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Greffe / Implant / Prothèse / Transplantation

Lorsqu’on est confronté à la défaillance d’un organe ou d’une fonction, la médecine moderne
possède un large éventail de moyens pour y remédier. Parmi ceux-ci, la greffe et la transplantation
d’une part, l’implant et la prothèse d’autre part.
Greffe et transplantation sont grosso modo synonymes, de même qu’implant et prothèse. Nous allons
passer en revue les subtilités qui séparent ces notions, sachant que le premier couple de mots concerne des
organes ou des tissus vivants, le second du matériel de synthèse.
Greffe ou transplantation?
Dans cet article j’emploierai indifféremment ces deux termes, bien qu’en fait greffe et transplantation
ne soient pas tout-à-fait synonymes ; la différence entre les deux termes est subtile, car d’ordre technique :
la greffe est avasculaire, le greffon étant simplement introduit (implanté) dans l’organisme, alors que dans la
transplantation, l’équipe chirurgicale procède à une revascularisation par anastomose (suture) entre les
vaisseaux du patient et ceux du transplant. De plus, dans la transplantation, il convient de raccorder
certaines structures canalaires comme l’uretère (transplantation rénale), le canal cholédoque (transplantation
hépatique) ou la trachée (transplantation pulmonaire) ; idem pour les nerfs dans certains cas (transplantation
de membre ou de visage). Pour schématiser, on pourrait dire que le transplant est raccordé à la « tuyauterie »
du transplanté, alors que le greffon est simplement introduit au bon endroit dans l’organisme.
Stricto sensu, la greffe concerne donc essentiellement la cornée, la moelle (osseuse, pas épinière !),
l’os, la peau ou les valves cardiaques ; quant à la transplantation, elle s’adresse prioritairement aux reins
(bien que l’on parle plus volontiers de greffe rénale que de transplantation rénale), au foie, au cœur ou
encore aux poumons ; plus anecdotiquement (en nombre, pas en intérêt !) d’autres organes ont été
transplantés ces dernières années, comme le visage (première mondiale française) ou même, en 2014,
l’utérus chez une femme suédoise et stérile.
Le principe d’une greffe est de remplacer un organe malade ou manquant par un organe sain ou un
tissu sain. Dans certains cas, comme la greffe cardiaque ou de moelle, il s’agit de sauver la vie du patient,
condamné à brève échéance ; dans d’autres cas, comme la greffe rénale, l’objectif est d’améliorer
grandement les conditions de vie du patient qui n’est plus obligé d’être régulièrement dialysé
L’organe implanté est appelé le greffon dans une greffe, et le transplan» si l’on est dans le cadre d’une
transplantation.
Les adjectifs dérivés sont greffé et transplanté, que l’on utilise aussi comme substantifs pour parler
d’un patient qui a bénéficié de ces techniques.
Quand un patient a perdu accidentellement tout ou partie d’un membre et que l’équipe chirurgicale le
réimplante, il ne s’agit pas d’une transplantation à proprement parler, bien que techniquement ce soit la
même chose, tout aussi complexe d’ailleurs que pour un membre provenant d’un donneur. On parle dans ce
cas de réimplantation.
Dans la plupart des cas on a affaire à une allogreffe (donneur et receveur appartiennent à la même
espèce) ; si le donneur est le jumeau monozygote du receveur (cas exceptionnel), il s’agit d’une isogreffe.
Mais le donneur peut aussi être le receveur, comme dans la greffe de peau (on prend de la peau à un endroit
pour la greffer sur la partie malade) ; il s’agit dans ce cas d’une autogreffe, qui ne pose évidemment pas de
problème de rejet immunologique. Quant à la xénogreffe, dans laquelle le donneur et le receveur
appartiennent à des espèces différentes, quoique proches génétiquement, elle est pour l’instant d’ordre
expérimental.
La transfusion sanguine n’est pas considérée comme une greffe au sens strict du terme.
Rejet
Le système immunitaire du receveur ne reconnaît pas le greffon, et va donc tenter de l’éliminer ; c’est
ce que l’on appelle le rejet, qui peut être aigu ou chronique, et se traduire par la perte rapide du greffon ou
par une lente dégradation de sa fonction. C’est pour éviter ce rejet que les greffés sont obligés de prendre à
vie un traitement immunosuppresseur, non dénué de risques à long terme. Ce traitement n’est pas requis
pour la greffe de valves cardiaques ou de cornée, ni dans le cas d’une autogreffe.
Don d’organes
Il convient de distinguer le don d’organe ou de tissu de la notion de « faire don de son corps à la
science », qui permet au corps médical d’utiliser le cadavre du donneur pour « faire avancer la science »,
selon l’expression consacrée.
Le greffon (ou le transplant, puisque c’est la même chose) provient d’un donneur qui peut être vivant
ou mort : mort quand il s’agit de prélever un organe vital comme le cœur ou les poumons ; vivant quand on
s’adresse à un organe non vital, comme le rein (puisque l’on peut vivre avec un seul rein) ou une partie du
foie (puisque le foie du donneur va se régénérer).
Pour le donneur mort, deux situations sont possibles : le patient en état de mort encéphalique (on dit
aussi mort cérébrale), et le patient qui vient de décéder d’un arrêt cardiaque définitif ; cette seconde
possibilité est plus récente que la première (elle n’existe que depuis 2006), et devrait permettre d’augmenter
le nombre de greffons disponibles.
Pour le donneur vivant, des conditions très strictes doivent être respectées ; elles ont été précisées par
la loi de bioéthique du 7 juillet 2011, qui permet d’élargir le cercle des donneurs potentiels. Cette situation
concerne essentiellement la greffe rénale, car le prélèvement d’un rein représente un risque extrêmement
faible pour le donneur.
L’opération qui consiste à prélever un organe sur un donneur s’appelle le prélèvement d’organe ; il est
possible de prélever plusieurs organes sur un seul donneur mort (prélèvement multi-organe), pour les greffer
ou les transplanter sur plusieurs receveurs.
L’expression don d’organe indique bien qu’il ne s’agit pas d’une démarche commerciale, du moins
dans la plupart des pays, en particulier la France, pays où la greffe est encadrée par l'Agence de la
biomédecine.
En France, la vente d’organe est un délit passible de lourdes sanctions pénales. Cependant, elle se
développe régulièrement dans le monde, que ce soit de manière légale mais, malheureusement aussi sous
forme de trafic criminel.
Le vrai problème de la greffe, dans la plupart des pays et notamment la France, c’est l’inadéquation
entre l’offre, nécessairement limitée, et la demande, toujours croissante ; en clair, tous les patients en attente
d’une greffe n’auront pas la chance d’en bénéficier, et certains mourront de cette attente. C’est pourquoi de
grandes campagnes de sensibilisation sont régulièrement organisées par l’Agence de la biomédecine pour
que chacun fasse connaître ses intentions à son entourage pour le cas où le problème se poserait, ce qui
permet à l’équipe médicale de gagner un temps très précieux. La règle est en effet de considérer que tout
individu est un donneur potentiel, sauf s’il a clairement exprimé le contraire de son vivant. Mais la loi
obligeait le corps médical à s’assurer auprès de l’entourage que le donneur potentiel n’avait pas exprimé un
tel refus. Depuis le 1er janvier 2017, toute personne décédée est un donneur potentiel sauf si elle s’est fait
inscrire de son vivant sur un registre de refus.
Il est également possible de donner, de façon obligatoirement anonyme, du sperme ou des ovocytes
pour que des couples stériles puissent en bénéficier, mais c’est un autre sujet.
Implant ou prothèse ?
Là encore, il s’agit de deux mots qui ont grosso modo la même signification, à savoir celle d’un
matériel synthétique implanté de manière temporaire ou définitive dans l’organisme. Par exemple, lors de la
récente affaire des « prothèses PIP », qui a fait couler beaucoup d’encre médiatique, on a parlé
indifféremment de prothèses mammaires ou d’implants mammaires.
Voici quelques exemples ou l’on utilise préférentiellement le mot implant : les implants dentaires ; les
implants contraceptifs, qui permettent une contraception permanente mais réversible ; les chambres
implantables utilisées pour réaliser des chimiothérapies par voie veineuse ; les implants cochléaires, que
l’on utilise dans certains cas de surdité ; quant aux implants capillaires, ils sont particuliers car il s’agit ici de
matériel humain, raison pour laquelle on parle aussi de greffe de cheveux, spécialité d’un récent ministre du
budget propriétaire d’un compte bancaire en Suisse…
A contrario, quand on remplace l’articulation du genou ou de la hanche, l’usage est de parler de
prothèse et non pas d’implant. L’intervention qui consiste à poser cette prothèse s’appelle une arthroplastie.
De même, quand on renforce la paroi abdominale avec un matériel synthétique, lors d’une cure de hernie
par exemple, on utilise pour réaliser cette hernioplastie une prothèse synthétique (que les patients appellent
en général toile, filet, grillage, plaque, et que sais-je encore…).
Le matériel synthétique implanté dans l’organisme, de manière temporaire ou définitive, est qualifié de
dispositif médical implantable. Il est nécessairement stérile, et fait l’objet d’une traçabilité rigoureuse très
utile en cas de problème sanitaire avec ce type de matériel (cf. les prothèses PIP).
Lorsque le matériel est amovible, comme les aides auditives ou les appareillages pour amputés, on
parle toujours de prothèse et non pas d’implant, et il ne s’agit pas de dispositif médical implantable. Les
appareillages pour amputés sont d’ailleurs les plus anciennes prothèses connues, comme les crochets ou les
jambes de bois des pirates de notre enfance (je pense ici au Capitaine Crochet).
Quant aux lunettes de vue ou aux lentilles correctrices, elles ne bénéficient pas du statut de prothèse
auquel elles pourraient très bien prétendre.
Dans certaines disciplines, le professionnel qui réalise des prothèses est un prothésiste : prothésiste
dentaire ou audioprothésiste par exemple.
Au fait, quel est le nom qui convient le mieux au célèbre cœur artificiel, implanté (transplanté ?)
récemment chez quelques patients français, tous malheureusement décédés : implant, transplant, greffon,
prothèse cardiaque… ?

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