Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Agustin, Commentaire Sur L'epitre Aux Romains
Agustin, Commentaire Sur L'epitre Aux Romains
Extra Seriem
Augustine d’Hippone
Commencement
de commentaire
sur l’épître aux Romains
Zur Erstellung der Edition wurde das Programm CLASSICAL TEXT EDITOR verwendet.
ISBN 978-3-11-059524-6
e-ISBN (PDF) 978-3-11-059478-2
www.degruyter.com
Avertissement
Les abréviations employées pour les ouvrages d’auteurs antiques sont, pour les
textes latins, ceux du Thesaurus Linguae Latinae, et pour les textes grecs, ceux du
Greek-English Lexicon de Liddell-Scott-Jones et du Patristic Greek Lexicon de
Lampe.
Sauf indication contraire, les éditions consultées sont, pour les textes latins,
celles utilisées par la base de données Library of Latin Texts de Brepols,1 et pour les
textes grecs, celles utilisées par la base de données Thesaurus Linguae Graecae.
Dans la mesure du possible, les citations sont faites par chapitre : nous ne ren-
voyons pas systématiquement aux éditions elles-mêmes, mais le faisons chaque fois
qu’un texte pourrait être difficile à localiser autrement.2
Renvois : Beaucoup d’ouvrages d’Augustin ont été divisés par les Mauristes ou
les éditeurs postérieurs3 en chapitres et sous-chapitres, selon deux numérotations
continues. Le cas échéant, par souci d’économie, nous renvoyons seulement aux
sous-chapitres : ainsi, nous renvoyons, par exemple, à conf. 7,13, plutôt qu’à conf.
7,9,13. Nous avons généralement agi de même pour les ouvrages d’autres auteurs
divisés de façon similaire. Pour le texte de l’Inchoata expositio, la division en cha-
pitres est celle des Mauristes ; la division en sous-chapitres vient de CSEL 84. Pour
les revues savantes, les sigles employés sont ceux de l’Année Philologique.
Traductions : Nous sommes responsable de toutes les traductions dans ce livre.
Nous avons choisi de traduire non seulement le texte édité, mais aussi toutes les
citations latines et grecques dans l’introduction générale et le commentaire. Nous
espérons ainsi rendre ce livre plus accessible, notamment aux étudiants. Les traduc-
tions ont pour seul objet de faciliter la compréhension de l’original. Elles sont donc
très littérales, ce qui donne un français souvent peu élégant. S’il nous est permis de
nous abriter sous les ailes du saint patron de l’érudition : Jérôme, malgré sa célèbre
défense de la traduction ad sensum, n’a pas agi autrement en traduisant la Bible.
||
1 Des listes des éditions de référence pour les œuvres d’Augustin sont disponibles sur les sites
internet de l’Augustinus-Lexikon et de la Nuova Biblioteca Agostiniana.
2 Deux précisions : pour le commentaire d’Origène sur l’épître aux Romains, nous avons utilisé la
division en chapitres et sous-chapitres de l’édition de C. HAMMOND BAMMEL (Der Römerbriefkommen-
tar des Origenes : kritische Ausgabe der Übersetzung Rufins, 3 t., Freiburg 1990–1998), qui est re-
prise dans toutes les éditions et traductions subséquentes. Pour les sermons sur les épîtres de Paul
de Jean Chrysostome, nous avons utilisé l’édition de Montfaucon, telle qu’elle est reproduite dans
PG. L’édition de FIELD (voir CPG 4427–4440) lui est bien supérieure, mais elle est trop souvent in-
trouvable.
3 Pour les ouvrages dont l’editio princeps est postérieure aux Mauristes. Là où la capitulation des
Mauristes existe, nous l’avons toujours respectée (ainsi, nous n’avons pas employé la nouvelle
division en chapitres de lib. arb. dans CSEL 74, ni celle de doctr. christ. dans CSEL 80).
https://doi.org/10.1515/9783110594782-001
VI | Avertissement
Ad maiorem Dei gloriam. Ce livre est la version remaniée d’une thèse doctorale
soutenue le 17 janvier 2015 à l’Université de Paris IV – Sorbonne, devant un jury
constitué de Vincent Zarini (directeur de la thèse), Jean-Marie Salamito, Martine
Dulaey et Michele Cutino. Je les remercie tous pour leurs conseils et corrections, de
même que d’autres érudits parisiens : Laetitia Ciccolini, François Dolbeau, Pierre
Petitmengin et Mickaël Ribreau. Je remercie de même les lecteurs anonymes du
CSEL, puis Dorothea Weber, Victoria Zimmerl-Panagl et surtout Clemens Weid-
mann, pour son travail patient et méticuleux dans la préparation de ce livre pour la
publication. Pour l’amélioration de mon expression française, je remercie Maëlle et
Rozenn Quéré, et surtout Amicie Pélissié du Rausas. Je suis l’unique responsable de
tous les défauts et lacunes du livre.
J’ai eu le grand bonheur de pouvoir enseigner pendant toute la période de tra-
vail qui a conduit à ce livre. Je remercie donc mes collègues et étudiants au Cour-
tauld Institute, à University College London et surtout à King’s College London.
C’est grâce à eux que les études classiques et médiévales sont toujours restées pour
moi une matière vivante, et je ne pense pas que j’aurais pu terminer autrement ce
travail. Je remercie aussi particulièrement quelques compagnons de route dans
l’étude de l’Antiquité tardive et de la transmission des textes, Tina Chronopoulos,
Sophie Lunn-Rockliffe et Philip Wood. Surtout, je remercie Carlotta Dionisotti, onore
e lume des études latines, dont l’érudition, la sagesse et la bonté ne cessent de
m’inspirer et de me réjouir depuis le début des mes études.
Je tiens à remercier ceux qui m’ont généreusement accueilli lors des nombreux
voyages nécessités par ce travail : Anne-Sophie Briant-Vaghela, Anna Stamatopou-
los, Nina Ogrowsky, Christine Bauquis, Rozenn Quéré, Benoît Pelé et leurs enfants,
Perrine Lottier, Sacha Wolff et leurs enfants.
En dernier lieu, je remercie ma famille et tous mes amis, quorum dilectio mihi
centum codicibus potior est.
Table des matières
1 Introduction générale | 1
1.1 L’Inchoata expositio dans les Retractationes | 1
1.2 Titre et date | 1
1.3 Plan de l’œuvre | 3
1.4 Genre et style | 8
1.5 Contexte général | 11
1.6 Contexte augustinien | 15
1.7 Sources | 19
1.8 Thèmes | 21
1.9 Postérité | 24
1.10 Le regard des modernes | 28
2 Introduction à l’édition | 30
2.1 Manuscrits | 30
2.1.1 Famille Λ | 31
2.1.2 Famille Ξ | 43
2.1.3 Manuscrit contaminé | 64
2.1.4 Manuscrits perdus | 66
2.2 Le stemma et sa démonstration | 68
2.2.1 Élimination des manuscrits descendants de manuscrits existants | 68
2.2.2 Indépendance des autres manuscrits | 71
2.2.3 L’archétype (Ω) | 76
2.2.4 Familles et sous-familles | 77
2.2.5 Contamination | 79
2.2.6 La place de B | 79
2.3 Tradition indirecte | 82
2.3.1 Glossa ordinaria (Gl) | 82
2.3.2 Pierre Lombard (Lomb) | 83
2.4 Les éditions | 84
2.4.1 Analyse | 85
2.5 Claude de Turin | 90
2.5.1 Texte édité | 97
2.5.2 Notes sur le texte de Claude | 102
2.5.3 Modifications de Claude | 105
2.6 Commentaire anonyme dans Paris Lat. 11.574 | 106
2.7 Clausules | 110
2.7.1 Méthodologie | 111
2.7.2 Résultats | 113
2.7.3 Conclusions | 115
VIII | Table des matières
Sigles | 390
Bibliographie | 391
Index | 399
1 Introduction générale
(« J’avais aussi entrepris un commentaire de l’épître aux Romains, comme celui [de l’épître]
aux Galates.2 Mais il y aurait eu plusieurs livres pour cette œuvre si elle avait été terminée. J’en
terminai un en discutant seulement de la salutation même, c’est-à-dire du début jusqu’à l’en-
droit où il dit : ‘la grâce soit avec vous et la paix de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ’.
Il advint en effet que nous nous attardâmes en voulant résoudre une question très difficile qui
survint dans notre propos, celle du péché contre l’Esprit Saint, qui n’est pardonné ni en ce
monde ni dans [le monde] à venir. Mais ensuite je tardai à y ajouter d’autres volumes3 pour
commenter toute l’épître, découragé4 par l’importance et l’effort d’un tel travail, et je me dé-
tournai vers d’autres choses plus faciles. Ainsi advint-il que je laissai seul le premier livre que
j’avais fait, dont je voulus que le titre soit ‘commencement de commentaire sur l’épître aux
Romains’ »).
||
1 Retract. 1,25. Pour la datation, voir CCSL 57, xiii.
2 C’est à dire in Gal.
3 Pour le sens de ce terme, voir n. à 23,15, in aliis voluminibus.
4 Pour ce sens de deterritus, voir Serv. ecl. 6,3 : gesta regum Albanorum, quae coepta omisit nomi-
num asperitate deterritus (les faits des rois albains, qu’il [sc. Virgile] commença, mais abandonna,
découragé par la dureté de leurs noms).
https://doi.org/10.1515/9783110594782-002
2 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
5 Possid. indic. 10,1,11 (WILMART, Operum, 175). Comparer la description ibid. 10,1,12 de in Gal. :
Expositio epistolae omnis ad Galatas, liber unus (« Commentaire sur t o u t l’épître aux Galates, un
livre »).
6 Sur ce texte, voir retract. 1,23.
7 L’œuvre appartient plutôt au genre des Quaestiones. Voir MARA, Agostino interprete, 9 ; PLUMER,
Augustine’s Commentary, 25.
8 RAULX et al. et PERONNE et al. traduisent « explication commencée ».
9 Voir DOLBEAU, Brouillons, 203 : « inchoata, épithète voulue par l’auteur, signifie ‘entamée, mais
non achevée’ ».
10 Pour un autre exemple d’inchoatus dans ce sens (chez Ausone), voir DOLBEAU, Brouillons, 192.
11 Gen. ad litt. imperf.
12 Voir retract. 1,18.
13 Voir aussi retract. 1,4,1 et 1,5,1 sur soliloq., dont le statut d’imperfectus transparait à peine pour
nous (sur ce point, voir DOLBEAU, Brouillons, 200), et retract. 2,4,1 sur doctr. christ., qu’Augustin
décrit comme étant resté imperfectus quand il avait écrit, sur quatre livres envisagés, les deux pre-
miers et une partie du troisième. imperfectus figure aussi dans le titre habituellement donné à c.
Iulian. op. imperf., ouvrage qui est très loin de n’être qu’une ébauche. Mais comme son écriture fut
interrompue par la mort d’Augustin, on ne peut attribuer son titre à l’auteur (voir CSEL 85/1, ix/x). Il
remonte plutôt à l’Indiculum de Possidius, qui appelle aussi haer. un inperfectum opus (voir DOL-
BEAU, Brouillons, 195–197).
14 Retract. praef. 3. Sur les limites de retract. pour la chronologie, voir CCSL 57, xv–xxi. La thèse
que l’Inchoata expositio fut écrite avant in Rom est à rejeter (voir MENDOZA, 488).
Introduction | 3
(« déjà prêtre à Hippone la Royale »),15 mais avant son ordination à l’épiscopat, alors
que le livre 2 de retract. est consacré aux œuvres qu’il écrivit évêque. Or, Augustin
fut ordonné prêtre en 39116 et évêque en 395 ou 396.17 L’Inchoata expositio fut écrite
vers la fin de cette période, puisque seulement deux œuvres (divers. quaest. et de
mend.) la suivent dans retract., toutes les deux en dehors de la séquence chronolo-
gique. Si l’on admet, sur la base de retract. 1,23,1, que in Rom. fut dictée à l’époque
du Concile de Carthage du 26 juin 394,18 on peut encore préciser : selon l’ordre de
retract., in Rom. est suivie de in Gal. puis de l’Inchoata expositio. Notre texte aurait
donc été écrit après le Concile et avant l’élévation d’Augustin à l’épiscopat : entre
juin 394 et 395/396. Il est impossible d’en savoir plus, puisque, bien que nous
soyons certains qu’il composait rapidement, nous ne connaissons pas les détails du
rythme de travail d’Augustin.
I. Introduction (1)
Le but de la lettre
C de Filio suo qui factus est ei ex semine David secundum carnem (4,1–3)
Paul ne parle pas non plus des prophètes païens mais non idolâtres qui
parlent du Christ, mais de ceux du peuple de David (4,1–3).
||
15 Retract. 1,14,1.
16 MANDOUZE, Prosopographie, 1140 avec n. 7.
17 PLUMER, Augustine’s Commentary, 3s.
18 PLUMER, Augustine’s Commentary, 3.
4 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
K gratia vobis et pax a Deo Patre nostro et Domino Iesu Christo (8)
Toute grâce ne vient pas de Dieu (8,1s.).
Toute paix ne vient pas de Dieu (8,3).
D’abord vient la grâce (rémission des péchés), ensuite la paix (adhérer à
Dieu) (8,4–6).
||
19 Il y a dans I–J une certaine incohérence dans la structure de l’Inchoata expositio. Voir n. à 21,1s.
8 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
20 Pour la division en livres (« volumes »), voir 23,15, et n. ad loc., in aliis voluminibus.
21 Les plus longs commentaires latins écrits du vivant d’Augustin sont postérieurs à l’Inchoata
expositio : ceux de Jérôme sur Ésaïe, en 17 livres (écrit en 408–410), et sur Ézéchiel, en 14 livres
(écrit en 410–414 ; pour la datation, voir FÜRST, Hieronymus, 119). Mais ils commentent des textes
beaucoup plus longs que Rom. Les plus amples œuvres exégétiques d’Augustin, in psalm. et in
euang. Ioh., ne sont pas des commentaires, mais des recueils de sermons (exception faite des expo-
sés sur les 32 premiers psaumes recueillis dans CSEL 93/1A).
Introduction | 9
aux Galates et l’épître aux Éphésiens, chacun en 3 livres. Derrière ces prédécesseurs
latins se profilaient les vastes commentaires d’Origène, le modèle exégétique de
toute l’Église antique.22 Origène avait justement écrit un commentaire sur Rom. en 15
livres, dont la traduction abrégée de Rufin occupe quatre volumes dans la collection
Sources Chrétiennes.23 Si Augustin n’a pas pu exploiter ce commentaire à l’époque
de l’Inchoata expositio,24 il montrait déjà un vif intérêt pour Origène, qu’il exhortait
Jérôme à traduire,25 et il semble s’être lui-même servi des traductions latines des
œuvres de l’Alexandrin dès que celles-ci lui devenaient disponibles.26 On ne peut
concevoir Augustin formant le projet d’un commentaire d’une ampleur comme celle
qu’il projetait pour l’Inchoata expositio sans l’exemple d’Origène.
Par rapport à in Gal., l’Inchoata expositio marque donc un progrès notoire dans
les ambitions exégétiques de son auteur. in Gal. est écrite sur le modèle des com-
mentaires de Marius Victorinus et de l’Ambrosiaster : toute l’épître est commentée
en un seul livre, sans grandes digressions, et le texte de Paul prend souvent la forme
de lemmes, plutôt que d’être intégré dans la prose d’Augustin. Dans l’Inchoata ex-
positio, par contraste, il n’y a pas de lemmes, et Augustin se livre à plusieurs digres-
sions,27 dont la dernière, sur le blasphème contre l’Esprit Saint, finira par constituer
plus de la moitié du texte. Encore une fois, sa pratique rappelle celle d’Origène,
pour qui le passage commenté sert souvent de point d’appui à toutes sortes de ré-
flexions sur des problèmes théologiques et exégétiques qui dépassent largement le
cadre du passage.
Il convient de souligner que l’Inchoata expositio est bien une œuvre d’exégèse
« scientifique » (pour se permettre un anachronisme), stimulée par « l’intérêt exégé-
tique … sans motivation anti-hérétique directe ».28 Fredriksen Landes29 a pourtant
voulu y voir une œuvre anti-manichéenne, et Mara partage en partie ce point de
||
22 Sur ce point voir SOUTER, The Earliest, 1 (« Origène, dont la figure domina les efforts subséquents
pendant des siècles »).
23 532.539.543.555. On trouvera la liste des commentaires d’Origène dans NAUTIN, Origène, 242–251.
Celui sur Rom. est loin d’être le plus long : l’Évangile de Jean fut commenté jusqu’à Io. 13,33 en 32
livres.
24 Voir n. à 5,11–17.
25 Voir surtout epist. 28,2.
26 Voir ALTANER, Augustinus und Origenes : Augustin aurait exploité Origène dès gen. c. Manich.
(236–239). Mise au point chez DULAEY, L’apprentissage (1), 288s. ; (2) 82 ; (3) 64 pour toutes les
œuvres jusqu’à de serm. dom. (l’Inchoata expositio est donc exclue). Dulaey est plus sceptique sur
l’influence directe. En effet, l’hypothèse d’un intermédiaire perdu ou d’un enseignement oral sera
généralement impossible à écarter.
27 3,3 sur Virgile ; 13 sur la Cananéenne.
28 RING, 49. RING, Die unvergebbare Sünde, 11.
29 FREDRIKSEN LANDES, Augustine on Romans, ix.
10 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
30 MARA, Agostino interprete 37.78–80. L’hypothèse de l’anti-Donatisme repose essentiellement
sur l’idée que, dans son interprétation du blasphème contre l’Esprit Saint, Augustin polémique
contre les Donatistes, qui niaient la possibilité du pardon ecclésiastique des péchés graves. Nous ne
connaissons aucun texte qui puisse justifier cette affirmation (voir n. à 14,1, Le blasphème).
31 Voir MENDOZA, 466 et surtout RIES, Saint Paul. Quelques réserves chez DECRET, L’utilisation, 29–
40.
32 Voir MENDOZA, 466s., et surtout DECRET, L’utilisation.
33 MENDOZA, 468s. ; FREND, The Donatist Church (mais Frend rappelle que Paul n’avait aucun statut
spécial chez les Donatistes, qui accordaient la même valeur à toute la Bible, tout comme les Catho-
liques).
34 15,13–16. Pour le choix d’inclure les Donatistes, voir cependant n. ad loc. Et pour une autre
pointe anti-manichéenne possible, voir n. à 3,1 ; 3,3, fuerunt enim ; et 4,1, Les prophètes, (e).
35 Voir n. à 4,8, addendo ergo. De même, il commente ex semine David en Rom. 1,3 sans insister sur
la génération humaine du Christ : à contraster avec l’emploi de ex semine David en c. Faust. 2,2.
36 19. La pratique donatiste est bien condamnée en 15,14, mais les deux passages ne sont pas
reliés, et l’interprétation de Hebr. en 19 n’a pas sa source dans la polémique anti-donatiste (voir n. à
18,2 et 19,10, et comparer haer. 44 et 49 pour le second baptême condamné chez d’autres héré-
tiques). Noter aussi l’exégèse anti-donatiste de Rom. 1,5 en epist. 49,2 : elle est absente de l’Inchoata
expositio.
37 Ébionites : 4,4–8 ; Ariens : 4,8–11 ; Novatianistes : voir n. à 14,1, Le blasphème.
Introduction | 11
le sens de la Bible. Dans ce sens, l’Inchoata expositio est sans doute un ouvrage en
partie polémique, et on pourrait en dire autant pour une très grande partie de
l’exégèse augustinienne.38 Mais notre texte n’est nullement un commentaire anti-
hérétique comme l’est gen. c. Manich., écrit, comme son titre l’indique, pour réfuter
une interprétation particulière d’un partie de l’Écriture.
La langue de l’Inchoata expositio appelle peu de remarques :39 elle est celle que
l’on attendrait d’un commentaire rédigé.40 L’écriture est formelle et suivie, avec une
forme d’élégance modeste, y compris dans la recherche de clausules,41 mais elle vise
surtout la clarté. C’est donc essentiellement le style submissus (« simple, bas ») tel
qu’il est décrit dans doctr. christ. 4,42 et dont le but principal est d’enseigner. Mais,
suivant ses propres recommandations,43 Augustin se permet parfois un ton plus
élevé, où des questions rhétoriques44 ou des périodes développées45 interpellent le
lecteur. On trouve ces effets surtout dans la seconde partie du texte, où l’auteur
argumente plus qu’il ne commente. Nous restons cependant très loin de la langue
artificielle et complexe des écrits de Cassiciacum, de l’audace linguistique des Con-
fessions, de l’éclat rhétorique des œuvres polémiques (y compris civ.), mais aussi
des rythmes saccadés et du lexique46 et de la syntaxe47 plus vulgaires des sermons.
||
38 Sur ce point, cf. n. à 4,4.
39 Pour RING, 49, la langue du texte est claire et raffinée mais un peu lassante.
40 En gen. c. Manich. 1,1 et in psalm. 6,2, des commentaires écrits à l’époque de notre texte, Augus-
tin signale qu’il vise une écriture compréhensible pour les moins éduqués. La langue de l’Inchoata
expositio est quelque peu plus sophistiquée.
41 Voir infra, 2.7, pp. 110–117.
42 Pour ce parallèle, voir aussi n. à 7,1–5.
43 Doctr. christ. 4,134. Il y note que le style simple est le plus tolérable pour de longs développe-
ments : facilius submissum solum quam solum grande diutius tolerari potest (« seul le style simple
peut être plus facilement supporté un certain temps que le style sublime seul » ; traduction BA 11/2).
Cependant, les conseils de doctr. christ. portent surtout sur la prédication.
44 13,6 ; 15,1.9.11–12 ; 16,8 ; 17,3 ; 21,3.6 ; 22,1–3 ; 23,14 ; voir aussi 14,3.
45 E.g. 18,11 ; 23,1.13.
46 Voir n. à 15,2, pagani.
47 On ne trouve qu’un exemple de l’oratio obliqua introduite par une particule, en 14,1, où le choix
syntactique semble motivé par un souhait de clarté absolue sur un point essentiel. Pour cette syn-
taxe chez Augustin, voir DOKKUM, De constructione.
48 E.g. MARA, Agostino Interprete, 13–33 ; PLUMER, Augustine’s Commentary, 5 ; O’DONNELL sur
conf. 7,27 ; MARTINS, Pauline Commentaries.
12 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
49 MARA, Agostino interprete, loc. cit. Des commentaires (ou homélies) grecs seuls subsistent ceux
de Jean Chrysostome, Théodore de Mopsueste (en traduction latine) et Théodoret de Cyr. Le com-
mentaire syriaque est d’Éphrem.
50 H. J. FREDE (éd.), Ein Neuer Paulustext und Kommentar, 2 t., Freiburg 1973/1974.
51 Voir MARTINS, Pauline Commentaries, 626.
52 Voir MARA, Agostino interprete, 31–33 ; MENDOZA, 464.
53 Sur ce point, voir déjà PLUMER, Augustine’s Commentary, 41 ; MARTINS, Pauline Commentaries,
627 ; et c. Faust. 3,2 : Tot acuti et docti viri, divinarum scripturarum pertractatores diligentissimi … qui
quidem in latina lingua perpauci sunt, eos autem in graeca quis numeret ? (« Tant d’hommes intelli-
gents et instruits, commentateurs très diligents des Écritures divines … de fait, ils sont très peu
nombreux dans la langue latine, mais qui pourrait les énumérer tous dans [la langue] grecque ? »).
54 Voir NAUTIN, Origène, 243–245, 254. Origène a commenté Rom., Gal., Eph., Phil., Col., 1–2
Thess., Tit., Philem. Il a prêché sur 1–2 Cor., Gal., 1 ou 2 Thess., Tit. et Hebr.
Introduction | 13
s’attend dès lors à voir les commentaires se multiplier autour des textes bibliques
qui jouent un rôle central dans la foi et la liturgie des chrétiens. Les écrits de Paul
font incontestablement partie de ces textes. Les chiffres de quatorze commentaires
grecs et six commentaires latins55 deviennent alors moins frappants, si on les rap-
porte au nombre de commentaires sur d’autres textes de même importance. Ainsi,
pour les Évangiles, nous relevons dix-sept commentaires grecs, écrits par huit au-
teurs,56 et huit commentateurs latins.57 Pour les psaumes, la prière liturgique de
l’Église depuis toujours, on compte douze commentateurs grecs58 et six commenta-
teurs latins.59 Ou encore, la Genèse, et surtout le récit de la création,60 a été commen-
tée par sept Grecs61 et quatre Latins (dont Augustin cinq fois).62 Dans cette optique,
ce serait plutôt une absence de travaux sur Paul qui exigerait une explication.
||
55 Nous ne pouvons discuter plus avant les développements dans l’Église d’Orient, qui dépassent
malheureusement notre compétence.
56 (Dans cette note et les suivantes, les numéros entre parenthèses sont ceux de CPG et CPL, sauf
autre indication). Commentaires sur M a t t h i e u : Didyme l’aveugle (QUASTEN, Patrology, 91) ; Cyrille
d’Alexandrie (5206) ; Apollinaire de Laodicée (3690) ; Théodore de Mopsueste (3840) ; Jean Chrysos-
tome (4424, homélies) ; anonyme arien (CPG 4659 = CPL 707 ; voir aussi CPL 668-75) ; sur M a r c :
Théodore de Mopsueste (3841) ; sur L u c : Cyrille d’Alexandrie (5207) ; Apollinaire de Laodicée
(3692) ; Théodore de Mopsueste (3842) ; Évagre le Pontique (2458[6]) ; Titus de Bostra (3567) ; sur
J e a n : Didyme l’aveugle (2557) ; Cyrille d’Alexandrie (5208) ; Apollinaire de Laodicée (3691) ; Théo-
dore de Mopsueste (3843) ;. Jean Chrysostome (4425, homélies).
57 Sur tous les Évangiles : Fortunat d’Aquilée (104 ; CSEL 103) ; sur M a t t h i e u : l’Ambrosiaster [?]
(186) ; Chromace d’Aquilée (218) ; Hilaire de Poitiers (430) ; Jérôme (590) ; Arnobe le Jeune (240) ;
Augustin (de serm. dom. ; in Matth.) ; sur M a r c : Jérôme (594, homélies) ; sur L u c : Ambroise
(143) ; sur J e a n : Augustin (in euang. Ioh.). Le petit nombre de commentaires sur Marc s’explique
par la grande proximité de son texte avec celui de Matthieu.
58 Athanase (2140) ; Didyme l’aveugle (2550) ; Cyrille d’Alexandrie (5202) ; Évagre le Pontique
(2455) ; Astérios le Sophiste (2815) ; Eustathe d’Antioche (QUASTEN, Patrology, 304) ; Eusèbe de
Césarée (3467) ; Diodore de Tarse (3818) ; Théodore de Mopsueste (3833) ; Jean Chrysostome (4413–
4415, homélies) ; Hésychios de Jérusalem (6552–6554) ; Théodoret de Cyr (6202).
59 Ambroise (140s.) ; Hilaire de Poitiers (428) ; Jérôme (582 ; 592) ; Augustin (in psalm.) ; Prosper
d’Aquitaine (524) ; Arnobe le Jeune (242). La plupart des commentateurs grecs et latins sur les
psaumes n’ont pas commenté tout le psautier.
60 Voir in Gal. 40 : Multi legentes apostolum, librum autem Geneseos ignorantes, putant solos duos
filios habuisse Abraham (« Beaucoup qui lisent l’apôtre, mais ignorent la Genèse, pensent
qu’Abraham eut seulement deux fils »). Ce que l’on ignore, c’est justement le contenu de la Genèse
après le récit de la création.
61 Athanase (QUASTEN, Patrology, 39) ; Didyme l’Aveugle (QUASTEN, Patrology, 90) ; Basile (2835 ;
homélies sur la création) ; Grégoire de Nysse (3153s. ; sur la création) ; Eusèbe d’Émèse (QUASTEN,
Patrology, 351) ; Théodore de Mopsueste (3827) ; Jean Chrysostome (4409s., homélies).
62 Ambroise (123, sur la création) ; Rufin (195) ; Grégoire d’Elvire (547s.) ; Jérôme (580, quaest.
hebr. in gen.) ; Augustin (3 commentaires : gen. ad litt. imperf. ; gen. c. Manich. ; gen. ad litt., puis
conf. 11–13 et civ. 11–17 ; voir aussi c. adv. leg. 1,2–28). Victorin de Poetovio (79, sur la création), le
premier commentateur latin de la Bible, écrivit avant Nicée.
14 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
D’autre part, et surtout pour les exégètes latins, le Nouveau Testament était
beaucoup plus abordable que l’Ancien, pour des raisons qui pour la plupart restent
valables de nos jours. Le Nouveau Testament est plus court ; il était plus familier,
puisqu’on l’entendait constamment à l’église ;63 on pouvait le commenter sans
s’évertuer sans cesse à chercher la Nouvelle Alliance préfigurée dans l’Ancienne.
Ensuite l’Ancien Testament est en hébreu, et les Latins n’y avaient accès que par
une double traduction, les versions latines de la Septante. On affirmait certes que la
Septante était elle-même inspirée,64 mais l’ignorance totale de l’original était néan-
moins embarrassante. C’est ainsi que notre âge d’or n’a produit que deux grands
commentateurs latins sur l’Ancien Testament en dehors des psaumes et de la Ge-
nèse : Jérôme, qui apprit l’hébreu, et Origène, dont plus de mille pages d’exégèse
vétérotestamentaire furent traduites par ce même Jérôme et par Rufin.65
Pour revenir à notre texte, il y a lieu de se demander si, en commençant
l’Inchoata expositio, Augustin avait vraiment conscience de participer à un foison-
nement. Des six commentateurs latins sur Paul, Pélage et l’anonyme de Frede sont
postérieurs à l’Inchoata expositio, Jérôme n’avait pas commenté Rom., et il est loin
d’être certain que Marius Victorinus l’ait fait.66 S’il n’y avait que le seul commentaire
de l’Ambrosiaster, on comprend aisément qu’en lisant celui-ci,67 Augustin ait conclu
qu’il restait encore beaucoup à dire sur l’enseignement de l’apôtre.68
||
63 Pour les détails, voir JUNGMANN, Missarum solemnia, 486–498.
64 Voir BA 11/2, 514–521.
65 Notons cependant le commentaire sur le Cantique du mystérieux Apponius. Le renouveau du
commentaire vétérotestamentaire, avec Cassiodore sur les psaumes, et Grégoire le Grand sur Ézé-
chiel, Job et le Cantique, dépasse le cadre de ce livre.
66 Pour l’existence de ce commentaire, on renvoie à l’Ambrosiaster, in Rom. 5,14 (CSEL 81/1, 176s.).
Mais ce passage est loin de montrer que le commentaire a certainement existé, puisque Victorinus y
est cité, comme témoin d’une leçon pour Rom. 5,14, avec Tertullien et Cyprien, qui n’ont certaine-
ment pas commenté Rom. HADOT, Marius Victorinus, 287, renvoie aussi à Victorinus lui-même, in
Gal. 5,8, où l’auteur cite Rom. 8,30 avec les mots sicuti supra dictum est … ceteraque quae per ordi-
nem dicta sunt (« comme il a été dit plus haut … et les autres choses qui ont été dites en ordre »). On
ne discerne pas bien s’il s’agit d’une référence par Victorinus à son propre commentaire, ou seule-
ment à l’épître aux Romains elle-même. Jérôme (in Gal., praef. [CCSL 77A, 6]) parle des commen-
taires de Victorinus in apostolum (« sur l’apôtre »). Mais, comme le note HADOT (loc. cit.), Jérôme
parle ici « sans précision ».
67 Augustin l’a en effet connu dès l’époque de l’Inchoata expositio ; voir infra, 1.7, pp. 20s.
68 PLUMER (Augustine’s Commentary, 39) contraste à bon droit le commentaire théologique
d’Augustin avec Victorinus et l’Ambrosiaster, plus proches du grammaticus, et Jérôme, dont les
commentaires pauliniens sont essentiellement des compilations d’exégèse grecque (voir n. à 2,5).
Voir cependant pour des traits du grammaticus chez Augustin, n. à 5,4–7 ; 7,1–5 ; 7,5 ; 11,3, et aussi
les remarques assez réduites en 6,3. Pour les limites du modèle grammatical pour les auteurs chré-
tiens, voir n. à 2,5.
Introduction | 15
||
69 Voir e.g. PLUMER, Augustine’s Commentary, 5 ; MARA, Agostino interprete, 34–58 (avec référence
à ses travaux antérieurs) ; MARTINS, Pauline Commentaries ; O’DONNELL sur conf. 7,27, apostolus
Paulus ; MUTZENBECHER, CCSL 44, xvii–xix.
70 Epist. 21,3s.
71 Mais l’enrichissement des connaissances exégétiques d’Augustin en ces années a été soigneu-
sement étudiée par DULAEY, L’apprentissage, (1), (2), (3).
72 Il s’agit seulement des commentaires sur Ps. 1–32 recueillis dans CSEL 93/1A.
73 PLUMER (Augustine’s Commentary, 19) remarque que ces travaux constituent aussi des expéri-
mentations avec différentes formes d’exégèse : quaestiones, scholies, commentaire suivi.
16 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
reproché au second son exégèse de Gal. 2,74 qui supposait un comportement mal-
honnête chez Paul. Quand Augustin écrit lui-même un commentaire de Gal. la
même année, c’est clairement en partie dans l’espoir de rectifier ce qui lui déplaît
dans celui de son prédécesseur.75 Par cet acte, Augustin affirme donc assez ouver-
tement que sa propre autorité d’interprète peut valoir, sinon dépasser, celle de Jé-
rôme. Mais en même temps in Gal. ne pouvait suffire en soi à le placer sur un pied
d’égalité avec le moine de Bethléem. À côté des trois longs livres érudits de Jérôme
sur Gal., le livre unique d’Augustin, commentant étroitement le texte, ne pouvait
que paraitre un commentaire mineur.
Il n’en serait pas ainsi d’un grand commentaire sur Rom. Jérôme n’avait pas ten-
té de commenter la plus longue et dense des épîtres de l’apôtre, et avait même ad-
mis que Gal. n’en était que la version simplifiée.76 Si alors Augustin parvenait à
commenter toute l’épître, dans un grand ouvrage à livres multiples, où il déploierait
sa propre érudition,77 ses qualités d’exégète seraient au moins aussi fermement
établies que celles de Jêrome. Il rendrait aussi service à l’Église latine, sans conti-
nuer ouvertement une querelle désagréable, puisqu’il commentait un texte essentiel
que Jérôme n’avait pas abordé. C’était là une gageure où transparait toute l’audace
d’Augustin dans ses premières relations avec Jérôme. Et le défi parait encore plus
grand quand on perçoit qu’Augustin avait entrepris son grand commentaire sans
accès à l’exégèse grecque dont Jérôme se prévalait tant, et sans même (à notre sens)
un manuscrit grec de l’épître aux Romains.78 Il n’avait pas non plus hésité à faire
dévier son commentaire vers un sujet – la nature de l’Esprit Saint – sur lequel Jé-
rôme, en traduisant le traité pneumatologique de Didyme l’aveugle, avait mis en
doute la compétence de toute l’Église latine, et notamment d’Ambroise.79 C’est dire
||
74 Voir n. à 1,4, sed plane. Datation de CCSL 31.
75 Voir surtout in Gal. 10 ; 15. Avant l’épiscopat, il reviendra encore une fois sur le problème, dans
de mend. 8 ; 43. La décision même d’écrire un traité sur le mensonge est sans doute motivée par la
dispute avec Jérôme (voir AugLex s.v. Mendacio (De–), 3).
76 Voir n. à 1,1, non quia.
77 Voir n. à 3,3s. ; 13,1, pater Valerius.
78 Pour ces lacunes, voir n. à 2,5.
79 La traduction date de 384–386 (voir FÜRST, Hieronymus, 170). Dans la préface (SChr 386, 138s.),
Jérôme écrit Malui alieni operis interpres existere quam, ut quidam faciunt, informis cornicula alienis
me coloribus adornare. Legi dudum de Spiritu Sancto cuiusdam libellos et, iuxta comici sententiam
[Ter. Eun. 7s.], ex graecis bonis latina vidi non bona … Qui hunc [sc. Didyme] legerit latinorum furta
cognoscet, et contemnet rivulos cum coeperit haurire de fontibus. (« J’ai préféré être le traducteur de
l’œuvre d’un autre, plutôt que de faire comme certains, [et tel] une corneille hideuse, me parer des
couleurs d’autrui. J’ai lu récemment les livres d’un certain [auteur] sur l’Esprit Saint, et, comme le
dit le comique, j’ai vu du mauvais latin découler du bon grec … Celui qui le lira reconnaitra les vols
des Latin, et méprisera les ruisseaux quand il aura commencé à boire à la source »). Tout ceci vise le
De spiritu sancto d’Ambroise (voir aussi n. à 2,5). Du reste, dans sa première lettre à Jérôme, tout en
Introduction | 17
||
critiquant son commentaire sur Gal., Augustin l’avait exhorté à faire de la traduction des Pères grecs
son activité prioritaire (epist. 28,2).
80 Voir supra, 1.2, p. 2.
81 O’DONNELL (Confessions, xlii–xliii) voudrait voir chez Augustin après l’ordination un blocage
psychologique, conduisant à l’échec de nombreux projets d’écriture, et qui ne s’est résolu qu’avec la
rédaction de conf. Ce jugement ne convainc pas : si, dans ces années, Augustin a abandonné quatre
projets (doctr. christ. et c. epist. fund. en plus de gen. ad litt. imperf. et l’Inchoata expositio), il en
termina treize autres (util. cred. ; de duab. anim. ; c. Adim. ; lib. arb. ; in psalm. [expositions sur Ps.
1–32 : voir BA 57A, 41–51] ; fid. et symb. ; psalm. c. Don. ; de serm. dom. ; in Rom. ; in Gal. ; de
mend. ; quaest. Simpl. ; agon.).
18 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Paulus apostolus … contra superbos et arrogantes et de suis operibus praesumentes pro com-
mendanda ista Dei gratia fortiter atque acriter dimicat … Primo, quod omnis eius salutatio sic se
habet: ‘gratia vobis et pax a Deo Patre et Domino Iesu Christo’; deinde ad Romanos paene ipsa
quaestio sola versatur tam pugnaciter, tam multipliciter, ut fatiget quidem legentis intentionem,
sed tamen fatigatione utili ac salubri, ut interioris hominis [2 Cor. 4,16] magis exerceat membra
quam frangat.86
(« L’apôtre Paul … se bat avec force et pénétration, pour la louange de cette grâce de Dieu,
contre les superbes et les arrogants, et ceux qui présument de leurs œuvres … D’abord parce
que toutes ses salutations ont cette forme : ‘la grâce soit avec vous et la paix de Dieu notre Père
et du Seigneur Jésus Christ’ ; ensuite parce que [dans l’épître] aux Romains on ne discute
||
82 Sur ce point, voir MADEC, Petites études, 320s.
83 Voir epist. 213,6
84 De 426 jusqu’à sa mort, Augustin écrira 5 livres sur le problème de la grâce (grat. ; corrept. ;
praed. sanct. ; persev. ; c. Iul. op. imperf). retract. entre aussi dans un sens dans cette catégorie,
puisque ce sont surtout ce qu’il considère ses erreurs sur la grâce qu’Augustin y cherche à corriger.
civ. (qu’il achève en 427) peut être vu comme un ouvrage d’occasion, comme l’est certainement c.
Maximin. haer. est écrit à la demande de Quodvultdeus, et adv. Iud. est un sermon (voir FITZGERALD,
Augustine, s.v.).
85 Sur ce point, voir DOLBEAU, Brouillons, 205.
86 Spir. et litt. 12.
Introduction | 19
presque que de cette seule question, avec tant d’entêtement et de variété, qu’elle fatigue
l’attention du lecteur, mais toutefois par une fatigue utile et bénéfique, qui exerce plutôt
qu’elle ne brise les membres de l’homme intérieur »).
On voit ici des souvenirs évidents de l’Inchoata expositio : grâce et œuvres sont les
thèmes fondamentaux de Rom. ;87 la salutation gratia et pax contient une indication
précieuse sur l’activité de Dieu telle que la comprend Paul. Mais ce texte rappelle
aussi que l’Inchoata expositio est loin de marquer la fin du travail d’Augustin sur
l’épître aux Romains.88 Elle sera très bientôt suivie de quaest. Simpl., qui inaugure
les idées nouvelles et terribles d’Augustin sur la grâce, celles qui vont donner nais-
sance à toute la controverse pélagienne.89 Une fois formulées, ces idées allaient
devenir pour Augustin la base de toute interprétation possible de Rom. Un commen-
taire continu de l’épître n’aurait alors pu être qu’un exposé incessant sur la prédes-
tination imméritée des élus, la faiblesse de la liberté humaine, et le choix incompré-
hensible de Dieu. On imagine alors qu’au fil des années Augustin ait pu sentir qu’il
en disait déjà assez sur cette doctrine. S’il l’a amèrement défendue, il ne l’a jamais
pour autant trouvée réjouissante. Il est ainsi possible que ce soient bien ses nou-
velles conclusions sur la grâce, et non seulement les capacités limitées en exégèse
d’Augustin vers 395, qui aient pu susciter chez lui, dans toute la période de quaest.
Simpl. à retract., des sentiments de fatigue, de découragement, même de peur, de-
vant la perspective de rédiger un commentaire complet de l’épître aux Romains.
1.7 Sources
Même ses critiques les plus sévères n’ont jamais mis en doute l’originalité
d’Augustin.90 Or celle-ci se retrouve pleinement dans l’Inchoata expositio, à la fois
dans ses notions les plus importantes (gratia et pax représentant l’Esprit Saint dans
la salutation ;91 l’identification du blasphème contre l’Esprit Saint92) et dans des
détails (la valeur donnée à suos de Rom. 1,2 en 3,2–5 ; le parallèle punique-latin en
13 ; l’utilisation de la quatrième Bucolique de Virgile ibid.). Mais ce n’est pas pour
autant qu’Augustin travaillait en dehors de la tradition exégétique des autres Pères,
||
87 Voir 1,1–3 et n. ad loc.
88 Pour les travaux d’Augustin sur Paul après l’Inchoata expositio, voir MARA, Agostino interprete,
27s. ; RING, n. 195 à 23,15.
89 Voir n. à. 7,7.
90 Voir la remarque célèbre de Gibbon : « His learning is too often borrowed and his arguments too
often his own » (« Son érudition est trop souvent empruntée à autri et ses arguments sont trop sou-
vent les siens »).
91 Voir n. à 11,1s.
92 Voir n. à 14,1, Le blasphème.
20 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
ce qui l’eût rendu très vulnérable aux reproches d’un Jérôme. Au contraire, comme
nous avons essayé de le montrer dans notre commentaire, toutes ses exégèses se
situent à l’intérieur de cette tradition, qu’elles la reprennent,93 la développent,94 ou
cherchent à la modifier sur des points essentiels, comme il advient surtout pour le
blasphème contre l’Esprit Saint. Nous avons donc cité un nombre de textes
qu’Augustin n’avait probablement ou certainement pas lus,95 parce qu’ils appar-
tiennent à un complexe d’idées qu’il connaissait bien, soit par d’autres sources
perdues, soit par la transmission orale. À l’époque d’Augustin, l’Église chrétienne
est un milieu où l’on discute incessamment des mêmes textes depuis des siècles.
Quand il écrit l’Inchoata expositio, Augustin est un membre actif de ce milieu de-
puis presque une décennie, prédicateur, auteur, mais aussi lecteur et disciple. Il est
alors tout naturel que sa propre lecture puisse se comprendre, par exemple, comme
une réaction aux anciennes exégèses que nous trouvons chez Origène ou à celles,
plus récentes, d’un Chrysostome. La trace écrite qui nous reste de l’exégèse patris-
tique n’est qu’une fraction d’un dialogue constant et immense maintenu par le cler-
gé et les fidèles de tout le bassin méditerranéen.96
On peut cependant identifier deux ouvrages écrits qu’Augustin avait certaine-
ment consultés quand il rédigea l’Inchoata expositio : le commentaire sur Rom. de
l’Ambrosiaster,97 et le De Paenitentia d’Ambroise.98 L’utilisation du De paenitentia
s’explique par le fait qu’Ambroise y traite lui aussi du blasphème contre l’Esprit
Saint.99 Du reste, si Augustin connait ces deux textes, il est loin d’en être un simple
||
93 Par exemple, sur Hebr. 6 ; voir n. à 18,2.
94 Un cas notoire est l’identification de l’Esprit avec le Don de Dieu : voir n. à 11,1s.
95 « Probablement » pour la plupart des textes grecs ; « certainement » pour ceux, tels les commen-
taires pauliniens de Théodoret de Cyr, écrits après l’Inchoata expositio. Voir n. à 2,5.
96 Sur la tradition orale et la recherche de sources en patristique, voir MUTZENBECHER, CCSL 44,
xxiv.
97 Pour les parallèles avec l’Ambrosiaster, voir n. à 1,3, nonnulli qui ex Iudaeis, et les renvois dans
cette note. Augustin possédait certainement le commentaire en 420, puisqu’il le cite (sous le nom de
sanctus Hilarius) en c. Pelag. 4,7. Pour d’autres parallèles dans les commentaires Pauliniens, voir
BASTIAENSEN, Augustine’s Pauline Exegesis ; MARA, Agostino interprete, 22 ; MUTZENBECHER, CCSL 44,
xxiv (sur quaest. Simpl.). PLUMER (Augustine’s Commentary, 53–56) ne trouve pas très probable
qu’Augustin ait utilisé l’Ambrosiaster sur Gal, mais admet n’avoir pas exploré entièrement la ques-
tion.
98 Pour les parallèles avec cette œuvre, voir n. à 18,2, et les renvois dans cette note. RING, 58s.,
notait déjà certains parallèles, mais ne pensait pas que la dépendance directe était certaine. Augus-
tin semble aussi avoir consulté sur certains points Jérôme (voir n. à 11,3s. ; 21,7, mais contraster n. à
5,11–17).
99 Il se peut qu’Augustin réagisse aussi à la quaestio anti-novatianiste de l’Ambrosiaster en Ps.-
Aug. quaest. test. 102 (CSEL 50). Voir n. à 20,5, malevolentiae et RING, 58s. Mais les idées de
l’Ambrosiaster dans ce texte sont trop proches de celles d’Ambroise pour que l’on puisse démontrer
l’utilisation des deux auteurs.
Introduction | 21
copiste : il ne reprend des remarques de l’Ambrosiaster que pour les modifier, et, si
sa réflexion sur le blasphème est bien dans la lignée anti-novatianiste d’Ambroise,
celui-ci n’avait nullement affirmé, comme le fait Augustin, que ce blasphème s’iden-
tifiait avec l’impénitence jusqu’à la mort.100
Faut-il aussi nommer parmi les sources de notre texte le commentaire sur Rom.
de Marius Victorinus ? Impossible de répondre, puisque ce texte a disparu et,
comme nous l’avons dit,101 il n’est pas sûr qu’il ait existé. Retenons cependant que
Plumer a montré de façon convaincante l’emploi du commentaire de Victorinus sur
Gal. dans in Gal.102 Si il y avait un commentaire sur Rom., il est donc très probable
qu’Augustin s’en est servi, ou a eu l’intention de s’en servir (après tout, Victorinus
n’avait pas forcément fait de remarques détaillées sur la salutation de l’épître).
1.8 Thèmes
Quand un commentateur écrit trente pages sur sept versets de la Bible, on peut facil-
ement supposer qu’il s’est résolu à tout dire. Mais ce n’est pas le cas pour l’Inchoata
expositio : sa longueur vient surtout de ses digressions, alors que le commentaire
néglige entièrement certains aspects du texte. Augustin n’a pratiquement rien à dire
sur les circonstances extérieures qui ont trait à Rom. : il n’explique pas quand, où et
sous quelles conditions Paul écrivit aux Romains.103 De même, son commentaire a
peu d’ambitions philologiques : comme nous l’avons déjà dit,104 il l’a commencé
vraisemblablement sans posséder de manuscrit grec de de l’épître.
Augustin envisage donc un commentaire essentiellement t h é o l o g i q u e . Or il
annonce dès le premier paragraphe quel est pour lui le message théologique de
Rom. : le salut donné par la grâce aux Juifs et aux gentils ensemble. Peut-on ensuite
dire que l’Inchoata expositio est axée sur ce message ?
En vérité, et selon une tendance caractéristique de la pensée d’Augustin,105 le
rôle des Juifs dans le plan de Dieu tend à s’estomper, et l’intérêt de l’auteur se porte
surtout sur le rôle de la grâce dans la Nouvelle Alliance. Sans doute, s’il avait conti-
nué son commentaire, Augustin aurait-il été amené à reprendre et approfondir ses
réflexions de in Rom.106 et in Gal.107 sur le rôle du peuple sub lege (« sous la Loi » de
||
100 Voir n. à 14,1, Le blasphème.
101 Supra, 1.5, p. 14.
102 Augustine’s Commentary, 7–33. Plumer lui-même voudrait que cette utilisation ne soit que
« probable au plus haut degré » (31), mais ses scrupules semblent excessifs.
103 Voir n. à 1,1–3.
104 Supra, 1.6, p. 16.
105 Voir n. à 1,1–3.
106 Aug. in Rom. 12 ; 21.
107 Passim, mais surtout 17 ; 46.
22 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Moïse) dans l’histoire du salut. Mais, dans son commentaire des sept premiers ver-
sets de Rom., les Juifs en tant que peuple sous la Loi réapparaissent à peine après
les deux premiers paragraphes,108 alors que l’accent est sans cesse mis sur le don de
la grâce comme fait central du christianisme.
Sans doute, dans le commentaire tel quel, Augustin ne parle pas que de la
grâce. Il s’occupe aussi d’affirmer la valeur incontournable des prophéties de
l’Ancien Testament (3,1–4,2) et la divinité du Christ (4,3–12), de déterminer le sens
de praedestinatus en Rom. 1,4 (5), d’expliquer la structure de la salutation (7). Mais
en Rom. 1,5, c’est surtout sur gratia qu’il s’arrête (6,1s.), et dilectis et vocatis en 1,7
lui donnent de nouveau l’occasion d’affirmer que c’est la grâce qui nous sauve (7,5–
7).109 Puis, devant gratia et pax dans la salutation, le progrès du commentaire
s’arrête net, pour laisser la place à la réflexion sur la grâce et la justice (9s.), la grâce
et la paix comme noms de l’Esprit Saint (11–13), et le péché contre l’Esprit Saint, qui
est donc un péché contre la grâce (14–fin). Dans ce sens, toute la seconde partie de
l’Inchoata expositio n’est pas vraiment une digression, mais plutôt une méditation
sur ce qui semble le plus arrêter Augustin dans l’épître aux Romains : l’enseigne-
ment sur ce que Dieu est venu nous donner.
C’est en même temps une méditation sur l’Esprit Saint, puisque Augustin af-
firme que l’Esprit est la grâce et la paix. Notre texte marque ainsi une nouvelle étape
dans un projet que son auteur avait signalé dès util. cred. (« nous dirons ailleurs
quelque chose plus ouvertement sur l’Esprit Saint »),110 et qui commence à se réali-
ser avec la première manifestation, dans fid. et symb. (19) de la grande idée
d’Augustin que l’Esprit peut en quelque sorte se comprendre comme étant l’amour
de Dieu.111 Dire que l’Esprit est grâce et paix est clairement une autre expression de
cette même conception, surtout que c’est cette équivalence qui permet à Augustin
de montrer que le péché impardonnable ne peut être que celui qui se prolonge
||
108 Voir tout de même 6,4 ; 19,10. Des Juifs réapparaissent bien sûr dans la discussion sur le blas-
phème contre l’Esprit Saint (surtout en 15,5–7 ; 20,1–23,13), puisque c’est à des pharisiens que le
Christ semble reprocher ce blasphème. Mais Augustin n’y associe pas l’aveuglement des pharisiens
avec leur attachement à la Loi.
109 Voir n. à 7,7.
110 Util. cred. 7 (de Spiritu Sancto alias planius aliquid eloquemur). Noter aussi dans fid. et symb.
19 : De Spiritu autem sancto nondum tam copiose ac diligenter disputatum est a doctis et magnis
divinarum scripturarum tractatoribus, ut intelligi facile possit eius proprium, quo proprio fit ut eum
neque Filium neque Patrem dicere possimus, sed tantum Spiritum sanctum (« Les doctes et grands
commentateurs sur les Écritures divines n’ont pas encore écrit assez copieusement et soigneuse-
ment sur l’Esprit Saint, pour que l’on puisse facilement comprendre ce qui lui est propre, ce qui, en
lui étant propre, fait que nous ne puissions l’appeler ni le Fils ni le Père, mais seulement l’Esprit
Saint »).
111 Voir n. à 11,1s., mais surtout, pour l’évolution de cette conception, DU ROY, L’intelligence, 430–
432. Elle est anticipée dès mor. eccl. 23.31.
Introduction | 23
jusqu’à la mort : un refus obstiné de l’amour de Dieu, qui est l’Esprit, et qui s’offre
en tout temps au pénitent.
La grâce telle qu’elle apparait ici ne correspond donc pas entièrement à la vision
que l’on associe habituellement à Augustin interprétant Rom., et qui éclora pleine-
ment dans quaest. Simpl. La liberté humaine est encore vue comme faisant le pre-
mier pas pour accueillir la grâce,112 qui, elle, n’est pas encore ce choix insondable
par Dieu de sauver une minorité parmi une humanité justement damnée. Dans
l’Inchoata expositio, et surtout dans sa doctrine pleine de miséricorde sur ce que
peut être le péché impardonnable, la grâce semble encore le fait, ou la nature
même, d’un Dieu « qui veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Tim. 2,4), phrase
dont le sens obvie allait devenir intolérable à Augustin.113
Dans notre texte, cette grâce n’est pas conçue dans l’abstraction : elle est active
d a n s l ’ É g l i s e .114 En justifiant sa doctrine que seule l’impénitence sera impardon-
nable, Augustin se réfère continuellement à la pratique de l’Église, qui selon lui n’a
jamais refusé le pardon aux pénitents. Cette perspective sur l’histoire de la pratique
pénitentielle est quelque peu idéalisée,115 mais il faut y voir aussi une exhortation :
ce n’est qu’en admettant tous les pénitents au pardon que l’Église accomplira plei-
nement sa mission de ministre de la grâce divine. Dans ses écrits postérieurs sur le
blasphème contre l’Esprit Saint, Augustin va développer cet enseignement en le
tournant contre les Donatistes : si, par l’Esprit qui est en elle, l’Église catholique
peut tout pardonner, les Églises hérétiques, dépourvues de l’Esprit, sont coupées de
ce pardon, et tous ceux qui meurent dans l’hérésie auront donc commis le blas-
phème impardonnable. Cette supposition est aussi présente dans notre texte,116 mais
ce n’est pas elle qui motive la discussion sur le blasphème. Augustin a en vue
d’autres lecteurs que les Donatistes : parmi les genres littéraires du christianisme
antique, le commentaire scripturaire est de ceux dont le public essentiel fut le cler-
gé. Pour ce public (et surtout pour les évêques), l’Inchoata expositio comporte un
enseignement pratique sur l’étendue du pardon qu’il faut offrir, et dans ce sens ce
commentaire est en même temps un texte pastoral.117
||
112 Voir 7,7 et n. ad loc.
113 Voir enchir. 97–103 ; c. Iulian. 4,42–44 ; corrept. 44.
114 Pour ce qui suit, voir encore une fois à la n. à 14,1, Le blasphème.
115 Voir WATKINS, A History, 469 et n. à 16,1.
116 Voir 15,16 ; 22,1 : c’est seulement par le retour à l’Église catholique que les hérétiques peuvent
se libérer de leur blasphème.
117 Sur ce point, voir RING, Die unvergebbare Sünde, 42, et n. à 14,1, desperans vel irridens.
24 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
1.9 Postérité
Le premier auteur à réemployer l’Inchoata expositio, c’est Augustin lui-même.
Comme nous l’avons dit, tout son enseignement postérieur sur le blasphème contre
l’Esprit Saint se fonde sur ce qu’il dit dans notre texte. Mais ce n’est que le serm. 71
qui donne des indices certains d’une consultation directe de l’Inchoata expositio.118
Ce texte, parmi les plus longs des sermons augustiniens qui nous soient parvenus,119
traite exclusivement du blasphème contre l’Esprit Saint, et son auteur,120 tout
comme Possidius, semble le considérer comme son dernier mot sur le sujet.121 On
comprend qu’Augustin ait voulu préparer soigneusement sa prédication sur une
question qu’il présente comme très difficile,122 et il était donc naturel qu’il se rappor-
tât à son premier traitement détaillé du problème.123
Mais, en produisant le serm. 71, Augustin condamna l’Inchoata expositio à une
obscurité relative dans les siècles suivants. Pourquoi en effet consulter ce texte ?
Malgré son titre, il était peu utile aux lecteurs de Rom., puisqu’il n’offrait qu’un
commentaire du tout début de l’épître.124 Et il n’allait pas non plus devenir le texte
de référence pour l’enseignement augustinien sur le blasphème impardonnable.
Déjà, au 6ème siècle, Eugippe se sert du serm. 71 à cette fin,125 et ne fournit aucun
extrait de l’Inchoata expositio.126
L’Inchoata expositio n’a donc jamais connu le succès fulgurant réservé à bien
d’autres textes augustiniens. Il ne nous en reste que 21 manuscrits complets : petit
nombre pour cet auteur. De même, bien peu de textes le citent : en plus de Claude
de Turin et un commentateur carolingien anonyme, puis Pierre Lombard et la Glossa
ordinaria, dont nous discutons dans l’introduction à l’édition,127 nous n’avons relevé
||
118 Pour Augustin qui se relit lui-même, voir DROBNER, The Chronology, 49s.
119 VERBRAKEN, Le sermon, 56. La date du serm. 71 n’est pas connue. Verbraken (ibid. 57) suggère
les environs de 417, à cause des similarités avec correct. L’édition critique de Verbraken – la pre-
mière – a été remplacée par celle qui se lit chez DE CONINCK, La tradition manuscrite, 173–238, seule
citée dans notre commentaire.
120 Voir enchir. 83 et la remarque sur ce passage dans n. à 14,1, Le blasphème.
121 C’est sans doute le serm. 71 que désigne Possidius dans indic. 10,6,199 (p. 207 ; voir n. 5 supra)
comme Tractatus de blasphemia spiritus sancti (« Traité sur le blasphème contre l’Esprit saint »).
122 Serm. 71,1.38.
123 Les parallèles les plus indicatifs pour la consultation sont ceux qui portent non pas sur des
arguments de fond, mais sur des détails. Voir n. à 8,6 ; 15,2, pagani ; 21,7.
124 Nous avons considérablement plus de manuscrits de in Rom. et in Gal.
125 VERBRAKEN, Le sermon, 60, qui relève aussi la même pratique chez Bède le Vénérable et Florus
de Lyon (vide infra).
126 Voir les index de l’édition CSEL 9.
127 Voir 2,3 ; 2,5 ; 2,6.
Introduction | 25
que des échos possible chez Haymon d’Auxerre128 au 9ème siècle, et quelques évoca-
tions chez l’exégète parisien Pierre le Chantre au 12ème siècle.129
On mesure plus précisément le faible retentissement du texte, en constatant
combien il est absent chez les commentateurs postérieurs de Paul, pour lesquels
Augustin était souvent une source principale. Pélage est une curieuse exception.130
Par contre, il n’y a aucun signe d’une connaissance de l’Inchoata expositio dans les
remarques sur Rom. 1,1–7 chez l’anonyme de Frede, puis chez Cassiodore,131 dans les
||
128 Le commentaire d’Haymon sur Rom. est édité en PL 117, 361–508 (Rom. 1,1–7 commenté à 367–
369), où il est attribué à Haymon de Halberstadt (pour la question de l’attribution, voir Lexikon des
Mittelalters ss.vv. Haimo v. Auxerre et Haimo v. Halberstadt). Il se rapproche de l’Inchoata expositio
en mettant l’accent sur suos dans prophetas suos en Rom. 1,2 (cf. 3,3), en liant praedestinatus en
Rom. 1,6 avec l’humanité du Christ (cf. 5,11–17 et n. ad loc.), en séparant grâce et apostolat en Rom.
1,5 (cf. 6,1s. et voir n. à 6,1, gratiam cum omnibus), en notant que sanctis en Rom. 1,7 doit être com-
pris comme cause et non pas conséquence de vocatis (cf. 7,7), dans l’association pour Rom. 1,7
gratia / peccata remittuntur – pax / reconciliamur Deo (cf. 8,4), puis dans l’équivalence (atténuée
chez Haymon) entre l’Esprit Saint et gratia et pax. Nombre de ces parallèles sont déjà chez Pélage
(vide infra), que, selon SOUTER (Pelagius’s Expositions, t. 1, 340s.), Haymon n’a pourtant pas consul-
té.
129 Pierre cite en périphrase Inchoata expositio 11,4–6, sur les salutations des épîtres à Timothée,
dans deux versions de son grand manuel de prédication, le Verbum adbreviatum (textus alter 45,
[CCCM 196B, 231] ; textus conflatus 1,54 [CCCM 196, 367s.]). Pierre a commenté toute l’Écriture
(CCCM 196, x), et il y a peut-être d’autres traces de notre texte dans ses commentaires, presque tous
inédits. Il reste à voir si les extraits chez Haymon et Pierre ne peuvent pas venir de Claude de Turin.
Nous n’avons pas trouvé de traces de l’Inchoata expositio dans le Milleloquium de Barthélemy
d’Urbino, immense florilège augustinien du 14ème siècle (sur lequel voir SIEBEN, Bartholomew). Nous
avons consulté l’editio princeps : D. Aurelii Augustini Milleloquium Veritatis a F. Bartholomæo de
Urbino digestum, Paris 1555. Notre texte figure bien dans la liste de ceux que Barthélemy déclare
avoir vus (2450s.), mais un examen de tous les passages où l’annotation marginale de l’editio prin-
ceps renvoie au « tom. IIII » (les renvois sont à l’édition d’Érasme) ne révèle aucun extrait de
l’Inchoata expositio, alors que l’on trouve plusieurs extraits de in Gal. et in Rom. Il est vrai qu’il y a
des lacunes dans ces références marginales : un index locorum du Milleloquium serait un travail
ingrat, mais bienvenu.
130 CPL 728. Aux parallèles recueillis par SOUTER (Pelagius’s Expositions, t. 1, 186s.), ajouter la
lecture anti-manichéenne de prophetas suos en Rom. 1,2 (SOUTER, op. cit., t. 2, 8 ; cf. notre n. à 4,1,
Les prophètes, e), l’association en Rom. 1,4 de praedestinatus à ex resurrectione mortuorum (SOUTER,
ibid. 9 ; cf. Inchoata expositio 5,4) ; la séparation pour Rom. 1,5 entre grâce et apostolat (SOUTER,
ibid. 9 : gratia in baptismo, apostolatum quando ab Spiritu sancto directus est [« la grâce dans le
baptême, l’apostolat quand il fut envoyé par l’Esprit Saint »] ; cf. Inchoata expositio 6,1, et voir
première n. ad loc.) ; la séquence vocatis-sanctis pour Rom. 1,7 (SOUTER, ibid. 10 ; cf. Inchoata expo-
sitio 7,7), et l’association de gratia en Rom. 1,7 à la rémission des péchés (SOUTER, ibid. ; cf. Inchoata
expositio 8,4).
131 CPL 902. Cassiodore mentionne l’Inchoata expositio en Institutiones 1,8,12 mais semble seule-
ment la connaitre par retract. (R. A. B. MYNORS [éd.], Cassiodori Senatoris Institutiones, Oxford 1937,
187 est à corriger sur ce point), puisque, dans son propre commentaire sur Rom. il cherche lui aussi
l’Esprit Saint dans la salutation, mais ne songe pas à l’équivalence Esprit – gratia et pax (PL 70,
26 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
1321s.). La compilation augustinienne sur Paul d’un certain Pierre de Tripoli, mentionnée par Cas-
siodore (inst. 1,8,9), est perdue (voir WILMART, Le mythe).
132 Pour ses sources, voir FRANSEN, Description.
133 Pour ses sources, voir CHARLIER, La compilation.
134 Voir CANTELLI BERARDUCCI, Hrabani Mauri, 1344–1360, qui montre que l’Inchoata expositio n’est
citée nulle part dans les compilations exégétiques de l’auteur.
135 Ce commentaire serait d’origine insulaire et du 9ème siècle (CCCM 151, xvii).
136 PL 102, 15. Sur ce texte, voir SOUTER, Pelagius’s Expositions, t. 1, 29s.
137 Commentaire, ou plutôt scholies, sur Rom. en PL 150, 103–156.
138 Édition dans CCCM 86. Guillaume dit pourtant dans sa préface qu’Augustin fut sa source prin-
cipale.
139 Ses extraits de l’Inchoata expositio viennent de Claude de Turin. Voir infra, 2.5.
140 CCCM 11. Les quelques ressemblances passent par Haymon d’Auxerre.
141 Si ce n’est le court article de RING s.v. Epistulae ad Romanos inchoata expositio dans AugLex, et
les 11 pages de MARA, L’interpretazione, qui ne traitent que d’un aspect du texte.
142 Pour les détails, voir infra, 2.4, et Bibliographie, Éditions.
143 L’édition espagnole bilingue de Martin Perez (1959) dans la série complète Obras de san Agus-
tin avait précédé. On trouvera des références complètes à toutes les éditions mentionnées dans
Bibliographie, Traductions.
Introduction | 27
||
144 Ce volume comprend aussi de serm. dom., quaest. euang. et in Matth., mais les trois œuvres
sur Paul sont présentées comme une unité, avec leur propre introduction et bibliographie.
145 Ring réédite sa traduction de Inchoata expositio 14–23 dans Die unvergebbare Sünde, 42–61.
146 Trois de ces volumes de prolegomena ont paru, tous édités par Ring (obiit 2009) : le premier
(1989) contenait in Rom. ; le second est celui qui contient notre texte ; le troisième présente quaest.
Simpl. ; mais nous ignorons le contenu envisagé pour le quatrième, tout comme le statut actuel de
ce projet ambitieux. Nous tirons ces informations du site internet du Zentrum für Augusti-
nusforschung. Aucune publication n’est sortie dans la série depuis 2005, et elle ne figure pas sur la
page « Die Projekte des ZAF » du site.
147 L’édition de Martin Perez contient de même in Rom. et in Gal. et fait le choix intéressant
d’ajouter in epist. Ioh. La BA envisage aussi de consacrer un volume à in Gal., in Rom. et l’Inchoata
expositio (voir MADEC, La Bibliothèque, 14).
28 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
148 DOLBEAU, Brouillons, 201 : « Augustin acceptait de livrer au public des traités incomplets, ou
plutôt des éléments complets – des ‘livres’ au sens intellectuel – d’un traité inachevé, à condition
qu’ils aient été révisés … Aux yeux d’un auteur antique, l’élément primordial est le livre (terminé et
donc révisé). »
149 Ce n’est pas le cas des toutes les œuvres qui nous sont parvenues. Augustin indique dans
retract. qu’il avait voulu supprimer son autre commentaire inachevé, gen. ad litt. imperf., remplacé
par gen. ad litt. (retract. 1,18), et aussi immort. (retract. 1,5,1), de mend. (retract. 1,27) et in Iob (re-
tract. 2,13). La survie des tous ces textes est due à la persistance de ses disciples : voir DOLBEAU,
Brouillons, passim.
150 SOUTER, The Earliest, 191s.
Introduction | 29
probablement peu gêné l’auteur,151 mais elle heurte les sensibilités de l’érudition
scientifique. Laissons la parole à ce pionnier de la critique moderne que fut Richard
Simon :
« La remarque qu’il fait d’abord sur ces paroles, Paulus servus Iesu Christi, voca-
tus Apostolus, segregatus in Evangelium Dei, est plutôt une subtilité qu’une critique
exacte … L’observation qu’il fait ensuite sur ces autres mots, qu’il avoit promis aupa-
ravant par ses Prophetes, dans les Ecritures Saintes, n’est gueres mieux fondée que la
précedente … La maniere dont il interprete au même lieu ces paroles, Qui praedesti-
natus est Filius Dei ex resurrectione mortuorum, n’est point naturelle … Il s’etend
après cela au long sur cette forme de salut qui est ordinaire à Paul, Gratia vobis et
pax a Deo Patre nostro et Iesu Christo. Comme il n’est fait mention que du Pere et de
JESUS-CHRIST, il juge que le Saint Esprit, qui est appelé don de Dieu, est exprimé
dans ces mots, gratia et pax, qui ne sont autre chose qu’un don de Dieu. Mais je ne
voy pas quelle necessité il y a de trouver les trois personnes de la Trinité à la tête des
Epitres de Paul, ainsi que ce pere a prétendu les y trouver ».152
On peut répondre que les remarques d’Augustin ne sont pas moins intéres-
santes ou moins vraies pour être inexactes sur les intentions de Paul, et on se rap-
pellera des débats herméneutiques qui mettent en question la possibilité de retrou-
ver objectivement le sens voulu par un auteur. On réaffirmera aussi la valeur
intrinsèque de l’exégèse théologique, à côté du travail de l’historien des textes.
Mais, surtout, on n’écartera pas facilement l’enseignement de l’Inchoata expositio
sur ce que constitue le blasphème impardonnable contre l’Esprit Saint, enseigne-
ment pleinement accepté par l’Église catholique.153 Pour le croyant, Augustin offre
en effet la seule interprétation de l’Évangile qui puisse libérer de la terreur
d’encourir la damnation par un seul acte ou une seule parole, qui rendrait inutile
tout repentir. C’est donc une doctrine pleine d’espoir, ce qu’il faut saluer chez un
auteur à qui on a beaucoup reproché, et non sans raison, d’avoir limité l’étendue de
la miséricorde divine.
||
151 Voir le principe énoncé en doctr. christ. 3,84s., et n. à 13,7, non pugnaciter.
152 SIMON, Histoire critique, 256s.
153 Voir Catéchisme de l’Église catholique, §1864 : « ‘Tout péché et blasphème sera remis aux
hommes, mais le blasphème contre l’Esprit Saint ne sera pas remis’ [Mt. 12,31] … Il n’y a pas de
limites à la miséricorde de Dieu, mais qui refuse délibérément d’accueillir la miséricorde de Dieu par
le repentir rejette le pardon de ses péchés et le salut offert par l’Esprit Saint. »
30 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
2 Introduction à l’édition
2.1 Manuscrits
La liste ci-dessous comporte tous les manuscrits contenant l’Inchoata expositio dont
l’existence nous est connue. Cette liste a été constituée à partir des indications de
CSEL 84 et des catalogues du projet Die handschriftliche Überlieferung der Werke
des Heiligen Augustinus.154 Le personnel du projet, et notamment Johannes Divjak,
l’éditeur de CSEL 84, ont aussi eu la bonté de nous informer que leurs fiches
n’indiquaient aucun manuscrit contenant l’Inchoata expositio pour les pays dont
les catalogues n’ont pas encore paru.
Nous avons collationné sur place tous les manuscrits, à l’exception de S (colla-
tionné sur les microfilms de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes [=
IRHT] ; certaines leçons vérifiées sur place), U (IRHT) ; T (site de la médiathèque de
Troyes) ; K (IRHT + site Codices Electronici Ecclesiae Coloniensis) ; L2 (site Plutei
Online de la Biblioteca Laurenziana). Que soient remerciés les bibliothécaires qui
nous ont donné accès à leurs collections.
Il y a peu d’éditeurs qui peuvent se vanter d’avoir collationné sans fautes. Pour
notre part, nous avons souvent eu à travailler rapidement sur une durée de temps
limitée, et ne prétendons pas offrir une édition sans omissions ou erreurs. Cepen-
dant, pour les manuscrits déjà utilisés dans CSEL 84 (O E S T V U Z L1 L2 F M C B1 R B)
nous avons vérifié nos propres collations contre l’apparat existant. Cela a permis de
corriger les erreurs plutôt nombreuses de CSEL 84, mais aussi les nôtres. De plus,
pour T K L1 L2 des reproductions numériques sont disponibles en ligne, dont nous
nous sommes servi pour vérifier nos collations initiales de ces manuscrits. Nous
avons pu de même revérifier sur place les leçons de O. Il n’y a donc que pour les
manuscrits P A G H V1 qu’aucun contrôle n’a été possible.155 Nous n’avons pas colla-
tionné Prag. – ce choix sera justifié plus bas.
||
154 Dorénavant HU. Pour les volumes de cette série, voir le site internet du CSEL. On consultera ces
mêmes volumes pour les détails des œuvres augustiniennes contenues dans les manuscrits décrits
ci-dessous (sauf T).
155 Il est en de même pour les manuscrits Δ Θ de Claude de Turin. Quant aux manuscrits parisiens
de Claude (Χ Φ Ψ) nous avons pu vérifier nos collations lors de voyages répétés à Paris, et Carlotta
Dionisotti, que nous remercions, a aussi effectué des vérifications. Germ a été collationné sur place,
puis ces collations ont été vérifiées sur sa microfiche, disponible en ligne.
https://doi.org/10.1515/9783110594782-003
Introduction | 31
2.1.1 Famille Λ
Sous-famille O E
Les deux manuscrits O E partagent assez de fautes pour que l’on puisse identifier un
hyparchétype commun. Mais cinq siècles les séparent, et ils sont loin d’avoir un
texte très similaire.
||
156 Pour la bibliographie des descriptions qui suivent, on se reportera aux notes pour les informa-
tions qui ne viennent pas des catalogues nommés ou de l’autopsie.
157 BISCHOFF – HOFMANN, Libri, 19s. et 39 ; BISCHOFF, Katalog, t. 1, no. 3843. Mairhofer accepte ces
conclusions.
32 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
158 Gozbald fut abbé de Niederaltaich depuis 830 au plus tard, selon sa fiche dans le Repertorium
« Geschichtsquellen des deutschen Mittlelalters » en ligne.
159 HOFFMANN, Die Würzburger, 223, no. 62. Faut-il aussi l’identifier avec l’entrée eiusdem [sc.
Augustini] epistola ad Bonifacium episcopum (ibid. 234, no. 212), ce qui pourrait faire référence à c.
Pelag. ? Hoffmann y voit epist. 212.
160 KNAUS, Würzburg, 949 ; MAIRHOFER, 14–18, indiquant aussi que certains des manuscrits – mais
on ignore lesquels – donnés par Laud à la Bodléienne le 28/06/1639 avaient été acquis par Thomas
Howard, Earl d’Arundel, lors d’une mission diplomatique en Allemagne en 1636.
161 BISCHOFF – HOFFMAN, Libri, 39 ; MAIRHOFER, 437.
162 BISCHOFF – HOFFMAN, Libri, 19.
163 La majorité des corrections sont d’une seule main, et nous n’avons pas tenté de distinguer les
deux correcteurs dans l’apparat.
164 MAIRHOFER, 436.
Introduction | 33
Même remarque, mutatis mutandis, pour les corrections dans les autres manuscrits
de notre texte.
Seul parmi les manuscrits de l’Inchoata expositio, O contient, dans ses marges
latérales, une série de titres. Ceux-ci, en majuscules rustiques, démarquent des
divisions ou des points saillants du texte. Nous les reproduisons, avec l’indication,
selon le découpage moderne, des parties du texte auxquelles ils se réfèrent. Des
lettres ont dû être reconstituées, car les marges du manuscrit ont été tranchées sans
égard pour ces titres.
Ces marginalia seraient-ils bien plus anciens que O ? Ils rappellent ceux du manus-
crit de gen. ad litt. Roma, Biblioteca nazionale, Sessoriana 13, du 6ème siècle, prove-
nant du milieu d’Eugippe.165 Mais de tels marginalia ont aussi été ajoutés à d’autres
manuscrits à Würzburg au 9ème siècle.166 En tout cas, ils ne trouvent nul écho dans le
reste de la tradition de l’Inchoata expositio, ce qui suggère déjà ce que la critique
textuelle va confirmer : qu’aucun manuscrit subsistant ne descend de O.
E Erlangen, Universitätsbibliothek 77
H. FISCHER, Katalog der Handschriften der Universitätsbibliothek Erlangen – I.
Band : Die Lateinischen Pergamenthandschriften, Erlangen 1928.
||
165 Voir GORMAN, Marginalia. Eugippe n’a pas utilisé l’Inchoata expositio dans ses Excerpta
d’Augustin (voir supra, 1.9). Pour les titres dans la tradition médiévale des œuvres d’Augustin, voir
DOLBEAU, Un demi-siècle, 76s.
166 MAIRHOFER, 24 ; 436.
34 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Minuscule gothique, écrit d’une seule main. On y lit au folio 127r : iste liber
scriptus est iubente domino Hainrico abbate domus huius in Haylsprunne id est Fontis
Salutis anno domini m.ccc.decimo, puis sur une page finale, collée à la 3ème de cou-
verture, istum librum scribi feci167 dominus H. abbas. halsprunensis anno domini
m.ccc.x. regnante H. rege romanorum168 sibi dilectissimo. Le manuscrit fut donc copié
en 1310, au monastère cistercien de Heilsbronn. Hainricus abbas, c’est Heinrich von
Hirschlach, abbé de Heilsbronn de 1282 à 1302, puis de 1306 à 1317, sous lequel la
bibliothèque connut un grand essor. Les protestants mirent fin à la vie monastique à
Heilsbronn en 1578, et ses livres devinrent la propriété de la Fürstenschule ouverte
dans les bâtiments de l’abbaye. Celle-ci ferma en 1736, et la bibliothèque appartint
désormais aux Margraves Karl Wilhelm Friedrich d’Ansbach (1712–1757) et Friedrich
III de Bayreuth (1711–1763). Ce dernier fonda l’université d’Erlangen en 1742, et y fit
don de ses livres de Heilsbronn en 1748. En 1769, la lignée des margraves de Bay-
reuth prit fin, et Karl Alexander (1729–1806), margrave d’Ansbach depuis 1757, de-
vint margrave d’Ansbach-Bayreuth. Il fera don à l’Université de toute sa biblio-
thèque à son abdication en 1791, mais les livres de Heilsbronn sont à Erlangen dès
1770.
E contient la traduction latine par Mutianus des sermons de Jean Chrysostome
sur Hebr.,169 puis l’Inchoata expositio (128r–137r). Ce contenu est particulier : E est le
seul manuscrit comportant notre texte qui ne soit pas au moins en partie un recueil
augustinien, et le seul où figurent ces sermons de Chrysostome. De fait, puisque le
folio 127 est la fin d’un cahier et comporte le colophon que nous venons de citer,170
l’Inchoata expositio ne devait pas faire partie du plan original pour ce livre. Mais le
texte est écrit de la même main que Chrysostome et la mise en page est rigoureuse-
ment la même. Il semble donc que l’Inchoata expositio a elle aussi été copiée en
1310, et que l’on a décidé de l’ajouter à Chrysostome avant la reliure du livre.171 Par
contre, il est improbable que l’exemplaire de E pour Chrysostome ait contenu aussi
l’Inchoata expositio : celle-ci aurait plutôt été extraite d’un recueil augustinien que
le copiste de E avait à sa disposition.
Dans notre texte, le premier scribe a fait quelques corrections, i.e. E (pc.), mais
on y lit surtout très clairement les corrections d’une deuxième main (E2). Celles-ci
||
167 fecit avant correction.
168 Il s’agit d’Henri VII.
169 Voir EAC s.v. Muzianus.
170 Avant la partie citée plus haut, avec une ligne blanche séparant les deux notices, on y lit expli-
cit commentarium Iohannis episcopi Constantinopolitani in epistolam Pauli apostoli ad Hebreos ex
notis editum post eius obitum a Constanto presbitero Antyoceno. Translatum de graeco in latinum a
Mutiano scolastico. Ce texte n’est pas suivi d’un incipit pour l’Inchoata expositio, et tout 127v est
vide.
171 Il faudrait cependant examiner à quel point d’autres livres écrits à la même époque à Heils-
bronn pourraient avoir un format identique.
Introduction | 35
Sous-famille d
Cette sous-famille se divise en deux branches, S U et T V, comportant, comme on l’a
dit, chacune un manuscrit du 12ème siècle et un manuscrit de la Renaissance.
Sous-famille d, branche S U
S Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, San Marco 637
[Il n’existe pas de catalogue imprimé complet des manuscrits de San Marco à la
Laurenziana].172
s. 12,173 minuscule pré-gothique, écrit et corrigé de plusieurs mains. S fait partie
d’un groupe de manuscrits augustiniens médiévaux écrits dans le centre-nord de
l’Italie, et rassemblés par Niccolò Niccoli.174 S a été annoté par Tommaso Parentucel-
li, le futur pape Nicolas V, sans doute lors du Concile de Florence (1439–1442), où il
était présent comme assistant du cardinal Niccolò Albergati.175 À la mort de Niccoli
en 1437, celui-ci laisse à ses fidéicommissaires le soin de disposer de sa biblio-
thèque. En 1444, les manuscrits de Niccoli entrent au couvent dominicain de San
Marco à Florence, dans la bibliothèque que Cosimo des Médicis, le plus illustre de
ces fidéicomissaires, avait fait construire à cette fin.176 S figure dans le catalogue de
San Marco rédigé en 1499 ou 1500, sous le numéro 250, où l’Inchoata expositio, avec
in Gal., est indiqué par Augustinus super epistolas Pauli ad Romanos et Galatas.177
Les dominicains dressèrent ensuite en 1769 un catalogue de leurs manuscrits (= MS
San Marco 945), où les manuscrits 1–861 prirent leurs cotes actuelles. On y lit un o à
côté de la notice de S, ce qui indique que le manuscrit entra à la Laurenziana en
1809, suite à la sécularisation de San Marco en 1808.178
Le manuscrit contient des opuscules augustiniens, divisés en six sections.179
L’Inchoata expositio se trouve dans la 5ème section, aux folios 103r–110r. Il est précé-
dé de in Gal., et suivi de divers. quaest. et de Mend., qui termine la section. Il s’agit
donc des 4 dernières œuvres de retract. 1, dans l’ordre du texte.
||
172 Voir cependant pour les manuscrits de la Laurentienne, les précieuses indications bibliogra-
phiques sur le site Plutei online de la bibliothèque.
173 Cf. ULLMAN – STADTER, The Public Library, 68, 154 ; M. L. TANGANELLI et A. MANFREDI dans COPPI-
NI – REGOLIOSI, Gli umanisti, 159–161 (notice détaillée sur S) ; MANFREDI, S. Agostino, 51s.
174 MANFREDI, S. Agostino, 44s.52s.
175 Ibid. 59s.
176 ULLMAN – STADTER, The Public Library, 8–15.
177 Commentaire et édition de ce catalogue, ibid. 107–267.
178 Ibid. 52s. Pour la date de 1809, voir le site de la Laurenziana.
179 Voir MANFREDI, S. Agostino, 52.
36 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
180 STORNAJOLO, Codices urbinates graeci, xv ; MANFREDI, S. Agostino, 54.
181 GARZELLI, I miniatori, 114s.127.
182 Ibid. xvi–xvii.
183 TOCCI, Agapito, 245–254.
184 STORNAJOLO, Codices urbinates graeci, lxv.
185 STORNAJOLO, ibid. xxxiv–xliv.
186 MANFREDI, S. Agostino, 54–56.
187 Voir la liste infra, 2.2.2, p. 73.
Introduction | 37
prouver que U a puisé l’Inchoata expositio dans S. Nous avons donc postulé un
hyparchétype commun pour les deux manuscrits.
Sous-famille d, branche T V
T Troyes, Bibliothèque Municipale 40/2
[A.] HARMAND, Catalogue général des bibliothèques publiques des départements,
tome second, Paris 1855.
A. VERNET – J.-P. BOUHOT – J.-F. GENEST, La bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du
XIIème au XVIIème siècle, II : Les manuscrits conservés – Première partie : Manuscrits
bibliques, patristiques et théologiques, Paris 1997 (T = F79).
s. 12, minuscule pré-gothique. La cote Troyes 40 regroupe onze188 manuscrits de
Clairvaux du 12ème siècle, contenant exclusivement des œuvres d’Augustin. Parmi
ces volumes, il faut extraire 40/4 + 40/5 (in psalm.), 40/7 (c. Iulian. op. imperf.) et
40/8 (lettres), qui ne faisaient pas partie de la série originale des opuscula (vide
infra).189 Par contre, il faut ajouter un manuscrit aujourd’hui perdu, mais qui figure
dans le fragment de catalogue des livres de l’abbaye de la fin du 12ème siècle (no. 10,
De peccatorum meritis et remissione et alii libri ejusdem in uno volumine),190 puis
dans le catalogue que fit dresser Pierre de Virey, abbé de Clairvaux de 1471 à 1496,
en 1472, sous la cote F82.191
Les biens de l’abbaye de Clairvaux ayant été confisqués à la Révolution, T et les
autres volumes de Troyes 40 sont transférés en 1795, avec la grande majorité des
manuscrits de Clairvaux, à la municipalité de Troyes.192
Le corpus dont les restes subsistent dans Troyes 40 est bien décrit par le titre
que lui donne Pierre de Virey, Opusculorum sancti Augustini.193 Il s’agit d’une tenta-
tive, la première dont les fruits aient survécu, de réunir toutes les œuvres mineures
d’Augustin. La série débute en 40/1 avec retract., puis, sur les 6 premiers volumes,
les opuscules se suivent rigoureusement dans l’ordre194 où ils figurent dans retract.
D’ailleurs, à partir de 40/2, la retractatio pour chaque texte figure devant le texte en
question.195 Font defaut, hormis les œuvres perdues, certains textes qui devaient être
introuvables (psalm. c. Don. ; c. Secundin. ; coll. c. Don. + collatio ; gest. Pelag. ; c.
||
188 La cote 40/4 englobe deux manuscrits : voir la notice F86–F88 dans VERNET – BOUHOT – GENEST.
189 DE GHELLINCK, Une édition, 65–71.
190 VERNET – GENEST, La bibliothèque, 4–16.349–356.
191 Ibid. 27–34, 131s. ; VERNET – BOUHOT – GENEST, 384S.
192 VERNET – GENEST, La bibliothèque, 60–62.
193 VERNET – GENEST, La bibliothèque, 130–132.
194 Une seule exception : l’ordre ord., beat. vit. dans 40,1 inverse celui de retract.
195 Sauf quelques exceptions, dont on trouvera les détails dans VERNET – BOUHOT – GENEST, 380–
386, et que l’on n’explique pas facilement.
38 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
196 Deux œuvres sont intercalées : bon. viduit. (après virg. dans 40,3) et epist. 172 (epist. 105 chez
VERNET – BOUHOT – GENEST est à corriger) dans F82 après epist. 166 et 167, auxquels il répond.
197 VERNET – GENEST, La bibliothèque, 14s.
198 Sauf autre indication, les cotes sont celles de la Bibliothèque Municipale de Troyes.
199 La bibliothèque, 350.
200 Ibid. 131. epistole a été ajouté par un correcteur avant la fin du 16ème siècle.
Introduction | 39
T contient, dans l’ordre de retract., toutes les œuvres de de serm. dom. à nat.
bon., hormis psalm. c. Don., c. Faust., conf., et les deux œuvres perdues, Contra
epistolam Donati haeretici et Contra partem Donati. L’Inchoata expositio se trouve
aux folios 69v–76r.
Même dans le contexte du renouveau intellectuel du 12ème siècle, et des
triomphes du mouvement cistercien sous Bernard, la compilation augustinienne de
Clairvaux représente un succès extraordinaire. On voudrait bien savoir à quelles
sources ont puisé ses compilateurs. Pour le moment, on notera que le corpus de
Troyes 40 existait dans une forme moins complète à Pontigny,201 mais il faudrait
disposer d’éditions critiques de tous les textes du corpus pour établir en détail les
sources de ces deux collections, et la relation entre elles. Voici ce qu’apporte
l’Inchoata expositio à la question : le texte de T présente une version du texte Λ,
remanié avec hardiesse et intelligence pour pallier aux fautes dont il a hérité (voir
détails plus bas, 2.2.4, p. 78). Ce remaniement semble être dû exclusivement à la
conjecture, et non pas à la collation d’autres manuscrits.202 Il est tentant d’associer
un tel travail vigoureux de scribe-éditeur au mouvement intellectuel qui conduisit à
la création du corpus. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas T lui-même qui est la source de
ce texte remanié. En effet, V présente ce même texte, tout en étant le jumeau, et non
pas la copie, de T. C’est donc dans l’ancêtre commun de T V qu’il faut chercher
l’origine du texte.
||
201 Voir en dernier lieu PEYRAFORT-HUIN, La bibliothèque, 79s. (analyse et bibliographie), 247s.
(notices du catalogue). Le corpus de Pontigny est moins complet seulement après la fin de la sé-
quence de retract. Pour cette séquence, les deux corpora ont les mêmes textes dans le même ordre,
sauf que celui de Pontigny inclut mus., n’inverse pas ord. et beat. vit. (voir n. 194 supra), et n’inclut
pas gen. ad litt., qui semble d’ailleurs mal placé dans le corpus de Clairvaux, étant bien trop long
pour un opuscule. Pour les textes après retract., BOUHOT, L’homéliaire, 124, fait remarquer que la
séquence de Troyes 40/9s. se retrouve dans Troyes 70, manuscrit du 13ème siècle de Saint-Marien
d’Auxerre. Mais nous ne voyons pas comment il conclut que ce manuscrit « atteste l’existence d’un
témoin intermédiaire entre les manuscrits de Pontigny et ceux de Clairvaux ». Comparer aussi avec
la collection de Pontigny-Clairvaux le manuscrit Charleville, Bibliothèque Municipale 202, s. 12. Il
s’agit d’une collection, en 18 volumes, d’œuvres augustiniennes, provenant de l’abbaye cistercienne
de Signy. Mais elle contient surtout sermons, lettres et les œuvres plus longues, et ne suit pas l’ordre
de retract.
202 Comparer le texte de in Gal. dans T, qui propose un nombre de variae lectiones au-dessus de la
ligne. À ceux enregistrés dans CSEL 84 (pp. 69, l. 22 ; 77,11 ; 80,23 ; 86,18 ; 90,7) ajouter, toujours
avec la pagination de CSEL, 71,7 quia] vel quam ; 77,4 imponuntur] vel exponuntur ; 86,12/13 dispo-
situm angelo per manum mediatoris] dispositum per angelos in manu mediatoris. On ne trouve pas
de telles variantes dans T pour l’Inchoata expositio.
40 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
203 S. Agostino, 56.
204 S. Agostino, 56.59s. ; La biblioteca personale, 675s.
205 « Non andò mai fuora d’Italia in quelle legationi col suo cardinale, ch’egli non portassi qualche
opera nova che non era in Italia » (VESPASIANO DA BISTICCI, Le vite, t. 1, éd. A. GRECO, Firenze 1970,
46).
206 Pour l’arrière-plan de ces trois hypothèses, voir MANFREDI, La biblioteca personale, 652–654.
207 VESPASIANO DA BISTICCI, Le vite (n. 205 supra), 45.
208 Cf. MANFREDI, La biblioteca personale, 687 ; S. Agostino, 47–49.
209 MANFREDI, I codici, xliv–504.
210 I codici, 78 ; La biblioteca personale, 676.
211 MANFREDI, S. Agostino, 57. L’inventaire de 1475 a été publié par MÜNTZ – FABRE, La bibliothèque,
177–180. L’inventaire de 1481 reste inédit (voir BIGNAMI ODIER, La bibliothèque, 23).
Introduction | 41
suivi de c. acad. à mor. Ensuite, V a un ordre à lui, et intercale plusieurs œuvres qui
figurent dans retract. 2 : catech. rud. ; epist. 140 ; nat. bon. ; c. adv. leg. ; c. mend.
Dans cette séquence, l’Inchoata expositio est aux folios 204v–209r. quaest. Simpl.
termine la séquence, après quoi viennent encore 25 opuscules (dont un pseudépi-
graphe),212 sans que l’on y trouve de principe unifiant de sélection ou d’ordre.213
Cependant tous les textes qui figurent dans retract. sont encore précédés de leur
retractatio.
Dans la mesure où il s’agit d’un recueil construit à partir de retract., on peut as-
socier V au « canon bibliographique » de Parentucelli. Ce document est une liste des
livres latins214 que devrait contenir une bibliothèque idéale. Il fut rédigé par Paren-
tucelli lors du Concile de Florence pour Cosimo des Médicis, pour le guider dans la
formation des bibliothèques de San Marco et de la Badia Fiesolana.215 Selon Vespa-
siano da Bisticci, il a aussi servi à Federico di Montefeltro dans la création de la
bibliothèque d’Urbino. Le canon a donc pu influencer la création de U et F. Mais
évidemment ce document indique aussi comment Parentucelli voulait former sa
propre bibliothèque.
Une grande partie du canon est consacrée à la patristique,216 et Parentucelli s’y
donne souvent le mal de citer autant que possible non seulement les auteurs, mais
les titres de leurs œuvres.217 Pour Augustin, le canon rend donc explicite le type de
travail auquel ont dû se livrer les moines de Clairvaux dans la création de T. La liste
des œuvres augustiniennes est divisée en deux parties. La première est introduite
par Scripsit autem Sanctus Augustinus infrascripta de quibus in Retractationibus fit
mentio, puis viennent tous les titres de retract., dans l’ordre du texte,218 plus une
notice pour retract. lui-même (Augustinus in suis libris Retractationum). Ensuite
||
212 De Unitate Trinitatis, de Vigile de Thapse.
213 Cependant, la séquence bon. coniug. ; virg. ; bon. viduit. (que l’on retrouve dans le corpus de
Troyes 40, et sans doute ailleurs) est logique en soi.
214 Le canon témoigne d’un grand intérêt pour les traductions latines de textes grecs, mais
n’envisage nullement la collection de manuscrits grecs.
215 Pour l’origine du canon, voir BLASIO – LELJ – ROSELLI, Un contributo, 125–131. Pour le texte
même : 132–155.
216 Dans un projet que l’on qualifie un peu facilement d’« humaniste », une section à peu près
égale est pourtant consacrée à Aristote et aux auteurs scolastiques. La littérature classique vient en
dernier, et n’occupe qu’une part minime du canon.
217 Il ne faut pas cependant exagérer l’étendue de son travail. Ainsi, il ne semble pas avoir utilisé le
De viris illustribus de Jérôme ou sa continuation par Gennade.
218 L’œuvre perdue Contra partem Donati (retract. 2,5) n’est pas à sa place entre 40,29 et 40,30
(numérotation de BLASIO – LELJ – ROSELLI, Un contributo). On retrouve son titre à 40,19, où devait
figurer le Psalmus contra partem Donati (retract. 1,20). Noter aussi l’erreur curieuse : « Contra Iulia-
num Cesarem apostatam, libri VI » (40,86), à contraster avec « Contra VIII libros Iuliani pelagia-
niste » (40,94). Ces erreurs ne viennent pas forcément de Parentucelli, puisque notre texte du canon
provient d’une copie écrite après sa mort.
42 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
vient la deuxième partie, introduite par Post haec nonnulla edidit que secuntur. Il y a
des parallèles évidents entre un tel catalogue et le contenu et l’organisation de V, et
il est d’autant plus probable que V fut écrit sous les ordres de Parentucelli.
On pourrait plus facilement affirmer que V fut écrit à Florence, s’il avait été co-
pié en partie sur S, qui, on l’a vu, fut annoté par Parentucelli dans cette ville. En fait,
les deux manuscrits ont 8 œuvres en commun, et une parenté a été affirmée pour
gen. ad litt. imperf. Manfredi indique donc la possibilité d’une dépendance directe
de V sur S.219 Quoi qu’il en soit pour d’autres œuvres, ce n’est certainement pas le
cas pour l’Inchoata expositio, où les deux types de texte T V et S U se distinguent
très clairement.
On est donc plutôt porté à s’interroger sur les relations entre V et T. Les deux
manuscrits sont structurés sur retract. (partiellement pour V), et tous les textes de T
se retrouvent dans V, sauf doctr. christ. et c. Fel. Nous avons déjà vu que, pour
l’Inchoata expositio, T et V sont jumeaux, c’est-à-dire qu’ils descendent du même
hyparchétype. Or, leurs textes se ressemblent tant que l’on peine à croire à
l’existence de nombreuses étapes intermédiaires, d’un côté ou de l’autre. Dès lors, il
est tentant de supposer que Beeckhusen et Parentucelli ont eu accès, en France ou à
Florence, à l’exemplaire même de T.
Mais la prudence s’impose, pour plusieurs raisons :
Si les textes de l’exemplaire de T se présentaient déjà dans l’ordre de re-
tract., on voit mal pourquoi V aurait bousculé cet ordre. En fait, nous ne sa-
vons pas si cet exemplaire avait cet ordre, et, pis encore, nous ne savons
pas si T avait un seul exemplaire.220
Si, encore une fois, l’exemplaire de T portait déjà ses textes dans l’ordre de
retract., la présence d’un tel manuscrit à Florence lors du Concile aurait
sans doute eu un retentissement, puisqu’il correspondait justement au pro-
jet exprimé par le canon de Parentucelli.
Si l’on suppose que T a eu un exemplaire unique, et qu’il partage cet exem-
plaire avec V, on s’attend à ce que tous les textes partagés entre T et V des-
cendent de cet exemplaire. Nous ne pouvons aborder cette question que
pour ceux d’entre ces textes pour lesquels les éditeurs ont utilisé T et V.
Divjak (CSEL 84) a bien vu le lien étroit entre T et V pour l’Inchoata exposi-
tio, mais pour in Gal. et in Rom., il place T et V dans des familles diffé-
rentes. Pour divers. quaest., Mutzenbecher (CCSL 44A) affirme une parenté
entre T et V, mais son apparat montre bien qu’il ne s’agit plus de jumeaux.
||
219 S. Agostino, 56–61.
220 La partie pertinente du corpus de Pontigny pourrait être l’exemplaire de T. Mais c’est seule-
ment sur place que V aurait pu être copié sur ce corpus, puisque celui-ci resta à Pontigny jusqu’à la
Révolution (voir catalogue I de PEYRAFORT-HUIN, La bibliothèque, avec ses concordances).
Introduction | 43
Pour quaest. Simpl., Mutzenbecher (CCSL 44)221 place T et V dans des fa-
milles différentes. Pour les autres textes partagés, les informations font dé-
faut.
2.1.2 Famille
La famille n’est pas attestée avant le 11ème siècle,222 mais rien ne permet d’affirmer
que son archétype soit plus récent que celui de Λ. On situera volontiers cet arché-
type en Allemagne, d’où viennent ses descendants proches du 12ème siècle (K Z P W).
On peut aussi reconstruire en partie le contenu de : la famille comporte trois
branches, κ, C V1 et γ. Si une œuvre figure au sommet de plusieurs de ces branches,
elle devait être dans . C’est le cas, évidemment, pour l’Inchoata expositio, mais
aussi pour psalm. c. Don. (dans K et γ sauf R), quaest. Simpl. (dans K Z P W A Prag),
quaest. Dulc. (dans K P W Prag) et le Hypomnesticon pseudonyme (CPL 381 ; dans K
P W Prag). Pour l’Inchoata expositio, est aussi caractérisé par un titre inventé mais
bien trouvé : In salutatione epistole ad Romanos disputatio (K) ; in salutationem epis-
tulae Pauli ad Romanos (P).
Sous-famille κ
Cette sous-famille se divise en deux branches, K Z et c. K Z, deux manuscrits con-
temporains de provenance germanique, présentent un bon texte, ce qui rend moins
évident leur relation de famille. Par contre, c, qui est composé de 4 manuscrits ita-
||
221 MUTZENBECHER, CSEL 44, xxxiv, ne rapporte pas ses « Stichproben » pour V, et ne fournit donc
pas de moyen pour contrôler ses affirmations.
222 De fait, les plus anciens manuscrits de sont du 12ème siècle, mais, parmi les manuscrits per-
dus, celui de Pomposa pouvait appartenir à , et celui de Schaffhausen lui appartenait certaine-
ment. Or, ces deux manuscrits figurent dans des catalogues de la fin du 11ème siècle (voir infra, 2.1.4).
44 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Sous-famille κ, branche K Z
K Köln, Erzbischöfliche Dom- und Diözesanbibliothek 77
Codices Electronici Ecclesiae Coloniensis (http://www.ceec.uni-koeln.de/)224
s. 123/4, minuscule pré-gothique, allemand, écrit d’une seule main, lieu
d’écriture inconnu. Au folio 1r, on lit, écrit d’une seule main : Iste liber est facultatis
arcium coloniensis; Symon de Outdorp, Notarius et studii coloniensis Bedellus. Ce
Simon fut bedeau de l’Université de Cologne de 1400 à 1426.225 Si le manuscrit n’est
pas originalement de Cologne, il est donc arrivé dans la ville au plus tard entre ces
dates.226 La note de Simon dans K est curieuse : nous n’avons pas trouvé d’autres
indications de livres qu’il aurait ainsi marqués,227 et le bedeau n’était pas respon-
sable des livres d’une université. On suppose alors que Simon aurait écrit la note
lors d’un prêt isolé du livre, dans l’espoir d’assurer son retour. S’agissait-il d’un prêt
à une personne rattachée à la cathédrale ? Rien ne permet de l’affirmer, puisque l’on
ignore à quelle date K est entré dans la Dombibliothek. Mais il y était déjà en 1752,
où il figure sous sa cote actuelle dans le catalogue de J. Hartzheim (Catalogus histo-
||
223 Qu’on voie la remarque de SHANZER, compte-rendu : « The issue is not intervening time, but the
quality of the first copyings ». Nous savons du reste que l’archétype de c fut écrit en minuscule (voir
infra, 2.2.4, p. 78), et selon Divjak (CSEL 84, xxiii), pour in Rom. et in Gal., beaucoup de fautes de c
sont déjà dans Vat. Lat. 491, écrit au 8ème siècle d’une main insulaire en Italie du nord.
224 Le catalogue en-ligne rassemble et complète les informations des catalogues antérieurs, no-
tamment : P. JAFFE – W. WATTENBACH, Ecclesiae Metropolitanae Coloniensis codices manuscripti,
Berlin 1874 ; G. GATTERMANN (éd.), Handschriftencensus Rheinland : Erfassung mittelalterlicher
Handschriften im rheinischen Landesteil von Nordrhein-Westfalen, Wiesbaden 1993 ; D. W. ANDER-
SON – J. BLACK, The Medieval Manuscripts of the Cologne Cathedral Library. Vol I, Ms. 1–100, Colle-
geville MN 1995 (inédit, revu en 1997 pour son incorporation dans le site).
225 KEUSSEN, Die alte Universität, 411. Pour plus d’informations sur ce personnage, qui quitta Co-
logne pour être le premier bedeau de l’Université de Louvain, voir ibid. 140 ; REUSENS, Documents,
317 (mais, sauf erreur de Keussen, Reusens se trompe en identifiant le Simon de Louvain avec le fils
de celui de Cologne). Voir aussi LAMBERTS – ROEGIERS, Leuven University, 32.
226 KEUSSEN, Die alte Universität, 411, indique que Simon fut bedeau de la faculté de droit dès 1396,
avant de le devenir pour toute l’université, mais n’indique pas à quelle date il a changé de poste. Il
doit s’agir de 1400, date de départ du bedeau précédent de l’université. La note de K est à situer
après que Simon soit devenu bedeau général.
227 PLOTZEK (Zur Geschichte, 41) n’indique aucun autre livre avec les mêmes marques que K dans la
Dombibliothek, et nous n’avons pas trouvé de mentions de Simon dans les catalogues des manus-
crits du Stadtarchiv de Cologne qui ont été publiés jusqu’ici.
Introduction | 45
Sous-famille κ, branche c
L1 Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, plut. XVI dext. VII
A. M. BANDINI, Catalogus codicum latinorum Bibliothecae Mediceae Laurentianae, t.
4, Firenze 1777.
s. 13, minuscule gothique, écriture rapide et très abrégée, apparemment d’une
seule main. Le manuscrit vient du couvent franciscain de Santa Croce, à Florence. Si
L1 fut écrit par les franciscains de Florence, on fixe son terminus post quem dans la
période 1218–1228, années de l’installation graduelle des Franciscains dans la
ville.230 Mais il semble en fait que la bibliothèque de Santa Croce n’a commencé à se
former que vers la fin du 13ème siècle, par des achats et des dons,231 à l’époque où
||
228 On a écrit une autre cote sur beaucoup des manuscrits de la Dombibliothek, dont K (178).
ANDERSON – BLACK (n. 224 supra) donnent une concordance pour ces cotes, mais n’indiquent rien sur
leur origine.
229 ZIEGLER, 240. Ce catalogue ne nous est pas accessible.
230 BUSIGNANI – BENCINI, Le chiese, 23s.
231 DAVIS, The early collection, 409s. Davis ne cite aucune indication de l’existence d’un scrip-
torium à Santa Croce à cette époque.
46 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
232 MANSELLI, Due biblioteche, 357s.
233 MAZZI, L’inventario, 101.
234 LENZUNI, Le vicende, 73s. 165 manuscrits furent ensuite restitués au couvent.
235 Magni Etruriae Ducis.
236 L’étiquette est imprimée sauf les mots Pluteus XVI. dextr. Cod. 7, écrits a la main.
237 F. GALLORI dans COPPINI – REGOLIOSI, Gli umanisti, 213s.
238 LEVI D’ANCONA, Miniature, 254s.
239 RAO, L’inventario, xxiii–xxiv, et sa concordance des inventaires (72).
Introduction | 47
nos I.240 L2 a donc suivi les vicissitudes de la bibliothèque privée des Médicis : restée
à Florence jusqu’en 1508, elle est ensuite amenée à Rome par Giovanni, puis rappor-
tée à Florence en 1523 par Giulio des Médicis (le pape Clément VII), qui inaugure la
construction de la Bibliothèque Laurentienne.241
L2 contient exclusivement des œuvres augustiniennes, la séquence étant : doctr.
christ. ; vera relig. ; nat. bon. ; util. cred. ; epist. 140 ; l’Inchoata expositio (151r–
163r) ; in Rom. ; in Gal. ; in epist. Ioh. ; cur. mort., et le De incarnatione verbi pseu-
dépigraphe (PL 42, 1175–1194). L2 partage donc avec L1 notre texte, puis in Rom., in
Gal. et in epist. Ioh. D’ailleurs, Divjak avait placé L1 et L2 (avec F M) dans la même
famille c non seulement pour l’Inchoata expositio, mais aussi pour in Rom. et in Gal.
Seulement, il n’a pas vu que, du moins pour l’Inchoata expositio, L2 est une copie
directe de L1 (voir infra, 2.2.1, pp. 68–70). Il est donc probable que le scribe œuvrant
pour Lorenzo des Médicis avait copié sur L1 à Santa Croce les quatre commentaires
sur les épîtres.
La beauté luxueuse de L2 est à contraster avec la piètre qualité de son texte, du
moins pour l’Inchoata expositio, où il ne fait que reproduire, sans grand soin, un
exemplaire tardif et mauvais. Surtout qu’il y avait à Florence un texte bien meilleur
et plus ancien de l’Inchoata expositio, celui de S à San Marco. Mais il n’était pas
facile de réaliser à la fois tous les idéaux de la Renaissance.
||
240 RAO, L’inventario, 18.
241 RAO, L’inventario, xxvi. La bibliothèque n’ouvrira ses portes qu’en 1571.
242 Vide supra sur V, pp. 41s. Le canon est à comparer avec la description du contenu de la biblio-
thèque donnée par VESPASIANO DA BISTICCI, Le vite (n. 205 supra), 184–189.
243 Pour ces faits, voir VESPASIANO DA BISTICCI, Le vite (n. 205 supra), 183–189 ; DE LA MARE, New
research, 441s.
48 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
244 Pour ces caractéristiques, voir ibid. 442s. ; PIETRAGALLA, dans COPPINI – REGOLIOSI, Gli umanisti,
171–173.
245 DE LA MARE, New research, 442, et n. 163.
246 DE LA MARE, New research, 506.
247 VITI, La badia, 101s.
248 Nous ne sommes pas convaincu par l’analyse de la structure proposée par PIETRAGALLA (n. 244
supra), 173.
249 Cf. CPL 1106.
250 Cf. CPL 386.
251 VESPASIANO DA BISTICCI, Le vite (n. 205 supra), 189.
252 M est sous le numéro (III).45 dans ce catalogue.
Introduction | 49
M fut donc écrit, au moins en partie,253 en 1471, sans que l’on sache si ce fut le der-
nier volume à être achevé. Le scribe n’est pas autrement connu ; son colophon in-
dique que c’était un prêtre de Colle di Val d’Elsa, au nord-ouest de Sienne.
Pour la formation de la collection augustinienne de Bessarion, Vespasiano da
Bisticci entre encore une fois en scène. Dans une lettre du 22 mai 1472 à Lorenzo des
Médicis, Bessarion explique qu’il avait commandé à Vespasiano une collection
complète des œuvres d’Augustin, dont neuf volumes étaient déjà copiés « forniti de
minii, de ligatura et di ognichosa »,254 et dont un dixième était en préparation « a far
che niuna opra li manchi ». Bessarion mourut le 18 novembre 1472, et le 22 du mois,
Vespasiano écrivait à Lorenzo, pour lui indiquer qu’après trois ans et demi de tra-
vail, les dix volumes étaient désormais finis, et lui recommander de les garder pour
lui.255 Ces volumes devaient en effet aller à la République de Venise, à laquelle Bes-
sarion avait légué ses livres en 1468, où elles allaient former le noyau de la Marcia-
na.
Lorenzo n’a pas suivi le conseil peu louable de Vespasiano, et dans l’inventaire
de 1474 des livres de Bessarion légués à la République, M se retrouve sous la notice
Augustinus de agone christiano et aliis operibus.256
Nous avons dit que M appartenait à une collection de sept volumes, alors que
Bessarion et Vespasiano parlent de dix volumes. À la série des sept volumes copiés
par Francischus de Ugolinis, Labowsky257 ajoute donc les manuscrits 1795 + 1796 (in
psalm.) et 1690 (in euang. Ioh. et in epist. Ioh.) de la Marciana, sans malheureuse-
ment indiquer ce qui l’a conduite à croire que ces manuscrits appartiennent à la
série (in epist. Ioh. se retrouve dans M).
En tout cas, même avec ces trois volumes en plus, la collection de Bessarion ne
constitue pas une réussite à l’échelle de celle de Clairvaux.258 Vespasiano avait indi-
qué l’absence de civ.,259 sans doute omis à dessein comme trop long et nullement
rare. Mais, hormis les lacunes dans les lettres et sermons, dont il est peut-être im-
possible encore aujourd’hui de constituer une collection définitive, 28 œuvres de la
transmission médiévale font défaut.260 Par contre, certaines œuvres figurent deux
||
253 M continue pendant 28 folios après 226v.
254 Pour une description des miniatures de la collection, voir GASPARRINI LEPORACE, Biblia, 29.
255 Édition des deux lettres chez LABOWSKY, Bessarion’s Library, 137s. ; commentaire ibid. 38.
256 Ibid. 243 ; M réapparait dans les inventaires de 1524 (ibid. 276, no. 629) et 1543 (ibid. 304, no.
378).
257 Ibid. 38.
258 Vide supra sur T, p. 37–39.
259 Ibid. 138.
260 c. Adim. ; beat. vit. ; bon. viduit. ; coll. c. Don. ; un. eccl. ; contin. ; corrept. ; divers. quaest. ; c.
Emer. ; c. Fel. ; fid. et op. ; c. Gaud. ; gen. ad litt. imperf. ; grat. ; haer. ; adv. Iud. ; c. Iulian. op.
imperf. ; c. Petil. ; nat. et grat. ; op. monach. ; epist. 187 ; c. Priscill. ; psalm. c. Don. ; in Matth. ;
retract. (la retract. pour l’Inchoata expositio suit le texte, mais ce procédé n’est pas systématique) ;
50 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Sous-famille γ
Parmi les sous-familles des manuscrits de l’Inchoata expositio, γ est la mieux repré-
sentée, avec huit manuscrits. Tous datent soit du 12ème siècle (P W B1 A) soit du 15ème
(H G R Prag), et proviennent de deux aires géographiques assez restreintes : Bel-
gique – Pays-Bas – Allemagne du nord-ouest (B1 A H G R) ou sud-ouest de l’Alle-
magne, entre Stuttgart et le lac de Constance (P W et peut-être Prag). γ lui-même est
probablement à situer dans cette deuxième région, puisque P W sont parmi les plus
||
c. Secundin. ; spec. (remplacé par le pseudo-Speculum dans M ?) ; spir. et litt. ; symb. Certaines
œuvres sont aussi incomplètes : pour les détails, consulter les descriptions de HU 1/2.
261 in epist. Ioh. dans 1690 et M, comme on l’a vu ; c. Adim. dans 1800 et 2113 ; agon. deux fois
dans M ; des extraits de pecc. mer. dans 1798 et le texte entier dans 2113.
262 De fide ad Petrum de Fulgence de Ruspe (1798) ; Contra Felicianum Arianum (bis : 1799 et
1800 ; CPL 808) ; le De vita christiana attribué parfois à Pélage (M ; CPL 730) ; le Adversus V
Haereses (bis : M et 2113 ; CPL 410) ; De incarnatione verbi (M ; PL 42, 1175–94) ; De essentia divinita-
tis (M ; CPL 633, ep. 14) ; un Liber de oratione (M, pour ses sources voir HU 1/2) ; le De fide sanctae
Trinitatis d’Alcuin (M) ; De singularitate clericorum (M ; CPL 62) ; un livre De fide (M, pour ses
sources voir HU 1/2) ; De visitatione infirmorum (M, CPPM 3082) ; Liber exhortationis (M) ; le pseu-
do-Speculum (M) ; Confessio fidei d’Alcuin (M) ; De praedestinatione et gratia (1802 ; CPL 382) ; le
Dialogus de 65 questions entre Augustin et Orose (2113 ; CPL 373a) ; le Hypomnesticon (2113 ; CPL
381).
263 Son véritable auteur est Paulin d’Aquilée : édition à PL 99, 197–282.
264 Util. cred. figure aussi dans L2.
265 Ps.-Aug. serm. 21, son véritable auteur étant Césaire d’Arles (voir CPL 368).
Introduction | 51
||
266 Le manuscrit perdu de Schaffhausen, apparenté à P, était de la région de ces deux monastères,
s’il fut écrit à Schaffhausen (voir infra, 2.1.4).
267 Vol. 2 dans la série Katalog der illuminierten Handschriften der Württembergischen Landesbib-
liothek Stuttgart.
52 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
268 BORRIES-SCHULTEN, 6.
269 LÖFFLER, Die Handschriften des Klosters Zwiefalten, 12. La Landesbibliothek est dans un bâti-
ment moderne : celui de la bibliothèque royale fut détruit par les bombardements alliés de 1944.
270 Pour la liste des épîtres, vide infra sur Prag. La notice de BORRIES-SCHULTEN indique aussi, aux
folios 43r–49v, entre un. bapt. et psalm. c. Don., « Ps.-Leo I : Sermo 1 », ce que LÖFFLER, Die Hand-
schriften des Klosters Zwiefalten, 30, appelle « Leo, Tractatus adversus errores Eutychetis ». Il doit
s’agir du texte édité à PL 54, 477–487 (cf. CPL 1658).
271 Informations retrouvées par une recherche internet, mais qui proviennent de A. PODLAHA,
Series praepositorum etc. s. metropolitanae eccelsiae Pragensis, Prague 1912, 108, livre qui nous est
inaccessible.
272 PODLAHA, Soupis Rukopisů Knihovny, t. 2, 617.
Introduction | 53
P Prag
(1) serm. 46 serm. 46
(2) serm. 47 serm. 47
(3) un. bapt. un. bapt.
(4) psalm. c. Don. psalm. c. Don.
(5) in Rom. imperf. in Rom. imperf.
(6) quaest. Simpl. quaest. Simpl.
(7) quaest. Dulc. quaest. Dulc.
(8) Ps.-Aug. hypom. Ps.-Aug. hypom.
(9) epist. 93 (extr.) epist. 93 (extr.)
(10) epist. 185 (extr.) epist. 185 (extr.)
(11) epist. 141 (extr.) epist. 141 (extr.) 273
(12) epist. 153274 epist. 153
(13) epist. 149 epist. 149
(14) epist. 189 epist. 189
La partie datée de Prag contient ensuite des extraits de cinq épîtres augustiniennes
(185 ; 87 ; 105 ; 43 ; 51), puis la partie non datée contient un sermon apocryphe,
agon., le De bono disciplinae pseudonyme (CPL 1002) et Ps.-Aug. reg. (praeceptum
longius). Tout ceci ne peut venir de P. Mais les quatorze premiers éléments sont
identiques à ceux de P, et dans le même ordre.
Il ne peut s’agir d’une coïncidence. Trois explications sont possibles : (1) Prag
est une copie directe de P ; (2) Prag est une copie de P via un intermédiaire ; (3) P et
Prag sont deux descendants d’un même ancêtre.
Seule l’hypothèse (3) ferait de Prag un témoin indépendant pour l’Inchoata ex-
positio. Celle-ci est trop improbable pour exiger l’inclusion de Prag dans notre édi-
tion275 (surtout que nous disposons de sept autres manuscrits de la famille γ). Il est
certes impossible d’éliminer (2) et (3) sans avoir vu Prag, et même une collation
complète ne permettrait pas forcément de décider. Mais il faudrait pour ces deux cas
que l’on ait pris spontanément à deux occasions la décision de reproduire les
mêmes quatorze textes, dans le même ordre. Or quiconque fréquente les recueils
||
273 Dans la mesure où l’on peut reconstituer leur contenu à partir de HU, il semble que les extraits
de epist. 93, 185, 141 sont rigoureusement identiques dans P et Prag.
274 HU indique epist. 154, mais il doit y avoir erreur. Borries-Schulten indique epist. 153, et il s’agit
certainement de epist. 153 dans Prag, puisque Patera et Podlaha donnent l’incipit. Nous n’avons
malheureusement pas songé à régler cette question sur place pour P.
275 Du reste, nous avons tenté sans succès de communiquer avec la bibliothèque de Saint-Guy
pour obtenir une reproduction du manuscrit.
54 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
augustiniens sait à quel point il est rare que leur contenu se reproduise sur plus de
quatre ou cinq éléments.
Si Prag fut copié sur P, cela a dû se faire à Zwiefalten même, puisque P semble y
être resté jusqu’à 1803. Nous n’avons trouvé aucun autre lien entre Zwiefalten et
Herttemberger. Il est cependant lié à l’Allemagne : son nom indique une origine
germanique, de même que sa présence à l’Université de Leipzig, attestée de façon
intermittente de 1454 à 1476.276 Aurait-il acheté ou fait copier Prag lors d’un séjour en
Allemagne ? Toutefois, la mention de saint Guy dans le colophon semble rattacher
Prag plus directement à la cathédrale de Prague.
||
276 HONEMANN, Die Epistola, 63s. L’université de Leipzig fut fondée en 1409 par la « nation » ger-
manique en révolte contre l’Université de Prague.
277 Le changement de mains a lieu au folio 39r, avec le début de serm. 46. Sur le verso de la page
initiale de garde, une main du 11ème siècle a écrit le début d’une passio Petri et Pauli, tandis qu’une
main de s. 12fin. a ajouté un extrait de Rupert de Deutz à la fin du manuscrit (77v–78v). Pour les
détails, voir HAUSMANN et JAKOBI-MIRWALD – KÖLLNER, Die Illuminierten Handschriften, no. 32.
278 HAUSMANN et JAKOBI-MIRWALD – KÖLLNER, Die Illuminierten Handschriften, no. 32.
279 Ils ne sont plus cependant à leur emplacement original, mais dans un bâtiment moderne de la
Hochschule de Fulda.
280 LÖFFLER, Die Handschriften des Klosters Weingarten, 21–28.
Introduction | 55
||
281 La datation de s. 13 chez Van Den Gheyn est à corriger.
282 VERCAUTEREN, Un clerc liégeois, 58, signale la mention d’un Benedictus presbyter, mort le 24
septembre 1189, dans l’obituaire de Saint-Lambert de Liège, mais ajoute qu’il ne s’agit pas forcé-
ment du même homme.
283 Les fastes, 16.
284 Inconnue dans la mesure où elle n’est pas précisée par MUNBY, Phillipps Studies, t. 3, 22s., où
l’achat figure au chapitre 2, Abroad, 1822–1829.
56 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
285 Pour l’histoire complexe de l’impression de ces catalogues privés, voir MUNBY, The Phillipps
Manuscripts. Nous avons consulté l’exemplaire de la British Library, cote C.194.c.90. Dans celui
réimprimé par MUNBY (loc. cit.), la description du no. 4652 est identique.
286 MUNBY, Phillipps Studies, t. 5, 28–30.
Introduction | 57
||
287 poscit B1 (ac.)
288 8 tomes, 1890–1993.
289 Nous n’avons pu examiner ces gloses, qui méritent une étude, que jusqu’au folio 36r. Il semble
toujours s’agir de citations. Parmi les sources identifiées, Isidore est majoritaire, mais on trouve
aussi les Excerpta Festi de Paul Diacre (ou peut-être Nonius), Raban Maur, Augustin lui-même,
Julien de Tolède, et deux gloses qui figurent aussi dans le commentaire sur Paul imprimé à PL 117,
361–938 sous le nom d’Haymon de Halberstadt, mais qu’il faudrait plutôt attribuer à Haymon
d’Auxerre (voir supra, 1.9).
58 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
faire partie de la facture originelle du livre. Cependant son texte de l’Inchoata expo-
sitio n’est pas spécialement bon.
||
290 FINGERNAGEL, Die illuminierten, t. 1, 40.
291 ROSE, Verzeichniss, 1444.
292 ROSE, Verzeichniss, 1444.
293 MÜLLER, Das Bistum, 84s.
294 MÜLLER, Das Bistum, 56s.
295 MÜLLER, Das Bistum, 57 ; KRISTELLER – KRÄMER, Latin Manuscript Books, 622.
296 Selon ROSE, Verzeichniss. Les indications de FINGERNAGEL (Die illuminierten, t. 1, 40) sont
moins claires.
297 Une autre main a ajouté l’epist. 174 de Bernard de Clarivaux à la fin du volume.
Introduction | 59
||
298 Voir la description de G pour ses liens avec ces deux communautés.
299 Mise à jour de HINZ, Verzeichnis.
300 Johannes Lenwerts / Lennaerts, de Dülmen, près de Münster, prieur de 1465 à 1477 (KOHL,
Monasticon, t. 2, 69).
301 Il s’agit de l’enlumineur, selon le catalogue, mais nous avons cherché en vain un tel sens pour
formator (passe encore) ou sollicitator dans les lexiques médiévaux.
302 GRUBE, Des Augustinerpropstes, 489 ; MUHS, Libri Sancti Maynulfi, 248.
60 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
303 MUHS, Libri Sancti Maynulfi, 245.
304 Il reste un manuscrit à Münster (MUHS, Libri Sancti Maynulfi, 254, n.39). L’article de Muhs est à
lire en entier pour le sort pathétique de la bibliothèque de Böddeken après la sécularisation.
305 RICHTER, Handschriften-Verzeichnis, t. 2, 4.
306 HINZ, Die mittelalterlichen Handschriften, 77.
307 Ce même scribe a mis son nom à neuf autres manuscrits des chanoines réguliers (voir la de-
scription du manuscrit 40 sur le site de la Bibliothèque Universitaire d’Utrecht). Voir aussi KOHL,
Monasticon, t. 3, 430.
Introduction | 61
transférer les livres confisqués des maisons religieuses dans une bibliothèque pu-
blique, située dans le chœur de l’Église Saint-Jean. Celle-ci formera le noyau de la
bibliothèque universitaire, lors de la fondation de l’Université d’Utrecht en 1636.308
R est un recueil augustinien sans unité apparente. Il contient des épîtres (166 ;
167 ; 171 ; 147–48 ; 54–55 ; 102) et des opuscules authentiques (de serm. dom. ;
l’Inchoata expositio aux folios 49r–55v ; in Gal. ; de mend. ; c. mend. ; nat. bon. ;
div. daem.) et pseudépigraphes (le commentaire sur l’Apocalypse de Césaire
d’Arles [CPL 1016] ; De triplici habitaculo [CPL 1106]). On n’y reconnait plus du tout
la collection γ1.
Sous famille C V1
Trois manuscrits contiennent un extrait identique de l’Inchoata expositio, allant de
22,2 à la fin du texte, et présentant ainsi en bref la doctrine d’Augustin sur le blas-
phème contre l’Esprit Saint. C’est ce qu’indique la rubrique du texte dans C : Quaes-
tio de spiritu blasphemiae Augustini superius prolixa tractatur.309 Sed hac fine con-
cluditur sic.
||
308 Voir VAN DER HORST, Handschriften, 50s., supplémenté par les informations sur le site de la
bibliothèque. MEINSMA (Middeleeuwsche Bibliotheken, 267–275) énumère 129 manuscrits du monas-
tère qui sont aujourd’hui dans la bibliothèque universitaire, R étant le no. 21 dans sa liste.
309 tractatur est le texte que nous avons noté, mais INGUANEZ indique tractata.
310 LOEW, The Beneventan, t. 2, 74.
311 Texte dans MGH SS 34, 444–446. L’identification fut faite par l’éditeur, H. HOFFMANN.
312 Ces deux textes sont souvent attribués par les érudits à Quodvultdeus.
62 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Au folio 1r on lit emptum ex libris Cardinalis Sirleti, inscription qui se trouve sur 84
manuscrits de la Vaticane (36 grecs et 48 latins : Vat. Lat. 4917–4966), achetés par
Paul V au duc Angelo d’Altemps, la vente étant enregistrée à la Vaticane le 15 mai
1612. V1 figure au no. 18 dans le catalogue d’achat (Isidorus contra Iudeos 8.°).317
emptum ex libris Cardinalis Sirleti, parce que le duc d’ Altemps avait acheté le 6
août 1611 la bibliothèque du cardinal Ascanio Colonna, qui avait quant à lui acheté,
le 4 juin 1588, la bibliothèque du cardinal Guglielmo Sirleto (1514–1585), bibliophile
et érudit.318 Mais ce sont les bibliothécaires de la Vaticane qui ont placé l’attribution
||
313 MEERSSEMAN, Seneca maestro, 49.
314 LOEW, The Beneventan, t. 2, 149.
315 LOEW, The Beneventan, t. 2, 149.
316 Texte déjà imprimé par Faustino Arevalo dans son édition d’Isidore de Séville, et que l’on
trouve donc à PL 81, 806.
317 MERCATI, Codici latini, 106–111 ; 113–136 pour le catalogue.
318 RUSSO, La biblioteca, 226.
Introduction | 63
à Sirleto sur les manuscrits achetés au duc d’ Altemps, et tous ne viennent pas for-
cément de la bibliothèque de ce cardinal.319 Mais V1 en provient bel et bien, puisque,
dans Vat. Lat. 6163, le catalogue des livres de Sirleto dressé avant leur vente à Co-
lonna,320 il figure comme élément no. 497 : Isidori iunioris de Christo contra Iudeos. S.
Augustini de sp. blasfemia.
Contenu :
1r–107v : Isidore de Séville, De fide catholica contra Iudaeos.
108r–111r : Notre extrait de l’Inchoata expositio, avec le titre Quaestio de
spiritu blasphemiae. Augustinus.
111r : Le même extrait d’Augustin, serm. 71 que l’on trouve dans C, avec le
titre item unde supra. De inremissibile blasphemiae [sic] spiritus. Augustinus.
111v –113v : Augustin, epist. 54 (= ad inquisitionem Ianuarii ; extraits ; dé-
tails dans HU).
113v–115r : Augustin, sermo Dolbeau 29 (= De providentia Dei), cap. 8 et 10
= l’extrait dans le manuscrit 168L de Montecassino, où il suit aussi un ex-
trait de epist. 54, apparemment le même qu’ici.
115r–115v : extrait d’Augustin, doctr. christ. 3,42–45 (quisquis autem rebus
… improbandum quod facimus).
115v–116v : Ambroise, epist. 1,3 (CSEL 82), incomplet, s’arrête §5 (et inlece-
brosa rigidioribus).
117r–130v : pseudo-Sénèque, De copia verborum.321
L’extrait de l’Inchoata expositio figure donc parmi une petite collection d’extraits
augustiniens, tous visant à donner une réponse courte à des questions philoso-
phiques ou théologiques.
||
319 MERCATI, Codici latini, 111.
320 RUSSO, La biblioteca, 235–299, donne l’édition de ce catalogue.
321 Sur le contenu de ce texte, voir C. W. BARLOW (éd.), Martini Bracarensis opera omnia, New
Haven 1950, 209s.
64 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
propre bibliothèque.322 Ott est la copie de V, et son contenu est rigoureusement iden-
tique. L’extrait de l’Inchoata expositio se trouve 106v–110r.
Les Ottoboniani, on le sait, constituaient à l’origine la collection privée du pape
Alexandre VIII. Celle-ci incluait les manuscrits Altemps, qui semblent y être entrés
par un legs du duc Pietro, mort le 15 mars 1691.323 La Bibliothèque Vaticane acheta
les manuscrits Ottoboniani des héritiers d’Alexandre en 1748.
Ott est donc la copie de V1 et peut être entièrement laissé de côté pour l’édition cri-
tique de notre texte.324
||
322 MERCATI, Codici latini, 109s.
323 BIGNAMI ODIER, Premières recherches, 11s.
324 Nous avons vérifié Ott en partie. On y trouve les leçons typiques de V1 : perserveranti nequitia
(22,3) ; nam hic (22,4) ; om. et [recte factorum] (22,5) ; fidei miraculis (23,2).
325 KOHL, Monasticon, t. 1, 80.
326 DE BRUYNE, De la provenance, 108–121.
327 DE BRUYNE, De la provenance, 21 ; KOHL, Monasticon, t. 1, 75.
328 MARCHAL, Catalogue, cxcv/cxcvi.
329 KOHL, Monasticon, t. 1, 73.
330 Ibid.
Introduction | 65
sait pas la date d’entrée exacte de B, mais il porte les armes de Léopold II, ce qui
indique qu’il était déjà entré dans la Bibliothèque entre Décembre 1790, quand Léo-
pold rétablit l’autorité de l’empire sur Bruxelles, et la mort de l’empereur, le 1 mars
1792. B porte aussi l’estampille de la Bibliothèque Nationale de Paris, et fait donc
partie des livres de Bruxelles emportés à Paris par l’Armée Révolutionnaire en 1794,
et rendus par Louis XVIII en 1815/1816.331
On verra plus bas que B contient une texte créé à partir de collations détaillées,
qui correspondent au projet théologique et philologique des Frères de la Vie Com-
mune. Ce projet demandait en premier lieu que les communautés se fournissent de
l’essentiel des œuvres des Pères, et il y avait en effet à Corsendonk un quantité im-
pressionnante de recueils organisés des textes d’Augustin,332 copiés, pour ceux qui
sont datés, entre 1457 et 1466. Mettant à part le contenu de B, on trouvait les œuvres
majeures c. Faust.,333 civ.,334 in psalm. (en trois tomes, mais incomplet),335 trin.,336
conf.,337 puis une grande anthologie d’épîtres,338 deux collections de sermons,339 et
pas moins de 27 opuscules,340 répartis en six manuscrits, sans compter 12 apo-
cryphes.
B entre bien dans cette optique : c’est une collection des commentaires
d’Augustin sur le Nouveau Testament : il contient in euang. Ioh. ; in epist. Ioh. ;
l’Inchoata expositio (228r–234r) ; in Rom. ; in Gal.
||
331 MARCHAL, Catalogue, ccv.ccxv/ccxvi.
332 Dans ce qui suit, la numérotation est celle de DE BRUYNE, De la provenance, 110s.
333 no. 10 (=Bruxelles, BR 119–24 (1122), copié en 1466).
334 no. 12 (=Bruxelles, BR 291 (1148), copié en 1457).
335 no. 13 (ps. 1–34 = Bruxelles, BR 1274 (1077)) ; no. 14 (ps. 50–100 = Paris, Bibliothèque Mazarine
599), no. 15 (= Paris, Bibliothèque Mazarine 600). Le no. 13 date de s. 15, alors que 15 et 16 seraient
du s. 14, selon le catalogue de la Bibliothèque Mazarine. Datation à corriger ?
336 no. 19 (= Bruxelles, BR 149–50 (1095), s. 15).
337 no. 23 (= Bruxelles, BR 1949 (1045), s. 15).
338 no. 16 (= Bruxelles, BR 272–74 (1074), écrit en 1455).
339 no. 18 (= Bruxelles, BR 149–50 (1095), s. 15) et no. 20 (non identifié).
340 no. 10 : quaest. Simpl. ; lib. arb. ; cons. euang. ; praed. sanct. ; bon. coniug. no. 12 (= Paris,
Bibliothèque Mazarine 640, s. 15) : retract. ; bon. viduit. ; de mend. ; c. mend. ; c. Parm. ; corrept. ;
nat. et grat. ; haer. ; de duab. anim. ; c. acad. ; ord. no. 19 : enchir. ; virg. no. 20 : un. bapt. no. 21
(perdu, écrit en 1462) : fid. et symb. ; c. Fel. ; c. Fort. ; quaest. Dulc. ; corrept. no. 22 (non identifié,
écrit en 1459) : beat. vit. ; contin.
66 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
341 Nous laissons de côté les notices de catalogue du type Augustinus super Paulum ad Romanos,
puisqu’il est impossible de savoir si elles font référence à l’Inchoata expositio.
342 Voir infra, 2.4.1, p. 87.
343 Édité par MERCATI, Opera Minora I, 358–388.
344 Édité par MANFREDI, La biblioteca di Pomposa.
345 LEHMANN, Mittelalterliche Bibliothekskataloge, 294.
Introduction | 67
||
346 Catalogue imprimé dans BECKER, Catalogi, 269–272. Nous avons aussi consulté le manuscrit en-
ligne à www.manuscripta-mediaevalia.de.
347 Édité par R. H. ROUSE – M. A. ROUSE – R. A. B. MYNORS, London 1991.
348 Les données du Registrum furent reproduites et modifiée dans la seconde moitié du 14ème siècle
par Henri de Kirkstede, moine de Bury Saint Edmunds, dans son Catalogus de libris autenticis et
apocrifis (éd. R. H. ROUSE – M. A. ROUSE, London 2004). Henri élimine les notices pour Titchfield et
Romsey, et remplace (probablement par glissement d’un chiffre) Bury Saint Edmunds par l’abbaye
de Saint-Jean, Colchester. Ces informations ne sont pas fiables : voir l’édition des ROUSE, cxv–cxviii,
558s. L’inchoata expositio n’apparait pas autrement dans les 16 volumes jusqu’ici parus du Corpus
of British Medieval Library Catalogues. Au vol. 6, The Libraries of the Augustinian Canons (éd. T.
WEBBER – A. G. WATSON, London 1998), notre texte est signalé par les éditeurs (pp. 155s.) comme
présent dans un manuscrit décrit dans un catalogue de la fin de s. 15, des livres de Sainte Marie des
Près, Leicester. Mais le texte en question y est appelé seulement Augustinus super Epistolas [sic]
Pauli ad Romanos, et il peut donc très bien s’agir de in Rom. ou de la compilation de Bède ou de
Florus de Lyon (voir supra, 1.9).
68 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Λ Ξ
Claud
s. 9 κ
ΧΦ Germ O γ
s. 10 Ψ d γ1
γ2
s. 11 Δ C c
s. 12 Σ Θ T S V1 KZ P W B1 A
s. 13 L1
s. 14 E
s. 15 V U B F L2 M Prag H R
G
s. 17 Ott
En dernier lieu, c’est surtout l’apparat critique qui permettra d’évaluer ce stemma.
Mais pour rendre cette évaluation plus facile et plus complete, nous présentons
l’essentiel des étapes qui ont servi à sa construction.
L2 copie de L1
L1 et L2 partagent un nombre de fautes uniques : 5,1 terror] error L1 (ac.) L2 Am ; 10,10
evangelizatum] evangelizatus ; 13,1 quorundam] quaedam L1 (ac.) (?) L2 ; 13,4 impe-
tratura] impetratum ; 17,2 quicquid2] quiquidem ; 18,12 admonere] amonere ; 22,2
haec] hoc ; 23,11 intrabit in] intrabit ; 23,15 consequentem] connectere.350
L1 ne peut être une copie de L2 puisque L1 lui est antérieur d’un siècle. Donc soit
L2 est une copie de L1, soit les deux descendent d’un ancêtre commun.
||
349 Nous remercions très cordialement Maxine Anastasi d’avoir effectué les premiers dessins
électroniques du stemma, et Clemens Weidmann pour le dessin final.
350 Mais l’abréviation dans L1 est à peine déchiffrable.
Introduction | 69
S’il s’agit d’un ancêtre commun, L1 et L2 doivent chacun avoir des fautes ab-
sentes de l’autre.
L2 a en effet un grand nombre de fautes qui lui sont uniques : 2,5 graeca] gratia ;
5,4 ad1] ad ad ; 5,7 et si] si ; 5,11 qua] quam ; 7,2 om. quia2 ; 8,4 gratia] gratiam ;
commoneat] commoveat (cum G) ; 12,4 om. ergo ; ut et] et (et ut c) ; 13,3 personam]
primam ; 14,4 ad quaerentis] acquirentis ; sic peccare ut] sicut peccare ; 14,6 teneri]
temere ; 14,7 quid2] quod ; 14,8 adversus filium] adversus spiritum filium ; 15,13
quaestio] quaestiodo (sic) ; 15,16 claudenda] laudanda ; 16,3 qua] quam ; 17,1 tamen]
non ; 18,4 om. et faciens2 ; digna2] digne ; 18,6 ut hoc sit peccare in spiritum sanc-
tum] ut hoc sit peccare in spiritum sanctum quibus dicit nunquam posse dimitti
peccatum ut hoc sit pecccare in spiritum sanctum (errore oculi) ; 18,7 perceptum]
praeceptum ; 18,12 spiritales] spetiales ; spiritu] spiritum ; petractant] pertradunt ;
om. per ; 19,8 enim qui] qui enim ; 19,10 iacientes] iacentes ; deum] domini ; 19,11
dicenda] danda ; 20,4 qua2] quia ; 21,3 quaero] quere ; 21,3 admitti] amitti ; 21,5 il-
lam] illa ; 23,13 quis1] qui ; 23,13 modo] non ; mentis] menti.
Par contre, rares sont les fautes de L1 absentes de L2 : 5,15 ipsius iesu christi dei
nostri L1] ipsius domini nostri iesu christi L2 ; 10,5 tempore L1 M ] tempus L2 F ; 12,4
commemoratione c] commemorationem L2 ; 15,13 se vivunt L1 M, vivunt F] saeviunt
L2 (pc.) ; 15,14 putent L2 (ac.)] putant L1 F M (pc.) ; 18,4, 18,5 multa] om. c, multis L2.
Il doit s’agir là de corrections de scribe, puisque deux arguments soutiennent la
conclusion que L1 est la copie direct de L2. Premièrement, L1 était à Florence à
l’époque où L2 fut copié pour Lorenzo des Médicis (vide supra, pp. 45s.). En second
lieu, un nombre de fautes dans L2 s’expliquent par des graphismes de L1 :
4,9 appareret] apparent – L1 a écrit apparet avec le trait d’abréviation pour re au-
dessus du e. L2 a pris ce trait pour le signe du n.
9,5 confundantur] et fundantur – L1 a écrit con par le c inversum, que L2 a pris pour
un et tironien.
13,5 mulieris] multis – L1 a abrégé mulieris par ml’ris. Le trait horizontal du r est très
droit, et dépasse sur la gauche, si bien qu’il ressemble à un t, d’où multis.
14,3 quodlibet] quod licet L2 – L1 a abrégé quodlibet par q’l; – ce qui se comprenait
facilement comme quod licet.
15,16 misericordiae] nunc – L1 a abrégé misericordi(a)e par mie. ̅ Mais, à cause de la
ligature du mi, et d’un trait horizontal faible pour le e, on y lirait voluntiers nnc.
L2 a lu, sous le trait, soit nc (en sautant le premier n), soit nuc : deux équivalents
de nunc.
17,2 accusat] accedat – L1 (tout comme F) a abrégé accusat par acc̅at. L2 a mal com-
pris cette abréviation insolite.
19,6 tamen] tum – L1 abrège tamen par tn̅ . Par confusion de minimes, L2 y a vu tu̅ .
20,4 deinde] demum – L1 abrège deinde par dein̅ . Mais, à cause de la ligature, in
ressemble fort à m, d’où L2 a compris demum.
70 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
21,4 spem] spiritus – L1 abrège spem par spe̅. Mais cet e a semblé un c à L2, qui a cru
alors voir le nomen sacrum pour spiritus (la même erreur est dans M, sans doute
pour la même raison).
21,5 commutare] omutare – Cette vox nihili est causée par le fait que L1 a abrégé le
com de commutare par un c inversum dont la boucle fut presque fermée par le
rubricateur.
De plus, L1 abrège etiam par un et tironien très arrondi, surmonté d’un trait droit.
Cela se prenait facilement pour q surmonté du même trait, qui serait l’abréviation de
quae. L2 a fait l’erreur plusieurs fois : 4,10 sed etiam] sed quae ; 10,4 etiam ipse]
quae ipse ; 10,13 perfecta etiam] perfecta quae.
Enfin, quand il lui reste un petit espace en fin de ligne, L1 aime à le remplir par
un petit tilde qui ressemble quelque peu à l’abréviation « insulaire » pour est (÷). L2
s’y est plusieurs fois mépris : 5,2 signata est] est signata est ; 5,11 ut quod] ut quod
est ; 6,1 apostolatum se] apostolatum est se ; 6,1 qui salvi] qui est salvi.
Ces fautes prouvent que L1 est l’ancêtre direct de L2. On peut supposer des
étapes intermédiaires entre les deux manuscrits, mais on s’attendrait alors à moins
de fautes graphiques, puisqu’elles sont souvent faciles à corriger. L2 n’a donc au-
cune valeur indépendante pour la constitution du texte, et il a été éliminé de
l’apparat critique.
G descend de H
Nous n’avons pas trouvé d’indices graphiques qui indiqueraient que G est une copie
directe de H. Notons cependant le cas de sed carne (4,9) dans les manuscrits γ. Ces
mots sont absents des manuscrits du 12ème siècle P W A. Mais dans ceux du 15ème (R G
H), ils ont été interpolés, sans doute par collation. Or dans H (comme dans R) ils
sont ajoutés par un correcteur. Mais dans G, ils sont écrits de première main. De
même, en 10,1, dans tous les manuscrits γ sauf G, pour cruciatusque corporales on
trouve l’erreur cruciatusque corporum cruciales. La mauvaise leçon est bien dans H,
mais cruciales a été rayé par un correcteur, et corporales est absent de G, où on lit
donc simplement cruciatusque corporum.
De plus, les trois conditions pour indiquer que G descend directement de H sont
en général remplies.
Qui examine ces cas verra que la plupart des fautes ont pu être corrigées par conjec-
ture, sinon inconsciemment. Pour d’autres, il faut supposer une mesure de conta-
mination. On ne peut donc établir précisément la relation H G. Mais il est clair que G
n’a rien d’important à ajouter à H pour l’établissement du texte, ni même pour notre
connaissance des fautes de la branche γ2. G a donc été écarté de l’apparat critique.
Pour l’élimination de Prag et Ott, voir les descriptions de ces manuscrits.
Pour alléger l’apparat critique, ont été écartées, sauf exception, les fautes qui se
trouvent dans un seul manuscrit. Mais la connaissance de celles-ci est nécessaire
pour la validation du stemma. On sait en effet que tout manuscrit qui contient un
nombre substantiel de fautes qui lui sont propres ne peut être l’ancêtre d’aucun
autre manuscrit. C’est le cas de tous les manuscrits de l’Inchoata expositio sauf L1 H
Ott (et Prag, selon notre supposition).
Nous donnons ici le catalogue de ces fautes. Il n’inclut généralement que les le-
çons qui ne sauraient être justes, et offre ainsi un coup d’œil sur la qualité relative
du texte dans chaque manuscript, en termes de sens et de latinité (à ne pas con-
fondre avec la proximité avec l’archétype). Restent donc absentes de notre apparat
72 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
et du présent relevé les leçons qui figurent dans un seul manuscrit et qui, en soi,
pourraient être bonnes : une édition critique n’est pas un répertoire complet de
variantes.351
O 2,2 om. proprie ; 3,1 prophetarum] profetatum ; 7,1 quia] qui ; 5,11 et ceteri] ce-
teri ; 7,7 quis … obtemperat] aliqui (qui ac. O) … obtemperant ; 10,4] eluceret] eluce-
retur ; 10,5 a domo dei] ad amorem dei (et 10,6 domo] amore [e glossemate?]) ; im-
pius] iniquus ; 11,2 reconciliamur] reconciliamus ; 11,6 seiungebamur] separemur ;
12,3 in recognitione] et ad recognitionem ; 13,2 intelligantur] intelliguntur ; 13,4 con-
fessione] confusione ; domine] deum ; 13,5 quid2] quia ; 13,6 om. quae ; quod] qui ;
14,1 reconciliamur] reconciliemur ; 14,3 impietatis] pietatis ; 14,8 om. sanctum1 ; 15,6
lapidantium] lapidabat ; om. apostolus ; 15,11 cui umquam] civium quam O (ac.; civi-
um quem pc.) ; amputavit] conputavit ; 15,13 verbis] versis O (ac.; perversis pc.) ; 16,7
educati] seducati ; vetet … polliceatur] vetat … pollicetur ; 17,2 rei causa] causae ;
17,4 ; correctionem] correptionem ; 19,1 om. cordis ; 19,2 peccaverit] peccavit ; 19,6
id] ita O (pc.; quid in O ac. non liquet) ; 19,8 iam] cum ; 19,9 subvertat] subvertit ; 22,2
om. misericordiae ; 23,13 desperans] desperant ; 23,14 et domino nostro] nostro et
domino.
Ça et là, des corrections dans O empirent encore le texte : 11,4 quoquo modo]
quo modo ; 12,6 veritate] veritatem ; 13,1 punice] punice loqui ; 14,2 dimitti1] non
dimitti ; 18,9 accedit] accidit ; 22,2 veritatis scientiam perceperunt] et veritatis scien-
tiam venerunt ; 23,5 dictis] indiciis (sed quid in O (ac.) non liquet) ; 23,12 si non facit]
si facit ; 23,13 del. quod si faciunt.
||
351 La plupart des fautes ante correctionem sont aussi écartées (voir p. 32s.).
Introduction | 73
nulla ; 17,2 om. dicere ; auferendae] ferende ; 18,2 dicit] dicitur ; 18,10 nobis dominus
ipse] ipse nobis ; 18,11 om. ista ; talibus] aliis ; 19,1 om. de ; 19,2 holocausto] holo-
causta E, holocaustum E2 ; 19,3 om. nondum1 ; 19,7 om. iam ; 20,1 non si] nisi ; om.
sed si proprie sciens admiserit ; 20,4 diiudicatio] iudicatio ; 20,5 operaretur] opere-
tur ; cum et] cum etiam ; 20,6 falsam] eorum ; 21,1 incipit elucere] elucet ; 21,3 quo-
que] quisque ; 22,2 perceptionem] peceptioni ; om. sancto ; 22,3 blasphemiam] bla-
sphemia ; prolatam] prolatum ; nequitia] malicia ; 22,4 om. ipsa ; 22,5 frustra]
fructus ; 23,1 om. dominus ; 23,4 quid] quod ; 23,6 om. peccatorum ; quam] quia ;
23,12 factis deum negant … persevaturos] factis negant factis deum negant sic istis
factis diicant [sic] se in mala vita sua persevaturos E (ac.), factis negant sic isti factis
dicant se in mala vita sua perseveraturos E2 ; 23,13 peccatis] praeceptis.
T 2,5 om. cum graeca ; 3,4 inveniri] inveniri etiam ; 5,6 mortuus est] mortuus ;
10,12 pressuram] pressuram habebitis ; 16,2 om. esse1 ; 21,3 baptismum] baptismi ;
22,4 ortus] orsus ; 23,6 reconciliatione] reconciliationem.
V 2,4 huiusmodi] huius ; 2,5 cum graeca] congrua ; 5,13 conditione] correc-
tione ; 6,3 om. eius ad hoc … obediatur fidei pro nomine ; 7,2 promiserat]
praemiserat ; 8,1 om. salutem dicat … ille illis ; 9,6 om. in eo quoque ; 10,1 om.
novimus (legimus pc.) ; 10,9 propterea] et propterea ; 12,7 autem] aut ; 12,8 om. et1 ;
12,9 tamen] et tamen ; 13,7 om. sive2 ; 14,2 quod] quid ; 14,3 om. hoc2 ; 14,4 om. si
aliqua ; 14,6 eum] enim ; 15,2 om. nostram ; 15,2 maledictis] et maledictis ; 15,10 om.
tam ; 15,11 liberationis] liberatoris ; 15,14 venisse confingant] veris se confragant ;
15,15 contendant] contendent ; 16,2 om. esse1 ; adversus] contra ; 14,7 vitam] vita ;
17,1 si] cum ; 17,2 quicquid1] quid ; 17,4 quoniam] quem ; 18,4 multa] paucis multis ;
74 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
18,5 sit] sic ; 18,7 ipsa] ipso ; 18,7 nullo] ullo ; 18,11 om. autem ; baptizatis]
baptizatus ; 18,12 huiusmodi] huius ; 18,14 cum1] eum ; 19,1 om. qui ; 19,4 etiam2] et
V (om. ac.) ; acceperit] accepit V (om. ac.) ; 19,6 possit] posse ; om. non3 ; 19,10 om.
et2 ; 19,11 repetenda] repetendi ; 20,1 om. peccatum … sciens admiserit ; 20,4
permittente] promittente ; 21,6 om. ideo ; 21,7 et invidia] in invidia ; 23,7
dimitteretur] dimittetur ; om. de venia … in peccatis ; 23,12 perseverent]
perseverant ; 23,13 hoc modo verbum] hoc verbum modo.
K 5,7 enim] autem ; 10,6 futura] futura mala ; 10,11 deum] dei ; 10,12 molestiae]
molestiam ; 12,5 secunda] secundam ; 12,5 gratia misericordia] misericodia gratia ;
14,7 quia] cum ; 15,6 increpitat] increpat ; 16,6 paulo ante] ante paulo ; 17,2 ut] aut ;
17,4 illis] illic ; 18,7 centurio] et centurio ; 21,4 om. et ; 23,13 om. Iesum ; 23,15
tractatione] tractationem ; 23,15 huius] hui (sic).
Z 2,4 contentos] coniunctos ; 3,3 om. versum ; 5,15 om. filius dei2 ; 6,1 om. non ;
11,5 gratia misericordia] gratiam misericordiam ; 12,9 om. salutem (cum P) ; 14,3
ignarum] ignaram ; 14,3 vanum et] vanum ; 15,3 de trina] doctrina ; 15,14 esse3]
etiam ; 18,12 huiusmodi] huiusmodo ; 19,6 posse (om. ac.) (cum V).
F 2,4 contentos] contentionem ; om. ergo ; 3,2 iustificantur] iustificantes ; 4,2
ibi] in ; 4,10 factus est non] factus ut ; 5,9 om. ut ; 5,15 resurrectione1]
resurrectionem ; iesus christus … mortuorum2] suorum ; 7,2 in scripturis] de
scripturis ; 7,7 sanctis1] sanctis etiam hoc significavit ; 9,2 hi] hiis ; separentur]
seperarentur (sic) ; 12,1 admonent] ammonet ; 12,4 pace] pacem ; 12,7 deo patre]
christo ; 12,8 usitatissimum] inusitatissimum ; 12,9 veritatem] veritate ; 13,6 et1] in ;
13,7 est] esse ; 14,1 in eorum impia] ideo impia eorum ; 14,8 hoc modo etiam si] hoc
etiam moysi ; 15,2 maledictis contumeliisque] maledictisque contumeliis ; et3] sed ;
15,10 eum] cum ; 15,11 umquam] numquam ; 15,12] revocat] revocatur (cum L2) ; 15,13
omnino non] non omnino ; 15,16 pergam] perquam ; 16,1 tunc] quis ; 16,7 aut]
autem ; credendum] credendus ; 16,8 num] unde ; quemadmodum] quemadmodum
dum ; 16,8 haberent] habere ; 17,5 quaerendum] quaerendus ; 18,2 voluntarie enim]
enim voluntarie ; adhuc] autem ; 18,4 congruere] congrue (cum L2) ; 18,7 om.
veritatis ; 18,11 ecclesiae] iam ecclesiae ; 19,6 possit] possint ; id est] idem ; 19,7
etiam quadrupes esse] quadrupes non esse ; 22,1 abluerentur] ablueretur ; 22,2
auxilium] oleum ; 22,3 in spiritum sanctum quod] quod in spiritum sanctum ; 23,4
sunt2] sunt inquit ; 23,5 om. illa ; 23,13 blasphemiam] graphemiam.
M 2,4 apparet] apparent ; 3,3 audita] audito ; 3,5 seduceretur] seducerentur ; ali-
quid] ad id ; 4,2 satis] sunt ; 4,6 filius] filius eius ; 4,8 addendo] ad dicendo ; 4,10 se-
cundum id] sed id ; 5,1 quemlibet] quodlibet ; 5,5 omnino omissum ; 5,10 sit] est ; 5,13
conditione] resurrectione ; 6,2 cardinem causae] causa divine cause ; om. se ; 6,4 id
est ut et] et ut ; 7,5 deinde] domini nostri ; 7,6 dilecti] dilectioni ; 9,1 quisque] quis-
quam ; 9,2 manifestus] manifestus est ; 9,4 ea] si ; vitentur] nitentur ; 10,9 omnia]
illa omnia ; 11,3 oblatrabant] oblectabnt (sic) M (ac.; oblactabnt pc.) ; 11,5 nam] non ;
Introduction | 75
11,6 id verbum] ad verbum ; inhaereamus] inheramus ; 12,5 illis] illius ; 13,1 quod]
et ; 13,2 concinentia] continenti et ; 13,3 evangelio] evangelium ; 13,7 elegantiam]
elegantis ; 14,7 quaeritur] quere ; 15,1 poterit] potuit ; 15,2 contumeliisque] contume-
liis quia ; contemnunt] contendunt ; 15,3 oblatrant] oblectant ; venerentur2] veneran-
tur ; 15,11 tam] tamen ; 15,12 tam] tamen ; 15,12 teneri] tenere ; 15,14] sed2] si ; 16,3
ullo] nullo ; 16,6 iam] inde ; 16,8 ubi] nisi ; 17,2 accusat] accecat ; 17,4 peccato] pec-
catum ; 18,1 dicendus] dicendum ; deum] domini ; 18,3 si] ut ; 18,5 vero] enim (cum
O (pc.)) ; cognita] cogita ; 18,7 sacramenta] sacrata ; res in] res inde ; praecesserant]
processerant ; 18,8 multi] oculti ; voluntate] veritate atque voluntate ; 18,11 domini]
deum ; 18,15 om. et1 ; 19,4 provectum] proventum ; 19,7 animal] vel ; 19,10 iacientes]
uicientes (uv.) ; 19,11 traduntur] creduntur ; tractatione] tritatione ; 20,3 om. autem ;
dominum] deum ; 20,5 operaretur] perperaretur (uv.) ; compararunt] comperarant ;
21,4 spem] spiritus (cum L2) ; 21,5 prius] primus ; 22,4 ait illis] ait ait ; 22,5 aut] at ;
om. sine ; 23,2 miraculis] vinculis ; 23,4 tantam] tantum ; om. tibi dico surge ; 23,12
intelligendus] intelligendum ; om. perseveraturos … hoc est ; 23,13 om. sanctum ;
23,15 consequentem] commentatione.
P 4,8 excellentissimae] excelleret ; 7,2 respondit1] respondite ; 12,9 om. salutem
(cum Z) ; 16,4 participes] particeps (cum E (ac.)) ; 18,7 enim et ante] et ante enim P
(ac.), et enim ante P (pc.) ; 22,3 confugerunt] confugierunt ; 22,4 paci] pace.
W 4,7 om. ei ; 6,1 om. fidelibus … omnibus ; 9,1 gratiam] gratia ; 14,5 arbitror]
arbibitrorum (postea correctum?) ; 17,2 testimonii] testimoniis ; 22,3 in nequitia]
nequitia (postea correctum) ; 23,12 veniam] venia.
B1 1,1 ostendit] ostendi ; 1,4 fungens] confungens ; 2,4 contentos] contemptos ;
5,13 venire] venisse ; om. omnium ; 6,1 extitisset] extitisse ; 8,5 restat] resta ; 8,6 om.
Christi ; 10,6 om. ostendit ; 10,11 discedere] discerne ; 11,2 sancto] sanctos ; 11,2 in-
commutabilis] incominutabilis ; 13,3 cui] cur ; 13,7 consentiat] sentiat ; interpretan-
tis] interpretantur ; 14,5 sic] si ; 14,6 om. ac si verbum ; vocari] vocavi ; 15,2 om. et4
(cum A (ac.)) ; 15,10 ita] illa ; 15,16 pergam] per gratiam ; 18,5 dictum1] dignum ;
18,14 certe] cer (sic) ; 20,5 claruerunt] clamaverunt ; 20,6 corruptione] recorrup-
tione ; 23,3 salvaret] salvarem ; 23,3 om. sibi.
A 2,5 graeca] gregea ; 4,10 om. etiam ; 7,5 om. qui ; 10,2 etiam iusti homines]
iusti homines etiam ; 14,8 om. etiam ; 19,1 intelligunt] intelligitur ; 20,4 fallaciae
spiritus] facile (facile spiritus c) ; 21,7 dicat] dicamus ; 23,1 regnum] regnorum.
R 2,4 illum] eum ; 5,9 praedestinatum] praedestinatus ; 7,4 ad nos] nobis ; 8,4
remittuntur] demittuntur (omnino falsum. Cf. 8,4 remissis peccatis ; 8,6 quibus re-
missis) ; 10,1 relaxetur] relaxeretur ; 10,7 om. Paulus ; 11,6 ut et] et ut ; 13,5 respon-
dent] respondeant ; 13,7 om. in tribus ; 13,7 elegantiam] elegantia ; 14,1 sane] sana ;
14,3 aspergat] arguat ; 16,2 om. ignorantiae1 ; 17,2 quaero] quere ; 18,11 ista] ita ; 21,7
76 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
om. odio ; 22,3 om. ut (cum H (ac.)) ; 22,4 om. iudaeis ; 23,7 resisterent] resisteret ;
23,15 om. nunc.
C 22,2 negatur] tegatur (uv.) ; 22,3 dimitti] dimittit ; 22,4 paci] pacis ; eius1] ei ;
23,3 obtulisset] obtulisse ; 23,6 eieceret] eiecerent (cum F) ; 23,12 quam] qua ; 23,15
om. consequentem.
B 5,4 om. mortuorum1 ; 9,6 om. in ; praecedat] procedat ; 10,4 neminem] nemi-
ni ; 13,2 intelligatur] intelligitur ; 13,6 petens] petrus ; 15,12 gregibus] regibus ; 19,2
significaverit] significaret ; 21,6 dimissione] remissione ; 23,15 suscepisse] accepisse.
Deux fautes, bien que corrigées dans une partie de la tradition, démontrent
l’existence d’un archétype commun pour tous les manuscrits de l’Inchoata
expositio.
||
352 Sur ce passage, voir aussi infra, 2.8, note critique ad loc.
353 ROUSSELET (À propos d’une édition, 239) est le premier à l’avoir signalée.
Introduction | 77
Il est possible que cette faute, très facile à faire, remonte jusqu’au manuscrit
d’Hippone, tel que l’aurait produit un des secrétaires d’Augustin.
Il y a peut-être aussi des traces de fautes de l’archétype en 9,6 ; 11,6 ; 13,2 ;
15,15 ; 19,7 ; 21,4 ; 23,1 ; 23,12.354 Voir infra, 2.8, notes critiques ad loc.
Nous présentons une sélection des fautes partagées que l’on retrouvera dans
l’apparat, et qui ont permis de diviser les manuscrits par familles et branches.
Famille Λ
4,11 om. si2 ; 5,8 ipsis] ipsius ; 5,10 tamquam] et tamquam ; 6,1 om. enim ; 10,1 paeni-
tenti] paenitentia ; 11,2 et ideo] ideo et ; 13,2 om. et ; 14,7 om. sed … expositum ; 15,3
om. sollicite ; 15,6 om. et1 ; 15,14 om. esse fateantur … substantia ; 15,15 baptizare]
baptizari ; 17,4 respuit] respuitur (corr. E ; a regula respuitur pc. O) ; 22,1 om. aut
scismaticis ; 22,5 animum] animam ; 23,9 om. sicut manifestum … factis ; 23,12 om.
nec.
Famille Ξ
1,3 om. gentes … adversus ; 2,2 pecoribus … solent] pecoribus dici solet ; 3,3 venit
iam] iam venit (cum U) ; 4,9 om. sed carne (add. R (pc.) H (pc.) G; vide supra, p. 70) ;
5,2 fecit] facit ; 5,9 om. sed dominum suum ; 5,14 om. enim ; 10,6 quantae … futurae]
quanta … futura (quanta etiam O) ; 10,12 sed1] et ; 11,4 quoquo] quo (quoquo Z ; quo
pc. O) ; 12,5 om. pax ; 14,3 vile et] videt (videlicet R H per coniecturam) ; 20,3 israel]
in israel ; 20,5 infideles iudaei sine] iudaei ; 20,6 narratio] ratio (retio W) ; 23,4 om.
autem ; 23,8 opere] ore.
Sous-familles dans Λ
OE
6,2 meritis] meriti (meritis pc. O) ; 9,2 terror] error (terror pc. O) ; 9,6 grata] gratia ;
10,7 om. in3 ; 10,12 reflectunt] replectunt (reflectunt pc. O) ; 11,6 familiarius] familia-
ris ; 11,6 verbum] verum ; 16,1 attendat] adtendant ; 16,8 audebimus] audivimus ;
19,7 om. est ; 22,1 commutetur] commutentur (cum S (ac.)).
||
354 Ajoutons le cas de 19,6, où accipit semble avoir figuré dans Ω, mais où la séquence des événe-
ments envisagés demande le parfait. Mais dans tous ces cas on ne peut exclure que bonnes ou
mauvaises leçons se soient répandues par des voies dont ne rend pas compte le stemma : « Whether
cases of this kind reflect archetype errors which individual scribes had the wit to correct … or
whether the correct readings survived against the odds in an attenuated line of descent and the
errors which replaced them are polygenetic in origin in other manuscripts, is simply impossible to
ascertain » (SHAW, Dante, 62).
78 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
d (= S U T V)
8,1 salutem2] salutem dicat ; 8,4 adversabamur] adversabamur a ; 12,4 om. et ; 13,2
concinentia] consonantia ; 16,3 recurari] curari ; 18,7 accepit] excepit ; 20,1 non] non
iam ; 22,4 et paenitendi] ad paenitendum.
SU
5,17 om. est ; 10,1 poena] poenas (poena pc. S) ; 19,4 posteriorem] posteriorum (pos-
teriorem pc. U) ; 20,2 principem] principe.
TV
Les erreurs de l’archétype de T V sont assez nombreuses pour qu’on les retrouve
facilement dans l’apparat. Cet archétype est caractérisé par sa tendance à éliminer
les anacoluthes, et à corriger les erreurs, réelles ou imaginées, dont il a hérité, que
ce soient celles de toute la tradition (4,7 ; 5,8 ; 10,5 ; 11,2 ; 15,15 ; 16,3. 8 ; 18,11 ; 19,7 ;
23,3. 13), celles de Λ (4,9,11s. ; 10,2 ; 18,5 ; 21,2 ; 23,9.12), ou celles de son propre
ancêtre (2,3 ; 16,2 ; 18,8).
Sous-familles dans Ξ
C V1
Voir l’apparat critique pour ces deux extraits identiques.
κ
3,1 in christum] christo ; 12,5 illis quae ad timotheum sunt] qui (quae c) ad timo-
theum ; 13,3 om. et ; 14,4 tum] cum (cum U) ; 14,7 ei] et ; 18,6 cognoscatur] cognosci-
tur ; 18,14 electione] lectione ; 20,4 diiudicat] diiudicatur ; 20,5 om. ut ; 22,3 prola-
tam] probatam (prolatam pc. Z).
c
Le texte c, on l’a dit, est très mauvais, et on ne retrouvera ses nombreuses erreurs
que trop facilement dans l’apparat.
L’archétype des manuscrits c fut copié sur un manuscrit en minuscule, qui, le
plus probablement, était soit d’origine insulaire, soit assez tardif.355 C’est ce que
prouve la faute malit non] mali tamen en 21,2. L’exemplaire de l’archétype n’avait
pas séparé les deux mots, et avait abrégé tamen par tn, avec une ligne par-dessus le
n.
KZ
5,9 quod] quo ; 14,2 om. filium hominis … adversus (cum O) ; 16,2 om. non ; 18,8
quisquis] quis ; 18,9 quod] quo ; 23,8 quod2] quo.
||
355 L’abréviation en question pour tamen est essentiellement insulaire au moins jusqu’au 11ème
siècle. Voir LINDSAY – BAINS, Notae Latinae, 302–304, suppl. 48.
Introduction | 79
γ
2,2] pecoribus] de pecoribus ; 3,3 etiam si] etiam ; 11,1 om. domino nostro ; 12,2 su-
bicit] subiecit ; 12,3 om. et pax ; 12,5 illis quae ad timotheum sunt] illi quae est ad
timotheum ; 15,3 om. trina ; 15,3 deo patre] patre deo ; 15,8 solus] unus solus ; 18,14
decipiendum] ad decipiendum ; 19,4 provectum] profectum ; 20,5 in eis ut] ut in eis ;
21,4 blasphemat] blasphemans.
2.2.5 Contamination
L’Inchoata expositio ne fut certes jamais un des textes les plus populaires
d’Augustin. Mais il circulait sans doute au Moyen Âge énormément plus de manus-
crits que la vingtaine qui subsiste aujourd’hui. On ne s’étonnera donc pas de trouver
des cas de contamination possible dans l’apparat critique. Cependant, le cas le plus
marqué de contamination est entre K Z et γ – deux branches d’une même sous-
famille. C’est loin d’être assez pour mettre en doute la valeur générale de la méthode
stemmatique pour l’édition de notre texte.
2.2.6 La place de B
||
356 CSEL 84, xxxi.
80 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Erreurs de Ξ absentes de B
1,3 om. gentes et maxime adversus ; 2,2 om. unde … pecorum ; 3,1 auctoritatem ;
4,9 om. sed carne ; 5,9 om. sed dominum suum ; 5,14 om. enim ; 10,12 sed1] et ;
11,4 quo modo ; 12,5 om. sunt (?) ; om. pax ; 14,7 ei] et vel eum ; 18,8 (si)qui(s) ;
20,4 operatur357 ; 20,5 om. infideles … sine ; 20,6 ac] et ; ratio ; 21,3 horum ; 21,4
eodem ; 21,5 om. iam ; 23,4 om. autem ; 22,5 illa (cum E U) ; 23,8 ore.
Dans les cas moins tranchés, B se range tantôt d’un côté, tantôt de l’autre :
BΛ
3,1 segregatum se (= d) ; 4,12 factum deo … factum deo] factum … factum a deo ;
5,2 fecit ; 5,7 mortuus est1 ; 6,2 ordinem ; 7,1 est enim qui scribit epistolam ; 7,2
de quo filio suo ; 9,4 adiuvetur ; 9,5 ignoscatur ; 14,3 vile et abiectum ; 18,7
praecesserat ; 19,7 esse ; 21,3 edomita ; 22,5 diceretur eis ; 23,6 gratiam in dimis-
sione peccatorum ; 23,9 oris sono.
BΞ
3,3 iam venit ; 4,4 filium tantummodo david ; 4,7 evangelium] in evangelium (=
c γ) ; 5,11 qua etiam ; 6,3 in christo ; 9,1 peccatis ; 9,5 quaecumque ; 9,6 non
ignoscitur ; 10,6 quanta … futura ; 10,8 dei] domini ; 10,11 hoc ; 11,1 domino nos-
tro ; 13,5 mulieris lingua ; 15,3 digna ; 15,11 corrigat ; 16,7 quid autem agimus ;
17,1 dicatur ; 17,2 rei causa ; 18,5 posse dimitti ; 18,7 certior ; 18,12 in christi
pace ; 20,3 in israel ; 23,3 saeculum2] mundum (dissentiunt C V1) ; 23,7 dicerent
verbum (dissentiunt C V1).
Nous avons ici les conditions de base pour supposer que B est indépendant de Λ Ξ,
et que l’on peut donc s’en servir pour choisir entre les leçons des deux familles. B
pourrait même être indépendant de l’archétype de Λ Ξ, puisque, comme on l’a vu, il
est seul, avec la conjecture de T V, à présenter un bon texte en 11,2 (voir aussi infra,
2.8, note critique sur 13,5, unde interrogati).
Néanmois, il faut plutôt voir B comme un texte créé par collation d’un ou plu-
sieurs manuscrits de Λ et Ξ. Nos arguments sont les suivants :
Si B était indépendant de Λ Ξ, on s’attendrait à ce que ça et là les trois branches
présentent chacune une leçon unique susceptible d’être juste. C’est ce qui
n’arrive jamais : B est en désaccord avec des leçons différentes de Λ et de Ξ seu-
lement en 11,2 et 13,5, où le texte de Λ et Ξ est problématique.
Pour que B soit indépendant de Λ Ξ, on voudrait aussi que B présente des leçons
absolument uniques et justes qui reflètent cette indépendance. B a en effet des
leçons uniques qui pourraient être justes, comme en ont tous nos manuscrits.
En voici la liste : 2,3 pecus dei et ovile dei] ovile ei et pecus dei ; 2,5 concordet]
||
357 Ce cas peut paraitre difficile (voir infra, 2.8, note critique ad loc.) mais B montre une forte ten-
dance à préférer la syntaxe classique.
Introduction | 81
concordat ; 3,1 numerum] numero ; 3,3 nisi] nisi quod ; 5,2 quae] quae in ; 5,5
certior] rectior ; 7,6 ut] ut et (cum Gl) ; 7,7 unde] inde ; 11,1 intelligimus] intelli-
gamus ; aliud] aliud est ; 11,6 qua] quibus (voir infra, 2.8, note critique ad loc.) ;
13,5 respondent] respondentes ; 14,1 nominet] nominasset ; 14,7 cogitatione] in
cogitatione ; 15,5 sancto spiritu] ipso spiritu sancto ; 15,12 quae] qui eam ; 16,7
om. etiam ; 16,8 peccata2] peccato ; 17,1 facit1] faciat ; 17,2 aut si] adhuc si ; 18,4
sententia] scientia ; 18,9 om. cum ; 23,3 salvaret] servaret ; 23,10 ut] in ; 23,13
concedi] concedere.
Certaines de ces leçons pourraient hypothétiquement remonter à une source in-
dépendante. Cependant, aucune ne dépasse ce qui pourrait émaner du texte Λ
ou Ξ, par conjecture ou par inattention.
Si B était indépendant de Λ Ξ il devrait partager peu ou pas d’erreurs avec des
manuscrits Λ ou Ξ. Or il partage certaines erreurs notables des deux côtés. Pour
Λ : 10,2 enim] enim iustitia B O E S U ; 16,3 recurari] curari Bd ; 23,12 sic1] sicut B
O E S U. Pour Ξ, il partage des erreurs avec γ : 3,3 etiam si] etiam ; 12,2 subicit]
subiecit ; 19,4 provectum] profectum ; 23,3 saeculum2] mundum (etiam κ sed
non C V1).
L’origine de B rend particulièrement probable que son texte fut créé par colla-
tion de plusieurs manuscrits. La congrégation de Windesheim se dévouait à de
telles collations, selon le témoignage de leur historien contemporain, Jan Busch
(1399–c. 1479) dans son Liber de origine modernae devotionis (1464) : Omnes
sermones, omelias, libros et tractatus quattuor Ecclesiae doctorum aliorumque
patrum orthodoxorum ad primam sui fontis originem, quantum in exemplaribus
emendacioribus e diverso collectis habere potuerunt, fidelissime reduxerunt …
Omnes divini officii libros, totam Bibliam, et eximiorum doctorum numerosa vo-
lumina, in tercium, quartum aut quintum iam dudum transfusa, non solum ad
primum originis sui fontem reducere aut reparare, verum eciam omnes pene et
singulos huiusmodi libros praenominatos in fractura, vel rotunda, seu eciam bre-
vitura conscribere, punctuare, orthographialiter accentuare curaverunt.358
||
358 GRUBE, Des Augustinerpropstes, 312s.
359 De la provenance, 108s.
82 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
d’entre eux (H G R) sont des copies simples d’un exemplaire. Le dernier, B, présente
un texte qui, vraisemblablement, est le fruit de collations minutieuses, et dont le
créateur a réussi, consciemment ou pas, à trouver des manuscrits des deux familles
du texte, puis à choisir entre eux avec équilibre et intelligence.
Ce n’est pas forcément le copiste de B, Joannes Mol de Corsendonk, qui a fait ce
beau travail. Un texte du même type que B fut utilisé par Amerbach et Érasme, sans
que l’on puisse affirmer qu’ils aient utilisé B même, puisqu’ils ne reproduisent pas
ses fautes. Il est donc probable que ce texte édité a circulé dans plusieurs copies.
L’état actuel de B n’est pas obligatoirement non plus le fruit du seul travail édi-
torial des Frères de la Vie Commune. En 7,6 il partage une leçon avec la Glossa Or-
dinaria360 (ut et nos), et en 11,2 la conjecture incommutabilis unitas est déjà dans la
Glossa et chez Pierre Lombard.361 Ces faits sont difficiles à interpréter. Les Frères
étaient-ils assez attentifs pour émender leurs textes patristiques en utilisant ces
commentaires-chaines du 12ème siècle ? Ou avaient-ils consulté un manuscrit qui
ressemblait à celui qu’auraient utilisé les auteurs de la Glossa et Pierre Lombard ?
En fait, on ne peut même exclure, bien que ce soit peu probable, que B reproduise
fidèlement un tel manuscrit. Il faudrait alors replacer au 12ème siècle, sinon avant, la
forme contaminée du texte représenté par B.
Dans cette glose anonyme de la Bible entière, rédigée entre environ 1080 et 1130
autour d’Anselme de Laon,363 on retrouve l’Inchoata expositio là où l’on s’y atten-
||
360 Édition consultee : Biblia Latina cum glossa ordinaria : Facsimile reprint of the Editio Princeps
of Adolph Rusch of Strassburg 1480/81, Turnhout 1992 (t. 4, 274 pour notre passage).
361 Voir la prochaine section, Tradition indirecte, p. 82–84.
362 Les extraits de l’Inchoata expositio dans la Glossa ordinaria et Pierre Lombard recouvrent les
mêmes parties du texte que Claude de Turin mais leur texte diffère du sien en 7,7 ; 11,1.2, ce qui
semble suffire pour montrer qu’ils n’en dépendent pas. Pour quelques autres textes qui citent
l’Inchoata expositio, mais sont sans utilité pour l’édition, voir supra, 1.9.
363 Voir COLISH, Peter Lombard, 164. Pour l’édition consultée, voir n. 360 supra. Tous les passages
en question sont à t. 4, p. 274.
Introduction | 83
drait : dans le début du commentaire sur l’épître aux Romains. Il s’agit d’extraits de
4,8s. ; 7,6s. ; 11,2. Comme on l’a dit plus haut, deux leçons de B sont déjà dans la
Glossa. À part ces deux leçons, la Glossa ne contribue rien à l’établissement de notre
texte.
Pierre Lombard a commenté l’épître aux Romains dans ses Collectanea, son grand
commentaire sur les épîtres de Paul, fait à partir de textes d’auteurs antérieurs.
Celui-ci fut rédigé entre 1139 et 1141, et réécrit entre 1155 et 1158. Puisqu’il n’y pas
d’édition moderne de ce texte, nous l’avons consulté dans celle de la Patrologia
Latina, qui dit reproduire celle de Josse Bade (Paris 1535), et qui contient la deu-
xième rédaction.364
Pierre tend beaucoup à la paraphrase, plutôt qu’à la citation directe. On re-
trouve des traces de 4,4 (PL 191, 1306A) ; 4,8,11s. (1306A–B)365 ; 5,1 (1310B) ; 5,4
(1314C) ; 5,11–17 (1313C ; 1314C) ; 6,1s. (1315B–C) ; 7,5–7 (1316A) ; 11,1s. (1316C–D).
Mais on ne tire du texte de Pierre que 3 leçons (4,12 bis ; 7,7 ; 11,1) pour notre appa-
rat. C’est cependant assez pour conclure que Pierre disposait d’un texte de la famille
Λ.366
Laon n’est pas loin de Paris, et on ne s’étonnera pas de trouver des similarités
entre Pierre et la Glossa Ordinaria. Ainsi, on constate que des extraits de 4,4.8.11
sont cousus ensemble de façon très similaire dans les deux textes :
Glossa : Impietati haereticorum occurritur, qui obtuso corde capitulum hoc intelligentes Christum
tantum hominem accipiunt. Addendo enim ‘secundum carnem’ divinitati suam dignitatem reser-
vavit, in qua Christus Dei verbum est per quem facta sunt omnia.
Pierre Lombard : Ubi occurritur impietati haereticorum, qui obtuso corde hoc capitulum intelli-
gentes, Christum tantum hominem accipiunt; divinitatem vero in eo non intelligunt. Addendo
enim ‘secundum carnem’ servavit divinitati suam dignitatem, qua Christus Verbum Dei est, per
quod facta sunt omnia.
Il est clair que ces deux paraphrases ne peuvent être indépendantes. Pierre a con-
servé un peu plus de 4,4, et ajoutera ensuite des passages de 4,12, absents de la
Glossa, ce qui tend à lui donner la priorité. Mais la question reste à démêler, surtout
||
364 COLISH, Peter Lombard, 23s. Le texte du commentaire sur Rom. est à PL 191, 1301–1534.
365 Les paraphrases du chapitre 4 sont repris par Jean de Cornuailles, élève de Pierre (PL 199,
1084s.).
366 C’est ce que tend à confirmer la très courte citation de 4,9 dans les Sententiae, 3,6,4, où Pierre
a la bonne leçon sed carne, absente de l’archétype de Ξ.
84 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
que ces deux textes attendent une édition critique. Soulignons aussi la présence
dans les deux textes de la leçon incommutabilis unitas dans la citation de 11,2.
Comme on l’a vu, cette leçon est uniquement dans le manuscrit B de l’Inchoata
expositio, et il s’agit d’une conjecture.
Am J. Amerbach, Tertia pars librorum divi Aurelii Augustini quos edidit presbyter
ordinatus, Bâle, 1506, [o4v]–p1r.
Er D. Erasmus, Quartus Tomus Operum divi Aurelii Augustini Hipponensis
Episcopi complectens reliqua τῶν διδακτικῶν, Bâle, 1528, 833–844.368
Lov Tomus IIII operum Divi Aurelii Augustini Hipponensis episcopi complectens
reliqua τῶν διδακτικῶν per Theologos Lovanienses ab innumeris mendis purgatus,
Anvers 1571, 360–366.369
J. DIVJAK, Sancti Aureli Augustini Opera. Sect. IV Pars I. Expositio quarundam pro-
positionum ex epistola ad Romanos. Epistolae ad Galatas expositionis liber unus.
Epistolae ad Romanos inchoata expositio, Vindobonae 1971 (CSEL 84), 144–181.
||
367 Sans compter les multiples réimpressions des opera omnia d’Augustin faites à partir de Er, Lov,
μ. Quant à FREDRIKSEN LANDES, Augustine on Romans, son texte n’est autre que celui de CSEL 84,
avec de nouvelles collations de O.
368 Nous n’avons pas eu accès à cette première édition lors de la collation, et avons donc colla-
tionné dans la réimpression de 1541, faite à Bâle, où le texte est aux colonnes 1173–1190.
369 L’« édition de Louvain », comme on l’appelle d’habitude. Selon la préface du t. 1, l’éditeur du t.
4 fut « Embertus Everaerds Arendoncanus [i.e. d’Arendonk], pastor ecclesiae Divi Jacobi », sur qui
voir FOPPENS, Bibliotheca, 259.
Introduction | 85
2.4.1 Analyse
Amerbach
Dans son épître introductive au lecteur,370 Amerbach dit tout ce qu’il a à dire sur les
sources manuscrites de la vaste collection d’œuvres augustiniennes qu’il est parve-
nu à rassembler :
Perquisitum [sic] ergo magna cura quem per omnes bibliothecas transmitterem Augustini libros
gratia investigandi, repperi religiosum fratrem laboriosumque virum dominum Augustinum Do-
donem Phrysium, ordinis divi Augustini, monasterii sancti Leonardi Basiliensis canonicum, qui
hanc provinciam subiret : ipsumque proinde fratrem per me sufficienti pecunia munitum biblio-
thecas omnes Germaniae nostrae perscrutaturum dimisi, ac membratim Augustinum per eas divi-
sum in unum corpus collecturum. Magna igitur diligentia adhibita, quasi per omnia sua membra
inventus Augustinus ex Germania, Gallia, Italiaque ad me traductus et comportatus, quod dudum
animo destinaveram, magna difficultate et ingentissimis laboribus tandem omnipotentissimo
maximo Deo favente, auspice Augustino explevi.
C’est bien imprécis. Augustinus Dodo (obiit 1502)371 ne fut certainement pas le seul
collaborateur d’Amerbach, et on peine à croire qu’il ait visité toutes les biblio-
thèques d’Allemagne. Il est aussi difficile de savoir comment Amerbach s’est procu-
ré des manuscrits de France et d’Italie.
La correspondance d’Amerbach ne jette que peu de lumière sur ces questions.
On y voit bien un Dodo très actif en Allemagne dans sa recherche de textes augusti-
niens : vers 1494, il est à Kirschgarten, près de Worms372 ; en 1496, à Sponheim, chez
Johannes Trithemius373 ; encore en 1496, Jakob Wimpfeling, à Speier, fait copier des
textes pour lui374 ; en 1497, le prieur de Bödingen, près de Hennef, fait lui aussi co-
pier des textes, des manuscrits (circa XI volumina … valde antiqua et formaliter ac sa-
tis correcte scripta) non pas de son propre cloître, mais du monastère bénédictin de
Saint-Michel à Siegburg.375 Mais Dodo n’est pas la source unique pour Amerbach. En
1496, Alexius Stab, moine de Saint-Blaie en Forêt Noire, fournit, à le demande
d’Amerbach et sans intervention apparente de Dodo, un rapport des manuscrits de
Jérôme et Augustin dans son monastère.376 Et surtout, la correspondance montre
||
370 Prima pars librorum divi Aurelii Augustini … Bâle 1506. Les pages introductives ne sont pas
numérotées, mais l’épître se trouve à la 6ème page imprimée. On la trouvera aussi dans HARTMANN,
Die Amerbachkorrespondenz, epist. 293.
371 Sur Dodo, voir SCARPATETTI, Die Kirche, 323–331, avec une brève étude des mentions de Dodo
dans la correspondance d’Amerbach.
372 HARTMANN, Die Amerbachkorrespondenz, epist. 33
373 HARTMANN, Die Amerbachkorrespondenz, epist. 48.
374 HARTMANN, Die Amerbachkorrespondenz, epist. 56. Voir aussi epist. 302.
375 HARTMANN, Die Amerbachkorrespondenz, epist. 61.
376 HARTMANN, Die Amerbachkorrespondenz, epist. 50.
86 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
377 HARTMANN, Die Amerbachkorrespondenz, epist. 37.
378 HARTMANN, Die Amerbachkorrespondenz, epist. 211.234.238.246.256.
379 Epist. 246 était accompagnée d’une liste des œuvres que cherchait Amerbach à Paris, mais
Hartmann ne l’a pas éditée.
380 Saint-Léonard rejoint la Congrégation en 1464 (KOHL, Monasticon, t. 2, 30) ; Kirschgarten est
refondé par elle en 1443 (ibid. 257) et Bödingen fondé par elle en 1424 (ibid. 75).
381 Amerbach ne voulait pas accumuler les manuscrits de chaque texte. Quand Wilhelm Kopp lui
envoie de Paris des textes dont il a déjà quatre copies, il est loin de lui en savoir gré (HARTMANN, Die
Amerbachkorrespondenz, epist. 246).
Introduction | 87
Érasme
Érasme a la réputation de n’avoir pas beaucoup ajouté à la base manuscrite pour
son édition d’Augustin.382 Mais pour l’Inchoata expositio, il doit avoir utilisé au
moins un manuscrit, duquel il tire des variantes absentes d’Amerbach, mais qui se
retrouvent dans B :
2,4 cooptavit ; 2,5 concordat ; 3,1 numero ; 3,3 etiam si] etiam ; 3,3 nisi] nisi quod ; 5,10 om.
apostolus ; 9,2 hi] ii ; 12,2 subicit] subiecit (cum γ) ; 13,5 respondent] respondentes ; 15,8 de
leprosis decem] decem leprosis ; 19,4 posteriorem] posteriorum (cum S U (ac.)) ; provectum]
profectum (cum γ) ; 20,5 cum et] et cum ; 24,3 salvaret] servaret ; 23,12 nec] ne ; isti] isti in.
Ce manuscrit semble avoir porté une variante provenant de la famille Λ : 2,2 unde B ;
unde etiam Λ Er ; deest Ξ.
L’édition de Louvain
Les Lovanienses sont moins avares d’informations sur leurs manuscrits que leurs
prédécesseurs. Le tome 4 de leur édition d’Augustin se termine avec une section de
Notae sive recognitiones … ex manuscriptorum codicum collatione deprehensae (532–
547). Pour l’Inchoata expositio, ils indiquent que leur texte est « correctus ad exem-
plum Cambr. », puis donnent une liste de variantes venant de ce manuscrit. Ces
variantes, marquées par Cam dans notre apparat, doivent venir du manuscrit de
Cambron présenté plus haut (2.1.4). Mais il faut supposer que d’autres variantes de
Cam furent intégrées tacitement dans le texte.
Il en ressort que Cam appartenait probablement à Λ,383 et que les éditeurs avaient un
autre manuscrit, de la sous-famille γ dans Ξ.
Mauristes
Les sources de l’édition des Mauristes sont entièrement connues et conservées. Pour
l’Inchoata expositio, ils indiquent (col. 984) : « In MSS nostris non reperta est sed
||
382 Pour le peu que l’on sait de ses sources manuscrites, voir DE GHELLINCK, Patristique, 380–391.
383 Malgré les indication de son contenu : voir supra, 2.1.4, p. 66.
88 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
multis mendis purgata nunc fuit ope MS Vaticani et recensita ad editiones Am Er &
Lov ».
Manuscriptis nostris, ce sont les manuscrits que les Mauristes ont réunis à Saint-
Germain-des-Prés pour leur édition des opera omnia d’Augustin, et qui venaient
principalement des monastères de leur propre congrégation. On remarquera qu’ils
n’ont pas connu le manuscrit Troyes 40 (dont notre T fait partie), qui leur aurait
beaucoup facilité la tâche.
Quant au MS Vaticanus, comme Divjak l’avait déjà vu,384 il s’agit de V. L’accès
des Mauristes à ce manuscrit est indirect.385 Sixte V (1585–1590) et Clément VIII
(1592–1605) avaient projeté une édition romaine des opera omnia d’Augustin. Celle-
ci n’a jamais vu le jour, mais donna lieu à des collations de manuscrits de la Vati-
cane contre l’édition de Louvain, qui subsistent dans les manuscrits Vaticanus Lati-
nus 4991 (tomes 2 et 4 de l’édition de Louvain) et 4992 (tomes 5 et 8 ; les tomes 1, 9 et
10 n’ont jamais été collationnés). Les collations pour le tome 4, et donc pour
l’Inchoata expositio, sont le travail d’un nommé Christophe Aury, autrefois profes-
seur à la Sorbonne, et recteur d’une église Saint-Antoine à Paris, qui a œuvré du 25
juillet 1597 au 10 octobre 1598.386 Lors d’un séjour à Rome, des Mauristes préparant
leur propre édition des opera omnia ont ensuite copié Vat. Lat. 4991 et 4992. Cette
copie est aujourd’hui Paris, Bibliothèque Nationale, Latin 11.646, et c’est elle qui est
le vrai MS Vaticanus pour l’Inchoata expositio et bien d’autres textes de l’édition
mauriste.387
Comme les Lovanienses, les Mauristes offrent une liste de variantes en fin de vo-
lume (979–983). Nous signalons celles pour l’Inchoata expositio par μ+ dans
l’apparat. Toutes viennent de V.
Ainsi, le texte des Mauristes a été constitué à partir de V et des trois éditions an-
térieures. Il ne sert donc pas comme témoin indépendant pour notre édition. Ses
leçons sont cependant signalées dans l’apparat, pour leur intérêt historique, et aussi
par respect pour le jugement critique de ces grands connaisseurs d’Augustin.
CSEL 84
C’est la seule édition « critique », au sens moderne. Parmi nos manuscrits, Divjak
(dont nous avons conservé les sigles) a utilisé tous les manuscrits de la famille Λ (O
E S U T V) et dans la famille Ξ, Z B1 R C et les manuscrits c (L1 L2 M F), en plus de B. Il
signalait aussi l’existence de A P V1,388 mais ne les a pas consultés, sans en indiquer
la raison. Il ne semble pas avoir connu les manuscrits H W G Prag et Ott, ni les divers
||
384 CSEL 84, xxxii. VRBA, Beiträge, 53 avait établi les faits.
385 Pour ce qui suit, voir VRBA, Beiträge ; PETITMENGIN, À propos des éditions.
386 VRBA, Beiträge, 59 ; PETITMENGIN, À propos des éditions, 218s.
387 PETITMENGIN, À propos des éditions, 241.
388 CSEL 84, xiii/xiv.
Introduction | 89
florilèges et extraits que nous avons employés. Il n’a pas, non plus, pris en compte
les trois éditions du 16ème siècle.
L’édition CSEL a d’autres problèmes. Divjak a bien repéré certains faits stemma-
tiques : la famille c (mais sans voir que L2 dérive de L1), la relation étroite entre T et
V, et celle entre B1 et R.389 Mais, bien qu’il ait disposé de manuscrits de toutes les
branches de la tradition, il a maintenu qu’il était impossible de construire un stem-
ma : « soli codices Italici [i.e. les manuscrits c] de eodem exemplari descripti viden-
tur esse. Ceteri vero quamvis nonnullis locis390 inter se congruant, interdum tamen
ita discrepant ut certas eorum familias dinoscere non liceat. Inde sequitur eos de
exemplaribus contaminatis esse descriptos ». Par conséquent, il a conclu à la supé-
riorité de B : « quamquam saec. XV scriptus tamen lectiones interdum optimas con-
servavit ». Il faut rejeter ces conclusions, fondées, du reste, sur des collations bien
souvent inexactes.
Que ceci soit dit sine invidia envers notre prédécesseur, dont le travail nous a été
d’une grande utilité, et dont chacun sait les contributions à l’étude d’Augustin.
Reprenons les mots de Rousselet : « Nous soumettons donc ici à l’attention des
chercheurs une reprise de cette édition critique et nous prions I. Divjak de l’accepter
comme la collaboration d’un travailleur de la onzième heure qui sait reconnaître ce
qu’il doit aux défricheurs de la première heure ».391
L’article de Rousselet cherche en effet à améliorer le texte des trois œuvres édi-
tées dans CSEL 84. Mais pour l’Inchoata expositio, Rousselet, ne disposant que des
données fournies par Divjak, avait supposé que l’accord de O E S U T V pouvait faire
autorité contre le reste des manuscrits,392 et une grande partie des corrections qu’il
propose sont fondées sur cet accord. Nous savons aujourd’hui que ces cinq manus-
crits représentent la seule famille Λ, et Rousselet aurait certainement pesé les va-
riantes autrement s’il avait connu l’existence de Ξ. Dans les faits, nous avons accep-
té le même texte que lui sauf en 4,9 ; 5,10 (voir infra, 2.8, note critique ad loc.) ; 5,11
(voir note critique ad loc.) ; 9,1 (voir note critique ad loc.) ; 14,6 ; 15,5 ; 16,7 (voir note
critique ad loc.) ; 19,3 (voir note critique ad loc.) ; 21,4 (voir note critique ad loc.).
||
389 CSEL 84, xxx–xxxiii. Divjak y décrit R comme « descriptus » de B1, mais il doit s’agir d’un
lapsus, comme l’indique son choix d’inclure R dans son apparat, et le contenu même de cet apparat.
C’est aussi à tort que Divjak indique une parenté spéciale entre Z et B.
390 On aurait préféré lire « nonnullis erroribus ».
391 ROUSSELET, À propos d’une édition, 233.
392 ROUSSELET, À propos d’une édition, 237.
90 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Amantissimus Domini sanctissimus Augustinus … fatetur tamen de semetipso in suo libro Retrac-
tationum, quod coeperit hanc ad Romanos exponi [sic] epistolam, atque de titulo ipsius epistolae
unum fecerit librum, qui etiam penes nos est, sed postea, ut ipse in eodem Retractationum libro
fatetur, dimisit eam territus illius magnitudine atque obscuritate ad alia faciliora tendendo.393
||
393 MGH Ep. IV, 599 (éd. DÜMMLER). Dümmler a collationné les manuscrits parisiens que nous
appelons Χ Φ Ψ, en suivant de préférence le texte de Χ.
394 Voir les remarques amères de Dúngal de Bobbio (ZANNA, Responsa, 56) sur le manque
d’originalité de Claude, qui travaille glosario opere mais présente ses commentaires comme ses
propres créations.
395 Il n’était pas de la méthode de Claude de reproduire dans son commentaire la longue digres-
sion sur le blasphème contre l’Esprit Saint qui forme la deuxième partie de notre texte.
396 CCCM 263, 8s., citant 11,1–6. Parmi les variantes recensées par cette édition, nous ne rapporte-
rons que celles qui sont autrement attestées dans la tradition de l’Inchoata expositio.
397 Vercelli, Biblioteca capitolare XXXXIX (40). L’attribution des commentaires sur Rom., 1 et 2
Cor., Gal., Eph., Phil. à Atton est réfutée par HOFFMANN, Die Würzburger, 17–49. Ils seraient plutôt à
attribuer à un certain Lantfranch, un italien autrement inconnu, actif au s. 91/3. FONAY WEMPLE (Atto
of Vercelli, 31) note qu’ « Atton » utilise extensivement Claude dans ses propres commentaires. On
retrouve en effet des idées de l’Inchoata expositio dans son commentaire sur Rom. 1,2–7 (PL 134,
130–134). HOFFMANN, Die Würzburger, 24.34.50s.71.108 note de même des parallèles entre le com-
mentaire de Lantfranch et l’Inchoata expositio. Tous paraissent venir de Claude. Mais Atton ne se
Introduction | 91
ordres. Tout cet ensemble fut imprimé sous le nom d’Atton, le plus récemment dans
PL 134.398
On trouve donc dans PL 134, 791s. une version de tout le chapitre 19 de
l’Inchoata expositio. Nous avons malheureusement appris trop tard la présence de
cet extrait pour consulter les manuscrits, soit de Claude, soit du pseudo-Atton.399
Mais nous avons collationné le texte de l’Inchoata expositio avec celui imprimé
dans PL 134, et aussi avec celui de Paris, Bibliothèque Nationale Lat. 12.290 (s. 93/4,
France centrale / vallée de la Loire),400 dont la microfiche est disponible sur inter-
net.401 Selon ces collations, l’extrait comporte un texte considérablement remanié,
sinon corrompu, et n’apporte aucune lumière nouvelle pour l’édition de l’Inchoata
expositio.402
On voudrait bien savoir où et à quelle époque Claude avait penes nos un manus-
crit du texte augustinien. Malheureusement, si Claude donne souvent dans les pré-
faces de ses commentaires des indications très précises de temps et de lieu, il ne le
fait pas dans la préface au commentaire sur Romains, qui ne comporte pas non plus
de dédicace.403
||
contente pas de recopier, et on ne peut donc s’en servir pour l’édition de Claude. De même, les
citations et paraphrases de l’Inchoata expositio que l’on retrouve dans Hervé de Bourg-Dieu († c.
1150) recouvrant aussi Rom. 1,2–7 (PL 181, 600–604) viennent de Claude, mais n’ont rien à apporter
pour notre édition de ses extraits.
398 Voir FONAY WEMPLE, Atto of Vercelli, 23–25. L’édition PL reprend celle de Buronzo del Signore
(Vercelli 1768).
399 Pour une liste des manuscrits de Claude, voir BOULHOL, Claude de Turin, 343. Selon HOFFMANN,
Die Würzburger, 17, trois manuscrits autres que celui de Verceil contiennent, sous diverses formes,
le travail du pseudo-Atton. Parmi ceux-ci, seul Bamberg, Staatsbibliothek Msc. Bibl. 89 (s. 11/12)
contient un commentaire sur Hebr. Il s’agit de celui d’Alcuin (PL 100, 1031–1084). Le commentaire
imprimé d’Alcuin s’arrête à Hebr. 10,36, mais dans le manuscrit de Bamberg, le texte d’Alcuin
s’arrête au plein milieu de la glose sur Hebr. 10,26 (donatum fuit hostias, PL 100, 1081), puis, sans
indication de coupure, le scribe poursuit avec le commentaire de l’Ambrosiaster sur Rom. 16,19–fin.
Ceci correspond exactement au contenu de Fulda, Hochschule und Landesbibliothek Aa 15 (s. 91/3) :
voir FOX, Alcuin’s Expositio, 330.
400 BISCHOFF, Katalog, t. 3, no. 4822. Voir ci-dessous sur Φ, qui fut écrit avec lui.
401 Notre extrait est au folio 114v.
402 Quelques points à noter (dans ce qui suit le texte de Paris Lat. 12.290 est x et celui de PL 134 z) :
19,2 ut hoc significaverit] et hoc significat z ; et hoc significarit x (significarit etiam O S E2 U) ; 19,3s.
fateamur … veritatis accepit om. z ; habet x, sed conicitur pro conficitur ; 19,5 non accepit] non acci-
pit x (cum S U Ξ) ; 19,7 per baptismum] post baptismum x (cum O E S U B Am Er) ; 19,7 etiam qua-
drupes est] quadrupes debet esse etc z ; 19,8s. in fundamento manente itaque fundamento] funda-
mento manentem itaque fundamento x ; fundamento manente itaque a fundamento z ; 19,10 non
iterum] ne iterum z. Comme on pouvait s’y attendre, le texte de x rejoint quelques fois le nôtre
contre z.
403 BOULHOL (Claude de Turin, 21) affirme cependant qu’il fut « sans doute » écrit pour Théodemir,
abbé de Psalmodi.
92 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
404 Le commentaire sur Matthieu est inédit. Nous l’avons consulté dans le manuscrit London,
British Library, Royal 2 C X (anglais, s. 12), où l’exégèse de Mt. 12,31–33 est aux folios 75r–75v.
405 MGH Ep. IV, ep. 2, 594.
406 MGH Ep. IV, ep. 2, 593.
407 MGH Ep. IV, ep. 3, 596S.
408 MGH Ep. 4, 598 (= CCCM 263, 5).
409 CCCM 263, vii/viii.
410 CCM 263, vii/viii.
411 Χ : In Christi nomine incipit praefatio in epistula ad Romanos, après quoi une seconde main a
ajouté dans la marge : Claudii episcopi ; Φ : Incipit praephatio Claudii episcopi ; Ψ : Incipit praefatio
Claudii episcopi ; Δ (après la préface et 1(4) de l’Inchoata expositio) : Incipit epistola Pauli apostoli ad
Romanos. Expositio a Claudio episcopo. Les premières pages de Θ ont disparu. Dúngal de Bobbio
(ZANNA, Responsa, 56) atteste que Claude se faisait appeler Claudii Taurinensis episcopi dans
l’incipit de ses commentaires. Selon le témoignage de DÜMMLER (MGH Ep. IV, ep. 1,590 ; ep. 2,593 ;
ep. 3, 596 ; ep. 4, 597) dans les commentaires publiés avant l’épiscopat, notre auteur se fait appeler
Claudius presbyter.
Introduction | 93
Pour le commentaire sur Romains, nous avons donc un terminus post quem
plausible de 817, mais pas de terminus ante quem. Quant au lieu, si Claude était
évêque quand il rédigea sa préface, penes nos doit signifier « à Turin ». Mais il a
pu acquérir le manuscrit à une date antérieure, au nord des Alpes, surtout qu’il
se déplaçait alors avec le souverain.412
Ajoutons que l’édition de toutes les œuvres de Claude, et une étude détaillée des
sources dont il disposait, permettrait peut-être de tirer des conclusions plus nettes
sur la datation. Mais ce travail reste à faire.
Quoi qu’il en soit, le manuscrit de l’Inchoata expositio dont disposait Claude a
aujourd’hui disparu. Il a donc fallu le reconstruire tant bien que mal, avant tout en
éditant la partie du commentaire de Claude sur Rom. qui comporte nos extraits.
Pour cette édition, nous disposons des manuscrits suivants :413
||
412 BOULHOL, Claude de Turin, 19s. Pour les diverses tentatives de chronologie de toute l’œuvre de
Claude, ibid. 255–257.
413 Pour cette liste voir FERRARI, Note su Claudio. Ferrari (298) oublie cependant de signaler la
présence du commentaire sur Romains dans Σ, erreur rectifiée par BOULHOL, Claude de Turin, 338.
Les renseignements sur les manuscrits viennent des catalogues cités, sauf autre indication.
414 BISCHOFF, Katalog, t. 3, no. 4183. Pour. FERRARI, Note su Claudio, 296, le manuscrit « è proba-
bilmente da collocare nel prima metà del secolo IX ». Lauer donnait une date de s. 10.
415 Note su Claudio, 296.
416 Kompilation, 232. Pour l’entrée de certains manuscrits de Clermont dans la collection de Col-
bert, voir DELISLE, Le cabinet, t. 1, 464s., 480–482.
417 BISCHOFF, Katalog, t. 3, no. 4183.
418 DELISLE, Le cabinet, t. 1, 485s.
419 FERRARI, Note su Claudio, 296. Lauer attribue à tort ce commentaire à Claude.
94 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
420 BISCHOFF, Katalog, t. 3, no. 4821.
421 FERRARI, Note su Claudio, 294. Bischoff loc. cit. écrit de même « Fleury ? ».
422 Ce qui correspond bien à l’incipit de Φ (cf. n. 411 supra). Le catalogue de 1552 fut édité par
CUISSARD, Catalogue général, vii–xiii. Mais il se trompe en identifiant le no. 139 avec le MS 88 (85) de
la bibliothèque d’Orléans, qui contient en fait le commentaire sur Paul d’Haymon d’Auxerre. Voir la
notice de PELLEGRIN, Catalogue.
423 Cf. l’exemple de certains manuscrits augustiniens de Saint-Rémi de Reims : DOLBEAU, Augustin
et la prédication, 539, n. 30 ; 552.
424 DELISLE, Le cabinet, t. 2, 5s.
425 FERRARI, Note su Claudio, 294.
426 BISCHOFF, Katalog, t. 3, no. 4182. FERRARI loc. cit. 297 indique s. 10. LAUER indique s. 9 ; HEIL,
Kompilation (232) s. 9/10.
427 Nous ignorons pourquoi RICCI (CCCM 263, xxv) indique que Ψ forme un couple avec Paris Lat.
2394A (s. 9ex.– s. 10inc., Saint-Martial, Limoges).
428 DELISLE, Le cabinet, t. 1, 188.
Introduction | 95
||
429 Voir aussi la description détaillée de L. Buono dans OROFINO, I codici decorati, 89–91 + pl. 66s.
430 Pour la datation, voir aussi LOEW, The Beneventan, 244s. ; 342.
431 Pour l’attribution des notes, voir Buono dans OROFINO, I codici decorati, 89. On y lit : seculi xi.
incipientis codex exaratus anno 1023 tempore Theobaldi Abbatis, ut ex Chron. Casinensi lib. 12 cap. 52.
et ex Cod. MS sign. num. 28 pag. 585 ac ex Cod. MS. num. 57 pag. 587. Le second renvoi est à une liste
des manuscrits écrits sous Théobald en 1023 (cf. INGUANEZ, 71). Une seconde note a tenté d’identifier
le scribe : scriptor huius codicis forsan est Johannes Subdiaconus et Monachus, qui scripsit cod. 5 sub
Atinalfo abbate (Atenolfus, abbé de 1011 à 1022). Cf. INGUANEZ, 11.
432 Chronica Monasterii Casinensis 2,53 (MGH SS, 24, ed. H. HOFFMANN, 1980). Nous citons la
version A du texte.
433 FERRARI, Note su Claudio, 297s.
434 FERRARI, Note su Claudio, 297.
435 HEIL, Kompilation (232) propose Fleury, mais on notera que Θ est indépendant de Φ, le manus-
crit de Fleury.
436 CCCM 263, xxviii.
96 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Nous avons collationné tous les manuscrits décrits ci-dessus,439 exclusivement pour
les extraits de l’Inchoata expositio. Pour ces extraits, nous proposons le stemma
suivant :440
Claud
Χ Φ Ψ
Δ Σ Θ
||
437 VERNET – GENEST, La bibliothèque, 14–16.349–356.
438 VERNET – GENEST, La bibliothèque, 27–34.119. Pour le sort des manuscrits de Clairvaux, voir
supra, 2.1.1, p. 37, sur T.
439 Tous ont été collationnés sur place, sauf Σ, pour lequel nous avons utilisé la reproduction
numérique sur le site internet de la Médiathèque de Troyes.
440 Comme celui-ci est basé uniquement sur les extraits de l’Inchoata expositio, il est impossible
d’exclure qu’une relation plus complexe entre les manuscrits émergerait d’une collation du texte
entier. RICCI propose dans CCCM 263 une édition intégrale des commentaires sur Eph. et Phil. Celle-
ci devrait éclairer quelque peu la tradition du commentaire sur Rom. : les trois commentaires sont
dans Θ, et Φ, on l’a dit, va de pair avec Paris Lat. 12.290, qui contient Eph. et Gal. Malheureusement,
la méthode éditoriale de Ricci est, à notre sens, fautive (elle ne distingue pas clairement entre leçons
partagées et erreurs partagées), mais nous rejoignons néanmoins sa conclusion que Θ est indépen-
dant de Φ / Paris Lat. 12.290.
Introduction | 97
1. (1) In epistola quam Paulus apostolus scripsit ad Romanos, quantum ex eius textu
intelligi potest, quaestionem habet talem: Utrum Iudaeis solis evangelium Domini
nostri Iesu Christi venerit propter merita operum legis; an vero nullis operum meritis
praecedentibus, omnibus gentibus venerit iustificatio fidei, quae est in Christo Iesu,
ut non quia iusti erant homines, crederent, sed credendo iustificati, deinceps iuste 5
vivere inciperent. (2) Hoc ergo docere intendit apostolus, omnibus venisse gratiam
evangelii Domini nostri Iesu Christi. Quam propterea etiam gratiam vocari ostendit,
quia non quasi debitum iustitiae redditum est, sed gratuito datum. (3) Coeperant
enim nonnulli qui ex Iudaeis crediderant tumultuari adversus gentes, et maxime
adversus apostolum Paulum, quod incircumcisos et a legis veteris vinculis liberos 10
admittebat ad evangelii gratiam, praedicans eis ut in Christum crederent, nullo
imposito carnalis circumcisionis iugo. (4) Sed plane tanta moderatione, ut nec
Iudaeos superbire permittat, tamquam de meritis operum legis, nec gentes merito
fidei adversus Iudaeos inflari, quod ipsi receperint Christum, quem illi crucifixerunt.
Tamquam enim, sicut alio loco dicit, pro ipso Domino legationem fungens, hoc est, 15
pro lapide angulari, utrumque populum tam ex Iudaeis quam ex gentibus connectit
in Christo per vinculum gratiae, utrisque auferens omnem superbiam meritorum, et
iustificandos utrosque per disciplinam humilitatis associans.
... 3. (3) Fuerunt enim et prophetae non ipsius, in quibus etiam si aliqua
inveniuntur quae de Christo audita cecinerunt, sicut etiam de Sibylla dicitur: quod
non facile crederem, nisi poetarum quidam in romana lingua nobilissimus
antequam diceret ea de innovatione saeculi, quae in Domini nostri Iesu Christi
regnum satis concinere et convenire videantur, praeposuit versum, dicens: “Ultima 5
Cumaei venit iam carminis aetas.”
(4) Cumaeum autem carmen Sibyllinum esse nemo dubitaverit. Sciens ergo
apostolus ea in libris gentium inveniri testimonia veritatis, quod etiam in Actibus
apostolorum loquens Atheniensibus manifestissime ostendit, non solum ait per
prophetas suos, (5) ne quis a pseudoprophetis per quasdam veritatis confessiones in 10
1,15 cf. 2 Cor. 5,20 16 lapide angulari] cf. Eph. 2,20 3,5sq. Verg. ecl. 4,4 8sq. cf. Act. 17,28
ΧΦΨΔΘΣ
11 Rom. 1,2 4,7sq. Rom. 1,3 15–19 unde…David] cf. Mt. 22,42–46 26 per…omnia] cf. Io. 1,3
26sq. Verbum…nobis] cf. Io. 1,14
ΧΦΨΔΘΣ
quod ait secundum carnem humanitatem a divinitate distinxit, sed etiam illo quod
ait factus est. Non est enim factus secundum id quod Verbum Dei est. (11) Omnia 30
enim per ipsum facta sunt, nec fieri cum omnibus posset per quem facta sunt omnia.
Neque ante omnia factus est, ut per ipsum fierent omnia: ipso enim excepto, si ante
illa iam factus est, sed non essent illa omnia quae per illum fierent; nec possent vere
dici facta omnia per ipsum, in quibus ipse non esset, ipse etiam factus est. Sed
(12) et ideo apostolus cum factum diceret Christum, addidit secundum carnem, ut 35
secundum Verbum quod est Filius Dei, non factum a Deo sed natum esse monstraret.
Qui praedestinatus est Filius Dei in virtute.
5. (1) Eundem sane ipsum, qui secundum carnem factus est ex semine David,
praedestinatum dicit Filium Dei, in virtute … (14) Non itaque ex illorum mortuorum
resurrectione praedestinatus est, quos est damnaturus. Praedestinatum enim esse ex
resurrectione mortuorum, ut praecederet resurrectionem mortuorum, vult intelligi
apostolus: hos autem praecessit, qui ad ipsum caeleste regnum, quo eos praecessit, 5
secuturi sunt. (15) Propter quod non ait ‘qui praedestinatus est Filius Dei in virtute
secundum spiritum sanctificationis ex resurrectione mortuorum Iesus Christus
Dominus noster’, sed ex resurrectione mortuorum Iesu Christi, tamquam qui diceret:
‘Qui praedestinatus est Filius Dei ex resurrectione mortuorum suorum’, hoc est ad se
pertinentium in vitam aeternam; velut si interrogaretur ‘quorum mortuorum?’, et 10
responderet, ‘ipsius Iesu Christi Domini nostri’. (16) Ex resurrectione enim cetero-
rum mortuorum non est praedestinatus, quos non praecessit ad gloriam vitae
aeternae, non utique secuturos, quoniam ad poenas suas impii resurrecturi sunt.
(17) Ergo ille tamquam Filius Dei unigenitus, etiam primogenitus ex mortuis
praedestinatus ex resurrectione mortuorum. Quorum mortuorum, nisi Iesu Christi 15
Domini nostri? (4) Potest quidem etiam sic esse ordo verborum, ut non ad spiritum
sanctificationis adiungamus quod ait ex resurrectione mortuorum, sed ad id quod ait
praedestinatus est, ut ordo sit: qui praedestinatus est ex resurrectione mortuorum, cui
ordini interposita sunt haec: Filius Dei in virtute secundum spiritum sanctificationis.
(5) Et nimirum iste ordo certior et melior videtur, ut sit filius David in infirmitate 20
secundum carnem, Filius autem Dei in virtute secundum spiritum sanctificationis.
ΧΦΨΔΘΣ
29 quod1] quo Θ | quod2] quo Χ Φ Θ Σ (ac.) ‖ 30 est2 om. Χ (ac.) ‖ 31 hominibus Θ ‖ 32sq. si …
est] omnia illa iam facta sunt Θ ‖ 33 esset Χ (ac.) | quae] nisi Θ | per om. Δ | fierent] omnia add. Θ
possunt Χ Φ Δ ‖ 34sq. ipse2 … apostolus] sed Θ ‖ 35 et om. Ψ Σ | apostolus … diceret om. Φ (ac.)
36 esset Δ (uv. ac.) ‖ 37 qui … virtute] deest in Inchoata expositione ‖ 37‒5,1 Filius … ipsum om.
Χ (ac.)
5,3 est1 om. Θ (uv. ac.) | quos] quod Φ | damnaturus] in fine add. Θ ‖ 4 resurrectionem] resurrec-
tione Χ (ac.) Ψ Δ; in praem. Χ (pc.) Φ ‖ 5 qui] quia Θ | qui … praecessit2 om. Φ ‖ 6 non om. Δ (pc.)
virte Χ ‖ 7sq. Iesus … mortuorum om. Δ ‖ 8 qui om. Θ ‖ 9 ad] a Δ
100 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
(6) Factus est ergo ex semine David, id est filius David ex mortali corpore, propter
quod et mortuus est. Praedestinatus est autem Filius Dei et Dominus ipsius David ex
resurrectione mortuorum. (7) In quantum enim mortuus est, ad id pertinet quod est
25 filius David; in quantum autem resurrexit a mortuis, ad id quod est Filius Dei et
Dominus ipsius David.
6. (1) Per quem accepimus gratiam et apostolatum. Gratiam cum omnibus
fidelibus, apostolatum autem non cum omnibus. Et ideo si tantummodo apostolatum
se diceret accepisse, ingratus exstitisset gratiae, qua illi peccata dimissa sunt:
tamquam meritis priorum operum accepisse apostolatum videretur. (2) Optime
5 itaque tenet ordinem causae, ut nemo audeat dicere vitae prioris meriti ad evange-
lium se esse perductum, quando nec ipsi apostoli, quia ceteris membris post caput
corporis supereminent, accipere apostolatum proprie potuissent, nisi prius com-
muniter cum ceteris gratiam, quae peccatores sanat et iustificat, accepissent. (3) Et
post haec addidit: ad obediendum fidei in omnibus gentibus pro nomine eius. Ad hoc
10 dicit apostolatum se accepisse, ut obediatur fidei pro nomine Domini nostri Iesu
Christi, hoc est ut credant omnes Christo et signentur in eius nomine qui salvi esse
cupiunt. (4) Quam salutem non solis Iudaeis, sicut nonnulli qui ex ipsis crediderant
arbitrabantur, venisse iam ostendit, cum ait in omnibus gentibus. In quibus estis,
inquit, et vos vocati Iesu Christi, id est ut et vos sitis eius Iesu Christi, qui omnium
15 gentium salus est, quamquam non in numero Iudaeorum, sed in numero ceterarum
gentium sitis inventi.
7. (1) Huc usque dixit ipse quis esset qui scribit epistolam. Est enim qui scribit
epistolam. Est qui scribit Paulus servus Christi Iesu, vocatus apostolus, segregatus in
evangelio Dei. (2) Sed quia occurrebat ‘quod evangelium?’ respondit: quod ante
promiserat per prophetas suos in scripturis sanctis de Filio suo. Item quia occurrebat
5 ‘de quo Filio suo?’ respondit: qui factus est ei ex semine David secundum carnem, qui
praedestinatus est Filius Dei in virtute secundum spiritum sanctificationis ex resurrec-
tione mortuorum Iesu Christi Domini nostri. (3) Et quasi diceretur ‘quomodo tu ad
eum pertines?’ respondit: per quem accepimus gratiam et apostolatum, ad oboedien-
dum fidei in omnibus gentibus pro nomine eius. (4) Item quasi diceretur ‘quae igitur
10 causa est ut scribas ad nos?’ respondit: in quibus estis et vos vocati Iesu Christi. (5)
ΧΦΨΔΘΣ
Nunc deinde adiungit ex more epistolae quibus scribat: omnibus, inquit, qui sunt
Romae, dilectis Dei, vocatis sanctis. Etiam hic significavit benignitatem Dei potius
quam meritum illorum. Non enim ait ‘diligentibus Deum’ sed dilectis Dei. (6) Prior
enim dilexit nos ante omnia merita, ut nos eum dilecti diligeremus. (7) Unde etiam
addidit vocatis sanctis. Quamquam enim sibi quis tribuat quod vocanti obtemperat, 15
nemo potest sibi tribuere quod vocatus est. Vocatis autem sanctis, non ita intelligen-
dum est, tamquam ideo vocati sunt, quia sancti erant, sed ideo sancti effecti, quia
vocati sunt.
8. (1) Restat ergo ut salutem dicat, ut compleatur usitatum epistolae principium,
tamquam ille illis salutem. Pro eo autem ac si diceret salutem, gratia vobis et pax a
Deo Patre nostro et Domino Iesu Christo. Non enim omnis gratia a Deo est. (2) Nam et
iudices mali praebent gratiam in accipiendis personis aliqua cupiditate illecti aut
timore perterriti. (3) Neque omnis pax Dei est, vel ab illo, unde ipse Dominus dis- 5
cernens ait: Pacem meam do vobis, adiungens etiam et dicens non se talem pacem
dare, qualem dat hic mundus. (4) Gratia est ergo a Deo Patre et Domino Iesu Christo,
qua nobis peccata remittuntur, quibus adversabamur a Deo, pax vero ipsa qua
reconciliamur Deo. (5) Cum enim per gratiam remissis peccatis absumptae fuerint
inimicitiae, restat ut pace adhaereamus illi, a quo nos sola peccata dirimebant. 10
11. (1) Quod autem apostolus gratiam et pacem a Deo Patre et Domino Iesu
Christo dicit, non adiungens etiam Spiritum sanctum, non mihi alia ratio videtur,
nisi quia ipsum donum Dei Spiritum sanctum intelligimus. Gratia porro et pax, quid
aliud quam donum Dei? (2) Unde nullo modo dari hominibus gratia potest qua
liberamur a peccatis, et pax qua reconciliamur Deo, nisi in Spiritu sancto. Et ideo et 5
ipsa Trinitas pariterque incommutabilis in ista salutatione cognoscitur.
7,11sq. Rom. 1,7 13sq. prior…nos1] cf. 1 Io. 4,19 8,2sq. Rom. 1,7 6 Io. 14,27
ΧΦΨΔΘΣ
11 scribit Θ | inquid Χ Ψ ‖ 12 Dei1 om. Χ (ac.) ‖ 13 merito Δ | dilectis] dili??tis Φ (ac.) ‖ 14 eum
om. Θ ‖ 15 quod] quot Θ ‖ 16 nemo] tamen add. Σ | sibi om. Χ (ac.) ‖ 17 sunt] sint Θ | effecti]
vocati Φ (ac.)
8,2 salutem1] mandet add. Χ (ac.); dicat add. Θ | autem ac si] ut Θ | gratia] inquit add. Σ ‖ 5 Dei]
deo Θ ‖ 6 ait] sequitur verbum erasum in Ψ ‖ 7 Domino] nostro add. Θ ‖ 8 adversabamus Ψ (uv.)
a om. Σ (ac.) | ipsa] est add. Χ ‖ 9 gratia Φ Δ | adsumptae Δ ‖ 10 adhaeramus Φ
11,4 gratiam Χ (ac.) Φ ‖ 5 et2 om. Θ ‖ 6 pariterque] pariter Θ
102 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
1,1 omnibus gentibus venerit iustificatio fidei : veniret Σ (ac.) ; venerit Σ (pc.) :
venerit est appelé par venerit immédiatement avant, pour assurer le symétrie des
temps dans les deux clauses de la question indirecte. Mais venerit fut peut-être
la leçon de l’exemplaire de Σ (vide supra).
1,4 sed plane tanta moderatione : add. id agit Σ : Le texte d’Augustin nous oblige
soit à comprendre 1,3s. comme une très longue phrase plutôt maladroite, soit à
||
441 Dans la branche Ξ de la tradition de l’Inchoata expositio, que nous croyons correspondre au
texte d’Augustin ici, la transition est faite par inquit au milieu du lemme de 6(1). Mais cet inquit ne
figure pas dans la branche Λ, y compris chez Claude.
442 Nous parlerons ici des corrections ou conjectures « de Σ », et plus bas de celles « de Θ » par
économie d’expression. Rien ne permet en fait d’affirmer que ce sont les scribes de ces manuscrits
mêmes, et non pas ceux de leurs ancêtres, qui sont à l’origine de toutes ces corrections.
Introduction | 103
voir 1(4) comme une phrase sans verbe principal. Plutôt que de trancher, Σ
ajoute un verbe.
2,4 pro ipso Domino legationem fungens : legatione Σ (pc.) : Σ corrigé rétablit
l’usage classique de l’ablatif avec fungor.
3,3 in quibus etiam si aliqua inveniuntur : in quibus etiam aliqua inveniuntur Σ
(pc.) : etiam si, la leçon de Claude, vient de l’archétype de l’Inchoata expositio.
Mais en fait ce si fait appel à une apodose qui n’apparait jamais. Le correcteur
de Σ, comme plusieurs manuscrits et tous les éditeurs de l’Inchoata expositio
avant nous, règle le problème en se débarrassant de si.443
4,9 sed in carne ut carnalibus congruenter appareret indutum : in om. Σ : Le passif
d’induo se construit avec l’accusatif ou l’ablatif, sans préposition. Σ corrige et
retrouve le texte d’Augustin. Même correction dans Θ.
6,2 nemo audeat dicere vitae prioris meriti ad evangelium se esse perductum :
meritis Σ (pc.) : Le correcteur de Σ a réussi à rétablir la bonne leçon de l’Inchoata
expositio. Même correction dans Θ.
7,1 est enim qui scribit epistolam: est qui scribit Paulus servus Iesu Christi : est qui
scribit Ψ ; est quae scribit Χ Φ Δ ; est quod scribit Σ ; om. Θ : Cette redondance se
retrouve sous diverses formes dans la majorité des manuscrits Λ de l’Inchoata
expositio. Pour Claude, nous avons préféré la leçon de Ψ, manuscrit qui pré-
sente généralement un texte meilleur. Mais Σ a vu que cette leçon était dépour-
vue de sens. Sa modification de qui en quod est à comparer avec la conjecture
sunt quibus scribit ici dans les manuscrits T V de l’Inchoata expositio.
8,1 pro eo autem ac si diceret salutem: gratia vobis et pax a Deo Patre nostro : gra-
tia inquit vobis Σ : Σ a pu ressentir qu’introduire le lemme dans une phrase sans
verbe principal n’était pas dans la manière de l’auteur que cite Claude.444 Augus-
tin avait en effet écrit gratia vobis inquit, ce que Σ est près de retrouver.
Conjectures dans Θ
Θ lui aussi contient un nombre de leçons uniques. Malgré son indépendance des
autres branches de la tradition, il ne s’agit pas de leçons authentiques pour Claude,
mais d’efforts pour corriger les irrégularités de celui-ci, ou les fautes caractéristiques
de la branche Λ de l’Inchoata expositio.
3,5 volens enim ostendere litteras gentium : voluit Θ : Le texte transmis de Claude
avait remplacé le utique d’Augustin avec enim, qui demandait une nouvelle
proposition indépendante, et non le complément participial qui termine la
phrase de 3,4s. Θ transforme donc le participe en verbe conjugué.
||
443 Voir infra, 2.8, note critique ad loc.
444 Impossible de savoir si Σsavait que cet auteur était Augustin, mais cela nous semble fort
probable.
104 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
4,9 non mutatum est aut conversum in carne : est om. Θ : La bonne leçon pour
l’Inchoata expositio, c’est non mutatum et conversum in carnem. Mais Claude
avait affaire au texte Λ, où on lisait non mutatum est conversum in carnem, et
avait ajouté aut pour éviter le non-sens. Θ a ressenti qu’il n’y avait pas lieu de
commencer une nouvelle phrase après habitavit in nobis, et a réussi à se rappro-
cher du texte d’Augustin en effaçant est.
4,9 sed in carne ut carnalibus congruenter appareret indutum : in om. Θ : Vide
supra sur Σ.
4,11s. Neque ante omnia factus est, ut per ipsum fierent omnia: ipso enim excepto,
si ante illa iam factus est, sed non essent illa omnia quae per illum fierent, nec
possent vere dici facta omnia per ipsum, in quibus ipse non esset, ipse etiam
factus est. Sed et ideo apostolus cum factum diceret Christum …] Neque ante
omnia factus est, ut per ipsum fierent omnia: ipso enim excepto, omnia illa iam
facta sunt, sed non essent illa omnia quae per illum fierent, nec possent vere
dici facta omnia per ipsum, in quibus ipse non esset. Sed cum factum diceret
Christum … Θ; Neque ante omnia factus est, ut per ipsum fierent omnia: ipso
enim excepto, si ante illa iam factus esset, non essent illa omnia quae per il-
lum fierent, nec possent vere dici facta omnia per ipsum, in quibus ipse non es-
set, si ipse etiam factus esset. Et ideo apostolus cum factum Deo diceret Chris-
tum … Inchoata expositio : Ce passage est corrompu dans la branche Λ de
l’Inchoata expositio, y compris dans le texte de Claude. Augustin avait deux fois
écrit esset, qui a été transformé en est sed. Puis un si a disparu. Par conséquent,
si le sens général du passage est resté clair, l’enchevêtrement des phrases est
tombé à l’eau. Θ s’est permis des corrections radicales.
5,15 tamquam qui diceret: qui praedestinatus est Filius Dei ex resurrectione mortuo-
rum suorum : qui om. Θ : Augustin avait écrit tamquam si diceret. La branche Λ
de l’Inchoata expositio avait remplacé ce si par qui, ce qui est maladroit mais
donne encore un sens possible. Mais Θ préfère éliminer la maladresse, rejoi-
gnant ainsi une correction des manuscrits T V de Λ.445
6,1 ingratus exstitisset gratiae, qua illi peccata dimissa sunt: tanquam meritis prio-
rum operum accepisse apostolatum videretur : et tamquam Θ ; tamquam enim
Inchoata exposito : La disparition du enim d’Augustin dans la branche Λ de la
tradition crée une asyndète, dont Θ se débarrasse à sa façon.
6,2 nemo audeat dicere vitae prioris meriti ad evangelium se esse perductum :
meritis Θ : Vide supra sur Σ.
6,2 nec ipsi apostoli, quia ceteris membris post caput corporis supereminent, acci-
pere apostolatum proprie potuissent : quia a Χ Φ ; qui Θ : C’est quia qui doit être
||
445 Voir infra, 2.8, note critique ad loc.
Introduction | 105
Claude lui aussi a modifié le texte augustinien, pour faciliter les transitions dans son
propre commentaire. Ces modifications ne sont pas des vraies variantes pour Augus-
tin, et ne figurent donc pas dans notre apparat critique de l’Inchoata expositio.
||
446 Du moins dans son commentaire sur Rom. Dans le texte édité du commentaire sur Eph., la
seule leçon attestée est et ideo ipsa (CCCM 263, 8), la leçon de Ξ, et la bonne, selon nous. Tous les
témoins de Λ hormis Claude lisent ideo et ipsa. On peut imaginer différentes explications de ces
désaccords, mais il est impossible d’être certain quant à la leçon de l’exemplaire de Claude. En 11,1,
CCCM 263, 8 rapporte la leçon domino n o s t r o , sans variante, leçon attestée par une partie de la
tradition de l’Inchoata expositio, mais rejetée par nous, et absente des manuscrits de Claude sur
Rom. De fait, dans Paris Lat. 12.290, seul manuscrit du commentaire sur Eph. que nous avons pu
vérifier (sur la reproduction digitale de la microfiche), nostro est absent.
447 RICCI (CCCM 263, xxxviiii–xli) note cependant dans Θ des corrections d’après les sources de
Claude. Elle propose aussi que certaines corrections de Θ pourraient éventuellement indiquer une
révision du commentaire par Claude lui-même.
106 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
entre 4,12 et 5,1 : Qui praedestinatus est Filius Dei in virtute Claud : Le lemme a été
ajouté par Claude, l’Inchoata expositio étant rédigé en texte suivi, sans lemmes.
5,15 Propter quod non ait: Qui praedestinatus est Filius Dei in virtute secundum
spiritum sanctificationis ex resurrectione mortuorum Iesus Christus Domi-
nus noster; sed, ex resurrectione mortuorum Iesu Christi … Claud : Propter
quod non ait: Qui praedestinatus est Filius Dei ex resurrectione mortuorum
Iesus Christus Dominus noster; sed, ex resurrectione mortuorum Iesu Christi
Domini nostri Inchoata expositio : Claude, par souci de clarté, s’est décidé à re-
prendre presque la totalité de Rom. 1,4. L’allongement de la première partie de
cette phrase a peut-être conduit au raccourcissement de la seconde, mais ceci
est moins certain, et nous admettons donc l’omission de Domini nostri dans
l’apparat de l’Inchoata expositio.
6,3 Et post haec addidit: Ad obediendum fidei in omnibus gentibus pro nomine
eius … Claud : quod autem subiungit Inchoata expositio : Claude, on l’a vu, pré-
fère aligner les lemmes sans transition. Il devait trouver la transition
d’Augustin, qui plaçait le lemme au milieu d’une proposition dépendante, un
peu trop complexe. Plutôt que de la supprimer, il la remplace.
||
448 Pour la datation, voir BISCHOFF, Katalog, t. 3, no. 4691. Bischoff avait auparavant (Manuscripts
and Libraries, 111–113 ; voir aussi BOODTS, The Reception, 440s.) affirmé que le manuscrit serait tout
ce qui reste d’une catena sur une grande partie de la Bible, commandée par Louis le Pieux, et avait
proposé comme exécuteur de ce projet Hélisachar, chancelier de Louis le Pieux, et abbé de Saint-
Riquier, puisque Paris Lat. 17.146, donné par Hélisachar à Saint-Riquier, serait une source directe de
Paris Lat. 11.574. Mais GORMAN, Paris lat. 12,124, affirme que rien ne relie ces deux manuscrits, et ne
croit pas à l’existence de la catena. Il admet cependant que Paris Lat. 11.574 puisse provenir soit de
Saint-Riquier, soit de Corbie (même avis chez BOODTS, The Reception, 442s. ; nous remercions Mme
Boodts pour son aide sur Germ). Il a aussi confirmé l’hypothèse de Bischoff que Paris Lat. 12.124
(Origène, in Rom.) fut une source directe de Paris Lat. 11.574. Or, Paris Lat. 12.124 figure dans le
catalogue de Corbie de s. 12ex. (COYECQUE, Catalogue, xviii, no. 231). Y fut-il écrit ? Pour BISCHOFF
(Katalog, t. 3, no. 4731), Paris Lat. 12.124 fut copié c. 800 dans le nord-ouest de la France. Mais selon
Colleen Curran (per litteras), le manuscrit fut certainement écrit par un scribe insulaire. Elle note
aussi des traits insulaires chez le copiste de Paris Lat. 11.574, mais admet que ce dernier manuscrit
fut copié sur le continent. Mlle Curran (que nous remercions pour son aide) voit Corbie comme un
lieu probable pour de tels échanges de tradition entre scribes insulaires et continentaux. On associe
volontiers la riche bibliothèque et le haut niveau d’activité intellectuelle de Corbie avec le travail
très savant que présente notre manuscrit.
Introduction | 107
l’épître aux Romains, formé, comme celui de Claude de Turin, entièrement d’extraits
patristiques. On ne connait aucune autre copie de ce commentaire, qui n’a jamais
été imprimé. Le manuscrit était peut-être à Angers au 11ème siècle, puisqu’un bifo-
lium écrit en cette ville à cette époque y a été inséré avant le premier folio.449 À un
moment inconnu, le manuscrit est entré à Saint-Germain-des-Prés, d’où il sera
transféré en 1795/1796 à la Bibliothèque Nationale.450
Pour le fond et la forme, le commentaire de Paris Lat. 11.574 est le fruit d’un tra-
vail considérable. Le manuscrit est de grand format (42 × 30 cm), écrit sur deux co-
lonnes. Les lemmes de Rom. sont en lettres onciales rouges, et, pour chaque extrait,
l’auteur et (dans certains cas) l’œuvre sont indiqués en bleu ou rouge.451 Le commen-
taire comporte « 841 extraits d’ouvrages des Pères de l’Église ».452 On ne dispose pas
d’une liste complète de ces extraits,453 mais Gorman souligne à juste titre leur grande
diversité, et affirme ne connaitre aucun commentaire carolingien où les sources sont
identifiées avec un tel degré de précision.454
Le compilateur se démarque aussi en déployant, pour commenter Rom. 9, un
texte rare : le De induratione cordis Pharaonis (CPL 729), attribué dans la tradition
médiévale, y compris dans Paris Lat. 11.574, à Jérôme,455 mais qui est en fait l’œuvre
de Pélage, ou d’un de ses disciples.456 Il ne faut pas voir dans l’utilisation de ce texte
un choix fortuit : l’extrait est vraisemblablement le plus long de toute la compila-
||
449 GORMAN, Paris lat. 12124, 77.
450 DELISLE, Le cabinet, t. 2, 5s.
451 Pour des descriptions plus détaillées, voir GORMAN, Paris lat. 12124, 77s. ; BOODTS, The Re-
ception, 437–439 (qui note que le manuscrit comporte une lacune et semble avoir perdu on ou
plusieurs folios à sa fin).
452 FRANSEN, Le dossier, 464. L’auteur affirme aussi (465) que le commentaire puise aux travaux
analogues de Bède le Vénérable et Raban Maur sur Rom. GORMAN, Paris lat. 12124, ne semble pas
partager ces conclusions, mais BOODTS, The Reception (passim) montre l’emploi de Bède. Si Fransen
a raison sur Raban, la compilation est postérieure à celle de Raban, vraisemblablement écrite entre
828 et 836 (Raban Maur, epist. 24, MGH Ep. V, 430, semble indiquer que ses commentaires sur Paul
furent écrits pendant le séjour de Servatus Lupus à Fulda, qui daterait de ces années : voir E.
DÜMMLER, MGH Ep. VI, 1s.).
453 GORMAN, Paris lat. 12124, 102–128 fournit un échantillon des sources ; des compléments dans
BOODTS, The Reception, surtout sur les sources augustiniennes.
454 GORMAN, Paris lat. 12124, 78s.
455 De même, les extraits du commentaire de Pélage sur Rom. dans le manuscrit sont attribués soit
à Iohannes soit à Victor episcopus (BOODTS, The Reception, 440, n. 10).
456 Pour la tradition manuscrite du De induratione, voir NUVOLONE-NOBILE, Problèmes : l’auteur
connaissait 9 manuscrits du texte, dont le plus ancien est de s. 11. L’édition critique du texte annon-
cée dans cet article n’a jamais vu le jour, et tout nouvel éditeur devra se servir de Paris Lat. 11.574,
que Nuvolone-Nobile ne mentionne pas. BOODTS (The Reception, 446) indique la présence d’un
autre extrait du De induratione dans le commentaire sur Rom. 8,28–30.
108 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
457 L’extrait se trouve aux folios 58r–60r. Il correspond aux passages suivants dans le texte de PLS
1, 1506–1539 : Cum enim nondum [§13] … in contumeliam [§18] ; Quae quaestio [§22]… invenerit men-
tem [§28] ; cum ergo [§30] … nescio Deum [§31] ; superest de proposita [§34] … contumeliae perversus
[§39] ; habet enim potestatem [§41] … vas honoris efficiatur [§45]. Nous n’indiquons pas de petites
coupures à l’intérieur de ces extraits. Un annotateur carolingien a comparé les extraits avec un
exemplaire du texte complet du De induratione, pour indiquer en marge certains des passages
sautés par le compilateur. On lit ainsi : hic minus habetur quam beatus Ieronymos dixisset multum
(58v) ; hic minus est (ibid.) ; hic minus habetur (59r) ; et hic minus (ibid.). La même main a ajouté en
marge au folio 58v une phrase sautée par le compilateur (ou son copiste : nous ne savons pas si
Paris Lat. 11.574 est l’original de cette compilation, comme le rappellent GORMAN, Paris lat. 12124, 79
et BOODTS, The Reception, 438.442).
458 Voir l’étude exhaustive de DEVISSE, Hincmar, 115–153.187–279 ; bibliographie supplémentaire
en BOODTS, The Reception, 443s.
459 DEVISSE, Hincmar, 134.
460 Raban Maur, epist. 44, MGH Ep. V, 492s. : Vos seductos esse asserit stilo cuiusdam libelli, qui
fertur esse Hieronimi, de induratione cordis Pharaonis, ut diceretis non Deum indurasse cor Pharaonis,
sed indurari permisisse. Il est difficile de savoir si c’est à Gottschalk, ou à Raban lui-même, qu’il faut
attribuer le fertur. En tout cas, pour Gottschalk, ni Jérôme, ni aucun autre père de l’Église, n’est une
autorité absolue : tous peuvent se tromper (pour Jérôme, voir De praedestinatione 13 [= LAMBOT,
Œuvres, 235s.] ; à Responsa de diversis 4 [ibid. 138–145], Gottschalk signale des erreurs chez Cy-
prien, Grégoire de Nazianze, Jérôme, Augustin, Grégoire le Grand, et le grammairien Priscien).
Augustin lui-même ne pensait pas autrement : c. Faust. 11,5 ; epist. 82,3.24.
461 Voir ZECHIEL-ECKES, Florus, 135–137.
462 Florus de Lyon, De tribus epistolis (CCCM 260, 399). Voir aussi idem, Libellus de tenenda
immobiliter scripturae sanctae veritate (CCCM 260, 454).
Introduction | 109
sed quia nos huiusmodi libellum numquam vidimus, utrum ille, qui apud istos inve-
nitur, et stili gravitate et fidei sinceritate eius esse credendus sit, tamquam de ignoto
iudicare non possumus.463 Enfin, dans son troisième et dernier traité sur la prédesti-
nation, écrit en 859–860, Hincmar prend lui-même note des doutes sur l’authenti-
cité du De induratione. Il évite de se prononcer sur la question, mais s’incline dans
la mesure où il ne cite plus le texte dans ce traité.464
Sur la base de ces faits, on peut supposer que le commentaire de Paris Lat.
11.574 émane du milieu d’Hincmar et de Pardulus, et avait pour but de fournir, sur le
texte biblique de référence dans ce débat, une lecture radicalement opposée à la
double prédestination de Gottschalk. Il y a cependant deux obstacles à cette hypo-
thèse : (1) elle exige que l’on avance la date assignée au manuscrit par les paléo-
graphes ; (2) il n’y a aucune mention de ce commentaire dans tout le dossier de la
controverse, ce qui, étant donnée l’ampleur du travail, ne laisse pas de surprendre,
si vraiment il fut écrit pour réfuter Gottschalk. Retenons en tout cas que le commen-
taire est en soi un témoignage du grand intérêt que soulevait la question de la pré-
destination dans les milieux cultivés du 9ème siècle en Francie. Il se peut par exemple
que Gottschalk ait lu à Corbie soit Paris Lat. 11.574, soit la copie du De induratione
dont la compilation tire ses extraits, et que cette lecture ait stimulé ses propres ré-
flexions.465
Du reste, la présence dans Paris Lat. 11.574 d’extraits de l’Inchoata expositio
correspond à la volonté du compilateur de fournir une alternative à la vision rigide
de la prédestination enseignée par Augustin à partir de quaest. Simpl., et qui est
absente de l’Inchoata expositio.466
||
463 Ibid. 400.
464 Hincmar de Reims, De praedestinatione Dei 1 (PL 125, 74). Pour la datation, voir DEVISSE,
Hincmar, 227, et voir ibid. 234, n. 230.237 pour l’absence de citations du De induratione.
465 Pour le séjour probable de Gottschalk à Corbie en 829 ou peu après, voir L. TRAUBE, MGH Ant.
3, 709s. Il y a un écho de Inchoata expositio 5,15 en Gottschalk, De praedestinatione 24 [= LAMBOT,
Œuvres, 344] : ‘ex resurrectione mortuorum Iesu Christi domini nostri’ nihil est aliud quam ex resurrec-
tione mortuorum suorum. Germ serait-il la source de Gottschalk, chez qui LAMBOT (op. cit.) n’indique
aucun autre extrait de l’Inchoata expositio ?
466 Nos conclusions rejoignent partiellement celles de BOODTS, The Reception, qui étudie en détail
la sélection des extraits augustiniens sur Rom. 8,28–30 : « We find that the compiler has not exclu-
sively focussed on Augustine’s later exegesis of Rom. 8,28–30, on those works that are associated
with Augustine’s later, more rigid doctrine of grace » (453s.). BOODTS (456) est d’avis que le commen-
taire fut probablement compilé avant le début de la controverse lancée par Gottschalk, et que le
compilateur ne prend pas position sur la question de la prédestination.
110 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Les extraits (Germ) de l’Inchoata expositio dans le manuscrit sont chacun pré-
cédés d’un lemme, et d’une indication de provenance, sous la forme :
A(U)G(USTINU)S, Ex lib(ro) ad Rom(anos).467 Ils sont les suivants :
Comme le montrera l’apparat critique, le texte excerpté par Germ appartenait certai-
nement à la famille Λ de la tradition de l’Inchoata expositio, sans se ranger claire-
ment avec une branche de cette famille.471 Il a aussi des erreurs qui lui sont
propres :472 si ceux-ci étaient dans son exemplaire (ce qui est indémontrable), celui-
ci ne peut être la source de la famille Λ.
2.7 Clausules
Augustin a-t-il écrit l’Inchoata expositio dans une prose rythmée ? Un réponse posi-
tive aiderait l’éditeur à choisir entre les variantes. Di Capua a déclaré que l’œuvre
||
467 En contraste, les extraits de in Rom. ont le libellé Ex q(uae)s(tionibus) ad Rom(anos) (e.g. 5r ;
9r ; 13v ; 14r ; 19r ; 19v ; 21r).
468 Dans l’Inchoata expositio, mais non pas dans Germ, cet extrait suit immédiatement le précé-
dent.
469 Même remarque.
470 Même remarque.
471 Fautes que Germ partage avec d’autres témoins : 3,1 in Christum] Christum E Germ ; 3,3 crede-
rem] credere O (ac.) Germ ; 3,4 per prophetas] per om. K Germ (ac.) ; 5,9 sedet] sedit S U Germ ; 5,13
decebat] dicebat E V Germ (ac.) Am ; 6,2 meritis] meriti O (ac. ; uv.) E Claud. Germ Am ; 7,7 quis] qui O
(ac.) Germ Am. Il peut facilement s’agir dans tous ces cas de pures coïncidences.
472 Fautes uniques : 5,11 qua] quae ; 6,1 qua] quia ; 6,2 cardinem] consuetudinem Germ (pc. ; lectio
ac. non liquet). Deux modifications sont dues au compilateur : 2,1 discernit] discernit apostolus ; 7,5
etiam hic] hic enim.
Introduction | 111
était plus rythmée que in Rom. et in Gal.,473 mais il n’en fournit pas de preuves, et la
question ne semble pas avoir été autrement étudiée.
Augustin affirme lui-même avoir généralement écrit, dans une certaine mesure,
une prose rythmée : in meo eloquio, quantum modeste fieri arbitror, non praetermitto
istos numeros clausularum (doctr. christ. 4,117).474 Malheureusement, il n’indique ni
la nature du numerus, ni les limites à entendre par quantum modeste.
Les spécialistes modernes, qui se sont généralement limités à étudier les fins de
phrases, dites « clausules », distinguent trois types de rythme dans la prose latine. À
l’époque classique, on aurait fondé le rythme sur la longueur des syllabes (« clau-
sules quantitatives »). Plus tard, quand on n’entendait plus ces quantités, serait
survenu un nouveau système, fondé sur l’accent tonique (« cursus tonique »). Dans
une période intermédiaire, on aurait organisé les clausules quantitatives de façon à
construire en même temps un rythme tonique (« cursus mixtus »). Nombre d’études
ont tenté d’identifier ces différents rythmes dans divers écrits d’Augustin,475 et on a
cru y retrouver des traces des trois systèmes. Qu’en est-il de notre texte ?
2.7.1 Méthodologie
Dans le domaine de la prose rythmée, l’accord est loin d’être fait, que ce soit sur
l’objet de la recherche ou sur le meilleur moyen d’obtenir des résultats. Nous nous
sommes donc contenté d’examiner les fins de phrase selon les indications de base
des manuels (LHS, 2, 714–721 ; STOTZ, Handbuch, t. 4, 482–487). Autrement dit,
seront considérées comme clausules quantitatives les unités crétique + spondée,
crétique + crétique, trochée + spondée, et crétique avec résolution de la deuxième
syllabe longue + spondée.476 Les quatre formes reconnues du cursus tonique seront
le cursus planus, le cursus tardus, le cursus velox et le cursus trispondaicus. Quant
au cursus mixtus, on l’identifiera aux fins de phrase qui surimposent des éléments
des deux listes. Les fins de phrase qui n’entrent dans aucune de ces catégories se-
ront considérées comme arythmiques.
En partant de l’édition CSEL 84, toutes les fins de phrase ont été prises en con-
sidération,477 sauf celles se terminant par une citation biblique, puisqu’en principe
Augustin ne modifie pas le texte de la Bible à des fins rhétoriques. Ces phrases ne
||
473 Il ritmo, 667.
474 Voir aussi les passages, d’interprétation difficile, de mus. étudiés par DI CAPUA, Il ritmo prosai-
co, 622–629.
475 Pour une bibliographie, voir OBERHELMAN, Rhythmical clausulae, 260s.
476 Suivant les indications de Cicéron (Orat. 214) et Quintilien (inst. 9,4,93, plus ambigu) la der-
nière syllabe d’une phrase est considérée comme étant longue dans tous les cas.
477 La ponctuation de CSEL 84 n’a pas toujours été suivie.
112 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
figurent donc pas dans le décompte des fins de phrase prises en considération, qui
sont ainsi au nombre de 192.
À défaut d’un accord sur la valeur des formes monosyllabiques de esse en der-
nière position et qui ne peuvent être élidées, les fins de phrase qui les contien-
nent sont considérées comme arythmiques :
mortuus est (5,6) ; esse testatus sit (5,10) ; princeps sed iudex est (5,13) ; secuturi sunt (5,14) ; re-
surrecturi sunt (5,16) ; quod vocatus est (7,7) ; quia vocati sunt (7,7) ; esse dignatus est (14,6) ;
ecclesiae plenae sunt (18,11) ; confessione liberatus est (18,14) ; sermo nunc ortus est (22,4).
De même, nous avons renoncé à faire entrer dans un système de cursus tonique (et
donc de cursus mixtus, mais non pas de clausules quantitatives) toutes les fins de
phrase comportant un monosyllabe. En effet, il semble impossible de déterminer,
sans recourir à des critères subjectifs, si ces monosyllabes portaient oui ou non un
accent tonique :478
quem praenuntiabant (4,3) ; facta sunt omnia (4,8) ; facta sunt omnia (4,11) ; quos est damnatu-
rus (5,14) ; non cum omnibus (6,1) ; dat hic mundus (8,3) ; intelligi non potest (12,8) ; quam cha-
nanaei (13,5) ; esset hoc quaeritur (14,7) ; invitamus ad fidem (15,4) ; fecerit non teneri (15,12) ;
baptizare non dubitent (15,15) ; esse non posse (16,4) ; offerri non potest (19,5) ; tamquam in fun-
damento (19,8) ; peccatis hoc facerent (23,7) ; hoc est perseverent (23,12) ; iste sit modus (23,15).
Notre texte vérifie donc entièrement l’observation de Nicolau : « dans les œuvres des
écrivains de basse époque, il n’y a presque plus de monosyllabe final, sauf les di-
verses formes du verbe esse. »479 Il est tentant d’en conclure, avec Di Capua,480 que
ces formes de esse étaient devenues trop faibles pour jouer un rôle rythmique, puis
de faire ensuite rentrer les autres monosyllabes ci-dessus dans un système tonique.
De telles pratiques pouvaient très bien correspondre à la diction d’Augustin pour
certaines de ses fins de phrase. On risque donc de fausser les résultats en considé-
rant ces formes comme arythmiques, mais – le grand défaut des études sur la prose
rythmée étant de voir du rythme où il n’y en a pas – nous avons préféré pour cette
fois le risque de les fausser vers le bas plutôt que vers le haut. D’ailleurs, s’il est
acceptable de retrouver le cursus tonique dans de tels cas douteux, une fois que
celui-ci s’est montré très prépondérant dans les cas certains, ce scénario ne
s’applique pas à notre texte.
L’incertitude surgit de nouveau pour la question de l’élision. Par exemple, Nico-
lau affirme que l’on prononçait sans élision à l’époque d’Augustin,481 alors qu’
||
478 HAGENDAHL, La prose métrique, 14–17, tente de résoudre ce problème à l’aide des grammairiens
antiques, mais il n’échappe pas au piège de la subjectivité.
479 L’origine, 90.
480 Il ritmo, 634.
481 L’origine, 97s.
Introduction | 113
Oberhelman et Hall (270) admettent et hiatus et élision.482 Ici, nous avons accepté
l’élision, presque certaine, des formes de esse en position finale, mais les autres cas
de hiatus ont été classés, par nouvelle mesure de prudence, parmi les fins de phrase
arythmiques :
vivere inciperent (1,1) ; superbire admoneat (3,1) ; meritum illorum (7,5) ; gratia est a deo (8,1) ; il-
li inhaereamus (10,6) ; sanctum intelligimus (11,1) ; gratia et pax (12,9) ; responsum est tria
(13,1) ; trinitati attestatur (13,6) ; cogitatione intuebatur (14,7) ; manifestissime ostenditur (23,2) ;
opere exprimimus (23,8) ; dicere intelligatur (23,10).
Enfin, la question de l’accent d’intensité secondaire restant obscure,483 pour les mots
en dernière position de six syllabes ou plus, seule leur valeur quantitative est prise
en compte:
2.7.2 Résultats
Clausules quantitatives
L’hypothèse d’un rythme basé exclusivement sur la quantité des syllabes est à écar-
ter pour notre texte. En effet, on ne trouve que 17 exemples des formes voulues qui
ne rentrent pas en même temps dans un cursus tonique. Il s’agit de 8,85 %484 des
fins de phrase examinées :
Cursus mixtus
Des trois systèmes, le cursus mixtus est celui qui répond au plus grand nombre de
fins de phrase : 68 en tout, soit 35,42 % des fins de phrase examinées.
||
482 Rhythmical clausulae, 270.
483 Ainsi FRAENKEL, Iktus und Akzent (350–352) pense avoir résolu le problème, mais LHS 1, 248 est
déjà moins certain.
484 Tous les pourcentages sont arrondis.
114 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
vetustate discernit (2,1) ; esse contentos (2,4) ; interpretatione concordet (2,5) ; esse testatur
(3,2) ; error illudit (4,1) ; ore prolata (e)st (4,5) ; ipsius david (4,6) ; appareret indutum (4,9) ; esse
monstraret (4,12) ; resurrectione signata (e)st (5,2) ; dexteram patris (5,9) ; sitis inventi (6,4) ; ve-
nire credendum (e)st (10,2) ; saepe testatur (10,4) ; futura serventur (10,6) ; corrigi nolunt (10,9) ;
spiritu sancto (11,1) ; audientis admittit (13,7) ; usque perdurat (14,1) ; impietatis aspergat (14,3) ;
blasphemando contemnunt (15,2) ; impietatis oblatrant (15,3) ; dubitationis ignosci (15,5) ; spiri-
tum sanctum (16,2) ; paenitendo curari (16,3) ; indubitanter accusat (17,2) ; voluntate peccare
(18,5) ; quaecumque peccavit (18,8) ; oppressione laetari (18,12) ; necandumque curavit (18,14) ;
baptizando purgari (19,2) ; quadrupes esse (19,7) ; esse contendat (21,3) ; posse concedi (23,13) ;
suscepisse tractandam (23,15).
On retrouve d’autres formes du cursus mixtus dans 33 fins de phrase, soit 17,19 % du
total :
Cursus tonique
44 fins de phrase entrent dans les quatre formes du cursus tonique, soit 22,92 % du
total.
Cursus planus : filius dei (4,4) ; dominum suum (5,9) ; corporis sui (5,13) ; domini
nostri (5,15) ; ignoscendo peccatis (9,1) ; corrigi volunt (9,2) ; penitus purgant
(10,12) ; principiis suis (12,1) ; positam puto (12,6) ; mihi videtur (12,9) ; apostolus
Paulus (13,4) ; apertissime docet (13,7) ; dederit deus (15,1) ; aditum clausit
Introduction | 115
(15,12) ; spiritui sancto (15,12) ; paenitentiae locum (16,1) ; indulgentiae dei (22,3) ;
aliquid factis (23,9).
Cursus tardus : humilitatis associans (1,4) ; veterem pertinent (2,3) ; scribit epistolam
(7,1) ; effugere sinitur (10,3) ; incommutabiliter teneat (10,13) ; trinitate com-
moneat (12,2) ; omnino brevissima (12,6) ; reus tenebitur (14,4) ; dixisse tenebitur
(14,8) ; nullum relinqueret (15,10) ; lacrimis revocat (15,12) ; eius cognoscitur
(18,3) ; consecrandis fidelibus (19,11) ; dominus venerat (23,6) ; pacique resiste-
rent (23,7).
Cursus velox : illi crucifixerunt (1,4) ; iustificant accepissent (6,2) ; dilecti diligeremus
(7,6) ; excludere blasphemabant (20,2) ; quaestio dissoluta (e)st (23,14).
Cursus trispondaicus : mortuis appellat (5,12) ; apostolatum videretur (6,1) ; enim
Chananaea (13,5) ; sustinere personam (13,6) ; sanctum ministrata (e)st (15,7) ;
modo moraretur (18,7).
iesu christi (1,1) ; gratuito datum (1,2) ; dici solent (2,2) ; nemo dubitaverit (3,4) ; iudaeorum fuit
(4,3) ; secundum carnem (4,7) ; verbum dei (e)st (4,10) ; fierent omnia (4,11) ; virtutem dei (5,7) ;
quos est damnaturus (5,14) ; non cum omnibus (6,1) ; esse cupiunt (6,3) ; dat hic mundus (8,3) ;
reconciliamur deo (8,4) ; interveniente pax erit (8,6) ; odissent sua (9,3) ; donum dei (11,1) ; inter-
ponit misericordiam (11,4) ; quam chananaei (13,5) ;485 invitamus ad fidem (15,4) ; ipse lapidave-
rat (15,6) ; verbum dei (15,9) ; paeniteret admonuit (15,10) ; deum negent (15,14) ; baptizare non
dubitent (15,15) ; paenitendi dedit (16,6) ; errore peccaverint (16,8) ; ignorans peccat (18,1) ; vo-
luntas dei (18,6) ; cognoverant eam (18,7) ; voluntatem dei (18,8) ; offerri non potest (19,5) ; de-
monstrat apparent (20,6) ; animo contradicit (21,1) ; erat invidus (21,6) ; mereretur fidem (23,5) ;
peccatis hoc facerent (23,7) ; iste sit modus (23,15).
2.7.3 Conclusions
||
485 Mais voir infra, 2.8, n. critique ad loc.
486 NICOLAU, L’origine, 128.
487 OBERHELMAN, Rhetoric and homiletics, 19.
116 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
utilisait trois systèmes rythmiques différents dans un texte d’une trentaine de pages,
on obtient ici 67,19% de fins de phrase rythmées. L’exclusion des formes purement
quantitatives, ou, à rebours, l’inclusion de certaines formes éliminées plus haut par
mesure de prudence, permettrait de hausser ou de baisser ce pourcentage.488 Mais il
est difficile d’arriver à une certitude d’ensemble.
Par contre, que 35% de toutes les fins de phrase présentent la forme universel-
lement reconnue du cursus mixtus (spondée + trochée / cursus planus) ne peut être
dû au hasard. En même temps, cette forme est reconnue parce qu’elle est courante,
et courante certainement parce qu’elle survenait sans devoir être trop cherchée : « le
devoir de l’orateur et de l’écrivain … consiste à faire un choix rationnel parmi les
clausules que leur offre la langue courante et à régulariser en quelque sorte les ca-
dences naturelles».489 Cette clausule devait faire partie de ces « cadences natu-
relles ». 35% indiquent-ils alors, pour cette époque et cet auteur, que nature devient
culture?
La statistique toute seule ne saura résoudre ces problèmes. Puisque toute la
prose latine montre un certain nombre de formules rythmiques, la question de la
prose rythmée est finalement une question d’intention. Quand ces formules, chez
Arnobe ou dans les documents de la Curie médiévale, occupent une proportion
extraordinaire des fins de phrase, on ne saurait douter qu’il s’agit d’un effet voulu et
forcé. Mais il ne s’ensuit pas que des proportions plus basses indiquent forcément
qu’un auteur utilisait le rythme sans choix conscient. Rappelons à ce titre que chez
Cicéron même, dont les remarques ont lancé ces études, les clausules typiques ne
dominent jamais un texte.490 On ne parle pas pour autant chez lui d’un rythme in-
conscient.
De même Augustin, rhéteur de profession et de nature, devait entendre et choi-
sir les fins de phrase rythmées, quelle qu’en soit leur proportion. Il dit, on l’a vu,
qu’il utilisait le rythme quantum modeste fieri arbitror, et c’est ce que confirment les
résultats obtenus pour l’Inchoata expositio : on ne va jamais très loin sans trouver
une fin de phrase rythmée, mais ce rythme est sous-jacent et modeste ; il fait couler
le texte sans vouloir le conduire. Après tout, ce qui, très souvent chez Augustin, et
avant tout dans un commentaire scripturaire, doit prendre le plus de relief, ce sont
des phrases pour lesquelles le rythme est hors de question : celles de la traduction
latine de la Parole sacrée.
||
488 Nous n’avons pas tenté d’appliquer la méthode dite de « comparaison interne » de JANSON (22–
26), qui semble (mise à part les objections de l’auteur même) fondée sur l’hypothèse impossible de
la distribution normale, au hasard, des mots dans un texte – les mots ne sont jamais distribués au
hasard.
489 NICOLAU, L’origine, 33. Voir aussi EKLUND, The use and abuse, 42.
490 Dans le tableau de ZIELINSKI, Das Clauselgesetz (dépliant à la fin du volume) les quatre clau-
sules quantitatives que nous avons cherchées ici représentent environ 67% du total.
Introduction | 117
Dans aucun cas cette édition ne s’est permise de choisir entre deux variantes selon
le critère que l’une d’entre elles formait une « meilleure » fin de phrase rythmique.
En effet, comme le démontre Eklund, il ne suffit pas de savoir qu’un auteur re-
cherche çà et là un rythme, pour pouvoir établir, avec un haut degré de probabilité,
qu’il le cherchait dans un cas donné. Eklund exige que 90–95% des fins de phrase
soient certainement rythmiques, avant que l’on puisse corriger avec certitude les
aberrations.492 L’Inchoata expositio est loin de montrer une telle uniformité, et le
rythme ne pourra donc apporter aucune aide pour la critique textuelle.
||
491 OBERHELMAN, Rhetoric and homiletics, 96S.
492 The use and abuse, 37–40.
493 D’après une recherche sur cred* Christum et Christum cred*dans LLTA. Cela n’inclut pas les cas
où les deux mots seraient séparés par d’autres, dont il n’est pas facile de faire la part. Nous avons
évidemment mis de côté les instances où Christum est le sujet d’un infinitif dans le discours indirect
(e.g. agon. 22,24 : ergo et ego inde credo Christum natum esse de virgine, quia in evangelio legi).
118 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Christum oculis carnis, sed magnum est credere Christum oculis cordis :
l’équilibre, encore une fois) ; c. Petil. 3,38 (où Augustin cite peut-être Petilia-
nus). Voir par contraste serm. 14A,3 : Hoc ergo tractavimus: interesse debere in-
ter fidem christianorum et fidem daemonum, quia et illi credunt - dixerunt Christo:
‘Scimus qui sis’ [Mc. 1,24]. C r e d i d e r u n t C h r i s t u m , s e d n o n c r e di d e r u n t
i n C h r i s t u m. Unde ergo distinguitur qui credit Christum ab eo qui credit in
Christum? Quia omnis qui credit in Christum continuo sine dubio credit Christum,
non autem omnis qui credit Christum continuo credit in Christum.494 Le stemma
n’est pas favorable non plus à Christo. B n’est pas fiable, et la présence de in
dans toute la branche γ de Ξ et dans Λ (sauf l’erreur chez E) indique que la pré-
position était bien dans l’archétype. Reste donc à choisir entre in Christo et in
Christum. Selon les résultats de LLTA,495 Augustin a écrit 11 fois credere in Chris-
to, et 244 fois credere in Christum (dont Inchoata expositio 1,3). Même si l’on re-
trouve souvent, comme ici, les deux leçons dans divers manuscrits pour un
même passage, in Christum est toujours la leçon la plus probable en cas de
doute, et c’est donc celle que nous avons adoptée. Sans doute Augustin se
pliait-il généralement aux formules des anciens Symboles de la foi, qui presque
toujours portent credo in Iesum Christum, se calquant sur la formule grecque
πιστεύω εἰς,496 d’origine néotestamentaire.497
3,3 etiam si aliqua inveniuntur : etiam γ B Er Lov μ : etiam si est sans doute la leçon
de l’archétype. Mais tous les éditeurs depuis Érasme ont préféré omettre si. Non
sans raison : la protase établie par si ne trouve jamais d’apodose. Mais le plus
probable est qu’Augustin a perdu le fil de sa phrase lors de sa longue paren-
thèse sur la Sibylle. γ B auraient donc corrigé (indépendamment ?) pour amélio-
rer le texte.
3,3 ultima Cumaei venit iam carminis aetas : iam venit Ξ U B edd : Citation de Vir-
gile, ecl. 4,4. La leçon iam venit est métriquement possible, mais elle est incon-
nue des anciens manuscrits de Virgile498 (même si on la retrouve dans des ma-
||
494 La même distinction dans in euang. Ioh. 29,6, où credere in est aussi expliqué (Quid est ergo
credere i n e u m ? Credendo amare, credendo diligere, credendo in eum ire, et eius membris incorpo-
rari). Sur ce passage, et pour d’autres parallèles, voir MOHRMANN, Credere.
495 Pour une recherche sur cred* in Christum / in Christum cred*, et cred* in Christo / in Christo
cred*.
496 Voir les textes rassemblés par HAHN, Bibliothek der Symbole (credo in + ablatif seulement dans
le texte 24, p. 25).
497 Voir LSJ s.v. πιστεύω, 1 ; BINDLEY, The Oecumenical Documents, 22s. Augustin suit l’usage
consacré, selon MOHRMANN, Credere, 196 : « in c. acc. l’a emporté de bonne heure sur in c. abl. ».
498 Voir l’apparat de S. Ottaviano dans S. OTTAVIANO – G. B. CONTE (éds.), P. Vergilius Maro. Buco-
lica, Georgica, Berlin 2013, ad loc. En fait le Romanus est le seul des manuscrits majuscules à con-
server ce verset, mais Ottaviano a aussi collationné 18 manuscrits carolingiens (il est vrai qu’elle
n’en reproduit pas toutes les variantes).
Introduction | 119
nuscrits plus tardifs),499 et, quand Augustin cite de nouveau ce verset, à civ.
10,27, il écrit bien venit iam.
4,4 filium tantummodo David : tantummodo filium david V ; filium david tantum-
modo Ξ B edd : La leçon adoptée est celle de Λ (corrompue dans V). En effet, la
position de tantummodo dans Ξ B établirait plutôt un contraste entre filium Da-
vid et un autre titre du Christ où David ne figure pas forcément. Or le contraste
voulu est entre filium David et Dominus David (voir la suite de 4,4), si bien que
l’emphase de tantummodo doit tomber sur filium.
4,8 nec alicui angelicae aut cuiusvis excellentissimae creaturae generationi tribui
potest : excellentissimae T V F γ (exc. P) B edd] excelsissimae O E S U Claud Germ
K Z L1 M Am (vl.) ; excelleret P : Les deux superlatifs excellentissimus et excelsis-
simus, presque synonymes, se confondent facilement dans une tradition ma-
nuscrite. Ainsi la distribution des leçons ne suit pas le stemma. Trois arguments
poussent à préférer excellentissimae. (1) excellentissimae reprend ce qui est dit
des Juifs en 4,4 : ignorantes excellentiam qua Dominus est ipsius David.
L’excellentia des choses créées sera ainsi contrastée avec celle de Dieu. (2) Les
résultats de LLTA500 montrent qu’ailleurs Augustin utilise beaucoup plus sou-
vent excellentissimus que excelsissimus : on trouve 5 exemples du second,501
contre 65 du premier.502 (3) C’est seulement excellentissimus que l’on trouve em-
ployé dans le sens voulu, pour désigner un être au sommet de la création, et que
l’homme serait tenté d’adorer : Non sit nobis religio vel ipsa perfecta et sapiens
anima rationalis sive in ministerio universitatis sive in ministerio partium stabilita
… hoc etiam ipsos optimos angelos et e x c e l l e n t i s s i m a ministeria Dei velle cre-
||
499 G. P. E. WAGNER (Publius Virgilius Maro varietate lectionis et perpetua adnotatione illustratus a
Christ. Gottl. Heyne, editio quarta, 1830–1841, Leipzig, t. 1, 130) donne iam venit en variante, avec la
source « Leid », c’est-à-dire un (ou plusieurs ?) des cinq manuscrits de Leyde énumérés t. 4, 613.617.
500 Dans cette recherche, les formes adverbiales excellentissime et excelsissime ont été écartées.
501 Epist. 77,2 ; in epist. Ioh. 52,11 ; civ. 8,14 ; 12,1 ; trin. 4,18 (ici il faut probablement préférer la
variante bien attestée excellentissima, puisque la locution excellentissima sapientia est employée
ailleurs par Augustin – epist. 140,3 ; cons. euang. 1,11.52 ; in psalm. 8,5 ; c. Faust. 22,40 ; c. Iulian.
op. imperf. 5,1 – alors que excelsissima sapientia serait unique).
502 Le mot s’emploie à propos de D i e u (conf. 1,20 ; epist. 170,9 ; in psalm. 130,7 ; serm. 351,3 ;
314(augm),7 ; divers. quaest. 79,4 ; trin. 9,1), des q u a l i t é s d i v i n e s (soliloq. 1,6 ; mus. 6,7 ; lib.
arb. 2,14.17 ; doctr. christ. 1,14 ; gen. ad litt. 10,24 ; 12,28 ; cons. euang. 4,10 ; in psalm. 8,5 ; civ.
20,30 ; c. Petil. 3,50 ; c. Maximin. 2,13), de l ’ e x c e l l e n c e h u m a i n e (conf. 4,16 ; mor. eccl. 67 ;
epist. 140,44 ; 150 ; 155,2 ; epist. Divj. 17,2 ; cons. euang. 1,11.34 ; 2,86 ; de serm. dom. 1,42 ; in psalm.
36,1,3 ; 53,10 ; 103,3,13 ; 150,6 ; serm. 210,9 ; 241,1 ; 218(augm),6 ; civ. 1,36 ; 6,6 ; 8,4 ; 19,3 ; c. Faust.
22,36.40 ; trin. 15,8 ; c. Parm. 3,25 ; bapt. 6,3 ; c. Petil. 3,34 ; c. Pelag. 4,26 ; c. Iulian. 1,30 ; 3,9 [iro-
nique] ; 6,51 [de même] ; c. Iulian. op. imperf. 5,1 ; persev. 49), puis des a n g e s (vera relig. 303 ; coll.
c. Maximin. 14,11 – ces textes seront cités), d ’ a u t r e s c r é a t u r e s (in psalm. 103,3,15 [arbres] ; 145,3
[corps] ; 259,3 [indéfini]), de l ’ a u t o r i t é d e l ’ É g l i s e (quant. an. 7), et de l ’ É c r i t u r e (cons.
euang. 2,86 ; divers. quaest. 36,1 ; c. Faust. 22,38 ; c. adv. leg. 2,5 ; c. Cresc. 2,27).
120 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
damus, ut unum cum ipsis colamus Deum, cuius contemplatione beati sunt (vera
relig. 301.303). Nonne si templum alicui sancto angelo e x c e l l e n t i s s im o de li-
gnis et lapidibus faceremus, anathemaremur a veritate Christi et ab ecclesia Dei,
quoniam creaturae exhiberemus eam servitutem quae uni tantum debetur Deo ?
(coll. c. Maximin. 14,11).
4,12 cum factum Deo diceret Christum … non factum Deo sed natum esse mon-
straret : deo1] deum c ; om. Λ B Lomb edd : deo2] deum c ; a deo Λ B Lomb edd :
deo doit être la leçon originale de Ξ dans les deux cas, la variante de c n’ayant
pas de sens. Ce deo datif reprend ei, du texte de Rom. 1,3, tel que le cite Augus-
tin en 4,2.7.503 On peut certes s’en passer en 4,12, mais (1) c’est la lectio diffici-
lior : ces deux datifs ne sont pas d’interprétation facile, et on s’explique mal que
Ξ ait modifié le texte simple tel qu’on le trouve dans Λ pour les installer ; (2) ei
est absent de la Vulgate en Rom. 1,3,504 ce qui peut avoir influencé Λ.
5,3 si consurrexistis cum Christo : conresurrexistis O E K Z γ (exc. R H ; cum resur-
rexistis B1) : Comme il arrive souvent dans les citations bibliques, la répartition
des leçons ne suit pas le stemma. Nous suivrons donc les habitudes d’Augustin.
Selon LLTA, il cite Col. 3,1 8 fois avec la leçon consurrexistis (epist. Divj. 3,1 ;
serm. 53,14 ; 116,2 ; 263A,1 ; 304,4 ; 362,24 ; 395,1 ; contin. 29), et une seule fois
avec conresurrexistis (spec. 385, avec consurrexistis en variante). De tels résul-
tats inciteraient à corriger le texte de spec. puis à accepter consurrexistis pour
l’Inchoata expositio, d’autant plus que conresurrexistis est la leçon de la Vul-
gate,505 vers laquelle on sait que les scribes ont tendance à dériver. Mais la majo-
rité des textes augustiniens en question ne bénéficient pas d’édition critique
moderne, si bien que nos résultats demeurent provisoires.
5,10 tamquam admonens unde : et tamquam Λ Am : Rousselet506 a préféré et tam-
quam, coordonné avec et consequenter. Mais le et de et consequenter relie plutôt
5,10 à ce qui précède, alors que la proposition introduite par tamquam est bien
une explication de la manière dont l’apôtre a parlé consequenter, et non pas une
seconde idée à juxtaposer à ce fait.
||
503 Les fiches de la base de données Vetus Latina confirment qu’Augustin a généralement inclus
ce ei en citant Rom. 1,3 tout au long de sa carrière.
504 Du moins selon Gryson. Mais, comme le montre son apparat, ei est amplement attesté par les
anciens manuscrits, y compris l’Amiatinus, le Fuldensis, et la Bible d’Alcuin. La leçon est inconnue
du grec (voir CRANFIELD, A Critical and Exegetical Commentary, 59).
505 Dans les manuscrits de spec., le texte de la Vulgate a très largement remplacé le texte biblique
authentique d’Augustin : voir CSEL 12, xiiii–xxiii. Mais, encore une fois, on trouve consurrexistis en
variante dans la Vulgate, y compris dans la Bible d’Alcuin (voir Gryson ad loc.). Les deux leçons, de
même que resurrexistis, sont bien attestées dans les versions pré-hiéronymiennes, telles que les
reconstruit H. J. FREDE (Vetus Latina 24/2 : Epistulae ad Philippenses et ad Colossenses, Freiburg
1966–1971, ad loc.), qui donne aussi de nombreux exemples de resurrexistis chez Augustin.
506 À propos d’une édition, 237.
Introduction | 121
5,11 qua etiam caput est ecclesiae : iam Λ (tam E Germ ; del. E2) : L’idée d’Augustin,
c’est que c’est par la résurrection de tous les bienheureux (ex resurrectione mor-
tuorum), dont il est la cause, que l’on voit la gloire divine du Christ (propria illa
et eminentissima dignitate). C’est cette même gloire qui le rend tête de l’Église.
Mais il serait étrange de dire que le Christ est déjà (iam) tête de l’Église par la ré-
surrection des bienheureux, étant donné que celle-ci n’a pas encore eu lieu.507
De plus, voir 5,12 : non enim sic praedestinari oportuit nisi Filium Dei, secundum
quod est e t i a m caput ecclesiae ; 5,13 quorum e t i a m caput est tamquam corporis
sui.
5,15 tamquam si diceret, qui praedestinatus est Filius Dei ex resurrectione mortuo-
rum suorum : qui diceret O S E U Claud Germ ; diceret T V : T V a bien senti que
tamquam qui diceret, la leçon de l’archétype de Λ, est fautive. Pourquoi dire que
Paul écrirait « comme celui qui dit », quand Augustin veut tout simplement dire
qu’il écrit « comme s’il disait » ? LLTA montre aussi qu’il affectionne l’ex-
pression tamquam si diceret pour introduire une paraphrase d’un texte de
l’Écriture : on la retrouve 18 fois dans son œuvre (dont Inchoata expositio
18,5).508
6,2 optime itaque tenet cardinem causae : ordinem Λ B Lomb edd : Augustin in-
dique que Paul a bien désigné la grâce, et non les bonnes œuvres (6,1 meritis
priorum operum ; 6,2 vitae prioris meritis), comme cause première de toute con-
version à l’Évangile. Pour cette idée, ordinem causae convient mal. L’ « ordre de
la cause » n’est pas une expression claire : il aurait fallu plutôt ordinem causa-
rum.509 Par contre, Augustin aime utiliser la métaphore du cardo, du « gond »,
pour indiquer l’élément essentiel et primordial sur lequel repose l’existence de
tout un système :Et tamen pulchrum illud atque aptum, unde ad eum [sc.
l’orateur Hierius] scripseram, libenter animo versabam ob os contemplationis
meae et nullo conlaudatore mirabar. Sed tantae rei c a r d i n e m in arte tua non-
dum videbam, omnipotens, qui facis mirabilia solus (conf. 4,23s.). Animadverti-
mus, cum apostoli epistola legeretur … quemadmodum exhorrueritis homines, qui
putantes hanc solam esse vitam, quam cum pecoribus habemus communem … di-
cunt: ‘manducemus et bibamus; cras enim morimur’ [1 Cor. 15,32]. Hinc ergo su-
matur nostrae disputationis exordium, et hic sit nostri velut c a r d o sermonis, quo
||
507 Nous ne suivons donc pas ROUSSELET (À propos d’une édition, 237) qui voudrait voir un con-
traste entre iam (présent) et resurrecturi sint (futur). Bien entendu, le Christ est déjà tête de l’Église
dans le présent (ou plutôt dans l’éternité). Mais il s’agit ici d’expliquer quand cette fonction se
manifeste (apparet) pleinement, et ceci n’aura lieu qu’à la résurrection des morts.
508 Les autres textes sont gen. ad litt. imperf. 26 ; de serm. dom. 1,58.60 ; in Gal. 37.42 ; de mend.
34 ; loc. hept. 1,99 ; quaest. hept. 1,40 ; 2,42 ; in Iob 28 ; in euang. Ioh. 9,7 ; in psalm. 4,8 ; 71,3 ;
92,6 ; 118,18,4 ; serm. 10,2 ; c. Adim. 26.
509 Comparer civ. 5,8s.
122 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
510 Voir aussi conf. 5,15 ; quant. anim. 23 ; lib. arb. 3,3 ; epist. 102,26 ; trin. 3,16 et Arnob. nat. 7,39 :
ventum est ergo ... ad ipsum articulum causae, ventum rei ad cardinem.
511 ROUSSELET (À propos d’une édition, 237) a préféré peccantibus, mais sans savoir que les deux
leçons avaient le même niveau d’appui dans le stemma.
Introduction | 123
||
512 Comme l’a déjà vu ROUSSELET, À propos d’une édition, 237. FREDRIKSEN LANDES, 63, et RING, 243
acceptent la correction de Rousselet.
513 Traduction très similaire chez MARA.
124 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
l à . »514 Une telle traduction supppose aussi que talibus fasse référence aux pé-
cheurs non-repentis. C’est très maladroit, puisqu’en 9,5 talibus désigne juste-
ment les repentis, et les non-repentis sont dits non tales. Seule la leçon de Λ cor-
respond à la logique du texte. Augustin veut montrer qu’en pardonnant aux
pécheurs repentis, Dieu montre à la fois sa justice (9,2 iustum est … vere iustum
est … 9,4 iustitiae disciplina ; l’inverse serait iniustum [9,3] … iniustissimum [9,5])
et sa grâce (9,1 gratiam praebet ignoscendo peccatis). C’est ainsi qu’Augustin
peut conclure (9,6) : iusta est ergo gratia Dei et grata iustitia. La grâce est juste
puisque Dieu agit justement en pardonnant les repentis, mais la justice est
pleine de grâce, puisqu’elle pardonne (et, comme il va le dire, puisque le mou-
vement du repentir vient de la grâce). Mais avouons que le texte de Λ est bien
maladroit. Y aurait-il une corruption plus profonde ?
10,8 inchoationis iudicii a domo dei … et si iustus vix salvus erit : domini Ξ (dei F
M ; deum RH) B Am Er Lov : Nous avons préféré la leçon dei de Λ, puisque c’est
celle universellement attestée dans la première citation de 1 Petr. 4,15–18, tout
de suite avant en 10,5 (avec domo dei repris en 10,6). Mais Augustin ne citait pas
forcément deux fois de la même façon : en 10,5 il avait écrit salvus fit, et ici sal-
vus erit. Comme le montre le relevé de VetLat 26/1, dans ces deux cas, Augustin
utilisait volontiers les deux leçons.515 Sans doute, citait-il de mémoire, en écri-
vant (ou dictant) rapidement, ce qui permettait de telles variations. En in psalm.
147,27, il a enchainé domini et dei en citant 1 Petr. 4,17 (du moins selon le texte
de CSEL 95/5). La leçon domini de Ξ peut donc très bien être juste ici aussi.
10,11 haec dixi : hoc Λ B edd : On ne peut être sûr de la bonne leçon, mais nous
avons préféré le pluriel haec, parce que le singulier reprendrait plus naturelle-
ment le dernier point du texte, et non tout le développement précédent. Or, Au-
gustin résume non pas 1 Petr. 4,6, qu’il vient de citer, ni même l’explication des
souffrances des justes au §10, mais tout le développement sur la justice et la
grâce qui commence en 9,1. Mais on se demande si haec n’a pas été influencé
par haec dixi dans la citation de Io. 16,33 en 10,12.
10,11 a iustitia deum posse discedere : ab Λ : Selon le témoignage de LLTA, Augustin
utilise ab devant la consonne i exclusivement dans des citations ou paraphrases
bibliques, avec les noms hébreux Ierusalem (de loin le plus fréquent, générale-
ment en citant Lc. 24,47), Iacob(o), Iericho, Iohanne.
11,2 Et ideo ipsa Trinitas pariterque incommutabilis 〈unitas〉 in ista salutatione co-
gnoscitur : trinitas] trinitas inseparabilis T V ; post incommutabilis add. unitas B
||
514 Même solution chez PERONNE, etc. et MARTIN PEREZ.
515 L’allusion (10,8) au propheta fait penser qu’Augustin a peut-être consulté son texte de prov.
11,31 en re-citant 1 Petr. 4,18. Mais toutes les citations de ce second texte chez Augustin sur la base
de données Vetus Latina sont les mêmes que celles relevées par VetLat 26/1 pour 1 Petr. (sauf pecc.
mer. 1,54, qui n’inclut pas σῴζεται).
Introduction | 125
Gl Lomb edd : Comme on l’a vu plus haut (2.2.3, p. 78), l’archétype présentait ici
une lacune, que T V et B Gl Lomb ont tenté de combler par conjecture. Leurs
deux conjectures vont dans le même sens : ils ajoutent un mot qui indique
l’unité fondamentale des trois personnes de la Trinité. Cette hypothèse semble
la bonne. Il est rare en effet qu’Augustin parle de la Trinité sans mettre en avant
son unité, et l’idée convient bien au contexte, où il montre que les trois per-
sonnes sont mentionnées e n s e m b l e dans les salutations épistolaires du Nou-
veau Testament. Plutôt que d’ajouter une nouvelle conjecture, nous avons pré-
féré accepter celle de B Gl Lomb, sans toutefois la considérer comme certaine.
Pour l’ajout de T V, bien que la formule inseparabilis trinitas soit bien augusti-
nienne,516 la combinaison des termes incommutabilis et inseparabilis par pari-
terque est maladroite. pariterque (« en même temps ») fait attendre un degré
d’opposition entre les deux termes, mais rien n’oppose clairement « insépa-
rable » et « immuable ». Pour le texte adopté, comparer surtout le passage sui-
vant : Hoc enim affectu ab omni mortifera iucunditate rerum transeuntium sese
extrahit et inde se avertens convertit ad dilectionem aeternorum, i n c o m m u t a b i -
l e m s c i l ic e t u n i t a t e m e a n d e m q u e T r i n i t a t e m (doctr. christ. 2,20).
11,6 peccatorum abolitio fiat, qua seiungebamur a Deo : quibus V (pc. ; ac. non li-
quet) B edd : Nous avons gardé la leçon de l’archétype, considérant que l’on
peut traduire qua comme un adverbe (« là où »). Mais la conjecture quibus est
bien attirante, surtout étant donné le parallèle avec 8,4 (gratia est … qua nobis
peccata remittuntur, q u i b u s adversabamur Deo). Comparer aussi 23,6 (pacem in
reconciliationem Dei, a quo separant sola peccata).
12,7 et in Iesu Christo conservatis : in om. Λ c μ : Il est très difficile de savoir s’il faut
omettre cet in. Augustin ne cite pas ailleurs Jude 1,1, et les autres citations pa-
tristiques sont partagées. in est attesté aussi en grec et dans la Vulgate, bien que
faiblement.517 Il semble plus probable qu’Augustin a écrit in, que Λc ont ensuite
omis sous l’influence de la tradition majoritaire de la Vulgate. Cette hypothèse
correspond du moins à l’avis de Thiele, VetLat 26/1, pour qui in fait partie du
texte « africain ».518
13,2 concinentia linguarum non fortuito sic sonuisse arbitratus est : fortuitu T V Z B
edd; fortitudo c : Les deux formes adverbiales fortuito et fortuitu sont syno-
nymes, la deuxième étant plus tardive.519 Les scribes les confondent très facile-
ment, si bien que la répartition des leçons ne suit pas le stemma. Mais de fait les
résultats de LLTA suggèrent qu’Augustin n’utilise jamais fortuitu. On compte 16
||
516 18 exemples sur LLTA.
517 Pour tous ces faits, voir VetLat 26/1, 412s. ; Gryson ad loc.
518 Loc cit. et 94*s. pour le texte « Africain » de Jude.
519 Et archaïque ? OLD et ThLL (s.v.) acceptent tous les deux Rhet. Her. 1,11,9 puis quelques
exemples d’époque classique.
126 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
exemples de fortuito adverbial,520 alors que les deux cas de fortuitu sont bien
douteux : retract. 1,1,2 (unde et illa verba sunt, quae nulla religio dicere prohibet:
forte, forsan, forsitan, fortasse, f o r t u i t u ) semble contredit par quaest. hept. 1,91
(verba, quae nemo potest auferre a consuetudine loquendi, parata sunt, id est
forte et fortasse et forsitan et f o r t u i t o ) et trin. 3,19 (ne quis ea vel f o r t u i t u , vel
causis tantummodo corporalibus vel etiam spiritalibus tamen praeter voluntatem
Dei exsistentibus agi crederet) par trin. 9,10 (ea quae non sunt ficto phantasmate
cogitantur sive aliter quam sunt sive f o r t u i t o sicuti sunt).521 D’ailleurs, la bonne
leçon est peut-être fortuita, en accord avec l’ablatif concinentia. C’est bien la
concinentia linguarum (« l’accord des langues ») qui est dite ne pas être due au
hasard, et l’accumulation d’expressions adverbiales (concinentia … non fortuitu
… sic) pour qualifier sonuisse est un peu maladroite. D’où les tentatives d’une
partie de la tradition de transformer concinentia en accusatif sujet de sonuisse.
13,5 tria enim mulieris lingua salus vocantur : lingua mulieris Λ : Les problèmes de
l’ordre des mots sont des plus difficiles à résoudre dans la critique textuelle la-
tine. Ici, aucune règle ne permet de déterminer si le génitif doit venir avant ou
après le nom qu’il modifie. Mais mulieris lingua maintient au moins le parallé-
lisme avec Romana lingua en 13,6.
13,5 unde interrogati rustici nostri quid †sit Punice, respondent †Chanani, corrupta
scilicet, sicut in talibus solet, una littera. Quid aliud respondent quam,
†Chananaei? : sit] sint T V B edd ; Chanani O E c B edd] canani K ; chemani S T ;
chaemani V ; chaemam U ; cananei Z ; chanei γ (canei P W) ; Chanan(a)ei T B
edd] cananei V ; chanani O (pc.) S E M ; canani O (ac.) κ (exc. M) ; canai γ (cha- B1
H) ; chanam U : Ce texte constitue l’unique attestation que le peuple punique
d’Afrique du Nord, ou du moins certains paysans parmi ce peuple, s’appelaient
du nom de Cananéens, qui serait l’ancien nom sémitique des Phéniciens du
Moyen-Orient.522 À ce titre, le passage est souvent cité par les historiens de la
||
520 Ce sont, avec les variantes des éditions CCSL / CSEL : epist. 102,13 (-tu dans 2 MSS) ; 149,22 (-tu
dans 2 MSS) ; gen. ad litt. 3,18 (-tu dans 4 MSS, dont 2 avec variante -to) ; quaest. hept. 1,91 (bis ; -tu
dans 1 MS / 4 MSS) ; serm. 8,1 ; civ. 4,18 (bis ; -tu dans 2 MS / 8 MSS, dont un avec variante -to) ;
19,33 ( -tu dans 4 MSS) ; 7,3 ( -tu dans 5 MSS, dont 2 avec variante -to) ; 11,5 ; 18,41 (-tu dans 8 MSS,
dont 1 avec variante -to) ; trin. 9,10 (-tu dans 4 MSS, dont 3 avec variante -tu) ; c. Iulian. 5,14 (pas
d’édition critique). Comme on le voit, les apparats critiques rendent moins certains nos résultats.
Cependant, pour les textes où subsistent des manuscrits de l’Antiquité tardive (gen. ad litt. ; civ.),
on n’y trouve jamais fortuitu.
521 La variante fortuito est attestée dans les deux passages en questions. Pour retract. 1,1,2 CSEL 36
préfère -to, mais note -tu dans 10 MSS, dont un avec variante -to ; CCSL 57 donne -tu mais note -to
dans 3 MSS. Pour trin. 3,19 on trouve -to dans 3 MSS, dont 2 avec la variante -tu (CCSL 50).
522 Le problème du nom que ce peuple se donnait et donnait à sa langue n’est pas résolu. Pour
KRAHMALKOV, Phoenician-Punic (11, 399), les punicophones appelaient leur langue Pon(n)im. Mais il
n’y a qu’un passage du Poenulus de Plaute pour étayer cette théorie. On a souvent soutenu et aussi
Introduction | 127
||
rejeté l’hypothèse que ϕοῖνιξ serait en fait un terme d’origine grecque, signifiant rouge : voir HUSS,
Geschichte, 2 ; LIPINSKI et RÖLLIG, Dictionnaire s.v. Phénicie. De plus, on n’admet pas toujours que
ϕοῖνιξ soit à l’origine de Punicus : voir LIPINSKI et RÖLLIG s.v. Puniques. Quant à Canaan, KRAHMAL-
KOV admet qu’il s’agit du « Phoenician name of Phoenicia » (loc. cit. 236 – on y trouvera aussi la liste
des rares attestations du mot dans les textes puniques ; sur cette liste, voir aussi QUINN, Augustine’s
Canaanites, 176s.), mais l’origine punique de ce mot est aussi mise en doute : voir ZOBEL, Kena’an, §
I.3 ; LIPINSKI et RÖLLIG s.v. Canaan. Dans l’Ancien Testament, et dans l’ensemble de la documenta-
tion orientale, les termes Canaan(éen) et Phénicie(en) se recoupent, mais sont loin d’être toujours
synonymes. On sait que la « terre de Canaan » est un des noms de la Terre Promise. Voir ZOBEL, loc.
cit. § I.2, 4 ; II.1.
523 E.g. D. HARDEN, The Phoenicians, London 1962, 22 ; S. MOSCATI, Chi furono i Fenici, in : S. MOS-
CATI (éd.), I Fenici, Milano 1988, 24s. ; M. SOMMER, Die Phönizier, München 2008, 14 ; D. HOYOS, The
Carthaginians, London 2010, 1, 220.
524 Nous n’avons aucune compétence en punique, mais des savants qui connaissent cette langue
ont très généreusement partagé avec nous leur érudition. Nous ne pouvons citer tous ceux qui sont
venus à notre aide, mais tenons à nommer au moins Maria Bianco, François Bron, Lionel Galand,
Rober Kerr, Reinhard Lehmann et Philip Schmitz. Avant tout, nous voulons remercier Josephine
Crawley Quinn, avec qui nous avons longuement discuté de ce passage, en personne et per litteras,
et qui, en collaboration avec Neil McLynn, était déjà arrivée indépendamment à des conclusions
similaires aux nôtres. Nous devons au professeur Quinn la correction des leçons de certains manus-
crits, mais nous restons l’unique responsable de tout ce qui suit. Voir aussi le travail collaboratif :
QUINN – MCLYNN – KERR – HADAS, Augustine’s Canaanites.
525 Voir supra, 2.4.1, p. 86.
526 Voir FRIEDRICH – RÖLLIG, Phönizisch-Punische Grammatik, 139.
128 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
527 Pour une prise de conscience de l’hellénisation des noms hébreux dans la Bible, voir Origène,
in Ioh. 2,33,197.
528 Voir LHS 1, 68.
Introduction | 129
server l’orthographe ancienne,529 si bien que, même au haut Moyen Âge, celle-ci
n’aura pas complètement disparu. Mais l’influence des grammairiens fut peut-être
moindre pour une forme comme C(h)ananaeus, où ni la racine ni le suffixe530 ne sont
de souche latine.
À défaut d’autographes, le meilleur témoin que nous possédons des habitudes
orthographiques d’Augustin est le célèbre manuscrit Saint-Pétersbourg, Q. v. I.3,
vraisemblablement écrit en Afrique du Nord du vivant de l’auteur.531
Plusieurs érudits nous renseignent sur l’orthographe de la diphtongue ae dans
ce manuscrit. J. Zycha532 signale que les inversions de ae et e sont fréquentes et sans
logique apparente, puisque l’on trouve des orthographes alternatives du même mot
sur une même page. Notons que, selon lui, on trouve uniquement l’orthographe
Manicheus (et non pas Manichaeus). Green533 lui aussi relève des exemples de e et ae
inversés ; dans sa liste on notera en particulier la forme Hebreos. Dans une étude
plus détaillée, Mutzenbecher534 affirme que e n’est que rarement mis pour ae (formes
à noter : Hebrea, Manicheorum) mais que ae pour e est bien plus fréquent (hypercor-
rection).535 Elle nous informe aussi sur l’orthographe de Iudae(us) :536 la forme en ae
est courante, celle en e n’apparait que deux fois.
Si le manuscrit de Saint-Pétersbourg utilise normalement les orthographes Iu-
daeus et Manicheus, on en conclura que les deux formes C(h)ananaeus et
C(h)ananeus pouvaient être produites dans le milieu d’Augustin. Il est beaucoup
moins aisé d’en déduire ce qu’Augustin considérait comme la bonne orthographe du
mot. Même si le manuscrit de Saint-Pétersbourg venait directement du scriptorium
d’Hippone, ce qui ne semble pas être le cas,537 il faudrait savoir si l’auteur assurait la
correction des vétilles orthographiques dans les textes écrits sous sa dictée ou co-
piés de ses autographes.
Toutefois, si notre passage porte vraiment sur la différence entre les formes
C(h)anani et C(h)anan(a)ei, Augustin avait lieu de s’interroger plus particulièrement
||
529 Voir SEELMANN, Die Aussprache, 224–226. À Varron, De re rustica 2,1,7 (cité n. 547 infra) la
transformation AE → A est décrite comme la perte d’une lettre (mais le texte n’est pas certain : voir
C. GUIRAUD [éd.], Varron : Économie rurale. Livre II, Paris 1985, n. ad loc.).
530 Les formes en -aeus sont étrangères au latin : toutes celles que l’on trouve chez GRADENWITZ
(Laterculi, 482) sont d’origine grecque. Voir aussi K-S 1,981 ; et SCHULZE, Zur Geschichte, 392, pour
les adjectifs gentilices d’origine grecque ou étrusque.
531 Voir W. M. GREEN, CSEL 80, vii–ix ; infra, n. à 2,5.
532 CSEL 25, xxx.
533 CSEL 80, xxvi.
534 MUTZENBECHER, Codex Leningrad, s’occupe essentiellement de ce qu’elle appelle « dem ersten
Teil » (406) du manuscrit, c’est à dire apparemment jusqu’au folio 86r.
535 Ibid. 419s.
536 Ibid. 424.
537 Ibid. 437–442.
130 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
sur l’orthographe exacte de cette deuxième forme. Il était alors en mesure de la re-
lier à la forme grecque en -αῖος du Nouveau Testament, et donc de préférer
l’orthographe en -aeus. Nous admettons cependant que, dans la rapidité de son
travail, il ait pu négliger cette question. Par conséquent, nous ne considérons pas
que la formule una littera constitue un obstacle infranchissable pour le textus re-
ceptus.
Mais, si nous admettons ex hypothesi la forme C(h)ananei, il reste le problème
du sens de corrupta. Si l’on traduit, comme nous l’avons fait, corrupta una littera,
« avec la corruption d’une lettre », le lecteur français comprendra spontanément
que, dans la prononciation du mot par les paysans, le son représenté par une seule
lettre était modifié, par rapport à la prononciation, et donc à l’orthographe,
qu’Augustin considérait comme normative. En effet, en français, corrompre signifie
« empirer, vicier, rendre mauvais », un sens qui dérive sans altération de l’usage
latin de corrumpere et corruptio. Mais dans le transfert C(h)ananei → C(h)anani, une
lettre et le son qu’elle représente n’ont pas été modifiés, mais éliminés.
Étymologiquement, corrumpere vient de rumpere, et peut donc aussi signifer
« briser, éliminer, détruire ».538 Une telle traduction pourrait donner raison au textus
receptus. Mais retrouve-t-on ce sens de corrumpere chez Augustin ?
Pour répondre à cette question, nous avons examiné sur LLTA tous les exemples
(env. 1700) de formes en corrump*et corrup* chez notre auteur. Il s’agit donc non
seulement du verbe corrumpere et du nom corruptio, dans toutes leurs flexions, mais
aussi des dérivés corruptibilis, corruptibiliter, corruptibilitas, corruptor, corruptrix,
corruptela.
Or, dans cette masse de données, il n’y a qu’un seul passage où un des mots en
question a probablement le sens voulu. Il s’agit d’une réflexion, en civ. 3,20, sur le
suicide collectif des habitants de Sagonte en 219 av. J-C :
Si Saguntinorum christianus populus esset et huiusmodi aliquid pro fide evangelica pateretur,
quamquam se ipse nec ferro nec ignibus c o r r u p i s s e t , sed tamen si pro fide evangelica exci-
dium pateretur, ea spe pateretur, qua in Christum crediderat.
||
538 Cf. ThLL s.v. Mais l’article ne distingue pas très clairement delere, perdere de depravare, mutare
in deterius.
539 Il ne s’agit pas de Tite-Live (21,14) qui parle bien, comme Augustin, d’un bûcher, mais dit
seulement que certains s’y jetèrent, et ne mentionne pas d’égorgements. La diversité règne dans les
narrations du destin du peuple de Sagonte, dont on trouvera la liste chez HUSS, Geschichte, 282s.
C’est Silius Italicus (2,592–707) qui donne la version la plus proche de civ. Mais, à notre connais-
sance, Augustin n’avait pas lu ce poète : il peut donc y avoir une source commune.
Introduction | 131
qu’entraîne le suicide. En tout cas, s’il faut bien comprendre corrumpere dans le
sens de « détruire », le passage reste tout à fait isolé.
Pour le reste, corrumpo et ses dérivés signifient un phénomène précis et obsé-
dant pour Augustin. Il s’agit du mouvement vers la destruction.540 Seules les choses
créées y sont soumises, et la vie de l’homme, après la chute, n’est qu’une longue
lutte pour résister à la corruptio morale et endurer la corruptio physique. Ces deux
processus ont une fin : pour le corps, la mort ;541 pour l’âme, la damnation. Mais le
processus et la fin sont deux choses différentes, et corruptio ne désigne que la pre-
mière des deux. Citons deux passages qui montrent bien ce sens de corruptio comme
processus :
Omnis natura quae minus bona fieri potest, bona est; et omnis natura dum c o r r u m p i t u r , m i -
n u s b o n a f i t . (lib. arb. 3,36)
O r d i n a t i o esse cogit, inordinatio ergo non esse; quae perversio etiam nominatur atque corrup-
tio. Quidquid itaque c o r r u m p i t u r , eo t e n d i t , u t n o n s i t . (mor. Manich. 8)
Noter de même la perpetua corruptio des corps dans l’Enfer— corruptio, justement,
parce que le corps n’est jamais détruit :
Proinde illi qui ad iudicium resurrecturi sunt, non commutabuntur in illam incorruptelam quae
nec doloris corruptionem pati potest … Isti vero p e r p e t u a c o r r u p t i o n e cruciabuntur; quia
‘ignis eorum n o n e x s t i n g u e t u r , et vermis eorum n o n m o r i e t u r ’ [Is. 66,24]. (epist. 205,15)
||
540 Pour plus de détails, voir AugLex s.v. corruptio – incorruptio.
541 Mais vide infra sur l’Enfer.
542 Les exemples sont trop nombreux pour être cités. La corruption judiciaire apparait surtout
dans les écrits anti-donatistes, celle des textes dans la polémique contre les Manichéens.
543 Epist. 82,34 : De interpretatione tua iam mihi persuasisti, qua utilitate scripturas volueris trans-
ferre de Hebraeis, ut scilicet ea, quae a Iudaeis p r a e t e r m i s s a , vel c o r r u p t a sunt, proferres in
medium. Les passages praetermissa ne figurent plus ; les corrupta sont toujours là.
544 La forme exacte du texte varie chez Augustin.
545 Cons. euang. 1,5 ; in euang. Ioh. 117,5 ; in psalm. 55,2 ; 56,3 ; 80,11 ; serm. 201,2 ; 218(augm),7.
132 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
5,24, la substitution de certaines unités métriques à d’autres dans un vers est quali-
fiée de corruptio. Il s’agit toujours de substitution, jamais d’élimination. En in
psalm. 132,3, Augustin accepte que la désignation Circelliones, employée par les
catholiques, puisse être une forme corrompue pour Circumcelliones. Ici il y a bien
élimination de lettres, comme dans C(h)ananei → C(h)anani, mais c’est le mot tout
entier, et non pas une seule lettre, qui est décrit comme corrompu : forte corrupto
sono nominis eos appellamus … Donc, encore une fois, le processus décrit est bien
une substitution, et non pas une élimination.
Même constat pour un petit traité de grammaire dont certains acceptent
l’authenticité augustinienne, l’Ars breviata.546 Il y est question de corruptio dans une
discussion (2,6) sur la formation des noms :
Sane particulae quibus nomina conponuntur aut integrae sunt omnes, aut c o r r u p t a e omnes,
aut partim integrae partim c o r r u p t a e . C o r r u p t a s dico quando per ipsam compositionem in-
tegritatem amittunt, nec ex eo tamen minus latinum nomen efficiunt. Nam cum ‘ineptus’ dicitur
‘in’ utique latinum est, et tamen ‘eptus’ latinum non est. Ex eo enim quod est ‘aptus’ c o r r u p t u m
est. Si quis itaque non diceret ‘ineptus’ sed ‘inaptus’, eo minus latinum nomen esset quod c o r -
r u p t u m nihil haberet.
Comme on le voit, les formes dites corrompues sont des modification des formes
intègres, et corruptus ne peut ici signifier « éliminé ».547
Conclusion : dans corrupta una … littera, le mot corrupta ne peut pas faire réfé-
rence à l’élimination de la lettre e dans un transfert C(h)ananei → C(h)anani.
Venons-en à l’hypothèse qui ferait de C(h)anani la forme gentilique sémitique.
Sous ce biais survient une nouvelle objection au textus receptus : C(h)anani est
une forme punique au singulier, alors que C(h)ananaei est un nominatif pluriel en
latin. Au pluriel, le gentilique devrait être une forme du type C(h)ananim.548 La leçon
C(h)anani permettrait donc de défendre la leçon sit de l’archétype, mais ne saurait
correspondre au pluriel C(h)ananaei.
||
546 L’authenticité est vigoureusement défendue par LAW, St. Augustine’s, puis par BONNET, Abré-
gé, vii–xx. Mais ont-ils vraiment réfuté les objections des Mauristes et de Marrou ? En revanche, les
arguments de Law contre l’authenticité des Regulae grammaticales attribuées à Augustin semblent
probatoires. D’ailleurs, il n’y a aucun dérivé de corrumpo dans ce second texte.
547 Pour le vocabulaire de la véritable élimination, voir Varron, De re rustica 2,1,7 : Nostri … oves
‘baelare’ vocem efferentes dicunt, quo post ‘balare’ e x t r i t a u n a l i t t e r a , ut in multis ; Macrobe,
sat. 1,12,30 : d e t r i t i s q u i b u s d a m l i t t e r i s ex ‘Iunonio’ ‘Iunius’ dictus ; Isidore de Séville, Orig.
6,19,22s. : ‘Osanna’ in alterius linguae interpretationem in toto transire non potest. ‘Osi’ enim ‘salvifi-
ca’ interpretatur; ‘anna’ interiectio est, motum animi significans sub deprecantis affectu. Integre
autem dicitur ‘osianna’, quod nos c o r r u p t a m e d i a v o c a l i l i t t e r a e t e l i s a dicimus osanna,
sicut fit in versibus cum scandimus.
548 FRIEDRICH – RÖLLIG, Phönizisch-Punische Grammatik, 139.
Introduction | 133
Abeloim vocabantur, punica declinatione nominis. Hos nonnulli dicunt ex filio Adae fuisse nomi-
natos qui est vocatus Abel, unde Abelianos vel Abeloitas eos possumus dicere.
Ici le pluriel sémitique est bien en -im et les formes latines et grecques proposées
pour le remplacer sont bien au pluriel.
Ce passage de haer. permet de formuler une dernière objection au textus re-
ceptus, ou du moins à son explication par le gentilique sémitique : une forme pu-
nique n’est pas une forme « corrompue » d’un mot punique. Abeloim n’est pas
présentée comme une forme fautive, mais tout simplement comme un mot punique.
Or, on a vu que corrumpo et ses dérivés ont un sens presque universellement péjora-
tif chez Augustin. Prétendrait-il vraiment qu’en se nommant dans leur propre
langue, avec leur propre grammaire, les paysans n’utilisaient pas une forme cor-
recte ? Surtout que l’idée d’une supériorité innée du latin (ou du grec) aux autres
langues « barbares » est étrangère à la pensée augustinienne.550
||
549 Il n’est pas aisé, en parcourant les passages recueillis par GREEN, Augustine’s Use (auxquels il
faut ajouter les passages mentionnés dans notre commentaire, n. à 13,1–7), de se faire une idée
exacte des connaissances puniques d’Augustin. Mais elles paraissent assez étendues pour conclure
qu’il connaissait de tout temps un fait de langue élémentaire comme la formation des pluriels.
550 Voir commentaire, n. à 13,1–7.
134 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
551 Pour (1) et (2) voir HELBING, Grammatik, 27s. Pour (3), il semble qu’une forme du type
Χανααναῖος était simplement trop barbare pour être créée en grec ou en latin.
552 Voir LHS 1, 75. KERR, Latino-Punic, 115, semble donc trop confiant en se servant de notre pas-
sage dans son dossier sur l’aspiration en punique.
553 MUTZENBECHER, Codex Leningrad, 422–424.
554 Comme il le fait clairement à cons. euang. 1,34.
555 Voir FRIEDRICH – RÖLLIG, Phönizisch-Punische Grammatik, 15 ; KERR, Latino-Punic, 24–38.
556 Pour la LXX, voir ZOBEL, Kena’an, § I.2. Pour la Bible latine, voir Novae Concordantiae bibliorum
sacrorum iuxta Vulgatam Versionem Critice editam, t. 1, Stuttgart 1977, 759–761. La Vulgate n’entre
pas en jeu pour l’Inchoata expositio, mais sur un tel point son orthographe suit celle des versions
antérieures. Les résultats de LLTA donnent 87 fois la forme Chanaan chez Augustin.
Introduction | 135
des langues sémitiques, ce qu’il n’était certainement pas, et encore moins ses lec-
teurs. De plus, Augustin fait dériver Chananaeus de Chanaan sans broncher en c.
Iulian. op. imperf. 4,129 : de isto ergo Chanaan ducunt originem Chananaei. Enfin,
l’orthographe en aa est la seule façon connue de reproduire en grec et en latin le
‘ayin du mot + sa voyelle, et il est douteux que la transformation aa → a puisse être
décrite par corrupta … una littera.
(2) ne peut être exclu avec certitude. Nous possédons certaines indications, bien
qu’éparses et confuses, sur les voyelles du punique tardif. De l’étude qu’en fait
Kerr,557 on retiendra qu’il existe une « harmonisation des voyelles » qui produit des
orthographes du type Χανα- , mais que la « voyelle réduite » e est aussi clairement
attestée. On doit donc admettre la possibilité que le mot des paysans avait un pre-
mier syllabe en Ke, et qu’Augustin ne savait pas qu’une telle prononciation se justi-
fiait par l’hébreu. Le bon texte serait alors soit sint … C(h)enan(a)ei …
C(h)anan(a)ei soit sit … C(h)enani … C(h)anani. Dans ce deuxième cas, le sujet de
sit serait la langue des paysans, par un transfert un peu abusif du mulieris lingua de
la phrase précédente.558 Il faudrait alors comprendre C(h)enani et C(h)anani comme
deux mots puniques, des formes « gentiliques » servant à indiquer le nom de la
langue.559 Ceci est problématique : si la réponse des paysans peut, à la rigueur, être
en punique, son explication doit être en latin. En effet, nulle part ailleurs Augustin
n’écrit un mot en punique sans indiquer qu’il s’agit de punique. On peut résoudre le
problème en proposant un texte sit … C(h)enani … C(h)anan(a)eus, en supposant
qu’Augustin ne prenait en considération que le radical, quand il différenciait les
deux formes. Mais toutes ces suggestions semblent reposer sur des bases trop ins-
tables pour en tirer une solution pour notre texte.
Cependant, ces conjectures ont au moins le mérite de correspondre à l’énoncé
corrupta … una littera. C’est aussi le cas de deux hypothèses formulées à partir de
leçons des manuscrits. Le sous-archétype γ portait la leçon sit … C(h)anei …
C(h)anai, d’où l’on peut proposer un texte sit … C(h)anaei … C(h)anani. Et à partir
des leçons de d, on peut supposer un texte sit … C(h)amani … C(h)anani. Par la
structure du stemma, il est possible en soi que γ ou d conservent de bonnes leçons
perdues dans les autres branches. Mais, encore une fois, on ne peut admettre ces
deux conjectures sans accepter C(h)anani comme forme punique. De plus, qui pis
est, rien ne recommande ni C(h)anaei ni C(h)amani, si ce n’est le fait que ces deux
formes diffèrent du mot Chanani d’une seule lettre. Il n’existe pas, à notre connais-
sance, de phénomène en punique qui justifierait la transformation n→e ou n→m.
||
557 Latino-Punic, 76–105.
558 Nous devons cette idée sur sit à Jo Quinn.
559 On s’attendrait plutôt à des formes féminines en -it pour le nom d’une langue, mais il est pos-
sible que de telles formes se soient prononcées en -i en Afrique du Nord (voir QUINN, Augustine’s
Canaanites, 186).
136 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Bien entendu, il est possible qu’Augustin se soit trompé en postulant que le nom
que se donnaient les paysans avait comme racine Kena‘an. Mais il faudrait tout de
même une attestation indépendante de C(h)amani ou C(h)anei pour que l’on puisse
considérer une de ces formes comme une conjecture valable.
On pourrait sans doute proposer d’autres hypothèses, mais elles seront toutes
bien incertaines, jusqu’à ce que l’on trouve une information extérieure à notre texte
sur le nom que se donnaient ces paysans et qui ressemblait à C(h)anan(a)ei. Il faut
donc se résigner au verdict de non liquet. D’ailleurs, la difficulté du problème est
reflétée par l’expression parenthétique à laquelle nous n’avons pas fait référence
jusqu’ici : sicut in talibus solet. À première vue, il semble s’agir là d’un indice pré-
cieux. La corruption d’une seule lettre s’est faite « comme il est d’usage chez de tels
hommes » (ou peut-être « dans de tels mots »). C’est donc un phénomène habituel,
et non pas isolé. Mais quel est le sens exact de l’expression, et qu’implique-t-elle ?
Augustin veut-il dire que les paysans d’autour d’Hippone agissent comme les pay-
sans du monde entier, en parlant mal (cf. doctr. christ. 4,12s.) ? Est-ce que ce sont
seulement les paysans de chez lui (rustici nostri) qui tendent à faire des fautes en
général ? Ou nous indique-t-il une faute typique et particulière, qui consiste à modi-
fier une seule lettre dans un certain type de mot ? Dans ce dernier cas, est-ce tou-
jours la même lettre ou y a-t-il variation ? On est bien incapable de répondre à ces
questions, et finalement, pour nous, il s’agit d’un indice qui n’indique rien.
14,3 quodlibet vile et abiectum : videt Ξ (videlicet R H G) : videt donne un sens ac-
ceptable, mais un peu plat. Pour vile et abiectum, comparer mus. 6,57 ; in psalm.
32,2,2,16 ; serm. 37,17.
15,3 nam neque de ipso Deo Patre digne sentiunt : digna Ξ B edd : Il ne semble pas,
selon les résultats de LLTA, qu’Augustin ait combiné ailleurs digne ou digna
avec sentire. Mais on trouve des parallèles pour digne chez d’autres auteurs de
son époque :560 Ambroise, in psalm. 118,12,2 ; Jean Cassien, Institutiones 8,4,3 ;
Prosper d’Aquitaine, in psalm. 144,29.561 Par contre, digna est apparemment li-
mité à Arnobe (Adversus nationes 1,39), dont on sait les particularités stylis-
tiques. D’autre part, dans ce §15 de l’Inchoata expositio, Rousselet562 note le pa-
rallèle avec male senserit (15), perverse sentit (12), impie sentiant (14).
||
560 LLTA reste bien incomplet pour la période patristique. On peut le compléter avec la version
digitale de PL (http://pld.chadwyck.co.uk/) mais, mis à part les problèmes posés par l’antiquité des
éditions dont Migne s’est servi, la version digitale ne facilite pas les recherches sur deux mots sépa-
rés l’un de l’autre. Nous avons fait une recherche sur les deux formes placées ensemble, dont nous
incluons ici les résultats.
561 Pour les textes un peu plus tardifs, ajouter Fulg. Rusp. epist. 15,10 ; 18,9 ; Greg. M. moral. 27,45.
On lit digna sentitis chez Alc. Avit. epist. 51 (MGH).
562 ROUSSELET, À propos d’une édition, 238.
Introduction | 137
15,5 quem sancto Spiritu plenum lapidaverunt : sancto spiritu Ξ (sancto plenum
spiritu M)] sancto ipso spiritu Λ (spiritu ipso sancto T) ; ipso spiritu sancto B
edd : La tradition représentée par B, que suivent les éditeurs, a clairement modi-
fié la leçon de Λ, puisque ipso pouvait clarifier la logique de l’argument, mais sa
position entre sancto et spiritu sonnait faux. En effet, Spiritus sanctus / sanctus
Spiritus fonctionnait presque comme un seul mot, et il est rare qu’Augustin sé-
pare le nom et l’adjectif autre que par un possessif (suus, Dei) ou les adverbes
postpositifs (autem, enim, quoque, ergo …). On peut certes citer epist. 95,5 (Spiri-
tus autem ille Sanctus) ; quaest. Simpl. 2,1,5 (Spiritus ille Sanctus) ; c. Fel. 1,7 (in
Spiritu isto Sancto). Mais, dans tous ces cas, c’est spiritus, et non pas sanctus,
qui est placé avant le démonstratif. L’ordre avec sanctus en premier suggère que
la sainteté n’est pas tout à fait une qualité intrinsèque de l’Esprit. C’est ce qui a
gêné B. On pourrait donc adopter, comme conjecture, la leçon de B (ou celle de
T). Mais la repetition ipso Spiritu Sancto ... ipse Spiritus serait bien lourde, et le
texte de Ξ parait adéquat (comparer 14,1, que B modifie aussi).
15,11 cui umquam … schismatico spem liberationis, si se corrigat, amputavit : corri-
geret Λ : Faut-il le subjonctif présent ou imparfait ? Avec le verbe de l’apodose
au parfait de l’indicatif, aucune des deux options ne correspond à l’usage clas-
sique (voir K-S 2,2,660–664). Mais Augustin s’en écarte souvent.563 Comme il
faut choisir, nous avons préféré le présent, plus vif que l’imparfait, qui tend à
placer les faits dans le domaine du passé ou de l’irréel, alors que le repentir est
une possibilité toujours présente.
15,15 denuo baptizare non dubitent : dubitant O E S U κ : Vu la répartition des le-
çons, il est probable que dubitant était celle de l’archétype, indépendamment
corrigée dans T V et γ. On doit en tout cas accepter dubitent. Le style d’Augustin
est trop soigné pour qu’il ait pu construire cum avec l’indicatif, après que ce
même cum a gouverné toute une série (15,13–15) de verbes au subjonctif : cum …
asseverent … fateantur … negent … fateantur … sentiant … confingant … negent …
contendant … exsufflent.
15,16 errorem atque impietatem : ac O E S U (et ac ac.) V ; et T F : LLTA donne 4498
résultats pour ac dans le corpus augustinien. Dans un échantillon des 1000
premiers cas + 185 dans les sermons, on trouve ac exclusivement devant des
mots commençant par une consonne. C’est assez pour conclure qu’Augustin
suivait la règle classique, qui exigeait atque avant une voyelle.
||
563 Parmi les exemples de PALUSZAK, The Subjunctive, 295, pour le présent, seul epist. 151,13 est
quelque peu analogue à notre passage. Parmi les exemples avec l’imparfait (303), seul epist. 31,3 a
vraiment un sens potentiel. STOKES, Conditional Sentences, ne relève pas d’exemples pour le pré-
sent. Ceux avec l’imparfait (110s.) expriment généralement l’irréel. (Nous remercions Andrew Abela
et Kathy Otey de nous avoir fourni un exemplaire de cette étude).
138 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
16,7 quid autem agimus de his : agimus om. Λ : Augustin fait avancer son argument
par une question du type « que dire / que faire de … », un procédé qui lui est
cher. On trouve facilement des exemples où, comme dans le texte de Λ, la ques-
tion quid de est posée sans verbe principale :564 mus. 3,21 ; mor. eccl. 44 ; in eu-
ang. Ioh. 12,8 ; 19,14 ; 23,13 ; 43,7 ; 47,6 ; in psalm. 39,13 ; 52,4 ; 57,10.14 ; 66,7 ;
93,17 ; 103,3,18 ; 138,21 ; 140,18.24 ; serm. 90,4 ; 155,14 ; 159A,4 ; 162A,1 ; 176,2 ;
229J,5 ; 359B,5 ; quaest. hept. 3,36 ; trin. 3,25 ; c. Cresc. 4,13 ; c. Iulian. op. im-
perf. 3,13.565 Mais les exemples avec le verbe agimus (ou agemus / agamus) ne
manquent pas non plus : gen. ad litt. 2,26 ; de serm. dom. 1,76 ; in euang. Ioh.
35,4 ; in psalm. 91,7 ; serm. 313D,4 ; trin. 6,10. Ici, nous avons préféré le texte de
Ξ,566 parce que la grande majorité des questions sans verbe sont très courtes, et
viennent non pas des écrits, mais de la prédication.
16,8 quia baptizati peccaverunt : peccarunt Λ (exc. O) : Les accords de O Ξ contre E d
sont trop rares pour en tirer des conclusions stemmatiques. Selon les résultats
de LLTA, le corpus augustinien porte 3039 fois des formes en -averunt, contre
402 formes syncopées en -arunt. Pour pecca(ve)runt, le contraste est encore plus
marqué : 11 cas de peccarunt contre 340 de peccaverunt. Dans un cas donné, la
forme non syncopée est donc la plus probable. De plus, dans ce cas, le sens de
la question rhétorique semble exiger une ressemblance phonétique aussi forte
que possible entre la forme ici et peccaverint (sans variantes) à la fin de la
phrase. Comparer la note sur 19,2.
17,1 cum scientia quisque peccasse dicatur : iudicatur Λ : La leçon de Λ donne un
sens correct, mais le plus probable est qu’elle est née de iudicatur à la fin de la
phrase. D’ailleurs la répétition du même verbe, pour décrire deux déductions
pas tout à fait parallèles, n’est pas souhaitable.
17,2 auferendae rei causa : rei eius Λ : Impossible de savoir avec certitude si Augus-
tin a écrit eius. Nous avons suivi Ξ, supposant que l’interpolation de eius pour
clarifier la phrase est un peu plus probable que son omission. Mais, à rebours,
la répétition de lettres dans rei eius aurait pu induire un scribe à sauter le deu-
xième mot.
17,3 quid inveniemus in quo scientes homines peccare videantur : inveniemus E κ P
W G μ] invenimus O d A B1 R H B Am Er Lov : Présent et futur conviennent tous
les deux, et la confusion règne dans les manuscrits, bien qu’il semble probable
que inveniemus fut la leçon originale de Ξ, et invenimus celle de Λ. Nous avons
préféré le futur, pour le parallèle avec d’autres questions rhétoriques au futur,
servant elles aussi un raisonnement par l’absurde : Quis inveniri p o t e r i t cui ve-
||
564 La tournure est assez proche de l’anglais « What about … ».
565 Ces deux derniers exemples sont les plus proches du texte Λ de l’Inchoata expositio.
566 ROUSSELET (À propos d’une édition, 238) a préféré omettre agimus, mais ne s’appuie que sur son
argument stemmatique défectueux.
Introduction | 139
||
567 Cette expression n’est pas facile à analyser, mais il semble que in modifie pace, et que regnan-
tibus est au datif.
140 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
vé sur LLTA d’exemples de pace sans préposition qualifiant regnare chez Augus-
tin.
19,2 ut hoc significaverit apostolus : significarit O S E2 U (significavit ac. E) : Encore
une fois, T V a corrigé la leçon originale de Λ,568 probablement avec raison. Au-
gustin connait les formes syncopées de -averit en -arit : on en trouve 53
exemples sur LLTA. Mais LLTA donne aussi plus de 1500 formes en -averit. Pour
le mot en question ici, on trouve 26 exemples de significaverit569 contre un seul
de significarit.570 Il reste que l’on est bien dépendant des choix des éditeurs anté-
rieurs en telle matière. Comparer la note sur 16,8.
19,3 ut eos qui nondum baptizati sunt : non Λ (om. E) : Rousselet571 a préféré la le-
çon de E, considérant notre texte comme « non-recevable ». Il explique : « la res-
triction (ita sane ut … fateamur) reconnait que le baptême est une condition né-
cessaire mais non suffisante de la science achevée (plena scientia) : ex quo
conficitur ut … non omnis baptizatus etiam scientiam veritatis acceperit ». Rous-
selet aurait raison si le but de 19,3 était d’introduire 19,4, où l’idée du baptême
comme condition nécessaire mais insuffisante pour la science entre effective-
ment en jeu. Mais de fait 19,3 vise à étoffer l’idée introduite en 19,1s. : que Hebr.
10,26, cité en 18,2, veut dire « on ne peut être baptisé une seconde fois ». Pour
ceci, il faut montrer que postquam accepimus scientiam veritatis signifie « après
que nous ayons reçu le baptême ». Mais, comme l’a montré l’exemple de Cor-
neille en 18,7, on peut certainement avoir une certaine scientia veritatis avant le
baptême. Corneille a été baptisé ad perficiendam scientiam veritatis, ce que re-
prend la plena scientia ici. La restriction vise donc bel et bien à préciser que
ceux qui n ’ o n t p a s reçu le baptême peuvent être décrits comme n’ayant pas
reçu la connaissance de la vérité. Augustin est ensuite gêné parce qu’il a déjà
accepté (18,7s.) que l’on puisse être baptisé mais tout à fait ignorant. C’est pour-
quoi il s’étend en 19,3–7 sur l’idée de la condition nécessaire mais non suffi-
sante. Le choix entre nondum et non est plus délicat. Cependant, ce ne sont pas
t o u s les non-baptisés, mais plutôt ceux, tels Corneille, qui sont sur la voie du
baptême, et donc p a s e n c o r e baptisés, que l’on décrirait comme ayant une
connaissance partielle (nondum plenam) de la vérité.
||
568 Qu’il s’agisse de la leçon de Λ est vraisemblablement confirmé par l’extrait de Inchoata exposi-
tio 19 dans le commentaire de Claude de Turin sur Hebr. (voir supra, 2.5, p. 91).
569 Retract. 1,25 ; mag. 35 ; epist. Divj. 5,3 ; doctr. christ. 3,78 ; quaest. hept. 5,4.29 ; in Iob 7 ;
quaest. euang. 2,2 ; in euang. Ioh. 58,5 ; in psalm. 67,3 ; 118,3,3 ; serm. 270,7 ; pat. 19 ; civ. 13,23
(bis) ; 15,7 ; c. Adim. 14 ; c. Faust. 22,82.83.87 ; trin. 3,20 ; pecc. mer. 1,58 ; anim. 4,37 ; gest. Pelag.
32 ; grat. 5 ; c. Iulian. op. imperf. 6,40.
570 anim. 1,27.
571 ROUSSELET, À propos d’une édition, 238.
Introduction | 141
19,7 si iam eiusdem veritatis per baptismum sacramenta percepit : per T V γ Lov μ]
post O E S U κ B Am Er : La distribution des leçons ne suit pas le stemma, mais il
est probable que post était la leçon de l’archétype, corrigée par conjectures in-
dépendantes dans T V et γ. per est certainement la bonne leçon572 : (1) cette pro-
position explique celle qui la précède (si iam oblatum est), et doit donc avoir le
même sens : « s’il est déjà baptisé » ; (2) tout le développement du chapitre 19
veut montrer que le sacrement ou sacrifice de la connaissance de la vérité, c’est
le baptême (voir aussi 18,7), même si tout baptisé ne connait pas la vérité. Mais
la leçon post séparerait justement ce sacrement de la vérité de celui du baptême.
19,7 etiam quadrupes esset : quadrupedem esse Λ (quadrupes E2 ; quadrupedem O
(ac. ; quadrupede pc.) d ; quid E (ac.) non liquet ; esse etiam B edd) : Si la phrase
non ideo tamen … etiam quadrupes (-pedem) esse(t) fait partie du discours indi-
rect introduit par diceremus, il faut quadrupedem esse. Mais le maintien du dis-
cours indirect requerrait plutôt un sed entre le premier quadrupedem et non
ideo. On peut cependant prétendre que le texte de Λ est à préférer comme diffici-
lior. Le texte de edd, qui est aussi celui de CSEL 84, n’est pas grammatical.
20,3 quae ex parte Israel facta est : in israel Ξ B edd : Augustin cite Rom. 11,25,
πώρωσις ἀπὸ μέρους τ ῷ Ἰ σ ρ α ὴ λ γέγονεν. in ne traduit donc pas un mot grec,
mais sert à clarifier le rôle d’Israel dans la phrase, le latin n’ayant pas d’article
pour indiquer son cas. Cependant, si l’on peut se fier à nos éditions, il semble
qu’Augustin n’employait généralement pas ce in. Les éditeurs l’admettent dans
le texte 6 fois,573 mais il fait défaut 33 fois.574 À vrai dire, les deux leçons se re-
trouvent très souvent dans les manuscrits. Mais il est probable que, au moins
dans la majorité des cas, in était interpolé sous l’influence de la Vulgate, où on
lit caecitas ex parte contigit i n Israel. Noter aussi quaest. euang. 2,33,5 (ut etiam
omnis Israel salvus fiat, cui ex parte caecitas facta est) où il est clair qu’Augustin
considérait Israel comme un datif.
||
572 Comme l’a vu ROUSSELET, À propos d’une édition, qui dit justement : « l’impossibilité d’un
second baptême n’est en rien liée à l’enseignement complémentaire qui suit le baptême ».
573 In euang. Ioh. 51,8 (bis ; « omittunt plurimi codices », CCSL 36) ; 93,4 ; c. adv. leg. 2,4 (1 famille
de MSS omet in) ; epist. 149,19 (in omis dans 3 manuscrits, dont 1 avant correction) ; serm. 202,3 ;
260C,6. (Dans cette note et la suivante, nous avons souligné les références pour lesquelles il n’existe
pas d’édition critique moderne).
574 In psalm. 7,1 (in dans une famille de MSS), 6 (in dans 2 manuscrits, dont 1 après correction) ;
9,1 ; 13,8 (in dans une famille de MSS + 6 MSS, dont 1 après correction) ; 19,5 (in dans 4 MSS), 9 (in
dans 1 MSS) ; 45,15 ; 46,3 ; 58,2,2 (in dans une famille de MSS + 4 MSS) ; 65,5 (bis),10 ; 73,10 ; 79,14 ;
81,2,5 ; 88,2,8 ; 109,11 (ter ; les deux premières fois on trouve in dans une famille de MSS + 1 MS) ;
138,8 ; 147,28 (in dans 2 manuscrits, dont 1 après correction) ; praed. sanct. 33 ; serm. 136,4 (ter) ;
138,6 ; c. Iulian. 5,8 ; quaest. hept. 2,154,7 (in dans 2 MSS + 2 MSS d’Eugippe) ; 5,56 (in dans deux
MSS) ; in Iob 17.36 ; c. Faust. 9,1 (in dans 2 MSS après correction).
142 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
||
575 Voir LHS 2, 538s. ; BONNET, Le latin, 675s.
576 Voir REGNIER, De la latinité, 68–71 (mais l’auteur ne dit rien sur les proportions indicatif / sub-
jonctif) ; ARTS, The Syntax, 94s. ; COLBERT, The Syntax, 49 ; PALUSZAK, The Subjunctive, 89–94.
577 On trouve plus de 2000 exemples de utrum, mais dans bien des cas il introduit une question
directe, ou une question sans verbe.
578 Entouré de questions indirectes avec utrum + subjonctif, dont utrum … possint tout de suite
après.
Introduction | 143
est)579 ; serm. 8,12 (nescio u t r u m inventus est) ; 12,11 (unde igitur scitis u t r u m …
commemorat?) ; 114B,11 (vide u t r u m intrabis) ; 181,3 (dicite … u t r u m … estis) ;
277,10 (responde u t r u m … pervenit) ; 292,7 (nescio u t r u m aliud dicturus est) ;
296,10 (nescio u t r u m meministis) ; 350B (nescio u t r u m respondere poterit) ;
adult. coniug. 1,35 (quis enim novit u t r u m … statuerant?) ; 2,10 (quaero u t r u m
non erit) ; util. ieiun. 4 (nescio u t r u m non claudes oculum) ; urb. exc. 4 (nescio
u t r u m minor fuit) ; civ. 12,13 (nescio u t r u m … deputandum est) ; util. cred. 23
(perscrutari atque discutere … u t r u m hic est) ; c. Adim. 28 (interrogo … u t r u m …
possunt) ; c. Faust. 19,31 (nescio u t r u m quisquam … invenit) ; nat. bon. 13 (vi-
deamus u t r u m … remanebit) ; trin. 15,47 (quaerere u t r u m iam processerat) ; c.
Cresc. 2,6 (vide u t r u m non diversa sequimini) ; 4,77 (interroga Felicianum u t r u m
… fuerat) ; coll. c. Don. 1,14 (ut constaret u t r u m … subscripserant) ; c. Gaud. 1,52
(nescio u t r u m … poterit) ; grat. Christ. 1,25 (vellem ergo diceret … u t r u m … cu-
currerat … cupiverat … suspenderat … factus erat … u t r u m … tradiderat … morti-
ficaverat … posuerat). Ainsi, les résultats d’une étude limitée à une seule parti-
cule interrogative ont le même profil que ceux des études limitées à une partie
de l’œuvre augustinienne : Augustin avait une préférence très marquée pour le
subjonctif, mais l’indicatif le remplace de temps en temps, souvent sans raison
apparente. L’indicatif apparait pendant toute la carrière littéraire580 de l’auteur,
et dans des œuvres de tout genre. Ajoutons que la proportion des indicatifs se-
rait sans doute plus élevée sans la tendance des scribes et des éditeurs à recréer
la syntaxe classique où l’auteur y avait failli. Souvent, comme dans notre pas-
sage, il ne s’agissait que de corriger une seule lettre. De tels résultats ne sont
pas de nature à nous diriger vers une conclusion sûre pour notre texte. Le sub-
jonctif est cependant à préférer. (1) Étant donné la prépondérance des subjonc-
tifs, ce mode est toujours plus probable dans un cas donné. (2) Notre phrase re-
prend quaeri potest utrum s c i r e n t Iudaei per Spiritum sanctum operari
Dominum (20,2), et elle est reprise de nouveau par quomodo poterant … diiudi-
care utrum per Spiritum sanctum Dominus o p e r a r e t u r .
20,5 quomodo poterant infideles Iudaei sine isto munere diiudicare : infideles om.
Ξ ; sine om. Ξ : Les deux mots omis par Ξ ne sont pas nécessaires pour donner
un sens acceptable. Mais ils servent tous deux à renforcer la réponse négative
d’Augustin à la question posée en 20,2 : les Juifs savaient-ils que Jésus agissait
par l’Esprit Saint ? Non, parce qu’ils n’avaient pas la diiudicatio spirituum. En
20,4, l’auteur dit que celle-ci fidelibus datur, et infideles et sine (munere) servent
||
579 Entouré de 4 cas de vide utrum + subjonctif.
580 Mais on voudrait savoir s’il figure dans le style quelque peu ampoulé des dialogues de Cassi-
ciacum.
144 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
à renforcer, chacun à son tour, le contraste entre ces deux mots et la condition
des Juifs.
20,6 signa in eis quantum evangelica narratio demonstrat apparent : apparerent O
E S U B Am Er Lov ; apparuerunt μ : apparerent doit être la leçon de Λ, corrigée
dans T V. Nous donnons raison à l’indicatif, puisque apparent est le dernier des
verbes dépendants de cum (et falsos testes, 20,5), les trois autres étant à
l’indicatif : compararunt et submiserunt (20,5) … conati sunt (20,6). Les Mau-
ristes ont mis le verbe au passé pour garder un même temps dans toute la sé-
quence. Mais apparent est au présent, comme demonstrat juste avant, et sans
doute sous son influence, parce que la narration de l’Évangile rend présent le
passé devant les yeux du lecteur. Comparer : sicut etiam praeter progeniem Ia-
cob alii fuerunt credentes in Deum sicut Iob, sicut civitas Nineve et si qui alii sunt,
qui vel a p p a r e n t in scripturis vel in genere humano latent … (epist. 164,2) ; ut …
discant fideles tui ea magis a te poscere et sperare praemia fidei quae non a p p a -
r e n t in vetere testamento, sed revelantur in novo (in psalm. 89,12).
21,3 edomita invidia salutem cum lacrimis poscens : domita Ξ (deest c) : Il n’existe
pas de différence de sens très marquée entre les verbes domare et edomare chez
Augustin. Analysant sur LLTA l’emploi des deux verbes, on voit d’abord que
notre auteur les utilise tous les deux, mais surtout domare, pour la subjugation
ou l’apprivoisement d’êtres physiques et tangibles – les exemples sont trop
nombreux pour être cités.581 Viennent ensuite les applications à caro582 ou cor-
pus583 mots que l’on ne peut ni identifier avec la chair physique ni en séparer to-
||
581 Pour se limiter aux participes passés, d o m i t u s est appliqué à : bestiae (lib. arb. 1,16.19 ; di-
vers. quaest. 36,1), pecus (lib. arb. 1,19) ; servus (ord. 2,6 – mais le servus en question est la mé-
moire) ; filius durus (epist. 173,3) ; barbari (epist. 220,7) ; huius saeculi potestates (epist. 232,3) ;
peccator (in psalm. 31,2,23) ; tu (serm. 55,4 – au milieu d’une comparaison animaux-hommes, ici et
dans l’exemple précédent) ; proximi (civ. 4,6) ; gentes (civ. 19,7) ; homines (civ. 19,21). De même,
e d o m i t u s est appliqué avec un sens plus ou moins identique à : os (conf. 1,13) ; pecora (conf.
13,30) ; articuli (mus. 1,10) ; filius (c’est à dire Absalom, doctr. christ. 3,68) ; bestiae (vera relig. 238) ;
Romani (cons. euang. 1,18) ; peccator (in psalm. 31,2,23 – Ou faut-il lire domitum, pour correspondre
au reste du passage ?) ; Africa (op. monach. 32) ; orbs terrarum (c. Faust. 22,60).
582 caro + domare : epist. 211,8 ; doctr. christ. 1,51 ; vera relig. 241 (?) ; in psalm. 50,3 (carnalis
delectatio) ; serm. 8,8 (appetitum carnis) ; 169,1 ; 205,2 ; 207,2 ; 208,1 ; 304,2 (carnis illecebras) ; util.
ieiun. 3.5.7 ; civ. 15,7. caro + edomare : epist. 166,22 ; in psalm. 67,34 ; 114,7 ; 145,3 ; c. Faust. 21,7
(carnales motus).
583 corpus + domare : in psalm. 140,16 ; serm. 13,1 ; 56,8 (nihil in corpore) ; c. Faust. 16,31. corpus +
edomare : serm. 315,4 ; c. Faust. 30,5. Application métaphorique à d’autres parties du corps : do-
mare + cervicula (epist. 277) ; cor (c. Faust. 19,29) ; lingua (epist. 277 ; in psalm. 140,18 ; serm. 55,1 ;
180,12 ; nat. et gr. 16 —Augustin pense à Iac. 3,8, qu’il cite souvent) ; membra (util. ieiun. 7) ; edo-
mare + cor (epist. 128,4). L’objet peut être aussi indéfini : exemples avec domare en serm. 179A,7 ;
328,6.
Introduction | 145
talement.584 Ensuite, les verbes sont appliqués, comme dans notre passage, à
des qualités intérieures et intangibles. Pour d o m a r e , on trouve cette acception
surtout avec cupiditas / -tates (epist. 138,14 ; 247,1 ; vera relig. 198 ; gen. ad litt.
10,25 ; in psalm. 127,16 ; 147,4 ; serm. 87,13 ; 178,6) ; concupiscentia(e) (retract.
1,19 ; serm. 145,6 ; 155,2 ; contin. 8, 12 ; c. Pelag. 1,24) ; libidines (mor. eccl. 67 ;
epist. 171A,2 ; 177,1 ; nupt. et concup. 2,59) ; et superbia (in euang. Ioh. 1,15 ;
3,11 ; in epist. Ioh. 8,7 ; serm. 125,2 ), auxquels viennent s’ajouter des exemples
uniques avec appetitus (c. Iulian. 4,66) ; avaritia (serm. 339,9) ; ira (serm.
315,10) ; iuventus (vera relig. 131) ; vitia (contin. 32). Pour e d o m a r e , il y a de
nouveau concentration autour de concupiscentia (epist. 140,83 ; de serm. dom.
1,9 ; in psalm. 77,27 ; serm. 207,2) et superbia (epist. 93,6 ; doctr. christ. 2,10 ; in
psalm. 118,15,4 ; serm. 125,2 ; divers. quaest. 71,5 ; c. Iulian. op. imperf. 2,173).
Ensuite, le verbe est appliqué à affectiones (in psalm. 9,8) ; amor (in Matth.
11,4) ; animi (doctr. christ. 3,30) ; avaritia (in psalm. 143,5) ; consuetudo (epist.
48,3 ; doctr. christ. 1,51) ; cupiditates (in psalm. 41,10) ; duritia (in psalm. 38,7) ;
feritas (c. epist. fund. 38) ; frons585 (conf. 8,3) ; ira (c. Faust. 19,25) ; spiritus (bapt.
1,8). Il n’est pas facile d’établir une distinction entre ces deux listes, surtout que
notre texte n’est pas le seul où les manuscrits présentent les deux leçons. Mais il
semble que la variété des qualités auxquelles Augustin appliquait edomare est
la plus grande. De plus, edomare est en général un mot plus rare, si bien que la
chute du e est plus probable que son ajout. Notons cependant que domare était
appliqué à invidia chez Horace (comperit invidiam supremo fine domari ; epist.
2,1,12) alors que nous n’avons pas trouvé ailleurs la combinaison edomare + in-
vidia.
21,4 nam si qui per invidiam : qui μ (marg.)] quis Λ c edd ; quisquis K Z μ (marg.) ;
quisquam γ : Le sens exige un mot qui permette de subordonner existimandus
est à attendamus, ce que quis (ou quisquam) ne peut faire. Donc, à moins
qu’Augustin ne se soit perdu dans sa phrase, il faut remplacer ce quis qui vient
apparemment de l’archétype. Nous avons préféré qui, une des conjectures mau-
ristes, à quisquis, la conjecture (?) de K Z, sous prétexte que la chute d’une lettre
est un peu plus probable que celle d’une syllabe, et que si qui ressemblait plus
que si quisquis à ce si quis si fréquent en Latin. Pour d’autres passages où le qui
dans si qui est un pronom relatif, et non le pluriel de l’indéfini quis, voir in
euang. Ioh. 6,12 ; in psalm. 30,2,2,8 ; 58,1,7.21 ; 85,3 ; 102,4. Mais la construction
reste rare chez Augustin, et Rousselet586 a préféré quisquis.
||
584 Voir par exemple les réflexions en retract. 2,2 ou doctr. christ. 1,51–53.
585 Dans le sens métaphorique de « impudence, fierté ».
586 À propos d’une édition, 238.
146 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
22,5 quod utique nulla ratione diceretur eis : eis om. Ξ : L’argument d’Augustin
repose non seulement sur les paroles du Seigneur, mais sur les personnes aux-
quelles elles sont adressées. Jésus aurait pu dire ses paroles sur les arbres et les
fruits, que le péché des Juifs fût pardonnable ou pas. Mais il n’avait une raison
de l e u r les dire que si leur propre péché était pardonnable.
23,1 appropinquabit enim regnum coelorum : appropinquavit E S T U μ : En Mt. 3,2
et 4,17 (cité ici), on lit ἤγγικεν γὰρ ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν. La bonne traduction
est donc appropinquavit. Mais on ne distinguait plus bien b et v dans l’Antiquité
tardive, et la leçon appropinquabit s’est répandue largement dans l’Église la-
tine. Sauf pour notre texte, où CSEL 84 donne appropinquabit, les éditeurs mo-
dernes, et avant eux les Mauristes, choisissent toujours appropinquavit quand
Augustin cite ces passages. Mais en fait les deux leçons se retrouvent presque
toujours dans les manuscrits.587 Il est donc impossible de savoir quelle leçon
préférait Augustin, ou s’il écrivait toujours la même chose. De plus, avec la ve-
nue du Christ, le Royaume des Cieux est à la fois présent et imminent, si bien
que le contexte n’est pas apte à éclairer la question. Reste qu’ici appropinquabit
est probablement la leçon de l’archétype.
23,6 ut gratiam pacemque hominibus largiretur, gratiam in dimissione peccato-
rum, pacem in reconciliatione Dei : in dimissione peccatorum gratiam tr. Ξ : Le
chiasme de Ξ est certes possible, mais la leçon moins maniérée de Λ donne un
texte plus facile à suivre. Le but premier d’Augustin est de clarifier sa pensée, et
non pas de chercher un effet de style. Ceci dit, la corruption Ξ→Λ semble plus
probable que l’inverse.
23,9 qui tantum oris sono confitentur : sono oris tr. Ξ : Encore un problème d’ordre
des mots, où la certitude est impossible. Nous avons préféré oris sono, parce que
cet ordre met l’emphase de tantum sur oris, qui reprend lingua en 23,8. On
trouve le même ordre des mots pour la même idée en epist. 27,6 (filium nostrum
… statueram litteris in manum tuam tradere consolandum, exhortandum, ins-
truendum non tam o r i s s o n o quam exemplo roboris tui).
23,9 confitentur enim se nosse deum : enim om. Λ (exc. O) C : Le plus probable est
que enim était dans Ξ et absent de Λ. Il est généralement absent de Tit. 1,16 dans
||
587 Les passages en question sont conf. 13,13 (-bit dans 8 MSS, dont 1 avant correction) ; serm. 71,19
(-bit dans 13 MSS, dans 1 avant correction), 20 (-bit dans 19 MSS, dont 1 avant correction) ; in psalm.
59,4 (-bit dans 6 MSS, dont 1 après correction) ; 66,8 (pas d’édition critique) ; 101,1,2 ; 137,6 (-bit
dans 3 MSS) ; 150,3 (-bit dans 2 MSS) ; serm. 109,1 (pas d’édition critique) ; 306C,1 ; 351,2 (pas
d’édition critique. Nous avons relevé -bit dans Londres, British Library, Harley 4091, s. 11) ; 352A,3.4
(transmis dans 1 seul MS) ; civ. 18,49 (-bit dans 1 MS) ; epist. 199,35 (-bit dans 5 MSS) ; cons. euang.
2,25 (quater : -bit dans 7 MSS, dont 2 avant et 2 après correction ; dans 6 MSS, dont 2 avant et 2 après
correction ; dans 6 MSS dont 1 avant et 1 après correction ; dans 3 MSS) ; c. Faust. 12,42 (-bit dans 3
manuscrits, dont 1 après correction) ; in Iob 37 (-bit dans 3 MSS).
Introduction | 147
||
588 La disparition de δύναται / potest ne nous concerne pas ici. Augustin donne la forme avec
potest en de serm. dom. 2,83 (et ibid. sans potest) ; c. Faust. 21,8. Et on trouve potest en coll. c.
Maximin. 5.
589 Le texte est cité 3 fois en de serm. dom. 2,83. On y trouve -um respectivement dans 10 MSS dont
1 avant correction + Florus de Lyon ; 10 MSS, dont 1 avant correction + Florus de Lyon, Julien de
Tolède ; 9 MSS dont 1 avant correction + Raban Maur. En divers. quaest. 62, un seul MS témoigne
pour -um.
148 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
1,4 uti] ut
2,2 unde] unde etiam
2,3 homines] hominum
2,3 pertinent] pertinet
3,1 quo] quod
3,1 segregatum se] se segregatum
3,3 etiam1] etiam si
3,3 nisi quod] nisi
3,3 iam venit] venit iam
4,4 David tantummodo] tantummodo David
4,6 cui] cum
4,7 in evangelium] evangelium
4,10 quo] quod
4,12 factum1] factum Deo
4,12 a Deo] Deo
7,1 scribit epistolam2] scribit
7,6 ut et] ut
7,7 sint] sunt
9,4 adiuvetur] adiuventur
9,6 non ignoscitur] ignoscitur
10,3 sacris scripturis] sanctis scripturis
10,6 quanta … futura] quantae … futurae
10,7 ut et] ut590
||
590 Le texte de CSEL 84 correspond à la Vulgate, mais n’est attesté que par le seul manuscrit U, et
ne figure donc pas dans notre apparat.
Introduction | 149
||
591 Le texte de CSEL 84 est dans toutes les éditions antérieures, mais ne se retrouve dans aucun
manuscrit.
592 Le texte de CSEL 84 n’est attesté nulle part.
Conspectus siglorum
Manuscrits
Famille Λ
Sous-famille O E
O Oxford, Bodleian Libr., Laud misc. 134, s. 91/2, Niederaltaich
E Erlangen, Universitätsbibliothek 77, an. 1310, Heilsbronn
E2 corrections d’une deuxième main dans E
Sous-famille d
Branche S U
S Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, San Marco 637, s. 12, centre-
nord de l’Italie
U Roma, Biblioteca Apostolica Vaticana, Urbinas Latinus 69, s. 152/2, Italie
Branche T V
T Troyes, Bibliothèque Municipale 40/2, s. 121/2, Clairvaux
V Roma, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vaticanus Latinus 445, s. 15med.,
Florence (?)
Claud Claude de Turin, Commentaire sur l’épître aux Romains (reproduit In-
choata Expositio 1 ; 3,3s. ; 4 ; 5,1.5–7.14–17 ; 6 ; 7 ; 8,1–5 ; 11,1s.) + Com-
mentaire sur l’épître aux Éphésiens (reproduit Inchoata expositio 11,1–6,
édité dans CCCM 263, 8).
Famille Ξ
Sous-famille κ
Branche K Z
K Köln, Erzbischöfliche Dom- und Diözesanbibliothek 77, s. 123/4, Allemagne
Z Zwettl, Stiftsbibliothek 296, s. 124/4, Zwettl
Branche c
L1 Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, plut. XVI dext. VII, s. 13, Flo-
rence (?)
F Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Mediceus Faesulanus VIII, c.
1460–1470, Florence
M Venezia, Biblioteca Marciana 1801 (Z 68), an. 1471, Italie
https://doi.org/10.1515/9783110594782-004
Conspectus siglorum | 151
Sous-famille γ
P Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, theol. et phil. 2° 207, s.
121/4, Zwiefalten
W Fulda, Hochschule und Landesbibliothek Aa23, s. 121/4, Weingarten
B1 Bruxelles, Bibliothèque Royale II.1072 (1115), s. 12, Flandre (?)
A Berlin, Staatsbibliothek, Theol. et phil. lat. fol. 348 (lat. 293), s. 124/4, Lies-
born
H Zwolle, Gemeentearchief GAZ 19, s. 15, Zwolle (?)
R Utrecht, Universiteitsbibliotheek 4 C 7 (68), 1464, Utrecht
γ1 = accord de W B1 A H R
γ2 = accord de B1 A H R
Sous-famille C V1
Extrait : 22,2– fin
C Montecassino, Archivio della Badia 173L, s. 112/2, Montecassino
V1 Roma, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vaticanus Latinus 4918, s. 12inc.,
Italie (?)
Manuscrit contaminé
B Bruxelles, Bibliothèque Royale 48 (1058), s. 15, Corsendonk
Éditions
Am Amerbach, 1506
Am+ Variantes marginales dans Am
Er Érasme, 1528
Lov Édition de Louvain, 1571
μ Édition mauriste, 1690
μ+ Variantes dans l’édition mauriste
Autres sources
Cam Leçons d’un manuscrit perdu de l’abbaye de Cambron, citées dans
l’édition de Louvain
Gl Extraits de l’Inchoata expositio dans la Glossa ordinaria
Lomb Extraits de l’Inchoata expositio dans les Collectanea de Pierre Lombard
Retr Augustin, Retractationes (CCSL 57)
EPISTOLAE AD ROMANOS INCHOATA EXPOSITIO
1,15 pro1 …fungens] cf. 2 Cor. 5,20 16 lapide angulari] cf. Eph. 2,20 2,1sq. Rom. 1,1
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ) ‖ 1,1 in inc. Claud
in … Romanos] Retr 1,25 ‖ 18 associans des. Claud (usque ad 3,7) ‖ 2,2 breviter inc. Germ
1,1 in om. d | scribit E B ‖ 2 solum U c A (ac. uv.) ‖ 3 nostri om. K Z γ1 (exc. R) ‖ 4 veniret O
E (venerit E2) ‖ 6 apostolus om. T V μ | omnibus om. T V ‖ 7 quam] quod T V μ ‖ 8 gratuitu K Z;
gratuitum M (ac.) γ | coeperant] comparant c ‖ 9sq. gentes … adversus om. Ξ Lov ‖ 10 quod] qui T
V | a1 om. V γ | liberos om. c ‖ 12 carnalis om. T V | uti U V H B edd ‖ 14 ipsi om. T V | receperunt c
crucifixerant γ; crucifixerint Z ‖ 15 enim om. K Z γ | dicet c | legationem U V (ac. uv.) Claud M
confungens B Am Er ‖ 17 utrique O E
2,1 Christi Iesu tr. O E T K Z L1 F P W ‖ 4 vero om. γ ‖ 5 de pecoribus γ Lov | unde … pecorum om. Ξ
Lov | etiam om. B Er μ; deest Ξ Lov | solet Ξ Lov ‖ 6 locis scripturarum tr. γ | grex] lex c ‖ 6sq. ovile
https://doi.org/10.1515/9783110594782-005
COMMENCEMENT DE COMMENTAIRE SUR L’ÉPÎTRE AUX ROMAINS
1. Dans l’épître que l’apôtre Paul écrivit aux Romains, d’après ce que l’on peut
comprendre de son texte, il posa le problème suivant : l’Évangile de notre Seigneur
Jésus Christ était-il venu exclusivement aux Juifs, à cause des mérites des œuvres de
la Loi ? Ou bien, sans qu’eurent précédé les mérites des œuvres, la justification de la
foi, qui est en Jésus Christ, était-elle venue à tous les peuples, si bien que les
hommes ne croyaient pas parce qu’ils étaient justes, mais justifiés par leur croyance,
ils commençaient ensuite à vivre dans la justice. (2) L’apôtre a donc voulu enseigner
ceci : que la grâce de l’Évangile de notre Seigneur Jésus Christ est venue à tous. De
plus, il montre qu’elle est appelée grâce pour cette raison, que cela n’a pas été rendu
à la justice comme une dette, mais que cela a été donné gratuitement. (3) Certains en
effet d’entre les Juifs qui avaient cru avaient commencé à s’agiter contre les gentils, et
surtout contre l’apôtre Paul, parce qu’il admettait à la grâce de l’Évangile des
hommes incirconcis, et libres des chaines de l’ancienne Loi, leur prêchant de croire
au Christ, sans [leur] imposer le joug de la circoncision charnelle. (4) Mais
clairement [il faisait ceci] avec une telle modération qu’il ne permettait ni aux Juifs
de se vanter, sous prétexte des mérites des œuvres de la Loi, ni aux gentils de se
gonfler en face des Juifs à cause du mérite de la foi, en arguant qu’ils avaient reçu le
Christ, qu’eux avaient crucifié. En effet, ainsi qu’il le dit ailleurs, comme s’il remplis-
sait une ambassade pour le Seigneur lui-même, c’est-à-dire pour la pierre d’angle, il
noue les deux peuples, aussi bien ceux venus des Juifs que ceux venus des gentils,
dans le Christ, par la chaine de la grâce, enlevant aux deux tout l’orgueil des mérites,
et associant par la discipline de l’humilité les deux [peuples] pour qu’ils soient
justifiés.
2. Donc, il a commencé l’épître ainsi : Paul, esclave de Jésus Christ, appelé
[comme] apôtre, séparé [segregatus] pour l’Évangile de Dieu. Brièvement, avec
deux mots, il sépare la dignité de l’Église de la vieillesse de la Synagogue. (2) En
effet, l’Église prend son nom de l’appel, mais la Synagogue du rassemblement.
Effectivement, être appelé convient mieux aux hommes, et être rassemblé au bétail.
C’est aussi pourquoi l’on parle habituellement, au sens propre, de troupeaux [greges]
de bétail. (3) Donc, même si en bien des lieux de l’Écriture, l’Église elle-même est
appelée le troupeau de Dieu et le bétail de Dieu et la bergerie de Dieu, néanmoins,
quand le bétail est nommé dans une comparaison avec les hommes, ceux-ci relèvent
de l’ancienne vie. (4) Et il est manifeste que les hommes de ce genre se contentent
non pas de la nourriture de la vérité éternelle, mais, pour ainsi dire, du fourrage
Dei et pecus Dei tr. B edd ‖ 6 Dei2 om. γ1 ‖ 7 cum om. T V Germ (ac.) A (ac.) | homines B edd;
spirit(u)alium hominum T V | dicuntur] qui add. T V ‖ 8 pertinet Z M R B Am Er
154 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
10 Paulus ergo servus Christi Iesu vocatus est apostolus, quae vocatio illum coaptavit
ecclesiae. (5) In evangelium autem Dei segregatus est; unde nisi a grege synagogae, si
verborum latinorum significatio omni modo cum graeca interpretatione concordet?
3. Sane evangelium Dei, in quod se segregatum esse commemorat, commendat
auctoritate prophetarum, ut, quoniam credentes in Christum, in quorum numerum
vocatus est, Iudaeis praeposuerat, a quibus se dixerat segregatum, gentes rursus
iam non superbire admoneat. (2) Siquidem de populo Iudaeorum fuerunt prophetae,
5 per quos evangelium, cuius fide credentes iustificantur, ante promissum esse
testatur: Segregatus enim, inquit, in evangelium Dei, quod ante promiserat per
prophetas suos. (3) Fuerunt enim et prophetae non ipsius, in quibus etiam si aliqua
inveniuntur quae de Christo audita cecinerunt, sicut etiam de Sibylla dicitur – quod
non facile crederem, nisi poetarum quidam in romana lingua nobilissimus,
10 antequam diceret ea de innovatione saeculi, quae in Domini nostri Iesu Christi
regnum satis concinere et convenire videantur, praeposuit versum, dicens: “Ultima
Cumaei venit iam carminis aetas.”
(4) Cumaeum autem carmen Sibyllinum esse nemo dubitaverit. Sciens ergo
apostolus ea in libris gentium inveniri testimonia veritatis, quod etiam in Actibus
15 apostolorum loquens Atheniensibus manifestissime ostendit, non solum ait per
prophetas suos, (5) ne quis a pseudoprophetis per quasdam veritatis confessiones in
aliquam impietatem seduceretur; sed addidit etiam in scripturis sanctis, volens
utique ostendere litteras gentium superstitiosae idololatriae plenissimas non ideo
sanctas haberi oportere, quia in eis aliquid quod ad Christum pertinet invenitur.
4. Et ne quisquam etiam prophetas aliquos remotos atque alienos a gente Iudae-
orum forte praeferret, in quibus nullus simulacrorum cultus esset, quantum attinet
ad simulacra quae humana operatur manus – nam simulacris phantasmatum
suorum sectatores suos omnis error illudit – (2) ne quis tamen aliqua huiusmodi
5 praeferens, quia ibi Christi nomen ostentat, eas potius sanctas scripturas esse
asserat, non eas quae populo Hebraeorum sunt divinitus creditae, satis opportune
mihi videtur adiungere, cum dixisset in scripturis sanctis, quod adiecit: de Filio suo,
3,6sq. Rom. 1,1sq. 11sq. Verg. ecl. 4,4 14sq. apostolus…ostendit] cf. Act. 17,28 17 Rom. 1,2
4,7sq. Rom. 1,3
Λ (O E d (S U T V) Germ) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ) ‖ 3,7 fuerunt
inc. Claud ‖ 4,6 creditae des. Germ (usque ad 4,8)
10 Christi Iesu O E T V B edd] Iesu Christi tr. S U; Christi Ξ | cooptavit B Er Lov μ ‖ 11 evangelio O E T
Germ κ | nisi] nii [sic] c (enim pc., quid ac. non liquet F) ‖ 12 verborum significatio latinorum tr. T V
concordat B Er Lov μ
3,1 quod] quo O S U Germ κ R (ac.) B Am Er Cam | se om. c | segregatum se tr. d B edd | se … comme-
morat] se dicit (se om. B1; dicit se tr. A R; dicit sese H) segregatum γ ‖ 2 auctoritatem Z c (auctorem
F) γ (ac. R) | in Christum O (om. ac.) d] Christo κ B Am Er Lov; in Christo γ; Christum E Germ μ | numero
B Er Lov ‖ 3 dixerit c; dixit γ2 ‖ 4 Iudaeo O E c ‖ 5 fidei T V | iustificans L1 M; iustificantes F
6 enim om. γ; est c ‖ 7 fuerunt] fuerant c | et om. c | etiam si] etiam γ B Er Lov μ | aliqua om. A H R
2,4 – 4,2 | 155
terrestre des promesses temporelles. Donc, Paul l’esclave du Christ Jésus fut appelé
[comme] apôtre, et cet appel le joignit à l’Église. (5) Et il fut séparé [segregatus] dans
l’Évangile de Dieu; à partir d’où, si ce n’est du troupeau [grex] de la Synagogue ? — si
le sens des mots latins est entièrement en accord avec l’interprétation du grec.
3. Mais l’Évangile de Dieu, pour lequel il se dit séparé, il le recommande par
l’autorité des Prophètes: ainsi, puisqu’il avait placé ceux qui croient au Christ, dans
le nombre desquels il fut appelé, au-dessus des Juifs, desquels il s’était dit séparé, il
avertit maintenant de nouveau les gentils de ne pas s’enorgueillir. (2) En effet, c’est
du peuple juif que vinrent les prophètes, ceux par qui il témoigne que l’Évangile, par
la foi auquel les croyants sont justifiés, fut promis à l’avance. Car il dit séparé dans
l’Évangile de Dieu, qu’il avait promis à l’avance par ses prophètes. (3) Il y eut en
effet aussi des prophètes qui n’étaient pas les siens, chez qui, même si l’on trouve des
choses qu’ils avaient entendues et chantées du Christ, comme on le dit aussi de la
Sibylle – ce que je ne croirais pas facilement, si ce n’était qu’un certain poète, le plus
illustre de la langue romaine, avant de dire les paroles sur la rénovation de l’âge, qui
semblent bien correspondre et convenir au règne de notre Seigneur Jésus Christ,
plaça d’abord un verset où il dit : « La dernière époque du chant cuméen est déjà
arrivée. » (4) Or nul ne peut douter que le chant cuméen, c’est [le chant] sibyllin.
Ainsi l’apôtre, sachant que ces témoignages de la vérité se trouvaient dans les livres
des gentils (ce qu’il montre aussi très clairement dans les Actes des Apôtres, quand il
parle aux Athéniens), ne dit pas seulement par ses prophètes, (5) – afin que
personne ne soit entraîné par les faux prophètes, à cause de certaines déclarations
de la vérité, vers un sacrilège quelconque, – mais il ajouta aussi dans les Écritures
saintes, voulant montrer en tout état de cause que les écrits des gentils, tout remplis
de l’idolâtrie superstitieuse, ne doivent pas être considérés saints parce que l’on
trouve en eux quelque chose qui a rapport au Christ.
4. Et pour éviter aussi que d’aventure on préfère certains prophètes éloignés et
séparés du peuple juif, chez qui il n’y avait aucun culte des images (pour ce qui est
des images que fabrique la main humaine – car toute erreur fourvoie ses disciples
avec les images de ses imaginations) – (2) donc pour éviter que quelqu’un, préférant
quelque chose de ce genre, parce qu’il y fait valoir le nom du Christ, affirme que ce
sont plutôt ces [écrits]-là qui sont les écritures saintes, et non ceux qui furent confiés
par Dieu au peuple hébreu, il me semble faire une addition très opportune quand,
après avoir dit, dans les Écritures Saintes, il ajoute à propos de son Fils, qui a été
8 sillaba O (ac.) E (Sibilla E2) ‖ 9 nisi] quod add. B Er Lov μ | quidam om. P W A (fuitne sup. lin. sicut
glossema in γ?); quidem V B1 H R ‖ 10 ea diceret tr. γ2 | eadem novatione c | quae] quod γ2 | Domini]
dei c ‖ 11 concinere] continere c P (ac.) B1 (ac.) | et convenire om. T V | videntur T V | proposuit T V
12 iam venit tr. U Ξ B edd | carminis] temporis T V (ac. uv.) ‖ 14 ea] etiam T V | quod] quae μ
17 etiam om. Claud ‖ 18 utique] enim Claud | superstitione ydolatrie c; superstitiosa idolatria
Germ ‖ 19 opportune c | invenitur] videatur T V
4,2 proferret T V μ | attinet om. T V ‖ 3 simulacris] simulacra E Claud ‖ 4 huius V c (h’i L1 M)
5 proferens T V μ | ostentat] ostentant M; et add. c | esse om. T V
156 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
qui factus est ei ex semine David, secundum carnem. (3) David enim certe rex
Iudaeorum fuit. Oportebat autem ut ex illa gente orirentur Christi praenuntiatores
10 prophetae, ex qua gente carnem assumpturus erat quem praenuntiabant.
(4) Occurrendum autem erat etiam illorum impietati, qui Dominum nostrum
Iesum Christum secundum hominem tantummodo, quem suscepit, accipiunt, divini-
tatem autem in eo non intelligunt ab universae creaturae communione discretam,
velut ipsi Iudaei, qui Christum filium tantummodo David esse opinabantur, ignoran-
15 tes excellentiam qua Dominus est ipsius David, secundum id quod est Filius Dei.
(5) Unde illos in evangelio redarguit per prophetiam, quae ipsius David ore prolata
est. (6) Quaerit enim ab eis, quem ipse David Dominum appellat, quomodo filius
eius sit, cum deberent utique respondere quod secundum carnem filius esset David,
secundum divinitatem autem Filius Dei et Dominus ipsius David. (7) Quod Paulus
20 apostolus quia iam didicerat, posteaquam dixit, evangelium Dei, quod ante pro-
miserat per prophetas suos in scripturis sanctis de Filio suo, qui factus est ei ex semine
David, addidit secundum carnem, ne hoc solum et totum in Christo esse arbitra-
rentur, quod factum erat secundum carnem. (8) Addendo ergo secundum carnem,
servavit divinitati dignitatem suam, quae non solum semini David, sed nec alicui
25 angelicae aut cuiusvis excellentissimae creaturae generationi tribui potest, quando-
quidem ipsum est Verbum Dei, per quod facta sunt omnia. (9) Quod Verbum ex
semine David caro factum est et habitavit in nobis, non mutatum et conversum in
carnem, sed carne ut carnalibus congruenter appareret indutum. (10) Quapropter
apostolus non solum eo verbo quod ait secundum carnem humanitatem a divinitate
30 distinxit, sed etiam illo quod ait factus est. Non est enim factus secundum id quod
Verbum Dei est. (11) Omnia enim per ipsum facta sunt, nec fieri cum omnibus
posset per quem facta sunt omnia. Neque ante omnia factus est, ut per ipsum fierent
omnia: ipso enim excepto, si ante illa iam factus esset, non essent illa omnia quae
per illum fierent, nec possent vere dici facta omnia per ipsum, in quibus ipse non
35 esset, si ipse etiam factus esset. (12) Et ideo apostolus cum factum Deo diceret
Christum, addidit secundum carnem, ut, secundum Verbum quod est Filius Dei, non
factum Deo sed natum esse monstraret.
16–19 unde…David] cf. Mt. 22,42–46 26 per…omnia] cf. Io. 1,3 26sq. Verbum2 …nobis] cf. Io
1,14
Λ (O E d (S U T V) Claud) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ) ‖ 8 David2 inc.
Germ
fait pour lui de la semence de David, selon la chair. (3) David en effet fut assuré-
ment le roi des Juifs. Or les prophètes qui annonceraient le Christ devaient surgir de
ce peuple qui était le peuple chez lequel celui qu’ils annonçaient allait prendre chair.
(4) Il fallait aussi aller à l’encontre de l’impiété de ceux qui acceptent notre
Seigneur Jésus Christ seulement selon l’homme qu’il a assumé, mais ne compren-
nent pas qu’il y a en lui la divinité, distincte de l’unité de toute la création – comme
les Juifs eux-mêmes, qui pensaient que le Christ était seulement le fils de David,
ignorant cette prééminence, par laquelle il est le Seigneur même de David, par le fait
qu’il est Fils de Dieu. (5) C’est pourquoi il les réfute dans l’Évangile par une
prophétie qui fut prononcée par la bouche de David lui-même. (6) Car il leur
demande comment celui que David lui-même appelle Seigneur serait son fils. Et ils
devaient assurément répondre que selon la chair il était fils de David, mais selon la
divinité Fils de Dieu et Seigneur de David lui-même. (7) Paul l’apôtre, puisqu’il avait
déjà appris cela, après avoir dit l’Évangile de Dieu, qu’il avait promis en avance par
ses prophètes dans les Écritures saintes à propos de son Fils, qui a été fait pour lui de
la semence de David, ajouta selon la chair, afin qu’ils ne crussent pas que dans le
Christ, il n’y avait uniquement et totalement que ce qui avait été fait selon la chair.
(8) Donc, en ajoutant selon la chair, il conserva à la divinité sa propre dignité, qui ne
peut être attribuée à la semence de David, et pas plus à une quelconque génération
angélique ou à celle de la créature la plus exaltée, quelle qu’elle soit, puisqu’il est le
Verbe de Dieu lui-même, par qui toutes choses ont été faites. (9) Ce Verbe a été fait
chair de la semence de David, et a habité parmi nous, non pas transformé et changé
en chair, mais revêtu de la chair, pour apparaitre comme il le convenait aux êtres
charnels. (10) Ainsi, ce n’est pas seulement en disant les paroles selon la chair que
l’apôtre a séparé l’humanité de la divinité, mais aussi en disant les paroles il a été
fait. Car il n’a pas été fait selon ce qu’il est le Verbe de Dieu. (11) En effet, tout a été
fait par lui, et celui par qui tout a été fait ne pouvait pas être fait avec ce tout. Et il n’a
pas, non plus, été fait avant tout, pour que tout soit fait par lui. Car si lui était
l’exception, puisqu’il avait été fait avant ces choses, ce qui était fait par lui ne serait
pas tout, et on ne pourrait pas véritablement dire que tout avait été fait par lui,
puisque lui-même n’y serait pas, s’il avait été fait lui aussi. (12) Et pour cette raison,
quand l’apôtre dit que le Christ a été fait pour Dieu, il ajouta selon la chair, pour
montrer que, selon le Verbe qui est le Fils de Dieu, il n’a pas été fait pour Dieu mais
en est né.
Claud Germ K Z L1 M Am (vl.); excelleret P | creaturae om. T V ‖ 27 caro] secundum carnem T V | et2]
est O E S U Germ; est aut Claud ‖ 28 carnem] carne Claud | sed] in add. Claud | sed carne om. Ξ (ac. H
R) | sed carne indutum ut carnalibus congruenter appareret tr. T V | ut] hominibus add. γ ‖ 29 quod]
quo T V ‖ 30 quod1] quo T V Claud B | enim est tr. T V ‖ 32 potest T V ‖ 33 esset] est sed O E S U
Claud Germ ‖ 34 omnia facta tr. T V | ipse om. T V Germ (pc. uv.) ‖ 35 si om. Λ | etiam] enim c (ipse
tr. post factus F) | esset et] est sed et O E S U Claud Germ; sed T V | Deo om. Λ B Lomb edd; deum c
37 Deo] deum c; a Deo Λ (ab eo U) B Lomb edd
158 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
5. Eundem sane ipsum, qui secundum carnem factus est ex semine David,
praedestinatum dicit Filium Dei in virtute, non secundum carnem, sed secundum
Spiritum, nec quemlibet spiritum, sed Spiritum sanctificationis ex resurrectione
mortuorum. (2) In resurrectione enim virtus morientis apparet, ut diceretur prae-
5 destinatus in virtute secundum Spiritum sanctificationis ex resurrectione mortuorum.
Deinde sanctificatio vitam novam fecit, quae Domini nostri resurrectione signata est.
(3) Unde idem apostolus alio loco dicit: Si consurrexistis cum Christo, quae sursum
sunt quaerite, ubi Christus est in dextera Dei sedens. (4) Potest quidem etiam sic esse
ordo verborum, ut non ad Spiritum sanctificationis adiungamus quod ait ex resurrec-
10 tione mortuorum, sed ad id quod ait praedestinatus est, ut ordo sit: qui praedestina-
tus est ex resurrectione mortuorum; cui ordini interposita sunt haec: Filius Dei in
virtute secundum Spiritum sanctificationis. (5) Et nimirum iste ordo certior et melior
videtur, ut sit filius David in infirmitate secundum carnem, Filius autem Dei in
virtute secundum Spiritum sanctificationis. (6) Factus est ergo ex semine David, id
15 est filius David ex mortali corpore, propter quod et mortuus est. Praedestinatus est
autem Filius Dei et Dominus ipsius David ex resurrectione mortuorum. (7) In
quantum enim mortuus est, ad id pertinet quod est filius David; in quantum autem
resurrexit a mortuis, ad id quod est Filius Dei et Dominus ipsius David, sicut alibi
idem apostolus dicit: Nam etsi mortuus est ex infirmitate, sed vivit in virtute Dei, ut
20 infirmitas pertineat ad David, vita vero aeterna ad virtutem Dei. (8) Ideoque in his
ipsis verbis Dominum suum designat eum David, dicens: Dixit Dominus Domino meo:
Sede ad dexteram meam, donec ponam inimicos tuos sub pedibus tuis. (9) Ex eo enim
quod resurrexit a mortuis, sedet ad dexteram Patris. Praedestinatum ergo ex
resurrectione mortuorum, ut sederet ad dexteram Patris, videns in Spiritu David,
25 non auderet dicere filium suum, sed Dominum suum. (10) Unde et consequenter
apostolus hic adiungit Iesu Christi Domini nostri, posteaquam dixit ex resurrectione
mortuorum, tamquam admonens unde illum David Dominum suum potius quam
filium esse testatus sit. (11) Non autem ait eum ‘praedestinatum ex resurrectione a
mortuis’, sed ex resurrectione mortuorum. Non enim resurrectione ipsa sua Filius
30 apparet Dei, propria illa et eminentissima dignitate qua etiam caput est ecclesiae,
5,3sq. Rom. 1,4 7sq. Col. 3,1 19 2 Cor. 13,4 21sq. Ps. 109,1 26 Rom. 1,4 30 caput…ecclesiae]
cf. Col. 1,18
Λ (O E d (S U T V) Claud Germ) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ) ‖ 5,2 vir-
tute des. Claud (usque ad 5,8) ‖ 8 potest inc. Claud ‖ 18 David des. Claud (usque ad 5,42)
5,1 ipsum sane tr. γ1 ‖ 6 vitam] nostram praem. T V μ+ | facit Ξ | quae] in add. B edd | nostri] Iesu
Christi add. F γ2 ‖ 7 conresurrexistis O E K Z P (ac.) W B1 (cum resurrexistis) A ‖ 8 ad dexteram T V
potest] postea c ‖ 9 ex om. c ‖ 10sq. sed … mortuorum om. U T c P (ac.; ut … est deest etiam pc.)
10sq. ut … est om. K Z γ ‖ 11 sint V μ ‖ 12 ordo] ceteris add. S U ‖ 15 est3 om. T V
15sq. autem est tr. c ‖ 17 enim om. T V | est1 om. Ξ (exc. B1) ‖ 18 ad id quod om. T V ‖ 19 sed om.
c | in] ex (= Vulg.) M γ1 (exc. H) ‖ 20 his om c ‖ 21 ipsius Λ ‖ 22 a dextris meis (=Vulg.) T V γ
5,1 – 11 | 159
5. Assurément, celui qui a été fait selon la chair de la semence de David, est le
même que celui qu’il dit être le Fils de Dieu, prédestiné dans la puissance, non pas
selon la chair, mais selon l’Esprit, et pas n’importe quel esprit, mais l’Esprit de
sanctification en raison de la résurrection des morts. (2) Car la puissance du
mourant apparait dans la résurrection, si bien qu’il est dit prédestiné dans la
puissance selon l’Esprit de sanctification en raison de la résurrection des morts.
Ensuite la sanctification a créé la vie nouvelle, qui est marquée par le sceau de la
résurrection de notre Seigneur. (3) Ainsi, ce même apôtre dit ailleurs : Si vous avez
ressuscité ensemble avec le Christ, cherchez les choses d’en haut, là où est le Christ,
siégeant à la droite de Dieu. (4) Mais l’enchainement des mots peut aussi être tel que
nous ne devons pas joindre les paroles en raison de la résurrection des morts avec
l’Esprit de sanctification, mais avec les paroles il a été prédestiné. Ainsi l’enchaine-
ment serait qui a été prédestiné en raison de la résurrection des morts – et le Fils de
Dieu dans la puissance selon l’Esprit de sanctification est intercalé à cet enchaine-
ment. (5) Et assurément cet enchainement-là semble plus certain et meilleur, pour
qu’il soit fils de David dans la faiblesse selon la chair, mais Fils de Dieu dans la
puissance selon l’Esprit de sanctification. (6) Il a donc été fait de la semence de
David, c’est-à-dire, fils de David de son corps mortel, à cause duquel il est aussi mort.
Mais il a été prédestiné Fils de Dieu et Seigneur de David lui-même en raison de la
résurrection des morts. (7) En effet, le fait qu’il soit mort se rapporte à ce qu’il est fils
de David, mais le fait qu’il soit ressuscité d’entre les morts, à ce qu’il est Fils de Dieu,
et Seigneur de David lui-même, comme ce même apôtre dit ailleurs : En effet, même
s’il est mort par sa faiblesse, il vit cependant dans la puissance de Dieu, pour que la
faiblesse se rapporte à David, mais la vie éternelle à la puissance de Dieu. (8) Et pour
cette raison David le désigne comme son Seigneur par ces paroles mêmes, où il dit :
Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite, jusqu’à ce que je place tes
ennemis sous tes pieds. (9) En effet, par le fait qu’il soit ressuscité d’entre les morts, il
siège à la droite du Père. Alors David, voyant dans l’Esprit celui qui fut prédestiné,
en raison de la résurrection des morts, à siéger à la droite du Père, n’aurait pas osé
l’appeler son fils, mais son Seigneur. (10) Il est donc logique aussi que l’apôtre ajoute
ici de Jésus Christ notre Seigneur, après avoir dit, en raison de la résurrection des
morts, comme s’il rappelait pourquoi David avait rendu témoignage de qu’il était son
Seigneur, plutôt que son fils. (11) Mais il ne dit pas qu’il était « prédestiné en raison
de la résurrection d’entre les morts » mais en raison de la résurrection des morts. Car
ce n’est pas par sa propre résurrection qu’il apparait comme Fils de Dieu dans cette
dignité spéciale et excellente par laquelle il est aussi tête de l’Église, puisque les
sub … tuis] scabellum pedum tuorum (=Vulg.) T V R ‖ 23 quod] quo K Z | sedet] sedit S U Germ | a
dextris T V ‖ 24 vivens γ2 | in Spiritu] ipsum c ‖ 25 sed … suum2 om. Ξ | et om. E M A (ac.)
26 apostolus om. B Er Lov | hic om. c ‖ 27 et tamquam Λ Am ‖ 28 autem om. T V | eum om. U B1 | ex
resurrectione om. B edd ‖ 30 Dei] de B Am Er Lov | etiam] iam Λ (tam E) | est caput tr. F B edd
160 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
cum et ceteri mortui resurrecturi sint. Sed Filius Dei praedestinatus est quodam
principatu resurrectionis, quia ex resurrectione omnium mortuorum ipse prae-
destinatus est, id est ut prae ceteris et ante ceteros resurgeret designatus, ut quod hic
positum est Filius Dei, cum dixisset praedestinatus est, ad documentum valeat tantae
35 sublimitatis. (12) Non enim sic praedestinari oportuit nisi Filium Dei, secundum
quod est etiam caput ecclesiae, unde illum alio loco primogenitum ex mortuis ap-
pellat. (13) Eum enim decebat venire ad iudicium resurgentium, qui praecesserat ad
exemplum, neque ad exemplum omnium resurgentium, sed ad exemplum eorum qui
sic resurrecturi sunt, ut cum illo vivant et regnent in sempiternum, quorum etiam
40 caput est, tamquam corporis sui. Ex ipsorum enim resurrectione etiam praedestina-
tus est, ut ipsis princeps fieret. Ceterorum autem in sua condicione resurgentium
non princeps sed iudex est. (14) Non itaque ex illorum mortuorum resurrectione
praedestinatus est, quos est damnaturus. Praedestinatum enim esse ex resurrectione
mortuorum, ut praecederet resurrectionem mortuorum, vult intelligi apostolus: hos
45 autem praecessit qui ad ipsum caeleste regnum, quo eos praecessit, secuturi sunt.
(15) Propter quod non ait ‘qui praedestinatus est Filius Dei ex resurrectione mor-
tuorum Iesus Christus Dominus noster’, sed ex resurrectione mortuorum Iesu Christi
Domini nostri, tamquam si diceret: ‘qui praedestinatus est Filius Dei ex resurrectione
mortuorum suorum’, hoc est ad se pertinentium in vitam aeternam; velut si inter-
50 rogaretur, ‘quorum mortuorum?’ et responderet, ‘ipsius Iesu Christi Domini nostri’.
(16) Ex resurrectione enim ceterorum mortuorum non est praedestinatus, quos non
praecessit ad gloriam vitae aeternae, non utique secuturos, quoniam ad poenas suas
impii resurrecturi sunt. (17) Ergo ille tamquam Filius Dei unigenitus, etiam primo-
genitus ex mortuis praedestinatus est ex resurrectione mortuorum. Quorum mortuo-
55 rum, nisi Iesu Christi Domini nostri?
6. Per quem accepimus, inquit, gratiam et apostolatum: gratiam cum omnibus
fidelibus, apostolatum autem non cum omnibus. Et ideo si tantummodo apostolatum
se diceret accepisse, ingratus exstitisset gratiae, qua illi peccata dimissa sunt.
Tamquam enim meritis priorum operum accepisse apostolatum videretur. (2) Optime
5 itaque tenet cardinem causae, ut nemo audeat dicere vitae prioris meritis se ad
evangelium esse perductum, quando nec ipsi apostoli, qui ceteris membris post
Λ (O E d (S U T V) Germ) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ) ‖ 42 non2 inc.
Claud
31‒33 quodam … est1 om. c ‖ 34 positam L1 F ‖ 37 eum] cum V Am | dicebat E V Germ (ac.) Am
38 neque … exemplum3 om. c | ad1 om. T V ‖ 39 sic om. E c | regnant O c A ‖ 42 ita Am ‖ 43 quos]
quod Am | enim om. Ξ ‖ 44 resurrectione c | mortuorum2] multorum c ‖ 47 Iesus … mortuorum
om. c (pro verbis omissis suorum F) ‖ 48 Domini nostri om. Claud | si om. T V; qui O E S U Claud
Germ ‖ 50 Domini nostri Iesu Christi tr. T V F ‖ 52 gloriam] gratiam γ1 ‖ 54 est om. S U
55 Domini nostri Iesu Christi tr. B edd
5,11 – 6,2 | 161
autres morts eux aussi vont ressusciter. Mais il a été prédestiné comme Fils de Dieu
par une certaine primauté dans la résurrection, puisqu’il a été, lui, prédestiné en
raison de la résurrection de tous les morts, c’est-à-dire, désigné pour ressusciter
devant les autres et avant les autres. Ainsi, quand il est écrit ici Fils de Dieu, après
qu’il a dit il a été prédestiné, cela sert comme indication de cette si grande éminence.
(12) Nul en effet ne devait être prédestiné ainsi à part le Fils de Dieu, selon le fait
qu’il est aussi tête de l’Église. C’est ainsi qu’ailleurs il l’appelle le premier-né d’entre
les morts. (13) Car celui qui devait venir pour le jugement des ressuscitants, c’est
celui qui les avait précédés en donnant l’exemple, et non pas l’exemple pour tous les
ressuscitants, mais l’exemple pour ceux qui allaient ressusciter pour vivre et régner
avec lui dans l’éternité, ceux desquels il est aussi la tête, comme de son propre corps.
Car il a été aussi prédestiné en raison de la résurrection de ceux-ci pour devenir leur
chef. Mais pour les autres, ressuscitant dans leur condition, il n’est pas le chef, mais
le juge. (14) Ainsi il n’a pas été prédestiné en raison de la résurrection de ces morts-
là, qu’il va condamner. Car l’apôtre veut que l’on comprenne qu’il avait été pré-
destiné en raison de la résurrection des morts pour devancer la résurrection des
morts. Or ceux qu’il a devancés, c’est ceux qui vont le suivre dans ce même règne
céleste où il les a devancés. (15) C’est pourquoi il ne dit pas : « qui a été prédestiné
comme Fils de Dieu en raison de la résurrection des morts, Jésus Christ notre
Seigneur », mais en raison de la résurrection des morts de Jésus Christ notre Seigneur,
comme s’il disait : « qui a été prédestiné comme Fils de Dieu en raison de la ré-
surrection de ses propres morts », c’est-à-dire, de ceux qui lui appartiennent pour la
vie éternelle. C’est comme si on lui demandait « de quels morts ? », et il répondait :
« ceux de Jésus Christ notre Seigneur lui-même ». (16) Car il n’a pas été prédestiné en
raison de la résurrection des autres morts, qu’il n’a pas devancés dans la gloire de la
vie éternelle. Eux ne le suivront certainement pas, puisque les impies vont ressus-
citer pour leur punition. (17) Lui donc, en tant que Fils unique de Dieu, est aussi le
premier-né d’entre les morts prédestiné en raison de la résurrection des morts. De
quels morts, si ce n’est ceux de Jésus Christ notre Seigneur ?
6. Par qui, dit-il, nous avons reçu la grâce et l’apostolat : la grâce avec tous les
fidèles, mais l’apostolat non pas avec tous. Et pour cette raison, s’il avait dit qu’il
avait seulement reçu l’apostolat, il se serait montré ingrat envers la grâce, par la-
quelle ses péchés ont été pardonnés. Ce serait en effet comme s’il avait reçu l’aposto-
lat par les mérites de ses œuvres antérieures. (2) Il montre donc très bien la cause
première, pour que nul n’ose dire qu’il a été conduit à l’Évangile par les mérites de sa
vie antérieure, puisque même les apôtres, qui surpassent tous les membres du corps
6,1 inquit om. Λ ‖ 4 enim om. Λ ‖ 5 ordinem Λ B Lomb edd | meriti O (ac. uv.) E Claud Germ Am
5sq. ad evangelium se tr. Claud ‖ 6 nec] vero c | qui] quia Claud
162 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
9sq. Rom. 1,5 13sq. Rom. 1,6 7,11sq. Rom. 1,7 13 prior…nos] cf. 1 Io. 4,19 8,2sq. Rom. 1,7
14 ut] ut et B Gl edd | unde] inde B Am Er Lov ‖ 15 sibi om. c | quis] qui O (aliqui pc.) Germ Am
17 sunt1 O S U Claud Germ c] sint E T V K Z γ B Lomb edd | quia1] qui L1 F; quod M
8,2 salutem1] dicat add. d | vobis om. Er Lov ‖ 2sq. vobis inquit om. Claud; inquit vobis tr. T V F
P (ac.) ‖ 3 nostro om. T V
164 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
5 cupiditate illecti aut timore perterriti. (3) Neque omnis pax Dei est, vel ab illo, unde
ipse Dominus discernens ait: Pacem meam do vobis, adiungens etiam et dicens non
se talem pacem dare, qualem dat hic mundus. (4) Gratia est ergo a Deo Patre et
Domino Iesu Christo, qua nobis peccata remittuntur, quibus adversabamur Deo, pax
vero ipsa qua reconciliamur Deo. (5) Cum enim per gratiam remissis peccatis
10 absumptae fuerint inimicitiae, restat ut pace adhaereamus illi, a quo nos sola
peccata dirimebant, sicut propheta dicit: (6) Non gravabit aurem, ut non audiat, sed
peccata vestra inter vos et Deum separant. Quibus remissis per fidem Domini nostri
Iesu Christi, nulla separatione interveniente pax erit.
9. Fortasse autem quisque miretur quomodo intelligenda sit iustitia iudicis Dei,
cum gratiam praebet ignoscendo peccatis. (2) Sed hoc plane iustum est apud Deum,
quia vere iustum est, ut hi quos peccatorum suorum paenitet, eo tempore quo
nondum poenarum manifestus terror apparet, misericorditer separentur ab eis qui
5 defensiones peccatorum suorum pertinaciter exquirentes nulla paenitentia corrigi
volunt. (3) Iniustum est enim ut cum his illi ad consortium poenale copulentur, qui
vocantem Deum non spreverunt, et peccantes displicuerunt sibi, ut, quemadmodum
ille peccata eorum, sic etiam ipsi odissent sua. (4) Ea enim demum est humanae
iustitiae disciplina, non in se amare nisi quod Dei est, et odisse quod proprium est,
10 nec approbare peccata sua, nec in eis alium improbare, sed seipsum, nec putare
satis sibi esse ut sua peccata displiceant, nisi etiam vigilantissima deinceps
intentione vitentur, nec in eis vitandis vires suas existimare sufficere, nisi divinitus
adiuventur. (5) Iustum est ergo apud Deum ut ignoscatur talibus quaecumque antea
commiserunt, ne, quod iniustissimum est, cum eis qui tales non sunt confundantur
15 atque misceantur. (6) Quapropter et quia talibus ignoscitur, iustitia Dei est, et quia
ignoscitur, gratia est. Iusta est ergo gratia Dei, et grata iustitia, cum in eo quoque
etiam paenitentiae meritum gratia praecedat, quod neminem peccati sui paeniteret,
nisi admonitione aliqua vocationis Dei.
10. Porro iustitiae divinae tanta constantia est, ut, cum poena spiritalis et
sempiterna paenitenti fuerit relaxata, pressurae tamen cruciatusque corporales,
Λ (O E d (S U T V) Claud Germ) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ) ‖ 11 diri-
mebant des. Claud (usque ad 11,1) ‖ 13 erit des. Germ
6 Dominus ipse tr. γ2 ‖ 7 pacem talem tr. c ‖ 8 Domino] nostro add. U B edd | adversabamur]
aversabamur T μ+; a add. d μ+ ‖ 10 fuerunt c | pacem U A ‖ 11 gravavit T V
9,2 peccantibus Λ Am+ ‖ 3 hi] ii B Er Lov μ ‖ 4 error O E L1 (ac.) Am; horror d c (pc. L1) | separantur
O (ac.) S U ‖ 9 nisi] id add. c ‖ 11 esse sibi tr. c | deinceps om. c ‖ 13 adiuvetur O E S U V B edd
est om. O E | ignoscatur Λ (ignoscetur U; ignoscantur T)] ignoscantur Ξ (ignoscatur R) | quaecumque]
quae Λ | ante P W H R ‖ 15 non ignoscitur Ξ B edd ‖ 16 grata] gratia O E
10,1 ut om. O E (ac.) S U V (ac.) | poena] poenae O (ac.) E (ac. uv.); poenas S (ac.) U ‖ 1sq. poenae
spiritales et sempiternae ... fuerint relaxatae T V (an irrepsit aliquid ambiguum in Λ?) ‖ 1 spiritales
8,2 – 10,1 | 165
par une convoitise, ou terrifiés par une menace. (3) Et toute paix n’appartient pas
non plus à Dieu, et ne vient pas de lui. C’est pourquoi le Seigneur lui-même a fait la
distinction, en disant Je vous donne ma paix, ajoutant aussi [quelque chose], en
disant qu’il ne donne pas la sorte de paix que donne ce monde. (4) Il s’agit donc de
la grâce venant de Dieu le Père et de notre Seigneur Jésus Christ, par laquelle les
péchés nous sont remis, par lesquels nous nous opposions à Dieu. Et puis la paix est
celle-là même par laquelle nous sommes réconciliés avec Dieu. (5) Car, une fois les
péchés remis par la grâce, puisque l’hostilité a été enlevée, il nous reste à adhérer
par la paix à celui duquel seuls les péchés nous séparaient, comme le dit le
prophète: (6) Il n’appesantira pas son oreille pour ne pas entendre, mais vos péchés
vous séparent de Dieu. Une fois ceux-ci remis par la foi en notre Seigneur Jésus
Christ, il n’y aura plus de séparation pour venir en travers, et il y aura la paix.
9. Mais peut-être que certains s’étonneront : comment comprendre la justice de
Dieu le juge, alors qu’il donne la grâce en pardonnant les péchés ? (2) Mais cela est
certainement juste chez Dieu, puisque cela est vraiment juste, que ceux qui se re-
pentent de leurs péchés, à l’époque où la terreur des punitions n’apparait pas encore
ouvertement, soient miséricordieusement séparés de ceux qui cherchent obstiné-
ment des défenses pour leurs péchés, et ne veulent être corrigés par aucune
pénitence. (3) Car il est injuste que les premiers soient joints avec les seconds dans
une punition commune, eux qui n’ont pas dédaigné le Dieu qui les appelait, et se
sont déplu à eux-mêmes en péchant, et ainsi, de même que lui avait détesté leurs
péchés, eux-mêmes les avaient détestés. (4) Car enfin, ce que doit apprendre la
justice humaine, c’est ne rien aimer en soi-même, sauf ce qui appartient à Dieu, et
détester ce qui nous est propre, puis ne pas approuver ses propres péchés, ni en
imputer la responsabilité à quelqu’un d’autre, mais à soi-même, et ne pas penser
qu’il suffit que nos péchés nous déplaisent, si, par la suite, on ne les évite pas aussi
avec l’application la plus vigilante, et ne pas croire que nos propres forces suffiront
pour les éviter, si elles ne sont pas assistées par Dieu. (5) Il est donc juste de la part
de Dieu de pardonner à de tels hommes tout ce qu’ils ont commis auparavant, pour
éviter – et ce serait le comble de l’injustice – qu’ils soient confondus et mélangés
avec ceux qui ne sont pas ainsi. (6) C’est pourquoi pardonner à de tels hommes, c’est
la justice de Dieu, et leur pardonner, c’est [en même temps] sa grâce. La grâce de
Dieu est donc juste, et sa justice est gracieuse, puisque ici aussi la grâce précède
même le mérite de la pénitence, dans la mesure où personne ne se repentirait de son
péché, sans quelque avertissement venant de l’appel de Dieu.
10. Mais il y a une telle constance dans la justice divine que, même si la peine
spirituelle et éternelle est remise pour le pénitent, néanmoins les tribulations et les
souffrances corporelles, par lesquelles, comme nous le savons, même les martyrs
E (ac.) S (ac.) ‖ 2 paenitentia Λ (vix recte; vide l. 4: nulli relaxetur) | corporales] corporum cruciales
γ (cruciales del. H)
166 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
quibus etiam martyres exercitatos novimus, postremo mors ipsa, quam peccando
meruit nostra natura, nulli relaxetur. (2) Quod enim etiam iusti homines et pii tamen
5 exsolvunt ista supplicia, de iusto Dei iudicio venire credendum est. (3) Ipsa est quae
in sanctis scripturis etiam disciplina nominatur, quam nemo iustorum effugere
sinitur. (4) Neminem quippe excepit, cum diceret: Quem enim diligit Deus corripit,
flagellat autem omnem filium quem recipit. Unde etiam ipse Iob, qui propterea tam
multa illa passus est, ut hominibus quis vir esset et quantus Dei servus eluceret,
10 poenas tamen corporis pro peccatis suis se exsolvere saepe testatur. (5) Petrus
quoque apostolus, exhortans fratres ad perferendas pro Christi nomine passiones,
ita loquitur: Nemo autem vestrum patiatur quasi homicida aut fur aut maledicus aut
curas alienas agens; si vero quasi christianus, non erubescat; glorificet autem Deum in
isto nomine, quia tempus inchoationis iudicii a domo Dei. Si autem initium a nobis,
15 quis finis eorum qui non credunt Dei evangelio? Et si iustus quidem vix salvus fit,
peccator et impius ubi parebit? (6) Manifeste ostendit easdem ipsas passiones quas
iusti patiuntur ad iudicium Dei pertinere, quod inchoari dixit ex domo Dei, ut inde
coniciatur quantae impiis futurae serventur. (7) Unde etiam ipse Paulus ad Thessa-
lonicenses dicit: ita ut nos ipsi de vobis gloriemur in ecclesiis Dei, pro vestra patientia
20 et fide in omnibus persecutionibus vestris, et pressuris quas sustinetis in exemplum
iusti iudicii Dei. (8) Quod omnino ad illud respicit, quod ait Petrus tempus esse
inchoationis iudicii a domo Dei, et illud quod de propheta interposuit: Et si iustus vix
salvus erit, peccator et impius ubi parebit? (9) Unde mihi videtur etiam illa quae per
Nathan prophetam regi David comminatus est Deus, quamquam statim ignoverit
25 paenitenti, propterea tamen accidisse omnia, ut demonstraretur illam veniam
spiritaliter datam propter futurum iudicium poenarum, quod exspectat eos qui hoc
tempore corrigi nolunt. (10) Dicit enim et alibi Petrus: Propter hoc enim et mortuis
evangelizatum est, ut iudicentur quidem secundum hominem in carne, vivant autem
secundum Deum in spiritu.
30 (11) Haec dixi, ut ostenderem quantum possem et quantum opportunitas
praesentis loci scripturarum sinit, non sic accipiendam gratiam et pacem Dei, cum
dicitur, ut existiment homines a iustitia Deum posse discedere. (12) Nam et ipsam
pacem cum promitteret Dominus, ait: Haec dixi, ut in me pacem habeatis, in mundo
10,7sq. Hebr. 12,6 12–16 1 Petr. 4,15–18 19–21 2 Thess. 1,4sq. 22 propheta] cf. Prov. 11,31
(LXX) 23sq. illa…Deus] cf. 2 Reg. 12,10–14 27–29 1 Petr. 4,6 33sq. Io. 16,33
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
3 exercitos κ | postremum κ ‖ 4 enim etiam] enim iustitia O E S U B Am Er Cam; enim T V; etiam enim
tr. c | tamen om. T (pc.) R ‖ 5 est2] enim c; enim add. d ‖ 6 scripturis sanctis tr. O V F γ2; sacris
scripturis B ‖ 14 tempus] tempore L1 M; est add. T V | Dei] est add. E ‖ 15 quis] qui κ | crediderunt
E γ | evangelio Dei tr. B Am Er μ | evangelium O S | sit O S M R ‖ 16 apparebit E c; parebunt Z γ
Lov (non Cam) μ ‖ 17 quod om. K Z γ ‖ 18 quanta O | quanta … futura Ξ B Am Er Lov | servantur B
edd | ipse om. c ‖ 20 et2] ex c | in2 om. O E ‖ 22 Dei] Domini K Z L1 γ (Deum H R) B Am Er Lov | et2] ut
10,1 – 12 | 167
furent éprouvés, et enfin la mort elle-même, que notre nature a méritée en péchant,
ne sont remises à personne. (2) Car le fait que même les hommes justes et pieux
s’acquittent tout de même de ces supplices, il faut croire que cela vient du juste
jugement de Dieu. (3) C’est ce qui, dans les Écritures saintes, est aussi appelé
discipline, [et] qu’il n’est permis à aucun des justes d’esquiver. (4) En effet, il ne fit
d’exception pour personne, quand il dit: En effet, celui qu’il aime, Dieu le châtie, et il
fouette tout fils qu’il accueille. Ainsi Job lui aussi, qui a souffert tant de choses, pour
qu’il soit manifesté aux hommes quel homme il était et quel grand esclave de Dieu,
témoigne néanmoins souvent qu’il s’est acquitté des peines du corps pour ses
péchés. (5) De même, Pierre l’apôtre, en exhortant les frères à endurer les
souffrances pour le nom du Christ, parle ainsi : Mais que nul d’entre vous ne souffre
en tant que meurtrier, ou voleur, ou médisant, ou parce qu’il se mêle des affaires
d’autrui ; mais si c’est en tant que chrétien, qu’il ne rougisse pas, mais qu’il glorifie
Dieu à cause de ce nom, puisque le temps du commencement du jugement [vient] de la
maison de Dieu. Mais si le début [vient] de nous, quelle sera la fin de ceux qui ne
croient pas à l’Évangile de Dieu ? Et si le juste est à peine sauvé, où paraitra le pécheur
et l’impie ? (6) Il montre clairement que ces mêmes souffrances que souffrent les
justes relèvent du jugement de Dieu, qu’il dit commencer avec la maison de Dieu,
pour que l’on puisse en déduire quelles [souffrances] futures sont réservées aux
injustes. (7) Ainsi Paul lui aussi dit aux Thessaloniciens : si bien que nous aussi, nous
nous vantons de vous parmi les églises de Dieu, à cause de votre patience et de votre
foi dans toutes vos persécutions, et dans les tribulations que vous subissez pour
[donner] l’exemple du juste jugement de Dieu. (8) Ceci correspond entièrement à ce
que dit Pierre, que le temps du commencement du jugement [vient] de la maison de
Dieu, et à ce qu’il a intercalé du prophète : Et si le juste sera à peine sauvé, où
paraitra le pécheur et l’impie ? (9) Ainsi, il me semble que de même tout ce dont Dieu
a menacé le roi David par le prophète Nathan – bien qu’il ait tout de suite pardonné
au pénitent – est arrivé, pour montrer que ce pardon fut donné spirituellement pour
le jugement punitif à venir, qui attend ceux qui ne veulent pas se corriger
maintenant. (10) En effet, Pierre dit aussi ailleurs : C’est pourquoi l’Évangile a aussi
été prêché aux morts, pour qu’ils soient jugés selon l’homme dans la chair, mais qu’ils
vivent selon Dieu dans l’esprit.
(11) J’ai dit ces choses pour montrer, autant que je le pouvais, et autant que le
permet l’occasion du passage en question des Écritures, que la grâce et la paix de
Dieu, quand on en parle, ne doivent pas être comprises de telle façon que les
hommes croient que Dieu puisse abandonner la justice. (12) En effet, même quand
le Seigneur a promis la paix, il a dit : J’ai dit ceci, pour que vous ayez la paix en moi,
autem pressuram. Sed tribulationes et molestiae cum per iustitiam Dei redduntur
35 peccatis, bonos et iustos, et quibus iam plus peccata ipsa displicent quam ulla
corporis poena, non reflectunt ad peccandum, sed ab omni labe penitus purgant.
(13) Pax enim perfecta etiam corporis suo tempore roborabitur, si nunc pacem quam
Dominus per fidem dare dignatus est inconcusse spiritus noster atque incommutabi-
liter teneat.
11. Quod autem apostolus gratiam et pacem a Deo Patre et Domino Iesu Christo
dicit, non adiungens etiam Spiritum sanctum, non mihi alia ratio videtur, nisi quia
ipsum donum Dei Spiritum sanctum intelligimus. Gratia porro et pax, quid aliud
quam donum Dei? (2) Unde nullo modo dari hominibus gratia potest qua liberamur
5 a peccatis, et pax qua reconciliamur Deo, nisi in Spiritu sancto. Et ideo ipsa Trinitas
pariterque incommutabilis unitas in ista salutatione cognoscitur. (3) Quod propterea
maxime credo, quoniam excepta epistola quam ad Hebraeos scripsit, ubi principium
salutatorium de industria dicitur omisisse, ne Iudaei qui adversus eum pugnaciter
oblatrabant, nomine eius offensi, vel inimico animo legerent, vel omnino legere non
10 curarent, quod ad eorum salutem scripserat – (4) unde nonnulli eam in canonem
scripturarum recipere timuerunt – sed quoquo modo se habeat ista quaestio,
excepta hac epistola, ceterae omnes, quae nulla dubitante ecclesia Pauli apostoli
esse firmantur, talem continent salutationem, nisi quod ad Timotheum in utraque
interponit misericordiam. (5) Nam ita scribit: Gratia, misericordia, pax a Deo Patre et
15 Christo Iesu Domino nostro. (6) Quo enim familiarius eo dulcius quodammodo
scribens ad Timotheum, id verbum interposuit, quo plane aperitur atque ostenditur
non meritis operum priorum, sed secundum misericordiam Dei nobis dari Spiritum
sanctum, ut et peccatorum abolitio fiat, qua seiungebamur a Deo, et reconciliatio, ut
illi inhaereamus.
12. Nec aliae apostolorum epistolae, quas usus ecclesiasticus recipit, parum nos
admonent de ista Trinitate in principiis suis. (2) Nam Petrus ita dicit: Gratia vobis et
pax adimpleatur. Deinde statim subicit: Benedictus Deus et Pater Domini nostri Iesu
Christi, ut per gratiam et pacem Spiritu sancto intellecto, Patris et Filii commemora-
11,14sq. 1 Tim. 1,2; 2 Tim. 1,2 12,2sq. 1 Petr. 1,2 3sq. 1 Petr. 1,3
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ) ‖ 11,1 quod inc.
Claud (in Rom., in Eph.) ‖ 6 cognoscitur des. Claud (in Rom.) ‖ 19 inhaereamus des. Claud (in
Eph.)
mais la tribulation dans le monde. Mais quand les épreuves et les chagrins sont la
récompense des péchés par la justice de Dieu, ils ne ramènent pas vers le péché les
bons et les justes, et ceux à qui les péchés eux-mêmes sont déjà plus odieux que
toute peine du corps. Ils les lavent plutôt entièrement de toute tâche. (13) En effet,
même la paix parfaite du corps sera affermie en son temps, si notre esprit conserve
désormais, sans fléchir ou changer, la paix que le Seigneur a daigné nous donner à
travers la foi.
11. Mais, si l’Apôtre parle de la grâce et la paix venant de Dieu le Père et du
Seigneur Jésus Christ, sans ajouter aussi l’Esprit Saint, il ne me semble pas y avoir
d’autre explication que celle-ci : nous comprenons que le don de Dieu lui-même est
l’Esprit Saint. Et la grâce et la paix, qu’est-ce, sinon le don de Dieu ? (2) Ainsi, la
grâce, par laquelle nous sommes libérés des péchés, et la paix, par laquelle nous
sommes réconciliés avec Dieu, ne peuvent nullement être données aux hommes, si
ce n’est dans l’Esprit Saint. Et c’est pourquoi la Trinité elle-même, [qui est] en même
temps Unité immuable, se reconnait dans cette salutation. (3) Je crois cela surtout
parce que – mise à part l’épître qu’il écrivit aux Hébreux, où l’on dit qu’il a omis
exprès la salutation initiale, pour éviter que les Juifs, qui aboyaient agressivement
contre lui, offensés par son nom, ne lussent avec un esprit hostile, ou ne s’intéressas-
sent pas du tout à lire, ce qu’il avait écrit pour leur salut – (4) d’où certains ont craint
de la recevoir dans le canon des Écritures – mais quelle que soit la réponse à cette
question, à l’exception de cette épître, toutes les autres, que l’on affirme être de
l’apôtre Paul sans qu’aucune église n’en ait douté, contiennent une salutation de ce
type, à l’exception des deux à Timothée, dans lesquelles il intercale la miséricorde.
(5) En effet, il écrit ainsi: la grâce, la miséricorde, la paix venant de Dieu le Père et du
Christ Jésus notre Seigneur. (6) C’est qu’en écrivant d’une certaine façon plus
familièrement et plus agréablement à Timothée, il a intercalé ce mot, par lequel il est
clairement révélé et manifesté que l’Esprit Saint nous est donné non pas par les
mérites des œuvres antérieures, mais selon la miséricorde de Dieu, pour que
s’accomplissent à la fois l’abolition des péchés, là où nous étions séparés de Dieu, et
la réconciliation, pour que nous nous attachions à lui.
12. Et les autres épîtres des apôtres, qu’accepte la tradition de l’Église, ne nous
informent pas qu’un peu sur cette Trinité dans leurs introductions. (2) Pierre, en
effet, parle ainsi : Que la grâce et la paix soient complétées pour vous. Ensuite il
ajoute tout de suite : Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ. Ainsi, une
fois que l’on a compris l’Esprit Saint par la grâce et la paix, la mention du Père et du
lectiones in codicibus Claud | misericordia pax] et (om. V) misericordia et pax d ‖ 15 Iesu Christo tr.
E T V B edd | familiaris O E ‖ 16 verum O E Claud | quo T V P W B edd] quod O E S U Claud κ γ2 | appeti-
tur c ‖ 18 qua] quibus V (pc. ; ac. non liquet) B edd (an recte?) | seiungebantur c (seiungebatur F)
Deo] Domino c
12,1 recepit L1 F ‖ 3 subiecit γ B Er Lov ‖ 4 ut] ubi c | intellectu c
170 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
5 tio animum de Trinitate commoneat. (3) Et in alia sic ait: Gratia vobis et pax multipli-
cetur in recognitione Dei et Christi Iesu Domini nostri. (4) Iohannes autem nescio
quam ob causam omisit tale principium, sed plane Trinitatis commemorationem nec
ipse neglexit, pro gratia et pace societatem interponens: Quod ergo vidimus, inquit,
nuntiamus et vobis, ut et vos societatem habeatis nobiscum, et societas nostra sit cum
10 Patre et Filio eius Iesu Christo. (5) In secunda vero illis quae ad Timotheum sunt
consonat, dicens: Sit vobiscum gratia, misericordia, pax a Deo Patre et Iesu Christo
Filio Patris. (6) In tertiae principio de Trinitate penitus tacetur, credo quod sit
omnino brevissima. Sic enim incipit: Senior Gaio dilectissimo, quem ego diligo in
veritate. Quam veritatem pro ipsa Trinitate positam puto. (7) Iudas, nominato Deo
15 Patre et Domino Iesu Christo, ad intelligendum Spiritum sanctum, hoc est donum
Dei, tria verba ponit. Sic quippe incipit: Iudas Iesu Christi servus, frater autem Iacobi,
in Deo Patre dilectis, et in Iesu Christo conservatis, vocatis, misericordia vobis et pax et
caritas adimpleatur. (8) Gratia enim et pax sine misericordia et caritate intelligi non
potest. Iacobus autem usitatissimum exordium fecit epistolae, ita scribens: Iacobus
20 Dei et Domini nostri Iesu Christi servus, duodecim tribubus quae sunt in dispersione,
salutem, (9) credo, considerans salutem non esse nisi in dono Dei, ubi gratia et pax.
Et quamquam ante hoc verbum nominaverit Deum et Dominum nostrum Iesum
Christum, tamen quia nulla gratia et nulla pace salvi fiunt homines, nisi quae est a
Deo Patre et Domino Iesu Christo, sicut Iohannes in tertia veritatem, sic iste salutem
25 pro ipsa Trinitate posuisse mihi videtur.
13. Quo loco prorsus non arbitror praetereundum quod pater Valerius animad-
vertit admirans in quorundam rusticanorum collocutione. Cum alter alteri dixisset
‘salus’, quaesivit ab eo qui et latine nosset et punice, quid esset ‘salus’. Responsum
est: ‘Tria’. (2) Tum ille agnoscens cum gaudio salutem nostram esse Trinitatem,
5 concinentia linguarum non fortuito sic sonuisse arbitratus est, sed occultissima
dispensatione divinae providentiae, ut cum latine nominatur ‘salus’, a Punicis
intelligantur ‘tria’, et cum Punici lingua sua ‘tria’ nominant, latine intelligatur
‘salus’. (3) Chananaea enim, hoc est punica mulier, de finibus Tyri et Sidonis
egressa, quae in evangelio personam gentium gerit, salutem petebat filiae suae, cui
5sq. 2 Petr. 1,2 8–10 1 Io. 1,3 11sq. 2 Io. 1,3 13sq. 3 Io. 1 16–18 Iudas 1 19–21 Iac. 1,1
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
Fils instruit l’intelligence sur la Trinité. (3) Et dans l’autre [épître] il parle ainsi : Que
la grâce et la paix se multiplient pour vous dans la connaissance de Dieu et du Christ
Jésus notre Seigneur. (4) Quant à Jean, je ne sais pour quelle raison, il a omis une
introduction de ce type, mais clairement lui non plus ne néglige pas de mentionner
la Trinité, substituant « alliance » à « grâce et paix ». Donc ce que nous avons vu, dit-
il, nous vous l’annonçons aussi, pour que vous ayez vous aussi une alliance avec nous,
et que notre alliance soit avec le Père et son Fils Jésus Christ. (5) Mais dans la seconde
[épître] il est en accord avec les [épîtres] à Timothée, en disant : Que la grâce, la
miséricorde, la paix, venant de Dieu le Père, et de Jésus Christ le Fils du Père soient
avec vous. (6) Dans l’introduction de la troisième, il y a un silence total sur la Trinité
– c’est, à mon avis, parce qu’elle est extrêmement courte. Car il commence ainsi :
L’ancien au très bien-aimé Gaius, que j’aime dans la vérité. Je pense que cette vérité
est mise pour la Trinité même. (7) Jude, ayant nommé Dieu le Père et le Seigneur
Jésus Christ, met trois mots pour que l’on comprenne l’Esprit Saint, c’est-à-dire le
don de Dieu. Il commence donc ainsi : Jude, l’esclave de Jésus Christ, et le frère de
Jacques, à [ceux qui sont] bien-aimés en Dieu le Père, et gardés en Jésus Christ, aux
appelés, que la miséricorde et la paix et la charité vous soient données en abondance.
(8) En effet, la grâce et la paix ne peuvent être comprises sans la miséricorde et la
charité. Quant à Jacques, il donne un début des plus usuels à son épître, écrivant
ainsi: Jacques, l’esclave de Dieu et de notre Seigneur Jésus Christ, aux douze tribus qui
sont dans la dispersion, salut. (9) Je pense qu’il voyait que le salut ne se trouve que
dans le don de Dieu, où sont la grâce et la paix. Et, bien qu’il ait nommé Dieu et
notre Seigneur Jésus Christ avant ce mot, cependant, parce que les hommes ne sont
sauvés par aucune grâce et par aucune paix, à part celle qui vient de Dieu le Père et
du Seigneur Jésus Christ, il me semble que, tout comme Jean avait mis « vérité » dans
sa troisième [épître], il a mis ici « salut » pour la Trinité même.
13. En cet endroit, je ne pense pas qu’il faille laisser de côté ce que le père
Valérius a remarqué en s’émerveillant, lors de la conversation de certains paysans.
Quand l’un avait dit « salus » à l’autre, il demanda à celui qui connaissait et le latin
et le punique, qu’est-ce que c’était que « salus ». On lui répondit : « Trois ». (2) Alors
lui, reconnaissant avec joie que notre salut, c’est la Trinité, s’est dit que ces sons
étaient produits par une harmonie des langues qui n’était pas due au hasard, mais
plutôt à une dispensation très secrète de la divine providence. Ainsi, quand on dit
« salus » en Latin, « trois » est compris par les Puniques, et quand les Puniques
disent « trois » en leur langue, on comprend salus [santé / salut] en latin. (3) En effet,
la femme cananéenne, c’est-à-dire punique, étant sortie du territoire de Tyr et de
Sidon, [et] qui représente les gentils dans l’Évangile, demandait le salut pour sa fille.
10 responsum est a Domino: Non est bonum panem filiorum mittere canibus. (4) Quod
crimen obiectum illa non negans, tamquam de confessione peccatorum impetratura
salutem filiae, hoc est novae vitae suae: Ita, inquit, Domine, nam et canes edunt de
micis quae cadunt de mensa dominorum suorum. (5) ‘Tria’ enim mulieris lingua
‘salus’ vocantur: erat enim Chananaea. Unde interrogati rustici nostri quid †sit
15 punice, respondent †‘Chanani’, corrupta scilicet, sicut in talibus solet, una littera.
Quid aliud respondent quam †‘Chananaei’? (6) Petens itaque salutem Trinitatem
petebat, quia et romana lingua, quae in salutis nomine Trinitatem punice sonat,
caput gentium inventa est in adventu Domini, et diximus Chananaeam mulierem
gentium sustinere personam. Panem autem appellans Dominus id ipsum quod a
20 muliere petebatur, quid aliud quam Trinitati attestatur? (7) Namque alio loco
eandem Trinitatem in tribus panibus intelligendam esse apertissime docet. Sed haec
verborum consonantia, sive provenerit, sive provisa sit, non pugnaciter agendum est
ut ei quisque consentiat, sed quantum interpretantis elegantiam hilaritas audientis
admittit.
14. Illud sane magna intentione animi considerandum, et totis viribus pietatis
amplectendum satis apparet, quoniam si gratia et pax ad implendam Trinitatis
commemorationem sic ab apostolo ponitur ac si sanctum Spiritum nominet, ille
peccat in Spiritum sanctum, qui desperans vel irridens atque contemnens praedica-
5 tionem gratiae per quam peccata diluuntur, et pacis per quam reconciliamur Deo,
detrectat agere paenitentiam de peccatis suis, et in eorum impia atque mortifera
quadam suavitate perdurandum sibi esse decernit, et in finem usque perdurat.
(2) Quod ergo ait Dominus dimitti homini, si verbum dixerit adversus filium hominis,
si autem verbum dixerit adversus Spiritum sanctum, non ei dimitti neque hic neque
10 in futuro saeculo, sed reum esse aeterni peccati, non negligenter audiendum est.
(3) Constituamus enim aliquem latinae linguae ignarum, cum illo audiente pro-
nuntiatus fuerit ab aliquo ‘Spiritus sanctus’, quaerere quid rerum significetur sub
isto syllabarum sono; ab aliquo autem deceptore vel irrisore impio responderi
aliquid aliud, quodlibet vile et abiectum, ut quaerentem decipiat, sicuti a talibus
15 fieri solet ridendi gratia; illum autem per ignorantiam contempsisse hoc nomen,
dum nescit quid significet, et aliqua etiam in hoc convicia iactitasse: neminem esse
13,10 Mt. 15,26 12sq. Mt. 15,27 20sq. namque…panibus] cf. Lc. 11,5 14,8–10 si…peccati] cf.
Mt. 12,31sq.
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
10 partem Er ‖ 13 lingua mulieris tr. Λ ‖ 14 vocatur E d | erant enim Chananaei K Z γ (ac. R) | sit]
sint T V B edd ‖ 15 respondent O E S U K c R (pc.)] om. Z γ (ac. R); cum respondent T V Am; respon-
dentes B Er Lov μ | Chanani O E c B edd] Canani K; Chemani S T; Chaemani V; Chaemam U; Cananei Z;
Chanei γ (Canei P W) | tabulis Am+ ‖ 16 Chanan(a)ei T B edd] Cananei V; Chanani O (pc.) E S M;
Canani O (ac.) K Z L1 F; Canai γ (Chanai B1 H); Chanam U ‖ 19 id] ad O (ac.); at O (pc.) S (ac.) Am
21 intelligenda c ‖ 22 sonantia L1 F | pervenerit V F
13,3 – 14,3 | 173
Il lui fut répondu par le Seigneur : Il n’est pas bon de jeter le pain des fils aux chiens.
(4) Quant à elle, sans nier le crime qu’on lui reprochait, comme si par la confession
de ses péchés elle allait obtenir le salut de sa fille, c’est-à-dire de sa nouvelle vie, elle
dit: Oui, Seigneur. Justement, même les chiens mangent des miettes qui tombent de la
table de leurs seigneurs. (5) En effet, dans la langue de la femme, « trois » se dit
salus, car elle était cananéenne. Ainsi, quand on demande à nos paysants †qu’est-ce
que c’est† en Punique, ils répondent †« Chanani »†, avec bien entendu la corruption
d’une lettre qui est d’usage chez de tels hommes. Que répondent-ils d’autre que
†«Chananaei »† ? (6) Donc, en demandant le salut, elle demandait la Trinité, puis-
que, de plus, la langue romaine, qui fait le son de la Trinité en punique avec le mot
salus, s’est trouvée à la tête des gentils lors de la venue du Seigneur ; et nous avons
dit que la femme cananéenne représentait les gentils. D’ailleurs, quand le Seigneur
appelait « pain » la chose même qui était demandée par la femme, que faisait-il
d’autre que porter témoignage à la Trinité? (7) Ailleurs, en effet, il enseigne très
clairement que cette même Trinité doit être comprise par trois pains. Mais, quant à
cette consonance des mots, qu’elle soit due au hasard, ou voulue, il ne faut pas se
battre pour que chacun l’accepte, sinon dans la mesure où la bonne humeur de
l’auditeur accueille l’élégance de l’interprète.
14. Mais voici ce qu’on voit bien qu’il faut considérer avec une grande attention
de l’esprit, et embrasser avec toutes les forces de la piété : si la grâce et la paix sont
ainsi placées par l’apôtre pour compléter sa mention de la Trinité, comme s’il
nommait l’Esprit Saint, celui-là pèche contre l’Esprit Saint, qui, désespérant, ou
persifflant et méprisant la prédication de la grâce par laquelle les péchés sont lavés,
et de la paix par laquelle nous sommes réconciliés avec Dieu, refuse de faire
pénitence pour ses péchés, et décide qu’il doit persévérer dans une certaine douceur
impie et mortelle de ces [péchés], et y persévère jusqu’à la fin. (2) Donc, quand le
Seigneur dit qu’il sera pardonné à l’homme, s’il dit une parole contre le fils de
l’homme, mais que, s’il dit une parole contre l’Esprit Saint, il ne lui sera pardonné ni
ici ni dans le monde à venir, mais qu’il sera coupable d’un péché éternel, il ne faut
pas écouter avec négligence. (3) Imaginons en effet quelqu’un qui ne connait pas la
langue latine. Alors qu’il écoute, « Esprit Saint » est prononcé par quelqu’un. Il
demande quelle chose est signifiée par ce bruit de syllabes. Alors quelque chose
d’autre, ce que l’on voudra de vil et de bas, lui est répondu, par un menteur ou un
moqueur impie, pour tromper l’interrogateur, comme de tels hommes le font souvent
pour rire. Ensuite lui, dans l’ignorance, a méprisé ce nom, alors qu’il ignorait ce qu’il
signifie, et a même lancé quelques insultes contre lui. Je ne pense pas qu’il y ait
quelqu’un d’assez sot et irréfléchi, pour taxer cet homme d’une quelconque accusa-
14,2 quoniam] quia γ2 ‖ 3 sic] sicut c | Spiritum sanctum tr. γ (ac. P) B edd | nominasset B edd
7 sibi om. T V ‖ 8 ergo] autem γ | adversum S U ‖ 8sq. filium … adversus om. O K Z ‖ 8 hominis
om. γ ‖ 9 verbum om. c | ei om. M; enim L1 F ‖ 12 Spiritus sanctus ab aliquo tr. T V | quaerentem
d ‖ 14 vile et] videt Ξ (videlicet H R) | sicut O T V ‖ 16sq. arbitror esse tr. T V
174 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
arbitror tam vanum et inconsideratum, qui hunc hominem ullo crimine impietatis
aspergat. (4) At contra, si tacito nomine res ipsa verbis quibus potest ad quaerentis
intelligentiam perducatur, tum vero si aliqua contumeliose in tantam sanctitatem vel
20 verba vel facta protulerit, reus tenebitur. (5) Quae cum ita sint, manifestum esse
arbitror eum qui hoc nomine audito aliam pro alia rem significari putaverit, et ad-
versus eam rem quam significari hoc nomine credidit verbum dixerit, non hunc sic
peccare, ut adversus Spiritum sanctum verbum dixisse iudicetur. (6) Itaque si
quisquam quaerens quid sit Spiritus sanctus audiat ab imperito hunc esse Filium Dei
25 per quem facta sunt omnia, qui etiam certa opportunitate temporis de virgine natus
sit, et occisus a Iudaeis, et resurrexerit, quibus auditis vel neget vel irrideat quae
dicta sunt, non eum sic teneri putandum est, ac si verbum adversus Spiritum
sanctum dixerit, sed potius adversus Filium Dei, vel filium hominis, sicut et vocari et
esse dignatus est. (7) Non enim quid sit imperito per vocem propositum, sed per
30 rationem expositum, considerandum est, quia ille cum maledicta proferret, ei utique
maledicebat quem sibi enarratum cogitatione intuebatur. Quodlibet autem vocare-
tur, utrum res ipsa veneranda an neganda vel vituperanda esset, hoc quaeritur.
(8) Hoc modo etiam si quispiam quaerat quid sit Iesus Christus, et ea quaerenti re-
spondeantur quae non in Filium Dei sed potius in Spiritum sanctum conveniunt,
35 quibus auditis ille blasphemet, non utique adversus Filium, sed adversus Spiritum
sanctum verbum dixisse tenebitur.
15. Sed si transitorie ac negligenter attenderimus quod dictum est, Si quis
verbum dixerit adversus Spiritum sanctum, non remittetur ei, neque in hoc saeculo
neque in futuro, quis inveniri poterit cui veniam peccatorum dederit Deus? (2) Nam
et pagani qui appellantur etiam nunc totam nostram religionem, quia iam ferro et
5 caedibus prohibentur, maledictis contumeliisque insectantur, et quicquid de ipsa
Trinitate dicimus, negando et blasphemando contemnunt. (3) Non enim excipiunt
sibi Spiritum sanctum quem venerentur, ut in cetera saeviant, sed simul adversus
omnia quaecumque sollicite de trina Dei maiestate loquimur, quanto possunt furore
impietatis oblatrant. Nam neque de ipso Deo Patre digne sentiunt, quem partim
10 penitus negant, partim sic fatentur ut de illo falsa fingendo non utique illum sed sua
figmenta venerentur. (4) Multo magis ergo quod de Filio Dei vel de Spiritu sancto
dicimus suo impio more deridere quam nostra pia societate colere maluerunt. Quos
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
18 si] sic Am | cito O Am | ad inquirentis S (pc.) U ‖ 19 tum] cum U κ | si aliqua om. V μ | contumeli-
osa O S B Am Er Lov | vel om. d ‖ 21 re F B Am Er Lov ‖ 21sq. adversum c ‖ 22 non] in c
22sq. peccare sic tr. c ‖ 23 adversum T V | sanctum Spiritum tr. O E Z | itaque] ita quoque T V μ
24 sanctus om. c ‖ 26 occisus] sit add. d μ | resurrexit T V K (ac.) c B1 H B ‖ 27 putandus L1 M
29 quid] qui c ‖ 29sq. sed … expositum om. Λ ‖ 30 rationem] intentionem L1 M | ei] et κ; eum γ
31 enarravit c; enarratum in B edd ‖ 33 hoc etiam modo si (modo si] Moysi F) tr. c | quispiam]
14,3 – 15,4 | 175
tion d’impiété. (4) Mais, au contraire, si le nom n’est pas prononcé, mais la chose
même est portée à l’intelligence de l’interrogateur par des mots qui peuvent y suffire,
c’est alors que, s’il produit des dits ou des faits méprisants envers une si grande
sainteté, il sera tenu coupable. (5) Puisqu’il en est ainsi, je considère qu’il est clair
que celui qui a pensé, quand il a entendu ce nom, qu’une chose était signifiée à la
place d’une autre, et a dit une parole contre cette chose qu’il a cru être signifiée par
ce nom, celui-là ne pèche pas de telle façon, que l’on jugera qu’il a dit une parole
contre l’Esprit Saint. (6) Ainsi, si quelqu’un qui demande ce qu’est l’Esprit Saint
entend d’un homme ignare que celui-ci est le Fils de Dieu, par qui tout a été fait, et
qui est né d’une vierge à un certain moment du temps, et fut tué par les Juifs, et
ressuscita, et ayant entendu ces choses, il nie ou persiffle ce qui a été dit, il ne faut
pas penser qu’il est coupable de la même façon que s’il avait dit une parole contre
l’Esprit Saint, mais plutôt contre le Fils de Dieu, ou le fils de l’homme, comme il a
daigné être appelé et être. (7) Car il ne faut pas considérer ce qui a été mis devant un
ignare par la voix, mais ce qui lui a été expliqué par la raison, puisque, quand il
produisait des insultes, il insultait bien entendu celui dont on lui avait parlé, et qu’il
voyait dans sa pensée. Donc, peu importe le nom dont on l’ait appelée, ce que l’on
cherche, c’est si la chose elle-même devait être vénérée, ou niée, ou insultée. (8) Et
de même, si quelqu’un demande ce qu’est Jésus Christ, et que l’on répond à l’inter-
rogateur des choses qui ne conviennent pas au Fils de Dieu, mais plutôt à l’Esprit
Saint, et ayant entendu cela, il blasphème, il sera coupable d’avoir dit une parole
non pas, bien sûr, contre le Fils, mais contre l’Esprit Saint.
15. Mais si nous n’écoutons qu’en passant, et avec négligence, ce qui est dit : Si
quelqu’un dit une parole contre l’Esprit Saint, il ne lui sera pas pardonné, ni en ce
monde, ni dans [le monde] à venir, qui pourra-t-on trouver à qui Dieu aura accordé le
pardon de ses péchés ? (2) En effet, ceux-là aussi que l’on appelle païens, puisqu’on
leur interdit désormais de le faire avec l’épée et les tueries, poursuivent encore
maintenant toute notre religion avec insultes et injures. Et tout ce que nous disons de
la Trinité elle-même, ils le méprisent, en niant et en blasphémant. (3) En effet, ils ne
se font pas une exception de l’Esprit Saint, qu’ils vénèreraient, pour s’acharner
contre le reste, mais ils aboient en même temps avec toute la fureur possible de
l’impiété contre tout ce que nous disons avec révérence sur la triple majesté de Dieu.
En effet, même sur Dieu le Père lui-même, ils n’ont pas des idées dignes [de lui] :
certains le renient entièrement, [et] certains le confessent de telle façon, qu’en
inventant des mensonges sur lui, ils ne le vénèrent pas du tout, mais plutôt leurs
propres inventions. (4) Encore plus, donc, ils ont préféré se moquer selon leur
habitude impie de ce que nous disons du Fils de Dieu ou de l’Esprit Saint, plutôt que
quisquam c | quid] quis O B edd | ea (Cam)] ita γ Lov ‖ 33sq. respondeatur O S U ‖ 34 sanctum
Spiritum tr. S U
15,1 attenderemus c ‖ 2 in … saeculo] hic T V ‖ 5 de om. c ‖ 7 sanctum Spiritum tr. O κ | ut] et T
V ‖ 8 sollicite om. Λ μ+ | trina om. γ ‖ 9 Deo Patre] Deo add. γ | digna Ξ B edd
176 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
20sq. Act. 7,51 25 paratus…dictis] cf. 2 Cor. 11,25 28–30 saluti…Samaritanus] cf. Lc. 17,11–19
30sq. illa…crediderunt] cf. Io. 4,7–42 32sq. quanta…Dei] cf. Act. 8,4–17 33–36 Simonem…ad-
monuit] cf. Act. 8,18–24
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
de le vénérer dans une pieuse communion avec nous. Néanmoins, dans la mesure du
possible, nous les exhortons à connaitre le Christ, et par lui Dieu le Père, et nous les
persuadons de combattre pour le commandant souverain et véritable, puis, en leur
promettant l’impunité pour tous leurs péchés passés, nous les invitons à la foi.
(5) En cette matière, même si dans leur superstition sacrilège ils ont dit quelque
chose contre l’Esprit Saint, une fois qu’ils sont devenus chrétiens, nous considérons
certainement, sans l’ombre d’un doute, qu’il leur est pardonné. Quant aux Juifs,
Étienne témoigne de quelle façon ils s’opposaient à l’Esprit Saint, puisqu’ils l’ont
lapidé quand il était plein du Saint Esprit, alors que tout ce qu’il disait contre eux,
c’était l’Esprit lui-même qui le disait. (6) Parmi ces paroles, il fut très ouvertement dit
aux Juifs : Vous avez toujours résisté à l’Esprit Saint. Néanmoins, dans le nombre de
ces Juifs qui résistaient à l’Esprit Saint et qui lapidaient Étienne, son vaisseau, pour
la seule raison qu’il en était plein, il y avait aussi l’apôtre Paul, [présent] dans les
mains de tous ceux dont il gardait les vêtements. Plus tard, même, il se le reproche
en faisant pénitence, déjà tout plein de ce même Esprit, auquel il résistait au-
paravant, dans sa grande vanité, et déjà prêt à être lapidé pour des paroles telles que
celles du prédicateur qu’il avait lui-même lapidé. (7) Qu’en est-il des Samaritains ?
Ne sont-ils pas tellement opposés à l’Esprit Saint qu’ils tentent d’éteindre entière-
ment la prophétie elle-même, qui a été fournie par l’Esprit Saint ? (8) Néanmoins, le
Seigneur lui même rend aussi témoignage à leur salut, dans celui des dix lépreux
purifiés qui fut le seul à revenir pour rendre grâce, alors qu’il était samaritain, et
dans cette femme avec qui il a discuté au puits à la sixième heure, et [dans] ceux qui
ont cru par elle. (9) De plus, après l’ascension du Seigneur, comme il est écrit dans
les Actes des apôtres, avec quelle réjouissance des saints la Samarie a-t-elle reçu la
parole de Dieu ! (10) Et aussi, quand il reprocha à Simon le Magicien d’avoir pensé
tant de mal de l’Esprit Saint, qu’il a cru qu’il était à vendre, et a demandé de se
l’acheter pour de l’argent, l’apôtre Pierre n’a pas tant désespéré pour lui, qu’il ne lui a
laissé aucune place pour le pardon. En effet, il l’a même prévenu avec bonté qu’il
devait se repentir. (11) Enfin, l’autorité si éminente de l’Église catholique, la mère de
tous les saints, qui par ce même don de l’Esprit Saint se répand dans sa fécondité sur
la terre entière, à quel hérétique ou schismatique a-t-elle jamais coupé l’espoir de se
libérer, s’il se corrigeait ? (12) À qui a-t-elle fermé l’accès à l’apaisement de Dieu ? Ne
les rappelle-t-elle pas tous en pleurant à ses seins, qu’ils avaient abandonnés dans
leur dégoût arrogant ? Mais qui trouvera-t-on, parmi les chefs ou les troupeaux des
hérétiques, qui ne s’oppose pas à l’Esprit Saint ? Ou peut-être y a-t-il quelqu’un qui
pense tellement absurdement qu’il croit que celui qui dit quelque chose contre
adversus Spiritum sanctum aliquid dixerit, eum vero qui adversus Spiritum sanctum
multa fecerit non teneri. (13) Qui autem tanta evidentia contra Spiritum sanctum
45 pugnant quam illi qui adversus ecclesiae pacem superbissimis contentionibus
saeviunt? Sed si de verbis quaestio est, quaero utrum nihil dicant adversus Spiritum
sanctum, cum alii eum, quod ad ipsum proprie pertinet, omnino non esse asseve-
rent, sed ita esse unum Deum, ut idem ipse Pater, idem ipse Filius, idem ipse
Spiritus sanctus appelletur; (14) alii fateantur quidem esse Spiritum sanctum, sed
50 aequalem Filio, vel omnino esse Deum negent; alii unam quidem et eandem Trinita-
tis substantiam esse fateantur, sed de ipsa divina substantia tam impie sentiant, ut
eam commutabilem et corruptibilem putent, ipsumque Spiritum sanctum, quem
Dominus discipulis se missurum esse promisit, non quinquagesimo die post eius
resurrectionem, sicut apostolorum Acta testantur, sed post trecentos fere annos per
55 hominem venisse confingant; (15) alii similiter adventum eius quem tenemus
negent, et eum prophetas in Phrygia, per quos tanto post loqueretur, elegisse conten-
dant; alii sacramenta eius exsufflent, et baptizatos in nomine Patris et Filii et
Spiritus sancti denuo baptizare non dubitent. (16) Sed ne pergam per singula, quae
sunt innumerabilia, his certe omnibus quos pro tempore breviter attigi, ad sponsam
60 Christi redeuntibus et errorem atque impietatem paenitendo damnantibus, nulla
catholica disciplina negandam ecclesiae pacem et claudenda viscera misericordiae
iudicavit.
16. Quod si quisquam tunc putat verbum dici adversus Spiritum sanctum cum
ab eo dicitur cui iam per baptismum dimissa peccata sunt, attendat nec talibus per
ecclesiae sanctitatem auferri paenitentiae locum. (2) Si enim propterea credit non
dari veniam quia gratia fidei sacramentisque fidelium iam perceptis non potest dici
5 peccatum ignorantiae, videat aliam causam esse, cum dicitur propterea non ignosci
quia non ignorantiae tempore peccatum est, et aliam causam esse, cum dicitur
propterea non ignosci quia verbum dixit adversus Spiritum sanctum. (3) Si enim sola
ignorantia veniam meretur, et ignorantia non accipitur nisi antequam quisque fuerit
baptizatus, non solum adversus Spiritum sanctum, sed etiam si adversus filium
10 hominis post baptismum dixerit verbum, et omnino si qua fornicatione vel homi-
cidio vel ullo flagitio aut facinore post baptismum sese maculaverit, non potest
paenitendo recurari. (4) Quod qui senserunt exclusi sunt a communione catholica,
satisque iudicatum est eos in illa crudelitate divinae misericordiae participes esse
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
l’Esprit Saint est tenu coupable, mais celui qui fait de nombreuses actions contre
l’Esprit Saint n’est pas tenu. (13) Or, qui combat aussi évidemment contre l’Esprit
Saint que ceux qui s’acharnent contre la paix de l’Église dans leurs disputes
orgueilleuses ? Mais si c’est une question de paroles, je demande s’il ne disent rien
contre l’Esprit Saint, alors que certains déclarent que, pour ce qui est de [l’Esprit] lui-
même, il n’existe pas du tout, mais que, Dieu étant unique, le même être est [appelé]
Père, le même est [appelé] Fils, [et] le même est appelé Esprit Saint ; (14) d’autres
admettent bien qu’il y a un Esprit Saint, mais nient qu’il soit égal au Fils ou en
général qu’il soit Dieu ; d’autres admettent qu’il y a une seule et même substance
dans la Trinité, mais ont des idées tellement impies sur cette substance divine, qu’ils
croient qu’elle est modifiable et corruptible, et ils prétendent que ce même Esprit
Saint, que le Seigneur promit d’envoyer à ses disciples, n’est pas venu cinquante
jours après sa résurrection, comme en témoignent les Actes des apôtres, mais après
presque trois cent ans, à travers un être humain. (15) De même, d’autres nient sa
venue, à laquelle nous croyons, et maintiennent qu’il a choisi des prophètes en
Phrygie, par lesquels il allait parler si longtemps après ; d’autres éteignent ses
sacrements, et n’hésitent pas à baptiser de nouveau ceux qui furent baptisés au nom
du Père, du Fils, et de l’Esprit Saint. (16) Mais – pour ne pas passer en revue chaque
cas, tant ils sont innombrables – certainement, quant à tous ceux que j’ai mention-
nés brièvement en cette occasion, s’ils retournent à l’épouse du Christ, en
condamnant leur erreur et leur impiété par la pénitence, aucun enseignement
catholique n’a jugé qu’il fallait leur refuser la paix de l’Église et leur fermer les
entrailles de la miséricorde.
16. Mais si quelqu’un considère que le moment où une parole est dite contre
l’Esprit Saint, c’est quand elle est dite par celui à qui ses péchés ont déjà été remis
par le baptême, qu’il note que la place pour la pénitence n’est pas enlevée non plus à
de tels hommes par la sainteté de l’Église. (2) En effet, s’il croit que le pardon n’est
pas accordé parce qu’une fois reçus la grâce de la foi et les sacrements des fidèles, on
ne peut parler d’un péché d’ignorance, qu’il voie que c’est une chose de dire que l’on
ne pardonne pas parce que le péché ne fut pas commis en temps d’ignorance, et une
autre chose de dire que l’on ne pardonne pas parce que [quelqu’un] a dit une parole
contre l’Esprit Saint. (3) En effet, si seule l’ignorance mérite le pardon, et l’ignorance
n’est admise qu’avant qu’une personne soit baptisée, si quelqu’un dit une parole
après le baptême non seulement contre l’Esprit Saint, mais aussi contre le fils de
l’homme, et puis, en général, s’il s’est sali après le baptême par une fornication ou
un homicide ou par un scandale ou un crime, quels qu’il soient, il ne peut pas être
guéri de nouveau par la pénitence. (4) Ceux qui ont cru cela ont été exclus de la
communion catholique, et il a été clairement décidé qu’avec cette cruauté ils ne
non posse. (5) Si autem illud solum quod adversus Spiritum sanctum dicitur sine
15 venia esse post acceptum baptismum putatur – primo Dominus cum inde loqueretur,
nullum tempus excepit, sed regulariter ait: Qui dixerit verbum adversus Spiritum
sanctum, non remittetur ei, neque in hoc saeculo neque in futuro. (6) Deinde Simon,
quem paulo ante commemoravi, iam baptismum acceperat, cum Spiritum sanctum
turpissimo mercatui subditum credidit, cui correpto a se Petrus tamen consilium
20 paenitendi dedit. (7) Quid autem agimus de his qui cum baptismi sacramenta pueri
vel etiam infantes perceperint, postea negligenter educati per ignorantiae tenebras
vitam turpissimam ducunt, nescientes omnino quid christiana disciplina iubeat aut
vetet, quid polliceatur et quid minetur, quid credendum, quid sperandum, quid
diligendum sit. (8) Num audebimus peccata eorum propterea non ignorantiae
25 peccata deputare quia baptizati peccaverunt, cum omnino ignorantes et omnino,
quemadmodum dicitur, ubi caput haberent nescientes, in magno errore peccaverint?
17. Quod si eo tempore cum scientia quisque peccasse dicatur quo scit malum
esse quod facit, et tamen facit, cur hoc in Spiritum sanctum solum, non etiam in
Dominum Iesum Christum irremissibile iudicatur? (2) Aut si hoc ipsum esse creditur
peccare vel verbum dicere adversus Spiritum sanctum, quodlibet peccatum cum
5 scientia committere, ut quicquid homines ignorando peccant, in Filium peccare,
quicquid autem scientes peccant, in Spiritum sanctum peccare iudicentur, quaero
quis nesciat malum esse, verbi gratia, corrumpere pudicitiam uxoris alienae, vel eo
ipso certe quod hoc in sua coniuge nollet perpeti, aut fraudare quemquam in
negotio, aut circumvenire mendacio, aut opprimere testimonii falsitate, aut auferen-
10 dae rei causa insidiari et occidere quempiam, et si quid omnino est quod sibi ab
altero fieri non vult, et si fieri senserit, toto corde indubitanter accusat. (3) Aut si
haec ab ignorantibus fieri dicimus, quid inveniemus in quo scientes homines
peccare videantur? (4) Restat ergo ut, si hoc est peccare in Spiritum sanctum,
peccare cum scientia, illis peccatis quae commemoravi negetur paenitendi locus,
15 quoniam peccato in Spiritum sanctum omnem spem veniae Dominus amputavit.
Quod si regula christiana respuit, omnesque illos qui sic peccant ad correctionem
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
peuvent avoir part à la miséricorde divine. (5) Mais si l’on pense que c’est seulement
ce qui est dit contre l’Esprit Saint qui est sans pardon après la réception du baptême
– premièrement, quand le Seigneur en a parlé, il n’a fait d’exception pour aucun
temps, mais a dit comme règle générale : Celui qui dit une parole contre l’Esprit Saint,
il ne lui sera pas pardonné, ni en ce monde, ni dans [le monde] à venir. (6) Ensuite
Simon, dont j’ai parlé un peu plus haut, avait déjà reçu le baptême, quand il crut que
l’Esprit Saint était soumis au commerce le plus infâme. Mais, en le censurant, Pierre
lui a donné un conseil de pénitence. (7) Et puis, que faisons-nous de ceux qui ont
reçu les sacrements du baptême quand ils étaient enfants ou même bébés, et après,
éduqués avec négligence, mènent une vie des plus infâmes dans les ténèbres de
l’ignorance, sans la moindre idée de ce que la discipline chrétienne ordonne ou
défend, ce qu’elle promet et ce qu’elle menace, [ou] ce qu’il faut croire, espérer [et]
aimer ? (8) Oserons-nous considérer que leurs péchés ne sont pas des péchés d’igno-
rance, parce qu’ils ont péché une fois baptisés, alors qu’ignorant tout, et ne sachant
nullement, comme on dit, où ils avaient leur tête, ils ont péché dans un grand
égarement ?
17. Mais si l’on dit que quelqu’un pèche sciemment s’il pèche à l’époque où il
sait que ce qu’il fait est mal, et il le fait tout de même, pourquoi un tel [péché] est-il
jugé impardonnable seulement [s’il est commis] contre l’Esprit Saint, et non pas
contre le Seigneur Jésus Christ ? (2) Ou si l’on croit que pécher, ou dire une parole
contre l’Esprit Saint, c’est justement commettre un quelconque péché sciemment, si
bien que, quand les hommes pèchent dans l’ignorance, on juge qu’ils pèchent contre
le Fils, mais quand ils pèchent sciemment, ils pèchent contre l’Esprit Saint, je
demande : qui ignore que c’est mal, par exemple, de corrompre la chasteté de la
femme d’autrui (tout au moins à cause de cela même, qu’il ne voudrait l’endurer
chez sa propre femme), ou d’user de fraude avec quelqu’un dans une affaire, ou de le
tromper par un mensonge, ou de lui faire du tort par un faux témoignage, ou de
guetter et tuer quelqu’un pour lui enlever ses biens, et tout ce qu’il y a en général
qu’il ne veut pas qu’il lui soit fait par un autre, et s’il se rend compte qu’on le lui fait,
il s’en plaint sans hésitation de tout son cœur ? (3) Ou bien, si nous disons que ces
choses-là sont faites par des ignorants, quelle [situation] trouverons-nous où il
apparaitra que les hommes pèchent sciemment ? (4) Il reste donc que, si pécher
contre l’Esprit Saint, c’est pécher sciemment, la place pour la pénitence est refusée
aux péchés que j’ai mentionnés, puisque le Seigneur a coupé tout espoir de pardon
au péché contre l’Esprit Saint. Mais si la règle chrétienne rejette cela, et ne cesse
vitae vocare non cessat, (5) adhuc quaerendum est quid sit peccare in Spiritum
sanctum, cui peccato venia nulla conceditur.
18. An forte non est dicendus cum scientia peccare qui peccatum ipsum malum
esse novit, et tamen Deum voluntatemque eius ignorans peccat? (2) Hoc enim
videtur et ad Hebraeos dicere, cum dicit: Voluntarie enim peccantibus nobis
postquam accepimus scientiam veritatis, non adhuc relinquitur pro peccatis sacri-
5 ficium. (3) Parum enim erat, si tantummodo diceret voluntarie peccantibus nobis,
nisi adderet postquam accepimus scientiam veritatis, in qua utique Deus voluntasque
eius cognoscitur. (4) Quae sententia videtur congruere dominicae illi sententiae,
cum ait: Servus ignorans voluntatem domini sui, et faciens digna plagis, vapulabit
pauca; servus autem sciens voluntatem domini sui, et faciens digna plagis, vapulabit
10 multa, (5) ut hoc putemus dictum esse, quod dictum est vapulabit pauca, tamquam
si diceret ‘leviter emendatus ad veniam pertinebit’, in eo vero quod dictum est
vapulabit multa, sempiternum supplicium intelligatur, quod minatur peccantibus in
Spiritum sanctum, quibus dicit nunquam posse dimitti peccatum: ut hoc sit peccare
in Spiritum sanctum, cognita Dei voluntate peccare. (6) Quod si ita est, cogitari
15 oportet et discuti prius quando cognoscatur voluntas Dei. (7) Nonnulli enim et ante
perceptum baptismi sacramentum cognoverunt eam. Nam et Cornelius centurio
voluntatem Dei utique apostolo Petro docente cognovit, et ipsum Spiritum sanctum
manifestissimis coattestantibus signis, antequam baptizaretur, accepit, quamquam
non ideo sacramenta illa contempserit, sed multo certior baptizatus sit, ut etiam ipsa
20 sacrosancta signacula, quorum res in eo praecesserant, ad perficiendam scientiam
veritatis percipere nullo modo moraretur. (8) Multi autem nec post acceptum
baptismum curant cognoscere voluntatem Dei. Quapropter quisquis ante baptismum
cognita Dei voluntate peccaverit, non possumus dicere aut ullo modo credere, cum
ad baptismum accesserit, non ei dimitti omnia quaecumque peccavit. (9) Huc
25 accedit quod cum voluntas Dei in diligendo Deo et proximo breviter insinuetur
credentibus, ita ut in his duobus praeceptis tota lex pendeat et omnes prophetae, –
dilectionem autem proximi, id est (10) dilectionem hominis, usque ad inimici
dilectionem nobis Dominus ipse commendat – (11) et videmus quam multi iam
18,3–5 Hebr. 10,26 8–10 Lc. 12,48.47 16–19 nam…sit] cf. Act. 10 25sq. cum…prophetae] cf.
Mt. 22,37–40 27sq. usque…commendat] cf. Mt. 5,44; Lc. 6,27
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
18,2 hoc] quod edd ‖ 7 scientia U B edd | videtur om. B1 A H (ac.) ‖ 8 faciens] non faciens E S V
γ2 (ac. R) B ‖ 9 paucis E2 d | faciens] non faciens E d K Z (pc.) γ2 (ac. R) ‖ 10 multa om. c ; multis E2
d | ut] et O E S U Am | paucis E2 d ‖ 11 leniter V B | emendatus] enim datus (datur M) c ‖ 12 vapula-
bit om. Z γ | multa om. c; multis E2 d ‖ 13 dimitti posse tr. Λ ‖ 15 cognoscitur κ ‖ 16 sacra-
mentum baptismi tr. c ‖ 17 Dei] Domini E d | dicente O S W ‖ 18 attestantibus T V ; contestantibus
c | excepit d ‖ 19 certius Λ Er Lov μ ‖ 20 signacula] quae add. γ2 | praecesserat Λ B edd
22 curant … baptismum2 om. T V | quisquis] quis (quod in Ξ credo fuisse) K Z; siquis c ; qui γ
17,4 – 18,11 | 183
d’appeler tous ceux qui pèchent ainsi à corriger leur vie, (5) il faut encore chercher
ce que c’est de pécher contre l’Esprit Saint, ce péché auquel nul pardon n’est
accordé.
18. Ou peut-être ne doit-on pas dire que celui-là pèche sciemment, qui sait que
le péché lui-même est un mal, et pèche en ignorant cependant Dieu et sa volonté ?
(2) C’est en effet ce qu’il semble aussi dire aux Hébreux, quand il dit : Quand nous
péchons volontairement, après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne nous reste
plus de sacrifice pour les péchés. (3) En effet, c’eût été trop peu, s’il avait dit quand
nous péchons volontairement, s’il n’avait ajouté après avoir reçu la connaissance de la
vérité, par laquelle, évidemment, Dieu et sa volonté deviennent connus. (4) Cette
sentence semble s’accorder avec la sentence du Seigneur, où il dit : L’esclave qui
ignore la volonté de son maître, et fait ce qui mérite des coups, sera battu un peu. Mais
l’esclave qui connait la volonté de son maître, et fait ce qui mérite des coups, sera
beaucoup battu. (5) Ainsi, on croira que les paroles il sera battu un peu furent dites
comme s’il disait « ayant été légèrement corrigé, il aura droit au pardon » ; mais par
les paroles il sera beaucoup battu, on comprendra le supplice éternel, dont il menace
ceux qui pèchent contre l’Esprit Saint, auxquels il dit que leur péché ne peut jamais
être pardonné. Alors pécher contre l’Esprit Saint, ce sera pécher en connaissant la
volonté de Dieu. (6) S’il en est ainsi, il faut d’abord considérer et examiner à quel
moment la volonté de Dieu devient connue. (7) Certains, en effet, l’ont même connue
avant d’avoir reçu le sacrement du baptême. Ainsi Corneille le centurion, lui aussi, a
connu la volonté de Dieu, évidemment par l’enseignement de l’apôtre Pierre, et
avant d’être baptisé il a reçu l’Esprit Saint même, comme en témoignèrent des signes
très clairs. Cependant il n’a pas pour autant méprisé ces sacrements, mais il a été
baptisé avec bien plus de certitude, ne voulant nullement tarder de recevoir, pour
perfectionner sa connaissance de la vérité, les très saints signes des choses qui
étaient venues en avance en lui. (8) D’autre part, beaucoup ne s’intéressent pas à
connaitre la volonté de Dieu même après le baptême. C’est pourquoi, quant à celui
qui pèche avant le baptême [mais] après avoir connu la volonté de Dieu, nous ne
pouvons ni dire ni croire d’aucune façon, que, quand il accède au baptême, tous les
péchés qu’il a commis ne lui sont pas remis. (9) De plus, alors que la volonté de Dieu
est communiquée brièvement aux croyants comme [consistant à] aimer Dieu et son
prochain, si bien que toute la Loi et tous les prophètes sont contenus dans ces deux
préceptes – et le Seigneur lui-même nous ordonne [d’étendre] l’amour du prochain,
c’est-à-dire (10) l’amour de l’homme, jusqu’à l’amour de l’ennemi – (11) et nous
voyons combien d’hommes déjà baptisés admettent que ces [enseignements] sont
23 peccaverit] cum peccant T V | dicere] eos add. T V | ullo] nullo T V Z (ac.) M R ‖ 24 accesserit]
accesserint aut T V | eis T V | peccaverint T V ‖ 25 quod] quo K Z | cum om. B edd | deum et pro-
ximum c ‖ 26 omnes om. E T V | prophetiae c ‖ 27 autem om. γ ‖ 28 commendet videamus T V
184 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
baptizati et vera esse ista fateantur et tamquam Domini praecepta venerentur, cum
30 autem perpessi fuerint alicuius inimicitias, ita rapiuntur animo ad ulciscendum et
tantis inardescunt facibus odiorum, ut nec prolato et recitato evangelio placari
possint. Et talibus hominibus iam baptizatis ecclesiae plenae sunt. (12) Quos tamen
spiritales viri fraterne admonere non cessant, et in spiritu lenitatis instanter
instruunt, ut huiusmodi tentationibus occurrere ac resistere parati sint, et magis
35 diligant in Christi pace regnare quam de inimici oppressione laetari. (13) Quod
inaniter fieret, si talium peccatorum nulla spes veniae, nulla paenitentiae medicina
remaneret. (14) Et certe caveant qui hoc sentiunt, ne David patriarcham divina
electione probatum atque laudatum ignorasse affirment voluntatem Dei, cum
alienae coniugis amore perculsus etiam maritum eius decipiendum necandumque
40 curavit. De quo tamen scelere cum esset primo sua, deinde prophetae voce damna-
tus, paenitendi humilitate et peccati confessione liberatus est. (15) Sed plane
vapulavit multa, et exemplo suo docuit intelligi non ad sempiternam poenam, sed ad
severiorem disciplinam pertinere quod dictum est a Domino: Qui autem novit
voluntatem domini sui, et facit digna plagis, vapulabit multa.
19. Nam et illud ad Hebraeos qui diligentius pertractant, sic intelligunt, ut non
de sacrificio contribulati per paenitentiam cordis accipiendum sit quod dictum est
(2) non adhuc pro peccatis relinquitur sacrificium, sed de sacrificio de quo tunc loque-
batur apostolus, id est holocausto dominicae passionis, quod eo tempore offert
5 quisque pro peccatis suis, quo eiusdem passionis fide dedicatur, et christianorum
fidelium nomine baptizatus imbuitur, ut hoc significaverit apostolus: non posse
deinceps eum qui peccaverit iterum baptizando purgari. (3) Quo intellectu non
intercluditur paenitendi locus: ita sane ut eos qui nondum baptizati sunt nondum
plenam scientiam veritatis accepisse fateamur. (4) Ex quo conficitur ut omnis qui
10 scientiam veritatis accepit etiam baptizatus intelligatur, non autem omnis baptizatus
etiam scientiam veritatis acceperit, propter quorundam posteriorem provectum vel
miserabilem negligentiam. Et tamen illud sacrificium de quo loquebatur, id est
holocaustum Domini, quod tunc pro unoquoque offertur quodammodo cum eius
nomine in baptizando signatur, iterum si peccaverit offerri non potest. (5) Non enim
15 possunt denuo baptizari qui semel baptizati sunt, quamvis etiam post baptismum
per ignorantiam veritatis peccaverint. (6) Ita fit ut, quoniam sine baptismo nemo
32–34 quos…instruunt] cf. Gal. 6,1 37–41 ne…est] cf. 2 Reg. 11,1–12,25 43sq. Lc. 12,47
19,1sq. ut…cordis] cf. Ps. 50,19 3 Hebr. 10,26
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
vrais, et les vénèrent comme des préceptes du Seigneur ; mais quand ils ont souffert
l’inimitié de quelqu’un, ils sont tellement emportés vers la vengeance dans leur
esprit, et ils brûlent avec de tels feux de haine, que l’on ne peut les apaiser même en
proférant et récitant l’Évangile. Et les églises sont pleines d’hommes de ce genre,
déjà baptisés. (12) Néanmoins, les hommes spirituels ne cessent de les avertir
fraternellement, et les instruisent avec empressement dans un esprit de douceur,
pour qu’ils soient prêts à faire front à de telles tentations et à y résister, et pour qu’ils
préfèrent plutôt régner dans la paix du Christ que se réjouir en écrasant leurs
ennemis. (13) Ceci se ferait en vain, s’il ne restait à de tels péchés aucun espoir de
pardon, aucun remède par la pénitence. (14) Et ceux qui pensent ainsi doivent
prendre garde d’affirmer que David, le patriarche approuvé et loué par l’élection
divine, avait ignoré la volonté de Dieu, quand il s’évertua, poussé par l’amour de la
femme d’un autre, à tromper aussi son mari, et à le faire périr. Mais après qu’il eut
été condamné pour ce crime premièrement par sa propre voix, puis par celle du
prophète, il en fut libéré par l’humilité de sa pénitence et la confession de son péché.
(15) Mais, certainement, il fut beaucoup battu, et a enseigné par son exemple, qu’il
faut comprendre qu’il s’agit non pas de la peine éternelle, mais d’une discipline plus
sévère, quand il est dit par le Seigneur : Mais celui qui connait la volonté de son
maître et fait ce qui mérite des coups, sera beaucoup battu.
19. En effet, ceux qui examinent aussi avec plus d’attention ces [paroles] aux
Hébreux, les comprennent de façon à ne pas appliquer au sacrifice d’un cœur
meurtri par la pénitence les mots (2) il ne reste plus de sacrifice pour les péchés, mais
au sacrifice duquel parlait alors l’apôtre, c’est-à-dire l’holocauste de la passion du
Seigneur, que chacun offre pour ses propres péchés au moment où il est consacré
dans la foi en cette même passion, et imprégné du nom des fidèles chrétiens dans le
baptême. Ainsi l’apôtre indiquerait que celui qui a péché ne peut ensuite être purifié
de nouveau par le baptême. (3) Dans une telle interprétation, la place pour la
pénitence n’est pas éliminée – sous condition, bien sûr, que nous admettions que
ceux qui ne sont pas encore baptisés n’ont pas encore reçu la connaissance entière
de la vérité. (4) De là, il ressort que tout ceux qui ont reçu la connaissance de la
vérité doivent aussi être compris comme baptisés, mais tout baptisé n’a pas aussi
reçu la connaissance de la vérité, à cause du progrès moins rapide ou de la
négligence pitoyable de certains. Et pourtant ce sacrifice dont il parlait, c’est-à-dire
l’holocauste du Seigneur, qui est offert d’une certaine façon pour chacun, au
moment où il est marqué par son nom dans le baptême, ne peut être offert de
nouveau s’il pèche. (5) Car ceux qui ont été baptisés une fois ne peuvent être
baptisés de nouveau, même s’ils ont aussi péché par ignorance de la vérité après le
baptême. (6) Par conséquent, puisque l’on ne peut pas dire correctement que
19,6 baptizatus] fuerit add. L1 (ac.) M; sit add. F | significarit O E2 (significavit ac.) S U ‖ 8 interdicitur
c | nondum1] non Λ (om. E) ‖ 9 fateantur c γ ‖ 10 accipit c γ ‖ 11 accepit F B edd | posteriorum S
U (ac.) B Er Lov μ | profectum γ B Er Lov ‖ 12 id est] idem L1 (uv.) M ‖ 14 in] iam c | peccaverint K Z γ
186 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
recte dicitur accepisse scientiam veritatis, omnis qui accepit eam, non ei relinquatur
pro peccatis sacrificium, hoc est non possit denuo baptizari, nec tamen omnis qui
non accepit per doctrinam scientiam veritatis debeat arbitrari posse pro se illud
20 offerri sacrificium, si iam oblatum est; id est (7) si iam eiusdem veritatis per
baptismum sacramenta percepit, non potest iterum baptizari. Tamquam si dicere-
mus omnem hominem non esse quadrupedem. Non ideo tamen omne animal quod
homo non est etiam quadrupes esset. (8) Eos enim qui iam baptizati fuerint curari
melius dicimus per paenitentiam, non renovari, quia renovatio in baptismo est, ubi
25 quidem operatur paenitentia, sed tamquam in fundamento. (9) Manente itaque
fundamento, recurari aedificium potest; si autem fundamentum iterare quis voluerit,
totum aedificium subvertat necesse est. (10) Propterea hoc dicit Hebraeis, qui ex
novo testamento ad sacerdotium vetus declinasse videbantur: Ideoque remittentes,
inquit, initii Christi verbum, in consummationem respiciamus, non iterum iacientes
30 fundamentum paenitentiae a mortuis operibus et fidei in Deum, lavacri doctrinae,
impositionis manus, resurrectionis etiam mortuorum, et iudicii aeterni. (11) Ista
omnia in baptismo traduntur, quae negat esse repetenda, utique in consecrandis
fidelibus. Nam in verbi Dei tractatione atque doctrina non iterum tantum sed saepius
dicenda sunt, sicut rerum de quibus disseritur opportunitas flagitat.
20. An vero iam illud occurret, ut non si quodlibet peccatum sciens admiserit,
sed si proprie peccatum in Spiritum sanctum sciens admiserit, tunc non habere
veniam iudicetur? (2) Quo loco quaeri potest utrum scirent Iudaei per Spiritum
sanctum operari Dominum, quando eum in principe daemoniorum daemonia
5 excludere blasphemabant. (3) Miror autem quomodo possent in illo Spiritum
sanctum cognoscere, cum ipsum Dominum Filium Dei esse nescirent, in illa scilicet
caecitate quae ex parte Israel facta est, donec plenitudo gentium intraret. (4) De qua
opportunius suo loco, Domino adiuvante atque permittente, tractabitur. Deinde si
diiudicatio spirituum illa intelligitur, qua quisque diiudicat utrum in quoquam
10 Spiritus sanctus an fallaciae spiritus operetur, haec autem diiudicatio certo quodam
tempore per Spiritum sanctum fidelibus datur, sicut alio loco idem apostolus dicit,
(5) quomodo poterant infideles Iudaei sine isto munere diiudicare, utrum per
Spiritum sanctum Dominus operaretur? Et tamen in eis, ut iusta poena ferirentur,
28–31 Hebr. 6,1sq. 20,3–5 scirent…blasphemabant] cf. Mt. 12,24 7 Rom. 11,25 10sq. haec…di-
cit] cf. 1 Cor. 12,10
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ)
quelqu’un sans le baptême a reçu la connaissance de la vérité, pour chacun qui l’a
reçue, il ne reste plus de sacrifice pour le péché, c’est-à-dire qu’il ne peut être baptisé
de nouveau. Mais tous ceux qui n’ont pas reçu par l’enseignement la connaissance
de la vérité ne doivent pas penser que ce sacrifice peut être offert pour eux, au cas où
il aurait déjà été offert. C’est-à-dire que (7) si [quelqu’un] a déjà reçu par le baptême
les sacrements de cette même vérité, il ne peut être baptisé une seconde fois. C’est
comme si nous disions que tout homme n’est pas un quadrupède. Pour autant, tout
animal qui n’est pas un homme ne serait pas aussi un quadrupède. (8) Donc, pour
ceux qui ont déjà été baptisés, il vaut mieux que nous disions qu’ils sont guéris par
la pénitence, et non pas renouvelés, puisque le renouveau est dans le baptême, où la
pénitence agit, il est vrai, mais, pour ainsi dire, sur la fondation. (9) Si donc la
fondation reste en place, l’édifice peut être réparé. Mais si quelqu’un veut refaire la
fondation, il doit renverser tout l’édifice. (10) C’est ainsi qu’il dit ceci aux Hébreux,
qui semblaient s’être détournés du nouveau testament vers l’ancien sacerdoce :
Donc, dit-il, laissant de côté la parole du début sur le Christ, regardons vers l’accom-
plissement, sans jeter une seconde fois la fondation de la pénitence des œuvres
mortes, et de la foi en Dieu, de l’enseignement du bain, de l’imposition des mains, et
aussi de la résurrection des morts, et du jugement éternel. (11) Toutes ces choses sont
transmises dans le baptême, et il dit qu’il ne faut pas les répéter, bien entendu dans
la consécration des fidèles. Car dans l’explication de la parole de Dieu et dans
l’enseignement, il ne faut pas les dire seulement deux fois, mais très souvent, selon
que l’exige l’occasion [offerte] par les choses que l’on explique.
20. Mais peut-être que maintenant cet [argument] se présentera : ce n’est pas
quand on commet sciemment un péché quelconque, mais quand on commet sciem-
ment un péché [qui serait] précisément contre l’Esprit Saint, que l’on est condamné à
ne pas obtenir de pardon. (2) Ici on peut se demander si les Juifs savaient que le
Seigneur agissait par l’Esprit Saint, quand ils blasphémaient, [disant] qu’il chassait
les démons par le prince des démons. (3) Mais je me demande comment ils pou-
vaient connaitre l’Esprit Saint en lui, puisqu’ils ignoraient que le Seigneur lui-même
était le Fils de Dieu, justement dans cet aveuglement qui est survenu pour une partie
d’Israël, jusqu’à l’entrée de la totalité des gentils. (4) Quant à cela, on en parlera plus
opportunément à sa place, si Dieu nous aide et le permet. Enfin, si l’on comprend
par le discernement des esprits, ce [discernement] par lequel chacun discerne si c’est
l’Esprit Saint ou un esprit trompeur qui agit dans un individu, et [si] ce discernement
est donné à un certain moment aux fidèles par l’Esprit Saint, comme ce même apôtre
le dit ailleurs, (5) comment les Juifs infidèles pouvaient-ils discerner sans ce don si le
Seigneur agissait par l’Esprit Saint ? Et pourtant, pour qu’ils soient frappés d’une
20,1 non] iam add. d μ ‖ 4 principem S U ‖ 6 in om. T V ‖ 7 quae] qua L1 F | Israel] in Israel Ξ B
edd | qua] quo c B1 ‖ 8 atque] aut c ‖ 9 diiudicatio] iudicatio S (ac.) T V | diiudicat] diiudicatur κ
10 an] aut A H R | facile c A | operatur Ξ | quodam] quidem c ‖ 12 quomodo] quo M Am | infideles
om. Ξ | sine om. Ξ ‖ 13 ut in eis tr. γ | ut om. κ | ista T V | fieret K Z γ ; fierent c
188 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
14sq. et…compararunt] Mt. 26,59 15 et1 …caperent] cf. Mt. 22,15; Mc. 12,13; Lc. 20,20
15–17 et2 …sunt] cf. Mt. 28,11–15 21,14sq. 1 Tim. 1,13 17–19 Tit. 3,3
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P)) B edd (Am Er Lov μ) ‖ 22,5 si inc. C V1
peine juste, des signes très clairs de mauvaise volonté se sont manifestés en eux,
puisqu’ils ont préparé de faux témoins contre lui, et suborné des hypocrites pour le
piéger dans ses paroles ; (6) et quand on leur annonça les prodiges terribles qui se
produisirent à sa résurrection, ils ont tenté de disséminer de fausses rumeurs, et de
cacher la vérité en corrompant les gardes. Et, comme le montre la narration des
Évangiles, d’autres signes d’un esprit malicieux et venimeux sont apparus chez eux.
21. C’est ainsi que maintenant on commence, pour ainsi dire, à voir en pleine
lumière que celui qui pèche contre l’Esprit Saint, c’est celui qui, avec un esprit
malveillant, résiste aux œuvres qui sont faites par l’Esprit Saint. (2) En effet, même
s’il ignore s’il s’agit de l’Esprit Saint, si toutefois sa pensée est telle, qu’il préfère que
les œuvres dont il est jaloux ne soient pas de l’Esprit Saint (non pas parce qu’elles
sont mauvaises, mais parce qu’il est jaloux d’elles, parce qu’il est opposé par sa
malice à la bonté elle-même), on juge correctement qu’il pèche contre l’Esprit Saint.
(3) Néanmoins, si quelqu’un, même parmi ce groupe d’hommes, contre lesquels le
Seigneur a lancé cette accusation, venant à la foi du Christ, et ayant maîtrisé sa
jalousie par les souffrances de la pénitence, demandait le salut avec des larmes,
comme certains d’entre eux l’ont peut-être fait aussi – je demande si quelqu’un est
assez endurci dans l’erreur, soit pour nier qu’il fallait les admettre au baptême du
Christ, soit pour prétendre qu’ils y ont été admis en vain. (4) En effet, si celui qui
blasphème par jalousie contre les œuvres divines doit être considéré comme péchant
contre l’Esprit Saint, parce que dans sa malice il résiste aux bonnes choses de Dieu,
c’est-à-dire aux dons de Dieu, et qu’alors il ne peut avoir d’espoir du pardon, voyons
si ce même apôtre Paul était de ce nombre. (5) Il dit en effet : Moi qui fus auparavant
un blasphémateur et un persécuteur et un insolent ; mais j’ai accédé à la miséricorde,
parce que j’ai agi en ignorant dans l’incrédulité. (6) Ou est-ce peut-être qu’il ne relève
pas de ce genre de crime, parce qu’il n’était pas jaloux ? (7) Écoutons ce qu’il dit
ailleurs : Nous étions, dit-il, sots nous aussi autrefois, et incrédules, égarés, servant
nos plaisirs et nos désirs divers, agissant dans la malice et la jalousie, abominables,
nous détestant les uns les autres.
22. Si donc l’accès au baptême du Christ n’est fermé ni aux païens, ni aux
Hébreux, ni aux hérétiques ou schismatiques qui ne sont pas encore baptisés, s’ils
condamnent leur vie antérieure, et se transforment pour le mieux, bien qu’ils se
soient opposés au christianisme et à l’Église de Dieu avant d’être lavés par les
sacrements chrétiens, et qu’ils aient résisté à l’Esprit Saint avec toute l’hostilité dont
ils étaient capables ; (2) si l’aide de la miséricorde n’est pas refusée non plus aux
11 qui μ+] quis Λ c edd; quisquis K Z μ (marg.) (an recte?); quisquam γ | blasphemet S U ; blasphemans
γ | hoc … Dei2 om. T V Ξ ‖ 12 sanctum Spiritum tr. c ‖ 13 estimandus T V | eo] eodem Ξ (vix recte
ante idem) | idem om. V μ ‖ 14 et1] et qui c ‖ 17 enim om. c ‖ 19 agentes Z c
22,1 nec2 om. Z; aut K γ | nec haereticis om. c | aut schismaticis om. Λ ‖ 3 commutetur O E S (ac.)
4sq. infestinatione c ‖ 5 resisterunt O E B Am Er Lov ‖ 6 sancto Spiritui tr. K Z P C V1
190 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
22,16sq. Mt. 12,33 23,3 Mt. 4,17 6sq. non…saeculum2] cf. Io. 3,17 7sq. Mt. 9,2 9–12 quid…
tuam] cf. Mt. 9,5sq.
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P) C V1) B edd (Am Er Lov μ) ‖ 23,15sq. grati-
am2 … Dei] cf. Retr 1,25
hommes qui ont reçu la connaissance de la vérité jusqu’au [stade de] la réception des
sacrements, et sont tombés après cela dans la résistance à l’Esprit Saint, s’ils retour-
nent à la raison et demandent la paix de Dieu par la pénitence ; (3) si enfin, parmi
ceux-là mêmes à qui le Seigneur avait reproché le blasphème contre l’Esprit Saint
prononcé par eux, si certains, devenus plus sages, ont cherché refuge dans la grâce
de Dieu, ils ont sans aucun doute été guéris – que reste-t-il d’autre, sinon que le
péché contre l’Esprit Saint, dont le Seigneur dit qu’il ne sera pardonné ni dans ce
monde ni dans [le monde] à venir, ne peut être compris comme rien d’autre, si ce
n’est la persévérance dans le vice et la malice, sans espoir de l’indulgence de Dieu ?
(4) Voici, en effet, en quoi consiste la résistance à sa grâce et à sa paix, à propos
desquelles est survenue notre discussion ici. En effet, on peut conclure que la place
pour se corriger et se repentir n’était pas fermée aux Juifs mêmes auxquels le
Seigneur reprocha leur blasphème, du fait que ce même Seigneur, au sein même de
ses reproches, leur dit : Ou bien faites un bon arbre, avec son bon fruit ; ou bien faites
un mauvais arbre, avec son mauvais fruit. (5) Ceci, bien entendu, leur aurait été dit
sans aucune raison, si, à cause de ce blasphème, ils ne pouvaient plus changer leur
esprit pour le mieux, et produire des fruits de bonnes œuvres, ou s’il les auraient
même produits en vain, sans [obtenir] le pardon de leur péché.
23. Donc, puisque le Seigneur chassait les démons dans l’Esprit de Dieu, et
guérissait les autres maladies et faiblesses des corps humains, pour une seule
raison, pour qu’on le crût quand il disait : Repentez-vous, car le royaume des cieux va
s’approcher – (2) car les péchés sont pardonnés invisiblement, et il donnait la foi en
cette rémission par les miracles. C’est ce qui est montré très clairement avec ce
paralytique. (3) En effet, après lui avoir d’abord conféré le don invisible, pour lequel
il était venu (car le fils de l’homme n’était pas alors venu pour juger le monde, mais
pour sauver le monde) – donc quand il eut dit, (4) tes péchés sont pardonnés, et des
murmures s’étaient élevées des Juifs indignés, parce qu’il leur semblait qu’il s’arro-
geait un pouvoir si grand, Qu’est-ce qu’il est plus facile, dit-il, de dire ? Tes péchés
sont pardonnés ? Ou de dire : lève-toi et marche ? Mais pour que vous sachiez que le
fils de l’homme a le pouvoir de pardonner les péchés, (il dit au paralytique) Je te le
dis : Lève-toi, prends ton grabat, et va à ta maison. (5) Par cet acte et par ces paroles il
manifesta très ouvertement qu’il faisait ces choses dans les corps, pour que l’on croie
que les âmes étaient libérées par la rémission des péchés, c’est-à-dire pour que le
pouvoir invisible meritât la foi à travers le pouvoir visible – (6) Donc, parce qu’il
faisait toutes ces choses dans l’Esprit de Dieu, pour prodiguer aux hommes la grâce
et la paix (la grâce dans le pardon des péchés, la paix dans la réconciliation avec
6 iam om. T V | filius hominis om. T V ‖ 7 saeculum1 om. S (ac.) T V | servaret B Er Lov μ | saeculum2
Λ C V1] mundum (e Vulgata. Cf. Aug. serm. 5,1) Ξ (exc. C V1) B Am Er Lov ‖ 8 eis om. O (pc.) E (pc.); is
Ξ (exc. C V1; hiis H) ‖ 9 peccata] tua add. c ‖ 10 autem om. Ξ ‖ 11 surge] et add. E T V ‖ 12 quo]
quod C V1 (ac.) | declaruit O Z P (ac.) H Am ‖ 14 meretur T (ac.) c ‖ 15 illa] ille E U Ξ (om. F)
15sq. in dimissione peccatorum gratiam tr. Ξ ‖ 15sq. dimissionem U (ac.) T V H
192 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
sione peccatorum, pacem in reconciliatione Dei, a quo separant sola peccata), cum
dixissent Iudaei quod in Beelzebub eiceret daemonia, misericorditer eos voluit
admonere, ne verbum dicerent et blasphemiam in Spiritum sanctum, hoc est, ne
gratiae Dei pacique resisterent, quam per Spiritum sanctum donare Dominus
20 venerat, (7) non quia iam hoc fecerant quod sibi neque in hoc saeculo neque in
futuro dimitteretur, sed ne desperando de venia, aut quasi de sua iustitia prae-
sumendo et paenitentiam non agendo, aut perseverando in peccatis, hoc facerent.
Hoc modo enim verbum dicerent, hoc est blasphemarent in Spiritum sanctum, in
quo Dominus signa illa propter largiendam gratiam pacemque faciebat, si perseve-
25 rantia peccatorum ipsi gratiae pacique resisterent. (8) Verbum enim dicere non ita
videtur hic positum, ut tantummodo illud intelligatur quod per linguam fabricamus,
sed quod corde conceptum etiam opere exprimimus. (9) Sicut enim non confitentur
Deum qui tantum oris sono confitentur, non etiam bonis operibus – nam de his
dictum est: Confitentur enim se nosse Deum, factis autem negant. Ex quo manifestum
30 est dici aliquid factis, sicut manifestum est negari aliquid factis. – (10) et sicut illud
quod ait apostolus, Nemo dicit ‘Dominus Iesus’ nisi in Spiritu sancto, non potest recte
intelligi, nisi ut factis dicere intelligatur – (11) non enim hoc in Spiritu sancto dicere
putandi sunt, quibus ipse Dominus dicit: Utquid mihi dicitis ‘Domine, Domine’ et non
facitis quae dico vobis?, et illud: Non omnis qui dicit mihi ‘Domine, Domine’ intrabit in
35 regnum caelorum – (12) sic etiam qui hoc verbum, quod sine venia vult intelligi
Dominus, in Spiritum sanctum dicit, hoc est qui desperans de gratia et pace quam
donat in peccatis suis perseverandum sibi esse dicit, nec dicere intelligendus est si
non facit, ut quomodo illi factis Deum negant, sic isti factis dicant se in mala vita
sua et perditis moribus perseveraturos, et etiam ita faciant, hoc est perseverent.
40 (13) Quod si faciunt, quis iam miretur aut quis non intelligat et Dominum Iesum
Christum per illam comminationem ad paenitentiam vocasse Iudaeos, ut eis in se
credentibus gratiam pacemque donaret, et huic gratiae pacique resistentibus, et hoc
modo verbum atque blasphemiam in Spiritum sanctum dicentibus, hoc est in pecca-
tis suis desperata atque impia mentis obstinatione perseverantibus, et adversus
17 dixissent…daemonia] cf. Mt. 12,24 29 Tit. 1,16 31 1 Cor. 12,3 33sq. Lc. 6,46 34sq. Mt. 7,21
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P) C V1) B edd (Am Er Lov μ)
17 Beelzebub] principe daemoniorum add. T V | eicit T V; eicerent F C; eijecerit Am | voluit eos tr. V
γ2 ‖ 18 Spiritu sancto K Z γ ‖ 19 Dei om. c ‖ 20 hoc1 om. T V ‖ 22 aut] ac O E T C V1
23 verbum dicerent Λ C V1] dicerent verbum tr. Ξ (exc. C V1) B edd | est om. c | blasphemare κ (ac. Z);
blasphemiam B edd ‖ 24 largiendum c ‖ 24sq. perseverantiam E2 Z (ac.) V1 ‖ 25 ipsa gratia c
27 quod] quo K Z | opere] ore Ξ ‖ 28 sono oris tr. Ξ ‖ 29 enim om. E d C ‖ 30 est1 om. c | dicere O
E S U | dici … est2 om. C V1 | sicut1 … factis2 om. Λ | illud] id L1 M ‖ 31 Dominus Iesus Λ C] Dominum
Iesum K Z γ V1; Dominum Deum c | sancto] dicere add. E S (ac.) T V (lectio ambigua in Λ?) ‖ 32 ut] in
B edd ‖ 33 sint B Am Er Cam ‖ 34 mihi dicit tr. B edd ‖ 35 sic] sicut O E S U B Am; si c | qui om.
Ξ (exc. C V1) ‖ 36 dictum γ1 | hoc] hic P W B1 R | desperans de] desperande C V1 ‖ 37 dicit esse tr. c
nec om. Λ; ne B Er Lov ‖ 37sq. si non facit] factis T V μ ; si non faciat γ Lov ‖ 38 quomodo] quo c
23,6 – 13 | 193
Dieu, de qui seuls les péchés [nous] séparent), quand les Juifs avaient dit qu’il
chassait les démons par Béelzéboub, il voulut les avertir dans sa miséricorde, afin
qu’ils ne dissent pas une parole et un blasphème contre l’Esprit Saint, c’est-à-dire
afin qu’ils ne résistassent pas à la grâce et à la paix de Dieu, que le Seigneur était
venu donner par l’Esprit Saint. (7) Non pas qu’ils avaient déjà fait ce qui ne leur
serait pardonné ni dans ce monde ni dans [le monde] à venir, mais pour éviter qu’ils
le fissent, en désespérant du pardon, ou en présumant de leur propre justice sans
faire pénitence, ou en persévérant dans leurs péchés. C’est en effet de cette façon
qu’ils diraient une parole, c’est-à-dire qu’ils blasphémeraient, contre l’Esprit Saint,
dans lequel le Seigneur faisait ces signes pour prodiguer la grâce et la paix : s’ils
résistaient par la persévérance dans les péchés à la grâce et à la paix elles-mêmes.
(8) Car « dire une parole » ne semble pas être mis ici pour que l’on comprenne
seulement ce que nous façonnons avec notre langue, mais ce que, conçu dans notre
cœur, nous exprimons aussi par nos œuvres. (9) En effet, tout comme ceux-là ne
confessent pas Dieu, qui le confessent seulement avec le son de leur bouche, sans
ajouter les bonnes œuvres – car c’est d’eux qu’il est dit : Ils confessent en effet qu’ils
connaissent Dieu, mais ils le nient par leurs actes. D’où il est clair que quelque chose
peut se dire par les actes, tout comme il est clair que quelque chose peut se nier par
les actes – (10) Et tout comme ce que dit l’apôtre, Personne ne dit « Seigneur Jésus »,
sauf dans l’Esprit Saint, ne peut être bien compris, à moins que l’on comprenne
« dire avec les actes » – (11) car on ne doit pas penser qu’ils le disent dans l’Esprit
Saint, ceux à qui le Seigneur lui-même dit : Pourquoi me dites-vous « Seigneur,
Seigneur » et vous ne faites pas ce que je vous dis ? puis ceci : Tous ceux qui me disent
« Seigneur, Seigneur » n’entreront pas dans le royaume des cieux – (12) de même,
celui-là aussi qui dit cette parole contre l’Esprit Saint, dont le Seigneur veut que l’on
comprenne qu’elle ne peut être pardonnée, à savoir celui qui, en désespérant de la
grâce et de la paix que donne [le Seigneur], dit qu’il doit persévérer dans ses péchés,
ne doit pas, non plus, être considéré comme ayant dit [cette parole] s’il ne la met pas
en action. Ainsi, tout comme ceux-là renient le Seigneur par les actes, de même ceux-
ci disent par les actes qu’ils vont persévérer dans leur vie mauvaise et leurs mœurs
dépravées, et puis ils le font, c’est-à-dire : ils persévèrent. (13) S’ils font ainsi, qui
serait désormais étonné [d’apprendre], ou qui ne comprendrait pas, d’abord que le
Seigneur Jésus Christ ait appelé les Juifs à la pénitence par cette menace, afin qu’ils
crussent en lui et qu’il leur donnât la grâce et la paix, et puis que, pour ceux qui
résistent à cette grâce et cette paix, et qui disent ainsi une parole et un blasphème
contre l’Esprit Saint, c’est-à-dire pour ceux qui persévèrent dans leurs péchés par
Deum] Dominum U F P (ac.) B edd | isti] in add. B Er Lov ‖ 39 et etiam ita scripsi] ut et agnita O E S U;
et ita T V; ut etiam ita Ξ B edd | hoc] id γ1 ‖ 40 quod si om. c | faciant γ | quis2] iam add. C V1
42 huic] huc C V1 ‖ 43 Spiritu sancto O E S
194 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Λ (O E d (S U T V)) Ξ (κ (K Z c (L1 F M)) γ (γ1 (γ2 (B1 A H R) W) P) C V1) B edd (Am Er Lov μ)
46 posse concedi veniam tr. S U ; posse concedi poenitentiam T V | concedere B Am Er Cam | quae si
ita] quesita c ‖ 47 de om. C V1 | pacem C V1 | nostro om. T V C V1 ‖ 49 re tanta] hac tanta re γ
50sq. desiderandam d (desiderandum U); desiderando c ‖ 51 apostoli om. c ‖ 52 textum om. c
53 vestigabimus Λ K A C V1 B edd] investigabimus Z c γ (exc. A) | ut] ut in K Z (ac.) C V1 B | huius]
salutatione add. K Am Er Lov
23,13 – 15 | 195
https://doi.org/10.1515/9783110594782-006
Commentaire | 197
Augustin restreint le but de Paul à la réfutation de la doctrine juive sur les mé-
rites des œuvres de la loi (merita operum legis, 1,1 ; sur merita, voir n. à 6,1, tam-
quam enim meritis). Il donne des notes introductives très similaires en in Gal. 1 (Cau-
sa propter quam scribit apostolus ad Galatas, haec est, ut intellegant gratiam Dei id
secum agere, ut sub l e g e iam non sint [La raison pour laquelle l’apôtre écrit aux
Galates est la suivante : pour qu’ils comprennent que la grâce de Dieu agit sur eux,
pour qu’il ne soient plus sous la L o i ]) et in Rom. prol. (Sensus hi sunt in epistola ad
Romanos Pauli apostoli: primo omnium, ut quisque intellegat in hac epistola quaes-
tionem versari o p e r u m l e g i s et gratiae [Dans l’épitre de l’apôtre Paul aux Romains,
il y a les idées suivantes : en premier lieu, que chacun comprenne que dans cette
épître la discussion porte sur les œ u v r e s d e l a L o i et de la grâce]). En quaest.
Simpl. 1,2,2, la présentation de Rom. est subtilement différente : Et primo intentio-
nem apostoli quae per totam epistulam viget tenebo quam consulam. Haec est autem,
ut de o p e r u m m e r i t i s nemo glorietur, de quibus audebant Israelitae gloriari, quod
datae sibi legi servissent et ex hoc evangelicam gratiam tamquam debitam meritis suis
percepissent, quia legi serviebant [Et tout d’abord, je vais saisir, pour y faire réfé-
rence, l’intention de l’apôtre, qui perdure dans toute l’épître. Or celle-ci est la sui-
vante : personne ne doit se vanter des m é r i t e s d e s e s œ u v r e s , desquels les
Israélites osaient se vanter, parce qu’ils pensaient avoir servi la Loi qui leur avait été
donnée, et pour cette raison auraient reçu la grâce de l’Évangile comme récompense
de leurs mérites, parce qu’ils servaient la Loi]. Ici les Juifs sous la Loi ne sont plus
qu’un exemple de l’erreur générale qui consiste à croire que les œuvres peuvent
sauver : c’est la célèbre doctrine d’Augustin sur la prédestination qui fait surface
(voir aussi, RING n. à 1,2). Ce glissement est déjà anticipé dans l’Inchoata expositio :
en 6,1s., il est dit de Paul qu’il rejette la possibilité de la vocation meritis priorum
operum [à cause des mérites des œuvres antérieures] ou vitae prioris meritis [à cause
des mérites de la vie antérieure], et la Loi n’est pas mentionnée. La démarche de-
viendra typique : les vases de Rom. 9,14–24 et les oliviers de Rom. 11,16–24 ne seront
plus Juifs et gentils, mais, respectivement, élus et damnés (quaest. Simpl. 1,2,17–19),
baptisés et non-baptisés (nupt. et concup. 1,21.37s.). Pour plus d’exemples, voir
AugLex s.v. gratia, IV, et pour une explication, voir spir. et litt. 23 : Quamvis itaque
illos, quibus circumcisio persuadebatur, ita corripere atque corrigere videatur aposto-
lus, ut legis nomine eandem circumcisionem appellet ceterasque eiusmodi legis obser-
vationes … tamen legem, ex qua neminem dicit iustificari, non tantum in illis sacra-
mentis, quae habuerunt promissivas figuras, verum etiam in illis operibus vult
intellegi, quae quisquis fecerit iuste vivit [Donc, bien que l’apôtre semble réprimander
et corriger ceux à qui l’on prêchait la circoncision, en appelant du nom de ‘Loi’ cette
même circoncision, et les autres observations de la Loi du même genre … cepen-
dant, la Loi, par laquelle il dit que personne n’est justifié, il ne veut pas qu’on la
comprenne [comme étant] seulement dans ces sacrements, qui comportèrent les
figures de la promesse, mais aussi dans ces œuvres, par lesquelles tout homme qui
les accomplit vit une vie juste].
198 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Ce point de vue est à contraster avec celui d’Origène (voir T. P. SHECK, Origen
and the History of Justification, Notre Dame IA 2008, 91–93), suivi par Jérôme, pour
qui les écrits de Paul sont bien centrés sur le rejet de la Loi juive. Ce qui la remplace,
c’est la foi, guidée par l’accomplissement de la Loi dans la Nouvelle Alliance : Nullus
quidem apostoli sermo est, vel per epistolam, vel praesentis, in quo non laboret docere
antiquae legis onera deposita, et omnia illa quae in typis et imaginibus praecesserunt
… gratia evangelii subrepente cessasse, quam non sanguis victimarum, sed fides ani-
mae credentis impleret [Il n’y a en effet aucun discours de l’apôtre, que ce soit dans
ses épîtres, ou de vive voix, où il ne cherche pas à enseigner que les fardeaux trans-
mis par l’ancienne Loi, de même que tout ce qui a précédé en signes et en images …
ont cessé quand s’insinua la grâce de l’Évangile, qui s’accomplit non pas par le sang
des victimes, mais par la foi de l’âme qui croit] (Hier. in Gal. prol. [CCSL 77A, 7,61–
69]). Par contraste, Augustin ne parle pas de fides dans son résumé introductif de
Rom., malgré le rôle primordial de la foi dans l’épître (surtout 3,21–5,2). Dans
quaest. Simpl, qui suit de peu l’Inchoata expositio, puis plus tard, dans son im-
mense production anti-pélagienne, Augustin affirmera sans cesse que la foi ne vient
que par la grâce, que personne ne mérite. En présentant ici, sous l’influence de Io.
1,17, Rom. comme contrastant opera et gratia, plutôt qu’opera et fides, il anticipe
déjà cette doctrine (voir aussi n. à 7,7).
1,1 non quia iusti erant homines, crederent, sed credendo iustificati, deinceps
iuste vivere inciperent
Augustin commente en paroles très similaires Gal. 2,16 : Et ideo illi [sc. les Juifs con-
vertis], qui cum iam essent sub lege Christo crediderunt, non, quia iusti erant, sed ut
iustificarentur, venerunt ad gratiam fidei [Et donc ceux qui ont cru au Christ alors
qu’ils étaient déjà sous la Loi, ce n’est pas parce qu’ils étaient justes, mais pour être
justifiés, qu’ils sont venus à la grâce de la foi] (in Gal. 15 ; voir aussi serm. 2,9). On
peut voir dans ces répétitions (cf. n. à 8,4) le signe d’un projet de refaire à grande
échelle in Gal. dans le commentaire sur Romains, tout comme Rom. lui-même déve-
loppe plus profondément l’enseignement de Gal. C’est du moins ce qu’Augustin
aurait pu conclure de Jérome, in Gal. prol. (CCSL 77A, 7,52–57): Praefatione com-
moneo, ut sciatis eamdem esse materiam epistolae Pauli ad Galatas, et quae ad Ro-
manos scripta est, sed hoc referre inter utramque, quod in illa altiori sensu et profun-
dioribus usus est argumentis, hic quasi ad eos scribens, de quibus in consequentibus
ait ‘o insensati Galatae!’ [Gal. 3,1] et ‘sic insipientes estis?’ [Gal. 3,3] [Dans cette pré-
face je vous avertis, pour que vous sachiez que le sujet de l’épître de Paul aux Ga-
lates et de celle écrite aux Romains est le même, mais qu’il y a cette différence entre
les deux, que dans cette dernière, il s’est servi d’idées plus élevées et d’arguments
plus profonds, alors qu’ici il écrit ce qui convient à ceux à qui il dira par la suite ‘ô
Galates sans intelligence !’, et ‘êtes-vous insensés à ce point ?’]. Et Jérôme, juste-
ment, n’avait pas tenté de commenter Rom. (voir Introduction, 1.6).
Commentaire | 199
De même on ne trouve pas de mots de la famille de superbus pour qualifier les Juifs
sous la Loi dans les commentaires pauliniens de Marius Victorinus, de l’Ambro-
siaster (in Gal. 3,10 : la Loi vient plutôt punir les Juifs pour leur superbia) ou de Jé-
rôme (en in Gal. 1 ad 2,14 on lisait autrefois ut etiam Iudaeis superbia, gentibus des-
peratio tolleretur [aussi pour que la vanité des Juifs et le désespoir des gentils leur
soient enlevés], mais ces mots ont été supprimés dans CCSL 77A, 57). Pour Augustin,
par contre, la superbia caractérise souvent les Juifs : in Gal. 16, 24s. ; in Rom. 56.58 ;
adv. Iud. 1,7,9 ; in Iob 3 ; serm. 77,12 ; 200,4. Dans un sens, les Juifs sont plus su-
perbes que d’autres, parce qu’ils sont définis par leur certitude de n’avoir pas besoin
du Christ. Mais Augustin voit aussi souvent la superbia comme la source fondamen-
tale du péché chez tous : initium omnis peccati superbia [la vanité est le commence-
ment de tout péché] (Sir. 10,15, cité 30 fois par Augustin, selon LLTA) ; le diable a
péché par superbia (in Gal. 24) ; la superbia est la source de toutes les hérésies
(serm. 46,18) ; et dans l’Inchoata expositio, ce sont les superbientes qui commettront
le péché impardonnable (23,13). Ainsi, encore une fois, le comportement des Juifs
n’est que le reflet de l’orgueil de tout homme qui pense pouvoir se passer de la grâce
(voir n. à 7.7 ; RING, n. 147 à 1,4).
Bien entendu, en soi, l’obéissance des Juifs à la Loi avant la venue du Christ
n’est pas condamnée. Mais il n’y avait pas lieu de s’en vanter, d’en devenir orgueil-
leux, puisque cette obéissance s’était faite dans la peur et non dans l’amour (Erant
quidam in lege, qui de operibus legis gloriabantur, quae fortasse non dilectione, sed
timore faciebant [Il y avait certains sous la Loi, qui se vantaient des œuvres de la
Loi, qu’ils accomplissaient peut-être non pas dans l’amour, mais dans la peur],
serm. 2,9 ; voir n. à 2,3). Pour les justes qui acceptèrent le Christ, cette peur condui-
sit non pas à la superbia, mais à la conversion : Ut enim tam prope invenirentur …
lege ipsa factum est, sub qua custodiebantur conclusi in eam fidem, id est in adventum
eius fidei, quae postea revelata est; conclusio enim eorum erat timor unius Dei [Qu’il
se soient trouvés si proches … ce fut par l’effet de la Loi elle-même, sous laquelle ils
étaient gardés, enfermés pour cette foi, c'est-à-dire pour l’arrivée de cette foi, qui fut
révélée par la suite. Car leur enfermement était leur peur du Dieu unique] (in Gal. 26,
sur Gal. 3,23).
l’humilité que la charité est préservée, puisque rien n’est plus rapide que l’orgueil
pour lui faire violence]. Voir aussi Inchoata Expositio 9,4, et AugLex s.v. humilatio,
humilitas).
tris ipsius testimonio conprobatur cum dicit: ‘Tu mecum es semper’ [Lc. 15,31]. Non
enim quasi mentientem redarguit, sed secum perseverantiam eius adprobans ad per-
fruitionem potioris atque iocundioris exultationis invitat [En effet, bien que ce fils, en
tant que situé dans le champ, convoitât [les biens] terrestres, il convoitait néan-
moins ces biens du Dieu unique, même si c’étaient les mêmes [que convoite] le bé-
tail. Ainsi dans le psaume, avec la voix de la synagogue … on apprend qu’il a été dit
correctement : ‘Je suis devenu comme du bétail pour toi, et je suis toujours avec toi’.
C’est ce qui est prouvé aussi par le témoignage du père lui-même, quand il dit :‘Tu
es toujours avec moi’. En effet, il ne le réprouve pas, comme s’il mentait, mais il
approuve sa persévérance [à rester] avec lui, et il l’invite à se repaitre d’une exulta-
tion plus haute et plus joyeuse] (quaest. euang. 2,33,5). L’image du bétail ne signale
donc pas seulement l’obéissance, mais aussi le service de Dieu qui vise les récom-
penses terrestres – trait caractéristique, selon les pères, des Juifs qui suivent la lettre
de l’ancienne Loi.
ThLL s.v. ajoute Cicéron, Divinatio in Caecilium 49 ; Pro Sestio 18,112 ; pour Augus-
tin, voir epist. 35,2, sur Primus, un sous-diacre espagnol devenu Donatiste : Nunc
cum g r e g i b u s circumcellionum inter vagabundos g r e g e s feminarum … in detestabi-
lis vinolentiae bacchationibus superbus exultat [Maintenant il se réjouit, tout fier,
avec les t r o u p e a u x de circoncellions, parmi les t r o u p e a u x vagabonds de fem-
mes … dans les détestables débauches de l’ivresse]. De même, pour pecus pris dans
un sens péjoratif, voir ThLL s.v. II.A.1, et, pour Augustin, mus. 1,5, à propos, des
hommes captifs de la musique : plebi … quae non multum a pecoribus distat [pour la
plèbe … qui ne diffère pas beaucoup du bétail] ; serm. 166,2 : nos irati dicimus alicui:
‘Pecus es’ [quand nous sommes en colère, nous disons à quelqu’un : ‘Tu es une
bête’].
On trouve chez Origène une exégèse du rôle du bétail dans la Bible qui diffère
un peu de celle d’Augustin ici : le bétail ne représente pas les Juifs, mais la partie la
moins éclairée des membres de l’Église. Le Christ φιλάνθρωπος δὲ ὢν καὶ τὴν ὅπως
ποτὲ ἐπὶ τὸ βέλτιον ἀποδεχόμενος τῶν ψυχῶν ῥοπὴν, τῶν ἐπὶ τὸν λόγον μὴ
σπευδόντων ἀλλὰ δίκην προβάτων οὐκ ἐξητασμένον ἀλλὰ ἄλογον τὸ ἥμερον καὶ
πρᾷον ἐχόντων ποιμὴν γίνεται· ‘Ἀνθρώπους γὰρ καὶ κτήνη σῴζει ὁ κύριος’ [Ps. 35,7]
(Jo. 1,27,190 [[Le Christ], aimant les hommes, et acceptant toute inclination des âmes
vers le bien, devient le berger de ceux qui ne se précipitent pas après la raison, mais
comme le bétail, n’ont pas examiné ni soumis à la raison leur nature apprivoisée et
douce ; ‘car le Seigneur sauve les hommes et le bétail’.]; de même 1,28,198 ;
28,24,216, et Rufin. Orig. in lev. 3,3 : Sicut enim sunt quidam homines Dei, ita sunt
quidam et oves Dei [Tout comme certains sont les hommes de Dieu, d’autres aussi
sont les brebis de Dieu]).
Cette utilisation du Ps. 35,7 par Origène se retrouve chez Ambroise (in psalm. ad
loc.), puis passe chez Augustin, non pas sur le Ps. 35, mais en in psalm. 8,10 : Carna-
lium hominum [1 Cor. 3,1.3] salus carnalis est, tamquam pecorum. Filios autem homi-
num seiungens ab eis quos homines pecudibus iunxit, longe sublimiore modo, ipsius
veritatis illustratione, et quadam vitalis fontis inundatione, beatos fieri praedicat. Sic
enim dicit: ‘Homines et iumenta salvos facies, Domine, sicut multiplicata est mise-
ricordia tua, Deus. Filii autem hominum in protectione alarum tuarum sperabunt’ [Le
salut des hommes charnels est charnel, comme celui du bétail. Séparant donc les
fils des hommes de ces hommes qu’il joint au bétail, il annonce qu’ils deviendront
bienheureux d’une manière bien plus sublime, par le rayonnement de la vérité elle-
même, et par une inondation de la source vitale. Car il dit ainsi : ‘Seigneur, tu
sauves les hommes et le bétail, tout comme ta miséricorde s’est multipliée, ô Dieu.
Mais les fils des hommes espéreront dans la protection de tes ailes’]. Voir aussi,
dans le même lignée, le contraste en in psalm. 22,4s., entre virga [verge] (appliquée
ad gregem ovium [au troupeau des moutons]) et baculus [bâton] (ad grandiores filios
et ab animali vita ad spiritalem crescentes [aux fils plus grands, qui croissent de la
vie animale à la vie spirituelle]), et le contraste entre creatura [créatures] et homines
[hommes] en in Gal. 63.
204 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Simples dans l’Église et Juifs adhérant à l’ancienne Alliance sont donc deux in-
terprétations possibles pour le bétail. La première correspond particulièrement au
modèle, chez Clément d’Alexandrie puis Origène, d’une initiation graduelle à la
gnose chrétienne. La seconde s’intègre mieux à la vision radicale de la grâce chez
Augustin, qui tend à repousser la possibilité d’une procédure d’initiation à l’échelle
humaine (voir quaest. Simpl. 1,2,22, et n. à 18,12). Mais les deux interprétations se
recoupent aussi : Juifs et chrétiens simples obéissent aux commandements sans
comprendre et dans la peur (voir n. à 1,4, nec Iudaeos superbire ; 9,2, nondum
poenarum ; 18,11, nec prolato).
L’affirmation que pecora dans la Bible peut avoir des sens différents, sinon op-
posés, correspond au principe de liberté qu’Augustin énonce en in psalm. 8,13,
justement après une longue exégèse sur les animaux en Ps. 8,8s. : non quia ista
nomina isto solo modo intellegi et explicari possunt, sed pro locis; namque alibi aliud
significant. Et haec regula in omni allegoria retinenda est, ut pro sententia praesentis
loci consideretur quod per similitudinem dicitur [non pas parce que ces mots peuvent
être compris et expliqués uniquement de cette manière, mais selon les passages,
puisqu’ils ont d’autres sens à d’autres endroits. Et c’est cette règle qu’il faut retenir
dans toute allégorie : considérer selon le sens du passage en question ce qui est dit
dans la comparaison]. Voir aussi in Gal. 63 (homo [homme] et creatura [créature]
signifient parfois l’homme ancien, parfois l’homme racheté), et, pour le principe
herméneutique, Jean Chrysostome, hom. in 2 Tim. 8,1 (PG 62, 643) : ἐπειδὴ γὰρ τὰ
πράγματα σύνθετά ἐστι καὶ ποικίλα, εἰκότως εἰς πολλὰς εἰκόνας καὶ παραδείγματα
παρείληπται [Puisque les choses sont composées et complexes, c’est à bon droit
qu’elles sont employées pour de nombreux images et exemples]. On contrastera
Origène, qui tend à vouloir trouver un sens unique pour un signe donné dans tout le
texte sacré.
Tout d’abord, Courcelle ne fait pas justice à la quantité de grec utilisé par Au-
gustin dans ces premières années. On ne relève pas moins de 48 exemples de re-
cours au grec, dont peu peuvent se réduire à une culture héritée de Cicéron et Var-
ron. Augustin ne pouvait certes pas rivaliser avec ses grands contemporains,
Ambroise ou Jérôme, dans l’exploitation du grec. Mais il ne repousse pas pour au-
tant leur modèle d’un engagement réel avec la langue qui avait transmis le christia-
nisme au monde latin.
En effet, il est rare que son exploitation du grec puisse se réduire à des banali-
tés. Pour les étymologies, φιλοκαλία (c. acad. 2,7) et φιλοσοφία (c. acad. 2,7 ; ord.
1,31) sont certes élémentaires. Mais d’autres montrent une analyse plus poussée. En
c. acad. 3,18 academicus est dit venir de ἑκὰς δήμου [loin du peuple] (sans citation
des termes grecs). Cette étymologie – sans doute fausse – n’est pas attestée ailleurs
(FUHRER, Augustin contra Academicos, ad loc.), même si Augustin ne l’a sûrement
pas inventée. En epist. 31,11 ἀλογία, dans le texte qu’attaque Augustin, signifie « fes-
tin », mais Augustin le lie avec ἄλογος [sans raison] pour poursuivre sa polémique
(étymologie d’évaluation difficile : voir ThLL s.v).
La situation est similaire pour les traductions de termes grecs. Dans certains
cas (notamment dans les sermons), la traduction ne fait que donner un équivalent
simple, parfois déjà bien établi, du terme grec : ord. 2,37 ; mus. 1,23 ; 2,1 ; 3,2 ; 4,36 ;
quant. anim. 30 ; gen. c. Manich. 1,9 ; mag. 15 ; 19 ; in psalm. 4,4 ; de serm. dom.
1,31 ; serm. 200,1 ; serm. 351,8 ; serm. 346B,1 ; serm. 273,6. Mais, bien souvent, la
traduction est le fruit ou la source d’une réflexion poussée sur le sens du mot grec :
ord. 2,40 ; mus. 3,2 ; 6,38 (Quidam videntur amare deformia, quos vulgo Graeci
σαπροφίλους vocant [Certains semblent aimer ce qui est laid. Les Grecs les appellent
couramment σαπροφίλους [sc. ceux qui aiment la pourriture]]. Le mot n’est pas
autrement attesté, et peut très bien venir du parler vulgaire, comme Augustin
l’indique) ; 6,57 (ἀναλογία = corrationalitas, mot inventé par Augustin) ; lib. arb.
3,48 ; gen. c. Manich. 1,39 ; divers. quaest. 46,2 ; 63 ; 73,2 ; in psalm. 3,5 ; 6,3 ; 7,12 ;
97,7 ; 16,13 ; fid. et symb. 5 ; de serm. dom. 1,23 (COURCELLE, Les lettres grecques, 141,
est injuste sur ce passage, comme l’a noté MARROU, Saint Augustin, 710) ; 1,51 (repris
en doctr. chr. 3,19) ; de serm. dom. 2,30 ; quaest. Simpl. 1,2,1 ; c. epist. fund. 32 ; 45 ;
doctr. christ. 2,41s.48.93 ; 3,8 ; serm. 162C,2.
Certes, à cette époque, Augustin n’était nullement un helléniste achevé, mais il
a exploité avec son imagination et son intelligence habituelles les connaissances
qu’il avait. Pour la limite de ces connaissances, noter un nombre de passages où le
grec est employé avec moins de compétence : ord. 2,35 ; in psalm. 4,4.6 ; gen. ad litt.
imperf. 42 ; de serm. dom. 1,14.60 ; in Gal. 24 (voir ci-dessous), 30, 42 (proche de
l’Inchoata expositio : Augustin voit en Gal. 5,12 un jeu de mots – elegantissima am-
biguitate [une ambiguïté très élégante] – sur abscidantur [ἀποκόψονται ; qu’ils
soient tranchés] et la circoncision [circumcidantur ; qu’ils soient circoncis], qui ne
fonctionne qu’en latin, puisqu’en grec « circoncire » se dit περιτέμνειν) ; doctr.
206 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
christ. 2,42 (curieusement, Augustin s’est trompé non pas sur le grec, mais sur le
latin) ; 3,18.
Mis à part ces erreurs réelles, il y a quelques passages où l’on est gêné par le
manque de référence au grec, parce que la logique de l’argument semblait l’exiger :
mag. 14s.: Augustin montre que dans 2 Cor. 1,19 (Non erat [sc. in Christo] Est et Non,
sed Est in illo erat / οὐκ ἐγένετο Ναὶ καὶ Οὔ, ἀλλὰ Ναὶ ἐν αὐτῷ γέγονεν [Il n’y avait
pas [dans le Christ] Oui et Non, mais il y avait Oui en lui]), il faut interpréter Est
comme un nom et non pas un verbe. Il ne prête aucune attention à l’original grec,
où il n’y a pas de forme verbale ; in psalm. 7,13 : il tente de choisir entre vibrabit [il
brandira] et splendificabit [il fera resplendir] pour στιλβώσει [Ps. 7,13], sans aucune
référence au sens grec du terme (l’hébreu, comme toujours dans les premiers in
psalm., reste hors de champ) ; fid. et symb. 2 : les manuscrits d’Augustin ont invisa
[invisible] ou informi [sans forme] pour ἀμόρφου [sans forme] en Sap. 11,18 ; Augus-
tin rapporte les deux leçons sans référence au grec.
Ces silences soulèvent la question difficile des textes grecs accessibles à Au-
gustin. Pour les textes extrabibliques, il s’agit d’un problème de Quellenforschung
qui dépasse notre cadre. Notons seulement que, en contraste marqué avec Jérôme,
Augustin trouvait de mauvais goût d’étaler des noms d’auteurs et de textes grecs
païens dont la lecture était impossible pour la grande majorité de son public. Il dé-
clarait : Non enim libenter, nisi necessitate, graeca vocabula in latino sermone usur-
paverim [Je n’aime pas utiliser des mots grecs dans un discours en latin, si ce n’est
pas nécessaire] (mus. 1,23, voir aussi 3,2 ; util. cred. 5 ; gen. ad litt. imperf. 5), et il
aurait pu étendre sa remarque à toute allusion à la culture hellénique. Du reste, nul
ne doute du vaste apport de cette culture à la pensée augustinienne dès ses premiers
écrits, et vouloir tout expliquer par l’existence de traductions latines, parce
qu’Augustin ne pouvait lire des livres en grec, risque de devenir une petitio principii
(voir sur ce point, pour les sources grecques chrétiennes, Mutzenbecher dans CCSL
44A, xlvii/xlviii ; pour une mise au point sur les lectures grecques d’Augustin, voir
D. T. RUINA, Philo in Early Christian Literature, Assen 1993, 321).
Le problème se profile autrement pour la Bible. Contre le défaut de grec chez
Augustin et ses lecteurs pesait l’impératif d’obtenir une connaissance profonde du
texte sacré. Or celui-ci était un texte grec dans les deux Testaments, puisque la LXX
était pour Augustin une traduction inspirée par l’Esprit (voir BA 11/2, 514–521).
Certes, dans la pratique, comme tous les exégètes latins de l’époque patristique,
Augustin ne se réfère jamais s y s t é m a t i q u e m e n t à l’original grec. Surtout dans
ses sermons, comme on pouvait s’y attendre, le grec apparait peu. Mais, parmi ses
traités exégétiques d’avant l’épiscopat, comme le montre le relevé supra, Augustin
écrivit de serm. dom. avec un texte grec de l’Évangile de Matthieu à sa disposition,
et de même il se réfère souvent au psautier grec dans les premiers in psalm.
Il n’en est pas de même pour les commentaires pauliniens, qui sont entièrement
dépourvus de références au grec du texte qu’ils commentent. C’est généralement un
peu plus tard que le texte grec de Paul commence à apparaitre : parmi les ouvrages
Commentaire | 207
écrits vers l’époque de l’Inchoata expositio, on trouve bien des références au grec de
1 Cor. en in Gal. 9 et de serm. dom. 1,51 (de même que, un peu plus tard, en c. epist.
fund. 45 et doctr. christ. 2,48), de 1 Tim. en lib. arb. 3,48, et de Philem. en divers.
quaest. 73,2 ; mais pour Rom., il n’y a aucune référence au grec avant c. Faust. 11,3.4
(voir n. à 4,10).6. (D’autres livres grecs s’ajoutent au bilan dans ces mêmes années :
Actes + Daniel, quaest. Simpl. 1,2,1 ; Sagesse, doctr. christ. 2,42).
Cette séquence étonne, mais on peut proposer deux explications complémen-
taires. Tout d’abord, il semble probable qu’à l’époque des commentaires pauliniens,
Augustin ne possédait simplement pas de manuscrit grec de toutes les épîtres. C’est
ce que tend à montrer, au-delà de l’argument e silentio, la faute en in Gal. 24, sur
Gal. 3,19. Τί οὖν ; ὁ νόμος τῶν παραβάσεων χάριν προσετέθη, ἄχρις οὗ ἔλθῃ τὸ
σπέρμα ᾧ ἐπήγγελται, δ ι α τ α γ ε ὶ ς δι’ ἀγγέλων ἐν χειρὶ μεσίτου y est traduit : Quid
ergo ? Lex transgressionis gratia proposita est, donec veniret semen cui promissum
est, d i s p o s i t u m per angelos in manu mediatoris [Quoi donc ? La loi fut ajoutée à
cause de la transgression, jusqu’à ce que vienne la semence à qui la promesse fut
donnée, [la semence] réglée par les anges, dans la main d’un médiateur]. Il aurait
fallu disposita, pour reproduire l’accord νόμος / διαταγείς [loi / réglée], et dans la
Vulgate on lit en effet ordinata. Mais Augustin commente : ‘dispositum est per ange-
los semen in manu mediatoris’, ut ipse liberaret a peccatis iam per transgressionem
legis coactos confiteri opus sibi esse gratiam et misericordiam Domini [‘la semence fut
réglée par les anges dans la main d’un médiateur’, pour que celui-ci libérât des pé-
chés ceux qui avaient déjà été obligés, par leur transgression de la Loi, de confesser
qu’ils avaient besoin de la grâce et de la miséricorde de Dieu]. Il pense donc que
dispositum qualifie semen (σπέρμα). Comme le fait remarquer ROUSSELET (À propos
d’une édition, 244) il refait la faute en gen. ad litt. 5.8, mais se reprend en retract.
2,24,2 : In quinto libro et ubicumque in eis libris posui de semine cui repromissum est,
quod dispositum sit per angelos in manu mediatoris, non sic habet apostolus, sicut
veriores codices post inspexi, maxime Graecos. De lege enim dictum est, quod tam-
quam de semine dictum multi Latini codices habent per interpretantis errorem [Dans
le cinquième livre, et partout dans ces livres où j’ai écrit, à propos de la semence à
qui la promesse fut donnée, que [cette semence] fut réglée par les anges dans la
main d’un médiateur, ce n’est pas ce que dit l’apôtre, comme j’ai l’ai vu après dans
des manuscrits plus fiables, surtout les grecs. Car c’est de la Loi qu’est dit ce que
beaucoup de manuscrits latins indiquent comme étant dit de la semence, par une
faute du traducteur] (comparer retract. 1,7,2). À notre sens, il faut voir ici une indica-
tion que l’auteur ne disposait pas de ces veriores codices … maxime Graecos quand il
s’attela à commenter Gal. et Rom.
Aurait-il pu se les procurer avant de commencer son travail ? Il faudrait, pour
répondre, une connaissance de la circulation des livres grecs en Afrique latine que
nous ne possédons pas. Mais l’augmentation de l’exploitation du texte grec dans
doctr. christ. correspond parfaitement au principe énoncé dans ce même livre
(2,34) : Latinae quidem linguae homines, quos nunc instruendos suscepimus, duabus
208 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
aliis [sc. linguis] ad scripturarum divinarum cognitionem opus habent, hebraea scilicet
et graeca, ut ad exemplaria praecedentia recurratur, si quam dubitationem attulerit
latinorum interpretum infinita varietas [Les hommes de langue latine, que nous
avons entrepris d’instruire ici, ont besoin de deux autres [langues] pour la connais-
sance des écritures divines, à savoir de l’hébreu et du grec, pour que l’on puisse
faire recours aux exemplaires plus anciens, si la diversité infinie des traducteurs
latins soulève un doute]. Pour COURCELLE (Les lettres grecques, 149s.), ces conseils
sont si éloignés de la méthode d’Augustin en 397 qu’il préfère croire qu’ils ne furent
pas écrits « avant les années 416/19 », et appartiennent aux remaniements de doctr.
christ. avant sa publication finale en 426/427. Mais une telle théorie n’a pu survivre
à la réflexion de W. M. Green sur le manuscrit de Saint-Pétersbourg de doctr. christ.
(CSEL 80, vii–ix ; voir supra p. 129 : le manuscrit, vraisemblablement écrit du vivant
d’Augustin, comporte les deux premiers livres du texte dans leur état actuel, et in-
dique donc que ces livres circulaient avant qu’Augustin ne finisse doctr. chr., et
qu’il ne les a pas modifiés en terminant son ouvrage). C’est donc bien dès les pre-
mières années de son épiscopat qu’Augustin reconnait les exigences philologiques
et linguistiques du travail d’exégète. Faut-il y voir un des facteurs qui l’ont poussé à
se détourner largement du commentaire rédigé des Écritures (voir Introduction, 1.6),
voire même à ne jamais terminer l’Inchoata expositio ?
En effet, philologue érudit, Augustin ne l’a jamais été. Que l’on revoie, à titre
d’exemple, in Gal. 24 et retract. 2,24,2. La retractatio est pour gen. ad litt., écrit de
401 à 414. Retractationes lui-même ne fut écrit qu’en 426/427. Faut-il conclure que
ce n’est qu’entre 414 et 426 qu’Augustin se serait procuré un texte grec de Gal.? Im-
probable, puisque nous avons vu qu’il disposait d’autres épîtres de Paul en grec
avant 400, et la forme habituelle du livre pour Augustin était le codex (voir AugLex
s.v. codex, 3a/b), format dans lequel on assemblait souvent toutes les épîtres de
Paul entre deux couvertures (B. M. METZGER, The Text of the New Testament, Oxford
3
1992, 6). C’est plutôt qu’en écrivant gen. ad litt., Augustin ne s’est nullement avisé
de consulter son texte grec de Gal. : il ne commentait pas Gal., et son instinct était
alors de se contenter de la version latine reçue, celle qu’il connaissait plus ou moins
par cœur. D’ailleurs, même en écrivant retract., Augustin n’avait pas noté que la
faute sur Gal. 3,19 était déjà dans in Gal., alors même qu’il reprenait sa ponctuation
de ce verset (retract. 1,24,4).
N’est pas philologue qui décide de commenter les épîtres de Paul sans se référer
constamment au texte grec, ou qui consignera le gros de son énorme activité exégé-
tique à des sermons donnés au grand public. On est tenté, alors, sur les pas
d’Érasme, d’opposer Augustin à Jérôme, et sans doute, en entreprenant de commen-
ter Paul, Augustin comptait-il ajouter au travail de son prédécesseur en poussant
plus loin la réflexion théologique, plutôt que rivaliser avec lui sur le terrain des
langues (voir Introduction, 1.6 ; n. à 1,1–3). Mais il ne faut pas forcer cette opposi-
tion : il y a une différence de degré et non pas deux approches fondamentalement
divergentes. Augustin, à ses heures, pouvait parler langues et ponctuation, souvent
Commentaire | 209
avec un succès notable (voir MARROU, Saint Augustin, 422–444). Origène et Jérôme
l’ont sans doute fait plus souvent. Mais les compétences linguistiques et grammati-
cales n’ont jamais été qu’ancillaires pour les Pères, et aucun ne nous a légué ce que
nous considérerions aujourd’hui être un commentaire philologique des Écritures.
Revenons à l’Inchoata expositio. Si Augustin a fait une erreur, ce n’est certaine-
ment pas que son grec était trop faible pour voir que συναγωγή et ἀφωρισμένος
avaient des racines différentes. Nous pensons que la faute s’explique au mieux par
l’hypothèse qu’il ne disposait pas d’un manuscrit grec de Rom. Mais il est vrai que
notre passage peut aussi s’élucider par une hypothèse toute contraire : si Augustin
exprime des doutes sur son analyse de segregatus, ce serait justement parce qu’il a
le grec devant lui, et voit bien que ἀφωρισμένος est un mot sans lien étymologique
avec le bétail. Il se serait alors demandé si c’était parce que le vocable grec pouvait
néanmoins s’appliquer particulièrement à la séparation du bétail qu’il avait été
traduit par segregatus (la réponse est négative : voir Diccionario Griego-Español s.v.
ἀφορίζω). Cette explication rendrait certes mieux compte des références citées plus
haut au grec d’autres épîtres dans des ouvrages proches dans le temps de l’Inchoata
expositio, puisque, on l’a dit, les épîtres pauliniennes circulaient souvent ensemble.
Mais on reste alors perplexe devant le contraste entre le recours plutôt fréquent à
l’original grec dans de serm. dom. et les premières in psalm., et son absence dans
les commentaires sur Paul.
Quoi qu’il en soit, rappelons enfin que l’Inchoata expositio n’est qu’inchoata. Si
Augustin s’était avisé de la terminer, plus tard dans sa carrière, il est probable qu’il
aurait tout de même tranché la question de la graeca interpretatio.
Pour d’autres problèmes avec le grec, voir n. à 4,10 ; 5,11–17 ; 5,13, neque ad
exemplum ; 12,2s. ; 12,8. Voir aussi l’étrange remarque d’Ambroise sur le latin de
Paul, De fuga saeculi 16.
c. Fort. 19 : Videmus apostolum de Domino nostro nos docere, ut et virtute Dei ante
carnem praedestinatus fuerit, et secundum carnem factus sit ei de semine David. Hoc
vos cum semper negaveritis et negetis, quomodo scripturas flagitatis, ut secundum eas
potius disseramus? [Nous voyons que l’apôtre nous enseigne sur notre Seigneur,
comment il fut à la fois prédestiné par la puissance de Dieu avant la chair, et fait
pour lui selon la chair de la semence de David. Étant donné que cela, vous l’avez
renié et vous le reniez toujours, comment est-ce que vous réclamez les Écritures,
pour que nous disputions plutôt selon elles ?] Voir aussi c. Faust. 2,2 (sur 2 Tim.
2,8) ; 13,3, et, pour la tradition anti-gnostique sur Rom. 1,1–4, Irénée de Lyon, haer.
3,16, et sur Rom. en général, Tertullien, adv. Marc. 5,13s. Pour une analyse de
l’Inchoata expositio dans le contexte des écrits anti-manichéens d’Augustin, voir A.
MASSIE, Peuple prophétique et nation témoin, Paris 2011, 254–258 (mais comparer
avec nos remarques en Introduction, 1.4). En c. Faust. 11,1, on trouvera Faustus
présentant un argument manichéen, selon lequel Paul aurait corrigé en écrivant aux
Corinthiens ce qu’il avait écrit aux Romains : Quare consideres oportet, quantum
intersit inter haec duo capitula, e quibus unum [Rom. 1,3] perhibet Iesum filium David
secundum carnem, alterum [2 Cor. 5,16] vero iam se neminem nosse secundum carnem
[Il faut donc que tu considères la grande différence entre ces deux passages, dont
l’un déclare que Jésus est le fils de David selon la chair, l’autre, par contre, qu’il ne
connait déjà plus personne selon la chair]. Faustus propose aussi que le texte de
Rom. ait pu être interpolé (voir n. à 4,8, addendo ergo).
Non superbire … En réalité, le respect des écrits et du passé juifs, qui l’opposait
aux Manichéens, était bien plus actif chez Augustin que toute recherche de rapports
fraternels avec des Juifs actuels. Les relations entre chrétiens et Juifs s’étaient de-
puis longtemps détériorées à son époque, et on pourrait assez facilement accuser les
gentes chrétiennes en masse de superbia envers les Juifs. « The pupils hated their
masters, and were hated in their turn. With a cry of joy Eusebius, possibly a man of
Jewish descent, retells from Josephus the story of the fall of Jerusalem » (A. D.
MOMIGLIANO, Pagan and Christian Historiography in the Fourth Century A. D, dans
idem, Terzo Contributo alla storia deli studi classici e del mondo antico, Roma 1966,
87–109 [88]). Même si cette analyse est trop sombre, si les chrétiens de l’Antiquité
tardive s’entretenaient plus et plus amicalement avec les Juifs que ne le voulaient
leurs prêtres et évêques, rien n’indique qu’Augustin, qui était justement prêtre et
évêque, ait recherché de tels échanges (encore un contraste avec Jérôme), bien que
son milieu ne manquât pas de Juifs. Voir, sur ces points, P. FREDRIKSEN, Augustine
and the Jews, New York 2008, 88–102 ; 307–314 ; D. SHANZER, Who was Augustine’s
Publicola?, REJ 171 (2012), 27–60 ; et AugLex s.v. Iudaei, 6. Mais Fredriksen montre
aussi tout ce qu’il y avait de positif envers les Juifs réels du présent dans
l’enseignement augustinien, et le rejet de la superbia revient effectivement dans les
conseils d’Augustin sur comment présenter les arguments chrétiens aux Juifs :
Haec, carissimi, sive gratanter, sive indignanter audiant Iudaei, nos tamen ubi possu-
mus, cum eorum dilectione praedicemus. Nec s u p e r b e g l o r i e m u r adversus ramos
Commentaire | 211
fractos, sed potius cogitemus cuius gratia, et quanta misericordia, et in qua radice
inserti sumus [Rom. 11,17s.] [Très chers, cela, que les Juifs l’entendent avec gratitude
ou avec indignation, nous avons à le prêcher néanmoins quand nous le pouvons,
dans l’amour envers eux. Et il ne faut pas nous g l o r i f i e r s u p er b e m e n t envers les
branches brisées, mais considérer plutôt par quelle source de grâce, et avec quelle
grande miséricorde, et dans quelle racine nous avons été insérés] (adv. Iud. 15 ; voir
cependant n. à 20,3).
361–431 (Le travail de Busine est cependant concentré sur Apollon. Malgré, sinon à
cause de, l’immense bibliographie sur ces figures prophétiques, il ne semble pas
exister d’étude générale des oracles païens dans l’Église antique). Pour la Sibylle,
voir n. suivante : elle forme un cas à part, car elle a souvent été vue comme une
vraie monothéiste, inspirée directement par Dieu.
La tradition dont hérite Augustin est essentiellement grecque, et il ne la con-
naissait pas forcément très bien, au-delà de la transmission orale. C’est surtout Lac-
tance, apologète et latin parmi les Grecs, qui a présenté ces oracles à l’Église latine,
mais on ne peut montrer qu’Augustin avait lu Lactance à l’époque de l’Inchoata
expositio. D’autre part, on a aussi voulu identifier les quosdam platonicorum libros
[certains livres des Platoniciens] lus par Augustin avant sa conversion (conf. 7,13)
avec la Philosophie tirée des oracles de Porphyre (voir BUSINE, Paroles, 241 ;
O’DONNELL sur conf. ad loc.), ce qui lui aurait donné accès à certains oracles
d’Apollon à la louange des Juifs (A. SMITH, éd., Porphyrii philosophi fragmenta,
Stuttgart 1993, 324F ; 344F). Seulement, l’unique prophétie qu’il cite dans notre
texte ne vient pas du grec, mais de Virgile. Par contre, quand Augustin en viendra à
écrire son chef-d’œuvre sur le mode apologétique, on retrouvera bien la Sibylle (civ.
18,23), Hermès (civ. 8,23–26), Orphée (civ. 18,14, avec Musaeus et Linus) et Apollon
(19,23, avec Hécate. Ici l’œuvre de Porphyre est nommée comme source, et les
oracles dateraient d’après la venue du Christ). Seul Hystaspe ne semble jamais
l’avoir intéressé, mais, même pour ceux qui le citent, c’est une figure bien obscure
(voir Encyclopaedia Iranica s.v. Hystaspes, oracles of : http://www.iranicaonline.
org/articles/hystaspes-oracles-of).
La valeur apologétique de tels oracles était évidente, mais il fallait aussi expli-
quer comment des dieux païens pouvaient être si bien renseignés. On sait que les
chrétiens des premiers siècles accusaient les païens de rendre un culte à des dé-
mons, qui se cachaient sous les noms de leurs dieux. Ce sont ces mêmes démons qui
seraient à l’origine des oracles. Dès Justin Martyr (apol. 1,54 ; dial. 69), on affirme en
effet que les démons invisibles avaient eu connaissance des prophéties juives, qu’ils
avaient répétées – et déformées – parmi les nations. Augustin pense de même, ex-
pliquant ainsi, par exemple, les prophéties exactes d’Hermès Trismégiste sur la
chute des temples païens : Huic autem Aegyptio illi spiritus indicaverunt futura tem-
pora perditionis suae, qui etiam praesenti in carne Domino trementes dixerunt : ‘Quid
venisti ante tempus perdere nos?’ [Mt. 8,29] [À cet Égyptien, les esprits ont indiqué le
temps futur de sa perdition, [ces mêmes esprits] qui ont aussi dit en tremblant au
Seigneur, présent dans la chair : ‘Pourquoi es-tu venu avant l’heure pour nous
perdre ?’] (civ. 8,24 ; de même div. daem. 9–12). C’est ainsi que, dans l’Inchoata
expositio, les prophètes païens sont décrits comme chantant ce qu’ils avaient e n -
t e n d u du Christ (quae de Christo a u d i t a cecinerunt).
L’inspiration démoniaque n’est pas une voie d’explication ouverte à l’érudition
moderne, et celle-ci voit donc les oracles dont parle Augustin comme des produc-
tions plus ou moins falsifiées de Juifs et de chrétiens, ou comme des textes païens
Commentaire | 213
De tels avertissements étaient sans doute tout à fait pratiques : dans l’Antiquité
tardive, on voit les oracles païens « extraits du contexte civique de la pratique ora-
culaire qui leur avait donné jour pour être élevés au rang des livres sacrés de réfé-
rence » (BUSINE, Paroles, 233. Voir aussi, MORESCHINI, Storia, 244s.) en compétition
avec la Bible. Dans une Église largement formée de convertis ou d’enfants de con-
vertis, tout ce corpus devait fasciner bien des chrétiens, et la présence de quelques
textes pro-chrétiens pouvait justifier son étude. C’est dans ce contexte que l’on
comprendra la remarque de l’Inchoata expositio, ou encore la très longue polé-
mique anti-oraculaire d’Eusèbe dans la Praeparatio Evangelica (livres 4–6).
Per prophetas s u o s … Pour Augustin, il s’agissait aussi d’affirmer la dignité su-
prême de l’Ancient Testament contre les attaques des Manichéens (voir n. précé-
dente). En effet, Faustus, quelques années avant l’Inchoata Expositio, avait écrit :
Sane si sunt aliqua, ut fama est, Sibyllae de Christo praesagia aut Hermetis, quem
dicunt Trismegistum, aut Orphei aliorumque in gentilitate vatum, haec nos aliquanto
ad fidem iuvare poterunt, qui ex gentibus efficimur christiani. Hebraeorum vero testi-
monia nobis, etiamsi sint vera, ante fidem inutilia sunt, post fidem supervacua [Assu-
rément, s’il existe, comme on le raconte, des prophéties sur le Christ venant de la
Sibylle, ou de cet Hermès que l’on appelle Trismégiste, ou d’Orphée, ou d’autres
prophètes des gentils, celles-ci pourront quelque peu nous aider dans notre foi,
nous les gentils qui devenons chrétiens. Mais les témoignages des Hébreux, même
s’ils sont vrais, nous sont inutiles avant la foi, et redondants après la foi] (c. Faust.
13,1). On ignore si l’argument est purement théorique, ou si les Manichéens affec-
tionnaient vraiment de tels textes (voir PRÜMM, Das Prophetenamt, 72, et cf. n. à 4,1,
Les prophètes, e). Mais Augustin se devait en tout cas de réfuter tout ce qui tendait à
dévaloriser l’Ancien Testament. La réfutation détaillée de Faustus, le Contra Faus-
tum, attendra 397s., mais on en voit une anticipation dans ce passage de l’Inchoata
expositio (cf. c. Faust. 12,2s. pour une nouvelle analyse de per prophetas suos, avec
la démonstration qu’il s’agit bien des prophètes de l’Ancien Testament ; 13,15–17
pour le problème des oracles païens).
Du reste, l’Ambrosiaster (in Rom. prol. ad loc. ; voir n. à 1,3, nonnulli qui ex Iu-
daeis), sans entrer dans le problème des oracles, voyait déjà dans Rom. 1,2 la
défense de l’Ancien Testament : ‘in scripturis sanctis’. Hoc ad cumulum verae protes-
tationis adiecit, ut maiorem fiduciam credentibus faceret e t l e g e m c o m m e n d a r e t
[‘dans les Écritures saintes’. Il a ajouté cela pour porter à leur sommet les assurances
qu’il dit vrai, afin de donner plus de confiance aux croyants, e t d e r e c o m m a n d e r
l a L o i ].
médiévale: les quatre sens de l’Écriture, II.2, Paris 1964. 233–262 ; J.-M. ROESSLI,
Augustin, les sibylles, et les Oracles Sibyllins, dans FUX, Augustinus Afer, 263–286 ;
N. BROCCA, Lattanzio, Agostino e la Sibylla Maga, Roma 2011).
La Sibylle est à l’origine une figure complexe et énigmatique de la prophétie
grecque. Comme le montre A. Rzach (RE s.v. Sibylla), elle est associée à nombre
d’endroits et de périodes historiques et préhistoriques ; elle apparait souvent sans
invitation, plutôt que d’être consultée, et prédit très souvent des malheurs. Les an-
ciens croyaient en général qu’il y avait plusieurs Sibylles, mais on pouvait aussi
expliquer sa réapparition à diverses époques par sa vie extrêmement longue (voir
surtout les célèbres passages d’Ovide, met. 14,130–153, et de Pétrone, Satyricon 48
→ l’épigraphe du Waste Land de T. S. Eliot). Malgré ses aspects mythiques, on
croyait à la réalité historique de la Sibylle, que semblent confirmer les restes des
sanctuaires de Cumes et d’Érythrée : on n’y venait pas pour vénérer la Sibylle, qui
n’était pas une divinité, mais pour la rencontrer.
Dans leurs œuvres apologétiques, on l’a dit, Juifs et chrétiens aimaient à citer
les Sibylles comme témoins de leur religion. La base de ces références était les Ora-
cula Sibyllina, les douze livres d’hexamètres grecs qui prétendaient êtres les vraies
prophéties de la Sibylle, des textes qui ont largement survécu (édition critique dans
GCS 8). Ces textes sont majoritairement, sinon entièrement, de facture juive et chré-
tienne, si bien qu’ils ne contiennent aucun élément polythéiste. Dans la même li-
gnée, la Sibylle elle-même était parfois mise en lien direct avec l’Ancien Testament :
elle serait la reine de Saba (Testamentum Salomonis, Recensio D, cap. V, éd. C. C.
MCCOWN, Leipzig 1922), ou la fille de Noé (LIMC s.v. Sibylla, 30–33 ; Oracula Sibylli-
na 1,288s. ; 3,827. Voir aussi Pausanias 10,12,9). Sur ces bases, les auteurs chrétiens
tendaient à en faire non pas le véhicule d’un témoignage démoniaque (voir n. pré-
cédente), mais une vraie prophétesse de Dieu (voir surtout Théophile d’Antioche,
Ad Autolycum 2,9).
Cependant, les oracles sibyllins perdaient toute leur valeur apologétique si l’on
ne croyait plus à leur authenticité. On voit des doutes surgir dans le traité anti-
chrétien de Celse, et Origène, dans sa réponse, ne tente pas vraiment de défendre les
oracles (Cels. 7,53.56). Dès cette époque, les oracles n’ont plus le même prestige
dans l’Église grecque. Sans doute qu’on les y lisait encore, mais à l’époque
d’Augustin, rares sont les écrits grecs qui y font référence.
On sait que, dans la culture romaine, la Sibylle jouissait d’un rôle officiel qu’elle
n’avait jamais eu dans le monde grec. La mythologie romaine voulait que l’un ou
l’autre des Tarquins eût acheté un recueil de ses oracles à la Sibylle de Cumes, et ce
qui passait pour être cette collection, complété à diverses époques, était consulté
par un collège de prêtres à Rome, les XVviri sacris faciundis, dans les périodes de
troubles. Ces faits expliquent la présence de la Sibylle chez Virgile, dans la qua-
trième Bucolique et dans l’Énéide. Les consultations se sont faites bien plus rares
sous les empereurs qu’aux temps républicains, mais le collège des XVviri a perduré
jusqu’à la fin du 4ème siècle, et donc existait encore à l’époque de l’Inchoata Exposi-
216 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
tio (voir surtout H. BLOCH, A new document of the last pagan revival in the West,
393-394 AD, HThR 38 [1945], 199–244).
Ce rôle officiel de la Sibylle à Rome l’a rendue suspecte dès le départ aux chré-
tiens de langue latine. Beaucoup d’auteurs n’en parlent jamais, et certains y sont
très hostiles, l’associant ouvertement au paganisme romain. C’est le cas surtout
pour Paulin de Nole (carm. 19,63–68), Prudence (Contra Symmachum 2,892–895 ;
Apotheosis 438–442) et le Carmen contra Paganos (Anthologia latina 4,1). De même,
pour l’Ambrosiaster (in 1 Cor. 2,12), la Sibylle est inspirée non pas par Dieu, mais
bien par un démon, comme la Pythie. Mais les Divinae Institutiones, la vaste œuvre
apologétique de Lactance, constituent une exception notable : la Sibylle y est intro-
duite dès le premier livre (1,6,6–17), et Lactance citera 56 fois les Oracula Sibyllina,
toujours avec le plus grand respect. Il citera aussi, comme faisant autorité sur le
millénaire doré qui suivra le retour du Christ, les prophéties sibyllines qu’il croit
trouver dans la quatrième Bucolique : Poeta secundum Cumaeae Sibyllae carmina
prolocutus est [Le poète a prophétisé selon les chants de la Sibylle de Cumes] (inst.
7,24,11).
Ce poème devait en effet inévitablement interloquer les auteurs chrétiens de
langue latine. Écrit peu avant la naissance du Christ, il prédisait la naissance d’un
enfant miraculeux, qui amènerait le retour d’un âge d’or et le pardon des péchés. Or
le v. 4 du poème, que cite Augustin dans l’Inchoata expositio, annonçait justement
que cette prophétie correspondait à un oracle de la Sibylle de Cumes (mais voir n. à
3,4, Cumaeum). On pouvait alors imaginer que Virgile avait utilisé à ses propres fins
des vers sibyllins qui parlaient du Christ (nul n’admettra aujourd’hui une telle ex-
plication, mais il demeure possible que Virgile ait eu accès à des textes sibyllins de
facture juive ; voir N. HORSFALL, Virgil and the Jews, Vergilius 58 [2012], 67–80).
En fait, Lactance ne va pas aussi loin : il affirme seulement que la Sibylle de la
Bucolique parlait de l’âge d’or, et n’identifie pas l’enfant avec Jésus. En effet, la
Bucolique posait aux chrétiens latins des difficultés assez similaires à celles soule-
vées par la Sibylle : Virgile était suprême parmi les poètes classiques, et donc
païens, et tous apprenaient à l’école à interpréter la Bucolique selon les traditions
non chrétiennes, qui identifiaient l’enfant avec diverses figures historiques de
l’entourage de César-Auguste (voir A. CUCCHIARELLI [éd.] – A. TRAINA [trad.], Publio
Virgilio Marone. Le Bucoliche, Roma 2012, 237–244). Un chrétien pouvait néanmoins
prétendre que Virgile avait remodelé à ses propres fins panégyriques des vers sibyl-
lins dont il ignorait le vrai sens. Mais une telle explication tranchait avec toute la
vision traditionnelle du poète.
Cette vision était bien moins puissante dans le monde grec, et on trouve juste-
ment des tentatives d’identification de l’enfant du poème avec le Christ dans trois
textes grecs. Tous sont d’origine problématique. Le v. 7 est cité dans un sermon sur
la Nativité attribué à Théodore d’Ancyre (éd. M. JUGIE, Homélies Mariales Byzan-
tines, Patrologia Orientalis 19, Paris 1962, serm. 6,14), mais dont l’authenticité reste
à prouver. Le martyr Artémius aurait cité la Bucolique devant Julien l’Apostat, selon
Commentaire | 217
une Passion dont les phases de réécriture ne se laissent pas aisément démêler (éd.
B. KOTTER, Die Schriften des Johannes von Damaskos, vol. 5, Berlin 1988, 183–245,
§46). Et surtout, il y a l’Oratio ad Sanctorum Coetum, cet étrange discours que l’on
trouve à la fin des manuscrits de la Vita Constantini d’Eusèbe, ce qui correspond
plus au moins à la promesse faite dans cette Vita (4,29–32) de fournir un spécimen
des discours pieux dont Constantin régalait sa cour (édition critique de l’Oratio dans
GCS 7, 153–192). Si Constantin a vraiment prononcé ce discours, le texte que nous
avons serait la version grecque d’un original latin. Mais les spécialistes restent par-
tagés sur l’authenticité de l’Oratio, et à notre sens, la question est insoluble. Quoi
qu’il en soit, ce discours introduit la Sibylle comme témoin privilégié des vérités
chrétiennes (18), puis comme source de la quatrième Bucolique, qui bénéficie en-
suite d’une exégèse détaillée et confuse (19–21), mais dont il ressort au moins que
pour Constantin, ou le pseudo-Constantin, Virgile parlait du Christ, et le faisait en
connaissance de cause.
On trouve donc une utilisation chrétienne de la quatrième Bucolique dans des
textes grecs, et chez Lactance, qui écrivait dans la ville grecque de Nicomède (voir
Jérôme, De viris illustribus 80). Jusqu’à Augustin, l’Église latine ne reprend pas ce
thème, pas plus qu’elle n’accueille facilement les Sibylles. Mais, dès l’Inchoata ex-
positio, Augustin fera ces deux pas ensemble. Par la suite, il se montrera de plus en
plus ouvert envers la possibilité d’une Sibylle prophétesse du vrai Dieu (comparer c.
Faust. 13,15 et cons. euang. 1,28 avec civ. 18,23.47), et proposera à plusieurs reprises
une lecture chrétienne de certains vers de la Bucolique (epist. 258 ; 104 ; 137 ; civ.
10,27).
Cette lecture montre certains parallèles avec l’Oratio ad Sanctorum coetum. te
duce [sous ta conduite] de la Bucolique (13) est appliqué au Christ dans l’Oratio
(19,7) et quatre fois chez Augustin (epist. 104,11 ; 137,12 ; 258,5 ; civ. 10,27). Dans
l’Oratio, Virgile est appelé τὸν ἐξοχώτατον τῶν κατὰ Ἰταλίαν ποιητῶν [le plus excel-
lent des poètes de l’Italie] (19,4), ce qui rappelle poetarum quidam in Romana
lingua nobilissimus dans l’Inchoata expositio (mais voir les remarques de M. GEY-
MONAT, Un falso cristiano della seconda metà del IV secolo (sui tempi e le motivazio-
ni della « Oratio Constantini ad Sanctorum Coetum »), Aevum(ant) n. s. 1 [2001],
349–366 [358s.]). L’Oratio (19,1–3) tente de réfuter l’accusation selon laquelle les
Oracula Sibyillina sont une supercherie chrétienne en montrant (tant bien que mal)
que Virgile a écrit avant la venue du Christ. Il faut peut-être voir le même enchaine-
ment d’idées derrière l’affirmation de l’Inchoata expositio que seule la Bucolique
rend crédible les affirmations selon lesquelles la Sibylle aurait parlé du Christ. (Ou
est-ce plutôt qu’Augustin ne connaissait pas encore les Oracula Sibyllina ?)
Si Constantin a vraiment prononcé l’Oratio, Augustin a pu connaitre ce texte.
Mais on ne peut le démontrer, et certaines conceptions sur le sens chrétien de la
Bucolique devaient circuler assez largement. Il importe surtout de constater ce qui
sépare Augustin de Lactance et de l’Oratio. Augustin n’a jamais affirmé sans am-
bages que la Sibylle était une vraie prophétesse, et il n’a jamais proposé une inter-
218 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
(2,2,84 ; 9,2,640 ; 9,4,644), mais aussi Aulu-Gelle (12,1,20) – on trouve aussi poeta
noster [notre poète] (Columella 1,3,38 ; 2,8,104 ; 7,5,520). Cette habitude a dû perdu-
rer chez les païens, mais nous avons très peu de leurs écrits jusqu’à la fin du 4ème
siècle, où elle réapparait en effet : Macrobe, sat. 1,24,16–17.24 ; 2,1,1 ; 3,5,5 ; 3,12,4 ;
5,3,16 ; 6,1,2 ; Ausone, Commemoratio 22,5 ; Cupido cruciatus 1 ; epist. 1 ; Origo gen-
tis Romanae 7,4 ; Martianus Capella 3,266. Par contre, chez les chrétiens, si imbus
fussent-ils de Virgile, un tel langage était généralement évité. Lactance, souvent à
l’écart de la culture cléricale, appellera bien Virgile poeta noster (inst. 1,5,19), nos-
trorum primus Maro [Maron, le premier des nôtres] (inst. 1,5,11), noster Maro [notre
Maron] (inst. 1,13,12). Mais Paulin de Nole est plus représentatif : Virgile est poeta
non nostri iam studii [le poète qui désormais ne relève plus de notre zèle] (epist.
22,3). De même, Rufin reproche (à tort) à Jérôme l’utilisation d’un tel langage : Re-
legantur nunc, quaeso, quae scribit: si una operis eius pagina est, quae non eum ite-
rum ciceronianum pronuntiet, ubi non dicat: ‘sed Tullius noster’, ‘sed Flaccus noster et
Maro’ [Qu’on relise, s’il vous plaît, ce qu’il écrit. Y a-t-il une seule page de son
œuvre, qui n’annonce pas de nouveau qu’il est cicéronien, où il ne dit pas ‘mais
notre Tullius’, ‘mais notre Flaccus et Maron’] (apol. adv. Hier. 2,7, en référence à
Jérôme, epist. 22,30). En vérité, Jérôme, quand il nommait Virgile, le faisait soit en
langage neutre, soit en l’appelant gentilis poeta [le poète païen] (HAGENDAHL, Latin
fathers, 305s. nostri Flacci [notre Flaccus] dans la préface à la traduction du Job
hébreu n’est noster qu’en contraste avec graeci Pindari [le grec Pindare]). De même,
pour Ambroise, Virgile est quidam poeta [un certain poète] (Abr. 1,19,82 – noter le
parallèle avec notre passage de l’Inchoata expositio) ou quidam [un certain homme]
(Abr. 2,1,4), ou placé parmi les adversariis [adversaires] (in psalm. 43,17) et les gen-
tiles homines [hommes païens] (spir. sanct. 2,5,36) (passages recueillis par A. V.
NAZZARO, La presenza di Virgilio in Ambrogio, dans : G. MAZZOLI et F. GASTI [éds.],
Prospettive sul tardantico, Como 1999, 91–108. Le même auteur note, dans Enci-
clopedia Virgiliana s.v. Ambrogio, que ces quatre passages sont les seuls des 418
citations de Virgile chez Ambroise où la source soit désignée de quelque façon que
ce soit). Augustin lui aussi, en visant les païens, appellera Virgile eorum poeta [leur
poète] (civ. 15,9 ; voir aussi serm. 198(augm),34), poeta ille v e s t r a r u m clarissimus
litterarum [ce poète, le plus célèbre dans v o s lettres] (epist. 91,2) ou Virgilio t u o
[t o n Virgile] (epist. 17,2), une phraséologie sans doute influencée par Act. 17,28, ὡς
καί τινες τῶν καθ’ ὑμᾶς ποιητῶν εἰρήκασιν [comme l’ont dit aussi certains des
poètes parmi vous] (voir n. à 3,4, in Actibus).
Cependant, comme le montre notre passage de l’Inchoata expositio, Augustin
est bien plus hardi que ses contemporains chrétiens. Une fois, il appellera bien Vir-
gile poeta noster (c. acad. 3,9), même s’il indique qu’il y a là une concession à Licen-
tius, féru de poésie. Mais Augustin l’était-il moins, lui qui nous a laissé les pages les
plus émouvantes de toute l’Antiquité sur la lecture de Virgile (conf. 1,20s.), qui dans
sa première œuvre chrétienne se met en scène in recensione primi libri Virgilii [dans
la critique du premier livre de Virgile] (c. acad. 1,15), et qui expliquera bientôt que
Commentaire | 221
mot et de ses dérivés par Augustin pour désigner l’accord entre l’Ancien et le Nou-
veau Testament : Potuitne quidquam magis concinere his testimoniis novi testamenti,
quam illud quod in veteri dictum est? [Est-ce que quelque chose pouvait correspondre
[concinere] plus à ces témoignages du Nouveau Testament que ce qui est dit dans
l’Ancien ?] (mor. eccl. 57 ; cf. ibid. 15.46) ; ita duo testamenta fideliter concordantia
sacratam concinunt veritatem [Ainsi les deux Testaments, en concordance fidèle,
font correspondre [concinunt] la vérité sacrée] (epist. 55,29) ; concinunt nova vete-
ribus, vetera novis … audiatur vox c o n c i n e n t i u m testamentorum, non calumnian-
tium exheredatorum [Le nouveau correspond [concinunt] à l’ancien, l’ancien au nou-
veau … que l’on entende la voix des Testaments en correspondance [concinentium],
et non celle des calomniateurs déshérités] (in psalm. 49,4 ; voir aussi in Gal. 61 ; c.
Faust. 13,18 ; c. Cresc. 4,64, et, pour l’idée, AugLex s.v. congruentia testamentorum.
Depuis Clément d’Alexandrie, les Pères grecs parlaient déjà souvent d’une
συμφωνία [concordance] des deux Testaments. Voir Lampe s.v. συμφωνία,
σύμφωνος, et ajouter, pour συμφωνέω, Origène, comm. in Matth. 14,4 [GCS 40,
280s.]).
mentarii, Leipzig 1927, 73s. ; 331). La référence est à Hésiode, Opera 635–640. Phi-
largyrius ou sa source s’est fourvoyé : c’est bien le père d’Hésiode qui est dit venir de
Κύμη en Asie Mineure (pour cette ville, voir RE s.v. Kyme, 2). Cette exégèse a été
défendue par G. RADKE, Vergils Cumaeum carmen, Gymnasium 66 (1959), 217–246,
mais elle est généralement rejetée par les érudits (voir R. COLEMAN, Vergil : Eclogues,
Cambridge 1977, 130).
Avant d’en terminer avec la Sibylle, rassurons quelque peu le lecteur qui verra
dans son évocation ici un des excès de l’exégèse patristique, déterminée à trouver
un sens profond dans chaque mot de la Bible. C’est déjà une telle réaction que l’on
trouve dans l’étude sibylline, du reste très pieuse, de Charles Alexandre : « Haec
quam frigide, quam indigne tanto viro dicta sint, quid opus est admonere ? Nam
illud quidem ‘per prophetas suos in scripturis sanctis’ cum aliquo respectu ad Sibyl-
lina scripta fuisse a divo Paulo, quis credat ? Sapit hoc (pace sit dictum sancti viri)
argutiam commentatoris parati quidvis potius quam nihil e singulis auctoris sui
voculis expiscari » [Il n’y nul besoin de faire remarquer à quel point ce qui est dit ici
est fade et indigne d’un homme si instruit. Qui pourrait croire que ces mots, ‘par ses
prophètes dans les Écritures saintes’, furent dits par Paul en songeant un tant soit
peu aux écrits Sibyllins ? On y ressent (sauf le respect dû au saint homme) le com-
mentateur ingénieux, prêt à dire n’importe quoi, plutôt que de ne rien tirer de
chaque syllabe de son auteur] (Oracula Sibyllina: volumen alterum, Paris 1856, 285 ;
voir aussi Introduction, 1.10, mais contraster n. à 7,2).
etiam apostolus suadet incredulis nec versus refugit poeticos ut fabulas destruat
poetarum [ainsi parfois même l’apôtre convainc les non-croyants, et ne recule pas
devant les vers poétiques, pour détruire les fables de poètes] (in Luc. 6,108). De
même, en commentant l’autre citation païenne de Paul, en Tit. 1,12, Jérôme (in Tit.
ad loc.) et Jean Chrysostome (hom. in Tit. 3,1 [PG 62, 675–678]) insistent sur le fait
que l’apôtre n’approuvait nullement de telles citations dans leur contexte original,
et Chrysostome affine quelque peu l’idée d’Origène sur la déformation d’Aratus : οὐ
τὰ περὶ τοῦ Διὸς εἰρήμενα εἵλκυσεν εἰς τὸν Θεόν, ἀλλὰ τὰ προσήκοντα τῷ Θεῷ, καὶ
οὐ γνησίως οὐδὲ κυρίως ἐπιτεθέντα τῷ Διί, ταῦτα ἀποδίδωσι τῷ Θεῷ [Il n’a pas
trainé vers Dieu ce qui fut dit de Zeus. Plutôt, il rend à Dieu ce qui, convenant à
Dieu, fut appliqué contre nature et improprement à Zeus]. Mais en même temps, ces
citations de Paul pouvaient servir aux auteurs chrétiens pour justifier leur propre
réemploi d’auteurs païens : ainsi, par exemple, Ambroise, fid. 3,1,3s. ; Jérôme, epist.
70,2 ; Socrate, Histoire Ecclésiastique 3,16.
Ni ici ni ailleurs, Augustin ne diverge fondamentalement du point de vue établi
par Origène : Paul a parlé en sachant parfaitement que les écrits païens sont super-
stitiosae idolatriae plenissimas (3,5). Cependant, qu’il ait connu ou pas son con-
texte original, Augustin se rapproche de Clément, et s’éloigne des autres textes cités
ci-dessus, en voyant dans la citation d’Aratus une vérité authentique trouvée par les
païens : Sapientes gentium quod invenerint creatorem, manifeste idem apostolus, cum
Atheniensibus loqueretur, ostendit [Que les sages des gentils ont trouvé le créateur,
ce même apôtre le montra ouvertement, quand il parlait aux Athéniens] (in Rom. 3) ;
pervenerant enim ad cognitionem Dei [car ils étaient arrivés à la connaissance de
Dieu] (serm. 198(augm),29) ; rem magnam de Deo [une grande chose sur Dieu] (civ.
8,10) ; ex illa veritate est, quam et illi impii simulacrorum cultores in iniquitate deti-
nent, qui cognoscentes Deum non sicut Deum glorificaverunt [Cela vient de cette véri-
té, que même ces adorateurs impies des images détiennent, dans l’injustice – eux
qui, tout en connaissant Dieu, ne l’ont pas glorifié comme Dieu] (un. bapt. 6). Ce
dernier passage contient une allusion à Rom. 1,18.21, et en fait tous les passages que
nous venons de citer relient la citation d’Aratus à Rom. 1,18–25. En effet, plus il
rehaussait la valeur de la citation d’Aratus, plus celle-ci pouvait servir d’exemple de
la connaissance de Dieu acquise, mais gâchée, par les païens, ce dont parle Paul
dans l’épître aux Romains. Si Augustin n’a pas fait le rapprochement ici aussi, c’est
sans doute qu’il le réservait pour son commentaire de la suite de Rom. 1.
quosdam non terrena, sed caelesti societate ad veros Israelitas supernae cives patriae
pertinentes etiam in aliis gentibus fuisse negare non possunt [Je ne pense pas que les
Juifs eux-mêmes osent prétendre que personne n’a appartenu à Dieu en dehors des
Israélites … De fait, il n’y avait pas d’autre peuple, qui était proprement appelé le
peuple de Dieu, mais ils ne peuvent nier qu’il y a eu aussi parmi les autres peuples
certains hommes qui, par une alliance non pas terrestre mais céleste, faisaient par-
tie des vrais Israélites, des citoyens de la cité d’en haut], écrit Augustin en civ. 18,47.
Il donne l’exemple de Job, auquel il ajoutera en serm. 198(augm),38 Melchisédech.
Assurément, de telles figures ne sont ni juives ni idolâtres, mais Augustin insiste
aussi dans ces passages sur le fait qu’ils ont bénéficié d’une révélation divine. Il est
donc hors de question qu’Augustin indique dans l’Inchoata expositio qu’il faut,
selon Paul, se détourner de leurs prophéties : dans le cas de Job, il s’agirait même de
rejeter un livre de la Bible hébraïque.
(b) Faut-il penser aux Samaritains ? Ils figurent en effet dans l’Inchoata exposi-
tio (15,7–10 ; voir n. à 15,7). Mais Augustin les a parfois considérés comme idolâtres
(voir n. à 13,3–6), et il serait impossible de les appeler remotos atque alienos a
gente Iudaeorum.
(c) Dans l’ornière de la tradition apologétique (voir SChr 507, 139 n. 3), Augustin
a plusieurs fois affirmé que les philosophes, principalement les platoniciens, se sont
approchés de la connaissance du Dieu unique : Si hanc vitam illi viri nobiscum rursus
agere potuissent, viderent profecto cuius auctoritate facilius consuleretur hominibus,
et paucis mutatis verbis atque sententiis christiani fierent [Si ces hommes pouvaient
vivre cette vie une seconde fois, en notre compagnie, ils verraient certainement par
quelle autorité on peut plus facilement aider les hommes, et, en changeant peu de
mots et de sentences, ils deviendraient chrétiens] (vera relig. 23 ; voir aussi c. acad.
3,37–42 ; soliloq. 1,9 ; civ. 6,10 ; 8,6.9 ; epist. 164,4). Et pourtant, il ne manque ja-
mais de les condamner, soit qu’ils aient continué à pratiquer l’idolâtrie dont ils
savaient la vanité (Platon et Socrate en vera relig. 4–7 ; Sénèque en civ. 6,10 ; Pla-
ton, Aristote et tous les platoniciens en civ. 8,12), soient qu’ils aient eu la présomp-
tion de croire que la philosophie seule leur suffisait pour accéder à Dieu (serm.
198(augm),36 : l’exemple donné est Pythagore). Ce débat n’est pas purement histo-
rique : tout le serm. 198(augm) fut prononcé contre les philosophes païens contem-
porains qui rejetaient l’accusation d’idolâtrie : Nos, inquiunt, non simulacra colimus,
sed quod per simulacrum significatur [Nous n’adorons pas les images, disent-ils,
mais ce qui est signifié à travers l’image] (16 ; voir aussi doctr. christ. 3,26s. et n. à
15,3, de ipso Deo Patre).
Le problème est encore de savoir si ces philosophes peuvent aussi être identifiés
avec prophetas aliquos remotos atque alienos a gente Iudaeorum, chez qui on
trouverait le Christi nomen (4,2 ; contraster conf. 3,8). Des figures quasi-mythiques,
tels qu’Orphée (voir n. à 3,3, fuerunt enim), sinon Pythagore, peuvent sans doute
être situées à la charnière entre prophétie et philosophie. Mais il est beaucoup plus
difficile de voir Platon et ses disciples dans cette position, même si Clément
226 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
d’Alexandrie avait voulu voir dans République 362a une prophétie de la Crucifixion
(Stromates 5,108 ; repris par Eusèbe, Praeparatio evangelica 12,10,4 ; 13,13,35). Il ne
semble donc pas qu’Augustin fasse allusion ici à des philosophes, bien que la
longue tradition chrétienne de recueillir des témoignages philosophiques fasse sans
doute partie de l’arrière-plan de sa pensée : l’existence chez les païens d’une philo-
sophie quasi-monothéiste, dont Augustin n’a jamais douté, rendait plus probable
l’existence d’une prophétie du même genre.
(d) Cette prophétie était aussi probable d’un point de vue historique. Idolum ali-
quamdiu retro non erat. Priusquam huius monstri artifices ebulissent, sola templa et
vacuae aedes erant [Dans le passé, pendant bien longtemps, il n’y avait pas
d’idolâtrie. Avant qu’eussent jailli les créateurs de cette monstruosité, il y avait
seulement des temples et des sanctuaires vides], écrit Tertullien (De Idololatria 3).
C’est là l’entrée en scène, pour l’Église latine, d’un postulat cher aux penseurs chré-
tiens : que la religion primitive des nations n’était pas idolâtre. Deux théories an-
tiques étaient les principaux étais de cette idée. L’Évhémérisme, qui trouvait un
appui scripturaire (Sap. 14,12–21), maintenait que les dieux traditionnels étaient des
êtres humains honorés après leur mort, et que l’on avait fini par confondre avec des
dieux (voir RAC s.v. Euhemerismus, B pour l’Évhémérisme chrétien. On trouvera
aussi un exposé très clair de cette doctrine chez Isidore de Séville, Etymologiae [ce
RAC du 7ème siècle] 8,11,1–10). Une deuxième approche, plus complexe, et que l’on
associe généralement à Possidonius, voulait que les sculpteurs eussent fait des
idoles en forme humaine comme une espèce de propédeutique, qui aiderait les
hommes à concevoir le(s) dieu(x) invisible(s) (voir J. H. WASZINK – J. M. C. WINDEN
[éds.], Tertullianus. De Idololatria, Leiden 1987, 104–106, s’appuyant sur Dion de
Pruse, Oratio 12,56–61. Ajouter Philostrate, Vita Apolloni 6,19 et Prudence, Contra
Symmachum 2,39–58).
C’est surtout dans civ. qu’Augustin mettra en valeur la dimension historique de
ces idées. Il y consacre finalement peu d’espace à l’Évhémérisme, bien qu’il juge ses
doctrines probables (civ. 7,18.27 ; 18,24), mais il s’intéresse beaucoup à la deuxième
théorie, au point d’en être pour nous une des sources principales. C’est qu’il l’avait
connue chez Varron, qui affirmait qu’à Rome même l’idolâtrie ne faisait pas partie
de la religion primitive (civ. 4,31 ; 7,5 + les idées similaires tirées de l’Asclépius,
8,24s.). À l’époque de l’Inchoata expositio, réécrire l’histoire religieuse de Rome
n’était certes pas encore le souci d’Augustin. Mais il avait déjà plusieurs fois noté
que l’idolâtrie n’était pas la seule possibilité de culte chez les païens. On trouvera
l’exposé le plus complexe de cette thèse en vera relig. 190–196, sur le schéma d’un
déclin plus ou moins chronologique dans le choix de l’objet d’adoration : summus
Deus [Dieu très haut] → anima [âme] → vita genitalis [vie générative] → corpora
[corps] (les corps célestes ou mundus totus [univers entier]) → simulacra [représenta-
tions] (l’idolâtrie) → phantasmata sua [leurs illusions] (voir n. suivante) → nihil [rien]
(pour des parallèles grecs, voir Origène, Jo. 2,3.25–27 ; Eusèbe, Laus Constantini 13).
« plus ou moins chronologique », car la perspective n’est pas historique et les étapes
Commentaire | 227
juives ; (2) au-delà de ce qu’en dit Faustus (c. Faust. 13,1), Augustin ne semble pas
avoir connu ces traditions de prophéties manichéennes qui ne dérivaient pas de
Mani. Par contre, il est certain que les Manichéens, puisqu’ils rejetaient l’Ancien
Testament, étaient parmi les plus susceptibles d’être attirés par les traditions pro-
phétiques hétéroclites dont il s’agit ici (voir aussi n. à 3,3, fuerunt enim ; n. suivante,
et comparer Pélage, s’inspirant d’Augustin, dans in Rom. ad loc. : Ipsos adserit Dei
prophetas esse et illas scripturas sanctas quae de Christo antea cecinerunt [cf. 3,3,
quae de Christo audita cecinerunt]. Verum totus hic locus contra Manichaeos facit, ubi
dicit quod ante evangelium Dei sit promissum et per prophetas Dei et in sanctis scrip-
turis et quod Christus secundum carnem ex David stirpe, id est Maria virgine, sit
creatus [Il affirme que les prophètes de Dieu et les Écritures saintes sont ceux qui
ont chanté auparavant du Christ. Mais tout ce passage est contre les Manichéens, où
il dit que l’Évangile de Dieu fut promis auparavant et par les prophètes et dans les
Écritures saintes, et que le Christ fut créé selon la chair de la souche de David, c’est-
à-dire de la vierge Marie] [A. SOUTER (éd.), Pelagius’s Expositions of Thirteen Epistles
of St Paul, t. 2, 8, Cambridge 1922–1931]).
En fin de compte, il est inutile de rechercher trop de précision là où Augustin a
choisi d’être vague. Ses réflexions, et la tradition écrite ou orale, lui enseignaient
que toutes les prophéties païennes qui pouvaient servir aux chrétiens n’étaient pas
forcément superstitiosae idolatriae plenissimas. L’important n’était ni d’enquêter sur
ces prophéties ni de les cataloguer, mais de les écarter.
4,1 nam simulacris phantasmatum suorum sectatores suos omnis error illudit
Pour le sens de phantasmata, voir l’analyse de la fonction de l’imagination dans la
pensée augustinienne chez O’DALY, Augustine’s Philosophy, 106–130. Augustin
distingue souvent (e.g. mus. 6,32 ; trin. 8,9 ; 9,10) entre phantasia et phantasma. La
première est l’imagination « reproductive », qui rend présent à notre esprit ce que
nous avons senti et vécu. Le second est l’imagination « créative », qui se sert de ce
que nous avons senti et vécu pour nous présenter ce que nous ne connaissons pas
(l’exemple donné en trin. 8,9 est celle d’Augustin s’imaginant Alexandrie à partir de
ce qu’il connait de Carthage). Notre volonté nous permet de contrôler nos phantasiai
et phantasmata, mais ceux-ci peuvent aussi se présenter à notre esprit indépen-
damment de la volonté, dans la pensée quotidienne, puis dans les rêves, les extases,
les visions. La distinction phantasmata – phantasiai a des bases stoïciennes et peut-
être néoplatoniciennes, mais telle quelle, ne se retrouve que chez Augustin, qui lui-
même ne l’a pas toujours respectée.
O’Daly ne s’interroge pas sur le choix du mot phantasma. En grec, φάντασμα si-
gnifie à l’origine « apparition, fantôme » (Mt. 14,26 : οἱ δὲ μαθηταὶ ἰδόντες αὐτὸν ἐπὶ
τῆς θαλάσσης περιπατοῦντα ἐταράχθησαν λέγοντες ὅτι φάντασμά ἐστιν [les dis-
ciples, le voyant marcher sur la mer, furent troublés, disant que c’était un fantôme]).
Selon LSJ s.v. Platon l’utilise comme synonyme de φαντασία, dans ses divers sens,
dont le plus proche de celui voulu par Augustin serait : « imagination, i.e. the re-
Commentaire | 229
sensible, se sont imposées sur nous par le biais du corps, pour générer la diversité
des croyances et des erreurs] (voir aussi util. cred. 1 : vanorum hominum menti-
bus [les esprits vains des hommes] ; in psalm. 4,9 ; 7,11 : animus fingit … spe vana
mortalique iactatur [l’esprit imagine … et se vante dans son espoir vain et mortel]).
En vera relig. 8, que nous venons de citer, ces idées sont ouvertement associées
à Platon, et chacun remarquera la profonde influence platonicienne dans l’hostilité
au corps que traduit cette conception des phantasmata. Cependant, vera relig. est
un texte anti-manichéen, et Augustin a toujours soin, dans un tel contexte, de se
démarquer du rejet total du corps prôné par les Manichéens. Les corps en eux-
mêmes sont bons (Omnis corporea creatura, si tantummodo possideatur ab anima
quae diligit Deum, bonum est infimum, et in genere suo pulchrum [Toute créature
corporelle, à condition qu’elle soit sous la domination d’une âme qui aime Dieu, est
un bien du plus bas ordre, et une chose belle dans son genre], vera relig. 107), et le
phantasma coupable ne naît pas de l’amour du corps, mais de l’amour d é s o r d o n -
n é du corps : si autem diligatur ab anima q u a e n e g l i g i t D e u m … deserit amantem
species concupita, et per cruciatum sentientis discedit a sensibus, et erroribus agitat,
ut hanc esse primam speciem putet, quae omnium infima est, naturae scilicet corpo-
reae, quam per lubricos sensus caro male dilecta nuntiaverit, ut cum aliquid cogitat,
intellegere se credat, umbris illusus phantasmatum [mais si elle est aimée par une
âme q u i n é g l i g e D i e u … la beauté désirée abandonne l’âme, et se retire des sens
dans la tourmente de celui qui perçoit, et qu’elle plonge dans l’erreur. Ainsi, il pense
que la beauté première est celle qui est la plus basse de toutes, c’est-à-dire celle de
la nature corporelle, que lui avait présentée sa chair, prenant un plaisir néfaste des
sens trompeurs, si bien que, quand il songe à quelque chose, il pense la com-
prendre, égaré par les ombres de ses imaginations] (vera relig. 107s.). La théorie des
phantasmata permettait ainsi à Augustin d’affirmer (comme il le fera maintes fois et
de manières multiples) que le mal ne venait pas des choses créées, mais d’une per-
ception, d’une évaluation erronées de ces choses. Sur le plan moral, cela conduisait
à la licence, sur le plan religieux aux fausses croyances.
Dans le cas des idoles, Augustin semble penser que le phantasma s’est brutale-
ment manifesté dans la formation d’une image physique du divin. C’est ce
qu’indique l’opposition dans l’Inchoata expositio entre simulacrorum … quae hu-
mana operatur manus et simulacris phantasmatum suorum. Dans le premier cas,
le simulacrum est l’idole, un objet physique et tangible, la concrétisation évidente
d’une conception sensuelle de la divinité. C’est ainsi que ceux qui cherchent le bon-
heur dans luxurias dominationes superbias ceteraque id genus [le plaisir, la domina-
tion, la vantardise, et les autres choses de ce genre] se tourneront ad simulacrorum
fallaciam [vers la tromperie des idoles] (beat. vit. 33, mais le terme simulacra est
peut-être à prendre ici dans les deux sens). C’est ainsi, aussi, que l’idolâtrie est pire
que le culte des choses créées, puisqu’elle place une création de l’être humain au-
dessus d’une création divine : Qui vero talia opera etiam colunt quantum deviaverint
a veritate, hinc intellegi potest, quia si ipsa animalium corpora colerent, quae multo
Commentaire | 231
excellentius fabricata sunt et quorum sunt illa imitamenta, quid eis infelicius dicere-
mus? [Quant à ceux qui vont jusqu’à adorer de telles œuvres, on peut comprendre
comme suit à quel point ils ont dévié de la vérité : s’ils adoraient les corps mêmes
des êtres vivants, qui ont été fabriqués d’une manière bien plus sublime, et dont [ces
œuvres] sont des imitations, qui trouverions nous de plus malheureux qu’eux ?]
(divers. quaest. 78).
Par cette vision des idoles, Augustin dépassait la critique biblique et apologé-
tique de l’idolâtrie, qui se concentrait sur le fait que l’idolâtre adorait un objet péris-
sable, bois, pierre métal. Pour Augustin, la fabrication de l’idole n’est que la mani-
festation extérieure de la fausse conception intérieure. Et l’erreur ne serait pas
moindre si la conception ne conduisait pas à la fabrication d’un objet. Cette ap-
proche permettait – soit dit en passant – de justifier l’art religieux chrétien (puisque
l’erreur ne consistait pas dans la fabrication). Mais surtout elle permettait de ravaler
les croyances des gnostiques, qui avaient le monde physique en horreur, au niveau
de l’idolâtrie.
En effet, dans la polémique, Augustin s’est surtout servi de la théorie des phan-
tasmata pour attaquer la cosmologie baroque des Manichéens, auxquels il pense
sans doute aussi ici dans l’ Inchoata expositio (voir n. précédente, e). C’est ainsi que
cette théorie est omniprésente dans vera relig. (voir surtout 107–110 et 267–270, où
figurent des éléments spécifiques de la cosmologie), qu’on la retrouve dans les
autres traités anti-manichéens d’avant l’épiscopat (mor. eccl. 38 ; mor. Manich. 38 ;
gen. c. Manich. 2,30.40 ; util. cred. 1 ; en c. Adim. 13,1 et 17,2 Augustin accuse les
Manichéens d’être favorables envers la vraie idolâtrie). Et dans les Confessions Au-
gustin se mettra en scène comme étant lui-même la victime de ces phantasmata
manichéens : Et apponebantur adhuc mihi in illis ferculis phantasmata splendida …
illa erant corporalia phantasmata, falsa corpora, quibus certiora sunt vera corpora
ista, quae videmus visu carneo…. Quanto ergo longe es a phantasmatis illis meis,
phantasmatis corporum, quae omnino non sunt! [Et dans ces plats, on m’offrait tou-
jours des imaginations splendides … c’était des imaginations corporelles, des faux
corps. Les vrais corps, que nous voyons de notre vision charnelle, sont plus fiables
… Combien donc tu es loin de ces miennes imaginations, ces imaginations portant
sur des corps qui sont entièrement inexistants] (conf. 3,10. Voir aussi O’DONNELL ad
loc. pour les phantasmata dans les écrits anti-manichéens. O’Donnell signale que le
choix du mot phantasma sert aussi à mettre en relief le docétisme des Manichéens :
vide supra sur ThLL, et comparer Prudence, Apotheosis 956–958 : le Christ des Ma-
nichéens est sine corpore vero … mendax fantasma cavamque corporis effigiem [sans
vrai corps … une imagination trompeuse, et l’image creuse d’un corps] ; de même,
1051s.).
Ensuite, par opposition avec les rituels de purification manichéens, la vraie pu-
rification commençait par l’acceptation que les idées implantées en nous par les
sens ne peuvent conduire à la perception de Dieu : Nec istis videatur oculis, nec ullo
phantasmate cogitetur, sed mente sola et intellegentia cerni queat [Il n’est pas visible
232 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
à nos yeux, et ne peut se concevoir par aucune imagination, mais il peut seulement
être discerné par l’esprit et l’intelligence] (vera relig. 10) ; cito se incomprehensibilem
esse demonstravit dilectoribus suis, ne illum corporeis imaginationibus comprehendi
arbitrarentur [Il a vite montré à ceux qui l’aimaient qu’il est insaisissable, afin qu’il
ne pensassent pas qu’il put être saisi par les imaginations corporelles] (in psalm.
17,11 ; voir aussi epist. 7,7). Mais comment faire la distinction entre Dieu perçu à
l’intérieur de nous et le phantasma ? C’est le Christ lui-même, la Vérité (Io. 14,6), qui
agit dans notre esprit pour que nous puissions discerner le vrai du faux : Si non cer-
nis quae dico, et an vera sint dubitas, cerne saltem, utrum te de his dubitare non du-
bites, et si certum est te esse dubitantem, quaere, unde sit certum. Non illic tibi, non
omnino solis huius lumen occurret, sed ‘lumen verum, quod illuminat omnem hominem
venientem in hunc mundum’ [Io. 1,9], quod his oculis videri non potest nec illis, quibus
phantasmata cogitantur per eosdem oculos animae impacta, sed illis, quibus ipsis
phantasmatibus dicitur: non estis vos, quod ego quaero [Si tu ne discernes pas ce que
je dis, et si tu doutes que cela soit vrai, discerne au moins : est-ce que tu doutes que
tu doutes sur ce point ? Et s’il est certain que tu doutes, demande-toi : pourquoi est-
ce certain ? Alors, ce n’est pas du tout la lumière de notre soleil qui viendra se pré-
senter, mais la vrai lumière, qui illumine tout homme venant en ce monde, qui ne
peut être vue ni de ces yeux, ni de ceux par lesquels se conçoivent les illusions qui
s’impriment dans l’âme par le biais de ces mêmes yeux, mais par les [yeux] qui nous
permettent de dire à ces mêmes imaginations : ce n’est pas vous que, moi, je
cherche.] (vera relig. 204s.). Voir G. MADEC, Christus, scientia et sapientia nostra,
RecAug 10 (1975), 77–85 ; voir aussi n. à 14,2–8.
Dans son rejet des sens, la doctrine d’Augustin est bien sévère : seul le mundis-
simus (le plus pur) peut discerner les phantasmata (soliloq. 3,4, et là encore il ne
s’agit que de géométrie). Et elle n’est pas facilement réconciliable avec un Christ
incarné et une perception sensuelle qui continuera dans l’au-delà pour nos corps
ressuscités. En effet, comme l’admet Augustin, ce ne sont pas seulement les illu-
sions qui sont formées en nous à partir des sens. C’est aussi par les sens que l’on
nous enseigne la vérité : Et quoniam necessitate iam per hos oculos et per has aures
de ipsa veritate admonemur, et difficile est resistere phantasmatis quae per istos sen-
sus intrant in animam, quamvis per illos intret etiam ipsa admonitio veritatis ; – in ista
ergo perplexitate, cuius vultus non sudet, ut manducet panem suum [Gen. 3,19] ? [Et
puisque, forcément, c’est désormais par ces yeux et par ces oreilles que l’on nous
enseigne la vérité, et qu’il est difficile de résister aux imaginations qui entrent dans
l’âme par ces sens, bien que l’enseignement de la vérité entre aussi par eux – dans
cette perplexité, qui est-ce donc, dont le visage ne sue pas pour manger son pain ?]
(gen. c. Manich. 2,30). Et les phantasmata en matière de religion ne sont pas non
plus le domaine exclusif des hérétiques. Parmi les chrétiens mêmes, les carnales et
parvuli [les charnels et les petits] peuvent se faire des idées de Dieu basées sur leurs
phantasmata : Solent Deum sibi libertate phantasmatis corporis humani specie figu-
rare [Ils ont tendance, dans le libre cours de leur imagination, à se représenter Dieu
Commentaire | 233
sous l’apparence d’un corps humain] (c. epist. fund. 25 ; voir aussi c. Faust. 22,54).
Augustin reconnait d’ailleurs la difficulté pour tous d’y échapper : même les spiri-
tales [spirituels] (voir n. à 18,12) ne perçoivent l’infinité de Dieu que quantum in hac
vita animus potest [dans la mesure où l’esprit en est capable en cette vie], et il
n’hésite pas à employer dans ce contexte la première personne : si non possem m e
intendere ad superiora neque cogitationes m e a s a falsis imaginibus … evolvere [si j e
ne peux pas m’élever vers les choses d’en haut ni dégager m e s pensées des fausses
images] (c. epist. fund. 25).
Il serait vain de chercher une formule pour résoudre ces tensions dans la pensée
d’Augustin. Elles reflètent des paradoxes fondamentaux en lui (sinon dans la condi-
tion humaine) : l’angoisse envers le corps, qui l’avait entrainé vers le Manichéisme
et le Platonisme, et l’accueil joyeux de l’Incarnation, qui l’a poussé à consacrer tout
le dernier livre de la Cité de Dieu à la nature du corps ressuscité, y compris ses per-
ceptions sensuelles (civ. 22,29).
Du reste, si les détails de la théorie des phantasmata semblent bien être une in-
novation augustinienne dans la doctrine chrétienne sur l’idolâtrie, sa pensée doit ici
(directement ou indirectement) beaucoup à Origène : Οὐ μόνον ἀπὸ τῶν ἀγαλμάτων
ποιοῦσιν ἑαυτοῖς ἄνθρωποι θεούς [Ier. 16,20], ἀλλ’ εὑρήσεις καὶ ἀπὸ τῶν ἀναπλασμά-
των ποιοῦντας ἀνθρώπους ἑαυτοῖς θεούς· ὅσοι γὰρ δύνανται ἀναπλάσαι θεὸν ἕτερον
καὶ κοσμοποιίαν ἄλλην παρὰ τὴν ὑπὸ τοῦ πνεύματος ἀναγεγραμμένην, οἰκονομίαν
κόσμου παρὰ τὸν ἀληθῆ κόσμον, οὗτοι πάντες ἐποίησαν ἑαυτοῖς θεοὺς καὶ
προσεκύνησαν τοῖς ἔργοις τῶν χειρῶν [Ier. 1,16]. Οἷον νόησόν μοι εἴτε ἐν Ἕλλησι
τοὺς γεννήσαντας δόγματα, φέρ’ εἰπεῖν, τῆς δε τῆς φιλοσοφίας ἢ τῆσδε, εἴτε ἐν ταῖς
αἱρέσεσι τοὺς γεννήσαντας πρώτους δόγματα, οὗτοι ἐποίησαν ἑαυτοῖς εἴδωλα καὶ
ἀναπλάσματα τῆς ψυχῆς καὶ στραφέντες προσεκύνησαν τοῖς ἔργοις τῶν χειρῶν
αὐτῶν, ἀποδεξάμενοι ὡς ἀλήθειαν τὰ ἴδια ἀναπλάσματα. [Ce n’est pas seulement à
partir des images que les hommes se font des dieux, mais tu verras que les hommes
se font des dieux aussi à partir de leurs inventions. En effet, tous ceux qui sont ca-
pables de se fabriquer un autre dieu et une autre création du monde, différents de
ceux consignés à l’Écriture par l’Esprit – un système du monde différent du vrai
monde –, tous ceux-ci se sont fait des dieux, et ont adoré les ouvrages de leurs
mains. Ainsi, songe pour moi soit à ceux des Grecs qui ont engendré des doctrines,
par exemple, dans une ou l’autre philosophie, soit à ceux, dans les hérésies, qui ont
les premiers engendré des doctrines. Ceux-ci se sont fait des idoles et des inventions
de l’âme, et, en se fourvoyant, ils ont adoré les ouvrages de leurs mains, acceptant
comme vérité leurs propres inventions] (hom. in Jer. 16,9 ; voir aussi hom. in Ezech.
7,3 ; hom. in Ex. 8,3). Origène lui aussi attaque en premier lieu les gnostiques, et a le
même plaisir à en faire des idolâtres. Ce qu’ajoute Augustin, c’est surtout une ma-
nière de montrer que ces idoles gnostiques sont tout autant des créations de la sen-
sualité que les idoles au sens propre.
Quant à l’idée que omnis error peut être qualifié d’idolâtrie, elle est bien vieille.
Tertullien déjà avait affirmé : Cum universa delicta adversus Deum sapiant, nihil
234 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
autem, quod adversus Deum sapiat, non daemoniis et immundis spiritibus deputetur
quibus idola mancipantur, sine dubio idololatrian admittit quicunque delinquit [Étant
donné que tous les péchés ont la saveur de l’opposition à Dieu, et qu’il n’y a rien qui
ait cette saveur de l’opposition à Dieu, qui ne soit pas attribué aux démons et aux
esprits impurs, auxquels appartiennent les idoles, il est certain que tout homme qui
pèche commet l’idolâtrie] (idol. 1). Et derrière Tertullien, on peut même voir Paul,
selon le sens que l’on donne à la parenthèse en Eph. 5,5 (τοῦτο γὰρ ἴστε
γινώσκοντες, ὅτι πᾶς πόρνος ἢ ἀκάθαρτος ἢ πλεονέκτης, ὅ ἐ σ τ ιν ε ἰ δω λ ο λ ά τ ρ η ς ,
οὐκ ἔχει κληρονομίαν ἐν τῇ βασιλείᾳ τοῦ Χριστοῦ καὶ Θεοῦ [Car, sachez-le bien, tout
homme fornicateur ou impur ou avare – q u i e s t u n i d o l â t r e – n’aura pas
d’héritage dans le royaume du Christ et de Dieu]).
baptême du Christ et les flammes de la Pentecôte sont mutata atque conversa (pour
l’origine cicéronienne de cette expression, voir CCSL 50, 94s.), non pas parce qu’ils
deviennent l’Esprit Saint, mais parce que, sous l’impulsion de l’Esprit, ils se détour-
nent de l’activité que leur dictent les lois de la nature. Une modification parallèle
n’a pas lieu dans la nature divine du Christ.
G. Madec (AugLex, loc. cit., à consulter aussi pour la vaste bibliographie sur la
christologie augustinienne) souligne que ces formules ont pour but de répondre à
un point de vue néoplatonicien qui ne pouvait concevoir un mélange entre Dieu et
homme. C’est sans doute vrai, mais le souci de montrer que « l’Incarnation
n’implique nullement de la part de Dieu l’abandon du gouvernement de l’univers »
(ibid.), qu’en devenant homme le Christ reste Dieu, dépasse les limites d’une con-
troverse donnée. Voir, par exemple, l’importance de cette question chez Hilaire de
Poitiers, qui y consacre tout le livre 10 du De Trinitate : demonstrantes secundum
dispensationem carnis adsumptae tum, cum se ex forma Dei evacuans formam servi
accepit, infirmitatem habitus humani Dei non infirmasse naturam, sed, salva divinita-
tis in homine virtute, adquisitam esse Dei ad hominem potestatem. Namque cum in
hominem Deus natus sit, non idcirco natus est, ne Deus non maneret [en démontrant
que, selon la dispensation de la chair qu’il a assumée quand, en se vidant de la
forme de Dieu, il a reçu la forme d’un esclave, la faiblesse de la condition humaine
n’a pas affaibli la nature de Dieu, mais la puissance divine est restée intacte dans
l’homme, et le pouvoir de Dieu a été acquis pour l’homme. En effet, quand Dieu est
né comme homme, il n’est pas né pour ne plus rester Dieu] (10,7). Hilaire répond
aux Ariens, pour qui les souffrances du Christ étaient inadmissibles s’il était Dieu en
égalité avec le Père, mais la pierre d’achoppement – le Christ vrai Dieu et vrai
homme – reste la même, comme elle le sera dans les terribles controverses christo-
logiques du 5ème siècle, qui sont ici anticipées.
Pour les difficultés de parler de ce mystère en langage humain, comparer E.
EVANS, Tertullian’s Treatise Against Praxeas, London 1948, 70–73 : dans différents
écrits, Tertullien accepte ou refuse de parler de l’Incarnation comme une conversio
de Dieu en chair, mais le fond de sa théologie de l’Incarnation ne diffère pas de celui
d’Augustin.
4,10 non solum eo verbo quod ait secundum carnem, humanitatem a divinitate
distinxit, sed etiam illo quod ait factus est
S’étant occupé des Ébionites au début du §4, Augustin se tourne maintenant vers les
Ariens : la divinité du Fils une fois établie, il fallait affirmer que cette divinité est
égale à celle du Père. D’ailleurs, les Manichéens aussi pouvaient nier l’éternité du
Fils. Ainsi Fortunatus définit le Verbe comme natum a constitutione mundi cum
mundum fabricaret [sc. Deus] [né dès la fondation du monde, quand [Dieu] fabriqua
le monde] (c. Fort. 3).
Ici, ce sont surtout les mots factus est qui pouvaient suggérer que le Christ est
un être créé. Comparer in Gal. 30, sur Gal. 4,4 (factum ex muliere [fait d’une
240 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
femme]) : ‘Factum’ autem dixit propter susceptionem creaturae, quia qui nascuntur ex
feminis non tunc ex Deo nascuntur [Io. 1,13], sed tamen Deus illos facit, ut sic nasci
possint, ut omnem creaturam [Il dit ‘fait’ à cause de l’assomption d’une créature,
parce que ceux qui naissent des femmes ne naissent pas à ce moment-là de Dieu.
Néanmoins, c’est Dieu qui les fait, comme toute créature, pour qu’ils puissent naitre
de la sorte]. Et de même, la présence de factus semble être un des facteurs qui moti-
vent Tyconius (Liber regularum 1,12,1) à interpréter Rom. 1,1–4 comme parlant non
pas du Christ, mais de l’Église (voir n. à 5,11–17 ; 5,13, neque ad exemplum).
En fait, dans les deux textes de Paul, factus / factum traduit γενομένου /
γενόμενον, et le terme grec implique beaucoup moins un acte de création. C’est
pourquoi ces textes pauliniens ne sont pas très souvent des éléments de la dispute
entre Catholiques et Ariens. Mais nous avons proposé (n. à 2,5) qu’Augustin ne dis-
posait pas de manuscrit grec de Rom. quand il rédigeait l’Inchoata expositio. Com-
parer avec c. Faust. 11,4, où il note que in quibusdam latinis exemplaribus non le-
gitur: ‘factus’, sed ‘natus ex semine David’, cum graeca ‘factus’ habeant, unde non ad
verbum sed ad sententiam transferre voluit dicendo ‘natum’ latinus interpres [dans
certains exemplaires latins, on ne lit pas ‘fait’ mais ‘né de la semence de David’,
alors que le grec a ‘fait’. Le traducteur latin a donc voulu traduire non pas mot à mot
mais selon le sens, en disant ‘né’]. Il semble ici reconnaitre l’écart entre γίγνεσθαι et
fieri, même s’il ne met pas en cause la traduction du premier par le second, consa-
crée depuis longtemps dans les versions latines de la Bible, surtout pour Gen. 1,1–25
et Io. 1,14.
On pourrait objecter qu’Origène, qui écrivait bien entendu sur le texte grec,
prend les mêmes précautions qu’Augustin : ‘Factus est’ autem sine dubio id quod
prius non erat secundum carnem. Secundum Spiritum vero erat prius et non erat
quando non erat [‘Il a été fait’ sans doute ce qu’il n’était pas avant selon la chair.
Mais selon l’Esprit il était avant et il n’y avait pas [de temps] quand il n’était pas]
(Rufin. Orig. in Rom. 1,7,1). Mais cette partie du commentaire d’Origène est claire-
ment interpolée par Rufin, son traducteur (voir SChr 532, n. ad loc.), comme
l’indique l’introduction de la formule anti-arienne classique non erat quando non
erat. Par contre, les « hérétiques » qui, selon Philastre de Brescia excluaient du ca-
non l’épître aux Hébreux quia et factum Christum dicit in ea [parce qu’il y dit aussi
que le Christ a été fait] (Diversarum haereseon liber 89) se fondent certainement sur
le grec : en Hebr. 3,2, le Christ est dit πιστὸν ὄντα τῷ ποιήσαντι αὐτὸν [fidèle à celui
qui l’a f a i t ] (voir n. à 11,3s.).
non possumus dicere, cum animadvertamus ‘omnia per ipsum facta esse’ scriptum [En
effet, comme il est clair que tout a été fait par le Christ, ou bien il est avant tout,
parce que tout [existe] par lui, et c’est à bon droit qu’il est aussi Dieu, ou bien, parce
qu’il est un homme, il est après tout, et c’est à bon droit que rien n’a été fait par lui.
Mais nous ne pouvons dire que rien n’a été fait par lui, quand nous voyons qu’il est
écrit que ‘tout a été fait par lui’] ; Tertullien, adv. Prax. 16 : Omnem enim dicens po-
testatem [Mt. 28,18], et omne iudicium [Io. 5,22], et omnia per eum facta, et omnia
tradita in manu eius [Io. 3,35], nullam exceptionem temporis permittit, quia non omnia
erunt si non omnis temporis fuerint [En effet, en parlant de tout pouvoir, et de tout
jugement, et de tout ayant été fait par lui, et de tout ayant été remis en sa main, il ne
permet d’exception pour aucun temps, puisqu’il ne s’agirait pas de tout, si tous les
temps n’étaient pas inclus]. Augustin avait peut-être peu lu Novatien ou Tertullien à
l’époque de l’Inchoata expositio, mais il pouvait aussi trouver une exégèse très simi-
laire chez Ambroise : Caveamus … si nesciamus, quae propria sunt divinitatis aeter-
nae incarnationisque distinguere, si creatorem cum suis operibus conferamus, si
auctorem temporum dicamus coepisse post tempora; neque enim potest fieri, ut per
quem sunt omnia sit unus ex omnibus [Prenons garde … si nous ne savons pas distin-
guer ce qui est propre à la divinité éternelle et [ce qui est] propre à l’Incarnation, si
nous confondons le créateur et ses œuvres, si nous disons que l’auteur des temps a
commencé [à exister] après les temps. Car il n’est pas possible que celui par qui tout
a été fait fasse partie de ce tout] (incarn. 2,13).
Pour sa part, Augustin revient bien souvent à ce thème, à tous les niveaux de
son activité littéraire : prédication (serm. 9,6 : Deus Christus Filius Dei unum est cum
Patre, et ideo non debet a nobis accipi in vanum [Ex. 20,7], ut putemus eum factum, id
est creaturam aliquam, per quem facta sunt omnia [Dieu le Christ, Fils de Dieu, est un
avec le Père, et c’est pourquoi il ne doit pas être pris en vain par nous, pour que
nous pensions qu’il a été fait, c’est-à-dire que celui par qui tout a été fait serait une
créature quelconque] ; voir aussi in euang. Ioh. 1,11), traités simples (fid. et symb. 5 :
Nos autem in eum credimus, per quem facta sunt omnia, non in eum, per quem facta
sunt cetera [Mais nous croyons en celui par qui tout a été fait, non pas en celui, par
qui le reste a été fait]), spéculations théologiques (trin. 1,12 [CCSL 50, 42,99–103]) :
Quia si vel Filium fecit Pater quem non fecit ipse Filius, non omnia per Filium facta
sunt. At omnia per Filium facta sunt. Ipse igitur factus non est ut cum Patre faceret
omnia quae facta sunt [Parce que, si le Père a fait seulement le Fils, sans que le Fils
le fasse, tout n’a pas été fait par le Fils. Mais tout a été fait par le Fils. Lui n’a donc
pas été fait, pour qu’il puisse avoir fait avec le Père tout ce qui a été fait]). Pour les
mêmes idées sur un mode lyrique, voir l’hymne au Fils en soliloq. 1,3, avec ses six
répétitions de in quo et a quo et per quem … omnia [en qui et de qui et par qui … tout
[existe]].
242 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
de Filio suo, qui factus est ei ex semine David secundum carnem, q u i p r a e d e s t i n a t u s e s t , Fi-
lius Dei in virtute secundum Spiritum sanctificationis, e x r e s u r r e c t i o n e m o r t u o r u m
Il cherche ainsi à construire une symétrie entre les deux pendants des deux filius :
secundum carnem / secundum Spiritum sanctificationis. Mais sa pensée devient diffi-
cile à suivre (voir n. à 7,4s.), car il propose ensuite (5,6) de contraster factus + ex
semine David + secundum carnem et praedestinatus + Filius Dei + ex resurrectione
mortuorum, ce qui donnerait lieu à une troisième ponctuation. Pour les raisons qui
inclinaient Augustin à séparer praedestinatus de Filius Dei, voir n. à 5,11–17.
La ponctuation des textes est une des activités habituelles du grammairien an-
tique (voir S. F. BONNER, Education in Ancient Rome, London 1977, 220–222. Voir
aussi n. à 7,1–5 ; 7,5 ; 11,3 ; G. BELLISSIMA, Sant’ Agostino grammatico, dans : Augus-
tinus Magister, t. 1, Paris 1954, 35–41 ; AugLex s.v. Grammatica, grammaticus. Pour
des exemples classiques d’hyperbates construites par la ponctuation [distinctio],
voir Scholies sur Éschine, ad 3,71 ; Quintilien, Institutio Oratoria 11,3,35–37). Étant
données leur formation culturelle et leur étude incessante du texte sacré, il était
naturel que les écrivains chrétiens s’intéressassent aussi à la ponctuation. On attri-
bue généralement le début de l’étude « grammaticale » de la Bible, y compris de sa
ponctuation, à Clément d’Alexandrie, et surtout à Origène (voir M. IRVINE, The Ma-
king of Textual Culture, Cambridge 1994, 162–169. Pour des exemple de distinctio
chez Origène, voir Cant. 4 [GCS 33, 241] ; Jo. 32,26,330, et, pour des hyperbates, Se-
lecta in Gen. PG 12, 92s. ; hom. in Jer. 12,12). C’est ensuite avec Augustin et Jérôme
que ces méthodes – bien que toujours vues comme ancillaires – s’implantent fer-
mement dans l’activité des exégètes latins.
Il ne semble pas exister d’étude d’ensemble de la distinctio chez Augustin
(quelques précisions chez MARROU, Saint Augustin, 427). Par contre, on lit ses
propres conseils, très clairs, en la matière en doctr. christ. 3,3–9. Mais, comme nous
l’avons déjà dit (n. à 2,5), Augustin a toujours été bien plus théologien que philo-
logue. Ambroise avait affirmé que le commentaire de Paul pouvait être essentielle-
ment affaire de grammairien : In plerisque ita se ipse [sc. Paul] suis exponat sermoni-
bus ut is qui tractat nihil inveniat quod adiciat suum, ac si velit aliquid dicere
grammatici magis quam disputatoris fungatur munere [Très souvent, il s’explique lui-
même dans ses discours, à tel point que celui qui le commente ne trouve rien du
sien à ajouter, et s’il veut dire quelque chose, il fait office de grammairien, plutôt
que d’argumentateur] (epist. 7,1 [CSEL 82/1] ; pour la méthode de grammairien chez
Marius Victorinus, voir PLUMER, Augustine’s Commentary, 22s.). Une telle approche
est loin de caractériser les commentaires augustiniens sur l’apôtre, et Augustin eût-
244 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
il partagé l’avis exprimé ici par Ambroise, il est douteux qu’il eût même entrepris ces
commentaires.
Ainsi, les problèmes de distinctio abordés dans les commentaires scripturaires
d’Augustin sont relativement peu nombreux, du moins pour les œuvres d’avant
l’épiscopat. Citons à titre d’exemple in psalm. 3,7 : Non ita distinguendum est, quasi
una sententia sit: ‘Exsurge, Domine; salvum me fac, Deus meus, quoniam tu percussis-
ti omnes adversantes mihi sine causa’ [Ps. 3,7s.]: non enim propterea salvum facit,
quia percussit inimicos eius; sed potius ipso salvo facto, illos percussit. Ergo ad id
quod sequitur pertinet, ut iste sit sensus: ‘Quoniam tu percussisti omnes adversantes
mihi sine causa, dentes peccatorum contrivisti’. Id est, inde contrivisti dentes peccato-
rum, quoniam percussisti omnes adversantes mihi [Il ne faut pas ponctuer comme s’il
y avait une seule phrase dans ‘Lève-toi, Seigneur, sauve-moi, mon Dieu, puisque tu
as frappé tous ceux qui s’opposaient à moi sans raison’. En effet, il ne l’a pas sauvé
parce qu’il a frappé ses ennemis. Mais, une fois qu’il l’a sauvé, il les a frappés. [Ces
mots] ont donc trait à ce qui suit, pour que l’on comprenne : ‘Parce que tu as frappé
tous ceux qui’ s’opposaient à moi sans raison, tu as broyé les dents des pécheurs’;
c’est-à-dire, si tu as broyé les dents des pécheurs, c’est parce que tu as frappé tous
ceux qui s’opposaient à moi].
Ajouter in psalm. 13,7 ; in Gal. 10.12.56 et (juste après l’episcopat) quaest. Simpl.
1,2,6. Parmi ces exemples, in psalm. 13,7 et in Gal. 12 ont un point commun notable
avec notre passage de l’Inchoata expositio : Augustin y propose des hyperbates
reliant deux morceaux de textes séparés par un élément intermédiaire :
in psalm. 13,7 : (sur Ps. 13,4s., οὐχὶ γνώσονται πάντες οἱ ἐργαζόμενοι τὴν
ἀνομίαν; οἱ κατεσθίοντες τὸν λαόν μου βρώσει ἄρτου. τὸν κύριον οὐκ ἐπεκαλέσαντο.
ἐκεῖ ἐδειλίασαν φόβῳ, οὗ οὐκ ἦν φόβος, ὅτι ὁ Θεὸς ἐν γενεᾷ δικαίᾳ) [Tous ceux qui
pratiquent l’iniquité ne sauront-ils pas ? Ceux qui dévorent mon peuple comme on
mange du pain. Ils n’ont pas fait appel au Seigneur. Ils ont fui dans la terreur, là où
il n’y avait pas de terreur, parce que Dieu est dans la géneration juste] : Ad superiora
refertur, ut sit sensus: ‘Nonne cognoscent omnes qui operantur iniquitatem quoniam
Deus in generatione iusta est ?’ [Ceci se rapporte à ce qui vient plus haut, pour que le
sens soit : ‘Ne savent-ils pas, tous ceux qui pratiquent l’injustice, que Dieu est dans
la génération juste ?’] (passage omis dans les éditions antérieures à CSEL 93, 1A).
in Gal. 12 : Nam etiam sic potest intellegi, quod ait: ‘e contrario’, ut ordo iste sit:
‘Mihi enim qui videntur, nihil apposuerunt, sed e contrario’ [Gal. 2,5s.], ‘ut nos quidem
in gentes iremus’ [Gal. 2,9] [Car on peut aussi comprendre ainsi quand il dit ‘au con-
traire’, pour que l’ordre soit comme suit : ‘Ceux qui sont réputés ne m’ont rien impo-
sé, mais au contraire’, ‘que nous, de notre part, allions parmi les nations’].
Augustin tend donc à s’occuper des problèmes de ponctuation, ou d’ordo, pour
utiliser son propre vocabulaire, quand il veut proposer une syntaxe particulière-
ment difficile. Du reste, il n’est nullement le seul à postuler des hyperbates plus ou
moins inattendues. Mis à part Origène (vide supra), on trouve des exemples bien
plus extrêmes chez Jérôme. En in Tit. 1,12–14 il tente une énorme hyperbate, passant
Commentaire | 245
de Tit. 1,5 à 1,12, pour résoudre le problème posé par τις ἐξ αὐτῶν ἴδιος αὐτῶν
προφήτης [un des leurs, leur propre prophète] (Tit. 1,12), qui semblerait autrement
se référer à οἱ ἐκ τῆς περιτομῆς [ceux venus de la circoncision] (Tit. 1,11), alors qu’il
s’agit du païen Épiménide (mais Jérôme finit par rejeter sa propre proposition : mul-
ta in medio sunt et hoc absurdum videtur [il y a beaucoup [de mots] au milieu, et cela
semble absurde]). Et en in Gal. 3,19s. (CCSL 77A, 98s.) il propose, quia vero lectionis
ordo confusus est et hyperbato perturbatur [parce que le vrai ordre du texte est
brouillé et perturbé par une hyperbate], de changer l’ordre des éléments de la
phrase : [1] Lex [2] propter transgressiones [3] posita est [4] donec veniret semen cui
promissum erat [5] ordinata [6] per angelos [7] in manu mediatoris [[1] La Loi [2] à
cause des transgressions [3] fut imposée [4] jusqu’à ce que vienne la semence à qui
fut faite la promesse [5] ordonnée [6] par les anges [7] dans la main d’un média-
teur]→ [1] Lex [3] posita est [6] per angelos [7] in manu mediatoris [2] propter trans-
gressiones [5] ordinata [6] per angelos [4] donec veniret semen cui repromissum erat
[[1] La Loi [3] fut imposée [6] par les anges [7] dans la main d’un médiateur [2] à
cause des transgressions [5] ordonnée [6] par les anges [4] jusqu’à ce que vienne la
semence à qui fut faite la promesse]. Augustin ne se permet pas de telles violences
au texte, tout comme il ne répète pas les censures de Jérôme sur la compétence litté-
raire de Paul : Profundos sensus Graeco sermone non explicat, et quod cogitat in ver-
ba vix promit [Il n’élucide pas dans la langue grecque ses idées profondes, et c’est à
peine s’il exprime par les mots ce qu’il pense] (in Tit. 1,1b–4 ; on trouve des re-
marques similaires chez Faustus le Manichéen : c. Faust. 32,7. À contraster avec la
belle étude de l’éloquence paulinienne en doctr. christ. 4,46–48.107–124).
De plus, Augustin présente ici sa ponctuation préférée comme une lecture pos-
sible (iste ordo certior et melior v i d e t u r ), mais non nécessaire. C’est que, selon
les interprétations qu’il en fournit, aucune des ponctuations proposées n’est con-
traire à l’orthodoxie ou au bons sens, et, selon le principe établi en doctr. christ.
3,9 : Ubi autem neque praescripto fidei neque ipsius sermonis textu ambiguitas expli-
cari potest, nihil obest secundum quamlibet earum, quae ostenduntur, sententiam
distinguere [Là où une ambiguïté ne peut être résolue ni par la règle de la foi, ni par
le contexte même du discours, rien n’empêche de ponctuer la phrase selon
n’importe laquelle des [ponctuations] qui se présentent].
Augustin n’est pas le seul à trouver problématique l’enchainement des idées en
Rom. 1,3s. Jean Chrysostome, hom. in Rom. 1,2 (PG 60, 397) remarque que ἀσαφὲς τὸ
εἰρημένον ἀπὸ τῆς τῶν λέξεων πλοκῆς γέγονε [ce qui est dit est ambigu à cause de
l’enchainement des mots]. Mais sa solution est différente : il voit le passage comme
proposant cinq causes par lesquelles on peut voir que Jésus est le Fils de Dieu : ἀπὸ
τῶν προφητῶν, ἐξ αὐτοῦ τοῦ τρόπου τῆς γεννήσεως, ἀπὸ τῶν θαυμάτων ὧνπερ
ἔπραττε (il comprend donc δυνάμει / virtute différemment d’Augustin), ἀπὸ τοῦ
Πνεύματος, ἀπὸ τῆς ἀναστάσεως Κυρίου [à partir des prophètes, à cause de la façon
même dont il fut engendré, à partir des miracles qu’il a faits, à partir de l’Esprit, à
partir de la résurrection du Seigneur]. Ainsi, Augustin se soucie plus que Chrysos-
246 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
tome de repérer dans le texte une structure logique qui corresponde à l’ordre des
énoncés (c’est le sens de consequenter, 5,10).
porelle – mais la droite du Père est la béatitude perpétuelle qui est donnée aux
saints] (agon. 28 ; voir aussi symb. 11). Comme dans l’Inchoata expositio, le Christ à
la droite du Père est immédiatement associé aux élus qui le rejoindront (voir n. à
5,13, cum illo vivant).
postea substiterunt. Inferior vero de eo quem nulla cogitatio, voluntas nulla praecessit,
sed semper fuit, et numquam ut esset, accepit exordium. Unde recte nunc de his qui
cum ante non essent, postea substiterunt, dicitur προορισθέντες. De Filio vero, hoc
est, de Domino nostro Jesu Christo, in alio loco scriptum est ὁρισθέντος, quia semper
cum Patre fuit, et numquam eum ut esset voluntas paterna praecessit [Les mots latins
ne rendent pas la différence entre les mots grecs προορίσας et ὁρισθέντος. En effet,
le premier mot fait référence à ceux qui n’existaient pas auparavant, et auxquels on
a pensé avant qu’ils ne soient faits, et ensuite ils ont existé. Mais le second [mot
indique] celui que nulle pensée, nulle volonté n’a précédé, mais qui a toujours été,
et n’a jamais reçu un moment pour commencer à être. C’est donc à bon droit que
προορισθέντες se dit ici de ceux qui n’avaient pas existé auparavant, puis ont com-
mencé à exister. Mais le Fils, c’est-à-dire notre Seigneur Jésus Christ, est dit ailleurs
ὁρισθέντος, puisqu’il a toujours été avec le Père, et la volonté paternelle ne l’a nul-
lement précédé, pour qu’il fût] (in Eph. 1,5). De même, Rufin est suffisamment gêné
par praedestinatus pour interpoler une remarque dans sa traduction du commen-
taire d’Origène sur l’épître aux Romains : Observandum est enim quia non dixit: ‘qui
p r a e d e s t i n a t u s est Filius Dei in virtute secundum Spiritum sanctificationis’, sed
‘qui d e s t i n a t u s est Filius Dei’ … Quamvis enim in latinis exemplaribus ‘praedestina-
tus’ soleat inveniri, tamen, secundum quod interpretationis veritas habet, ‘destinatus’
scriptum est, non ‘praedestinatus’. Destinatur enim ille qui est, praedestinatur vero ille
qui nondum est, sicut de his 〈de〉 quibus dicit apostolus: ‘Quos autem praescivit illos et
praedestinavit’ [Rom. 8,29]. Praesciri ergo et praedestinari possunt illi qui nondum
sunt, ille autem qui est et semper est non praedestinatur sed destinatur. [Il faut en
effet noter qu’il n’a pas dit ‘qui fut p r é d e s t i n é Fils de Dieu dans la puissance selon
l’Esprit de sanctification’, mais ‘qui fut d es t i n é Fils de Dieu’ … En effet, bien que,
dans les exemplaires latins, on trouve d’ordinaire ‘prédestiné’, néanmoins, selon
une traduction véridique, c’est ‘destiné’ qui est écrit, [et] non pas ‘prédestiné’. Car
celui qui est est destiné ; mais celui qui n’est pas encore est prédestiné, comme c’est
le cas pour ceux dont l’apôtre dit : ‘Ceux qu’il a connus par avance, il les a aussi
prédestinés’. Donc ceux qui ne sont pas encore peuvent être connus par avance et
prédestinés, mais celui qui est, et qui est toujours, n’est pas prédestiné mais destiné]
(Rufin. Orig. in Rom. 1,7,1 ; Rufin ajoute que les Ariens profitaient de la traduction
praedestinatus ; voir n. à 4,10).
Augustin, pour sa part, ne disposait peut-être pas d’un texte grec de l’épître
(voir n. à 2,5), et n’avait certainement pas le commentaire traduit d’Origène, puisque
la traduction date de 405/406 (voir SChr 532, 28). S’il connaissait déjà Tyconius (il
disposait du Liber regularum dès 396 : voir SChr 488, 91 et cf. n. à 23,8–12), son exé-
gèse a dû lui paraitre trop extravagante pour être prise en compte. Le commentaire
de Jérôme sur Eph. date de 386, donc avant l’Inchoata expositio (voir FÜRST, Hiero-
nymus, 116s.) mais il est très improbable qu’Augustin ait négligé la remarque de
Jérôme, s’il l’avait lue et s’en était souvenu. Il n’a donc pas été jusqu’à remettre en
question praedestinatus. Mais il a jugé que le mot ne devait s’appliquer au Christ
Commentaire | 249
que par rapport au salut des hommes, et non pas par rapport au Père.
L’Ambrosiaster peut lui avoir donné l’idée d’interpréter ex resurrectione mortuorum
comme la résurrection générale (‘ex mortuorum’ quia resurrectio Christi generalem
tribuit resurrectionem [‘des morts’ parce que la résurrection du Christ donne lieu à la
résurrection générale], in Rom. 1,4). Ensuite, il suffisait de joindre praedestinatus
avec ex resurrectione mortuorum (voir n. à 5,4–7) : si les élus étaient prédestinés à
ressusciter, le Christ pouvait être décrit comme prédestiné à ressusciter comme
première étape de cette résurrection générale (ex ipsorum enim resurrectione
praedestinatus est, 5,13)
Il n’en restait pas moins que le verbe praedestinatus était appliqué directement
à Jésus. Cela n’a pas paru intolérable à Augustin, qui va dire : non enim sic prae-
destinari oportuit nisi Filium Dei (5,12 ; on a déjà vu, n. à 5,4–7, qu’il ne tenait pas
absolument à séparer praedestinatus de Filius Dei). Il faut comprendre qu’il accep-
tait déjà de résoudre le problème par l’unité des deux natures du Christ, comme il le
fera bien plus tard, quand il commentera Rom. 1,1–4 en praed. sanct. 31 : Nam et
ipsum Dominum gloriae, in quantum homo factus est Dei Filius, praedestinatum esse
didicimus … Ipsa est illa ineffabiliter facta hominis a Deo verbo susceptio singularis,
ut Filius Dei et filius hominis simul, filius hominis propter susceptum hominem, et
Filius Dei propter suscipientem unigenitum Deum, veraciter et proprie diceretur; ne
non Trinitas, sed quaternitas crederetur. Praedestinata est ista naturae humanae
tanta et tam celsa et summa subvectio. [En effet, nous avons appris que le Seigneur
de la gloire lui-même, dans la mesure où le Fils de Dieu s’est fait homme, a été pré-
destiné … C’est là l’inexprimable et unique assomption de l’homme, accomplie par
Dieu le Verbe, pour qu’il soit correctement et proprement appelé à la fois Fils de
Dieu et fils de l’homme, fils de l’homme à cause de l’homme assumé, et Fils de Dieu
à cause du Dieu-engendrement unique, qui assume : sinon il faudrait croire non pas
à la Trinité, mais à la Quaternité. C’est cette élévation, si grande, si haute, de la na-
ture humaine au sommet qui fut prédestinée] (voir aussi in euang. Ioh. 105,8. La
même idée est déjà chez Rufin. Orig. in Rom. 1,8,2 : quod per indissolubilem unitatem
verbi et carnis omnia quae carnis sunt adscribuntur et verbo [puisque, par
l’indissoluble unité du Verbe et de la chair, tout ce qui appartient à la chair est aussi
mis au compte du Verbe]. Mais pour Origène, le problème posé est de savoir com-
ment ἐξ ἀναστάσεως νεκρῶν [à partir de la résurrection des morts], qu’Origène, à
l’encontre d’Augustin et de l’Ambrosiaster, comprend de la seule résurrection de
Jésus, peut s’appliquer à Filius Dei).
fine saeculi resurrectio? … Nonne quomodo ‘ipse resurrexit a mortuis, et iam non mori-
tur, et mors ei ultra non dominabitur’ [Rom. 6,9], sic et nos, mirabilius, ut ita dicam?
Nam illius ‘caro non vidit corruptionem’ [Act. 2,31], nostra de cinere reparatur [Pen-
sez-vous que c’est quelque chose de grand, qu’il ait ressuscité son propre corps ?
Est-ce cela qu’il appelle ‘la puissance de sa résurrection’ ? N’y aura-t-il aussi notre
résurrection à la fin des temps ? … N’est-ce pas que, tout comme ‘il est ressuscité des
morts et désormais il ne meurt pas, et la mort n’aura plus d’emprise sur lui’, il en
sera de même pour nous, un plus grand miracle, si je puis le dire. Car sa ‘chair n’a
pas vu la corruption’ ; la nôtre sera recréée à partir des cendres].
Voir aussi la belle exégèse en in psalm. 3,9 : ‘Exsurge, Domine, salvum me fac,
Deus meus’ [Ps. 3,7]. Potest hoc ipsi capiti suo corpus dicere; illo enim exsurgente
salvum factum est, ‘qui ascendit in altum, captivam egit captivitatem, dedit dona
hominibus’ [Eph. 4,8]. Hoc enim in p r a e d e s t i n a t i o n e a propheta dicitur, quousque
ad terras Dominum nostrum illa de qua in evangelio [Mt. 9,37] dicitur messis matura
deposuit, cuius salus est in eius resurrectione, qui pro nobis dignatus est mori [‘Lève-
toi, Seigneur, sauve-moi, mon Dieu’. Le corps peut dire cela à sa propre tête,
puisque, quand il se lève, celui qui est monté en haut, qui a fait captive la captivité,
qui a donné des dons aux hommes’, [le corps] est sauvé. En effet, ceci fut dit par le
prophète en vue de la p r éd e s t i n a t i o n , jusqu’au moment où cette moisson mûre
dont on parle dans l’Évangile déposerait notre Seigneur dans [nos] terres, [cette
moisson] dont le salut est dans la résurrection de celui qui a daigné mourir pour
nous]. Ce praedestinatione est peut-être un souvenir de Rom. 1,4, tout comme le
Christ caput ecclesiae (tête de l’Église) se retrouve ici et dans Inchoata expositio 5,11.
erreur déjà chez Tyconius, où elle contribue à lui faire vouloir appliquer filio suo non
pas au Christ mais à l’Église (voir n. à 4,10 ; 5,11–17) : Si diceret ‘de filio suo ex resur-
rectione mortuorum’, unum filium ostenderat; nunc autem ‘de filio’, inquit, ‘suo ex
resurrectione mortuorum Iesu Christi Domini nostri’ [S’il avait dit ‘à propos de son fils
à partir de la résurrection des morts’, il aurait désigné un seul fils. Mais ici il dit ‘à
propos de son fils à partir de la résurrection des morts de Jésus Christ notre Sei-
gneur’] (Tycon. reg. 1,12,1). Comprendre : Paul mentionne deux « fils », filio suo et
Iesu Christi, et il ne peut s’agir du même être. Augustin a trop de bon sens pour être
induit en pareille erreur.
Pour ce qui sépare la résurrection des justes de celle des mauvais, voir doctr.
christ. 1,37 : Cuius autem animus non moritur huic saeculo neque incipit configurari
veritati, in graviorem mortem morte corporis trahitur neque ad commutationem
caelestis habitudinis sed ad luenda supplicia revivescit [Mais celui dont l’âme ne
meurt pas à ce monde, et ne commence pas à se conformer à la vérité, est entraîné
dans une mort plus grave que la mort du corps, et il ressuscite non pas pour être
transformé dans l’état céleste, mais pour expier dans les tourments]. Évidemment,
le Christ ne pouvait être considéré comme l’exemplum pour une telle résurrection
(voir aussi Origène, Jo. 2,17,117s. : καὶ πρῶτόν γε ἴδωμεν τὸ ‘οὐκ ἔστι Θεὸς νεκρῶν
ἀλλὰ ζώντων’ [Mc. 12,27] ἴσον δυνάμενον τῷ οὐκ ἔστιν ἁμαρτωλῶν ἀλλὰ ἁγίων Θεός
[Et notons d’abord que ‘il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants’ équivaut à ‘il
n’est pas le Dieu des pécheurs mais des saints’]).
MARA, Agostino interprete, sur ce passage (172s. n. 19) est à corriger. Elle renvoie
à Origène, comm. in Rom. 1,6 (= 1,8,3) pour « un’interpretazione vicina » sur Eph.
2,6. Mais Origène dit là, sur la base de Mt. 27,52s. et Hebr. 12,23, que certains
hommes ont pu être prémices de la résurrection en union avec le Christ (in primiti-
vatu participes [participants dans les prémices]), et seraient déjà au ciel avec lui. Ces
spéculations sont étrangères à la pensée d’Augustin ici.
5,13 ceterorum autem in sua conditione resurgentium non princeps sed iudex
est
On peut s’étonner de lire que le Christ ne jugera pas les élus, quand des textes
comme 2 Cor. 5,10 ou Mt. 25,31–46 parlent clairement d’un jugement pour tous. Bien
entendu, Augustin ne nie nullement un jugement universel, mais il sait que la Bible
parle ailleurs du jugement comme réservé aux méchants, et il doit faire la part de
ces deux langages : Cum audimus ‘qui credit in Christum, non veniet in iudicium’ [Io.
3,18], intellegamus quia non veniet in damnationem. Dicitur enim iudicium pro dam-
252 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
natione [Quand nous entendons ‘celui qui croit au Christ ne viendra pas au juge-
ment’, comprenons qu’il ne viendra pas à la condamnation. Car ‘jugement’ est dit
pour ‘condamnation’] (agon. 29) ; omnes et iusti et iniusti resurrecturi sunt. Sed, sicut
Dominus in evangelio loquitur, ‘qui bene fecerunt, in resurrectionem vitae; qui vero
male egerunt, in resurrectionem iudicii’ [Io. 5,29], iudicium appellans poenam sempi-
ternam, sicut alio loco: ‘Qui non credit’, inquit, ‘iam iudicatus est’ [Io. 3,18] [Tous, et
les justes et les impies, ressusciteront. Mais, comme le Seigneur le dit dans
l’Évangile, ‘ceux qui ont fait le bien, pour la résurrection de la vie, mais ceux qui ont
mal agi, pour la résurrection du jugement’, appelant ‘jugement’ la peine éternelle,
comme il dit ailleurs : ‘Celui qui ne croit pas est déjà jugé’] (epist. 205,14). À rebours,
un autre texte peut l’inciter à appliquer le jugement seulement aux bons : ‘Impii non
resurgunt in iudicio’ [Ps. 1,5]: id est, resurgunt quidem, sed non ut iudicentur, quia iam
poenis certissimis destinati sunt [‘Les impies ne ressusciteront pas dans le juge-
ment’ : c’est-à-dire, ils ressusciteront, mais non pour être jugés, puisqu’ils sont déjà
destinés à des peines très certaines] (in psalm. 1,5 ; similairement in psalm. 25,2,6).
Le principe fondamental pour Augustin est donc que tous seront jugés, et les
textes qui semblent dire autre chose sont à interpréter en fonction de ce principe.
Contraster la vision très littérale (et peu orthodoxe) de Lactance, en inst. 7,20,5 : Ps.
1,5 indique que les païens ne ressusciteront pas du tout : quoniam sententia de his in
absolutionem ferri non potest, iam iudicati damnatique sunt [parce qu’une sentence
d’absolution pour eux ne peut être portée, ils sont déjà jugés et condamnés] – et la
résurrection et le jugement sont ensuite réservés aux croyants.
Chez Augustin, l’équivalence jugement-condamnation au moment du Jugement
Dernier n’est que l’accomplissement de ce qui se passe déjà dans notre for intérieur :
Numquid enim Deus continetur loco, quem praesentem habet omnis angelica et hu-
mana conscientia, non solum bonorum sed etiam malorum? Verum hoc interest, quod
bonis conscientiis adest ut pater, malis ut iudex [Est-ce que, en effet, Dieu est conte-
nu dans un espace, lui qui est présent dans toute conscience angélique et humaine,
non seulement des bons, mais aussi des mauvais ? Mais la différence, c’est qu’il est
présent pour les bonnes consciences comme un père, pour les mauvaises comme un
juge] (serm. 12,3).
6,1 gratiam cum omnibus fidelibus, apostolatum autem non cum omnibus
Augustin voit gratiam comme faisant référence à la grâce salvifique dont auront
besoin tous les élus, et la sépare donc entièrement d’apostolatum, le don de conver-
tir, donné seulement à ceux dont c’est la mission. Cette séparation n’est pas fré-
quente dans les commentaires sur Rom. Origène avait compris gratiam (χάριν)
comme étant justement le don de convertir octroyé aux apôtres : Neque enim gentes
quae erant alienae a testamento Dei et conversatione Israhel credere poterant evange-
lio nisi per gratiam quae apostolis fuerat data, per quam praedicantibus apostolis in
fidem oboedire dicuntur et in omnem terram de nomine Christi sonus gratiae eorum
commemoratur exisse [Rom. 10,18] [En effet, les gentils qui étaient étrangers au tes-
Commentaire | 253
tament de Dieu et à la vie d’Israel n’auraient pas pu croire à l’Évangile, sans la grâce
qui fut donnée aux apôtres. Par celle-ci, il est dit qu’ils ont obéi dans la foi à la pré-
dication des apôtres, et que le retentissement de leur grâce, venant du nom du
Christ, est dit être sorti par toute la terre] (Rufin. Orig. in Rom. 1,9,2). Jean Chrysos-
tome comprend χάριν dans deux sens : Paul indique à la fois qu’il n’est pas devenu
apôtre par ses mérites (οὐχ ἡμεῖς αὐτὸ καθωρθώσαμεν τὸ γένεσθαι ἀπόστολοι …
ἀλλὰ χάριν ἐλάβομεν [Ce n’est pas nous qui avons réussi à devenir apôtres … mais
nous avons reçu la grâce]; même réflexion sur κλητὸς ἀπόστολος [appelé [comme]
apôtre], en hom. in 1 Cor. 1,1 [PG 61, 11s.]) et que c’est la grâce qui a rendu efficace sa
prédication (οὐχ ἄρα οἱ ἀπόστολοι ἦσαν οἱ καθορθοῦντες ἀλλ’ ἡ προοδοποιοῦσα
χάρις αὐτοῖς [Ce ne sont pas les apôtres qui réussissaient, mais la grâce qui leur
préparait le chemin]) (hom. in Rom. 1,2s. [PG 60, 398]). Théodoret de Cyr ne va pas
au-delà de l’interprétation d’Origène (Dieu est ἀναλογοῦσαν τῷ κηρύγματι δωρησά-
μενος χάριν [ayant octroyé la grâce appropriée pour la prédication], in Rom. 1,5 [PG
82, 52]). La séparation ne semble donc pas venir de la tradition grecque. Par contre,
BASTIAENSEN (Augustine’s Pauline Exegesis, 35s.) et MARA (Agostino Interprete, 174 n.
21) suggèrent avec raison qu’Augustin a pu s’inspirer ici de l’Ambrosiaster, qui
écrit : post resurrectionem manifestatus Filius Dei in virtute gratiam dedit iustificans
peccatores [après la résurrection, révélé [comme] Fils de Dieu dans la puissance, il
donna la grâce, en justifiant les pécheurs] (in Rom. 1,5). Mais Bastiaensen a tort de
conclure « Augustine’s understanding of the text is the same as Ambrosiaster’s, but
formulated in a much clearer way ». Pour l’Ambrosiaster la grâce dont il est question
ici reste surtout celle donnée aux apôtres pour la prédication, dont il ajoute qu’elle
se manifeste par les miracles : ut apostolatus cum gratia esset doni Dei, non sicut
Iudaeorum sunt apostoli. A Deo ergo Patre hanc acceperunt potestatem, ut vice Domi-
ni signis doctrinam dominicam acceptabilem facerent [pour que l’apostolat soit avec
la grâce du don de Dieu, non pas comme pour les apôtres des Juifs. Ils ont donc reçu
cette puissance de Dieu le Père, pour [agir] à la place du Seigneur, [et] rendre accep-
table par les signes la doctrine du Seigneur]. Cette pensée diffère de celle
d’Augustin, qui veut souligner que les apôtres ont d’abord reçu une grâce qui n ’ e s t
p a s spéciale, parce qu’ils étaient dans le péché comme tous. C’est donc plutôt sa
réflexion antérieure sur l’hostilité apparente de Paul, dans Gal., aux autres apôtres,
qui nourrit sa pensée ici : Neque in contumeliam praecessorum eius putet quis ab eo
dictum ‘qui videntur esse aliquid – quales aliquando fuerint, nihil mea interest’ [Gal.
2,6]. Et illi enim tamquam spiritales viri volebant resisti carnalibus, qui putabant ali-
quid ipsos esse et non potius Christum in eis, multumque gaudebant, cum persuade-
retur hominibus et seipsos praecessores Pauli, sicut eundem Paulum, ex peccatoribus
iustificatos esse a Domino [Et que nul ne pense que c’est par mépris de ses prédéces-
seurs qu’il a dit ‘ceux qui semblent être quelque chose – ce qu’ils furent par le pas-
sé, peu m’importe’. En effet, eux aussi, en tant qu’hommes spirituels, voulaient
résister aux hommes charnels, qui pensaient qu’ils étaient eux-mêmes quelque
chose, plutôt que le Christ en eux. Et ils étaient très joyeux quand les hommes
254 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
étaient convaincus que même eux, les prédécesseurs de Paul, tout comme ce même
Paul, furent pécheurs avant d’être justifiés par le Seigneur] (in Gal. 13). Pour Augus-
tin, Paul, l’ennemi du Christ devenu chrétien, est un type des apôtres, et non pas
l’exception parmi eux. Ainsi reviendra-t-il sur Paul pécheur dans Inchoata exposi-
tio, 14,6 ; 21,4–7 ; voir n. suivante.
cette façon de penser est devenue intolérable à Augustin. Voir dans l’Inchoata expo-
sitio : 7,5 : benignitatem Dei potius quam m e r i t u m illorum ; 7,6 : prior enim dilexit
nos ante omnia m e r i t a (avec n. de RING ad loc.) ; 9,6 : paenitentiae m e r i t u m gratia
praecedat ; 11,6 : non m e r i t i s operum priorum, sed secundum misericordiam Dei.
Voir aussi n. précédente, n. à 1,1–3 ; 7,7 ; 9,1–6, et AugLex s.v. meritum, 4.
supereminens esset omnibus [qu’il les surpassait tous] (serm. 169,5 ; voir de mend.
41 ; c. Cresc. 2,15) ; Deus supereminens omnibus quae fecit [Dieu surpassant tout ce
qu’il a fait] (serm. 293A(augm),8) ; supereminens universae creaturae [surpassant
toute créature] (serm. 341(augm),7) ; illam, quae supereminet donis omnibus, carita-
tem [cette charité qui surpasse tous les dons] (virg. 47).
Blaise s.v. superemineo, a tenté de donner un sens spécifique au verbe quand il
prend le datif : « être supérieur à ». Cette notice est à corriger : l’usage varie selon les
auteurs et non selon le sens.
donner la vie, la justice viendrait entièrement de la Loi. Mais l’Écriture a tout enfer-
mé dans le péché, pour que la promesse soit donnée par la foi en Jésus Christ à ceux
qui croient’]. Noter la répétition d’occurrere, comme en Inchoata expositio 7,2 : quia
occurebat … quia occurrebat. Pour d’autres exemples de telles analyses chez Au-
gustin, voir in psalm. 7,3 ; 9,20 ; 25,2,1 ; de serm. dom. 1,19 ; 2,71 ; quaest. Simpl.
1,1,1s.7 ; 1,2,15 ; doctr. christ. 3,6–8 ; c. Faust. 13,7s. (Augustin présente Jérémie
comme en dialogue avec un catéchumène d’origine païenne) ; epist. 149,9.
C’est là encore une méthode de grammairien (voir n. à 5,4–7 ; 7,5 ; 11,3). Ainsi
fonctionne, par exemple, la glose de Donat sur Térence, Eunuche 766s., où la ré-
plique de Thaïs est présentée comme si elle répondait à une série de questions im-
plicites de Chremes ou de Thrason (Thaïs dit à Chremes d’aller directement chez le
soldat Thrason, pour prendre sous sa tutelle sa sœur perdue, Pamphila) : ‘Hoc modo
dic, sororem illam tuam esse et te parvam virginem amisisse, / nunc cognosse. Signa
ostende’. Ordine exsequitur. Primo utrum personam habeat: ‘Dic sororem’ inquit ‘esse
illam tuam’. Utrum negotium habeat: ‘Et te parvam virginem amisisse’. Cur hodie
agat: ‘Nunc cognosse’. Et unde probet: ‘Signa ostende’ [‘Tu diras seulement : c’est ta
sœur, et tu l’avais perdue quand c’était une jeune vierge ; maintenant tu l’as recon-
nue. Montre les signes’. Elle poursuit dans l’ordre. Premièrement : a-t-il un rôle
approprié ? ‘Tu diras’, dit-elle, ‘que c’est ta sœur’. Y a -t-il affaire ? ‘Et tu l’avais per-
due quand c’était une jeune vierge’. Pourquoi fait-il ça aujourd’hui ? ‘Maintenant tu
l’as reconnue’. Et comment le prouvera-t-il ? ‘Montre les signes’] (voir aussi Donat
sur Térence, Hecyra 327–329).
Dans un commentaire d’école, l’objet de ces découpages textuels est de montrer
la cohérence du propos, que l’auteur a dit ce qu’il fallait dans l’ordre où il le fallait.
C’est là une question d’esthétique et de rhétorique. Dans une exégèse scripturaire, il
s’agit surtout d’arriver à une compréhension plus profonde du texte. Mais ces deux
approches ne s’excluent pas. Dans le passage de doctr. christ. que nous venons de
citer, l’extrait de Paul, qui a été choisi justement parce que certaines questions
d’enchainement sont placées dans le texte par l’auteur même, fait partie de l’exposé
sur la rhétorique chrétienne : Gal. 3,18–21 sont présentés comme un modèle de la
dictio submissa [style simple]. Et le but de cette façon d’écrire ou de parler serait
d’enseigner clairement, en tenant toujours compte de la réaction de l’élève : Pertinet
ergo ad docendi curam non solum aperire clausa et nodosa solvere quaestionum, sed
etiam dum hoc agitur, aliis quaestionibus, quae fortassis inciderint, ne id quod dici-
mus improbetur per illas aut refellatur, o c c u r r e r e [Il relève donc du devoir de
l’enseignant non seulement d’ouvrir ce qui est fermé et de résoudre les questions
complexes, mais aussi, tout en faisant cela, d’a l l e r à l ’ e n c o n t r e des autres ques-
tions qui peuvent se présenter, pour éviter que ce que nous disons ne soit désap-
prouvé ou falsifié par ces [questions]] (doctr. christ. 4,110). La présentation de Rom.
1,1–7 dans l’Inchoata expositio comporte donc un éloge implicite de ses qualités
didactiques et rhétoriques. Du reste, Augustin se servira très fréquemment lui-même
des couples questions-réponses dans la prédication, y compris pour des traitements
258 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
exégétiques très similaires à celui présenté ici (e.g. serm. 159,17 ; 160,2 ; 162C,11 ;
170,4 ; 176,2 ; 179,4 ; 182,2 ; 198 (augm),30.32) : ainsi, il illustre et imite en même
temps la rhétorique des auteurs bibliques.
En effet, quelle que soit la valeur de cette succession de questions-réponses
pour l’étude de Paul (et elle n’est pas forcément négligeable), il s’agit bien d’une
façon d’écrire typique d’Augustin lui-même. Par ailleurs, qui ne reconnaitra pas en
lisant la fin de doctr. christ. 4,110 un des risques que courait son auteur ? Fit autem,
ut cum incidentes quaestioni aliae quaestiones et aliae rursus incidentibus incidentes
pertractantur atque solvuntur, in eam longitudinem ratiocinationis extendatur inten-
tio, ut nisi memoria plurimum valeat atque vigeat, ad caput, unde agebatur, disputa-
tor redire non possit [Mais il arrive, quand on discute et résout les autres questions
qui se présentent à la suite d’une question, puis encore les questions qui se présen-
tent à la suite de celles qui se sont présentées, que l’effort du raisonnement s’étende
sur une telle distance, que – à moins que sa mémoire soit très puissante et très ac-
tive – celui qui raisonne ne peut pas revenir au premier point dont il s’agissait].
C’est bien ainsi, en répondant aux incidentes quaestiones, qu’Augustin est parvenu à
consacrer tout un livre aux sept premiers versets de l’épître aux Romains.
Voir sur ces problèmes de composition les belles pages de MARROU, Saint Au-
gustin, sur la digression chez Augustin (59–76), et les pages tout aussi belles où
Marrou se dédit de sa propre analyse (665–672). Retenons-en à la fois que « s’en
tenir rigoureusement au sujet, comme le recommande le goût d’aujourd’hui, était
un souci qui ne tourmentait guère les anciens » (75), et qu’en vérité Augustin, quelle
que soit l’ampleur de ses digressions, perdait très rarement le fil de ses idées (667s. ;
voir cependant n. à 5,4–7 ; 13,6 ; 21,1s.).
L’analyse d’Augustin ici est une expansion de celle de l’Ambrosiaster : Igitur
quattuor modis scribit Romanis … primus modus est quo se ostendit quid sit et cuius
sit et quid fuerit, quo et hereses percutit [Donc il écrit aux Romains en quatre temps …
Dans un premier temps, il se révèle : ce qu’il est, et à qui il appartient, et ce qu’il
avait été. Par là, il frappe aussi les hérésies] (in Rom. prol. 4, rec. γ).
Origène fait ici allusion à sa conception de l’Évangile éternel (voir SChr 532, 174,
n. 1), qui est étrangère à la pensée d’Augustin. Mais les deux exégètes se rejoignent
en pensant que le sens d’εὐαγγέλιον en Rom. 1,1 avait besoin d’être précisé, et que
Rom. 1,2s. ne servaient donc pas à décrire mais à définir (voir aussi n. à 8,1–3). Ils
avaient sans doute raison : Paul n’écrivait pas à un public de culture chrétienne,
pour lequel « Évangile » avait déjà un sens arrêté.
7,7 Quamquam enim sibi quis tribuat quod vocanti obtemperat, nemo potest
sibi tribuere quod vocatus est.
Obéir à celui qui appelle, c’est la foi, la seule étape du salut où l’homme prenne
l’initiative. C’est ce qui est rendu plus explicite en in Rom. 52s. (sur Rom. 9,13) : Non
ergo elegit Deus opera cuiusquam in praescientia, quae ipse daturus est, sed fidem
elegit in praescientia, ut quem sibi crediturum esse praescivit, ipsum elegerit, cui Spiri-
tum sanctum daret, ut bona operando etiam aeternam vitam consequeretur. Dicit
enim idem apostolus: ‘Idem Deus, qui operatur omnia in omnibus’ [1 Cor. 12,6], nus-
quam autem dictum est: ‘Deus credit omnia in omnibus’. Q u o d e r g o c r e d i m u s ,
n o s t r u m e s t , q u o d a u t e m b o n u m o p e r a m u r , illius qui credentibus in se dat
Spiritum sanctum [Donc, Dieu ne choisit pas dans sa prescience les œuvres de
quelqu’un, [ces œuvres] qu’il va lui-même donner. Mais dans sa prescience il choisit
la foi. Ainsi, l’homme dont il savait par avance qu’il allait croire en lui, c’est lui qu’il
a choisi, pour lui donner l’Esprit Saint, pour qu’il puisse aussi obtenir la vie éter-
nelle en faisant de bonnes œuvres. En effet, ce même apôtre dit : ‘C’est le même
Dieu, qui opère tout en tous’, mais il n’est dit nulle part : ‘Dieu croit tout en tous’.
Q u e n o u s c r o y i o n s r e l èv e d o n c d e n o u s , m a i s q u e n o u s f a s s i o n s l e
b i e n r e l è v e d e c e l u i qui donne l’Esprit Saint à ceux qui croient en lui].
Cependant, Augustin allait corriger ce passage de in Rom. dans les Retracta-
tiones (1,23,2–4) : Non dicerem, si iam scirem etiam ipsam fidem inter Dei munera
repperiri [Je ne l’aurais pas dit, si j’avais déjà su que même la foi se trouve parmi les
dons de Dieu] (voir aussi praed. sanct. 7s.). De même, la formule d’Augustin dans
260 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
(voir BA 12, 59–61, où G. Bardy fait remarquer que l’Inchoata expositio « ne soulève
qu’une difficulté de détail » dans retract., en contraste avec in Rom. et in Gal.).
8,1–3 Non enim omnis gratia est a Deo … Neque omnis pax Dei est, vel ab illo
De nouveau (voir n. à 7,2), Augustin veut qu’un élément de la phrase serve à définir,
et non pas à décrire, celle qui la précède. S’il avait continué son analyse dans les
termes employés en 7,1–4, il aurait écrit : sed quia occurrebat ‘quae gratia et quae
pax?’ [Mais puisque la question se présentait : ‘quelle grâce et quelle paix ?’]
Pour un argument similaire, voir quaest. Simpl. 2,1,7 : l’Écriture distingue entre
Spiritus Dei et spiritus Dei malus, et entre prophètes tout court et prophètes de Baal.
Mais, bien entendu, l’Écriture ne distinguait pas toujours, et alors Augustin expli-
quait, dans un argument de forme stoïcienne (voir e.g. Sénèque le Jeune, epist. 59,1–
4) qu’un mot apparemment ambigu pouvait être à prendre au sens « propre ». C’est
ainsi qu’il rejette la leçon quaecumque b o n a vultis [tout l e b i e n que vous voulez]
pour la règle d’or en Mt. 7,12 : Intellegendum est ergo plenam esse sententiam et om-
nino perfectam, etiamsi hoc verbum non addatur. Id enim quod dictum est ‘quaecum-
que vultis’ non usitate ac passim sed proprie dictum accipi oportet. Voluntas namque
non est nisi in bonis; nam in malis flagitiosisque factis cupiditas proprie dicitur, non
voluntas [Il faut donc comprendre que la sentence est complète et entièrement par-
faite, même si l’on n’ajoute pas ce mot. En effet, quand il est dit ‘tout ce que vous
voulez’, il ne faut pas comprendre que c’est dit de la façon habituelle et répandue,
262 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
mais au sens propre. En effet, il n’y a de volonté que pour le bien, car dans les actes
mauvais et honteux, on parle au sens propre non pas de ‘volonté’, mais de ‘désir’]
(de serm. dom. 2,74 ; voir aussi ibid. 2,81.83, et civ. 14,8). C’est la même idée d’un
sens propre, correct et définitif des mots qui conduit à la célèbre formule dilige et
quodvis fac [aime et fais ce que tu veux] (voir AugLex s.v.) ou encore à la démonstra-
tion finale dans civ. que Rome n’a jamais été une res publica (19,21). Augustin a
cependant la prudence de ne pas ériger en principe, pour la lecture de l’Écriture, la
restriction de chaque mot à un sens propre. Au contraire, le passage cité de de serm.
dom. se termine par un avertissement : non quia sic semper loquuntur scripturae, sed
ubi oportet ita omnino proprium verbum tenent, ut non aliud sinant intellegi [non pas
parce que les Écritures parlent toujours ainsi, mais, quand il le faut, elles utilisent
un mot entièrement dans son sens propre, si bien qu’elles ne permettent pas que
l’on comprenne autre chose].
La recherche un peu excessive d’éléments restrictifs dans les phrases de Paul
(pour laquelle voir aussi quaest. euang. 2,12) trahit peut-être l’influence de Jérôme,
qui offre plusieurs exégèses de ce type dans ses propres commentaires sur Paul :
Quaeritur utrumnam ad distinctionem evangelii alterius, nunc dixerit ‘pacis evange-
lium’ [Eph. 6,15]. An certe proprium sit hoc evangelii, ut pacis evangelium nominetur?
[On cherche à savoir si c’est pour faire la distinction d’avec un autre Évangile qu’il a
dit ici ‘Évangile de paix’. Ou est-ce le propre de l’Évangile d’être appelé Évangile de
paix ?] (in Eph. 6,15 [PL 26, 551]; cf. le passage d’Origène cité n. à 7,2) ; Quaeritur
quare ad id quod ait ‘secundum fidem electorum Dei et cognitionem veritatis’, iunxerit
‘quae iuxta pietatem est’ [Tit. 1,1]; utrumnam sit aliqua veritas quae non in pietate sit
posita, et nunc ad distinctionem illius inferatur cognitio veritatis, quae iuxta pietatem
est. Est plane veritas, quae non habet pietatem, si quis grammaticam artem noverit vel
dialecticam, ut rationem recte loquendi habeat, et inter falsa et vera diiudicet. Geome-
trica quoque et arithmetica et musica habent in sua scientia veritatem; sed non est
scientia illa pietatis [On cherche à savoir pourquoi, quand il est dit ‘selon la foi des
élus de Dieu et la connaissance de la vérité’, il a ajouté ‘qui est selon la piété’. Y
aurait-il une vérité qui n’est pas située dans la piété, et serait-ce pour faire la distinc-
tion d’avec elle que l’on parle ici de la connaissance de la vérité, qui est selon la
piété. C’est clairement une vérité qui ne contient pas de piété, si quelqu’un connait
l’art grammatical ou la dialectique, pour posséder la méthode de l’éloquence, et
juger entre le vrai et et le faux. De même, la géométrie et l’arithmétique et la mu-
sique possèdent une vérité pour qui les connait, mais ce n’est pas là une connais-
sance de la vérité selon la piété] (in Tit. 1,1b–4 [CCSL 77C, 8]). Ensuite, sur Tit. 3,15 :
‘Saluta eos qui nos amant in fide’. Si omnis qui amat amaret in fide et non essent alii
qui absque fide diligerent, numquam Paulus ad amorem fidem adposuisset … amant
quippe et matres filios … uxores maritos …, sed amor ille non fidei est. Sola sanctorum
dilectio in fide diligit [‘Salue ceux qui nous aiment dans la foi’. Si tous ceux qui ai-
ment aimaient dans la foi, et il n’y en avait pas d’autres qui aimaient sans foi, Paul
n’aurait jamais juxtaposé la foi à l’amour … bien sûr, les mères aiment aussi leur fils
Commentaire | 263
… les femmes leurs maris …, mais cet amour-là n’est pas celui de la foi. Seul l’amour
des saints aime dans la foi] (in Tit. 3,15 [CCSL 77C, 72s.]). Sur Tit. 1,1, Jean Chrysos-
tome est très similaire à Jérôme (hom. in Tit. 1,1 [PG 62, 665]) et on sait que Jérôme
puisait beaucoup de ses exégèses dans la tradition grecque. La méthode employée
ici par Augustin n’a pas de source unique : elle fait partie du patrimoine exégétique
de l’Église (voir e.g. le long développement sur le génitif τῶν Ἰουδαίων de Io. 2,13
chez Origène, Jo. 10,13,68–15,87 ; voir Introduction, 1.7, et comparer n. suivante).
lege → sub gratia → in pace) [avant la Loi → sous la Loi → sous la grâce → dans la
paix].
8,4 gratia … qua nobis peccata remittuntur, quibus adversabamur Deo, pax
vero ipsa qua reconciliamur Deo
Ici, et en reprenant ces expressions en 11,2 ; 14,1 ; 23,6, Augustin ne fait que réécrire
légèrement ce qu’il avait déjà dit sur gratia et pax en in Gal. 3 : Gratia Dei est, qua
nobis donantur peccata, ut reconciliemur Deo, pax autem, qua reconciliamur Deo [La
grâce de Dieu est ce par quoi les péchés nous sont remis, pour que nous nous récon-
cilions avec Dieu, et la paix est ce en quoi nous sommes réconciliés avec Dieu] (voir
déjà vera relig. 312 : l’Esprit est gratiam qua reconciliamur [la grâce par laquelle nous
nous réconcilions], parallèle noté par DU ROY, L’intelligence, 378). La source doit
être l’Ambrosiaster (Gratia est, quia a peccatis absoluti sunt, pax vero quia ex impiis
reconciliati sunt creatori [Il y a la grâce, parce qu’ils ont été absous des péchés, et la
paix, parce que, ayant été impies, ils se sont réconciliés avec le créateur], in Rom.
1,7, rec. αβ ; voir n. à 1,3, nonnulli qui ex Iudaeis). Jean Chrysostome va plus loin,
établissant une séquence ἀγάπη (sur la base de ἀγαπητοῖς [bien-aimés] en Rom. 1,7)
→ χάρις → εἰρήνη [amour → grâce → paix]: Οὐδὲ γὰρ μικρὸν κατέλυσεν ὁ Χριστὸς
πόλεμον, ἀλλὰ καὶ ποικίλον καὶ παντοδαπὸν καὶ χρόνιον, καὶ τοῦτον οὐκ ἐκ τῶν
ἡμετέρων πόνων, ἀλλὰ διὰ τῆς αὐτοῦ χάριτος. ἐπεὶ οὖν ἡ μὲν ἀγάπη τὴν χάριν, ἡ δὲ
χάρις τὴν εἰρήνην ἐδωρήσατο, ὡς ἐν τάξει προσηγορίας αὐτὰ θείς, ἐπεύχεται μένειν
διηνεκῆ καὶ ἀκίνητα, ὥστε μὴ πάλιν ἕτερον ἀναῤῥιπισθῆναι πόλεμον [Le Christ n’a
pas mis fin à une petite guerre, mais à [une guerre] complexe et multiforme et an-
cienne, et ceci non pas par nos propres efforts, mais par sa grâce. En effet, puisque
l’amour a donné la grâce, et la grâce la paix, en mettant ces choses à la place de la
salutation, il prie pour qu’elles restent constantes et immobiles, pour qu’une autre
guerre ne se déclenche pas] (hom. in Rom. 1,4 [PG 60, 399s.]).
À la relecture de ses œuvres, la distinction entre gratia et pax a déplu à Augus-
tin. Il l’a corrigée pour in Gal. (retract. 1,24,2), et c’est ensuite le seul élément qu’il
trouve à corriger pour l’Inchoata expositio (retract. 1,25 ; voir n. à 7,7). Dans les deux
cas, il a tenu à préciser que la paix et la reconciliatio faisaient aussi partie de la
grâce. C’est que, dans les trente ans qui séparaient les commentaires pauliniens de
retract., gratia était devenu pour Augustin le terme fondamental pour décrire la
possibilité pour l’homme d’accéder à la réconciliation avec Dieu et au salut.
sima inimica destruetur mors’ [1 Cor. 15,26] [‘Mort, où est ton aguillon ?’ dira-t-on à la
mort e n l e v é e et vaincue, parce que ‘le dernier ennemi détruit sera la mort’]. Mais
noter aussi : Abundantia pacis in tantum crescet, donec omnem mutabilitatem morta-
litatis a b s u m a t [L’abondance de paix croîtra, jusqu’à e n l e v e r toute la mutabilité
de la mortalité] (epist. 55,10, avec un écho de tout 1 Cor. 15,53s., comme dans beau-
coup de ces passages) ; temporalis autem mors corporis … a b s u m a t u r vero et ipsa
in renovatione corporis [mais la mort temporelle du corps …. est elle aussi e n l e v é e
dans la rénovation du corps] (epist. 157,19) ; anima … spiritale corpus efficiat, a b -
s u m e n s omnem corruptionem [l’âme rend le corps spirituel, e n l e v a n t toute cor-
ruption] (epist. 205,11) ; a b s u m p t a est enim omnis corruptio [car toute corruption a
été e n l e v é e ] (in psalm. 55,6) ; omnis mortalitas a b s u m a t u r [toute mortalité est
e n l e v é e ] (in psalm. 71,10 ; de même 84,7) ; mortalitatem fuerat a b s u m p t u r a mu-
tatio in aeternam incorruptionem [la mutation vers l’incorruption éternelle allait
e n l e v e r la mortalité] (pecc. mer. 1,5) ; contentione mortis a b s u m p t a [la rivalité de
la mort ayant été e n l e v é e ] (perf. iust. 16) (on trouve aussi adsumpta / assumpta en
variante dans des citations de 1 Cor. 1,54 en in psalm. 83,8 ; 84,10). Cette réminis-
cence semble aussi entrer en jeu dans l’Inchoata expositio : la disparition totale des
inimicitiae entre Dieu et l’homme n’aura lieu qu’avec la résurrection finale.
8,6 Non gravabit aurem, ut non audiat; sed peccata vestra inter vos et Deum
separant
Dans la Vulgate on lit en Is. 59,1s. : neque adgravata est auris eius ut non exaudiat,
sed iniquitates vestrae diviserunt inter vos et Deum vestrum. Mais Augustin cite un
texte « Vetus Latina » traduit de la Septante, et qui la suit de près : οὐκ … ἐβάρυνεν
τὸ οὖς αὐτοῦ τοῦ μὴ εἰσακοῦσαι· ἀλλὰ τὰ ἁμαρτήματα ὑμῶν διιστῶσιν ἀνὰ μέσον
ὑμῶν. Comme le montre R. GRYSON (éd.), Vetus Latina 12/2/9, Freiburg 1997, ad loc.,
le texte d’Augustin correspond au « texte ancien africain », tel que le connaissait
Cyprien.
Pour l’initiation graduelle d’Augustin au livre d’Isaïe, voir L. C. FERRARI, Isaiah
and the Early Augustine, dans : B. BRUNING – M. LAMBERIGTS – J. VAN HOUTEM (éds.),
Collectanea Augustiniana. Mélanges T. J. Van Bavel, t. 2, Louvain 1990, 723–756.
Augustin cite ici Isaïe 59,1s. pour la première fois. Noter son réemploi en serm.
71,19 : Illis [sc. peccatis] enim manentibus, manent quodam modo i n i m i c i t i a e ad-
versus Deum, et ab illo alienatio, quae a nostro malo est, quoniam non mentitur scrip-
tura dicens : ‘Peccata vestra separant inter vos et Deum’ [En effet, quand ces [péchés]
demeurent, en quelque sorte, l ’ h o s t i l i t é envers Dieu demeure, et l’éloignement de
266 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
lui, qui vient du mal en nous, puisque l’Écriture ne ment pas en disant : ‘Vos péchés
vous séparent de Dieu’]. Comparer inimicitiae en Inchoata expositio 8,5 : en écri-
vant son sermon sur le blasphème contre l’Esprit Saint, Augustin a relu sa première
œuvre qui traitait de ce thème (voir Introduction, 1.9).
Ici s’arrête l’avancée, jusqu’alors raisonnablement rapide, du commentaire sur
l’épître aux Romains. Le reste de l’Inchoata expositio est occupé par diverses ré-
flexions occasionnées par les mots gratia et pax (voir Introduction, 1.8).
Seulement, Augustin n’a jamais été à l’aise avec la notion de l’homme méritant
ce que Dieu lui donnait (voir n. à 6,1, tamquam enim meritis). Ainsi, la formule rigide
de Licentius dans ord. se profile contre l’humilité avec laquelle Augustin y parle de
lui-même : Satis mihi sint vulnera mea, quae ut sanentur, paene cotidianis fletibus
Deum rogans, indigniorem tamen esse me, qui tam cito saner quam volo, saepe memet
ipse convinco [Mais mes plaies me suffisent. Pour qu’elles soient guéries, je prie Dieu
avec des larmes presque quotidiennes, et pourtant je me juge souvent indigne d’être
guéri aussi rapidement que je le souhaite] (ord. 1,29). Et, malgré de telles profes-
sions, à la relecture de ord., Augustin a trouvé qu’il y attendait trop de l’homme et
pas assez de Dieu : dictum est tamquam Deus non exaudiat peccatores [c’était dit
comme si Dieu n’exauçait pas les pécheurs] (retract. 1,3,3 ; voir aussi retract. 1,4,2,
où il réprouve la formule de soliloq. 1,2 : Deus, qui nisi mundos verum scire noluisti
[Dieu, qui a voulu que seulement les hommes purs connaissent la vérité]). Augustin
a donc conclu que, dans ces premiers écrits, en voulant célébrer et défendre le Dieu
de Justice, il n’avait pas fait assez de place au Dieu de Miséricorde.
La miséricorde de Dieu, qui pardonne les offenses des hommes, est bien enten-
du au cœur de la croyance chrétienne en un Dieu d’amour. Mais il ne faut pas perdre
de vue ce que cette miséricorde peut avoir de scandaleux, tant au niveau psycholo-
gique (ce qui est dit en Inchoata expositio 18,11s. est de toutes les époques), qu’au
niveau philosophique. Les Stoïciens n’avaient-ils pas affirmé que la miséricorde
était exclue de l’apanage du sage ? ἐλεήμονάς τε μὴ εἶναι συγγνώμην τ’ ἔχειν
μηδενί· μὴ γὰρ παριέναι τὰς ἐκ τοῦ νόμου ἐπιβαλλούσας κολάσεις, ἐπεὶ τό γ’ εἴκειν
καὶ ὁ ἔλεος αὐτή θ’ ἡ ἐπιείκεια οὐδένειά ἐστι ψυχῆς πρὸς κολάσεις προσποιουμένης
χρηστότητα [[les sages] ne sont pas miséricordieux, et n’accordent de pardon à
personne. En effet, ils ne relâchent pas les peines qui découlent de la loi, puisque
les concessions et la pitié, et même la douceur, sont des faiblesses d’une âme qui
affecte la bonté en face des peines] (Zénon, selon Diogène Laerce 7,123. Voir Sé-
nèque le Jeune, De clementia 1,20 : Sénèque prône la clémence, mais il la sépare de
la justice. Pour la réaction d’Augustin aux formules stoïciennes, voir civ. 9,5 ; 14,9).
L’insistance chrétienne sur le pardon de Dieu pouvait alors donner lieu aux raille-
ries d’un Celse : ὁμοίως τοῖς οἴκτῳ δουλεύουσι, δουλεύσας οἴκτῳ τῶν οἰκτιζομένων,
ὁ θεὸς [sc. le dieu des chrétiens] τοὺς κακοὺς κουφίζει καὶ μηδὲν τοιοῦτο δρῶντας
τοὺς ἀγαθοὺς ἀποῤῥίπτει, ὅπερ ἐστὶν ἀδικώτατον [Comme ceux qui sont esclaves de
la pitié, [leur] Dieu, se faisant l’esclave de sa pitié envers ces pleurnicheurs, récon-
forte les mauvais, et rejette les bons qui ne font rien de tel, ce qui est tout à fait in-
juste] (Origène, Cels. 3,71). Voir aussi Jean Chrysostome, hom. in Tit. 4,1 (PG 62,
521) : ποῦ ταῦτα, φασὶν [sc. les païens], ἄξια Θεοῦ, τὸν μυρία ἐργασάμενον κακὰ
ἀφιέναι τῶν ἁμαρτημάτων; [Comment, disent-ils, cela est-il digne de Dieu, pardon-
ner les péchés de celui qui a fait le mal d’innombrables fois ?]. Et, chez Augustin,
serm. 352,9 : Solent inde christianis pagani insultare de paenitentia quae instituta est
in ecclesia … Vos, inquiunt, facitis ut peccent homines, cum illis promittitis veniam, si
egerint paenitentiam. Dissolutio est ista, non admonitio [Les païens ont l’habitude de
268 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
se moquer des chrétiens à cause du pardon qui est établi dans l’Église … Vous faites
pécher les hommes, disent-ils, en leur promettant le pardon, s’ils font pénitence.
C’est là un relâchement, et non pas un enseignement]. Et même l’Église avait vu,
depuis le 2ème siècle, surgir des mouvements rigoristes, dont les Donatistes
qu’Augustin a tant combattus, qui tenaient d’une façon ou d’une autre à limiter la
miséricorde de Dieu (voir n. à 14,1).
« Apôtre de l’amour », Augustin n’a jamais été tenté par ce rigorisme. Pour tout
ce que sa doctrine de la prédestination comporte de sombre, il a toujours affirmé
que Dieu pouvait pardonner même les offenses les plus graves (voir quaest. Simpl.
1,2,22). Par contre, il n’a pas toujours cherché à employer un langage qui soutienne
ce qui est dit dans l’Inchoata expositio : que la miséricorde était un des éléments de
la justice divine. Au contraire, certains passages donneraient à voir justice et miséri-
corde comme deux champs d’action divine nettement séparés : ostendit etiam in
puniendo iustitiam et liberando misericordiam [il montre aussi sa justice en punis-
sant, et sa miséricorde en libérant] (lib. arb. 3,4) ; Vide enim quem invoces. Iustum
invocas: odit peccata, si iustus est; vindicat in peccata, si iustus est; non poteris au-
ferre a Domino Deo iustitiam eius. Implora misericordiam, sed adtende iustitiam:
misericordia est ut ignoscat peccanti, iustitia est ut puniat peccatum [Vois donc celui
que tu invoques. Tu invoques le juste. Il hait les péchés, s’il est juste ; il punit les
péchés, s’il est juste. Tu ne pourras pas enlever sa justice au Seigneur Dieu. Implore
la miséricorde, mais prends note de la justice. Dans la miséricorde, il pardonne le
pécheur ; dans la justice, il punit le péché] (in psalm. 50,7. Voir aussi in psalm. 7,10 ;
serm. 216,5). Sans doute, Augustin ne voulait nullement suggérer par de telles ex-
pressions que le pardon de Dieu était injuste. Mais il est très difficile de parler de
pardon, de miséricorde, de clémence, sans opposer ces qualités à la justice. Y a-t-il
vraiment pardon si la faute ne méritait pas la condamnation ?
Cependant, à la longue, il était impératif de faire entrer la miséricorde de Dieu
dans le schéma de la justice. La notion même de justice découle de Dieu, qui est
toujours juste : Omnis ista hominum iustitia, quam et tenere animus humanus recte
faciendo potest et peccando amittere, non imprimeretur animae, nisi esset aliqua
i n c o m m u t a b i l i s iustitia, quae integra inveniretur a iustis [Toute cette justice des
hommes, que l’esprit human peut retenir en faisant le bien, et perdre en péchant, ne
s’imprimerait pas dans l’âme, s’il n’y avait pas une justice i m m u a b l e , qui [reste]
intacte [quand elle est] trouvée par les justes] (divers. quaest. 82,2). La justice même
(l’« idée » de justice, au sens platonique) est en Dieu, et on peut même dire que Dieu
est la justice : non enim potest iustitia velle facere quod iniustum est [car la justice ne
peut vouloir faire ce qui est injuste] (serm. 214,4). Voir la miséricorde comme en
dehors du champ de la justice était le fait non pas du chrétien, mais de l’impie : ‘Et
cum perverso perversus eris’ [Ps. 17,27]: Et perversus videris perversis, quoniam di-
cunt: ‘Non est recta via Domini’ [Ez. 18,25], et ipsorum via non est recta. ‘Quoniam tu
populum humilem salvum facies’ [Ps. 17,28]. Hoc autem perversum videtur perversis,
quod confitentes peccata sua salvos facies [‘Et tu seras pervers avec le pervers’ : Et tu
Commentaire | 269
sembleras pervers aux pervers, parce qu’il disent : ‘La voie du Seigneur n’est pas
droite’, et c’est leur propre voie qui n’est pas droite. ‘Parce que tu sauves un peuple
humble’. Or, c’est cela qui semble pervers aux pervers, que tu sauveras ceux qui
confessent leurs péchés] (in psalm. 17,27s.).
Confitentes peccata sua … Comme le montre notre passage de l’Inchoata exposi-
tio, ce qui a permis à Augustin de faire de la miséricorde une partie de la justice
distributive, c’est la pénitence, ce grand thème de notre texte. Comme le disait déjà
Origène : Quomodo enim licet magno principi liberare aliquem de insula et de exilio et
de publicis vinculis, multo magis licet universitatis Deo eum qui inhonoratus est in
honorem pristinum restituere, si tamen sentiens delictum suum confessus fuerit se
digne sustinuisse quod passus est [Si, en effet, il est permis à un grand prince de
libérer quelqu’un d’une île et de l’exil et de la prison publique, il est d’autant plus
permis au Dieu de l’univers de restaurer à son honneur d’auparavant celui qui fut
déshonoré, si toutefois il perçoit son offense et confesse qu’il a mérité de subir ce
qu’il a souffert] (Hier. hom. Orig. in Ezech. 10,1). Pénitents et impénitents avaient un
comportement fondamentalement différent, et il serait alors injuste de leur attribuer
la même récompense (Inchoata expositio 9,2s.). Les deux avaient certes péché, mais
l’impénitent avait repoussé Dieu une deuxième fois, en refusant le pardon proféré
aux pénitents : ‘Dulcis et rectus Dominus’ [Ps. 24,8]: Dulcis est Dominus, quando-
quidem et peccantes et impios ita miseratus est, ut omnia priora donarit. Sed etiam
rectus est Dominus, qui post misericordiam vocationis et veniae, quae habet gratiam
sine meritis, digna ultimo iudicio merita requiret [‘Le Seigneur est doux et droit’ : Le
Seigneur est doux, puisqu’il a pitié même des pécheurs et des impies, et pardonne
toutes leurs actions antérieures. Mais le Seigneur est aussi droit, lui qui, après la
miséricorde de l’appel et du pardon, qui contient une grâce sans rapport aux mé-
rites, exigera lors du jugement ultime des mérites dignes [de sa grâce]] (in psalm.
24,8 ; de même ibid. 10 ; in psalm. 32,1,5 ; c. Adim. 7,3 ; voir aussi Ambroise, apol.
Dav. I 46s.). D’ailleurs, le pardon des pénitents n’impliquait nullement la rémission
entière de la peine, puisque le pénitent est actif. La pénitence (paenitentia), c’est
accepter de porter soi-même la peine (poena) du péché (étymologie douteuse, mais
voir Isidore de Séville, De ecclesiasticis officiis 2,17,2), avant que Dieu ne l’inflige :
Tamen si vis ut ille ignoscat, tu agnosce. Impunitum non potest esse peccatum; impu-
nitum non decet, non oportet, non est iustum. Ergo quia impunitum non debet esse
peccatum, puniatur a te, ne puniaris pro illo [Mais, si tu veux qu’il pardonne, à toi de
reconnaitre. Le péché ne peut être impuni ; le [péché] impuni ne sied pas, il ne doit
pas être, il est injuste. Donc, si le péché ne doit pas être impuni, qu’il soit puni par
toi, pour que tu ne sois pas puni pour lui] (serm. 20,2 ; voir aussi in psalm. 50,7 ;
serm. 351,7, et déjà Origène, hom. in Ex. 11,5 ; hom. in Lev. 3,4 ; hom. in Num. 10,1 ;
Ambroise, paen. 1,58, cité n. à 18,4). Cette peine est bien plus qu’un chagrin inté-
rieur (nec putare satis sibi esse ut sua peccata displiceant, 9,4 ; voir n. ad loc.),
puisqu’elle doit s’exprimer, comme le dit le Seigneur en Mt. 6,14s., par la miséri-
corde envers les autres : Quicquid autem, post eam quae fit in baptismo abolitionem
270 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
omnium peccatorum, in hac vita manendo peccamus, etiam si non tale sit, quod a
divinis removeri compellat altaribus, n o n d o l o r e s t e r i l i s e d m i s e r i c o r d i a e
s a c r i f i c i i s ex p i a t u r [Or, après cette abolition des péchés qui a lieu dans le bap-
tême, tout péché que nous faisons en demeurant dans cette vie, même s’il n’est pas
du genre qui exige que l’on soit écarté des autels divins, n e s ’ e x p i e p a s p a r u n e
s o u f f r a n c e s t é r i l e , m a i s p a r l e s s a c r i f i c e s d e l a m i s é r i c o r d e ] (epist.
153,15). Et, comme le rappelle cette dernière citation, la peine pouvait aussi être,
selon la gravité de l’offense, celle imposée par la discipline de l’Église (pour ces
pratiques, dans l’Afrique d’Augustin, voir WATKINS, A History, 437–447 et RING, n. à
19,11, avec bibliographie). Enfin, les souffrances et la mort, comme il sera dit en
Inchoata expositio 10, faisaient partie pour le pénitent des peines du péché.
Il serait faux d’affirmer que, plus tard, Augustin ait renié l’idée que la miséri-
corde de Dieu est juste à cause de la pénitence. Certes, il n’a jamais cessé de procla-
mer la justice de Dieu, ni de prêcher le repentir. Cependant, la justification proposée
dans l’Inchoata expositio sera dans un sens dépassée par un thème qui y est déjà
présent : c’est par l’action de la grâce de Dieu que l’on décide de se repentir : nemi-
nem peccati sui paeniteret, nisi admonitione aliqua vocationis Dei (9,6). Quand
Augustin en est venu à penser que même le choix d’écouter cette admonitio ne pou-
vait se faire que par l’élection divine (voir n. à 7,7), le problème de justifier la miséri-
corde est devenu en dernier lieu le problème de justifier cette élection. Mais Augus-
tin a décidé qu’une telle justification dépassait l’entendement humain : Cur autem
ad eam [sc. praedestinationem] alii pertineant, alii non pertineant, occulta causa esse
potest, iniusta esse non potest. ‘Numquid enim iniquitas apud Deum? Absit’ [Rom.
9,14]. Nam et hoc ad illam pertinet altitudinem iudiciorum, quam mirans tamquam
expavit apostolus [Rom. 11,33] [Pourquoi certains relèvent-ils de cette [prédestina-
tion], et d’autres n’en relèvent-ils pas ? La cause peut être cachée, mais elle ne peut
être injuste. ‘Y aurait-il injustice en Dieu ? Loin s’en faut !’ Car cela aussi relève de
cette profondeur des jugements, que l’apôtre admire comme s’il en tremblait] (epist.
149,22 ; voir aussi quaest. Simpl. 1,2,18 ; corrept. 17, et AugLex s.v. iustitia, V).
Quelle que soit notre évaluation de la doctrine d’Augustin sur la prédestination,
on est tenu de respecter son refus de mesurer la justice de Dieu dans l’éternité selon
ce que nous pouvons comprendre de la justice en cette vie. Le modèle de la justice
distributive ne peut pas, en fin de compte, s’appliquer parfaitement à Dieu : Deus
autem nulli debet aliquid, quia omnia gratuito praestat [Mais Dieu ne doit rien à per-
sonne, puisqu’il donne tout gratuitement] (lib. arb. 3,45 ; voir THONNARD, ‘Justice de
Dieu’). Par ailleurs, Augustin a toujours affirmé que, même si la relation entre la
justice et la miséricorde de Dieu nous dépasse, nous en savons assez pour être tenus
de la refléter dans nos relations avec les hommes, et ceci en tempérant sans cesse la
justice par la miséricorde. Voir, par exemple, epist. 153, où il explique à Macedo-
nius, vicarius Africae, pourquoi les évêques intercèdent en faveur des criminels :
cette intercession est faite à l’image de Dieu le Père, qui fait briller son soleil sur les
justes et les injustes (4), ou de Jésus pardonnant à la femme adultère (9) ; comme
Commentaire | 271
pour Dieu, la condition de l’intercession est le repentir du coupable (2,21s.). Et, mal-
gré tout, une vingtaine d’années après l’Inchoata expositio, la tension du langage
entre justice et miséricorde n’est pas entièrement résolue : tanto … sunt interceden-
tium et parcentium beneficia gratiora, quanto peccantium iustiora supplicia [autant
les tourments des pécheurs sont plus justes, autant les bienfaits de ceux qui inter-
cèdent pour eux et les épargnent sont plus gracieux] (16). N’y entend-on pas l’écho
d’Origène, pour qui, à la différence d’Augustin, c’était toujours la condamnation et
non pas la miséricorde, qui avait besoin d’être justifiée ? Sed fortasse aliquis neget
bonitati Dei convenire ut pro unius diei peccato annum suppliciorum rependat; quin
immo dicet : ‘etiamsi diem pro die reddat, quamvis iustus, non tamen clemens videtur
esse aut benignus’ [Mais peut-être quelqu’un niera qu’il convient à la bonté de Dieu
de payer le péché d’une seule journée avec une année de supplices. Bien plus, il
dira : ‘même s’il donnait une journée pour une journée, il se montrerait juste, mais
non pas clément ou bienveillant’] (Rufin. Orig. in Num. 8,1).
sur l’obéissance à Dieu régie par la peur, qu’il n’a jamais vue que comme le signe
d’une relation très incomplète avec Dieu. Elle est surtout caractéristique des Juifs :
Accepit legem populus Iudaeorum. Istam in decalogo non observabat. Et quicumque
obtemperabant timore obtemperabant poenae, non amore iustitiae [Le peuple juif a
reçu la Loi. Il ne l’observait pas dans le décalogue. Et ceux qui y obéissaient obéis-
saient par peur de la peine, et non par amour de la justice] (serm. 9,8. De même mor.
eccl. 56 ; in Gal. 21 ; de serm. dom. 1,64 ; voir n. à 2,3). Dans le pire des cas, la peur
humaine envers Dieu est même le reflet de la peur des démons : Incipit homo a fide.
Quid pertinet ad fidem? Credere. Sed adhuc ista fides discernatur ab immundis spiriti-
bus. Ad fidem quid pertinet? Credere. Sed ait apostolus Iacobus: ‘Et daemones cre-
dunt, et contremiscunt’ [Iac. 2,19]. Si tantum credis, et sine spe vivis, vel dilectionem
non habes: ‘Et daemones credunt, et contremiscunt’ [L’homme commence par la foi.
Qu’est-ce qui relève de la foi ? Croire. Mais encore faut-il distinguer cette foi [de
celle] des esprits impurs. Qu’est-ce qui relève de la foi? Croire. Mais l’apôtre Jacques
dit : ‘Les démons croient, eux aussi, et ils tremblent’. Si tu ne fais que croire, et tu vis
sans l’espoir, ou [si] tu n’as pas l’amour : ‘Les démons croient, eux aussi, et ils trem-
blent’] (serm. 158,6 ; voir aussi n. à 23,8–12). Augustin admet cependant que la peur
peut être encore nécessaire aussi aux chrétiens, mais seulement selon l’immaturité
de leur foi : Fit ut homines q u o s n o n d u m d e l e c t a t p u l c h r i t u d o v ir t u t i s , nisi
poenis a peccando deterreantur … difficilius domentur quam ferae [Il arrive que les
hommes q u e l a b e a u t é d e l a v e r t u n e r é j o u i t p a s e n c o r e , s’ils ne sont
terrifiés de pécher à cause des peines … soient plus difficiles à dompter que des
bêtes sauvages] (divers. quaest. 36,1 ; de même in psalm. 30,1,20. Et voir ensuite
serm. 9,8 ; 159,6 ; 169,8 ; 178,10 ; mor. eccl. 56 ; in epist. Ioh. 9,2.4 ; de serm. dom.
1,64 : Juifs de l’ancienne Alliance et les chrétiens charnels sont souvent superposés).
Il a la même réaction envers les peines infligées par les autorités de ce monde : Nec
ideo sane frustra instituta sunt potestas regis, ius gladii cognitoris, ungulae carnificis,
arma militis, disciplina dominantis, severitas etiam boni patris … Haec cum timentur,
et cohercentur mali et quietius inter malos vivunt boni, non quia boni pronuntiandi
sunt, qui talia metuendo non peccant – non enim bonus est quispiam timore poenae
sed amore iustitiae [Ces choses n’ont donc pas été instituées en vain : le pouvoir du
roi, le droit de vie et de mort du juge, les tenailles du bourreau, les armes du soldat,
la discipline du seigneur, même la sévérité du bon père … Quand ces choses sont
craintes, les mauvais sont réprimés, et les bons vivent plus tranquillement entre les
mauvais, non pas qu’il faut juger bons ceux qui ne pèchent pas par peur de telles
choses – car nul n’est bon par peur du châtiment, mais par amour de la justice]
(epist. 153,16). C’est déjà le thème du conte de l’anneau de Gygès, au second livre de
la République de Platon, et Augustin rappelle aussi Gygès en insistant que celui qui
n’est juste que par la peur pécherait s’il pouvait échapper aux yeux de Dieu : Sed
interrogo te: si non te videret Deus, quando facis, nec quisquam te convinceret in iudi-
cio eius, faceres ? … Si faceres, ergo poenam times, castitatem nondum amas [Mais je
te demande : si Dieu ne te voyait pas, quand tu fais [le mal], si personne ne pouvait
Commentaire | 273
Pour la disciplina attendue des hommes définie par l’humilité, voir in Gal. 15, ci-
té n. à 1,4, per disciplinam.
9,4 non in se amare nisi quod Dei est, et odisse quod proprium est
Cette formule n’a rien à voir avec la haine de soi, dans un sens psychologique. Elle
repose plutôt sur la croyance augustinienne selon laquelle tout ce qui est bon ne
l’est que dans l’unité avec Dieu : Deus ergo singulariter bonus est et hoc amittere non
potest. Nullius enim boni participatione bonus est, quoniam bonum, quo bonus est,
ipse sibi est. Homo autem, cum bonus est, ab illo bonus est, quod a se ipso esse non
potest … Pertinet ergo ad nos, ut boni simus, accipere et habere quod dat qui de suo
bonus est, quo quisque neglecto de suo malus est [Dieu est donc uniquement bon, et
ne peut pas perdre cette qualité. En effet, il n’est pas bon par participation dans un
bien, car il est pour lui-même le bien par lequel il est bon. Mais l’homme, quand il
est bon, est bon à cause de lui, ce qu’il ne peut être à cause de lui-même … Il nous
revient donc, pour être bons, de recevoir et de retenir ce que donne celui qui est bon
par sa propre nature. Celui qui le néglige est mauvais par sa propre nature] (epist.
193,12). Du reste, ce proprium en nous, qui ne vient pas de Dieu, n’existe pas au sens
propre, puisque tout ce qui n’est pas bon tend vers la non-existence : Quia enim
bonus est, sumus, et in quantum sumus boni sumus. Porro quia etiam iustus est, non
impune mali sumus, et in quantum mali sumus, in tantum etiam minus sumus [En
effet, parce qu’il est bon, nous sommes, et dans la mesure où nous sommes, nous
sommes bons. En outre, parce qu’il est en même temps juste, nous ne sommes pas
mauvais impunément, et dans la mesure où nous sommes mauvais, nous sommes
aussi moins] (doctr. christ. 1,75 ; voir aussi les remarques sur corruptio dans la n.
critique à 13,5, unde interrogati).
que le degré de perfection que chacun pouvait atteindre dépendât de son type de
nature (voir LIEU, Manichaeism, 27–29). En effet, la tendance à imputer ses fautes à
des facteurs surnaturels inquiétait particulièrement Augustin, tendance nullement
réservée aux Manichéens. Voir, dans ce sens, in psalm. 7,19 : ‘Confitebor Domino
secundum iustitiam eius’ [Ps. 7,18]. … Ista confessio ita Deum laudat, ut nihil possit
impiorum valere blasphemia, qui volentes excusare facinora sua, nolunt suae culpae
tribuere quod peccant, hoc est, nolunt suae culpae tribuere culpam suam. Itaque aut
fortunam aut fatum inveniunt quod accusent, aut diabolum, cui non consentire in
potestate nostra esse voluit qui nos fecit; aut aliam naturam inducunt, quae non sit ex
Deo, fluctuantes miseri et errantes potius quam confitentes Deo, ut eis ignoscat. Non
enim oportet ignosci, nisi dicenti: Peccavi [‘Je confesserai au Seigneur selon sa jus-
tice’. Cette confession loue le Seigneur de telle façon que le blasphème des impies
ne peut avoir aucune force, [ces impies] qui, en voulant excuser leurs crimes, ne
veulent pas que ce soit leur propre faute quand ils pèchent – c’est-à-dire qu’ils ne
veulent pas que leur faute soit de leur faute. Ainsi ils trouvent comme coupables la
fortune ou le destin, ou le diable, [bien que] celui qui nous a faits ait voulu qu’il soit
en notre pouvoir de ne pas donner notre accord au [diable]. Ou bien ils introduisent
une autre nature, qui ne vient pas de Dieu, et ces misérables flottent et dérivent,
plutôt que de confesser à Dieu, pour qu’il les pardonne. Car on ne doit pas pardon-
ner sinon à celui qui dit : ‘J’ai péché’]. Ici, aliam naturam [une autre nature] désigne
les croyances manichéennes, mais fortunam aut fatum [la fortune ou le destin] vi-
sent surtout l’astrologie. Voir aussi c. Faust. 12,9–13, qui anticipe sur la lecture anti-
manichéenne citée plus haut de Gen. 4,7 dans civ., mais fait d’abord de Cain l’image
du peuple juif, qui fait les attributions à l’envers : Ignorantes Dei iustitiam et suam
volentes constituere, elati de operibus legis, non humiliati de peccatis suis non ‘quie-
verunt’ [En ignorant la justice de Dieu et en voulant établir la leur, se vantant des
œuvres de la Loi, plutôt que de s’humilier à cause de leurs propres péchés, ils ne
sont pas ‘restés tranquilles’] (c. Faust. 12,9). Nous rejoignons ici le grand thème de
l’épître aux Romains, tel qu’il est décrit dans Inchoata expositio 1 : s’il ne faut pas
imputer nos fautes aux autres, Augustin tend de plus en plus à ajouter qu’il faut
imputer nos bonnes œuvres exclusivement à Dieu (voir n. à 7,7).
sion : Mihi autem d i s p l i c e b a t , quod agebam in saeculo, et oneri mihi erat valde,
non iam inflammantibus cupiditatibus, ut solebant, spe honoris et pecuniae ad tole-
randam illam servitutem tam gravem. Iam enim me illa non delectabant prae dulce-
dine tua et decore domus tuae, quam dilexi [Ps. 25,8] [Ce que je faisais dans le monde
me d é p l a i s a i t et m’était bien pesant. Mes désirs ne brûlaient plus, comme
d’habitude, par l’espoir de l’honneur et de l’argent, pour que je pusse tolérer cet
esclavage si lourd. Car déjà ces choses ne me plaisaient plus en face de ta douceur et
de la beauté de ta maison, que j’ai aimée] (conf. 8,2) ; sicut nemo est, qui dormire
semper velit, omniumque sano iudicio vigilare praestat, differt tamen plerumque homo
somnum excutere, cum gravis torpor in membris est, eumque iam d i s p l i c e n t e m
carpit libentius, quamvis surgendi tempus advenerit: ita certum habebam esse melius
tuae caritati me dedere quam meae cupiditati cedere; sed illud placebat et vincebat,
hoc libebat et vinciebat [Tout comme il n’y a personne qui voudrait dormir tout le
temps, et, selon tout jugement sain, il est mieux d’être éveillé, mais un homme tarde
très souvent à chasser le sommeil, quand il y a dans ses membres un lourd engour-
dissement, dont il jouit avec plaisir, bien que celui-ci lui d é p l a i s e déjà, bien que le
temps du réveil soit arrivé – de même, j’étais certain qu’il serait mieux de me confier
à ta charité que de céder à mes désirs. Mais [si] le premier [choix] me plaisait et me
conquérait, le second me charmait et m’enchainait] (conf. 8,12).
inmatura morte rapiatur, et qui videtur nec nasci debuisse, diutissime insuper vivat;
plenus criminibus sublimetur honoribus, et hominem sine querella tenebrae ignobilita-
tis abscondant, et cetera huiusmodi, quae quis colligit, quis enumerat? [En effet, nous
i g n o r o n s par quel jugement de Dieu cet homme bon est pauvre, cet autre homme
mauvais est riche ; cet autre se réjouit, dont nous pensons qu’il aurait dû être tour-
menté par le regret pour ses mœurs honteuses ; cet autre est affligé, alors que sa vie
louable [nous] convainc qu’il devait se réjouir ; l’innocent sort du jugement non
seulement sans être vengé, mais même condamné, soit opprimé par l’iniquité du
juge, soit écrasé par les faux témoignagnes ; au contraire, son adversaire criminel se
moque de lui, étant non seulement impuni, mais même justifié ; l’impie se porte à
merveille, l’homme pie se morfond dans la maladie ; les brigands sont des jeunes
hommes des plus vigoureux, et les bébés qui n’auraient pu blesser quelqu’un même
par une parole sont affligés par l’atroce multiplicité des maladies ; celui qui est utile
aux affaires humaines est arraché par une mort prématurée, et celui dont il semble
qu’il n’aurait même pas dû naitre, reste très longtemps en vie ; l’homme qui regorge
de crimes est élevé dans les honneurs, et les ténèbres d’une vie obscure cachent
l’homme sans fautes ; et toutes les autres choses du même genre – qui pourrait les
cataloguer, les énumérer ?] (civ. 20,2 – le passage rappelle le soliloque d’Hamlet).
que leurs souffrances étaient en partie une punition pour leurs péchés. Ailleurs, il
proposera même que Dieu a pu offrir le martyre à certains pour les libérer des leurs
faiblesses morales : Iam forte aliqui ipsorum intendebant collum in dulcedinem vitae
huius. Dominus qui erat in illis, fecit strepitum gehennarum, et ‘erutus est passer de
muscipula venantium’ [Ps. 123,7] [Peut-être déjà certains d’entre eux tendaient leur
cou vers la douceur de cette vie. Le Seigneur, qui était en eux, fit le vacarme de la
géhenne, et ‘le passereau a été arraché du piège des chasseurs’] (in psalm. 123,13. De
même in psalm. 118,13,3).
10,4 poenas tamen corporis pro peccatis suis se exsolvere saepe testatur
Dans A Masque of Reason (1945) du poète Robert Frost, Dieu dit à Job : « I’ve had
you on my mind a thousand years / To thank you someday for the way you helped
me / Establish once for all the principle / There’s no connection man can reason out
/ Between his just deserts and what he gets ». C’est dans cette optique que l’on tend
aujourd’hui à lire le livre de Job : ses consolateurs ont entièrement tort de dire à Job
qu’il est puni pour ses péchés, et c’est pourquoi Dieu s’irrite contre eux (Job 42,7.
Voir J. E. HARTLEY, The Book of Job, Grand Rapids MI 1988, 43–50). Mais selon Au-
gustin, Job a très souvent (saepissime) dit le contraire : malgré sa justice, sa souf-
france a servi à expier ses péchés (il en est de même pour Moïse, Aaron, Samuel et
Paul : in psalm. 98,10–13).
280 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
Toutefois, pendant longtemps, Augustin est rarement revenu sur Job pécheur,
insistant plutôt sur son rôle comme modèle de patience (pour les années autour de
l’Inchoata expositio, voir mor. eccl. 42 ; in psalm. 25,1,3 ; de serm. dom. 2,32s. ;
quaest. Simpl. 2,3,1 ; in Iob. 38), comme le fera, dans le sillage de Iac. 5.11, toute la
tradition patristique (voir Dictionnaire de Spiritualité s.v. Job, II ; SChr 178, 199, n. 3.
Dans l’Église latine, cette tradition commence avec Tertullien, De patientia 14 et
Cyprien, De bono patientiae 18). Mais il est vrai que patience et pénitence ne sont
pas aisées à séparer chez Augustin (voir n. à 10,1–10).
En tout cas, comme le note J.-M. Roessli (AugLex s.v. Iob ; à consulter aussi pour
la bibliographie sur Augustin et Job), Augustin est revenu aux péchés de Job dans
ses écrits anti-pélagiens, puisque « Pelagius avait consacré à Job un véritable pané-
gyrique. Pour lui, l’exemple de la bonté de Job prouve la réalité de la sainteté natu-
relle de l’homme ». Augustin répond en alignant les passages où, selon lui, Job se
déclare lui-même pécheur : voir pecc. mer. 2,14.17 ; nat. et grat. 73 ; perf. iust. 23–
28 ; c. Iulian. op. imperf. 1,105 (et, en dehors de la controverse avec Pélage, in
psalm. 37,5 ; urb. exc. 4 ; serm. 392,3). C’est dans ces textes que le saepissime de
l’Inchoata expositio est enfin justifié. Mais retenons qu’un des versets qu’utilise
souvent Augustin pour étayer cette vision de Job est Job 14,4, où les versions basées
sur la Septante (τίς γὰρ καθαρὸς ἔσται ἀπὸ ῥύπου; ἀλλ᾽ οὐθείς [Car qui sera pur de la
souillure ? Mais personne]) étaient beaucoup plus utiles à Augustin que la Vulgate
(Quis potest facere mundum de inmundo conceptum semine? Nonne tu qui solus es?
[Qui peut rendre pur ce qui fut conçu d’une semence impure ? N’est-ce pas toi, qui
seul es ?]). En vérité, il n’y a peut-être aucun texte du livre de Job qui comporte cer-
tainement une confession par Job de ses propres fautes.
Nous ne voulons pas insinuer qu’Augustin lisait le livre de Job sans sensibilité
aucune. Il savait très bien que ce livre ne pouvait être compris qu’en fonction de la
justice extraordinaire de Job (secundum modum conversationis humanae perhibet ei
Deus tam magnum iustitiae testimonium [selon la mesure du commerce humain,
Dieu porte un si grand témoignage à sa justice], pecc. mer. 2,14) et dans in Iob il
l’identifiera même avec le Christ. Il était aussi très conscient de ce que, malgré tout
ce que l’on avait dit sur la patience de Job, l’affligé usait souvent d’un langage dur
envers son créateur, velut stomachans adversus Deum [comme s’il s’indignait envers
Dieu] (in psalm. 103,4,8. Le problème est repris par Grégoire le Grand, Moralia in Iob
praef. 8). Mais pour lui, il n’y avait aucune contradiction entre ces faits et l’affirma-
tion que Job subissait en toute conscience une peine juste.
On rencontre rarement avant Augustin l’idée que les souffrances de Job aient pu
être en partie une punition pour ses péchés. Les Pères tendent plutôt à insister,
suivant Job 1,1, sur sa justice : Origène l’appelle iustissimus et totius pietatis obser-
vantissimus [très juste, et très fidèle à tout devoir religeux] (Rufin. Orig. in ex. 7,2),
iam perfectus [déjà parfait] (ibid. 11,3). De même, selon Jean Chrysostome, οὐ μόνον
ἐκεῖνα οὐκ ἔπραττε τὰ ἁμαρτίαν ἔχοντα, ἀλλ’ οὐδὲ τὰ μέμψιν καὶ κατάγνωσιν [il
évitait de faire non seulement les actes qui contiennent un péché, mais même ceux
Commentaire | 281
susceptibles d’un reproche ou d’un blâme] (Iob 1,1 [SChr 346, 84]). Et Ambroise note
l’erreur de ses consolateurs : Unum enim solacii genus est in aerumna et amaritudine
constitutis: culpa vacare, ut ea quae perpetiuntur adversa non pro delicti pretio susti-
nere videantur. Hoc quoque viro sancto adimere gestiebant, ut videretur ipse suae
auctor aerumnae, qui peccatis gravibus Domini contraxisset offensam et pro impieta-
tibus suis illa toleraret, describentes impiorum supplicia [Il y a en effet un seul genre
de consolation pour ceux qui sont dans la souffrance et l’amertume : être sans faute,
pour qu’ils ne paraissent pas endurer les malheurs qu’ils éprouvent comme la ré-
compense d’un crime. Même cela, ils tentaient de l’enlever au saint homme, en
décrivant les tourments des impies, pour qu’il apparût comme lui-même respon-
sable de sa souffrance, comme s’il avait offensé le Seigneur par des péchés graves et
endurait ces choses à cause de ses impiétés] (Iob 1,4,10). Sans doute, aucun de ces
textes n’est à comprendre comme indiquant que Job était un homme entièrement
parfait, comme l’était le Christ. Mais pour leurs auteurs, le sujet du livre de Job était
exclusivement les souffrances d’un juste, et non la punition d’un coupable.
Selon Thiele, VetLat 26/1 ad loc. le texte tel que le présente l’Inchoata expositio n’est
typique que d’Augustin.
Ce texte de 1 Petr. est réemployé de façon similaire en c. Faust. 22,14 (de nou-
veau avec Hebr. 12,6), mais surtout dans le commentaire sur les psaumes (in psalm.
6,4–8 ; 30,1,24 ; 59,6 ; 93,23s. ; 110,2 [avec Hebr. 12,6] ; 118,16,5 ; 147,27), sans doute
parce que les psaumes sont si souvent des prières de souffrance.
Pour une exégèse plus détaillée, voir in psalm. 9,1 : Duo etiam iudicia insinuan-
tur per scripturas, si quis advertat, unum occultum, alterum manifestum. Occultum
nunc agitur, de quo apostolus Petrus dicit: ‘Tempus est ut iudicium incipiat a domo
Domini’. Occultum itaque iudicium est poena, qua nunc unusquisque hominum aut
exercetur ad purgationem, aut admonetur ad conversionem, aut si contempserit voca-
tionem et disciplinam Dei, excaecatur ad damnationem. Iudicium autem manifestum
est, quo venturus Dominus iudicabit vivos et mortuos [Pour qui fait bien attention,
deux jugements sont aussi indiqués par les Écritures, l’un caché, l’autre manifeste.
Il s’agit ici du [jugement] caché, duquel l’apôtre Pierre dit : ‘Il est temps que le ju-
gement commence à partir de la maison du Seigneur’. Donc le jugement caché est la
282 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
peine par laquelle tout homme est maintenant, ou bien éprouvé pour sa purifica-
tion, ou bien averti pour sa conversion, ou encore, s’il méprise l’appel et la disci-
pline de Dieu, aveuglé pour sa damnation. Le jugement manifeste est ensuite celui
par lequel le Seigneur, quand il viendra, jugera les vivants et les morts] (de même
cons. euang. 2,8). On trouve ici l’idée, implicite dans l’Inchoata expositio (reflec-
tunt ad peccandum, 10,12), et fréquente dans des écrits plus tardifs, que les mêmes
punitions qui sont si utiles aux élus ne sont pour les autres qu’une étape sur la voie
de la damnation.
10,7 pressuris
Grec θλίψεσιν, Vulgate tribulationibus. pressuris est le texte normal d’Augustin, et la
leçon est répandue dans les anciennes versions latines de 2 Thess. Voir VetLat 25, ad
loc. pressura traduit θλῖψις dans la Vulgate du Nouveau Testament pour les deux
exemples du mot dans l’Évangile de Jean (16,21 ; 16,32, cité avec pressuram plus bas,
10,12). Partout ailleurs – et le mot apparait 25 fois – il est rendu par tribulatio, sauf
en Phil. 1,17 (pressuram), Col. 1,24 (passionum) et dans le cas étrange de 2 Cor. 1,4 (ὁ
παρακαλῶν ἡμᾶς ἐπὶ πάσῃ τῇ θλίψει ἡμῶν εἰς τὸ δύνασθαι ἡμᾶς παρακαλεῖν τοὺς ἐν
πάσῃ θλίψει / qui consolatur nos in omni tribulatione nostra ut possimus et ipsi conso-
lari eos qui in omni pressura sint). Indications du caractère très hétérogène du texte
de la Vulgate (cf. n. à 12,2s. ; 13,4).
10,9
Pour la faute de David, voir n. à 18,14s.
Loi, nous sommes traînés par elle ; sous la grâce, nous ne la suivons pas et ne
sommes pas traînés par elle ; dans la paix, il n’y a aucune concupiscence de la
chair]. Voir aussi in Rom. 43.45 ; in Gal. 61 et l’exposé de Gloria in excelsis Deo, et in
terra pax hominibus bonae voluntatis [Gloire à Dieu au plus haut, et sur la terre paix
aux hommes de bonne volonté] en de serm. dom. 2,21.23, qui est repris en in Rom.
12. On doit supposer qu’Augustin envisageait d’exposer cette doctrine en beaucoup
plus de détail au moment de commenter Rom. 7s.
Dans ses écrits antérieurs sur Paul, Augustin avait surtout identifié la Trinité
dans la formule ἐξ αὐτοῦ καὶ δι’ αὐτοῦ καὶ εἰς αὐτὸν τὰ πάντα [tout est de lui et par
lui et en lui] en Rom. 11,36 (mor. eccl. 24 ; divers. quaest. 81,1 ; fid. et symb. 19 ;
serm. 1,5 ; l’exégèse est reprise en trin. 1,12). Il en serait donc venu à une nouvelle
exégèse trinitaire de ces mots si l’Inchoata expositio était arrivée jusqu’à Rom. 11.
Cependant, la doctrine trinitaire prendrait bien plus d’importance dans Rom. si
Augustin pouvait montrer que les trois Personnes de la Trinité apparaissaient dès
les premières lignes de l’épître. En outre, Augustin pouvait ressentir la nécessité
d’offrir une démonstration orthodoxe de la présence de l’Esprit Saint dans la saluta-
tion, puisque, en se faisant appeler apostolus Iesu Christi, reprenant ainsi le titre que
se donne Paul en Rom. 1,1, dans l’epistula Fundamenti (voir AugLex s.v. Epistulam
Manichaei quam uocant fundamenti (Contra–), II ; RIES, Saint Paul, 18–22 et 26),
Mani avait voulu indiquer qu’il était lui-même en quelque sorte l’Esprit Saint, le
Paraclet promis dans l’Évangile de Jean (c. epist. fund. 7 ; c. Fel. 1,9 ; voir Inchoata
expositio 15,14 et RIES, Saint Paul, 9.14.23. Cette revendication semble avoir déjà été
faite par Montanus [voir n. à 15,13–16] et se retrouve dans certains enseignements
sur Mohammed [voir Encyclopaedia of Islam s.v. ’Īsā, VII]. Pour Mani et s Paul, voir
Introduction, 1.4).
On se demande néanmoins pourquoi Augustin ne s’est pas contenté de noter la
référence au πνεῦμα ἁγιωσύνης [Esprit de sainteté] en Rom. 1,4, comme il l’avait fait
dans in Rom. (voir n. à 5,1). À notre connaissance, nul autre exégète parmi les Pères
n’a cherché à identifier gratia et pax dans les épîtres de Paul avec l’Esprit Saint (du
moins n’y a-t-il rien de tel dans le commentaire d’Origène sur Rom., ni chez Jean
Chrysostome, Théodore de Mopsueste, Théodoret de Cyrrhe, ni, du côté latin, Ma-
rius Victorinus, l’Ambrosiaster, Jérôme, Pélage, ou l’anonyme de Frede). Mais,
comme Augustin va le noter en 11,3–6, le Père, le Christ et gratia et pax apparaissent
dans les salutations de toutes les épîtres de Paul, si bien que la démonstration que
gratia et pax étaient l’Esprit vaudrait une fois pour toutes. De plus, l’équivalence
entre gratia et pax et l’Esprit revient sur la présentation de l’Esprit comme donum
Dei [don de Dieu], qui est fondamentale dans la théologie trinitaire d’Augustin.
Enfin, ce n’est que par cette équivalence qu’Augustin pourra donner la solution au
problème du blasphème contre l’Esprit Saint qu’il va proposer dans la deuxième
partie de l’Inchoata expositio.
Gratia porro et pax, quid aliud quam donum Dei? C’est peut-être la lecture de
l’Ambrosiaster (voir n. à 1,3, nonnulli qui ex Iudaeis) qui a inspiré à Augustin de lier
gratia et pax avec donum Dei. Celui-ci écrit en effet : ‘Gratia vobis et pax a Deo Patre
nostro et Domino Iesu Christo’. Quoniam unum d o n u m est Dei et Christi, idcirco par-
ticipes illos optat esse gratiae Dei, quae est et Christi [‘La grâce soit avec vous et la
paix de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ’. Puisqu’il y a un seul d o n de
Dieu et du Christ, il prie pour qu’ils participent à la grâce de Dieu, qui est aussi celle
du Christ] (in 2 Cor. 1,2 ; de même ad Gal. 1,2). Toutefois, si Augustin s’était contenté
de dire que la grâce et la paix nous sont données p a r l’Esprit ou d a n s l’Esprit, on
286 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
n’y verrait pas grand-chose de plus qu’un automatisme du langage chrétien (compa-
rer e.g. Origène, Jo. 2,77s. : Οἶμαι δὲ τὸ ἅγιον πνεῦμα τήν, ἵν’ οὕτως εἴπω, ὕλην τῶν
ἀπὸ Θεοῦ χαρισμάτων παρέχειν τοῖς δι’ αὐτὸ καὶ τὴν μετοχὴν αὐτοῦ χρηματίζουσιν
ἁγίοις [Je pense que l’Esprit Saint fournit, pour ainsi dire, la matière des grâces de
Dieu à ceux qui sont appelés saints à cause de lui et de leur participation en lui]).
Mais Augustin dit bien plus : il affirme que l’Esprit Saint est le don de Dieu, qui e s t
la grâce et la paix. Pour lui, les mots donum, gratia, pax font plus que démarquer
l’action de l’Esprit : ils aident à définir l’Esprit même. Par là, il s’approche d’une
source suggérée par DU ROY (L’intelligence, 378), Didyme l’Aveugle : In fine Epistolae
secundae, quam ad Corinthios scribit Paulus, ait: ‘Gratia Domini nostri Iesu Christi, et
caritas Dei, et communicatio sancti Spiritus, sit semper cum omnibus vobis’ [2 Cor.
13,13]. Ostenditur quippe ex sermone praesenti una Trinitatis assumptio, cum is qui
gratiam Christi accepit, habeat eam tam per administrationem Patris, quam per largi-
tionem Spiritus sancti. Datur enim a Deo Patre et Iesu Christo, iuxta illud: ‘Gratia
vobiscum, et pax a Deo Patre, et Domino Jesu Christo’, non aliam dante gratiam Patre
et aliam Salvatore. Siquidem et a Patre et Domino Jesu Christo eam dari describit,
Spiritus sancti communicatione completam. N a m e t i p s e S p i r i t u s d i c t u s e s t
g r a t i a , secundum illud: ‘Et Spiritui gratiae iniuriam faciens, in quo sanctificatus est’
[Hebr. 10,29] [À la fin de la seconde épître que Paul écrit aux Corinthiens, il dit : ‘La
grâce de notre Seigneur Jésus Christ, et la charité de Dieu, et la communion de
l’Esprit Saint soient toujours avec vous’. Il est montré par ces expressions qu’il y a
une seule et unique assomption de la Trinité, puisque celui qui reçoit la grâce du
Christ l’obtient tout aussi bien par le ministère du Père que par la largesse de l’Esprit
Saint. Elle est donnée en effet par Dieu le Père et par Jésus Christ, selon les mots ‘la
grâce soit avec vous, et la paix de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ’, si bien
que le Père ne donne pas une grâce, et le Sauveur une autre. Il écrit en effet qu’elle
est donnée et par le Père et par le Seigneur Jésus Christ, et complétée par la commu-
nion de l’Esprit Saint. C a r l ’ E s p r i t l u i a u s s i e s t a p p e l é g r â c e , selon ces
mots : ‘Et faisant tort à l’Esprit de grâce, dans lequel il fut sanctifié’] (Hier. Didym.
spir. 16 [SChr 386]). Cependant, comme le contexte l’indique, Didyme se préoccupe
ici surtout de montrer l’égalité de l’Esprit avec le Père et le Fils, plutôt que de définir
ce qu’est l’Esprit (Ambroise, en reprenant Didyme, dans De spiritu sancto 1,12,126,
écrit seulement : haec gratia et pax fructus est Spiritus [cette grâce et paix sont le
fruit de l’Esprit]).
Quant à la notion que l’Esprit Saint peut se définir comme le don de Dieu (voir
AugLex s.v. donum, III), elle a ses racines dans les Écritures (voir le dossier scriptu-
raire rassemblé en trin. 15,33–35) et dans la tradition théologique latine, surtout
Hilaire de Poitiers (unus Spiritus donum in omnibus [un seul Esprit, le don en toutes
choses], trin. 2,1 ; voir SMULDERS, Esprit Saint, 1274s.). Pour Augustin, ce titre de
donum est révélateur, parce que, chez le Dieu d’amour, le donum Dei ne peut être
que l’amour, à la fois l’amour entre le Père et le Fils et, inséparablement, l’amour de
Dieu pour les hommes. Augustin expose ces idées pleinement pour la première fois
Commentaire | 287
dans une page célèbre du De fide et symbolo, où l’on notera comment l’action r é -
c o n c i l i a t r i c e de l’Esprit Saint fait écho à son titre de gratia et pax dans l’Inchoata
expositio : Ausi sunt tamen quidam ipsam communionem Patris et Filii atque, ut ita
dicam, deitatem, quam graeci θεότητα appellant, Spiritum sanctum credere: ut, quo-
niam Pater Deus et Filius Deus, ipsa deitas, qua sibi copulantur et ille gignendo Filium
et ille Patri cohaerendo, ei a quo est genitus aequetur. Hanc ergo deitatem, quam
etiam dilectionem in se invicem amborum caritatemque volunt intellegi, Spiritum sanc-
tum appellatum dicunt multisque scripturarum documentis adsunt huic opinioni suae,
sive illo quod dictum est quoniam ‘caritas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spiri-
tum sanctum qui datus est nobis’ [Rom. 5,5], sive aliis multis talibus testimoniis, et eo
ipso quod p e r S p i r i t u m s a n c t u m r e c o n c i l i a m u r D eo : unde etiam cum d o n u m
D e i dicitur, satis significari volunt caritatem Dei esse Spiritum sanctum [Certains ont
cependant osé croire que l’Esprit Saint est la communion même du Père et du Fils,
et, si je puis le dire, leur divinité, ce que les Grecs appellent θεότης. De la sorte,
puisque le Père est Dieu et le Fils est Dieu, la divinité même, par laquelle ils sont
réunis – le premier en générant le Fils, et le second en s’attachant au Père – serait
l’égale de celui par qui [le Fils] fut généré. Ils disent donc que cette divinité, qu’ils
veulent aussi que l’on comprenne comme étant l’amour mutuel et la charité des
deux entre eux, s’appelle l’Esprit Saint. Et ils soutiennent leur avis par de nom-
breuses preuves des Écritures, comme celle où il est dit que ‘la charité de Dieu s’est
répandue dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné’, et bien d’autres
témoignages semblables, et par le fait même que c’est p a r l ’ E s p r i t q u e n o u s
s o m m e s r é c o n c i l i é s a v ec D i e u . Ensuite, quand il est appelé d o n d e D i e u , ils
prétendent qu’il est clairement indiqué que la charité de Dieu est l’Esprit Saint] (fid.
et symb. 19. Pour les sources, voir SMULDERS, Esprit Saint, 1279s. ; AYRES, Augustine,
88–92. Augustin est bien plus original qu’il ne veut l’admettre ici). Par la suite, c’est
surtout, comme on s’y attendrait, dans le De Trinitate qu’Augustin expliquera la
relation entre le titre donum Dei et la vie interne de la Trinité (trin. 5,11 ; 15,37). Mais
l’action extérieure du donum, l’Esprit comme amour pour nous, et donc comme
gratia et pax, apparait souvent même avant l’Inchoata expositio (beat. vit. 35 ; mor.
eccl. 23.62 ; soliloq. 1,3, où la séquence gratia → pax trouve son équivalent : per
quem accepimus, ne omnino periremus … per quem a malis bona separamus … per
quem mala fugimus et bona sequimur … per quem bene servimus et bene dominamur
… per quem discimus … qui nos convertis … exaudibiles facis … revocas in viam → qui
nos unis … nos purgas et ad divina praeparas praemia [par qui nous recevons [le don]
de ne pas mourir entièrement … par qui nous séparons le bien du mal … par qui
nous fuyons le mal et nous poursuivons le bien … par qui nous servons bien et nous
sommes bien régis … par qui nous apprenons … toi qui nous convertis … qui nous
rends dignes d’être exaucés … qui nous rappelles à la voie → qui nous unis … nous
purifies et nous prépares aux récompenses divines] ; divers. quaest. 44 ; 64,4 ; vera
relig. 25s.36–38.65–69.312s. ; in Rom. 60 ; serm. 9,6). L’identification de l’Esprit avec
288 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
gratia et pax dans l’Inchoata expositio n’est donc pas une solution factice pour
rendre Paul plus trinitaire, mais le fruit d’une longue réflexion.
Selon AYRES (Augustine, 91), dans le passage cité de fid. et symb., « Augustine is
moving hesitantly towards the position that the Spirit as love is the substance of the
gifts he gives ». En effet, Augustin n’utilise pas un langage entièrement cohérent
dans l’Inchoata expositio. Ayant affirmé que l’Esprit est la grâce, il passe tout de
suite à une formulation conventionnelle à base de préposition (dari hominibus
gratia … et pax … i n Spiritu sancto ; voir aussi 11,6) et il ne serait pas facile de
déterminer si l’on peut remplacer toutes les mentions de gratia (Dei) dans notre
texte par Spiritus sanctus sans en fausser le sens. Mais c’est en vain que l’on vou-
drait établir dans la pensée augustinienne une séparation étanche entre le don qui
est l’Esprit, et les dons conférés par l’Esprit, entre la grâce qui est Dieu, et la grâce
que Dieu nous donne (voir trin. 15,34) : Augustin ne tente pas d’ériger une théologie
systématique, mais de méditer le sens de la parole « Dieu est amour ». Deux mots ne
peuvent suffire pour décrire ou définir cet amour (voir trin. 15,37) : au §12, à gratia et
pax seront ajoutés societas, misericordia, caritas [alliance, miséricorde, charité],
mais ce ne sont encore que des mots humains pour dire l’indicible. Quidquid de illo
h u m a n i t e r d i c i t u r quod etiam hominibus aspernabile videatur, ipsa humana am-
monetur infirmitas etiam illa quae congruenter in scripturis sanctis de Deo dicta exis-
timat humanae capacitati aptiora esse quam divinae sublimitati [Par tout ce qui est
d i t h u m a i n e m e n t de lui et qui semble méprisable même aux hommes, la fai-
blesse humaine est prévenue que même ce qu’elle pense être dit convenablement de
Dieu dans les Écritures saintes est plus approprié aux capacités humaines qu’à la
sublimité divine] (quaest. Simpl. 2,2,1 ; voir n. à 14,2–8).
Enfin, cet amour-Esprit Saint qui vit en Dieu et qui est donné aux hommes doit
trouver sa manifestation dans l’amour des uns pour les autres dans l’Église. C’est là,
pour Augustin, le sens du miracle des langues à la Pentecôte : Sicut enim post dilu-
vium superba impietas hominum turrim contra Dominum aedificavit excelsam,
quando per linguas diversas dividi meruit genus humanum, ut unaquaeque gens lin-
gua propria loqueretur, ne ab aliis intellegeretur, sic humilis fidelium pietas earum
linguarum diversitatem ecclesiae contulit unitati, ut quod discordia dissipaverat, colli-
geret caritas, et humani generis tamquam unius corporis membra dispersa ad unum
caput Christum compaginata redigerentur, et in sancti corporis unitatem dilectionis
igne conflarentur [En effet, tout comme après le déluge l’impiété orgueilleuse des
hommes éleva une tour très haute contre le Seigneur, quand le genre humain mérita
d’être divisé par les différentes langues, pour que chaque peuple parlât sa propre
langue et ne fût pas compris des autres, de même la piété humble des fidèles ras-
sembla dans l’unité de l’Église la diversité de ces langues, pour que la charité unît
ce que la discorde avait dispersé, et les membres dispersés du genre humain,
comme ceux d’un seul corps, fussent joints et rassemblés dans une seule tête, le
Christ, et fondus dans l’unité du corps saint par le feu de l’amour] (serm. 271). En-
core une doctrine d’amour, donc, mais son côté sombre, c’est la condamnation sans
Commentaire | 289
appel des hérétiques : Ab hoc itaque dono Spiritus sancti prorsus alieni sunt, qui ode-
runt gratiam pacis, qui societatem non retinent unitatis. Licet enim etiam ipsi hodie
solemniter congregentur, licet istas audiant lectiones, quibus Spiritus sanctus est pro-
missus et missus, ad iudicium audiunt, non ad praemium [Sont donc entièrement
étrangers à ce don de l’Esprit Saint ceux qui détestent la grâce de la paix, qui ne
retiennent pas l’alliance de l’unité. En effet, bien qu’eux aussi se réunissent solen-
nellement aujourd’hui, bien qu’ils écoutent ces lectures dans lesquelles l’Esprit
Saint est promis et envoyé, ils écoutent pour le jugement, non pas pour la récom-
pense] (serm. 271 ; voir aussi serm. 272C,3). Augustin y reviendra vigoureusement
dans le serm. 71, quand il reprendra la doctrine de l’Inchoata expositio sur le blas-
phème contre l’Esprit : Nam et si quisquam ita sit contrarius veritati, ut Deo loquenti,
non in prophetis, sed in unico Filio … reluctetur, remittetur ei, cum paenitendo conver-
sus fuerit ad Dei benignitatem, qui … dedit ecclesiae suae Spiritum sanctum, ut cui-
cumque in eo peccata dimitteret, dimitterentur ei [Io. 20,23]. Qui vero huic d o n o exsti-
terit inimicus, ut non illud per paenitentiam petat, sed ei per impaenitentiam
contradicat, fit irremissibile, non quodcumque peccatum, sed contempta vel etiam
oppugnata ipsa remissio peccatorum [En effet, même si quelqu’un s’oppose tant à la
vérité, qu’il lutte … contre Dieu qui parle non pas dans les prophètes, mais dans son
Fils unique, il lui sera pardonné, quand il se sera converti par la pénitence à la bon-
té de Dieu, qui … a donné à son Église l’Esprit Saint, afin que, pour tout homme à
qui elle pardonnerait les péchés, ils lui soient pardonnés. Mais celui qui s’est fait
l’ennemi de ce d o n , qui, plutôt que de le chercher par la pénitence, y contredit par
l’impénitence, [pour lui] devient impardonnable non pas tout péché, mais son mé-
pris, son hostilité même envers le pardon des péchés] (serm. 71,37). Ici, la citation de
Io. 20,23 montre comment la gratia et pax de l’Esprit se manifent dans l’Église ; mais
elle montre aussi les conséquences fatales, selon Augustin, pour tous ceux qui vou-
draient chercher grâce, paix et pardon ailleurs (voir n. à 12,4, societatem inter-
ponens).
l’âme s’offre elle-même, déjà lavée, et se place sur l’autel de la foi, pour être em-
brassée par le feu divin, c’est-à-dire l ’ E s p r i t S a i n t ]. Et voir le dossier scripturaire
rassemblé en serm. 71,19. On trouve déjà chez Origène la même idée d’une réconci-
liation en deux étapes : Vir iustus Helchana duas simul habuisse refertur uxores [1
Reg. 1,2], quarum una Phennana, alia Anna dicebatur, id est conversio et gratia [On
raconte que l’homme juste Helchana eut deux femmes en même temps, dont l’une
s’appelait Phennana et l’autre Anna, c’est-à-dire la conversion et la grâce] (Rufin.
Orig. in gen. 11,2 ; voir hom. in Lev. 8,11).
τὸ ὄνομα θείς [comme il écrivait même aux Hébreux, qui avaient un préjugé contre
lui et s’en méfiaient, il a eu l’intelligence de ne pas les repousser entièrement dès le
début, en y mettant son nom]. L’explication proposée dans l’Inchoata expositio était
donc très ancienne. Elle sera aussi reprise par Jérôme (vide infra) et par Jean Chry-
sostome (hom. in Rom. 1,1 [PG 60, 395]).
Origène, comme Clément, préfère attribuer Hebr. à Paul. Il note que l’épître est
ἑλληνικωτέρα [plus grecque] que les treize autres, mais répond que son contenu est
à la hauteur de l’apôtre et propose donc que τὰ μὲν νοήματα τοῦ ἀποστόλου ἐστίν, ἡ
δὲ φράσις καὶ ἡ σύνθεσις ἀπομνημεύσαντός τινος τὰ ἀποστολικὰ καὶ ὥσπερ
σχολιογραφήσαντός τινος τὰ εἰρημένα ὑπὸ τοῦ διδασκάλου [les idées sont de
l’apôtre, mais le langage et la composition sont de quelqu’un d’autre, qui avait noté
les [dires] de l’apôtre et avait, pour ainsi dire, commenté les paroles du maître] (Eu-
sèbe, Histoire ecclésiastique 6,14). Bien qu’il exprime parfois un avis nuancé (voir
SChr 302, 544, n. 1), dans la pratique, Origène a cité Hebr. d’innombrables fois en
l’attribuant sans ambages à Paul. Comme en beaucoup de matières, sa décision a
fait autorité : après Origène, en Orient, on tente encore parfois d’expliquer la diffé-
rence entre Hebr. et les treize épîtres (voir notamment Eusèbe lui-même, Histoire
ecclésiastique 3,38), mais Hebr. est acceptée partout comme un texte authentique et
canonique de Paul.
En Occident, la situation est plus complexe. Tertullien voudrait que l’épître soit
de Barnabé (De pudicitia 7), mais son contemporain anti-montaniste, le Romain
Gaius, ne semble pas l’accepter comme canonique (Eusèbe, Histoire ecclésiastique
6,20 – l’indication n’est pas très claire), tout comme Hippolyte, selon Photius (KOES-
TER, Hebrews, 23). Hebr. est aussi absente du canon de Muratori, et n’est citée ni par
Irénée de Lyon, ni, au siècle suivant, par Cyprien. Mais au 4ème siècle, avec la crois-
sance de la communication entre Églises grecque et latine, Hebr. commence à être
acceptée par l’Occident. Philastre de Brescia présente comme hérétiques ceux qui
considèrent que l’épître n’est pas de Paul (Diversarum hereseon liber 89 ; on en
déduira aussi que les Novatianistes l’acceptaient : voir n. à 18,2). Hilaire de Poitiers,
Ambroise, Rufin la considèrent de même comme une épître de Paul, soit qu’ils la
citent sous son nom, soit qu’ils affirment que Paul a écrit quatorze épîtres. En
Afrique, le Concile de Carthage en 397 nomme soit quatorze épîtres de Paul soit
treize et eiusdem ad Hebraeos i [1 du même aux Hébreux] (CCSL 149, 43,393 ; ensei-
gnement repris au Concile de Carthage en 419 : ibid. 108).
À part Augustin, le seul des Pères latins après Tertullien et Gaius à aborder ou-
vertement la question de l’auteur de Hebr. est Jérôme. Il donne son avis le plus déve-
loppé sur la question, ou plutôt un recueil d’avis, en 392/393 en De viris illustribus
5 : Epistula autem quae fertur ad Hebraeos, non eius [sc. Pauli] creditur, propter stili
sermonisque dissonantiam, sed vel Barnabae iuxta Tertullianum, vel Lucae Evangelis-
tae iuxta quosdam, vel Clementis, Romanae postea ecclesiae episcopi, quem aiunt
sententias Pauli proprio ordinasse et ornasse sermone, vel certe, quia Paulus scribebat
ad Hebraeos et propter invidiam sui apud eos nominis titulum in principio salutationis
292 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
veut accepter cette épître qui fut écrite aux Hébreux sous le nom de Paul] (in Tit.
1,5b [CCSL 77C, 15] ; contraster ibid. préface : ce sont les gnostiques qui rejettent
Hebr.) ; Paulus apostolus loquitur – si quis tamen ad Hebraeos epistolam suscipit
[l’apôtre Paul dit – si toutefois on accepte l’épître aux Hébreux] (in Ezech. 9,28).
Parfois le souci d’accommoder le maximum de points de vue possible peut l’amener
à l’incohérence : Illud nostris dicendum est, hanc epistulam, quae scribitur ad He-
braeos, non solum ab ecclesiis orientis sed ab omnibus retro ecclesiae graeci sermonis
scriptoribus quasi Pauli apostoli suscipi, licet plerique [des Latins ? des Grecs ?] eam
vel Barnabae vel Clementis arbitrentur, et nihil interesse, cuius sit, cum ecclesiastici
viri sit et cotidie ecclesiarum lectione celebretur [Il faut le dire aux nôtres : cette épître
qui est écrite aux Hébreux est acceptée, non seulement par les Églises d’Orient, mais
aussi par tous les anciens auteurs de langue grecque de l’Église, comme étant de
l’apôtre Paul, bien que la majorité la considère comme étant soit de Barnabé, soit de
Clément, et qu’il importe peu de qui elle est, puisqu’elle est d’un homme de l’Église,
et elle est en usage tous les jours dans les lectures des églises] (epist. 129,3). Mais, à
côté de tout ceci, on le trouve aussi citant des versets de Hebr. en les attribuant à
Paul sans la moindre hésitation : voir in Gal. 4,3 ; 5,22s. ; in psalm. 13,8 ; adv. Iovin.
1,17,28 ; in Ion. 4 ; in Matth. 21,34s. ; in Zach. 3,12 ; tract. in psalm. 89,17 ; 96,4 ;
109,4 ; epist. 73,6 ; 140,8. Et dans son commentaire sur Galates (1,1), il fait sienne
une explication attribuée par Clément d’Alexandrie au μακάριος πρεσβύτερος : In
epistola ad Hebraeos propterea Paulum solita consuetudine nec nomen suum nec
apostoli vocabulum praeposuisse, quia de Christo erat dicturus ‘habentes ergo princi-
pem sacerdotum et apostolum confessionis nostrae Iesum’ [Hebr. 3,1]; nec fuisse con-
gruum, ut ubi Christus apostolus dicendus erat, ibi etiam Paulus apostolus poneretur
[Dans l’épître aux Hébreux Paul n’a mis au début ni son nom ni le mot ‘apôtre’,
selon son usage habituel, puisqu’il allait dire du Christ ‘donc, comme nous avons le
grand-prêtre et l’apôtre de notre confession, Jésus’, et il ne convenait pas que, là où
le Christ allait être appelé ‘apôtre’, il fût aussi question de ‘l’apôtre’ Paul].
Comment démêler ces contradictions ? Il se peut que Jérôme ait cru personnel-
lement que Hebr. était de Paul, mais, avec son attachement habituel à l’érudition,
ait souvent voulu rendre compte d’un ou de plusieurs autres points de vue parmi
ceux qu’il connaissait.
Quant à Augustin, son utilisation de l’épître aux Hébreux a été minutieusement
étudiée par LA BONNARDIÈRE (L’épître). Retenons : (a) Dans ses premières œuvres,
Augustin ne cite qu’une fois Hebr. (mor. eccl. 28 : le Christ est splendor Patris
[splendeur du Père], selon Hebr. 1,3). (b) Vers 394, donc à l’époque de l’Inchoata
expositio, Augustin doit s’être mis à l’étude de Hebr., puisqu’il commence à la citer :
Inchoata expositio 18,2s. ; 19,10 [mais voir n. à 18,2] ; de serm. dom. 2,27 ; c. Adim.
16,3 ; divers. quaest. 75. (c) Notre passage de l’Inchoata expositio est le seul où Au-
gustin discute de l’autorité de Hebr. Sa source serait Jérôme, De viris illustribus 5,
cité ci-dessus (nonnulli, 11,4, fait écho à quosdam). (d) À cette époque, Augustin
pensait que l’épître aux Hébreux était écrite par Paul. C’est ce qu’indiquent toutes
294 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
ses citations de l’épître, et aussi son choix de l’inclure parmi les quattuordecim Epis-
tolis apostoli Pauli [quatorze épîtres de l’apôtre] en doctr. christ. 2,29 (pour
l’Inchoata expositio, voir aussi 19,2 : loquebatur apostolus … significaverit aposto-
lus). (e) Une fois évêque, Augustin a longtemps délaissé Hebr. : il ne la cite que très
rarement entre 406 et 411. (f) En 411, il commence de nouveau à employer Hebr.,
dans la controverse avec les Pélagiens sur le baptême des enfants. (g) Mais, doréna-
vant, il ne veut plus attribuer l’épître à Paul, et la cite sans donner de nom d’auteur.
On peut considérer civ. 16,22 comme son avis (ou plutôt aporie) final sur la ques-
tion : epistula, quae inscribitur ‘ad Hebraeos’, quam plures Pauli apostoli esse dicunt,
quidam vero negant [l’épître qui est intitulée ‘aux Hébreux’, que beaucoup disent
être de Paul, ce qu’en revanche certains nient].
LA BONNARDIÈRE suggère (145) que la lecture du commentaire de Jérôme sur Isaïe
a modifié le jugement d’Augustin. C’est possible, mais on a vu que les diverses dé-
clarations de Jérôme pouvaient de fait étayer des avis multiples. Par contre, deux
autres facteurs ont pu influencer Augustin. Peut-être ne fut-il pas certain que Pélage
et ses disciples aient accepté eux-mêmes Hebr. comme un texte de Paul : il n’aurait
alors pas voulu faire dévier le débat sur un point non essentiel (voir les expressions
assez ambiguës en pecc. mer. 1,50. Sed contra, pour Julien d’Éclane, Hebr. fut écrite
par l’apôtre : c. Iulian. 4,24 ; c. Iulian. op. imperf. 3,40). Ensuite, il est possible que,
ayant amélioré son grec (voir n. à 2,5), Augustin ait constaté lui-même le vaste écart
entre la langue de Hebr. et celle des treize épîtres.
Quoi qu’il en soit, ses hésitations sur Hebr. sont le fruit d’un jugement person-
nel : elles ne lui sont dictées ni par Jérôme, ni par les Conciles ou la tradition. Il en
est de même pour l’avis exprimé dans l’Inchoata expositio. Augustin n’a pas sim-
plement recopié Jérôme, mais il choisit, parmi les hypothèses que celui-ci proposait,
celle qui, selon son point de vue de l’époque, expliquait le mieux l’absence de salu-
tation.
Pour l’idée d’un auteur du Nouveau Testament s’adaptant aux Juifs, comparer
Origène Jo. 1,4,22 : Ματθαῖος μὲν γὰρ τοῖς προσδοκῶσι τὸν ἐξ Ἀβραὰμ καὶ Δαβὶδ
Ἑβραίοις γράφων· ‘Βίβλος’, φησί, ‘γενέσεως Ἰησοῦ Χριστοῦ, υἱοῦ Δαβίδ, υἱοῦ
Ἀβραάμ’ [Mt. 1,1] [En effet, en écrivant aux Hébreux qui attendaient le [descendant]
d’Abraham et de David, Matthieu dit ‘le livre de la genèse de Jésus Christ, fils de
David, fils d’Abraham’] (ceci en contraste avec l’ouverture des autres Évangiles).
12,3 recognitione
Grec : ἐπιγνώσει. Vulgate (Gryson ad loc.) : cognitione ; variantes : cognitionem,
agnitione (leçon du Codex Amiatinus). Selon VetLat 26/1 ad loc., recognitione(m) est
la leçon habituelle des anciennes versions, mais cognitione n’est pas rare chez les
Pères.
12,4 vidimus
Le texte grec (1 Io. 1,3) porte ὃ ἑωράκαμεν καὶ ἀκηκόαμεν (l’ordre des deux verbes est
inversé dans certains manuscrits), et toutes les versions latines connues ont bien
audivimus (VetLat 26/1 ad loc.). Il peut s’agir d’un simple oubli par Augustin, bien
que l’omission de καὶ ἀκηκόαμεν se retrouve dans plusieurs manuscrits grecs (voir
Novum Testamentum Graecum. Editio critica maior, IV.1,3, Stuttgart 2003, ad loc.).
12,4 nuntiamus
Grec : ἀπαγγέλλομεν ; Vulgate : adnuntiamus. Voir VetLat 26/1 ad 1 Io. 1,3 : nuntia-
mus est habituel chez Augustin ; adnuntiamus est majoritaire dans le restant des
citations patristiques.
hait de joie qu’exprime χαίρειν, mais toute la digression du §13 serait alors à refaire.
Comparer la discussion sur Lc. 10,4 (καὶ μηδένα κατὰ τὴν ὁδὸν ἀ σ π ά σ η σ θ ε / nemi-
nem in via s a l u t a v e r i t i s [ne saluez personne sur la voie]) en serm. 101,9, dont la
conclusion (quid est ergo per occasionem s a l u t a r e ? Per occasionem s a l u t e m
adnuntiare [Qu’est-ce donc que s a l u e r , l’occasion venue ? C’est annoncer le s a l u t ,
l’occasion venue]) serait à modifier si l’original grec était pris en compte.
parla della lingua o della letteratura punica c’è solo il tono di meraviglia e di stima,
non di rimprovero o di lotta » (VATTIONI, Sant’ Agostino, 467).
ADAMS (Bilingualism, 233–239) a voulu expliquer ce respect du punique chez
Augustin par la proximité de cette langue avec l’hébreu, qu’il a assez souvent rele-
vée (voir AugLex s.v. lingua punica, lingua hebraea). BROWN (Religion, 286) était
déjà allé plus loin : en signalant la parenté hébreu-punique, Augustin plaçait ses
congrégations africaines « in the penumbra of the chosen people ». On objectera
qu’Augustin n’a nulle part fait la moindre allusion à un lien spécial entre les deux
peuples. De plus, la langue punique n’unissait pas tout le public d’Augustin (vide
supra), et il ne concevait nullement les punici comme une ethnie ou un peuple, mais
seulement comme un groupe linguistique (voir QUINN, Augustine’s Canaanites, n.
16. VATTIONI, Sant’ Agostino, 440 est à corriger sur ce point). De fait, tout le concept
d’une identité africaine ou punique à laquelle se rallierait le peuple d’Afrique du
Nord est à remettre en question (voir A. H. M. JONES, Were Ancient Heresies National
or Social Movements in Disguise ?, JThS 10 [1959], 280–298, article pourtant cité
élogieusement par Brown, et qui remettrait en cause l’approche historique de Vat-
tioni). Autrement dit, rien n’indique qu’Augustin se soit servi du punique parce qu’il
accordait à cette langue ou à ceux qui la parlaient un statut spécial. Augustin a usé
du punique tout simplement parce que c’était une langue qu’il connaissait et que
connaissait une partie de sa congrégation. Et il ne lui ressemblait pas de négliger
toute connaissance qui pouvait servir à l’instruction chrétienne et à glorifier Dieu.
Mais cette explication simple ne rend pas moins remarquable l’ouverture
d’Augustin envers le punique. Au contraire, elle témoigne de la liberté de son esprit,
et de sa capacité à faire avancer le projet qu’annonçaient les lettrés de l’Église de-
puis Justin Martyr et Tertullien, de repenser la culture humaine à la lumière de
l’Évangile.
patre et episcopo meo sene Valerio episcopus ordinatus sum et sedi cum illo, quod
concilio Nicaeno prohibitum fuisse nesciebam nec ipse sciebat [Quand mon père et
évêque, l’ancien Valérius, d’heureuse mémoire, était encore dans son corps, je fus
ordonné évêque, et j’ai siégé avec lui. J’ignorais que cela avait été interdit par le
Concile de Nicée, et lui non plus, il ne le savait pas] (epist. 213,4).
Notre passage est le seul où Augustin transmette une idée de Valérius, ce qui
contraste avec ses très nombreuses références à Ambroise (voir AugLex s.v. Ambro-
sius, 3). Cette intervention d’un personnage vivant dans un commentaire scriptu-
raire peut étonner, mais son modèle est à chercher dans les citations de Juifs de leur
connaissance, généralement consultés pour des problèmes linguistiques, dans les
commentaires d’Origène (voir A. MONACI CASTAGNO, Origene : Dizionario, Roma
2000, s.v. Giudaismo, 1,5) et de Jérôme (voir M. GRAVES, Jerome’s Hebrew Philology,
Leiden 2007, 88–90. Jérôme prétend aussi parfois avoir obtenu lui-même oralement
des informations que, de fait, il recopie d’Origène : NAUTIN, Origène, 326s.). Augus-
tin aussi peut consulter un Juif (de serm. dom. 1,23 ; de même son confrère d’Oëa,
epist. 71,5), mais ici, plutôt que de l’hébreu, il fait entrer du punique par le biais de
Valérius. Il est notable que ce jeu de sens latin / punique vienne d’un homme qui
était natura Graecus minusque Latina lingua et litteris instructus [grec par naissance,
et peu instruit dans la langue et les lettres latines] (Possidius, Vita Augustini 5).
province de laquelle ils ont été transportés jusqu’ici ?’ On lui répondit que les pro-
vinciaux en question s’appelaient ‘Deiri’. Et il répondit : ‘C’est bien. Les Deiri ont été
arrachés de l’ire de Dieu et appelés à la miséricorde du Christ. Comment s’appelle le
roi de cette province ?’ On lui répondit qu’il s’appelait ‘Aelle’. Et il dit, faisant allu-
sion à ce nom : ‘Alleluia, les louanges du Dieu créateur doivent être chantés dans
ces régions’] (Bède le Vénérable, Histoire ecclésiastique 2,1,11. De même, indépen-
damment de Bède, dans la « Vie de Whitby » de Grégoire : B. COLGRAVE [éd.], The
Earliest Life of Gregory the Great, Cambridge 1985, 90). Noter chez Bède le parallèle
avec le responsum est de l’Inchoata expositio, bien que Bède ne semble pas avoir
connu notre texte (voir Introduction, 1.9). Dans cette anecdote, ce sont les vocables
barbares qui ont un sens nouveau dans les trois « langues sacrées », grec, hébreu et
latin (voir Isidore de Séville, Etymologiae 9,1,3), alors que, chez Augustin, le mys-
tère consiste aussi dans le sens barbare du mot latin (voir n. à 13,1–7).
Du reste, les nombreuses populations bilingues de l’Antiquité ont dû souvent
noter des coïncidences similaires. L’intérêt que leur porte Augustin est consistant
avec sa réflexion constante sur le rapport entre mots et choses (voir n. à 14,2–8). Il
découle aussi assez naturellement de la science étymologique grecque et latine, qui,
dès le Cratyle de Platon (et sans doute bien avant), pouvait considérer comme racine
possible pour un mot tout autre mot quelque peu homophone qui avait un lien de
sens, aussi fantaisiste soit-il, avec lui. Malgré sa pensée complexe sur le langage,
Augustin était tout aussi friand de telles étymologies que les autres lettrés de son
époque (voir MARROU, Saint Augustin, 127s. ; BARTELINK, Einige Bemerkungen, 186 ;
n. à 2,2 vocatus ; 2,5). On trouvera grand nombre des étymologies déployées par
Augustin chez R. MALTBY, A Lexicon of Latin Etymologies, Leeds 1991, mais cet ou-
vrage précieux ne comporte malheureusement pas d’index des auteurs, pas plus
que son complément, C. MARANGONI, Supplementum Etymologicum Latinum I,
Trieste 2007. Voir toutefois dialect. 6 (si l’ouvrage est vraiment d’Augustin) ; mus.
2,15 pour une certaine impatience envers la science étymologique.
Augustin n’a jamais rapproché la remarque sur l’homophonie salus / 3 qu’il fait
dans l’Inchoata expositio et la ressemblance punique-hébreu qu’il note ailleurs (voir
n. à 13,1–7). Dans la mesure où cette homophonie existait aussi en hébreu, il aurait
pu renchérir sur les réflexions de Valérius. Il n’y a peut-être simplement jamais
songé, mais c’est aussi qu’il n’accepte pas entièrement l’approche de Valérius (13,7).
Pour une pensée similaire à celle de Valérius, mais portant sur les images, plu-
tôt que sur les sons, voir Rufin, Histoire Ecclésiastique 11,29, sur la christianisation
d’Alexandrie en 391. Les chrétiens peignent des croix in ingressibus in parietibus in
columnis … Quod cum factum hi qui superfuerant ex paganis viderent, in recordatio-
nem rei magnae ex traditione sibimet antiquitus commendata venisse perhibentur.
Signum hoc nostrum dominicae crucis inter illas, quas dicunt hieraticas, id est sacer-
dotales litteras, habere Aegyptii dicuntur, velut unum ex ceteris litterarum quae apud
illos sunt elementis. Cuius litterae seu vocabuli hanc esse adserunt interpretationem:
vita ventura. Dicebant ergo hi, qui tunc admiratione rerum gestarum convertebantur
Commentaire | 303
ad fidem, ita sibi ab antiquis traditum, quod haec quae nunc coluntur, tamdiu starent,
quamdiu viderent signum istud venisse, in quo esset vita. Unde accidit ut magis hi qui
erant ex sacerdotibus vel ministris templorum ad fidem converterentur, quam illi quos
errorum praestigiae et deceptionum machinae delectabant [dans les entrées, sur les
murs, sur les colonnes … Quand ceux qui restaient des païens voyaient ce qu’ils
avaient fait, on raconte qu’il se sont rappelés d’une grande chose qui leur venait de
la tradition antique. On dit que les Égyptiens ont parmi ces lettres qu’ils appellent
‘hiératiques’, c’est-à-dire sacerdotales, notre signe de la croix du Seigneur – c’est
donc une [lettre] parmi les autres lettres qui leur servent d’alphabet. Ils disent que le
sens de cette lettre ou de ce mot serait ‘la vie à venir’. Donc, ceux qui à cette époque
se convertissaient à la foi dans l’émerveillement de ce qui était advenu, disaient
qu’on leur avait transmis de l’antiquité que ce que l’on adorait maintenant resterait
en place jusqu’à ce qu’ils vissent venir ce signe, dans lequel était la vie. Il advint
donc que ceux qui étaient parmi les prêtres ou les ministres des temples se conver-
tissaient plus à la foi, que ceux que réjouissaient les sortilèges de l’erreur et les arti-
fices de la tromperie]. Rufin parle de l’hiéroglyphe Ankh, qui reste en usage dans
l’Église copte (voir P. R. AMIDON, The Church History of Rufinus of Aquileia. Books 10
and 11, Oxford 1997, 109, n. 49).
13,3–6 La Cananéenne
Les exégèses augustiniennes de cette péricope ont été étudiées par LA BONNARDIÈRE,
La Chananéenne, puis, en dernier lieu, par M. PAULIAT, Parole de Dieu, réponses des
hommes. Augustin exégète et prédicateur du premier Évangile dans les Sermones in
Matthaeum, thèse, Université de Lyon II 2017, 330–333 (nous remercions Mme Pau-
liat de nous avoir transmis son travail). Augustin s’est souvent référé à la péricope
(toujours dans la version de Mt., sauf en cons. euang. 2,103, où il indique le parallèle
avec Mc. 7,24–30), y compris dans ses deux travaux antérieurs sur Paul (in Rom. 66 ;
in Gal. 31). Il interprète toujours la Cananéenne comme représentante des gentils, ce
qui de toute manière est le sens évident de l’Évangile. Il aime aussi (surtout en serm.
77) insister sur l’humilité devant le Seigneur de celle qui sait reconnaître sa qualité
de pécheresse (confessione peccatorum, 13,4) : c’est de nouveau la tendance
d’Augustin à voir le contraste Juifs-nations comme anticipant le salut par la grâce
du pardon (voir n. à 1,1–3). Par contre, l’équivalence entre la fille de la Cananéenne
et sa vie nouvelle (filiae, hoc est novae vitae suae) ne se retrouve qu’en in psalm.
37,1, en des termes presque identiques à ceux de notre texte (curari petiverat filiam
suam, fortassis in filia significans vitam suam [elle avait demandé que soit guérie sa
fille, indiquant peut-être par sa fille sa vie]).
Pour une exégèse similaire sur une autre femme de l’Évangile, voir divers.
quaest. 64,4 sur la Samaritaine de Io. 4 : Sitiebat Dominus mulieris illius fidem, quo-
niam Samaritana erat, et solet Samaria idolatriae imaginem sustinere: ipsi enim sepa-
rati a populo Iudaeorum simulacris mutorum animalium, id est, vaccis aureis, anima-
rum suarum decus addixerant. Venerat autem Iesus Dominus noster, ut gentium
304 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
ou figuram gerere ou praefigurare : toutes ces formulations sont pour lui interchan-
geables ».
13,4 ita
Pour ναί. La Vulgate a etiam, mais Augustin donne toujours ita en Mt. 15,27 (in
psalm. 58,1,31 ; serm. 60A,3 ; 77,10 ; 88,10 ; 154A,5 ; virg. 32). D’ailleurs le désordre
règne (voir n. à 10,7) dans les traductions de ναί dans la Vulgate. Si on comprend le
choix de le rendre par est en Mt. 5,37 ; 2 Cor. 1,17–20 ; Iac. 5,12, et par immo en Rom.
3,29, aucune loi ne semble gouverner la variation entre etiam (Mt. 11,9 ; 13,51 ; 15,27 ;
17,24 ; Lc. 10,21 ; Act. 5,8 ; 22,27 ; Phil. 4,3 ; Apoc. 1,7 ; 22,20), ita (Mt. 11,26 ; Lc.
11,51 ; 12,5 ; Philem. 1,20) et utique (Mt. 16,26 ; Mc. 7,28 ; Lc. 7,26). Ce désordre est
hérité des versions anciennes : pour Mt. 15,27, les manuscrits recensés dans la base
de données Vetus Latina ont les trois leçons ita / etiam / utique.
13,4 canes
La Vulgate a canibus en Mt. 15,26 et catelli en Mt. 15,27, sans logique, puisque le
texte grec est κυναρίοις … κυνάρια.
signo quid evidentius quam in diebus Caesaris toto orbe regnantis futura Christi nativi-
tas declarata est? ‘Christus’ enim lingua gentis eius, in qua et ex qua natus est, ‘unc-
tus’ interpretatur. Itaque cum eo tempore quo Caesari perpetua tribunicia potestas
decreta est, Romae fons olei per totum diem fluxit, sub principatu Caesaris Roma-
noque imperio per totum diem, hoc est per omne Romani tempus imperii, Christum et
ex eo christianos, id est unctum atque ex eo unctos, de meritoria taberna, hoc est de
hospita largaque ecclesia affluenter atque incessabiliter processuros … evidentissima
his, qui prophetarum voces non audiebant, signa in caelo et in terra prodigia prodide-
runt [En ces mêmes jours, une fontaine d’huile très abondante … coula pour une
journée entière d’un cabaret. Qu’est-ce qui est plus évident que l’indication par ce
signe de la naissance à venir du Christ, dans les jours de César qui allait régner sur
le monde entier ? En effet, ‘Christ’ se traduit ‘oint’ dans la langue de ce peuple dans
lequel, et dont il est né. Donc, puisque, au moment où la puissance tribunicienne
perpétuelle fut décernée à César, à Rome une fontaine d’huile coula pour toute une
journée, des signes très évidents dans le ciel et des merveilles sur la terre indiquè-
rent à ceux qui n’entendaient pas les voix des prophètes … que sous le principat de
César et sous l’empire romain, pour une journée entière, c’est-à-dire pour tout le
temps de l’empire romain, le Christ, et les chrétiens venant de lui, c’est-à-dire l’oint
et les oints venant de lui, allaient sortir abondamment et sans cesse d’un cabaret,
c’est-à-dire de l’Église accueillante et généreuse]. Mais le rapprochement d’Orose,
s’il est tout aussi saugrenu que celui de l’Inchoata expositio, est tout de même plus
cohérent.
μενον πρὸς αὐτὸν ἀπὸ τῆς ὁδοῦ [‘Qui parmi vous’ est donc dit aux apôtres … Et
l’apôtre demande à son ami ‘trois pains’, voulant nourrir avec l’enseignement divin
de la Trinité celui qui vient du chemin à lui] (Orig in Luc. frg. 76 SChr 87,526s. = frg.
182 Rauer. L’exégèse n’est pas reprise par Ambroise, in Luc. ad loc.).
tation sur des exégèses numérologiques à divers. quaest. 57,1 ; de serm. dom. 2,87 ;
quaest. euang. 2,40,1).
Pour le principe qui veut qu’une exégèse soit acceptable si elle est conforme à la
vérité catholique, même si elle se trompe sur le sens d’un texte voulu par son au-
teur, voir doctr. christ. 1,86–88. Animé par sa formation de rhéteur, Augustin tend
particulièrement à noter de telles exégèses douteuses quand elles font preuve de
cette vertu fondamentale de l’art oratoire qu’est l’elegantia (interpretantis elegan-
tiam, 13,7, voir ThLL s.v. II.C.2). L’élegantia se manifeste, du moins selon le goût
augustinien, par des rapprochements d’idées ingénieux, voire extravagants. Voir les
exemples numérologiques cités plus hauts, et, pour un rapprochement intra-
linguistique similaire à celui de l’Inchoata expositio, in Gal. 31 (sur Gal. 4,6 Abba
Pater [Dieu Père]) : Duo sunt verba, quae posuit, ut posteriore interpretaretur primum,
nam hoc est abba quod pater. E l e g a n t e r autem intelligitur non frustra duarum lin-
guarum verba posuisse idem significantia propter uniuersum populum, qui de Iudaeis
et de gentibus in unitatem fidei vocatus est, ut hebraeum verbum ad Iudaeos, graecum
ad gentes, utriusque tamen verbi eadem significatio ad eiusdem fidei spiritusque uni-
tatem pertineat [Les mots qu’il a mis sont deux, pour que le premier soit interprété
par le second. Car ‘abba’ est la même chose que ‘père’. Mais on peut comprendre
é l é g a m m e n t qu’il n’a pas mis sans raison des mots des deux langues ayant le
même sens, à cause du peuple universel qui, venant de Juifs et des gentils, a été
appelé à l’unité de la foi. Ainsi le mot hébreu ferait référence aux Juifs, le [mot] grec
aux gentils, et la signification identique des deux mots à l’unité de la même foi et du
même Esprit]. Voir aussi in Gal. 42. Dans l’elegantia latine, l’ingéniosité peut être
bien plus importante que le raffinement et le bon goût impliqués par le vocable
« élégance » en français : Quid autem stultius homine verba metuente? E l e g a n t e r
Demetrius noster solet dicere eodem loco sibi esse voces inperitorum, quo ventre red-
ditos crepitus. ‘Quid enim’ inquit ‘mea, susum isti an deosum sonent?’ [Qu’est-ce qui
est plus sot qu’un homme qui craint des mots ? Notre ami Démétrius aime dire é l é -
g a m m e n t que les voix des ignorants valent autant pour lui que les pets du ventre :
‘Qu’est-ce que ça me fait’, dit-il, ‘qu’ils viennent d’en haut ou d’en bas ?’] (Sénèque
le Jeune, epist. 91,19). Chez les auteurs de l’âge d’or, et leurs commentateurs, on
rencontre certes une sensibilité plus restreinte, mais là encore l’ingenium reste sou-
vent un ingrédient essentiel de l’elegantia : voir S. STUCCHI, Notazione sul concetto di
elegantia in Cicerone, Latomus 72 (2013), 642–659 ; C. BUONGIOVANNI, L’uso degli
avverbi bene ed eleganter nel commento di Porfirione al terzo libro dei Carmina di
Orazio, dans : C. LONGOBARDI – C. NICOLAS – M. SQUILLANTE (éds.), Scholae discimus :
Pratiques scolaires dans l’Antiquité tardive et le Haut Moyen Âge, Lyon 2014, 179–
189. Sans voir dans l’Inchoata expositio le grotesque de l’exemple de Sénèque, on
qualifiera difficilement le rapprochement salus-tria d’ « élégant » en français. Mais il
n’est pas aisé de trancher entre les métamorphoses du goût et celles du sens des
mots.
310 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
l’Esprit Saint, et appeler puissance du diable cette gloire du Seigneur, par laquelle le
diable lui-même est vaincu] écrit Pacien de Barcelone (epist. 3,15), et on trouve la
même explication chez l’Ambrosiaster = Ps.-Aug. quaest. test. 102,13–15 (CSEL 50) ;
Ambroise, in Luc. 7,21 (Ambroise recueille diverses thèses sur le blasphème, sans
donner son propre avis) ; paen. 2,21s. (cité n. à 21,1s.) ; Jérôme, epist. 42 ; in Matth.
ad 12,32 ; Basile, Moralia 35 (PG 31, 756) ; Regulae brevius tractatae 273 (PG 31, 1271) ;
Jean Chrysostome, hom. in Mt. 41,3 (PG 57, 449).
Augustin rejettera essentiellement cette lecture : pour lui, les pharisiens n’ont
pas commis de péché impardonnable (Inchoata expositio 22,4s. ; mais voir 21,1s. et
n. ad loc.). Même pour ceux qui étaient moins charitables envers les pharisiens, elle
avait pour inconvénient de ne pas pouvoir s’appliquer très souvent à l’Église con-
temporaine. Ainsi, l’Ambrosiaster maintient que Jésus a parlé essentiellement
contre les Juifs de sa propre époque : Quod autem in Spiritum sanctum peccaverunt
Iudaei, alia causa est et quae ad tempus illud pertinuit. Unde non illis hoc remitti
neque hic neque in futurum ostendit. Non enim errore peccaverunt in Spiritum sanc-
tum, sed malivolentia. Scientes enim prudentesque opera quae videbant in gestis sal-
vatoris Dei esse, ut populum a fide eius averterent, haec simulabant esse principis
daemoniorum [Que les Juifs aient péché contre l’Esprit Saint, c’est une autre affaire,
et qui relève de cette époque-là. C’est pourquoi il indique que cela ne leur sera par-
donné ni ici ni dans le futur. En effet, ils n’ont pas péché contre l’Esprit Saint par
erreur, mais par malveillance. C’est avec science et prévoyance qu’ils ont prétendu
que c’étaient des [œuvres] du prince des démons, ces œuvres qu’ils voyaient venir
de Dieu, dans les actes du Sauveur, pour détourner le peuple de la foi en lui]
(quaest. test. 102,13 [CSEL 50]) ; Chrysostome, loc. cit. est similaire ; voir n. à 20,5,
quomodo poterant). De telles exégèses restaient sans doute utiles pour attaquer les
Juifs (voir n. à 15,5), mais à l’intérieur de l’Église, on tendait tout de même rarement
à dire que le Christ œuvrait pour le diable. Fallait-il en conclure que le blasphème
impardonnable ne risquait pas d’être commis par les chrétiens ?
Basile répondra en alignant œuvres du Christ et œuvres des chrétiens (vide in-
fra), et cette réponse est implicite dans une certaine mesure dans tous les textes
auxquels nous venons de nous référer. Mais Novatien n’était pas le seul à vouloir
voir le blasphème chez les chrétiens auxquels il refusait la communion. Toute la
tradition polémique tendait à identifier blasphémateurs et hérétiques (voir AugLex
s.v. blasphemia), et les écrivains catholiques n’ont pas résisté à identifier à leur tour
le blasphème contre l’Esprit Saint avec certaines hérésies qu’ils combattaient.
On trouve déjà une telle interprétation chez Irénée de Lyon, face aux gnostiques
(voir n. à 15,13–16), mais elle se prêtait surtout facilement aux attaques contre les
Ariens. Il était en effet crédible d’affirmer que l’Évangile identifiat le blasphème à la
négation de la divinité du Christ. Les Novatianistes eux-mêmes ont peut-être adopté
ce point de vue, puisqu’il se peut qu’Ambroise reprenne leurs arguments quand il
écrit (sans adhérer à ce qu’il propose) : In persecutione quid quaeritur, nisi ut Deum
Christum negemus ? [Que cherche-t-on lors de la persécution, sinon que nous niions
312 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
que le Christ est Dieu ?] (in Luc. 7,21). Et Jérôme répondra justement que lors des
persécutions on reniait plutôt le fils de l’homme, ce qui était pardonnable (epist.
42,2. Selon Épiphane, Panarion 54,2, les Theodotiani – pour lesquels voir n. à 4,4 –
se servaient du même argument pour éviter le martyre). Donc cette approche n’est
pas forcément catholique à l’origine. Mais elle le deviendra inévitablement, puisque
la polémique anti-arienne tend toujours à maintenir que les Ariens faisaient du
Christ un être non divin. Hilaire de Poitiers explique ainsi Mt. 12,29 : Cum cetera
dicta gestaque liberali venia relaxentur, caret misericordia, si Deus negetur in Christo
[Alors que les autres paroles et actes sont pardonnés par sa faveur généreuse, il n’y
a plus de miséricorde, si l’on nie Dieu dans le Christ] (in Matth. 12,17), ce qui sera
repris par Jérôme (in Matth. ad 12,32. Jérôme ne donne pas ici d’avis définitif. Voir
aussi Apollinaire de Laodicée, apud REUSS, Matthäus-Kommentar, 21 ; Théodore
d’Heracleia, ibid. 81). Athanase continue dans la même lignée dans sa quatrième
épître à Sérapion. S’il affirme (8) que le blasphème impardonnable consiste à nier à
la fois l’humanité e t la divinité du Christ, la conclusion de l’épître montre bien qu’il
vise surtout les Ariens : καὶ οἱ μὲν Φαρισαῖοι θεωροῦντες τὸν κύριον ἐν σώματι
διεγόγγυζον λέγοντες· ‘διὰ τί σὺ ἄνθρωπος ὢν ποιεῖς σεαυτὸν Θεόν;’ [Io. 10,33]· οἱ δὲ
Χριστομάχοι βλέποντες αὐτὸν πάσχοντα καὶ κοιμώμενον βλασφημοῦσι λέγοντες· ὁ
ταῦτα ὑπομένων οὐ δύναται υἱὸς ἀληθινὸς καὶ ὁμοούσιος εἶναι τοῦ πατρός [Et les
pharisiens, voyant le Seigneur dans un corps, murmuraient, disant : ‘Pourquoi toi,
qui es un homme, tu te fais Dieu ?’ Mais les Combattants-contre-le-Christ, le voyant
souffrir et mourir, blasphèment en disant : ‘Celui qui endure ces choses ne peut être
le vrai Fils et consubstantiel au Père’] (ep. Serap. 4,15 ; pour d’autres parallèles dans
la tradition grecque, voir LUZ, Matthew, 207 ; pour la réfutation spécifique de cette
approche par Augustin, voir serm. 71,24 : l’explication est illogique, puisque Jésus
ne dit pas que le blasphème contre le Père, pourtant l’égal de l’Esprit et du Fils en
tant que Fils de Dieu, est impardonnable).
Ensuite, quand les « Macédoniens » (voir n. à 15,13–16) proposèrent une concep-
tion arienne de l’Esprit, on les accusa bien entendu de blasphémer eux aussi contre
l’Esprit Saint. C’est ce que fait Athanase (Epistulae ad Serapionem 1,3.33 ; 2,16), tout
comme Épiphane, lorsqu’il affirme que les paroles du Christ sur le blasphème visent
ceux qui veulent ἐν τάξει δούλου αὐτὸ [sc. l’Esprit] ὁρίζεσθαι καὶ κτιστὸν καὶ
ἀλλότριον τῆς τοῦ Θεοῦ οὐσίας [le placer au rang d’un esclave, [comme] une créa-
ture, et un être séparé de l’essence divine] (Panarion 54,2 ; voir aussi Didyme
l’aveugle, De spiritu sancto 1,273 [SChr 386] ; Ambroise, paen. 2,20, et pour les échos
de cette utilisation de Mt. 12,31s. chez s. Augustin, RING, Die unvergebbare Sünde,
32). Du reste, on pouvait expliquer cette hérésie comme consistant à renier à la fois
la divinité du Fils et celle de l’Esprit, et affirmer ainsi l’unité de la Trinité : Cur autem
dixerit Dominus qui blasphemaverit in filium hominis, remittetur ei, qui autem blas-
phemaverit in Spiritum sanctum, nec hic nec in futuro remittetur ei, diligenter adverte.
Numquid alia est offensa Fili, alia Spiritus sancti? Sicut enim una dignitas, sic una
iniuria … Si qui vero sancti Spiritus dignitatem, maiestatem et potestatem abneget
Commentaire | 313
sempiternam et putet non in Spiritu Dei eici daemonia, sed in Beelzebub, non potest
ibi exoratio esse veniae, ubi sacrilegii plenitudo est, quia qui Spiritum negavit, et Do-
minum Patrem negavit et Filium, quoniam idem est Spiritus Dei, qui Spiritus Christi est
[Écoute attentivement pourquoi le Seigneur a dit que, pour celui qui blasphémait
contre le fils de l’homme, il lui serait pardonné, mais pour celui qui blasphémait
contre l’Esprit Saint, il ne lui serait pardonné ni ici ni dans le futur. Est-ce
qu’offenser le Fils, c’est autre chose qu’offenser l’Esprit Saint ? Tout comme il y a
une seule dignité, il y une seule injure … Mais si quelqu’un nie la dignité, la majesté
et la puissance éternelle de l’Esprit Saint, et pense que les démons ne sont pas ex-
pulsés dans l’Esprit de Dieu, mais dans Béelzébub, dans ce cas, aucune supplication
pour le pardon n’est possible, là où il y a la plénitude du sacrilège, puisque celui qui
a nié l’Esprit a nié et le Seigneur, le Père, et le Fils, puisque l’Esprit de Dieu est le
même que l’Esprit du Christ] (Ambroise, spir. sanct. 1,3,54 ; de même Chromace
d’Aquilée, in Matth. 50,3 [CCSL 9A] ; Cyrille d’Alexandrie apud REUSS, Matthäus-
Kommentar, 203. Pour l’accusation du blasphème impardonnable lancée, au-delà
des querelles trinitaires, contre les Donatistes, voir n. à 15,13–16).
En dehors de ces polémiques doctrinales, une autre approche consistait à voir le
blasphème comme tout péché grave commis par un baptisé (voir LUZ, Matthew,
207). Il s’agit parfois des péchés du corps (les dés, Ps.-Cyprien, De aleatoribus 10 ; la
fornication : encore Novatien, selon l’Ambrosiaster, in 1 Cor. 6,18 ; Ps.-Aug. quaest.
test. 102,6.12 [CSEL 50]). Parfois, il s’agit du blasphème, sans que celui-ci soit défini
avec précision : Tertullien, De pudicitia 13,19s. (SChr 395 ad loc. renvoie à Cyprien,
Testimonia 3,28, mais Cyprien ne partage certainement pas l’avis de Tertullien).
Cette approche n’est pas seulement le fait des rigoristes, puisqu’on la retrouve chez
Origène. Voir Jo. 2,11,80 : μήποτε οὐ πάντως διὰ τὸ τιμιώτερον εἶναι τὸ πνεῦμα τὸ
ἅγιον τοῦ Χριστοῦ οὐ γίνεται ἄφεσις τῷ εἰς αὐτὸ ἡμαρτηκότι, ἀλλὰ διὰ τὸ Χριστοῦ
μὲν πάντα μετέχειν τὰ λογικά, οἷς δίδοται συγγνώμη μεταβαλλομένοις ἀπὸ τῶν
ἁμαρτημάτων, τοῦ δὲ ἁγίου πνεύματος τοὺς κατηξιωμένους μηδεμιᾶς εὔλογον εἶναι
συγγνώμης τυχεῖν, μετὰ τηλικαύτης καὶ τοιαύτης συμπνοίας τῆς εἰς τὸ καλὸν ἔτι
ἀποπίπτοντας καὶ ἐκτρεπομένους τὰς τοῦ ἐνυπάρχοντος πνεύματος συμβουλίας
[Peut-être que ce n’est pas du tout parce que l’Esprit Saint est plus en honneur que
le Christ qu’il n’y pas de pardon pour celui qui a péché contre lui, mais parce que
tout ce qui est rationnel participe au Christ, et on leur accorde le pardon s’ils se
repentent de leurs péchés, alors qu’il n’est nullement raisonnable qu’obtiennent le
pardon ceux qui ont été trouvés dignes de l’Esprit Saint, ceux qui, avec une inspira-
tion si grande et d’une telle nature [les poussant] vers le bien, sont néanmoins tom-
bés et ont repoussé les conseils de l’Esprit résidant à l’intérieur d’eux] (de même
ibid. 28,15,124–26 ; De principiis 1,3,7 [voir n. à 17,2, quodlibet peccatum] ; à hom. in
Jer. 2,3 celui qui n’a pas commis de péché grave après le baptême est ὁ τηρήσας τὸ
βάπτισμα τοῦ ἁγίου πνεύματος [celui qui a conservé le baptême de l’Esprit Saint]).
C’est aussi ainsi qu’Athanase a compris Origène : Παλαιοὶ μὲν οὖν ἄνδρες, Ὠριγένης
ὁ πολυμαθὴς καὶ φιλόπονος καὶ Θεόγνωστος ὁ θαυμάσιος καὶ σπουδαῖος [Théognoste
314 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
l’Église, si vous vous en êtes séparés par impiété. Car il promet le pardon à tous ceux
qui se convertissent, puisqu’il est écrit ‘quiconque invoque le nom du Seigneur sera
sauvé’] (paen. 2,26. Voir aussi Apollinaire de Laodicée apud REUSS, Matthäus-
Kommentar, 21, cité n. à 22,4–23,7) ? La possibilité du pardon est encore plus claire
dans les textes pastoraux. Le sermon de Jean Chrysostome qui traite de Mt. 12,31s. se
terminera en rappelant le pardon promis à tous les pénitents (hom. in Mt. 41,4 [PG
57, 449–452]). Quand Basile affirme que nous reproduisons souvent le péché des
pharisiens (ὅπερ πάσχομεν οἱ πολλοί, τὸν μὲν σπουδαῖον κενόδοξον πολλάκις
ῥιψοκινδύνως ἀποκαλοῦντες, τοῦ δὲ ζῆλον ἀγαθὸν ἐπιδεικνυμένου ὀργὴν κατα-
ψευδόμενοι, καὶ ἄλλα τοιαῦτα [C’est ce qui arrive a beaucoup d’entre nous, qui, avec
abandon, appelons souvent la vertu ‘vaine gloire’, et calomnions la colère de celui
qui montre son zèle pour la bonté, et d’autres choses de la sorte], reg. br. 273 [PG 31,
1271]), il est impossible de conclure qu’il nous voue tous pour autant à la condamna-
tion éternelle. D’où la conclusion de Cyrille d’Alexandrie (du moins si l’on peut se
fier aux catenae) que le blasphème contre l’Esprit Saint n’est dit impardonnable que
pour faire peur : πλὴν δίδοται τοῖς μετανοοῦσιν διὰ τῆς τοῦ πνεύματος χάριτος
συγγνώμη. ἀλλὰ τὸ μέγεθος θέλων δεῖξαι ὁ Χριστὸς τοῦ ἁμαρτήματος οὕτως εἶπεν,
ἐπεὶ οὐκ ἔστιν ἁμαρτία ἀσυγχώρητος παρὰ θεῷ ἐν τοῖς γνησίως καὶ κατ’ ἀξίαν
μετανοοῦσιν [Mais, par la grâce de l’Esprit, le pardon sera donné à ceux qui se re-
pentissent. Cependant, voulant montrer la grandeur du péché, le Christ a parlé ain-
si, puisque, auprès de Dieu, aucun péché n’est impardonnable pour ceux qui se
repentent authentiquement et selon la mesure [de leur faute]] (apud REUSS, Mat-
thäus-Kommentar, 203. Voir déjà, chez Basile, De spiritu sancto 46, et Didyme
l’aveugle, De spiritu sancto 1, 2 [SChr 386], les emplois un peu vagues de Mt. 12,31s.
pour insister sur la divinité de l’Esprit Saint, sans que soit abordé le problème du
péché impardonnable).
C’est ce paradoxe qu’Augustin va révéler au grand jour, et qui justifiera sa
propre doctrine. Il comprend très bien que l’on puisse accuser certains hérétiques
d’avoir blasphémé contre l’Esprit Saint, et va montrer que l’on pourrait facilement
étendre cette doctrine à tous les hérétiques, sans parler des Juifs et des païens (§15).
Il comprend aussi très bien que l’on puisse chercher le blasphème dans le péché
grave des baptisés (§16–20). Mais, répond-il, de telles solutions sont impossibles,
parce que le blasphème contre l’Esprit Saint doit être véritablement impardonnable,
alors que la tradition et la pratique de l’Église n’excluent aucun pénitent du pardon
(15,4s.11.16 ; 16,1.4 ; 17,4 ; 18,8.12s. ; 21,3 ; 22,1–3).
Ces nombreux renvois à la tradition et à la pratique catholiques montrent bien
que le développement de l’Inchoata expositio sur le blasphème contre l’Esprit Saint
est beaucoup moins une polémique contre les sectes rigoristes qu’une réfutation de
traditions venant de l’intérieur de l’Église (contra MARA, L’interpretazione, 241–243,
pour qui Augustin vise surtout les Donatistes. Mais Mara, ici et en Agostino Inter-
prete, 78s., 193 n. 59, 194 n. 60, exagère beaucoup le rigorisme des Donatistes sur la
réception des pécheurs. Les Donatistes s’inquiétaient surtout de la sainteté des
316 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
prêtres. Voir AugLex s.v. Donatistae, 2 ; J. DANIÉLOU – H.-I. MARROU, Nouvelle His-
toire de l’Église, t. 1, Paris 1963, 285 ; et pour l’absence d’indications d’une restric-
tion de la pénitence chez les Donatistes, WATKINS, A History, 451s.). Certes, Augustin
ne dit pas très ouvertement qu’il réfute des enseignements reçus, mais c’est bien
parce qu’un ton irénique convenait à une dispute ecclésiastique interne, où les
mêmes doctrines trinitaires et la même pratique du pardon étaient, ou devaient être
(voir n. à 16,1), acceptées par tous les participants. D’ailleurs, la définition du blas-
phème que va proposer Augustin, si elle est originale en tant qu’exégèse, ne fait
qu’aligner l’interprétation de cette péricope des Évangiles avec une doctrine très
généralement admise, la damnation de ceux qui refusent la conversion ou le repen-
tir (voir RING, n. 194 à 23,15, f ; pour la tradition ecclésiastique comme règle
d’interprétation des Écritures chez Augustin, voir MENDOZA, 470–473). Un des buts
d’Augustin est justement de montrer que cette doctrine est suffisante pour expliquer
ce qu’est le blasphème impardonnable, et qu’il ne faut donc pas voir dans ce blas-
phème une autre voie de perdition.
La doctrine augustinienne est par conséquent dans la lignée de celle, signalée
plus haut, qui identifiait le blasphème impardonnable avec le péché grave des bap-
tisés. En effet, la première fois qu’Augustin aborde la question (voir RING, n. à 23,14,
b), son exégèse ira exactement dans ce sens : Peccatum ergo fratris ad mortem [1 Io.
5,16] puto esse, cum post agnitionem Dei per gratiam Domini nostri Iesu Christi
quisque oppugnat fraternitatem, et adversus ipsam gratiam, qua reconciliatus est Deo,
invidentiae facibus agitatur … Et hoc est fortasse peccare in Spiritum sanctum, id est
per malitiam et invidiam fraternam oppugnare caritatem post acceptam gratiam Spiri-
tus sancti, quod peccatum Dominus neque hic neque in futuro saeculo dimitti dicit
[Ainsi, le péché d’un frère [qui conduit] à la mort, je pense que c’est quand, après
avoir reconnu Dieu par la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, quelqu’un s’attaque
à la fraternité, et s’agite, à cause des flambeaux de la jalousie, contre cette grâce
même, par laquelle il fut réconcilié avec Dieu … Et c’est peut-être cela, pécher contre
l’Esprit Saint, c’est-à-dire, dans la malice et la jalousie, s’attaquer à la charité frater-
nelle après avoir reçu la grâce de l’Esprit Saint – c’est le péché dont le Seigneur dit
qu’il ne sera remis ni ici ni dans le monde à venir] (de serm. dom. 1,73.75).
Mais, en limitant le blasphème impardonnable aux baptisés, Augustin n’expli-
quait pas pourquoi les non-chrétiens couraient aussi le risque de la damnation (sur
ce point, voir RING, Die unvergebbare Sünde, 13). Et surtout, la formule de de serm.
dom. ne laisse aucun espoir au repenti, ce qu’Augustin se reprochera en relisant
cette œuvre : Addendum fuit: si in hac tam scelerata mentis perversitate finierit hanc
vitam, quoniam de quocumque pessimo in hac vita constituto non est utique despe-
randum [J’aurais dû ajouter : s’il a terminé cette vie dans cette perversité si coupable
de l’esprit, puisque, pour tout homme, si mauvais soit-il, qui est encore en cette vie,
il ne faut pas désespérer entièrement] (retract. 1,19,7 ; pour la lecture modifiée dans
le sens de retract. de 1 Io. 5,16 en corrept. 35 voir RING, Die unvergebbare Sünde,
33s.). Et bien avant les Retractationes, la lecture du De paenitentia d’Ambroise
Commentaire | 317
(1,45s. ; voir n. à 18,2) lui a indiqué la possibilité d’une interprétation plus miséri-
cordieuse de 1 Io. 5,16. En effet, à partir de l’Inchoata expositio, qu’il en parle en
longueur dans le serm. 71, ou qu’il la résume en quelques mots dans l’Enchiridion,
la doctrine d’Augustin est fixée : le blasphème impardonnable ne peut être que le
choix de rester impénitent jusqu’à la mort, c’est-à-dire soit, pour le non-chrétien, le
refus de la conversion, soit, pour le chrétien, la persistance dans le péché mortel ou
l’hérésie : Contra hoc donum gratuitum, contra istam Dei gratiam loquitur cor impae-
nitens. Ipsa ergo impaenitentia est Spiritus blasphemia, quae non remittetur neque in
hoc saeculo, neque in futuro. Contra Spiritum enim sanctum, quo baptizantur quorum
peccata omnia dimittuntur, et quem accepit ecclesia, ut cui dimiserit peccata, dimit-
tantur ei [Io. 20,22s.], verbum valde malum et nimis impium, sive cogitatione, sive
etiam lingua sua dicit, quem patientia Dei cum ad paenitentiam adducat, ipse secun-
dum duritiam cordis sui et cor impaenitens thesaurizat sibi iram in die irae et reve-
lationis iusti iudicii Dei, qui reddet unicuique secundum opera eius [Rom. 2,4–6] [Le
cœur impénitent parle contre ce don gratuit, contre cette grâce de Dieu. C’est donc
cette impénitence même qui est le blasphème contre l’Esprit, qui ne sera pardonné
ni dans ce monde, ni dans le monde à venir. C’est en effet contre l’Esprit Saint, en
qui sont baptisés ceux dont tous les péchés sont pardonnés, [et] que l’Église reçoit,
afin que, pour celui à qui elle pardonne les péchés, ils lui soient pardonnés – [c’est
contre cet Esprit] qu’il dit une parole très mauvaise et excessivement impie, que ce
soit par la pensée ou encore avec sa langue, celui qui – alors que la patience de Dieu
l’attire vers la pénitence – selon la dureté de son cœur et [selon] son cœur impéni-
tent, s’amasse un trésor de colère pour le jour de la colère et de la révélation du juste
jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres] (serm. 71,20) ; qui vero in
ecclesia remitti peccata non credens contemnit tantam divini muneris largitatem, et in
hac obstinatione mentis diem claudit extremum, reus est illo irremissibili peccato in
Spiritum sanctum, in quo Christus peccata dimittit. De qua quaestione difficili in
quodam propter hoc solum conscripto libello enucleatissime quantum potui disputavi
[Mais celui qui, ne croyant pas que les péchés soient pardonnés dans l’Église, mé-
prise la générosité si grande du don divin, et qui termine ses jours dans cette obsti-
nation de son esprit, est coupable de ce péché impardonnable contre l’Esprit Saint,
[cet Esprit] par lequel le Christ pardonne les péchés. J’ai discuté de cette question
difficile, avec tout le détail qui m’était possible, dans un petit traité écrit dans ce
seul but] (enchir. 83. Voir aussi epist. 185,48s. On comprend généralement, comme
le disent VERBRAKEN, Le sermon, 55 et RING, n. à 23,14, e, le libellus comme étant le
serm. 71, plutôt que l’Inchoata expositio).
On constate cependant deux développements dans la pensée d’Augustin, qui
tendent à l’assombrir. D’abord, comme l’avait noté RING (n. à 23,14, f ; Die unver-
gebbare Sünde, 30), dans les textes postérieurs à l’Inchoata Expositio, il n’évoque
plus le blasphème contre l’Esprit Saint sans insister sur le fait que le pardon est
réservé à l’Église, et que les hérétiques risquent donc la damnation. Voir, dans ce
sens, en plus des textes cités ci-dessus, c. Cresc. 4,10 : Sed hunc reatum insolubilis
318 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
aeternique peccati, quod in Spiritum sanctum committitur, nec vobis obicimus, quos
correctos cum vivitis sanari posse non desperamus, nec vestris, qui sanctos codices
cremandos ignibus tradiderunt, nisi quod usque in finem vitae huius ab unitate dis-
iuncti cor inpaenitens habuerunt [Mais ce crime du péché impardonnable et éternel,
qui est commis contre l’Esprit Saint, nous n’en accusons ni vous – puisque, tant que
vous êtes en vie, nous ne désespérons pas que vous puissiez être corrigés et guéris –
ni les vôtres, qui ont livré les livres saints au feu pour être brûlés, à moins que,
séparés de l’unité, ils aient gardé un cœur impénitent jusqu’à la fin de cette vie].
Dans le serm. 71, il soulignera même que la pénitence des hérétiques est en elle-
même incomplète par définition, et donc inutile : Si quemquam extra ecclesiam suo-
rum paeniteat peccatorum, et huius tanti peccati quod alienus est ab ecclesia Dei cor
impaenitens habeat, quid ei prode est illa paenitentia, cum isto solo verbum dicat
contra Spiritum sanctum, quod extraneus est ab ecclesia, quae accepit hoc donum, ut
in ea in Spiritu sancto fiat remissio peccatorum? [Si quelqu’un en dehors de l’Église
se repent de ses péchés, et conserve un cœur impénitent envers ce péché si grand,
par lequel il est séparé de l’Église de Dieu, quel avantage tire-t-il de cette pénitence,
puisqu’il dit une parole contre l’Esprit Saint par le seul fait d’être en dehors de
l’Église, qui a reçu ce don : que le pardon des péchés dans l’Esprit Saint se fasse à
l’intérieur d’elle] (serm. 71,28). Sur ce point, voir Introduction, 1.8.
Deuxièmement, quand, dans la querelle avec les Pélagiens, Augustin réem-
ploiera le langage des Évangiles sur le péché impardonnable, ce sera pour souligner
que seuls ceux que Dieu a choisis seront capables du repentir efficace : Non enim
verum videt, qui putat reatum sibi ipsi tollere paenitentem; quamquam et ipsam pae-
nitentiam Deus det, quod confirmat apostolus dicens ‘ne forte det illis Deus paeniten-
tiam’ [2 Tim. 2,25], sed reatum apertissime Deus tollit homini dando indulgentiam, non
sibi ipse homo agendo paenitentiam. Debemus quippe illum recolere, qui paenitentiae
locum non invenit, quamvis cum lacrimis quaesierit eam [Hebr. 12,17]. Ac per hoc et
paenitentiam egit et reus remansit, quia veniam non accepit, et illi qui dicent inter se,
‘paenitentiam agentes et prae angustia spiritus gementes quid nobis profuit super-
bia?’ [Sap. 5,3.8] et cetera, rei utique in aeternum non accepta venia permanebunt,
sicut ille etiam de quo Dominus ait ‘Non remittetur ei, sed reus erit aeterni peccati’
[Mc. 3,29] [En effet, il ne voit pas la vérité, celui qui pense que le pénitent s’enlève
lui-même son crime, bien que Dieu donne aussi la pénitence même, ce que confirme
l’apôtre en disant ‘si peut-être Dieu leur donne la pénitence’ – mais c’est très clai-
rement Dieu qui enlève le crime, en donnant le pardon à l’homme, et non l’homme
qui [l’enlève] pour lui-même, en faisant pénitence. Nous devons plutôt nous rappe-
ler de celui qui n’a pas trouvé de place pour la pénitence, bien qu’il l’ait cherché
avec ses larmes. Et ainsi il fit pénitence et il resta coupable, puisqu’il ne reçut pas le
pardon. Et puis, ceux qui diront entre eux, en faisant pénitence, et en gémissant
dans l’angoisse de leur esprit, ‘quel bien avons-nous tiré de notre orgueil ?’ et tout le
reste, ils resteront certainement coupables pour l’éternité, sans avoir reçu de par-
don, tout comme celui de qui le Seigneur a dit : ‘Il ne lui sera pas pardonné, mais il
Commentaire | 319
sera coupable du péché éternel’] (c. Iulian. op. imperf. 6,19 ; voir aussi 4,96). De
nouveau, la terreur de commettre l’impardonnable, que l’Inchoata expositio avait
soulagée, pèse lourdement sur toute l’humanité.
Mais terminons plutôt avec un aspect plus charitable de la pensée augusti-
nienne : Nec de peccatorum differentia modo tractandum est, sed credendum omnino,
nullo modo nobis ignosci ea, quae peccamus, si nos inexorabiles ad ignoscenda pecca-
ta fuerimus [Et il ne faut pas maintenant discuter de la différence entre les péchés,
mais croire absolument que les péchés que nous commettons ne nous seront jamais
pardonnés, si nous sommes nous-mêmes inexorables pour pardonner les péchés]
(fid. et symb. 22).
[les persuadant que, puisqu’ils ont déjà péché, ils doivent désespérer et considérer
qu’ils ne peuvent absolument pas obtenir le pardon], serm. 20,2 ; de même in psalm.
5,17), et il crée un cercle vicieux dans l’âme de l’individu : Quisquis enim non credit
dimitti sibi posse peccata, fit deterior desperando, quasi nihil illi melius quam malum
esse remaneat [En effet, quiconque croit que ses péchés ne peuvent pas être par-
donnés, devient pire à cause de son désespoir, comme s’il ne lui restait rien de
mieux que d’être mauvais] (doctr. christ. 1,35 ; de même serm. 20,1). Dans la prédica-
tion, Augustin aime illustrer cette évolution en évoquant le gladiateur, l’homme
entièrement perdu dans l’imagination antique : animo quodam gladiatoricio, quo-
niam vitam desperat, quicquid potest facere ad satiandam cupiditatem et libidinem
suam facit, tamquam devotus ad victimam [avec une espèce d’âme de gladiateur,
puisqu’il désespère de sa vie, il fait tout ce qu’il peut pour assouvir sa convoitise et
ses désirs, comme un être voué au sacrifice] (serm. 20,3) ; desperando moriuntur,
quomodo gladiatores quasi destinati ad ferrum, inhiando voluptatibus et vivendo
nequiter, quasi addictas iam animas suas contemnunt [ils meurent dans le désespoir,
comme des gladiateurs, se croyant condamnés à mourir par l’épée – ils se gavent de
plaisirs et vivent dans le mal, méprisant leurs propres âmes comme déjà vouées [à la
mort]] (serm. 339,3 ; de même in euang. Ioh. 33,8 ; in psalm. 70,1,1 ; 101,1,10 ; serm.
352A,6 ; contraster l’image du gladiateur in bonam partem, serm. 9,13).
Dans la pratique, ce désespoir n’était pas seulement un état psychologique. Il se
manifestait (et se comprend aisément) par le refus de se soumettre à la discipline
pénitentielle rigide de l’Église (voir n. à 9,1–6), qui était le seul moyen d’obtenir le
pardon des péchés graves : Quisquis ergo post baptismum aliquorum pristinorum
malorum opere obligatus tenetur, usque adeone sibi inimicus est, ut adhuc dubitet
vitam mutare, cum tempus est, cum ita peccat et vivit? … veniat ad antistites, per quos
illi in ecclesia claves ministrantur, et tanquam bonus iam incipiens esse filius, mater-
norum membrorum ordine custodito, a praepositis sacramentorum accipiat satisfac-
tionis suae modum … ut si peccatum eius, non solum in gravi eius malo, sed etiam in
tanto scandalo aliorum est, atque hoc expedire utilitati ecclesiae videtur antistiti, in
notitia multorum, vel etiam totius plebis agere paenitentiam non recuset [Si donc
quelqu’un, après le baptême, est encore tenu enchainé pour avoir commis certains
de ses anciens crimes, est-il son propre ennemi au point d’hésiter encore à changer
de vie, alors qu’il est encore temps, alors qu’il pèche ainsi et reste en vie ? … Qu’il
vienne aux évêques, ceux par qui les clés de l’Église lui sont offertes, et, comme s’il
commençait déjà à être un bon fils, qu’il respecte l’ordre des membres maternels,
[et] qu’il reçoive de ceux qui sont préposés aux sacrements la mesure de sa punition
… ainsi, si son péché n’est pas seulement un mal grave pour lui-même, mais aussi
un grand scandale pour les autres, et s’il semble à l’évêque que de faire ainsi serait
profitable pour l’Église, qu’il ne refuse pas de faire une pénitence qui sera connue
de beaucoup, ou même de tout le peuple] (serm. 351,9 ; comparer, sur les rigueurs
de la pénitence, Ambroise, paen. 2,96–98, et les remarques de R. GRYSON, SChr 179,
48–50).
Commentaire | 321
ture, si, dans cette vie, j’ai méprisé les séductions de la volupté si alléchante, si j’ai
retenu les aiguillons du plaisir, si, pour châtier mon corps, j’ai renoncé même à bien
des choses qui me sont permises et concédées, si, par la pénitence, je me suis tour-
menté encore plus violemment qu’avant, si j’ai gémi plus misérablement, si j’ai
versé plus de larmes, si j’ai vécu une vie meilleure, si j’ai assisté plus généreusement
les pauvres, si j’ai brûlé avec plus d’ardeur dans la charité qui recouvre une multi-
tude de péchés ?’ Qui d’entre nous est assez insensé pour dire à cet homme : ‘Cela
ne te servira à rien dans [la vie] future. Va-t’en, contente-toi seulement de la dou-
ceur de cette vie [présente]’ ?] (epist. 153,7). Voici de nouveau notre gladiateur, mais
celui qui le voue à la perdition n’est plus le diable, ou sa propre méchanceté, mais
(in potentia) l’Église. Sur le désespoir, voir aussi n. à 22,3, cum desperatione.
14,1 gratiae per quam peccata diluuntur, et pacis per quam reconciliamur Deo
Repris de 8,4 ; voir n. ad loc.
meilleures, et je ne voulais pas jouir de la chose que je cherchais à obtenir par le vol,
mais du vol et du péché eux-mêmes] (conf. 2,9).
Augustin applique souvent l’adjectif mortifer aux plaisirs du péché : mortifera
suavitate se retrouve en conf. 6,21, puis nous avons deliciis … mortiferis [délices …
mortels] (conf. 13,29 ; cf. gen. ad litt. 11,59) ; mortiferarum voluptatum [des voluptés
… mortelles] (epist. 26,6 ; cf. gen. ad litt. 11,7 ; in psalm. 15,5 ; quaest. Simpl. 1,1,7.
Déjà chez Cyprien, De habitu virginum 21 ; Lactance, Divinae institutiones 4,26,20 ;
De ira Dei 26) ; mortiferis et nefariis turpitudinibus [débauches mortelles et crimi-
nelles] (epist. 6,7, de la fornication) ; mortifera iucunditate [joie mortelle] (doctr.
christ. 2,20) ; mortifera … dulcedo [douceur mortelle] (in Rom. 32) ; delectatione mor-
tifera [jouissance mortelle] (in psalm. 9,17 ; cf. in psalm. 106,4 ; serm. 87,11 ; 143,1) ;
mortiferarum seductionum [séductions mortelles] (serm. 260B,3). Il ne s’agit nulle-
ment d’une métaphore : ces péchés apportent (ferre) la mort de l’âme. C’est le pecca-
tum mortiferum [péché mortel] de Num. 18,22 (voir in Rom. 32 ; in euang. Ioh. 26,11 ;
fid. et op. 36 ; serm. 71,7 ; 181,8 ; 351,9).
tum), il pouvait s’en former une conception assez superstitieuse, selon laquelle le
fait même de prononcer certains mots attirerait une malédiction par un engrenage
occulte. C’est ainsi, par exemple, que dans la tradition religieuse romaine, on pen-
sait que des erreurs dans l’emploi des formules liturgiques pouvaient avoir des con-
séquences néfastes (voir M. BEARD – J. NORTH – S. PRICE, Religions of Rome, t. 1,
Cambridge 1998, 32). De telles croyances ne sont pas entièrement étrangères au
christianisme, qui a ses propres textes liturgiques, et où, en particulier, l’efficacité
de l’activité sacramentelle du prêtre dépend des mots employés, et non des pensées
de celui qui les prononce. Mais Augustin explique ce dernier fait par un choix libre
de Dieu, plutôt qu’une puissance intrinsèque des mots (divers. quaest. 79,4). Faire
de l’articulation de certains mots un acte puissant en soi ne pouvait seoir au Dieu
qui exigeait un culte en esprit et en vérité.
D’autre part, le risque de blasphémer à la suite d’un faux jugement sur le Dieu
des chrétiens était réel, puisque l’ignare (imperito, 14,7) qui voulait s’informer sur
la foi était exposé non seulement à la prédication de l’Église, mais aux mensonges
des hérétiques et des païens (pour lesquels, voir n. à 15,2, iam ferro). Le cas de celui
qui est trompé parce qu’il ne parle pas latin est un reflet exagéré de telles conversa-
tions. C’est pourquoi la fausse interprétation de Spiritus sanctus est présentée par un
deceptore vel irrisore impio (14,3). Ce dialogue imaginaire rappelle surtout des
conversations similaires entre ignares et hérétiques : sicut in isto capitulo faciunt [sc.
les Manichéens], quod ab apostolo scriptum est: ‘rectores harum tenebrarum, et spiri-
talia nequitiae in caelestibus’ [Eph. 6,12]. Quaerunt enim d e c e p t o r e s illi et interro-
gant hominem scripturas divinas non intellegentem, unde sint in caelo rectores tene-
brarum, ut, cum respondere non potuerit, traducatur ab eis per curiositatem [comme
ils le font dans ce passage où il est écrit par l’apôtre : ‘les régisseurs de ces ténèbres
et les esprits du mal dans les espaces célestes’. En effet, ces m e n t e u r s cherchent et
demandent de l’homme qui ne comprend pas les Écritures divines, pourquoi il y a
des régisseurs des ténèbres dans le ciel, pour que, quand il n’aura pas pu répondre,
il soit séduit par eux par le biais de la curiosité] (agon. 4). Voir aussi Rufin, Histoire
Ecclésiastique 10,22 (sur le Concile de Rimini en 359) : Callidi homines et versuti
simplices et inperitos occidentalium sacerdotes facile circumveniunt, hoc modo pro-
ponendo eis, quem magis colere et adorare vellent, homousion an Christum. Illisque
virtutem verbi, quid homousion significaret, ignorantibus velut in fastidium quoddam
et execrationem sermo deductus est, Christo se credere non homousio confirmantibus
[Les hommes rusés et habiles ont facilement trompé les évêques simples et incultes
des occidentaux, en leur demandant comme suit : Qui est-ce qu’il voulaient plutôt
honorer et adorer, le ‘homousion’ [i.e. « même substance »] ou le Christ ? Et,
puisqu’ils ignoraient le sens du mot, ce que ‘homousion’ signifiait, leur discours en
est venu presque au dégoût et à l’imprécation, quand ils confirmaient qu’ils
croyaient au Christ, et non pas au ‘homousion’]. Terminons avec l’exemple d’Augu-
stin lui-même, face aux critiques manichéennes de l’Ancient Testament : Quasi
acutule movebar, ut suffragarer stultis d e c e p t o r i b u s , cum a me quaererent, unde
Commentaire | 325
malum et utrum forma corporea Deus finiretur et haberet capillos et ungues et utrum
iusti existimandi essent qui haberent uxores multas simul et occiderent homines et
sacrificarent de animalibus [J’étais poussé, comme par un aiguillon, à m’accorder
avec ces m e n t e u r s stupides, quand ils me demandaient d’où venait le mal, et si
Dieu était limité par une forme corporelle, et s’il avait des cheveux et des ongles, et
si l’on devait considérer comme justes ceux qui avaient beaucoup de femmes en
même temps et qui tuaient des hommes et sacrifiaient des parties d’animaux] (conf.
3,12). Dans de telles conditions, le blasphémateur ignare est au fond justifié,
puisqu’il blasphème quodlibet vile et abiectum (14,3).
Mais, quand il reformule sa pensée en 14,6, Augustin ne nous permet plus de
penser aux hérétiques. L’imperitus n’y est plus le disciple, mais le maître, et l’Esprit
Saint n’est plus identifié comme étant vile et abiectum, mais comme étant le Christ,
décrit correctement selon les formules des symboles de la foi. MARA (L’interpre-
tazione, 237s.) identifie une allusion aux doctrines non orthodoxes sur la filiation de
l’Esprit. Il convient plutôt de constater la volonté d’Augustin de mener jusqu’au
bout sa réflexion sur la péricope de l’Évangile, même si sa conclusion, en limitant la
portée du blasphème contre Jésus, a de quoi choquer. En même temps, Augustin
répond implicitement à ceux qui voulaient définir le blasphème impardonnable en
termes d’erreurs christologiques (voir n. à 14,1, Le blasphème).
Mais, en précisant les informations fournies au deuxième blasphémateur, Au-
gustin expose, peut-être inconsciemment, un problème dans cette approche du
blasphème, qui est celui de la définition. Augustin avait commencé son exposé avec
aliquem latinae linguae ignarum (13,3), et il se sert souvent de la diversité des
langues pour rendre claire sa pensée sur la différence entre le signifiant et le signifié
(conf. 10,29 ; serm. 260C,2 ; 288,3 ; 293A(augm),7 ; catech. rud. 3 ; voir BA 11/2,
490s.). Mais, surtout en matière de religion, l’ignorance d’une langue est très loin
d’être la seule cause de l’incompréhension. On peut très bien connaitre le latin, et
ne pas du tout savoir ce que signifie Spiritus sanctus pour les chrétiens, tout comme
on peut comprendre tous les mots employés du Christ en 13,6, et rester très loin
d’une compréhension de la foi chrétienne en lui : Quaerentem quippe animam ubi
figat spem, cum ab hoc mundo avellitur, opportune excipit cognitio nominis Dei [Ps.
9,11]: nam nomen ipsum Dei usquequaque vulgatum est; sed cognitio nominis est, cum
ille cognoscitur cuius est nomen [En effet, quand l’âme cherche où placer son espoir,
quand elle est arrachée de ce monde, la connaissance du nom de Dieu l’accueille au
bon moment : car le nom même de Dieu est répandu partout ; mais la connaissance
du nom, c’est quand on connait celui à qui le nom appartient] (in psalm. 9,11).
Le langage occupe ici un rôle paradoxal. D’un côté, il est absolument incapable
de décrire Dieu de façon adéquate (voir n. à. 11,1s. et, bien avant Augustin, Nova-
tien, De Trinitate 4,10). De l’autre, il nous a été donné précisément pour parler de
Dieu : Diximusne aliquid et sonuimus aliquid dignum Deo? … ne ineffabilis quidem
dicendus est Deus, quia et hoc cum dicitur, aliquid dicitur … Et tamen Deus, cum de
illo nihil digne dici possit, admisit humanae vocis obsequium, et verbis nostris in laude
326 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
sua gaudere nos voluit. Nam inde est et quod dicitur ‘Deus’. Non enim revera in strepi-
tu istarum duarum syllabarum ipse cognoscitur, sed tamen omnes latinae linguae
socios, cum aures eorum sonus iste tetigerit, movet ad cogitandam excellentissimam
quandam inmortalemque naturam [Avons-nous dit quelque chose et prononcé
quelque chose digne de Dieu ? … On ne peut même pas dire que Dieu est indicible,
parce que même quand on dit cela, on dit quelque chose … Et pourtant Dieu, bien
que rien de digne ne puisse être dit de lui, a accepté l’hommage de la voix humaine,
et a voulu que nous nous réjouissions de nos propres mots, [employés] à sa louange.
Effectivement, c’est même pour cela qu’il est appelé ‘Dieu’ (Deus). Car il n’est pas
véritablement connu en lui-même par le bruit de ces deux syllabes, mais, néan-
moins, pour tous ceux qui ont part à la langue latine, quand ce son atteint leurs
oreilles, il les pousse à considérer une certaine nature au-dessus de tout et immor-
telle] (doctr. christ. 1,13s.).
Cette conception de excellentissimam quandam inmortalemque naturam n’est
pas ici réservée aux chrétiens, puisqu’elle appartient à omnes latinae linguae socios
(sur ce thème voir serm. 288,3 ; 293A (augm),7, et déjà Tertullien, apol. 27, et la n. ad
loc. dans l’édition de J. E. B. MAYOR et A. SOUTER, Cambridge 1917). Le langage ne
donne pas cette conception, mais l’évoque : elle est déjà à l’intérieur de tous les
hommes. Une idée similaire sur la locution Spiritus sanctus semble être impliquée
dans notre passage de l’Inchoata expositio. Mais comment fonctionnent ces proces-
sus d’évocation ? Et comment aller plus loin, s’instruire dans la foi chrétienne ?
Prima facie, cette instruction-là au moins doit passer par le langage.
Les deux questions ont une même réponse dans le De magistro : nous pouvons
apprendre / reconnaitre ce que sont les choses invisibles par les verba du langage
dans le mesure où le Verbum-Vérité, le Christ, à l’intérieur de nous agit pour nous en
rendre capable : Cum vero de his agitur quae mente conspicimus, id est intellectu
atque ratione, ea quidem loquimur quae praesentia contuemur in illa interiore luce
veritatis, qua ipse qui dicitur homo interior [2 Cor. 4,16] illustratur et fruitur. Sed tum
quoque noster auditor, si et ipse illa secreto ac simplici oculo [Mt. 6,22] videt, novit
quod dico sua contemplatione, non verbis meis. Ergo ne hunc quidem doceo vera
dicens, vera intuentem. Docetur enim non verbis meis, sed ipsis rebus, Deo intus pan-
dente, manifestis [Mais quand il s’agit de ce que nous percevons par l’esprit, c’est-à-
dire par l’intelligence et la raison, nous parlons de ce que nous voyons comme pré-
sent dans cette lumière intérieure de la vérité, par laquelle l’homme qui est dit ‘inté-
rieur’ est illuminé et se nourrit. Mais alors notre auditeur lui aussi, s’il voit de même
ces choses avec son œil secret et simple, il comprend ce que je dis par sa propre
contemplation, et non pas par mes paroles. Donc, même celui-là, je ne l’enseigne
pas, en disant la vérité alors qu’il voit la vérité. Il est enseigné, en effet, non pas par
mes paroles, mais par les choses elles-mêmes, rendues manifestes, puisque Dieu les
révèle à l’intérieur de lui] (mag. 40 ; pour l’analogie entre les deux Verbes, voir en
particulier fid. et symb. 3 ; pour la conciliation de cette vision avec l’Incarnation,
Commentaire | 327
voir n. à 4,1, nam simulacris ; 18,7, Corneille, et MAYER, Die Zeichen, t. 2, 203–278.
L’Incarnation est signe, et en fin de compte, tout l’univers créé est signe).
À ce stade, on se demande si le blasphème, tel qu’il est présenté dans notre pas-
sage de l’Inchoata expositio, est vraiment possible. Seul celui qui sait ce que signifie
Spiritus sanctus peut blasphémer contre l’Esprit. Mais un tel savoir, semble-t-il, ne
peut être acquis que par l’instruction du Christ, et ne peut donc être complet que
quand cette instruction l’est aussi. Or ceci ne pourra arriver que dans l’autre monde,
quand nous verrons Dieu face à face, et alors, évidemment, plus personne ne voudra
blasphémer.
Ce problème n’est pas pleinement abordé dans l’Inchoata expositio, mais il
trouve une sorte de résolution en 21,1s., où Augustin indique qu’une science par-
tielle est suffisante pour se rendre coupable du blasphème. Le problème fait partie
aussi de la question plus large du péché d’ignorance, sur laquelle voir n. à 16,2.
Du reste, tout ce passage sur blasphème et langage constitue une digression
dans l’Inchoata expositio, puisque, comme il l’a déjà signalé en 14,1, et comme il
l’expliquera en détail en 23,8–12 (voir n. ad loc.), pour Augustin ici, le blasphème
impardonnable contre l’Esprit Saint est tout autre chose que des paroles prononcées
à un moment donné.
les sermons, où l’on trouve bien moins souvent ‘gentil’, le mot qui semble dominer
dans les autres œuvres]. En effet, des 450 exemples mentionnés ci-dessus, 292 vien-
nent de la prédication (sermones + in psalm. + in euang. Ioh. + in epist. Ioh. ; mais il
est vrai que ni tout in psalm. ni tout in euang. Ioh. ne furent prêchés). De plus, 45
exemples viennent de c. Faust., où Augustin se sert du mot parce que Faustus l’avait
fait (c. Faust. 13,1 ; 20,1–4 ; 33,2 ; cf. n. à 22,1). Par contraste, dans la grande majorité
de ses écrits rédigés, Augustin n’emploie jamais paganus.
pleinement]; in Gal. 51 : Idolorum autem servitus [Gal. 5,20] ultima fornicatio est ani-
mae, propter quam etiam bellum adversus evangelium cum reconciliatis Deo furiosis-
simum gestum est, cuius reliquiae quamvis tepidae diu adhuc tamen recalent [Mais
l’idolâtrie est la fornication ultime de l’âme. C’est à cause d’elle, aussi, que l’on a
fait la guerre, avec une furie extrême, contre l’Évangile et les hommes réconciliés à
Dieu. Les restes de cette [guerre], bien qu’ils soient depuis longtemps tièdes, se
réchauffent toutefois encore]. Cette évaluation de l’attitude païenne n’a d’ailleurs
rien d’unique. Voir, par exemple, Rufin, Histoire ecclésiastique 11,22 (sur les vio-
lence anti-chrétiennes à Alexandrie sous Théodose) : Novi motus et contra temporum
fidem adversum ecclesiam concitantur … gentiles … nec vocibus iam et seditionibus, ut
solebant, sed manu ferroque decertare nituntur [De nouveaux mouvements, s’oppo-
sant à la foi de l’époque, s’élèvent contre l’Église … les gentils … ne tentent plus de
lutter avec des paroles et des séditions, selon leur habitude passée, mais avec leurs
mains et leurs épées] ; Prudence, Contra Symmachum 1,653s. : nostra fides saeclo
iam tuta quieto / viribus infestis hostilique arte petita est [Notre foi, déjà en sécurité
dans ce siècle tranquille, fut attaquée par des puissances ennemies et un stratagème
hostile]. Mais ce dernier texte, en faisant référence au discours de Symmache sur
l’autel de la Victoire, rappelle aussi que (fût-ce par prudence ou par ouverture
d’esprit) les réflexions païennes sur le christianisme ne comportaient pas forcément
toute la hargne que les chrétiens prétendaient y voir.
De même, quoi qu’il dise du discours anti-chrétien ambiant, ce n’est qu’après le
sac de Rome qu’Augustin a senti dans ce discours une menace assez vivante pour
exiger une réplique dans le genre apologétique, un texte ad et adversus nationes.
Avant civ., il a plutôt tendance à réduire l’importance du discours païen. C’est ainsi
que dans l’exposé de sa vision optimiste de l’empire dans cons. euang. 1, le propos
anti-chrétien est bien présent, mais l’accent est mis sur sa faiblesse : Christiana
religio disseminata per mundum tanta fertilitate provenit, ut homines infideles iam
inter se ipsos calumnias suas mussitare vix audeant, compressi fide gentium et om-
nium devotione populorum [La religion chrétienne, disséminée de par le monde, croît
si fertilement, que désormais les hommes infidèles osent à peine murmurer entre
eux leurs calomnies, écrasés par la foi des nations et la dévotion des tous les
peuples] (1,10) ; istis iam paucissimis nec iam obpugnantibus sed tamen adhuc mussi-
tantibus [ils sont déjà très peu nombreux, et déjà ils n’attaquent plus, bien qu’ils
murmurent encore] (1,24 ; voir aussi n. à 4,4). Et ailleurs il dira même que les héré-
tiques ont maintenant pris la relève des païens dans le rôle de persécuteurs de
l’Église : Prima enim persecutio ecclesiae violenta fuit, cum proscriptionibus, tormen-
tis, caedibus christiani ad sacrificandum cogerentur. Altera persecutio fraudulenta
est, quae nunc per huiuscemodi haereticos et falsos fratres agitur [En effet, la pre-
mière persécution de l’Église fut violente, quand, par la proscription, les tortures,
les tueries, on forçait les chrétiens à sacrifier. La seconde persécution est menson-
gère, celle qui, de nos jours, est menée par ce genre d’hérétiques et par les faux
frères] (in psalm. 9,27) ; non debemus nos christiani et episcopi unitatem disrumpere
Commentaire | 331
christianam, quam iam paganus non insequitur inimicus [Nous les chrétiens et les
évêques, nous ne devons pas rompre l’unité chrétienne, que l’ennemi païen, déjà,
n’attaque plus] (epist. 43,8). Mais il faut ici faire la part de la polémique : il est dou-
teux qu’Augustin ait jamais cru que les païens pouvaient disparaitre entièrement
(voir quaest. euang. 2,13 : Quod autem in stagnum praecipitati sunt [sc. les porcs de
Lc. 8,33], significat quod iam clarificata ecclesia et liberato populo gentium a domina-
tione daemoniorum in abditis agunt sacrilegos ritus suos qui Christo credere noluerunt
[Qu’ils se sont jetés dans le lac, cela signifie qu’après la glorification de l’Église et la
libération du peuple païen de la domination des démons, ceux qui n’ont pas voulu
croire au Christ pratiquent dans le secret leurs rites sacrilèges]).
d’obstination que d’ignorance – quand ils sont interrogés par nous, professent
qu’ils n’honorent pas plusieurs dieux, mais qu’ils vénèrent plusieurs ministres sous
un seul grand dieu] (Orose, hist. 6,1,3 ; cf. Prudence, Apotheosis 186–216). Pour ces
croyances, voir Der Neue Pauly s.v. Monotheismus, IV, et pour la réaction, large-
ment négative, d’Augustin, voir n. à 4,1, ‘les prophètes’ (c), et tout les livres 9 et 10
de civ.
Ce polythéisme hiérarchique pouvait donner le titre de « père » au Dieu su-
prême, puisque ce titre appartenait déjà traditionnellement, et notamment chez les
poètes, à Zeus / Jupiter (voir RE s.v. pater, 1), ce que n’ont pas manqué de noter
certains des premiers apologistes : voir Justin Martyr, Apol. 1,22 ; Minucius Felix 19,
avec les commentaires d’A. WARTELLE (Paris 1987) et J. BEAUJEU (Paris 1964) ad loc.
respectivement (mais le renvoi de ces auteurs à Clément d’Alexandrie, Protreptique
32 est trompeur, puisque Clément ironise sur le titre πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε [père
et des hommes et des dieux] que Justin et Minucius voudraient assimiler au Dieu
chrétien). Pour le début de la rencontre des Pères avec les idées païennes d’un dieu
suprême, voir MORESCHINI, Storia, 29–37 et N. ZEEGERS-VANDER VORST, Les citations de
poètes grecs chez les apologistes chrétiens du IIème siècle, Louvain 1972, 230–239.
L’érudition moderne tend à donner raison au scepticisme d’Augustin : « radikaler
Monotheismus war der paganen Antike fremd » (Der Neue Pauly s.v. Monotheismus,
IV ; voir aussi A. J. FESTUGIÈRE, Études de religion grecque et hellénistique, Paris
1972, 9–12).
rem, sive cum quaererem, fuerim … [Donc, ayant moi-même considéré longuement et
beaucoup quel genre d’aboyeurs et quel genre de chercheurs j’avais rencontrés, et
quel genre d’homme je fus moi-même, quand j’aboyais, ou quand je cherchais … ]
(vera relig. 56).
(15,2) de parler des persécutions, et que martyr et soldat étaient très souvent assimi-
lés chez les Pères (voir J. FONTAINE [éd.], Ambroise de Milan : Hymnes, Paris 1992,
53s.).
effet, Paul, qui gardait les vêtements de ceux qui lapidaient Étienne, peu de temps
après, par la grâce du Christ, est devenu apôtre, lui qui avait été persécuteur] (1,47).
Elle sera développée dans quaest. Simpl. 1,2,22, où Paul deviendra un des types
bibliques du salut donné en dehors de tout mérite : Restat ergo ut voluntates eligan-
tur. Sed voluntas ipsa, nisi aliquid occurrerit quod delectet atque invitet animum,
moveri nullo modo potest. Hoc autem ut occurrat, non est in hominis potestate. Quid
volebat Saulus nisi invadere, trahere, vincire, necare christianos? Quam rabida volun-
tas, quam furiosa, quam caeca! Qui tamen una desuper voce prostratus occurrente
utique tali viso, quo mens illa et voluntas refracta saevitia retorqueretur et corrigeretur
ad fidem, repente ex evangelii mirabili persecutore mirabilior praedicator effectus est
[Il reste donc que ce soient les volontés qui sont choisies. Mais la volonté elle-même,
à moins que quelque chose ne se présente qui puisse attirer et engager l’esprit, ne
peut nullement être mise en mouvement. Or, que cela arrive ne dépend pas de la
puissance humaine. Que voulait Saul, sinon attaquer, traîner, enchainer, tuer les
chrétiens ? Une volonté combien enragée, combien furieuse, combien aveugle !
Mais, renversé par une seule parole venant d’en haut – avec surtout l’apparition
d’une vision par laquelle cet esprit et cette volonté pouvaient être détraqués, leur
violence brisée, et redirigés vers la foi – soudainement le prodigieux persécuteur de
l’Évangile est devenu son prédicateur encore plus prodigieux]. Voir aussi n. à
21,4.5.7.
interclusit [sc. Pierre] ei spem veniae, quem invitavit ad paenitentiam [et pourtant il
ne coupa pas l’espoir du pardon à celui qu’il invita à la pénitence] (paen. 2,23 ; voir
déjà Origène, Philoc. 27,8). Mais les Novatianistes répondaient qu’en lui disant si
f o r t e remittatur tibi (εἰ ἄ ρ α ἀφεθήσεταί σοι [si peut-être il te sera pardonné], Act.
8,22), Paul indiquait tacitement (dubium ei dedit responsum [il lui donna une ré-
ponse ambiguë]) à Simon qu’aucun pardon ecclésiastique ne lui était possible (Am-
brosiaster = Ps.-Aug. quaest. test. 102,24 [CSEL 50]).
Augustin parle de son enfance (conf. 1,7.11). Pour l’Église-mère en général chez
Augustin, voir MAYER, Augustins Lehre, 46s.
En serm. 71,6, Augustin renforce son argument sur la nécessité de pardonner les
blasphèmes contre l’Esprit Saint commis en dehors de l’Église, en demandant si,
dans le cas contraire : Illi soli existimandi sunt ab huius gravissimi peccati reatu libe-
rari, qui ex infantia sunt catholici ? Nam quicumque verbo Dei crediderunt, ut catholici
fierent, utique aut ex paganis, aut ex Iudaeis, aut ex haereticis in gratiam Christi pa-
cemque venerunt. Quibus si non est dimissum quod dixerunt verbum contra Spiritum
sanctum, inaniter promittitur et praedicatur hominibus, ut convertantur ad Deum, et
sive in baptismo sive in ecclesiae pace remissionem accipiant peccatorum [Faut-il
croire que seuls sont libres de la culpabilité de ce péché le plus grave ceux qui sont
catholiques depuis l’enfance ? Car tous ceux qui ont cru à la parole de Dieu, pour
devenir catholiques, sont évidemment venus soit des païens, soit des Juifs, soit des
hérétiques, [pour entrer] dans la grâce et la paix du Christ. Si la parole qu’ils ont dite
contre l’Esprit Saint ne leur est pas pardonnée, c’est en vain que l’on promet et que
l’on prêche aux hommes, pour qu’ils se convertissent à Dieu et reçoivent, soit dans
le baptême soit dans la paix de l’Église, la rémission de leurs péchés]. Comme dans
l’Inchoata expositio, il ne combat pas une position réelle : il s’agit d’une réduction à
l’absurde.
ism, and was charaterized by [the] suspicion and aversion to the theology of the
Logos » (EAC, loc. cit.). Dès avant l’épiscopat, Augustin combat cette tendance dans
des ouvrages qui visent exclusivement les fidèles : voir in psalm. 5,3 ; gen. ad litt.
imperf. 60, et surtout fid. et symb. 16s. (le problème est bien entendu repris dans
trin. 1,7 ; 5,10). Voir aussi Prudence, Apotheosis, où les deux premières sections sont
consacrées à la réfutation de croyances monarchianistes, la première intitulée Con-
tra heresim quae Patrem passum adfirmat [contre l’hérésie qui affirme que le Père a
souffert], la seconde Contra Unionitas [contre les Unionites], et commençant (178) :
Cede, profanator Christi, iam cede, Sabelli [Va t-en, profanateur du Christ, va t’en
maintenant, Sabellius].
A r i a n i : En serm. 71,5 ils sont dits Arriani et Eunomiani et Macedoniani [Ariens
et Eunoméens et Macédoniens], et de même en epist. 185,42. On ne refera pas
l’histoire des combats sur l’Esprit Saint entre Ariens, Catholiques et autres. Mais
notons qu’Eunomius et Macédonius restent actifs du vivant d’Augustin, et qu’au
4ème siècle, l’Église arienne était encore destinée à un long avenir. Il y a donc là une
controverse tout à fait d’actualité, et à laquelle l’apport d’Augustin sera considé-
rable (voir AugLex s.v. Arriani, Arrius).
M a n i c h a e i : Les Manichéens ne figurent plus dans serm. 71 et epist. 185. Au-
gustin n’a pourtant jamais cessé de les voir comme des blasphémateurs, et en 428,
en haer. 46,16, il répète encore que Mani prétendait que l’Esprit Saint avait été en-
voyé en lui. Mais Augustin s’est beaucoup moins consacré à la polémique anti-
manichéenne après les vingt premières années de son activité littéraire (voir FITZGE-
RALD, Augustine s.v. Anti-Manichean Works), sans doute en partie à cause de
l’efficacité de la répression officielle des Manichéens (voir LIEU, Manichaeism, 192–
207 ; LANCEL, Saint Augustin, 56s.).
C a t a p h r y g e s : L’affirmation que les Cataphrygiens, ou Montanistes, niaient la
venue de l’Esprit à la Pentecôte est reprise en haer. 26 : Adventum Spiritus sancti a
Domino promissum in se potius quam in apostolis fuisse adserunt [Ils affirment que la
venue de l’Esprit Saint, promise par le Seigneur, a eu lieu en eux plutôt que dans les
apôtres] (voir aussi agon. 30). De tels jugements sont trop partiels : d’un côté « la
doctrine de Montan et de ses disciples immédiats différait à peine de l’enseignement
orthodoxe », mais de l’autre Montan(us) « se présentait ou était présenté par ses
disciples comme le Paraclet » (DTC s.v. Montanisme, 2358, 2367, et voir n. à 11,1s.).
Sont-ce des doutes sur la valeur de ses accusations qui ont poussé Augustin à
omettre les Cataphrygiens en serm. 71 et epist. 185 ? La cause est plutôt l’obscurité
relative d’une secte qui avait presque entièrement disparu d’Afrique à son époque
(voir DTC, loc. cit.).
En montrant comment Manichéens et Montanistes auraient pu être inculpés
pour blasphème impardonnable par leur attitude envers la prophétie, Augustin
rappelle Irénée de Lyon, qui faisait déjà ce reproche aux gnostiques, notamment à
cause de leur refus d’accepter certains livres canoniques (voir n. suivante) : ἄθλιοι
ὄντως οἱ ψευδοπροφήτας μὲν εἶναι θέλοντες, τὸ δὲ προφητικὸν χάρισμα ἀπωθού-
Commentaire | 341
μενοι ἀπὸ τῆς ἐκκλησίας … ἁμαρτάνοντες εἰς τὸ πνεῦμα τοῦ Θεοῦ εἰς ἀσυγχώρητον
ἐμπίπτουσιν ἁμαρτίαν [Ils sont vraiment misérables, ceux qui veulent être des faux
prophètes, tout en chassant la grâce prophétique de l’Église … péchant contre
l’Esprit de Dieu, ils tombent dans un péché impardonnable] (haer. 3,11,19).
D o n a t i s t a e : Si les Donatistes ne figurent pas dans les catalogues de epist. 185
et serm. 71, c’est qu’ils sont déjà la cible principale de ces deux textes. Leur inclu-
sion dans l’Inchoata expositio est quelque peu abusive, puisqu’ils n’avaient aucune
doctrine spécifique sur l’Esprit. Mais Optat de Milève avait déjà présenté la pratique
donatiste de rebaptiser les catholiques comme constituant le péché impardonnable
contre l’Esprit Saint : Absit enim ut umquam exorcizemus sanum fidelem, absit iam
lotum revocemus ad fontem, absit in Spiritu sancto peccemus cui facinori et praesenti
et futuro saeculo indulgentia denegatur [Loin de nous, en effet, de jamais exorciser
un fidèle bien-portant, loin de nous de rappeler aux fonts celui qui est [déjà] lavé,
loin de nous de pécher contre l’Esprit Saint, ce crime pour lequel le pardon est refu-
sé et dans ce monde et dans le monde à venir] (Contra Donatistas 5,3,10). Ensuite,
on imagine très mal Augustin omettre d’un catalogue d’hérétiques ces ennemis
principaux de l’Église catholique d’Afrique. Comparer un autre catalogue d’héré-
tiques, le serm. 183 sur 1 Io. 4,2, où Augustin a besoin d’une subtilior disputatio [dé-
monstration plus subtile], pour montrer que les Donatistes font partie de ceux qui
nient la venue du Christ dans la chair, vu que hoc confitentur quod nos: unigenitum
Filium aequalem Patri, eiusdem substantiae, aeterno coaeternum [ils confessent la
même chose que nous : le Fils unique égal au Père, de la même substance, coéternel
à l’éternel]. Et Augustin de conclure comme dans l’Inchoata expositio que le rejet
donatiste de l’unité catholique équivaut à l’erreur doctrinale (serm. 183,10).
commemorare longum est [les autres hérétiques, qu’il faudrait beaucoup de temps
pour énumérer] (epist. 185,48) ; quis tot numerat pestes ? [qui peut énumérer tant de
fléaux ?] (serm. 183,1 ; une exégèse dans le même sens à in Matth. 11,8) ; τὰ μὲν
πολυειδῆ καὶ πολύτροπα καὶ πολυσχιδῆ τῶν σκολιῶν βουλευμάτων [les apparences
multiples, les détours multiples, les divisions multiples des doctrines tordues]
(Épiphane, De fide 1,1) ; plurima sunt sed pauca loquar, ne dira relatu / dogmata
catholicam maculent male prodita linguam [Ils sont très nombreux, mais j’en dirai
peu, pour que ces dogmes terribles à raconter n’entachent pas, en étant révélés pour
le mal, une langue catholique] (Prud. apoth. 1s.). La vérité est une, mais les erreurs
possibles sont infinies. La doctrine d’ecclésiologie est ici renforcée par un thème de
la philosophie morale, selon lequel les vertus sont unies, comme l’enseigne Socrate,
mais le vice tend à la diversification : Non debes admirari, si tantas invenis vitiorum
proprietates: varia sunt, innumerabiles habent facies, comprendi eorum genera non
possunt. Simplex recti cura est, multiplex pravi [Tu ne dois pas t’émerveiller, si tu
trouves tant de particularités dans les vices. Ils sont variés, ils ont d’innombrables
apparences, on ne peut en saisir tous les genres. S’appliquer au bien est chose
simple, [s’appliquer] au mal est complexe] (Sénèque le Jeune, epist. 122,17 ; pour des
parallèles, voir B. INWOOD [éd.], Seneca. Selected Philosophical Letters, Oxford 2007,
ad loc.).
138,7]?’ Quo, frater, nisi ad eius misericordiam paenitendo, cuius potestatem peccan-
do contempseras? [Ici tu dis peut-être : ‘Mais je suis déjà baptisé dans le Christ, par
qui tous mes péchés antérieurs ont été pardonnés. Je suis devenu vil en reprenant
trop souvent mes voies, et [suis devenu] un chien horrible aux yeux de Dieu, revenu
à son vomissement. Où irai-je loin de son esprit ? Et où fuirai-je de sa face ?’ Où,
frère, si ce n’est, par la pénitence, vers la miséricorde de celui dont tu avais méprisé
la puissance en péchant ?] (serm. 351,12) ; contra nonnullas haereses tenuit ecclesia
catholica istam veritatem de paenitentia agenda. Fuerunt enim qui dicerent, quibus-
dam peccatis non esse dandam paenitentiam; et exclusi sunt de ecclesia, et haeretici
facti sunt [À l’encontre de certaines hérésies, l’Église catholique a retenu cette vérité
sur la nécessité de faire pénitence. En effet, il y en eut pour dire que la pénitence ne
devait pas être accordée pour certains péchés, et ils ont été exclus de l’Église, et sont
devenus hérétiques] (serm. 352,9).
C’est ainsi qu’Augustin ne tire jamais de Lc. 23,34 (πάτερ, ἄφες αὐτοῖς, οὐ γὰρ
οἴδασιν τί ποιοῦσιν [Père, pardonne-leur, parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font])
plus qu’une indication de la mansuétude du Christ envers ses persécuteurs. Du
reste, des 92 citations de ce verset par Augustin, 87 viennent de la prédication : il ne
lui a pas servi pour la construction de son système de la grâce (en de serm. dom.
1,73, il prétend même que ces paroles ne pourraient s’appliquer aux baptisés).
Il n’est pas possible de dire si ses conclusions sur le péché d’ignorance étaient
déjà pleinement formées dans l’esprit d’Augustin à l’époque de l’Inchoata expositio.
Mais il n’y dit rien qui indiquerait que l’ignorance en soi suffise pour le pardon, et
les éléments majeurs de son enseignement sur le lien entre le péché originel et la
concupiscence et l’ignorance sont déjà en place dès lib. arb. 3,51–54, écrit à la même
époque (il y propose toutefois une autre explication de l’ignorance en 3,56). Voir
aussi epist. 47,4, datant de peu après l’Inchoata expositio (396–399) : Si quis autem
bonum putaverit esse quod malum est, et fecerit, hoc putando utique peccat, et ea sunt
omnia peccata ignorantiae, quando quisque bene fieri putat quod male fit [Mais si
quelqu’un pense que quelque chose de mal est bien, et il le fait, il pèche certaine-
ment en pensant de la sorte, et ces péchés sont tous [des péchés] d’ignorance,
quand quelqu’un pense qu’une mauvaise action est une bonne action].
Pierre : ‘Tu n’as pas de part ni de lot dans cette foi’. Voyez qu’il peut arriver qu’une
personne ait le baptême et n’ait pas la foi ou l’amour du Christ, qu’il ait le sacrement
de la sainteté, et ne soit pas compté dans le lot des saints] (serm. 260A,2 ; voir n.
suivante). Après tout, selon la tradition dont Augustin héritait, Simon le Magicien
ne s’était pas repenti, mais était devenu le premier hérésiarque (haer. 1).
spiritali aetate lactantem educa verbis tuis, uberibus fidei, sapientiae, caritatis inhian-
tem [Éduque-moi par tes paroles, comme un enfant qui est encore au sein pour ce
qui est de la parole de Dieu et l’âge spirituel, [un enfant] qui ouvre grand la bouche
vers les seins de la foi, de la sagesse, de la charité] (epist. 4,3 = Aug. epist. 25,3).
17,1 irremissibile
irremissibilis, qui apparait pour la première fois chez Tertullien, n’appartient pas au
vocabulaire habituel d’Augustin, qui s’en sert exclusivement pour parler du blas-
phème contre l’Esprit Saint (c. Cresc. 4,10 ; serm. 71,17.24.37 ; enchir. 83). De fait,
ThLL s.v. note que, dans toute la littérature chrétienne, le mot est largement em-
ployé dans ce contexte, et a même pu être formé à partir de Mt. 12,32 (remittetur …
non remittetur [sera pardonné … ne sera pas pardonné]).
puto quia ‘qui peccaverit quidem in filium hominis venia dignus est’, pro eo quod is,
qui verbi vel rationis est particeps, si desinat rationabiliter vivere, videtur in i g n o r a n -
t i a m v e l s t u l t i t i a m decidisse et propter hoc veniam promereri; qui autem iam
dignus habitus est sancti Spiritus participatione et retro fuerit conversus, hic re ipsa et
opere blasphemasse dicitur in Spiritum sanctum [L’opération de la puissance de Dieu
le Père et du Fils s’étend sans discrimination sur toute créature, alors que nous
voyons que la participation à l’Esprit Saint est obtenue seulement par les saints …
Pour cette raison, il me semble logique aussi que ‘celui qui pèche contre le fils de
l’homme est digne de pardon’, puisque celui qui a part au verbe ou à la raison, s’il
cesse de vivre raisonnablement, semble être tombé dans l ’ i g n o r a n c e o u l a b ê -
t i s e , et mériter de la sorte le pardon. Mais celui qui a déjà été trouvé digne de la
participation à l’Esprit Saint, et qui s’est tourné en arrière, celui-là est dit avoir blas-
phémé – au sens propre et par ses œuvres – contre l’Esprit Saint] (Rufin. Orig. princ.
1,3,7). Ceci équivaut à une distinction entre baptisés et non-baptisés, selon la lecture
d’Origène fournie par Athanase (qui modifie aussi quelque peu les rôles du Père et
du Fils) : ὁ μὲν γὰρ Ὠριγένης καὶ τὴν αἰτίαν τῆς κατὰ τῶν τοιούτων κρίσεως οὕτω
λέγει· ὁ μὲν Θεὸς καὶ πατὴρ εἰς πάντα διήκει καὶ πάντα συνέχει, ἄψυχά τε καὶ
ἔμψυχα, λογικά τε καὶ ἄλογα· τοῦ δὲ υἱοῦ ἡ δύναμις εἰς τὰ λογικὰ μόνα διατείνει, ἐν
οἷς εἰσι κατηχούμενοι καὶ Ἕλληνες οἱ μηδέπω πιστεύσαντες· τὸ δὲ πνεῦμα τὸ ἅγιον
εἰς μόνους ἐστὶ τοὺς μεταλαβόντας αὐτοῦ ἐν τῇ τοῦ βαπτίσματος δόσει. ὅταν τοίνυν
κατηχούμενοι καὶ Ἕλληνες ἁμαρτάνωσιν, εἰς μὲν τὸν υἱὸν ἁμαρτάνουσιν, ἐπεὶ ἐν
αὐτοῖς ἐστιν, ὥσπερ εἴρηται· δύνανται δὲ ὅμως λαμβάνειν ἄφεσιν, ὅταν καταξιωθῶσι
δωρεᾶς τῆς παλιγγενεσίας. ὅταν δὲ οἱ βαπτισθέντες ἁμαρτάνωσι, τὴν τοιαύτην
παρανομίαν εἰς τὸ πνεῦμα τὸ ἅγιον φθάνειν φησίν, ἐπειδὴ ἐν αὐτῷ γενόμενος
ἥμαρτε· καὶ διὰ τοῦτο ἀσύγγνωστον εἶναι τὴν κατ’ αὐτοῦ τιμωρίαν [En effet, Origène
explique aussi la cause de la condamnation de tels hommes ainsi : Dieu le Père se
répand à travers tout et contient tout, ce qui vit et ce qui est sans vie, ce qui est rai-
sonnable et ce qui est sans raison. Ensuite, la puissance du Fils s’étend uniquement
à ce qui est raisonnable, y compris les catéchumènes, et les païens qui n’ont pas
encore cru. Mais l’Esprit Saint s’étend seulement à ceux qui ont eu part à lui par le
don du baptême. Donc, quand des catéchumènes ou des païens pèchent, ils pèchent
bien contre le Fils, puisqu’il est en eux, comme on l’a dit. Mais ils pourront néan-
moins recevoir le pardon quand ils seront trouvés dignes du don de la renaissance.
Mais quand les baptisés pèchent, il dit qu’une telle infraction atteint l’Esprit Saint,
puisque l’on aura péché après être entré en lui [sc. l’Esprit]. Et c’est pourquoi sa
punition ne peut être remise] (Epistulae ad Serapionem 4,10). Le non-baptisé a déjà
le Christ / Λόγος à l’intérieur de lui, et, un peu paradoxalement, son péché contre le
Λόγος est donc péché d’ignorance. Augustin ne se préoccupe pas de ce paradoxe,
puisqu’il préfère montrer que baptême et scientia ne vont pas de pair, et que les
péchés cum scientia sont en tout cas pardonnables.
348 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
s’approcher de l’âge de la raison, pour connaitre la loi naturelle, que chacun tient
fixée dans son cœur : ce que tu ne veux pas que l’on te fasse, ne le fais pas à un
autre. Est-ce que l’on apprend cela des pages [des livres], plutôt que de le lire, d’une
certaine manière, dans la nature elle-même ? Veux-tu souffrir un vol ? Assurément,
tu ne veux pas. Voilà la loi dans ton cœur : ce que tu ne veux pas souffrir, ne le fais
pas]. Voir aussi conf. 2,9 ; c. Faust. 15,7 (avec de nouveau l’expression naturali lege
[loi naturelle]) ; epist. 157,15 ; in psalm. 35,1 ; 57,1 (très proche du texte cité de in
euang. Ioh.) ; c. Pelag. 3,13. En lib. arb. 1,6, c’est Évodius qui dit : Adulteria et homi-
cidia et sacrilegia … quis est cui non male facta videantur … Hoc [sc. adulterium] scio
malum esse quod hoc ipse in uxore mea pati nollem … Quisquis autem alteri facit,
quod sibi fieri non vult, male utique facit [L’adultère et l’homicide et le sacrilège … à
qui ces choses ne semblent-elles pas des méfaits ? … Je sais que c’est mal parce que
je ne voudrais pas le souffrir moi-même chez ma propre femme … Et quiconque fait à
un autre ce qu’il ne veut pas qu’on lui fasse fait assurément le mal]. Augustin ré-
plique qu’un amateur de pratiques licencieuses pourrait offrir sa femme à un autre
de plein gré, pour gagner l’accès à la femme de celui-ci, et en de serm. dom. 1,50 il
présente une situation plus honorable qui conduit aussi à un adultère autorisé par
le mari. Mais en général il considère l’adultère comme illustrant particulièrement
bien à quel point la règle d’or est universelle et évidente : Qui hoc facit alteri nihil sic
nollet pati. Ad alia paratior est omnis homo. Hoc autem nescio utrum inventus est qui
tolerabiliter ferat [Celui qui fait cela à un autre ne voudrait rien souffrir de la sorte.
Tout homme préférerait [souffrir] autre chose. Quant à cela, je ne sais pas si l’on a
trouvé quelqu’un qui pourrait l’endurer avec patience] (serm. 8,12).
Augustin introduit la loi naturelle pour répondre à l’hypothèse selon laquelle, si
seuls les péchés commis cum scientia sont impardonnables, les non-baptisés seront
absous (voir n. précédente) : Augustin montre que les non-baptisés étaient tout à
fait capables de pécher cum scientia, dans la mesure où ils pouvaient violer con-
sciemment la loi inscrite dans le cœur de tous les hommes.
Pour ces variantes, voir VetLat 25 ad loc. Augustin ne cite ce verset qu’une fois ail-
leurs, à in Iob 31 (s’arrêtant à veritatis), sous la même forme.
Ce texte correspond à celui de la famille A de VetLat 25, dont Augustin est la
source principale – au point que l’on a voulu en faire l’auteur de cette version de
Hebr. – mais qui est tout de même représentée par quelques manuscrits et citations
indépendants (voir VetLat 25, loc. cit., 1034s.).
Ce n’est pas simplement au hasard de ses lectures bibliques (voir n. à 11,3s.)
qu’Augustin s’avise de citer un verset de Hebr. 10, et de l’expliquer en 19,10 avec des
versets de Hebr. 6. En effet Hebr. 10,26s.29 et Hebr. 6,4–6 faisaient partie de la con-
troverse sur les limites du pardon ecclésiastique, qui est inséparable de celui sur le
blasphème contre l’Esprit Saint (voir n. à 14,1, Le blasphème et, pour ce qui suit,
KOESTER, Hebrews, 20s.25). Les Novatianistes appuyaient leur position sur Hebr.
352 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
6,4–6 (voir Ambroise, paen. 2,6 ; Philastre de Brescia, Diversarum hereseon liber
89 ; Épiphane, Panarion 59,2 ; Théodoret de Cyr, Hebr. ad loc. [PG 82, 717]), et Ori-
gène en étayait son propre refus du pardon post-baptismal pour les péchés graves
(Jo. 28,15,124–126, avec référence au blasphème contre l’Esprit Saint ; Athanase,
Epistulae ad Serapionem 4,2, qui ajoute Théognoste d’Alexandrie) ou l’apostasie
(hom. in Jer. 13,3), tout comme le faisait Tertullien montaniste (De pudicitia 3,5). De
même, Clément d’Alexandrie avait cité Hebr. 10,26s. en annonçant sa doctrine
qu’une seule grande pénitence post-baptismale était possible (Stromates 2,57 ; voir
SChr 38 ad loc. ; voir aussi Jean Chrysostome, hom. in Heb. 20,1 [PG 63, 143]), et
Origène réitérait sa position sur l’apostasie en citant Hebr. 10,29 (comm. ser. in Mt.
114 [GCS 382, 239], de nouveau avec référence au blasphème contre l’Esprit Saint ;
hom. in Jer. 13,3).
Augustin répondra (19,2s.) que ces passages de Hebr. indiquent en fait l’impos-
sibilité d’un second baptême. C’est là la doctrine de tous les Pères orthodoxes, que
ce soit sur Hebr. 6 (Athanase, Epistulae ad Serapionem 4,6 ; Ambroise, paen. 2,6–8,
mais noter l’alternative en 2,10 : Quae inpossibilia sunt homini, possibilia sunt apud
Deum [Lc. 18,27], et potens est Deus, quando vult, donare nobis peccata, etiam quae
putamus non posse concedi [Ce qui est impossible pour l’homme est possible pour
Dieu, et Dieu est capable, quand il le veut, de pardonner nos péchés, même ceux
que nous pensons ne pouvoir être pardonnés] ; Philastre de Brescia, loc. cit. ; Épi-
phane, loc. cit. ; Jean Chrysostome, hom. in Heb. 9,3s. [PG 63, 79s.] ; Théodoret de
Cyr, loc. cit. ; d’autres références en KOESTER, Hebrews, 25, n. 19) ou sur Hebr. 10
(Jean Chrysostome, hom. in Heb. 20,1 [PG 63, 143s.] ; Théodoret de Cyr, Hebr. ad loc.
[PG 82, 753]), passage tout de même moins discuté. Comme nous l’avons vu plus
haut, les textes cités d’Athanase et Ambroise traitent aussi du blasphème contre
l’Esprit Saint, et Augustin connaissait certainement au moins le De paenitentia
quand il rédigea l’Inchoata expositio (voir n. à 14,1, Le blasphème ; 15,6, etiam Pau-
lus ; 15,10 ; 15,11 ; 18,14s. ; 19,1 ; 21,1s., et n. suivante), si bien que l’on peut le consi-
dérer comme sa source principale ici.
[Mais pour que tu ne considères pas que cette miséricorde est sans justice, il y a une
séparation entre ceux qui ont offert une obéissance sans relâche aux commande-
ments du ciel, et ceux qui ont quelquefois trébuché soit par erreur soit par nécessité]
(paen. 1,58 ; ainsi déjà Cyprien, epist. 11,1). Pour une interprétation plus rigoriste,
contraster Origène (Hier. hom. Orig. in Ier. 1,3 [SChr 238, 320]) sur Ier. 27,23 : In the-
sauro Dei vasa irae sunt, extra thesaurum vasa peccantia non sunt vasa irae, sed vasis
irae minora sunt. Servi enim sunt ignorantes voluntatem domini sui et non facientes
voluntatem eius. Qui autem ingreditur ecclesiam aut vas irae est aut vas misericordiae
[Rom. 9,22–24] … qui ingressus est ecclesiam – o cathecumene, ausculta – qui accessit
ad sermonem Dei, nihil aliud quam conscriptus est in certamine pietatis, et conscrip-
tus, si non legitime certaverit, caeditur flagellis, quibus non verberantur hi, qui ne in
principio quidem conscripti sunt [Dans le trésor de Dieu il y a des vases de colère. En
dehors du trésor, les vases pécheurs ne sont pas des vases de colère, mais sont
moindres que les vases de colère. Ils sont en effet des esclaves qui ignorent la volon-
té de leur maître et ne font pas sa volonté. Mais celui qui entre dans l’Église est soit
un vase de colère soit un vase de miséricorde .. celui qui est entré dans l’Église – ô
catéchumène, écoute – celui qui a accédé à la parole de Dieu, n’est rien d’autre
qu’un soldat enrôlé pour le combat de la piété, et un soldat enrôlé qui ne se bat pas
convenablement est frappé avec les fouets, par lesquels ne sont pas frappés ceux
qui n’ont même pas été enrôlés pour commencer] (comparer comm. in Rom. 2,5,19,
où les versets séparent Juifs et gentils).
L’interprétation de ces versets trouvée ici, Augustin l’avait déjà formulée en de
serm. dom. 1,63 (voir n. à 14,1, Le blasphème ; 20,5 ; 22,4s.). Mais plus tard il préfère
les lire autrement. Il met l’accent sur leur sévérité en c. Faust. 22,14 (exemple de la
colère de Jésus ; voir déjà Tertullien, adv. Marc. 4,29,11) et quaest. hept. 3,31 (expli-
quant Lev. 10,1–3). Deux fois, tout à fait à l’encontre de l’Inchoata expositio, vapu-
labit pauca … vapulabit multa sont tous les deux rapportés à la damnation, et indi-
quent les différents degrés de peines qui séparent soit chrétiens et païens (grat. 5)
soit différents types de païens (in psalm. 78,9). Sous un tout autre angle, dans un
passage très personnel, il y voit la réaction interne au péché : In multis enim quan-
tum nobis innotescit voluntas Dei, etiam reatus noster innotescit nobis, et quanto ille
nobis innotescit, tanto plus imus in fletus et lacrimas [Dans beaucoup de cas, en effet,
dans la mesure où la volonté de Dieu nous devient connue, notre faute aussi nous
devient connue, et plus elle nous devient connue, plus nous nous tournons vers les
gémissements et les larmes] (in psalm. 98,12). Mais l’interprétation qui revient le
plus souvent comporte une réponse hardie au problème posé dans civ., celui de
l’écroulement de l’empire romain : Illis enim, qui contra christianam fidem querelas
impias iactare non quiescunt, dicentes quod antequam ista doctrina per mundum
praedicaretur, tanta mala non patiebatur genus humanum, facile est ex evangelio
respondere. Dominus enim dicit: ‘Servus nesciens voluntatem domini sui et faciens
digna plagis vapulabit pauca, servus autem sciens voluntatem domini sui et faciens
digna plagis vapulabit multa’. Quid ergo mirum, si christianis temporibus iste mundus
354 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
tamquam servus iam sciens voluntatem domini sui et faciens digna plagis vapulat
multa? [En effet, à ceux qui ne cessent de lancer des reproches impies contre la foi
chrétienne – disant que, avant que cette doctrine ne fût prêchée de par le monde, le
genre humain ne souffrait pas tant de maux – on peut facilement répondre par
l’Évangile. Car le Seigneur dit : ‘L’esclave qui ignore la volonté de son maître, et fait
ce qui mérite des coups, sera battu un peu. Mais l’esclave qui connait la volonté de
son maître, et fait ce qui mérite des coups, sera beaucoup battu’. Qu’y a-t-il donc
d’extraordinaire, si, dans l’ère chrétienne, ce monde, comme un esclave qui connait
désormais la volonté de son maître et fait ce qui mérite des coups, est beaucoup
battu ?] (epist. 111,2 ; de même serm. 296,11 ; 72(augm),7 ; urb. exc. 8). C’est de fait
l’interprétation de l’Inchoata expositio, appliquée non plus à l’individu, mais à la
communauté.
Il n’y pas lieu de conclure de la diversité de ces lectures qu’Augustin aurait
changé d’avis sur le sens de l’Évangile. Lc. 12,47s. est une sentence d’ordre général,
et il est naturel qu’Augustin lui trouve de multiples applications.
indicium nostrae libertatis inluxit, nec eorum quidem signorum, quae iam intelle-
gimus, operatione gravi onerati sumus, sed quaedam pauca pro multis eademque
factu facillima et intellectu augustissima et observatione castissima ipse Dominus et
apostolica tradidit disciplina, sicuti est baptismi sacramentum et celebratio corporis
et sanguinis Domini. Quae unusquisque cum percipit, quo referantur imbutus agnoscit,
ut ea non carnali servitute, sed spiritali potius libertate veneretur [En effet, celui-là est
un esclave sous un signe, qui pratique ou vénère une chose qui a un sens, sans sa-
voir quel sens elle a. Mais celui qui pratique ou vénère un signe utile, institué par
Dieu, dont il comprend la puissance et la signification, ne vénère pas ce qui est vi-
sible et éphémère, mais plutôt ce à quoi de telles choses doivent toutes être rappor-
tées … Depuis que, par la résurrection de notre Seigneur, l’indication absolument
claire de notre liberté a commencé à briller, nous ne sommes même plus opprimés
par la pratique onéreuse de ces signes que nous comprenons désormais. Mais le
Seigneur lui-même et l’enseignement des apôtres a transmis quelques [signes] – un
petit nombre pour remplacer un grand, très faciles à accomplir, et très vénérables
dans leur sens, et très chastes dans leur pratique – tels le sacrement du baptême et
la célébration du corps et du sang du Seigneur. Chacun, quand ils les reçoit, ayant
été initié, sait ce qui est désigné par eux, et les vénère donc non pas dans l’esclavage
charnel, mais plutôt dans la liberté spirituelle] (doctr. christ. 3,30–32 ; cf. vera relig.
88–90 ; epist. 54,1 ; 55,13 et voir BA 11/2, 555). On ne dégage pas facilement de cette
compréhension des sacrements p o u r q u o i le signe reste nécessaire, mais ce n’est
que reposer la question de la nécessité d’une vraie Incarnation. Or, quels qu’aient
été les tendances platoniques ou les restes de Manichéisme chez Augustin, une fois
devenu chrétien, il n’a jamais douté ni qu’il fallût des signes ni que le Christ dût se
faire chair (voir MAYER, Die Zeichen, t. 2, 393–415, soulignant qu’Augustin est géné-
ralement plus à l’aise avec la « Verweisungfunktion » de l’Incarnation et des sacre-
ments, qui nous mène au-delà du monde corporel, qu’avec la sanctification qu’ils
confèrent à ce monde).
ad perficiendam scientiam veritatis. En doctr. christ. praef. 12, Augustin rap-
pelle que Corneille avait encore besoin de catéchèse, puisque que le message de
l’ange en soi n’avait pas révélé le contenu de la foi chrétienne : Cogitemus … centu-
rionem Cornelium quamvis exauditas orationes eius eleemosynasque respectas ei
angelus nuntiaverit, Petro tamen traditum imbuendum, per quem non solum sacra-
menta perciperet, sed etiam quid credendum, quid sperandum, quid diligendum esset
audiret [Songeons … que le centurion Corneille, bien que l’ange lui eût annoncé que
ses prières avaient été exaucées et ses aumônes prises en compte, fut néanmoins
confié à Pierre pour être initié. Il devait non seulement recevoir de lui les sacre-
ments, mais encore entendre ce qu’il fallait croire, ce qu’il fallait espérer, ce qu’il
fallait aimer] (voir n. à 16,7, quid credendum). Mais surtout, comme Augustin va
l’expliquer en 19,4–11, le baptême ne confère pas la scientia veritatis dans le sens
qu’il transmet un enseignement (comment serait-ce possible par l’acte liturgique du
baptême ?), mais en opérant une transformation intérieure qui seule rend possible
356 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
l’acceptation complète de cet enseignement. C’est parce que le don de l’Esprit (voir
n. suivante) n’est normalement possible qu’après cette transformation que le cas de
Corneille pose problème.
18,7 coattestantibus
ThLL s.v. coattestor indique que ce mot apparait exclusivement chez Augustin. Il
cite notre texte, puis in psalm. 21,2,2. Ajouter cons. euang. 3,79 (sicut Lucas et
Iohannes coattestantur [comme en (co-)témoignent Luc et Jean]) ; serm. 360B,19
(coadtestantibus signis et miraculis tantis [tant de signes et de miracles (co-)
témoignent]), et aussi Primasius, in apoc. 4,14, introduisant justement une citation
d’Augustin. ThLL voudrait que le mot signifie « idem fere q[uod] attestari » [à peu
près la même chose que « témoigner »], ce qui s’applique pour l’Inchoata expositio,
mais moins bien dans les autres passages indiqués, où il y a une référence claire à
l’accord de plusieurs témoins.
vengeance qui dépassait la blessure qu’il avait reçue, se réjouît, avec un esprit paci-
fié, de tout pardonner] (c. Adim. 8 ; de même de serm. dom. 1,56s.). Mais, dans
l’expérience pastorale, Augustin sait très bien qu’il n’en est rien : Dicitur tibi: ‘Non
occides’. Tu autem occidere vis inimicum tuum, et ideo forte non facis, quia times
iudicem hominem, non quia cogitas Deum. Ignoras quia ille testis est cogitationum.
Illo vivo quem vis mori, te homicidam tenet in corde [On te dit : ‘Tu ne tueras pas’.
Mais toi, tu veux tuer ton ennemi, et si tu ne le fais pas, c’est peut-être parce que tu
crains le juge humain, non pas parce que tu penses à Dieu. Tu ignores qu’il est té-
moin de tes pensées. Bien que celui que tu voudrais voir mort soit vivant, il te con-
vainc d’être un assassin dans ton cœur] (serm. 9,3).
croyait être le sens caché des Écritures (voir in euang. Ioh. 98 pour sa propre présen-
tation de cette prédication en termes de spirituels et charnels).
(b) En pratique, les spiritales viri sont clairement des membres du clergé. Qui
d’autre est susceptible de parler prolato et recitato evangelio (13,11 ; voir n. précé-
dente) ? Augustin écrira certes : In ecclesia tua … non solum qui spiritaliter praesunt
sed etiam hi qui spiritaliter subduntur eis qui praesunt – masculum enim et feminam
fecisti hominem [Gen. 1,27] hoc modo in gratia tua spiritali, ubi secundum sexum cor-
poris non est masculus et femina, quia ‘nec Iudaeus neque Graecus neque servus
neque liber’ [Gal. 3,28] – spiritales ergo, sive qui praesunt sive qui obtemperant, spiri-
taliter iudicant [1 Cor. 2,15] [Dans ton Église … non seulement ceux qui commandent
spirituellement, mais aussi ceux qui sont spirituellement soumis à ceux qui com-
mandent – car tu as ainsi fait l’homme mâle et femelle dans ta grâce spirituelle, où il
n’y a ni mâle ni femelle selon le sexe du corps, puisqu’il n’y a ‘ni Juif ni Grec, ni
esclave ni homme libre’ – donc, les spirituels, qu’ils commandent ou qu’ils obéis-
sent, jugent spirituellement] (conf. 13,33). Mais comme le fait remarquer SOLIGNAC
(632) sur ce passage, quand Augustin en vient à expliquer ce que jugent les fidèles,
« il semble bien parler maintenant comme si, selon l’ordre normal des choses, le spi-
rituel au sens plein était l’évêque ». MAYER, Augustins Lehre, 55–57 note de même
que quand Augustin parle d’individus ou de groupes spécifiques comme étant spiri-
tales, il s’agit toujours d’évêques, de prêtres, de diacres ou de moines (et, si Augus-
tin parle 29 fois d’homo spiritalis [homme [sc. être humain] spirituel] et 25 fois de vir
spiritalis [homme [sc. mâle] spirituel], il ne mentionne jamais de femina spiritalis
[femme spirituelle] : ibid. 6, 57). Certes, Augustin n’a jamais proposé d’équivalence
naïve entre la sainteté et l’état de vie, et la controverse avec les Donatistes l’a mille
fois obligé à admettre la faillibilité des prêtres. En même temps, vu ses hésitations
devant la vie familiale et les rapports sexuels, on voit difficilement comment, pour
lui, une personne mariée pourrait progresser beaucoup vers l’état de spirituel :
Quamvis a furtis, a rapinis, a fraudibus, ab adulteriis et fornicationibus omnique luxu-
ria, a crudelitate odiorum et inimicitiarum pertinacia, ab omni denique idololatriae
foeditate, spectaculorum nugacitate, haeresum atque schismatum impia vanitate,
atque ab omnibus huiuscemodi flagitiis et facinoribus immunes, puri atque integri
esse debeant, tamen propter administrationem rerum familiarium, et coniugiorum ar-
tissima vincula, tam multa peccant, ut non tam de istius mundi pulvere aspergi, quam
luto obliniri videantur [Bien qu’ils doivent être intacts, purs et libres du vol, de la ra-
pine, de la fraude, de l’adultère et de la fornication, et de toute intempérance, de la
cruauté de la haine et de l’entêtement de l’inimitié, enfin de toute la souillure de
l’idolâtrie, de la frivolité des spectacles, de la vanité impie des hérésies et des
schismes, et de toute infamie et crime de ce genre – néanmoins, à cause de l’admi-
nistration de leurs affaires familiales, et des liens très étroits du mariage, ils font
tant de péchés, qu’ils semblent non pas aspergés par la poussière de ce monde, mais
plutôt enduits de sa boue] (serm. 351,5 ; cf. soliloq. 1,17 et voir aussi le contraste
entre laïcs et clergé en util. cred. 35 : Pauci haec faciunt, pauciores bene pruden-
362 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
terque faciunt: sed populi probant, populi audiunt, populi favent, diligunt postremo
populi. Populi suam imbecillitatem, quod ipsa non possunt, nec sine provectu mentis
in Deum, nec sine quibusdam scintillis virtutis, accusant [Peu nombreux sont ceux qui
le font, moins nombreux ceux qui le font bien et prudemment : mais le peuple les
approuve, le peuple les écoute, le peuple les soutient, enfin le peuple les aime. Le
peuple en veut à sa faiblesse, qui fait qu’il ne peut pas en faire autant : [voilà qui]
n’est pas sans un progrès de l’esprit vers Dieu, ni sans quelques étincelles de vertu] ;
de même c. Faust. 5,9 : le thème se développe en partie en réponse à l’ascétisme
manichéen).
Ces tensions ne sont nullement exclusives à la pensée augustinienne, mais sont
le fait inévitable d’une religion qui est à la fois religion du livre et religion des
simples, qui crée des formes spéciales de vie consacrée, tout en exigeant la sainteté
de tous. Pour Augustin lui-même, le problème sera en fin de compte dépassé par sa
vision de la grâce, qui sauve des homme de toutes sortes, y compris ceux qui, tels le
bon larron (quaest. Simpl. 1,2,14–19), n’ont jamais vécu comme des spirituels.
n’a pas dit qu’il avait offert le mouton du pauvre voisin pour le festin de son roi,
mais de son hôte] (doctr. christ. 3,71). Mais quand il prêche la pénitence, la faute
prend de nouveau toute son ampleur : Intuere David regem: iam utique et ipse illius
temporis sacramenta perceperat, iam utique circumcisus erat, quod patres nostri pro
baptismo habebant … Iam etiam unctus erat unctione venerabili, qua ‘regale sacerdo-
tium’ [1 Petr. 2,9] praefigurabatur ecclesiae. Repente autem factus et adulterii et ho-
micidii reus, non frustra tamen de tam immani et abrupto profundo sceleris paenitens
clamavit ad Dominum [Regarde le roi David : lui aussi, assurément, avait déjà reçu
les sacrements de cette époque ; assurément, il avait déjà été circoncis, ce que nos
pères faisaient à la place du baptême … De plus, il avait déjà été oint de l’onction
vénérable, par laquelle était préfiguré le ‘sacerdoce royal’ de l’Église. Mais, quand il
est devenu tout d’un coup coupable d’adultère et d’homicide, ce n’est pas en vain,
cependant, que, du gouffre si énorme et si abrupt de son crime, le pénitent a crié
vers le Seigneur] (serm. 351,12) ; multi enim cadere volunt cum David, et nolunt sur-
gere cum David [Nombreux, en effet, sont ceux qui veulent tomber avec David, et ne
veulent pas s’élever avec David] (in psalm. 50,3).
Si David pécheur repenti a un équivalent dans le Nouveau Testament, c’est
Pierre, dans son reniement du Christ. Il ne figure pas dans l’Inchoata expositio. Mais
dans serm. 71, on ne retrouve plus David, et Pierre, pour ainsi dire, a pris sa place :
‘Dico autem vobis, quicumque confessus fuerit me coram hominibus, et filius hominis
confitebitur in illo coram angelis Dei. Qui autem negaverit coram hominibus, denega-
bitur coram angelis’. Et ne ex hoc apostoli Petri desperaretur salus, qui eum coram
hominibus ter negavit, continuo subiecit: ‘Et omnis qui dicit verbum in filium hominis,
remittetur illi. Ei autem qui in Spiritum sanctum blasphemaverit, non remittetur’ [Lc.
12,8–10], illa scilicet blasphemia cordis impaenitentis, qua resistitur remissioni pecca-
torum, quae fit in ecclesia per Spiritum sanctum. Quam blasphemiam Petrus non
habuit, quem mox paenituit quando amare flevit [‘Mais je vous le dis, quiconque
m’aura confessé devant les hommes, le fils de l’homme confessera aussi pour lui
devant les anges de Dieu. Mais celui qui [me] reniera devant les hommes sera renié
devant les anges’. Et pour que l’on ne désespérât pas pour autant du salut de
l’apôtre Pierre, qui l’avait renié trois fois devant les hommes, il ajouta ensuite : ‘Et
quiconque dit une parole contre le fils de l’homme, il lui sera pardonné. Mais pour
celui qui aura blasphémé contre l’Esprit Saint, il ne lui sera pas pardonné’. Il s’agit
du blasphème d’un cœur impénitent, par lequel on résiste au pardon des péchés,
qui se fait dans l’Église par l’Esprit Saint. Pierre n’eut pas ce blasphème : il fit bien-
tôt pénitence, quand il pleura amèrement] (serm. 71,34 ; voir aussi Pierre associé à
David en serm. 351,12).
lors de l’acte de contrition dans la messe, ou en récitant le Pater], quae iam in bap-
tismo nisi dimissa credimus, de ipsa fide dubitamus. Sed utique de quotidianis pecca-
tis hoc dicimus, pro quibus etiam sacrificia eleemosynarum, ieiuniorum, et ipsarum
orationum ac supplicationum quisque pro suis viribus offerre non cessat [En effet,
nous ne demandons pas que l’on nous pardonne les [offenses] que nous devons
croire avoir déjà été remises dans le baptême – autrement, nous douterions de la foi
elle-même. Mais nous disons cela, évidemment, des péchés quotidiens, pour les-
quels chacun, selon ses forces, ne cesse d’offrir aussi des sacrifices d’aumônes, de
jeûnes, et justement de prières et de supplications].
quemquam beatum esse posse, qui quod vult non habet; neque omnem qui quod vult
habet, beatum esse [Nous sommes d’accord que personne ne peut être heureux, qui
n’a pas ce qu’il veut, et que tous ceux qui ont ce qu’ils veulent ne sont pas heureux]
(beat. vit. 10) ; sed illud videte, utrum quomodo verum est quod omnis egens miser sit,
ita sit verum quod omnis miser egeat [Mais voyez ceci : est-ce que, tout comme il est
vrai que tout homme en manque de quelque chose est misérable, de même il est vrai
que tout homme misérable est en manque de quelque chose ?] (beat. vit. 22 ; voir
aussi 29) ; ita fit ut omne punctum etiam signum sit, non autem omne signum punctum
videatur [Ainsi se fait-il que tout point est aussi un signe, mais tout signe ne semble
pas être un point] (quant. anim. 18) ; si enim me rogares quid esset homo, et eum hoc
modo definirem, ‘homo est animal mortale’; non continuo quia verum dictum est,
etiam definitionem probare deberes, sed superposita ei particula, id est ‘omnis’, con-
vertere illam et intueri, utrum etiam conversa vera esset. Hoc est: utrum quemadmo-
dum verum est ‘omnis homo animal mortale est’, ita esset verum ‘omne animal mor-
tale homo est’ [En effet, si tu me demandais qu’est-ce que c’est qu’un homme, et je le
définissais comme suit : ‘l’homme est un animal mortel’, ce n’est pas forcément
parce que j’ai dit vrai que tu devrais aussi approuver la définition, mais [tu devrais]
ajouter une particule, à savoir ‘tout’, puis la retourner, et voir si elle est encore vraie,
une fois retournée. À savoir : est-ce que, tout comme ‘tout homme est un animal
mortel’ est vrai, ‘tout animal mortel est un homme’ serait également vrai ?] (quant.
anim. 47) ; quia verum est, cum dicimus: ‘si orator est, homo est’, ex qua propositione
si adsumamus: ‘non est autem orator’, non erit consequens cum intuleris ‘non est
igitur homo’ [Même si c’est vrai quand nous disons : ‘si c’est un orateur, c’est un
homme’, si, partant de cette proposition, nous ajoutons : ‘mais ce n’est pas un ora-
teur’, il sera inconséquent pour toi de conclure : ‘donc, ce n’est pas un homme’]
(doctr. christ. 2,126 ; voir encore, pour les œuvres d’avant l’épiscopat, immort. 20 ;
lib. arb. 1,16 ; mus. 1,6 ; 3,4 ; mag. 9.39 ; de serm. dom. 1,60 ; divers. quaest. 34 ;
51,2 ; 74 ; in psalm. 1,3 ; 10,8). Pour la même matière que dans l’Inchoata expositio,
voir divers. quaest. 77 : Omnis autem passio, in quantum ipsa passione patimur, non
est peccatum. ‘Sic et si patimur timorem, non est peccatum’. Tamquam si diceretur: Si
bipes est, non est pecus. Si ergo propterea hoc non est consequens, quia multa sunt
pecora bipedia, propterea et illud non est consequens, quia multa sunt peccata quae
patimur [Et toute affection, dans la mesure où nous sommes affectés par l’affection
elle-même, n’est pas un péché. ‘Et ainsi, si nous sommes affectés par la peur, ce
n’est pas un péché’. C’est comme si l’on disait : si c’est un bipède, ce n’est pas un
animal. Si donc cette [proposition] n’est pas conséquente, parce qu’il y a beaucoup
d’animaux bipèdes, de même cette autre n’est pas conséquente, parce qu’il y a
beaucoup de péchés par lesquels nous sommes affectés]. Et Augustin avait déjà
employé cette distinction syllogistique dans l’exégèse paulinienne, dans un passage
qui anticipe une des clefs de voûte de sa doctrine de la prédestination : Quod autem
ait ‘quos vocavit, ipsos et iustificavit’ [Rom. 8,30], potest movere et quaeri, utrum
omnes, qui vocati sunt, iustificentur. Sed alibi legimus: ‘Multi vocati, pauci autem
366 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
electi’ [Mt. 22,14]. Tamen quia ipsi quoque electi utique vocati sunt, manifestum est
non iustificatos nisi vocatos, quamquam non omnes vocatos sed eos, qui ‘secundum
propositum vocati sunt’ [Rom. 8,28] [Quand il dit ‘ceux qu’il a appelés, ils les a aussi
justifiés’, cela peut nous troubler, et soulever la question : est-ce que tous ceux qui
ont été appelés sont justifiés ? Mais nous lisons ailleurs : ‘Beaucoup sont appelés,
mais peu sont choisis’. Cependant, puisque les élus eux aussi ont certainement été
appelés, il est clair que seuls les appelés sont justifiés, bien que ce ne soit pas tous
les appelés, mais ceux ‘qui ont été appelés selon son dessein’] (in Rom. 47).
Comme le remarque RING (n. à 19,7), l’exemple employé ici est « etwas ver-
unglückt ». Il eût été plus simple de dire « tout humain [= celui qui a scientia verita-
tis] est bipède [= baptisé], mais tout bipède n’est pas humain ».
Pour les sources du texte augustinien, et de son exégèse, voir n. à. 18,2. Augustin
choisit de commenter les deux versets qui précèdent Hebr. 6,4–6, puisque ce sont
eux qui, selon lui, indiquent clairement le sens des passages controversés de
l’épître. Hebr. 6,4–6 eux-mêmes ne sont jamais cités dans le corpus augustinien
(voir VetLat 25 ad loc.). Par contre, Augustin réemploie Hebr. 6,1s. en conf. 13,28 ;
fid. et op. 17 (voir aussi 28 ; 31 ; 33) ; in euang. Ioh. 98,5, comme ici, pour distinguer
entre baptême et catéchèse. Voir aussi Jean Chrysostome sur ces versets : Εἰ μὲν γὰρ
ἐπιδείξεως ἦν ἡμῖν ὁ λόγος καὶ φιλοτιμίας, ἐχρῆν ἀεὶ μεταπηδᾷν καὶ μεταβαίνειν,
Commentaire | 367
οὐδὲν φροντίζοντας ὑμῶν ἕνεκεν, ἀλλὰ τῶν κρότων μόνον τῶν παρ’ ὑμῶν· ἐπειδὴ
δὲ οὐ πρὸς τοῦτο τὴν σπουδὴν ἐθέμεθα, ἀλλὰ πάντα ὑπὲρ τῆς ὠφελείας ἡμῖν
πονεῖται τῆς ὑμετέρας, οὐ παυσόμεθα περὶ τῶν αὐτῶν ὑμῖν διαλεγόμενοι, ἕως ἂν
αὐτὰ κατορθώσητε [Si je faisais un discours ambitieux de parade, il faudrait faire
sans cesse sauts et virages, ne songeant nullement à vous, mais seulement à vos
applaudissements. Mais, comme ce n’est pas pour cela que je me donne du mal,
mais ce labeur est entièrement pour votre bien, je ne cesserai pas de vous parler des
mêmes choses, jusqu’à ce que vous les corrigiez] (hom. in Heb. 9,1 [PG 63, 75s.]).
Il y a en effet deux raisons pour répéter les enseignements élémentaires de la ca-
téchèse. D’abord, les fidèles auront encore besoin d’en approfondir leur connais-
sance : Est autem catholica fides in symbolo nota fidelibus, memoriaeque mandata,
quanta res passa est brevitate sermonis, ut incipientibus atque lactantibus, eis qui in
Christo renati sunt, nondum scripturarum divinarum diligentissima et spiritali tracta-
tione atque cognitione roboratis, paucis verbis credendum constitueretur, quod multis
verbis exponendum esset proficientibus, et ad divinam doctrinam certa humilitatis
atque caritatis firmitate surgentibus [Or, la foi catholique est connue des fidèles, et
commise à la mémoire, par le Symbole, dans le mesure où la matière l’admet, vu la
brièveté du texte. Ainsi, pour les débutants et ceux qui sont [encore] au sein, pour
ceux qui sont renés dans le Christ, [mais] ne sont pas encore fortifiés par l’étude et la
connaissance très diligentes et spirituelles des Écritures divines, on a défini avec
peu de mots ce qu’il faut croire. Cela sera à expliquer avec beaucoup de mots pour
ceux qui progressent, et qui s’élèvent jusqu’à l’enseignement divin, dans la fermeté
sûre de l’humilité et de la charité] (fid. et symb. 1). De plus, leur enthousiasme pour
les vérités de la foi, et pour la vie morale, aura toujours besoin de ravitaillement : Si
vero qui audiunt movendi sunt potius quam docendi, ut i n e o q u o d i a m s c i u n t
agendo non torpeant et rebus assensum quas veras esse fatentur accommodent, maio-
ribus dicendi viribus opus est. Ibi obsecrationes et increpationes, concitationes et
coercitiones et quaecumque alia valent ad commovendos animos, sunt necessaria
[Mais s’il faut émouvoir, plutôt qu’enseigner, ceux qui écoutent, pour qu’ils ne lan-
guissent pas en mettant en œuvre c e q u ’ i l s s a v e n t d é j à , et qu’ils donnent leur
assentiment aux choses qu’ils admettent être vraies, il faut des ressources
d’éloquence plus importantes. C’est alors que sont nécessaires les suppliques et les
reproches, les encouragements et les réprimandes, et tout ce qu’il y a d’autre, qui
sert à remuer les esprits] (doctr. christ. 4,15).
Les sermons d’Augustin sont un vaste témoignage de sa propre dévotion à ce
programme d’enseignement constant des vérités fondamentales et de rappels inces-
sants à la vertu. On peut en dire autant des homélies de Jean Chrysostome. Contras-
tons une remarque d’Origène sur Hebr. 6,1 : Absit ut aliquis in ecclesia sit qui de-
hortatoriis a fornicatione indigeat sermonibus … Omnis sermo qui praecepit ‘non
fornicaberis, non adulterabis, non furaberis’ non est ‘solida esca’ sed quasi ‘lac’
[Hebr. 5,12] praebetur infantibus. Athletarum cibus est de omnipotenti Deo, de myste-
riis eius, quae tecta sunt et latenter in scripturis significata … Et quoniam moralis
368 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
locus lac sit, apostolus docet, cum iam aliqua de lacte dixisset, addens ‘non rursum
iacientes fundamentum paenitentiae ab operibus mortuis’ [Plaise au ciel qu’il n’y ait
personne dans l’Église qui aurait besoin de sermons pour le détourner de la fornica-
tion … Tout sermon qui enseigne ‘tu ne forniqueras pas, tu ne commettras pas
l’adultère, tu ne voleras pas’ n’est pas la ‘nourriture solide’, mais s’offre comme du
‘lait’ aux bébés. La nourriture des athlètes a trait au Dieu tout-puissant [et] à ses
mystères, qui sont cachés et indiqués secrètement dans les Écritures … Et que la
matière morale, c’est du lait, l’apôtre l’enseigne, quand, après avoir dit quelque
chose sur ce lait, il ajoute ‘sans jeter une seconde fois la fondation de la pénitence
des œuvres mortes’] (Hier. hom. Orig. in Ezech. 7,10). Ce contraste se reflète dans la
pratique : là où les sermons d’Augustin ou de Chrysostome sont des exhortations
brûlantes à un peuple de pécheurs, ceux d’Origène (qui, rappelons-le, ne fut jamais
évêque) sont des cours paisibles d’exégèse allégorique, où l’on entrevoit à peine
l’existence d’un public.
loc. ; Jo. 13,57,392 ; comm. in Rom. 8,11,5–8 ; d’autres références à SChr 385, 28) est
bien étrangère à la pensée d’Augustin, pour qui cette phrase indique le nouveau
peuple élu, qui ne comporte qu’une partie de l’ancien : ‘Caecitas ex parte in Israel
facta est, donec plenitudo gentium intraret et sic omnis Israhel salvus fieret’. ‘Ex parte’
dixit, quia non omnes excaecati sunt; erant enim ex illis, qui Christum cognoverunt.
Plenitudo autem gentium in his intrat, qui ‘secundum propositum vocati sunt’ [Rom.
8,28]. ‘Et sic omnis Israel salvus fiet’, quia et ex Iudaeis et ex gentibus, qui ‘secundum
propositum vocati sunt’, ipsi verius sunt Israel [‘L’aveuglement est survenu pour une
partie d’Israël, jusqu’à ce qu’entrât la plénitude des gentils, et qu’ainsi tout Israël
fût sauvé’. Il dit ‘pour une partie’ parce que tous n’ont pas été aveuglés. Il y en eut
en effet parmi eux qui reconnurent le Christ. Et la plénitude des gentils entre dans
ceux qui ‘ont été appelés selon le dessein’. ‘Et ainsi tout Israël sera sauvé’, parce que
ceux d’entre les Juifs et les gentils qui ‘ont été appelés selon le dessein’, ce sont eux
qui sont plus véritablement Israël] (epist. 149,19). Voir aussi, avec tout de même des
indications d’un renversement partiel à la fin des temps, quaest. euang. 2,33,5, sur
le fils prodigue, symbole des gentils : le père sort pour inviter le fils aîné, qui repré-
sente les Juifs, au repas. Cela semble cependant représenter non pas le salut assuré
des Juifs, mais seulement un appel final (vocatio) de Dieu vers eux : Cum ergo pleni-
tudo gentium intraverit, egredietur opportuno tempore pater eius, ut etiam omnis
Israel salvus fiat, cui ex parte caecitas facta est velut absenti in agro, donec plenitudo
filii minoris longe in idolatria gentium constituti redux ad manducandum vitulum
intraret. Erit enim quandoque aperta vocatio Iudaeorum in salutem evangelii. Quam
manifestationem vocationis tamquam egressum patris appellat ad rogandum maio-
rem filium [Donc, quand la plénitude des gentils sera entrée, son père sortira, au
temps opportun, pour que tout Israël soit aussi sauvé, pour une partie duquel
l’aveuglement est survenu, comme s’il était absent dans le champ, jusqu’à ce que la
plénitude du fils cadet, établi au loin dans l’idolâtrie des gentils, fût reconduite pour
manger le veau, et soit entrée. Il y aura en effet un jour un appel ouvert aux Juifs
[pour entrer] dans le salut de l’Évangile. C’est la révélation de cet appel qu’il décrit
comme la sortie du père pour appeler son fils cadet]. Mais libre au fils aîné d’écouter
l’appel ou pas : l’Évangile n’affirme pas qu’il soit entré. Cependant, A. MASSIE (De
« l’espérance cachée » à la « plénitude de la foi » : Le salut d’Israël, figure de la fin
des temps, selon Augustin ?, dans : L’exégèse patristique de Romains 9–11, Paris
2007, 149–165), veut voir dans ce passage une affirmation claire de l’ « espérance du
salut d’Israël à la fin des temps » (162). Il admet que « une affirmation de ce type ne
se retrouve pas ensuite » (162), mais prétend néanmoins identifier dans civ. 20,29s.
une nouvelle « affirmation claire de la conversion du peuple juif » (164), évangélisé
à la fin des temps par Hélie. En fait, dans civ., cette conversion est limitée à la géné-
ration de Juifs qui sera en vie lors de la venue d’Hélie : Paenitebit quippe Iudaeos in
die illa, etiam eos qui accepturi sunt Spiritum gratiae et misericordiae, quod in eius
passione insultaverint Christo, cum ad eum aspexerint in sua maiestate venientem
eumque esse cognoverint, quem prius humilem in suis parentibus inluserunt; quamvis
370 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
et ipsi parentes eorum tantae illius impietatis auctores resurgentes videbunt eum, sed
puniendi iam, non adhuc corrigendi [Assurément, les Juifs se repentiront ce jour-là,
même ceux qui vont accueillir l’Esprit de grâce et de miséricorde, parce qu’ils ont
insulté le Christ lors de sa passion, quand ils auront regardé vers lui alors qu’il vien-
dra dans sa majesté, et auront reconnu que c’est celui qu’ils avaient auparavant
raillé [quand il était] humble, en [la personne de] leurs parents – bien que leurs
parents, eux aussi, les responsables de cette si grande impiété, le verront en ressus-
citant, mais ce sera désormais pour être punis, et non plus pour être corrigés] (civ.
20,29s.). Si Augustin avait enseigné – surtout dans civ. – la possibilité du salut de
t o u s les Juifs, l’histoire du peuple juif en Occident, dans les siècles à venir,
n’aurait-elle pas été moins douloureuse ?
autres Juifs aussi ? Parce que ce n’est pas par ignorance, mais tout pleins de con-
naissance et de savoir, qu’ils faisaient ce qu’ils faisaient].
20,5 Et tamen
Le développement prend une tournure imprévue. On s’attend à ce qu’Augustin dise
que leur ignorance absout les Juifs du blasphème contre l’Esprit Saint. Il va dans
une certain mesure conclure le contraire : voir n. à 21,1s.
20,5 malevolentiae
Le mot serait-il emprunté à l’Ambrosiaster (loc. cit. n. à 20,5, quomodo poterant),
dont Augustin se rapproche (voir n. suivante et n. à 18,14s. ; 22,1) ? Augustin em-
ploie malevolentia 35 fois dans son œuvre, mais il ne l’applique qu’une fois ailleurs
aux Juifs, dans un passage qui fait écho au nôtre, puisqu’il commente le faux témoi-
gnage (cf. falsos testes, 20,5) contre Jésus en Mt. 26,61 : Et sacramenta de latere tuo
defluunt; deponeris de ligno, involveris linteaminibus, poneris in sepulcro, adduntur
custodes ne tollant te discipuli tui; venit hora resurrectionis tuae, terra concutitur,
monumenta scinduntur, resurgis occultus, appares manifestus. Ubi sunt ergo illi men-
daces? Ubi est falsum testimonium m a l e v o l e n t i a e ? [Et les sacrements coulent de ta
côte ; tu es déposé du bois ; tu es enveloppé de linges ; tu es placé dans un sépulcre ;
on ajoute des gardes, de peur que tes disciples ne t’enlèvent ; l’heure de ta résurrec-
tion arrive ; la terre tremble ; les tombeaux se fendent ; tu resurgis en secret ; tu
apparais ouvertement. Où sont donc ces menteurs ? Où est le faux témoignage de
leur m a u v a i s e v o l o n t é ?] (in psalm. 65,7).
de voir que tout les §16–19 vont dans le sens contraire. Seul est impardonnable qui
ne veut pas le pardon (22,3s.) : quel rapport entre cette formule et la connaissance ?
De plus, quand Augustin reprend la question du péché contre l’Esprit Saint dans le
serm. 71, la connaissance n’y joue aucun rôle, et, en désignant surtout la persistance
dans le Donatisme comme exemple de ce péché, ce sermon en rend coupable des
hommes qui étaient par définition dans une ignorance relative (voir n. à 16,7, postea
negligenter), et n’avaient pas reçu l’Esprit dans leur église (voir n. à 18,7, ipsum Spiri-
tum et serm. 71,32.37).
Reconnaissons donc qu’Augustin s’est simplement embrouillé quelque peu
dans son argument, ce qui n’a rien d’impensable (voir n. à 7,1–5). D’ailleurs il
semble le reconnaitre lui-même, en rendant explicite dans d’autres textes sur le
blasphème contre l’Esprit un point qui reste toujours implicite dans l’Inchoata ex-
positio : Intellegant ergo non o m n e sed a l i q u o d significatum esse peccatum in Spiri-
tum sanctum, quod omnino non remittetur [Qu’ils comprennent donc que ce n’est pas
t o u t péché mais un c e r t a i n [péché] contre l’Esprit Saint dont il est indiqué qu’il ne
sera absolument pas pardonné] (epist. 185,49) ; admoneo non dixisse Dominum
‘o m n i s blasphemia spiritus non remittetur’, neque dixisse ‘qui dixerit q u o d c u m q u e
verbum contra Spiritum sanctum, non remittetur ei’, sed ‘qui dixerit v e r b u m ’ [Je vous
signale que le Seigneur n’a pas dit ‘t o u t blasphème contre l’Esprit ne sera pas par-
donné’, et qu’il n’a pas dit, non plus, ‘qui a dit une parole, q u e l l e q u ’ e l l e s o i t ,
contre l’Esprit Saint, il ne lui sera pas pardonné’, mais ‘qui a dit une parole’] (serm.
71,9. Les §10–17 sont ensuite consacrés à justifier cette distinction, avec de multiples
exemples scripturaires : Augustin aurait jugé que c’est cette distinction, plutôt que
son approche dans l’Inchoata expositio, qui permet d’expliquer clairement com-
ment les pharisiens ont pu blasphémer contre l’Esprit Saint sans commettre
l’impardonnable).
21,2–7 quibus invidet … quia invidet … edomita invidia … per invidiam … non
erat invidus … invidia agentes
Pour l’invidia chez Augustin, voir AugLex s.v., avec n. 24 pour d’autres passages où,
dans la lignée de Mt. 27,18, il applique le mot à l’attitude des Juifs envers Jésus (mais
la référence à coll. c. Don. 3,11 est à corriger). Dans cet article, C. Oser-Grote fournit
pourtant des informations incomplètes en affirmant, avec référence à de serm. dom.
1,75, que pour Augustin, « wer ‘per malitiam et inuidiam’ die brüderliche Liebe ver-
letzt begeht eine weder jetzt noch künftig vergebbare Sünde ». L’assocation entre
invidia, le blasphème contre l’Esprit Saint, et les pharisiens vient effectivement de
de serm. dom. 1,73–75, mais, comme nous l’avons vu (n. à 14,1, Le blasphème ; 16,7,
postea negligenter), Augustin modifiera rapidement le point de vue qu’il exprime
dans ce passage. Il faut donc voir dans l’importance donnée ici à l’invidia une re-
tractatio du rôle qui lui est attribué dans de serm. dom. Toutefois, même dans ce
premier texte, Augustin n’avait pas conclu que l’invidia des pharisiens était suffi-
sante pour les condamner (voir n. à 22,4–23,7).
Commentaire | 375
21,3 verumtamen si …
Un verbe conjugué fait défaut dans la protase de cette phrase longue et lâche. Il faut
y voir une petite imprécision syntactique de l’auteur, et non pas chercher à corriger.
nouvelles idées d’Augustin sur la grâce (voir n. à 15,6, etiam Paulus). Il est ensuite
employé en lib. arb. 3,51 (sur le péché dans l’ignorance ; voir n. à 16,2) ; fid. et op. 47
(nécessité du repentir avant le baptême) ; c. mend. 9 (exemple concret dans le sens
de l’Inchoata expositio : Priscillianistes devenus Catholiques). Mais une seule fois,
en virg. 37, Augustin suggère qu’il y a un groupe de chrétiens pour lesquels Paul
repenti ne sert pas de modèle : Sed respice [Augustin s’adresse au Christ] agmina
virginum, puerorum puellarumque sanctarum. In ecclesia tua eruditum est hoc genus;
illic tibi a maternis uberibus pullulavit, in nomen tuum ad loquendum linguam solvit,
nomen tuum velut lac infantiae suae suxit infusum. Non potest quisquam ex hoc nume-
ro dicere: ‘Qui prius fui blasphemus et persecutor et iniuriosus, sed misericordiam
consecutus sum, quia ignorans feci in incredulitate’ [Mais tourne-toi vers les rangs de
vierges, de garçons et de filles saints. Cette race a été élevée dans ton Église. Elle
s’est accrue pour toi dès le sein maternel. Elle a délié sa langue pour dire ton nom.
Elle a tété ton nom comme le lait versé sur son enfance. Nul de ce nombre ne peut
dire : ‘Moi qui fus auparavant un blasphémateur et un persécuteur et un insolent,
mais j’ai accédé à la miséricorde, parce que j’ai agi en ignorant dans l’incrédulité’].
C’est dire la valeur énorme qu’Augustin, qui tend généralement à voir tous les
hommes comme de grands pécheurs, attribue à la continence sexuelle (voir n. à
18,12, mais aussi les réflexions modérées de BROWN, Augustine, 500–502).
Le texte d’Augustin est plus correct, puisque odibilis n’apparait pas en latin clas-
sique, en dehors d’un fragment d’Accius (voir ThLL s.v.), et la forme participiale
odiens est aussi très rare avant l’ère chrétienne (voir ThLL s.v.). Tel quel, ce texte est
d’ailleurs attesté seulement par Augustin lui-même (voir VetLat 25 ad loc., et pour la
latinité de son texte, ibid. 153).
Ce verset revient beaucoup moins souvent chez Augustin que 1 Tim. 1,13. En de-
hors des passages où les deux sont combinés (voir n. précédente), Augustin
l’applique à Paul en c. Pelag. 1,15 ; grat. 12 et serm. 71,3 (encore un parallèle avec
l’Inchoata expositio). Une fois, rassurant une communauté rendue inquiète par les
railleries des Donatistes, il se l’applique à lui-même : Vident enim in causa se nihil
habere, et linguas convertunt in nos, et incipiunt de nobis dicere mala, multa quae
sciunt, multa quae nesciunt. Quae sciunt, praeterita nostra sunt: ‘Fuimus enim ali-
quando’, sicut dicit apostolus, ‘stulti et increduli’, ‘et ad omne opus bonum reprobi’
378 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
[Tit. 1,16]. In errore perverso desipientes et insanientes fuimus, non negamus; et quan-
tum praeteritum nostrum non negamus, tanto magis Deum qui nobis ignovit, lauda-
mus [Ils voient en effet que leur cause est sans valeur, et tournent leurs langues
contre nous, et ils commencent à dire du mal de nous : beaucoup de choses qu’ils
connaissent, beaucoup qu’ils ne connaissent pas. Ce qu’ils connaissent, c’est notre
passé. ‘En effet, nous étions autrefois’, comme le dit l’apôtre, ‘sots et incrédules’, ‘et
rebelles envers toute bonne œuvre’. Dans notre erreur détraquée, nous étions sots et
fous – nous ne le nions pas – et si nous ne nions pas notre passé, c’est d’autant plus
que nous louons Dieu, qui nous a pardonné] (in psalm. 36,3,19).
Mais Tit. 3,3 était bien moins apte que 1 Tim. 1,13 à rappeler les péchés et la pé-
nitence de Paul, parce que, dans Tit. 3,2–7, l’apôtre semble parler moins de ses
propres péchés que de l’état général de l’humanité pré-chrétienne. Ainsi, l’Ambrosi-
aster écrit sur Tit. 3,3 : Haec bona quae incredulitas non habet christianis data memo-
rat [Il dit que ces biens que l’incrédulité ne possède pas ont été donnés aux chré-
tiens] (in Tit. 3,3), et on trouve des explications similaires chez Jean Chrysostome
(hom. in Tit. 5,3 [PG 62, 691s.]) et Théodore de Mopsueste (in Tit. 3,3–7, éd. H. B.
SWETE, Cambridge 1882). L’interprétation d’Origène (Rufin. Orig. in Ios. 5,6), est plus
proche de celle d’Augustin, puisqu’il voit bien dans le verset une référence person-
nelle à Paul. Mais il objecte la justice de Paul : Quis erit similis Paulo etiam secundum
legis observantiam ? Audi denique ipsum dicentem: ‘secundum iustitiam quae in lege
est, conversatus sine querela’ [Phil. 3,6] [Qui sera pareil à Paul, même pour
l’observation de la Loi ? Écoute-le enfin quand il dit lui-même : ‘selon la justice qui
est dans la Loi, j’ai agi sans tort’]. Il conclut donc lui aussi que Paul parle d’un péché
général : Omnes homines, etiamsi ex lege veniant, etiamsi per Moysen eruditi sint,
habent tamen ‘opprobrium Aegypti’ [Ios. 5,9] in semetipsis, opprobrium peccatorum
[Tous les hommes, même s’ils viennent de la Loi, même s’ils ont été enseignés par
Moïse, ont néanmoins l’opprobre de l’Égypte à l’intérieur d’eux – l’opprobre des
péchés]. Jérôme suit Origène en notant la justice de Paul sous la Loi. Cependant,
comme Augustin (dont il est peut-être la source ici), il applique le verset spécifi-
quement à Paul, mais seulement après la venue du Christ : An non nobis videtur
Paulus fuisse stultus, quando habebat ‘zelum Dei, sed non secundum scientiam’ [Rom.
10,2], et persequebatur ecclesiam, et lapidantium Stephanum vestimenta servabat?
Cum in tantum odii contra salvatorem instigatus exarserat, ut litteras a sacerdotibus
acciperet, pergens Damascum ad eos qui in Christum crediderant vinciendos? … Quae
autem maior potest esse malitia et invidia, quam contra absentes epistolas sumere, et
ubique Christi vastare discipulos, nolle ipsum salvum fieri, et ceteris qui salvi esse
poterant, invidere, odisse christianos et consequenter ab omnibus odium promereri?
Quis autem maior error et inobedientiae vecordia, quam, postquam respiravit dies, et
praeterierunt umbrae [Cant. 2,17], legem abolitam velle servare? [Ou bien, est-ce que
Paul ne nous semble pas avoir été un sot, quand il avait ‘le zèle de Dieu, mais non
pas selon la connaissance’, et quand il persécutait l’Église, et gardait les vêtements
de ceux qui lapidaient Étienne ? Quand, une fois provoqué, il avait brûlé de tant de
Commentaire | 379
haine contre le Sauveur, qu’il reçût des lettres des prêtres, allant à Damas pour en-
chainer ceux qui avaient cru au Christ ? … Peut-il y avoir malice [et] jalousie plus
grandes que de prendre des lettres contre des hommes absents, et détruire partout
les disciples du Christ ; de ne pas vouloir être sauvé soi-même, et être jaloux des
autres qui pouvaient être sauvés ; de haïr les chrétiens et mériter de la sorte la haine
de tous ? Y a-t-il erreur et désobéissance et folie plus grandes que de vouloir préser-
ver la Loi abolie, après que le jour a respiré et les ombres sont parties ?] (in Tit. 3,3).
Enfin, chez Théodoret de Cyr, on trouve un compromis plein de bon sens, mais qui
n’a pas la force rhétorique de l’interprétation augustinienne : ἑαυτὸν μέντοι συν-
έταξεν ὁ θεῖος ἀπόστολος, οὐχ ὡς ἅπασι τοῖς ἐγκλήμασιν ὑποκείμενον, ἀλλ’ ὡς
διώκτην γεγενήμενον. οὐδὲ γὰρ τοῖς ἄλλοις πᾶσι πάντες ὑπέκειντο· ἀλλ’ οἱ μὲν τόδε
ἦσαν, οἱ δὲ τόδε· ἀλλ’ ὁμῶς τῆς σωτηρίας ἀπήλαυσαν [Le divin apôtre s’est inclus
lui-même : non pas dans le sens qu’il mérite tous les reproches, mais parce qu’il fut
persécuteur. De même, tous ne méritent pas tous les autres [reproches], mais les uns
étaient une chose, les autres une autre. Mais ils ont [tous] néanmoins bénéficié du
salut] (in Tit. 3,3 [PG 82, 868]).
22,1 christianitati
Christianitas est un mot rare chez Augustin, de même que christianismus (seulement
dans les citations de Faustus en c. Faust. 13,1 et de Porphyre en civ. 19,23) : Augustin
380 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
mêlent pour expliquer l’impénitence, mais le désespoir est pour lui l’élément prin-
cipal.
L’exemple biblique majeur de ce désespoir est Judas : Iudam traditorem non tam
scelus quod commisit, quam indulgentiae desperatio fecit penitus interire. Non erat
dignus misericordia. Ideo ei non fulsit lumen in corde, ut ad eius indulgentiam concur-
reret quem tradiderat, sicut illi qui eum crucifixerant [Act. 2,37]. Sed desperando se
occidit, et laqueo suspendit se, suffocavit se. Quod fecit in corpore suo, hoc factum est
in anima ipsius. Spiritus enim dicitur etiam iste ventus aeris huius. Quomodo ergo qui
sibi collum ligant, inde se occidunt, quia non ad eos intrat spiritus aeris huius, sic illi
qui desperant de indulgentia Dei, ipsa desperatione intus se suffocant, ut eos Spiritus
sanctus visitare non possit [Pour le traître Judas, ce n’est pas tant le crime qu’il
commit, mais son désespoir du pardon, qui l’a entièrement détruit. Il n’était pas
digne de miséricorde. C’est pourquoi la lumière n’a pas brillé dans son cœur, pour
qu’il courût vers le pardon de celui qu’il avait trahi, comme [l’ont fait] ceux qui
l’avaient crucifié. Mais il se tua par désespoir, et il se pendit avec une corde ; il
s’étouffa. Ce qu’il a fait dans son corps, la même chose s’est faite dans son âme. En
effet, on appelle aussi ‘esprit’ le vent dans cet air [qui nous entoure]. Donc, tout
comme ceux qui s’attachent le cou se tuent de cette façon, puisque l’esprit de cet air
n’entre pas en eux, de même, ceux qui désespèrent du pardon de Dieu s’étouffent
intérieurement par ce même désespoir, et ainsi l’Esprit Saint ne peut venir en eux]
(serm. 352,8). Mais on ne trouve pas dans l’Inchoata expositio la notion terrifiante
que Dieu abandonne certains au désespoir parce qu’ils ne méritent pas la grâce qui
permet le repentir.
Une exégèse positive sur les deux arbres n’appartient pas seulement aux dis-
cussions sur le pardon, mais aussi aux polémiques anti-manichéennes sur la liberté.
Les Manichéens en effet voyaient dans les deux arbres les deux types de nature
humaine, découlant des deux principes à l’œuvre dans l’univers : Sed ut intellegas
istas duas arbores sic esse a Domino positas, ut ibi significaretur liberum arbitrium,
non naturas esse istas duas arbores, sed voluntates nostras, ipse ait in evangelio: ‘Aut
facite arborem bonam, aut facite arborem malam’. Quis est qui possit facere naturam?
Si ergo imperatum est nobis ut faciamus arborem aut bonam aut malam, nostrum est
eligere quod velimus [Mais, pour que tu comprennes que ces deux arbres furent indi-
qués par le Seigneur pour signifier ici le libre arbitre, [et] que ces deux arbres ne
sont pas des natures, mais nos volontés, il dit lui-même dans l’Évangile : ‘Ou bien
faites un bon arbre, ou bien faites un mauvais arbre’. Qui est-ce qui pourrait faire
une nature ? Si donc il nous est commandé de faire un arbre soit bon soit mauvais, il
nous appartient de choisir ce que nous voulons] (c. Fort. 22 ; pour les parallèles voir
AugLex s.v. arbor, n. 43, et J. KEVIN COYLE, Good Tree, Bad Tree : The Matthean /
Lucan paradigm in Manichaeism and its opponents, dans : L. DITOMMASO – L.
TURCESCU [éds.], The Reception and Interpretation of the Bible in Late Antiquity,
Leiden 2008, 121–144 = J. KEVIN COYLE, Manichaeism and Its Legacy, Leiden 2009,
65–88). Et les Donatistes eux aussi avaient une interprétation particulière des deux
arbres : ils représentaient les deux églises, dont seule la donatiste avait un baptême
valable (voir AugLex s.v. arbor, n. 45). Contre cette exégèse, Augustin affirme de
nouveau qu’en désignant les deux arbres et leurs fruits, le Christ ne fait qu’affirmer
la possibilité du choix moral chez l’individu.
Pour un point de vue inverse à celui d’Augustin sur les pharisiens, voir les exé-
gèses anti-juives citées dans n. à 14,1, Le blasphème ; 20,5, quomodo poterant, et
Athanase, Epistulae ad Serapionem, 4,5 (voir aussi 9) : Οὐ διδάσκων ἁπλῶς ὁ κύριος
ἐλάλει ταῦτα οὐδὲ ἐπὶ μέλλουσι τὴν τιμωρίαν ἠπείλει, ἀλλ’ εὐθὺς αἰτιώμενος ἀλη-
θῶς τοὺς φαρισαίους ὡς ἤδη γενομένους ὑπευθύνους τῆς τηλικαύτης βλασφημίας
εἴρηκε τοῦτο τὸ ῥητὸν ὁ κύριος … ἐπὶ πολλαῖς δ’ οὖν πρότερον πλημμελείαις αἰτιώ-
μενος αὐτοὺς ὁ σωτήρ, ὅτε τὴν ἐντολὴν τοῦ Θεοῦ τὴν περὶ τῶν γονέων δι’ ἀργύριον
παρέβαινον [Mt. 15,3–7] καὶ τὰ τῶν προφητῶν παρεκρούοντο καὶ τὸν οἶκον τοῦ Θεοῦ
ἐποίουν οἶκον ἐμπορίου [Io. 2,16], ὅμως παρῄνει καὶ μετανοεῖν αὐτοῖς. ἐπὶ δὲ τῷ
λέγειν αὐτούς· ‘ἐν Βεελζεβοὺλ ἐκβάλλει τὰ δαιμόνια’, οὐκέτι ταύτην ἁμαρτίαν
ἁπλῶς, ἀλλὰ καὶ βλασφημίαν εἴρηκεν εἶναι τηλικαύτην, ὥστε ἄφυκτον καὶ ἀσύγ-
γνωστον εἶναι τὴν τιμωρίαν τοῖς τοιαῦτα τολμῶσιν [Ce n’était pas simplement pour
enseigner que le Seigneur disait cela, et ce n’était pas pour une éventualité future
qu’il faisait peser la menace de la punition. Mais c’était dans l’immédiat, blâmant
avec bonne cause les pharisiens, parce qu’ils s’étaient déjà rendus coupables d’un si
grand blasphème, que le Seigneur a dit cette parole … Donc, par avant, quand le
Seigneur les blâmait pour un nombre de fautes, quand ils enfreignaient le comman-
dement de Dieu sur les parents pour cause d’argent, et quand ils repoussaient les
[paroles] des prophètes, et quand ils faisaient de la maison du Seigneur une maison
Commentaire | 383
de commerce, il les exhortait néanmoins aussi à se repentir. Mais quand ils ont dit :
‘C’est dans Belzébul qu’il expulse les démons’, il n’a plus appelé cela simplement un
péché, mais aussi un blasphème si grand, que la punition est inévitable et irrémis-
sible pour ceux qui osent de tels actes]. En contraste, voir la tentative ingénieuse
pour conserver la possibilité d’une absolution des pharisiens chez Apollinaire de
Laodicée (apud REUSS, Matthäus-Kommentar, 21) : τὸ δὲ μήτε ἐπὶ τοῦ παρόντος
αἰῶνος μήτε ἐπὶ τοῦ μέλλοντος ἀφεθήσεσθαι τὴν κατὰ νόμον ἑρμηνεύει κρίσιν καὶ
τὴν μέλλουσαν. ὅτε γὰρ νόμος τὸν καταρώμενον Θεὸν θανατοῦσθαι κελεύει, καὶ ὁ
κύριος ἐπιψηφίζεται τῷ νόμῳ, συγγνώμην ἐπὶ τῷ τοιούτῳ μὴ διδούς. παρασεσιω-
πημένη δὲ ἐν τοῖς τοιούτοις ἡ διὰ βαπτίσματος ἄφεσις εἴη, ἐπεὶ μηδὲ καιρὸς ἦν πω
περὶ ταύτης Ἰουδαίοις διαλέγεσθαι· μεταξὺ γάρ πως εὑρίσκεται τῆς ἐν τῷ αἰῶνι
τούτῳ καὶ τῆς μελλούσης κατακρίσεως, ὅτι ὁ βαπτιζόμενος ἔξεισιν ἀπὸ τοῦ αἰῶνος
τούτου, καὶ μεταξύ πως τῆς παρούσης καὶ τῆς μελλούσης ζωῆς ἐξετάζεται, καὶ
οὕτως παραίτησιν τῆς ἐκ νόμου ἐξετάσεως ἴσχει κατὰ τὸν λέγοντα Παῦλον ‘Θεὸς ὁ
δικαιῶν· τίς ὁ κατακρινῶν;’ [Rom. 8,33] [Que cela ne sera pardonné ni dans le siècle
présent ni dans celui qui viendra, il l’interprète comme se référant au jugement
selon la Loi et au [jugement] futur. En effet, tant que la Loi ordonne de mettre à mort
celui qui maudit Dieu, le Seigneur donne lui aussi son appui à la Loi, n’accordant
nul pardon à un tel acte. Mais dans ces [paroles] le pardon par le baptême semble
être passé sous silence, puisque ce n’était pas encore le moment d’en parler aux
Juifs. C’est qu’il [sc. le baptême?] se trouve en quelque sorte placé entre le jugement
de ce siècle et celui du siècle à venir – puisque le baptisé sortira de ce siècle – et
qu’il est en quelque sorte mis à l’épreuve entre la vie présente et la vie à venir, et
obtient ainsi une excuse pour l’épreuve par la Loi, comme le dit Paul : ‘C’est Dieu
qui justifie. Qui est-ce qui condamne ?’]. Mais Athanase lui aussi avait souligné (Ath.
ep. Serap. 4,5) que les pharisiens n’étaient pas baptisés, et il est possible que ces
deux exégèses aient le même sens, et rejoignent ainsi Augustin.
monde. Déjà dans in Gal. 15 il avait suggéré, que si l’homme spirituel n’a pas besoin
de miracles, ce n’est pas qu’il ferme les yeux au monde physique, mais qu’il voit
suffisamment en lui, dans ses états ordinaires, les signes de l’amour divin : Et ideo
Dominus non ait: ‘Tollite iugum meum et discite a me, quoniam quatriduana de se-
pulcris cadavera exsuscito atque omnia daemonia de corporibus hominum morbosque
depello’ et cetera huiusmodi. Sed ‘tollite’, inquit, ‘iugum meum et discite a me, quia
mitis sum et humilis corde’ [Mt. 11,29]. Illa enim signa sunt rerum spiritalium, mitem
autem esse et humilem caritatis conservatorem res ipsae spiritales sunt, ad quas per
illa ducuntur, qui oculis corporis dediti fidem invisibilium, quia iam de notis usita-
tisque non possunt, de novis et repentinis visibilibus quaerunt [Et c’est ainsi que le
Seigneur ne dit pas : ‘Prenez mon joug et apprenez de moi, parce que je ressuscite
du sépulcre les cadavres de quatre jours, et je chasse tous les démons et les mala-
dies des corps des hommes’, et le reste des choses de ce genre. Mais il dit : ‘Prenez
mon joug et apprenez de moi, parce que je suis doux et humble de cœur’. En effet,
ces [miracles] sont les signes des choses spirituelles, mais être doux et humblement
fidèle à la charité sont les choses spirituelles elles-mêmes, auxquelles sont conduits
par le biais de ces [miracles] ceux qui, livrés à leurs yeux corporels, cherchent la foi
dans les choses invisibles – puisque ils ne peuvent plus le faire par ce qui est connu
et normal – à travers les choses visibles nouvelles et surprenantes]. Bien entendu,
les textes où Augustin dévalorise bien plus le visible ne manquent pas : la tension
entre la beauté créée qui reflète le créateur (Rom. 1,20) et le plaisir des yeux, source
de tentation (1 Io. 2,16), parcourt toute son œuvre. Son expression, philosophique et
personnelle, de cette tension, et de l’angoisse qu’elle provoque, est une des grandes
sources de son éloquence. D’où, en partie, le succès ininterrompu des Confessions
auprès de lecteurs qui ne partagent pas la foi de leur auteur.
Mc. en omettant paralytico après facilius dicere, puis en omettant et tolle grabbatum
tuum après et ambula ; il omet in terra après ou avant filius hominis, contre les trois
Évangiles ; il rejoint Mc. et Lc. contre Mt. en omettant tunc (τότε) avant dicit paraly-
tico, et en incluant tibi dico après paralytico ; il rejoint Mc. contre Mt. et Lc. en por-
tant grabatum (κράβαττον) plutôt que lectum (Mt. : κλίνην ; Lc. : κλινίδιόν) après
tolle.
Dans l’Inchoata expositio on lit dimissa sunt, alors que la Vulgate a demittuntur
ou remittuntur dans les trois Évangiles. Mais face aux difficultés détaillées ci-dessus,
et en l’absence d’une édition critique de la Vetus Latina pour ces passages, nous
renonçons à l’étude de cette variante. Notons seulement qu’Augustin a la leçon
demittuntur pour Mt. en trin. 15,17 (texte de CCSL 50), la leçon dimittuntur pour Mt.
en cons. euang. 2,57 ; et la leçon dimittuntur pour Lc. en cons. euang. 2,58 (texte de
CSEL 43 pour cons. euang.), alors que nous n’avons pas retrouvé ailleurs la leçon
dimissa sunt tibi peccata.
profert, sed et ille, qui sub nomine christiani male agit et turpiter conversatur et inho-
nestis vel verbis vel actibus suis facit ‘nomen eius blasphemari inter gentes’ [Rom.
2,24], sicut e contrario non ille, qui sermonibus solis Dominum benedicit, ipse bene-
dicere putandus est, sed qui actibus et vita et moribus suis facit ab omnibus nomen
Domini benedici [Mais, pour ma part, je ne pense pas que seul celui-là maudisse le
Christ, qui profère des paroles de malédiction contre lui, mais aussi celui qui, sous
le nom de chrétien, fait le mal et vit dans l’immoralité, et qui, par ses paroles ou ses
actes déshonorants, fait que ‘son nom est blasphémé parmi les nations’. Tout
comme, à l’inverse, ce n’est pas celui qui bénit le Seigneur seulement en paroles que
l’on doit considérer comme bénissant, mais celui qui, par ses actes et sa vie et ses
mœurs, fait que le nom du Seigneur soit béni par tous] (Rufin. Orig. in Num. 17,6).
Elle est aussi reprise implicitement par Augustin en fid. et op. 30, où il combat une
vue laxiste du blasphème contre l’Esprit Saint, qui semble inspirée par la sienne :
Illud sane non absurde intellegunt, eum peccare in Spiritum sanctum et esse sine venia
reum aeterni peccati, qui usque in finem vitae noluerit credere in Christum, sed si recte
intellegerent, quid sit credere in Christum. Non enim hoc est habere daemonum fidem,
quae recte mortua perhibetur [Iac. 2,20], sed fidem, quae per dilectionem operatur
[Gal. 5,6] [Ce n’est assurément pas sans logique qu’ils considèrent que celui qui
pèche contre l’Esprit Saint et est impardonnablement coupable du péché éternel,
c’est celui qui aura refusé, jusqu’à la fin de sa vie, de croire au Christ. Mais [seule-
ment] s’ils comprennent correctement ce que c’est que de croire au Christ. Ce n’est
pas, en effet, d’avoir la foi des démons [voir n. à 9,2, nondum poenarum], que l’on
fait bien d’appeler ‘morte’, mais la foi qui agit dans l’amour]. On voit avec quelle
rapidité la doctrine que nul acte n’était impardonnable était devenue celle que nul
acte ne serait condamné.
Cependant, dans le serm. 71, Augustin ne parait plus entièrement convaincu par
ses propres conclusions sur la relation blasphème-paroles. On n’y trouve plus
l’affirmation que le blasphème correspond à des actes. Augustin préfère se limiter à
affirmer que l’impénitent aura sans doute blasphémé de nombreuses fois, dans le
sens ordinaire du terme, en paroles ou en pensée (sive cogitatione, sive etiam lingua
sua [que ce soit par sa pensée, ou même par sa langue], 20 ; cf. trin. 15,17 pour
l’équivalence cogitatio [pensée] – paroles), mais avec l’accent mis sur les paroles, ce
qui soulève un nouveau problème : Quod [que le blasphème impardonnable serait
l’impénitence] non ideo videatur absurdum quia cum homo usque in finem huius vitae
in dura impaenitentia perseverans, diu multumque loquatur adversus hanc gratiam
Spiritus sancti, evangelium tamen tam longam contradictionem cordis impaenitentis,
quasi breve aliquid, ‘verbum’ appellavit [Que cela ne semble pas absurde, parce que,
si un homme persiste dans l’impénitence rigide jusqu’à la fin de cette vie, il parlera
pendant longtemps et de nombreuses fois contre cette grâce de l’Esprit Saint, alors
que l’Évangile appelle ‘parole’ – comme si c’était quelque chose de court – cette
contradiction si longue du cœur impénitent] (22 ; suivent des exemples pour mon-
trer que l’Écriture emploie verbum [parole] au singulier pour verba [paroles] au plu-
388 | Augustini epistolae ad Romanos inchoata expositio
https://doi.org/10.1515/9783110594782-007
Bibliographie
Éditions
AMERBACH, J., Tertia pars librorum divi Aurelii Augustini quos edidit presbyter ordinatus, Basel 1506,
[o4v]–p1r.
ERASMUS, D., Quartus Tomus Operum divi Aurelii Augustini Hipponensis Episcopi complectens reli-
qua τῶν διδακτικῶν, Basileae 1528, 833–844.
Tomus IIII operum Divi Aurelii Augustini Hipponensis episcopi complectens reliqua τῶν διδακτικῶν
per Theologos Lovanienses ab innumeris mendis purgatus, Antverpiae 1571, 360–366.
Sancti Aurelii Augustini Hipponensis episcopi operum tomus tertius … opera et studio monachorum
ordinis Sancti Benedicti e congregatione Sancti Mauri pars secunda, Paris 1690, 925–942 (ré-
imprimé dans PL 35, 2087–2106).
DIVJAK, J., Sancti Aureli Augustini Opera. Sect. IV Pars I. Expositio quarundam propositionum ex
epistola ad Romanos. Epistolae ad Galatos expositionis liber unus. Epistolae ad Romanos in-
choata expositio, Wien 1971 (CSEL 84), 144–181.
Traductions
RAULX [J.-B.] (éd.), Œuvres complètes de Saint Augustin, t. 5, Bar-le-Duc 1867, 379–393.
PERONNE [J.-M.] – ÉCALLE [P.-F.] – VINCENT [C.-J.-B.-J.] – CHARPENTIER, A.-L. – BARREAU, H., Œuvres com-
plètes de Saint Augustin, t. 11, Paris 1871, 35–59.
MARTIN PEREZ, B., Obras de San Agustin, t. 18, Madrid 1959, 65–101.
FREDRIKSEN LANDES, P., Augustine on Romans : Propositions from the Epistle to the Romans, Un-
finished Commentary on the Epistle to the Romans, Chico CA 1982, 52–89.
MARA, M. G., Agostino interprete di Paolo, Milan 1993.
MENDOZA, M. (intr.) – TARULLI, V. (trad.), Questioni sulla lettera ai Romani ; Esposizione della lettera
ai Galati ; Inizio dell’esposizione della lettera ai Romani, dans : S. CARUANI – B. FENATI – M. MEN-
DOZA (intr.) – D. GENTILI – V. TARULLI (trad.) – F. MONTEVERDE (ind.), Sant’Agostino : Opere esege-
tiche, Roma 1997 (Nuova biblioteca agostiniana t. 10/2), 459–721 (678–721).
RING, T. G., Die Auslegung des Briefes an die Galater. Die angefangene Auslegung des Briefes an die
Römer. Über dreiundachzig verschiedene Fragen : Fragen 66–68, Würzburg 1997, 224–279.
||
1 Sauf exception, ne figurent pas dans cette bibliographie les ouvrages mentionnés une seule fois
dans le commentaire.
https://doi.org/10.1515/9783110594782-008
392 | Bibliographie
BASTIAENSEN, A., Augustine’s Pauline Exegesis and Ambrosiaster, dans : F. VAN FLETEREN – J. C.
SCHNAUBELT (éds.), Augustine. Biblical Exegete, New York 2001.
BROWN, P., Religion and Society in the Age of St. Augustine, London 1972.
BROWN, P., Augustine of Hippo, Berkeley CA 22000.
BUSINE, A., Paroles d’Apollon, Leiden 2005.
CANTELLI BERARDUCCI, S., Hrabani Mauri opera exegetica III. Apparatus Fontium, Turnhout 2006 (IPM
38B).
CHARLIER, C., La compilation augustinienne de Florus sur l’Apôtre. Source et authenticité, RBen 57
(1947), 132–186.
COURCELLE, P., Les lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, Paris 21948.
DE CONINCK, L. – COPPIETERS ’T WALLANT, B. – DEMEULENAERE, R., La tradition manuscrite du recueil De
verbis Domini jusqu’au XIIe siècle, Turnhout 2006.
DECRET, F., L’utilisation des épîtres de Paul chez les Manichéens d’Afrique, dans : J. RIES. (éd.), Le
epistole paoline nei Manichei, i Donatisti e il primo Agostino, Roma 1989 (Sussidi Patristici 5),
29–83.
DOKKUM, T., De constructionis analyticae vice accusativi cum infinitivo fungentis usu apud Augusti-
num, Sneek 1902.
DOLBEAU, F., Brouillons et textes inachevés parmi les œuvres d’Augustin, SEJG 45 (2006), 191–221.
DROBNER, H. R., The Chronology of St. Augustine’s Sermones ad populum III : On Christmas Day,
AugStud 35 (2004), 43–53.
DULAEY, M., L’apprentissage de l’exégèse biblique par Augustin (1), REAug 48 (2002), 267–295.
DULAEY, M., L’apprentissage de l’exégèse biblique par Augustin (2), REAug 49 (2003), 43–84.
DULAEY, M., L’apprentissage de l’exégèse biblique par Augustin (3), REAug 51 (2005), 21–36.
DU ROY, O., L’intelligence de la foi en la Trinité selon Saint Augustin, Paris 1966.
DU ROY, O., La règle d’or : Histoire d’une maxime morale universelle, t. 1, Paris 2012.
FITZGERALD, A. D. (éd.), Augustine through the Ages, Grand Rapids MI 1999.
FRANSEN, I., Description de la collection de Bède le Vénérable sur l’apôtre, RBen 71 (1961), 22–70.
FREDRIKSEN LANDES, voir traductions.
FREND, W. H. C., The Donatist Church and St. Paul, dans : J. RIES (éd.), Le epistole paoline nei Ma-
nichei, i Donatisti e il primo Agostino, Roma 1989 (Sussidi Patristici 5), 86–123.
FUHRER, T., Augustin contra Academicos : vel De Academicis Bücher 2 und 3, Berlin 1997.
FÜRST, A., Hieronymus. Askese und Wissenschaft in der Spätantike, Freiburg 2003.
FUX, P.-Y. – ROESSLI, J.-M. – WERMELINGER, O. (éds.), Augustinus Afer, Fribourg 2003.
GAUDEMET, J., L’Église dans l’Empire romain, Paris 1958.
GREEN, W. M., Augustine’s Use of Punic, dans : W.J. FISCHEL (éd.), Semitic and Oriental Studies : A
Volume Presented to William Popper, Berkeley CA 1951, 179–190
HADOT, P., Marius Victorinus. Recherches sur sa vie et ses œuvres, Paris 1971.
HAGENDAHL, H., Latin Fathers and the Classics, Göteborg 1958.
HAGENDAHL, H., Augustine and the Latin Classics, Stockholm 1967.
JUNGMANN, J. A., Missarum Sollemnia, t. 1, Wien 1948.
KOESTER, C. R., Hebrews, New York 2001, 20–27.
LA BONNARDIÈRE, A.-M., L’épître aux Hébreux dans l’œuvre de saint Augustin, REAug 3 (1957), 137–
162.
LA BONNARDIÈRE, A.-M., La Chananéenne, préfiguration de l’Église, dans : A.-M. LA BONNARDIÈRE (éd.),
Saint Augustin et la Bible, Paris 1986, 117–143.
LANCEL, S., Saint Augustin, Paris 1999.
LIEU, S. N. C., Manichaeism in the Later Roman Empire and Medieval China, Tübingen 21992.
LUZ, U. – CROUCH, J. E. (trad.), Matthew 8–20. A Commentary, Minneapolis 2001.
MADEC, G., La Bibliothèque Augustinienne. Présentation d’ensemble, Paris 1988.
Bibliographie | 393
THONNARD, F.-J., Justice de Dieu et justice humaine selon saint Augustin, dans : J. OROZ-RETA (éd.),
Augustinus: Strenas Augustinianas P. Victorino Capanaga oblatas, t. 1, Madrid 1967, 387–402.
VATTIONI, F., Sant’Agostino e la civiltà Punica, Augustinianum 8 (1968), 434–467.
VERBRAKEN, P., Le sermon LXXI de Saint Augustin sur le blasphème contre le Saint-Esprit, RBen 75
(1965), 54–108.
WATKINS, O. D., A History of Penance, t. 1, London 1920.
WILMART, A. (éd.), Operum s. Augustini Elenchus a Possidio eiusdem discipulo Calamensi episcopo
digestus, dans : Miscellanea Agostiniana, t. 2, Roma 1931.
WILMART, A., Le mythe de Pierre de Tripoli, RBen 43 (1931), 347–352.
ARTS, M. R., The Syntax of the Confessions of Saint Augustine, Washington DC 1927.
BECKER, G., Catalogi bibliothecarum antiqui, Bonn 1885.
BIGNAMI ODIER, J., Premières recherches sur le fond Ottoboni, Roma 1966 (Studi e testi 245).
BIGNAMI ODIER, J., La Bibliothèque Vaticane de Sixte IV à Pie XI, Roma 1973.
BINDLEY, T. H., The Oecumenical Documents of the Faith, London 21906.
BISCHOFF, B. – GORMAN, M. (trad.), Manuscripts and Libraries in the Age of Charlemagne, Cambridge
1994.
BISCHOFF, B., Katalog der festländischen Handschriften des neunten Jahrhunderts, t. 2, Wiesbaden
2004.
BISCHOFF, B., Katalog der festländischen Handschriften des neunten Jahrhunderts, t. 3, Wiesbaden
2014.
BISCHOFF, B. – HOFMANN, J., Libri Sancti Kyliani, Würzburg 1952.
BLASIO, M. G. – LELJ, C. – ROSELLI, G., Un contributo alla lettura del canone bibliografico di Tommaso
Parentucelli, dans : Le chiavi della memoria, Scuola vaticana di paleografia, diplomatica e ar-
chivistica, Roma 1984, 125–165.
BONNET, G. (éd.) – BERMON, E. (trad.), Abrégé de la Grammaire de saint Augustin, Paris 2017.
BONNET, M., Le latin de Grégoire de Tours, Paris 1890.
BOODTS, S., The Reception of Augustine in a Ninth-Century Commentary on Romans (Paris, BnF, lat.
11574). With an analysis of its Position in Relation to the Carolingian Debate on Predestination,
dans : G. GULDENTOPS – C. LAES – G. PARTOENS (éds.), Felici Curiositate. Studies in Latin Literature
and Textual Criticism from Antiquity to the Middle Ages. In Honour of Rita Beyers, Turnhout
2017, 437–457.
BOUHOT, J.-P., L’homéliaire des Sancti catholici Patres : Sources et composition, REAug 24 (1978),
101–158.
BOULHOL, P., Claude de Turin : Un évêque iconoclaste dans l’Occident Carolingien, Paris 2002.
BOULMONT, G., Les fastes de l’Abbaye d’Aulne la Riche, Gand 1907.
BUSIGNANI, A. – BENCINI, R., Le chiese di Firenze : Quartiere di Santa Croce, Firenze 1982.
COLISH, M. L., Peter Lombard, t. 1, Leiden 1994.
COLBERT, M. C., The Syntax of the De Civitate Dei of St. Augustine, Washington DC 1923.
COPPINI, D. – REGOLIOSI, M. (éds.), Gli umanisti e Agostino : codici in mostra, Firenze 2001.
COYECQUE, E., Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départ-
ments – tome XIX : Amiens, Paris 1893.
CRANFIELD, C. E. B., A Critical and Exegetical Commentary on the Epistle to the Romans – volume 1,
Edinburgh 41985.
CUISSARD, C., Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départ-
ments – tome XII : Orléans, Paris 1889.
Bibliographie | 395
DAVIS, C. T., The early collection of books of S. Croce in Florence, Proceedings of the American Philo-
sophical Society 107 (1963), 399–414.
DE BRUYNE, D., De la provenance de quelques manuscrits, RBen 46 (1934), 107–125.
DE GHELLINCK, J., Patristique et moyen âge, t. 3, Gembloux 1948.
DE GHELLINCK, J., Une édition ou une collection médiévale des opera omnia de Saint Augustin, dans :
B. BISCHOFF – S. BRECHTER (éds.), Liber Floridus : Mittellateinische Studien Paul Lehmann …
gewidmet, St. Ottilien 1950, 63–82.
DE LA MARE, A., New research on humanistic scribes in Florence, dans : A. GARZELLI (éd.), Miniatura
fiorentina del Rinascimento, 1440–1525, t. 1, Firenze 1985, 393–600.
DELISLE, L., Le cabinet des manuscrits de la bibliothèque impériale, t. 1, Paris 1868.
DELISLE, L., Le cabinet des manuscrits de la bibliothèque nationale, t. 2, Paris 1874.
DEVISSE, J., Hincmar, Archevêque de Reims, 845–882, t. 1, Paris 1975.
DOLBEAU, F., Un demi-siècle de travaux philologiques sur Augustin. Bilans et Perspectives, REAug 50
(2004), 271–293.
DOLBEAU, F., Augustin et la prédication en Afrique, Paris 2005.
DI CAPUA, F., Il ritmo prosaico in s. Agostino, dans : Miscellanea Agostiniana, t. 2, Roma 1931, 607–
764.
EKLUND, S., The use and abuse of cursus in textual criticism, ALMA 43 (1981/1982), 27–56.
FERRARI, M., Note su Claudio di Torino „Episcopus ab Ecclesia damnatus“, IMU 16 (1973), 291–308.
FINGERNAGEL, A., Die illuminierten Lateinischen Handschriften Deutscher Provenienz der Staatsbibli-
othek Preussischer Kulturbesitz Berlin, 2 tomes, Wiesbaden 1991.
FONAY WEMPLE, S., Atto of Vercelli, Roma 1979.
FOPPENS, J. F., Bibliotheca Belgica, sive virorum in Belgio vita scriptisque illustrium catalogus, t. 1,
Bruxelles 1739.
FOX, M., Alcuin’s Expositio in epistolam ad Hebraeos, Journal of Medieval Latin 18 (2008), 326–345.
FRAENKEL, E., Iktus und Akzent im Lateinischen Sprechvers, Berlin 1928.
FRANSEN, P.-I., Le dossier patristique d'Hélisachar : Le manuscrit Paris, BnF lat. 11574 et l’une de ses
sources, RBen 111 (2001), 464–482.
FREDRIKSEN LANDES, voir traductions.
FRIEDRICH, J. – RÖLLIG, W. – AMADASI GUZZO, M. G. – MAYER, W. R., Phönizisch-Punische Grammatik,
Roma 31999.
GARZELLI, A., I miniatori fiorentini di Federico, dans : G. CERBONI BAIARDI – G. CHITTOLINI – P. FLORIANI
(éds.), Federico di Montefeltro – Lo stato, le arti, la cultura : La cultura, Roma 1986, 113–136.
GASPARRINI LEPORACE, T., Biblia, Patres, Liturgica : Catalogo di mostra presso la Biblioteca Nazionale
Marciana, Venezia 1961.
GORMAN, M., Marginalia in the Oldest Manuscripts of St. Augustine’s De Genesi ad litteram, dans :
M. GORMAN, The Manuscript Tradition of the Works of St. Augustine, Firenze 2001, 249–257.
GORMAN, M., Paris lat. 12124 (Origen on Romans) and the Carolingian Commentary on Romans in
Paris lat. 11574, RBen 117 (2007), 64–128.
GRADENWITZ, O., Laterculi vocum latinarum, Leipzig 1904.
GRUBE, K. (éd.), Des Augustinerpropstes Iohannes Busch Chronicon Windeshemense und Liber de
reformatione monasteriorum, Halle 1886.
HAGENDAHL, H., La prose métrique d’Arnobe, Göteborg 1937.
HAHN, A., Bibliothek der Symbole und Glaubensregeln der Alten Kirche, Breslau 21877.
HARTMANN, A. (éd.), Die Amerbachkorrespondenz, t. 1, Basel 1942.
HEIL, J., Kompilation oder Konstruktion : Die Juden in den Pauluskommentaren des 9. Jahrhunderts,
Hannover 1998.
HELBING, R., Grammatik der Septuaginta : Laut- und Wortlehre, Göttingen 1907.
396 | Bibliographie
HINZ, U., Die mittelalterlichen Handschriften in der Erzbischöflichen Akademischen Bibliothek Pa-
derborn, dans : K. HENGST (éd.), Ein Jahrhundert Akademische Bibliothek Paderborn, Paderborn
1996, 77–91.
HINZ, U., Verzeichnis der mittelalterlichen Handschriften in Paderborn, dans : K. HENGST (éd.), Ein
Jahrhundert Akademische Bibliothek Paderborn, Paderborn 1996, 92–130.
HOFFMANN, H., Die Würzburger Paulinenkommentare der Ottonenzeit, Hannover 2009.
HONEMANN, V., Die „Epistola ad Fratres de Monte Dei“ des Wilhelm von Saint-Thierry, München 1978.
HUSS, W., Geschichte der Karthager, München 1985.
JAKOBI-MIRWALD, C. – KÖLLNER, H., Die Illuminierten Handschriften der Hessischen Landesbibliothek
Fulda. Teil 1 : Handschriften des 6. bis 13. Jahrhunderts. Textband, Stuttgart 1993.
JANSON, T., Prose rhythm in medieval Latin from the 9th to the 13th century, Stockholm 1975.
KERR, R. M., Latino-Punic Epigraphy, Tübingen 2010.
KEUSSEN, H., Die alte Universität Köln, Köln 1934.
KNAUS, H., Würzburg - Domstift, dans : G. GLAUCHE – H. KNAUS – B. BISCHOFF – W. STOLL, Mittelalterli-
che Bibliotheskataloge Deutschlands und der Schweiz, t. 4.2, München 1979, 948–994.
KOHL, W. – PERSOONS, E. – WEILER, A. G. (éds.), Monasticon Windeshemense, 4 tomes, Bruxelles 1976.
KRAHMALKOV, C. R., Phoenician-Punic Dictionary, Leuven 2000.
KRISTELLER, P. O. – KRÄMER, S., Latin Manuscript Books before 1600, München 41993.
LABOWSKY, L., Bessarion’s Library and the Bibliotheca Marciana, Roma 1979.
LAMBERTS, E. – ROEGIERS, J. (éds.), Leuven University 1425–1985, Leuven 1990.
LAMBOT, C. (éd.), Œuvres théologiques et grammaticales de Godescalc d’Orbais, Louvain 1945.
LAW, V. A., St. Augustine’s „De Grammatica“: Lost or Found, RecAug 19 (1984), 155–183.
LEHMANN, P., Mittelalterliche Bibliothekskataloge Deutschlands und Schweiz. I. Band : Die Bistümer
Konstanz und Chur, München 1918.
LENZUNI, A., Le vicende di una preziosa biblioteca, dans : M. G. ROSITO (éd.), Santa Croce nel solco
della Storia, Firenze 1996, 67–74.
LEVI D’ANCONA, M., Miniature e miniatori a Firenze dal XIV al XVI secolo, Firenze 1962.
LINDSAY, W. M. – BAINS, D., Notae Latinae, with a Supplement (Abbreviations in Latin MSS of 850 to
1050), Hildesheim 1963 [1936].
LIPINSKI, E. – RÖLLIG, W. (éd.), Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, [Turnhout] 1992.
LOEW, E. A. – BROWN, V., The Beneventan Script, 2 tomes, Roma 21980.
LÖFFLER, K., Die Handschriften des Klosters Weingarten, Leipzig 1912.
LÖFFLER, K., Die Handschriften des Klosters Zwiefalten, Linz 1931.
MANFREDI, A., I codici latini di Niccolò V, Roma 1994.
MANFREDI, A., La biblioteca personale di un giovane prelato negli anni del Concilio fiorentino : Tom-
maso Parentucelli da Sarzana, dans : P. VITI (éd.), Firenze e il concilio del 1439, Firenze 1994,
649–712.
MANFREDI, A., La biblioteca di Pomposa nel secolo XV : inventari di Manoscritti, dans : G. BILLANOVICH
(éd.), Monasterium in Italia modo primum. La biblioteca di Pomposa, Padova 1994, 297–317.
MANFREDI, A., S. Agostino, Niccoli e Parentucelli tra San Marco e la Vaticana, IMU 44 (2003), 27–64.
MANSELLI, R., Due biblioteche di „Studia“ Minoritici : Santa Croce di Firenze e il Santo di Padova,
dans : Le scuole degli Ordini mendicanti, Todi 1978, 353–371.
[MARCHAL, J.], Catalogue des manuscrits des ducs de Bourgogne, t. 1, Bruxelles 1842.
MARTIN PEREZ, voir traductions.
MAZZI, C., L’inventario quattrocentistico della Biblioteca di S. Croce in Firenze, Rivista delle Biblio-
teche e degli Archivi 8 (1897/1898), 16–31.99–113.129–147.
MEERSSEMAN, G. G., Seneca maestro di spiritualità, IMU 16 (1973), 43–133.
MEINSMA, K. O., Middeleeuwsche Bibliotheken, Zutphen 1903.
MERCATI, G., Opere Minori I (1891–1897), Roma 1937.
Bibliographie | 397
MERCATI, G., Codici latini Pico Grimani Pio e di altra biblioteca ignota del secolo XVI esistenti
nell’Ottoboniana e i codici greci Pio de Modena, Roma 1938.
MOHRMANN, C., Credere in Deum, dans : C. MOHRMANN, Études sur le latin des chrétiens, t. 1, Roma
1958, 195–203.
MUHS, R., Libri Sancti Maynulfi. Die Bibliothek der Chorherren von Böddeken und die Säkularisati-
on, Westfälische Zeitschrift 137 (1987), 245–272.
MÜLLER, H., Das Bistum Münster 5 : Das Kanonissenstift und Benediktinerkloster Liesborn, Berlin
1987 (Germania Sacra, n.f. 23).
MUNBY, A. N. L., Phillipps Studies, 5 tomes, Cambridge 1951–1960.
MUNBY, A. N. L. (éd.), The Phillipps Manuscripts. Catalogus Librorum manuscriptorum in bibliotheca
D. Thomae Phillipps, BT, London 1968.
MÜNTZ, E. – FABRE, P., La bibliothèque du Vatican au XVe siècle, Paris 1887.
MUTZENBECHER, A., Codex Leningrad Q. v. I.3 (Corbie). Ein Beitrag zu seiner Beschreibung, SEJG 18
(1967), 406–450.
NICOLAU, M. G., L’origine du „cursus“ rythmique et les débuts de l’accent d’intensité en latin, Paris
1930.
NUVOLONE-NOBILE, F. G., Problèmes d’une nouvelle édition du De Induratione Cordis Pharaonis attri-
bué à Pélage, REAug 26 (1980), 105–117.
OBERHELMAN, S. M., Rhetoric and homiletics in fourth-century Christian literature, Atlanta GA 1991.
OBERHELMAN, S. M. – HALL, R. G., Rhythmical clausulae in the letters of St. Augustine as a reflection of
rhetorical and cultural goals, Augustiniana 37 (1986), 258–278.
OROFINO, G. (éd.), I codici decorati dell’archivio di Montecassino, t. II.2, Roma 2000.
PALUSZAK, A. B., The Subjunctive in the Letters of Saint Augustine, Washington DC 1935.
PELLEGRIN, E. et al, Catalogue des manuscrits médiévaux de la bibliothèque municipale d’Orléans,
Paris 2010.
PERONNE, voir traductions.
PETITMENGIN, P., À propos des éditions patristiques de la Contre-Réforme : Le „Saint-Augustin“ de la
Typographie Vaticane, RecAug 4 (1966), 199–251.
PEYRAFORT-HUIN, M., La bibliothèque médiévale de l’abbaye de Pontigny, Paris 2001.
PLOTZEK, J. M., Zur Geschichte der Kölner Dombibliothek, dans : J. M. PLOTZEK – K. WINNEKES – S.
KRAUS – U. SURMANN (éds.), Glaube und Wissen im Mittelalter : Die Kölner Dombibliothek, Mün-
chen 1998, 14–64.
PODLAHA, A., Soupis Rukopisů Knihovny Metropolitní Kapitoly Pražské, t. 2, Praha 1922.
QUINN, J. C. – MCLYNN, N. – KERR, R. – HADAS, D., Augustine’s Canaanites, PBSR 82 (2014), 175–197.
RAO, I. G., L’inventario di Fabio Vigili della Medicea Privata, Roma 2012.
REGNIER, A., De la latinité des sermons de saint Augustin, Paris 1886.
REUSENS, E., Documents relatifs à l’histoire de l’Université de Louvain (1425–1797), t. 1, Louvain
1893–1902.
RICHTER, W., Handschriften-Verzeichnis der Theodorianischen Bibliothek zu Paderborn, 2 tomes,
Paderborn 1896–1897.
RING, voir traductions.
ROSE, V., Verzeichniss der lateinischen Handschriften der Königlichen Bibliothek zu Berlin. Zweiter
Band : Die Handschriften der kurfürstlichen Bibliothek und der kurfürstlichen Lande. Dritte
Abteilung, Berlin 1905.
RUSSO, F., La biblioteca del Card. Sirleto, dans : L. CALABRETTA – G. SINATORA (éds.), Il Card. Guglielmo
Sirleto (1514–1585). Atti del Convegno di Studio nel IV Centenario della morte, Cantanzaro-
Squillace 1989, 219–300.
SANDERUS, A., Bibliotheca Belgica Manuscripta, Lille 1641.
SANDERUS, A., Bibliothecae Belgicae Manuscriptae pars secunda, Lille 1643.
398 | Bibliographie
VON SCARPATETTI, B. M., Die Kirche und das Augustiner-Chorherrenstift St. Leonhard in Basel, Basel
1974.
SHAW, P. (éd.), Dante Aligheri. Monarchia, Firenze 2009.
SCHULZE, W., Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Berlin 1904.
SEELMANN, E., Die Aussprache des Latein nach Physiologisch-historischen Grundsätzen, Heilbronn
1885.
SHANZER, D., compte-rendu de L. CRISTANTE – L. LENAZ (éds.), Martiani Capellae De nuptiis Philologiae
et Mercurii. Vol. 1, Libri I – II, BMCRev 2013.05.48 (http://bmcr.brynmawr.edu/2013/2013-05-
48.html#t6).
STOKES, J. S., Conditional Sentences in Letters of Saint Augustine, Washington DC 1931.
STORNAJOLO, C., Codices Urbinates Graeci, Roma 1895.
STOTZ, P., Handbuch zur Lateinischen Sprache des Mittelalters, 5 tomes, München 2002–2004.
TOCCI, L. M., Agapito, bibliotecario „docto, acorto et diligente“ della biblioteca urbinate alla fine del
quattrocento, dans : Collectanea Vaticana in honorem Anselmi M. Card. Albareda a bibliotheca
apostolica edita, Roma 1962, 245–280.
ULLMAN, B. L. – STADTER, P. A., The Public Library of Renaissance Florence, Padova 1972.
VAN DER HORST, K. et al, Handschriften en Oude Drukken van de Utrechtse Universiteits bibliotheek,
Utrecht 1984.
VERCAUTEREN, F., Un clerc liégeois du XIIème siècle : maître Benoît de St. Jean, Le moyen âge 73 (1967),
35–64.
VERNET, A. – GENEST, J.-F., La bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du XIIème au XVIIIème siècle, tome
I : Catalogues et répertoires, Paris 1979.
VITI, V., La badia fiesolana, Firenze 21956.
VRBA, K., Beiträge zur Geschichte der Augustinischen Textkritik. Sitzungberichte der Philosophisch-
Historischen Classe der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften 119 (1889), Abh. 6.
ZANNA, P. (éd.), Dúngal. Responsa contra Claudium, Firenze 2002.
ZECHIEL-ECKES, K., Florus von Lyon als Kirchenpolitiker und Publizist, Stuttgart 1999.
ZIELINSKI, T., Das Clauselgesetz in Ciceros Reden, Leipzig 1904.
ZOBEL, H.-J., ‘Kena’an’, dans : G. J. BOTTERWECK – H. RINGGREN – H.-J. FABRY (éds.), Theologisches Wör-
terbuch zum Alten Testament, t. 4, Stuttgart 1984, 224–243.
Index
1 Bible
Les renvois sont aux numéros des pages. Les chiffres en romain renvoient aux citations bibliques
dans le texte de l’Inchoata expositio. Les chiffres en romain suivis d’un astérisque (*) renvoient aux
passages bibliques évoqués, mais non cités, dans le texte de l’Inchoata expositio. Les chiffres en
italique renvoient aux passages bibliques cités dans le commentaire. Les passages bibliques cités
à l’intérieur de citations d’auteurs chrétiens ne sont pas inclus. Sont exclus de même les passages
bibliques évoqués exclusivement à des fins linguistiques.
https://doi.org/10.1515/9783110594782-009
400 | Index
2 Auteurs anciens
Les renvois sont aux numéros des pages. Sont inclus tous les passages cités textuellement dans le
commentaire.
10 : 231 Clem.
23 : 225 str. 1,91 : 223
30s. : 379
56 : 332s. Cod. Theod.
66 : 359 16,7,4,1 : 342
100 : 221
107s. : 230 Const.
189 : 255 or. s. c. 19,4 : 217.219
190–196 : 226
204s. : 232 Cyrill.
312 : 264 in Matth. (iuxta REUSS, Matthäus-
virg. 37 : 377 Kommentar, 21) : 315
47 : 256
Didym. voir Hier.
Ps.-Aug.
quaest. test. 102,13 : 311 Don.
102,23 : 314 Ter. Ad. 363 : 202
102,24 : 337 Ter. Eun. 191 : 294
766s. : 256
Bas.
reg. br. 273 : 315 Epiph.
exp. fid. 1,1 : 342
Beda haer. 54,2 : 312
hist. eccl. 2,1,11 : 301s.
Euseb.
Caes. Arel. H.E. 5,1,3 : 261
serm. 38,3 : 335 6,14 : 290s.
Chromat. Faustin.
in Matth. 50,3 : 314 trin. 5,1 (CCSL 69) : 255
Chrys. Filastr.
hom. in 1 Cor. 1,1 : 253 89 : 240
hom. in. Heb. 9,1 : 366s.
9,3 : 364 Hier.
20,1 : 352 c. Lucif. 23 : 336
hom. in Rom. 1,2s. : 235.245.247.253 Didym. spir. 16 : 286
1,4 : 264 epist. 53,9 : 292
17,1 : 371 73,4 : 292
hom. in 1 Tim. 1,2 : 295 129,3 : 293
3 : 371 hom. Orig. in cant. 3 : 371
hom. in 2 Tim. 8,1 : 204 hom. Orig. in Ezech. 1,2 : 282
hom. in Tit. 3,1 : 224 7,10 : 367s.
4,1 : 267 10,1 : 269
in Iob 1,1 : 280s. hom. Orig. in Ier. 1,3 : 353
in Am. 3,8 : 292
Cic. in eccles. 7,28 : 218
Balb. 51 : 219 in Eph. prol. (PL 26, col. 440) : 196
de orat. 1,1,98 : 219 1,5 (PL 26, col. 448) : 247s.
406 | Index
Lucan. Philarg.
2,248 : 284 Verg. ecl. 4,4 : 222
Index | 407
Possid. Serv.
vita Aug. 5 : 301 Aen. prol. : 196
27 : 333 1,1 : 259
Prisc. Stat.
gramm. II 186 Keil : 294 silv. 4,5,45s. : 299
Ps.-Prob. Tert.
Verg. ecl. 4,4 : 222 adv. Prax. 16 : 241
21 : 327
Prud. 27 : 235
apoth. 1s. : 342 idol. 1 : 233s.
178 : 340 3 : 226
956–958 : 231
c. Symm. 1,653s. : 330 Ps.-Tert.
haer. 1 : 336
Rufin.
apol. adv. Hier. 2,7 : 220 Theod. Mops.
hist. 10,22 : 324 in 1 Thess. 1,1 : 261
11,22 : 330 in 2 Tim. 2,8 : 235
11,29 : 302s.
Orig. in ex. 7,2 : 280 Theodoret.
11,3 : 280 in Rom. 1,5 : 253
Orig. in gen. 11,2 : 290 in Tit. 3,3 : 379
Orig. in Ios. 5,6 : 378
Orig. in lev. 3,3 : 203 Tract. Pelag.
Orig. in Num. 8,1 : 271 2 (PLS 1,1378) : 350
17,6 : 386s.
Orig. in Rom. 1,6,1 : 258 Tycon.
1,7,1 : 240.248 reg. 1,12,1 : 247.251
1,8,2 : 249
1,9,2 : 252s. Verg.
1,10,2 : 295 Aen. 1,12s. : 304
2,5,19 : 351 1,498 : 255
Orig. princ. 1,3,7 : 346s. ecl. 4,4 : 97.154
4,13s.25 : 218
Sen.
dial. 8,1,4 ; 10,2,1 : 219 Zenon
epist. 91,19 : 309 iuxta Diog. Laert. 7,123 : 267
122,17 : 342