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Annales de Géographie

L'habitat des douars de Marrakech : un héritage compromis


Mohamed Sebti

Citer ce document / Cite this document :

Sebti Mohamed. L'habitat des douars de Marrakech : un héritage compromis . In: Annales de Géographie, t. 94, n°521, 1985.
pp. 63-84;

doi : https://doi.org/10.3406/geo.1985.20301

https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1985_num_94_521_20301

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Résumé
Les douars de Marrakech sont une forme d'habitat péri-urbain qualifié de spontané, très éloigné du
bidonville, et dénommé ainsi à l'imitation des établissements ruraux du Maroc. Accueillant une
population déracinée, ils abritent 115 000 habitants (1979) soit près du quart de la population de
Marrakech. Leur organisation spatiale « instinctive » doit autant aux habitudes rurales de la région du
Haouz qu'aux influences de la grande ville proche. La construction en pisé, encore solide dans les
douars les plus ruraux, devient dégradée et mêlée à des matériaux modernes hétéroclites dans les
douars plus urbains. Les plans de maison reflètent également le degré d'intégration à la ville. L'espace
disponible, une certaine qualité de vie, une organisation souvent traditionnelle des maisons opposent
donc les douars aux bidonvilles que l'on trouve dans d'autres villes du Maroc.

Abstract
Marrakech « douars » are a special kind of peri-urban settlements, falling into spontaneous dwellings
category, very far from the shanty towns shapes. Their names derived from the rural morrocan
settlements. Gathering uprooted people, they concentrate 115 000 inhabitants (1979), the fourth of the
total Marrakech population. Their spatial « instinctive » structure is a well influenced by the rural way of
life in the Haouz area than by the very near city of Marrakech. The «pisé» built houses, still strong in
the more rural douars, become damaged and mixed with modern and heteroclite material in the more
urban douars. Houses plans are reflecting also the urban integration level. But the available space, a
certain kind of quality of life, a very frequent traditionnal structure of houses contrast with the features
of shanty towns we find in other morrocan cities.
Ann Gèo no 521 1985

habitat des douars de

Marrakech

un héritage compromis

Professeur au lycée deIbn


Mohamed
université
Docteur
Abbad deMarrakech
de
3e
SEBTI
Tours
cycle

Au Maroc apparition de sous-habitat suivi de près installa


tion du Protectorat et est partir de 1920 on en note la
présence la périphérie des grandes villes Il agit au départ un
habitat précaire au caractère rural marqué campements de khiam
tentes) de nouala huttes) ou simples abris de roseaux et de
branches Habitat provisoire implanté surtout proximité des
nouveaux lieux de travail chantiers de construction voirie etc.) il
précède de peu apparition des véritables premiers bidonvilles
Ceux-ci prolifèrent surtout partir de 1930 la périphérie des
villes qui ont connu une importante industrialisation La tendance
utiliser les rebuts industriels pour la confection des abris spontanés
est donc surtout marquée dans les villes de axe littoral
Les autres villes marocaines ont pas pour autant échappé au
phénomène Autour elles se sont en fait développées autres
formes habitat précaire tout aussi clandestines qui
diffèrent au moins en apparence des bidonvilles par leur
structure architecturale et les matériaux utilisés Les villes qui ont
un passé urbain comme Fès ou Marrakech ont pu en effet absorber
dans un premier temps au prix une taudification de leurs
médinas les vagues successives de migrants contraints exode
rural extension des constructions périphériques clandestines
donc pris longtemps un caractère moins spectaculaire que dans les
64 ANNALES DE GEOGRAPHIE

villes de création récente aux quartiers historiques peu importants


îï Casablanca ou inexistants comme Mohammedia
Le sous-habitat ne se manifeste donc pas partout de la même
fa on au Maroc et les matériaux utilisés les types architecturaux
les modalités implantation et organisation la fonction assurée
dans le processus urbanisation varient une ville autre
Le cas de Marrakech se révèle particulièrement intéressant
étudier dans la mesure où il agit une ville tradition urbaine
ancienne implantée dans une région peuplée de sédentaires aux
habitudes architecturales nettement ancrées la plainte du Haouz
au pied du Haut Atlas
Faiblement industrialisée durant la période coloniale elle fait
partie de ces villes où habitat périphérique spontané pris un
aspect spectaculaire surtout partir de Indépendance au point
il concerne actuellement au moins le tiers de la population
urbaine
Ces formes habitat périphérique appelés douars dans la
capitale du Haouz couvrent environ 10 000 ha sur les 16 000 que
compte agglomération de Marrakech En 1979 ces douars totali
saient dans un rayon de km partir du centre-ville environ
115000 dont 83700 pour un seul de ces noyaux véritable
médina-bis Sidi Youssef Ben Ali Rappelons que agglomération de
Marrakech compte hui un demi-million habitants
Ces douars de taille inégale se disposent en auréole autour de
la ville fig Bien des traits les opposent que nous ne pourrons
analyser ici sites taux de croissance population statuts fonciers
intégration urbaine plus ou moins avancée activités liens avec le
monde rural niveau de spéculation1 Nous insisterons ici que sur
organisation spatiale et habitat de ces douars
appellation spécifique que connaissent les agglomérations dites
spontanées ceinturant Marrakech indique tout au moins
origine existence une relation avec le monde rural puisque
le terme de douar village désigne un habitat regroupant un certain
nombre individus attachés la terre Ce terme suppose donc une
organisation de espace une structure de habitat et un type
équipements individuels théoriquement différents du modèle
urbain aussi bien traditionnel importé par la modernisation Cet
habitat a-t-il été pour autant uniquement marqué par le poids des
traditions du monde rural Le contact avec la ville le modèle
elle propose aux habitants des douars quant occupation
spatiale ont sans doute contribué modeler de fa on originale la
physionomie de ces agglomérations Se pose donc le problème de

Pour plus de détails voir Sebti Les Douars de Marrakech Etude de quartiers
péri-urbains thèse 3e cycle Tours 1984 volumes 539p. nombreux tableaux et figures
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CASABLANCA

GENDE
douars satellites ou urbains
douars mixtes
douars ruraux
Medina
Sidi Youssef Ben Ali
Guéliz
Hivernage
Quartier industriel
Camp militaire
Oaoudiate

périmètre urbain
TAROUDANT km

Fig LOCALISATION ET TYPOLOGIE DES DOUARS RI-URBAINS DE MARRAKECH


LE QUARTIER DE SIDI YOUSSEF BEN ALI EST EXCLU)

organisation morphologique des douars par rapport au modèle


rural et au modèle urbain autre part on considère ce type
habitat comme spontané dans la mesure où il obéit pas un
plan ensemble précon Est-ce dire on retrouve dans les
douars de Marrakech les mêmes principes organisation spatiale
anarchique qui caractérisent généralement les bidonvilles Enfin
les caractéristiques de habitat la présence ou absence équipe
ments de première nécessité et organisation ensemble de ces
douars sont-ils des indices déterminants dans la mesure de leur
sous-intégration éventuelle par rapport la ville

Variété des modalités organisation de espace

Une organisation spatiale instinctive


première vue les douars de Marrakech semblent dépourvus de
véritable organisation spatiale Blocs de maisons séparés par des
terrains vagues absence de voirie nettement marquée impression
une occupation lâche de espace qui obéirait aucune règle et
ANN DE OG XCIV ANN
66 ANNALES DE OGRAPHIE

refléterait absence de cohésion sociale ainsi apparaissent les


douars spontanés les plus récents comme Jdid ou Boumbi Ailleurs
et le plus souvent ils sont formés une suite de maisons basses
disposées linéairement le long de quelques ruelles au point elles
apparaîtraient comme une simple succession de murs en pisé si ne
venaient rompre cette monotonie les rares ouvertures donnant accès
aux maisons Aussi ne peut-on se défaire de impression aucun
plan précon effectivement présidé organisation des
douars2
La forme générale du douar obéit parfois existence une
route ou une piste ancienne comme Sidi Youssef Ben Ali dont la
croissance spatiale est faite en fonction de ces deux éléments De
même Iziki le développement des habitations est opéré le long
de la route Essaouira tandis une ancienne piste traverse en
oblique le douar elle structure en profondeur Cette impression
improvisation est accentuée par le fait que évolution de la
plupart des douars proches de la ville est produite de fa on
capricieuse par morceaux suivant les circonstances et les
moyens dont disposaient les habitants occupation est faite
parfois dans la précipitation et donne une apparence de désordre et
inachevé qui est pas sans faire penser au type occupation
spatiale des bidonvilles
La disposition de la voirie confirme le caractère spontané de
organisation spatiale de la plupart des douars est bien après la
densifcation connue Sidi Youssef Ben Ali on est rendu
compte de étroitesse des rues par rapport la circulation
automobile que ce douar connaît instar de la Médina Mais il
agit là un problème récent qui reflète évolution sociologique
connue cette agglomération ailleurs dans la majorité des
douars le problème de la circulation automobile ne se pose pas
vraiment Pourquoi des habitants sans grande ressources se
seraient-ils préoccupés des espaces destinés la circulation
On aborde là la notion de besoins qui ont présidé la
conception ensemble des douars Ce est pas une collectivité
qui est concentrée au départ pour occuper un espace déterminé
mais cet espace qui donné naissance posteriori une collectivité
Et celle-ci va réagir au coup par coup en fonction des problèmes
posés Toutefois il nous semble abusif de parler improvisation
absolue et absence de plan précon un urbanisme de
maquette ne signifie pas absence de modèles Si on ne peut
mettre en doute la totale absence influence de urbanisme
moderne sur les douars ceux-ci offrent un certain nombre de
On se doit toutefois de signaler une exception le douar Hamid se distingue de
ensemble des douars par sa structure orthogonale et la largeur plus importante de sa voirie
occupation de espace semble avoir été davantage pensée
HABITAT DES DOUARS DE MARRAKECH 67

ressemblances avec les formes urbanisation traditionnelle


agirait-il une sorte de résurgence de modèles familiers qui
conduiraient une organisation spatiale instinctive où les habitants
reproduiraient plus ou moins consciemment des schémas empruntés
soit la tradition rurale soit la tradition urbaine
En règle générale les douars origine rurale se présentent sous
une forme plutôt éclatée dans la mesure où ils sont constitués
ensembles habitat séparés par des surfaces non bâties Il
parfois interpénétration entre espace agricole et espace réservé
habitation La voirie revêt un aspect désordonné et non continu
présence de nombreux terrains vagues qui indique que espace
est pas mesuré En fait organisation spatiale reflète ici organi
sation sociale particulière au monde rural où les maisons comme
dans la plaine du Haouz ne sont pas compactes et où des liens
familiaux encore plus étroits justifient le relatif isolement les uns
par rapport aux autres des secteurs habités Mais même si les
familles sont ainsi séparées il existe dans ce type de douars comme
dans les vrais douars ruraux une place centrale qui regroupe les
quelques commerces existants La présence fréquente une mos
quée et une école coranique cet endroit ne contredit pas les
conceptions habituelles de occupation spatiale traditionnelle Cette
place constitue un espace réservé où la communauté interdit
elle-même de construire et qui contribue maintenir ce qui reste
de la cohésion initiale des habitants Cet espace prend une
importance particulière dans les douars dont les habitants ort au
départ une même origine géo-ethnique comme Bou Akkaz ou Omar
Koukou même si ces douars ont connu une évolution avec arrivée
éléments démographiques nouveaux Les quelques douars ruraux
dépourvus de cette place centrale comme Guennoun sont ceux où la
vie communautaire le moins intensité en raison de hétérogé
néité de leurs populations Une simple visite dans ces deux types de
douars ruraux un jour de congé ou un dimanche permet de mesurer
la différence si la curiosité suscitée par un enquêteur est partout
réelle elle exprime de manière différente Guennoun chacun
reste sur le seuil de sa maison Koukou est le groupe des
hommes déjà constitué sur la place qui prend contact collective
ment avec le visiteur
Les douars suscités directement par la croissance urbaine
offrent un aspect beaucoup plus compact qui apparaît très nette
ment sur les photos aériennes3 et leur confère une texture apparem
ment proche de celle de la Médina Contrairement aux douars
ruraux la majorité entre eux présente une structure spatiale
linéaire avec une voirie plus resserrée et continue Si on en tient
Photos aériennes Situation géographique de Marrakech D.R.H.U 1960-1970)
68 ANNALES DE OGRAPHIE

aux impressions données par les photos aériennes des douars


îï El Koudiat Akioud semblent des blocs qui auraient été
détachés au hasard de la masse de la Médina Comme dans celle-ci
ailleurs la voirie est dans ensemble peu large Mais si on
retrouve la présence de ruelles qui se greffent sur des voies de
passage plus importantes et qui portent parfois le nom de derb la
comparaison arrête là En effet il ne agit pas de derb au sens
propre du terme ils enfoncent beaucoup moins profondé
ment dans le tissu bâti et surtout ils sont nettement moins
ramifiés et se terminent rarement en impasse Le derb fermé comme
celui de la Médina apparaît que dans des cas précis quand il
existe cela correspond une évolution récente densification
comme Sidi Youssef Ben Ali où on peut penser que les habitants
avaient aucun intérêt laisser des espaces vides facteurs écono
miques) ce qui conduit fermer certaines ruelles pour caser
des maisons supplémentaires Une autre différence importante avec
organisation spatiale de la Médina vient de absence dans ces
douars espaces spécifiques de rencontre Ici et est aussi une
différence avec les douars ruraux pas de place publique
seulement une suite de maisons et de rues
On peut se demander aussi si la proximité immédiate de la cité
et le pouvoir attraction elle exerce ont pas contribué
maintenir cette absence de place publique autres éléments qui ne
traduisent pas la cohésion sociale mais une appartenance commune
un milieu économique prennent tout de même le relais La rue
commer ante sommairement calquée sur le modèle de la Médina
dans le cas particulier de Sidi Youssef Ben Ali et moindre
échelle Sidi Barek la route où se concentrent essentiel des
commerces et des services dans le cas Iziki Sidi Daou ou Aïn Itti
On voit donc que dans le cas des douars un certain nombre de
schémas ont été immédiatement empruntés au modèle urbain sans
vraiment parvenir en donner la réplique exacte même dans le cas
de Sidi Youssef Ben Ali fig 2)
Mais autant que par les emprunts au modèle rural ou urbain
organisation spatiale instinctive se manifeste aussi dans le compor
tement égard des éléments naturels Si les sites ne présentent
pas de contraintes majeures pour ensemble des douars de Mar-
rakech les habitants en ont pas moins tenu compte des particula
rités offrent les reliefs sur lesquels ils ont implanté leurs douars
Là encore on peut penser que organisation du douar été
spontanément adaptée la topographie peut-être en fonction de
origine des habitants Sidi Youssef Ben Ali par exemple on
une certaine fa on respecté le site et occupé le territoire sans en
violer les conditions naturelles Dans ce douar qui la forme un
69

Fig SIDI YOUSSEF BEN ALI LE PLUS GROS DES DOUARS DE MARRAKECH 80 000

triangle les rues qui partent du sommet vers la base en forme


éventail suivent des sillons créés par écoulement des eaux Le
fait que les gens aient respecté ces sillons est pas négligeable et
pourrait être un indice de la présence parmi eux de nombreux
ruraux Il agit là en effet une attitude plus caractéristique de la
construction en milieu rural en milieu citadin Même il agit
une simple adaptation sommaire aux particularités du terrain
elle en indique pas moins une manière instinctive organiser
espace Plus nettement visible apparaît adaptation la topo-
70 ANNALES DE OGRAPHIE

graphie dans le cas du douar Akioud dont la forme allongée épouse


la courbe de la colline et dont la structure régulière organise en
fonction de ruelles parallèles les unes aux autres et perpendicu
laires aux courbes de niveau évacuation des eaux usées ainsi que
les eaux de ruissellement en est autant plus facilitée On donc
dans ce cas une tentative organisation spatiale répondant de fa on
simple aux problèmes posés par les particularités du site même si
elle joué dans le sens de la solution de facilité cette tentative
indique dès le départ une conscience collective dans la fa on
aménager espace Cela tient probablement au fait que les
modalités installation ont été dans ce douar beaucoup moins
anarchiques Sidi Youssef Ben Ali dans la mesure où la création
du noyau originel Akioud est le résultat du déplacement de
quelques familles Sans il ait eu proprement parler de plan
précon le découpage régulier qui est fait non sur le papier mais
sur le terrain même suppose un minimum de concertation imposée
ailleurs par la configuration du terrain

Une évolution spatiale apparemment incohérente


II nous reste aborder le problème posé par évolution spatiale
des douars En dépit de la surveillance exercée plus ou moins
régulièrement par les autorités les douars ont tous connu un
développement depuis leur création
La diversité des cas la variété des dates installation ou encore
celle des différentes contraintes auxquelles chacun eux sont
soumis rend difficile une théorie ensemble propos de leur
évolution et le repérage précis des phases de cette évolution
absence de photos aériennes prises intervalles réguliers sur
chacun des douars ne facilite pas non plus la tâche Aussi nous
contentons-nous esquisser la problématique suivante comment se
fait en règle générale évolution spatiale des douars et en quoi
modifie-t-elle leur morphologie originelle
Une fois de plus une distinction avère nécessaire entre douars
origine rurale et douars suscités directement par la croissance
urbaine Dans le cas des douars ruraux qui reproduisent les
schémas traditionnels du type Haouz dont on vu ils ne
formaient pas un bloc compact leur évolution se fait par le
remplissage progressif et capricieux des espaces restés disponibles
évolution est donc susceptible de se faire dans tous les sens
latéralement vers le centre condition de préserver espace public
il existe ou vers extérieur par blocs isolés ou encore attachés
au noyau initial
autres douars ruraux comme Bou Akkaz ont une forme
beaucoup plus compacte parce ils étaient au départ bloqués par
HABITAT DES DOUARS DE MARRAKECH 71

une enceinte de forme géométrique carrée dans ce cas précis Aussi


leur évolution spatiale dû se faire dans un premier temps de
fa on convergente et plus récemment extérieur comme dans le
cas précédent Mais les douars ruraux qui présentent les formes les
plus compactes sont les douars de créations plus récente et situés
dans une zone agriculture moderne comme Sidi Daou Les limites
marquées par le voisinage immédiat des propriétés agricoles don
nent ces douars une forme régulière dans laquelle inscrit le
noyau initial auquel est venu agréger au cours de évolution
spatiale le reste des habitations
On voit donc que si dans le cas de ces derniers douars il ne
est pas opéré de changement spectaculaire de espace habité les
modifications ont subies les autres douars ruraux plus anciens
restent limitées et ont pas profondément altéré la morphologie
ensemble On peut voir la permanence de modèles traditionnels
urbanisation qui résistent autant mieux il agit de popula
tions de même origine Les altérations récentes seraient donc le fait
éléments démographiques étrangers qui marquent une amorce de
rupture de la cohésion initiale
Cette cohésion jamais existé dans le cas des douars suscités
par la ville Si la croissance spatiale des douars ruraux est faite de
manière relativement libre une date récente pas obstacle
majeur sur le plan de espace et répondait aux besoins créés par
élargissement de mêmes familles qui se comportaient comme si
elles étaient encore en milieu pleinement rural ces éléments ne
peuvent être retenus dans explication des modalités de la crois
sance des douars urbains ou semi-urbains
Alors même que cette croissance est révélée beaucoup plus
spectaculaire que celle des douars ruraux elle est heurtée de plus
en plus des obstacles que ces derniers ne connaissaient pas Dès le
départ considérée comme illégale leur extension est opérée en
dépit de la surveillance plus ou moins effective dont ils étaient
objet irrégulière elle connu des phases de latence et des phases
de dynamisme en fonction des fluctuations de la rigueur adminis
trative Un changement de caïd ou même son simple départ en
congé suffit déchaîner une fièvre de constructions clandestines
comme dans le cas du douar Iziki Par ailleurs cette extension
spatiale est le résultat de arrivée plus ou moins massive de ruraux
et de citadins aux habitudes différentes dont le souci essentiel est
de construire un logement sans se préoccuper de la cohésion du
groupe Aussi espace bâti évolue-t-il pas de manière suivie on
ne bâtit pas immédiatement les nouvelles maisons dans la conti
nuité des anciennes Ainsi se créent des espaces vides dont la valeur
commerciale augmente et qui seront occupés plus tard par des
72 ANNALES DE GEOGRAPHIE

habitants ayant les moyens de répondre la spéculation créée dans


ces douars par la proximité des lieux de travail Les autres
construisent écart des noyaux bâtis dans les zones demeurées
moins chères Si dans certains douars anarchie dans laquelle est
opérée la croissance spatiale est encore perceptible Iziki Aïn Itti
par exemple elle apparaît plus dans le cas des douars où
espace disponible été totalement utilisé Sidi Youssef Ben Ali El
Koudiat)
Les différents éléments qui ont donné la croissance spatiale
des douars urbains une apparente incohérence ne sont donc pas
négligeables mais ils sont tout de même loin de pouvoir tout
expliquer évolution du douar dans son ensemble été guidée de
manière implicite par des lignes de force qui ont structuré espace
bâti Mais ces faits structurants diffèrent un douar autre
Si on prend exemple des douars situés côté une voie
accès la ville extension se fait de fa on linéaire parallèlement
cette voie mais aussi en profondeur suivant souvent des axes de
circulation préexistants anciennes pistes ou des Khettara Iziki
par exemple le développement des habitations est opéré le long
de la route Essaouira tandis une ancienne piste traverse en
oblique le douar elle structure en profondeur Comme on vu
dans étude du site existence exceptionnelle Marrakech
une colline nettement marqué évolution des douars El Koudiat
et Akioud
Parallèlement la pré-existence une voie accès la ville un
autre élément de la croissance spatiale peut être constitué par le
statut du soi Dans le cas particulier Aïn Itti qui est développé
sur des terrains statuts différents évolution spatiale est faite
dans plusieurs directions en créant une occupation lâche de
espace La forme irrégulière de ce douar de part et autre de la
route principale de Fès provient en grande partie de cette particu
larité Toutefois cette situation est peut-être que momentanée un
espace Melk privé resté non bâti intérieur du douar pourra être
construit par la suite. Par contre le statut des terrains limitrophes
un douar semble induire de fa on définitive la forme il revêt
Ainsi explique par exemple la forme originale de douars comme
Sidi Barek qui est étendu uniquement en longueur Le cas de ce
douar est un exemple parmi la diversité des formes que
revêtent les douars suscités par la ville Par rapport aux douars
ruraux il un plus grand nombre de facteurs qui ont pesé sur la
croissance de ces douars et qui les ont modelés de fa on contrastée
sans il soit possible de dégager une forme spatiale commune
HABITAT DES DOUARS DE MARRAKECH 73

Les lacunes une organisation


organisation spatiale des douars de Marrakech ne relève donc
pas un spontanéisme absolu même si improvisation est
souvent perceptible surtout dans les douars suscités par la crois
sance urbaine Sauf exception nous avons pas trouvé exemples
organisation de espace véritablement réfléchie Tout au plus
avons-nous pu parler organisation instinctive de espace qui
exprime soit par la faculté adaptation plus ou moins réussie au
milieu naturel soit par la reproduction de schémas traditionnels
empruntés au monde urbain ou au monde rural Mais ces emprunts
ne vont jamais au bout et le douar Marrakchi est ni un
fragment urbain on aurait détaché ni la réplique exacte un
véritable douar de la campagne Par ailleurs la variété des
modalités organisation de espace est une des originalités des
douars de Marrakech et elle creuse les différences on peut
observer quand on se livre des comparaisons avec les bidonvilles
classiques on trouve ni alignement systématique ni la
concentration des habitations en un espace restreint organisation
du douar est donc ni précon ue ni complètement anarchique
mais elle comporte des lacunes Toutefois ces lacunes ne sont pas
suffisamment affirmées pour on puisse les considérer comme des
éléments véritablement pertinents pour mesurer la sous-intégration
des douars par rapport la ville

II Un habitat solide marqué par une tradition hui


compromise

Si la structure globale du douar tranche sur celle offre le


bidonville les caractéristiques de habitat accusent encore cette
différence et confèrent au douar Marrakchi une de ses originalités
essentielles Aussi bien les matériaux de construction utilisés que la
structure de habitat appuient sur une tradition qui fait ses
preuves mais où on peut néanmoins déceler des signes de dégra
dation

Le pisé dégradation une technique


La constante de utilisation du pisé comme un matériau de
construction dans les douars de Marrakech constitue un trait
distinctif immédiatement repérable par rapport aux bidonvilles
classiques Ce matériau ne doit rien en effet industrie moderne
74 ANNALES DE GEOGRAPHIE

dont les rebuts sont habituellement utilisés dans ce type habitat


mais il inscrit au contraire dans une tradition vivace non
seulement Marrakech mais dans tout le sud du Maroc Deux
techniques essentielles sont employées dans utilisation du pisé la
terre que on trouve sur place mélangée avec eau souvent avec
de la chaux et de la paille et parfois de la pierre est soit damée
soit moulée Le damage appelé Leuh consiste piler le mélange
dans des banches planches de bois Ces deux banches de de
long et de 120 de haut reliées entre elles forment un coffrage de
40 cm épaisseur environ Cette technique de construction est
ailleurs déjà attestée par Ibn Khaldoun4
Quand adobe il agit du moulage et du séchage au soleil de
blocs de terre on utilise dans la construction des murs
La première méthode est surtout employée pour les grandes
surfaces mais on lui préfère adobe pour les espaces plus restreints
Elles sont souvent utilisées simultanément dans la mesure où elles
peuvent être complémentaires le coffrage sert surtout construire
des murs épais nécessaires car il faut répartir la charge sur une
grande surface il pas de fondations On se contente en
effet enlever la terre arable qui est plus molle Mais on emploie
adobe beaucoup plus maniable pour terminer en hauteur le mur
qui devient moins épais car la pression est moindre
Sous ces deux formes utilisation du pisé est adaptée aussi bien
aux faibles moyens financiers des habitants aux particularités
climatiques de la région La terre est la portée de la main et la
modicité du prix de revient de la construction en pisé explique la
permanence de son emploi un coffrage standard revient en effet
hui 60 dirhams environ soit 60 francs Par ailleurs ce
matériau naturel adapte fort bien au climat chaud et sec qui
caractérise la plaine du Haouz Par sa porosité par épaisseur des
murs il est un matériau calorifuge qui résiste la transmission de
la chaleur intérieur des maisons Cet isolant thermique est en
fait un matériau solide qui donne aux douars un caractère durable
par opposition la fragilité et la précarité des matériaux de
récupération utilisés dans les bidonvilles La résistance du pisé est
renforcée on lui adjoint de petites pierres de la chaux et du
sable Il offre avantage supplémentaire être facilement manipu-
lable et de ne nécessiter un matériel rudimentaire En outre la
construction un mur en pisé exige pas le creusement préalable
de fondations Aussi cette technique ancienne se révèle hui
propice la rapidité nécessaire. la construction spontanée Dans
les douars clandestins quelques nuits suffisent pour construire

Ibn Khaldoun Les Prolégomènes Art de construire cité par Deverdun in


Marrakech des origines 1912 115
75

Fig LES MAT RIAUX DE CONSTRUCTION UTILIS DANS LES DOUARS

une maison en pisé La part du pisé est donc importante dans la


plupart des douars fig 3)
Mais en dépit de quelques tentatives isolées comme emploi du
pisé amélioré béton de terre stabilisée dans la trame sanitaire de
Daoudiat et la réalisation avortée de 200 logements avec des voûtes
en pisé Ouarzazate la tradition du pisé au Maroc est paradoxale
ment en train de péricliter cela plusieurs explications la
désaffection égard une technique traditionnelle qui connaît une
dégradation certaine et les quelques inconvénients que présente le
pisé en soi Ces inconvénients et cette dégradation de la technique
de construction en pisé apparaissent nettement dans le cas des
76 ANNALES DE GEOGRAPHIE

douars de Marrakech En effet ils constituent en quelque sorte


actuellement le lieu de prédilection de ce matériau les douars
offrent aussi les exemples les plus significatifs une baisse de
qualité dans les méthodes de construction traditionnelles Le pisé
est solide la condition être entretenu régulièrement
attaqués souvent leur base par les eaux de ruissellement soumis
des risques de fissuration les murs offrent vite en effet un aspect
délabré En périodes de fortes pluies les infiltrations eau par le
toit peuvent présenter des menaces effondrement et on vu
récemment Sidi Youssef Ben Ali les maisons de pisé avaient
pas résisté au débordement de Oued Issyl

Les faibles moyens financiers des habitants des douars qui les
ont contraints déjà construire la va-vite le plus souvent
eux-mêmes sans recourir une main-d uvre spécialisée limitent
aussi la qualité des réparations auxquelles ils peuvent se livrer
Cette méconnaissance technique jointe la surveillance adminis
trative qui interdit en principe toute amélioration entraîne une
sorte de rafistolage fait aide de matériaux hétéroclites
surtout en ce qui concerne la toiture Celle-ci est constituée de
troncs de palmiers sur lesquels on place des roseaux recouverts de
terre damée La couche étanchéité qui permet écoulement de
eau devrait être refaite au moins annuellement Mais les
habitants se contentent utiliser des moyens de fortune comme le
mica voile de plastique souple) fixé parfois aide de pierres Le
délabrement peut aussi être la conséquence du fait que la technique
du pisé est pas utilisée pour la construction de toute la maison Si
le gros uvre est réalisé en pisé le reste se fait fréquemment en
plusieurs étapes et en utilisant autres matériaux et même des
matériaux de récupération planches claies de roseaux pour réparer
les pièces jujubier qui sert parfois de clôture et plus rarement
tôle Celle-ci ajoute la variété des matériaux utilisés comme
toiture ou comme cloison On peut voir aussi des feuilles de métal
qui portent encore la marque des usines de conserves auxquelles
elles étaient initialement destinées et qui sont clouées sur les portes
elles renforcent Les portes brillantes et multicolores du Douar
Boumbi font penser celles des maisons des bidonvilles mais ici on
impression que le matériau utilisé relève plus une recherche
esthétique que de la pure nécessité

Quant la manifestation la plus spectaculaire de la précarité de


habitat Marrakech la nouala hutte de branchages elle
reste exceptionnelle et sa présence dans certains douars comme Aïn
Itti est attestée que passagèrement En fait la période de la tente
et des nouala est révolue et elle est un lieu de transit qui
HABITAT DES DOUARS DE MARRAKECH 77

correspond une première arrivée dans un douar en attendant le


moment opportun pour construire ou pour occuper une maison
Il apparaît que le délabrement des douars est en relation avec
introduction de tous ces matériaux hétéroclites qui modinent leur
aspect général Ceci est surtout sensible dans les douars récents et
incertains de leur avenir Boumbi tandis que dans les douars
anciens liés agriculture les constructions en pisé sont relative
ment bien conservées et présentent un caractère nettement plus
homogène Mais autres matériaux cette fois plus solides
même ils sont bien adaptés viennent concurrencer le pisé
surtout dans les douars qui ont désormais une existence légale ou
qui se savent en voie intégration En plus de la pierre qui
toujours coexisté avec le pisé sont apparus les agglomérés en
ciment et les parpaings Ce phénomène qui gagne les douars
inscrit dans une tendance générale construire en dur en utilisant
les matériaux modernes valorisée depuis le Protectorat évolution
du modèle offert par la ville est sans doute pas ici négligeable si
Marrakech est une ville où les constructions en pisé restent
largement majoritaires 65 contre 11 pour le Maroc urbain)5
les constructions en terre sont hui interdites intérieur du
périmètre urbain
emploi du béton est donc per par les habitants des douars
comme la marque de la stabilité laquelle ils sont parvenus Une
maison en béton est un premier pas vers une assimilation
éventuelle avec la ville Aussi ce phénomène se manifeste-t-il
particulièrement souvent dans des douars comme Iziki El Koudiat
et surtout Sidi Youssef Ben Ali Mais emploi de ces matériaux
est pas systématique il dépend de importance des revenus des
habitants et la coexistence dans ces douars de maisons en pisé et
de maisons en ciment traduit les différenciations socio-économiques
La concurrence entre le pisé et les matériaux modernes apparaît
également intérieur une même maison au des possibilités
financières des habitants On utilise le ciment pour rajouter des
pièces ou encore pour modifier complètement la toiture après avoir
renforcé les murs De même les améliorations qui concernent le
revêtement du sol des maisons signalent plus nettement influence
du modèle urbain et éventuelle augmentation des revenus Au sol
de terre battue prédominant dans les douars ruraux 77
Sraghna) se substitue le sol revêtu de ciment 89 Sidi Daou)6
Si le passage au revêtement de ciment marque une amélioration
dans les douars du type rural est utilisation du carrelage qui est
le signe le plus visible de la différenciation sociale et de influence

Source Schéma
Enquête personnelle
directeur
1979 de Marrakech 1971
78 ANNALES DE OGRAPHIE

urbaine Ce type de revêtement existe pratiquement pas dans les


douars ruraux et reste minoritaire dans les autres douars 44 des
maisons Sidi barek 62 Sidi Daou)7 amélioration des
revenus correspond dans ce type de douars le besoin de rentabiliser
au maximum des terrains devenus chers Sidi Youssef Ben Ali par
exemple il ne saurait être question de gaspiller espace utili
sable par rapport au béton épaisseur des murs de pisé 40 cm en
moyenne grignote une partie de cet espace
En dépit de utilisation de matériaux divers ce qui fait le
caractère commun des douars de Marrakech et marque leur
originalité est emploi systématique de la technique du pisé Les
matériaux de récupération employés dans les bidonvilles ne peuvent
laisser aucune équivoque ils ne rappellent aucune forme de
construction antérieure Il en va pas de même des douars qui
utilisent un matériau traditionnel tant dans le monde rural que
dans le monde urbain où il servi même pour des constructions
luxueuses Cela dit le pisé est plus hui dans tous les
douars ce il été dans la tradition même il reste une forme
habitat solide Les différentes raisons pour lesquelles cette
technique particulièrement bien adaptée la région est progressi
vement dégradée depuis introduction de nouvelles techniques de
construction ont relativisé sa solidité bien connue conférer
parfois aux douars un aspect inachevé et même délabré Seuls les
douars ruraux semblent maintenir la qualité et homogénéité de la
construction en pisé Dans les autres douars autres facteurs liés
incertitude qui peut peser sur leur avenir ou encore aux moyens
dont disposent leurs habitants ont altéré cette architecture popu
laire dans le sens de ce qui peut passer pour une amélioration de
habitat et pour une amorce intégration la ville avec introduc
tion de matériaux de construction modernes qui atténuent aspect
primitif des douars mais aussi dans le sens une dégradation avec
emploi de matériaux de fortune qui confèrent aux douars les plus
récents un caractère hétéroclite et sont autant de signes de précarité
et indices de insuffisance des ressources de leurs habitants et de
leur non-intégration la ville
Aussi sans on puisse faire de comparaison avec les bidon
villes aspect des habitations et les matériaux utilisés sont pour les
douars de Marrakech un indicateur important mais non catégo
rique de sous-intégration

La maison des douars une tradition architecturale menacée


De même que emploi du pisé inscrit dans une tradition
ancienne la conception ensemble des maisons dans les douars est
Enquête personnelle 1979
HABITAT DES DOUARS DE MARRAKECH 79

le reflet du classique modèle architectural de la maison musulmane


Toutefois si les maisons des douars présentent des traits communs
qui en font un habitat relativement confortable un certain nombre
de facteurs entraînent apparition de traits distinctifs pouvant
marquer parfois une modernisation du logement mais signalant le
plus souvent une dégradation de sa qualité
Le poids de la tradition le fait que le pisé soit un matériau qui
supporte difficilement les constructions en hauteur et aussi le fait
que espace soit resté longtemps non mesuré expliquent que les
douars de Marrakech soient constitués pour essentiel de maisons
basses bâties uniquement au rez-de-chaussée Pas originalité non
plus par rapport au modèle traditionnel dans le fait que les fa ades
extérieures restent aveugles En dehors de quelques lucarnes aéra
tion et éclairage qui donnent parfois sur la rue la porte entrée
demeure la seule ouverture réelle Aussi organisation interne de la
maison se fait-elle autour de élément fondamental de la morpho
logie arabe qui est le patio Les chiffres sont ici explicites douars
compris habitat patio occupe 75 de espace habité de la ville
et concerne 80 de la population totale de Marrakech8 Tous les
douars sont donc marqués par cet emprunt au modèle général de la
tradition architecturale aussi bien urbaine que rurale même si
introversion de habitat est davantage marquée en milieu urbain
Quand on pénètre pour la première fois dans une maison de douar
on ne peut être surpris de découvrir cet espace ciel ouvert qui
commande les principales activités de la vie familiale et qui
contraste fortement avec aspect déroutant que les murs extérieurs
pouvaient offrir
Si la plupart des patios que on trouve dans les douars sont de
petite ou moyenne taille il est pas exclu de trouver des jardins
intérieurs certes ils atteignent pas le raffinement des riad des
demeures bourgeoises en Médina mais ils en marquent pas moins
la recherche un certain confort est donc cet espace central
généralement rectangulaire qui structure ensemble de la maison
dans la mesure où les différentes pièces ouvrent toutes sur lui Il
commande aussi la forme et la dimension de ces pièces presque
toujours plus longues que larges et ne communiquant jamais entre
elles Ces pièces prennent jour sur le patio par la porte entrée
mais aussi par des fenêtres nettement plus grandes que les lucarnes
qui donnent parfois sur extérieur
En dehors de la cuisine quand elle existe ces pièces ont
pas toujours une destination spécifique Même si une pièce semble
être réservée la réception salle des invités la polyvalence est
partout de règle et dans certains douars où le rapport entre le
Schéma directeur de Marrakech D.R.H.U. 1980
80 ANNALES DE GEOGRAPHIE

nombre de pièces et le nombre habitants pose un problème elle


est carrément inévitable En dépit de leurs appellations officielles
elles servent donc indifféremment de salon de chambre coucher
de salle de séjour etc La fonction de ces pièces est donc susceptible
de subir des changements au gré des besoins sans il soit
possible de dégager des règles précises quant leur distribution
Nous avons esquissé sommairement ci-dessus ce qui nous semble
être les constantes dans la structure interne des maisons des douars
et la qualité de habitat ils offrent Généralement bien aérées et
ensoleillées grâce au patio central les maisons des douars consti
tuent un habitat qui offre de meilleures conditions de vie que
certains quartiers taudifiés de la Médina Il agit bien de vraies
maisons dans ensemble spacieuses et bien con ues dans les
douars 30 des maisons ont une surface supérieure 100m2 et
38 une surface comprise entre 60 et 100m29 Cependant la
variété des plans le type de douars auquel appartient la maison la
proximité relative de la ville ou encore importance des activités
rurales font apparaître un certain nombre de traits distinctifs
Il convient abord de distinguer entre la structure des maisons
dans les douars issus du monde rural et celles des maisons des
agglomérations tournées vers la ville Les plans expriment nette
ment cette différenciation Si le patio reste élément de base il est
souvent doublé dans les douars de type rural par une ou plusieurs
cours destinées aux activités agricoles est sur elle que
donnent les étables poulaillers clapiers remises etc Les animaux
utilisent unique entrée de la maison et une ou plusieurs bifurca
tions permettent accéder espace qui leur est réservé Presque
toujours espace habitable est donc nettement séparé et il suffit
observer le plan de ce type de maisons pour comprendre que cette
séparation qui obéit des impératifs hygiéniques se fait le plus
souvent de manière ingénieuse Cette dualité patio-cour pourtant
rien de systématique dans bien des douars ruraux comme Sraghna
un certain nombre de maisons ont plus espace destiné aux
activités agricoles ce qui traduit une mutation dans les occupations
de leurs habitants ou arrivée de nouveaux ménages qui tirent leurs
revenus de la ville
La présence un puits est pas un critère déterminant dans
cette différenciation elle est liée au développement plus ou
moins avancé des équipements collectifs fontaines publiques... Par
contre on est frappé par le fait que si toutes les maisons ne sont
pas obligatoirement équipées de W.C. le nombre des habitations
avec W.C dans les douars ruraux est inférieur de moitié celui des
douars plus marqués par influence urbaine 41 Sraghna contre
Moyenne calculée sur les neuf douars enquêtes 1979
81

poulailler

chambre des invités chambre vid

co

patio

entrée

ZZi LZ LZ

chambre couc=h er débarras

Fig PLAN TYPE DE MAISON AU DOUAR TOUNSI

86 Sidi Barek)l0 Le phénomène inverse joue en ce qui


concerne le hammam de la maison beaucoup plus fréquent dans les
douars éloignés qui ne peuvent bénéficier de hammam collectif
offert par les quartiers de la ville ou éventuellement par le douar
lui-même Le hammam privé que les habitants signalent fière
ment aux visiteurs est un signe indépendance et de confort
amélioré
Par ailleurs on peut noter une grande variété dans espace
occupé par les maisons ce qui confère la structure de habitat
une plus ou moins grande complexité Ce sont les douars les plus
éloignés de la ville où les activités agricoles continuent survivre

10 Enquête personnelle 1979


82 ANNALES DE OGRAPHIE

qui présentent les maisons aux plans les plus complexes et les plus
variés dans la mesure où les habitants disposent une grande
surface
Quant aux douars en relation directe avec la ville où espace
est davantage mesuré en raison de la valeur des terrains ils
connaissent un morcellement des parcelles habitées entraînant la
réduction des surfaces et une simplification de la structure interne
Ce processus de réduction est lié la progression de utilisation des
matériaux de construction moderne dont on vu ils étaient plus
pratiques sur de petites surfaces Pour les mêmes raisons est dans
ces douars que on trouve le plus grand nombre de constructions
en étage pratiquement inexistantes dans les douars éloignés Dans
le cas où le patio est de faible dimension comme Sidi Barek la
surélévation qui rarement été prévue au premier stade de la
construction modifie la structure de la maison et peut dégrader la
qualité du logement Elle se fait en effet souvent un peu au hasard
et dans la clandestinité aide de matériaux parfois précaires
est ainsi Sidi Youssef Ben Ali des baraques hétéroclites
surmontent certaines maisons riveraines de Oued Issyl et nous
avons même pu voir dans ce quartier pourtant intégré officielle
ment de longue date quelques nouala saugrenues sur des
terrasses11 est que la surface en elle-même ne suffit pas
apprécier la qualité de habitat qui de sens que par rapport au
nombre de personnes qui se partagent la maison On retrouve dans
les douars comme Aïn Itti le processus de densification et de
dégradation ont connu et que connaissent encore la Médina et
Sidi Youssef Ben Ali est ainsi que dans les douars situés
proximité des principales zones emploi cinq six familles
peuvent se partager espace une seule maison ne dépassant pas
150 na2 Dans les douars éloignés par contre une seule famille peut
disposer une surface totale de 300 m212 est surtout dans ces
derniers douars que chaque ménage dispose un nombre suffisant
de pièces pour elles puissent avoir une fonction précise
En effet dans ces douars le pourcentage des familles disposant
de pièces représente plus de la moitié Sraghna 542 contre
333 Sidi Barek)13 inverse les familles qui vivent dans
une ou deux pièces sont plus nombreuses dans les douars soumis au
processus de densification La diminution du nombre de pièce par
ménage marque donc une dégradation des conditions de logement
mais ces pièces restent suffisamment grandes autour de 12 m2
pour on ne puisse les comparer aux espaces exigus des baraques
de bidonvilles
11 Juin 1982
12 Enquête personnelle 1979
13 Enquête personnelle 1979
HABITAT DES DOUARS DE MARRAKECH 83

La préservation un confort relatif


Entre les baraques des bidonvilles et les maisons des douars il
tout écart qui peut provenir une tradition architecturale
Quand un espace suffisant lui permet de exprimer habitat des
douars est héritier de modèles qui ont défini la structure interne
des maisons musulmanes Bien adaptées au milieu répondant aux
besoins tant des ruraux que des citadins ces maisons constituent au
départ un habitat normal non dépourvu de qualités hui
encore les maisons des douars origine rurale préservent une
certaine qualité de la vie et présentent un confort relatif en tout cas
par rapport aux habitudes de leurs habitants Mais la reproduction
des schémas qui ont fait leurs preuves est désormais perturbée par
les mêmes maux qui ont dégradé habitat de la Médina Aussi les
douars de la périphérie immédiate offrent-ils image bâtarde un
habitat qui est en train de devenir hétéroclite

Conclusion un habitat convenable aux premiers signes


de taudification

Si on compare organisation spatiale et la structure de


habitat dans les douars on remarque que est la notion un
espace disponible qui se révèle déterminante dans la relative
préservation de la qualité de la vie assure ce type habitat Il
est évidemment plus facile aux habitants un douar où espace
bâtir est pas vraiment mesuré aux bidonvillois prisonniers
de exiguïté de leurs parcelles de maintenir encore vivaces des
traditions architecturales dont on montré les qualités Mais que
on approche de la ville que les phénomènes de densification
accentuent et on voit apparaître les premiers signes de taudi
fication improvisation imitation maladroite introduction de maté
riaux hétéroclites autant de facteurs une évolution qui com
promet les qualités un habitat initialement simple mais conve
nable
La restriction de espace et apparition de matériaux précaires
agrégeant et parfois se substituant au pisé définit le seuil qui
permet de mesurer de fa on concrète une urbanisation sauvage en
rupture avec les données de urbanisme officiel
84 ANNALES DE GEOGRAPHIE

Résumé Les douars de Marrakech sont une forme habitat péri-urbain


qualifié de spontané très éloigné du bidonville et dénommé ainsi imitation
des établissements ruraux du Maroc Accueillant une population déracinée ils
abritent 115 000 habitants 1979 soit près du quart de la population de
Marrakech Leur organisation spatiale instinctive doit autant aux habitudes
rurales de la région du Haouz aux influences de la grande ville proche La
construction en pisé encore solide dans les douars les plus ruraux. devient
dégradée et mêlée des matériaux modernes hétéroclites dans les douars plus
urbains Les plans de maison reflètent également le degré intégration la
ville espace disponible une certaine qualité de vie une organisation souvent
traditionnelle des maisons opposent donc les douars aux bidonvilles que on
trouve dans autres villes du Maroc

Abstract Marrakech douars are special kind of peri-urban settlements


falling into spontaneous dwellings category very far from the shanty towns
shapes Their names derived from the rural morrocan settlements Gathering
uprooted people they concentrate 115000 inhabitants 1979) the fourth of the
total Marrakech population Their spatial instinctive structure is well
influenced by the rural way of life in the Haouz area than by the very near city
of Marrakech The pise built houses still strong in the more rural douars
become damaged and mixed with modem and hétéroclite material in the more
urban douars Houses plans are reflecting also the urban integration level But
the available space certain kind of quality of life very frequent
traditionnal structure of houses contrast with the features of shanty towns we
find in other morrocan cities

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