà du cadre général résultant de l'ensemble des dispositions des traités, et en particulier
de celles qui définissent les missions et les actions de l'Union. Cet article ne saurait en tout cas servir de fondement à
l'adoption de dispositions qui aboutiraient en substance, dans leurs conséquences, à une modification des traités
échappant à la procédure que ceux-ci prévoient à cet effet.

59
Séance 5
L’exercice des compétences au sein de l’Union européenne

Document 1. TUE, article 5 §3


Document 2. Protocole (n° 2) sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au TUE
(2007) et au TFUE
Document 3. Parlement européen, Résolution sur la mise en œuvre du principe de subsidiarité, 18 novembre 1992,
JOCE n° C 337 du 21 décembre 1992, p. 117 (extrait).
Document 4. Règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un
code communautaire des visas (code des visas), préambule, cons. 28
Document 5. TUE, article 5 § 4
Document 6. Parlement européen, résolution « sur la situation de l’espace Schengen au temps de la pandémie de
COVID-19 », 19 juin 2020
Document 7. République fédérale d’Allemagne c. Conseil de l’Union européenne, aff. C‑600/14, 5 décembre 2017
(extraits)
Document 8. CJ, 22 novembre 2018, Swedish match, aff. C-151/17 (70-75) (extraits)

Exercice à préparer : Dissertation


Les principes d’exercice des compétences au sein de l’Union européenne permettent-ils de préserver les compétences
des États ?

Document 1 :
TUE, article 5 §3

Article 5

3. En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union
intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière
suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en
raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union.

Document 2 :
Protocole (n° 2) sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au TUE
(2007) et au TFUE

LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES, Article 2


Avant de proposer un acte législatif, la Commission
DÉSIREUSES de faire en sorte que les décisions procède à de larges consultations. Ces consultations
soient prises le plus près possible des citoyens de doivent tenir compte, le cas échéant, de la dimension
l'Union; régionale et locale des actions envisagées. En cas
d'urgence exceptionnelle, la Commission ne procède
DÉTERMINÉES à fixer les conditions d'application pas à ces consultations. Elle motive sa décision dans sa
des principes de subsidiarité et de proportionnalité proposition.
fixés à l'article 5 du traité sur l'Union européenne, ainsi
qu'à établir un système de contrôle de l'application de Article 3
ces principes, Aux fins du présent protocole, on entend par "projet
d'acte législatif", les propositions de la Commission, les
SONT CONVENUES des dispositions ci-après, qui initiatives d'un groupe d'États membres, les initiatives
sont annexées au traité sur l'Union européenne et au du Parlement européen, les demandes de la Cour de
traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : justice, les recommandations de la Banque centrale
européenne et les demandes de la Banque européenne
Article premier d'investissement, visant à l'adoption d'un acte législatif.
Chaque institution veille de manière continue au
respect des principes de subsidiarité et de Article 4
proportionnalité définis à l'article 5 du traité sur La Commission transmet ses projets d'actes législatifs
l'Union européenne. ainsi que ses projets modifiés aux parlements
nationaux en même temps qu'au législateur de l'Union.

60
Le Parlement européen transmet ses projets d'actes d'eux, tiennent compte des avis motivés adressés par
législatifs ainsi que ses projets modifiés aux parlements les parlements nationaux ou par une chambre de l'un
nationaux. de ces parlements.
Le Conseil transmet les projets d'actes législatifs Chaque parlement national dispose de deux voix,
émanant d'un groupe d'États membres, de la Cour de réparties en fonction du système parlementaire
justice, de la Banque centrale européenne ou de la national. Dans un système parlementaire national
Banque européenne d'investissement, ainsi que les bicaméral, chacune des deux chambres dispose d'une
projets modifiés, aux parlements nationaux. voix.
Dès leur adoption, les résolutions législatives du 2. Dans le cas où les avis motivés sur le non-respect
Parlement européen et les positions du Conseil sont par un projet d'acte législatif du principe de subsidiarité
transmises par ceux-ci aux parlements nationaux. représentent au moins un tiers de l'ensemble des voix
attribuées aux parlements nationaux conformément au
Article 5 deuxième alinéa du paragraphe 1, le projet doit être
Les projets d'actes législatifs sont motivés au regard réexaminé. Ce seuil est un quart lorsqu'il s'agit d'un
des principes de subsidiarité et de proportionnalité. projet d'acte législatif présenté sur la base de l'article 76
Tout projet d'acte législatif devrait comporter une du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
fiche contenant des éléments circonstanciés relatif à l'espace de liberté, de sécurité et de justice.
permettant d'apprécier le respect des principes de À l'issue de ce réexamen, la Commission ou, le cas
subsidiarité et de proportionnalité. Cette fiche devrait échéant, le groupe d'États membres, le Parlement
comporter des éléments permettant d'évaluer son européen, la Cour de justice, la Banque centrale
impact financier et, lorsqu'il s'agit d'une directive, ses européenne ou la Banque européenne
implications sur la réglementation à mettre en oeuvre d'investissement, si le projet d'acte législatif émane
par les États membres, y compris, le cas échéant, la d'eux, peut décider, soit de maintenir le projet, soit de
législation régionale. Les raisons permettant de le modifier, soit de le retirer. Cette décision doit être
conclure qu'un objectif de l'Union peut être mieux motivée.
atteint au niveau de celle-ci s'appuient sur des 3. En outre, dans le cadre de la procédure législative
indicateurs qualitatifs et, chaque fois que c'est possible, ordinaire, dans le cas où les avis motivés sur le non-
quantitatifs. Les projets d'actes législatifs tiennent respect par une proposition d'acte législatif du principe
compte de la nécessité de faire en sorte que toute de subsidiarité représentent au moins une majorité
charge, financière ou administrative, incombant à simple des voix attribuées aux parlements nationaux
l'Union, aux gouvernements nationaux, aux autorités conformément au deuxième alinéa du paragraphe 1, la
régionales ou locales, aux opérateurs économiques et proposition doit être réexaminée. À l'issue de ce
aux citoyens soit la moins élevée possible et à la mesure réexamen, la Commission peut décider, soit de
de l'objectif à atteindre. maintenir la proposition, soit de la modifier, soit de la
retirer.
Article 6 Si elle choisit de la maintenir, la Commission devra,
Tout parlement national ou toute chambre de l'un de dans un avis motivé, justifier la raison pour laquelle elle
ces parlements peut, dans un délai de huit semaines à estime que la proposition est conforme au principe de
compter de la date de transmission d'un projet d'acte subsidiarité. Cet avis motivé ainsi que les avis motivés
législatif dans les langues officielles de l'Union, des parlements nationaux devront être soumis au
adresser aux présidents du Parlement européen, du législateur de l'Union afin d'être pris en compte dans le
Conseil et de la Commission un avis motivé exposant cadre de la procédure:
les raisons pour lesquelles il estime que le projet en a) avant d'achever la première lecture, le législateur (le
cause n'est pas conforme au principe de subsidiarité. Il Parlement européen et le Conseil) examine si la
appartient à chaque parlement national ou à chaque proposition législative est compatible avec le principe
chambre d'un parlement national de consulter, le cas de subsidiarité, en tenant compte en particulier des
échéant, les parlements régionaux possédant des motifs invoqués et partagés par la majorité des
pouvoirs législatifs. parlements nationaux ainsi que de l'avis motivé de la
Si le projet d'acte législatif émane d'un groupe d'États Commission ;
membres, le président du Conseil transmet l'avis aux b) si, en vertu d'une majorité de 55 % des membres du
gouvernements de ces États membres. Conseil ou d'une majorité des suffrages exprimés au
Si le projet d'acte législatif émane de la Cour de justice, Parlement européen, le législateur est d'avis que la
de la Banque centrale européenne ou de la Banque proposition n'est pas compatible avec le principe de
européenne d'investissement, le président du Conseil subsidiarité, l'examen de la proposition législative n'est
transmet l'avis à l'institution ou organe concerné. pas poursuivi.

Article 7 Article 8
1. Le Parlement européen, le Conseil et la La Cour de justice de l'Union européenne est
Commission, ainsi que, le cas échéant, le groupe compétente pour se prononcer sur les recours pour
d'États membres, la Cour de justice, la Banque centrale violation, par un acte législatif, du principe de
européenne ou la Banque européenne subsidiarité formés, conformément aux modalités
d'investissement, si le projet d'acte législatif émane prévues à l'article 263 du traité sur le fonctionnement

61
de l'Union européenne, par un État membre ou
transmis par celui-ci conformément à son ordre Article 9
juridique au nom de son parlement national ou d'une La Commission présente chaque année au Conseil
chambre de celui-ci. européen, au Parlement européen, au Conseil et aux
Conformément aux modalités prévues audit article, de parlements nationaux un rapport sur l'application de
tels recours peuvent aussi être formés par le Comité l'article 5 du traité sur l'Union européenne. Ce rapport
des régions contre des actes législatifs pour l'adoption annuel est également transmis au Comité économique
desquels le traité sur le fonctionnement de l'Union et social et au Comité des régions.
européenne prévoit sa consultation.

Document 3 :
Parlement européen, Résolution sur la mise en œuvre du principe de subsidiarité, 18 novembre 1992, JOCE
n° C 337 du 21 décembre 1992, p. 117 (extrait).

Le Parlement européen,

— vu ses résolutions des 11 juillet 1990 et 21 novembre 1990 sur le principe de subsidiarité et 22 novembre 1990 sur
les Conférences intergouvernementales dans le cadre de la stratégie du Parlement européen pour l’Union européenne,
du 14 octobre 1992 sur l’état de l’Union européenne et de la ratification du Traité de Maastricht et du 28 octobre 1992
sur le Conseil européen extraordinaire tenu à Birmingham le 16 octobre 1992, — vu les articles B et 3 B du Traité sur
l’Union européenne,

— vu la Déclaration de Birmingham, adoptée lors du Conseil européen extraordinaire du 16 octobre 1992,

A. considérant que les traités définissent les compétences de la Communauté et que l’application du principe
de subsidiarité tel qu’il est défini par le Traité sur 1’Union européenne ne suppose rien d'autre que la mise en oeuvre
d'une procédure permettant aux institutions communautaires de réguler l’exercice des compétences qui leur sont
reconnues,

B. considérant que le Traité sur l’Union européenne en son article 3 B opère une distinction très
nette entre :
— le principe de subsidiarité, tel qu'il est défini au deuxième alinéa de l'article 3 B et qui vise, dans les domaines qui ne
relèvent pas de la compétence exclusive de la Communauté, à permettre de vérifier la nécessité de l'action envisagée,
— le principe de proportionnalité, tel qu’il est défini par le troisième alinéa de l’article 3 B et qui vise, dans tous les
domaines de compétence de la Communauté, à permettre de vérifier l’adéquation aux objectifs du Traité tant de la
nature juridique que du contenu de l’action envisagée,

C. considérant que la vérification de la conformité aux dispositions de l’article 3 B constitue l’un des éléments
de la vérification de la base juridique de l'action proposée,

D. considérant que la Déclaration relative au rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne annexée
au Traité de Maastricht confère au Parlement européen parmi les institutions communautaires la responsabilité
d'entretenir les relations institutionnelles avec les parlements nationaux,

E. considérant que la mise en œuvre du principe de subsidiarité ne remet en cause ni le droit d’initiative des
institutions ni l’équilibre institutionnel résultant des traités, ni l'acquis communautaire,

F. considérant que dans la perspective de l'entrée en vigueur du Traité sur l'Union européenne, il convient
dans le cadre d'un accord interinstitutionnel de mettre en place un mécanisme approprié assurant la mise en œuvre et
le contrôle du respect du principe de subsidiarité ;

1. estime qu'il importe, dans le cadre de l'accord interinstitutionnel qui sera négocié et adopté par les trois institutions,
d’instituer une étroite coopération de la façon suivante :
— le contrôle du respect du principe de subsidiarité s'effectue à l'occasion du processus de décision communautaire,
conformément aux règles de vote prévues par le Traité, et ne saurait se traduire ni par une remise en cause du droit
d'initiative tel qu' il est prévu par le Traité sur l’Union européenne, ni par la mise en place d'une procédure de
consultation du Conseil préalable ou parallèle au déroulement du processus décisionnel prévu par les Traités et par les
accords interinstitutionnels qui en découlent,
— les trois institutions, dans le cadre de leur procédure interne et à l’occasion de l’examen de la base juridique, vérifient
systématiquement la conformité de l'action envisagée aux dispositions de l'article 3 B du Traité sur l'Union européenne
tant en ce qui concerne le choix des instruments juridiques que le contenu (coordination ou rapprochement ou
harmonisation des législations) ; la vérification ne peut donc être disjointe de l'examen au fond,

62
— toute proposition de la Commission comporte un exposé des motifs contenant une justification par rapport au
principe de subsidiarité tel qu’il est défini par l'article 3 B du Traité,
— tout amendement au texte initial proposé par le Parlement européen et par le Conseil doit, dès lors qu’il entraîne
une nouvelle extension du champ d’intervention communautaire, être assorti d'une justification au regard des principes
fixés par l'article 3 B,
— la Commission établit un rapport annuel à l’intention du Parlement européen et du Conseil sur le respect du principe
de subsidiarité ; le Parlement européen organise un débat public sur ce rapport avec la participation de la Commission
et du Conseil ;

2. estime qu’en cas de difficulté d’application, une Conférence interinstitutionnelle peut être convoquée à la diligence
du président d’une des trois institutions en vue de surmonter la difficulté et le cas échéant de proposer de modifier ou
de compléter cet accord interinstitutionnel ;

3. mandate sa délégation à la Conférence interinstitutionnelle de négocier un projet d'accord reposant sur ces principes ;

4. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission ainsi qu’aux parlements des
États membres.

Document 4 :
Règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code
communautaire des visas (code des visas), préambule, cons. 28

28. Étant donné que l’objectif du présent règlement, à savoir la définition des procédures et des conditions de
délivrance des visas pour le transit ou les séjours prévus sur le territoire des États membres, d’une durée maximale de
trois mois sur une période de six mois, ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et
peuvent donc être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures,
conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité. Conformément au principe de
proportionnalité tel qu’énoncé audit article, le présent règlement n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet
objectif.

Document 5 :
TUE, article 5 § 4
Article 5

[…]

4. En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est
nécessaire pour atteindre les objectifs des traités.
Les institutions de l'Union appliquent le principe de proportionnalité conformément au protocole sur l'application
des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Document 6 :
Parlement européen, résolution « sur la situation de l’espace Schengen au temps de la pandémie de
COVID-19 », 19 juin 2020

Le Parlement européen, de séjourner librement sur le territoire des États


membres,
– vu le 35e anniversaire de l’accord de Schengen, signé
le 14 juin 1985, le 30e anniversaire de la convention – vu la charte des droits fondamentaux de l’Union
d’application de l’accord de Schengen, signée le 19 juin européenne, notamment son article 45, qui dispose que
1990, et le 25e anniversaire de l’entrée en vigueur de tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de
l’accord de Schengen, le 26 mars 1995, séjourner librement sur le territoire des États
membres,
– vu l’article 67, paragraphe 2, du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE), – vu le règlement (UE) 2016/399 du Parlement
qui prévoit que l’Union constitue un espace de liberté, européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un
de sécurité et de justice qui « assure l’absence de code de l’Union relatif au régime de franchissement
contrôles des personnes aux frontières intérieures », des frontières par les personnes (code frontières
Schengen), qui est la version codifiée du règlement
– vu l’article 21, paragraphe 1, du traité FUE, selon (CE) nº 562/2006 du Parlement européen et du
lequel tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et Conseil du 15 mars 2006 établissant un code

63
communautaire relatif au régime de franchissement – vu sa résolution du 11 décembre 2018 sur
des frontières par les personnes (code frontières l’application de la totalité des dispositions de l’acquis
Schengen), qui fut le premier texte adopté selon la de Schengen en Bulgarie et en Roumanie: suppression
procédure de codécision dans le domaine de la justice des contrôles aux frontières intérieures terrestres,
et des affaires intérieures, maritimes et aériennes,

– vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen – vu les travaux préparatoires menés en vue de cette
et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des résolution par le groupe de travail de la commission
citoyens de l’Union et des membres de leurs familles des libertés civiles, de la justice et des affaires
de circuler et de séjourner librement sur le territoire intérieures sur le contrôle de Schengen, – vu les
des États membres (directive relative à la libre questions au Conseil et à la Commission sur la
circulation) et le principe de non-discrimination qui y situation de l’espace Schengen au temps de la
est consacré, pandémie de COVID-19 (O-000037/2020 – B9-
0010/2020 and O-000038/2020 – B9-0011/2020),
– vu les lignes directrices de la Commission du 16 mars
2020 intitulées «COVID-19 – Lignes directrices – vu l’article 136, paragraphe 5, et l’article 132,
relatives aux mesures de gestion des frontières visant à paragraphe 2, de son règlement intérieur,
protéger la santé publique et à garantir la disponibilité
des biens et des services essentiels» (C(2020)1753), A. Considérant qu’en réaction à la pandémie de
approuvées par les chefs d’État ou de gouvernement le COVID-19, la plupart des États membres et des pays
17 mars 2020, associés à l’espace Schengen, également concernés par
le sujet de la présente résolution, ont réintroduit des
– vu les conclusions du président du Conseil européen contrôles aux frontières intérieures, ont procédé à la
à l’issue de la visioconférence du 17 mars 2020 avec les fermeture partielle ou totale de ces frontières ou ont
membres du Conseil européen au sujet de la COVID- décrété leur fermeture vis-à-vis de certains types de
19, dans lesquelles il approuve l’appel à renforcer les voyageurs, y compris des citoyens européens et des
frontières extérieures en appliquant une restriction membres de leurs familles ou des ressortissants de pays
temporaire coordonnée aux déplacements non tiers qui séjournent sur leur territoire ou celui d’un
essentiels à destination de l’Union pour une période de autre État membre; considérant que les États membres
30 jours, sur la base de la communication de la ont manifestement manqué de coordination entre eux
Commission intitulée «COVID-19: restriction et avec les institutions de l’Union lors de l’introduction
temporaire des déplacements non essentiels vers l’UE» de ces mesures ;
(COM(2020)0115), et la prolongation ultérieure de
cette restriction, B. Considérant que les contrôles aux frontières
internes portent atteinte aux droits et aux libertés
– vu la communication de la Commission du 30 mars individuels consacrés dans la législation de l’Union;
2020 intitulée «COVID-19 – Orientations concernant considérant que les restrictions en matière de
la mise en oeuvre de la restriction temporaire des déplacements aux frontières extérieures ne sauraient
déplacements non essentiels vers l’UE, la facilitation affecter le droit de demander asile ;
du régime de transit pour le rapatriement des citoyens
de l’UE et les effets sur la politique des visas» C. Considérant que la libre circulation des personnes
(C(2020)2050), prévue par l’accord de Schengen et sa convention
d’application s’accompagne de mesures
– vu la feuille de route européenne commune pour la compensatoires visant à garantir la sécurité sur le
levée des mesures de confinement liées à la pandémie territoire des États de l’espace Schengen(8);
de COVID-19 présentée par la présidente de la considérant que ces mesures compensatoires
Commission et le président du Conseil européen, comprennent des instruments tels que le système
– vu la communication de la Commission du 8 avril d’information Schengen (SIS) et d’autres systèmes
2020 concernant l’évaluation de l’application de la informatiques à grande échelle, créés pour assurer
restriction temporaire des déplacements non essentiels l’échange d’informations entre les autorités des États
vers l’UE (COM(2020)0148), de l’espace Schengen, ainsi que des règles communes
en matière de protection des frontières extérieures ;
– vu la communication de la Commission du 13 mai
2020 intitulée «Pour une approche coordonnée par D. Considérant que le bon fonctionnement de l’espace
étapes du rétablissement de la libre circulation et de la sans contrôle aux frontières intérieures requiert une
levée des contrôles aux frontières intérieures – confiance réciproque entre les États membres ;
COVID-19» (C(2020)3250),
E. Considérant qu’après la levée initiale des contrôles
– vu sa résolution du 30 mai 2018 sur le rapport annuel aux frontières intérieures, ces derniers ont rarement été
sur le fonctionnement de la zone Schengen, réintroduits ; considérant toutefois que depuis 2015,
plusieurs États membres ont maintenu des contrôles
aux frontières intérieures, alléguant l’augmentation des

64
niveaux de migration et/ou des menaces pour la devrait intervenir qu’en dernier recours, selon une
sécurité; considérant que le Parlement a soulevé des portée et pour une durée strictement limitées, s’il
interrogations sur le caractère légal et proportionné de repose sur des critères objectifs de nécessité et de
ces contrôles aux frontières intérieures ; proportionnalité strictes et s’il est susceptible de
remédier correctement à une menace grave pesant sur
F. Considérant qu’il est crucial de revenir à un espace l’ordre public ou la sécurité intérieure; estime que de
Schengen pleinement opérationnel pour préserver le nombreuses notifications transmises par les États
principe de la liberté de circulation, qui est l’une des membres ne présentent pas le niveau de détail
plus grandes réussites de l’intégration européenne ainsi nécessaire pour vérifier si ces principes ont été
qu’une condition préalable à la reprise économique de respectés ;
l’Union après la pandémie de COVID-19 ;
6. Souligne que la notion de «dernier recours» suppose
1. Rappelle que l’espace Schengen constitue une de vérifier si d’autres mesures pourraient être aussi
réussite concrète et très appréciée, unique dans pertinentes, voire plus, pour atteindre le même
l’histoire du monde, qu’il se situe au coeur du projet objectif; invite les États membres à convenir
européen, qu’il permet à plus de 400 millions de qu’imposer des contrôles sanitaires minimaux
personnes de voyager sans restriction et qu’il présente constitue une meilleure option que la réintroduction de
une valeur inestimable pour les citoyens comme pour contrôles aux frontières intérieures; rappelle à cet
les entreprises ; égard les mesures sanitaires énumérées dans les lignes
directrices de la Commission ainsi que la
2. Se déclare préoccupé par la situation actuelle en recommandation de la Commission relative à des
raison des contrôles aux frontières intérieures contrôles de police proportionnés: « En cas de menace
introduits par un grand nombre d’États membres et grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, si un
des diverses autres mesures que ceux-ci ont prises, État membre envisage d’appliquer le chapitre II du
notamment la fermeture totale ou partielle des titre III du règlement (UE) 2016/399 («
frontières et leur fermeture vis-à-vis de certains types Réintroduction temporaire du contrôle aux frontières
de voyageurs, y compris des citoyens européens ou des intérieures »), il devrait tout d’abord examiner s’il est
ressortissants de pays tiers qui séjournent sur le possible de faire face de manière adéquate à la situation
territoire d’un État membre; s’inquiète des en renforçant les contrôles de police sur son territoire,
conséquences très graves que ces mesures entraînent y compris dans les zones frontalières » ;
pour les personnes et les entreprises, notamment dans
les secteurs du tourisme et du travail saisonnier ; 7. Est conscient que l’espace Schengen n’a jamais eu à
affronter une pandémie aussi grave sur son territoire;
3. Constate, tout en soutenant pleinement les mesures rappelle que les dispositions du code frontières
de santé publique prises pour limiter la propagation de Schengen citent explicitement les menaces pour la
la COVID-19 au moyen de la distanciation sociale, et santé publique parmi les motifs de refus d’entrée aux
en particulier le confinement obligatoire que les États frontières extérieures, mais que ni ce code, ni la
membres ont décrété sur leur territoire, que les convention d’application de l’accord de Schengen ne
notifications formelles transmises par les États cite la santé publique comme motif de réintroduction
membres au titre du code frontières Schengen de contrôles aux frontières intérieures, laquelle n’est
contenaient peu de justifications quant à l’opportunité prévue qu’en cas de menace grave pour l’ordre public
des contrôles aux frontières pour limiter la propagation ou la sécurité intérieure ;
de la COVID-19; rappelle à cet égard que le contrôle
aux frontières est défini dans le code frontières 8. Déplore que certains États membres aient introduit
Schengen comme «les activités effectuées aux des contrôles et d’autres restrictions aux frontières de
frontières [...] en réponse exclusivement à l’intention manière soudaine et sans apporter suffisamment
de franchir une frontière ou à son franchissement d’informations à leur propre population ni aux autres
indépendamment de toute autre considération»; estime États membres; regrette par ailleurs les conséquences
que des restrictions plus ciblées au niveau régional, y collatérales de cette réintroduction à certaines
compris dans les régions transfrontalières, auraient été frontières intérieures, notamment les temps d’attente
plus appropriées et moins intrusives ; excessifs en l’absence d’infrastructures d’hygiène
adéquates et de distances physiques suffisantes, ce qui
4. Souligne que les règles applicables aux frontières a fait courir des risques sanitaires aux personnes
intérieures de l’Union sont fixées par le code frontières soumises aux contrôles ainsi qu’aux garde-frontières,
Schengen et que les États membres doivent respecter qui sont déjà surchargés et doivent accomplir des
l’esprit et la lettre de ce texte lorsqu’ils adoptent une tâches supplémentaires, bien qu’ils ne soient pas
mesure ayant une incidence sur le franchissement de professionnels de santé; se déclare également
frontières intérieures ; préoccupé par les multiples obstacles que de
nombreux travailleurs frontaliers ont rencontrés à
5. Rappelle que la formulation du code frontières l’intérieur de l’espace Schengen depuis le début de la
Schengen est dépourvue d’ambiguïté: le contrôle aux pandémie, en particulier le manque d’informations
frontières intérieures devrait rester exceptionnel et ne

65
publiques claires sur les restrictions qui s’appliquent à à évaluer les mesures déjà prises par les États membres,
eux lorsqu’ils franchissent une frontière ; leur opportunité et l’adéquation des notifications
transmises par les États membres, à surveiller de près
9. Constate que la directive relative à la libre circulation l’évolution de la situation et, le cas échéant, à rappeler
autorise les États membres à restreindre la liberté de aux États membres leurs obligations juridiques et à
circulation et de séjour des citoyens européens et des émettre des avis; encourage la Commission à faire
membres de leurs familles, quelle que soit leur usage de ses prérogatives en demandant des
nationalité, pour des motifs de santé publique; insiste informations complémentaires aux États membres;
néanmoins pour que tous les États membres veillent invite la Commission à rendre compte de manière plus
aux garanties prévues par cette directive, en particulier effective au Parlement de la manière dont elle fait
à la non-discrimination entre leurs propres usage des prérogatives que les traités lui confèrent ;
ressortissants et les autres citoyens européens résidant
sur leur territoire ; 14. Déplore que la disposition du code frontières
Schengen selon laquelle les États membres doivent
10. Juge de la plus haute importance le retour rapide à présenter un rapport au Parlement, au Conseil et à la
un espace Schengen pleinement opérationnel, ce qui Commission dans les quatre semaines de la levée du
dépend de la volonté politique des États membres et contrôle aux frontières ait été vidée de sa finalité, si
de leur engagement à coordonner les mesures relevant bien que le Parlement n’est pas informé; demande
de l’acquis de Schengen; prie la Commission de jouer donc aux États membres qui ont introduit des
un rôle de chef de file dans la coordination à l’échelle contrôles aux frontières intérieures de présenter un
de l’Union en vue de maîtriser la menace pour la santé rapport au Parlement en temps utile, au moins tous les
des citoyens européens que constitue la COVID-19, six mois, en apportant des données précises et
tout en maintenant un espace Schengen sans contrôle détaillées sur les motifs de réintroduction des contrôles
aux frontières intérieures, dans le plein respect des aux frontières intérieures; regrette vivement que la
principes de solidarité et de confiance réciproque; Commission n’ait pas publié de rapport annuel sur le
estime que la recherche de réponses européennes fonctionnement de l’espace sans contrôle aux
débouchera sur des avantages mutuels; déplore et frontières intérieures depuis 2015, bien qu’elle y soit
rejette vivement les mesures bilatérales ou tenue par le code frontières Schengen ;
multilatérales prises sans coordination par des États
membres isolés, à l’issue de discussions menées en 15. Rappelle que des restrictions temporaires
dehors du cadre européen; exige que tout accord s’appliquent à tous les déplacements non essentiels en
respecte le principe de non-discrimination ; provenance de pays tiers vers l’espace Schengen;
souligne que toutes les décisions de refus d’entrée aux
11. Demande aux États membres de lever les frontières extérieures doivent se conformer aux
restrictions à la liberté de circulation à mesure que le dispositions du code frontières Schengen, y compris le
confinement lié à la COVID-19 est assoupli; estime respect des droits fondamentaux, visé à l’article 4 du
que dans le cadre d’une coordination adéquate à code ;
l’échelle de l’Union, une approche plus régionale serait
plus proportionnée que des contrôles aux frontières 16. Prie le Conseil et les États membres de redoubler
nationales et permettrait de lever les restrictions à la d’efforts pour intégrer tous les États membres de
liberté de circulation dans les zones où la situation des l’Union dans un espace Schengen complet; invite une
régions limitrophes en matière de santé publique s’est nouvelle fois le Conseil à présenter dès que possible un
sensiblement améliorée ; nouveau projet de décision sur l’application de la
totalité des dispositions de l’acquis de Schengen en
12. Prie instamment les États membres de discuter, aux Bulgarie et en Roumanie; est prêt à émettre un avis sur
côtés du Parlement, du Conseil et de la Commission, l’application de la totalité des dispositions de l’acquis
d’un plan de relance de l’espace Schengen, qui examine de Schengen en Croatie lorsque le Conseil le
les moyens et les modalités du retour à un espace consultera, conformément à l’article 4 de l’acte
Schengen pleinement opérationnel sans contrôle aux d’adhésion; estime que la solidarité et la responsabilité
frontières intérieures, et qui établisse des plans s’appliquent à tous et que l’espace Schengen n’a
d’urgence en cas d’éventuelle deuxième vague, aussi d’avenir que s’il n’est pas fragmenté ;
vite que possible, afin d’éviter que les contrôles
temporaires aux frontières intérieures ne deviennent 17. Croit qu’à moyen terme, il sera nécessaire d’engager
semi-permanents à moyen terme ; une réflexion sur la manière de renforcer la confiance
réciproque entre les États membres et de veiller à ce
13. Rappelle que, conformément au code frontières que les instruments législatifs de l’Union permettent
Schengen, l’appréciation de la nécessité de réintroduire une véritable gouvernance européenne de l’espace
le contrôle aux frontières intérieures, ou de le Schengen et une réponse européenne efficace et
prolonger lorsqu’une action immédiate était exigée, coordonnée aux épreuves telles que la pandémie de
devrait se faire au niveau de l’Union; invite à cet égard COVID-19, tout en préservant la liberté de circulation
la Commission à contrôler comme il se doit et le principe d’absence de contrôle aux frontières
l’application de l’acquis de Schengen, et en particulier intérieures, qui est au coeur du projet Schengen, très

66
apprécié des citoyens européens ; souhaite que la 18. Charge son Président de transmettre la présente
Commission présente une proposition visant à résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu’aux
réformer la gouvernance de l’espace Schengen à la gouvernements et aux parlements des États membres.
lumière des enjeux actuels;

Document 7 :
CJ (GC), République fédérale d’Allemagne c. Conseil de l’Union européenne, aff. C‑600/14, 5 décembre
2017 (extraits)

Par sa requête, la République fédérale d’Allemagne demande l’annulation partielle de la décision 2014/699/UE du
Conseil, du 24 juin 2014, établissant la position à prendre au nom de l’Union européenne lors de la 25e session de la
commission de révision de l’OTIF en ce qui concerne certaines modifications de la convention relative aux transports
internationaux ferroviaires (COTIF) et de ses appendices (JO 2014, L 293, p. 26, ci-après la « décision attaquée »).
Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence de l’Union et de la violation du principe d’attribution, prévu à l’article 5,
paragraphe 2, première phrase, TUE

[…]

Argumentation des parties

31 Par son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne, soutenue par la République française, fait valoir
que l’Union n’était pas investie de la compétence, au titre de l’article 91 TFUE et de l’article 218, paragraphe 9, TFUE,
pour adopter la décision attaquée, en tant qu’elle porte sur les modifications litigieuses, et que, partant, le Conseil a
adopté cette décision en violation du principe d’attribution énoncé à l’article 5, paragraphe 2, première phrase, TUE.

32 La République fédérale d’Allemagne souligne que, dans le domaine des transports, dont relèvent la COTIF en
général et les modifications litigieuses en particulier, l’Union et les États membres disposent, tant sur le plan interne
que, en principe, sur le plan externe, d’une compétence partagée, au titre de l’article 4, paragraphe 2, sous g), TFUE.

33 Afin de s’assurer que le Conseil dispose d’une compétence pour adopter, conformément à l’article 218, paragraphe
9, TFUE, une position à prendre au nom de l’Union dans une instance internationale, lorsque l’acte adopté par une
telle instance vise la modification d’un accord mixte, ce qui serait le cas en l’espèce, il convient, selon la République
fédérale d’Allemagne, de vérifier si les modifications proposées portent sur des dispositions de l’accord relevant de la
compétence de l’Union. Si tel n’est pas le cas, une décision établissant la position de l’Union ne pourrait être adoptée.

34 Il importerait, aux fins de cette vérification, de savoir si la décision de l’instance internationale en question a une
incidence directe sur l’acquis de l’Union, tel que précisé au point 64 de l’arrêt du 7 octobre 2014, Allemagne/Conseil
(C‑399/12, EU:C:2014:2258), en ce sens qu’il existe des règles communes de l’Union auxquelles la décision en cause
risque de porter atteinte ou dont elle risque d’altérer la portée, au sens de la jurisprudence développée à partir de l’arrêt
du 31 mars 1971, Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32). L’existence d’un tel risque suppose donc, selon la
République fédérale d’Allemagne, que les modifications des stipulations d’un accord international relèvent d’un
domaine dans lequel l’Union a déjà adopté des règles communes.

35 La République fédérale d’Allemagne souligne que le Conseil, à qui il appartient de démontrer, en l’espèce, que
les modifications litigieuses concernent un domaine relevant du champ d’application de dispositions existantes du droit
de l’Union, n’a pas fait une telle démonstration dans la décision attaquée. En tout état de cause, dans le domaine du
droit privé des contrats relatifs au transport ferroviaire transfrontalier de marchandises et de personnes, dont
relèveraient les modifications litigieuses, l’Union n’aurait pas, jusqu’à présent, fait usage de sa compétence interne par
l’adoption de règles communes. La République française ajoute qu’aucune initiative de l’Union dans les domaines sur
lesquels portent les modifications litigieuses n’est envisagée.

36 La République fédérale d’Allemagne admet que, dans un domaine relevant de la compétence des États membres,
les positions à prendre dans le cadre d’une instance internationale peuvent faire l’objet d’une coordination,
conformément au principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE. Toutefois, une décision du
Conseil, prise en vertu de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, ne pourrait être adoptée dans ce cadre.

37 La République fédérale d’Allemagne estime, en outre, que, dans le domaine du droit privé des contrats relatifs
au transport, qui relève d’une compétence partagée, l’Union ne saurait exercer une compétence sur le plan externe tant
qu’elle n’a pas fait usage de sa compétence sur le plan interne, au risque de contourner la procédure législative ordinaire

67
et de violer les droits du Parlement européen. En effet, compte tenu également de la « clause de déconnexion » visée à
l’article 2 de l’accord d’adhésion, les actes de la commission de révision de l’OTIF auraient, dans le droit de l’Union,
les mêmes effets que les règlements et les directives.

38 La République fédérale d’Allemagne, soutenue par la République française, fait également valoir que, dans le
domaine des transports, qui relève de la compétence partagée entre l’Union et ses États membres, les cas de figure
prévus à l’article 3, paragraphe 2, TFUE, à savoir ceux dans lesquels l’Union dispose d’une compétence externe
exclusive, constituent les seules situations dans lesquelles l’Union peut conclure un accord international. Or, en l’espèce,
une compétence externe exclusive ne résulterait d’aucun des cas de figure prévus à l’article 3, paragraphe 2, TFUE. Cet
État membre ajoute que, en dehors desdits cas de figure, l’Union ne dispose pas d’une compétence externe.

39 S’agissant, plus particulièrement, de l’arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345),


invoqué par le Conseil, la République fédérale d’Allemagne affirme que sa portée a été restreinte par la Cour dans son
arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125). La République française estime que,
dans la présente affaire, aucun enseignement ne saurait être tiré du premier de ces arrêts, dès lors que, dans cet arrêt,
la Cour a tenu compte de la spécificité du domaine de l’environnement, dans lequel les traités ont conféré une
compétence externe explicite à l’Union. Or, à la différence de ce domaine, la politique des transports ne comporterait
pas, parmi ses objectifs, le développement d’une politique internationale.

40 Le Conseil soutient, à titre principal, que l’Union dispose d’une compétence exclusive, au titre de l’article 3,
paragraphe 2, dernier membre de phrase, TFUE et de la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 31 mars 1971,
Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32), pour établir une position en ce qui concerne les modifications litigieuses,
présentées lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF.

41 À titre subsidiaire, le Conseil, soutenu par la Commission, se réfère à l’avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la
prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001 (EU:C:2001:664, points 44 à 47), ainsi qu’aux arrêts
du 7 octobre 2004, Commission/France (C‑239/03, EU:C:2004:598, point 30), et du 30 mai 2006,
Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, point 95), et considère que l’Union est compétente pour adopter une
telle position, conformément à l’article 218, paragraphe 9, TFUE, au titre d’une compétence qu’elle partage avec ses
États membres, même en l’absence de règles de l’Union en matière de droit privé des contrats relatifs au transport.
Selon ces institutions, l’action de l’Union sur le plan externe ne serait pas, contrairement à ce que soutient la
République fédérale d’Allemagne, limitée aux matières qui font déjà l’objet de règles communes de l’Union,
mais s’étendrait également aux matières qui ne font pas encore ou ne font que très partiellement l’objet d’une
réglementation au niveau de l’Union, qui, de ce fait, n’est pas susceptible d’être affectée. Dans ce dernier cas
également, l’Union serait compétente pour adopter une décision en vertu de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, en
agissant au titre d’une compétence externe partagée, cette compétence étant limitée, conformément au protocole no
(25) sur l’exercice des compétences partagées, annexé aux traités UE et FUE, aux éléments spécifiques régis par la
décision de l’Union en question.

42 La Commission ajoute que l’existence d’une compétence externe partagée ne dépend pas de l’exercice de cette
compétence sur le plan interne, mais découle directement des traités, plus particulièrement de l’article 2, paragraphe 2,
première phrase, et de l’article 4, paragraphe 2, sous g), TFUE. En effet, aucune disposition des traités relative aux
compétences partagées ne prévoirait que, lorsque cette compétence est exercée pour la première fois, elle peut
seulement conduire à l’adoption d’actes de l’Union qui ne concernent pas les relations extérieures.

Appréciation de la Cour

43 Par son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient, en substance, que le point 4 de l’ordre du
jour de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, dans la mesure où il concerne la modification de l’article
12 de la COTIF, ainsi que les points 5, 7 et 12 dudit ordre du jour, relatifs aux modifications des appendices B (CIM),
D (CUV) et E (CUI) de la COTIF, sur lesquels la décision attaquée a établi les positions à prendre au nom de l’Union,
ne relèvent pas de la compétence externe de l’Union, faute pour cette dernière d’avoir adopté, au préalable, des règles
communes susceptibles d’être affectées par lesdites modifications, de telle sorte qu’il n’appartenait pas au Conseil
d’établir, en vertu de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, lesdites positions. Ce faisant, le Conseil aurait agi en violation
du principe d’attribution énoncé à l’article 5, paragraphe 2, première phrase, TUE.

44 À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 5, paragraphe 1, première phrase, TUE, « [l]e
principe d’attribution régit la délimitation des compétences de l’Union ». L’article 5, paragraphe 2, TUE énonce, d’une
part, que, « [e]n vertu [dudit principe], l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui
ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent » et, d’autre part, que « toute
compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres ». Il ressort de la jurisprudence de

68
la Cour que le respect de ce principe s’impose tant pour l’action interne que pour l’action internationale de l’Union
[avis 2/94 (Adhésion de la Communauté à la CEDH), du 28 mars 1996, EU:C:1996:140, point 24].

45 Ainsi que la Cour l’a notamment rappelé dans l’avis 1/03 (Nouvelle convention de Lugano), du 7 février 2006
(EU:C:2006:81, point 114), la compétence de l’Union pour conclure des accords internationaux peut non seulement
résulter d’une attribution explicite par les traités, mais également découler de manière implicite d’autres dispositions
des traités et d’actes pris, dans le cadre de ces dispositions, par les institutions de l’Union. En particulier, chaque fois
que le droit de l’Union établit, dans le chef desdites institutions, des compétences sur le plan interne en vue de réaliser
un objectif déterminé, l’Union est investie de la compétence pour prendre les engagements internationaux nécessaires
à la réalisation de cet objectif, même en l’absence d’une disposition expresse à cet égard. Cette dernière hypothèse est
visée désormais à l’article 216, paragraphe 1, TFUE [avis 1/13 (Adhésion d’États tiers à la convention de La Haye), du
14 octobre 2014, EU:C:2014:2303, point 67 et jurisprudence citée].

46 En outre, il résulte d’une jurisprudence bien établie de la Cour qu’une distinction doit être opérée entre l’existence
d’une compétence externe de l’Union et la nature exclusive ou partagée de cette compétence éventuelle [avis 1/76
(Accord relatif à l’institution d’un Fonds européen d’immobilisation de la navigation intérieure), du 26 avril 1977,
EU:C:1977:63, points 3 et 4 ; avis 2/91 (Convention no 170 de l’OIT), du 19 mars 1993, EU:C:1993:106, points 13 à
18 ; avis 1/03 (Nouvelle convention de Lugano), du 7 février 2006, EU:C:2006:81, points 114 et 115, ainsi que arrêt
du 30 mai 2006, Commission/Irlande, C‑459/03, EU:C:2006:345, points 93 et 94 ; voir en ce sens, également, avis
2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001, EU:C:2001:664,
points 44 à 47].

47 Cette distinction entre l’existence d’une compétence externe de l’Union et la nature exclusive ou non de cette
compétence est traduite dans le traité FUE.

48 Aux termes de l’article 216, paragraphe 1, TFUE, « [l]’Union peut conclure un accord avec un ou plusieurs pays
tiers ou organisations internationales lorsque les traités le prévoient ou lorsque la conclusion d’un accord, soit est
nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union, l’un des objectifs visés par les traités, soit est prévue
dans un acte juridique contraignant de l’Union, soit encore est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en
altérer la portée ».

49 Il découle du libellé même de cette disposition, dans lequel il n’est opéré aucune distinction selon la nature
exclusive ou partagée de la compétence externe de l’Union, que l’Union est investie d’une telle compétence dans quatre
cas de figure. Contrairement aux arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne, l’hypothèse dans laquelle
la conclusion d’un accord est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée, hypothèse dans
laquelle la compétence de l’Union est, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, TFUE, exclusive, ne constitue que l’un de
ces cas de figure.

50 En outre, il résulte d’une comparaison des libellés respectifs de l’article 216, paragraphe 1, TFUE et de l’article
3, paragraphe 2, TFUE que les cas dans lesquels l’Union dispose d’une compétence externe, conformément à la
première de ces dispositions, ne se limitent pas aux différentes hypothèses prévues à la seconde de ces dispositions,
dans lesquelles l’Union dispose d’une compétence externe exclusive.

51 Il s’ensuit que, contrairement aux arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne, une compétence
externe de l’Union peut exister en dehors des cas de figure prévus à l’article 3, paragraphe 2, TFUE.

52 Dans ce contexte, la compétence externe de l’Union relevant du deuxième cas de figure prévu à l’article 216,
paragraphe 1, TFUE, qui correspond à l’hypothèse dans laquelle la conclusion d’un accord est « nécessaire pour réaliser,
dans le cadre des politiques de l’Union, l’un des objectifs visés par les traités », reflète la jurisprudence de la Cour citée
au point 45 du présent arrêt. La compétence externe de l’Union dans ce deuxième cas de figure n’est pas, à la différence
du quatrième cas de figure prévu à cette disposition, assortie d’une condition relative à l’adoption préalable de règles
de l’Union susceptibles d’être affectées.

53 Il importe ainsi de vérifier, en l’occurrence, si le fait, pour l’Union, de prendre des engagements internationaux
en ce qui concerne les modifications litigieuses est « nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union,
l’un des objectifs visés par les traités », au sens de l’article 216, paragraphe 1, TFUE. Si tel était le cas, l’Union disposerait
de la compétence externe nécessaire pour établir des positions quant aux modifications litigieuses, qu’elle ait adopté
ou non, au préalable, des règles communes dans les matières concernées, susceptibles d’être affectées par lesdites
modifications.

54 Il convient de relever, à cet égard, que la décision attaquée a pour but d’établir la position à prendre au nom de
l’Union lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF en ce qui concerne certaines modifications de la

69
COTIF. Ainsi qu’il résulte de l’article 2 de la COTIF, l’OTIF « a pour but de favoriser, d’améliorer et de faciliter, à
tout point de vue, le trafic international ferroviaire », notamment en établissant des règles de droit uniformes dans
différents domaines relevant dudit trafic.

55 Les modifications litigieuses se rapportent, d’une part, aux règles uniformes concernant le contrat de transport
international ferroviaire des marchandises, les contrats d’utilisation de véhicules en trafic international ferroviaire, ainsi
que le contrat d’utilisation de l’infrastructure en trafic international ferroviaire et, d’autre part, à la stipulation de la
COTIF relative à l’exécution de jugements prononcés en vertu des dispositions de cette convention et à la saisie des
véhicules ferroviaires.

56 Elles portent ainsi sur le droit privé des contrats relatifs au transport international ferroviaire, matière qui relève,
ainsi que l’a admis l’ensemble des parties, d’une politique de l’Union, à savoir la politique commune des transports,
faisant l’objet du titre VI, intitulé « Les transports », de la troisième partie, intitulée « Les politiques et actions internes
de l’Union », du traité FUE, et qui doit, partant, être considérée comme correspondant à l’un des objectifs du traité
FUE.

57 Le titre VI de la troisième partie du traité FUE comprend, notamment, l’article 91, paragraphe 1, TFUE qui
prévoit que, en vue de réaliser la mise en œuvre d’une politique commune des transports, et compte tenu des aspects
spéciaux de ces derniers, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative
ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, établissent, notamment, « a)
des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d’un
État membre, ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs États membres », et « d) toutes autres dispositions utiles
». Ce titre comprend également l’article 100 TFUE, qui énonce, à son paragraphe 1, que les dispositions dudit titre
s’appliquent, notamment, aux transports par chemin de fer.

58 Il convient ainsi de relever, à l’instar de M. l’avocat général au point 103 de ses conclusions, que les modifications
litigieuses s’inscrivent dans la réalisation des objectifs du traité FUE, dans le cadre de la politique commune des
transports.

59 En particulier, les règles communes prévues à l’article 91, paragraphe 1, sous a), TFUE sont applicables « aux
transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d’un État membre, ou traversant le territoire
d’un ou de plusieurs États membres ». Dans son arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil (22/70, EU:C:1971:32,
points 26 et 27), la Cour a relevé, dans ce domaine précis, que cette disposition, qui concerne également, pour la partie
du trajet située sur le territoire de l’Union, les transports en provenance ou à destination des États tiers et qui suppose
donc que la compétence de l’Union s’étende à des relations relevant du droit international, implique, dès lors, dans le
domaine visé, la nécessité d’accords avec les États tiers intéressés.

60 Dès lors que les stipulations de la COTIF et de ses appendices auxquelles se rapportent les modifications
litigieuses visent à instaurer des normes harmonisées au niveau international, y compris pour les transports
internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d’un État membre, ou traversant le territoire d’un ou
de plusieurs États membres, pour les parties du trajet situées en dehors du territoire de l’Union et, en principe,
également pour les parties dudit trajet situées sur le territoire de l’Union, le fait que l’Union prenne position sur lesdites
modifications doit être considéré comme contribuant à réaliser les objectifs de la politique commune des transports,
dans le cadre de la compétence dont l’Union est investie par l’article 91, paragraphe 1, TFUE, et qui comporte
également un aspect externe, ainsi qu’il a été rappelé au point 59 du présent arrêt. Cette prise de position est, par
conséquent, nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l’Union, l’un des objectifs visés par les traités, au
sens de l’article 216, paragraphe 1, TFUE.

61 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient d’écarter, premièrement, l’argumentation de la
République fédérale d’Allemagne et de la République française, selon laquelle, dans un domaine relevant de la
compétence partagée entre l’Union et ses États membres, une compétence externe de l’Union ne saurait exister en
dehors des cas de figure prévus à l’article 3, paragraphe 2, TFUE.

62 Deuxièmement, à supposer que l’argument de la République fédérale d’Allemagne et de la République française,


visant à contester l’existence d’une compétence externe de l’Union en l’espèce, doive être compris en ce sens que, dans
le domaine des transports, qui relève, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous g), TFUE, de la compétence partagée
entre l’Union et ses États membres, l’Union ne pourrait agir sur le plan externe avant d’agir sur le plan interne par
l’adoption de règles communes, dans les matières dans lesquelles ont été conclus des engagements internationaux, cet
argument ne saurait prospérer.

63 En effet, la Cour a jugé, dans l’arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande (C‑459/03, EU:C:2006:345, point 95
et jurisprudence citée), au sujet de la question de savoir si une disposition d’un accord mixte dans le domaine de la

70
protection de l’environnement, dans lequel l’Union et ses États membres disposent d’une compétence partagée, relevait
de la compétence de l’Union, que l’Union peut conclure des accords dans ledit domaine même si les matières
spécifiques couvertes par ces accords ne font pas encore ou ne font que très partiellement l’objet d’une réglementation
sur le plan interne, réglementation qui, par ce fait, n’est pas susceptible d’être affectée.

64 Contrairement à ce que soutient la République fédérale d’Allemagne, la Cour n’a pas restreint la portée de cette
jurisprudence dans l’arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C‑240/09, EU:C:2011:125). En effet, la
question soulevée dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt portait, ainsi qu’il ressort des points 34 et 35 de ce dernier,
non pas sur l’existence d’une compétence externe de l’Union dans le domaine de l’environnement, mais sur le point
de savoir si, dans la matière spécifique couverte par une disposition d’un accord mixte, l’Union avait exercé ses
compétences et avait adopté des dispositions portant sur l’exécution des obligations qui en découlaient.

65 Certes, la jurisprudence citée aux points 63 et 64 du présent arrêt se rapporte au domaine de l’environnement,
dans lequel l’Union est investie, à la différence de celui des transports, d’une compétence externe explicite, en vertu de
l’article 191, paragraphe 1, quatrième tiret, TFUE.

66 Toutefois, il convient de relever qu’il résulte désormais de l’article 2, paragraphe 2, première phrase, TFUE,
relatif aux compétences partagées, que, « [l]orsque les traités attribuent à l’Union une compétence partagée avec les
États membres dans un domaine déterminé, l’Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes
juridiquement contraignants dans ce domaine ». Cette disposition ne subordonne pas l’existence, dans le chef de
l’Union, d’une compétence externe partagée avec ses États membres à l’existence, dans les traités, d’une disposition
conférant explicitement une telle compétence externe à l’Union.

67 Le fait que l’existence d’une compétence externe de l’Union n’est, en aucun cas, tributaire de l’exercice préalable,
par l’Union, de sa compétence normative interne dans le domaine concerné ressort également du point 243 de l’avis
2/15 (Accord de libre-échange avec Singapour), du 16 mai 2017 (EU:C:2017:376), dont il résulte que les dispositions
pertinentes de l’accord concerné, relatives aux investissements étrangers autres que directs, relèvent de la compétence
partagée entre l’Union et ses États membres, alors même qu’il était constant entre les parties, ainsi qu’il résulte des
points 229 et 230 dudit avis, que l’Union n’avait aucunement agi sur le plan interne, par l’adoption de règles de droit
dérivé, dans cette matière.

68 Certes, la Cour a constaté, au point 244 dudit avis, que les dispositions pertinentes de l’accord concerné, relatives
aux investissements étrangers autres que directs, qui relèvent de la compétence partagée entre l’Union et ses États
membres, ne pouvaient être approuvées par l’Union seule. Toutefois, par cette constatation, la Cour s’est bornée à
prendre acte de l’impossibilité, mise en avant par le Conseil au cours de la procédure relative à cet avis, de recueillir en
son sein la majorité requise pour que l’Union puisse exercer seule la compétence externe qu’elle partage avec les États
membres en la matière.

69 Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne ne saurait tirer argument de l’arrêt du 7 octobre 2014,
Allemagne/Conseil (C‑399/12, EU:C:2014:2258). Ainsi qu’il résulte des points 51 et 52 de cet arrêt, la Cour a tenu
compte de la circonstance que le domaine de la politique agricole commune, en particulier l’organisation commune des
marchés vitivinicoles, a été très largement réglementé par le législateur de l’Union au titre de la compétence fondée sur
l’article 43 TFUE pour déterminer si l’Union pouvait faire application de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, alors qu’elle
n’était pas partie à l’accord international en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt. Or, cette question ne se
pose pas dans la présente affaire, étant donné que l’Union a adhéré à la COTIF avec effet au 1er juillet 2011.

70 Troisièmement, ne saurait non plus prospérer l’argument de la République fédérale d’Allemagne tiré du
contournement de la procédure législative ordinaire et de la violation des prérogatives du Parlement européen, en
raison du fait que le Conseil a fait application de l’article 218, paragraphe 9, TFUE dans des matières dans lesquelles
l’Union n’avait pas, jusqu’alors, adopté de règles internes conformément à cette procédure.

71 Outre les considérations figurant aux points 63 à 69 du présent arrêt, le libellé de l’article 218, paragraphe 9,
TFUE qui habilite le Conseil, sur proposition de la Commission ou du haut représentant de l’Union pour les affaires
étrangères et la politique de sécurité, à adopter une décision « établissant les positions à prendre au nom de l’Union
dans une instance créée par un accord, lorsque cette instance est appelée à adopter des actes ayant des effets juridiques
», doit également conduire à rejeter cet argument. En effet, l’article 218, paragraphe 9, TFUE ne limite pas l’action de
l’Union aux cas dans lesquels celle-ci a adopté, au préalable, des règles internes conformément à la procédure législative
ordinaire.

72 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les points inscrits à l’ordre du jour de la
25e session de la commission de révision de l’OTIF et relatifs aux modifications litigieuses, sur lesquels le Conseil a,
par la décision attaquée, établi les positions à prendre au nom de l’Union, relèvent de la compétence externe de l’Union.

71
Partant, le Conseil, en adoptant cette décision, n’a pas violé le principe d’attribution énoncé à l’article 5, paragraphe 2,
première phrase, TUE.

73 Il s’ensuit que le premier moyen invoqué par la République fédérale d’Allemagne doit être écarté.

[…]

Appréciation de la Cour

78 Il résulte de l’examen effectué dans le cadre du premier moyen invoqué par la République fédérale d’Allemagne
que les points inscrits à l’ordre du jour de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF, relatifs aux
modifications litigieuses, relèvent de la compétence de l’Union, sans qu’il soit nécessaire de vérifier à cette fin l’existence
d’une réglementation interne de l’Union dans la matière concernée, qui serait affectée par lesdites modifications.
Partant, l’argument de la République fédérale d’Allemagne, par lequel elle fait grief au Conseil d’avoir omis de justifier,
dans la décision attaquée, le fait que ces modifications se rapportaient à un domaine déjà largement réglementé par
l’Union, doit être écarté.

79 En ce qui concerne la prétendue nécessité d’indiquer dans la décision attaquée, outre l’article 91, paragraphe 1,
TFUE, le deuxième cas de figure visé à l’article 216, paragraphe 1, TFUE, il convient de rappeler que, selon une
jurisprudence constante, l’obligation de motivation, consacrée à l’article 296 TFUE, impose que tous les actes
concernés contiennent un exposé des raisons qui ont amené l’institution à les arrêter, de manière à ce que la Cour
puisse exercer son contrôle et que tant les États membres que les tiers intéressés connaissent les conditions dans
lesquelles les institutions de l’Union ont fait application du traité FUE (arrêt du 1er octobre 2009,
Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 37 et jurisprudence citée).

80 L’indication de la base juridique s’impose au regard du principe des compétences d’attribution consacré à l’article
5, paragraphe 2, TUE, selon lequel l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont
attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent tant pour l’action interne que pour
l’action internationale de l’Union. En effet, le choix de la base juridique appropriée revêt une importance de nature
constitutionnelle, dès lors que, ne disposant que de compétences d’attribution, l’Union doit rattacher les actes qu’elle
adopte aux dispositions du traité FUE qui l’habilitent effectivement à cette fin [arrêt du 25 octobre 2017,
Commission/Conseil (CMR-15), C‑687/15, EU:C:2017:803, points 48 et 49].

81 L’indication de la base juridique revêt aussi une importance particulière afin de préserver les prérogatives des
institutions de l’Union concernées par la procédure d’adoption d’un acte [arrêt du 25 octobre 2017,
Commission/Conseil (CMR-15), C‑687/15, EU:C:2017:803, point 50].

82 Elle s’impose par ailleurs au regard de l’obligation de motivation découlant de l’article 296 TFUE. Cette
obligation, qui est justifiée notamment par le contrôle juridictionnel qui doit pouvoir être exercé par la Cour, doit
s’appliquer, en principe, à tout acte de l’Union produisant des effets juridiques [arrêt du 25 octobre 2017,
Commission/Conseil (CMR-15), C‑687/15, EU:C:2017:803, point 52].

83 La Cour a également jugé que l’impératif de sécurité juridique requiert que tout acte visant à créer des effets
juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit de l’Union qui doit expressément être indiquée
comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l’acte doit être revêtu [arrêts du 1er octobre 2009,
Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 39, et du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (CMR-15),
C‑687/15, EU:C:2017:803, point 53].

84 Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence également constante de la Cour que la prétendue omission de la
référence à une disposition précise du traité, telle que, en l’occurrence, l’article 216, paragraphe 1, TFUE, auquel renvoie
la République fédérale d’Allemagne, ne constitue pas un vice substantiel lorsque la base juridique de l’acte concerné
peut être déterminée à l’appui d’autres éléments de celui-ci, à condition que les intéressés et la Cour ne soient pas laissés
dans l’incertitude quant à la base juridique précise [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Conseil
(CMR-15), C‑687/15, EU:C:2017:803, point 55 ainsi que jurisprudence citée].

85 En l’occurrence, tel est le cas, la base juridique matérielle et procédurale de la décision attaquée pouvant clairement
être déterminée.

86 En effet, il convient, premièrement, de relever que la décision attaquée faisant explicitement référence à l’article
91 TFUE, le Conseil a correctement indiqué, dans cette décision, sa base juridique matérielle. Dans la mesure où la
République fédérale d’Allemagne tire argument du fait que ledit article 91 ne saurait être de nature à conférer une

72
compétence externe à l’Union, il suffit de relever que cet argument a trait à l’existence même d’une compétence et ne
saurait donc être utilement invoqué à l’appui d’un moyen pris de la violation de l’obligation de motivation.

87 Deuxièmement, il importe de constater que le Conseil a suffisamment motivé la décision attaquée au regard du
critère de nécessité prévu par le deuxième cas de figure visé à l’article 216, paragraphe 1, TFUE, eu égard également
au fait que la motivation requise par ce deuxième cas de figure est différente de celle requise par l’article 3, paragraphe
2, TFUE.

88 En effet, les première et troisième phrases du considérant 11 de la décision attaquée, lues en combinaison avec
les motifs, reproduits aux points 22 à 25 du présent arrêt, de l’énoncé des positions établies au nom de l’Union sur les
points 4, 5, 7 et 12 de l’ordre du jour de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF dans l’annexe de ladite
décision mettent en évidence la nécessité de veiller à ce que soit assurée la cohérence entre les règles du droit
international en matière de transport international ferroviaire et le droit de l’Union et, partant, la nécessité d’une action
externe de l’Union à cette fin.

89 Par ailleurs, si l’article 216, paragraphe 1, TFUE énumère, certes, les différents cas de figure dans lesquels l’Union
est habilitée à conclure un accord international, il ne prescrit, à la différence de l’article 352 TFUE, aucune exigence de
forme ou de procédure à cette fin. La forme de l’acte et la procédure devant être suivie doivent, dès lors, être
déterminées par référence aux autres dispositions des traités.

90 Il convient de relever, troisièmement, que l’article 218, paragraphe 9, TFUE, mentionné en tant que base juridique
procédurale de la décision attaquée, définit la procédure devant être suivie lors de la prise de décision.

91 Dans ces conditions, il convient, quatrièmement, de relever que la présente affaire est différente de celle qui a
donné lieu à l’arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (CMR-15) (C‑687/15, EU:C:2017:803). En effet, le
Conseil avait omis, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, d’indiquer la base juridique matérielle et procédurale de
l’acte attaqué et aucun élément de ce dernier ne permettait de déterminer celle-ci.

92 Dès lors, eu égard aux considérations qui précèdent, l’absence de mention explicite, dans la décision attaquée,
du deuxième cas de figure visé à l’article 216, paragraphe 1, TFUE n’entraîne aucune confusion quant à la nature et à
la portée juridique de ladite décision non plus qu’en ce qui concerne la procédure à suivre pour son adoption et ne
saurait, par conséquent, conduire à son annulation partielle.

93 Partant, il convient d’écarter le deuxième moyen invoqué par la République fédérale d’Allemagne comme étant
non fondé.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

3) La République française, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la


Commission européenne supportent leurs propres dépens.

Document 8 :
CJ, 22 novembre 2018, Swedish match, aff. C-151/17 (70-75) (extraits)

Dans l’affaire C 151/17, Swedish Match AB contre Secretary of State for


Health, en présence de : New Nicotine Alliance,
ayant pour objet une demande de décision
préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite LA COUR (première chambre),
par la High Court of Justice (England & Wales), […]
Queen’s Bench Division (Administrative Court)
[Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), rend le présent Arrêt
division du Queen’s Bench (chambre administrative),
Royaume-Uni], par décision du 9 mars 2017, 1. La demande de décision préjudicielle porte sur la
parvenue à la Cour le 24 mars 2017, dans la validité de l’article 1er, sous c), et de l’article 17 de la
procédure directive 2014/40/UE du Parlement européen et du
Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement

73
des dispositions législatives, réglementaires et 5) “produit du tabac sans combustion”, un produit du
administratives des États membres en matière de tabac ne faisant appel à aucun processus de
fabrication, de présentation et de vente des produits combustion, notamment le tabac à mâcher, à priser et
du tabac et des produits connexes, et abrogeant la à usage oral ;
directive 2001/37/CE (JO 2014, L 127, p. 1). [...]
8) “tabac à usage oral”, tous les produits du tabac
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un destinés à un usage oral, à l’exception de ceux
litige opposant Swedish Match AB au Secretary of destinés à être inhalés ou mâchés, constitués
State for Health (secrétaire d’État à la Santé, intégralement ou partiellement de tabac, présentés
Royaume-Uni) au sujet de la légalité de l’interdiction sous forme de poudre, de particules fines ou de toute
de la production et de la fourniture du tabac à usage combinaison de ces formes, notamment ceux
oral au Royaume-Uni. présentés en sachets-portions ou sachets poreux ;
9) “produits du tabac à fumer”, des produits du tabac
Le cadre juridique qui ne sont pas des produits du tabac sans
combustion ;
3. Le considérant 32 de la directive 2014/40 énonce : [...]
14) “nouveau produit du tabac”, un produit du tabac
« La directive 89/622/CEE du Conseil[, du 13 qui :
novembre 1989, concernant le rapprochement des a) ne relève d’aucune des catégories suivantes :
dispositions législatives, réglementaires et cigarette, tabac à rouler, tabac à pipe, tabac à pipe à
administratives des États membres en matière eau, cigare, cigarillo, tabac à mâcher, tabac à priser ou
d’étiquetage des produits de tabac (JO 1989, L 359, p. tabac à usage oral ; et
1),] a interdit la vente dans les États membres de b) est mis sur le marché après le 19 mais 2014 ;
certains tabacs à usage oral. La directive 2001/37/CE
[du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001, [...] »
relative au rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des 6. L’article 17 de ladite directive, intitulé « Tabac à
États membres en matière de fabrication, de usage oral », énonce :
présentation et de vente des produits du tabac – « Les États membres interdisent la mise sur le marché
Déclaration de la Commission (JO 2001, L 194, p. du tabac à usage oral, sans préjudice des dispositions
26),] a réaffirmé cette interdiction. L’article 151 de de l’article 151 de l’acte d’adhésion de l’Autriche, de la
l’[acte relatif aux conditions d’adhésion de la Finlande et de la Suède. »
République d’Autriche, de la République de Finlande
et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités 7. L’article 19, paragraphe 1, de la directive 2014/40,
sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, intitulé « Notification des nouveaux produits du tabac
C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1),] accorde à la », se lit comme suit :
Suède une dérogation à l’interdiction. L’interdiction « Les États membres font obligation aux fabricants et
de la vente de tabac à usage oral devrait être aux importateurs de nouveaux produits du tabac de
maintenue afin d’empêcher l’introduction dans soumettre une notification aux autorités compétentes
l’Union (à l’exception de la Suède) de ce produit qui des États membres concernant tout nouveau produit
entraîne une dépendance et a des effets indésirables du tabac qu’ils ont l’intention de mettre sur le marché
sur la santé humaine. Pour les autres produits du nation[al] concern[é]. [...] »
tabac sans combustion qui ne sont pas produits pour
le marché de masse, des dispositions strictes en 8. L’article 24, paragraphe 3, de cette directive est
matière d’étiquetage et certaines dispositions ainsi libellé :
concernant leurs ingrédients sont jugées suffisantes « Un État membre peut également interdire une
pour contenir leur expansion sur le marché au-delà de certaine catégorie de produits du tabac ou de produits
leur usage traditionnel. » connexes pour des motifs relatifs à la situation
spécifique dudit État membre et à condition que ces
4. L’article 1er de la directive 2014/40 prévoit : dispositions soient justifiées par la nécessité de
« La présente directive a pour objectif le protéger la santé publique, compte tenu du niveau
rapprochement des dispositions législatives, élevé de protection de la santé humaine qu’assure la
réglementaires et administratives des États membres présente directive. Ces dispositions nationales sont
concernant : notifiées à la Commission, accompagnées des motifs
[...] justifiant leur instauration. Dans un délai de six mois
c) l’interdiction de mettre sur le marché les à compter de la date de réception de la notification
produits du tabac à usage oral ; prévue au présent paragraphe, la Commission
[...] » approuve ou rejette les dispositions nationales après
avoir déterminé si elles sont ou non justifiées,
5. L’article 2 de cette directive dispose : nécessaires et proportionnées au vu de leur objectif,
« Aux fins de la présente directive, on entend par : compte tenu du niveau élevé de protection de la santé
[...] humaine qu’assure la présente directive, ou si elles

74
constituent ou non un moyen de discrimination
arbitraire ou une restriction déguisée du commerce 12. Par ailleurs, Swedish Match fait valoir que
entre les États membres. En l’absence de décision de l’interdiction de mise sur le marché des produits du
la Commission dans ce délai de six mois, les tabac à usage oral est contraire au principe de
dispositions nationales sont réputées approuvées. » proportionnalité, dès lors que ni les considérants de la
directive 2014/40, ni l’analyse d’impact du 19
Le litige au principal et la question préjudicielle décembre 2012, établie par la Commission et
accompagnant la proposition de directive du
9. Swedish Match est une société à responsabilité Parlement européen et du Conseil relative au
limitée établie en Suède qui commercialise rapprochement des dispositions législatives,
principalement des produits du tabac sans réglementaires et administratives des États membres
combustion, notamment ceux de type « snus ». en matière de fabrication, de présentation et de vente
des produits du tabac et des produits connexes
10. Le 30 juin 2016, Swedish Match a introduit un [SWD(2012) 452 final, p. 49 et suivantes] (ci-après l’«
recours auprès des juridictions du Royaume-Uni aux analyse d’impact »), ni aucun autre document
fins de contester la légalité de l’article 17 des Tobacco n’établiraient en quoi une telle interdiction est
and Related Products Regulations 2016 (arrêté de nécessaire et appropriée au regard d’un quelconque
2016 sur le tabac et les produits connexes), qui a objectif légitime. À ce titre, le principe de précaution
transposé dans la législation du Royaume-Uni l’article ne saurait être invoqué, puisque ladite interdiction
1er, sous c), et l’article 17 de la directive 2014/40, et n’est pas cohérente avec l’autorisation de mise sur le
qui dispose que « [n]ul ne peut produire ni distribuer marché des autres produits du tabac, dont la toxicité
du tabac à usage oral ». serait, pourtant, selon les données scientifiques
actuelles, plus élevée.
11. Dans le cadre de ce recours, Swedish Match met
en cause la validité, au regard du principe de non- 13. Ensuite, l’interdiction totale des produits du tabac
discrimination, de l’article 1er, sous c), et de l’article à usage oral, en ce qu’elle ne tiendrait pas compte des
17 de la directive 2014/40, en raison de la différence circonstances propres à chaque État membre, ne
de traitement qu’ils instituent entre, d’un côté, les serait pas conforme au principe de subsidiarité. Cette
produits du tabac à usage oral, dont la mise sur le approche ne serait pas nécessaire, comme le mettrait
marché est interdite, et, de l’autre côté, les autres en évidence le fait que la directive 2014/40 elle-même
produits du tabac sans combustion, les nouveaux laisse aux États membres une certaine latitude dans
produits du tabac, les cigarettes et les autres produits l’adoption de leur réglementation concernant les
du tabac à fumer, ainsi que les cigarettes autres produits du tabac.
électroniques, dont la consommation n’est pas
prohibée. En outre, l’interdiction des produits du 14. En outre, ni la directive 2014/40 ni son contexte
tabac à usage oral ne pourrait être justifiée par des n’expliciteraient les raisons pour lesquelles les
motifs de santé publique dès lors que les données produits du tabac à usage oral font l’objet d’une
scientifiques actuelles, non disponibles à l’époque de discrimination par rapport aux autres produits du
l’adoption de la directive 92/41/CEE du Conseil, du tabac sans combustion, aux cigarettes électroniques,
15 mai 1992, modifiant la directive 89/622 (JO 1992, aux nouveaux produits du tabac et aux cigarettes. Dès
L 158, p. 30), démontrent que ces produits se situent lors, le législateur de l’Union n’aurait pas satisfait à
en bas de l’échelle des risques en ce qui concerne les l’obligation de motivation, prévue à l’article 296,
effets nocifs sur la santé par rapport à d’autres deuxième alinéa, TFUE.
produits du tabac sans combustion. Par ailleurs,
aucune donnée ne corroborerait l’idée que la 15. L’interdiction de mise sur le marché des produits
consommation des produits du tabac à usage oral du tabac à usage oral constituerait également une
serait une « passerelle » qui conduirait à fumer du restriction injustifiée à la libre circulation des
tabac. L’interdiction ne pourrait pas davantage être marchandises, puisqu’elle ne serait pas conforme aux
justifiée par la nouveauté du snus, dès lors que les principes de non–discrimination et de
nouveaux produits du tabac ne sont pas interdits par proportionnalité ainsi qu’à l’obligation de motivation.
la directive 2014/40, au sens de son article 2, point
14, en dépit de l’absence de données scientifiques à 16. Par ailleurs, outre le fait que la Cour n’aurait pas
cet égard et de l’existence, chez ces produits, d’effets encore eu l’occasion de se prononcer sur la validité de
éventuellement nocifs pour la santé. Ne saurait l’article 1er, sous c), et de l’article 17 de la directive
constituer non plus une justification de la 2014/40, Swedish Match fait valoir que l’arrêt du 14
discrimination que subissent les produits du tabac à décembre 2004, Swedish Match (C 210/03,
usage oral le fait que ceux-ci sont destinés au grand EU:C:2004:802), ne serait pas applicable à l’affaire au
public, dans la mesure où les autres produits relevant principal, dès lors que les données scientifiques
de ladite directive, notamment les autres produits du récentes concernant les prétendus effets nocifs des
tabac sans combustion, les cigarettes électroniques et produits du tabac à usage oral contrediraient les
les nouveaux produits du tabac, sont également énonciations de cet arrêt, que les régimes mis en place
destinés au grand public. par la directive 2014/40 présenteraient des

75
différences significatives par rapport à ceux instaurés des principes d’égalité de traitement, de
par la directive 2001/37 et, enfin, que le marché des proportionnalité et de subsidiarité, de l’obligation de
produits du tabac aurait connu de profonds motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa,
changements depuis ledit arrêt. TFUE, des articles 34 et 35 TFUE ainsi que des
articles 1er, 7 et 35 de la Charte.
17. En défense, le secrétaire d’État à la Santé
considère qu’il y a lieu de saisir la Cour d’une Sur la validité de l’article 1er, sous c), et de
demande de décision préjudicielle concernant la l’article 17 de la directive 2014/40 au regard du
validité de l’article 1er, sous c), et de l’article 17 de la principe d’égalité de traitement
directive 2014/40, en expliquant, en particulier, que
seule la Cour est habilitée à invalider une directive ou 21. La juridiction de renvoi pose la question de savoir
une partie de celle-ci. si la directive 2014/40 méconnaît le principe d’égalité
de traitement en ce qu’elle interdit la mise sur le
18. Autorisée à intervenir dans la procédure au marché des produits du tabac à usage oral tout en
principal, la New Nicotine Alliance, association autorisant la commercialisation des autres produits du
enregistrée dont l’objet est de promouvoir la santé tabac sans combustion, des cigarettes, des cigarettes
publique en réduisant les méfaits du tabac (ci-après la électroniques et des nouveaux produits du tabac.
« NNA »), soutient devant la juridiction de renvoi que
l’interdiction de mise sur le marché des produits du 22. Selon une jurisprudence constante, le principe
tabac à usage oral est contraire au principe de d’égalité de traitement exige que des situations
proportionnalité et méconnaît les articles 1er, 7 et 35 comparables ne soient pas traitées de manière
de la charte des droits fondamentaux de l’Union différente et que des situations différentes ne soient
européenne (ci-après la « Charte »). En effet, une telle pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel
interdiction serait inadéquate pour atteindre l’objectif traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 7
de protection de la santé publique, dès lors qu’elle mars 2017, RPO, C 390/15, EU:C:2017:174, point
priverait les consommateurs souhaitant éviter de 41).
consommer des cigarettes et des autres produits du
tabac à fumer de la possibilité de se tourner vers un 23. À cet égard, il convient de rappeler que la
produit moins toxique, comme le démontreraient à question de la méconnaissance du principe d’égalité
cet effet le succès des cigarettes électroniques ainsi de traitement en raison de l’interdiction de mise sur le
que les données scientifiques sur les effets nocifs du marché des produits du tabac à usage oral, prévue par
tabac en Suède. Or, le snus ferait partie, avec d’autres la directive 2001/37, a déjà fait l’objet des arrêts du
produits réduisant les méfaits du tabac, déjà 14 décembre 2004, Swedish Match (C 210/03,
disponibles au Royaume-Uni, d’une stratégie EU:C:2004:802), et du 14 décembre 2004, Arnold
cohérente de réduction de ces méfaits. André (C 434/02, EU:C:2004:800).

19. Dans ces conditions, la High Court of Justice 24. Dans ces arrêts, la Cour a jugé que la situation
(England & Wales), Queen’s Bench Division particulière dans laquelle se trouvaient les produits du
(Administrative Court) [Haute Cour de justice tabac à usage oral visés à l’article 2 de la directive
(Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s 2001/37 autorisait un traitement différent de ceux-ci
Bench (chambre administrative), Royaume-Uni] a sans que puisse être utilement invoquée une violation
décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la du principe de non-discrimination. En effet, elle a
question suivante : considéré que ces produits, alors même qu’ils ne
« L’article 1er, sous c), et l’article 17 de la directive seraient pas fondamentalement différents, dans leur
[2014/40] sont-ils invalides pour : composition ou même de par leur destination, des
I. méconnaissance du principe général du droit de produits du tabac destinés à être mâchés, ne se
l’Union de non–discrimination ; trouvaient pas dans la même situation que ces
II. méconnaissance du principe général du droit de derniers produits en raison du fait que les produits du
l’Union de proportionnalité ; tabac à usage oral faisant l’objet de l’interdiction
III. méconnaissance de l’article 5, paragraphe 3, TUE prévue à l’article 8 bis de la directive 89/622 et reprise
et du principe de subsidiarité du droit de l’Union ; à l’article 8 de la directive 2001/37 étaient nouveaux
IV. méconnaissance de l’article 296, deuxième alinéa, sur le marché des États membres visés par cette
TFUE ; mesure (arrêts du 14 décembre 2004, Swedish Match,
V. méconnaissance des articles 34 et 35 TFUE, et C 210/03, EU:C:2004:802, point 71, et du 14
VI. méconnaissance des articles 1er, 7 et 35 de la décembre 2004, Arnold André, C 434/02,
[Charte] » EU:C:2004:800, point 69).

Sur la question préjudicielle 25. Or, à la suite du prononcé desdits arrêts, le


législateur de l’Union n’a adopté aucune mesure
20. Par sa question préjudicielle, la juridiction de autorisant la mise sur le marché des États membres
renvoi s’interroge sur la validité de l’article 1er, sous visés à l’article 17 de la directive 2014/40 des produits
c), et de l’article 17 de la directive 2014/40 au regard du tabac à usage oral.

76
produits du tabac sur la santé publique ne pouvaient,
26. Ainsi, dans l’hypothèse où ces produits seraient par définition, être observés ou étudiés au moment de
introduits sur ce marché, ils resteraient encore l’adoption de la directive 2014/40, alors que les effets
nouveaux par rapport à d’autres produits du tabac des produits du tabac à usage oral étaient, à cette date,
sans combustion et aux produits du tabac à fumer, en suffisamment identifiés et étayés scientifiquement. S’il
ce compris les cigarettes, et auraient ainsi un caractère est vrai que le législateur de l’Union a fait entrer ces
attractif pour les jeunes. premiers produits dans le champ d’application de
cette directive, c’est aux fins que ceux-ci fassent
27. Par ailleurs, comme M. l’avocat général l’a relevé l’objet d’études relatives à leurs effets sur la santé et
au point 73 de ses conclusions, il découle de l’analyse sur les habitudes de consommation, conformément à
d’impact, non contestée sur ce point, que les produits l’article 19 de ladite directive.
du tabac sans combustion autres que ceux à usage
oral ne représentent que des marchés de niche dont le 33. Ainsi, dès lors qu’ils avaient fait l’objet de
potentiel d’expansion est limité en raison, plusieurs études scientifiques, les produits du tabac à
notamment, de leur méthode de production coûteuse usage oral ne pouvaient, lorsque la directive 2014/40
et en partie artisanale. En revanche, les produits du a été adoptée, être considérés comme étant nouveaux
tabac à usage oral ont un grand potentiel d’expansion, dans la même mesure que les nouveaux produits du
ce que confirment d’ailleurs les fabricants de ces tabac visés à l’article 2, paragraphe 14, de cette
produits. directive.

28. Partant, de telles circonstances particulières 34. Dans ces circonstances, l’article 1er, sous c), et
autorisaient un traitement différent des produits du l’article 17 de la directive 2014/40 ne méconnaissent
tabac à usage oral par rapport à la fois aux autres pas le principe d’égalité de traitement.
produits du tabac sans combustion et aux cigarettes,
sans que puisse être utilement invoquée une violation Sur la validité de l’article 1er, sous c), et de
du principe d’égalité de traitement. l’article 17 de la directive 2014/40 au regard du
principe de proportionnalité
29. En ce qui concerne la prétendue méconnaissance
du principe d’égalité de traitement en raison d’un 35. À titre liminaire, il convient de rappeler que le
traitement moins favorable des produits du tabac à principe de proportionnalité exige, selon une
usage oral par rapport aux cigarettes électroniques, la jurisprudence constante de la Cour, que les actes des
Cour a déjà constaté que ces dernières revêtent des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les
caractéristiques objectives différentes de celles des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en
produits du tabac en général et, partant, ne se cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est
trouvent pas dans la même situation que les produits nécessaire à la réalisation de ces objectifs (arrêt du 7
du tabac (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, février 2018, American Express, C 304/16,
Pillbox 38, C 477/14, EU:C:2016:324, points 36 et EU:C:2018:66, point 85).
42).
36. En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du
30. Il s’ensuit que le principe d’égalité de traitement respect de ces conditions, la Cour a reconnu au
ne saurait être méconnu en raison du fait que la législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des
catégorie particulière que constituent les produits du compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir
tabac à usage oral fait l’objet d’un traitement différent d’appréciation dans un domaine comme celui en
par rapport à cette autre catégorie que sont les cause où son action implique des choix de nature tant
cigarettes électroniques. politique qu’économique ou sociale, et où il est appelé
à effectuer des appréciations et des évaluations
31. Quant à la prétendue méconnaissance du principe complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une
d’égalité de traitement en raison d’un traitement mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la
moins favorable des produits du tabac à usage oral meilleure possible, seul le caractère manifestement
par rapport aux nouveaux produits du tabac, il inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les
convient de faire observer que l’article 2, paragraphe institutions compétentes entendent poursuivre
14, de la directive 2014/40 définit le « nouveau pouvant affecter la légalité de cette mesure (voir, en
produit du tabac » comme étant un produit du tabac ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C 477/14,
qui, mis sur le marché après le 19 mai 2014, ne relève EU:C:2016:324, point 49).
d’aucune des catégories suivantes, à savoir cigarette,
tabac à rouler, tabac à pipe, tabac à pipe à eau, cigare, 37. Quant aux appréciations des éléments factuels
cigarillo, tabac à mâcher, tabac à priser ou tabac à d’ordre scientifique et technique hautement
usage oral. complexes qui sont nécessaires pour apprécier le
caractère proportionnel de l’interdiction de mise sur
32. Dès lors, et ainsi que M. l’avocat général l’a relevé le marché des produits du tabac à usage oral, il
au point 75 de ses conclusions, compte tenu de leur convient de rappeler que le juge de l’Union ne peut
date de mise sur le marché, les effets des nouveaux substituer son appréciation de ces éléments à celle du

77
législateur à qui le traité FUE a conféré cette tâche. reste que les produits du tabac sans combustion
Le large pouvoir d’appréciation du législateur de contiennent tous des cancérogènes, qu’il n’est pas
l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité établi scientifiquement que le dosage de ces
de son exercice, s’applique non pas exclusivement à la cancérogènes dans les produits du tabac à usage oral
nature et à la portée des dispositions à prendre, mais soit de nature à diminuer le risque du cancer, qu’ils
aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des accroissent le risque d’infarctus myocardique mortel
données de base (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin et que, selon certaines indications, leur usage serait
2018, Pologne/Parlement et Conseil, C 5/16, associé aux complications en cours de grossesse.
EU:C:2018 :483, points 150 et 151).
43. Ensuite, la Commission a fait observer que les
38. En outre, le législateur de l’Union doit tenir études suggérant que le snus peut faciliter le sevrage
compte du principe de précaution, conformément tabagique reposent majoritairement sur des données
auquel, lorsque des incertitudes subsistent quant à issues de l’observation empirique et, par suite, ne
l’existence ou à la portée de risques pour la santé des peuvent être regardées comme étant concluantes.
personnes, des mesures de protection peuvent être
prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité 44. En outre, la Commission a également souligné
de ces risques soient pleinement démontrées. que l’effet de la décision de lever l’interdiction de
Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec mise sur le marché des produits du tabac à usage oral
certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en sur les politiques de contrôle de la consommation des
raison de la nature non concluante des résultats des produits du tabac serait de nature à inciter des
études menées, mais que la probabilité d’un dommage personnes jusqu’alors non consommatrices de
réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse produits du tabac, en particulier des jeunes, à le
où le risque se réaliserait, le principe de précaution devenir et que, partant, une telle décision emporterait
justifie l’adoption de mesures restrictives (arrêt du 9 certains risques en matière de santé publique.
juin 2016, Pesce e.a., C 78/16 et C 79/16,
EU:C:2016:428, point 47 ainsi que jurisprudence 45. En conséquence, ayant ainsi tenu compte de
citée). l’ensemble des études scientifiques citées dans
l’analyse d’impact, la Commission a considéré que le
39. C’est à la lumière de ces considérations qu’il principe de précaution justifiait le maintien de
convient d’examiner la validité de l’article 1er, sous c), l’interdiction de mise sur le marché des produits du
et de l’article 17 de la directive 2014/40 au regard du tabac à usage oral.
principe de proportionnalité.
46. Pour contester la validité de l’article 1er, sous c),
40. En l’occurrence, il y a lieu de relever que la et de l’article 17 de la directive 2014/40 au regard du
directive 2014/40 poursuit, selon son article 1er, un principe de proportionnalité, Swedish Match et la
double objectif, consistant à faciliter le bon NNA se réfèrent, ainsi qu’il ressort de la décision de
fonctionnement du marché intérieur des produits du renvoi, à des études scientifiques récentes qui, de leur
tabac et des produits connexes, en prenant pour base point de vue, mettraient en évidence le fait que les
un niveau élevé de protection de la santé humaine, produits du tabac à usage oral, notamment ceux du
particulièrement pour les jeunes (arrêt du 4 mai 2016, type « snus », présentent une faible nocivité par
Pologne/Parlement et Conseil, C 358/14, rapport aux autres produits du tabac, qu’ils créent
EU:C:2016:323, point 80). moins de dépendance que ceux-ci et qu’ils rendent
plus aisé le sevrage tabagique. En particulier, Swedish
41. En ce qui concerne l’objectif consistant à assurer Match et la NNA soulignent, en s’appuyant sur des
un niveau élevé de protection de la santé humaine, observations faites en Suède et en Norvège, que la
particulièrement pour les jeunes, il découle de consommation du snus a tendance à remplacer celle
l’analyse d’impact (pages 62 et suivantes) que la des produits du tabac à fumer, et non à s’ajouter à
Commission a considéré les différentes options celle-ci, et qu’elle n’aurait pas un effet de passerelle
politiques concernant les différents produits du tabac, vers ces derniers.
ceux à usage oral inclus. Elle a en particulier examiné
la possibilité de lever l’interdiction de mise sur le 47. Dans ce contexte, il y a lieu de constater que le
marché des produits du tabac à usage oral à la lumière législateur de l’Union a pu, sur la base d’études
des nouvelles études scientifiques quant à la nocivité scientifiques et conformément au large pouvoir
de ces produits pour la santé et des données d’appréciation dont il dispose à cet égard ainsi qu’au
concernant les habitudes de consommation des principe de précaution, conclure, dans le respect de la
produits du tabac dans les pays qui autorisent la jurisprudence citée aux points 36 et 38 du présent
commercialisation des produits du tabac à usage oral. arrêt, à l’incertitude de l’efficacité des produits du
tabac à usage oral en tant qu’aide au sevrage dans
42. À cet égard, la Commission a relevé, tout d’abord, l’hypothèse d’une levée de l’interdiction de mise sur le
que, même si, selon des études scientifiques, les marché de ces produits, et à l’existence de risques
produits du tabac sans combustion sont moins pour la santé publique, tel le risque d’un effet de
dangereux pour la santé que ceux avec combustion, il

78
passerelle, en raison, notamment, de l’attrait desdits d’ordre économique (arrêt du 19 avril 2012,
produits chez les jeunes. Artegodan/Commission, C 221/10 P,
EU:C:2012:216, point 99 et jurisprudence citée),
48. En effet, en ce qui concerne l’aptitude de la l’importance de cet objectif étant susceptible de
mesure d’interdiction de mise sur le marché des justifier des conséquences économiques négatives,
produits du tabac à usage oral à atteindre l’objectif même d’une ampleur considérable (voir, en ce sens,
consistant à assurer un niveau élevé de protection de arrêt du 23 octobre 2012, Nelson e.a., C 581/10 et C
la santé humaine, il convient de rappeler que cette 629/10, EU:C:2012:657, point 81 ainsi que
aptitude ne saurait être appréciée au regard jurisprudence citée). Or, en l’occurrence, à supposer
uniquement d’une seule catégorie de consommateurs même qu’il existe un grand potentiel de croissance du
(voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris marché des produits du tabac à usage oral, les
Brands e.a., C 547/14, EU:C:2016:325, point 176). conséquences économiques résultant de l’interdiction
de mise sur le marché de tels produits demeurent, en
49. Étant donné que, dans l’hypothèse d’une levée de tout état de cause, incertaines, puisque, au moment de
l’interdiction de la mise sur le marché des produits du l’adoption de la directive 2014/40, ces produits
tabac à usage oral, les effets positifs seraient incertains n’étaient pas présents sur le marché des États
pour la santé des consommateurs désireux d’utiliser membres visés à l’article 17 de la directive 2014/40.
ces produits comme aide au sevrage et que, en outre,
il existerait des risques pour la santé des autres 55. Pour ce qui est de l’objectif, consistant à faciliter
consommateurs, particulièrement pour les jeunes, le bon fonctionnement du marché intérieur des
exigeant l’adoption, conformément au principe de produits du tabac et des produits connexes, il y a lieu
précaution, de mesures restrictives, l’article 1er, sous de relever que la mesure d’interdiction de mise sur le
c), et l’article 17 de la directive 2014/40 ne sauraient marché des produits du tabac à usage oral prévue par
être considérés comme étant manifestement ces dispositions est également apte à faciliter le bon
inappropriés pour assurer un niveau élevé de santé fonctionnement du marché intérieur des produits du
publique. tabac et des produits connexes.

50. À l’inverse, des mesures moins contraignantes, 56. En effet, la Cour a fait observer au point 37 de
telles que celles prévues pour les autres produits du son arrêt du 14 décembre 2004, Swedish Match (C
tabac dans la directive 2014/40, notamment le 210/03, EU:C:2004:802), qu’il existait, au moment de
renforcement des avertissements sanitaires et l’adoption de la directive 92/41, des divergences entre
l’interdiction du tabac aromatisé, n’apparaissent pas les dispositions législatives, réglementaires et
comme étant également aptes à atteindre l’objectif administratives des États membres visant à arrêter
poursuivi. l’expansion de la consommation de produits nocifs
pour la santé, qui étaient nouveaux sur le marché des
51. En effet, en raison tant du grand potentiel de États membres et qui étaient réputés être
croissance du marché des produits du tabac à usage particulièrement attractifs pour les jeunes.
oral, confirmé par les fabricants eux-mêmes de ces
produits, que de l’introduction d’environnements sans 57. De même que la Cour a relevé dans ce même
fumée, lesdits produits sont particulièrement arrêt que le contexte réglementaire n’avait pas changé
susceptibles d’inciter des personnes jusqu’alors non lors de l’adoption de la directive 2001/37, laquelle
consommatrices de produits du tabac, en particulier avait également interdit la mise sur le marché des
des jeunes, à le devenir. produits du tabac à usage oral (voir, en ce sens, arrêt
du 14 décembre 2004, Swedish Match, C 210/03,
52. Par ailleurs, les produits du tabac à usage oral EU:C:2004:802, point 40), il convient de faire
présentent une dangerosité particulière pour les observer que ce contexte était également le même lors
mineurs en raison du fait que leur consommation est de l’adoption de la directive 2014/40.
difficilement perceptible. En effet, elle consiste
habituellement à placer le produit entre la gencive et 58. En effet, les produits du tabac à usage oral
la lèvre supérieure et à le garder en place (voir, en ce demeurent nocifs pour la santé, ont un caractère
sens, arrêt du 14 décembre 2004, Arnold André, C addictif et sont attractifs pour les jeunes. En outre,
434/02, EU:C:2004:800, point 19). comme il a été constaté au point 26 du présent arrêt,
ils représenteraient, en cas de mise sur le marché, des
53. Dès lors, l’interdiction de mise sur le marché des nouveaux produits pour les consommateurs. Or un
produits du tabac à usage oral ne va pas tel contexte est toujours susceptible d’induire les
manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour États membres à adopter des dispositions législatives,
atteindre l’objectif d’assurer un niveau élevé de réglementaires et administratives diverses visant à
protection de la santé publique. mettre fin à l’expansion de la consommation de
produits du tabac à usage oral.
54. Par ailleurs, selon la jurisprudence constante,
l’objectif de protection de la santé revêt une 59. En outre, en ce qui concerne plus
importance prépondérante par rapport aux intérêts particulièrement l’allégation de Swedish Match selon

79
laquelle l’autorisation donnée à la commercialisation exclusive, que si, et dans la mesure où, les objectifs de
des autres produits du tabac et des produits connexes l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de
démontrerait le caractère disproportionné de manière suffisante par les États membres et peuvent
l’interdiction de mise sur le marché des produits du donc, en raison des dimensions ou des effets de
tabac à usage oral, il y a lieu de rappeler qu’une l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau de
mesure de l’Union n’est apte à réaliser l’objectif l’Union. Le protocole (no 2) sur l’application des
recherché que si elle répond véritablement au souci principes de subsidiarité et de proportionnalité
de l’atteindre d’une manière cohérente et annexé au traité UE et au traité FUE établit par
systématique (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, ailleurs, à son article 5, des lignes directrices pour
Fries, C 190/16, EU:C:2017:513, point 48). déterminer si ces conditions sont remplies (arrêt du 4
mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C 547/14,
60. À cet égard, il ressort du point 34 du présent arrêt EU:C:2016:325, point 215).
que l’article 1er, sous c), et l’article 17 de la directive
2014/40 ne méconnaissent pas le principe d’égalité de 66. En l’occurrence, s’agissant d’un domaine, tel que
traitement du fait du traitement différent réservé aux l’amélioration du fonctionnement du marché
produits du tabac à usage oral par rapport à celui intérieur, qui n’est pas au nombre de ceux dans
prévu pour les autres produits du tabac et les produits lesquels l’Union dispose d’une compétence exclusive,
connexes. il convient de vérifier si l’objectif que la directive
61. Partant, l’article 1er, sous c), et l’article 17 de la 2014/40 poursuit pouvait être mieux atteint au niveau
directive 2014/40 n’entraînent pas d’inconvénients de l’Union (arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands
manifestement disproportionnés par rapport aux e.a., C 547/14, EU:C:2016:325, point 219).
objectifs visés.
67. À cet égard, ainsi qu’il a été mentionné au point
62. Il résulte des considérations précédentes que ces 40 du présent arrêt, la directive 2014/40 poursuit un
dispositions ne comportent pas des restrictions double objectif, consistant à faciliter le bon
disproportionnées par rapport au double objectif fonctionnement du marché intérieur des produits du
poursuivi par la directive 2014/40, consistant à tabac et des produits connexes, tout en assurant un
faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur niveau élevé de protection de la santé humaine,
des produits du tabac et des produits connexes et à particulièrement pour les jeunes (arrêt du 4 mai 2016,
garantir un niveau élevé de protection de la santé Philip Morris Brands e.a., C 547/14, EU:C:2016:325,
humaine. point 220).

63. Partant, il convient de constater que lesdites 68. Or, à supposer même que le second volet de cet
dispositions ne méconnaissent pas le principe de objectif puisse être mieux atteint au niveau des États
proportionnalité. membres, il n’en demeure pas moins que la poursuite
de cet objectif à un tel niveau serait susceptible de
Sur la validité de l’article 1er, sous c), et de consolider, sinon d’engendrer, des situations dans
l’article 17 de la directive 2014/40 au regard du lesquelles, comme il a été mentionné au point 58 du
principe de subsidiarité présent arrêt, certains États membres autorisent la
mise sur le marché de produits du tabac à usage oral,
64. Il ressort de la décision de renvoi que Swedish alors que d’autres l’interdisent, allant ainsi à l’exact
Match conteste la validité de l’article 1er, sous c), et opposé de l’objectif premier de la directive 2014/40,
de l’article 17 de la directive 2014/40 au regard du à savoir l’amélioration du fonctionnement du marché
principe de subsidiarité, en raison du fait que intérieur des produits du tabac et des produits
l’interdiction générale et absolue de mise sur le connexes (arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands
marché des produits du tabac à usage oral prive les e.a., C 547/14, EU:C:2016:325, point 221).
États membres de toute latitude dans leur
réglementation et impose un régime uniforme, sans 69. Il résulte de l’interdépendance des deux objectifs
considération des circonstances particulières propres visés par ladite directive que le législateur de l’Union
aux États membres, à l’exception du Royaume de pouvait légitimement estimer que son action devait
Suède. D’ailleurs, selon Swedish Match, une telle comporter l’instauration d’un régime de mise sur le
approche n’était pas nécessaire, ainsi que le met en marché de l’Union des produits du tabac à usage oral
évidence la possibilité accordée à chaque État et que, en raison de cette interdépendance, ce double
membre, en vertu de l’article 24, paragraphe 3, de objectif pouvait être mieux réalisé au niveau de
cette directive, d’interdire, pour des motifs relatifs à l’Union (arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands
sa situation spécifique, telle ou telle catégorie de e.a., C 547/14, EU:C:2016:325, point 222).
produits du tabac ou de produits connexes.
70-. S’agissant de l’allégation selon laquelle l’article 24,
65. Il convient de rappeler que le principe de paragraphe 3, de la directive 2014/40 démontre que
subsidiarité est énoncé à l’article 5, paragraphe 3, les objectifs de cette directive pourraient être atteints
TUE, en vertu duquel l’Union n’intervient, dans les de manière suffisante par les États membres, il
domaines qui ne relèvent pas de sa compétence convient de faire observer que cette disposition

80
reconnaît à chaque État membre la faculté d’interdire
une certaine catégorie de produits du tabac ou de 73. Or, en ayant interdit la mise sur le marché des
produits connexes pour des motifs relatifs à la produits du tabac à usage oral, tout en autorisant la
situation spécifique dudit État membre et à condition commercialisation des autres produits du tabac, le
que ces dispositions soient justifiées par la nécessité législateur de l’Union doit être regardé comme ayant
de protéger la santé publique, la Commission ayant procédé à une harmonisation par étape des produits
toutefois compétence pour approuver ou rejeter ces du tabac.
dispositions nationales après avoir déterminé si elles
sont ou non justifiées, nécessaires et proportionnées 74. L’article 24, paragraphe 3, de la directive 2014/40
au vu de leur objectif, compte tenu du niveau élevé de porte ainsi sur un aspect qui n’a pas fait l’objet des
protection de la santé humaine qu’assure ladite mesures d’harmonisation arrêtées par celle-ci (arrêt
directive, ou si elles constituent ou non un moyen de du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C 547/14,
discrimination arbitraire ou une restriction déguisée EU:C:2016:325, point 90).
du commerce entre les États membres.
75. Partant, cette disposition ne saurait, en tant que
71. À cet égard, il convient de rappeler que les auteurs telle, démontrer que les objectifs de cette directive
du traité ont voulu conférer au législateur de l’Union, pourraient être atteints de manière suffisante par les
en fonction du contexte général et des circonstances États membres.
spécifiques de la matière à harmoniser, une marge
d’appréciation quant à la technique de rapprochement 76. Il s’ensuit que l’article 1er, sous c), et l’article 17
la plus appropriée afin d’aboutir au résultat souhaité, de la directive 2014/40 ne méconnaissent pas le
notamment dans des domaines qui se caractérisent principe de subsidiarité.
par des particularités techniques complexes. Le
législateur de l’Union pourrait donc, dans l’exercice […]
de cette marge d’appréciation, ne procéder à une
harmonisation que par étapes et n’exiger qu’une Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit
suppression progressive des mesures unilatérales pour droit :
prises par les États membres (arrêt du 4 mai 2016, L’examen de la question posée n’a révélé
Philip Morris Brands e.a., C 547/14, EU:C:2016:325, aucun élément de nature à affecter la validité de
point 63). l’article 1er, sous c), et de l’article 17 de la
directive 2014/40/UE du Parlement européen et
72. En fonction des circonstances, les mesures visées du Conseil, du 3 avril 2014, relative au
à l’article 114, paragraphe 1, TFUE peuvent consister rapprochement des dispositions législatives,
à obliger l’ensemble des États membres à autoriser la réglementaires et administratives des États
commercialisation du ou des produits concernés, à membres en matière de fabrication, de
assortir une telle obligation d’autorisation de certaines présentation et de vente des produits du tabac et
conditions, voire à interdire, provisoirement ou des produits connexes, et abrogeant la directive
définitivement, la commercialisation d’un ou de 2001/37/CE.
certains produits (arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris
Brands e.a., C 547/14, EU:C:2016:325, point 64).

81

Vous aimerez peut-être aussi