Vous êtes sur la page 1sur 7

UNIVERSITE LUMIERE LYON II Année universitaire 2021/2022

FACULTE DE DROIT

LICENCE
Portail Droit

Méthodologie juridique

SEANCE 2 :

METHODE DE LA DISSERTATION

2) Rédaction

Tout devoir juridique suppose le respect de certaines formes de rédaction. C’est aussi,
voire essentiellement, sur le respect de ces formes que vous êtes notés. Règles
académiques, elles sont aussi très souvent des règles de logique et de cohérence. Les
conseils qui sont donnés ici reposent sur des règles non écrites mais généralement
respectées, même si des variantes peuvent intervenir selon les Ecoles.

La dissertation juridique permet d’apprécier les qualités de synthèse, de structure et de


réflexion du candidat. L’objectif est de traiter un sujet théorique pointu ou transversal à
travers une problématique. Il ne s’agit pas seulement de recopier son cours, l’exercice
est plus complexe. Vous devez certes maîtriser l’ensemble du cours car le sujet recouvre
souvent plusieurs pans du cours semestriel. Surtout, vous devez organiser ces
informations sous la forme d’un plan. Le devoir repose sur un fil conducteur que votre
plan met en exergue. Le fil conducteur est la traduction d’une problématique que vous
aller exposer. La dissertation n’est donc pas une récitation par écrit, c’est une
démonstration.

I – L’INTRODUCTION

L’introduction permet d’amener le sujet. Il faut bien comprendre que le correcteur doit
être considéré, bien qu’étant juriste, comme n’ayant aucune connaissance sur le sujet.
Aussi, devez-vous lui expliquer la place du sujet dans notre environnement juridique, le
sens des notions utilisées dans l’intitulé et l’intérêt du sujet à travers, notamment, une
problématique.

L’introduction est une étape fondamentale qu’il ne faut pas négliger car elle permet de
comprendre le pourquoi et le comment du sujet posé. Pourquoi une telle question vous
est posée et comment allez vous y répondre.

L’introduction se compose généralement de trois paragraphes.

1
Premier paragraphe : l’intégration du sujet dans un mouvement général de notre
droit (6 ou 7 lignes maxi) :

Ne pouvant commencer trop brutalement sur le sujet posé, il est judicieux de


commencer l’introduction en replaçant le sujet dans son environnement. Ce premier
paragraphe peut débuter, tout d’abord, par une citation. Cette citation, juridique ou
non, doit néanmoins avoir, ne serait-ce qu’indirectement, un lien avec le sujet.
Cependant, plus fréquent et plus percutant, est l’intégration du sujet dans un
mouvement général de notre droit. Chaque branche de notre droit répond dans un
espace donné, à un moment donné à une certaine philosophie. A vous de rechercher
celle à laquelle pourrait appartenir votre sujet.

Second paragraphe : le coeur du sujet (entre 15 et 20 lignes) :

Il est important de savoir de quoi l’on parle.

Aussi, la première étape de ce second paragraphe, le plus important, est la définition


des termes du sujet. C’est une étape fondamentale à plus d’un titre. Tout d’abord, vous
ne pouvez raisonner qu’après avoir défini le sens des mots sur lesquels votre réflexion
est basée. Ensuite, par la définition des termes du sujet, vous déterminez le domaine de
votre réflexion. Par le biais de ces définitions, des questions seront exclues alors que
d’autres seront mises en valeur comme étant essentielles. Enfin, la définition que vous
adopterez des termes du sujet permet de justifier l’ensemble de votre devoir. Vous
pouvez ne pas avoir opté pour une conception large de la notion figurant dans le sujet et
privilégier une acception stricte du sujet. Si cela n’est pas justifié dans l’introduction à
travers la définition des notions, votre correcteur peut vous le reprocher et vous
sanctionner. Au contraire, un choix justifié et motivé dans l’introduction peut plus
difficilement être contesté par la suite. Il n’y a pas une façon d’appréhender le sujet, mais
toute appréhension suppose une justification. N’oubliez pas que par la délimitation du
sujet les documents joints à l’intitulé sont d’une aide importante, mais ils ne doivent en
principe pas être cités à ce stade.

La seconde étape, découlant de la première est de mettre en exergue les impératifs


véhiculés par le sujet. Souvent, le sujet posé a fait et fait encore l’objet d’un contentieux
important. Cela signifie qu’il y a des intérêts divergents, des politiques opposées, des
valeurs à concilier. A vous de retrouver ces impératifs divergents afin de mettre en
exergue une dialectique qui vous amènera à votre troisième étape qui est la
problématique.

1er exemple en droit des contrats :

De nombreux sujets en droit des contrats s’articulent autour des impératifs suivants :
- Le souci de protéger la liberté contractuelle face au souci de garantir un
minimum de sécurité juridique des transactions au détriment de la liberté
contractuelle
- Le souci de respecter la prévisibilité des parties (sécurité juridique des
transactions) face au souci d’instaurer au sein du contrat un minimum de justice
contractuelle.

2
2ème exemple en droit de la famille :

- Protéger l’institution familiale / accorder plus de place aux volontés individuelles


- Protéger l’enfant / protéger les parents
- Encourager les accords de volontés / Protéger des valeurs morales

La troisième étape, découlant de la seconde, est la formulation d’une problématique.


Cette dernière doit être clairement posée que ce soit sous forme interrogative ou
affirmative. Elle consiste tout simplement dans la recherche du POURQUOI du sujet
posé. Pourquoi ce sujet vous a-t-il été posé ? Quel est l’intérêt au regard de notre droit
d’une telle question ? La problématique est, ce faisant, étroitement liée à la dialectique
mise en valeur dans la seconde étape dont elle n’est que l’aboutissement. Cette
problématique permet d’éviter l’écueil d’un devoir statique et purement descriptif.

Troisième paragraphe : l’annonce de plan :

Paragraphe le plus simple car il consiste, comme tout travail de rédaction, à annoncer
votre plan. Vous n’annoncez que les deux parties principales et non les sous-parties. Il
est préférable de ne pas se contenter de la formule « dans un premier temps, nous
traiterons de … ». « Dans un second temps, nous traiterons de… » et de privilégier une
formule plus harmonieuse. Cependant, si vous n’y arrivez pas, ne perdez pas de temps et
contentez vous de cette annonce classique.

N.B. : A aucun moment vous ne devez dans l’introduction développer des points qui
feront l’objet du corps du devoir. Vous introduisez votre sujet, ce qui signifie que rien de
votre introduction ne doit se retrouver dans le corps du devoir. Cela suppose donc de ne
pas prendre pour illustrer vos propos des exemples que vous approfondirez ensuite
dans le corps du devoir. D’une part, parce qu’on vous reprochera d’avoir arbitrairement
choisi tel exemple plutôt qu’un autre. D’autre part, si l’exemple se retrouve dans le corps
du devoir, cela alourdit votre rédaction et donne le sentiment d’une répétition.

II – LE CORPS DU DEVOIR

Les conseils donnés sur les titres et plans valent pour les parties principales et les sous-
parties.

a) Un plan en deux parties, deux sous-parties

ATTENTION : le plan doit apparaître de façon formelle. Il doit pouvoir être visualisé
rapidement dès les premiers regards qui se portent sur votre copie.
Tout devoir de dissertation repose généralement sur un plan classique en deux parties
et deux sous-parties. Il est possible d’opter pour un plan en trois parties dans certains
sujets très spécifiques, mais il est rare qu’une telle opportunité se présente et il convient
de ne pas prendre de risques le jour du concours et de se contenter, ce qui est déjà
relativement complexe, d’un plan classique en deux parties. Quant aux sous-parties, elles
sont encore une fois généralement au nombre de deux, mais il est plus fréquent et moins
choquant d’avoir trois sous-parties, maximum, si le sujet et la façon que vous avez de le
traiter s’y prêtent. Encore une fois, rien de mieux que le classicisme. Vous pouvez aller
plus loin et découper votre exposé en 1°/ et 2°/, mais le temps vous manque très

3
souvent car il faut les annoncer et leur trouver des titres. Bien entendu, si les 1°/ et 2°/
n’apparaissent pas formellement, la construction de vos sous-parties reposent
virtuellement sur deux ou trois paragraphes ; ce qui revient au même.

Chaque partie est censée développer une facette du sujet que la seconde partie
complète. Vos deux parties doivent ainsi se « répondre » et former un tout cohérent dont
le fil conducteur est la problématique formulée dans l’introduction. Les sous-parties
doivent également former un ensemble cohérent et complémentaire. Quant aux 1° et 2°,
qu’ils apparaissent formellement ou non ils sont souvent l’objet d’une idée force.

b) Des titres simples et explicites

Les titres de vos parties et sous-parties doivent être simples et explicites, surtout pour
les parties principales.

Un titre simple signifie qu’il n’est pas nécessaire de faire original. Si l’originalité est
dans votre nature et que vous parvenez à jongler avec les mots afin que vos deux parties
se répondent sur la base de titres comportant le même nombre de mots et de mots
sonnant comme des rimes, cela vous permet de vous distinguer des autres candidats.
Cependant, le mieux est d’opter pour des mots simples vous permettant de vous faire
comprendre.

Exemples de plans originaux :

I – Le fruit d’une évolution


II – Le germe d’une révolution

I – L’accueil de la technique X en droit des contrats


II – L’écueil de la technique X en droit des contrats

Exemples de plans classiques :

I – La technique Y au stade de la constitution de la famille


II – La technique Y au stade de la dissolution de la famille

I – La diffusion de la technique Z en droit de la responsabilité


II – L’encadrement de la technique Z en droit de la responsabilité

Les titres doivent être simples, mais également explicites. Il ne s’agit pas de reprendre
des plans de manuels de droit. Reposant sur une problématique découlant d’une
dialectique, le plan suppose d’être dynamique. Aussi à la seule lecture des intitulés, du
moins des parties principales, le lecteur doit pouvoir avoir une idée du contenu. Parfois
ajouter un qualificatif peut être suffisant pour dynamiser les titres.

Exemples :

I – Les pouvoirs limités du juge au stade de la formation du contrat


II – Les pouvoirs étendus du juge au stade de l’exécution du contrat

4
I – Un phénomène W encadré en droit patrimonial de la famille
II – Un phénomène W limité en droit extra-patrimonial de la famille

A EVITER ABSOLUMENT :

- Les points de suspension : I – blablablabla…


II – … blablabla

- Les titres trop longs. Plus le nombre de mots est limité plus les titres seront percutants.
Pour cela, évitez les phrases (donc les verbes).

Plus le titre est court, plus il est percutant. Plus il est simple et explicite, plus le choix du
plan et de la problématique semble judicieux.

c) Des annonces transitions

Après votre titre I, vous devez annoncer vos A et B : dans un premier temps nous
traiterons de… Dans un second temps nous traiterons de…
Après votre titre A, annoncez les 1° et 2° (formels ou non).
A la fin du I A, conclusion transition pour amener votre B.
A la fin du I B conclusion transition avec le II.
Et ainsi de suite…

d) La rédaction du devoir

Le contenu des sous-parties doit être structuré. C’est ici que vous ferez la différence
avec les autres candidats. Il s’agit d’exposer ses idées de façon construite. Chaque sous-
partie est composée de deux ou trois paragraphes. Chaque paragraphe
(formellement 1°/, 2°/ voire 3°/) correspond soit à une idée force différente, soit à
un exemple illustrant une seule idée force, objet de la sous-partie.

Il est des sujets très denses dans lesquels il y a de nombreuses idées forces (v. * infra).
Les idées forces sont les principes ou réflexions communes à plusieurs exemples. Ces
idées forces une fois posées doivent être illustrées par des exemples qui viennent
corroborer l’idée ainsi formulée. Plus rarement, il peut n’y avoir qu’une idée force par
sous-partie. Les paragraphes servent alors à exposer les exemples illustrant cette idée
force.

Les exemples sont exposés de façon plus ou moins détaillée selon le type de sujets.
Certains sujets reposent sur peu d’exemples. Il faut alors que chaque exemple soit traité
de façon détaillée. Au contraire, si les exemples sont nombreux, il faut d’une part les
sélectionner, d’autre part, les exposer plus succinctement.

* Exemple non juridique :

Les jeans prennent des formes très diverses attestant d’un retour à la période sixties (idée
force). Ainsi, le dernier défilé de Lacroix était composé de nombreux vêtements de jeans

5
avec pattes d’éléphants. De la même façon, les entreprises Lévis lancent aujourd’hui une
nouvelle gamme de produits de jeans cloutés et brodés (2 exemples illustrant l’idée force).

Le souci de structure suppose alors un travail de préparation sur le brouillon afin de


savoir avant la rédaction dans quel ordre chronologique et logique vous allez utiliser vos
informations.

e) Une conclusion ?

La conclusion n’est pas indispensable. Si c’est pour résumer votre devoir, elle doit être la
plus courte possible afin d’éviter l’écueil de la répétition. La conclusion est le plus
souvent opportune lorsqu’il s’agit d’ouvrir sur un autre sujet. Ce sujet peut être une
question d’ordre social, éthique, moral ou une question se posant dans une autre
branche du droit et ouvrir ainsi sur une autre problématique.

Attention à ne pas utiliser les formules suivantes : « pour conclure… », « en


conclusion… ». Il convient de sauter deux ou trois lignes et de commencer par : « en
définitive… » ; « finalement… » ; ou tout autre terme ne comportant pas la racine du mot
conclusion.

III – LES ERREURS DE REDACTION A NE PLUS COMMETTRE

- Evitez d’utiliser « par contre ». Dites « en revanche ».


- Evitez les mais en début de phrase. Préférez cependant, toutefois, néanmoins…
- Ne jamais s’exprimer à la première personne.
- Remplacez quand vous le pouvez le verbe « faire » par un autre plus explicite.
- Attention à l’orthographe et à la grammaire.
- Voire même (ancien français) et voire sont tous les deux exacts.
- Ecrivez :
*fonder sur et non baser sur
*A l’égard de et non vis-à-vis de
*Un article dispose, énonce, prévoit mais jamais ne stipule (une convention, un contrat
stipulent)
*Interjeter appel et non faire appel
*Pécuniaire (féminin et masculin) et non pécunier

EXERCICE (à faire pendant la séance) :

PLAIDOIRIE

Consignes :

Chaque groupe de travaux dirigés doit être au préalable divisé en deux.

Le groupe A défend la thèse n° 1 et le groupe B la thèse n°2.

Le jour de la séance, deux étudiants issus respectivement de chaque groupe défendent à

6
l’oral la thèse de leur groupe.

Chacun doit parler au moins 15 minutes.

Il ne faut pas lire ses notes mais « plaider » comme le ferait un avocat. C’est un exercice
oral.

Thèse n° 1 : Faire régner la justice, c’est toujours appliquer le droit

Thèse n° 2 : Faire régner la justice, ce n’est pas toujours appliquer le droit

EXERCICE (à réaliser à la maison) :

Rédigez une dissertation sur le sujet suivant :

Le droit est-il toujours moral ?

Vous aimerez peut-être aussi