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Université de Poitiers

Faculté de droit et sciences sociales


Année universitaire 2021-2022
Première année –premier semestre DROIT CONSTITUTIONNEL Cours
de M. Maurice Guénou AHLIDJA
Maître de conférences en droit public

TD de M. Aboudermane BODE

SÉANCE 1 : LA CONSTITUTION
Sujet de dissertation : Dans quelle mesure la Constitution est une norme juridique fondamentale et vivante de
l’ordre juridique interne ?

DOCUMENTS
Doc. 1 : Méthodologie de la dissertation en droit constitutionnel
Doc 2 : La loi nouvelle loi sanitaire est publiée, Lexis Nexis
Doc 3 : Le passe sanitaire : un colosse aux pieds d’argile Étude par Marc Bornhauser, (Revue pratique
de la prospective et de l'innovation n° 1, Juillet 2021, dossier 4).
- Doc. 4. Pierre BRUNET, « Constitution », in Encyclopædia Universalis, (extraits).
- Doc. 5. « Constitution », in M. De Villiers, A. Le Divellec (dir.), Dictionnaire du droit
constitutionnel, Sirey, 10e éd., 2015, pp. 73-78 (extraits).

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Bibliographie indicative

- L. FAVOREU, « Le droit constitutionnel, droit de la Constitution et constitution du droit », RFDC 1990,


n°1, p. 71.
- F. MELIN -SOUCRAMANIEN et P. PACTET, Droit constitutionnel, 39 e édition, 2021, p.
61.
- J. PINI, « Qu’est-ce qu’une Constitution ? », Revue d’administration européenne, 2001-
2002/6, p. 655-658
- L. HABIB, « La notion de constitution », in Institutions et vie politique, Les
notices de la documentation française, 1997, p. 17.
- M. TROPER, « La machine et la norme. Deux modèles de constitution », in La théorie du
droit, le droit, l’Etat, PUF, « Léviathan », 2001, p 147.
- B. Mathieu, « La Constitution cadre et miroir des mutations de la société », Revue française
de droit constitutionnel, 2014, n°100, p. 1011-1019.
- V. MICHEL et A. BOUVERESSE, « La notion de constitution », in V. Constantinesco, Y.
Gautier et V. Michel (dir.), Le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Analyses et
commentaires, Strasbourg, PUS, 2005, p. 52.
- J. PINI, « Qu’est-ce qu’une Constitution ? », Revue d’administration européenne, 2001-
2002/6,
p. 655-658.
- M. TROPER, « La machine et la norme. Deux modèles de constitution », in La théorie du
droit, le droit, l’État, PUF, « Léviathan », 2001, p 147.

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Document n° 1 : Méthodologie de la dissertation juridique

La dissertation juridique est un exercice que l’étudiant en droit rencontrera régulièrement durant son
cursus. Une maîtrise de la méthodologie de cet exercice est donc indispensable à la réussite des
études de droit.
Les éléments méthodologiques suivants doivent être lus attentivement par l’étudiant s’il veut réussir
cet exercice. L’aspect formel d’une dissertation juridique compte de manière substantielle dans la
notation. Dans une dissertation juridique, l’étudiant doit respecter les consignes sur le fond et sur la
forme.
La dissertation juridique n’est pas une dissertation philosophique ou historique, elle est soumise à
des conditions formelles très spécifiques. Une connaissance du cours, des différentes notions
fondamentales et, le cas échéant, de la jurisprudence est donc indispensable pour conduire à bien de
tels exercices.
1. STRUCTURE DE LA DISSERTATION JURIDIQUE
Il s’agit d’un travail rédigé qui répond à des critères formels précis. La dissertation consiste à
répondre à une question (la « problématique »), grâce à une démonstration organisée selon un ordre
déterminé (« le plan »). Les points essentiels d’une bonne dissertation :
- La qualité de la problématique et de l’argumentation. Une bonne dissertation doit présenter un
raisonnement, c’est-à-dire répondre à une question en utilisant des arguments étayés.
- Une connaissance suffisante du sujet qui se traduit par l’utilisation d’exemples pertinents et variés.
- Le respect des exigences formelles (registre écrit, orthographe, structure du plan, etc.)
Le plan d’une dissertation doit être clair et lisible. Dans l’évaluation d’une dissertation, la forme
compte presque autant que le fond car, a bien des égards, la forme détermine largement le fond.
La dissertation est structurée de la manière suivante (les éléments ayant un * sont indispensables,
les autres peuvent être intégrés dans la mesure du possible) :

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Introduction

- Phrase d’accroche*

- Réflexion sur les termes du sujet et définition de ceux-ci*

- Présentation historique du sujet

- Actualité du sujet

- Analyse de droit comparé

- Mettre en exergue ce qui fait l’intérêt du sujet et ses enjeux*

- Problématique* (composée de la question de droit et la réponse à la question)

- Annonce de plan (seulement les deux parties principales) *

I. Titre de la première partie*

- Chapeau : faire l’annonce des deux sous-parties*

A. Première sous-partie*

- Transition : Phrase de liaison entre les deux sous-parties*

B. Deuxième sous-partie*

Transition entre les deux parties (en quelques phrases) *


II. Titre de la seconde partie*
- Chapeau : faire l’annonce des deux sous-parties*

A. Première sous-partie*

- Transition : phrase de liaison entre les deux sous-parties*

B. Deuxième sous-partie* PAS DE CONCLUSION

Comme le montre la structure ci-dessus :

- Une introduction qui sert à présenter et analyser le sujet, à déterminer le problème et à annoncer le
plan du devoir. Il s’agit d’un élément fondamental de votre devoir dans la mesure où le correcteur se
fera une première idée de celui-ci dès la lecture de l’introduction. Du reste, les étapes de l’introduction
ne sont ni plus ni moins que les étapes que doit suivre l’étudiant dans le traitement du sujet. Il n’est
pas possible de produire une bonne dissertation sans avoir par exemple défini les termes du sujet ou
identifier les enjeux. En outre, comment formuler une problématique à laquelle le plan devra répondre
si les étapes de l’introduction n’ont pas été suivies ? Cela explique qu’une mauvaise introduction
entraine le plus souvent un mauvais devoir. L’introduction doit représenter de 20 % à 30 % du devoir.

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Chaque partie doit avoir une unité thématique, logique ou chronologique. Chaque partie et
chaque sous-partie est introduite par un titre qui rend compte de cette unité. Les sous-parties (et donc
les parties) doivent être équilibrées, c’est-à-dire avoir à peu près la même longueur. Les parties sont
reliées entre elles par quelques phrases de transition.

2. AVANT DE RÉDIGER

2.1. LIRE ET ANALYSER LE SUJET


On peut distinguer deux types de sujets : les sujets posés sous forme interrogative et les sujets
non problématisés. Ceux du premier type sont plus simples à traiter, mais ils laissent moins de
liberté à l’étudiant.
- Sujet problématisé : Dans cette hypothèse, la problématique est explicitement formulée par
le libellé
il faut alors répondre strictement à la question posée. La problématique du devoir pourra alors
être une simple reprise du sujet posé de manière interrogative.

- Sujet non problématisé : Dans ce cas, le sujet n’est pas une question.
D’une façon générale, le candidat doit lire très attentivement le sujet, s’assurer qu’il en
comprend tous les termes puis les analyser. Cette phase préalable est essentielle, il faut donc
lui consacrer du temps. En effet, elle permet de cerner la problématique et de ne pas en sortir.
Quand le sujet n’est pas problématisé, la phase d’analyse est encore plus importante. De fait, ce
type de sujet contient plusieurs questions potentielles, entre lesquelles l’étudiant doit choisir
celle qui lui semble la plus intéressante. Une dissertation ne peut avoir qu’une seule
problématique.

2.2. BÂTIR UN PLAN


Dans une dissertation, le propos de l’étudiant doit être organisé selon un plan déterminé. Ce plan
doit correspondre aux grandes articulations de l’argumentation. Bien que cette liste soit
seulement indicative, on peut distinguer plusieurs types de plans.
- Le plan dialectique (« thèse – antithèse ») : chacune des parties présente une opinion opposée.
La première partie développe une thèse qui sera contredite ou nuancée dans la seconde partie
(antithèse).
C’est le plan le plus courant et le plus facile à utiliser, il correspond à la plupart des sujets,
pour peu que la problématique et la réponse aient été clairement dégagées.

- Le plan chronologique : chaque partie traite une période historique donnée. Ce type de plan est
particulièrement adapté aux sujets qui ont une forte dimension historique. Le plan chronologique
est assez facile à organiser, mais il ne rend pas toujours bien compte de la structure argumentative
utilisée.
- Le plan thématique : chacune des parties aborde un thème déterminé. Très clair, ce plan est
néanmoins risqué car la transition entre les parties n’est pas toujours facile. Le risque est de
juxtaposer des éléments sans les lier vraiment et sans répondre à la problématique.
- Le plan causes / conséquences : dans ce type de plan, la première partie développe les causes
d’un phénomène et la seconde traite de ses conséquences. Ce plan est à mi-chemin entre le plan
chronologique et le plan thématique.

3. LA RÉDACTION

3.1. L’INTRODUCTION
L’introduction se compose de trois parties principales et doit être structurée en entonnoir, c’est-
à- dire qu’elle part de considérations générales autour du sujet pour arriver jusqu’aux éléments
précis servant au traitement du sujet
NB : L’introduction est la vitrine de votre copie. Il s’agit de la première chose que liront les
correcteurs et qui leur permettra de se familiariser avec votre travail. Une mauvaise introduction
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ne met donc pas votre correcteur dans de bonnes dispositions pour corriger le reste de votre
devoir. Cette étape ne doit pas être bâclée, l’étudiant doit y consacrer un temps suffisant. En
particulier, une erreur fréquente des étudiants est, à la lecture du sujet, de construire le plan. Or,
il n’est pas possible de procéder de cette manière dans la mesure où le plan est censé répondre à
la problématique qui est elle-même le produit des différentes étapes de l’introduction. Il faut donc
commencer par appréhender le sujet, formuler la problématique et enfin construire le plan.

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- L’appréhension du sujet :
- 1/ Elle comporte tout d’abord la phrase d’accroche. Il s’agit d’attirer l’attention du
lecteur par une ou deux phrases. Il faut éviter les citations ou les accroches consistant en
des lieux communs (par exemple « De tout temps… »). Les meilleures accroches sont
certainement celles qui sont en lien avec l’actualité.
- Cette actualité peut être plus ou moins récente, mais elle doit absolument être en lien avec le
sujet.
- 2/ Le candidat présente ensuite le problème de façon très générale. Il s’agit avant tout de
définir les termes du sujet. Il s’agit d’une des étapes les plus importantes de la dissertation.
Sans définition précise et pertinente des termes du sujet, l’étudiant sera incapable d’en
identifier l’intérêt ou les enjeux et donc de formuler une problématique et a fortiori d’y
répondre par un plan et une démonstration. Il faut également replacer le sujet dans son
contexte social, juridique, historique ou intellectuel. Le candidat peut ajouter le cas échéant
des éléments d’actualité du sujet ou de droit comparé.
- La fonction de cette partie de l’introduction n’est pas d’entasser des éléments disparates sans
lien avec le sujet, mais de justifier la pertinence de la problématique retenue. L’étudiant ne doit
pas donner l’impression au correcteur qu’il se contente de faire une récitation de cours sans
pertinence. Il doit au contraire mobiliser ses connaissances au soutien de l’appréhension du sujet.
- 3/ Une autre étape indispensable et fondamentale est celle de l’identification de l’intérêt et des
enjeux du sujet. Cette étape montrera au correcteur la compréhension, par l’étudiant, du sujet et
des questions qui l’entourent.
- NB : Le fait que le sujet soit ou non formulé de manière interrogative n’a pas d’incidence sur
les différentes étapes précitées. Même si la problématique est déjà donnée dans le sujet, ces
différentes étapes vont permettre à l’étudiant de la justifier, de construire son plan, de montrer
au correcteur qu’il l’a comprise et qu’il va pouvoir y répondre de manière pertinente. Par
conséquent, si les sujets sous formes interrogatives peuvent apparaître plus « faciles », il n’en
reste pas moins que leur traitement doit être identique aux sujets de dissertation non
problématisés.
- - La problématique : la problématique est une étape fondamentale dans la mesure où il s’agit
de la question à laquelle le candidat va tenter de répondre par son plan et sa démonstration. Il
faut la poser sous forme interrogative et la formuler de façon très précise. La problématique est
soit directement le sujet lorsque celui-ci est formulé sous forme interrogative, soit, lorsque ce
n’est pas le cas, le sujet reformulé sous forme interrogative au regard des éléments de définition,
de contexte et les enjeux préalablement identifiés. Une dissertation ne peut donc pas se passer
d’une problématique et de la qualité de la problématique dépendra bien souvent la qualité du
devoir.
- L’annonce du plan : dans un troisième temps, le candidat annonce les deux parties principales
de son plan. Il est inutile d’aller jusqu’aux sous-parties car cela nuirait à la clarté de l’exposé.
L’annonce de plan doit être claire et formulée de manière littéraire. Cette annonce de plan est
censée formuler la réponse à la problématique. Si votre annonce de plan ne répond pas à la
problématique, c’est qu’en toute probabilité votre plan ne répond pas à la problématique. Il y a
alors de fortes chances que votre problématique ou votre plan ne soient pas pertinents.
NB : Il faut marquer de façon typographique les trois phases de l’introduction, en allant à la
ligne et en faisant un alinéa. Plus généralement, il est généralement considéré qu’à une idée
majeure doit correspondre un paragraphe.

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3.2 RÉDIGER UNE PARTIE ET SES SOUS-PARTIES

Le corps du devoir est formé de deux parties qui sont elles-mêmes subdivisées en deux sous-
parties. Chaque partie doit posséder une cohérence interne. Pour en rendre compte, il faut donner
à chaque partie et à chaque sous-partie un titre. À la lecture d’un titre, le correcteur doit comprendre
quelle est l’idée centrale de la partie ou de la sous-partie. En lisant successivement tous les titres,
il doit pouvoir saisir d’un coup d’œil (sans même avoir à lire les paragraphes) les grandes
articulations de la démonstration. Pour l’équilibre de la dissertation, il est important que les parties
aient grosso modo la même longueur. Il en va de même pour les sous-parties. Pour mieux s’en
rendre compte (et pour que le correcteur s’en aperçoive) il est nécessaire de sauter des lignes entre
les parties et de revenir à la ligne entre les sous-parties. Les parties sont reliées entre elles par
quelques phrases de transition qui résument ce qui a été dit, et surtout, annoncent la suite du propos.
Chaque sous-partie doit impérativement contenir :
- Un ou plusieurs argument(s) pleinement développé(s) : c’est le cœur de la démonstration.
- Les éléments de preuve, qui justifient ce ou ces argument(s). Il s’agit généralement de
connaissances positives, d’ordre juridique, historique ou logique.
- Une phrase synthétique qui rassemble les principaux points de l’argumentation et des exemples qui
les illustrent.
La dissertation juridique est un exercice fondé sur l’argumentation. Il ne s’agit donc ni d’une simple
récitation de cours ni d’affirmations péremptoires. Il s’agit en réalité de construire une
démonstration à l’aide d’un raisonnement et de connaissances précises. Trop souvent les étudiants
oublient de justifier leurs différentes affirmations. Or, un candidat ne pourra par exemple alléguer
que « La Constitution de 1958 institue un régime parlementaire » qu’après une démonstration.
Sans cela, il s’agira simplement d’une opinion sans fondement.

4. QUELQUES ERREURS FRÉQUENTES

Le candidat veillera à éviter soigneusement les erreurs qui suivent.


- Analyse insuffisante
- Hors-sujet » ou manque de pertinence : le candidat traite des questions qui n’entretiennent aucun
rapport avec le sujet. Cette erreur est très lourdement sanctionnée, y compris lorsque les
développements « hors-sujet » sont en eux-mêmes exacts.
- Absence de démonstration : le devoir n’aboutit à aucune démonstration claire. Typiquement,
les termes du sujet n’ont pas été bien compris (ou ont été trop rapidement analysés).
- Plan peu convaincant : le plan retenu pour aboutir à la démonstration n’est pas adapté. Mal
organisée, la démonstration paraît alors bien fragile.
- Absence d’argument : La sous-partie ne contient aucun argument ou aucun argument neuf. Selon
les cas, elle est absurde (dépourvue de sens), creuse (aucune information), ou redondante (elle répète
une autre sous-partie). C’est souvent le signe d’un gros défaut de construction.
- Arguments contradictoires : L’argument présenté entre en contradiction avec un argument
précédemment (ou conjointement) énoncé. Le candidat dit une chose et son contraire, le correcteur
n’est pas en mesure de déterminer ce qu’il pense être juste. Soit, il faut prendre parti, soit il faut
montrer clairement que la contradiction n’est qu’apparente.
- Argument non démontré : Un argument est avancé sans aucune preuve. Il ne peut donc pas être
tenu pour démontré, même lorsqu’il est exact. C’est généralement le signe d’un défaut de
connaissances juridiques

- Ignorance de la forme : le propos n’est pas structuré comme il le devrait (introduction incomplète,
absence de parties ou des sous-parties ou celles-ci ne sont pas apparentes, absence de titre, etc.). Un
devoir de ce type est toujours très mal noté. Surtout quand les candidats disposent de consignes
claires.
- Registre de langue impropre : le devoir est rédigé dans un style impropre. Sans affectation inutile,
les candidats s’exprimeront d’une manière aussi simple et précise que possible. Ils éviteront les
registres familiers, journalistiques ou émotionnels. Il s’agit avant tout de faire une démonstration, il
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ne s’agit pas d’un exercice visant à mettre en valeur le lyrisme du candidat.
- Orthographe, grammaire, syntaxe : le devoir contient de grosses fautes de langue. Naturellement,
quelques « coquilles » seront tolérées. Toutefois, le candidat fera de son mieux pour les éliminer, en
relisant son devoir attentivement dans les dernières minutes de l’épreuve. Il faut absolument que le
candidat consacre au moins 5 à 10 minutes à la relecture de son devoir. Rien n’est plus désagréable
pour un correcteur de lire un devoir parsemé de fautes, quelle que soit, par ailleurs, la qualité
démonstrative de celui-ci.

Doc 2. La nouvelle loi sanitaire est publiée

L'extension du passe sanitaire passe, de même que la procédure de suspension du contrat de travail
sans rémunération pour certains personnels soumis à l'obligation de présentation du passe ainsi
que la vaccination obligatoire pour les soignants. Il s'agissait de trois des mesures phares de la loi
sur la gestion de la crise sanitaire validées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du
5 août. En revanche, la loi est publiée sans le placement « automatique » à l'isolement des
personnes positives au Covid-19 et sans les dispositions organisant la rupture anticipée d'un CDD
ou d'un contrat d'intérim qui n'ont pas résisté à la censure des Sages de la rue de
Montpensier. Le texte prolonge par ailleurs le régime transitoire de sortie de crise sanitaire issu de
la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 jusqu'à la mi-novembre 2021.
Extension du passe sanitaire. –La loi prolonge la passe sanitaire jusqu'au 15 novembre
2021 et étend son périmètre aux bars, cafés, restaurants (à l'exception des restaurants
d'entreprise), mais également pour l'ensemble des activités de loisirs et foires et salons (sans notion
de jauge) et pour les voyages longue distance en avion, en train ou en car. Il le sera également à
certains centres commerciaux "au-delà d'un certain seuil défini par décret" et si "la gravité des
risques de contamination" le justifie à l'échelle du département, ainsi qu'à l'hôpital, s'il ne constitue
pas un "obstacle à l'accès aux soins". Concernant l'accès aux établissements médicaux pour les
visiteurs et les patients non urgents, le passe sera exigé tant qu'il "n'a pas pour effet de
limiter l'accès aux soins", ont précisé les Sages. Le passe ne sera pas demandé en cas d'urgence
médicale.
Le passe sanitaire est exigible :

- pour le public(personnes majeures) dans tous ces lieux et établissements dès le lundi
9 août. Pour les enfants de 12 à 17 ans, le passe ne sera obligatoire qu'à partir du 30 septembre
2021.

- pour les personnels qui y travaillent à partir du 30 août 2021. À défaut de présenter ce passe,
leur contrat de travail pourra être suspendu, sans salaire. Une affectation sur un autre poste, sans
contact avec le public, pourra leur être proposée. La faculté pour les employeurs de rompre les
contrats de travail à durée déterminée (CDD) et intérimaires de ces salariés a été, elle, censurée
par le Conseil constitutionnel.
Vaccination obligatoire des soignants. - La loi sanitaire prévoit l'obligation vaccinale pour
l'ensemble des personnels soignants et les professions en contact avec des publics fragiles. Sont
également concernés les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers. Les personnels non vaccinés
ont jusqu'au 15 septembre 2021 pour le faire, voire jusqu'au 15 octobre 2021 s'ils ont déjà reçu
une première dose de vaccin. Un certificat de statut vaccinal leur sera délivré. À défaut d'avoir été
vaccinés dans les temps, les salariés et les agents publics pourront être suspendus, sans salaire.
Sanctions. - Des sanctions sont encourues en cas de non-présentation par le public du passe (au
minimum 135 € d'amende) et d'absence de contrôle par les commerçants et professionnels chargés
de le vérifier (mise en demeure et éventuelle fermeture temporaire de l'établissement, puis en cas
de récidive peine d'un an d'emprisonnement et de 9 000 € d'amende). Le contrôle de la détention
d'un des documents nécessaires pour accéder aux lieux, établissements, services ou événements ne
peut être réalisé que par les forces de l'ordre ou les exploitants. Sa mise en œuvre ne saurait s'opérer
9
qu'en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre
les personnes, a précisé le Conseil constitutionnel.
Des sanctions pour utilisation frauduleuse d'un passe sanitaire (135 € d'amende et plus en cas
de récidive) et des circonstances aggravantes en cas de violences commises sur les personnels
chargés de vérifier le passe sont également prévues.
Sont aussi prévues en cas de dégradation d'un centre de vaccination des peines de 5 ans
d'emprisonnement et 75 000 € d'amende.
À noter par ailleurs que le refus par un étranger de se soumettre aux
obligations sanitaires nécessaires à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement dont il fait
l'objet est sanctionné (peine d'emprisonnement). Le Conseil constitutionnel a tenu à préciser dans
une réserve d'interprétation que l'expression « obligations sanitaires » doit s'entendre des tests de
dépistage de la Covid-19 et qu'il appartient par ailleurs au juge pénal de vérifier la réalité du refus
opposé par l'étranger et son intention de se soustraire à l'exécution de la mesure.
Enfin, la loi permet la réparation des préjudices directement imputables à une vaccination
obligatoire contre le Covid-19 par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des
affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam).

Doc. 3 . Le passe sanitaire : un colosse aux pieds d'Argile ?

Etude par Marc Bornhauser avocat à la Cour, membre du Conseil national des barreaux
Revue pratique de la prospective et de l'innovation n° 1, Juillet 2021, dossier 4

Le passe sanitaire a été présenté comme la mesure-phare de la sortie de la crise de la


Covid- Le Conseil constitutionnel l'a validé, lui conférant en apparence une grande solidité
juridique. Mais ne serait-il pas un colosse aux pieds d'Argile ? On peut en effet légitimement
s'interroger sur sa robustesse en le confrontant à d'autres normes supérieures que celles invoquées
par les parlementaires.

1. -L'entrée en vigueur le 9 juin 2021 du « passe sanitaire » s'est faite dans la douleur : le texte a
été une première fois rejeté par l'Assemblée nationale avant qu'un nouveau vote ne permette son
adoption . Le recours à cet instrument a donné lieu à des débats enflammés mais sa durée de vie
est a priori limitée : le 1er octobre 2021, il est censé disparaître de notre ordre juridique. On peut
donc s'interroger sur l'utilité d'examiner de manière approfondie sa robustesse juridique. Toutefois,
à partir du moment où l'instrument a existé, il est probable qu'un retour du contexte sanitaire ayant
présidé à son introduction le verra revenir, cette fois sans débat. Il est donc absolument nécessaire
que les arguments en faveur de son adoption, comme les vices dont il pourrait être affecté, soient
examinés et tranchés par la jurisprudence.
2. Avant de rentrer dans le cœur du débat, il convient de rappeler comment
fonctionne le passe sanitaire. Si vous souhaitez vous rendre dans un événement réunissant un grand
nombre de personnes (1 000) ou pratiquer une activité de loisir dans un cadre favorisant une
certaine promiscuité, vous devez présenter soit la preuve de votre vaccination (la seconde dose
administrée depuis au moins 15 jours ), soit un test de dépistage virologique récent, soit la preuve
de votre immunité du fait d'une contamination datant de moins de 6 mois dont vous êtes guéri
depuis au moins 15 jours. Ce passe sanitaire vous permet également de voyager au sein de l'Union
européenne car il constitue par ailleurs la déclinaison française de son avatar européen instauré par
la Commission européenne avec l'accord du Parlement et du Conseil pour favoriser la circulation
des personnes en Europe . S'il est possible de produire un certificat au format papier contenant
un QR Code pour éviter les falsifications, vous êtes vivement encouragés à télécharger l'application
Tousanticovid sur votre smartphone pour profiter des avantages de sa dématérialisation totale, par
ailleurs bien plus respectueuse du secret médical.
3. - C'est au pouvoir règlementaire que revient la tâche de définir les jauges et les
événements et activités concernées, la critique des parlementaires qui invoquaient une
incompétence négative du législateur ayant été écartée par le Conseil constitutionnel Ce
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faisant, le Conseil a « renvoyé la balle » aux juridictions administratives quant à l'appréciation des
règles que le pouvoir exécutif aura imposées, d'une part, et judiciaires pour la contestation des
sanctions qui auront été appliquées pour assurer leur respect, d'autre part.
1. La non-conformité du passe sanitaire aux normes supérieures
4. - La décision n° 2021-819 DC du 31 mai 2021 par laquelle le Conseil constitutionnel a validé la
loi relative à la gestion de sortie de crise sanitaire dont l'article 1er
instaure le passe sanitaire consacre apparemment la conformité de cet instrument controversé avec
notre Constitution. Pourtant, les apparences sont trompeuses et un examen attentif tant du recours
des députés que de la décision rendue nous laissent penser que la solidité juridique du « précieux
sésame » est loin d'être assurée. En effet, s'il a rejeté pour l'essentiel les griefs des
parlementaires, le Conseil a pris soin de préciser que sa décision n'allait pas au-delà des questions
qui lui étaient posées dans le recours. Or, force est de constater que les parlementaires, comme c'est
hélas souvent le cas lors des recours a priori compte tenu du très bref délai dont ils disposent, ont
assez mal articulé leurs griefs. À notre sens, les arguments qui auraient pu ébranler notre
juge constitutionnel n'ont pas été invoqués. Des moyens tirés d'autres normes supérieures à la loi,
notamment la Convention EDH, peuvent également être invoqués à l'encontre de cet instrument
juridique.
5. - Ce sont l'ensemble de ces arguments que nous tenterons de développer ici, en les regroupant
autour de deux concepts que sont le droit à la santé et l'existence de discriminations injustifiables.
A. - Le droit à la santé
6. - Le droit à la santé – entendu comme le droit à la protection de la santé – est garanti
par le onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. On sait que ce droit
n'empêche pas le législateur de fixer une politique vaccinale comprenant une obligation (avec
exceptions) de vaccination pour le public . La Cour EDH est sur la même ligne : elle vient très
récemment de juger que l'article 8 de la Convention EDH, relatif au respect de la vie
privée et familiale ne s'oppose pas à la vaccination obligatoire des enfants.
7. - Tel qu'il est conçu, le passe sanitaire constitue une formidable incitation à la vaccination, tant
ses succédanés s'avèrent en pratique difficiles à mettre en œuvre. Sauf à avoir été infecté il y a
moins de 6 mois et s'être rétabli depuis plus de 15 jours, la seule autre alternative offerte est de
passer un test virologique. Parmi ceux-ci, le plus commun est le test PCR à prélèvement
nasopharyngé. Et ce test soulève plusieurs questions et difficultés. La première et la plus sérieuse
est son innocuité. Elle est en effet mise en doute par l'Académie de médecine . Même s'il est faible,
un risque pour la santé existe, accru par le relâchement induit par la multiplication des tests. La
seconde est qu'elle nécessite encore aujourd'hui le recours à un professionnel de santé pour
procéder au prélèvement et à un laboratoire d'analyses médicales pour l'analyser. Inévitablement,
qui dit rendez-vous dit perte de temps, voire difficulté à trouver un prestataire dans les délais.
Impossible de décider au dernier moment d'aller voir une compétition sportive ou un concert, de
traverser une frontière ou d'aller en discothèque . Sans parler des déserts médicaux de la France
périphérique, car tout le monde n'habite pas dans les grandes villes bien achalandées en services
médicaux.
8. - Si la vaccination est ainsi mise en avant comme la seule solution pratique pour
obtenir le précieux sésame, alors elle soumet le public à une forme insidieuse mais bien réelle de
pression psychologique. Or, les vaccins qui sont actuellement disponibles sur le marché sont
encore tous en phase 3 d'essai clinique, qui se terminera, selon les vaccins, entre fin 2022 et début
2023 . À ce titre, ils ne bénéficient d'ailleurs que d'une autorisation de mise sur le marché
conditionnelle de la part de l'Agence européenne du médicament. Cela signifie que juridiquement,
les personnes qui se font vacciner participent à un essai clinique. Et pour répondre à une objection
classique , ce n'est pas parce que plus d'un milliard de doses de ces vaccins ont déjà été injectées
qu'ils ont cessé d'être en phase de test, puisque celle-ci vise précisément à mesurer leurs effets à
court mais aussi à long terme.
9. - Or, l'article 16, iv, de la convention d'Oviedo, signée par la France le 4 avril 1997 et ratifiée
depuis prévoit que « La personne se prêtant à une recherche est informée de ses droits et des
garanties prévues par la loi pour sa protection ». Le v précise que « Le consentement prévu à
l'article 5 a été donné expressément, spécifiquement et est consigné par écrit ». L'article 5 exige
11
que le consentement soit « libre et éclairé ». Cette notion suppose évidemment l'absence de toute
pression. Même si le Conseil constitutionnel ne s'est à notre connaissance pas prononcé sur cette
question, nous n'imaginons pas qu'il puisse juger que le droit à la santé permette aux autorités de
mener des expériences médicales sur des êtres humains contre leur gré. D'ailleurs, l'article 223-8
du Code pénal sanctionne d'une peine de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 €
d'amende, « Le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche biomédicale
sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et exprès de l'intéressé ». Nous ne sommes pas
sûrs que dans les vaccinodromes, tous les officiants soient bien conscients de la responsabilité
pénale qu'ils sont susceptibles d'encourir s'ils ne consacrent pas le temps nécessaire à exposer la
situation aux candidats à la vaccination. Mais c'est un autre débat .
10. - Dans un autre registre, le Conseil de l'Europe s'est prononcé le 27 janvier dernier contre toute
campagne de vaccination obligatoire contre la Covid-19 dans une résolution n° 2361. Bien que
cette résolution ne soit pas engageante pour les États membres, elle trouve néanmoins un appui
solide dans l'article 9 de la Convention EDH qui protège la liberté de conscience et qui, elle, est
juridiquement contraignante.
11. - Bien entendu, on pourrait parfaitement imaginer que la situation sanitaire elle-même puisse
justifier le recours à des mesures exceptionnelles comme l'usage de vaccins ou traitements
expérimentaux. Le droit à la santé ne saurait en effet interdire le recours à un traitement non
complètement validé pour faire face à un épisode dramatique. Mais le risque pris en recourant à ce
type d'expédients doit être proportionné au risque sanitaire encouru. En d'autres termes, on ne peut
pas utiliser les mêmes moyens pour lutter contre une maladie très dangereuse comme Ebola ou la
fièvre jaune et une maladie qui, comme la Covid-19 est certes parfois mortelle, mais d'une
dangerosité plus faible que certains types de grippe Or, même s'il n'est pas contestable que la
Covid-19 a tué des malades, force est toutefois de constater que le taux de survie, particulièrement
avant 70 ans, est extrêmement élevé. La probabilité pour un malade dans la tranche d'âge 60-69
sans comorbidité de décéder d'une contamination est de 0,01 %. En dessous de 50 ans il est de
0,002 % et en dessous de 40 ans il tombe à 0,001 % .
12. - Nous constatons que l'attrait du passe sanitaire est d'autant plus fort que la population qu'il
séduit est plutôt jeune : ceux qui veulent aller voir un match de football, visiter un parc d'attractions,
voyager, aller en discothèque. Les vraies personnes à risque de mourir du Coronavirus ou du moins
de faire des formes graves, à savoir les personnes très âgées atteintes de
comorbidités et dont le taux de décès grimpe à 20 % pour les hommes de plus de 80 ans avec
comorbidités, sont au contraire celles qui sont les moins susceptibles d'en avoir besoin.
13. - Quel est donc le but de forcer le consentement à la vaccination des personnes jeunes alors
qu'elles n'ont quasiment aucun risque de mourir du Coronavirus ? Alors qu'elles ont en revanche
un risque non négligeable de subir des effets secondaires déplaisants, voire grave et même mortels
des vaccins ? Au 29 mai 2021, la base de données européenne des rapports d'effets indésirables
faisait état de 12 855 décès avérés et de 1 380 369 effets secondaires . Et parmi les morts figurent
malheureusement des jeunes adultes que la Covid-19 n'aurait jamais tués. Des morts pour rien.
Sans parler des effets secondaires à long terme dont personne – et pour cause – ne sait rien puisque
non seulement la science n'a par définition aucun recul, mais il s'agit de techniques qui n'ont de
vaccinales que le nom : l'envoi d'une information au système immunitaire via l'ARN messager
(Pfizer et Moderna) ou un adénovirus (AstraZeneca et Johnson & Johnson) sont des techniques
tout à fait nouvelles qui ne reposent nullement sur celle de Pasteur, à savoir la stimulation du
système immunitaire grâce à une forme atténuée du virus .
14. - L'argument invoqué – la recherche de l'immunité collective – ne résiste pourtant pas à
l'examen. Et nous ne parlons pas ici d'examen médical – nous ne sommes pas qualifiés pour nous
prononcer sur cette question – mais d'examen juridique. Nous avons en effet rappelé plus haut
qu'aucune obligation vaccinale ne pouvait être imposée avec des produits qui sont encore en phase
d'essai clinique. Quelle que soit la pression médiatique, il subsistera toujours suffisamment de
récalcitrants pour rendre illusoire l'atteinte d'une immunité collective qui nécessiterait la
vaccination de 90 % de la population . De plus, si le droit à la santé peut avoir une composante
collective (d'où les vaccinations obligatoires), c'est d'abord un droit individuel : le rapport
bénéfices/risques de la vaccination apprécié au niveau de chaque individu doit être lui-même
12
positif. Or, nous avons vu que ce n'était clairement pas le cas pour toute la population de moins de
70 ans sans comorbidité. Nous espérons que le personnel qui vaccine contre la Covid-19 est bien
conscient de la nécessité d'apprécier ces fameux bénéfices/risques pour chaque individu...
15. - On peut donc sérieusement douter que le passe sanitaire, par la prime énorme qu'il donne à la
vaccination, soit bien respectueux du droit à la santé constitutionnellement garanti et des
engagements internationaux de la France en matière d'essai clinique.
B. - Le principe d'égalité et la discrimination des non-vaccinés
16. - L'article 6 de la DDHC garantit l'égalité devant la loi et donc interdit les discriminations, sauf
lorsqu'elles sont justifiées pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement
qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit . Ce principe doit également
être combiné avec d'autres principes constitutionnels, comme la liberté de conscience. Les mêmes
principes se retrouvent dans les textes européens : article 60 de la Charte des droits fondamentaux
de l'Union européenne et article 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH en lien
avec l'article 14 de la même Convention.
17. - Personne – et surtout pas le ministre de la Santé, Olivier Véran, qui l'a reconnu publiquement
sur BFMTV le 17 mai 2021 – ne conteste le fait que les personnes non vaccinées seront
discriminées par rapport aux autres. La question à examiner est donc la justification de cette rupture
d'égalité et donc l'existence d'un motif d'intérêt général qui soit proportionné avec la discrimination
subie.
18. - Nous avons vu plus haut que la Covid-19 était une maladie finalement assez peu mortelle
(apprécié par rapport aux personnes contaminées et non par rapport à la population globale), qui
frappe surtout une population clairement identifiée – les personnes très âgées présentant des
comorbidités – qui auront de par leur condition très peu l'usage du passe sanitaire. Pour les
autres, le rapport bénéfices/risques d'une vaccination pour leur santé s'avère au mieux neutre, au
pire négatif. Par ailleurs, certaines personnes ne peuvent pas recevoir de vaccins en raison de leur
état de santé (allergies) et que d'autres y sont opposées pour des raisons tenant à leurs convictions
religieuses (refus des OGM ou de l'usage de fœtus humains) ou personnelle (crainte des effets
iatrogènes), refus qui doivent être respectés au titre de leur liberté de conscience. Enfin, même si
l'ensemble des Français décidaient de se faire vacciner, il est peu probable que les capacités
logistiques de notre pays leur permettent de recevoir leurs deux doses de
vaccin et d'attendre le délai de carence de 15 jours d'ici la fin de la crise sanitaire fixée légalement
au 30 septembre 2021.
19. - Le principe de fraternité que vient de consacrer récemment le Conseil constitutionnel ne
pourrait-il pas constituer une justification pertinente ? En supposant que l'immunité collective soit
atteignable par la vaccination, le but recherché ne justifierait-il pas alors de favoriser les personnes
vaccinées au détriment des autres ? Nous ne le pensons pas. Il résulte en effet du principe de
fraternité la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire. Mais c'est une liberté consentie, non
forcée. Nous ne voyons donc pas quelle raison d'intérêt général serait susceptible de justifier la
discrimination dont font l'objet les personnes non vaccinées.
20. - En conclusion, la création du passe sanitaire ne constitue à notre avis pas l'outil juridique
approprié pour accompagner la sortie de la crise sanitaire. Par les discriminations qu'il consacre
entre personnes vaccinées et non-vaccinées, par l'incitation considérable qu'il donne à la
vaccination, il porte à notre avis une atteinte considérable à nos libertés publiques et individuelles.
Limité aux voyages, il aurait probablement réussi à passer la rampe mais pourquoi avoir voulu aller
au-delà de ce que l'Europe a mis en œuvre ? D'autres pays et non des moindres (le Royaume-Uni,
les États-Unis d'Amérique) y ont renoncé pour ces raisons. En France, ce sera au juge de nous y
conduire. Car dans un État de droit, c'est à lui que reviendra le dernier mot.

Doc 4. Pierre Brunet , « Constitution », in Encyclopedia Universalis, ( extraits).

« Le mot « constitution » a longtemps évoqué des textes considérés comme sacrés et un peu
13
lointains, dont on parlait avec déférence sans toujours avoir une idée bien précise de leur
contenu. Cela importait d'ailleurs peu car on admettait volontiers que la Constitution de l'État
ne se trouvait certainement pas tout entière enfermée dans quelques articles jetés sur un papier.
Une telle idée paraît aujourd'hui bien désuète car ce qui frappe de prime abord c'est la vigueur
avec laquelle le terme constitution désigne désormais non seulement un texte mais un texte
qui a force de loi, dont des juges se sont emparés et qui est régulièrement opposé au législateur.
Essentiellement politique, le concept est devenu presque exclusivement juridique. Autrefois
ordre social ou de valeurs, encore diffus, la constitution désigne aujourd'hui une norme
juridique (ou un ensemble de normes), volontiers qualifiée de fondamentale, et qui paraît à
beaucoup comme la garantie de la liberté, voire la condition de la démocratie. Les questions
théoriques et pratiques qui se posent concernent désormais son application et donc aussi son
interprétation. […]
Le terme constitution n'a donc pas toujours désigné une norme. Mais, sous l'effet du
développement des constitutions écrites et de l'avènement des États modernes, l'idée que la
constitution est une norme est apparue avec l'évidence qui s'y attache aujourd'hui. Toutefois,
ce même concept donne lieu à deux modèles différents, l'un descriptif, l'autre axiologique.
Le modèle descriptif de constitution comme norme serait, idéalement parlant, le modèle
proposé par les juristes positivistes, au premier rang desquels figure Hans Kelsen. Le terme «
constitution » désigne chez lui les règles organisant la création des normes juridiques générales
et notamment de la législation : « à travers les multiples transformations qu'elle a subies, la
notion de constitution a conservé un noyau permanent : l'idée de principe suprême déterminant
l'ordre étatique tout entier et l'essence de la communauté constituée par cet ordre. De quelque
façon qu'on définisse la Constitution, toujours c'est le fondement de l'État [...], c'est la norme
qui règle l'élaboration des lois, des normes générales en exécution desquelles s'exerce l'activité
des organes étatiques... ». […]
… un tel concept de constitution … doit être distingué d'un autre modèle dans lequel, loin
d'être réduite à un agencement de compétences, la constitution a une valeur en soi. Selon cette
seconde conception, la constitution tire cette valeur de ce qu'elle contient un ensemble de
principes légitimes qui sont la condition des « droits fondamentaux » des individus et dont
nombre de constitutions modernes dressent un catalogue. Ce dernier peut faire l'objet de deux
analyses différentes. L'une, descriptive, y verra une tentative pour prévenir l'adoption de lois
dotées d'un contenu déterminé dont le succès dépend de nombreux facteurs ; l'autre,
prescriptive, en tirera argument pour justifier … le contrôle de la conformité des lois à la
Constitution. »

14
Doc 5. « Constitution », dans M. De Villiers , A. Le Divellec, Dictionnaire du droit
constitutionnel, Sirey, 10e éd., 2015, pp. 73-78

La notion qui a donné son nom à la discipline du « droit constitutionnel » est polysémique
et peut être appréhendée de diverses manières, qu'il convient d'utiliser de concert.

1. Constitution descriptive
Historiquement, en premier lieu, la Constitution a d'abord désigné un certain état de fait, un
ensemble d'agencements et de relations par lesquels s'exerçait une domination au sein d'une
collectivité humaine quelconque. De ce point de vue, il n'y a pas de société, grande ou petite,
publique ou privée, qui n'ait une forme d'organisation de son autorité interne (par exemple,
la manière dont ses dirigeants accèdent au pouvoir). On sait ainsi ce que les techniques
constitutionnelles et électorales doivent aux pratiques très anciennes des ordres religieux.
Essentiellement descriptive, cette notion renvoyait à un certain type d'ordre au sein d'un corps
politique. De toutes les sociétés, celle qui a donné ses lettres de noblesse au droit
constitutionnel est la société politique organisée sous la forme de l’État moderne, apparu en
Europe à partir du XVIe siècle. La Constitution apparaît alors comme la façon dont l’État est
effectivement gouverné. On peut, par extension, qualifier la constitution ainsi comprise de «
système politique » ou encore de « constitution réelle ».

2. Constitution normative
Dans une deuxième approche, la Constitution renvoie à l'idée de contrainte, d'obligation. Elle
ne désigne plus exclusivement un état de fait mais un certain ordre qui doit être, qui est censé
se produire (même si cela ne correspond pas tout à fait à la réalité). Elle fait alors plus
intimement corps avec l'idée de droit, de normativité. Ainsi comprise, la Constitution est un
ensemble de règles, principalement (mais non exclusivement) juridiques, écrites ou non, qui
prétendent poser un certain type d'organisation politique, énoncer des principes la structurant,
créer ou reconnaître des institutions, prescrire des obligations et des procédures. Cette
conception repose en grande partie sur l'idée de volonté. Cette idée permet d'imputer le
caractère obligatoire d'une Constitution. Cette volonté peut être très évanescente ou très
implicite, notamment lorsque la Constitution est vue comme un legs de l'histoire.
Ainsi pour une constitution dite « coutumière » comme celle de la Grande-Bretagne :
œuvre du temps, façonnée par les traditions, elle n'en comporte pas moins des aspects
contraignants pour les gouvernants (qu'il s'agisse de lois écrites votées par le Parlement,
ou bien de coutumes, c'est- à-dire de véritables règles de droit mais non écrites,
auxquelles il faut ajouter les « conventions de la constitution », c'est-à-dire des règles
politiques précisant la façon dont les organes doivent exercer leurs compétences. Au
contraire, la volonté peut être plus explicite et exprimée de façon solennelle. Il était
ainsi fréquent, jadis, que la constitution d'un État repose sur un pacte ou un contrat (par
exemple, entre le monarque et le peuple ou ses représentants). À l'époque moderne, la
constitution est le plus souvent réputée être l'expression de la volonté unique d'un
souverain (ainsi notamment de monarques qui, au XIXe siècle, ont octroyé un texte
constitutionnel ; de même, en démocratie, le peuple est réputé avoir « voulu » la
constitution), que l'on peut appeler le pouvoir constituant.
3. Constitution écrite
Divers courants de pensée (notamment le protestantisme, le rationalisme et une certaine
pensée démocratique) ont convergé, à partir du XVIe siècle, pour privilégier la mise sous
forme écrite des règles constitutionnelles auxquelles on souhaitait donner un caractère
obligatoire.
L'expérience américaine est ici particulièrement importante : elle a développé l'idée

15
qu'une constitution devait être écrite et même consignée dans un document solennel.
C'est ainsi que dès leur fondation au XVIIe siècle, les colonies d'Amérique du Nord puis,
en 1787, les États-Unis d'Amérique eux-mêmes, se dotent de constitutions écrites. À
partir de 1789, cette idée est reprise en France et va progressivement gagner la plus
grande partie de l'Europe puis du reste du monde aux siècles suivants. Aujourd'hui, dans
chaque État, de très nombreuses règles constitutionnelles sont écrites. Mais elles
n'épuisent pas le sens de la Constitution.

4. Constitution matérielle et constitution formelle

Au sens matériel, c'est-à-dire envisagée sous l'angle de sa matière, de son contenu, la


constitution désigne l'ensemble des règles juridiques selon lesquelles les gouvernants
exercent l'autorité au nom de l'État. Il est délicat de déterminer très précisément le
périmètre d'une constitution matérielle. On considère généralement qu'elle inclut les
règles gouvernant les institutions politiques ainsi que, dans l'esprit du
constitutionnalisme libéral moderne, les droits et libertés essentiels reconnus aux
individus (droits de l'Homme, droits fondamentaux). Ces règles peuvent avoir un statut
très différent : être écrites ou non, avoir une valeur juridique différenciée (certaines
seront juridiquement supérieures à d'autres). Tout État moderne possède une constitution
au sens matériel.
Au sens formel (c'est-à-dire envisagée sous l'angle de sa forme), en revanche, la
constitution désigne un acte écrit consigné dans un document solennel unique (la
Constitution fédérale américaine et la Constitution française actuelle en sont deux
exemples ; en revanche, la Constitution du Royaume-Uni n'est pas formelle car si elle
comporte, elle aussi, quelques textes écrits, ils ne sont pas rassemblés dans un document
unique et l'essentiel des règles de droit constitutionnel britannique sont coutumières ou
conventionnelles). Ce document peut porter des noms divers : « constitution » , « charte
», comme en France en 1814, « statut », ou encore « loi fondamentale » comme en
Allemagne depuis 1949. Certains cas sont moins nets : ainsi, la « Constitution » de la
IIIe République se composait de trois « lois » (écrites) distinctes, l'une « relative à
l'organisation des pouvoirs publics », une autre « relative à l'organisation du Sénat », la
dernière « sur les rapports entre pouvoirs publics ». De même, Israël ne possède pas un
document unique appelé constitution mais plusieurs « lois fondamentales » écrites
adoptées à des dates différentes et réglant des sujets différents (l'organisation du
Parlement, le président de l'État, le gouvernement, le budget de l'État, la justice, etc.).
Dans la France de la Ve République, le « bloc de constitutionnalité » a peu à peu débordé
très largement la Constitution formelle promulguée le 4 octobre 1958.
La constitution matérielle et la constitution formelle se correspondent dans une très large
mesure. Toutefois, il n'y a jamais identité totale entre elles : outre des règles non écrites,
de nombreuses règles écrites matériellement constitutionnelles sont placées en dehors
de la constitution formelle (ainsi, par exemple, les règles relatives à l'élection des députés
et sénateurs en France sont consignées dans des lois organiques et ordinaires). À
l'inverse, il arrive que soient intégrées dans une constitution formelle des dispositions
dont l'objet n'est manifestement pas constitutionnel. Ainsi, par exemple, la Constitution
fédérale suisse de 1874 contenait-elle depuis 1893 un article interdisant de « saigner les
animaux de boucherie sans les avoir étourdis préalablement ». La tendance
contemporaine est de multiplier les dispositions de détail dans les constitutions écrites,
même si leur objet n'est pas matériellement constitutionnel.
5. Constitution souple (ou flexible) et constitution rigide

Il convient de souligner que, contrairement à une erreur répandue, la constitution formelle


ne possède pas toujours une valeur juridique supérieure aux autres règles de droit dans un

16
ordre juridique donné. Certaines constitutions formelles peuvent être qualifiées de « souples
» ou « flexibles »), parce qu'une simple loi suffit en principe à les modifier. Tel était par
exemple le cas des Chartes constitutionnelles françaises de 1814 et 1830, ou encore du Statut
Albertin italien de 1848. À l'inverse, sont qualifiées de « rigides » les constitutions qui ne
peuvent être modifiées que par une loi spéciale, adoptée selon des exigences différentes de
celles imposées aux lois ordinaires (on parle alors de loi constitutionnelle au sens formel). Ce
type de constitution est le plus répandu aujourd’hui dans le monde. (Il existe quelques cas,
rares, de pays dans lesquels la constitution est essentiellement souple, mais comporte
certaines dispositions « rigides », comme en Nouvelle-Zélande). L'idée fondamentale des
constitutions rigides est la volonté de faire échapper les règles essentielles d'un État aux
caprices des gouvernants d'un jour. Elle vise à donner un caractère suprême aux principes et
règles « voulus » par le pouvoir constituant (originel ou dérivé). On considérait naguère qu'un
système de « balance des pouvoirs » suffisait à assurer celui-ci. Puis s'est peu à peu imposée
l'idée que cette primauté pouvait être mieux assurée par la justice constitutionnelle et en
particulier le contrôle de constitutionnalité des lois, qui se sont développées dans un grand
nombre de pays au XXe siècle.
Mais le degré de « rigidité » peut varier considérablement. La procédure de révision de la
Constitution fédérale aux États-Unis est ainsi particulièrement lourde. Quoique moins
complexe, celle de la Constitution française de 1958 l'est également (art. C 89). En revanche,
la Loi fondamentale allemande de 1949 impose seulement une loi parlementaire adoptée à la
majorité des deux tiers des voix dans chacune des deux chambres du Parlement. Compte tenu
de cette diversité, on pourrait, par exemple, distinguer parmi les constitutions rigides, celles
dont la modification suppose obligatoirement l'intervention du peuple dans le processus (soit
par un référendum obligatoire, comme en Suisse ou au Danemark, soit par de nouvelles
élections parlementaires, comme aux Pays-Bas ou en Finlande), ou bien son intervention
facultative (par ex. France et Italie) et celles pour lesquelles la révision est exclusivement
opérée par les organes représentatifs constitués, même si les exigences requises sont
modifiées par rapport à la procédure législative ordinaire (par ex. Allemagne, Portugal).
Il arrive enfin que des lois constitutionnelles formelles soient votées sans être placées dans la
constitution formelle rigide (cela est très fréquent, par exemple, en Autriche ou au Canada).

6. Constitution vivante
Une constitution ne se réduit jamais complètement à sa forme, au statut technique de ses
dispositions. Même s'il existe un document écrit solennel censé regrouper les principales
règles d'organisation du pouvoir, il doit toujours être complété par d'autres éléments :
• les textes secondaires (par ex. en France, les lois organiques, les règlements
des assemblées et même des lois ordinaires comme la loi fixant le mode de
scrutin pour l'élection des députés) ;
• les règles non écrites, soit juridiques (les coutumes), soit politiques (les
conventions), ainsi d'autre part que les pratiques, usages et comportements des
acteurs constitutionnels c'est-à-dire l'application qui est faite de la Constitution
: ce sont des éléments qui révèlent le vrai visage d'une constitution. La question
du statut juridique de ces règles et pratiques est une des questions les plus
délicates qui se posent en droit constitutionnel ;
• les décisions de la jurisprudence. Qu'il s'agisse, selon les cas, des décisions
d'un juge ordinaire ou bien d'un juge spécialisé dans la protection des règles
constitutionnelles, on peut constater que la jurisprudence constitutionnelle
modifie, de façon très substantielle, le contenu et la signification des
constitutions, en particulier des constitutions écrites.

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En dégageant des principes non-écrits ou bien en interprétant des dispositions
écrites, la jurisprudence constitue aujourd’hui une source de plus en plus
importante du droit constitutionnel. En somme, pour appréhender utilement le
phénomène constitutionnel, on peut considérer qu'une constitution s'apparente
sans doute davantage à un « ordre constitutionnel » complexe, qu'à une norme
suprême. En tout état de cause, loin d'être statique (même lorsque prédomine
essentiellement l'écrit), la constitution fait l'objet d'un travail continuel de
redéfinition par les acteurs du jeu constitutionnel, attestant par là que le droit
constitutionnel est marqué par une dynamique particulière et constitue un droit
irréductiblement politique.

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