Le Kurdistan, entre unité et pluralité

Entre les succès du Rojava contre l’Etat Islamique en Syrie et le référendum

pour l’indépendance en Irak, quel futur pour les Kurdes ?

A cheval entre quatre pays, le peuple Kurde revendique son indépendance depuis la Première Guerre
mondiale et le traité de Sèvres, où une délégation Kurde tente de libérer leur peuple du joug Ottoman
Turc. Ce combat continue encore aujourd’hui, et semble se rapprocher de sa réalisation.
Les Kurdes de Turquie : une communauté
importante mais réprimée.
La Turquie comporte encore aujourd’hui la plus
grosse communauté Kurde, avec environ 17
millions de locuteurs. Paradoxalement, c’est
aussi la partie du Kurdistan la plus réprimée. En
effet, l’utilisation du langage kurde est interdite
depuis les années 80, ainsi que les mots
« Kurde » et « Kurdistan ». Le gouvernement
refuse de reconnaître l’existence même du peuple
kurde, appelé seulement « Turcs des
montagnes ». Ils sont cependant représentés par
le PKK, une organisation politique d’action
armée d’extrême gauche fondée par Abdullah
Öcalan en 1978. Aujourd’hui emprisonné en
Turquie, il reste malgré tout considéré comme
une icône par le mouvement kurde, autant en
Turquie qu’en Syrie, où beaucoup de membres
du PKK. Aujourd’hui se déroule une guerre de
proxy entre des milices pro-turques et les
combattants kurdes dans le Nord de la Syrie. A
cette situation déjà difficile s’ajoute
l’ambivalence des USA et de la Russie, qui tous
deux supportent à la fois le régime d’Erdoğan et
le rôle des forces kurdes dans la lutte contre
Une photo montrant Öcalan sur un drapeau,
entouré des bannières du YPG et du PKK,
Raqqa, 2017
l’Etat Islamique et dans la refondation de la
Syrie.
Le statut complexe du Kurdistan Syrien :
entre indépendance et autonomie.
Le Kurdistan syrien, plus connu sous le nom de
Rojava, est la plus petite partie du Kurdistan, ne
comprenant qu’environ 1.2 millions de kurdes,
soit seulement 60% de la population de Rojava.
C’est cependant aussi la plus fructueuse. En
effet, sa puissance
militaire a été
démontrée par la
prise de la
capitale de l’Etat
Islamique, Raqqa,
en octobre 2017
par les SDF, des
forces
pluriethniques
principalement
composées des Soldats du YPG célébrant la prise de
Kurdes du YPG. Raqqa en octobre 2017
Le Rojava n’est
en effet depuis 2013 plus simplement la partie
syrienne du Kurdistan, mais se réclame être un
projet pour une reconstruction fédérale de la
Syrie. Composés de Kurdes d’Arabes, de
Turkmène et d’Assyriens, ce projet a été mis sur
pied en 2016, quand la présidence du pays a été
partagée par un Arabe et une Kurde, chargés
d’écrire une constitution pour une Syrie fédérale.
Le pays a alors officiellement pris le nom de
Fédération Démocratique de Syrie du Nord,
abandonnant toute connotation Kurde. Ses forces
armées, nommées les Forces Démocratiques
Syriennes, sont donc elles aussi pluriethniques,
malgré un commandement et des effectifs
majoritairement kurdes. Les USA financent les
FDS en leurs fournissant du matériel militaire à
hauteur de $2.2 milliards, malgré leurs
affrontements réguliers avec les milices financées
 par les Turcs, pourtant membres de l’OTAN. Le
gouvernement syrien a pour sa part annoncé la
possibilité de négocier avec la FDSN, décision
supportée par la Russie.
Le Kurdistan Irakien et le référendum sur
l’indépendance.
Le Kurdistan Irakien est une région autonome de
l’Irak depuis 2005. Après des relations tendues
avec le gouvernement de Bagdad, Masoud
Barzani avait annoncé en 2014 qu’un référendum
sur l’indépendance du Kurdistan prendrait lieu
prochainement. Apres avoir été repoussé à cause
de la montée en puissance de l’Etat Islamique,
que les Peshmergas (armées de la région
autonome du Kurdistan) ont combattus là où
l’armée nationale irakienne s’était enfuie,
notamment à Kirkuk, le référendum eu
finalement lieu en septembre 2017. Avec 93% de
Oui et 7 % seulement de Non, le gouvernement
du Kurdistan a mis en place une commission
pour la négociation avec Bagdad dans le but de
parvenir à l’indépendance. Cependant, les
Peshmergas ne sont pas intervenus quand l’armée
irakienne a investi les régions de Kirkuk et de
Mossoul, gagnées face à l’Etat Islamique après
que les troupes de Bagdad ait fuient. Perçue
comme une défaite, cela a divisé les partis
politiques s’accusant mutuellement, et le
Président Masoud Barzani a annoncé vouloir
quitter son poste dans un futur proche.
Carte montrant les zones habitées par les Kurdes. La principale région se situe à cheval entre la Turquie, l’Iran, l’Irak
on trouve aussi de nombreuses communautés notamment en Turquie et en Iran.
Le Kurdistan Iranien, une minorité parmi
tant d’autres.
A l’annonce des résultats du référendum en
Irak, les Kurdes d’Iran ont fait d’énormes
célébrations qui durèrent deux jours, pendant
lesquels des manifestations pro-indépendance ont
eu lieu, reprenant l’exemple de la République de
Mahabad. Cet Etat éphémère ne dura qu’un an,
de janvier à décembre 1946, mais fut central dans
la création du nationalisme kurde moderne.
L’hymne de la république, « Ey Reqîb » est
aujourd’hui considéré comme l’Hymne du peuple
kurde tout entier, et fut chanté lors de ces
célébrations. Cependant, les autorités iraniennes
réprimèrent ces manifestations en arrêtant de
nombreux Kurdes. La position de l’Iran face aux
Kurdes est d’autre part assez ambivalente : alors
qu’à l’inverse des Turcs, ils reconnaissent leur
existence, et ont nommé « Kurdistan » une des
régions où qu’ils occupent, ils ne représentent
aux yeux du gouvernement qu’une minorité
culturelle parmi tant d’autres telles que les
Azéris, les Arabes, les Lors ou les Turkmènes.
Les Kurdes parviendront-ils à tracer leur
destinée, ou leur sera-t-elle imposée ?
Jules Théaudière, et la Syrie, mais
2017