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Les préoccupations pour l’habitat pour le plus grand nombre ont émergé du discours de
Michel Ecochard. Les propos d’Ecochard se sont développés au sein de l'ATBAT-Afrique,
une filiale du bureau d'étude l'Atelier des Bâtisseurs, co-fondée par Michel Ecochard et
Vladimir Bodiansky. Toute cette expérience accumulée sur la conception d'un « Habitat
pour le plus grand nombre » fera entre autres choses l’objet d'une présentation en 1953
à Aix-en-Provence au IXème congrès des CIAM, par les deux co-fondateurs dans le cadre
d'une collective « Contribution à la Charte de l ’Habitat ». Ces préoccupations prolongent
les réflexions de l’architecte français qu’il publiait trois ans plus tôt, dans un article
« Urbanisme et construction pour le plus grand nombre ».
Dans le numéro de la revue Archigram de 1968, le groupe Archigram nous faire part de
son intérêt pour cette question: «Le problème du "plus grand nombre" est considéré
comme la question centrale de la survie de l'homme en tant qu'individu face aux pressions
de l'histoire, de la technologie et de la tolérance ». Archigram (éd.), « POPULAR PAK.
GREATER NUMBER », Archigram n°8,Londres, 1968, insert 2
Modèle pour le plus grand nombre
Marseille (1945-52),
Berlin (1947-52),
Nantes (1950-55)
Briey (1960)
Firminy (1967)
Modèle pour le plus grand nombre
Plusieurs attitudes :
1/ Régionalisme critique
2/ Structuralisme
3/ Architecture organique
Vers un régionalisme critique : pour une architecture de résistance
Le couple anglais Smithson, alors membres du groupe MARS, a présenté une grille
composée de vingt-quatre panneaux qui constituaient une critique des grilles du CIAM,
parce qu’elles ne reflétaient pas la réalité de l'organisation sociale, mais était simplement
le résultat d'un opportunisme politique, technique et économique. Pour remplacer ces
grilles, les Smithson ont proposé que l'urbanisme soit basé sur une hiérarchie sociale
identifiante, construite à partir de différents niveaux d'association humaine : la maison, la
rue, le quartier et la ville. Dans leur document, ils ont fait valoir que la tâche de
l'architecte était d'intégrer des fonctions, et que la hiérarchie fonctionnelle de la Charte
d'Athènes devait être remplacée par cette hiérarchie d'associations humaines.
Ce changement des relations sociales observé à des échelles diverses, tel qu’illustré dans
leur « Hiérarchie des associations » représentait les fondements théoriques de leurs
projets architecturaux et tel que présenté au CIAM 9 par les membres du groupe MARS I
Récapitulatif
De leur côté, Georges Candilis et Shadrach Woods présentent un projet conçu pour les
Carrières Centrales, incarnant une interprétation d’un certain « casbahisme ». Ce modèle
est éloigné des canons de l’Unité d’habitation, puisqu’il se veut être une réponse
contextualisée, réinterprétant des modèles d’habitats vernaculaires locaux. Cette attitude
tranche avec l’approche de la période d’après-guerre qui croyait en une vision
« mélioriste selon laquelle, en influant sur le changement social et en imposant un ordre
environnemental universel, les architectes pourraient améliorer le sort des êtres humains et
réparer un globe ravagé par la dévastation physique et morale ».
Ce changement de perception va mener les architectes à envisager des lectures localisées,
contextualisées, éloignées du modèle universaliste et technologique du Mouvement
Moderne. Cette contestation des principes modernistes verra émerger un courant de
pensée structuraliste, qui souligne le retour d’une attitude « à l'égard du vernaculaire ».
Récapitulatif
Le nouveau groupe incarne toute une génération post-CIAM et prend le nom de Team 10.
A Otterlo, dans une vidéo tournée lors de leur premier Congrès organisé au Kröller-Müller
Museum, le Team 10 annonce officiellement la mort des CIAM. Bien que la mort des CIAM
soit annoncée en 1959, et qu’il s’agisse d’une mise en cause du Mouvement Moderne,
annonçant la crise de ce dernier, la mort du Mouvement Moderne ne sera annoncée qu’en
1974.
Pour faire état de leur mise en cause du Mouvement Moderne, le Team 10 s’est imposé
une série d’objectifs qu’ils ont tenté de compiler et d’expliciter dans une publication
constituant la première historiographie de ce courant, le Team 10 Primer.
Récapitulatif
Pour faire état de leur mise en cause du Mouvement Moderne, le Team 10 s’est imposé
une série d’objectifs qu’ils ont tenté de compiler et d’expliciter dans une publication
constituant la première historiographie de ce courant, le Team 10 Primer.
». La première partie de l’ouvrage « le rôle de l’architecte », questionne les différentes
attitudes des architectes envers l’habitat, et sur le fait qu’au moment de la rédaction de
cet ouvrage, la différentiation entre urbanisme et architecture n’a plus raison d’être. Les
différents articles et essais repris, comprennent, entre-autres, des écrits de Jaap Bakema,
du couple Smithson, d’Aldo van Eyck, ou encore d’Oskar Hansen. Ce dernier présente son
approche de la forme ouverte, en tant que critique de la forme fermée, caractérisant le
Mouvement Moderne. L’ambition élargie ici au Team 10, est donc d’expérimenter des
manières de former une « nouvelle architecture », cristallisant l’expression d’une « nouvelle
relation entre les hommes et l’univers façonné par l’homme »
Récapitulatif
La section portant sur les infrastructures, tend à mettre en évidence le fait que les
architectes de l’époque ont dû conceptualiser une architecture devant nécessairement
intégrer un des enjeux majeurs de leur époque : la mobilité. Pour ce faire, de grandes
épines dorsales ont vu le jour dans les projets proposés à cette époque, ou encore des
rues piétonnes surélevées, comme dans le projet pour Berlin-Hauptstadt des Smithson.
Les enjeux sont multiples dans cette formalisation de la mobilité sur laquelle viennent se
greffer diverses fonctions, mais l’un de ceux-ci est « de surmonter l'"obsolescence
culturelle" du logement de masse en trouvant des solutions qui projettent une véritable
image technologique du XXe siècle de l'habitation - confortable, sûre et non féodale ». La
recherche d’un nouveau mode de vie pour les logements pour le plus grand nombre, est un
des fers de lance du Team 10 dans leurs recherches d’une « nouvelle architecture ».
Structuralisme
La section suivante du Primer, porte sur l’habitat groupé et tente d’illustrer quelques
tentatives pour répondre à cette question. Cette section est révélatrice de la nécessité
pour les architectes du groupement dissident des CIAM, de développer une réponse
architecturale pour le grand nombre, tout en permettant l’expression de l’individualité, en
offrant la liberté « à chaque homme d’être le maître de sa maison ». Cela nécessite pour
l’architecte, comme ce fut le cas dans les recherches de l’ATBAT d’abandonner l’image
d’une architecture totale, la maîtrise de tous les détails, pour éviter au maximum, à
l’habitant, une appropriation figée de son lieu de vie. Au contraire, l’architecte doit
permettre l’expression individuelle. Ce regard porté sur la possibilité de l’individu de
s’approprier son logement, de l’ « habiller » sera théoriquement exploré par les Smithson
dans leur conception du Nouveau Brutalisme.
Structuralisme
Les années 1960 ont également été témoin d’évènements marquants pour la société
occidentale, orientale et européenne. Parmi ceux-ci, nous pouvons relever l’assassinat de
John F. Kennedy en 1963, qui a entraîné la nomination de Lyndon B. Johnson. Celui-ci
engagea les Etats-Unis dans un conflit armé avec le Vietnam. Toujours aux Etats-Unis, des
mouvements associés au respect des droits civiques, soutenus par Martin Luther King ont
parfois conduit la population à manifester de manière virulente. L’espace public fut le
témoin de manifestations anti-guerre qui ont « galvanisé une large coalition de la jeunesse
désenchantée ». Le spectre idéologique des mouvements contestataires s’est manifesté
dans des revendications tantôt marxistes, tantôt pacifistes, parfois féministes, ou encore
hippies.
Structuralisme
Ces manifestations d’un mécontentement général au sein des jeunes populations a mené le
monde à l’année 1968, où plusieurs évènements ont stigmatisé la contestation. Cette
année marque le soulèvement de la population tchèque épuisée après vingt ans de
répression menée par l’état soviétique et se trouve face à 500 000 soldats, déployés
pour le triste « printemps de Prague ». En France, les étudiants ont pris d’assaut le campus
universitaire de Nanterre à Paris pour y siéger durant une période de deux mois. Leurs
revendications portaient sur la nécessité de mettre en œuvre de profondes réformes de
l’institution universitaire. Hormis le bouleversement de l’année 1968, les années pop ont
également été marquées par la course pour la conquête de la lune, qui eut de profonds
retentissements dans la vision technologique de certains architectes, dont le groupe
Archigram.
Ces années « pop » sont situées entre 1956 et 1968 et voient l'émergence, « tant aux
Etats-Unis qu'en Europe, de nombreux courants empruntant leur inspiration ou leurs
matériaux à la culture populaire. Les années Pop sont le titre d’une exposition qui s’est
tenue au Centre Pompidou du 15 mars-18 juin 2001, intitulée « Les années Pop »
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
Le courant structuraliste en architecture est multiple et est souvent porté par une série de
groupements ou d’individus dont les réflexions se chevauchent.
Les différentes factions de cette pensée sont associées à différents groupes : les membres
du Team 10, les métabolistes Japonais, le groupe Dutch Forum, les brutalistes anglais, John
Habraken et le groupe de recherche SAR, le groupe technophile Archigram, le GEAM
français, et les architectes allemands Raumstadt. Certains historiens incluent également
Moshe Safdie, proche de la revue Forum, organe de diffusion aux Pays-Bas.
Dans ce pays, nous pouvons observer les deux tendances structuralistes telles que relevées
par Arnulf Lüchinger dans un article de 1976. La première approche est caractérisée par
une « esthétique du nombre », expression qu’il emprunte à Aldo van Eyck. Cette
esthétique fonctionne par la somme d'éléments modulaires standardisés. Dans les travaux
d’Herman Hertzberger, cette approche sera caractérisée par Alison Smithson de
« casbahisme »
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
Cette structure primaire, extensible, ce support indique une distinction entre ce qui est, en
principe, une structure permanente et immuable et les infills, interchangeables et
éphémères. Ceux-ci, en comparaison à la permanence de la structure, opèrent selon un
cycle de vie plus court. Une caractéristique de cette tendance structuraliste est cette
dialectique entre le changement et le permanent.
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
Malgré les différentes conceptions du mouvement structuraliste, ce qui est essentiel à celui-
ci, selon Hertzberger, c’est l’ouverture du système, une incomplétude fondamentale. Pour
l’architecte Hollandais, « le structuralisme sous sa forme authentique ouvre toutes les
perspectives dans lesquelles un bâtiment peut s’ancrer dans son terrain et en même temps
s'accorder à l'incertitude programmatique qui domine tous nos projets du début à la fin.
Un élément essentiel du structuralisme est l'ouverture du système, une incomplétude
fondamentale, plus comme une ville qui change sans cesse qu'une composition
architecturale bien équilibrée, c'est ainsi que les architectes aiment voir leurs bâtiments ».
CRITIQUE DE LA COMPOSITION
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
mégastructuraliste, qui « est issue de l'urbanisme permissif de Team 10. Elle [la
mégastructure] y trouve aussi son approche structurelle ». Le débat autour de la
mégastructure porte l’ambition de « dépasser le fonctionnalisme sociologique du Team
10 : non pas pour chercher des formes architecturales appropriées à la société qui
change, mais pour inventer des systèmes qui représentent et anticipent son changement
lui-même ».
La mégastructure trouve aussi une manifestation exemplaire dans le travail d’architectes
Japonais, incarnant pour certains, « le mouvement le plus excitant du début des années
soixante ». Son utilisation de « vocabulaires organique, scientifique, mécaniste, biologique
et romantique (sublime) pour faire face à un climat d'accélération et d'instabilité », en
appellera à un langage profondément marqué par la croyance des Métabolistes dans les
technologies avancées, une sorte de « techno-utopie ».
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
Arata Isozaki,
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
Bien que, comme l’a souligné Rem Koolhaas, l’ambition du mouvement japonais était de
répondre à « un climat d'accélération et d'instabilité », le caractère éphémère de
l’architecture, son impermanence, fait partie intégrante de la culture japonaise. Cette
démarche est l’expression d’« une esthétique de la mort », qui contraste avec nos
conceptions statiques occidentales, perçues par l’architecte Kisho Kurokawa, comme
l’émanence d’ « une esthétique de l'éternité ». Au Japon, « les sanctuaires d'Ise sont
reconstruits tous les vingt ans sous la même forme, ou dans le même esprit », alors qu’en
Occident, il s’agit « de préserver le temple grec actuel, le matériau original, comme s'il
pouvait durer pour l'éternité ». Cette impermanence est une constante observée au Japon,
notamment en raison de la vulnérabilité de celui-ci, eu égard aux catastrophes, comme
celle du bombardement atomique du Japon, dont Kurokawa fut le témoin, ou encore face
aux conséquences des tremblements de terre dont le territoire nippon est sujet.
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
Hiroshima, 1945
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
Au-delà de ces publications, les membres du groupe se sont penchés sur plusieurs
questionnements, notamment celui du « plus grand nombre » .
Cette interrogation les a conduits à développer des propositions pour des unités de
logements produites en masse, et empilées autour d’un noyau de circulation central. Cette
conception met en exergue la dualité entre une infrastructure et les unités de remplissage
formant les logements, qui « sont prévues pour l'obsolescence » et donc remplaçables.
Peter Cook accentue cette dissociation permanent/éphémère en recourant à l'opposition
hardware/software. Le software constitue la structure primaire qui porte et transporte les
occupants et le hardware comprend les éléments interchangeables (les logements, les
services,...) contenus dans le software.
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
Archigram,
Les différentes manifestations du structuralisme en architecture
Le structuralisme ainsi que le mégastructuralisme sont donc associés à des architectes issus
de cultures différentes. Ils ont tenté de répondre aux enjeux de l’époque, notamment sur
la question de l’habitat pour le plus grand nombre, mais aussi aux enjeux de
transformation et de croissance induits par une société en constante mutation.
De son côté, Archizoom, développe son projet No Stop City. A l’aplomb de Central Park, il
est mis en évidence la surélévation d’un bloc conçu comme une enclave environnementale
libre. Au sein de celle-ci, une trame rigoureuse d’ascenseurs émerge des profondeurs de
la ville, et est en opposition avec la trame plus libre du végétal. Au sein de leur
proposition, la circulation et la climatisation généralisée de No Stop City, exacerbent le
plan libre à l’échelle territoriale. L’approche se fait en effet, non plus à l’échelle de
l’habitation comme ce fut le cas pour Le Corbusier, mais à l’échelle métropolitaine, dans le
cas d’Archizoom. Le tramage du plan est rythmé par l’espacement des ascenseurs et des
WC.
La contre-utopie